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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 10 - Témoignages du 31 mai 2001


OTTAWA, le jeudi 31 mai 2001

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, à qui a été transmis le projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Eldorado Nucléaire Limitée et la Loi sur la participation publique au capital de Petro-Canada, se réunit ce jour à 9 h 16 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Mira Spivak (vice-présidente) occupe le fauteuil.

La vice-présidente: Nous poursuivons ce matin notre examen du projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Eldorado Nucléaire Limitée et la Loi sur la participation publique au capital de Petro-Canada.

Nous accueillons M. Ron A. Brenneman, président-directeur général de Petro-Canada et M. Rob Andras, directeur principal, Communications générales. Je vous invite à faire votre exposé. Je suis certaine que les sénateurs auront des questions à vous poser.

M. Ron A. Brenneman, président-directeur général, Petro-Canada: Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie de nous avoir accordé le privilège de comparaître devant vous aujourd'hui. Nous avons examiné à diverses reprises avec le gouvernement, depuis que Petro-Canada a été privatisée en 1991, les questions traitées dans le projet de loi C-3. Nous sommes en faveur de l'adoption de ce texte législatif. Nous sommes fiers de ce que nous avons accompli jusqu'ici. Du point de vue de la société, l'adoption de ce projet de loi est un important pas en avant, si elle veut continuer de jouer un rôle clé dans l'industrie canadienne.

Les sénateurs sont au courant du rythme accéléré de l'intégration dans le secteur de l'énergie. Il y a eu plusieurs cas qui ont fait les manchettes, le plus récent étant la prise de contrôle de Gulf Canada par la compagnie américaine Conoco.

La cause première de cette intégration est la poursuite de la rentabilité à travers les économies d'échelle et l'avantage qu'apporte l'envergure des opérations sur le marché mondial. Notre industrie fabrique des produits de base et dans ce secteur de production, la réalité veut que l'entreprise dont les coûts sont plus bas parviendra à obtenir, à long terme, des résultats satisfaisants pour les investisseurs, alors que l'exploitant dont les coûts sont moyens ou supérieurs à la moyenne n'y parviendra peut-être pas.

Si l'on veut réussir dans un tel contexte commercial, deux choses dont il est question dans ce projet de loi sont nécessaires.

Premièrement, il faut que nous puissions avoir accès aux marchés des capitaux à des conditions concurrentielles. À l'heure actuelle nous sommes désavantagés par rapport à nos concurrents à cause des restrictions imposées à notre entreprise. Nous sommes la seule société du secteur des hydrocarbures assujettie à de telles restrictions. C'est tout le contraire de ce que l'on constate dans le secteur bancaire, où toutes les banques à charte sont assujetties aux mêmes restrictions en ce qui concerne la propriété du capital. Par conséquent, nous sommes en faveur de la suppression de la restriction applicable à la propriété étrangère des actions de Petro-Canada.

Je puis vous assurer que nous sommes très respectueux du Canada et convaincus de notre identité canadienne. La chose est manifeste si l'on considère le caractère canadien de nos actifs actuels, nos programmes d'investissement pour développer le futur approvisionnement énergétique du Canada, sans oublier notre image de marque et notre présence à l'échelle nationale, qui font de notre entreprise la station-service du Canada.

Deuxièmement, nous devons avoir la flexibilité voulue pour saisir les occasions et conclure des ententes commerciales stratégiques avec des partenaires dans différents domaines de nos activités. Vu que de telles alliances peuvent nécessiter des échanges d'actions, nous avons exprimé notre vigoureux soutien du projet gouvernemental de hausser le plafond de la propriété individuelle de 10 à 20 p. 100. Cela nous permettrait d'envisager des transactions qui passeraient de 1 à 2 milliards, au prix où se négocient nos actions aujourd'hui sur le marché.

Ces changements rétabliraient une plus grande égalité des chances pour Petro-Canada. Dans le cadre de la législation en vigueur, nous croyons pouvoir maintenir, voire améliorer, notre position de principal porte-étendard canadien dans le secteur des hydrocarbures.

Je vous remercie de votre attention et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions ou d'entendre vos commentaires.

Le sénateur Banks: Merci d'avoir accepté de témoigner devant nous.

Petro-Canada inspire à un grand nombre de Canadiens une fierté quasi viscérale. Mais on n'était pas très heureux dans les champs de pétrole quand l'entreprise a été créée. Je me souviens très bien que l'on appelait alors «la place Rouge» le siège social de Petro-Canada à Calgary. Pourtant, un grand nombre de Canadiens se réjouissaient du fait que d'une façon très symbolique, Petro-Canada nous assurait une présence sur la scène mondiale, dominée par des sociétés qui n'étaient pas canadiennes. Les Canadiens, c'est compréhensible quoi que pas nécessairement réaliste, sont naturellement portés à vouloir que Petro-Canada reste sous contrôle canadien.

L'abolition des restrictions applicables à la propriété étrangère et la hausse à 20 p. 100 de l'actionnariat individuel maximum autorisé signifient qu'en théorie du moins, cinq entités étrangères pourraient posséder complètement Petro-Canada. Est-ce bien cela?

M. Brenneman: Non. Le projet de loi n'autorise qu'un actionnariat de 20 p. 100. Il y a également une disposition qui empêcherait un consortium d'accumuler plus de 20 p. 100 des actions et en fait de prendre le contrôle de l'entreprise à travers un arrangement de type subversif.

Le sénateur Banks: Je ne parlais pas de transactions qui auraient quelque chose de machiavélique. Mais je ne fais pas non plus nécessairement allusion à un consortium. Toutefois, cinq personnes ou cinq entités différentes pourraient, en théorie, finir par détenir Petro-Canada. Il n'y a aucune restriction concernant la propriété étrangère, et la limite de 20 p. 100, donc cinq fois 20 donne 100 p. 100.

M. Brenneman: Mathématiquement c'est exact. Toutefois, en l'occurrence, la chose n'est vraie qu'en théorie.

Le sénateur Banks: Dans les affaires, une fois que les gants sont tombés et que les restrictions sont supprimées, tout est envisageable. Il est possible que cinq entités étrangères finissent, pour cinq raisons totalement différentes et à cause d'intérêts totalement différents, par détenir éventuellement Petro-Canada.

À ce que je sache, il y a toujours des restrictions concernant le droit de vote associé à ces actions. C'est bien cela?

M. Brenneman: Non, les restrictions concernant le droit de vote se rapportent à la question de la propriété. Il n'existe donc pas de restriction au droit de vote. Toutes les actions de Petro-Canada seraient sur un pied d'égalité, c'est-à-dire qu'il y aurait un vote par action.

Le sénateur Banks: Hypothétiquement, pour des raisons non pas malveillantes, mais parfaitement légitimes et autorisées dans ce projet de loi, cinq individus ou compagnies situées à Londres ou New York ou n'importe où ailleurs pourraient finir par être propriétaires de Petro-Canada.

Il y a une restriction qui stipule, autant que je sache, qu'il doit y avoir une majorité d'administrateurs canadiens, peu importe qui est propriétaire. Est-ce bien cela?

M. Brenneman: C'est exact.

Le sénateur Banks: Le siège social restera à Calgary.

M. Brenneman: C'est cela.

Le sénateur Banks: Je cherche à obtenir certaines assurances concernant le siège social et la présence d'administrateurs canadiens. Je crois comprendre que 75 p. 100 de ces administra teurs doivent être canadiens. Ai-je bien compris?

M. Brenneman: Je crois que c'est cela.

Le sénateur Banks: J'ai connu une entreprise dont le siège social se trouvait à Edmonton. Ce siège social, c'était deux pièces: une secrétaire en occupait une et parfois, le président de la compagnie s'assoyait dans l'autre. Les centaines de personnes qui, effectivement, géraient l'entreprise se trouvaient partout ailleurs. Il y en avait à Toronto, à Montréal et à Vancouver. Le siège social était à Edmonton, ce qui signifie que les documents officiels étaient adressés là et que les avis de convocation venaient d'Edmonton. Toutefois, l'essence de la société était ailleurs qu'à Edmonton.

Est-ce possible, en théorie, que cela arrive à Petro-Canada? L'entreprise pourrait-elle renoncer à une présence active à Calgary et ne posséder qu'un siège social en titre ou putatif et transférer ses activités ailleurs? N'est-il pas, au moins en théorie, possible que la composition du capital qui, actuellement, interdit ce genre de chose pour des raisons pratiques, change?

Les changements prévus dans ce texte législatif portent également sur la vente des biens de commercialisation et de production. La restriction a été supprimée dans les deux cas, ce qui a pour conséquence d'élargir la marge de manoeuvre de la société en ce qui concerne les dessaisissements d'actifs. Si, par exemple, elle décidait de se départir de ses activités de détail au profit de quelqu'un d'autre, elle pourrait tout simplement s'en dessaisir.

Je voudrais que l'on me rassure et que l'on me dise que ce genre de chose ne risque pas de se produire sur le long terme. Je parle de la transformation du siège social de Calgary en siège social qui n'en aurait que le nom. Je parle des changements susceptibles d'intervenir dans la propriété de Petro-Canada, qui appartient actuellement majoritairement à des intérêts canadiens, suite à des offres majorées de rachat des parts. Je crains que le patrimoine de la société n'évolue du fait qu'il devient possible de s'en départir et que l'on découvre que la société aurait intérêt à investir dans le pétrole sous-marin à un endroit ou un autre. Pour le moment, je me bats contre des fantômes, mais les choses dont je parle pourraient arriver si ce projet de loi est adopté. Dans quelle mesure peut-on être assuré que ces choses-là ne se produiront pas? Dans quelle mesure peut-on avoir confiance dans les assurances que l'on nous donne que le caractère canadien de Petro-Canada ne sera pas gravement mutilé?

M. Brenneman: Pour que se réalise le scénario que vous avez décrit, il faudrait une prise de contrôle réelle de la société par les cinq firmes qui, selon votre théorie, deviendraient un jour propriétaires de la société. Si ces firmes agissaient de concert pour prendre le contrôle de Petro-Canada, ce serait au conseil d'administration de décider ou non de laisser faire. En fait, si le conseil d'administration jugeait que les firmes en question planifiaient une prise de contrôle, il aurait effectivement la possibilité de bloquer cette initiative en se basant sur le fait qu'elle contrevient aux dispositions de la loi actuelle.

Le sénateur Banks: J'en conviens. Comprenons-nous bien: je ne fais pas allusion à quoi que ce soit de machiavélique. Cela peut très bien ne pas se produire d'un seul coup. Présumons que ces intérêts de 20 p. 100 soient achetés au moins à cinq ans d'intervalle par cinq entités étrangères indépendantes et sans lien d'intérêts.

M. Brenneman: Si ces cinq entités devaient agir de concert, ce qui serait indispensable pour que se réalise le scénario que vous décrivez, les administrateurs pourraient alors considérer qu'il s'agit en fait d'un consortium. Cette décision contrecarrerait l'initiative de ces cinq entités.

Le sénateur Banks: Soixante-quinze pour cent des administra teurs.

M. Brenneman: Le corollaire est que 75 p. 100 des administrateurs doivent être canadiens, et que l'on s'attend donc non seulement à ce qu'ils agissent dans le meilleur intérêt des actionnaires, mais qu'ils démontrent, par leur action, que l'entreprise est canadienne et qu'il s'agit d'une société au sein de laquelle la présence canadienne est très forte.

Les actifs de la société se trouvent pratiquement tous au Canada. Il ne s'agit pas d'actifs mobiles. On parle de stations- services, de raffineries et de terres pétrolifères. Par conséquent, il n'est pas possible de changer le caractère de cette société par rapport à ce qu'il est aujourd'hui, autrement qu'en étendant ses activités en dehors du Canada. Toutefois, le noyau sera toujours des actifs canadiens et une société canadienne.

Il est dans l'intérêt du Canada et des Canadiens de posséder de solides sociétés canadiennes, que ce soit dans cette industrie ou dans n'importe quelle autre. Afin que cette société puisse être concurrentielle dans ce secteur, puisse se développer, prospérer et rester active, elle ne peut pas être exposée aux désavantages qui découlent des restrictions relatives à la propriété et à l'accès aux marchés des capitaux qui lui sont imposées aujourd'hui.

Au pire, si l'on souhaite empêcher que l'un ou l'autre de ces scénarios se réalise, on pourrait mettre en place des contraintes qui s'ajouteraient à celles qui existent aujourd'hui et se retirer ensuite l'esprit tranquille. La réalité, toutefois, est que vous vous retrouveriez avec une société qui, au fil du temps, dépérirait, au lieu de se développer. Elle ne prospérerait pas. Il est important que la société jouisse de la marge de manoeuvre que ce projet de loi envisage, pour lui permettre de se développer et de prospérer, et de représenter le Canada non seulement à l'échelle nationale, mais également sur le marché international.

Le sénateur Banks: Savez-vous dans quelle mesure Petro-Ca nada appartient à des Canadiens?

M. Brenneman: C'est de l'ordre de plus de 80 p. 100.

Le sénateur Christensen: À l'heure actuelle, Petro-Canada fait partie d'un petit groupe d'entreprises qui bénéficient de certaines exemptions en vertu des dispositions de l'ALENA relatives au traitement égal des investisseurs individuels améri cains, mexicains et canadiens. Ces changements modifieront-ils ce statut?

M. Brenneman: Autant que je sache, nous ne jouissons pas d'un statut particulier en vertu de l'ALENA.

Le sénateur Christensen: Je crois savoir que si, et je me demandais dans quelle mesure ces changements affecteraient ce statut.

Le sénateur Kelleher: Je pose ma question à la demande du président du comité, qui n'a pu être présent ici aujourd'hui. Comme mon collègue, le sénateur Banks, le président est préoccupé par le maintien du caractère canadien de l'entreprise. Ses craintes sont centrées sur les dispositions qui se rapportent au conseil d'administration. Bien qu'il existe des dispositions qui stipulent qu'un nombre X de membres du conseil doivent être canadiens, il a connu des cas où des Canadiens siégeaient à certains conseils d'administration comme personnes désignées par des actionnaires américains, simplement à cause du règlement.

Par exemple, même en vertu des dispositions modifiées de la Loi sur les corporations canadiennes, que nous avons adoptée il y a à peu près un mois, un certain pourcentage d'administrateurs doivent être canadiens. Disons qu'en tant qu'avocat, j'ai été désigné simplement pour remplir le quota. Bien qu'en vertu de la loi, j'aie le devoir d'agir dans le meilleur intérêt des actionnaires, je suis aussi administrateur désigné, et je dois faire attention à qui m'a nommé. Voilà ce qui préoccupe notre président qui se demande s'il ne vaudrait pas mieux que le gouvernement canadien conserve la prérogative de nommer lui-même un nombre minimum d'administrateurs canadiens. Pourriez-vous nous faire part de vos observations à cet égard?

M. Brenneman: Premièrement, il faut considérer les exigences en matière de composition du conseil, parallèlement à la restriction relative à la propriété. Encore une fois, dans le cadre de ce scénario théorique, on pourrait se retrouver avec un propriétai re étranger possédant 20 p. 100 des actions de Petro-Canada qui pourrait insister pour avoir un ou deux sièges, au prorata. Cela ne concernerait toujours qu'un ou deux sièges, alors qu'il s'agit d'un conseil qui doit compter un minimum de neuf administrateurs, un maximum de treize, l'idéal ayant été fixé à onze. Cela n'équivaut donc pas du tout à prendre le contrôle du conseil. Cela ne signifie pas que les administrateurs en question ne pourraient pas voter d'une manière qui ne va pas dans le sens des intérêts de la présence canadienne, mais cela ne constituerait toujours pas une prise de contrôle du conseil.

En ce qui concerne votre deuxième remarque, à propos des nominations par le gouvernement, je ne pense pas que le gouvernement devrait être représenté d'une autre manière qu'en fonction de son actionnariat. Aujourd'hui, le gouvernement possède 18 p. 100 et des poussières de Petro-Canada et, par voie de conséquence, a le droit de nommer un représentant au conseil. C'est ce qu'il fait. Je ne pense pas que la situation devrait changer de quelque façon que ce soit simplement à cause de l'origine de Petro-Canada, qui à un moment donné était une société d'État. Je ne pense pas que cela serait dans le meilleur intérêt de Petro-Canada.

Je pense que les membres du conseil d'administration de Petro-Canada devraient être choisis selon leur mérite et non simplement être désignés ou nommés.

Le sénateur Cochrane: Je me demande, dans le prolongement de la question du sénateur Kelleher, combien d'administrateurs non résidents a-t-on?

M. Brenneman: Nous avons un administrateur canadien qui habite à Saint-Louis. C'est le seul sur les onze membres du conseil.

Le sénateur Cochrane: Y a-t-il des administrateurs étrangers?

M. Brenneman: Les onze membres du conseil sont canadiens. L'un d'entre eux habite aux États-Unis, car il dirige une entreprise qui est basée là-bas.

Le sénateur Cochrane: Si la loi est modifiée, cela signifie-t-il que vous auriez ces 25 p. 100 des droits de vote? Y aurait-il un administrateur supplémentaire de l'extérieur qui siégerait au conseil?

M. Brenneman: Non, le nombre d'administrateurs est indépendant des restrictions sur la propriété dont nous parlons. Selon la loi, le nombre d'administrateurs doit se situer entre neuf et treize, l'objectif étant qu'onze sièges soient occupés. La flexibilité est là pour permettre à la compagnie d'attirer de nouveaux administrateurs quand des sièges sont à pourvoir. De cette façon, il est possible d'avoir jusqu'à douze ou treize administrateurs, en prévision des départs à la retraite ou autres, ce qui fait qu'il y aura des éventuellement des sièges à pourvoir.

Le sénateur Cochrane: Les administrateurs seront-ils toujours canadiens?

M. Brenneman: Selon la Loi sur la participation publique au capital de Petro-Canada, 75 p. 100 des membres du conseil d'administration doivent être canadiens.

Le sénateur Cochrane: Et qu'en est-il des autres 25 p. 100?

M. Brenneman: Les autres 25 p. 100 peuvent être étrangers.

Le sénateur Banks: Sur un conseil de douze membres, il peut y avoir trois non-Canadiens.

Le sénateur Adams: J'ai travaillé à Petro-Canada dans les années 80. Maintenant, ils liquident tout à Petro-Canada. Et tout cela, c'est pour le bien de l'entreprise. Elle est maintenant propriétaire de gisements de gaz naturel dans le Grand Nord et elle ne peut pas y avoir accès, et les Américains veulent mettre la main dessus. Le gouvernement du Nunavut a peur que les entreprises privées prennent le contrôle du gaz naturel. Qu'en est-il?

M. Brenneman: Même s'il y a des ressources gazéifères dans le Grand Nord, elles nous intéressent moins car leur développement est envisagé à plus long terme. La majorité des réserves gazéifères du delta du Mackenzie sont situées dans trois grands champs de gaz et appartiennent à Imperial Oil, Shell, Exxon-Mobil et maintenant Conoco, qui s'appelait avant Gulf Canada. Toutes ces sociétés appartiennent à des intérêts étrangers. Petro-Canada possède une participation dans six grandes concessions d'exploration dans le delta du Mackenzie d'une superficie totale d'un peu plus d'un million d'acres.

Nous avons lancé un programme d'exploration dans cette région. L'an dernier, nous avons foré un premier puits dans le delta du Mackenzie, et notre plan de programme prévoit que nous investirons entre 50 et 70 millions de dollars par an dans la région pour déterminer ce que valent les six licences dont nous sommes titulaires. Nous espérons que nous découvrirons quelque chose d'intéressant qui s'ajoutera aux réserves qui ont déjà été découvertes par les quatre grandes sociétés américaines.

Ce projet de loi nous donne la flexibilité voulue pour financer des dépenses qui nous permettront de donner suite à ces engagements, et nous espérons découvrir des réserves qui assureront notre présence dans l'Arctique. Nous sommes sans doute la seule d'une poignée de sociétés canadiennes qui souhaitent établir une présence dans cette région.

Le sénateur Adams: Dans l'intervalle, plusieurs des revendications territoriales ont été réglées. Quel pourcentage de cette région est inclus dans les ententes touchant les revendications territoriales? Avez-vous établi des partenariats avec ces organismes?

M. Brenneman: Deux des six concessions d'exploration sont situées sur le territoire inuvialuit. Dans ces cas-là, c'est avec le peuple inuvialuit que les arrangements pour l'exploration ont été faits. Dans les quatre autres cas, il s'agit de licences fédérales et les ententes ont été conclues avec le gouvernement canadien.

Le sénateur Adams: Vous parlez des intérêts détenus par des Canadiens. Est-ce que l'entente avec le peuple inuvialuit couvre une partie des 75 p. 100?

M. Brenneman: Les 75 p. 100 concernent la composition du conseil d'administration de Petro-Canada. Tout se tient, mais ce n'est pas lié directement à la propriété foncière dans le delta du Mackenzie.

Le sénateur Adams: On parle des gens qui sont sur place et qui sont propriétaires d'un pourcentage du pétrole et du gaz que renferme le sous-sol, pas de la société.

M. Brenneman: Les quatre sociétés que j'ai mentionnées sont propriétaires des réserves qui sont dans le sous-sol.

Le sénateur Adams: Les Inuvialuits et les Gwich'ins ont récemment conclu une entente au sujet de revendications relatives aux lois qui concernent les territoires à l'intérieur et autour du delta du Mackenzie. Vu que les activités d'exploration se poursuivent, si des sociétés découvrent du pétrole et du gaz, quelle est l'entente avec les peuples inuvialuit et gwich'in?

M. Brenneman: Quand une découverte est faite sur le territoire inuvialuit, les Inuvialuit y sont intéressés pare le biais d'une redevance.

Le sénateur Watt: Selon vous, après l'adoption du projet de loi C-3, le gouvernement fédéral vendra-t-il sa participation de 18 p. 100 dans Petro-Canada?

M. Brenneman: Depuis le lancement de la privatisation, les autorités fédérales ont toujours maintenu que leur intention était éventuellement de se débarrasser de toutes les actions du gouvernement.

Le sénateur Watt: Est-il sûr à 100 p. 100 qu'elles agiront de la sorte?

M. Brenneman: Je vais les prendre un mot et j'espère que le gouvernement tiendra parole.

Même si le projet de loi supprime certains des désavantages que nous imposent les restrictions sur la propriété, nous serons toujours pénalisés sur le marché à cause de la participation du gouvernement et de l'incidence que cela a sur la valeur des actions. Cela peut avoir un effet déséquilibrant et lorsque c'est le cas, il y a une conséquence négative sur les actions de Petro-Canada. Un tel effet se produit lorsqu'un important actionnaire déclare qu'il veut mettre ses actions sur le marché alors qu'au même moment, un autre grand actionnaire envisage accroître sa position en achetant plus d'actions. Le second actionnaire peut choisir d'attendre jusqu'à ce que le bloc d'actions soit mis sur le marché, puisqu'un tel bloc doit être vendu au-dessous du cours.

Le sénateur Watt: En ce qui concerne les 18 p. 100 d'actions détenues par le Canada, comment seront-elles vendues?

M. Brenneman: Je n'en ai aucune idée.

Le sénateur Watt: L'ensemble sera-t-il découpé en sections, ou vendu en un seul bloc? Si les actions étaient vendues en un seul bloc, quelle en serait la valeur?

M. Brenneman: Je n'ai aucune idée de la façon dont ils ont l'intention de procéder en la matière. Il faudrait que vous demandiez au ministère des Finances ou peut-être à M. Goodale.

Le sénateur Watt: Est-ce que les administrateurs qui représentent le secteur privé au conseil pourraient avoir une influence quelconque sur la façon dont le gouvernement procède?

M. Brenneman: Non, absolument pas. Le gouvernement fédéral est un actionnaire comme un autre, et il prendra lui-même sa décision sur la façon dont il procédera pour se départir de ses actions quand il jugera le moment opportun.

La valeur de ces actions aujourd'hui, puisqu'il y en a à peu près 49 millions à 40 $, est d'environ 2 milliards de dollars.

Le sénateur Watt: S'il y a un intérêt qui se manifeste au Canada dans le secteur privé, qui pourrait très bien être le secteur privé autochtone, comment le conseil d'administration réagirait- il? Serait-il prêt à négocier avec le gouvernement fédéral les questions relatives à une prise de contrôle?

M. Brenneman: Nous n'aurions aucune objection à cet égard. Notre plus gros actionnaire détient environ 6 ou 7 p. 100 de Petro-Canada. Nous avons plusieurs actionnaires qui possèdent 4 ou 5 p. 100 de Petro-Canada. Telle est la nature du marché financier de nos jours. Quand une grande institution décide de prendre une participation dans une entreprise, cette institution finit inévitablement par détenir une importante participation; autrement cela ne ferait aucune différence dans ses résultats comptables.

Un nouvel actionnaire qui détiendrait jusqu'à 18 p. 100 de la société ne ferait aucune différence pour nous.

Le sénateur Watt: Du côté autochtone, on achète parfois des actions, pas sur une base individuelle, mais sur une base collective. Cela serait-il préoccupant pour le conseil d'administration?

M. Brenneman: Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question.

Le sénateur Watt: Quand je parle d'une «base collective», il ne s'agit pas véritablement d'une société d'État, mais d'une société qui appartient à tout le monde, dans le sens où les gens qui sont propriétaires ne touchent pas de dividende. Ils sont uniquement propriétaires en titre de la société. Une telle société pourrait vouloir développer ses intérêts en achetant des actions. C'est ce que je veux dire quand je parle de base «collective» par opposition à «individuelle».

M. Brenneman: Je ne suis pas sûr de bien saisir; faites-vous allusion à des institutions financières comme des caisses de retraite ou des fonds mutuels?

Le sénateur Watt: Non, je parle de sociétés autochtones comme la Makavik Corporation et la Société inuvialuit de développement.

M. Brenneman: Cela ne nous préoccuperait aucunement.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Je ne fais pas partie de ce comité, mais j'ai une question à vous poser. Vous y avez peut-être déjà répondu. Quels seraient les bénéfices pour la Conoco si ce projet de loi était adopté? Quels sont les véritables bénéfices durables que cette loi va garantir à la Conoco?

[Traduction]

M. Brenneman: Les avantages pour Petro-Canada seraient doubles. Ils découleraient de deux choses. Premièrement, il y aurait la suppression de la restriction relative à la propriété étrangère des actions de Petro-Canada. Quand nous discutons sur le marché avec des actionnaires potentiels de Petro-Canada, nous nous retrouvons parmi de nombreuses sociétés qui essaient de se vendre. Nous avons une excellente histoire à raconter. Toutefois, aux États-Unis, lorsque nous discutons avec des actionnaires américains - fonds institutionnels ou fonds mutuels -, nous devons nous singulariser d'une manière ou d'une autre afin qu'ils s'intéressent à nous.

L'une des difficultés provient de la complication qu'entraîne la propriété des actions subalternes par des actionnaires non canadiens. Même si nous avons une belle histoire à leur raconter, une restriction concernant la propriété de nos actions qui limite le droit de vote qui y est associé amène un actionnaire américain à conclure que c'est un désavantage. L'investisseur se tournera vers d'autres débouchés.

Ces grandes institutions verront l'avantage d'investir une partie de leurs fonds dans le secteur de l'énergie, que ce soit dans des sociétés américaines, européennes ou canadiennes. La concurrence est vive pour les attirer. Elles choisiront les sociétés qui offrent les meilleures garanties et qui ont une structure financière simple. C'est très important pour nous.

Le sénateur Kenny: Y a-t-il une disposition qui empêche Petro-Canada de faire une offre au gouvernement?

M. Brenneman: La Loi sur les valeurs mobilières nous impose des restrictions pour ce qui est de faire une offre à un actionnaire en particulier.

Le sénateur Kenny: Une offre que vous ne faites à personne d'autre?

M. Brenneman: Tout à fait. Nous devons faire très attention même à ce que nous disons à ce propos.

La vice-présidente: Quelle proportion de vos réserves actuel les a été découverte grâce aux subventions du PESP, accordées dans le cadre du Programme énergétique national? Quels revenus en tireront les gouvernements provinciaux sous forme de redevances et qu'obtiendra le gouvernement fédéral en impôt sur le revenu tiré de cet investissement si le projet de loi C-3 est adopté et s'il ne l'est pas? Cela fait-il une différence?

M. Brenneman: Les réserves qui ont été découvertes par Petro-Canada grâce aux subventions du PESP sont très modestes. De petits gisements éparpillés et quelques petits champs au large des côtes de Beaufort sont à peu près ce qui est dû à ce programme. Ces réserves n'auront aucune valeur significative pour la société aujourd'hui, car l'exploitation à terre dans le delta du Mackenzie se développera bien avant que l'on entreprenne quoi que ce soit en mer. La valeur de ces réserves est très minime.

La vice-présidente: Vous bénéficiez continuellement de subventions à l'exploration du gouvernement fédéral.

M. Brenneman: Non. J'ai décrit les six concessions que nous avons prises. Il y a eu deux ou trois ventes de terre concurrentielles au cours des 18 derniers mois. Nous étions en compétition pour ces concessions, comme n'importe quelle autre société.

La vice-présidente: Vous voulez dire qu'aucune de vos explorations pétrolières ou gazéifères ne bénéficie d'une subven tion à l'exploration?

M. Brenneman: Il n'y a aucun favoritisme à l'égard de Petro-Canada de la part du gouvernement fédéral.

La vice-présidente: Obtenez-vous des concessions?

M. Brenneman: Nous les obtenons par le biais du processus d'appels à la concurrence.

Le sénateur Kenny: La question concernait les subventions financières qui sont disponibles.

M. Brenneman: Je m'excuse. Vous parlez de subventions financières. Je pensais que vous parliez de droits miniers. Non, aucune subvention à l'exploration n'est disponible.

La vice-présidente: Vous ne recevez pas de subvention du gouvernement?

M. Brenneman: Non.

La vice-présidente: Vous parlez d'accès concurrentiel. C'est le principal argument que vous avancez en faveur de cette réduction du plafond de la propriété individuelle.

Ne vous ai-je pas entendu dire que la plupart de vos actionnaires détenaient de 4 à 6 p. 100 du capital?

M. Brenneman: Non, j'ai dit que nous avions plusieurs actionnaires qui détenaient de 4 à 6 p. 100 du capital.

La vice-présidente: Est-ce que la plupart de vos actionnaires sont à 10 p. 100?

M. Brenneman: Nous avons deux actionnaires qui se situent dans la fourchette de 7 ou 8 p. 100, plusieurs dans celle de 3 à 4 p. 100 et un grand nombre d'intérêts dispersés.

La vice-présidente: Donc, pour résumer votre réponse aux questions du sénateur, vous comptez sur de grandes institutions comme les fonds mutuels pour contribuer à des crédits d'investissement. C'est foncièrement ce que vous recherchez. Vous ne visez pas vraiment, avec le niveau de 20 p. 100, les actionnaires individuels et certainement pas les actionnaires individuels canadiens.

M. Brenneman: Nous cherchons généralement à placer la plupart de nos actions auprès de grandes institutions, car on trouve chez elles des gens à qui on peut s'adresser directement et qui prendront des décisions qui peuvent faire toute la différence au niveau de la participation.

La vice-présidente: Êtes-vous en train de nous dire que si vous avez accès à plus de capital, la société se développera et qu'alors, les actionnaires secondaires qui resteront, advenant que les grands fonds mutuels ne les rachètent pas, feront de l'argent sur leurs actions grâce à la croissance de la société? Est-ce bien cela?

M. Brenneman: Chaque actionnaire bénéficie d'un tel développement dans la même mesure.

La vice-présidente: Toutefois, certains actionnaires sont plus égaux que d'autres. Ma question sous-jacente est la suivante: de quelle façon les Canadiens vont-ils en profiter? Pour une part, on le sait déjà. Ils peuvent s'accrocher à leurs actions et ne pas se laisser convaincre de s'en séparer.

M. Brenneman: Plus de 80 p. 100 de notre actionnariat se trouve au Canada. Certaines des participations sont détenues par des particuliers et d'autres par des fonds mutuels, qui à leur tour appartiennent à des particuliers. Il ne faut pas considérer que ces fonds mutuels sont de n'importe quel autre actionnaire. Et c'est vrai que chaque actionnaire retire les mêmes avantages. Il n'y a aucune distinction entre les uns et les autres. La seule distinction serait le moment auquel ils ont acheté leurs actions et le prix qu'ils peuvent les avoir payées. Mais tout le monde bénéficie également du prix actuel des actions.

Quatre-vingt pour cent de 120 millions d'actions sont détenues au Canada. Chacun de ces actionnaires sera avantagé si cette société se développe et prospère.

La vice-présidente: Vous pensez que les actions continueront d'être détenues par des Canadiens même dans cette situation?

Il y a quelque chose de contradictoire. Si vous vous attendez à une augmentation des investissements par les fonds mutuels, je suppose que ces investissements viendront probablement des États-Unis. Les actionnaires canadiens pourraient tous détenir une participation de 10 p. 100 s'il y avait un tel appétit au Canada pour vos actions. Or, vous vous tournez vers les actionnaires américains.

La question que je vous pose est la suivante: est-ce qu'à l'avenir, cela bénéficiera non pas aux actionnaires canadiens, mais aux Canadiens?

M. Brenneman: Ce sera à l'avantage à la fois du Canada et des actionnaires canadiens. Une fois supprimée cette restriction, nous n'aurons plus aucun contrôle sur le nombre de nos actions qui sont détenues au Canada par rapport à l'étranger.

On peut voir ce qui cela a donné dans le cas d'autres sociétés canadiennes auxquelles ne s'appliquait pas cette restriction et dont la participation étrangère - si l'on prend l'exemple de Suncor - se situe à environ 30 p. 100.

Ce pourrait fort bien être ce qui arrivera à Petro-Canada. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un pourcentage exceptionnellement élevé. Il y aura toujours une majorité d'actionnaires qui résident au Canada, tout simplement parce qu'il s'agit d'une société canadienne. Nos actifs sont majoritairement canadiens. Nous sommes mieux connus au Canada que n'importe où ailleurs dans le monde. À condition que nous maintenions la qualité des investissements, comme nous avons pu le faire jusqu'à présent, les institutions canadiennes continueront de souhaiter détenir des actions de Petro-Canada. Par voie de conséquence, les Canadiens bénéficieront simultanément de la croissance de l'entreprise.

Le sénateur Kenny: Je n'ai pas compris votre remarque concernant les discussions directes avec les actionnaires.

M. Brenneman: Il y a de grandes institutions, qui soit détiennent nos actions actuellement, soit sont d'éventuels actionnaires, et auxquelles nous nous adressons expressément pour discuter des activités de Petro-Canada.

Le sénateur Kenny: Comment assurez-vous qu'elles n'obtiennent pas ainsi de l'information qui n'est pas fournie aux autres actionnaires?

M. Brenneman: Il y a des règles de divulgation strictes, qui deviennent d'ailleurs de plus en plus strictes, pour nous empêcher de communiquer à ces actionnaires des informations que nous ne transmettrions pas à notre actionnariat en général. Habituellement, nous réunissons un petit nombre de ces actionnaires potentiels. Nous faisons une présentation, laquelle est en fait diffusée sur notre site Web, de manière à ce que tous les actionnaires aient accès à la même information.

Le sénateur Banks: Pour poursuivre dans la même veine que la présidence, je suppose que l'un des moyens, et ce ne sera pas le seul, que vous utilisez pour vous procurer des capitaux est de vendre des actions venant de la trésorerie de la société.

M. Brenneman: C'est exact.

Le sénateur Banks: Je ne sais pas combien vous avez de classes d'actions ni quels types d'actions vous vendez pour lever des capitaux. Je crois comprendre que vous commencerez à vendre des actions immédiatement après l'adoption de ce projet de loi.

Ces ventes de nouvelles actions de la trésorerie de la société n'auront-elles pas pour effet de doubler la valeur des actions des actionnaires actuels? Si toutes les nouvelles actions pour lever des capitaux sont vendues à des Canadiens, cela aura quand même pour effet de diluer les actions. Tout actionnaire qui achète des actions d'une société sait que si des actions de la trésorerie sont revendues, leur actionnariat risque d'être dilué. La question qui se pose est celle du caractère canadien de l'ensemble de l'actionnariat.

Aujourd'hui 80 p. 100 de vos actions, soit 96 millions de vos 120 millions d'actions, appartiennent à des Canadiens. Qu'arriverait-il si vous souscriviez une importante offre d'actions communes à la bourse de New York et si toutes ces actions aboutissaient sur des marchés étrangers? Dans quelle mesure ces ventes d'actions pour lever des capitaux dilueraient-elles le caractère canadien de l'ensemble de l'actionnariat de la société?

M. Brenneman: Commençons par le commencement.

Nous avons aujourd'hui deux classes d'actions. Il y a les actions ordinaires que peuvent acheter les Canadiens. Ce sont strictement des actions «une voix, une action». Nous avons des actions à droit de vote restreint qui doivent appartenir à des non-Canadiens. C'est la situation à laquelle nous tentons d'échapper par le biais du projet de loi C-3.

Si le projet de loi C-3 est adopté, nous n'aurons plus qu'une seule classe d'actions. Tous les actionnaires seront égaux, avec une action, une voix.

Nous ne projetons pas d'émettre des actions pour le moment. Il n'entre pas dans notre intention de nous précipiter pour augmenter le capital par l'émission d'actions une fois le projet de loi C-3 adopté. En fait, nous n'avons pas besoin de capital à l'heure actuelle.

Toutefois, si nous procédions à l'avenir à une émission d'actions, vous avez raison de dire que cela diluerait l'actionnariat actuel. Cependant, les émissions d'actions ont pour objet de financer de nouveaux programmes d'investissement qui, à leur tour, aboutissent à un meilleur rendement pour les actionnaires. Autrement, on n'aurait pas besoin de capitaux au départ.

Le fait est que cela diluerait également le portefeuille de tous nos actionnaires, car chaque actionnaire aurait alors une représentation équivalente dans Petro-Canada.

La vice-présidente: Notre prochain témoin est Anil Naidoo, du Conseil des Canadiens.

M. Anil Naidoo, chargé de campagne, Conseil des Canadiens: Mesdames et messieurs les sénateurs, le Conseil des Canadiens est un groupe de défense d'intérêts publics apolitique qui s'intéresse principalement aux questions commerciales. Je m'occupe du dossier de l'énergie. Le projet de loi C-3 est l'une des questions qui nous préoccupe, mais plutôt dans la perspective globale du secteur énergétique au Canada.

Le projet de loi C-3 concerne la propriété étrangère de ce que les gens considèrent comme une industrie essentielle. Les partisans de ce projet de loi soutiennent qu'il concerne la compétitivité et les bénéfices. Même si là était la question, pensez que Petro-Canada vient de réaliser les bénéfices nets les plus élevés de son histoire, soit 893 millions de dollars, ou encore plus de 3,28 $ par action en l'an 2000. On peut comparer au chiffre de 1999 qui était de 233 millions ou 86 cents l'action. J'affirme que Petro-Canada obtient d'excellents résultats dans le cadre de la législation actuelle.

Je soutiens que Petro-Canada n'est pas une société comme les autres. Elle a été créée par un acte du gouvernement. Elle a été un instrument de la politique gouvernementale, et considérer Petro- Canada comme une compagnie pétrolière traditionnelle ou normale équivaut à dire que la Société Radio-Canada est un radiodiffuseur ordinaire.

Le moment est bien choisi pour examiner ce projet de loi, puisque nous venons d'assister à la plus importante prise de contrôle d'une société énergétique canadienne. Je veux parler de l'achat par Conoco de Gulf Canada, l'une des plus anciennes sociétés indépendantes du Canada. Chose intéressante, Conoco a déboursé un somme astronomique, 35 p. 100 de plus que le cours de clôture des actions. Cela annonce d'autres prises de contrôle de sociétés canadiennes dans le cadre d'une offensive des sociétés étrangères pour avoir accès à des réserves pétrolières sans être obligées de procéder à des forages. Les réserves sont disponibles. Les sociétés étrangères préfèrent se prévaloir de l'effet de levier du dollar américain par rapport au dollar canadien pour avoir accès à ces réserves et, à cause de l'ALENA, nous n'avons aucun contrôle sur l'exode de notre énergie vers les États-Unis.

En ce qui a trait au projet de loi C-3, j'aimerais parler spécifiquement de Petro-Canada. Petro-Canada est sur le point de devenir un acteur secondaire de l'histoire canadienne. Ce sera comme le Programme énergétique national. Elle finira par n'être plus que la trace de nos tentatives pour affirmer notre souveraineté sur un secteur qui est vital pour notre intérêt national, notre sécurité et notre survie.

Le Canada est un pays inhabitable à moins de pouvoir utiliser notre combustible fossile. Cela sera perçu comme une tentative qui a échoué. Elle a échoué à cause des politiciens, des intérêts particuliers des provinces et du poids écrasant de l'idéologie libérale qui a dominé l'époque des Reagan, Thatcher et Mulroney et qui continue de peser de tout son poids.

Quel que soit votre sentiment à l'égard de la mondialisation ou du marché libre, nous devons mettre en place des garde-fous afin de protéger les secteurs indispensables au bien commun. À mon humble avis, l'énergie, au Canada, fait partie de ces secteurs.

Le projet de loi C-3 est l'avant-dernier coup porté pour mettre fin à une initiative de politique gouvernementale qui a effectivement trépassé lors de la signature de l'Accord de l'Ouest en 1985. Le coup de grâce sera donné quand ce gouvernement donnera suite à son intention déclarée de vendre sa participation de 18,2 p. 100 qui représente son dernier lien avec Petro-Canada.

L'Accord de l'Ouest, bien qu'il soit techniquement toujours en vigueur, est ignoré depuis longtemps par suite des accords commerciaux qui ont été signés depuis. L'Accord de l'Ouest prévoyait que dans l'éventualité d'une forte augmentation des prix internationaux du pétrole, le gouvernement fédéral, après consultation des provinces de l'Ouest, prendrait les mesures appropriées pour protéger les intérêts canadiens.

L'année dernière, le prix du pétrole est passé de 10 à plus de 30 $. Cela a eu pour conséquence de ralentir l'économie et de nuire de façon disproportionnée aux gens âgés, aux économiquement faibles et à ceux qui ont un revenu fixe. Les prix élevés de l'énergie ont entraîné, sur un mois, la plus forte augmentation de l'inflation que nous avons connue au cours des dix dernières années. Le gouvernement en place n'agit pas comme il est tenu de le faire en vertu de l'Accord de l'Ouest, car l'ALENA ne nous autorise pas à agir.

On a posé la question des conséquences de l'ALENA sur Petro-Canada et du changement législatif qui est envisagé. Les droits acquis de Petro-Canada devaient être maintenus en vertu de l'ALENA. La société devait ne pas être assujettie aux mêmes restrictions du chapitre 11 qui s'appliquent aux autres sociétés. Une fois qu'on aura modifié la législation, tous les paris seront ouverts et Petro-Canada redeviendra une entreprise comme les autres.

J'ai eu le sentiment, en écoutant les propos du président-directeur général de Petro-Canada, que la présence du mot Canada dans le nom de la société et de la feuille d'érable sur son logo est en quelque sorte un handicap. Il me semble que, selon lui, il sera difficile de vendre des actions aux États-Unis tant que Petro-Canada aura son image actuelle. Cela dit en passant.

J'aimerais parler de notre campagne énergétique. Elle n'a sans doute pas d'impact direct sur le projet de loi C-3, mais elle pourrait vous permettre, mesdames et messieurs les sénateurs, de mieux comprendre les préoccupations du Conseil concernant l'énergie en général.

Nous avons quelques objectifs. Nous aimerions que le gouvernement fédéral réglemente à nouveau l'industrie afin de protéger les citoyens contre l'instabilité des prix de l'énergie, en protégeant plus particulièrement les secteurs les plus vulnérables de notre société. Nous aimerions que l'ALENA soit renégocié afin de supprimer toute interdiction relative à l'énergie en vertu de clauses comme celles sur la proportionnalité ou le traitement national.

Nous aimerions également que le gouvernement assure la sécurité énergétique des Canadiens en limitant les exportations et en garantissant des prix à la fois bas et stables aux Canadiens.

Nous aimerions aussi que le Canada, dans la mesure du possible, rejette la politique énergétique continentale qui aurait pour résultat d'intégrer encore plus le Canada au marché énergétique nord-américain.

Nous avons pour objectif à court terme le contrôle et la propriété canadienne de 51 p. 100 du secteur de l'énergie, objectif qui passerait à 75 p. 100 sur le long terme. Nous aimerions également que l'on appuie davantage les sources d'énergie plus propres et renouvelables et la réduction de la consommation.

Plus récemment, nous cherchons à obtenir un moratoire sur les nouveaux oléoducs transnationaux. L'article de l'ALENA sur la proportionnalité contraint les Canadiens à garantir qu'une quantité donnée d'énergie sera vendue aux États-Unis. Pour moi, c'est comme si on avait installé un robinet qui ne tourne que dans un sens. Plus nous vendons d'énergie, plus nous sommes obligés d'en vendre.

La plus récente politique énergétique présentée par l'administration Bush contient des estimations de l'augmentation des exportations de pétrole canadien de 1,6 à 3 millions de barils par jour. Ce n'est pas viable. L'année dernière, 9 200 nouveaux puits ont été forés dans le bassin sédimentaire de l'Ouest. Il s'agit du nombre record de nouveaux puits, et pourtant, la production a quand même chuté. C'est tout dire. Nous entrons dans une phase d'épuisement d'une partie de notre secteur énergétique.

Parler maintenant de réduire le contenu canadien de cette industrie revient essentiellement à baisser les bras et à reconnaître que nous sommes incapables de faire face à la mondialisation et à des mesures qui, selon moi, empiètent sur notre souveraineté.

J'ai fourni quelques articles qui risquent de vous intéresser, et j'ai fait distribuer le document sur l'énergie que nous avons préparé en collaboration avec l'Institut Parkland. Je vous invite à y jeter un coup d'oeil. Vous trouverez aussi ma carte de visite dans ce dossier. Et je vais continuer de vous parler de ce que j'aimerais voir résulter des audiences du Comité sénatorial d'aujourd'hui. Je me rends compte qu'il n'est probablement possible d'envisager que ce projet de loi soit purement et simplement abrogé ou rejeté.

Je ne pense pas que ce que nous demandons soit exagéré. Si je vous disais qu'aujourd'hui, 75 p. 100 de notre industrie des hydrocarbures est contrôlée par des sociétés étrangères, vous ne pourriez pas me dire le contraire. Les statistiques les plus récentes que j'ai pu me procurer remontent à 1995 et à l'époque, 60 p. 100 de cette industrie était détenue ou contrôlée par des intérêts étrangers.

La vice-présidente: On nous a dit que c'est moins actuelle ment, environ 40 p. 100.

M. Naidoo: J'ai examiné les données de Statistique Canada et je n'ai rien trouvé de plus récent que 1995. Nous devons mieux sensibiliser les Canadiens à ce qui est en train de se passer. Il se peut que les 40 p. 100 dont on vous a parlé concernent la propriété. Toutefois, pour ce qui est du contrôle, c'est autre chose. Il est absolument nécessaire de posséder 51 p. 100 des actions pour avoir le contrôle d'une société. Une fois que 51 p. 100 des actions ont été achetées, le pouvoir n'est plus entre les mains de Canadiens, que cette compagnie soit ou non entièrement la propriété d'intérêts situés en dehors du Canada ou non. Ce qui compte, au niveau de la souveraineté, c'est l'endroit où sont prises les décisions. Parler des chiffres relatifs à la propriété ne permet pas d'aller au fond du problème. Je parle de la souveraineté. Les statistiques les plus récentes dont je dispose parlent de 60 p. 100.

Avec la prise de contrôle de Gulf, avant-hier, pour plus de 9,8 milliards de dollars, je pense qu'une certaine tendance est en train de dessiner. Quand va-t-on commencer à s'en préoccuper? Nous étions concernés dans les années 70. Nous étions concernés dans les années 80. Au fur et à mesure que ces ressources s'épuisent, comment se fait-il que nous soyons moins concernés par notre souveraineté dans ce secteur? On avait aussi l'habitude de discuter beaucoup plus qu'on ne le fait aujourd'hui de conservation, de combustibles de remplacement et de sources d'énergie renouvelable. Il semble que le vent a tourné aujourd'hui, notamment du fait de la nouvelle administration américaine.

Je me félicite de voir que le Sénat s'intéresse à cette question. J'ai été très perturbé par la lecture des comptes-rendus des débats du comité de la Chambre. Il s'agissait d'un comité d'une journée; un seul ministre a comparu et on lui a posé très peu de questions; la plupart des questions incisives ont été posées par des députés libéraux.

Le sénateur Banks: C'est toujours le cas.

M. Naidoo: Je n'en dirai pas plus. Mais c'est révélateur. Je ne crois pas que le gouvernement lui-même se sente très à l'aise avec ce projet de loi, et je ne devrais pas dire le gouvernement, mais les députés libéraux. Je dis cela pour les distinguer du gouvernement.

Je pense qu'il faut approfondir la question. C'est un sujet tellement controversé dans l'histoire du Canada que se contenter d'une audience d'une journée devant un comité, c'est très inquiétant. La question déclenchait une telle animosité dans les années 80. Une certaine nostalgie a flotté récemment quand le premier ministre Chrétien et M. Klein ont croisé le fer et que l'on se serait cru à l'époque où le gouvernement canadien contrôlait effectivement l'industrie des hydrocarbures. Toutefois, foncièrement, elle n'est plus entre nos mains, et je pense que cela devrait nous préoccuper au plus haut point. Le Sénat peut jouer un rôle de premier plan dans la sensibilisation à l'égard de ce problème. Je vous remercie de m'avoir permis de m'exprimer devant vous aujourd'hui.

Le sénateur Banks: Merci d'avoir accepté de vous joindre à nous. J'apprécie ce que vous avez dit et j'admire beaucoup le sentiment qui vous anime. Toutefois, je tiens à ce que vous sachiez que c'est moi qui ai présenté ce projet de loi au Sénat. Ainsi donc, comme vous allez le voir, les questions que je vais vous poser s'inscrivent dans ce contexte.

Je pense que ce dont vous parlez s'apparente aux propos que pourrait tenir une association de défense de la théorie de Ptolémée. Il me semble que ce que vous voulez, c'est remonter le temps, alors que la page a été irrémédiablement tournée, pour le meilleur, selon moi, ou pour le pire, selon d'autres.

Je vais faire plusieurs déclarations et ensuite, je vous demanderai de bien vouloir répondre. Le fait est que Petro-Cana da ne peut être comparée à la Société Radio-Canada. La population canadienne est propriétaire de Radio-Canada. La population canadienne a décidé, par l'intermédiaire de son gouvernement dûment élu, de ne plus être propriétaire de Petro-Canada. Le gouvernement du Canada possède 18 p. 100 du capital de Petro-Canada, et sa relation avec l'entreprise se résume à un actionnariat passif. Le gouvernement n'exerce aucun contrôle dans l'entreprise et n'influence pas non plus les activités quotidiennes de Petro-Canada. Telle est la situation depuis que Petro-Canada a été privatisée.

Je ne peux pas m'empêcher d'observer que depuis sa privatisation, la réussite de Petro-Canada, si on l'évalue à l'échelle de l'industrie, a été faramineuse. Vous l'avez souligné. La valeur de ses actions a énormément augmenté. Ses actifs ont énormément augmenté. Petro-Canada n'existerait pas si l'entre prise n'avait pas été établie par le gouvernement du Canada. C'est vrai. Je pense qu'il est juste de présumer qu'en décidant de lancer l'entreprise, le gouvernement estimait qu'il devait y avoir dans l'industrie un joueur de premier plan dont la propriété était aux mains d'intérêts canadiens. Un tel joueur existe. Les actionnaires de Petro-Canada ne sont plus le gouvernement du Canada, mais la population canadienne. La population canadienne détient 96 mil lions des 120 millions d'actions en circulation.

Est-ce que le Conseil des Canadiens est en faveur d'une politique énergétique nationale qui prendrait la même forme que l'ancien PEN? Est-ce que le Conseil des Canadiens est favorable à une telle politique? Je suis albertain.

M. Naidoo: Je sais, comme moi. J'ai travaillé dans les champs de pétrole.

Le sénateur Banks: Avez-vous vu les camions à la queue leu leu le jour qui a suivi l'introduction du PEN? Ils se dirigeaient tous vers le Colorado.

M. Naidoo: L'influence américaine en Alberta n'a pas diminué. Il y a 50 000 Américains à Calgary, et c'est le regroupement d'Américains le plus important en dehors des États-Unis. Ils prennent, à propos de la politique énergétique du Canada et des sociétés canadiennes qui appartiennent à ce secteur, des décisions qui sont plutôt lourdes de conséquences.

J'aimerais revenir à l'analogie que j'ai faite entre Petro-Canada et Radio-Canada. Je pense qu'il faut revenir en arrière et voir quelle est l'origine de l'idée qui a donné naissance à Petro-Canada. De cette façon, on peut voir de quoi nous allons nous défaire complètement par le biais de ce projet de loi. Lorsque Petro-Canada a été établie, c'était un instrument que nous essayions d'utiliser pour récupérer le contrôle, une certaine souveraineté, sur un domaine vital pour notre société. Or, nous avons perdu le contrôle de nos ressources et de notre industrie.

Prenez l'exemple du Mexique. Vous parlez de retourner en arrière. Le Mexique s'est complètement dispensé de l'application des dispositions de l'ALENA sur l'énergie. Le Mexique a inscrit dans sa constitution que les ressources naturelles font partie du patrimoine de tous les Mexicains. De son côté, le Canada a décidé que le marché libre servait ses intérêts. Dans un marché libre, les puissances occultes ne s'exercent que dans une seule direction, celle d'une exploitation de plus en plus étendue. Oui, dans de telles situations, les résultats et le court terme ont bonne allure; toutefois, le Canada doit se préoccuper des répercussions à long terme du libre-échange. Nous atteindrons à un moment donné un point critique, et nous n'en sommes pas si loin.

En poussant les choses à l'extrême, je crois que je verrai le jour où les plus fortunés auront l'énergie nécessaire pour faire fonctionner leurs VLT, alors que les plus démunis resteront enfermés chez eux à frissonner dans le noir. Nous avons vu les prix de l'énergie atteindre des niveaux records.

La crise ne m'affecte pas dans ma vie quotidienne, et j'ai de la chance. Toutefois, il y a des gens qui, durant les mois d'hiver, doivent fermer une partie de leur maison pour réduire la superficie qu'ils ont à chauffer. En Alberta, nous avons vu ce qui est arrivé au prix de l'électricité. L'Alberta était la région où le prix de l'électricité était le plus bas en Amérique du Nord avant qu'il ne grimpe au point où c'est en Alberta que l'électricité a fini par coûter le plus cher, après Hawaï et la Californie.

Le sénateur Banks: C'était à cause d'une décision stupide du gouvernement.

M. Naidoo: C'était à cause d'un nouveau règlement. C'était à cause du genre de décision dont nous parlons. Nous parlons de passer d'un régime réglementé à une mainmise du secteur privé sur l'exploitation des ressources dans un environnement plus déréglementé.

Le sénateur Banks: Quelle est la solution? Pensez-vous que nous devrions nationaliser l'industrie pétrolière?

M. Naidoo: Nous parlons d'un pays qui ne peut pas survivre sans les combustibles fossiles, et nous allons abandonner le contrôle que nous exercions sur ce secteur.

Le sénateur Banks: Les peuples autochtones trouveraient cela intéressant.

M. Naidoo: Je vous concède ce point.

Le sénateur Banks: Pour conclure, je répète que j'admire le point de vue et les arguments que vous avez présentés, mais nous avons pris une autre décision.

Le sénateur Kenny: À quel niveau les bénéfices d'une compagnie pétrolière peuvent-ils être jugés acceptables? Vous avez exprimé une opinion sur les bénéfices de Petro-Canada. Y a-t-il un niveau où ils pourraient être jugés acceptables?

M. Naidoo: Je ne portais pas un jugement de valeur sur le niveau des bénéfices. Je dis simplement que Petro-Canada fait des bénéfices.

Le sénateur Kenny: Vous utilisiez cet argument pour faire valoir un point de vue. Quel est-il?

M. Naidoo: Le voici: ce qui arrive, c'est que l'argument que l'on utilise tourne autour de la compétitivité et de la rentabilité. Je dis simplement que Petro-Canada est une entreprise qui a vu ses bénéfices tripler au cours de l'année écoulée.

Le sénateur Kenny: Cela ne veut absolument rien dire. Quel est le rendement du capital investi?

M. Naidoo: Je ne veux pas vous donner le chiffre, de tête.

Le sénateur Kenny: Si vous ne savez pas quel est ce chiffre, vous ne devriez pas déplorer le niveau des bénéfices.

M. Naidoo: Je ne déplore pas le niveau des bénéfices.

Le sénateur Kenny: Vous dites qu'ils ont triplé.

M. Naidoo: Ce n'est pas un reproche. Je peux reprendre exactement ce que j'ai dit, si vous voulez l'entendre à nouveau.

Le sénateur Kenny: Non.

M. Naidoo: Bien, c'est enregistré au compte-rendu. Ce n'était certainement pas un reproche.

Le sénateur Kenny: Alors, je passe à la question suivante.

Qu'y a-t-il de mal à ce que le prix de l'énergie augmente? Vous semblez vous inquiéter de voir baisser les réserves de pétrole et de gaz. Pourquoi ne pas voir cela comme une chose fantastique, une chose dont nous devrions être contents parce que, dans ce cas, nous allons pouvoir utiliser à la place des combustibles plus propres, dont vous venez juste de dire qu'ils sont si importants? Nous savons que l'on ne s'y intéressera pas tant que cela ne sera pas nécessaire. Pourquoi ne devrions-nous pas exploiter le pétrole et le gaz que nous possédons? Pourquoi ne pas utiliser ces ressources pour combler nos besoins et les vendre tant que nous le pouvons? Ensuite, lorsque le prix en sera devenu abordable, ce sera à l'énergie éolienne et solaire que nous aurons recours, et nous n'utiliserons pas les VLT dont vous parliez, mais des voitures plus efficientes et plus propres. Qu'y a-t-il de mal à cela?

M. Naidoo: Ce qui va se passer, c'est que nous allons connaître une période très difficile. Il va falloir attendre quelque temps avant que ce type de technologie puisse être introduite. Les gens qui souffriront le plus seront les pauvres. Si cela se produit dans le contexte d'un marché libre, ce ne sera pas fait d'une façon réfléchie, de manière méthodique. Le long terme n'entrera pas en ligne de compte. Il y aura une crise.

Je me situe dans une perspective mondiale, pas seulement dans une perspective canadienne. À cause de la mondialisation, nos produits alimentaires et d'autres marchandises viennent de pays de plus en plus éloignés. La conséquence, c'est que dans les pays du Tiers monde, nous poussons les agriculteurs locaux à abandonner la culture. Nous les obligeons à nous vendre des cultures marchandes et à acheter les aliments de base que, traditionnellement, ils auraient cultivés. La culture industrielle requiert de l'énergie.

Lorsque la crise se produira, nous aurons l'argent nécessaire pour payer cette énergie, et peu importe qu'à cause de la mondialisation du marché, les gens qui vivent dans les pays du Tiers monde mourront de faim, parce que les prix de l'énergie auront augmenté au point où ils ne pourront plus se permettre de l'acheter.

Le sénateur Kenny: Qui sont les gens qui peuvent planifier de façon réfléchie? Le Conseil des Canadiens ou les gens qui travaillent au ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressour ces? Va-t-on voir une bande de bureaucrates se charger de cette planification réfléchie?

M. Naidoo: Le gouvernement a mauvaise réputation. Le Sénat a mauvaise réputation. La population ne sait pas à quel point on travaille dur sur la colline. Je ne pense pas que les gens se rendent compte que le gouvernement est la seule entité capable de les défendre dans un monde où sévissent les grandes sociétés.

Le sénateur Kenny: Voulez-vous que ce soit les sénateurs qui se chargent de cette planification?

M. Naidoo: Je veux que quelqu'un s'en charge. À l'heure actuelle, je ne vois personne qui s'en occupe.

Le sénateur Kenny: Voulez-vous vraiment vivre dans une économie à planification centrale dirigée par l'État? Il faut bien réfléchir à cela.

M. Naidoo: Ce n'est pas ainsi que nous procédons à l'heure actuelle.

Le sénateur Kenny: Il n'y aura pas de planification centrale. Ce sont les forces du marché qui vont jouer, et quand la mer monte, vous ne pouvez rien pour l'en empêcher. C'est bien beau de venir ici en brandissant le drapeau. Nous sommes tous Canadiens, nous voulons tous que les Canadiens prospèrent, mais la solution de remplacement que vous proposez sent l'économie à planification centrale dirigée par des bureaucrates qui mettront plus sûrement la pagaille que ne le fera le secteur privé.

M. Naidoo: Je vous répondrai en vous disant que c'est vous, pas moi, qui avez utilisé l'expression «économie à planification centrale». La province où il existe dans ce pays le marché le plus libre est l'Alberta.

Le sénateur Kenny: Elle ne s'en tire pas mal.

M. Naidoo: C'est normal. C'est une province dont le sous-sol renferme 80 p. 100 des ressources minérales naturelles du pays. Lorsque le gouvernement a déréglementé le marché de l'électricité, cela a coûté 2,3 milliards de dollars à l'Alberta en un an. À l'échelle du Canada, par tête, cela représente près de 30 milliards de dollars. L'excédent serait complètement éliminé et l'on ferait face à un déficit du même montant si le gouvernement fédéral faisait la même bourde que celui de l'Alberta.

J'aimerais soulever une question dont on n'a pas discuté: c'est la question de la distribution inégale de la richesse, ce qui risque de déchirer notre pays. L'Alberta a désormais la possibilité d'éliminer les taxes, ce qui impose de lourdes pressions sur les provinces avoisinantes. L'Alberta a la possibilité de dépouiller d'autres provinces de leurs professionnels de la santé, et c'est ce qui se passe à l'heure actuelle. Cela n'entre cependant pas dans le cadre de notre discussion.

Le sénateur Kenny: Il n'y a que quelques instants, l'Alberta était une province démunie. Avec un peu de chance, nous dirons la même chose de Terre-Neuve dans dix ans. Cela m'inquiète de voir que lorsqu'une région du pays commence à bien s'en tirer, les autres ont le sentiment qu'elles ont droit à une part du gâteau.

M. Naidoo: Rappelez-vous la politique nationale du pétrole: c'était une époque où l'Alberta était subventionnée. Nous avons soutenu les prix, au bénéfice de l'Alberta. Je pense que les gens de l'Alberta l'ont oublié.

Le sénateur Banks: Le témoin est trop jeune pour s'en souvenir, même si, je le soupçonne, il sait qu'une des raisons pour lesquelles la présence américaine est si forte dans l'industrie pétrolière en Alberta, c'est qu'à l'époque, personne d'autre ne s'y intéressait.

Personne d'autre n'investissait. Personne d'autre ne s'en préoccupait. Même lorsqu'on a découvert qu'il y avait beaucoup plus de pétrole que l'on pensait, les Canadiens ont continué à ne pas vouloir investir dans ce secteur. Le gouvernement du Canada ne voulait pas investir. Les banques canadiennes n'auraient pas prêté 50 cents pour forer un puits. Les investisseurs canadiens n'avaient aucun intérêt pour le développement de ce secteur. Notre pays est responsable du vide qui s'est ainsi créé et dans lequel se sont engouffrés des gens qui ont accepté de prendre des risques et qui étaient plus aventureux que nous l'étions. On ne peut pas réécrire l'histoire.

M. Naidoo: Nous attribuons aux Américains beaucoup trop de mérite. Une des principales raisons pour lesquelles ils étaient présents là-bas, c'était qu'ils pouvaient déduire leurs investissements en Alberta. Au bout du compte, en laissant ses ressortissants déduire leurs investissements en Alberta, le gouvernement américain a participé à la prise de contrôle de nos ressources. Nous n'avons pas réagi.

Le sénateur Christensen: Vous avez déclaré que le Canada dépend des combustibles fossiles. Je ne crois pas que ce soit une opinion fondée. Je pense que nous avons des carburants de remplacement. Si nous faisons face à une crise - et il va falloir qu'il y ait une crise pour que nous mettions de l'avant les carburants de remplacement - nous aurions en main beaucoup de cartes. Nous ne nous en servons pas.

J'ai fait partie du conseil d'administration de Petro-Canada lorsque l'entreprise a été lancée, et ce que l'on voulait, c'était assurer la présence et le succès du Canada dans les champs de pétrole et ensuite, se retirer graduellement. C'est ce qui est en train d'arriver. Si le Canada ne peut pas assurer ses propres intérêts dans l'industrie pétrolière, cela risquerait fort de nous poser un gros problème à l'avenir.

Dans les années 80, nous avions mis sur pied de nombreux programmes d'énergies renouvelables. Il y avait la maison R-2000 et ce genre de chose. Ces solutions de remplacement ont été mises de côté, et il faut que nous les remettions au goût du jour. C'est une occasion à saisir pour le Canada. C'est de ressources limitées dont nous parlons ici, et nous en voyons le bout. Peut-être est-ce l'occasion pour le Canada de se lancer dans le domaine des ressources renouvelables. Nous étions devenus le fabricant numéro un dans le monde des maisons R-2000. Je ne sais trop pourquoi, on a oublié cela, et ce n'est pas parce que le pétrole ne coûtait pas cher.

Vous avez mentionné les pipelines transfrontaliers. Parlez-vous des pipelines qui vont du Canada aux États-Unis ou de ceux qui vont de l'Alaska aux États-Unis en passant par le Canada?

M. Naidoo: Les deux.

Le sénateur Christensen: Quel est le problème en ce qui concerne celui qui va des États-Unis aux États-Unis en passant par le Canada?

M. Naidoo: Nous augmentons le volume de nos exportations, mais nous nous contraignons aussi, ce faisant, à les maintenir à ce niveau. À l'heure actuelle, les Américains prennent 60 p. 100 de notre énergie. Ils ont des droits sur 60 p. 100 de notre énergie. À partir de quand cela doit-il commencer à nous inquiéter? Quand cela atteint 80 p. 100? Rappelez-vous que le président Bush compte sur le Canada pour résoudre ses problèmes énergétiques. Vous avez dit qu'il faudrait une crise pour que l'on considère la solution de remplacement que représentent les énergies renouvelables. Eh bien, il y a une crise en Californie. Il y a une crise aux États-Unis. On ne parle pas des énergies renouvelables, sauf de façon désinvolte. Je maintiens qu'il va falloir qu'il arrive une catastrophe. Ce qui me préoccupe, c'est qui va en souffrir.

La construction de l'Alliance Pipeline a fait diminuer les réserves de gaz naturel. Essentiellement, nous sommes enfermés dans un marché à l'échelle du continent américain. Dans ce marché, nous n'avons à offrir que nos propres ressources et une monnaie sous-évaluée, qui vaut un tiers de moins que la monnaie américaine. C'est là que les ressources énergétiques vont aller.

La vice-présidente: On ne peut pas traiter sur le même pied quelqu'un qui défend la théorie de Ptolémée et qui croit que la terre est plate et quelqu'un qui se préoccupe de la sécurité énergétique du Canada. C'est une question de bon sens, et il semble qu'on l'ait oublié. Le marché libre fonctionne très bien dans la plupart des cas. Le capitalisme aurait eu les mêmes effets que le communisme si l'on n'y avait pas apporté des améliorations comme les syndicats et l'assistance sociale. On ne peut pas compter sur le marché pour tout. Il faut faire preuve de bon sens, et il me semble que la sécurité énergétique et la souveraineté canadienne devraient être des choses dont les Canadiens peuvent se soucier sans qu'on leur dise pour autant qu'ils sont aussi rétrogrades que ceux qui croient que la terre est plate.

Vous suggérez un amendement. Je vous mets en garde, vous pouvez voir qu'ici votre sentiment n'est pas partagé. Qu'espérez- vous accomplir? Il me semble que l'objectif est de permettre au Canada de contrôler son secteur énergétique, dans la mesure où nous avons besoin de cela et dans la mesure où nous devons nous préoccuper des gens qui vont subir de plein fouet les effets de ce qui est en train de se passer. De fait, en Alberta, une des entreprises présentes dans cette province depuis 100 ans a dit qu'elle allait déménager à cause de l'instauration du marché au comptant. L'avantage que présentait l'Alberta a disparu à cause de l'augmentation des prix de l'énergie.

Vous parlez d'assurer la sécurité énergétique du Canada et de faire en sorte que l'énergie reste abordable pour ceux dont le revenu est moyen et faible. Que proposez-vous? Je suis d'accord avec le sénateur Banks. Nous ne pouvons pas nationaliser le secteur énergétique.

M. Naidoo: Pour commencer, je dirais qu'il y a des domaines où le marché libre ne fonctionne pas.

La vice-présidente: En ce qui concerne le fossé entre les riches et les pauvres, qui va s'élargissant.

M. Naidoo: Cela ne fonctionne pas dans le domaine des soins de santé. Lorsque la demande est élastique - et c'est le cas en ce qui concerne l'énergie - nous disposons d'une très petite marge de manoeuvre pour réduire les quantités que nous consommons. Certains ont plus que d'autres, et les gens qui sont en marge ont très peu. Vous devez vous chauffer. Vous devez aller travailler. Vous devez acheter la nourriture qui arrive par camion de Californie à un prix raisonnable.

Il faut que nous réglementions le marché à nouveau, et le mot «réglementation» a maintenant été remplacé par le mot «directive». Nous avons besoin d'une réglementation. Nous avons besoin de décider ce qui est dans l'intérêt national. Je ne peux pas vous donner de précision à ce sujet.

La vice-présidente: À cause de l'ALENA, nous ne pouvons pas faire cela.

M. Naidoo: C'est la raison pour laquelle un de nos objectifs est d'abroger l'ALENA. L'article qui porte sur la proportionnalité, du point de vue des responsables de la campagne énergétique, est très lourd de conséquences, notamment du fait que le Mexique s'est libéré complètement de ces exigences.

Le sénateur Kenny: Et voyez où en est l'économie mexicaine.

La vice-présidente: Ce sera votre tour dans une minute.

M. Naidoo: Je ne répondrai pas car cela n'a pas été enregistré au compte-rendu.

Le sénateur Kenny: C'est enregistré au compte-rendu.

M. Naidoo: Nous en sommes venus à penser que ce qui est en question, c'est la sécurité d'accès au marché américain, et non la sécurité des Canadiens. C'est la sécurité d'accès à un marché qui manque cruellement de ce que nous avons. Nous avons donc vendu notre patrimoine, c'est-à-dire nos ressources, pour leur donner ce qu'ils demandent. J'ai entendu le ministre parler de la sécurité d'accès. Ce sont des vues qui datent des années 80. C'est un argument vieux de 20 ans, qui n'est plus pertinent à l'heure actuelle.

Le sénateur Kenny: Ce qui m'inquiète, c'est l'idée de réglementer ou de réglementer à nouveau l'industrie pétrolière. Dans le passé, on a pris des dispositions pour garantir l'avenir de nos sources d'énergie.

Il y avait une règle qui obligeait quiconque demandait un permis d'exportation de gaz canadien à prouver qu'il y en avait assez à la source pour durer 25 ans. Il fallait comparaître devant les responsables du PEN et démontrer qu'il y avait des réserves qui pouvaient durer 25 ans.

Toute cette politique n'a eu pour résultat que de faire grimper le prix de l'énergie pour tout le monde. Nous conservions d'énormes stocks sans raison aucune.

Nous avons un marché qui fonctionne assez bien. Les prix montent en fonction de la demande. La valeur de notre dollar augmentera au fur et à mesure que nous exporterons l'avantage. C'est seulement de cette façon que le dollar finira par mieux se porter. C'est l'argument qu'avance le gouverneur de la Banque du Canada. Tant que nos exportations n'augmenteront pas, la valeur du dollar canadien ne s'améliorera pas. Tant que ça marche, il vaut mieux ne pas y toucher. Garder ici le pétrole et le gaz canadiens parce qu'il se pourrait que nous en ayons besoin plus tard signifie que les Canadiens vont voir leur passer sous le nez une opportunité incroyable.

La vice-présidente: J'aimerais simplement dire qu'un pays capable de mettre le Canadarm dans l'espace devrait être capable de s'organiser pour avoir le meilleur des mondes possibles. Selon moi, cela n'a aucun sens de se débarrasser complètement d'un bien qui a de la valeur alors qu'il est en demande.

M. Naidoo: J'aimerais vous répondre rapidement. Ce que l'on oublie et ce que le Canada oublie, c'est que l'on ne tient compte que des avantages à court terme. On voit les emplois qu'un pipeline va permettre de créer. On ne voit pas nécessairement les emplois découlant d'activités à valeur ajoutée. Nous ne devons plus nous contenter d'être des bûcherons, des porteurs d'eau ou des gens qui travaillent dans les champs de pétrole.

La vice-présidente: Je suis sûre que les Canadiens ont du bon sens et qu'il y a une solution à ce problème. Il faut que le prix augmente suffisamment.

Le sénateur Christensen: Vous avez parlé de valeur ajoutée. Je viens du Yukon. Je peux vous dire que si le projet de gazoduc le long de la route de l'Alaska aboutit, c'est bien de valeur ajoutée dont nous allons parler. Cela amènera dans notre région le gaz nécessaire pour que des industries se développent. C'est bien de valeur ajoutée dont nous parlons dans ce cas.

Le sénateur Banks: J'aimerais réconforter un peu M. Naidoo: je ne sais pas si c'est Keynes ou Adams, un des premiers grands économistes anglais, qui avait raison sur tous les points, sauf en ce qui concerne l'idée que le marché est limité. Il a écrit que l'on pouvait réaliser des économies d'échelle et rendre la production plus efficiente en faisant venir les gens dans une usine pour fabriquer un produit, au lieu de les laisser le faire de manière moins efficiente chez eux. Selon lui, le travail en usine était plus efficient et il était porteur de plus gros avantages pour les travailleurs. Toutefois, il pensait que le marché était limité. Il avait tort.

Bien entendu, le pétrole est une ressource qui n'est pas illimitée. Toutefois, étant donné que vous avez travaillé dans les champs de pétrole, vous devez savoir que nous n'avons même pas commencé à tirer véritablement profit de certaines de nos réserves pétrolières. Ou peut-être ne le savez-vous pas. Le fait est que nous avons des réserves dont l'existence peut être prouvée, sans parler même des sables et des schistes bitumineux. Ces ressources dureront jusqu'à bien après que vos petits-enfants, sans parler des miens, aient disparu de la surface de la terre. Reste à espérer que d'ici là, la science aura progressé et que l'on aura découvert une nouvelle source d'énergie.

Cela vous réconforte-t-il quelque peu de savoir qu'il y a dans ce projet de loi une restriction qui est maintenue en ce qui concerne la vente des actifs de Petro-Canada? Peu importe qui siège au conseil et qui est propriétaire de l'entreprise, des restrictions s'appliquent à la vente de ces actifs. Je tiens à m'assurer que vous savez que ces restrictions sont maintenues dans le projet de loi qui nous occupe.

M. Naidoo: J'ai lu les procès-verbaux du Comité de la Chambre, mais ce qui concerne le transfert des actifs ou la vente de Petro-Canada n'est pas clair à mes yeux. Le conseiller juridique a dit que trois entreprises pouvaient se regrouper et que dans ce cas, cette restriction serait nulle et non avenue.

Le sénateur Banks: Non, c'est faux. Les restrictions contenues dans ce projet de loi n'ont rien à voir avec les droits de propriété relatifs aux actions de cette entreprise. Ces restrictions interdisent, dans certaines circonstances, la vente des biens de commercialisation ou de production de Petro-Canada. Je ne dis pas que cela ne peut jamais arriver, parce qu'il ne faut jamais dire fontaine. Je veux simplement attirer votre attention sur ces dispositions du projet de loi, parce que cela pourrait dissiper certaines préoccupations que vous pourriez avoir.

La vice-présidente: Je dois vous interrompre, sénateur Banks. Les grands experts en structure organisationnelle disent que détenir une participation de 30 p. 100 dans une entreprise permet en réalité d'en avoir le contrôle.

Le sénateur Banks: Je ne parle pas de contrôle. Je parle des dispositions du projet de loi qui interdisent la vente de la totalité ou d'une partie importante des biens de commercialisation ou de production de Petro-Canada. Peu importe qui est propriétaire. Cela n'a rien à voir avec le contrôle d'une entreprise. Les actifs, qu'il s'agisse de biens de commercialisation ou de production, ne peuvent pas être vendus.

Je n'ai pas le projet de loi devant moi et je ne peux pas le citer textuellement.

La vice-présidente: Je vois ce que vous voulez dire.

Le sénateur Banks: J'espère que c'est dans ce texte et non dans la loi.

La vice-présidente: C'est à la page 2, paragraphe 2(2):

Des dispositions qui empêchent Petro-Canada de céder, notamment par vente ou transfert et à la suite d'une ou de plusieurs opérations ou autres faits liés, la totalité ou une partie importante de tous ses biens à toute personne ou tout groupe de personnes liées ou à plusieurs non-résidents, autrement qu'à titre de garantie de financement de Petro-Canada seulement.

Je ne comprends pas cela.

Le sénateur Banks: C'est dans la loi d'origine. Cela modifie légèrement cette loi dont l'énoncé fait état:

[...] de ses biens de commercialisation ou de production [...]

Alors que dans ce projet de loi, on parle en fait de:

[...] la totalité ou une partie importante de tous ses biens [...]

La vice-présidente: À la fin du paragraphe, on peut lire:

[...] autrement qu'à titre de garantie de financement de Petro-Canada seulement.

Qu'est-ce que cela veut dire?

Le sénateur Banks: D'après ce que je comprends, l'entreprise ne peut hypothéquer aucun de ses biens. Ce paragraphe ne s'applique pas aux actions. Il s'applique aux biens de l'entreprise, par exemple, les puits de pétrole et les raffineries.

La vice-présidente: Que veut dire l'expression: «autrement qu'à titre de garantie?»

Le sénateur Banks: Je pense que cela signifie que l'on peut hypothéquer ces ressources pour obtenir du financement.

La vice-présidente: Les biens peuvent servir de garantie pour obtenir du financement?

Le sénateur Banks: Oui. Si les propriétaires de Petro-Canada sont un Lithuanien, un Albanais, un Portugais et un Américain, qui détiennent chacun une participation au capital de 20 p. 100, ils ne peuvent pas tout simplement décider de se dessaisir de tous les biens de l'entreprise.

La vice-présidente: Ce qui est important, c'est que cela ne garantit pas la sécurité énergétique du Canada et que cela ne veut pas dire non plus que les Canadiens auront les moyens d'acheter cette énergie. C'est la question fondamentale. S'il était possible que tout cet argent tombe dans les coffres des compagnies pétrolières et dans ceux de l'Alberta et qu'il n'y ait pas d'impôt en Alberta, mais qu'en même temps l'énergie reste abordable dans le reste du Canada dont la sécurité énergétique serait assurée, je pourrais être d'accord.

Le sénateur Banks: Madame la présidente, vous savez comme moi que le Canada ne contrôle pas les prix de l'énergie. Évidemment, avec des si, on pourrait mettre Paris en bouteille.

La séance est levée.


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