Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 17 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 1er novembre 2001
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environne ment et des ressources naturelles qui est saisi du projet de loi S-18, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (eau potable saine) se réunit ce jour à 9 h 30 pour étudier le projet de loi en question.
Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Bonjour et bienvenue à nos témoins de l'Alberta. Je vous en prie, commencez par vos exposés après quoi nous serons heureux de vous poser des questions.
M. Dave Mikkelsen, maire, ville de Chestermere: Nous sommes à la fois heureux et honorés de pouvoir contribuer à l'examen du projet de loi S-18.
L'eau potable saine est une question chère au coeur des Canadiens, ce qui est tout à fait normal. Malheureusement, nous n'avons pas, jusqu'ici, suffisamment bien surveillé nos sources d'eau potable, ce qui a provoqué des tragédies comme à Walkerton, en Ontario, et à North Battleford, en Saskatchewan.
La ville de Chestermere est bâtie autour d'un lac artificiel du même nom, qui tient lieu de réservoir compensateur pour le WID, le district d'irrigation ouest. Pour l'instant, il ne sert pas de source d'eau potable pour la ville, mais il pourrait jouer ce rôle dans l'avenir si la population de Calgary devait continuer de croître à son rythme actuel et si les réservoirs d'eau de la métropole devaient ne plus suffire. Cela dit, le lac permet actuellement d'alimenter en eau potable sept villes et villages situés en aval et c'est principalement pour cela que nous comparaissons aujourd'hui devant vous.
Le lac de Chestermere a eu d'autres usages au cours des 75 dernières années. Il sert aussi d'étang de décantation pour le trop plein des eaux de crue de la ville de Calgary. Nous ne sommes qu'à quelques kilomètres à l'est de cette ville. Nous recevons également le trop plein des eaux de ruissellement qui courent le long des terres jouxtant la rivière Bow et celles du canal d'irrigation qui est en amont. En 75 ans, les sédiments ont formé un important limon de deux à trois mètres d'épaisseur au fond du lac. Ce lit de sédimentation renferme d'énormes quantités de composés divers qui se sont accumulés au fil des ans: nitrites, nitrates, phosphates, métaux lourds, coliformes et autres. On estime que le fond du lac est formé de sédiments qui s'accumulent depuis 75 ans.
Nous craignons et soutenons que, même si les niveaux actuels de pollution se situent dans les limites autorisées pour une utilisation récréative ou pour les fins d'irrigation, ce ne soit qu'une question de temps avant qu'ils passent au-delà des limites acceptables. L'impact de cette situation sur l'eau potable saute aux yeux. Je dois vous dire qu'il n'est pas inhabituel, après un orage, que les niveaux de coliformes et d'autres bactéries dépassent les limites sanitaires. La loi fédérale actuelle ne protège personne contre les effets horribles de ce genre de pathogènes. Seul le dragage du lit du lac permettrait de retirer les matières potentiellement toxiques. Cela fait, nous pourrions maintenir les niveaux dans des limites sûres par l'application de programmes poussés de surveillance et par l'application des lignes directrices environnementales en vue de protéger les consommateurs contre toute contamination en amont. Ce projet de loi pourrait nous fournir les munitions nécessaires pour faciliter le processus d'assainissement.
Nous devons, par-dessus tout, commencer par entretenir l'ensemble du bassin hydrographique pour nous assurer que les générations actuelles et futures de résidents pourront bénéficier d'une chose que beaucoup d'entre nous tiennent pour acquise, je veux parler d'une eau potable saine.
Je vais à présenter laisser la parole à M. Jim Webber, du Western Irrigation District qui va vous décrire le système d'irrigation très complexe dont je viens de vous parler.
M. Jim Webber, directeur général, Western Irrigation District: Le réseau d'irrigation du secteur agricole du sud de l'Alberta est plutôt unique en son genre. L'irrigation se pratique en Colombie-Britannique et en Alberta, mais je crois que 80 p. 100 de ce système est en fait appliqué dans le sud de l'Alberta. Nous comptons 1,3 million d'acres réparties dans 13 districts d'irrigation enregistrés en vertu de la loi provinciale.
Vous êtes un peu loin pour bien le voir, mais nous sommes le district no 12 qui correspond à la zone en vert clair dans le coin supérieur gauche de la diapo, tout de suite à côté de Calgary. De toute façon, le réseau d'irrigation relie toutes les collectivités entre elles.
Quatre pour cent des terres irriguées donnent environ 20 p. 100 de la production agricole de l'Alberta. L'Alberta ne manque pas de cours d'eau douce. Quatre-vingt-sept pour cent des cours d'eau albertains s'écoulent vers le nord, vers le cercle arctique. Dans le sud de l'Alberta, nous n'avons accès qu'à 13 p. 100 de toute cette eau, même si c'est là que réside la majorité de notre population. En vérité, nous n'avons accès qu'à 7,5 p. 100 de l'eau en question parce qu'en vertu d'ententes provinciales, la moitié de cette eau doit aller en Saskatchewan.
Dans les blocs d'irrigation du sud de l'Alberta, 50 grandes municipalités urbaines sont approvisionnées en eau grâce à des canaux d'irrigation et à des réservoirs. L'eau sert principalement à l'agriculture, mais elle a aussi des usages domestiques, munici paux, industriels, récréatifs et fauniques. L'accès à une eau de qualité est essentiel pour la santé des régions rurales, mais dans ce réseau chacun se trouve en aval d'un autre consommateur d'eau.
Le district d'irrigation ouest est particulièrement petit puisqu'il ne s'étend que sur 87 000 acres. À gauche, à peu près là où finit la carte, se trouve la région urbaine de Calgary. Nous y reviendrons un peu plus en détail plus tard, mais vous pouvez voir ici la collectivité de Chestermere, à l'extrême gauche de la carte. Le lac de Chestermere est le principal réservoir qui permet d'alimenter 1 300 km de canaux et quatre plans d'eau.Strathmore se trouve au centre. Dans notre région, nous comptons sept communautés urbaines qui sont approvisionnées grâce à notre réseau, les deux plus importantes étant Chestermere et Strathmore.
Calgary compte maintenant une population de 850 000 habi tants et elle connaît une croissance rapide. On prévoit qu'elle dépassera la barre du million d'habitants d'ici dix ans.
Les collecteurs d'eau de pluie, qui récupèrent l'eau des toits, des stationnements goudronnés et des zones industrielles, sont directement branchés sur le canal principal qui se déverse dans le lac Chestermere. Celui-ci en est presque devenu un bassin d'épuration.
Nous sommes arrosés par la rivière Bow. Comme vous le savez sans doute, Calgary est une ville riveraine, au plein sens du terme. Nous avons un déversoir, un système de dérivation en plus d'un canal provincial qui prend l'eau dans la rivière Bow pour la déverser dans le lac Chestermere. Voilà pour ce qui est de la base de notre système. Sur toute cette longueur, 34 égouts collecteurs se déversent dans le canal. À cause de l'immensité de cette zone de drainage, en cas de fortes pluies à Calgary, les déversements constituent l'essentiel du débit du canal. Le WID est donc devenu un moyen pratique pour la ville d'éliminer ses eaux de pluie.
Le développement de Calgary a été très rapide. Quand nous avons commencé des négociations pour accepter les eaux de pluies en 1964, nous n'étions qu'une petite région de la partie rouge, de Forest Lawn. Depuis, le secteur est de Calgary connaît une croissance rapide. Toutes les eaux coulent du nord vers le sud, vers le canal principal. Maintenant, il est question de développer davantage le côté est, d'occuper l'espace entre le lac de Chestermere et la ville de Chestermere.
Pour Chestermere et pour les autres utilisateurs en aval, cela signifie une augmentation du volume des eaux de pluie car, à cause de la quantité très impressionnante d'eau collectée lors des orages, les propriétés entourant le lac Chestermere risquent d'être inondées.
Cependant, le principal problème est celui de la dégradation de la qualité de l'eau et du dépôt de sédiments. À l'heure actuelle, on trouve dans les sédiments de très importantes concentrations de phosphore qui favorisent la croissance de la végétation aquatique, non seulement dans le lac Chestermere mais aussi dans le réseau de notre canal d'irrigation. Cette situation est lourde de conséquences pour nous, pendant le gros de l'été. Certains des métaux qui se trouvent au fond du lac Chestermere sont énumérés ici, ce qui montre le lien avec la pollution industrielle. Le secteur est de Calgary est sans doute le plus industriel de tous. Heureusement, nous ne sommes actuellement pas visés par les lignes directrices du CCME relatives à ces métaux, mais ce n'est qu'une question de temps avant que cela devienne un gros problème.
Tous les usagers en aval trouvent dans leur eau des niveaux très élevés de phosphore et de nitrate. La croissance anormalement accélérée des herbes dans les canaux nous empêche d'acheminer autant d'eau que nous le voudrions par le système.
Il y a aussi des périodes où le risque de contamination par des matières fécales et par des colibacilles est très élevé, le plus souvent lors de la première vidange à l'occasion d'un orage. Ce faisant, notre réseau perd une grande partie de son potentiel récréatif.
Calgary est un excellent exemple où l'expansion des branche ments urbains semble être sans limite. L'amenée des eaux de pluie est pour l'instant sous-réglementée, mais il faut s'attendre à un resserrement de la réglementation dans le cas des eaux d'égout et des effluents de ce genre. La réglementation des eaux de pluie, en revanche, semble être un peu plus laxiste. À cause de l'étalement urbain, la demande d'eau potable risque de dépasser la capacité de production et d'entraîner un dépassement de la capacité d'élimi nation des eaux d'égout, si l'on n'y veille pas. Qui est chargé de protéger les usagers qui résident en contre-bas des grands centres urbains?
M. Dwight Stanford, directeur, ville de Strathmore: La ville de Strathmore est située à 40 kilomètres à l'est de Calgary, le long de la route Transcanadienne. Notre ville a connu une croissance très rapide. Certaines années, elle progresse au rythme de 12 à 13 p. 100. Nous avons maintenant une population de 7 500 habitants. La ville de Strathmore dispose d'une excellente eau potable depuis 20 ans, depuis la construction de notre usine de traitement des eaux.
Il y a un an et demi, nous avons signé un contrat avec EPCOR Water Services, d'Edmonton, qui exploite et gère notre eau, notre réseau d'égouts, notre système d'évacuation des eaux de pluie ainsi qu'un réseau d'irrigation résidentielle. Celui-ci prélève directement l'eau du canal et l'amène par des tuyaux jusqu'aux résidences pour l'arrosage des jardins et des pelouses. Nous avons confié ces travaux à contrat à EPCOR Water Services et nous ne doutons pas de la capacité de cette compagnie de nous garantir un approvisionnement en eau potable de qualité.
La ville de Strathmore a reçu un permis d'Environnement Alberta pour pouvoir alimenter 1 000 acres par an à partir de la rivière Bow. Comme M. Webber vous l'a dit tout à l'heure, nous sommes alimentés par la rivière Bow, par l'intermédiaire de la tête d'irrigation et du canal provincial qui se déverse dans le lac Chestermere. L'eau passe par le fond du lac Chestermere et se retrouve ensuite dans le canal A qui débouche sur Strathmore.
Des buses nous permettent de prélever dans le canal l'eau à laquelle nous avons droit, et nous l'amenons jusqu'à un immense réservoir d'eau non traitée. Nous la traitons, puis la pompons dans les deux châteaux d'eau potable de la ville.
Pour être davantage respectueux de l'environnement, nous avons fait construire une grande usine écofluide qui est à la pointe du progrès en matière de traitement des eaux usées. C'est d'ailleurs la première usine aussi importante au Canada. Il y en a plusieurs petites en Colombie-Britannique. En Europe, on en compte déjà plus de 3 000 du genre.
L'eau usée arrive dans des bassins d'épandage, puis passe dans trois pivots qui l'épandent dans une prairie. Nous prélevons une partie de l'effluent traité pour le pomper dans le canal du WID. Cette eau alimente les exploitations agricoles en aval. Elle est diluée dans l'eau du canal, même si elle est de qualité supérieure à celui-ci. Notre effluent traité, qui est produit par l'usine de traitement des eaux usées, est de bien meilleure qualité que l'eau du canal.
Par souci pour l'environnement, nous avons également com mandé une étude sur les eaux d'orage afin de déterminer la meilleure façon de les traiter. Il s'agit d'un dossier chaud de nos jours et nous voulons prendre l'initiative. Nous avons retenu les services d'UMA Engineering pour effectuer cette étude. Nous voulons savoir ce que donneraient l'aménagement d'un plus grand nombre d'étangs récepteurs d'eaux pluviales ainsi que l'aménage ment de zones humides par lesquelles passeraient nos eaux usées pluviales avant de s'écouler dans le lac Eagle, à deux miles et demi au sud-est de Strathmore.
D'autres municipalités que Strathmore dépendent du réseau de WID pour leur eau potable: Standard, Gleichen, Rockyford, Cluny, Langdon et Carseland. Des dizaines et des dizaines d'agriculteurs puisent leur eau potable dans le canal.
Il est très important que celle-ci soit de la meilleure qualité possible. Une fois que le lac Chestermere aura été nettoyé, l'eau du canal sera de meilleure qualité, ce qui ne pourra que jouer à l'avantage des résidents de Strathmore.
Au fil des ans, le volume des eaux de pluie arrivant de Calgary par le canal pour se déverser dans le lac Chestermere, n'a cessé d'augmenter. Nous voulons que cette eau soit assainie en amont pour qu'elle soit de meilleure qualité d'eau à notre niveau.
Dans l'avenir, nous devrons construire une nouvelle usine de traitement des eaux usées, plus importante que l'usine actuelle. Plus nous améliorerons la qualité de l'eau du canal et moins nous aurons à débourser pour construire de telles usines de traitement.
Nous apprécions d'avoir pu exprimer notre opinion devant votre comité. Nous commençons à manquer d'eau potable. Nous voulons offrir la meilleure eau possible à nos citoyens. L'assainis sement des eaux pluviales qui se déversent dans le lac Chestermere et le dragage de ce lac permettront d'améliorer la qualité de l'eau à Strathmore. Je vous remercie pour votre temps.
M. Mikkelsen: Pour terminer, je dois vous dire que nous ne pourrons pas passer à côté des répercussions de notre inaction sur l'environnement, sur nos enfants et sur les enfants de nos enfants. Nous applaudissons les efforts que vous déployez pour maintenir des niveaux acceptables d'approvisionnement en eau potable de qualité. Une fois que ce projet de loi aura été adopté, je suis sûr que les mesures appropriées seront prises pour le respecter la loi.
Nous vous avons parlé d'un de nos sujets de préoccupation aujourd'hui. Pourquoi donc autant de bassins d'irrigation sont-ils dans un état aussi déplorables? Notre société a toujours su rédiger le genre de législation qu'il lui fallait, mais celle-ci n'a pas toujours été appliquée.
Comme nous vous l'avons indiqué tout à l'heure, dans l'avenir Calgary ne sera peut-être plus en mesure d'approvisionner notre municipalité en eau, à cause de sa croissance et de son développement prévus. La situation n'est pas uniquement due à la croissance à Calgary, mais elle est peut-être le résultat de la diminution de nos précieuses sources d'approvisionnement en eau potable cette année, parce que la sécheresse a été importante.
Nous ne pouvons qu'inciter le gouvernement du Canada à continuer d'étudier toute la question de l'approvisionnement en eau potable, si précieuse à nos yeux. Encore une fois, merci de nous avoir donné l'occasion de vous faire part de nos remarques.
La présidente: Merci beaucoup.
Le sénateur Cochrane: J'avais hâte d'entendre votre témoi gnage. Je suis intéressée par le contrat que vous avez conclu avec EPCOR. Est-ce que votre usine de traitement, qui vous permet d'avoir une eau de meilleure qualité, est un projet d'EPCOR ou de la municipalité?
M. Stanford: Il y a plusieurs années, nous avons estimé qu'il nous fallait construire une usine de traitement de ce type parce que l'effluent des égouts de la ville se déverse depuis très longtemps dans nos bassins d'épandage pendant l'hiver et qu'ils sont pompés dans les champs. Comme la ville n'a cessé de grandir, nous avons manqué de champs pour épandre toute cette eau. Nous avons donc conclu un accord avec WID pour que l'eau se déverse dans le canal.
Quand nous avons décidé de construire l'usine, nous avons lancé un appel de propositions et étudié les diverses options soumises. Nous avons d'abord décidé du genre d'usine que nous voulions construire et de la façon dont elle serait conçue. Ensuite, nous avons demandé à EPCOR Water Services de la construire et de l'exploiter. Nous avons également demandé à la société d'exploiter notre réseau d'aqueduc et tous nos services d'utilité publique.
Nous sommes maintenant rassurés quant à la qualité de l'eau parce que cette compagnie a une vaste expérience et qu'elle est très importante. Elle a effectué des analyses très poussées.
Le sénateur Cochrane: Cette usine d'EPCOR pourrait-elle servir de modèle à d'autres collectivités?
M. Stanford: Oui, nous avons analysé plusieurs types d'usine. À cette époque, nous avions une population d'environ 6 000 âmes et elle est depuis passée à 7 500 personnes. Nous voulions une usine assez grande pour 10 000 habitants. La plupart des usines de cette taille coûtent entre 10 et 19 millions de dollars. Celle-ci est beaucoup moins chère. C'est une usine de base qui produit une eau d'excellente qualité. Beaucoup de municipalités envisagent d'appliquer la même méthode. En Europe, on compte plus de 3 000 usines du genre.
Le sénateur Cochrane: Combien les résidents de Strathmore ont-ils dû payer pour cela?
M. Stanford: Le montant apparaît sur leur facture de services publics, mais il faut savoir que nos coûts pour l'adduction d'eau et les eaux usées ne sont pas supérieurs à ceux de la plupart des villes. Les choses ont très bien tourné pour nous.
Le sénateur Cochrane: Vos habitants ne se plaignent pas du coût de cette eau de meilleure qualité que vous leur fournissez?
M. Stanford: La plupart en sont heureux. Nous avons dû augmenter d'environ 20 p. 100 les tarifs de services publics pour l'eau et l'égout. Pour l'instant, un foyer moyen paie environ 50 $ par mois pour ces services, ce qui est raisonnable.
Le sénateur Cochrane: Recommanderiez-vous EPCOR à d'autres municipalités?
M. Stanford: Il y a bien d'autres compagnies comme EPCOR qui font ce genre de travail. Nous en avons cherché d'autres.
M. Mikkelsen: Strathmore fait un travail remarquable pour produire une eau de qualité. Je trouve que l'eau de Strathmore présente un taux élevé de chlore, qui est une des composantes du traitement. Plus l'eau est sale à l'arrivée et plus le traitement doit être poussé. À un certain stade, ce genre d'usine ne suffira plus, parce que les gens se trouveront à boire de la javelle.
La présidente: Vous avez dit que plus l'eau à l'arrivée est polluée et plus il en coûte pour l'assainir. Existe-t-il une règle empirique à cet égard? Si Calgary ne se met pas à assainir ses eaux d'écoulement, les coûts d'exploitation de l'usine ne vont-ils pas doubler dans quelques années?
M. Stanford: Je n'en suis pas sûr. Le coût de traitement augmentera certes. Comme je le disais, notre usine de traitement des eaux a déjà 20 ans. Elle fonctionne encore très bien mais, à un moment donné, nous devrons la remplacer. C'est le système de traitement des eaux d'égout qui est nouveau. C'est lui qui est à la pointe du progrès. Notre usine de traitement des eaux n'est certainement pas meilleure que celle de la plupart des autres collectivités.
Le sénateur Banks: Vous avez dit avoir accès à 13 p. 100 de l'eau de la province mais qu'à cause d'un accord, vous devez en laisser la moitié à la Saskatchewan. Cela veut-il dire que la moitié seulement de l'eau reste en Alberta et que le reste va en Saskatchewan? Est-ce que la Saskatchewan utilise l'autre moitié? S'agit-il d'un bassin hydrographique qui aboutit enSaskatchewan?
M. Webber: Je dois vous préciser que les 13 p. 100 en question concernent tout le sud de l'Alberta où résident environ 80 p. 100 de la population de la province. Je ne pense pas que beaucoup se rendent compte que tous les plans d'eau au sud de Red Deer sont artificiellement alimentés par des systèmes d'irrigation. Une grande partie de ces 13 p. 100 prend la forme de débordements qui ne servent à rien, parce que nos canaux ont une certaine taille et qu'ils ne sont ouverts que certains mois de l'année. En réalité, nous n'avons sans doute accès qu'à 6 p. 100 environ de cette eau, pour ne pas dire moins.
Toute cette eau passe par le barrage Diefenbaker. Une partie sert à l'irrigation et à la production d'hydroélectricité en Saskatchewan. Puis, de là, elle va au Manitoba. Nous sommes tous liés par une loi interprovinciale.
Le sénateur Banks: Qui est propriétaire du lac Chestermere?
M. Webber: Le Western Irrigation District.
Le sénateur Banks: Devrez-vous payer pour le faire draguer?
M. Webber: Nous faisons tout ce qui est possible pour l'éviter.
Le sénateur Banks: Si vous en êtes propriétaire, c'est vous qui devrez payer. Est-ce que vous vous attendez à devoir payer?
M. Webber: Nous avons invité la province à intervenir et à participer. Elle s'est montrée très sympathique à notre cause, mais cette sympathie ne date pas d'hier. Nous n'en sommes plus là et nous devons maintenant passer aux actes.
Du point de vue de l'irrigation, comme le lac de Chestermere et un plan d'eau de stockage, nous pouvons l'éliminer du bilan de la ville. Il a une grande valeur esthétique et récréative pour Chestermere, mais nous sommes surtout intéressés par son potentiel de source d'eau pour l'avenir. Calgary en a usé et même abusé. Si la ville avait un réseau de récupération des eaux pluviales, il ne serait pas nécessaire de draguer le limon tous les 10 ans. Personne n'a jamais rien fait dans le lac Chestermere pour en améliorer la qualité, même si tout le monde s'en sert d'étang récepteur d'eau pluviale et a toujours eu l'intention de le faire. En réalité, personne ne peut s'en passer, mais si c'est ainsi il faudra dépenser davantage pour l'assainir de façon correcte et professionnelle afin de le transformer en système récepteur d'eau pluviale, si c'est l'utilisation qu'on veut en faire.
Le sénateur Banks: Serait-il raisonnable que de demander à la ville de Calgary de contribuer?
M. Webber: Nous lui avons demandé plusieurs fois; la dernière fois devant un tribunal. Celui-ci a décrété que Calgary était responsable des effets négatifs de cette activité sur notre système. Nous n'avons rien reçu depuis.
Le sénateur Banks: A-t-il été établi qu'elle était suffisamment responsable pour être obligée de payer afin de régler le problème?
M. Webber: Les choses sont un peu compliquées parce que les eaux d'orage se déversent dans un canal qui appartient à la province. Nous avons dû poursuivre la province qui a cité Calgary en qualité de tierce partie. Nous avions signé un accord en 1963 qui obligeait cette ville à régler toutes les conséquences négatives de deux déversements qui s'étaient produit à l'époque. Elle devait nous régler et nous n'avons pas reçu un cent.
Le sénateur Banks: La ville va dans cette direction, c'est exact?
M. Webber: Le juge a tranché en faveur de l'accord d'origine, stipulant qu'il était encore valable. La ville avait été informée, mais n'a pas agit. Nous avons eu droit à un dédommagement approprié assorti d'activités comme le retrait du limon.
On parle ici de dizaines de millions de dollars et Calgary ne s'attend pas à devoir payer. Elle n'en est pas encore venue à ce genre de réalité.
Le sénateur Banks: La ville a été citée en tant que tierce partie dans cette poursuite. C'est ça?
M. Webber: Oui.
Le sénateur Banks: Quel genre de culpabilité le tribunal a-t-il attribué à la première partie?
M. Webber: Il a conclu que l'accord conclu avec la ville était encore valable et que la province ne l'avait pas fait respecter, contrairement à ses obligations. Ainsi, les deux ont été reconnus coupables. Nous supposons qu'une partie des coûts sera partagée entre les deux intimés afin de fournir les ressources nécessaires pour corriger le problème.
Le sénateur Banks: Y a-t-il une échéance de fixée? Avez-vous l'impression que les choses bougent?
M. Webber: Nous en sommes encore aux procédures judiciaires, parce que le jugement de première instance a fait l'objet d'un appel. Nous en sommes au stade de l'arbitrage où l'on va décider quels coûts sont acceptables. J'imagine que les avocats vont encore beaucoup s'amuser dans les six à neuf prochains mois.
La présidente: C'est un peu comme en Russie où l'on peut toujours gagner une cause mais où c'est une autre paire de manche pour se faire payer.
Le sénateur Banks: C'est vrai dans le cas de tout jugement. J'ai une dernière question à vous poser, légèrement différente. Vous disiez être satisfait des lignes directrices du CCME?
M. Webber: Oui.
Le sénateur Banks: À l'analyse des autres lignes directrices le comité a constaté qu'elles sont parfois remises en question. Avez-vous examiné les lignes directrices du CCME? Les jugez-vous appropriées?
M. Webber: Des experts-conseils les ont examinées pour nous. Ils ont aussi analysé les lignes directrices de l'Ontario, qui sont beaucoup plus strictes. Ils ont nous dit que nous ne satisfaisions pas à ces critères, que nous étions à la limite.
Le sénateur Banks: Les lignes directrices qu'on respecte actuellement, qui prévoient un niveau censé être sûr, ne sont pas aussi strictes que celles qui sont appliquées dans d'autres parties du pays, si bien qu'elles pourraient ne pas être suffisantes pour corriger la situation. C'est cela?
M. Webber: Il faudrait les revoir. Je suis d'accord.
Nous essayons de prouver que les canaux artificiels du sud de l'Alberta font tout autant partie du réseau aquifère que les rivières, mais les polluants y sont présents en plus forte concentration parce qu'il n'y a pas de crues hivernales ni printanières qui permettent de vidanger le système.
Quand il se produit un déversement dans le canal lors d'un orage, ces eaux-là ne peuvent aller nulle part ailleurs. Une ville comme Strathmore n'a pas le choix et elle reçoit tout sur son passage. C'est comme ça.
À l'époque de la rédaction de la Loi sur les pêches, personne n'avait imaginé ce qu'il adviendrait des canaux artificiels. Nous voyons ici le même genre de problème. Ces canaux peuvent être intéressants pour de vastes plans d'eau naturels, comme les lacs ou les rivières, mais c'est complètement différent quand on songe à ce qu'il advient des collectivités qui n'ont pas le choix parce qu'elles sont situées en aval.
Le sénateur Banks: Je terminerai par une simple observation. C'est très rafraîchissant d'entendre dire qu'une compagnie municipale joue un rôle utile.
La présidente: L'Edmonton Power Corporation cache le fait qu'elle appartient à la ville d'Edmonton et affirme qu'elle est une entreprise privée.
Le sénateur Christensen: Voici un exercice fascinant qui illustre à quel point tout ce qui touche à l'eau est très compliqué. Le malheur, c'est qu'en devant traiter notre eau deux fois, il nous en coûte deux fois plus. Si nous pouvions nous contenter de la traiter une seule fois après l'avoir utilisée, pour la renvoyer ensuite dans l'environnement dans l'état dans lequel nous l'avons prélevée, nous éliminerions une étape de traitement.
Le lac Chestermere est un lac artificiel. Quelle est sa superficie? Quel est son diamètre et quelle est sa profondeur?
Mme Heather Davies, conseillère municipale, ville de Chestermere: Il fait 750 hectares. Nous prélevons deséchantillons d'eau de surface depuis trois ans. Nous perdons de la profondeur à Chestermere. Il y a trois ans, à l'échosondeur de mon bateau, j'obtenais 38 à 40 pieds. L'été dernier, au point le plus profond, je n'avait plus que 28 pieds. D'ailleurs, l'eau qui est prélevée pour être envoyée à l'usine de traitement vient-elle de la surface ou du fond?
M. Mikkelsen: Elle est prélevée à la sortie du chenal. Il s'agit d'un chenal artificiel ménagé au fond du lac.
Le sénateur Christensen: Est-ce que l'eau va du canal à l'usine de traitement?
M. Mikkelsen: C'est en aval.
Le sénateur Christensen: Elle sort du canal, pas du lac. Je suppose donc que c'est d'eau de surface dont il s'agit dans le cas du lac.
M. Mikkelsen: Le débit est rapide. L'eau du lac est renouvelée tous les 11 jours. Le problème que Mme Davies vient juste de mentionner tient à la formation de limon qui réduit la profondeur du lac et qui augmente sans arrêt le niveau de contaminant. Cela nous inquiète de plus en plus.
Strathmore a de la chance, parce qu'elle peut compter sur de bonnes rentrées d'argent qui lui permettent de traiter ces eaux. Les autres villes et villages en aval n'ont pas la possibilité de traiter leurs eaux de façon aussi efficace, pas plus que les agriculteurs qui puisent dans le canal l'eau qu'ils boivent et qu'ils servent à leur bétail.
Le sénateur Christensen: Est-ce que les déversements des exploitations agricoles se retrouvent dans les canaux?
M. Mikkelsen: Oui.
Le sénateur Christensen: Et les agriculteurs boivent cette eau. À quel genre de traitement la soumettent-ils?
M. Mikkelsen: Il y en a qui ne font rien et d'autres qui utilisent des filtres au sable.
Le sénateur Christensen: Le lac a-t-il déjà été dragué?
M. Mikkelsen: Jamais.
Le sénateur Christensen: Il a été fait il y a 75 ans et il n'a jamais été dragué depuis.
J'ai examiné les produits chimiques dont vous nous avez donné la liste. J'ai participé à une enquête sur les déchets dangereux qui a duré plusieurs années. Est-ce qu'on épand beaucoup de sel dans les rues de Calgary?
M. Mikkelsen: Oui, énormément.
Le sénateur Christensen: Et où tout ce sel aboutit-il?
M. Mikkelsen: Dans Chestermere. Imaginez un étang de décantation de la taille d'un terrain de golfe ou d'un secteur résidentiel. C'est cela que le lac Chestermere est devenu. Il est devenu un immense étang de décantation.
Le sénateur Christensen: Est-ce que beaucoup d'oies fréquen tent ce lac?
M. Mikkelsen: Oui.
Le sénateur Christensen: Ce n'est pas cas isolé. Il en va de même des systèmes d'aqueduc un peu partout au Canada, dans les grandes comme dans les petites villes. Vous êtes un microcosme de la réalité canadienne.
M. Mikkelsen: Ce que nous redoutons le plus, c'est d'être obligés de puiser l'eau dans le lac de Chestermere pour assurer notre approvisionnement une fois que Calgary ne sera plus en mesure de faire face à la demande d'eau potable. Chestermere est l'une des collectivités de l'Ouest canadien qui connaît l'expansion la plus rapide.
Il est effrayant de penser aux conséquences éventuelles de toute cette situation pour nous-mêmes et pour nos enfants qui sommes situés en aval. Il est encore plus effrayant de penser à ce que nous avalons compte tenu des actuels niveaux de polluants présents dans cette eau. Apparemment, personne ne semble prêt à assumer la responsabilité d'un assainissement.
Le sénateur Christensen: Vous serez pollués non seulement par l'eau que vous allez boire, mais aussi par les légumes que vous allez manger, parce qu'ils auront eux-mêmes été contaminés par l'eau.
Les règlements sont très complexes. Il en existe à l'échelon municipal, à l'échelon provincial et à l'échelon fédéral.
Pour ce qui est de votre municipalité, pensez-vous que le projet de loi S-18 va régler certaines des difficultés relatives à l'assainissement des eaux?
M. Mikkelsen: Il est très responsable de votre part d'étudier la question dans le contexte global des bassins hydrographiques, c'est-à-dire de remonter à l'origine.
Comme M. Webber l'a dit, il faudra préciser la définition du terme «bassin hydrographique», parce que dans l'esprit de bien des gens, les systèmes d'irrigation artificielle en sont exclus. Pourtant, ils devraient en faire partie. Le projet de loi est en effet un grand progrès. La municipalité de Calgary n'assume pas la responsabilité de ce qu'elle fait à notre source d'eau potable. Le gouvernement de l'Alberta n'assume aucune responsabilité pour contraindre la ville de Calgary à assainir les eaux qu'elle déverse dans notre lac. Même si les gens estiment qu'il faut réduire l'intervention du gouvernement fédéral, il faudra bien que le fédéral intervienne et dise qu'assez c'est assez et qu'il faut commencer à dépolluer. Il sera utile, pour cela, de tirer l'expression au clair.
Le sénateur Christensen: Est-ce que quelqu'un sait s'il est obligatoire de traiter les déversements d'eaux pluviales? Je ne sais pas si c'est le cas. Dans la plupart des municipalités, les égouts pluviaux sont rejetés sans être traités. Ces eaux-là viennent des rues, du lavage des rues, et elles entraînent les dépôts solides d'essence et de caoutchouc, les crottes de chien et de tout le reste. Tout cela aboutit dans la rivière. Il faut les traiter.
La présidente: J'ai vérifié ce qui se passe à Ottawa, parce que je me disais que la capitale devait avoir un système de traitement des eaux pluviales. Mais ce n'est pas le cas. Une partie des eaux pluviales aboutit dans le réseau d'égout et elle surcharge donc l'usine de traitement.
Le sénateur Christensen: Les eaux pluviales imposent une lourde charge aux usines de traitement.
La présidente: Donc, elles ne sont pas traitées et, après un gros orage, la municipalité demande aux habitants de ne pas consommer l'eau.
M. Mikkelsen: Je déteste dire ce que je vais dire, mais il c'est une question de coopération fédérale-provinciale. La province de l'Alberta est très sensible à nos besoins et elle est en train de faire des choses qu'elle n'avait jamais faites par le passé en matière d'assainissement. Elle a augmenté ses effectifs d'agents de contrôle à Calgary. Elle a bâti un épi pour essayer de dévier une partie des eaux polluées afin qu'elles ne se déversent pas dans notre canal. Tout cela relève de sa compétence et c'est à sa portée, mais elle ne peut pas faire plus.
Plutôt que d'intervenir directement et de faire appliquer une loi quelconque, le gouvernement devrait collaborer avec la province pour essayer de régler ce problème.
Le sénateur Christensen: Tout est lié. Nous avons à faire à des coûts énormes dans le domaine de la santé et, si nous pouvions avoir une eau potable plus saine, nous n'aurions pas autant de problèmes de santé. Les économies réalisées pourraient être énormes. Il faut traiter l'eau une bonne fois et réduire les coûts de la santé. C'est difficile à faire parce que tout le monde veut s'occuper de ses petits problèmes, à son niveau, et oublie que tout est lié. Et pourtant, c'est le cas.
Le sénateur Spivak: À propos de liens, nous avons reçu ici la Fédération des municipalités. Celle-ci administre un programme complet pour lequel elle demande 5,4 millions de dollars au gouvernement fédéral. Nous avons notamment parlé de l'utilisa tion des sols. On peut toujours parler de draguer un lac, mais c'est autre chose quand on a affaire à une municipalité en pleine croissance et qu'on ne contrôle pas l'utilisation des sols, non pas tellement pour ce qui est de l'application mais plutôt pour ce qui est de la conception des bâtiments et de la mise en place des systèmes de lutte contre la pollution. Quel effet ce programme de la Fédération a-t-il sur les consciences des petites collectivités? Vous traitez avec toute la région. Discutez-vous d'un plan régional? Calgary est la plus grosse municipalité de cette région pour la partie aval, pour ne pas parler la partie amont. Nous avons parlé d'avenir et cet avenir semble plutôt sombre, à moins que vous n'envisagiez d'effectuer des analyses et de conduire des actions de façon globale.
Qu'avez-vous à dire à cela?
M. Mikkelsen: Pour ce qui est de la répercussion du plan de la Fédération sur les collectivités, je dirais que Chestermere a assumé un rôle de chef de file plan dans la façon dont elle a administré son aménagement et s'est dotée d'un réseau collecteur d'eaux pluviales. Pendant des années, nous avons utilisé des réseaux qui provoquaient des dépôts de sédiments avant de se jeter dans le lac. Nos lignes directrices en matière d'urbanisation sont très rigoureuses; nous ne permettons pas de déversements directs dans le canal ni dans le lac; toutes les eaux doivent d'abord être rejetées dans des étangs de décantation. Nous aimerions maintenir ce niveau. Je pense que nous nous sommes montrés très responsables.
Le sénateur Spivak: J'écoute ce que vous me dites, mais je m'interroge à propos de Calgary.
M. Mikkelsen: Personnellement, je dirais que Calgary est très irresponsable. La ville fait peut-être un excellent travail pour s'occuper de ce qui se passe dans ses limites, mais les tribunaux ont établi que...
Le sénateur Spivak: Je vais en revenir à ma première question relative à l'occupation des sols. Toute la planification est faite par petits bouts, par ville, et pas par région, pourtant les effets se font sentir à l'échelon de la région.
M. Mikkelsen: Un partenariat a été instauré entre Calgary et les collectivités avoisinantes, mais celui-ci a des allures de table ronde où Calgary annonce aux collectivités voisines le genre de développement qu'elle entend mener.
Le sénateur Spivak: Je vous comprends.
M. Mikkelsen: Entre Calgary et Chestermere, il y a un couloir qui s'est industrialisé. Les choses vont empirer si nous ne faisons rien.
Le sénateur Spivak: Pour en revenir au projet de loi, vous parliez des eaux de déversement de l'agriculture et de l'industrie. Où se trouve ce qu'on appelle la «feedlot alley», c'est-à-dire le secteur où sont concentrés les parcs d'engraissement? C'est plus au sud?
M. Mikkelsen: Oui.
Le sénateur Christensen: Donc, cela ne vous touche pas.
Si ce projet de loi permettait de modifier la Loi sur les aliments et drogues, dans quelle mesure pensez-vous qu'il modifierait la façon dont les terres sont utilisées? Si ce projet de loi était assorti d'amendes élevées, est-ce qu'il permettrait de discipliner tout le monde?
M. Mikkelsen: L'adoption d'un projet de loi ne vaut que si elle est assortie de mesures d'application. Le gouvernement a un défi de taille à relever pour faire appliquer les dispositions de cet ordre. Il ne peut pas le faire sans collaborer avec d'autres paliers, avec les paliers régionaux ou interprovinciaux dont vous parliez plus tôt. L'application devra être déléguée du palier fédéral aux paliers inférieurs, soit les provinces et les municipalités.
Calgary a imposé un quota sur les eaux usées en vertu duquel les gens ne peuvent plus arroser leur pelouse. Quand ils posent une pelouse, les paysagistes doivent payer une amende de 250 $ par jour, pour les premiers jours, et ce montant passe à 2 000 $ par jour pour l'utilisation de l'eau. Cela ne les a pas empêchés d'utiliser l'eau de la ville parce que c'était malgré tout plus rentable pour eux.
Cela dépend donc de l'importance des amendes, sinon, les gens ne se sentent pas concernés. Les amendes doivent coûter plus cher que ce que rapporte l'infraction.
Le sénateur Banks: Et si l'on imposait des peines au criminel?
M. Mikkelsen: Ce serait autre chose.
Le sénateur Spivak: Vous avez parlé d'utilisation de chlore pour traiter l'eau. Il n'existe pas d'autres traitements - comme l'oxygénation? Il existe bien de nouvelles techniques. D'après vous, elles fonctionnent?
M. Stanford: Nous les avons étudiées. Notre usine est vielle de 20 ans, mais elle continue de produire une eau de qualité acceptable. Quand nous construirons la prochaine, nous opterons pour un système plus perfectionné.
Le sénateur Spivak: Monsieur Mikkelsen, vous avez dit que vous avez atteint la limite de chloration. Le chlore peut être toxique quand on dépasse certains niveaux.
M. Mikkelsen: Je ne dis pas que nous avons atteint la limite, mais je trouve que cette eau a un goût horrible. Je n'aime pas le goût du chlore.
M. Stanford: Nous utilisons du chlore, mais nous avons aussi recours aux filtres à charbon et à d'autres processus.
Nous avons de la chance que notre eau réponde à toutes les normes canadiennes, parce que nous la traitons de la bonne façon. Toutefois, comme nous vous l'avons dit plus tôt, certaines petites municipalités en aval ne peuvent respecter ces normes et les gens doivent faire bouillir l'eau plusieurs mois par an.
Le sénateur Spivak: À Winnipeg, nous étions alimentés par l'eau du lac Shoal que les pères de la ville, dans leur grande sagesse, avaient bâti dans les tout débuts. Nous avions trois aqueducs fonctionnant par gravité. La ville était censée en construire un autre, mais elle ne l'a pas fait. Nous avons maintenant d'énormes bassins d'épandage, remplis de chlore, qui sont fréquentés par des oies et d'autres animaux. Des tas de produits se mélangent dans cette eau merveilleuse qui vient du lac Shoal. La stupidité règne en maître.
La présidente: Monsieur Stanford, au cours des dernières semaines, des témoins sont venus nous dire qu'il serait bon de facturer les coûts réels aux usagers, plutôt que de subventionner les services. Le consommateur paierait ainsi l'eau au prix de revient. Est-ce que vous imposez aux consommateurs le prix que vous coûte l'eau, y compris les traitements et tout le reste?
M. Stanford: Nous incluons tous les coûts et dégageons même des bénéfices. Tous les coûts sont couverts. Certaines municipali tés fournissent l'eau à un coût inférieur au prix de revient et la subventionnent par le biais des impôts fonciers, mais nous, nous soutenons mordicus qu'il faut payer les coûts réels et même ajouter un petit supplément au titre des frais administratifs.
La présidente: Comme c'est le sénateur Grafstein qui a piloté ce projet de loi, c'est à lui que revient de poser les dernières questions pour aujourd'hui.
Le sénateur Grafstein: D'après les témoins qui sont venus nous parler au nom des associations nationales des municipalités, comme le sénateur Spivak vous le disait, le mieux est de faire comme d'habitude, c'est-à-dire de réclamer un gros chèque au gouvernement fédéral pour régler le problème. À l'évidence, vous ne partagez pas ce point de vue.
J'aimerais que nous parlions un peu du secteur que vous servez, pour déterminer plus en détail quels sont vos coûts. D'après ce que vous nous avez dit, j'ai établi que vous réclamez 1,70 $ à chaque foyer par jour au titre de l'utilisation de l'eau, ce qui comprend l'adduction d'eau et les égouts.
M. Stanford: C'est exact.
Le sénateur Grafstein: J'ai un autre chiffre qui dit qu'un foyer moyen consomme entre 320 et 360 litres d'eau par jour. Avez-vous une idée de la consommation moyenne de vos foyers pour 1,70 $ par jour?
M. Stanford: Oui. Les gens de Strathmore semblent consom mer un peu plus d'eau qu'ailleurs, soit environ 400 litres.
Le sénateur Grafstein: On reste dans la même fourchette. Disons que la fourchette se situe entre 300 et 400 litres. La moyenne étant de 360 litres. Si vous comparez cela au prix d'une bouteille d'eau de trois-quarts de litre, qui est d'un dollar, 1,70 $ est ce qu'il y a de plus économique au pays. Je n'ai pas l'impression que vous avez exploité la possibilité d'augmenter ce prix pour améliorer la qualité de l'eau. Vous avez fait un excellent travail pour maintenir des prix bas, mais votre eau est incroyablement concurrentielle par rapport à celle qui est vendue en bouteille.
Est-ce que vous avez songé aux coûts pour la santé qui découlent de la consommation d'une eau de mauvaise qualité dans votre ville? Avez-vous une idée des coûts de santé que cela représente?
M. Mikkelsen: Non.
Le sénateur Grafstein: En préparation à cette séance, madame la présidente, je n'ai pu mettre la main que sur les documents que nous avons reçus qui font simplement état des tristes récits de personnes ayant eu des empoisonnements dans le sud de l'Alberta. Tout cela est très général et n'a rien de précis. Les coûts que représentent les maux d'estomac dus à la consommation d'une eau potable de mauvaise qualité sont énormes. Il n'est pas possible de les quantifier. Les agriculteurs consomment cette eau et eux-mêmes et leurs enfants ont des troubles d'estomac. Ils vont chez le médecin, ce qui provoquer une augmentation des coûts de santé. Comme le sénateur Christensen l'a mentionné tout à l'heure, nous ne pouvons pas nous faire une véritable idée de l'ampleur du problème parce qu'il nous manque encore les coûts complets associés à la consommation d'une eau qui n'est pas vraiment potable. Tout ce que nous avons, ce sont des récits non scientifiques. Dans le sud de l'Alberta, il y a eu plusieurs alertes graves sur le plan de la santé, surtout dans les collectivités agricoles. Pourriez-vous trouver une façon de recueillir ce genre de renseignements? Santé Canada ne s'en occupe pas. Ce n'est qu'aux États-Unis que je peux obtenir des renseignements de ce genre, et j'extrapole ensuite les chiffres américains sur une base de pourcentage pour voir ce que ça donne au Canada.
M. Mikkelsen: Nous sommes en liaison avec la Calgary Regional Health Authority et nous pourrions certainement inscrire ce sujet à l'ordre du jour de notre prochaine réunion.
Le sénateur Grafstein: Vous pourriez nous obtenir cela? Ce serait très utile pour les gens qui s'intéressent à cette question et qui veulent qu'on en arrive à un système de dépenses à somme nulle. Il faut envisager le coût total, celui de l'assainissement de l'eau d'une part et celui des soins de santé quand on ne dispose pas d'une eau potable de qualité. Si vous pouviez nous obtenir quoi que ce soit à ce sujet, ça nous serait très utile. À partir de là, nous pourrons établir un modèle des coûts totaux pour une collectivité. Je soupçonne que ces coûts sont énormes.
Le sénateur Banks: Mais la réponse de Chestermere à cette question pourrait être très différente de celles d'autres villes, parce qu'elle est alimentée par une conduite principale qui vient de Calgary, si bien que les gens de Chestermere boivent effective ment l'eau de Calgary. Dans le cas de Chestermere, le problème de consommation d'eau est encore à venir, tandis qu'il est actuel dans le cas de Strathmore.
Le sénateur Grafstein: Je comprends. Mais je crois que vous voyez tout de même où je veux en venir. Nous essayons de préparer cela pour le présenter à nos concitoyens au Canada, parce qu'au bout du compte, c'est toujours le même contribuable qui paie. Il nous faut envisager la chose de façon globale, c'est-à-dire en tenant compte de tous les coûts.
Je suis très heureux que vous appuyiez ce projet de loi, parce que vous venez d'apporter de l'eau à notre moulin. Nous avons entendu ce genre d'argument à maintes reprises. Il n'est pas ici question de responsabilité, mais de manque de responsabilité. Je compatis tout à fait avec vous, dans le dossier qui vous oppose à la ville de Calgary et à la province. J'espère que nous pourrons accueillir le ministre de la Santé de l'Alberta pour recueillir le point de vue de son gouvernement.
Vous venez de nous dire, vous aussi, qu'en l'absence de responsabilité très claire, il n'y a pas de responsabilité du tout. Est-ce que vous êtes d'accord?
M. Mikkelsen: Oui.
Le sénateur Grafstein: Ainsi, je suppose que vous reconnais sez à contre-coeur que, même si le gouvernement fédéral intervient en force, les municipalités, les secteurs urbains, les districts ou les provinces ne seront pas pour autant relevés de leur responsabilité. C'est en faisant preuve de plus de cohérence à l'échelle du pays, en renforçant la recherche et les mesures d'application, que nous arriverons à régler ce problème. Vous êtes d'accord?
M. Mikkelsen: Oui. Les enfants ignorent tout de ce que compétence municipale, provinciale ou fédérale veut dire.
Le sénateur Grafstein: Au bout du compte, tout ce qu'ils veulent, c'est boire une eau potable.
M. Mikkelsen: Tout à fait.
La présidente: Je suppose que vous n'avez pas encore reçu cette lettre, mais moi je l'ai reçue hier. La province de l'Alberta ne comparaîtra pas.
Le sénateur Grafstein: Voilà qui explique la frustration de ces témoins. Vous venez de résumer leur frustration. Ils viennent ici. Ils ont une cause devant les tribunaux. Ils viennent de nous expliquer leur situation. Ils font preuve d'un leadership éclairé. Ils savent où se situe leur responsabilité. Ils l'assument de façon sérieuse. Ils ont augmenté les coûts pour leurs contribuables. Ils ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour faire avancer les choses, mais ils sont snobés par leurs voisins et par leur gouvernement provincial.
Personnellement, et je ne sais pas si les témoins seront de mon avis, j'estime que nous faisons face à un danger clair et immédiat. Nous ne recourons habituellement pas à notre pouvoir d'assigna tion à la légère, mais si nous pouvions démontrer, comme je crois que nous sommes en train de le faire ici, que nous sommes en présence d'un danger clair et immédiat sur le plan de la santé publique au Canada, j'estime que nous sommes en droit de citer les hauts fonctionnaires de n'importe quel coin du pays pour venir témoigner devant ce comité. Nous ne demandons rien d'autre.
La présidente: Merci. Nous nous réunirons mardi prochain pour discuter du projet de loi et pour voir ce que nous ferons à partir de là.
Je vous remercie de vous être déplacés. Votre exposé était exceptionnel et je suis très fière de vous.
M. Mikkelsen: Merci beaucoup de nous avoir donné l'occa sion de nous exprimer.
Mme Davies: Madame la présidente, j'aimerais faire une petite correction. J'ai trouvé la superficie du lac de Chestermere. Elle est de 261 hectares, c'est-à-dire 750 acres. Je voulais être certaine que vous aviez la bonne superficie.
La présidente: La séance est levée.