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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 26 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 19 mars 2002

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été déféré le projet de loi C-10 concernant les aires marines nationales de conservation du Canada, se réunit aujourd'hui à 18 h 30 afin d'étudier le projet de loi.

Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, c'est la deuxième fois que nous rencontrons M. Lee. Par conséquent, monsieur Lee, je pense qu'il n'est pas nécessaire que vous fassiez une nouvelle déclaration. Nous allons passer tout de suite aux questions.

Je vais commencer par une question au sujet de l'industrie pétrolière sur la côte Ouest, puisque j'ai travaillé toute ma vie dans ce domaine-là. Ce serait bien si le gouvernement de la Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral s'entendaient sur la responsabilité de la gestion des ressources au large des côtes. Il n'y a pas d'accord relatif à la côte Ouest, contrairement à ce qui se passe sur la côte Est. Sur la côte Ouest, je pense qu'on fonctionne encore selon l'ancien régime, qui accorde au gouvernement provincial des droits sur une bande de quelques milles, après quoi le gouvernement fédéral a des droits sur dix ou douze milles de plus. Mais cela n'a rien à voir avec la question que je veux vous poser.

Si le gouvernement fédéral et celui de la Colombie-Britannique voulaient exploiter les réserves marines, quelles répercussions la création de vos aires marines nationales de conservation pourraient-elles avoir sur les activités de prospection à cet égard? Comme vous le savez, les prospecteurs se servent de méthodes géophysiques pour aller voir ce qui se passe sous l'eau; ils ne perturbent pas le fond. Est-ce qu'il sera possible d'établir des profils sismiques ou géophysiques dans les eaux de ces parcs?

Ma deuxième question est la suivante: la taille des parcs permettra-t-elle d'avoir accès aux réserves de pétrole et de gaz avec des instruments de forage modernes, qui ont une portée d'environ quatre kilomètres? Je pense qu'un jour viendra où il sera possible d'aller voir ce qu'il y a à cinq ou six kilomètres sous l'eau. Quelle serait la superficie des parcs dans ce cas-là?

Voilà mes deux questions. La première se rattache à l'exploration d'un secteur du parc; la deuxième vise à savoir si le parc serait assez petit pour qu'il soit possible d'y avoir accès aux réserves de pétrole et de gaz.

M. Thomas Lee, directeur général, Agence Parcs Canada, Patrimoine canadien: Je vais vous répondre sur un plan très pratique, parce que l'approche peut être différente selon les endroits.

Nous nous intéressons à trois secteurs sur la côte Ouest, le long du Pacifique; je vais vous les énumérer du sud au nord. Il y a d'abord la région des îles du sud du golfe, tout près de Victoria. C'est une région où il n'y a pas de potentiel connu. Il faudra le confirmer dans le cadre du processus de création d'un parc ou d'une aire marine de conservation, mais pour le moment, il ne semble pas y avoir de conflit. Mais il y aura des consultations publiques, qui incluront également une évaluation des intérêts miniers et autres.

La deuxième région qui nous intéresse se trouve dans ce que j'appellerai la côte centrale, ce qui correspond à peu près au secteur situé au sud de Bella Bella. Il pourrait y avoir du pétrole et du gaz dans ce secteur. Dans le cadre de l'étude de la région, il y aura des études appropriées à ce sujet-là et les gens seront autorisés à se servir des techniques de prospection habituelles.

La troisième région qui nous intéresse, et qui est visée par les accords signés en 1988 en vue de la création du parc Gwaii Haanas, se trouve dans les environs immédiats du parc, dans le détroit d'Hecate et au large de la côte ouest de l'île Moresby. Cette région a déjà été explorée intensivement par un certain nombre de compagnies de pétrole et de gaz qui ont des droits sur le secteur. Ces compagnies n'ont fait aucune découverte d'intérêt commercial dans la zone proposée pour l'aire marine de conservation et ont volontairement renoncé à leurs droits afin de permettre la création de cette aire.

Voilà la situation, en gros. Il y a trois régions possibles, deux dans lesquelles il n'y a pas de conflit connu et une troisième qui devrait faire l'objet d'une étude de faisabilité approfondie, et notamment de l'évaluation des droits éventuels.

La deuxième partie de votre question porte sur ce que nous pourrions faire au sujet de l'utilisation des réserves sous- marines grâce à des techniques de forage souterrain, par exemple. Comme je vous l'ai dit la dernière fois, nous préférerions qu'il n'y ait pas d'aires marines de conservation dans les endroits où il y a des réserves de ce genre; nous tenterons donc d'éviter à la fois ces endroits et l'utilisation des techniques de ce genre.

Le président: Après plus d'un demi-siècle d'exploration des océans, je sais qu'on trouve toujours quelque chose là où tout le monde dit qu'il n'y a rien. Même si une compagnie affirme qu'il n'y a rien quelque part et qu'elle renonce à ses droits, cela ne veut pas dire qu'il ne peut pas y avoir plus tard une autre compagnie, une autre idée ou un autre concept. Quand j'ai fini mes études, il n'y avait pas non plus de pétrole ou de gaz au large de la Nouvelle-Écosse ou de Terre- Neuve. Mais c'était dans l'ancien temps.

Est-ce que le processus est irréversible? Est-ce que les parcs — si vous décidez d'en créer — pourront être assez petits pour qu'il soit possible d'y faire de l'exploration sous-marine?

M. Lee: Nous préférerions éviter complètement cette éventualité. Je reconnais qu'on ne peut jamais être certain à 100 p. 100 quand on prend une décision. La superficie totale de ces parcs sera limitée; elle représentera un pourcentage relativement faible de la surface souterraine du Canada, de l'ordre d'environ 3 p. 100.

Même si nous faisons de notre mieux pour nous assurer qu'il n'y aura pas de conflit, il est toujours possible que les 3 p. 100 retenus comprennent un secteur riche en pétrole. Ce sera aux générations futures de décider, si le monde se rend compte un jour qu'il n'a plus de réserves de pétrole et de gaz et que les seules sources d'énergie se trouvent là. Je pense que ce sont les gens de l'époque qui devront prendre la décision.

Le président: C'est le problème qui se pose aux États-Unis, par suite de la création d'un immense parc entre le Yukon et Point Barrow. Les Américains essaient maintenant de trouver le moyen de sortir le pétrole et le gaz de là sans que tout le monde monte aux barricades.

C'est une question de taille. Trois pour cent, cela ne semble pas énorme, à moins que ce soit dans un seul secteur. Le territoire qui a été rétrocédé, dans les îles de la Reine-Charlotte, fait environ 80 milles sur 20, n'est-ce pas?

M. Lee: C'est probablement de cet ordre-là.

Le président: C'est grand. Si les parcs sont de cette taille-là, cela pourrait changer certaines choses.

Le sénateur Cochrane: J'espérais que vous pourriez nous en dire plus long sur le projet qu'avait votre agence de réer une aire marine de conservation à Bonavista, à la fin des années 90.

À ce moment-là, la politique relative aux aires marines de conservation ne précisait pas clairement comment tenir compte de la pêche commerciale. J'aimerais savoir si cela a été corrigé depuis. Est-ce que la question de la pêche commerciale a été réglée dans la pratique, pour la création d'autres aires marines de conservation' Quelle a été la réaction des pêcheurs de Bonavista? Quelles étaient leurs préoccupations et comment ont-elles été prises en considération pendant le processus de consultation?

M. Lee: Commençons par Bonavista. Il y a un certain nombre de choses qui n'ont pas bien marché là-bas. Dans certains cas, c'est parce que nous n'avions pas l'expérience de ce genre de chose, mais c'est surtout parce que nous avions établi un processus qui ne nous permettait pas de traiter directement avec le public. Nous avions créé un comité chargé de faire le travail pour nous. Le comité voulait fonctionner de façon indépendante, ce qui fait que nous nous sommes retrouvés en marge du dialogue, complètement mis de côté. Nous n'avons jamais pu intervenir dans les dossiers comme celui de la pêche commerciale d'une manière qui nous aurait permis d'établir un dialogue et de trouver un terrain d'entente.

Il y a aussi des facteurs externes qui sont entrés en ligne de compte. C'était à la pire époque de la crise des pêches, et les gens étaient mécontents et frustrés. Ils ne voulaient parler à personne. Nous sommes arrivés au milieu de tout cela.

Nous avons modifié notre façon de procéder. La seule réserve avec laquelle nous avons travaillé très intensivement depuis est celle du lac Supérieur, et nous avons établi une collaboration très étroite avec les pêcheurs commerciaux là- bas. Nous travaillons ensemble et nous n'avons pas ce genre de problème.

Le cas de Bonavista nous a appris certaines choses. Nous avons adopté un processus très souple et très ouvert, et nous avons constaté que les gens avaient l'impression de ne pas obtenir les réponses dont ils avaient besoin. Nous leur avons dit que nous n'avions pas toutes les réponses et nous avons essayé de travailler avec eux pour trouver des solutions efficaces. Ce que nous avons découvert dans ce cas-là — et cela reflète probablement d'autres questions qui vont se poser, comme elles se sont posées au lac Supérieur —, c'est que Parcs Canada doit exposer plus clairement les possibilités et les options offertes pour que les gens puissent participer à la prise de décision.

Sur le plan pratique, nous avons deux secteurs pleinement opérationnels, et il s'y fait de la pêche commerciale dans les deux cas. Ce sont deux régions assez différentes. Il y a d'abord celle du Saguenay-Saint-Laurent, où il y a une pêche commerciale existante. Et puis celle de Fathom Five, où il y a aussi une pêche existante, sauf que c'est le gouvernement provincial et non le gouvernement fédéral qui est responsable de la réglementation dans les Grands Lacs. Nous avons pris de l'expérience dans les deux cas et nous n'avons pas de problèmes particuliers. Dans l'ensemble, il y a un excellent travail de coopération.

Le projet de loi sur les aires marines de conservation ne modifie pas les responsabilités du gouvernement fédéral au sujet de la gestion des pêches. Le ministre du Patrimoine canadien, dans l'exercice de ses pouvoirs concernant les aires marines nationales de conservation et plus particulièrement la gestion des ressources, doit toujours travailler en collaboration avec le ministre des Pêches. C'est ainsi que les choses fonctionnent, et cela nous convient.

Le sénateur Cochrane: C'est ainsi que les choses fonctionnent maintenant. Est-ce que le MPO a participé au processus de consultation à ce moment-là?

M. Lee: Dans le cas de Bonavista, le MPO y a participé un peu, à peu près de la même façon que nous parce que nous avions confié le projet à un comité. Nos deux ministères n'étaient pas aussi engagés qu'ils auraient dû l'être.

Le sénateur Cochrane: Ce comité n'était pas constitué de gens de l'endroit. Ses membres venaient de l'extérieur de la province, n'est-ce pas?

M. Lee: C'étaient tous des gens de la région, choisis par la communauté. Ils voulaient réaliser leur propre étude et appliquer leurs propres méthodes, mais le processus a achoppé en cours de route.

Le sénateur Cochrane: Où en êtes-vous maintenant?

M. Lee: Nous avons mis fin à nos travaux au sujet de ce projet et nous avons dit clairement que nous ne créerions pas d'aire de conservation si les gens de l'endroit s'y opposaient. Nous avons laissé la porte ouverte; s'ils veulent reprendre les pourparlers, ils le peuvent.

Le sénateur Cochrane: Si vous avez eu de l'opposition, c'est à cause du moment que vous aviez choisi. Le moratorium avait été annoncé. Il n'y a pas eu assez de consultation avec le MPO et l'Environnement, ce qui fait que le moment était mal choisi pour que les gens réagissent de façon positive.

M. Lee: J'admets qu'il y avait d'autres facteurs. Il y avait aussi une élection locale en cours à ce moment-là.

Le sénateur Cochrane: Eh bien, c'est un facteur de plus.

M. Lee: Le projet a été pris au milieu de tout cela. Je ne dirais pas que le résultat était inévitable, mis il se passait beaucoup de choses en même temps, et nous ne pouvions pas gérer tout cela.

Je dois souligner, sénateur Cochrane, que ce sont des choses qui arrivent. Si les gens sont prêts à aller de l'avant un de ces jours, nous le ferons. Nous sommes prêts à faire les investissements nécessaires et à essayer de gagner leur confiance, mais nous ne ferons pas les premiers pas. Nous restons ouverts; si les gens de là-bas veulent nous parler, ils peuvent le faire.

Il faut en moyenne huit ans, au Canada, entre le début des pourparlers sur la création des parcs nationaux et des aires marines nationales de conservation et la conclusion d'une entente. Malheureusement, à Bonavista, les discussions n'ont même pas duré un an. Les gens n'ont pas pris le temps nécessaire.

Le sénateur Cochrane: Voulez-vous dire que c'est l'opinion publique qui va trancher?

M. Lee: Ce que je dis, c'est que nous allons attendre la réponse de la population. Si les gens veulent en parler, nous nous présenterons aux assemblées communautaires. Nous assisterons aux rencontres de groupe et aux autres activités de cette nature. Mais nous ne lancerons pas d'autre étude de faisabilité avant que les gens soient prêts. Nous sommes toujours intéressés, c'est certain. Et nous encourageons les gens à réfléchir à la question.

Le sénateur Tommy Banks (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant: Dans le cas de Bonavista, et nonobstant les pouvoirs de la ministre, la création de l'aire de conservation n'a pas été imposée contre la volonté des gens qui vivent là, n'est-ce pas?

M. Lee: Absolument pas.

Le président suppléant: Mais est-ce qu'il n'y a pas eu aussi une forte résistance au départ, au lac Supérieur? Expliquez-nous ce qui s'est passé dans ce cas-là.

M. Lee: La situation était un peu différente. Je ne dirais pas que la résistance était «forte». Nous avons amené les gens à accepter de réfléchir à l'idée, et ils ont nommé leurs propres représentants. Les différentes organisations, par exemple la municipalité, les clubs de chasse et de pêche, les organismes de conservation et les gens de l'industrie touristique, ont nommé leurs représentants. Je pense que nous avons commencé avec un comité de 12 à 14 personnes environ, dont au moins neuf ou dix avaient au départ de sérieuses réserves, sinon de véritables objections, au sujet de l'idée proposée.

Mais, comme ils voulaient quand même étudier la question, nous avons lancé le processus. Depuis bientôt quatre ans, ils discutent avec les membres de leurs communautés. Je pense qu'il y a eu plus de 70 réunions. Il y a eu aussi un certain nombre de sondages d'opinion et de journées portes ouvertes. J'ai participé personnellement à des tables rondes avec les représentants de toutes les organisations importantes de la région. Pendant cette période, les gens de l'endroit ont donné leur accord à la création d'une aire marine de conservation; ils ont énoncé les conditions dans lesquelles ils étaient prêts à appuyer le projet et ils ont présenté ces conditions au gouvernement. Après leur présentation, nous avons approuvé leurs recommandations, dans l'ensemble, et nous sommes actuellement en pourparlers avec l'Ontario au sujet d'un accord fédéral-provincial qui pourrait déboucher sur la création de cette aire de conservation.

Le président suppléant: Winston Churchill a déjà dit que, si on consultait un prisonnier pour savoir s'il voulait se faire couper la tête le matin, il avait beau répondre qu'il préférerait que non, on pouvait quand même lui couper la tête le matin en prétendant qu'on l'avait consulté. Dans ces deux cas, cependant, il s'agissait de véritables consultations. Dans un cas, elles ont mis fin au projet, et dans l'autre, elles ont permis d'obtenir l'accord de la population locale.

M. Lee: Le projet a été mis en oeuvre avec l'appui de la population locale. C'est parfaitement juste et cela se reflète dans notre comportement. Comme vous le savez sans doute, le projet de loi prévoit que, quand il y a des questions de compétence provinciale, nous ne pouvons pas créer d'aires de ce genre sans le consentement de la province. C'est impossible.

Le sénateur Kelleher: C'est plutôt théorique, mais pour en revenir aux commentaires de notre président, qui aurait cru que nous avions des diamants en Amérique du Nord' Par conséquent, ce qui est toujours préoccupant dans en ce qui concerne la prospection minière, pétrolière et gazière, c'est qu'on restreint parfois l'utilisation de zones où la prospection devient viable plus tard grâce à de nouvelles techniques.

Je vais être honnête avec vous. Je n'ai pas lu toutes les dispositions du projet de loi. Y a-t-il quoi que ce soit là- dedans qui empêche d'envisager l'exploration future de ces régions?

Une fois le projet de loi adopté, c'est fini. Y a-t-il quelque chose de ce genre dans ce projet de loi, ou quelque chose qui permettrait d'avoir accès à ces zones plus tard?

M. Lee: L'adoption du projet de loi ne change rien parce qu'il ne crée pas d'aires de conservation. Il établit simplement un cadre législatif, comme la Loi sur les parcs nationaux. Si vous voulez créer une aire de conservation, c'est le cadre qui vous permettra de le faire plutôt que d'avoir à déposer chaque fois un nouveau projet de loi semblable aux précédents. Dans ce sens-là, l'adoption du projet de loi ne change rien.

Le sénateur Kelleher: Vous voulez parler de l'ensemble du Canada?

M. Lee: Ce projet de loi n'établit pas d'aires de conservation.

Le sénateur Kelleher: Est-ce que cela s'applique partout au Canada?

M. Lee: Partout. Le projet de loi établit un cadre. La première étape du processus consisterait à définir où vous voudriez créer une aire de ce genre, après quoi vous devriez tenir des consultations publiques. Il faudrait ensuite évaluer le mieux possible les ressources minières, pétrolières et gazières, et toutes les autres ressources, dont la pêche. À partir de là, vous devriez essayer de choisir une zone dans laquelle, au meilleur de vos connaissances, il n'y aurait pas de conflit.

Une fois la zone choisie, à la troisième étape, elle serait assujettie aux dispositions du projet de loi. À partir de là, tant que la zone demeurerait une aire marine de conservation, la prospection et l'exploitation minières, pétrolières et gazières y seraient expressément interdites.

Le sénateur Kelleher: C'est le deuxième scénario dont je parlais. S'il arrive, par exemple dans le cas des mines de diamant, que de nouvelles techniques soient mises au point et qu'on découvre que votre parc marin se prêterait très bien à l'exploitation, est-ce qu'il serait possible de faire quelque chose en vertu de ce projet de loi pour qu'il soit au moins envisageable de rouvrir le dossier?

M. Lee: Non. À ce moment-là, il faudrait modifier la loi.

Le sénateur Kelleher: Une fois le parc créé.

M. Lee: Il faudrait modifier la loi et la nature de la zone.

Le sénateur Kelleher: Ce serait assez difficile, n'est-ce pas?

M. Lee: En effet; en ce sens, c'est similaire à la Loi sur les parcs nationaux.

Le sénateur Kelleher: Et il y a très peu de chances que cela donne des résultats, d'après certaines des délégations que notre comité a entendues.

M. Lee: Il y a deux parties dans la réponse. Premièrement, est-ce que c'est possible? Oui, c'est possible, mais ce serait difficile. Deuxièmement, est-ce que cela s'est déjà fait? Oui. Le parc national Banff a été amputé d'une partie de son territoire. Aujourd'hui, quand on arrive à Banff par la route, on voit une énorme cimenterie à un endroit qui faisait partie du parc national Banff à une certaine époque.

Le sénateur Kelleher: Quand je pense à Banff et à Jasper, je pense en particulier aux gens qui viennent nous voir de Jasper pour essayer de faire changer certaines choses afin d'obtenir plus d'autonomie dans l'administration de Jasper.

M. Lee: Ils l'ont obtenue.

Le sénateur Kelleher: Vraiment?

M. Lee: Oui.

Le sénateur Kelleher: C'est très frustrant. Ce que je crains, c'est que nous rendions le processus très difficile. Est-ce qu'il serait possible d'inclure une disposition qui permettrait au moins de déposer une demande de ce genre? Je sais que l'idée ne vous enthousiasme pas, et je le comprends.

M. Lee: Les membres du comité peuvent faire ce qui leur plaît. Mais nous n'appuierions pas cette idée.

Il faut tenir compte du degré de certitude et de confiance acceptable pour aller de l'avant. Dans le cas des parcs nationaux, le Canada a pris consciemment la décision de préserver certains endroits très spéciaux du pays.

Je ne nie pas que quelqu'un, un jour, pourrait trouver quelque chose dans le sous-sol du parc national du Gros- Morne. Mais nous avons dû prendre une décision et nous l'avons prise. Et je pense que tous les Canadiens peuvent vivre avec cette décision.

Le sénateur Kelleher: Sauf les compagnies de pétrole ou de gaz.

M. Lee: Comme je l'ai déjà dit, c'est une petite parcelle du territoire du pays. C'est une chose dont les Canadiens sont extrêmement fiers et à laquelle ils sont très attachés. Ils ont démontré qu'ils étaient prêts à prendre ce risque, qui est minime. Comme je l'ai déjà dit, il est toujours possible que le monde change et que les gens n'aient plus besoin des parcs un jour, ou qu'ils n'en veuillent plus et qu'ils préfèrent avoir du pétrole et du gaz, mais ce sera à eux de prendre la décision à ce moment-là.

Bien franchement, je suis certain que nous pourrons faire avancer les choses sans distorsion indue dans l'autre sens de l'équation, c'est-à-dire sans ouvrir 100 p. 100 du territoire canadien à l'exploration. Nous pouvons probablement prendre le risque de mettre de côté les 3 p. 100 que nous voulons préserver parce que ce sont des endroits exceptionnels.

Le président suppléant: Sénateur Kelleher, avez-vous déjà fait la route de Calgary à Banff?

Le sénateur Kelleher: Oui. Je suis allé à Banff à plusieurs reprises.

Le président suppléant: Quand on arrive à Banff en venant de Calgary, on passe à côté de l'erreur la plus horrible, la plus dégoûtante, la plus révoltante que notre pays ait jamais commise.

Monsieur Lee, avez-vous expliqué au comité quels seront les autres processus et les autres options dont le Parlement disposera après que ce projet de loi aura été adopté et que Parcs Canada aura déterminé qu'il faut créer une aire de conservation?

M. Lee: Non, mais je peux le faire brièvement, si vous voulez.

Le président suppléant: Les membres du comité aimeraient-ils savoir comment les choses se passeraient, rapidement?

M. Lee: Ce que je vous ai décrit, c'est le genre de consultations publiques et d'études de faisabilité qui débouchent sur une décision selon laquelle les gens disent, soit «oui, je veux une aire de conservation», soit «non, je n'en veux pas». Supposons qu'au cours des consultations locales, les gens décident qu'ils en veulent une. Il y a un certain nombre de choses qui doivent se produire à ce moment-là.

Premièrement, il doit y avoir un accord fédéral-provincial s'il y a une province en cause. Cet accord doit être approuvé par le conseil des ministres de chacun des gouvernements concernés.

Ensuite, il y a un débat au Parlement au sujet de la création de l'aire de conservation. Le projet de loi prévoit un certain nombre de choses à cet égard, notamment le dépôt à la Chambre d'un rapport sur l'aire proposée. Ce rapport doit inclure de l'information sur les consultations, une liste d'organisations, et ainsi de suite, de même qu'un plan de gestion provisoire qui permettra aux gens de savoir comment la zone sera gérée. Il doit également faire état des «résultats de toute évaluation des ressources minérales et énergétiques».

La Chambre est saisie de tout cela pour décider si elle souhaite ou non établir l'aire de conservation proposée. Les deux chambres du Parlement peuvent déterminer si elles jugent que toutes les valeurs en jeu, au sujet de la conservation ou des ressources, ont été prises en considération, si les études sont satisfaisantes, et ainsi de suite. Elles mettent ensuite la question aux voix et décident s'il y a lieu de créer l'aire de conservation ou non.

Ces documents — qui prouvent que nous avons tenu des consultations publiques approfondies et satisfaisantes — seront soumis aux deux Chambres. Vous aurez la preuve que nous avons bien évalué les ressources, qu'il s'agisse de ressources minières ou gazières, d'espèces fauniques ou de pêche.

Et vous recevrez des recommandations sur la gestion de l'aire de conservation dans un plan de gestion provisoire.

Le président suppléant: Que se passerait-il si un comité de la Chambre haute ou de la Chambre basse s'opposait à la création d'une aire marine de conservation et que la Chambre accepte sa recommandation?

Mme Susan Katz, directrice, Législation et politique, Agence Parcs Canada, Patrimoine Canadien: Dans ce cas, monsieur le président, l'aire ne serait pas créée.

Le sénateur Christensen: Vous avez dit que vous vous intéressez à 3 p. 100 des trois océans pour la création de parcs marins.

M. Lee: Oui, 3 p. 100 des océans et des Grands Lacs.

Le sénateur Christensen: Quel est le critère que vous retenez lors de cette première étape pour la définition d'une aire? Dans les parcs nationaux, ce qui nous intéresse, ce sont les écosystèmes, les espèces florales et fauniques spéciales, alors que vous proposez que la pêche et les autres activités continuent dans les parcs marins. Quel est le critère qui permet de sélectionner un endroit lors de la première étape et de prendre ensuite les mesures qui s'imposent?

M. Lee: Lors de notre dernière rencontre, nous avons dit que le Canada comprend un certain nombre d'aires marines. Disons par exemple qu'une de ces aires est le lac Supérieur qui présente des conditions écologiques spéciales et que nous voulons y créer une aire marine de conservation. La prochaine étape consiste pour nous à collaborer avec des biologistes, des écologistes et divers spécialistes de la conservation et des pêches afin d'étudier le lac Supérieur et de déterminer quel est le ou les secteurs de ce lac qui représenteraient le mieux la région.

Dans le cas du lac Supérieur, par exemple, je me souviens que nos premières études nous avaient en fait permis de repérer trois aires. Sur les trois options, nous avons retenu celle qui nous paraissait la meilleure et nous avons ensuite pris contact avec les habitants de la rive nord afin d'entamer le processus que j'ai décrit.

Au cours de l'étude de faisabilité, nous avons vérifié à nouveau les hypothèses initiales selon lesquelles cette aire est caractérisée par des espèces végétales rares et des conditions aquatiques spéciales. Elle a des caractéristiques qui seraient extrêmement précieuses pour les Canadiens sur le plan de l'éducation, de l'interprétation et des visites d'études pour mieux connaître le Canada et l'environnement marin. Toutes ces hypothèses sont vérifiées à nouveau au cours du processus de faisabilité.

Le président suppléant: Pouvez-vous nous expliquer également pourquoi chaque aire marine contient au moins deux zones différentes' Les conditions qui s'appliquent à une d'entre elles sont restrictives, comme nous l'avons vu, mais dans l'autre zone, au moins dans une autre zone, les conditions sont moins restrictives, et il n'est pas possible de créer une zone de conservation qui ne contienne au moins deux zones de ce type. Est-ce exact?

M. Lee: C'est exact. C'est le Comité du patrimoine canadien qui a établi cette terminologie lorsqu'il s'est penché pour la première fois sur le projet de loi. Les membres du comité avaient réclamé une description du zonage. Nous avions dit qu'il y avait une variété de zones, mais il y en a au moins toujours deux. Une d'entre elles fera l'objet de certaines restrictions quant aux activités qu'on peut y pratiquer. Ce sont en général des zones très sensibles, des aires de reproduction ou de frai qui bénéficient d'une telle protection. L'autre zone serait une zone polyvalente à laquelle mon objectif serait d'appliquer la meilleure gestion durable du monde.

La répartition de ces zones serait différente. Chaque aire serait différente. Par exemple, la proposition de conservation du lac Supérieur contient une très petite zone à haute protection représentant de 1 à 3 p. 100 de cette aire, tandis qu'un mode de production durable selon les meilleures pratiques possibles, s'applique à 97 p. 100 de cette aire. Je peux envisager une autre aire dont les zones protégées seraient plus grandes. Cela pourrait varier d'une aire à l'autre.

L'idée est de considérer les zones protégées comme des aires où les activités sont très limitées car la ressource est si fragile qu'elle risque de perdre sa capacité de reproduction.

Le sénateur Sibbeston: Le projet de loi contient également des dispositions concernant les ententes sur le règlement de revendications territoriales. En effet, il faut prendre en compte les ententes qui sont touchées d'une manière ou d'une autre. Je remarque à l'alinéa 5(2)c) que l'on ne peut apporter une modification à une annexe qu'après avoir respecté les exigences des ententes sur le règlement de revendications territoriales qui s'appliquent et qui sont touchées par la création de l'aire marine de conservation. Un peu plus loin, le paragraphe 9(5) comprend également une disposition qui oblige à respecter les ententes sur le règlement de revendications territoriales lorsqu'il est question de créer des parcs marins dans une zone touchée par des ententes sur le règlement de revendications territoriales. Ce paragraphe nous oblige à les prendre en considération. Le projet de loi contient peut-être d'autres dispositions à ce sujet. Est-ce que le processus contient des dispositions prévoyant la consultation des Autochtones concernés?

M. Lee: Tout à fait. Elles sont contenues dans l'article 10. Il y a d'autres points importants. Vous en avez cité quelques-uns.

Le paragraphe 9(1) a été rajouté à la suite d'entretiens positifs avec des Autochtones. Son but est d'assurer que les organes appropriés créés en vertu des revendications territoriales, continueront à exercer les rôles qui leur ont été confiés.

Le sénateur Sibbeston: C'est très important. Lorsque le Comité des peuples autochtones s'est rendu dans les territoires du nord au printemps dernier, il a appris que certains Autochtones touchés par les mesures concernant les parcs nationaux ou leur gestion souhaitent collaborer de manière véritable à la gestion. Partout où nous sommes allés — Inuvik, Whitehorse, Iqaluit — on nous a dit que Parcs Canada devrait adopter une gestion plus sensible au Nord. Dans le cas des aires situées dans l'Arctique canadien, est-ce que les ententes sur le règlement de revendications territoriales contiennent actuellement des dispositions touchant les aires marines de conservation?

M. Lee: Avant de vous répondre, je devrai m'informer à ce sujet. J'ai l'impression que ce n'est pas le cas, contrairement aux parcs nationaux. Il est arrivé plusieurs fois que même les parcs nationaux soient établis directement dans le cadre du règlement de la revendication territoriale. Dans d'autres cas, une disposition spéciale exprimait le désir des deux parties de créer un parc national. C'était une disposition précise qui prévoyait la création ultérieure d'un parc.

Dans le cas des aires marines de conservation, je ne pense pas qu'il y ait des dispositions spéciales; cependant, je crois qu'il y a des dispositions générales. Je vais me renseigner à ce sujet et je présenterai plus tard une réponse au comité.

Le sénateur Sibbeston: Il est impossible de dissocier les peuples autochtones des parcs. Les gens qui vont dans le Nord sont séduits par le territoire, mais il y a également beaucoup d'intérêt pour les peuples autochtones et la façon dont ils vivent, pas seulement leur mode de vie actuel, mais leur culture, leur migration, leurs activités dans la zone du parc. Je ne peux imaginer la création d'un parc ou d'une aire de conservation sans la participation totale des Autochtones. Ils ajoutent une dimension si particulière à un parc.

Les gens parcourent des milliers de kilomètres pour visiter un endroit aussi unique et différent. Par exemple, quand on visite un des parcs dans l'île de Baffin, on a l'impression de se trouver sur la lune. La géographie et le pays sont si différents, si uniques, si fantastiques. Le résultat n'est pas aussi bon sans la participation des peuples autochtones. Il manque quelque chose au tableau, car ils font vraiment partie intégrante du territoire.

Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il serait très important que les dispositions précisent que les Autochtones doivent participer pleinement. Ils ajouteraient une dimension fantastique à tout le processus.

M. Lee: J'ai eu l'occasion et le privilège de témoigner devant le sénateur Sibbeston et certains de ses collègues assis autour de cette table dans le cadre de l'étude qu'ils ont effectuée. J'appuie tout à fait ce que vient de dire le sénateur Sibbeston au sujet de l'esprit dans lequel nous abordons le processus et au sujet des buts que nous avons. Je suis extrêmement fier de prendre part à ce processus extraordinaire.

Cela n'a rien à voir avec votre comité, mais j'ai revu aujourd'hui même le rapport du sous-comité et la réponse que nous allons donner au rapport du Sénat et je pense que vous serez très satisfaits. Nous ne négligerons aucun effort.

Le sénateur Christensen: Nous l'attendons avec impatience.

M. Lee: Il me reste encore quelques jours, puisque vous avez demandé ma réponse avant la fin du mois de mars.

Mesdames et messieurs les sénateurs, nos prochains témoins sont M. Murphy et M. Campbell, de la Chambre de commerce du Canada.

Messieurs, la parole est à vous.

M. Michael Murphy, vice-président principal, Politique, Chambre de commerce du Canada: Mesdames et messieurs les sénateurs, je vais sauter les présentations, puisque la plupart des membres du comité connaissent sans doute très bien la Chambre de commerce du Canada. Il me suffira de dire que nous représentons une très large gamme d'entreprises de tailles différentes réparties dans les diverses régions du pays et les différents secteurs de l'économie. La plupart des entreprises sont très préoccupées par la gestion des risques et par la définition du principe de la prudence. C'est sur ce sujet que portera le témoignage que nous vous présentons ce soir.

Le deuxième alinéa du préambule du projet de loi définit le principe de la prudence de la manière suivante:

[...] de sorte que l'absence de certitude scientifique absolue ne puisse être invoquée comme motif pour différer la prise de mesures de prévention lorsque l'environnement risque de subir des dommages.

Cette définition du principe n'est pas conforme à celle de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement qui découle elle-même de la définition adoptée au cours du Sommet de la Terre à Rio en 1992.

La définition de la LCPE se lit comme suit:

[...] si bien qu'en cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement.

La Chambre de commerce du Canada souhaite attirer l'attention des membres du comité sur plusieurs différences importantes entre la définition du principe de la prudence contenu dans le projet de loi C-10 et celle de la LCPE.

La première est l'invocation du principe lui-même. Le projet de loi C-10 invoque le principe de la prudence lorsque l'environnement risque de subir des dommages. Cette définition ne fournit aucun seuil utile permettant de déterminer le degré de risque ni son bien-fondé. Dans la LCPE, l'expression «risque de dommages graves ou irréversibles» requiert un niveau élevé de risque imminent pour que le principe puisse être invoqué.

Notre deuxième point concerne le degré de certitude scientifique. Dans la version anglaise de la Loi sur la protection de l'environnement, l'expression «lack of full scientific certainty» implique qu'il est important de recueillir suffisamment de données scientifiques pour établir qu'il existe une menace plausible susceptible d'entraîner des dommages graves ou irréversibles. Il est nécessaire d'avoir un certain degré de certitude avant de pouvoir invoquer le principe de la prudence. Sans le mot «full» dans la définition anglaise, aucune limite claire n'est imposée aux justifications scientifiques solides, avant la prise de mesures.

Notre troisième point, monsieur le président, concerne l'efficacité des mesures proposées. Selon la définition incluse dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, contrairement à la définition du projet C-10, toutes les mesures prises en vue d'éviter des dommages doivent être effectives. Cela signifie que le coût de la mesure doit être proportionnel au risque de dommages. Plus la certitude scientifique du risque augmente, plus on est justifié de prendre des mesures plus coûteuses.

Le but de la gestion des risques consiste à prendre des mesures scientifiquement justifiées, efficaces et intégrées afin de réduire les risques tout en tenant compte des aspects sociaux, culturels, éthiques, politiques et juridiques. Il est très important que tous les secteurs du gouvernement adoptent une approche cohérente en matière de gestion des risques, afin de conserver leur crédibilité auprès de la population.

À ce titre, le gouvernement fédéral a publié l'automne dernier un document de travail consacré au principe de la prudence. La période de consultation relative à ce document n'est pas encore terminée et la Chambre de commerce du Canada a l'intention de présenter prochainement une réponse à ce document de travail.

Le processus de consultation à l'échelle de tout le gouvernement au sujet de cette question est actuellement en cours, mais nous pensons qu'il ne serait pas approprié d'inclure dans la loi une définition du principe de la prudence qui serait différente de la définition utilisée dans d'autres secteurs du gouvernement.

Nous vous encourageons à modifier la définition du principe contenue dans le projet de loi C-10 afin qu'elle soit conforme à la définition figurant dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et adoptée à l'échelle internationale lors du Sommet de la Terre à Rio.

Le président suppléant: Les règlements découlant de la LCPE s'appliquent à des terrains dont les propriétaires sont des gens comme vous et moi ou une entreprise minière. Par contre, les dispositions du projet de loi s'appliquent à ce qu'il me semble être l'équivalent d'un parc national. Ne pensez-vous pas que les règlements devraient être légèrement différents dans les deux cas?

M. Murphy: Nous avons affaire, dans ce cas-ci, à une importante loi-cadre et c'est là-dessus que vont porter mes remarques. Si l'on tient compte des degrés d'importance, les mesures mises en oeuvre par la Loi canadienne sur la protection de l'environnement touchent également à de très importantes questions de politique publique. Il me semble qu'il n'est pas bon actuellement d'instaurer des différences entre les divers textes de loi. Nous tentons de prendre une décision à l'échelle de tout le gouvernement, nous menons un processus de consultation et nous sommes aux prises avec une définition qui n'est pas conforme à celle qui s'applique de manière générale dans les normes internationales depuis dix ans. Voilà véritablement ce qui nous préoccupe.

Le président suppléant: La Chambre de commerce serait-elle prête à appliquer uniquement les principes de la LCPE, par exemple au Parc national de Banff?

M. Murphy: Pour ce qui est de l'application, il sera plus efficace d'utiliser la même définition dans chacune des zones où l'on veut appliquer le principe de la prudence. Je ne peux pas commenter de manière précise les applications particulières, et je ne suis d'ailleurs pas un spécialiste des parcs nationaux et je ne saurais me prononcer sur l'importance qu'il faut leur accorder. Ce que nous voulons, c'est une certaine cohérence. Le principe dont nous débattons à l'échelle de tout le gouvernement est important. Ce principe a déjà été inclus, après un grand débat, dans la Loi sur la protection de l'environnement, loi importante s'il en est et ce principe s'applique déjà à l'échelle internationale dans d'autres secteurs de réglementation, par exemple dans celui de la sécurité alimentaire. Je me demande bien pourquoi on opterait pour un principe différent dans ce texte de loi. Ce manque d'uniformité ne me paraît pas logique.

Le président suppléant: Il existe déjà puisque la LCPE ne s'applique pas de manière nationale.

M. Murphy: Ce qui nous préoccupe surtout, c'est qu'en ce moment la proposition que nous présente le gouvernement — et beaucoup d'autres intervenants commenteront cet exercice — contient une définition qui ressemble beaucoup à la déclaration de Rio qui s'appliquait dans la LCPE. Actuellement, l'approche est tout à fait différente. Nous ne voyons tout simplement pas comment on pourrait réconcilier les deux approches.

Le sénateur Cochrane: Avez-vous examiné les amendements apportés au projet de loi à la Chambre des communes' Trouvez-vous qu'ils améliorent considérablement le projet de loi et qu'ils répondent à vos préoccupations?

M. Murphy: De façon générale, c'est une préoccupation. Je vais demander à mon collègue M. Campbell de vous répondre de façon plus détaillée. Ce qui nous inquiète, c'est une lacune qui dénote un manque d'uniformité auquel nous souhaitons remédier. Nous espérons que le comité pourra prendre des mesures à cet égard.

M. Scott Campbell, analyste des politiques, Chambre de commerce du Canada: Je ne sais pas exactement de quel changement vous parlez. Je sais que dans le projet de loi initial, il y a plusieurs sessions, la définition était semblable à celle de la LCPE; depuis, la Chambre des communes a éliminé plusieurs mots pour en arriver à la définition actuelle.

Le sénateur Cochrane: Nos assistants ont les amendements au projet de loi présentés à la Chambre des communes. Est-ce que vous les avez vus?

M. Campbell: Je n'en suis pas certain.

Le sénateur Cochrane: M. Lee nous a parlé du parc marin du Saguenay-Saint-Laurent qui est un bon exemple de l'interaction des principes de conservation et des affaires. Avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet, vous qui êtes un représentant du milieu des affaires?

M. Murphy: Je n'ai pas de commentaires à faire sur les détails concernant les aires géographiques dont les représentants de Parcs Canada ont parlé. Notre témoignage aujourd'hui est surtout centré sur le principe contenu dans la définition. C'est cela qui nous préoccupe. Je ne suis pas en mesure de commenter les autres aspects du projet de loi.

Le sénateur Cochrane: La Chambre de commerce nous demande d'agir au niveau de la définition. Nous nous pencherons sur cette question.

M. Murphy: C'est la proposition. Nous voulons reprendre la formulation qui a déjà été adoptée au Canada et l'utiliser pour cette application précise pour laquelle le gouvernement entreprend ce vaste exercice de consultation. Je pense que nous allons présenter nos réactions d'ici la fin du mois et que d'autres le feront également. Ce sera un plaisir pour nous de les communiquer au comité.

Le sénateur Cochrane: Ce fut un plaisir pour nous d'entendre votre point de vue. Nous allons nous pencher sur cette question, monsieur le président.

Le sénateur Eyton: Je pense que vous avez visé juste. Dans le contexte actuel et compte tenu des forces en présence, je pense que c'est un véritable appel au conflit et à la confrontation, d'autant plus que personne ne sait vraiment ce que l'on va faire. J'appuie pleinement votre suggestion.

Le sénateur Keon: Il n'y a rien de plus simple. On le fait ou on ne le fait pas.

Le président suppléant: Le choix est très clair.

Avez-vous autre chose à ajouter, messieurs?

M. Murphy: Non. Notre but était tout simplement de vous signaler combien tous nos membres estiment important de remédier à ce manque de cohérence. Je pense que vous avez la possibilité d'y remédier.

Le président suppléant: Je vais m'assurer d'avoir bien compris. La Chambre de commerce souhaite que les protections — si l'on peut dire — ou critères de protection qui s'appliquent aux parcs nationaux et aux aires marines de conservation soient les mêmes que ceux qui s'appliquent dans le pays à l'extérieur des parcs nationaux et des aires marines de conservation. Est-ce exact?

M. Murphy: Dans la mesure où ce projet de loi ou un autre contient une définition sur ce sujet, nous souhaitons qu'il y ait une certaine uniformité. C'est tout à fait exact.

Le président suppléant: D'après vous, les règlements qui s'appliquent aux critères de protection dans une zone située à un mille à l'extérieur du parc national de Jasper devraient être les mêmes que ceux qui s'appliquent à une zone située à un mille à l'intérieur du parc national de Jasper.

M. Murphy: Je ne pense pas que ce soit une question de géographie. Je vais essayer d'être le plus clair possible. Il est question de l'application d'un principe.

Le président suppléant: À l'intérieur d'un parc national?

M. Murphy: C'est ce que fait ce projet de loi. Nous souhaitons que le même principe s'applique au moment de prendre les décisions. Sinon, on ne saura pas exactement comment prendre ces décisions. Pour les raisons que j'ai exposées, nous ne pensons pas que les critères seraient très solides et on ne saurait pas exactement comment procéder.

Le sénateur Eyton: Vos demandes sont brèves et compréhensibles. D'où proviennent-elles? Ont-elles été mises au point par un sous-comité ou un groupe de membres? Je serais curieux de connaître l'appui dont elles bénéficient de la part des membres de la Chambre de commerce du Canada.

M. Murphy: Il y a deux aspects à notre travail. Tout d'abord, la chambre elle-même dispose d'un comité qui se penche sur les questions environnementales. C'est un groupe général de membres qui fait partie d'un groupe plus étendu de gens d'affaires. Mon collègue, M. Campbell, a participé de façon complète à un groupe que nous avons baptisé le SDPP.

M. Campbell: Il s'agit du Groupe de travail sur les sciences et le développement des politiques publiques.

M. Murphy: Ce groupe se penche sur l'application des sciences à la prise de décisions. C'est un groupe qui réunit des gens d'affaires en général. Nous assurons la coordination de ce groupe. Nous avons le sentiment que nos membres adhèrent de manière générale au point de vue que nous avons exprimé aujourd'hui.

Le sénateur Christensen: Que pensez-vous de l'idée de créer des parcs marins dans nos trois océans, dans les diverses régions du pays? Est-ce une bonne idée? Devrions-nous le faire?

M. Murphy: C'est une bonne question, mais je ne pense pas avoir une bonne réponse à vous proposer. À dire vrai, je pense que notre organisation vise pour le moment à obtenir une application uniforme de la définition. Nous ne nous sommes pas penchés véritablement sur le fond du projet de loi. J'hésite à présenter un point de vue à ce sujet, parce que ce serait sans doute un point de vue personnel sur lequel je n'ai pas assez réfléchi. Je vais donc éviter de me prononcer.

Le sénateur Christensen: M. Lee nous a parlé du processus de création de ces aires. Il est clair que lorsqu'une aire est choisie, la population, les gens d'affaires et tous les habitants sont consultés afin de savoir s'ils appuient un tel projet. Si personne n'en veut, l'aire de conservation ne verra pas le jour.

J'aimerais savoir ce que la chambre pense de ce concept. Est-ce une bonne idée sur le plan économique? Est-ce dans l'intérêt du Canada?

M. Murphy: Comme je viens de le dire, je ne crois pas pouvoir présenter un point de vue précis sur cette question. Par contre, il me semble que dans le cas de n'importe quel texte législatif, en particulier une loi-cadre importante — qui après tout fixe les conditions, les règles du jeu que tous doivent comprendre de manière progressiste — il est très important de veiller à utiliser dans une loi telle que le projet de loi C-10, les mêmes conditions fixées par la loi, afin que les intervenants directement concernés, gens d'affaires ou autres, aient toujours la possibilité de participer à la prise de décisions en vertu de la loi. Le projet de loi est positif dans la mesure où il garantit cela. Cependant, je préfère ne pas me prononcer sur les aspects plus généraux du projet de loi.

Le président suppléant: Merci pour votre intérêt.

La séance est levée.


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