Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 26 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 21 mars 2002
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel ont été renvoyés les projets de loi C-10, Loi concernant les aires marines nationales de conservation du Canada, et C-33, Loi concernant les ressources en eau du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut et modifiant diverses lois en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 9 h 32, pour en faire l'examen.
Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Chers collègues, nous avons tenu plusieurs audiences au sujet du projet de loi C-10, Loi concernant les aires marines nationales de conservation du Canada.
Aujourd'hui, nous accueillons Mme Christie Spence, porte-parole de la Fédération canadienne de la nature. Madame Spence, si vous voulez bien commencer.
Mme Christie Spence, directrice, Campagne pour la préservation des sites naturels, Fédération canadienne de la nature: Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner. Biologiste de formation, je travaille depuis trois ans environ pour la Fédération canadienne de la nature, un organisme national de conservation sans but lucratif qui compte quelque 40 000 membres et partisans. Nous acceptons tous les chèques de 5 $ et plus et nous comptons des partisans un peu partout au Canada.
Nous nous intéressons depuis longtemps à la conservation de l'espace marin et nous appuyons les efforts déployés en vue de créer des aires marines de conservation. Depuis quelques années, nous consacrons des ressources considérables à la protection de l'espace marin au Canada. Ainsi, en 1996, dans le cadre d'un partenariat avec le Comité canadien des ressources arctiques, nous avons publié un document intitulé «Seize the Day» dans lequel se trouve une description complète des programmes et des outils nécessaires pour concrétiser une stratégie nationale de conservation d'aires marines au Canada. Dans ce document, nous reconnaissons la valeur des aires marines de conservation comme un important moyen de conserver nos ressources.
En 1997, la FCN a commenté un document publié par Parcs Canada sous le titre «Le Cap à suivre: pour une loi sur les aires marines de conservation,» dans lequel le ministère du Patrimoine canadien décrivait des propositions législatives visant à adopter justement une pareille loi. En 1999 et, à nouveau, en 2001, la Fédération canadienne de la nature a présenté au Comité permanent du patrimoine canadien un mémoire au sujet du projet de loi à l'étude.
Nos membres nous ont clairement demandé de faire des pressions en vue de faire adopter la loi concernant les aires marines de conservation et créer des zones marines de protection efficaces et, en fait, d'appuyer les deux initiatives.
Aujourd'hui, je suis surtout venue donner mon appui au projet de loi C-10 et faire des observations générales au sujet de la nécessité d'avoir une pareille loi.
La Fédération canadienne de la nature appuie l'adoption d'une loi qui permettrait d'établir des aires marines nationales de conservation dans nos eaux. Il faudrait d'ailleurs féliciter le ministère du Patrimoine canadien de sa persistance dans la promotion d'une loi concernant les aires marines nationales de conservation au Canada. Il est essentiel que le projet de loi à l'étude soit adopté. Actuellement, des lois et des programmes permettent de protéger les aires et les espèces marines. Toutefois, rien n'est prévu dans le but explicite d'établir un réseau représentatif de zones de protection marines. Un pareil réseau est crucial si nous souhaitons vraiment conserver au Canada la richesse de sa biodiversité marine.
Plus particulièrement, le projet de loi à l'étude a pour points forts notamment de souligner l'importance des écosystèmes marins dans la préservation de la biodiversité mondiale globale, l'engagement ferme que l'on prend de consulter la population et de l'inclure dans le processus décisionnel concernant l'établissement et la gestion des aires de conservation, l'engagement selon lequel, une fois qu'une aire marine de conservation est établie, sa taille ne sera pas réduite, l'importance que l'on accorde à la gestion des écosystèmes, le principe de prudence et la nécessité de créer un réseau représentatif d'aires marines de conservation, l'obligation de présenter périodiquement des rapports au Parlement sur l'état du réseau, un peu comme ce que nous avons en place pour le réseau des parcs nationaux, et le fait que l'on reconnaît l'importance de donner aux collectivités côtières la possibilité de faire une utilisation durable des ressources de l'océan, comme par le passé.
Nous reconnaissons que les aires marines nationales de conservation ne seront pas l'équivalent des parcs nationaux terrestres, mais, à notre avis, elles sont tout autant utiles pour conserver toute la gamme des habitats canadiens. L'objectif que s'est fixé Parcs Canada, soit de représenter chacune des 29 régions marines naturelles, fera une contribution unique et depuis longtemps attendue à la conservation de l'espace marin.
Malheureusement, le véritable établissement de parcs dans ce réseau a été très lent. Le premier parc marin du Canada, Fathom Five, date de 1986. En 1988, le gouvernement fédéral et la province signaient une entente en vue d'établir la réserve de parc national Gwaii Haanas. Toutefois, l'entente prévoyait aussi une composante marine. Jusqu'ici, aucun parc marin n'a été établi officiellement, l'eau ne fait l'objet d'aucune mesure de conservation et aucune ressource n'y a été affectée.
En 1994, Parcs Canada a modifié ses principes et ses processus relatifs à l'établissement d'aires marines nationales de conservation, y consacrant tout un chapitre dans son guide des politiques. Toutefois, depuis lors, une seule nouvelle aire marine nationale de conservation a été établie, celle du Saguenay-Saint-Laurent, en 1997.
Des progrès ont été réalisés, et nous sommes sur le point d'avoir de nouvelles aires. Ainsi, une aire marine nationale de conservation proposée pour le lac Supérieur est sur le point de voir le jour. En novembre dernier, la ministre Copps a annoncé que Parcs Canada est maintenant prêt à entamer des négociations en vue de conclure une entente fédérale- provinciale et d'arrêter un plan de gestion provisoire pour le lac Supérieur. Une longue série de consultations impressionnantes en vue d'établir cette aire a eu lieu, et l'idée d'établir une aire au lac Supérieur jouit d'un grand appui.
Nous sommes entièrement d'accord avec l'idée d'établir en temps opportun des aires marines nationales de conservation à Gwaii Haanas et au lac Supérieur, ainsi qu'ailleurs dans le réseau marin. L'adoption du projet de loi C- 10 fournira le cadre tant attendu pour établir de nouvelles zones de protection marines au Canada. Nous espérons que l'adoption du projet de loi à l'étude servira de catalyseur pour inciter à compléter le réseau.
En avril 2001, la ministre de Patrimoine canadien a convoqué une première table ronde des premiers ministres sur Parcs Canada. Pour la première fois, la table ronde a réuni divers intéressés d'un peu partout au pays en vue d'évaluer à quel point l'organisme respecte son mandat et de faire des recommandations quant à son orientation future. La table ronde portait principalement sur l'achèvement des réseaux de parcs marins et de parcs nationaux et ceux qui y étaient présents ont fait des recommandations particulières au sujet du réseau d'aires marines nationales de conservation.
Ils ont entre autres recommandé à la ministre qu'elle fasse en sorte que, d'ici la fin de 2001, le projet de loi C-10 ait été adopté, qu'elle élabore une stratégie en vue d'accélérer l'achèvement du réseau d'aires marines nationales de conservation et qu'elle prévoit clairement d'établir quatre nouvelles aires marines nationales de conservation au cours des cinq prochaines années. La table ronde a aussi recommandé que la ministre obtienne du gouvernement des fonds supplémentaires en vue d'accélérer l'achèvement du réseau d'aires marines nationales de conservation et du réseau de parcs terrestres nationaux.
Il faut, pour être efficace, qu'une nouvelle loi soit appliquée et qu'on en exécute les dispositions. Par conséquent, il faut y consacrer de nouveaux fonds. Dans le cadre de son examen du projet de loi C-27 concernant les parcs nationaux du Canada, votre comité a entendu plusieurs témoins lui dire que Parcs Canada manquait des ressources financières voulues pour bien respecter son mandat. Le ministère a besoin de nouveaux fonds réservés à cette fin si l'on veut qu'il respecte les engagements pris par le gouvernement de compléter le réseau des aires marines nationales de conservation et celui des parcs nationaux. C'est avec le plus grand respect que nous encourageons votre comité à recommander dans son rapport que le gouvernement affecte du financement stable et suffisant aux nouvelles aires marines nationales de conservation ainsi qu'aux parcs nationaux.
C'est une question qui préoccupe la Fédération canadienne de la nature depuis longtemps. Dans son travail au sein de la Coalition du budget vert, qui regroupe une quinzaine de groupes nationaux, elle a recommandé au gouvernement fédéral qu'il affecte 165 millions de dollars au cours des cinq prochaines années à négocier, à créer et à exploiter quatre nouvelles aires marines de conservation et huit nouveaux parcs nationaux.
En guise de conclusion, la Fédération canadienne de la nature recommande respectueusement que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles fasse rapport du projet de loi C-10 sans amendement et qu'il travaille à lui faire donner la sanction royale en temps opportun. De plus, la Fédération demande au comité de recommander au gouvernement qu'il affecte de nouveaux fonds de manière à permettre à Parcs Canada de respecter son mandat, soit d'établir de nouvelles aires marines nationales de conservation et de compléter et de remettre en état notre réseau de parcs terrestres.
Le Canada s'est depuis longtemps engagé tant au niveau national qu'international à achever un réseau représentatif de zones de protection marines. L'adoption du projet de loi à l'étude est une étape cruciale dans la réalisation de cet objectif.
Le président: Devant le comité de la Chambre des communes, vous avez recommandé que la loi fasse l'objet d'un examen tous les sept ans. Pourtant, dans la loi, le délai est de cinq ans. Était-ce une erreur de votre part ou étiez-vous vraiment convaincue que les examens quinquennaux étaient trop rapprochés?
Mme Spence: Il serait probablement utile, dans les cinq ans qui suivent peut-être l'adoption du premier projet de loi à l'étude, d'en faire l'examen de manière à pouvoir le peaufiner et déterminer s'il est efficace. Par après, il ne sera peut- être pas essentiel d'en faire l'examen aussi souvent. Enfin, que l'examen ait lieu tous les cinq ans ou tous les sept ans n'a pas grande importance.
Le président: Ce n'était pas un reproche. Je me demandais pourquoi vous aviez fait cette suggestion. En règle générale, les organismes qui comparaissent devant nous recommandent que les examens soient beaucoup plus fréquents.
Mme Spence: Nous travaillons à la création de parcs nationaux. Nous avons appris à être patients.
Le président: Pourriez-vous nous dire où vous situez les fermes d'aquaculture dans ce réseau? Cela enlève-t-il quoi que ce soit au parc?
Mme Spence: Quand nous avons fait nos exposés devant le comité de la Chambre, nous cherchions à faire allonger la liste des interdictions faites dans le projet de loi. Les parties du projet de loi à l'étude qui traitent de la protection de la structure, de la fonction de la colonne d'eau et du fond marin nous satisfont. Par conséquent, nous comprenons qu'il répugne au ministère d'allonger la liste des interdictions, particulièrement en rapport avec les localités.
Notre position à l'égard des aquacultures de poissons est qu'elles représentent un danger pour l'écosystème. Nous l'avons constaté sur la côte Ouest, par exemple, lorsque des saumons de l'Atlantique se sont évadés de l'enclos. Cela nous préoccupe. Dans une aire marine de conservation, on pourrait espérer que grâce au zonage et à la consultation, il y aurait moyen d'établir une liste plutôt complète des choses qui seraient de facto interdites. Quant à savoir si le projet de loi l'interdit ou pas, c'est au ministère qu'il appartient d'en décider.
Le président: Je crois que le terme utilisé pour décrire quelque chose qui a des nageoires est «poisson». Ai-je tort de croire que les homards, moules et praires sont aussi élevés dans des aquacultures?
Mme Spence: Vous avez tout à fait raison. On parle à ce moment-là de conchylicultures. Dans le mémoire que nous avons présenté au comité de la Chambre, nous avons dit que nous n'appuyions pas l'aquaculture du poisson, mais que nous étions peut-être ouverts à la possibilité de la conchyliculture, si elle était menée dans des conditions strictement contrôlées. La science ne nous a pas encore permis de trancher à ce sujet. Nous espérons qu'avec l'adoption du projet de loi à l'étude et l'accent qui est mis sur le principe de prudence, en cas de doute au sujet des conséquences, la conchyliculture sera interdite dans une aire marine de conservation.
Le président: Quand je lis les témoignages, je comprends pourquoi le poisson serait une source de préoccupation parce qu'il pourrait s'échapper et contaminer d'autres espèces. Toutefois, il faut aussi que les mollusques et les crustacés se déplacent un peu, sans quoi ils se feraient manger. Ce ne sont pas des diamants. Ils ne demeurent pas toujours au même endroit.
Mme Spence: Ils se déplacent avec beaucoup de lenteur.
Le président: Croyez-vous qu'il y a risque de contamination?
Mme Spence: Peut-être. À nouveau, tout dépend des pratiques utilisées. Comme autre source de préoccupation de l'aquaculture du poisson, il y a entre autres l'utilisation d'antibiotiques dans l'eau et le fait que ces espèces changent leurs habitudes lorsqu'elles vivent en captivité. Du fait qu'elles ne se déplacent pas partout dans l'écosystème, elles deviennent superrésistantes de sorte que, si elles s'échappent et ne se trouvent pas dans leur habitat naturel, elles seront de loin supérieures à d'autres espèces. Nous savons que ces pratiques préoccupent le milieu scientifique.
Toutefois, nous appuyons volontiers le projet de loi à l'étude parce qu'il comporte des dispositions comme le principe de prudence et la nécessité de ne pas nuire à la structure et à la fonction de l'écosystème.
Le sénateur Banks: Nous avons entendu hier, et ce n'était pas la première fois, des préoccupations au sujet du manque d'uniformité dans l'application du principe de prudence d'une loi à l'autre. Le principe de prudence tel qu'il est défini dans le projet de loi à l'étude est différent de celui auquel a souscrit le Canada à l'échelle internationale. Qu'avez- vous à nous dire à ce sujet?
Mme Spence: Ce n'est pas moi qui vais pouvoir vous faire une interprétation juridique du principe de la prudence. Je suis une scientifique. Quand des décisions gouvernementales doivent être prises, nous reconnaissons qu'il faut toujours qu'il y ait un certain degré de certitude. Si l'on ne peut affirmer en toute certitude que le changement climatique causera la disparition des localités côtières du pays, il vaudrait peut-être mieux ne pas s'en inquiéter. Dans le milieu scientifique, nous avons l'habitude de peser les probabilités et les risques associés à ces phénomènes.
Malheureusement, je ne peux rien ajouter quant à la distinction entre cette définition et l'autre. À mesure que sont établies les aires marines nationales de conservation, nous nous fierons aux données scientifiques pour décider s'il y a un risque ou si les faits prouvent — ils ne sont peut-être pas concluants ou écrasants — qu'il y a des risques associés à certains comportements. Il est certes incontestable que le chalutage par le fond cause des dommages. Certains faits laissent croire que l'aquaculture du poisson pourrait poser problème. Avec un peu de chance, le principe de la prudence sera utilisé de manière à éviter les problèmes.
Le sénateur Banks: D'après ce que nous avons lu et entendu, l'aquaculture pose déjà certains problèmes. Le sénateur Taylor en a déjà parlé. Des saumons de l'Atlantique qui sont élevés dans le Pacifique se sont échappés. Il y a depuis lors des antibiotiques dans l'eau et ainsi de suite. Comment votre organisme voit-il cette question en règle générale? Certains trouvent cela alarmant. De plus, de quelle façon ces questions auraient-elles un rapport avec l'établissement d'une aire marine de conservation et la mesure dans laquelle l'aquaculture pourrait être autorisée dans une de ces zones de conservation marines?
Mme Spence: Nous aimerions beaucoup qu'une loi soit adoptée dans ce domaine parce que, par rapport au réseau terrestre de parcs nationaux qui ne vise pas un très grand territoire, nous n'avons protégé aucun de nos écosystèmes marins presque. Avec un peu de chance, dans une aire marine de conservation, nous pourrons accorder une certaine protection et faire les choses différemment, les faire d'une manière durable et responsable par rapport à ce qui se passe dans le reste de l'océan, où nous avons peu d'influence.
Il est possible d'éviter l'aquaculture du poisson dans une aire de conservation puisque l'aire a été mise de côté. Une des fonctions importantes de toute zone de protection est de servir de point de repère, de jalon scientifique qui permet de mesurer ce que nous croyons être normal quand nous changeons tout à l'extérieur de ces aires.
Le sénateur Banks: Peut-être pourrez-vous en tant que scientifique me donner des conseils. Il est beaucoup plus difficile de contrôler le mouvement de choses dans l'océan que ça ne l'est sur terre.
Mme Spence: C'est très vrai.
Le sénateur Banks: Si nous déséquilibrons l'eau de nos océans en y introduisant des antibiotiques ou des espèces qui ne devraient pas s'y trouver, quel espoir avons-nous d'empêcher ces phénomènes de se propager ailleurs dans l'océan? Sommes-nous privés de tout espoir?
Mme Spence: Il est très difficile de contrôler ce qui se passe dans une aire marine de conservation. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous souhaitons que s'applique le principe de la prudence.
S'il y a une aquaculture du poisson à l'extérieur de l'aire marine de conservation, mais à proximité de celle-ci, en cas d'accident, l'aire marine pourrait être touchée.
Il faut voir ce qui peut être réglementé ou légiféré dans ce domaine et tenter de comprendre le mieux possible ce qu'est le principe de la prudence et comment nous entendons l'utiliser.
Le sénateur Banks: On ne se rue pas pour acheter des voitures électriques ou à l'hydrogène parce qu'on n'est pas sûr de pouvoir facilement se procurer le combustible. L'efficacité de ces voitures est douteuse. Vous pourriez utiliser la même analogie.
Voilà une loi habilitante. Elle ne crée rien. Toutefois, autant il serait illogique d'acheter un véhicule pour lequel vous n'avez pas l'assurance de pouvoir vous en servir parce qu'il n'y a pas de combustible, quelle est votre réaction à ce qui a été dit, soit qu'il ne faudrait pas en réalité adopter la loi habilitante jusqu'à ce que le gouvernement se soit engagé à débloquer suffisamment de fonds pour en permettre la véritable application? C'est fort bien de créer un parc national ou une aire marine de conservation, mais cela coûte de l'argent. Parcs Canada n'a déjà pas suffisamment de fonds pour remplir son mandat et bien faire ce qu'on lui a confié. Serait-ce un bon argument?
Mme Spence: Je ne sais pas quel argument il faudrait invoquer pour obtenir du financement pour Parcs Canada à ce stade-ci. Nous sommes sur le point de constituer des aires marines nationales de conservation. Certes, cela fait presque 20 ans que la réserve naturelle de Gwaii Haanas essaie de créer une zone de conservation marine. Il ne faudrait pas beaucoup de ressources supplémentaires pour que ce projet se concrétise et nous aurions au moins un cadre pour commencer.
Les collectivités situées aux abords du lac Supérieur, par exemple, sont tout à fait favorables à ce que leur région devienne une aire de conservation, ce qui, une fois encore, ne peut se faire tant qu'il n'y aura pas de loi habilitante. Ces collectivités appuient le projet; peut-être est-ce là un bon argument pour inciter le gouvernement à débloquer des fonds, mais je n'en suis pas sûre.
Les personnes les mieux placées pour convaincre le gouvernement d'allouer des fonds à Parcs Canada sont les électeurs vivant dans ces régions, qui ont des intérêts dans ces aires de conservation et qui y croient. De toute évidence, ce n'est pas moi qui peux les convaincre.
Le sénateur Banks: J'accepte votre deuxième recommandation. J'espère, monsieur le président, que si nous y donnons suite, nous joindrons une admonestation pour indiquer qu'il faudra allouer les fonds requis.
Le président: Voyant que vous êtes la personne chargée d'en favoriser l'adoption à la Chambre, je vous demanderais de veiller à que ce message soit transmis. Je suis d'accord avec vous. Nous avons l'habitude de créer des parcs sans débloquer les fonds nécessaires.
Je suis d'accord avec le témoin lorsqu'elle dit qu'avant de débloquer des fonds, il faut que la zone soit déclarée aire de conservation.
Le sénateur Christensen: Ce n'est pas toujours facile d'interroger un témoin qui approuve entièrement ce que vous faites. En lisant l'exposé présenté par votre association devant la Chambre des communes, je pensais que vous aviez adopté une position beaucoup plus critique sur ce point. Je vois que vous avez cédé du terrain. Au départ, mes questions se fondaient sur votre exposé devant le comité de la Chambre des communes.
De nos jours, la constitution de réserves naturelles est bien différente de ce qu'elle était lorsque nous avons créé le parc de Banff, entre autres. Peut-être que ceux-ci n'existeraient pas aujourd'hui si nous avions dû faire face, à l'époque, aux réalités actuelles.
Les gens qui vivent dans les collectivités côtières sont très préoccupés par l'adoption de ce projet de loi car, compte tenu de l'effondrement de l'industrie de la pêche, ils veulent trouver de nouvelles sources d'emploi.
D'après le témoignage des représentants du ministère, il est prévu de procéder à de vastes consultations, une fois que l'on aura choisi l'aire à protéger et effectué les recherches nécessaires. Si les collectivités décident qu'elles n'en veulent pas, il se pourrait qu'on n'aille pas plus loin.
D'après votre association, quelle est la meilleure façon d'approcher ces collectivités et d'atténuer leurs craintes pour que les parcs soient créés? Il est important, comme vous l'avez souligné, que nous préservions ces zones, pour le bien des générations futures.
Mme Spence: Parfois, je regrette qu'il ne suffise pas de tracer une ligne sur une carte pour créer un parc. Cela prend des décennies et exige, bien sûr, le soutien de la collectivité.
Quand j'ai fait ce travail, j'ai vu que Parcs Canada était réellement disposé à mener des consultations élargies, ouvertes et équitables. Parcs Canada s'est retiré de collectivités comme celle de la baie Bona Vista lorsqu'il s'est aperçu que la population ne manifestait aucun intérêt pour son projet.
Toutefois, la situation est très encourageante dans la région du lac Supérieur, par exemple. La première fois que Parcs Canada a fait savoir aux collectivités bordant le lac qu'il avait l'intention de créer une aire de conservation marine, celles-ci étaient farouchement opposées à la proposition. Maintenant, je crois qu'elles l'appuient à 80 p. 100. Pars Canada a fait un excellent travail pour mettre les collectivités de son côté.
On dispose maintenant de très bons éléments prouvant que la création d'aires de conservation marine dans les Caraïbes et au large des côtes de Floride présente des avantages. On a observé une augmentation phénoménale des stocks de poissons, non seulement à l'intérieur des aires de conservation, mais aussi à l'extérieur.
Le fait de préserver certaines zones favorise les pêcheries commerciales. Lorsque de nouveaux exemples apparaîtront, il sera beaucoup plus facile de démontrer quels avantages on peut en tirer.
Pour les collectivités qui ont perdu dans la pêche leur principale source de revenu, c'est une façon complètement différente de tirer des avantages économiques de l'océan, en profitant de l'écotourisme qui attire des gens des quatre coins du monde, au lieu de se concentrer intensivement sur une espèce ou une autre.
Le sénateur Christensen: Ils considèrent cela comme un retrait des terres sous-marines à des fins d'exploration gazière et pétrolière.
Mme Spence: C'est une autre possibilité pour les collectivités qui permettra, espérons-le, de préserver ces ressources à long terme, alors qu'avec l'exploitation d'autres ressources, il peut y avoir une période au cours de laquelle on retire certains avantages et ensuite non. Nous observons que les collectivités qui vivaient de l'exploitation minière ou de la foresterie et qui ont perdu leurs sources de revenu ont ensuite profité de la situation durant une courte période. J'ai bon espoir que certaines collectivités trouveront cela très intéressant.
Le président: Je vous remercie beaucoup, madame Spence, pour votre exposé, si instructif et si intéressant. Je ne puis vous en donner l'assurance, mais je crois que vos souhaits seront exaucés. Je pense que nous nous dirigeons sur la bonne voie.
Le comité va maintenant procéder à l'examen, article par article, du projet de loi C-33, qui a été adopté par la Chambre des communes en novembre 2001. Quoi qu'on l'ait appelée Loi sur les eaux du Nunavut, le titre complet du projet de loi C-33 est: Loi concernant les ressources en eau du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut et modifiant diverses lois en conséquence.
En raison du travail effectué par les sénateurs Watt et Sibbeston, nous avons négocié l'amendement de l'article qui nous a tous dérangés. Les Autochtones n'ont pas aimé la disposition non dérogatoire. Le sénateur Sibbeston va déposer une motion, lorsque nous arriverons à l'article 3 de la page 4, proposant la suppression des lignes 1 à 7. En d'autres termes, nous allons supprimer la disposition non dérogatoire. Je demanderais au sénateur Sibbeston de présenter cette motion le moment venu.
Sommes-nous d'accord, honorables sénateurs, pour que ce comité procède à l'examen, article par article, du projet de loi C-33?
Des voix: Oui.
Le président: Est-il entendu que l'adoption du titre est réservée?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Watt: Puis-je poser une question? L'article 82 stipule qu'il faut demander le paiement de droits pour l'utilisation de l'eau dans le but d'y déposer des déchets. Comment pouvons-nous exiger le paiement de ces droits si la terre appartient aux Inuits? Allons-nous proposer d'amender cet article?
Le président: Nous avons déjà parlé de cela, mais en politique il faut toujours faire des concessions et nous avons jugé que si nous nous occupions de la disposition non dérogatoire, ce serait un compromis acceptable. Cela nous dérange toujours, mais c'est une chose que d'obtenir d'un ministère qu'il cède un peu de terrain et c'en est tout une autre que de lui en faire céder beaucoup. Je pense que le ministère fera marche arrière car le projet de loi que nous aurons amendé devra retourner devant la Chambre. L'amendement dont nous parlons, que le sénateur Sibbeston va proposer, sera celui que la Chambre acceptera.
Le sénateur Watt: Ne devrions-nous pas au moins faire une déclaration, à la fin, disant qu'il s'agit d'une question en suspens?
Le président: Je n'y vois aucun problème.
Sénateur Sibbeston, voulez-vous ajouter quelque chose?
Le sénateur Sibbeston: Comme vous l'avez indiqué, monsieur le président, au départ, nous avions trois sujets de préoccupation. L'un concernait le paiement de droits pour l'eau, l'autre le droit de veto du ministre sur les décisions concernant les autorisations délivrées par l'Office des eaux. Pour ce qui est de la question des droits des Autochtones, je pense que le point le plus important qu'ont soulevé les Inuits et leurs représentants visait certainement la disposition non dérogatoire. Par conséquent, je me suis efforcé de trouver une solution à ce problème. Je crois que nous avons une résolution. Je pense qu'il aurait mieux valu modifier l'article comme je l'avais proposé, mais on dirait que ni le gouvernement ni le ministre ne sont disposés à aller aussi loin. La deuxième solution à retenir consisterait donc à supprimer tout bonnement cet article, à la satisfaction des Inuits. C'est, à mon avis, le chemin que nous sommes sur le point de prendre. J'ai un amendement qui propose de supprimer la disposition non dérogatoire pour écarter toute équivoque.
Le président: Cela semble être le compromis auquel nous sommes arrivés. Nous conservons au moins la moitié ou peut-être les trois quarts de ce que nous voulions.
Le sénateur Watt: J'aimerais faire une déclaration sur les questions en suspens.
Le président: Je vous écouterai une fois que nous en aurons terminé.
Nous avons convenu de réserver le titre. Le préambule est-il réservé?
Des voix: D'accord.
Le président: L'article 1 est-il réservé?
Des voix: D'accord.
Le président: L'article 2 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: L'article 3 est-il adopté?
Le sénateur Banks: Non.
Le président: Nous accepterons alors une motion d'amendement. A-t-elle été distribuée?
Le sénateur Christensen: Oui.
Le sénateur Sibbeston: Monsieur le président, je propose que les lignes 1 à 7 de l'article 3, à la page 4 du projet de loi C-33, soient supprimées.
Le président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui et que ceux qui sont contre disent non.
Des voix: Oui.
La motion est adoptée à l'unanimité.
L'article 3 modifié est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Les articles 4 à 13 sont-ils adoptés?
Des voix: D'accord.
Le président: Les articles 14 à 41 sont-ils adoptés?
Des voix: D'accord.
Le président: Les articles 42 à 81 sont-ils adoptés?
Des voix: D'accord.
Le président: Les articles 82 à 94 sont-ils adoptés?
Des voix: D'accord.
Le président: Les articles 95 à 132 sont-ils adoptés?
Des voix: D'accord.
Le président: Les articles 133 à 170 sont-ils adoptés?
Des voix: D'accord.
Le président: Les articles 171 à 203 sont-ils adoptés?
Des voix: D'accord.
Le président: Les annexes 1 et 2 sont-elles adoptées?
Des voix: D'accord.
Le président: L'article 1 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Le préambule est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Le titre est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Puis-je faire rapport du projet de loi modifié au Sénat?
Des voix: D'accord.
Le président: Dans quelques minutes, nous allons préparer ensemble une déclaration. Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
Le président: Je vous remercie, chers collègues. Nous poursuivons à huis clos.
La séance se poursuit à huis clos.