Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 28 - Témoignages du 23 avril 2002
OTTAWA, le mardi 23 avril 2002
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-27, Loi concernant la gestion à long terme des déchets de combustible nucléaire, s'est réuni ce jour à 18h 02 pour examiner ce projet de loi.
Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Chers collègues, je dois vous mentionner que le ministre risque de nous rejoindre un peu plus tard que nous le pensions. Je crois qu'il est retardé par un vote, et nous pourrions peut-être commencer par entendre Northwatch.
Madame Lloyd, bienvenue. Je vous invite à présenter votre exposé.
Mme Brennain Lloyd, coordonnatrice, Northwatch: Mesdames et messieurs les membres du comité, Northwatch est un organisme qui représente les groupes du nord-est de l'Ontario qui s'intéressent à l'environnement et à la justice sociale. Cet organisme a été créé en 1988 en réaction à la question de la gestion des déchets de combustible nucléaire et à l'examen dont cette question devait faire l'objet à l'époque dans le cadre d'un programme d'évaluation et d'examen en matière d'environnement. Il existait à cette époque plusieurs organisations communautaires, fonctionnant principalement grâce à des bénévoles, qui voulaient participer activement à cette opération, à cause de son importance. Nous pensions que nous y parviendrions plus facilement en constituant un organisme régional, qui pourrait se faire l'écho de notre expérience et des préoccupations de la région au sujet de la gestion des déchets de combustible nucléaire en général, et plus particulièrement, au sujet de la méthode présentée par Énergie atomique du Canada limitée et du projet d'enfouissement des déchets nucléaires dans le Bouclier canadien du nord de l'Ontario.
Je suis venue ici vous parler du projet de loi C-27. D'une façon générale, ce projet de loi nous préoccupe gravement et je tiens à vous dire que le projet de loi C-27 reflète une orientation qui est contraire à celle que nous devrions et pourrions prendre. Pour nous, le projet de loi C-27 nous ramène à une période marquée par les conflits, par les confrontations, par le secret et par les discussions de principe sur la question des déchets nucléaires et non pas par des décisions fondées sur les données scientifiques et de bons principes. Nous avions l'occasion de faire beaucoup mieux et d'améliorer les choses, et je pense qu'il est encore possible de le faire.
Le rapport de la commission Seaborn que vous connaissez, je l'espère, contenait des recommandations très positives. Notre organisme a participé très activement à l'examen de la question des déchets nucléaires que dirigeait le président Blair Seaborn et nous n'aurions pas rédigé le rapport de cette façon; nous avons été néanmoins impressionnés par le fait que la commission a réussi à intégrer les points de vue, les craintes, l'information et les données scientifiques qui lui ont été présentés pendant les 10années qu'a duré cet examen et a également trouvé le moyen de faire avancer le débat. Nous sommes impressionnés par ce résultat. Nous sommes reconnaissants envers les membres de cette commission pour les efforts qu'ils ont déployés et, en mars 1998, lorsque le rapport a été publié, nous avons pensé que nous pouvions maintenant adopter une attitude plus positive à l'égard de ce débat et des efforts déployés pour trouver des solutions de gestion à long terme.
Je vais dire quelques mots sur le contexte de cette question; je pensais que M.Brown et le ministre le feraient pour moi. Néanmoins, je vais prendre quelques instants pour vous décrire le contexte dans lequel s'inscrit la proposition présentée par EACL au sujet de la gestion des déchets nucléaires.
Pour notre organisme régional, l'histoire commence dans les années 70 au moment où la décision est prise d'enfouir les déchets nucléaires dans le Bouclier canadien. À la fin des années 70 et au début des années 80, EACL a procédé à des enquêtes, à des forages d'exploration et a pris d'autres mesures dans plusieurs de nos collectivités en vue de trouver un lieu où l'on pourrait entreposer ou évacuer les déchets nucléaires.
En 1988, le gouvernement fédéral a confié cette question à une commission d'évaluation et d'examen en matière d'environnement. Cette commission fédérale de huit membres a accompli un travail considérable entre 1988 et 1998. La commission a tenu des audiences pendant 15semaines, elle a sillonné le pays, entendu près de 100exposés au cours de ces audiences et a finalement présenté une proposition destinée à faire avancer les choses. Vous trouverez dans notre mémoire un résumé des recommandations de la commission ainsi qu'un résumé des mesures prises par le gouvernement à l'égard de ces recommandations.
Brièvement, la commission recommandait la création d'une agence indépendante chargée de poursuivre la recherche de solutions en matière de gestion des déchets nucléaires; elle recommandait que l'on élabore un cadre social et éthique, que les Autochtones définissent un cadre pour la participation des Autochtones et que l'on poursuive l'examen d'au moins trois options.
Le gouvernement a fait connaître sa réponse un petit moins d'un an plus tard et celle-ci consistait pratiquement à rejeter les principales recommandations de la commission. Dans sa réponse, le gouvernement indiquait qu'il entendait confier à une agence dont les membres seraient des sociétés nucléaires la tâche d'élaborer des options ou des stratégies en matière de gestion des déchets nucléaires. Cela nous a beaucoup inquiétés.
Quatre ans après le rapport de la commission, nous nous retrouvons, et donc vous aussi, avec le projet de loi C-27, qui vous a été renvoyé.
Je pense qu'il existe un contexte dont il faut tenir compte et des principes qui devraient guider notre évaluation en tant que membres de la population et la vôtre, je le crois également, en tant que sénateurs chargés d'examiner le projet de loi C-27.
L'examen de la gestion à long terme des déchets de combustible nucléaire et de la délégation des responsabilités qui s'y rapportent doit s'effectuer dans un environnement public qui tienne compte de l'expérience de la population qui a été conduite, trop souvent, à se méfier de l'industrie nucléaire. Cette méfiance s'est manifestée à l'égard du choix par Énergie atomique du Canada limitée de la méthode de l'évacuation géologique des déchets et plus récemment, à l'égard d'autres activités des sociétés nucléaires, notamment celles d'Énergie atomique du Canada limitée. Un examen approfondi de cette question a montré que la solution géologique retenue par EACL était ni sûre, ni acceptable; en outre, cet examen proposait un certain nombre de recommandations concernant les méthodes à suivre et recensait plus de 65lacunes importantes dans la solution retenue par EACL.
Le projet de loi C-27 a été présenté et je vais vous signaler ce qui nous paraît être les principales lacunes de ce projet de loi.
Premièrement, le ministre des Ressources naturelles est le ministre responsable d'Énergie atomique du Canada limitée et il se trouverait donc dans une situation de conflit d'intérêts s'il était désigné responsable de la société de gestion. Il serait préférable de désigner le ministre de l'Environnement.
Deuxièmement, à l'article3, intitulé «Objet», l'énoncé qu'on y trouve est incompatible avec la teneur du projet de loi. L'article3 se lit ainsi:
La présente loi vise à encadrer la prise de décision, par le gouverneur en conseil, sur proposition de la société de gestion, concernant la gestion des déchets nucléaires, dans une perspective globale, intégrée et efficiente de la question au Canada.
Cependant, pour ce qui est de ces propositions, la société de gestion doit se limiter aux trois méthodes décrites dans le projet de loi. Il est donc impossible qu'elle adopte une perspective globale. Le délai qui lui est accordé est également limité. Cela risque de compromettre l'étude de ces différentes options par la société de gestion.
Troisièmement, la société de gestion n'est pas indépendante. C'est là une lacune grave. Le rapport de la commission Seaborn préconisait la création d'une agence indépendante. Le projet de loi C-27 n'offre de son côté qu'une agence réservée aux membres de l'industrie. Ce choix va saper la confiance de la population, soulever des problèmes graves de conflit d'intérêts et de conflits entre l'intérêt des sociétés et l'intérêt public; ce choix va également empêcher l'adoption d'une perspective large à la gestion à long terme des déchets nucléaires.
Quatrièmement, le processus utilisé sera secret. La société de gestion proposée ne comprend que des membres de l'industrie et ne sera pas tenue de faire rapport au Parlement. Pendant la période de trois ans au cours de laquelle la société de gestion doit examiner les trois méthodes retenues et préparer son rapport destiné au ministre, elle n'est pas tenue de faire rapport au ministre, ni au Parlement. Après le rapport présenté la troisième année, la société ne sera tenue de présenter un rapport que tous les trois ans et au seul ministre. Seul le cabinet prendra des décisions dans ce domaine.
Le calendrier prévu n'est pas raisonnable. En trois ans, la société de gestion doit être créée, elle doit mettre sur pied un comité consultatif, effectuer des études approfondies, élaborer des descriptions, des plans d'évaluation et de mise en oeuvre pour chacune des options, consulter la population et, en particulier, les Autochtones. Quatre ans se sont écoulés entre le jour où le rapport de la commission a été publié, le 13mars 1998, et le jour où ce projet de loi a été adopté en deuxième lecture par le Sénat. Il a fallu au gouvernement quatre ans pour examiner un rapport final, préparer un projet de loi, mais la société de gestion n'aura que trois ans pour accomplir ce qui me paraît être une tâche beaucoup plus lourde.
Enfin, le projet de loi tient pour acquis que les sites ont été choisis avant que les trois options soient examinées. C'est ce qu'indique la disposition qui mentionne que le comité consultatif doit comprendre des représentants des régions visées. Il n'est pas possible de choisir les représentants des régions visées si l'on ne sait pas quelles sont les régions visées. Si l'on n'a pas commencé à choisir les sites, ou du moins à émettre certaines hypothèses de base à leur sujet, il n'est pas possible de savoir quelles seront les régions visées. Nous pensons que cela fait problème.
Je vais terminer en présentant quelques recommandations. Premièrement, d'une façon générale, nous invitons le comité à demander à ce que le projet de loi C-27 ou toute mesure législative ultérieure fasse l'objet d'un examen et d'une révision par la population.
Deuxièmement, nous demandons que soit respecté les conclusions de la commission fédérale d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, en général, et en particulier, les recommandations concernant la participation des Autochtones, avec un processus conçu et mis en oeuvre par les Autochtones — une recommandation qui semble avoir été mise de côté ces quatre dernières années.
Troisièmement, il faut veiller à ce que le projet de loi concernant la gestion des déchets nucléaires qui découlerait de votre examen réponde aux problèmes signalés ci-dessus et s'inspire des principes d'équité, d'indépendance et de transparence.
Nous proposons également cinq modifications particulières dont nous voulons souligner l'importance aujourd'hui.
Premièrement, la recommandation de la commission Seaborn selon laquelle la société de gestion doit être indépendante, est une recommandation essentielle. Ses membres devraient être nommés par le ministre de façon à refléter la diversité des intérêts, des préoccupations et de l'expertise de la population. Les membres de cette société ne doivent pas être en situation de conflit d'intérêts. Cela reviendrait en fait à écarter de cet organisme les représentants de l'industrie nucléaire et à rejeter l'idée que cet organisme ne devrait comprendre que des membres de cette industrie.
Deuxièmement, la nomination du comité consultatif devrait être confiée au ministre et non pas à la société de gestion. Ce comité consultatif devrait être représentatif d'une large gamme d'intérêts, en particulier dans le domaine des sciences sociales, de l'éthique et des recherches récentes dans le secteur des sciences physiques.
Troisièmement, les études effectuées par la société de gestion ne devraient pas se limiter aux trois options concernant les sites. En particulier, le projet de loi devrait obliger la société de gestion à participer aux efforts de recherche internationaux axés sur la découverte de nouvelles méthodes technologiques visant à isoler et à réduire le danger que représentent les déchets nucléaires, au lieu de limiter la prise en compte des nouvelles découvertes technologiques, comme semble le faire l'article20 du projet de loi C-27.
Quatrièmement, la société de gestion devrait faire rapport au Parlement et non pas au ministre et toutes les décisions concernant les méthodes à adopter devraient être prises par le Parlement et non pas par le cabinet.
Cinquièmement, la société de gestion et toute société de mise en oeuvre devrait présenter un rapport annuellement au Parlement et non pas un rapport tous les trois ans au ministre. Les rapports annuels devraient être rendus publics à mesure qu'ils sont présentés au Parlement.
L'annexe 1 contient 32 modifications préparées par Irene Kock, décédée aujourd'hui, du Sierra Club of Canada Nuclear Campaign. Ces modifications ont été présentées au comité permanent parlementaire en novembre de l'année dernière. J'ai également inclus un résumé du rapport de la commission Seaborn et de la réponse du gouvernement.
Le président: Vous avez parlé de l'indépendance de cet organisme. Les sociétés d'énergie nucléaire sont tenues de verser des fonds dans un compte en fiducie. La société de gestion utilise ensuite ce compte en fiducie. Cela est comparable à la façon dont fonctionnent les offices de l'énergie et les commissions de conservation du Canada et des provinces qui sont financés par les compagnies pétrolières et minières. Cependant, ce financement n'est pas facultatif. C'est le gouvernement qui détermine le montant des contributions. Ces organismes sont indépendants parce que, s'ils dépendent des fonds versés par l'industrie pétrolière, c'est le gouvernement provincial qui fixe les sommes que doit verser l'industrie pétrolière. C'est pourquoi ces organismes sont très indépendants et le manifestent souvent.
Sachant que cette société utilisera un fonds en fiducie, ne trouvez-vous pas que cette société sera suffisamment indépendante?
Mme Lloyd: Je ne pense pas que cela règle la question de l'indépendance et le fait d'avoir choisi une agence réservée aux membres de l'industrie plutôt qu'une agence indépendante. Nous sommes en faveur des articles du projet de loi C- 27 qui prévoient le versement de ces fonds. Nous n'avons rien à redire au fait que l'industrie nucléaire continue à être responsable et propriétaire des déchets nucléaires. Nous sommes favorables à ce que l'on sépare les fonctions de la société de gestion de celles de l'organisme de mise en oeuvre qui devra être créé par la suite.
Nous craignons que le fait d'avoir un groupe composé uniquement de membres de l'industrie nucléaire — les fabricants de déchets et les détenteurs de déchets — et de la charger de fixer les priorités en matière de recherche, de diriger la recherche, d'interpréter les conclusions de la recherche, et d'en arriver à une décision et à une recommandation sur la méthode à retenir. Cela soulève des problèmes pour diverses raisons. Cela fait 25 ans environ que nous procédons de cette façon et nous n'avons guère obtenu de résultats.
EACL avait dépensé 700millions de dollars au moment où s'est terminé l'examen de la commission Seaborn. Elle avait élaboré une méthode que l'on peut qualifier, pour être charitable, d'insuffisante, comportant de nombreuses lacunes techniques et scientifiques, comme de nombreux experts l'ont démontré à la commission.
Il nous faut une agence indépendante qui soit tenue de rendre des comptes à la population par l'intermédiaire du Parlement et qui représente une large gamme de points de vue et de valeurs et non pas le seul intérêt de l'industrie nucléaire, qui considère, comme elle l'a expressément déclaré, les déchets nucléaires comme un problème de relations publiques et non pas comme un danger pour la santé et l'environnement. Je suis certaine que l'industrie est également préoccupée par cet aspect, mais il est possible qu'elle ne lui attache pas la même importance.
Le président: J'ai lu le projet de loi, et je ne suis pas de votre avis. L'idée derrière un organisme indépendant, comme celui dont vous parlez, est de le faire financer par les sociétés nucléaires et non pas par le contribuable. D'après ce que je lis, il est possible d'écarter complètement les sociétés nucléaires.
Le sénateur Banks: Je n'ai pas très bien compris ce que vous avez dit au sujet du rapport. Il existe une disposition qui prévoit la remise d'un rapport annuel au ministre et au Parlement, en plus du rapport triennal. En fait, l'article16 énonce:
Dans les trois mois suivant la fin de chaque exercice, la société de gestion dépose auprès du ministre le rapport de ses activités au cours de l'exercice.
Tous les ans. Est-ce que cela vous rassure un peu?
Mme Lloyd: Vous avez tout à fait raison, monsieur le sénateur. Je lisais les dispositions suivantes qui énoncent que les rapports triennaux doivent être déposés après le premier rapport triennal, dans lequel la société doit indiquer la méthode retenue.
Évidemment, les rapports annuels sont préférables aux rapports triennaux. Cela pose tout de même encore des difficultés parce qu'ils ne sont pas publics.
Le sénateur Banks: Ils le sont. Ils doivent être déposés au Parlement, ce qui les rend publics.
Mme Lloyd: Ce n'est pas ce que j'ai compris.
Le sénateur Banks: L'article 16 énonce que le ministre est tenu de les déposer devant le Parlement.
Mme Lloyd: L'article 19.1 énonce que les rapports triennaux doivent être déposés devant le Parlement.
Le sénateur Banks: L'article 19.1 énonce:
Le ministre fait déposer un exemplaire de chaque rapport devant chaque Chambre du Parlement [...]
Mme Lloyd: Cela vise le rapport triennal. La note marginale qui figure à côté de l'article18 du projet de loi indique dans la version anglaise «Triennial report». D'après ce que je sais, les articles19 et 19.1 sont les seuls à avoir été modifiés par le comité permanent de la Chambre des communes, aspect que j'ai mentionné dans mes commentaires.
D'après ce que j'ai compris, cela vise le rapport triennal qui doit être présenté au Parlement. Cet article n'indique pas clairement, d'après moi, comment ce rapport est rendu public mais je pense néanmoins qu'il le sera certainement.
Le sénateur Banks: Lorsqu'un document est déposé devant le Parlement, il est public le même jour. Lorsque le projet de loi parle de rapport, comme il le fait à l'article19.1, il ne fait pas de différence entre les rapports triennaux et les rapports annuels. Le projet de loi énonce que lorsque le ministre reçoit un rapport, il le dépose devant le Parlement. D'après moi, cela comprend les rapports annuels.
Mme Lloyd: L'article 18 énonce en partie:
Tous les trois ans après l'exercice durant lequel [...] le rapport annuel de la société de gestion [...]
Le sénateur Banks: Il faut commencer par lire l'article16.
Le président: Affirmez-vous qu'il faudrait un rapport annuel? Il est clair que le rapport triennal doit être déposé au Parlement et rendu public.
Le sénateur Banks: Tous les rapports doivent être déposés.
Le président: Y a-t-il une disposition qui traite des rapports annuels?
Le sénateur Banks: Oui, l'article 16.
D'après ce que je comprends, les rapports annuels et les rapports triennaux doivent être remis au ministre. Le ministre les dépose ensuite devant le Parlement. Ils sont rendus publics.
Le président: En plus, le ministre est tenu de faire une déclaration publique au sujet des rapports déposés devant le Parlement.
Le sénateur Christensen: Pensez-vous que la société de gestion devrait être une société d'État?
Mme Lloyd: Ce serait une possibilité. L'essentiel est que l'organisme choisi soit indépendant, que ce soit une société d'État ou un mandataire de la Couronne. Je ne fais aucune proposition au sujet de la forme juridique qu'elle pourrait prendre; je ne suis pas avocate, et cela me dépasse. Cet organisme devrait être indépendant, c'est là le point essentiel pour nous.
Le sénateur Christensen: Si c'était un organisme d'État, le gouvernement fédéral devrait en assumer le financement. Il me paraît préférable d'obliger les propriétaires des déchets nucléaires à assumer le coût des mesures prises pour entreposer les déchets, sous la surveillance du gouvernement fédéral, ce que précise d'ailleurs le projet de loi.
Mme Lloyd: C'est la raison pour laquelle la recherche et l'évaluation des solutions en matière de gestion des déchets devraient être confiées à un organisme indépendant. Les déchets eux-mêmes doivent demeurer la propriété des exploitants de génératrices et de l'industrie des déchets nucléaires.
Le sénateur Banks: Certains vous diraient qu'un organisme d'État serait moins indépendant. Nous avons entendu des arguments en ce sens devant un autre comité.
Mme Lloyd: Je ne fais aucune suggestion au sujet de la forme juridique que devrait prendre une agence ou un organisme indépendant.
L'idée est que cet organisme devrait être indépendant de l'industrie nucléaire, des sociétés qui fabriquent et qui détiennent des déchets nucléaires.
Le sénateur Sibbeston: Lorsque j'ai lu l'article3 du projet de loi, je me suis demandé pourquoi le gouvernement fédéral avait choisi de s'en remettre aux propositions de l'industrie nucléaire.
À part le gouvernement fédéral et l'industrie nucléaire, pensez-vous qu'il existe ailleurs des experts capables de résoudre cette question des déchets? Pensez-vous que cela puisse se faire sans la participation de l'industrie nucléaire?
Mme Lloyd: La recherche et la localisation des experts dans ce domaine soulèvent certaines questions. Il y a aussi la question de savoir si ces experts doivent se baser sur les données scientifiques ou tenir compte des souhaits des sociétés. Le problème au Canada est que la recherche a été effectuée principalement, sinon uniquement, par Énergie atomique du Canada. Je pense que cela soulève un problème.
Il y a également le fait que le gouvernement fédéral a adopté il y a des années une politique qui favorise l'enfouissement géologique des déchets. Cela a commencé en 1973 avec le rapport Hare et cette politique s'est poursuivie jusqu'à aujourd'hui.
En fait, pendant les travaux de la commission Seaborn, le gouvernement fédéral a présenté un cadre pour la politique à l'égard des déchets nucléaires qui était très favorable à la méthode décrite dans le projet de loi C-27.
La recherche d'experts indépendants, et d'experts qui ne sont pas reliés à EACL, n'est pas exempte de difficultés. Mais ce sont des difficultés auxquelles il faut s'attaquer directement. Il serait préférable d'introduire une composante internationale et de reconnaître qu'il n'est pas sain que toutes les études effectuées jusqu'ici émanent d'une seule source.
Le président: À la deuxième page de votre exposé, dans la section intitulée «Contexte et principes essentiels», vous affirmez qu'il existe un certain nombre de situations qui ont amené la population à se méfier de l'industrie nucléaire. Êtes-vous encore de cet avis, même si Kyoto a fait ressortir l'utilité de l'industrie nucléaire pour ralentir le réchauffement de la planète?
Mme Lloyd: Je pense que c'est toujours le cas. Je vais parler uniquement de ce que nous avons vécu dans le nord de l'Ontario. Je pourrais prendre un exemple, le processus d'établissement des sites qui s'est déroulé à la fin des années 70 et au début des années 80, période pendant laquelle EACL a fait des enquêtes au sujet de plusieurs collectivités, et en a occupé quelques-unes. Les relations entre les collectivités et Énergie atomique du Canada limitée ont été mauvaises. Le niveau de confiance ne s'est pas amélioré pendant les 10années qu'a duré l'évaluation et l'examen effectués par la commission. Les participants ont souvent constaté, ou pensé, que l'industrie n'était pas aussi transparente qu'elle pouvait ou devait l'être.
Par exemple, il y avait une étude de cas qui était la base de l'examen. Nous avons travaillé sur cette étude de cas depuis la publication de l'énoncé des incidences environnementales en 1994 jusqu'aux études techniques. Le dernier jour des études techniques, à Toronto, en juin 1996, EACL a présenté une nouvelle méthode — un cas complètement différent — et un scénario très différent. Dans le contexte d'un examen environnemental, ce genre de comportement a suscité une grande méfiance et beaucoup d'interrogations sur la transparence du processus et la sensibilisation d'EACL.
Nous avons connu récemment une situation avec Énergie atomique du Canada limitée, qui voulait importer un combustible à base de mélanges d'oxydes, avec du plutonium, pour faire des tests dans les réacteurs de recherche de Chalk River. Un des trajets envisagés pour transporter ce combustible était d'utiliser la route entre Sault-Ste-Marie et Chalk River. Nous avons tenu quelques réunions dans les collectivités et demandé à la population de présenter des commentaires ou des réactions à ce projet. Dans l'ensemble, la réaction de la population était très négative. Les collectivités — les municipalités, les organismes communautaires et les Premières nations — n'étaient pas favorables à ce projet. La réponse qu'a fournie cette société aux questions que se posait la population a été de transporter le combustible MOX par avion par-dessus nos têtes — pendant la nuit, elle a apporté le combustible dans un héliport à Sault-Ste-Marie et l'a ensuite transporté littéralement au-dessus nos têtes, de Sault-Ste-Marie à Chalk River. Ce n'est pas la façon de donner aux collectivités une image de transparence et de sérieux.
Ces expériences influencent encore beaucoup la population et font ressortir, encore une fois, la nécessité d'un organisme indépendant et équitable pour formuler des propositions en matière de gestion des déchets nucléaires.
Le sénateur Cochrane: Ce projet de loi exige que trois méthodes soient examinées. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez des trois méthodes proposées en matière de gestion à long terme des déchets? Quels sont les risques que font courir, d'après vous, à la population canadienne ces méthodes?
Mme Lloyd: Notre objectif consiste à isoler les déchets nucléaires de l'environnement. Voilà ce qui devrait être notre objectif et nous aimerions qu'il se reflète dans le projet de loi, ce qui n'est pas le cas. Si l'on veut protéger l'environnement et la population des effets dangereux des déchets nucléaires, il faut soit isoler ces déchets, soit les neutraliser. À l'heure actuelle, il n'existe pas, à ma connaissance, de méthode permettant de neutraliser ou de réduire le risque que représentent ces déchets nucléaires. Voilà quelles sont nos deux options — réduire la gravité du risque ou isoler les déchets.
Si l'on commence avec la méthode de l'évacuation géologique, on sait déjà qu'EACL a consacré 25années et 700millions de dollars à ce projet et que cette société n'a pas encore réussi à démontrer que cette méthode était sécuritaire. En fait, la discussion qui a eu lieu au cours des audiences ne portait pas sur la question de savoir si les silos de stockage demeureraient étanches mais plutôt celle de savoir avec quelle rapidité et en quelle quantité ils libéreraient les déchets nucléaires et quel serait l'effet de cette décharge. Voilà pour ce qui est du projet d'enfouissement en profondeur.
Je pense que l'on pourrait dire qu'un entrepôt centralisé en surface ou souterrain est la solution médiane. Cette méthode comporte la plupart des dangers associés à l'enfouissement en profondeur pour ce qui est du transport et du transfert des déchets. En outre, comment isoler ces déchets de l'environnement de façon définitive? Cette méthode comporte un certain nombre de dangers. Une autre suggestion consiste à entreposer les déchets à l'emplacement des réacteurs soit dans des réservoirs en béton, soit dans des silos d'entreposage à sec en surface. Les sociétés nucléaires nous disent que ces méthodes sont sécuritaires et efficaces. Nous ne savons pas si ces méthodes sont vraiment efficaces et nous ne savons certainement pas si ces méthodes sont sécuritaires à long terme. Elles offrent l'avantage d'être plus faciles à suivre, les installations sont plus faciles à réparer, à rénover ou à remplacer en cas de problèmes.
Il n'existe pas pour le moment de solution parfaite. Je ne sais pas s'il y en aura une dans 10, 20 ou 50ans. Je sais que nous avons dépensé des millions de dollars en recherche et des milliards de dollars pour fabriquer ces déchets. Il a fallu 50ans pour créer les problèmes actuels. Nous devons rechercher les options qui nous donnent le temps de découvrir la solution qui permettra d'isoler ou de neutraliser ces déchets. Nous devons faire preuve de constance dans l'accomplissement de cette tâche.
Je ne suis certainement pas en faveur d'accepter que l'on entrepose les déchets sur place de façon définitive, mais c'est peut-être néanmoins la solution à retenir par défaut. Si cela était le cas, il faudrait prendre toutes les mesures possibles pour contrôler les installations, les renforcer et poursuivre la recherche.
Le sénateur Cochrane: Quels sont les groupes que vous aimeriez voir représenter dans l'organisation que vous prévoyez?
Mme Lloyd: Voulez-vous parler de la société de gestion des déchets nucléaires? Il y a deux organismes: pour ce qui est de la société de gestion, nous aimerions que des spécialistes des sciences physiques et sociales fassent partie de cet organisme, des spécialistes ayant des compétences dans leur domaine et en gestion. Pour ce qui est du comité consultatif, nous aimerions qu'il ait une composition comparable mais en accordant plus d'importance aux organismes communautaires, aux églises, aux groupes de défense des femmes et aux municipalités.
Le sénateur Cochrane: Pensez-vous qu'il serait bon que l'industrie soit également représentée?
Mme Lloyd: L'industrie devrait pouvoir jouer un rôle dans ces deux organismes et même peut-être, occuper certains postes dans la société de gestion. Il est par contre inacceptable que l'industrie exerce un contrôle absolu sur cette société, mais il paraît possible d'aménager la participation de cette industrie pourvu qu'elle soit associée à d'autres secteurs.
Le sénateur Cochrane: Vous dites qu'il est essentiel que la société de gestion fasse rapport au Parlement. J'aimerais savoir quelles sont vos craintes à cet égard?
Mme Lloyd: Je crains que les décisions soient prises sans que la population en ait connaissance, sans qu'elle eut la possibilité de les examiner, de faire des commentaires à leur sujet et de participer à leur élaboration.
Je ne dis pas que le processus législatif est particulièrement ouvert mais c'est une garantie. C'est la façon dont nous préservons une certaine transparence et une certaine responsabilité au sein du système canadien. Cela est très différent d'une décision qui est prise par un ministre et par le cabinet. Ces décisions sont secrètes, elles ne sont pas communiquées à la population pour qu'elle les examine et fasse des commentaires.
Le sénateur Gauthier: Vous avez parlé de sensibilité. Vous avez utilisé le mot indépendant à plusieurs reprises. Vous souhaitez que l'on crée un organisme indépendant qui soit chargé de faire enquête sur les options en matière de gestion des déchets et qui soit composé d'experts ne faisant pas partie d'EACL. Connaissez-vous des experts qui ne travaillent pas pour EACL à qui nous pourrions nous adresser?
Mme Lloyd: Plusieurs spécialistes ont présenté des mémoires et sont intervenus devant la commission Seaborn. Il y avait un groupe qui comprenait 10 scientifiques, la Société royale, des personnes faisant partie d'organismes universitaires. Je ne suis pas en mesure de vous fournir aujourd'hui une liste de noms.
Le sénateur Gauthier: Vous pourriez peut-être envoyer au greffier du comité une liste des gens qui sont, d'après vous, des experts dans ce domaine, des experts indépendants.
Le président: Monsieur le sénateur Gauthier, vous pourriez mentionner en premier les membres du comité.
Le sénateur Gauthier: Je pensais que le greffier était là pour tous les membres du comité et qu'il distribuerait les documents dans les deux langues officielles.
Ma prochaine question concerne la société de gestion. Je ne suis pas un expert mais j'ai déjà visité une centrale CANDU. Je crois que 96p.100 des déchets sont produits par des sociétés provinciales. EACL contribue à ces déchets pour moins de deux pour cent, et les établissements de recherche une quantité identique, ou légèrement inférieure. J'ai peut-être mal compris votre commentaire au sujet de l'obligation qu'a la société de gestion de présenter un rapport au Parlement. Le projet de loi prévoit — et je l'ai lu plusieurs fois — que la société de gestion doit présenter un rapport annuellement pendant les trois premières années, et ensuite, tous les trois ans. Chaque année, la société doit néanmoins présenter un rapport au ministre, mais vous ne semblez pas penser cela. Pourquoi?
Mme Lloyd: Je voulais insister sur l'importance d'assurer la transparence du processus. J'avais compris à la lecture du projet de loi que des rapports triennaux seraient présentés au Parlement, conformément aux modifications qui lui ont été apportées en troisième lecture. J'essayais d'indiquer dans mes remarques que cela améliorait le projet de loi; je voulais souligner l'importance de cette modification.
Le sénateur Adams: Au début de votre mémoire, vous dites que le projet de loi C-27 est un recul et non un progrès. Pouvez-vous m'expliquer cela? Est-ce une mauvaise orientation? Comment voyez-vous les choses?
Mme Lloyd: Le rapport de la commission Seaborn contenait quelques recommandations clés: un organisme indépendant, l'élaboration d'un cadre social et éthique, un cadre pour la participation autochtone et l'évaluation de plusieurs options. Nous avons estimé que ces recommandations constituaient un progrès parce qu'elles partaient des discussions que nous avions eues au cours des audiences et faisaient progresser le débat.
Au cours des audiences d'évaluation environnementale, EACL et Ontario Hydro ont en fait agi en qualité de promoteurs conjoints. Ils ont parrainé conjointement plusieurs aspects de la proposition présentée par EACL. Ce que je vois comme un recul, c'est que nous nous orientons vers un régime dans lequel l'industrie nucléaire, cela voulait dire auparavant EACL, et ce sera maintenant la société de gestion, composée d'EACL et de Ontario Hydro, le principal acteur dans ce domaine, ne sera pas tenue d'élaborer dès le départ un cadre social et éthique, ni d'élaborer un cadre pour la participation des Autochtones, comme le recommandait le rapport Seaborn.
Le sénateur Adams: Vous avez parlé des Autochtones. Craignez-vous que les sites d'entreposage soient situés dans les régions où vivent les Autochtones? Je me souviens que l'on avait choisi des collectivités autochtones comme sites potentiels d'entreposage. C'est peut-être parce qu'il y avait des mines abandonnées dans ces collectivités. Le fait qu'il y ait des Autochtones qui vivent près des centrales nucléaires vous inquiète-t-il? Quelle est la nature de vos préoccupations à l'endroit des Autochtones?
Mme Lloyd: Cela pose des problèmes dans les deux cas. L'importance que la commission a accordé à cet aspect, et l'importance que je lui accorde moi-même, vient de l'expérience que nous avons connue dans la région du nord-est de l'Ontario, et du nord de l'Ontario en général, parce qu'il est possible de tenir pour acquis qu'il est probable que le lieu d'enfouissement retenu sera situé dans des régions autochtones traditionnelles visées par des traités. Les Autochtones ont fait savoir à la commission qu'ils avaient été exclus du processus, de la prise de décisions et de toutes les discussions. La commission a reconnu ce fait et a décidé d'y remédier pour l'avenir.
Le président: Nous tiendrons compte de vos observations et de vos recommandations lorsque nous préparerons notre rapport final.
Le sénateur Gauthier: Pourriez-vous me dire quel est le nombre des recommandations du rapport Seaborn que le gouvernement a accepté et celui des recommandations qui ont été rejetées?
Le président: Notre attaché de recherche transmettra ces renseignements aux membres du comité.
Bienvenue, monsieur le ministre. Je vous invite à présenter votre exposé.
L'honorable Herb Dhaliwal, ministre des Ressources naturelles: Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'être ici. Je vous remercie de me permettre de comparaître aujourd'hui devant ce distingué comité pour présenter le projet de loi C-27, un projet de loi opportun sur la gestion à long terme des déchets de combustible nucléaire qui sera faite en fonction du bien de la population canadienne.
Les déchets de combustible nucléaire existant sont actuellement stockés en toute sécurité sur les sites de réacteurs mêmes. Le projet de loi C-27 définit le cadre qui doit permettre au gouvernement d'arrêter une décision quant à la gestion à long terme des déchets nucléaires. Il marque l'aboutissement de travaux, de discussions et de débats sur la meilleure façon de gérer à long terme les déchets nucléaires et auxquels participent depuis un quart de siècle les gouvernements, l'industrie et le public. Le projet de loi s'inscrit dans le prolongement du cadre d'action pour la gestion des déchets radioactifs de 1996 dans lequel le gouvernement affirmait sa volonté de faire en sorte que l'évacuation des déchets radioactifs se fasse de manière sécuritaire, respectueuse de l'environnement, complète, efficiente et intégrée. Il détermine aussi la responsabilité qu'il incombe au gouvernement d'exercer pour assurer une surveillance efficace et la responsabilité qui incombe aux propriétaires de déchets en matière de financement, de gestion et d'exécution des opérations d'évacuation des déchets.
Permettez-moi, monsieur le président, d'être clair en ce qui concerne les responsabilités du gouvernement fédéral touchant les aspects de la santé, de l'environnement, de la sûreté et de la sécurité de la gestion des déchets de combustible nucléaire: ces responsabilités sont définies par la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires et ses règlements d'application. Le projet de loi C-27 a pour but d'appliquer dans son intégralité le cadre d'action, d'assurer que les activités de gestion à long terme des déchets nucléaires sont menées d'une manière complète, intégrée et qui prend en compte les considérations financières, sociales, éthiques et socioéconomiques.
La loi proposée fait suite à la réponse qu'a apportée le gouvernement du Canada en 1998 aux recommandations de la Commission d'évaluation environnementale chargée de l'examen du concept de gestion et de stockage des déchets de combustible nucléaire, aussi appelée commission Seaborn. La commission Seaborn a mis dix ans à effectuer un examen public de la question de l'évacuation des déchets nucléaires, ce qui comprend des consultations qui l'ont mené de Saskatoon à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Ces recommandations ont été adoptées dans une large mesure par le gouvernement. L'appui en faveur de la nouvelle législation s'est concrétisé par la suite. Le projet de loi a néanmoins fait l'objet de certaines critiques. On a principalement regretté que le gouvernement ne souscrive pas entièrement à la recommandation de la commission Seaborn de créer une nouvelle société d'État fédérale chargée de gérer à long terme l'évacuation des déchets nucléaires.
Le projet de loi reconnaît comme un principe fondamental que le financement et l'exécution des activités de gestion des déchets incombent au premier chef aux propriétaires des déchets, et que l'exercice de cette responsabilité doit être soumis à une rigoureuse surveillance de la part du gouvernement fédéral. Le rôle du gouvernement se définit par une surveillance adéquate et efficiente des actes de l'industrie, et non par le contrôle de ses affaires commerciales. Cette approche, qui met en place des moyens de surveillance efficients pour l'avenir, établit une distinction claire et nette entre qui est chargé des opérations et qui est chargé de les surveiller, de manière à viser une plus grande efficience tout en écartant les situations potentielles de conflit d'intérêts.
Il ne conviendrait pas de charger un nouvel organisme gouvernemental de veiller à ce que l'industrie s'acquitte de ses responsabilités. L'exercice de ces responsabilités doit demeurer le fait des propriétaires de déchets, de ceux à qui profitent directement et au premier chef l'exploitation des centrales nucléaires. Principaux propriétaires de déchets nucléaires, les services publics nucléaires ont bien reçu la certitude accrue que veut garantir le projet de loi C-27. Le projet de loi déploie pour eux un cadre d'exercice clair de leurs responsabilités sans imposer de fardeau financier impossible à supporter.
Pour élaborer ce projet de loi, le gouvernement a consulté les provinces concernées, nommément l'Ontario, le Québec et le Nouveau-Brunswick. Nous avons pris en compte un grand nombre de leurs préoccupations et nous avons fait preuve de la plus grande souplesse possible sans compromettre les objectifs stratégiques du gouvernement en matière de surveillance fédérale. Les provinces se sont ralliées au leadership incarné par le gouvernement fédéral dans ce dossier et ont souscrit d'emblée aux principes du projet de loi.
Le gouvernement du Canada a souscrit à la recommandation de la commission Seaborn à l'effet que «le gouvernement fédéral devrait immédiatement lancer avec des fonds suffisants un processus de participation des peuples autochtones, lesquels devraient se charger de la conception et de la mise en application de ce processus.» Mon prédécesseur et collègue, le ministre Goodale, s'est mis en rapport avec les groupes autochtones qui ont manifesté de l'intérêt pour cette initiative fédérale. Il a ensuite déterminé avec des leaders autochtones le mode de consultation qui conviendrait le mieux pour les étapes subséquentes.
Les représentants officiels du ministère poursuivent les consultations avec les cinq organisations nationales et j'ai le plaisir de rapporter que les discussions en sont rendues à un stade avancé et que de bonnes relations sont en train d'être nouées.
En tant que source d'énergie, le nucléaire comporte bien d'autres aspects à prendre en compte, qu'il suffise de mentionner la diversité et l'approvisionnement appropriés en sources d'énergie, le développement durable des projets énergétiques, l'importation et l'exportation des déchets, l'incidence sociale de la haute technologie et de la mondialisation, la non-prolifération des armes nucléaires et, de mémoire encore vive, les actes de terrorisme. Ce sont là des questions dont l'importance ne nous échappe pas, mais qui ne cadrent pas avec la portée et la finalité du projet de loi. L'intérêt à porter aux enjeux plus généraux de la politique énergétique nucléaire ne doit pas servir d'excuse pour différer le sain exercice de nos responsabilités existantes. Garantir une gestion satisfaisante et responsable des déchets nucléaires est un objectif qu'on se doit de poursuite en soi.
Je vais conclure en revenant au projet de loi C-27. Cette importante mesure législative est requise dès aujourd'hui. Les activités de stockage existantes sont sûres, à n'en pas douter. Or, elles n'ont pas été conçues comme solutions permanentes à long terme. À l'échelle internationale, les scientifiques s'accordent à dire que l'on dispose déjà de la technologie nécessaire pour assurer adéquatement la gestion à long terme des déchets nucléaires. L'industrie canadienne du nucléaire est maintenant prête à entreprendre les démarches nécessaires pour s'acquitter de ses responsabilités en matière de gestion des déchets. Compte tenu des longs délais qu'il faudra envisager avant qu'une solution puisse être mise en oeuvre, enclencher dès maintenant les mesures pour appliquer une solution à la gestion à long terme des déchets nucléaires est, en l'occurrence, le seul parti responsable à prendre. Ce projet de loi n'a rien d'improvisé. Il est l'aboutissement de nombreuses années d'efforts. L'élaboration de la politique est le fruit d'une vaste consultation menée auprès des parties intéressées, de l'expérience acquise dans d'autres pays, de pratiques de réglementation modernes et de concepts de justice sociale. Elle est aussi tributaire des inestimables travaux de fonds de la commission Seaborn.
Pour le gouvernement, le défi à relever dans l'élaboration de ce projet de loi a consisté à réserver un sort équitable à toutes les parties intéressées et à concilier de manière efficiente les demandes conflictuelles sans jamais compromettre l'intérêt général. J'ai la ferme conviction que le projet de loi C-27 relève parfaitement ce défi. Avec un cadre législatif judicieux, le Canada sera en mesure de choisir et de mettre en oeuvre une approche de la gestion à long terme des déchets qui prend non seulement en compte les aspects techniques, mais aussi, et de façon on ne peut plus intégrée, les valeurs éthiques et sociales de tous les Canadiens. Je suis convaincu qu'aux termes de son examen, le comité estimera que ce projet de loi devrait entrer en vigueur le plus tôt possible, non seulement dans l'intérêt des Canadiens d'aujourd'hui, mais dans celui des générations qui nous succéderons.
Voilà qui termine mes observations liminaires. Je serais heureux de répondre aux questions des honorables sénateurs.
Le sénateur Kenny: Bienvenue, monsieur le ministre. Vous avez mentionné qu'au cours de la préparation du projet de loi, vous aviez consulté d'autres pays et examiné la façon dont ils géraient leurs déchets nucléaires. Pourriez-vous communiquer ces constatations au comité, en les comparant à l'approche canadienne?
M. Dhaliwal: Notre approche est très comparable à celle des autres pays. La difficulté est évidemment de gérer à long terme nos déchets nucléaires. Les Américains sont également en train d'examiner cette question. Ils étudient les possibilités d'enfouissement à long terme des déchets dans la région du mont Yucca. Tous les pays tentent d'apporter une solution à la gestion des déchets nucléaires. À l'heure actuelle, les déchets sont entreposés sur les lieux. Cette méthode a toujours été considérée comme une solution à court terme parce qu'il n'est pas approprié de les entreposer ainsi sur les lieux pour de longues périodes.
Nous avons prévu la création d'un fonds permanent. Nous pensons que c'est à l'industrie de trouver une solution, sous le contrôle du gouvernement fédéral, grâce à la création de la société de gestion des déchets nucléaires dont nous avons parlé.
Si vous voulez en savoir davantage sur ce qu'ont fait d'autres pays, nous avons examiné le cas de la Suède, des États- Unis et du Royaume-Uni. La commision Seaborn a examiné la façon dont tous les autres pays géraient leurs déchets. Nous pouvons vous remettre un tableau détaillé montrant les mesures prises par chacun de ces pays. M.Brown peut vous fournir un bref résumé mais tous ces aspects ont été examinés dans le cadre de l'évaluation qu'a effectuée la commision Seaborn.
Le sénateur Kenny: Je voulais en fait savoir comment nous nous comparions, d'après vous, aux autres pays et si vous pensiez que nous serons en mesure de respecter les normes internationales en matière de gestion de ces déchets.
M. Dhaliwal: D'après les renseignements qui m'ont été communiqués, je dirais que certains pays font mieux que nous et d'autres, moins bien. Nous nous situons quelque part entre ces deux groupes.
Le sénateur Kenny: Est-ce que le projet de loi C-27 va nous ramener en tête ou nous maintenir dans le deuxième quart?
M. Dhaliwal: Avec le projet de loi C-27, nous obligeons les propriétaires à financer la recherche d'une solution à long terme. Ce projet de loi aménage également une surveillance efficace de leurs activités. Nous comptons sur l'industrie pour nous proposer des solutions en matière de gestion à long terme de ces déchets. Bien sûr, les sociétés nucléaires vont examiner ce que font les autres pays parce qu'elles ne peuvent continuer à faire ce qu'elles font en ce moment.
C'est à l'industrie de décider comment procéder. Le principal acteur de l'industrie est Ontario Power Generation, qui est responsable de 90p.100 des déchets nucléaires. C'est le principal organisme qui examinera cette question. Les choses évolueront si l'industrie décide d'agir rapidement. Nous avons mis en place un cadre juridique et le projet de loi assure le financement de la recherche pour que nous arrivions à un projet à long terme de traitement des déchets nucléaires.
Le sénateur Kenny: Allons-nous devenir un modèle pour les autres pays ou allons-nous demeurer derrière les autres? Lorsque nous irons à l'étranger, pourrons-nous dire que les autres pays doivent désormais se positionner par rapport à la norme canadienne?
M. Dhaliwal: Il y a un domaine dans lequel nous sommes sans doute mieux placés que les autres, c'est le processus de consultation de la population; il y a aussi le fait que nous recherchons un projet à long terme et que nous ne nous contentons pas d'accepter la situation actuelle qui vise uniquement le court terme. Ce projet de loi prévoit également le versement immédiat de sommes très importantes. Des sommes considérables —plus de 500millions de dollars et ce montant ira en augmentant— seront versées dès le départ dans le fonds. Cela fournira des ressources. Ce fonds nous permettra d'examiner la gestion à long terme des déchets et de prendre la tête en matière d'élaboration de solutions.
Le sénateur Kenny: Je crois que c'est un excellent début mais il y a d'autres...
M. Dhaliwal: Oui. Nous fournissons un cadre et nous verrons ensuite ce que fera l'industrie.
Le sénateur Gauthier: Bonsoir, monsieur le ministre. Vous avez semblé affirmer dans votre déclaration qu'il existait un consensus scientifique international d'après lequel il est déjà technologiquement possible de gérer à long terme et correctement les déchets nucléaires. Il existe donc une technologie qui le permet. Pourriez-vous nous dire où vous avez appris cela? J'ai posé des questions et les pays européens n'ont pas encore cette technologie. Elle vient peut-être d'ailleurs. Pourriez-vous m'en dire davantage sur l'origine de ce consensus scientifique international?
M. Dhaliwal: Il existe différentes façons, dont l'une consiste à enfouir les déchets dans des couches géologiques profondes, une solution que les États-Unis examinent, comme ils l'ont récemment annoncé. Je vais demander à M.Brown de vous parler des aspects qu'ont examinés d'autres pays.
M. Peter Brown, directeur, Division de l'uranium et des déchets radioactifs, Ressources naturelles Canada: En fait, l'Agence pour l'énergie nucléaire de l'OCDE se réunit régulièrement pour examiner les progrès scientifiques qui ont été réalisés dans les techniques de gestion à long terme mises au point dans les pays de l'OCDE. Cette agence a publié un certain nombre de documents. On peut lire dans un de ces documents qu'il existe un consensus scientifique sur l'idée que l'enfouissement des déchets nucléaires est une technique viable, technologiquement acceptable. L'AEN a clairement indiqué que cette méthode constitue une possibilité sur le plan technique et scientifique. Cela ne veut pas dire qu'il existe un pays qui ait déjà mis en oeuvre une technique acceptable. Les États-Unis, par exemple, ont pris une décision. Le président Bush a annoncé clairement qu'il veut aller de l'avant avec le projet du mont Yucca mais il existe encore des aspects scientifiques et techniques qui doivent être évalués dans le contexte de ce projet. Néanmoins, l'AEN a déclaré que, du point de vue de la science internationale, l'enfouissement est une technologie viable.
Le sénateur Gauthier: La consultation de la population semble un élément très important de nos jours. M.Seaborn a travaillé 10ans avant de publier son rapport et je crois que le gouvernement a accepté la plupart de ses recommandations, en a modifié un certain nombre et en a rejeté quelques-unes. Si nous décidons de consulter la population, quelles sont vos intentions à l'égard des peuples autochtones? Avez-vous des idées sur ce que nous pourrions faire, en tant qu'organe politique, pour vous aider dans vos consultations préalables à l'adoption de ce projet de loi?
M. Dhaliwal: Tout d'abord, la commision Seaborn a procédé à des consultations approfondies. Cette commission a attendu longtemps avant de présenter ses recommandations. Nous avons accepté, comme vous l'avez mentionné, la plupart de ses recommandations. Je sais que mon collègue, M.Ralph Goodale, a activement consulté les peuples autochtones et ces activités vont se poursuivre.
Les dispositions du projet de loi C-27 relatives à la société de gestion des déchets nucléaires exigent que les peuples autochtones et les collectivités soient consultés. Il y aura un conseil consultatif. Par conséquent, le projet de loi C-27 prévoit des consultations permanentes.
La commision Seaborn avait déjà largement consulté la population. Je ne connais pas tout ce qu'a fait mon collègue Ralph Goodale, mais je sais qu'il a consulté les collectivités autochtones.
Le sénateur Cochrane: Le ministre parle de communication avec les peuples autochtones. J'aimerais savoir quel est votre plan de communication pour la population en général. Comme vous le savez, dès qu'on parle de déchets nucléaires, tout le monde s'inquiète à cause des risques pour la santé. Comment allez-vous informer les Canadiens au sujet des déchets de combustible nucléaire?
M. Dhaliwal: Le projet de loi oblige la société de gestion à procéder à des consultations. Cette société a la responsabilité de tenir des consultations publiques avant de prendre des mesures ou des décisions concernant les déchets nucléaires. L'aspect le plus important du projet de loi C-27 est qu'il prévoit la consultation des Canadiens, parce que les Canadiens s'intéressent à la question des déchets nucléaires.
Le sénateur Banks: Le projet de loi dit que vous pouvez consulter la population. Allez-vous consulter le public?
M. Dhaliwal: À propos de ce projet de loi?
Le sénateur Banks: L'article14 se lit ainsi:
Le ministre peut procéder aux consultations qu'il juge nécessaires auprès du grand public sur les propositions figurant dans l'exposé.
Il y a une différence entre «peut procéder» et «procède».
M. Dhaliwal: Cette disposition vise le cas où le ministre n'est pas satisfait des consultations auxquelles a procédé la société de gestion; elle l'autorise alors à procéder lui-même à des consultations. Si je n'étais pas satisfait de la façon dont la société de gestion a effectué ses consultations, je pourrais m'en charger.
Le sénateur Banks: A-t-on envisagé, pour autant que vous le sachiez, d'importer du combustible nucléaire déjà utilisé dans cette installation et, si c'était le cas, l'autoriseriez-vous?
M. Dhaliwal: Nous avons...
Le sénateur Banks: Dans le cas où cette entreprise réussirait à gagner beaucoup d'argent en important du combustible nucléaire, cela serait-il autorisé?
M. Dhaliwal: Il n'est pas prévu d'importer du combustible nucléaire, parce que notre pays possède des réserves d'uranium importantes. Nous sommes un des principaux producteurs et il n'est pas dans nos projets d'importer du combustible nucléaire.
Si quelqu'un voulait le faire, il faudrait respecter la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires ainsi que la Loi sur les transports. Nous n'avons pas l'intention de le faire parce que nous sommes un des principaux producteurs d'uranium.
Le sénateur Banks: Je ne parlais pas d'importer du combustible. Je parlais d'importer du combustible déjà utilisé pour l'éliminer.
M. Dhaliwal: Vous faites référence à un projet-pilote qui a été lancé au moment où le gouvernement examinait s'il avait un rôle à jouer en matière de désactivation des armes nucléaires et étudiait la possibilité d'utiliser dans les réacteurs CANDU le combustible retiré des armes nucléaires.
C'était un projet ponctuel. Le gouvernement n'a jamais prévu de mettre sur pied un programme de ce genre. C'était un projet isolé.
Le sénateur Banks: Je vais poser ma question suivante en tenant compte du fait que le gouvernement de l'Alberta avait accepté d'éliminer des substances peu intéressantes, aspect que vous ne connaissez peut-être pas. Le gouvernement albertain avait pensé qu'il pourrait obtenir des recettes en important, en vue de les éliminer, des substances pas très intéressantes que certaines personnes étrangères ne voulaient pas avoir chez elles.
Si la société de gestion —qui serait un organisme sans but lucratif, je le sais— découvrait qu'elle pouvait réduire les frais assumés par ses actionnaires éventuels en important d'un autre pays —le pays le plus probable étant les États- Unis— du combustible nucléaire déjà utilisé en vue de l'éliminer et en faisant des bénéfices, serait-elle autorisée à le faire?
M. Dhaliwal: Premièrement, la société de gestion devrait respecter un certain nombre de dispositions avant de pouvoir importer du combustible, notamment la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, la Loi sur l'évaluation environnementale, la Loi sur le transport des marchandises dangereuses et la Loi sur les licences d'exportation et d'importation. Cette société serait tenue d'obtenir un permis et de faire toutes les démarches nécessaires, mais nous n'envisageons pas que cette société se lance dans ce genre d'entreprise.
Le but est la gestion à long terme de nos déchets nucléaires. Cet objectif pourrait être modifié par le gouvernement au pouvoir mais une telle société devrait faire toutes les démarches qu'exigent les lois actuelles si elle voulait importer du combustible utilisé. Je ne peux pas prévoir ce qu'un gouvernement pourrait autoriser ou interdire à l'avenir.
Le sénateur Banks: Le projet de loi ne l'interdit pas?
M. Dhaliwal: Je ne pense pas que le projet de loi interdise carrément ce genre de chose. Cette décision appartiendrait au gouvernement. La société de gestion doit respecter toutes les lois qui sont en vigueur actuellement. Le projet de loi est muet à ce sujet.
Le sénateur Banks: Ce sera un organisme sans but lucratif, si j'ai bien compris?
M. Dhaliwal: Oui.
Le sénateur Banks: Constitué selon la Loi sur les corporations canadiennes?
Mme Joanne Kellerman, conseillère juridique, Services juridiques, Ressources naturelles Canada: Elle pourrait être constituée en vertu de la législation fédérale ou selon les lois provinciales. Le projet de loi qui vous est soumis précise qu'elle exerce certaines activités dans un but non lucratif.
Le sénateur Banks: Certaines activités?
Mme Kellerman: Tel que décrit à l'article6.
Le sénateur Banks: Est-il envisagé dans le projet de loi que cette société exerce des activités lucratives?
Mme Kellerman: Il est muet sur ce point. Cela n'est pas envisagé.
Le sénateur Banks: Ce sera une société?
Mme Kellerman: Oui.
Le sénateur Banks: À responsabilité limitée? Les sociétés ont une responsabilité limitée. C'est la raison d'être d'une société.
Mme Kellerman: C'est exact.
Le sénateur Banks: Cinq cents millions de dollars seront versés dans ce fonds. Si nous nous trompons dans nos prévisions, il est possible qu'il n'y ait pas suffisamment d'argent dans le fonds pour tenir compte d'une catastrophe, comme une fuite, qui pourrait se produire. Si la société ne dispose pas de ressources suffisantes, pourrait-elle faire faillite et disparaître? Est-ce que le gouvernement prendrait les choses en main? Que se passerait-il dans une telle situation?
M. Dhaliwal: Toutes les décisions de la société de gestion doivent être approuvées par la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Cette société ne pourrait décider seule des mesures à prendre ou d'entreposer des déchets. Il faudrait que cela soit approuvé.
Le fonds sera alimenté régulièrement et bénéficiera de versements initiaux considérables. Dans 100ans, ce fonds représentera 12milliards de dollars, et il continuera à augmenter de lui-même.
Vous demandiez ce qui se passerait en cas d'accident grave. Je ne sais pas si je peux répondre à cette question. Peut- être que M.Brown pourrait parler de cette question de responsabilité, si une telle situation se produisait.
M. Brown: L'aspect financier comporte deux aspects. Le premier est que le projet de loi C-27 prévoit la création d'un fonds qui sera alimenté par les sociétés nucléaires. En cas de situation grave et s'il n'y avait pas suffisamment d'argent dans ce fonds, il faut savoir que la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires exige des garanties financières. Lorsque la commission comparaîtra devant vous, vous pourrez lui demander de vous décrire son fonctionnement. On exige dès le départ des garanties financières.
Nous avons là un système totalement intégré. L'Ontario fournit à l'heure actuelle des garanties financières élevées dont bénéficie la commission. À mesure que l'argent s'accumulera dans le fonds, le montant des garanties financières exigées diminuera, jusqu'à ce qu'il y ait suffisamment d'argent dans le fonds. Nous avons là un système intégré dans lequel l'autorité de réglementation et le projet de loi C-27 veillent à ce que les garanties financières soient suffisantes pour que le travail soit effectué correctement.
Le sénateur Banks: Nous espérons que ces sommes seront suffisantes, même si nous ne savons pas ce que veut dire suffisantes dans ce cas-ci. Ma question était purement hypothétique.
L'entreposage sur place, que vous qualifiez de sécuritaire, est sécuritaire jusqu'à un certain point. Est-ce que la société de gestion sera également tenue de s'occuper de cette opération?En fait, le combustible nucléaire utilisé doit d'abord refroidir, ce qui se fait habituellement à la centrale, avant d'être enfoui.
Une fois le combustible nucléaire utilisé retiré de la centrale, à quel moment est-ce que la société de gestion va en assumer la responsabilité?
M. Dhaliwal: Premièrement, les propriétaires actuels sont responsables du combustible se trouvant sur l'emplacement de leur centrale. C'est leur responsabilité et ils doivent fournir des garanties à la commission de sûreté nucléaire.
Je présume que ce sont les propriétaires qui en seraient responsables, puisqu'il s'agit de leurs déchets nucléaires. Avec la société de gestion, l'entreposage qui se faisait à court terme se fera par la suite à long terme.
À quel moment est-ce que la société de gestion assume la responsabilité des déchets entreposés par le propriétaire? C'est une bonne question. Je ne sais pas à quel moment se fait le transfert des responsabilités, à quel moment l'on peut dire que les déchets sont effectivement entreposés dans un nouveau lieu. Cela dépend du genre de proposition, qui doit être de toute façon approuvée par la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Nous ne le savons pas; cela dépendra de la proposition présentée par la société de gestion.
Le sénateur Cochrane: Monsieur le ministre, ma question est une question que se posent la plupart des Canadiens et elle concerne cette chose mystérieuse et menaçante que l'on appelle les déchets nucléaires. Pouvez-vous nous définir ce que sont les déchets nucléaires? Quelle est leur durée de vie? Ces déchets sont-ils dangereux? Est-il même possible d'éliminer les déchets nucléaires?
M. Dhaliwal: Le projet de loi définit clairement les «déchets nucléaires». Les scientifiques utilisent peut-être d'autres définitions, mais les «déchets nucléaires» sont définis dans le projet de loi de la façon suivante:
«déchets nucléaires» Les grappes de combustible irradiées et retirées des réacteurs à fission nucléaire, à vocation commerciale ou de recherche.
Je suis certain qu'il existe sans doute d'autres définitions, mais pour les fins du projet de loi, c'est la façon dont les déchets nucléaires sont définis.
Pour ce qui est de la durée de vie du combustible nucléaire utilisé, je pense qu'elle varie. Je ne suis pas un scientifique et ne peux donc vous fournir une explication scientifique. On utilise différentes matières radioactives au Canada. J'ai visité Nordion, qui produit des isotopes à des fins médicales et j'ai appris qu'il existait une substance nucléaire qui avait une vie de 66heures. Il existe, je pense, divers types de substances nucléaires, qui ont des durées de vie différentes; le projet de loi vise principalement le combustible commercial utilisé dans les centrales nucléaires. Cela dépend des caractéristiques physiques du matériel radioactif dont il s'agit. Cela varie. Il y a des matériaux qui doivent être entreposés plus longtemps.
Le sénateur Cochrane: Pouvez-vous nous donner votre version de la façon dont fonctionnent les trois méthodes proposées en matière de gestion à long terme —l'évacuation géologique, l'entreposage à l'emplacement des réacteurs et l'entreposage centralisé en surface?
M. Dhaliwal: Là encore, la société de gestion présentera des propositions qui seront évaluées et contrôlées par la Commission canadienne de sûreté nucléaire. La société doit présenter une proposition qui représente, d'après elle, la meilleure façon de gérer les déchets à long terme, et cette proposition sera évaluée.
Le sénateur Cochrane: Les déchets nucléaires inquiètent beaucoup la population. Pouvez-vous nous donner votre version de la façon dont fonctionnent ces trois méthodes? Il y a l'évacuation géologique, l'entreposage à l'emplacement des réacteurs et l'entreposage centralisé en surface. Pouvez-vous nous dire comment on met en oeuvre ces différentes méthodes?
M. Dhaliwal: M.Brown sera probablement en mesure de vous fournir de meilleurs exemples que moi; les miens seraient ceux d'un non-spécialiste.
Une méthode consiste à entreposer les déchets à l'emplacement de la centrale nucléaire. Une autre méthode serait d'enfouir les déchets profondément dans le sol. On a parlé à ce sujet du Bouclier canadien. Est-ce un lieu qui se prête à cette méthode? On pourrait creuser un puits très profond et y déposer les déchets, cela protégerait l'environnement, d'après ce que je comprends. L'autre méthode consiste à construire un entrepôt pour y conserver les déchets.
M. Brown: Ce sont les trois méthodes qui ont été examinées et proposées par la commision Seaborn. Si vous voulez des renseignements à ce sujet, nous pouvons certainement vous en fournir. Le projet de loi C-27 propose l'évacuation en couches géologiques profondes, l'entreposage centralisé, en surface ou souterrain, et l'entreposage en surface à l'emplacement des réacteurs nucléaires. C'étaient les trois méthodes dont la commision Seaborn recommandait l'examen.
J'ajouterais que le projet de loi n'interdit aucunement à la société de gestion de proposer d'autres méthodes, si elle le désirait.
Le sénateur Cochrane: Je voulais ces renseignements pour que la population puisse en prendre connaissance, parce que c'est elle qui s'inquiète des déchets nucléaires, ce n'était pas pour moi.
Le sénateur Sibbeston: Je comprends que, dans une certaine mesure, cela est assez nouveau pour vous. Ai-je raison de penser que le ministre Goodale a davantage participé à l'élaboration de ces mesures que vous avez pu le faire? C'est vous le ministre aujourd'hui.
Le gouvernement fédéral a mis sur pied cette commission d'évaluation environnementale pour qu'elle examine toute la question des déchets nucléaires; cette commission a passé 10ans à examiner cette question et elle a présenté des recommandations. Je reconnais que la plupart de ses recommandations ont été acceptées, mais la principale d'entre elles concernait l'organisme qui serait chargé de gérer les déchets. Le gouvernement fédéral a décidé de choisir une autre voie que celle que recommandait le rapport. Je pense que le rapport fédéral recommandait la création d'un organisme fédéral. Le gouvernement a plutôt choisi de créer une société de gestion composée des sociétés nucléaires et de EACL. Il semble que ce sera un organisme maison. On pourrait même dire qu'il sera un peu incestueux, dans le sens qu'il n'y aura pas de groupe indépendant. Je note également qu'une disposition prévoit que les sociétés nucléaires choisiront les membres du comité consultatif.
Il semble donc que ce sera un organisme maison qui ne sera pas indépendant.
Dans son mémoire, Northwatch fait remarquer que le ministre se trouvera en situation de conflit d'intérêts parce qu'il est responsable devant les citoyens à la fois de cette question et de l'industrie nucléaire. Les mesures qu'a prises le gouvernement à l'égard de ces trois méthodes sont insuffisantes. Je répéterais que cet organisme n'est pas indépendant.
J'aimerais que vous me disiez si j'ai raison de penser que c'est un organisme un peu maison, un peu incestueux, et qu'il faudrait, en fait, davantage de transparence et d'indépendance. C'est manifestement un problème grave; si nous ne faisons pas les choses correctement, c'est le pays tout entier qui en souffrira.
M. Dhaliwal: C'est une excellente question, monsieur le sénateur Sibbeston. Je suis responsable de ce dossier et j'appuie sans réserve les mesures proposées. Vous demandez s'il faudrait confier la gestion des déchets à un organisme public et si celui-ci devrait s'occuper de trouver une solution aux déchets nucléaires.
Le gouvernement a estimé que c'était à l'industrie nucléaire d'assumer ces frais. Il y a le fait que ces sociétés produisent des déchets nucléaires et qu'elles doivent donc trouver les solutions pour les entreposer. Je ne pense pas que le gouvernement devrait les subventionner. Il leur incombe de trouver les moyens de gérer ces déchets nucléaires. C'est donc à l'industrie de trouver des solutions et d'en assumer le coût. Nous avons appliqué le principe du pollueur-payeur.
L'important est de veiller à ce que l'industrie fasse ce travail correctement. Nous disons aux sociétés nucléaires qu'elles doivent assumer leurs responsabilités à l'égard des déchets nucléaires et qu'elles doivent trouver des solutions. Nous pensons qu'il est préférable que le gouvernement se contente de surveiller leur démarche et veille à ce que les propositions présentées respectent l'environnement, la santé et la sécurité. Les sociétés nucléaires ne décideront pas seules de la meilleure façon d'entreposer les déchets nucléaires. Elles devront présenter leurs propositions à la Commission canadienne de sûreté nucléaire, qui acceptera ou rejettera leurs propositions.
Je ne pense pas que le contribuable devrait subventionner cette industrie. C'est un coût que les sociétés nucléaires doivent assumer dans le cadre de leurs activités normales de production d'électricité. Cette responsabilité appartient à l'industrie, mais le gouvernement doit exercer un certain contrôle.
Certains disent qu'il pourrait y avoir un conflit si le même organisme était chargé de surveiller ses activités et de fournir des solutions. Cependant, le gouvernement a un rôle très important à jouer par l'intermédiaire de la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Cette commission doit veiller à ce que la solution proposée respecte toutes les exigences en matière de protection de l'environnement et de sécurité, tous les aspects que les Canadiens estiment relever du gouvernement.
L'industrie ne peut pas se décharger de ses responsabilités. Elle est tenue de mettre en place un fonds de fiducie indépendant qui ne pourra être supprimé, ni être utilisé à d'autres fins.
Le sénateur Sibbeston: Je note les sommes que doivent verser les diverses sociétés nucléaires. Ces entreprises font- elles des bénéfices suffisants pour pouvoir verser de telles sommes dans un fonds en fiducie? Cinq cent millions de dollars, cela représente beaucoup d'argent. Est-ce que cela doit venir des bénéfices de ces sociétés?
M. Dhaliwal: L'investissement initial est important mais il diminue chaque année par la suite. Je crois que cette somme est légèrement supérieure à 100millions de dollars pour les deuxième et troisième années. Au-delà, cela dépend des solutions à long terme retenues et des prix facturés pour ces services. Les sociétés nucléaires ont été consultées et elles ont accepté ces mesures. Bien sûr, si elles avaient le choix, elles préféreraient ne rien verser, mais elles sont en mesure de verser les sommes prévues par le projet de loi. Ces sociétés n'ont pas exprimé d'objections. Comme je l'ai dit, la partie la plus importante de ces sommes vient de Ontario Power Generation.
Le président: Le manque d'indépendance m'inquiète un peu. Dans votre mémoire, vous dites que les activités de gestion des déchets devraient être exercées de façon complète, efficiente et intégrée. On dirait que ce sont les acteurs qui détermineront ce qui est efficient et ce qui ne l'est pas. Naturellement, la société qui produit les déchets et qui doit payer pour s'en débarrasser va soutenir qu'il suffit de les déposer dans la cour d'à côté plutôt que de les éliminer en utilisant un processus plus coûteux. J'exagère, bien sûr, mais vous avez dit «de manière efficiente». En quoi l'efficience du procédé retenu devrait-elle concerner la société nucléaire?
M. Dhaliwal: Nous demanderons à l'industrie quelle est la meilleure solution. Il est évident que ces sociétés vont rechercher la façon la plus efficiente de procéder. Cela ne veut pas dire que nous allons approuver leur méthode. Si elle soulève des problèmes pour l'environnement, la santé et la sécurité, nous ne l'approuverons pas.
Le président: Vous poursuivez en disant que les propriétaires de ces déchets sont principalement responsables du financement et de l'exécution des activités de gestion de ces déchets. Malgré les inquiétudes de la population qui souhaite que ces opérations soient menées de façon indépendante, vous avez dit à plusieurs reprises dans votre exposé que ces sociétés décideront de la façon de gérer leurs déchets. Alors que nous voulons que ces activités soient exercées de la façon la plus indépendante possible.
M. Dhaliwal: Le projet de loi parle de gestion dans une perspective efficiente de la question au Canada.
Le président: Lorsque vous présentez des commentaires au sujet de ce projet de loi, vous devriez ajouter «pour le Canada». On aurait pu penser qu'il fallait que les méthodes retenues soient efficientes pour les sociétés nucléaires, ce qui n'est guère encourageant.
M. Dhaliwal: L'article3 du projet de loi précise l'objet de la loi. Il parle d'une «perspective intégrée et efficiente de la question au Canada».
Le sénateur Christensen: Nous insistons sur cette question parce qu'elle inquiète beaucoup la population et elle veut être rassurée. Vous avez dit que l'industrie devrait non seulement assumer le financement et la gestion des déchets, parce que c'est elle qui a créé les déchets au départ, mais qu'elle devait également trouver des solutions sur la façon d'éliminer ces déchets à long terme.
Lorsque l'industrie aura élaboré une solution et l'aura présentée, je pense que la Commission canadienne de sûreté nucléaire examinera cette solution. Je me demande néanmoins si l'industrie n'est pas également très présente dans cet organisme?
M. Dhaliwal: Dans cet organisme?
Le sénateur Christensen: Oui, la Commission canadienne de sûreté nucléaire.
M. Dhaliwal: Non, la Commission canadienne de sûreté nucléaire est un organisme tout à fait indépendant.
Le sénateur Christensen: Dans quelle mesure cet organisme est-il indépendant?
M. Dhaliwal: Il est très indépendant. L'industrie, ni même le ministre ne peuvent l'influencer. Personne ne l'influence. Cet organisme prend ses décisions en se basant sur la sécurité, et non pas sur ce que souhaite l'industrie.
Le sénateur Christensen: Il n'y a pas beaucoup de gens qui possèdent cette expertise. C'est pourquoi je pense que les membres de cet organisme entretiennent, d'une façon ou d'une autre, des liens avec l'industrie.
M. Dhaliwal: Oui. Cependant, ils se prononcent déjà sur l'entreposage des substances radioactives.
Le sénateur Christensen: Oui, je le sais.
M. Dhaliwal: Cette commission a des attributions très importantes. Elle est indépendante de moi et indépendante de l'industrie. Elle joue un rôle très important. Je pense que les Canadiens s'attendent à ce qu'elle ait un rôle indépendant et c'est ce que prévoit la loi.
Le sénateur Christensen: J'aimerais une autre précision: est-ce que vous avez parlé de Yucca?
M. Dhaliwal: De Yucca.
Le sénateur Christensen: Pas du Yukon?
M. Dhaliwal: Non, de Yucca, qui se trouve, je crois, dans l'État du Nevada.
Le sénateur Christensen: Très bien.
Le sénateur Gauthier: Je voudrais poursuivre sur le sujet qu'a abordé Mmele sénateur Christensen. Cette commission de sûreté nucléaire fait rapport au Parlement par l'intermédiaire du ministre de l'Environnement ou par votre intermédiaire?
M. Dhaliwal: Par mon intermédiaire.
Le sénateur Gauthier: Très bien. Vous ne pensez pas qu'il y a là un conflit d'intérêts?
M. Dhaliwal: Non, parce que c'est un organisme quasi judiciaire indépendant du ministre.
Le sénateur Gauthier: Le témoin qui vous a précédé, MmeLloyd, pense que vous vous trouvez en situation de conflit d'intérêts, même si elle n'a pas parlé de la commission. Je n'ai pas eu la possibilité de lui demander pourquoi elle pensait cela.
Ma question concerne le transport: la plupart des Canadiens s'intéressent beaucoup aux moyens qui seront utilisés pour transporter les déchets de l'endroit où ils sont produits à l'endroit où ils seront entreposés. Le projet de loi n'aborde pas cette question; est-ce bien vrai?
M. Dhaliwal: C'est exact, parce qu'il existe déjà plusieurs lois qui régissent cet aspect. Quatre lois fédérales seraient applicables: la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, la Loi sur le transport des marchandises dangereuses et la Loi sur les licences d'exportation et d'importation. Toutes ces lois s'appliquent au transport de marchandises. La société de gestion devrait également présenter un projet pour le transport et la Commission canadienne de sûreté nucléaire examinerait cette proposition avant de l'approuver. Il existe un certain nombre de contrôles qui s'appliquent au transport...
Le sénateur Gauthier: La plupart de ces contrôles sont cependant exercés par l'Environnement et non par vous?
M. Dhaliwal: La proposition de la société de gestion qui serait présentée à la Commission canadienne de sûreté nucléaire devrait aborder la question du transport des déchets. Ce serait un contrôle supplémentaire qui s'ajouterait aux contrôles existants, comme la Loi sur le transport des marchandises dangereuses qui relève du ministre des Transports. Ce ne serait pas moi qui prendrais cette décision. La société de gestion devrait obtenir l'approbation de différents ministères, aux termes d'un certain nombre de lois, avant de pouvoir transporter des matières radioactives.
Le sénateur Gauthier: J'ai été heureux d'entendre la réponse que vous avez donnée au sénateur Sibbeston au sujet de l'importation de déchets nucléaires; vous avez déclaré que le projet de loi n'autorisait pas ce genre de chose. La société de gestion n'aurait pas le droit d'importer des déchets nucléaires. Si nous vendions un réacteur CANDU à la Roumanie ou à l'Argentine, par exemple, et que l'on nous demandait de respecter le principe du pollueur-payeur, si on nous disait, par exemple, «le réacteur CANDU pollue et vous devez donc nous donner les moyens d'éliminer les déchets puisque vous avez au Canada la technologie qui permet de le faire» —la société de gestion serait alors obligée de demander une exemption. La société dirait: «Nous avons besoin d'une exemption parce que nous voulons vendre un réacteur CANDU. Cela crée des emplois; cela est rentable pour nous.» Ce scénario n'est donc pas prévu par le projet de loi.
M. Dhaliwal: Tout d'abord, le Canada n'a pas projeté d'importer ou d'exporter des déchets nucléaires. Le projet de loiC-27 est muet à ce sujet. Il ne l'interdit pas et ne l'autorise pas. Ce serait une décision que le gouvernement pourrait être appelé à prendre à l'avenir. À l'heure actuelle, il n'y a pas de projet d'importation ou d'exportation de déchets nucléaires.
Le sénateur Gauthier: Je voulais que vous le disiez parce que cela ne se trouve pas dans le projet de loi. Vous l'avez dit et je vous crois.
Le sénateur Banks: Nous avons eu une discussion avec le témoin qui vous a précédé, MmeLloyd, au sujet des rapports qui doivent être présentés. Pour le compte rendu, je tiens à confirmer que la société de gestion vous présentera un rapport annuel et que tous les trois ans, à partir de la troisième année, elle présentera un rapport spécial qui contiendra des renseignements supplémentaires. Il y aura ensuite un rapport annuel la quatrième année et la cinquième année. Est-ce bien exact?
M. Dhaliwal: Oui, il y aura des rapports annuels. Ils seront déposés à la Chambre et rendus publics. Ce seront des documents publics.
Le sénateur Banks: Tous les trois ans, le rapport sera un peu plus détaillé, est-ce bien exact?
M. Dhaliwal: Oui.
Le sénateur Banks: Je vais adresser ma question suivante à M.Brown parce que je sais qu'il a examiné ce genre de chose. Mes deux prochaines questions sont courtes et hypothétiques.
Existe-t-il au Canada un endroit qui serait aussi sécuritaire pour l'entreposage du combustible nucléaire utilisé que le mont Yucca l'est apparemment pour les États-Unis? Quelqu'un a déjà examiné cet aspect, sinon nous n'en parlerions pas. Cet endroit existe-t-il? Est-il aussi sûr géologiquement que l'on prétend que le Yucca l'est, par exemple?
M. Brown: La réponse que je vais vous donner est que l'Agence de l'énergie nucléaire a clairement indiqué que, du point de vue scientifique, l'enfouissement géologique en profondeur est une technologie viable. Les États-Unis ont pris cette orientation et examiné un certain type de formation géologique que l'on appelle les crevasses volcaniques. Au Canada, le programme d'enfouissement géologique s'est surtout intéressé aux roches granitiques du Bouclier canadien.
Dans le projet de loi C-27, nous demandons à la société de gestion de formuler trois propositions: premièrement, l'évacuation des déchets dans les roches granitiques du Bouclier canadien, proposition qui ne serait présentée que si elle était acceptable; deuxièmement, l'entreposage centralisé en surface ou souterrain, c'est la méthode que la Suède utilise actuellement; et troisièmement, l'entreposage en surface à long terme, à l'emplacement des réacteurs nucléaires. La société de gestion va devoir évaluer les avantages et les inconvénients de ces diverses méthodes. Ce sera à elle de décider si elle est prête à présenter une méthode sûre et acceptable, susceptible d'être mise en oeuvre. Comme le ministre le répète, la Commission de sûreté nucléaire examinera ces méthodes du point de vue de la santé, de la sécurité et de l'environnement.
Le sénateur Banks: Étant donné qu'aujourd'hui les gens sont prêts à utiliser des avions pour démolir des choses, pensez-vous qu'il existe vraiment une façon sécuritaire d'entreposer en surface du combustible nucléaire utilisé?
M. Brown: Après le 11septembre, il faut évidemment accélérer l'examen de la méthode de l'enfouissement géologique, pour cette raison-là. C'est bien sûr un des arguments en faveur de l'enfouissement géologique en profondeur.
L'autre argument est qu'il faudra beaucoup de temps pour mettre au point la méthode d'enfouissement géologique en profondeur, si c'était la méthode retenue. Cette formule n'apporte donc pas de solution immédiate à un problème immédiat. C'est une solution à long terme.
Il y a donc du pour et du contre mais pour le très long terme, c'est un argument qui a déjà été présenté.
Le sénateur Banks: Enfin, pour revenir à ma question de responsabilité, on nous a dit que la responsabilité qu'imposaient les autres lois aux sociétés assurées était limitée mais qu'on avait envisagé d'autres façons de couvrir des obligations théoriques éventuelles.
Dans ce cas-ci, et ce n'est qu'une simple hypothèse, que se passerait-il si la société avait commis une faute dans l'entreposage des déchets entraînant un accident catastrophique et faisait ensuite l'objet de réclamations dont le total serait supérieur au montant du fonds? Le gouvernement interviendrait-il pour assumer ces responsabilités? Le gouvernement serait-il tenu d'assumer ces responsabilités ou est-ce que ces responsabilités seraient limitées au montant se trouvant dans le fonds ou aux garanties qu'aurait pu obtenir la société de gestion au moyen d'une assurance?
M. Dhaliwal: Il y a d'abord le fait que la Loi sur la responsabilité nucléaire exige des garanties financières. C'est un aspect qu'il convient de réviser pour en moderniser les exigences. C'est un aspect que nous allons examiner de très près parce que cela fait longtemps que nous avons examiné cette loi. Nous allons donc revoir cet aspect.
Le sénateur Banks: Nous avons conclu qu'il n'y en avait pas suffisamment.
M. Dhaliwal: Nous savons que le Sénat a déjà fourni des renseignements provisoires. Je vais les examiner pour moderniser la loi au besoin. Je pense parfois qu'il faudrait que les lois s'abrogent automatiquement après un certain temps, ce qui obligerait le gouvernement à les moderniser mais notre leader parlementaire n'est pas d'accord avec moi. Nous sommes parfois obligés de réviser des lois qui sont devenues désuètes et qui ne correspondent plus aux réalités d'aujourd'hui. Je suis très motivé à ce que cela soit examiné.
Pour répondre plus directement à votre question, il existe des garanties financières qui tiennent compte des responsabilités. Ces garanties financières demeureront en place jusqu'à ce que le fonds croisse à un point où nous estimons qu'il pourra répondre aux risques futurs.
Si nous constations que nous nous sommes trompés dans nos prévisions, il est difficile de dire ce qui se passerait. Les sociétés sont obligées d'obtenir des garanties financières qui sont basées sur nos prévisions en matière de responsabilité. Nous allons être obligés de revoir ces aspects pour déterminer si ces montants sont acceptables, compte tenu des risques actuels. Ces garanties financières seront obligatoires et elles ne seront réduites que lorsque le fonds aura atteint un niveau qui nous paraît acceptable et qui permettrait de répondre aux demandes d'indemnisation susceptibles d'être présentées à l'avenir.
Le sénateur Banks: Le gouvernement du Canada serait-il obligé d'intervenir si le préjudice causé était supérieur aux sommes contenues dans le fonds et aux indemnités prévues par les assurances?
M. Dhaliwal: Il est difficile d'écarter cette possibilité. Lorsqu'il y a un problème, les gens se tournent toujours vers le gouvernement. Du point de vue juridique, le gouvernement n'est pas obligé de faire quoi que ce soit. Il faudra examiner la situation. Cependant, juridiquement, le gouvernement ne serait pas obligé d'assumer cette responsabilité.
Le sénateur Gauthier: Pourrions-nous introduire une clause d'extinction qui viserait l'article16 qui traite de la gestion des déchets? Vous semblez favorable à ce genre de disposition.
M. Dhaliwal: Le leader parlementaire n'est pas d'accord avec moi. J'aimerais que toutes les lois s'abrogent après une certaine période mais ils ne sont pas d'accord. Ce n'est pas moi qui prends ce genre de décision. Le leader du gouvernement affirme qu'il ne pourrait jamais examiner toutes les lois en vigueur.
Il y a trop de lois qui sont désuètes à cause de l'évolution de la société. Tant que la pression n'est pas suffisante, on ne les examine pas.
Le président: Merci beaucoup d'être venu ici ce soir.
Je devrais peut-être signaler que le rapport final du Sénat sur la sécurité des sociétés nucléaires sera publié dans quatre ou six semaines. Nous sommes évidemment flattés d'apprendre que vous avez déjà lu notre premier rapport. Le second sera encore meilleur.
M. Dhaliwal: Monsieur le président, j'examinerai votre rapport avec beaucoup d'intérêt. J'espère pouvoir continuer à travailler avec votre comité. Je sais que vous faites de l'excellent travail sur une question qui touche de très près tous les Canadiens.
Je serais très heureux de voir vos recommandations pour que nous puissions travailler de concert sur ces questions importantes.
La séance est levée.