Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 30 - Témoignages du 9 mai 2002
OTTAWA, le jeudi 9 mai 2002
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 9 h 10 pour étudier le projet de loi C-27 concernant la gestion à long terme des déchets radioactifs.
Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Nous recevons aujourd'hui des témoins de la Ontario Power Generation et d'Énergie atomique du Canada limitée.
C'est, à certains égards, une chance que vous fassiez partie du même groupe de témoins, car l'une des choses que l'on reproche le plus au projet de loi est de cacher une relation incestueuse entre la Ontario Power Generation, OPG, et Énergie atomique du Canada limitée, EACL.
Monsieur Dicerni, à vous la parole.
M. Richard Dicerni, vice-président exécutif et secrétaire général, Ontario Power Generation: Honorables sénateurs, je vous remercie de nous donner l'occasion de témoigner aujourd'hui devant votre comité. Je vous parlerai d'abord d'énergie atomique afin de situer en contexte les raisons pour lesquelles nous jugeons nécessaire le projet de loi C-27 et sa raison d'être, après quoi j'aborderai plus précisément le projet de loi lui-même.
L'énergie nucléaire fournit environ 45 p. 100 de l'électricité qui est utilisée en Ontario. Si la réglementation le permet, d'ici deux ou trois ans, cette proportion augmentera lorsque les tranches de Pickering et Bruce, qui sont temporairement fermées, seront remises en service. Ces six tranches ajouteraient environ 30 terawattheures à la puissance de base qui est actuellement produite par l'énergie nucléaire. Étant donné que l'Ontario consomme environ 150 terawattheures, il s'agit d'une augmentation d'environ 20 p. 100 provenant uniquement de l'énergie nucléaire.
Le président: Quel pourcentage est-ce que cela représente?
M. Dicerni: L'augmentation serait de 20 p. 100. Présentement, la puissance de base est de 150 terawattheures.
Le président: À quel pourcentage de l'énergie totale produite en Ontario cela correspondrait-il lorsque ces tranches seront remises en service?
M. Dicerni: Je dirais environ les deux tiers.
L'énergie nucléaire comporte de nombreux avantages, y compris le fait qu'elle est propre et ne produit pas d'émissions causant le smog, les pluies acides et le réchauffement de la planète. Dans cette optique, nous croyons que l'énergie nucléaire représente un élément essentiel de l'engagement pris par notre pays de se conformer au Protocole de Kyoto.
Je souhaiterais maintenant passer à l'étude du projet de loi C-27, que la Ontario Power Generation appuie parce que c'est la bonne solution. C'est un projet de loi équilibré qui tient compte à la fois de l'intérêt public et de la nécessité d'aller de l'avant.
Ce matin, je vous propose d'aborder quatre ou cinq questions ayant été soulevées lors des débats au Sénat et à la Chambre des communes, et de vous communiquer notre point de vue à cet égard.
Vous avez fait allusion, monsieur le président, à une certaine méfiance du public à l'endroit du secteur de l'énergie nucléaire, et vous vous demandiez comment l'intérêt commun peut être protégé lorsque le système est dirigé par l'industrie elle-même. J'aimerais insister sur les divers processus de surveillance et de prise de décision qui ne relèvent pas de l'organisme de gestion des déchets, l'OGD. Il est important de souligner que, même si l'OGD fera des recommandations et verra à leur application, il ne prendra aucune décision. Ce n'est pas le genre d'organisme à prendre des décisions tout seul derrière des portes closes.
La première étape pour l'OGD consiste à élaborer un plan qu'il devra présenter au ministre des Ressources naturelles d'ici trois ans. Le ministre et le gouvernement du Canada devront alors déterminer si le plan est adéquat s'il est le résultat d'une bonne planification et s'il a fait l'objet de suffisamment de consultations. Cette première décision est du ressort du gouvernement.
La deuxième étape, si le plan est accepté et si on s'entend sur un site ou un projet précis, consiste à le soumettre à une évaluation environnementale effectuée sous les auspices du ministre de l'Environnement par l'entremise de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, l'ACEE. En fin de compte, c'est cette agence, au nom du ministre, qui prend les décisions, et non pas l'OGD. Une fois cette étape franchie avec succès, si l'on doit construire ou obtenir un permis d'exploitation, l'OGD devra présenter une demande auprès de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, la CCSN, afin d'obtenir les permis requis. Durant tous ces processus, la prise de décision ne relève pas de l'OGD, mais bien des organismes gouvernementaux auxquels nous soumettons les résultats de nos travaux et qui sont chargés de représenter le bien public. À notre avis, l'intérêt général est bien protégé par l'entremise de ces divers organismes de surveillance.
La deuxième critique ou commentaire formulé au sujet du processus lui reproche de ne pas être ouvert et transparent. Comme les honorables sénateurs le savent, le projet de loi exige la création d'un comité consultatif. Ce comité devra produire des rapports qui seront rendus publics. On constate donc l'existence de mesures visant à assurer la transparence.
Comme le stipule l'article 12 du projet de loi, l'OGD doit mener des consultations pour chacune des approches proposées. Le projet de loi stipule en outre que, si le ou la ministre trouve que ces consultations n'ont pas été effectuées correctement, il ou elle peut décider de tenir ses propres consultations. Tous les rapports annuels de l'OGD seront déposés au Parlement. Par conséquent, je pense que le public sera invité à participer de façon suffisante, et que le degré de transparence et d'ouverture de cet exercice sera considérable, comme l'exige le projet de loi.
Un troisième commentaire que vous avez sans doute entendu est qu'une période de trois ans est insuffisante pour mener à bien ce projet. Nous devons maintenir le juste équilibre entre faire avancer les choses d'une part, et s'assurer de le faire correctement d'autre part. Dans ce contexte, la participation et l'opinion du public sont essentiels à l'atteinte de nos objectifs. Nous étions tous d'accord sur ce fragile équilibre lorsque nous avons abordé cette question devant le comité de la Chambre des communes. D'aucuns croiront qu'un délai de trois ans est trop court pour permettre une participation complète du public. Mais ce n'est pas nous qui avons fixé l'échéancier; c'est le gouvernement qui a décidé qu'une période de trois ans serait suffisante.
Nous sommes résolus à faire l'impossible pour mener à bien cet exercice, en tenant compte d'autant d'opinions que possible et tout en conservant un plan crédible à proposer au gouvernement avant la fin de la période de trois ans imposée par le projet de loi.
Nous sommes résolus à faire preuve de transparence et d'ouverture par rapport au public parce que nous investissons des sommes considérables dans divers fonds. Le projet de loi exige un versement initial de 500 millions de dollars dans un fonds et, par la suite, 100 millions chaque année. Ces sommes ne peuvent être recouvrées automatiquement auprès des consommateurs de l'Ontario qui utilisent l'énergie nucléaire pour produire leur électricité. Elles doivent être puisées à même le bénéfice net de l'OPG. C'est une grosse somme. Aussi, nous voulons faire les choses correctement. Nous ne voulons pas être accusés dans six ans de ne pas avoir bien mené les consultations ou de ne pas avoir étudié sérieusement toutes les options possibles, car le processus entraînera une lourde charge financière pour la société.
Pour conclure, nous sommes conscients que le projet de loi présenté par le gouvernement s'éloigne de la recommandation faite par la Commission Seaborn qui prônait la création d'une société d'État. Une société d'État a des caractéristiques différentes. Une société d'État diffère intrinsèquement d'un organisme dirigé par l'industrie.
Les honorables sénateurs auront entendu des témoignages comme quoi un projet dirigé par l'industrie a toutes les chances d'être chargé de toutes sortes de défauts et voué au désastre. Rappelons-nous qu'en Suède et en Finlande, où des progrès considérables ont été faits en matière de gestion des déchets nucléaires, c'est un organisme de l'industrie qui a conduit le processus, et non une organisation gouvernementale.
En conclusion, nous sommes résolus à trouver une solution à long terme au problème du combustible nucléaire usé. Nous voulons bien faire les choses parce que nous croyons qu'il est de la responsabilité de notre société et des autres membres éventuels de l'OGD de travailler à résoudre ce problème dans l'optique du développement durable, aussi nous sommes en faveur d'un débat ouvert et équitable.
M. David Torgerson, vice-président principal, Technologie, Énergie atomique du Canada Limitée: Honorables sénateurs, je vous remercie de nous avoir invités ici ce matin à discuter de ce projet de loi.
L'automne dernier, j'ai eu l'honneur de me présenter devant le Comité permanent de la Chambre des communes qui examinait ce projet de loi. Mes remarques d'aujourd'hui sont fondées sur ce mémoire. EACL appuie cette importante loi.
EACL est un fournisseur de calibre mondial de technologie et de services techniques nucléaires qui offre à ses clients, au Canada et à l'étranger, un éventail complet de produits et de services de pointe dans le domaine de l'énergie. Notre société d'État a pour mandat, dans le domaine commercial et celui de l'élaboration de politiques publiques, de créer de la valeur pour nos clients et notre actionnaire, le gouvernement fédéral, en gérant la plate-forme nucléaire du Canada de façon responsable et rentable, c'est-à-dire en l'exploitant pour offrir des produits et des services nucléaires et en payant des dividendes issus d'une croissance rentable afin de la maintenir. Notre vision consiste à devenir le principal fournisseur mondial de produits et de services nucléaires à base de technologie, ce qui comprend les services de gestion de déchets radioactifs.
EACL compte plus d'expérience que toute autre organisation canadienne dans le domaine de la gestion des déchets radioactifs. Tout comme son prédécesseur, EACL est chargée de fournir des services de gestion des déchets aux producteurs de déchets nucléaires du Canada depuis plus de 50 ans. Nous sommes chargés de gérer des déchets radioactifs d'activité faible, moyenne et forte qui proviennent des activités militaires, des applications médicales, des universités, des prototypes de réacteurs CANDU et de nos réacteurs de recherche.
Le Canada consacre une partie importante de son investissement en RD nucléaire aux activités de RD menées par des scientifiques et des ingénieurs d'EACL et portant avant tout sur les technologies et le savoir-faire liés à la gestion et au stockage des déchets radioactifs, y compris les déchets radioactifs. EACL était chargée des activités de R et D sur le concept du stockage permanent dans des couches géologiques profondes. Nous fournissons des services à Ressources naturelles Canada par l'entremise du Bureau de gestion des déchets radioactifs de faible activité.
Il est possible d'utiliser cette capacité importante pour le bénéfice de tous les Canadiens et les Canadiennes. Nous voulons avant tout faire en sorte que la population canadienne bénéficie de son investissement. Nous sommes d'avis que c'est possible en fournissant les services d'EACL pendant l'étude et la mise en œuvre de la méthode de gestion à long terme des déchets radioactifs que retiendra en fin de compte le gouverneur en conseil.
Le mémoire que nous présentons au comité est un document d'appui. Nous appuyons les principes du projet de loi. Nous sommes d'avis que le cadre qu'il établit est essentiel pour aborder la gestion à long terme des déchets radioactifs. EACL est disposée à participer activement à la mise en œuvre fructueuse de la Loi. Nous rendrons nos services et nos compétences techniques disponibles. Nous chercherons ainsi à produire un rendement de l'investissement du gouvernement fédéral.
Le cadre législatif proposé favorise une mise en œuvre entièrement transparente qui offre et appuie un éventail complet de possibilités de participation, ce qui inclut la participation à la réalisation d'études, à la formulation de recommandations et à la mise en œuvre même. Nous reconnaissons que pendant toutes les phases, il faudra établir, contrôler et maintenir une démarche équilibrée qui tient compte d'un éventail de besoins et d'intérêts. Nous sommes d'avis que la transparence complète est essentielle du point de vue du gouvernement si l'on veut que la population ait confiance dans la mise en œuvre fructueuse de cette mesure législative.
EACL appuie sans réserve les principes et l'esprit du projet de loi C-27. La démarche est saine. Nous reconnaissons le besoin de la société de gestion qu'Ontario Power Generation, Hydro-Québec et Énergie Nouveau-Brunswick doivent établir.
Pour qu'elle réponde aux exigences établies dans le projet de loi C-27, y compris au calendrier de trois ans prévu pour la préparation de son étude, qui inclut des consultations publiques, la société de gestion doit avoir accès à toutes les sources pertinentes et fiables d'information technique, de technologie et de compétences spécialisées.
En conclusion, EACL appuie le projet de loi C-27. Il a élaboré une stratégie appropriée face à un enjeu important auquel il faut s'attaquer de façon entièrement transparente. Nous sommes heureux de collaborer avec les entreprises du secteur nucléaire pour nous acquitter de nos obligations dans le domaine de la mise en œuvre. Nous sommes disposés à faire en sorte, au meilleur de notre capacité, que les Canadiens et les Canadiennes tirent profit de notre investissement dans les programmes de R et D et de la compétence scientifique, technique et administrative d'EACL dans le domaine des technologies et des services de gestion des déchets.
Le président: Monsieur Dicerni, vous avez mentionné que l'OGD doit aussi franchir l'étape du comité consultatif, et que ce dernier devra aussi donner son consentement.
En lisant le projet de loi C-27, et peut-être que vous avez perçu les choses différemment, j'ai cru comprendre que c'est l'OGD qui nomme le comité consultatif. Est-ce que cela ne revient pas à demander au Colonel Sanders de trouver ce qui ne va pas dans les cages à poules?
M. Dicerni: Je ne crois pas avoir dit que le comité consultatif jouerait un rôle d'approbation; il servira plutôt de véhicule à l'opinion publique ou à la transparence et contribuera à donner plus d'ouverture à l'exercice. La loi donne au comité consultatif le mandat de produire un rapport au nom de ceux qui représentent l'intérêt public.
Par ailleurs, si nous et nous ferons certainement partie de l'OGD commettons des erreurs en nommant les membres du comité consultatif, ce ne serait pas dans l'intérêt de notre société, ni de l'OGD.
Un témoin ayant comparu devant votre comité faisait valoir que, selon toute vraisemblance, les membres du comité consultatif seraient certainement choisis au sein de l'industrie nucléaire. Ce serait manquer de jugement, comme si nous étions insensibles à l'importance de rejoindre d'autres groupes de la société.
Le président: Est-ce qu'un comité consultatif nommé par le ministre n'aurait pas plus de crédibilité qu'un comité consultatif nommé par l'OGD? Comme vous le dites, le processus est transparent; mais il me semble que, si l'on est assez déraisonnable pour nommer uniquement des membres de l'industrie nucléaire, la transparence risque d'en souffrir quelque peu. Au Canada, les nominations insensées sont monnaie courante, et aucun secteur n'est épargné. Nous voulons nous assurer que les uns surveillent les autres. Êtes-vous favorable à l'idée que l'OGD nomme les membres du comité, et êtes-vous convaincu que l'organisme nommerait des gens qui seraient en mesure de les rappeler à l'ordre le cas échéant?
M. Dicerni: Je pense que l'OGD voudra nommer des personnes crédibles, qui possèdent une grande intégrité et qui n'ont pas peur d'exprimer leurs opinions. Si le comité consultatif nommé par l'OGD est formé de personnes considérées par les parlementaires comme n'étant que des marionnettes, le comité ne pourra pas s'acquitter de sa fonction législative.
J'espère que nous pourrons trouver, et je suis persuadé que nous réussirons, des personnes capables d'effectuer ce travail.
Ceci dit, je tiens à souligner que l'intérêt public sera pris en compte par plusieurs autres moyens tels que l'examen ministériel, l'examen en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et l'examen effectué par la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Tous ces organismes représentent l'intérêt public. Pour avoir moi-même comparu devant eux, je peux vous assurer de leur efficacité et de l'exhaustivité de ces exercices.
Le président: Je n'arrive pas à trouver le passage dans le projet de loi, mais il m'a semblé que la nomination des membres et la durée de leur affectation étaient à la discrétion de l'OGD. Autrement dit, ce ne sont pas des nominations de cinq ans ou de durée déterminée.
M. Dicerni: Je ne sais pas si les modalités relatives aux nominations ont déjà été arrêtées. Nous pouvons utiliser divers modèles afin de nous assurer d'une certaine continuité et aussi d'un certain degré de renouvellement. En tenant compte du fait que certaines personnes ne seraient pas prêtes à s'engager pour une période de cinq ou dix ans, nous pourrions en nommer pour trois, quatre ou cinq ans.
L'idée est de trouver un équilibre entre les intérêts, le degré d'engagement et la disponibilité des gens. Nous avons bon espoir de trouver assez de personnes qui seront prêtes à s'engager pour une certaine période de temps.
J'ai parlé au départ de trois à cinq ans parce que la première phase du travail de l'OGD est cruciale et qu'elle sera déterminante pour la suite. Par exemple, si l'on formule la conclusion hypothétique que la meilleure solution consiste à laisser les déchets radioactifs là où ils se trouvent, la deuxième vague de membres du comité consultatif pourrait être plus représentative des gens vivant à proximité de ces sites.
À mon avis, il se peut que la nature et la composition du comité consultatif doivent se transformer avec le temps si l'on veut qu'il puisse s'acquitter de son mandat législatif.
Le président: Je dois admettre que je ne suis pas très rassuré. La composition du comité consultatif est problématique. La durée des nominations est problématique. Autrement dit, tout y est problématique. Mais je vois que vous faites votre possible pour défendre le projet de loi.
M. Dicerni: Ce n'est pas nous qui avons rédigé le projet de loi.
Le président: Je sais. Je dis simplement que ça ne me laisse pas une très bonne impression.
Le sénateur Eyton: Messieurs, je vous remercie d'être venus témoigner devant nous ce matin.
Vous semblez préférer l'approche proposée dans ce projet de loi à celle d'une société d'État. Quelles sont vos raisons?
M. Dicerni: On ne nous a pas laissé grand choix. De notre point de vue, nous ne pouvions être que pour ou contre le projet de loi. Si nous avions choisi de nous y opposer, cela n'aurait pas beaucoup contribué à la solution du problème. Nous avons donc choisi d'agir de façon aussi constructive que possible dans le cadre décrit par le projet de loi.
Si nous avions été les auteurs de ce projet de loi, nous aurions sans doute retenu cette option, pour une raison: il semble que ce soit l'approche qui a fonctionné ailleurs. Le consensus de société qui a émergé en Finlande sur la question de déterminer de quelle manière et où entreposer les déchets est né d'un projet dirigé par l'industrie. Les progrès réalisés en Suède ont plus ou moins suivi la même direction.
Il n'y a pas beaucoup d'histoires à succès à l'échelle mondiale. Les exemples de réussite s'apparentent plus ou moins à celui qui est décrit dans le projet de loi C-27.
Le sénateur Eyton: Ce modèle ne risque-t-il pas d'être plus controversé?
M. Dicerni: Étant donné que je n'ai pas moi-même participé à ces événements, je m'en remets à mes collègues. Cependant, je vous rappelle que les débats qui se sont déroulés devant la Commission Seaborn n'étaient pas particulièrement harmonieux et assez enflammés.
En fin de compte, ce sujet étant assez controversé, il fait ressortir les convictions profondes des gens. Je ne suis pas sûr que les rouages du fonctionnement autrement dit, que ce soit une société d'État ou un organisme de l'industrie auront tellement d'incidence sur le résultat. Ce qui importe vraiment, c'est la manière dont vous procédez et les processus que vous utilisez, plutôt que le fait que ce soit une société d'État ou l'industrie qui dirige l'entreprise.
Le sénateur Eyton: Je voudrais vous interroger sur la période de trois ans qui me semble exagérément longue. La gestion des déchets est une importante question d'intérêt public depuis peut-être 50 ans, ou au moins 20 à 30 ans. Il me semble que l'on a eu amplement le temps d'exposer toutes les options envisageables. J'aurais cru aussi que les défenseurs et opposants de ces diverses options sont également présents et que l'on connaît leur opinion.
Par ailleurs, on a déjà consacré trois années à d'intenses consultations du public. Je suppose que défenseurs et opposants ne feraient sans doute que répéter les mêmes arguments qu'ils évoqueraient aujourd'hui.
Dans ce contexte, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de ce délai de trois ans? Il ne me semble pas très utile de prévoir que vous aurez besoin de tout ce temps. J'aurais cru que vous pourriez y arriver en trois mois ou peut-être un an. En étalant le processus sur trois ans, on risque de susciter encore plus de controverse et de rendre la prise de décision encore plus difficile.
M. Dicerni: Tout d'abord, dans les années 90, à titre de sous-ministre de l'Environnement et de l'Énergie, il était de ma responsabilité de trouver des sites d'enfouissement. La province avait pris le relais en vue de trouver des sites d'enfouissement pour les déchets dans la Région du Grand Toronto. Il s'agissait alors de déchets traditionnels et non de déchets radioactifs.
Trois ans après le début du projet, on n'avait pas retiré du sol la moindre pelletée de terre. Nous n'avions pas réussi à en venir à un consensus au sujet de l'endroit où placer les sites ou sur les moyens à utiliser pour convaincre les gens d'accepter les ordures d'autres personnes. Il est difficile d'obtenir un consensus social, en particulier sur cette question.
Une des solutions proposées dans le projet de loi est de conserver en permanence les déchets in situ. Je crois que la plupart des habitants des collectivités visées voudront participer à un processus de consultation de grande envergure. Je vous rappelle l'exemple de la Scandinavie où l'on a procédé à d'intenses consultations des collectivités afin de s'assurer qu'elles étaient prêtes à accueillir les déchets. Ce genre de consultations prend du temps, et souvenez-vous qu'une fleur ne pousse pas plus vite si on tire dessus. Certaines choses demandent du temps. Le Royaume-Uni a récemment chargé un comité d'élaborer différentes options en rapport avec ce problème. Ils ont accordé six ou sept ans au comité.
Le sénateur Eyton: Supposons que trois ans soit le délai accordé. Le projet est biaisé au départ car, comme vous le dites, vous allez de l'avant avec des investissements dans l'énergie nucléaire et, après que l'on aura ajouté les nouvelles sources d'énergie, le pourcentage d'énergie nucléaire passera à environ 55 p. 100. Ce n'est pas aussi élevé que les deux tiers, 66 p. 100, que vous avez mentionnés plus tôt. Il y a des déchets radioactifs; ils seront toujours présents, et on doit s'en occuper d'une façon ou d'une autre. Il n'est pas question de dire que nous ne voulons pas de déchets nucléaires. Cette option est en fait déjà éliminée.
Au sujet de la compréhension et de l'appui du public, et en laissant de côté pour le moment la question du traitement intelligent des déchets, que faire si, même après les consultations, on n'obtient pas la compréhension et l'appui du public? Que faire si, pour quelque raison, un terrible accident survient et déclenche une réaction de rejet du public contre l'industrie? Dans ce cas, même s'il existait une manière intelligente d'évacuer les déchets, le public retirerait complètement son appui à toute l'industrie qui produit environ 55 p. 100 de l'énergie de cette province? Avez-vous un plan dans une telle éventualité?
M. Dicerni: Les déchets radioactifs sont actuellement stockés de façon très sécuritaire dans les sites existants; nos installations de stockage à sec de Darlington, Pickering et Bruce sont suffisantes pour stocker les déchets. Il y a présentement de l'espace disponible, et nous disposons pour le futur d'encore un peu plus d'espace pour s'en occuper. Ce n'est pas comme si, dans l'éventualité où le ministre rejetterait notre plan en 2005, nous tomberions tous ensemble dans le vide.
Deuxièmement, ayant déjà travaillé à la gestion des déchets avec le gouvernement provincial, je sais que nous devons entreprendre ce projet avec une vision optimiste. Il faut se persuader de pouvoir atteindre le but ultime, même si ce ne sera pas facile. Malgré tout, je crois que c'est possible. Étant donné que les gens ont des opinions très arrêtées, il faudra travailler fort pour en arriver à un consensus.
Le sénateur Eyton: Qui devons-nous croire? Là d'où je viens, les gens regardent alentour et cherchent à savoir si quelqu'un a raison, afin de s'inspirer de cet exemple. Où se trouve ce beau mariage entre la compréhension et l'appui du public et ce que vous considérez comme l'option idéale en matière de gestion des déchets qui est en place et fonctionne? Quel est le champion sur lequel nous devrions miser?
M. Dicerni: Je crois que l'administration ayant obtenu le plus de succès est la Scandinavie. Dans ce pays, finalement, deux collectivités se sont retrouvées dans la course pour accueillir le site permanent de stockage des déchets. On a proposé le projet à la collectivité et on l'a soumis à un vote du Parlement, et cetera. Les gens ont reconnu qu'ils avaient besoin de l'énergie nucléaire et qu'il fallait prendre en charge les déchets radioactifs. Après que trois ou quatre collectivités se soient retirées de la course, il en est demeuré deux en lice.
Le sénateur Eyton: Vous avez parlé de la Scandinavie. Était-ce en Suède?
M. Dicerni: C'était en Finlande. Mais la Suède leur emboîte le pas. M. Nash y est allé et a assisté de plus près que moi à ce qui s'est passé.
M. Ken Nash, vice-président, Division de la gestion des déchets radioactifs, Ontario Power Generation: De fait, comme M. Dicerni l'a mentionné, le Parlement finlandais a voté sur cette question l'an dernier et, bien que je ne me souvienne pas exactement des chiffres, le projet à été adopté à quelque chose comme 144 voix contre trois. Ce total comprend aussi les votes des membres d'un parti équivalent au Parti Vert. La Suède suit un parcours très similaire. Le processus d'élimination a finalement retenu deux collectivités, et des études poussées y seront menées au cours des prochaines années. On décidera ensuite laquelle de ces collectivités accueillera l'installation permanente.
Comme M. Dicerni l'a dit plus tôt, il s'agit d'organisations dirigées par l'industrie qui suivent les mêmes principes que ceux qu'il a exposés, c'est-à-dire que l'on doit régler cette question de manière permanente et obtenir un vaste consensus dans la population.
Le sénateur Eyton: Une des solutions pour l'Ontario pourrait-elle être d'envoyer les déchets en Colombie- Britannique, par exemple?
M. Dicerni: Étant donné que l'Ontario est responsable de la production d'à peu près 90 p. 100 des déchets radioactifs, il semble raisonnable de penser qu'elle doive accueillir un site central. Vu qu'elle a produit au départ 90 p. 100 des déchets, en toute logique on pourrait penser que ce site devra être situé dans les limites de la province.
Le président: J'ai une question à poser à M. Torgerson au sujet de l'Operational Safety Review Team, l'OSART, de l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'AIEA. Comme vous le savez, ce comité a déjà examiné la sûreté de l'énergie nucléaire. À Paris, nous avons entendu parler des examens que l'OSART mène dans les centrales en exploitation. Depuis lors, le Canada a demandé à l'OSART de venir jeter un coup d'œil sur nos centrales en exploitation. Je crois que les Américains ont consulté l'OSART au sujet des déchets radioactifs avant de donner le feu vert au système de stockage de Yucca Mountain. Avez-vous discuté des déchets radioactifs avec des représentants des agences internationales de Vienne ou de Paris?
M. Torgerson: Nous avons eu beaucoup de discussions avec des agences internationales comme l'AIEA à Vienne, et l'Agence de l'OCDE pour l'énergie nucléaire, l'AEN/OCDE, à Paris. Nos experts collaborent avec ceux d'autres pays au sein de ces forums.
Ces dernières années, nous avons aussi collaboré plus particulièrement avec les Américains au sujet de l'évacuation permanente des déchets radioactifs. De fait, nous avons été engagés par les Américains pour fournir de l'expertise technique afin de les aider avec leur programme. Donc oui, nous avons beaucoup d'expérience avec les agences internationales, et particulièrement avec le programme d'évacuation des déchets des États-Unis.
Le président: Ceci m'amène à ma prochaine question. En tant que géologue, et j'ignore si cela fait aussi partie de vos compétences, je crois savoir que Yucca Mountain se trouve dans une crête volcanique. Cette information est-elle censée être rassurante pour les habitants du Bouclier canadien, ou bien croyez-vous que les mines du Bouclier canadien soient le seul endroit envisageable? Par ailleurs, considère-t-on les cordillères de la Colombie-Britannique et du Yukon pour des projets du genre de Yucca Mountain?
M. Torgerson: Jusqu'ici, le programme canadien de gestion des déchets nucléaires s'est concentré sur les roches granitiques du Bouclier canadien. Nous n'avons jamais considéré le tuf volcanique, et aucun programme de recherche n'a encore examiné ce type de formation géologique. De fait, de nombreux types de formation géologique peuvent servir à l'évacuation permanente des déchets radioactifs.
Comme vous le savez, en tant que géologue, nous sommes à la recherche d'une formation stable, et le monde en possède un grand nombre. Nous nous concentrons sur les roches granitiques et non sur le tuf volcanique.
Le sénateur Mahovlich: Vous avez mentionné le fait que les centrales de Pickering et Bruce sont fermées. Cela se produit-il souvent? Sont-elles fermées en raison d'un accident, ou est-ce là une procédure normale? S'il y a des accidents, pouvez-vous faire preuve de transparence et nous faire une mise au point?
M. Dicerni: Ontario Hydro possédait un parc de 20 réacteurs nucléaires. Dans les années 1997-1998, elle a décidé de concentrer ses activités sur 12 de ces réacteurs et de remettre en état les huit autres. «Remettre en état» signifie entreprendre une remise à neuf majeure de ces tranches.
En attendant, nous avons donné à bail les huit centrales de Bruce à une filiale de la British Energy, Bruce Power, et cette société s'occupe de la remise à neuf de ces centrales. À l'OPG, nous nous occupons de la remise à neuf et de la reconcentration des quatre plus anciennes tranches de Pickering A, Pickering 1, 2, 3 et 4.
Nous avons procédé à des évaluations environnementales concernant la remise en état de ces centrales et en avons transmis les résultats à la Commission canadienne de la sûreté nucléaire qui les a examinées et approuvées. On nous a accordé le permis moyennant la satisfaction d'un certain nombre de conditions de délivrance.
Tous les six mois environ, nous transmettons des rapports d'étape à l'organisme de réglementation. Nous remettrons notre prochain rapport d'étape fin mai, dans deux ou trois semaines. Nous prévoyons réouvrir la première de ces quatre tranches qui avaient été fermées temporairement vers la fin de l'année ou au début de l'année prochaine.
Le sénateur Mahovlich: Quelle centrale produit le plus d'énergie en Ontario?
M. Dicerni: Darlington.
Le président: Monsieur Dicerni, même si le montant de la cotisation de chaque producteur est déterminé, le projet de loi ne mentionne pas clairement la façon dont le vote se déroulera. Est-ce que chaque producteur a droit à une voix, ou est-ce que les voix sont réparties en fonction de la quantité d'électricité produite par chacun?
M. Dicerni: Il se peut que le nombre de voix accordées corresponde au volume de déchets nucléaires produits par chaque producteur. Autrement, on pourrait les accorder en fonction de l'argent investi par chaque société. Comme vous le savez, le projet de loi établit que les diverses sociétés se verront attribuer des montants de versement initial différents; dans le langage des sciences politiques, on pourrait qualifier ceci de représentation selon la population.
Le président: La «population» ne correspondrait pas à la quantité d'énergie produite, mais plutôt au volume de déchets?
M. Dicerni: En partie. Notre société, par exemple, produit 50 p. 100 de son électricité à partir de l'énergie nucléaire, soit 25 p. 100 à partir de l'énergie hydroélectrique et de 25 à 30 p. 100 à partir de l'énergie fossile. Hydro-Québec utilise à 97 p. 100 l'énergie hydroélectrique et l'énergie nucléaire seulement à 3 p. 100; la Société d'énergie du Nouveau- Brunswick a un ratio d'environ 30 pour 70. Compte tenu de la diversité des profils, on se base sur la quantité d'énergie produite par le secteur nucléaire et sur la quantité de déchets radioactifs correspondante.
Le président: À cet égard, nous avons déjà amassé une bonne quantité de déchets radioactifs et nous continuons d'en produire sur une base permanente. Prévoyez-vous qu'il y aura un débat sur le fait que l'on base les cotisations sur la production actuelle, ou croyez-vous que les sociétés nouvelles venues feront valoir que c'est surtout de vieux déchets que l'on doit évacuer? Entrevoyez-vous des discussions au sujet du mode de détermination des cotisations?
M. Dicerni: Je ne pense pas. À l'avenir, il est plus que probable que la quantité de déchets produits par Hydro- Québec et par la Société d'énergie du Nouveau-Brunswick sera dans la même proportion que par le passé. Les pourcentages globaux ne devraient pas changer radicalement. L'Ontario et l'OPG continueront toujours d'être les principaux producteurs de déchets radioactifs.
Le président: Je n'ai pas pu suivre cette question autrement que par les journaux, qui ne sont pas toujours la meilleure source d'information, en particulier pour ce qui est de l'énergie nucléaire. Mais il semble que la capacité nucléaire du gouvernement de l'Ontario est à vendre, ou sur le point d'être vendue, à des intérêts britanniques privés. Si cette vente est conclue, qui assumera la responsabilité des vieux déchets? Est-ce que le nouvel acquéreur d'une partie d'Ontario Hydro deviendra responsable d'une partie des déchets radioactifs?
M. Dicerni: Dans le contexte de la nouvelle politique de marché compétitif mise de l'avant par le gouvernement de l'Ontario le 1er mai, par comparaison avec l'ancien marché monopolistique réglementé, on nous a informé qu'étant donné que nous détenons une proportion considérable de la production d'énergie de la province, une des conditions de délivrance de notre permis d'exploitation est que nous devons réduire notre part de marché d'ici quatre à dix ans afin de garantir qu'il y aura suffisamment de concurrence.
Dans cette optique, et en prévision de l'ouverture des marchés, nous avons amorcé un processus de mise aux enchères afin de déterminer si des sociétés pourraient être intéressées à acheter ou à prendre à bail certaines centrales nucléaires de Bruce. British Energy a manifesté son intérêt. Des représentants de cette société sont venus nous faire une offre qui nous a semblé raisonnable pour nous et pour nos actionnaires, et ils ont pris à bail ces propriétés pour une période de 18 ans.
La société nous a remis à nous ainsi qu'au gouvernement de l'Ontario un versement initial de 625 millions de dollars. Elle verse aussi un loyer annuel.
Ce loyer annuel couvre les frais de gestion des déchets radioactifs que les nouveaux locataires produisent. À titre de propriétaire, nous avons toutefois conservé la responsabilité des déchets qui sont déjà stockés sur place. Ils nous paieront pour les déchets qu'ils produiront à l'avenir.
Le président: Vous conservez la responsabilité des anciens déchets, et ils paient pour les déchets qu'ils produisent.
M. Dicerni: C'est exact.
Le président: Une dernière remarque avant que je ne cède la parole au sénateur Keon. Il se peut que je vous aie mal compris durant votre témoignage, mais pensez-vous que le financement de l'OGD est exagéré et qu'il devrait y avoir un facteur de contrôle? Vous ne souhaitez probablement pas que d'énormes sommes s'accumulent dans ce fonds et ne servent à rien.
M. Dicerni: Non, je voulais plutôt dire que ce sont d'importantes sommes; 100 millions par année représente une contribution considérable.
Nous n'avons pas exprimé de réticence face au versement initial ou à la contribution annuelle. Cependant, je faisais remarquer que, pour une société comme la Ontario Power Generation, cette contribution représente un important engagement de fonds.
Le président: Est-ce que le vérificateur général pourra examiner les dépenses de l'OGD?
M. Dicerni: Je pense que l'on créera l'OGD comme une société à but non lucratif.
Le président: C'est ce que le gouvernement est censé être, mais ça ne fonctionne pas toujours.
M. Dicerni: Je voudrais faire une distinction concernant les sommes qui seront placées dans des fonds distincts, des sommes énormes auxquelles les sociétés n'auront pas accès. Ces sommes seront donc placées dans des comptes bancaires quelconques en fiducie. Il sera interdit de faire des retraits sur ces comptes tant que le gouvernement n'aura pas accepté le plan et qu'il ne lui aura pas donné le feu vert.
Le budget de fonctionnement de l'OGD pour l'élaboration du plan sera d'envergure plus raisonnable, et tournera autour des 7 ou 8 millions de dollars. Ce sera une entreprise plus modeste.
Je voudrais rassurer encore une fois les honorables sénateurs et leur répéter que l'OPG et les autres sociétés qui verseront la plus grande partie de ces fonds sont très déterminées à exercer la plus grande prudence et probité en ce qui concerne leur utilisation. Après tout, c'est notre argent.
Le sénateur Keon: Monsieur Dicerni, vous nous avez fait part d'une idée intéressante en donnant à bail les centrales Bruce à une filiale plutôt qu'en les vendant directement à d'autres intérêts. Bien que je ne sois pas un homme d'affaires, je sais qu'il existe un certain nombre d'arrangements entre les filiales et les sociétés mères.
Dans un secteur où la reddition de comptes et la qualité sont d'une telle importance, j'aimerais vous entendre élaborer sur les activités de votre filiale. Qui a la responsabilité du contrôle qualité en ce qui concerne la rénovation de ces centrales? Qui est responsable au bout du compte si quelque chose tourne mal? Auriez-vous l'amabilité d'élaborer à ce sujet?
M. Dicerni: Bruce Power exploite les centrales au complexe nucléaire de Bruce. Bruce Power est un consortium représentant des employés qui détiennent des parts dans cette entreprise. Ils ont investi dans cette société.
Cameco et British Energy en font aussi partie. Ce sont là les trois sociétés auxquelles nous avons accordé un bail de 18 ans.
Pour ce qui est du contrôle qualité, la société est soumise aux mêmes normes d'exploitation que les autres exploitants nucléaires du pays. Ils sont assujettis aux règlements de la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Tout comme l'OPG, ils doivent faire la demande d'un permis s'ils veulent exploiter les centrales. S'ils désirent redémarrer les centrales 3 et 4, ils devront réaliser une évaluation environnementale aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Ils devront la faire approuver et présenter une demande afin de redémarrer les centrales. L'exploitation des centrales est assujettie à un processus réglementaire assez rigoureux.
À titre d'information, la Commission canadienne de sûreté nucléaire a publié hier un bulletin sur les activités de toutes les centrales nucléaires au pays, leur attribuant une note de A à E selon différents critères. C'est un exercice qui montre que le processus est assez ouvert et bien documenté.
Le sénateur Keon: En fin de compte, est-ce vous ou eux qui sont responsables?
M. Dicerni: La responsabilité finale liée à l'exploitation de ces centrales, et je parle bien de l'exploitation, relève du permis qu'ils ont obtenu de l'organisme de réglementation.
Le sénateur Keon: Qui est responsable de la qualité de la construction de ces centrales, vous ou eux?
M. Dicerni: Ce sont eux. S'ils veulent redémarrer la centrale, c'est l'exploitant de la centrale qui est soumis au régime réglementaire de surveillance.
Le sénateur Buchanan: Pouvez-vous me redonner ces pourcentages? Vous avez mentionné 50 p. 100 d'énergie nucléaire, 25 p. 100 d'énergie hydroélectrique et 25 p. 100 d'énergie fossile. Est-ce exact?
M. Dicerni: Ça peut varier. En ce moment, l'Ontario consomme 150 terawattheures d'électricité. Environ 40 terawattheures proviennent de centrales à combustible fossile. La production hydroélectrique compte pour environ 33 terawattheures. On a établi, au début des années 90, des producteurs sans vocation de service public. Ils produisent de 10 à 12 terawattheures, dépendant du prix du gaz. Il y a un peu d'importation, pour 3 ou 4 terawattheures. En Ontario, le reste de la production provient de l'énergie nucléaire et cette énergie est répartie entre Bruce Energy et l'OPG.
Le sénateur Buchanan: Je me suis trompé dans mes chiffres. Il y a environ 40 p. 100 d'énergie provenant du combustible fossile?
M. Nash: Il y a peut-être moins de 40 p. 100 d'énergie fossile.
Le sénateur Buchanan: Peu importe, quel pourcentage de la production ontarienne provient du charbon?
M. Dicerni: Ce chiffre s'élève à environ 25 p. 100.
Le sénateur Buchanan: D'où provient votre charbon?
M. Dicerni: Surtout de Powder River Basin.
Le sénateur Buchanan: Provient-il entièrement des États-Unis?
M. Dicerni: Presque entièrement, oui.
Le sénateur Buchanan: Votre «presque» signifie-t-il que vous utilisez du charbon canadien?
M. Dicerni: Je ne le pense pas.
Le sénateur Buchanan: Vous n'utilisez donc certainement plus de charbon en provenance du Cap-Breton.
M. Dicerni: Je ne crois pas, non.
Le sénateur Buchanan: C'est terminé depuis bien des années. Maintenant, c'est fini pour de bon. Combien payez- vous par tonne, en dollars US?
M. Dicerni: Je l'ignore. Mais je pourrais vous obtenir ce chiffre. Étant donné que nous renégocions constamment nos contrats avec nos fournisseurs, y compris ceux qui transportent le charbon, ceci est une question un peu délicate au point de vue commercial. Mais je pourrais vous revenir avec un chiffre approximatif.
Le sénateur Buchanan: Je vous le demande parce que, comme vous le savez, la commission des services publics tient actuellement une audience à Halifax avec la Nova Scotia Power. La société demande une augmentation en raison du taux de change et du coût du charbon américain. Tout le charbon présentement utilisé provient des États-Unis ou de plus loin au Sud. Il n'y a pas si longtemps, il provenait entièrement du Cap-Breton. Depuis quelques années et pour quelques mois encore, on assiste à un mouvement en faveur de l'ouverture d'une nouvelle mine de charbon au Cap- Breton. Si les compagnies d'électricité pouvaient payer ce charbon en dollars canadiens, ce serait déterminant pour elles par comparaison avec le prix qu'elles doivent débourser pour le charbon américain qui débarque à Mulgrave et sur les quais de Sydney. Je suis curieux de savoir combien vous payez une tonne de charbon américain.
M. Dicerni: Je suis désolé, je ne dispose pas de cette information précise. Je sais que nous payons notre charbon plus cher depuis deux ans. Les prix suivent une tendance fortement à la hausse.
Le sénateur Buchanan: Payez-vous en dollars US?
M. Dicerni: Oui.
Le sénateur Buchanan: Vous serait-il possible de fournir ces chiffres au greffier du comité?
M. Dicerni: Oui, ce serait possible.
Le président: L'article 10 du projet de loi C-27 parle de la détermination du montant des cotisations nécessaires au fonctionnement de l'OGD qui proviennent de l'Ontario Hydro Energy Incorporated, d'Hydro-Québec, de la Société d'énergie du Nouveau-Brunswick et d'Énergie atomique du Canada limitée, EACL. J'ai cru comprendre que, à mesure que de nouveaux acteurs feront leur entrée, ils devront faire partie de l'OGD. Comment va-t-on déterminer les cotisations des nouveaux producteurs auxquels vous allez vendre vos installations et qui vont produire leurs propres déchets?
D'après mon interprétation de l'article 10, il semble qu'ils vont s'en tirer à bon compte.
M. Dicerni: Nous ne prévoyons pas que quiconque construira une centrale nucléaire dans l'avenir immédiat. Nous n'avons nullement l'intention de vendre d'autres centrales nucléaires. Les chances que de nouveaux participants fassent partie du groupe sont très minces.
Le président: Les nouveaux participants devraient repartir de zéro. Je croyais que vous aviez dit que le gouvernement avait décidé de se départir d'une partie de la production énergétique.
M. Dicerni: C'est exact.
Le président: Ces nouveaux producteurs prendraient à bail ce dont vous voulez vous départir et produiraient de nouveaux déchets nucléaires; n'auraient-ils pas le droit de voter au sein de l'OGD? Les conditions du bail mentionneront-elles que vous assumez la responsabilité des déchets nucléaires?
M. Dicerni: Dans le cas de la location des installations de Bruce, nous avons conservé la propriété des déchets produits...
Le sénateur Buchanan: Les nouveaux aussi?
M. Dicerni: ... et le bail mentionne que nous en sommes les propriétaires. Cette responsabilité nous incombe toujours. Nous avons donc conservé à Bruce un domaine de responsabilité qui vise particulièrement la gestion des déchets. Ça fait partie de l'entente. Le bail stipule que les déchets demeurent la propriété de Ontario Power Generation.
Le président: Voilà qui est intéressant. Ça rend le dessaisissement plus attrayant.
Le sénateur Mahovlich: Je n'ai pas beaucoup entendu parler de Chalk River récemment. Est-ce qu'on y pratique toujours des essais utilisant des pastilles de combustible MOX?
M. Torgerson: Oui. Au moment où je vous parle, on pratique des essais aux installations de recherche de Chalk River.
Le sénateur Mahovlich: L'évacuation de ce type de déchets nécessite-t-elle des mesures exceptionnelles?
M. Torgerson: Les essais visent à démontrer que les déchets sont détruits dans le spectre d'énergie des neutrons caractéristique des réacteurs CANDU. Nous avons pris une très petite quantité de déchets, environ 500 grammes de plutonium, et nous faisons la preuve qu'elle peut être détruite dans le réacteur.
Le sénateur Mahovlich: Il y a quelques années, le premier ministre Jean Chrétien voulait accepter du plutonium en provenance des États-Unis et de la Russie qui tentaient de réduire leur armement nucléaire. L'a-t-on fait?
M. Torgerson: Ce sont les expériences dont je parlais. Nous prenons une faible quantité de plutonium du type utilisé dans les armes pour démontrer qu'elle peut être détruite dans le cœur d'un réacteur nucléaire. Ces expériences servent à démontrer la technologie et à décrire ce qui pourrait être fait. On n'a pris aucun engagement de réaliser quoi que ce soit d'autre que la RD.
Le sénateur Sibbeston: Au début de la semaine, des témoins sont venus exprimer beaucoup d'inquiétude à ce sujet. Notamment, des représentants d'une organisation autochtone et du Club Sierra, ainsi que d'anciens membres de la Commission Seaborn. Les gens du Club Sierra en particulier ont déclaré que la tentative de l'industrie nucléaire de forcer une collectivité du Bouclier canadien à accueillir un dépotoir de déchets nucléaires sera la bataille environnementale du millénaire. Étant donné que l'OGD sera mis sur pied par l'industrie nucléaire, il me semble que le public éprouvera beaucoup de soupçon et d'inquiétude à l'égard du travail de l'organisation. Je suis convaincu que l'on s'interrogera sur la sûreté de l'approche qui sera envisagée.
Compte tenu de tout cela, comment réagiriez-vous aux inquiétudes de ces personnes, y compris au sujet de la manière dont on veut structurer l'OGD et dont vous comptez faire les nominations? Par ailleurs, on dispose de renseignements comme quoi l'approche de l'excavation géologique aurait déjà été choisie, qu'il est déjà décidé que l'industrie nucléaire recommandera cette approche.
M. Dicerni: Premièrement, la seule chose déterminée d'avance est le fait que le Club Sierra s'oppose à l'énergie nucléaire. Ils ont toujours été opposés au nucléaire comme source d'énergie. La plupart de leurs déclarations découlent directement de cette croyance fondamentale.
Deuxièmement, à titre de représentant d'une société, OPG, je peux vous garantir que nous ne privilégions aucune option prédéterminée. De plus, si nous étions assez idiots pour le faire, nous devrions mettre sur pied une grande mise en scène qui nuirait à l'industrie et à l'intégrité de ces sociétés. Nous n'avons pas l'intention de participer à un processus de consultation bidon.
Quant à votre premier point, comme quoi cet exercice nous conduira au désastre et que nous dirigerons le processus de façon assez cavalière, je ne peux que répéter ce que j'ai dit auparavant: nous sommes décidés à nous acquitter de cette tâche de manière aussi ouverte, transparente et participative que possible.
En fin de compte, certaines personnes sont fondamentalement contre l'énergie nucléaire et exprimeront toujours des inquiétudes à cet égard. Nous allons échouer si nous ne procédons pas de façon sécuritaire. Les processus réglementaires dont j'ai parlé plus tôt, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et la Commission canadienne de sûreté nucléaire, comportent des processus très rigoureux qui exercent une surveillance vigilante pour protéger l'intérêt public. Je ne partage pas les affirmations du Club Sierra.
Le sénateur Sibbeston: La Commission Seaborn est venue à la conclusion que les systèmes d'évacuation des déchets dans des structures géologiques sont envisageables au point de vue technique, mais qu'ils n'ont pas fait leurs preuves et qu'ils ne sont pas acceptables socialement. Le professeur ElBaradei a déclaré en substance:
[...] il est de plus en plus clair que la technologie envisagée pour l'évacuation des déchets à activité élevée, même si elle est une condition essentielle, n'est habituellement pas le principal facteur limitant le rythme des progrès. Le manque d'appui dans le public qui se traduit souvent par le soi-disant syndrome du «pas dans ma cour» et chez les décideurs est toujours l'obstacle principal dans la plupart des pays. Bien que ce manque d'appui ait plusieurs causes, le problème essentiel est la sécurité. Et il ne s'agit pas uniquement de garantir la sécurité, mais de convaincre les gens que la sécurité est possible autrement dit, instaurer la confiance que la technologie permet vraiment d'obtenir la sécurité. Donc, à mon avis, l'avenir de l'évacuation des déchets à activité élevée repose en fait sur la perception qu'a le public de la sécurité de ce moyen d'évacuation.
La conclusion générale que tire M. ElBaradei et d'autres commentateurs est que cette question ne pourra progresser que lorsque l'on consultera honnêtement et efficacement la population à l'échelle locale et régionale, et que celle-ci aura l'impression d'avoir vraiment été entendue et d'avoir participé à la prise de décisions. Êtes-vous d'accord avec cette position?
M. Dicerni: Oui.
Le sénateur Sibbeston: La science et la technologie évoluent rapidement. Les dispositions de l'article 20 sont-elles assez rigoureuses pour garantir que les modèles tiennent compte des idées et des méthodes scientifiques les plus récentes? Pensez-vous que les stratégies élaborées par l'OGD seront élaborées de manière à garder la porte ouverte aux développements futurs?
M. Dicerni: Oui, tout à fait. Je pense que cet article comporte assez de flexibilité pour permettre l'adaptation aux nouvelles connaissances et recherches scientifiques. C'est pourquoi la nouvelle loi, telle que je la comprends, comporte des aspects normatifs tout en conservant une certaine flexibilité si de nouveaux développements se produisent.
Encore une fois, le gouvernement et ses organismes de réglementation seront les seuls juges qui décideront si nous avons suffisamment tenu compte de ces aspects. L'OGD ne prendra pas de décisions à cet égard.
Le sénateur Sibbeston: Il y a quelques jours, des Autochtones du nord de l'Ontario sont venus témoigner et ont exprimé des inquiétudes au sujet du projet de loi. Ils ont cependant dit qu'ils étaient ouverts à la discussion si l'on apportait des changements qui leur permettraient de participer.
Quelle est votre opinion au sujet du rôle des Autochtones dans cet exercice? Je pense qu'ils pourraient jouer un rôle au sein du comité consultatif qui sera mis sur pied. Dans quelle mesure croyez-vous que les Autochtones participeront au processus que vous allez amorcer?
M. Dicerni: Nous en sommes toujours à un stade préliminaire, car nous n'avons pas encore arrêté beaucoup de détails en rapport avec le travail de l'OGD, le recrutement du personnel et ainsi de suite. Nous croyons qu'il serait plus indiqué que la loi soit complètement approuvée avant de passer à l'élaboration des détails de la mise en œuvre. Voilà pourquoi nous considérons ces remarques comme étant préliminaires.
Le projet de loi C-27 mentionne spécifiquement les Autochtones comme étant un groupe important qui devrait participer au processus de consultation. Cette participation dépendra en partie des options qui seront retenues. Je répète que nous envisageons trois possibilités. L'option selon laquelle on devrait laisser les déchets sur le site risque d'avoir moins d'incidence sur les Autochtones. Mais si, au contraire, on retient l'option du stockage en surface dans une région où ils détiennent des droits historiques, alors dans ce cas je suppose qu'ils seraient appelés à participer davantage à l'exercice.
Cette participation dépend donc en partie de la nature de la consultation et de l'option qui sera retenue. Étant donné que le projet de loi y fait référence, je suis convaincu que cette participation sera aussi complète et adéquate que possible.
Le sénateur Sibbeston: Cette participation semble essentielle au succès de l'approche adoptée par le gouvernement en ce qui concerne l'évacuation des déchets et la mise en place de l'OGD et du comité consultatif. Il semble vital que les membres du comité consultatif soient des personnes crédibles aux yeux du public et de l'industrie. Évidemment, vous ne devez pas perdre cela de vue et vous assurer de trouver des gens crédibles. Êtes-vous d'accord que c'est nécessaire à votre succès?
M. Dicerni: Je suis d'accord, et avec le temps, cela deviendra évident. À propos du comité consultatif, puisque nous en parlons, nous avons aussi rencontré des représentants d'élus locaux qui souhaitent ardemment faire partie du comité consultatif, parce que si la solution retenue est de conserver les déchets sur place, ils désirent être bien représentés. Un éventail d'intervenants très légitimes auront leur place au sein du comité. C'est pourquoi je disais que nos réflexions sont quelque peu préliminaires, parce qu'elles sont liées aux différentes activités du comité consultatif.
Le sénateur Hubley: Ma question porte sur un aspect que je considère primordial lorsque l'on prend une décision. Vous avez clairement parlé de la Scandinavie comme d'un modèle à suivre.
À votre connaissance, qui a pris la décision finale dans la sélection du site hôte je trouve que c'est une expression amicale, mais décrit-elle bien le processus qui se déroulera? Était-ce une organisation, un groupe, une administration? Qui aura le dernier mot?
M. Dicerni: Je vais laisser M. Nash, qui est plus familier avec ce qui s'est passé en Scandinavie, vous expliquer les détails. Cependant, premièrement, c'est le gouvernement qui a eu le dernier mot. La décision a dû être ratifiée par le Parlement. Le fait que la collectivité locale ait appuyé le projet a facilité la ratification. Par contraste, dans le cas de Yucca Mountain, qui était un projet gouvernemental et non pas dirigé par l'industrie, c'est la collectivité au sens large du terme, c'est-à-dire la population des États-Unis, qui a paru choisir le site, tandis que les habitants du Nevada ne semblaient pas convaincus que c'était la bonne décision.
Voilà les deux modèles qui sont les plus apparentés. En fin de compte, c'est une décision du gouvernement.
M. Nash: J'aimerais ajouter que l'OGD de l'industrie en Finlande a travaillé pendant plusieurs années avec quelques collectivités afin de les informer et de leur accorder des fonds pour qu'elles mènent leurs propres études. Cet OGD a favorisé une grande participation de ces collectivités dirigées par les administrations municipales.
À un certain moment, les administrations municipales ont décidé qu'elles étaient prêtes à accueillir des déchets nucléaires. Le processus s'est ensuite transporté au niveau de l'administration fédérale lorsque cette décision, ainsi que l'a mentionné M. Dicerni, a été ratifiée par le Parlement.
Le sénateur Hubley: Les événements du 11 septembre ont-ils soumis le projet à plus de pression?
M. Dicerni: En partie parce que l'exercice n'est pas encore commencé, je pourrais dire non. Ceci dit, l'organisme de réglementation, la Commission canadienne de sûreté nucléaire, a émis des directives exigeant que l'on accroisse les mesures de sécurité dans toutes les centrales nucléaires du pays.
Dans notre cas, par exemple, nous avons conclu une entente avec la police régionale de Durham qui maintient des agents armés et des auto-patrouilles sept jours par semaine et 24 heures sur 24 dans toutes nos centrales. Il y a eu pour ainsi dire un resserrement de la sécurité.
Quand l'OGD entrera en fonction, ce sera une dimension importante de son rôle, de même que les consultations dont nous avons parlé, du rôle des Autochtones, et ainsi de suite.
Le président: Monsieur Torgerson, on nous a dit qu'à certains endroits dans le monde, ce qui est aujourd'hui considéré comme un déchet pourrait à l'avenir devenir du carburant. Autrement dit, de nouveaux systèmes seraient peut-être en mesure de réutiliser de vieux tas de déchets. Si c'est le cas, le stockage devrait se faire près des sites, de manière à ce qu'on puisse éventuellement réutiliser les déchets.
À titre de scientifique, pouvez-vous commenter ce point?
M. Torgerson: Cette question comporte de nombreuses facettes. Cependant, pour répondre de façon aussi brève que possible, je dirai qu'en raison de la grande efficacité des réacteurs CANDU, nous sommes en mesure de nous servir des déchets en provenance d'autres types de réacteurs. En principe, vous pouvez brûler ces déchets dans un réacteur CANDU et en extraire une nouvelle quantité d'énergie. Il est vrai que ce qui est un déchet pour une personne peut devenir le carburant de quelqu'un d'autre.
Nous menons un projet de RD en collaboration avec les États-Unis et la Corée en vue d'étudier la possibilité d'utiliser les déchets en provenance d'autres réacteurs dans notre type de réacteur. Certains pays comme la Corée possèdent des réacteurs CANDU et aussi d'autres types de réacteurs; ils sont donc intéressés à réduire la quantité totale de déchets qu'ils produisent en transformant ces déchets en combustible pour leurs réacteurs CANDU.
C'est là une autre façon d'utiliser cette merveilleuse technologie inventée au Canada, et que nous appelons CANDU.
Le sénateur Sibbeston: J'ai une dernière question. Plus tôt ce printemps, j'ai assisté à Vancouver à une conférence sur l'énergie. On a beaucoup parlé des piles à combustible comme d'une nouvelle technologie qui pourrait être à l'origine de grands progrès à l'avenir.
Existe-t-il dans l'industrie nucléaire de nouvelles découvertes époustouflantes qui rendraient l'énergie nucléaire disponible à domicile et dans des modules facilement utilisables? Faisons-nous des progrès à ce chapitre?
M. Torgerson: Un des secteurs les plus stimulants de l'innovation au Canada est la production d'hydrogène par des moyens non polluants. Cette technologie passe par l'utilisation de l'électricité et de l'électrolyse. Au Canada, quelques chefs de file travaillent à la mise au point de nouvelles technologies. Comme vous l'avez mentionné, les éléments que l'on met au point sont les piles à combustible, les méthodes de production de l'hydrogène et, bien sûr, des moyens de produire l'électricité qui n'engendrent pas de pollution, de gaz à effet de serre, d'oxydes d'azote ou d'oxydes de souffre. Nous avons examiné le couplage de l'énergie nucléaire et de la production d'hydrogène afin de pouvoir produire l'hydrogène d'une manière sans danger pour l'environnement.
Dans le domaine du transport, nous assistons à l'émergence d'une économie de l'hydrogène. Des sociétés canadiennes construisent des appareils qui produiront l'hydrogène nécessaire pour alimenter un véhicule; on pourrait brancher ces appareils dans le garage. Le propriétaire d'une voiture pourrait revenir à la maison le soir venu, produire l'hydrogène nécessaire à son véhicule et repartir.
EACL explore avec plusieurs sociétés privées canadiennes la possibilité de coupler l'énergie nucléaire et l'économie de l'hydrogène. C'est un secteur de recherche très stimulant.
Le sénateur Sibbeston: Nous dépensons beaucoup d'argent, en particulier dans les Territoires du Nord-Ouest, pour produire de l'énergie à partir du diesel. C'est une source d'énergie très polluante. Nous avons besoin d'une nouvelle technologie qui pourrait être utilisée dans le Nord. L'énergie nucléaire pourrait être la solution, par la mise au point de systèmes ou de modules que l'on pourrait transporter dans le Nord afin de produire l'énergie nécessaire pour des collectivités entières. Cette idée m'a toujours intéressé. Approchons-nous d'un point où cela pourrait être possible?
M. Torgerson: Nous avons déjà par le passé mis au point de petits réacteurs afin de produire de la chaleur ou de l'énergie dans des régions éloignées. Il est certainement possible de produire de petites tranches modulaires qui pourraient être situées dans des collectivités isolées et leur fournir de la chaleur et de l'électricité.
Présentement, comme vous l'avez mentionné, ce sont les combustibles fossiles qui ont la mainmise sur ces régions. À mesure qu'ils deviennent trop rares ou trop chers, cette technologie pourrait reprendre le haut du pavé. Il s'agit d'une technologie qui une fois mise en place peut fonctionner de façon autonome. Elle ne pollue pas l'environnement.
Le président: Merci beaucoup d'avoir pris le temps de venir témoigner devant nous aujourd'hui. Ce fut très instructif.
La séance est levée.