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37-1
37e législature,
1re session
(29 janvier 2001 - 16 septembre 2002)
Choisissez une session différente
Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 25 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 20 septembre 2001
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Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des
sciences et de la technologie, qui a été saisi du projet de loi S-21,
Loi visant à garantir le droit des individus au respect de leur vie
privée, se réunit aujourd'hui à 11 h 05 pour en examiner la teneur.
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Le sénateur Marjory LeBreton (vice-présidente) occupe le
fauteuil.
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[Traduction]
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La vice-présidente: Chers collègues, le jeudi 26 avril 2001, le
comité a reçu un ordre de renvoi du Sénat le chargeant d'étudier
le projet de loi S-21, Loi visant à garantir le droit des individus au
respect de leur vie privée. Ce projet de loi est parrainé par
l'honorable sénateur Finestone.
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Le débat en deuxième lecture au Sénat a soulevé un certain
nombre de questions non résolues que le comité a été chargé
d'examiner dans le cadre de son étude du projet de loi. Dans un
premier temps, il s'agit de définir de façon plus précise ce que
l'on entend par la vie privée, et de déterminer si la vie privée est
un droit fondamental de la personne. Dans un deuxième temps, il
s'agit d'évaluer les dispositions législatives fédérales en vigueur
concernant la protection de la vie privée, telles que les articles 7et 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi surla protection de la vie privée, la Loi sur la protection
des renseignements personnels et les documents électroniques,
anciennement le projet de loi C-6. Troisièmement, il s'agit de
déterminer l'interaction entre le droit à la vie privée, le Code
criminel et le fardeau de la preuve; et, enfin, il s'agit de se
pencher sur le rôle du commissaire fédéral à la protection de la
vie privée.
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Aujourd'hui, nous allons commencer par le sénateur Finestone,
qui sera suivie de M. George Radwanski, le commissaire à la
protection de la vie privée, après quoi nous entendrons un groupe
de hauts fonctionnaires du ministère de la Justice et Mme Valerie
Steeves, qui enseigne le droit à l'Université Carleton.
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L'honorable Sheila Finestone: J'aimerais tout d'abord vous
présenter M. Eugene Oscapella, qui m'a servi de conseiller sur ce
sujet particulier dont je m'occupe depuis 1997.
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Madame la présidente, les événements tragiques de la semaine
dernière continuent à nous hanter. Ils nous hanteront encore
pendant bien des années. Leur impact sur l'humanité a déjà
commencé à influencer notre avenir. La façon dont nous réagirons
à ces événements déterminera si nous demeurons une société
guidée par des principes démocratiques ou si, poussés par la peur,
nous déciderons d'abandonner un grand nombre des valeurs, y
compris la protection de la vie privée, qui sont indispensables à
notre mode de vie. Si nous choisissons la deuxième option,
j'estime, et je suis sûre que vous serez d'accord avec moi, chers
collègues, que le terrorisme aura triomphé.
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Notre propre gouvernement, nos amis et collègues américains,
nos alliés, se demandent maintenant s'il faut entrer en guerre. La
question que tout le monde se pose est bien entendu la suivante:
«La guerre contre qui»? Le risque, c'est que cette guerre se
retourne contre nous.
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Il y a quelques jours, j'ai lu l'opinion réfléchie d'un professeur
de droit de l'Université de Southern California, Susan Estrich, qui
décrivait la ligne extrêmement mince qui sépare la sécurité de la
liberté. L'envie est forte, et compréhensible, d'accroître les
pouvoirs des gouvernements pour qu'ils se renseignent sur nous.
Selon elle, le risque c'est qu'en fin de compte cela ne nous
procurera ni sécurité ni liberté.
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Madame la présidente, nous savons tous que l'étendue de nos
droits varie selon les circonstances qui existent dans notre société.
En temps de guerre, il est possible qu'il faille limiter nos droits et
libertés. Aucun droit n'est absolu. Tous les droits doivent être
évalués dans leur contexte social actuel, mais évitons de trop nous
précipiter pour abandonner ou limiter les droits et libertés qui sont
les emblèmes par excellence d'une société démocratique.
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Ces limites doivent être d'une haute précision, et ne pas viser à
l'aveuglette tout ce qui bouge. L'histoire nous apprend que le
retrait des droits n'est pas temporaire. Une fois les droits disparus,
il est souvent impossible de les rétablir.
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Les mécanismes de protection prévus par la Constitution sont
extrêmement importants lorsqu'une menace pèse sur un pays.
Vous le constaterez dans tous les médias d'information dernière
ment. Lorsqu'une nation est prise de panique sévit dans un pays,
s'en remettre à la volonté du gouvernement peut en soi constituer
une menace. Il suffit de penser aux civils japonais qui ont été
internés au cours de la dernière guerre et aux purges acharnées
pratiquées par McCarthy aux États-Unis moins de dix ans plus
tard.
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En 1989, le juge de la Cour suprême des États-Unis, Thurgood
Marshall, nous a rappelé que l'histoire nous apprend que la liberté
est souvent sérieusement menacée en temps de crise, lorsque les
droits constitutionnels semblent trop onéreux pour être tolérés.
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Un éditorial publié dans le New York Times le lendemain des
attaques de mardi dernier a prévenu les Américains qu'ils doivent
repenser la façon de protéger le pays. Cependant, ils doivent le
faire sans vendre en échange les droits et privilèges de la société
libre qu'ils défendent. L'éditorial ajoute:
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La tentation sera grande au cours des prochains jours de
rédiger de nouvelles lois draconiennes qui donnent aux
services de maintien de l'ordre - ou même aux forces
militaires - le droit de saper les libertés civiles qui font la
réputation des États-Unis. Le président Bush et le Congrès
doivent soigneusement veiller à concilier le besoin de
sécurité accru et le besoin de protéger les droits constitution
nels des Américains.
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Madame la présidente, en présentant la Charte des droits à la
vie privée à ce moment-ci, ma tâche a été rendue doublement
difficile. Elle n'en devient toutefois que doublement importante. Il
ne vous étonnera pas d'entendre maintenant bien des gens
proposer que le gouvernement ait des pouvoirs illimités ou du
moins nettement accrus d'intervention au nom de la sécurité.
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Il pourrait leur sembler complètement illogique que nous
voulions promouvoir le droit fondamental à la vie privée à un
moment comme celui-ci, mais ce ne l'est pas. Il existe de
nombreux autres mécanismes de protection qui font tous partie du
système en vigueur à l'heure actuelle au gouvernement, et cela ne
pose pas de problème. Il s'agit de trouver un juste équilibre. Cela
est déjà prévu par la loi et par les méthodes d'évaluation et
d'interprétation de la loi.
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Il est extrêmement important qu'après notre adhésion aux
instruments internationaux qui garantissent le droit à la vie privée,
nous inscrivions ce droit dans nos lois, comme je cherche à le
faire grâce au projet de loi S-21. Le Canada est signataire entre
autres du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Ce document traite du droit à la protection contre l'invasion de la
vie privée. Cependant, comme nous le savons tous, il ne s'agit pas
d'un droit illimité. Le pacte assure une protection contre les excès.
Il assure une protection contre l'invasion arbitraire et illicite de la
vie privée.
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La Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 a été
la première réaction moderne du monde à la violence de la
première moitié du XXe siècle, y compris deux guerres
mondiales. Les auteurs de la Déclaration universelle, après avoir
été témoins de la destruction écrasante causée par les régimes
totalitaires partout dans le monde, a reconnu l'importance pour la
démocratie de plusieurs droits.
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Parmi ces droits, le droit à la vie privée figure en bonne place
- le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, à la
protection contre les arrestations ou les détentions arbitraires, et la
protection contre les invasions arbitraires de la vie privée. Il s'agit
de droits issus de la guerre, issus d'abus de régimes autoritaires. Il
ne faut pas maintenant que l'on cède ces droits. Il est d'une
importance capitale, en tant que sénateurs que nous accordions à
la vie privée une place sûre dans nos lois.
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Ces droits à la vie privée ne sont pas inflexibles, ils ne sont pas
absolus. Je l'ai répété à plusieurs reprises. Ils ne sont pas absolus.
La Déclaration universelle des droits de l'homme prévoit par
exemple des limitations:
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[...] établies par la loi exclusivement en vue d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d'autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, del'ordre public et du bien-être général dans une société démocratique.»
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Les droits étroits à la vie privée tels qu'ils ont été interprétés
dans la Charte canadienne des droits et libertés par nos tribunaux
sont également soumis à des limites. Ces droits sont soumis aux
limites raisonnables prescrites par la loi dont la justification peut
se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. Je
fais allusion ici aux articles 7 et 8 de la Charte.
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Madame la présidente, le projet de loi dont vous êtes saisie ne
vise pas à entraver l'exercice légitime du pouvoir de l'État pas
plus que nos instruments internationaux de droits de l'homme ou
nos lois constitutionnelles ne sont des entraves au pouvoir
légitime de l'État. Ce projet de loi vise à limiter les excès. Il
reflète nos engagements internationaux, des engagements qui
deviennent d'autant plus importants en temps de crise. Il témoigne
de la vigueur de notre démocratie actuelle et de notre engagement
à demeurer une démocratie.
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Je vous rappelle que le respect de la vie privée est
effectivement un droit de la personne. Le fait qu'il soit inclus dans
la Déclaration universelle des droits de l'homme le montre
clairement. En septembre 1996, l'honorable Allan Rock, ministre
de la Justice à l'époque, l'a souligné dans une allocution qu'il a
prononcée lors d'une rencontre internationale des commissaires à
la protection des données à Ottawa. Il a parlé du respect de la vie
privée comme étant un droit de la personne et il semblerait qu'on
l'ait approuvé lorsqu'il l'a qualifié de droit fondamental de la
personne.
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Votre tâche aujourd'hui ne consiste pas à faire un examen du
projet de loi ligne par ligne. Il est cependant important de
comprendre le contexte général du projet de loi.
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Le projet de loi a pour objet de donner effet à plusieurs
principes, notamment que le respect de la vie privée est
indispensable à la dignité, à l'intégrité, à l'autonomie et à la
liberté des individus ainsi qu'au plein exercice de leurs droits et
libertés. Par ailleurs, le projet de loi fait du respect de la vie privée
un droit reconnu par la loi, ce qui n'est pas le cas à l'heure
actuelle.
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Le projet de loi s'appliquera aux personnes et matières qui
relèvent de l'autorité législative du Parlement. Ce droit comporte
notamment, sans s'y limiter, le droit au respect de son intimité
physique, le droit d'être libre de toute surveillance, le droit d'être
à l'abri du contrôle et de l'interception de ses communications
privées et le droit d'être à l'abri de la collecte, de l'utilisation et
de la communication de ses renseignements personnels. Il s'agit
en fait de ce qu'on appelle souvent le «droit d'être laissé
tranquille».
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La Charte du droit à la vie privée va donc bien au-delà de la
simple réglementation de la collecte, de l'utilisation et de la
communication des renseignements personnels - qui constitue
essentiellement une activité commerciale - telle que visée dans
les lois fédérales et provinciales de protection des données, le
projet de loi C-6, la Loi sur la protection des renseignements
personnels et les documents électroniques qui a été adoptée
récemment.
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Certaines préoccupations ont été exprimées quant à la façon
dont le projet de loi cadrerait avec les mesures législatives
actuelles. Le projet de loi primerait toute autre mesure législative
ordinaire. En termes simples, la Charte du droit à la vie privée
nécessitera un examen de la législation fédérale actuelle ainsi
qu'une nouvelle mesure législative visant à assurer la conformité
avec le projet de loi.
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Si le droit au respect de la vie privée avait été reconnu dans la
Constitution, comme bon nombre d'entre nous voulions le faire
en 1982, nous aurions accompli cette tâche à ce moment-là. C'est
précisément le processus que nous avons entrepris avecl'article 15 de la Charte, la disposition sur les droits à l'égalité, à
laquelle j'ai personnellement travaillé. Ce fut un travail tout à fait
fascinant qui nous a amenés à examiner toutes les lois
canadiennes.
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Il n'y a rien d'extraordinaire à ce qu'on fasse cet examen à
l'heure actuelle pour en vérifier la conformité avec le droit à la
vie privée qui est quasi-constitutionnel. Si nous tenons vraiment
au respect de la vie privée, nous ne devrions pas non plus avoir
peur des lacunes que nous pourrions découvrir dans les lois en
vigueur.
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Il ne semble pas être très logique de ne pas toucher aux
dispositions législatives existantes. Cela reviendrait à accorder
aux mesures législatives antérieures à la Charte une immunité
spéciale, même si elles allaient à l'encontre des principes du
respect de la vie privée contenus dans le projet de loi S-21, qui
sert essentiellement de modèle. Une telle immunité spéciale ne se
fonderait que sur la date d'adoption de la loi, ce qui est loin d'être
un fondement logique pour assurer un tel droit fondamental.
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Madame la présidente, certaines préoccupations ont été
exprimées également selon lesquelles le projet de loi pourrait
vouloir dire qu'une personne est libre d'agir à moins que son
agissement ne soit interdit par la loi. Certains craignent que la
Charte empêche des individus d'agir d'une façon susceptible de
porter atteinte au droit au respect de la vie privée d'un individu à
moins que cet agissement ait été jugé légal.
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Madame la présidente, je ne crois pas que cela soit une
interprétation juste du projet de loi. Cependant, si cela continue à
susciter des craintes ou d'autres questions, à cet égard, nous
pourrions, au cours des audiences, apporter des modifications. Le
projet de loi pourrait être modifié pour dire entre autres qu'une
atteinte est justifiable si elle est jugée licite.
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D'aucuns ont également prétendu que le projet de loi pourrait
nuire au fonctionnement des organismes d'exécution de la loi.
Honorables sénateurs, cet argument n'est ni chair ni poisson; c'est
un bobard. L'argument se présente ainsi: les activités des
organismes d'exécution de la loi ont été approuvées par le
Parlement ou ont été établies par la common law. Ces normes
peuvent être différentes que celles prévues dans le projet de loi.
En accordant au projet de loi un statut quasi-constitutionnel, il
primerait ces lois, ce qui romprait l'équilibre que le Parlement a
déjà établi entre les pouvoirs d'exécution et le droit à la vie
privée. J'ai l'impression que les tribunaux seront meilleurs juges.
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Madame la présidente, c'est là exactement le genre de
réexamen qui a suscité la Charte canadienne des droits et libertés
relativement à d'autres droits. Pourquoi le même processus ne
pourrait-il s'appliquer au droit à la vie privée?
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D'aucuns n'ont laissé entendre que l'établissement d'un droit à
la vie privée dans ce projet de loi donnera lieu à de nombreux
litiges et que seuls les riches auront les moyens d'entreprendre des
instances. En réponse, je dirais qu'une déclaration de droits doit
comporter des recours. La seule raison pour laquelle le projet de
loi S-21 prévoit le litige comme recours, tient aux limites
découlant de la présentation d'un projet de loi au Sénat.
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J'aimerais beaucoup que le commissaire à la protection de la
vie privée du Canada supervise l'application du projet de loi, mais
cela nécessiterait des considérations monétaires. Comme vous le
savez, un projet de loi de finance ne peut être introduit au Sénat.
Nous avons demandé conseil à l'ancien commissaire à la
protection de la vie privée à cet égard. Cependant, si le
gouvernement adoptait le projet de loi S-21 au Sénat, la ministre
de la Justice pourrait faire adopter le projet de loi à la Chambre
des communes et prévoir un rôle pour le commissaire à la vie
privée dans la résolution des litiges.
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Je suis absolument convaincu que la Charte du droit à la vie
privée est à la fois nécessaire et faisable. Nous avons besoin de
plus qu'une simple déclaration de principe. Nous avons besoin
d'un droit exécutoire, et c'est ce que prévoit mon projet de loi.
Certains changements aux dispositions du projet de loi pourraient
être nécessaires. Cela relève clairement de la compétence de notre
système de comités parlementaires. Plusieurs personnes dévouées
se sont déjà employées à formuler ce projet de loi. Certains
d'entre nous qui avons autant insisté - en fait depuis 1997 -
pour que ce droit soit inscrit de façon plus efficace dans la loi
canadienne, se réjouiront des critiques constructives. Il est dans
l'intérêt de tous les Canadiens que nous travaillions ensemble
dans un esprit constructif pour faire avancer ce projet de loi. Je
vous demande d'accorder au projet de loi S-21 le droit de passer à
l'étape de la deuxième lecture et d'être examiné par le comité.
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La vice-présidente: En 1982, on a tenté d'inclure ce droit dans
la Charte. Pour plus de clarté, pouvez-vous nous donner les
raisons pour lesquelles vous n'avez pas réussi à le faire à
l'époque? Y a-t-il une raison pour laquelle ce droit n'a pas été
inclus?
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Le sénateur Finestone: J'en ai discuté avec un conseiller
juridique et avec un certain nombre de personnes. Tout ce que je
sais, c'est qu'il y était en 1981 et qu'il a disparu en 1982. Je vois
certains membres de votre comité qui étaient là à l'époque, moi je
n'y étais pas. Ils seraient peut-être mieux en mesure que moi de
répondre à votre question. Vous pouvez peut-être leur poser la
question.
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Le sénateur Kirby: Pour ce que cela vaut, je ne me rappelle
pas qu'on ait parlé du droit à la vie privée à l'époque. Je me
rappelle du droit à la propriété qu'on a finalement laissé tomber.
Franchement, je ne me rappelle pas de la question du droit à la vie
privée, car cela s'est tellement rapidement. La question du droit à
la propriété est restée sur la table jusqu'à la toute fin des
discussions.
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Le sénateur LeBreton: Il serait utile de vérifier les comptes
rendus.
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Le sénateur Kirby: Je ne crois pas que cela se trouve dans
comptes rendus publics, mais ce serait dans les comptes rendus
qui sont archivés aux termes de la règle de 30 ans.
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Le sénateur Graham: J'ai une question simple. Je voudrais
tout d'abord faire remarquer que pour la deuxième journée de
suite, nous avons une sénateur qui prend une initiative digne de
mention. Hier, c'est le sénateur Milne qui a présenté son projet de
loi S-12 concernant le recensement. Aucun sénateur n'a fait
preuve d'autant de diligence pour promouvoir le droit à la vie
privée que le sénateur Finestone. Effectivement, dans sa vie
antérieure, elle était députée et présidente du Comité permanent
de la Chambre des communes des droits de la personne et de la
condition des personnes handicapées. Elle a par ailleurs occupé un
poste international dont, si je ne m'abuse, sénateur Finestone,
vous venez tout juste de vous retirer. Vous pouvez peut-être nous
parler de ce poste.
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Le sénateur Finestone: J'ai été élue par l'organisation
internationale de 142 membres qui s'appelle l'Unioninterparlementaire du comité exécutif mondial, qui représente tous
ces pays. C'est un comité multinational. J'ai été élue au comité
directeur des nations occidentales aux vues similaires, connu sous
le nom des 12-plus au sein de cette structure. J'ai été fondatrice
du Mouvement des droits des femmes au sein de cette
organisation, qui est la plus ancienne organisation internationale
fondée par la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne il y a
112 ans.
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Je rentre d'Afrique, et tout le monde ne parlait que des attentats
de New York. Encore une fois, il a beaucoup été question de
l'érosion des droits fondamentaux de la personne, notamment du
droit au respect de la vie privée sans une justification suffisante
d'intrusion, ce qui est une préoccupation très sérieuse.
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Au cours des discussions, j'ai dit clairement qu'au Canada, il
fallait avoir un mandat, mais que lorsque nous étions sérieusement
sous la menace de guerre, nous avions tiré des leçons assez rudes
au Canada. Au cours de ces réunions, il m'est apparu de plus en
plus évident que nous devions examiner la question du droit à la
vie privée. Bon nombre des arguments invoqués ne sont pas bien
fondés en droit et peuvent certainement être contestés. Cependant,
je vous remercie de m'avoir permis de vous en parler.
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Nous étions dix là-bas et nous avons travaillé très fort sur de
nombreux dossiers internationaux. Ce n'étaient pas des vacances,
mais plutôt une séance de travail exigeant.
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Le sénateur Graham: Comme vous l'avez dit aujourd'hui,
nous n'examinons pas le projet de loi ligne par ligne. Il s'agit
plutôt d'une séance d'information. Je suis certainement d'accord
avec le principe du projet de loi.
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En juin 2000, vous avez introduit le projet de loi S-27. Le
13 mars 2001, vous avez introduit le projet de loi S-21. Dans le
projet de loi S-21, avez-vous apporté des changements, si ce n'est
que d'un mot, un point virgule ou un signe de ponctuation par
rapport au projet de loi S-27?
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Le sénateur Finestone: C'est une question importante. Aucun
changement n'a été apporté. Après avoir consulté les greffiers et
les membres du personnel, il a été décidé qu'il vaudrait mieux
apporter les changements nécessaires en comité. Le commissaire
à la protection de la vie privée m'a signalé certaines questions,
certains changements qu'il jugeait nécessaires. On m'a avisée que
cela pourrait changer toute la nature du projet de loi et que nous
devrions recommencer entièrement le processus.
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Le ministère de la Justice a soulevé certaines préoccupations
que je ne considère pas fondées du tout. Quoi qu'il en soit, j'étais
prête à les entendre, et je leur ai dit que cela se ferait au cours de
l'examen de ce modèle selon certains critères. En fin de compte,
aucun changement n'a été apporté au projet de loi. Étant donné
que nous avons ici d'honorables sénateurs qui ont étudié les
questions dont ils sont saisis, s'ils estiment après avoir entendu les
faits qu'il y a des choses à changer, je suis certaine que nous
serons prêts à apporter de tels changements. Le simple fait qu'on
se demande si nous avons le droit de déclarer le droit à la vie
privée pour les Canadiens me semble tout à fait ridicule. C'est là
le problème.
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Le sénateur Graham: Aux fins du compte rendu, je me
rappelle que le projet de loi S-27 a expiré au Feuilleton lors des
élections de novembre 2000. Vous avez introduit le même projet
de loi au cours de la présente session, soit le projet de loi S-21.
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Le sénateur Fairbairn: Cette question, comme d'autres
questions sociales complexes auxquelles nous nous attaquons, est
un problème déguisé, ce qui signifie qu'il faut travailler 10 fois
plus fort pour faire entendre son point de vue, et vous avez fait un
travail remarquable.
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Je suppose que l'on peut dire que votre souhait le plus cher
serait de ne pas être obligée de nous présenter ce projet de loi, qui
aurait été présenté par le gouvernement, si cela avait été possible.
C'est une question dont on parle depuis longtemps.
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Cela étant dit, je remarque à la page 7 de votre mémoire que
vous dites qu'Allan Rock, lorsqu'il était ministre de la Justice en
1996, a dit que le droit à la vie privée était un droit de la personne
et, comme vous le dites, il l'a décrit comme étant un droit
fondamental de la personne, ce qui a eu, semble-t-il l'approbation
de son auditoire.
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Dans tout le travail que vous avez fait jusqu'à présent, quelle a
été la réaction du gouvernement, à la lumière de cette déclaration
publique de l'ancien ministre de la Justice?
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Le sénateur Finestone: Je ne serais pas diplomate si je disais
d'attendre, d'attendre d'avoir trouvé une raison pour ne pas
procéder de façon franche. Par expérience, j'ai découvert que
c'était extrêmement frustrant.
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En 1997, l'étude étant terminée, chacun des ministres de la
Justice qui se sont succédé m'ont annoncé qu'on procédait à une
étude sur le droit à la vie privée, que notre étude était pertinente et
importante, et que ces questions seraient examinées au moment
du dépôt de la nouvelle Loi sur la protection des renseignements
personnels.
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Or, je n'ai pas vu de nouvelle Loi sur la protection des
renseignements personnels, pas plus d'ailleurs que mes collègues.
On estime que les droits accrus conférés au commissaire à la
protection de la vie privée, par les dispositions du projet deloi C-6, font l'affaire en partie. Mais il s'agit de projets de loi de
finances. Ils régissent la façon dont on traite les affaires. Il y a
bien des aspects qui n'ont rien à voir avec les affaires mais qui
touchent la vie quotidienne des membres notre société. Cette
attitude à mon avis, révèle une étroitesse d'esprit et une
perspective limitée.
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On reconnaît assurément que le droit au respect de la vie privée
est un droit de la personne. Certains, malheureusement, prétendent
que ce n'est pas un droit fondamental. Je pense qu'ils se trompent.
Sénateur Fairbairn, cela a été une expérience frustrante. Le fait
que le ministère de la Justice tergiverse et s'exprime par personne
interposée, n'a pas aidé la cause qui est de protéger les Canadiens.
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Nous avons essayé de présenter un modèle au regard duquel
tout ce qui pourrait être néfaste pour les Canadiens pourrait être
mesuré. C'est un cadre de référence exhaustif pour l'analyse qui
englobe le secteur privé réglementé par le gouvernement fédéral
et le gouvernement fédéral lui-même.
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Mes propos ne peuvent pas être plus fermes. Nous sommes liés
obligatoirement par notre déclaration sur les principes et les
valeurs canadiennes. C'est ce dont il s'agit. Toutes les valeurs
consacrées par la Constitution, notamment dans les articles 7 et 8,
peuvent être interprétées par les tribunaux car il y a des recours à
ces droits. Elles sont interprétées par les tribunaux, leur définition
en est élargie, et pour finir, elles sont intégrées au processus
législatif.
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Toutefois, il est renversant de constater qu'un pays occidental,
et nous sommes le seul, ne déclare pas que ses citoyens jouissent
du droit à la protection de la vie privée. C'est là que nous en
sommes.
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L'interprétation du «droit à la protection de la vie privée»
évolue en même temps que la société. Personne n'aurait pu
imaginer le monde technologique où nous vivons aujourd'hui, car
il a beaucoup évolué.
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M. Eugène Léon Oscapella, Oscapella & Associates Consulting Ltd.: L'enjeu est fondamental. Le sénateur Finestone tente de
formuler une déclaration fondamentale des valeurs concernant la
vie privée au Canada. Plus que jamais, cela est important car nous
sommes sollicités par nos voisins du Sud, et l'on fait des
déclarations au Canada. Prenez le numéro du Globe and Mail
d'hier, dans lequel Kirk Makin, un journaliste respecté, déclare:
«Les notions reconnues concernant la vie privée seront sans doute
oubliées à tout jamais, enfouies dans la poussière de l'attaque
terroriste à New York...»
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En temps de crise, les droits protégés par la Constitution sont
de la plus haute importance. Nous ne pouvons pas constitutionna
liser ce droit. Cela poserait trop de difficultés actuellement. À
court terme, définir un droit quasi constitutionnel est le mieux que
nous puissions faire. Il est impératif actuellement de tenter
d'adopter un document de base contenant une déclaration
exhaustive des principes fondamentaux.
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Le sénateur Fairbairn: Avez-vous pu constater que votre
démarche a été entravée étant donné que l'on faisait le rapport
avec la notion de droit constitutionnel - ce qui signifierait
ultimement une modification constitutionnelle pour qu'il soit
totalement reconnu? Cela peut expliquer pourquoi on hésiteà plonger dans le sujet, car une éventuelle modification
constitutionnelle prend du temps, est difficile et parfois tortueuse.
Sénateur Finestone, je me demande si ce n'est pas là une des
raisons pour lesquelles votre projet n'a pas reçu l'adhésion
enthousiaste que vous souhaiteriez.
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Le sénateur Finestone: Concernant la constitutionnalisation
du droit à la vie privée, je dois vous dire que je procédais aux
mêmes études au Comité des communications et de la culture
quand on a procédé à une révision constitutionnelle. À ce
moment-là, le sénateur Beaudoin a demandé l'inclusion du droit à
la vie privée dans la Constitution. On en a rejeté l'idée parce que
tout ce qui entourait la Constitution et les modifications de Meech
posait des difficultés et il a semblé que ce n'était pas le moment
opportun. Je ne pense pas qu'on ait envisagé cela sérieusement.
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On m'a recommandé de ne pas intituler mon projet Charte des
droits à la vie privée mais plutôt Déclaration de principes sur la
vie privée. Si cela était accepté, et si par la suite les droits du
commissaire à la protection de la vie privée s'en trouvaient
élargis, si le recours juridique en matière de vie privée était
instauré, en conséquence, il faudrait que mes collègues sénateurs
au comité étudient la question avec moi pour voir ce que nous
pourrions faire. En l'absence d'une modification constitutionnelle,
obtenir une charte quasi constitutionnelle semble être une bonne
idée. C'est ce que je pense et c'est ce que pensent ceux qui
travaillent avec moi. D'autres ne sont pas du même avis. Mais ce
n'est pas à moi de trancher la question.
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Le sénateur Roche: Avant de procéder à mes remarques et à
ma question, je tiens à dire que nous sommes tous sensibles aux
événements et aux attaques tragiques qui se sont produits à New
York et à Washington et dont on a parlé.
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Le collaborateur du sénateur Finestone a cité un article paru
récemment dans un grand journal, article où l'on déclare qu'à la
suite de cette tragédie, les droits à la vie privée ont disparu à tout
jamais. Assurément, voici un exemple des réactions à outrance
auxquelles on peut s'attendre - et c'est compréhensible peut-
être - mais il s'agit là d'un excès qu'il faut nuancer en tenant
compte des valeurs à long terme dont nous nous préoccupons ici.
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Cela dit, je demanderais au sénateur Finestone de développer sa
pensée en ce qui concerne l'impact de la tragédie de New York et
Washington sur l'élaboration de normes supérieures en matière de
vie privée.
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Dans les semaines et les mois à venir, quand l'atmosphère sera
plus calme dans les médias, quelle influence ces événements
auront-ils, selon vous? Pensez-vous que la société acceptera
mieux des empiétements sur sa vie privée au nom de la protection
de tous? Il faudra probablement se poser la question. Si nous
acceptons qu'il y ait plus atteintes à notre vie privée, quelles sont
les limites minimales qui devraient selon vous protéger notre droit
à la vie privée?
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Le sénateur Finestone: Sénateur Roche, je peux compter sur
vous pour me poser une question difficile. En vertu de nos lois,
nous devrions avoir plein droit pour protéger nos citoyens. Je
pense que nous avons des lois actuellement à cette fin. J'ai le plus
grand respect pour la GRC et les forces de l'ordre au Canada. Je
pense que nos policiers se soucient du bien-être des Canadiens. Si
cela signifie qu'ils doivent poursuivre ceux qui cherchent à nuire
au mode de vie et aux valeurs des Canadiens, alors soit, ils
doivent avoir la possibilité de le faire.
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Au Canada, nous avons recours à des mandats et c'est essentiel
au déroulement du processus démocratique. Quand toutes les
autres possibilités se sont révélées impuissantes pour prouver la
culpabilité ou l'innocence de quelqu'un en particulier, et qu'il faut
recourir à des moyens d'intervention, alors dans une société
démocratique, on s'adresse aux autorités appropriées. Il faut
procéder dans le respect de l'ordre public.
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Nous avons étudié en comité de nouvelles technologies qui font
peur, par exemple, des manchons que l'on peut utiliser pour
entendre une conversation à 500 mètres de distance et des rayons
rouges qui peuvent traverser des murs épais et révéler qui est assis
autour d'une table, et la position exacte de chacun à la table. Il
existe aujourd'hui un grand nombre de technologies dont on peut
user pour nous faciliter les choses ou à mauvais escient. La
question qui se pose est la suivante: quand le sont-elles à bon
escient et quand faut-il intervenir pour qu'il n'y ait pas intrusion?
C'est là le dilemme.
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Il ne m'appartient pas de trancher. Je propose un modèle qui
servirait d'étalon. La décision appartient au juge qui délivrera le
mandat, qui entendra les arguments de la GRC ou du SCRS, ou
des policiers soucieux de veiller aux intérêts du pays. Je place
beaucoup de confiance là-dedans. Je crois à la primauté du droit.
Je pense que cela peut être appliqué. Monsieur Oscapella,
avez-vous quelque chose à ajouter?
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M. Oscapella: Si j'ai cité un passage de l'article de Kirk
Makin paru dans le Globe and Mail d'hier, c'est parce qu'il y aura
au cours des mois à venir, d'énormes pressions en vue de sacrifier
ou de restreindre les droits à la vie privée. Quand on regarde les
antécédents concernant la restriction des droits dans la société, on
constate qu'il est rare, une fois qu'un droit a été supprimé ou
restreint, qu'il soit rétabli. C'est le véritable danger qui nous
guette actuellement.
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La réaction à court terme aux événements de la semaine
dernière, si abominables soient-ils, sera d'aller trop loin à l'autre
extrême. Il se peut qu'il soit difficile de normaliser les choses, de
retrouver un juste milieu. Le danger qui guette, si l'on limite les
droits, c'est de ne pas avoir de recours en cas d'une restriction
excessive de ces droits. Nous reconnaissons que des limites
s'imposent. Nous reconnaissons que des mesures extraordinaires
sont nécessaires dans certaines circonstances face à des menaces
extraordinaires. Néanmoins, nous voulons disposer d'un modèle
qui nous permette de mesurer ces restrictions.
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Le sénateur Roche: Sénateur Finestone, ai-je bien compris
votre argument: face à ce qui s'est passé à New York et
Washington, vous estimez que ces événements, au lieu de ralentir
les progrès de votre projet de loi, lui donnent une impulsion
nouvelle?
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Le sénateur Finestone: À ceux qui prétendent que le dossier
de la vie privée est lettre morte, je répondrai qu'il leur faut
s'habituer, qu'il leur faut commencer à penser que la vie privée
est indispensable. Agir, c'est ce qu'il faut faire. C'est plus
qu'urgent. Sénateur Roche, j'étais très inquiète de présenter mon
projet de loi en ce moment. Toutefois, en rentrant chez moi, j'ai lu
beaucoup de journaux. J'ai lu la presse française, la presse
britannique et l'américaine. Il est évident qu'il faut protéger la vie
privée, plus que jamais.
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Nous vivons dans une démocratie remarquable. Peu de pays du
monde peuvent se comparer à nous. J'espère que nous ne
perdrons jamais notre attachement à cette valeur. J'espère que
nous maintiendrons toujours notre place dans la société et, d'une
certaine façon, que nous servirons de modèle.
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Le sénateur Callbeck: Sénateur Finestone, pouvez-vous nous
donner des exemples précis d'abus ou d'atteinte au droit à la vie
privée que les dispositions actuelles de la loi ne couvrent pas et
qui seraient couverts par votre projet de loi.
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Le sénateur Finestone: Tout d'abord, actuellement,l'application de la loi est limitée. Les droits à la vie privée que les
articles 7 et 8 protègent sont très précis et très limités. Pour
l'essentiel, cela s'applique à ceux qui ont eu des démêlés avec la
justice, et ne protège pas le reste de la société, ce qui est
important.
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Deuxièmement, lors de nos déplacements au Canada pour
entendre ce que les gens avaient à dire concernant la protection de
la vie privée, on les a entendus exprimer de graves inquiétudes du
point de vue de la santé. Par exemple, on s'inquiète de savoir qui
peut être au courant de votre état de santé, et qui peut être au
courant d'une maladie grave chez un membre de votre famille,
maladie qui ne vous atteindra pas nécessairement. Cela fait partie
de votre ADN - les détails de votre histoire familiale. Combien
de gens sont au courant? Quelle protection offre la compagnie
d'assurances qui possède ces renseignements, qui les transmet à la
banque, avec des conséquences possibles pour l'obtention d'un
prêt hypothécaire? Cela peut avoir une incidence sur l'avance
ment dans votre carrière et des conséquences sur la place que
vous occuperez dans votre propre société, et votre aptitude à avoir
des enfants.
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Il y avait donc toute une gamme de questions concernant la
santé. J'aurais aimé pouvoir me rafraîchir la mémoire sur cet
aspect. Toutefois, les questions concernant la santé étaient graves.
Les conséquences financières et l'incidence ultérieure sur les
prêts, l'assurance et les pensions pourraient être négatives. Je vous
ai donné quelques exemples.
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On s'inquiétait également de la possibilité d'écoutes téléphoni
ques clandestines. Quelqu'un aux États-Unis a révélé un certain
travail qu'il accomplissait. Si c'est légal, très bien. Si c'est illégal,
ça ne va plus. Certains d'entre nous se souviennent douloureuse
ment des tables d'écoute et de leurs conséquences au moment des
discussions constitutionnelles avec M. Bourassa. C'est tout ce que
je peux vous dire pour l'instant.
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Valerie Steeves, que vous entendrez bientôt, pourra vous en
donner des exemples précis. J'aimerais bien que vous gardiez
cette question pour Valerie Steeves qui fera aussi partie de votre
brochette de témoins.
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Le sénateur Callbeck: L'information sur la santé que vous
avez mentionnée et les problèmes que cela peut créer, n'est-ce pas
déjà couvert en vertu des lois actuelles?
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Le sénateur Finestone: Non, pas adéquatement. J'ai siégé à ce
comité sous votre présidence. Il y a eu des débats fort sérieux à ce
sujet. Il s'agissait de savoir comment les renseignements étaient
colligés et les renvois établis une fois la collecte de données
achevée.
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Il n'y a pas de protection lorsque vous achetez vosmédicaments à la pharmacie et la pharmacie communique ces
renseignements qui sont compilés. Ils en savent plus sur votre
compte que vous en savez vous-même. Ils en savent plus sur moi
que je ne le souhaiterais y compris mes habitudes de magasinage,
où je fais mes achats, quel genre de pilules j'achète et à quoi elles
servent.
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Est-ce que ce sont là des renseignements que nous voulons
partager avec le grand public? Pouvons-nous contrôler cela ou
pas?
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Je crois que votre comité va étudier ces questions incessam
ment. Cela tombe-t-il sous le coup du projet de loi C-6 ou d'un
droit général à la protection de la vie privée?
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Pourriez-vous ajouter à cela, s'il vous plaît?
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M. Oscapella: Sénateur Callbeck, j'ajouterais aussi que cette
charte sur la protection de la vie privée pourrait être opposée à des
activités de surveillance, d'activités démocratiques légitimes qui,
à notre époque, pourraient constituer une menace selon certains.
Nous nous en servirions comme modèle de contrôle.
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Prenons la question des cartes d'identité. Il est possible que la
Charte - la charte constitutionnelle - puisse s'interpréter de
deux façons: soit qu'on ne puisse imposer aux gens le port d'une
carte d'identité obligatoire, soit qu'on puisse le faire. Le projet de
loi fournit une sorte de modèle qui peut servir à mesurer ce genre
d'intervention.
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N'oublions pas le courriel ou l'accès à l'Internet pour les
organismes gouvernementaux. N'oublions pas le droit au cryptage
ou les restrictions qu'on pourrait imposer. Il est peut-être
approprié d'imposer des limites à l'usage du cryptage dans
certaines circonstances, mais il nous faut un modèle qui puisse
servir de point de comparaison pour limiter les atteintes à la vie
privée. Voilà ce à quoi pourrait servir le projet de loi au niveau de
la relation entre le gouvernement fédéral et les citoyens de notre
pays.
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Il y a un autre volet au projet de loi, et il s'agit du secteur privé
réglementé par le gouvernement fédéral. Il ne s'agit peut-être pas
de la question brûlante d'actualité en matière de protection de la
vie privée dans l'esprit de la plupart des gens pour le moment. En
l'occurrence, il s'agit de définir le pouvoir que devrait détenir le
gouvernement afin de pouvoir contrecarrer la perception de
menace terroriste. Certaines des choses dont j'ai parlé - cartes
d'identité, accès au courriel, communications via l'Internet, le
droit de limiter le recours au cryptage ou d'exiger que les gens
communiquent aux autorités leur clé de chiffrement - voilà
toutes sortes de questions qu'il faudra évaluer.
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Cela ne se produit pas nécessairement dans le contexte d'une
enquête criminelle. Cela pourrait se produire dans le contexte
d'une société soumise à une surveillance ou à des contrôles plus
serrés. Je ne sais pas si la protection limitée qu'offre la Charte en
vertu des articles 7 et 8, serait assez vaste pour englober toutes
ces questions. C'est cependant ce que nous essayons de faire.
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Nous ne disons pas que dans certaines circonstances la
surveillance n'est pas appropriée. Nous ne disons pas qu'il n'est
pas approprié de donner accès aux messages chiffrés. Nous disons
que nous avons ici un critère que nous pourrions utiliser pour
décider si un tel accès est justifié au lieu d'avoir recours à des
mesures intrusives lors d'événements comme ce que nous avons
connu la semaine dernière. On peut lutter contre le terrorismesans nécessairement piétiner les libertés civiques ni les droits
fondamentaux des citoyens de toute une société.
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Le sénateur Morin: J'aimerais aussi féliciter le sénateur
Finestone pour tout son travail de promotion d'un principe aussi
important.
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Les Canadiens, surtout en l'époque que nous vivons, voudront
être sûrs qu'une telle déclaration ne compromettra pas leur propre
sécurité à la lumière des récents attentats terroristes. Je comprends
qu'il y a d'autres façons de faire les choses, mais s'ils ont
l'impression que ce que nous faisons va compromettre leur
sécurité, ce sera nuisible.
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L'information sur la santé est une question très importante.
J'espère que nous aurons l'occasion d'y revenir.
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L'efficacité de notre système de prestation de soins de santé
repose de plus en plus sur l'accès et l'intégration des informations
personnelles sur la santé. Si nous restreignions excessivement
cette information, c'est tout le système qui va en souffrir, sans
aucun doute.
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Le sénateur Finestone: Je suis d'accord avec vous, sénateur.
C'est pourquoi on a besoin de quelque chose pour bien définir la
procédure à suivre. Cela prouve que c'est dans le meilleur intérêt
du citoyen. Cela prouve qu'on a clairement agi dans l'intérêt de la
personne qui a donné son autorisation. La vérification permettrait
de montrer que c'est raisonnable et justifiable dans une société
démocratique.
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Certaines restrictions, orientations ou directives et valeurs et
principes sont inhérents à la structure même de ce projet de loi.
Elles sont raisonnables dans une société démocratique. Pas plus
que vous je ne souhaite compromettre ma propre sécurité, la
vôtre, celle de mes enfants et celle de mes petits-enfants. Je pense
que c'est parfaitement justifié.
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Je me suis occupée de la GRC dans le cadre de mes fonctions
ministérielles. J'apprécie hautement son rôle, son aide, ses
orientations et ses entreprises. Il est essentiel dans une démocratie
d'avoir de tels dispositifs de protection.
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Les personnes mal intentionnées ne détestent rien plus qu'une
société ouverte et démocratique dont les citoyens respectent la
règle du droit. Si vous travaillez à l'échelle internationale, vous
pouvez voir se dérouler diverses guerres et voir comment on traite
les gens à travers le monde. C'est décourageant. On se rend
compte alors que c'est notre mode de vie fondamental qui est
menacé, et c'est évidemment ce que je veux protéger.
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Je veux cependant le protéger à la manière des Canadiens et
des Nord-Américains, c'est-à-dire de façon décente. Il faut bien
comprendre le caractère ouvert de cette surveillance. Si elle doit
être fermée et privée, cela ne devra se faire que par le biais des
tribunaux, au moyen d'un mandat et dans le cadre d'une bonne
compréhension de ce qui est acceptable.
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Je pense qu'il s'agira de s'informer sur la santé d'une personne
et sur le système de soins de santé pour cette personne. Je sais que
vous examinez déjà cela. Je suis sûre quand votre comité se
penchera sur les aspects commerciaux de la santé, que vous
examinerez quel type d'information on accueille. Vous regarderez
si ces informations sont recueillies au Canada d'une certaine
manière, mais si les activités commerciales se déroulent aux
États-Unis, où la question se pose aussi. Ce sont des questions
fondamentales qui concernent l'existence même des Canadiens.
J'espère que vous examinerez cela au comité.
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Je n'ai aucune envie que quelqu'un soit au courant de
l'historique de ma famille. Si je veux que quelqu'un le sache, je le
lui dirai. Je n'ai demandé à personne de venir dévoiler qui je suis.
Personne n'a ce droit dans un pays comme le nôtre.
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Le sénateur Morin: Encore une fois, j'espère que nous aurons
l'occasion d'en discuter de façon plus approfondie. Je suis
d'accord avec le principe. C'est quand on discute des détails que
les choses se compliquent.
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Le sénateur Finestone: J'ai bien hâte d'en arriver à la
discussion sur les détails. J'espère que la ministre de la Justice et
le commissaire à la protection de la vie privée jugeront bon
d'approfondir la question et de mener une étude.
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Le sénateur Cordy: Je tiens moi aussi à vous remercier d'être
venue nous rencontrer aujourd'hui. Vous avez su brillamment
défendre la thèse du droit des Canadiens à la protection de leur
vie privée.
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Ma question fait suite aux remarques du sénateur Roche tout à
l'heure. Vers la fin février ou au début mars cette année, les
Canadiens ont appris avec stupéfaction que des fonctionnaires des
douanes ouvraient et photocopiaient du courrier adressé à des
avocats de l'immigration.
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Les Canadiens ont été effarés d'apprendre cela. Je ne suis pas
sûr qu'ils le seraient encore aujourd'hui. Vous avez dit que nous
ne pouvions pas être amenés par la peur à abandonner nos
valeurs, en particulier le respect de la vie privée. Je crois que nous
sommes tous d'accord avec vous.
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Mais où se trouve l'équilibre entre la nécessité de protéger les
Canadiens et le droit des citoyens à leur vie privée?
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Le sénateur Finestone: Eh bien, j'imagine que nos ministres
sont là pour protéger les Canadiens. Les épreuves et les défis les
plus importants se présentent au moment les moins favorables.
Quand il faut faire quelque chose, il faut le faire. C'est important.
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Comme je l'ai dit au début, j'ai beaucoup hésité à aborder ce
sujet maintenant. Mais plus j'ai lu, plus j'ai eu la conviction que
nous ne devions pas nous laisser paralyser par une vision étroite et
par des intérêts personnels. Si nous n'allons pas de l'avant, ce sera
parce que nous, sénateurs, aurons jugé avoir de bonnes raisons de
ne pas aller de l'avant. Voilà comment nous devons procéder.
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Les tribunaux se réfèrent souvent à l'intention d'une loi
lorsqu'ils l'interprètent pour déterminer la part respective des
droits de l'individu et celle du droit d'intervention de l'État. Le
projet de loi S-21 a pour objectif tout entier d'être un guide. Nous
ne définissons pas la vie privée dans notre droit constitutionnel,
mais nous avons signé les instruments internationaux et nous n'en
tenons pas compte dans ce que nous disons.
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Le projet de loi va donc nous fournir une ligne directrice sur les
normes, les valeurs et les procédures que nous voulons respecter.
Il appartiendra aux tribunaux de déterminer au cas par cas si une
situation est bonne ou mauvaise.
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Pour l'instant, les tribunaux n'ont pas de règlements auxquels
se référer pour définir la notion de vie privée. Il est vrai cependant
qu'ils rendent aujourd'hui des décisions qui sont sans doute
différentes de celles qu'ils auraient rendues il y a 15 ans. La
technologie était différente à l'époque, il n'y avait pas de caméra
pour surveiller les allées et venues des citoyens. On n'avait pas de
photo permettant d'identifier une personne dans une foule. C'est
peut-être une bonne chose, ou une mauvaise.
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Tout dépend de l'utilisation de cette information. Est-ce que ce
sont les terroristes qui s'en servent, ou est-ce que c'est la GRC ou
d'autres forces de police qui utilisent ces technologies? Qui
détient l'information et qui a le droit de s'en servir? Ce sont des
questions importantes. Je n'ai pas toutes les réponses, mais je
connais en tout cas certaines des questions. Je crois qu'il nous
appartient de protéger nos droits à la vie privée et de déterminer
jusqu'où ils vont. Et cela n'a jamais été aussi crucial que
maintenant.
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Le sénateur Cordy: Je suis d'accord, merci.
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Le sénateur Finestone: Merci de m'avoir accordé plus de
temps que je ne l'avais prévu. Vous m'avez posé des questions
auxquelles il n'était pas facile de répondre, et j'espère que cela
vous aidera pour vos délibérations. Je vous exhorte à adopter le
projet de loi S-21 au Sénat et à le renvoyer au comité pour que
nous puissions l'étudier article par article et y apporter les
modifications nécessaires.
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La vice-présidente: Notre témoin suivant est M. George Radwanski, commissaire à la protection de la vie privée du Canada.
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Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
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Le président: Je vous remercie d'être là aujourd'hui, mon
sieur Radwanski. J'ai vu que vous écoutiez les remarques du
sénateur Finestone. Je vous invite maintenant à faire votre
déclaration liminaire, après quoi nous vous poserons quelques
questions.
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M. George Radwanski, commissaire à la protection de la
vie privée du Canada: J'ai l'impression que je commence à
devenir un peu encombrant pour votre comité, puisque j'étais déjà
là hier soir et que j'y suis encore aujourd'hui.
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Le président: Ne soyez pas trop optimiste et n'allez pas croire
que c'est votre dernière comparution, car je ne serais pas étonné
de voir le projet de loi C-6 revenir, auquel cas nous vous
reverrons encore.
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M. Radwanski: Honorables sénateurs, je suis toujours à votre
disposition, et nous devrions nous rencontrer plus souvent.
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Il est particulièrement important qu'un projet de loi soit
actuellement soumis au Parlement pour recentrer notre attention
sur l'importance de la protection de la vie privée. Je suis certain
que nous sommes tous d'accord ici pour reconnaître que le droit à
la vie privée est un droit humain fondamental dont il est
particulièrement important de se souvenir dans des moments aussi
exceptionnels.
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Il est bien certain que le genre de menaces à la sécurité
auxquelles nous sommes actuellement confrontés soulèvent de
nouvelles questions sur l'équilibre entre la nécessité de la
protection de la vie privée et la nécessité de l'information. En fait,
c'est exclusivement à cela que servent les lois sur la protection de
la vie privée que nous avons au Canada, la Loi sur la protection
des renseignements personnels et maintenant la nouvelle loi sur le
secteur privé.
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C'est un bon équilibre. Je pense que la Loi sur la protection des
renseignements personnels est particulièrement pertinente
lorsqu'il s'agit pour le gouvernement de préserver la sécurité.
C'est un instrument souple et pratique qui permet de maintenir cet
équilibre en préservant toute la marge de manoeuvre nécessaire
pour assurer la sécurité publique.
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Je crois que le défi est de savoir prendre toutes les mesures
dont on peut prouver la nécessité pour protéger la sécurité
publique face aux nouvelles menaces, ou tout au moins aux
nouvelles menaces qui se profilent.
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Il faut toutefois que cela se fasse dans le respect des droits et
principes de la vie privée, autrement dit il doit être possible de
prouver la nécessité de toute atteinte à la vie privée et de toute
nouvelle restriction. Il faut que l'on soit en mesure de prouver que
c'est le seul moyen approprié de parvenir à la fin recherchée, et
qu'il n'existe pas d'autres moyens également efficaces et aussi
satisfaisants d'atteindre le même but en empiétant moins sur la
vie privée, et cetera.
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Ces principes sont déjà bien ancrés dans nos lois et, à titre de
commissaire à la protection de la vie privée et d'agent du
Parlement, je n'ai nullement l'intention d'entraver la protection du
public. Mais je n'ai nullement l'intention non plus de cautionner à
la légère des mesures visant à empiéter sur la vie privée dont la
nécessité ne serait pas démontrée.
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À cet égard, l'intention du projet de loi S-21 parrainé par le
sénateur Finestone est importante. Si je comprends bien, ce projet
de loi vise en effet à combler une lacune existante car il n'y a pas
actuellement de cadre permettant d'évaluer les lois actuelles ou
futures du Canada à la lumière des droits à la vie privée. C'est
une lacune importante dans la loi sur la protection des
renseignements personnels. Elle ne prime pas, ce qui veut dire
qu'en cas d'empiétement sur la vie privée des citoyens en vertu
d'une loi quelconque du Canada, le commissaire à la protection
des renseignements personnels n'a aucun recours officiel puisqu'il
ne peut s'agir d'une infraction à la Loi sur la protection des
renseignements personnels.
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Cela ne signifie pas que le commissaire soit totalement démuni
en pareil cas. Lors de mes vérifications initiales sur l'affaire de
l'ouverture du courrier dont vous parliez il y a quelques instants,
sénateur, j'ai constaté que cette procédure était techniquement en
tous points conforme à toute la législation pertinente. Je suis
néanmoins parvenu à convaincre le ministre du Revenu national
que cette procédure, quand bien même elle respectait technique
ment la Loi sur la protection des renseignements personnels,
constituait néanmoins une violation des droits à la protection de la
confidentialité. On a trouvé une solution beaucoup plus respec
tueuse de ces droits. Tout n'est donc pas totalement sombre.
|
Je suis cependant d'accord avec l'orientation du projet de loi du
sénateur Finestone, car il vise à intégrer à nos lois une règle
fondamentale qui stipule que toute loi en vigueur ou future devra
respecter les critères de la protection des renseignements
personnels.
|
Ce serait un important pas en avant. C'est une initiative
raisonnable puisque le Canada a signé les instruments - y
compris la Déclaration universelle des droits de l'homme des
Nations Unies - qui affirme le caractère sacré du droit humain
fondamental que constitue la confidentialité.
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J'ajouterais que le sénateur Finestone a un grand souci de la
confidentialité au Canada et qu'elle a été pour moi, lorsque j'ai
débuté dans mes fonctions, une source précieuse et respectée de
conseils et d'appui.
|
Cela dit, je regrette profondément de devoir vous dire qu'en
tant que commissaire à la protection de la vie privée et agent du
Parlement, je dois m'opposer avec la plus grande énergie à ce
projet de loi tel qu'on nous l'a présenté.
|
Le problème pour moi, c'est que le projet de loi va au-delà du
critère quasi constitutionnel qui vise à s'assurer que les lois
respectent la protection de la vie privée. Au contraire ce projet de
loi comme s'il n'y avait aucune loi de protection desrenseignements personnels, comme si cette loi n'existait
pas - une bonne loi - et comme si nous n'avions pas le
nouveau projet de loi C-6 - la Loi sur le secteur privé qui est
également une excellente loi.
|
Je m'inquiète tout particulièrement des articles 4, 5 et 6 qui
ensemble ont pour résultat, si une personne estime que ses droits à
la protection de sa vie privée sont lésés, que ce soit par le
gouvernement ou par une agence du secteur privé assujetti à la loi
fédérale, de lui permettre d'intenter des poursuites devant les
tribunaux. Le problème, à mon avis, c'est qu'il existe déjà une
procédure pour traiter les plaintes de violation des droits de
protection des renseignements privés d'une personne, il faut
présenter une plainte au commissaire à la protection de la vie
privée.
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Deux lois me confèrent des pouvoirs considérables et efficaces.
Je dispose d'un excellent groupe d'enquêteurs. J'ai les meilleurs
spécialistes en protection de la vie privée au pays dans mon
équipe de formulation de politique et de recherche et j'ai
incontestablement comme conseiller juridique, les meilleurs
avocats en protection de la vie privée. Pour porter plainte à mon
bureau, il n'en coûte rien et chaque plainte est examinée à fond et
attentivement.
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Ce projet de loi, tel que proposé, crée un système parallèle. Une
personne ou une société ou un organisme qui le souhaite peut
s'adresser aux tribunaux au lieu de porter plainte au commissaire
à la protection de la vie privée. Il ne s'agit pas d'augmenter les
possibilités de défendre la vie privée. Il s'agit de créerla confusion totale puisque la Loi sur la protection des
renseignements personnels et le projet de loi C-6 sont détaillés et
précis, fondés sur une analyse, une consultation, un débat
exhaustif, et cetera. La charte ou le projet de loi du sénateur
Finestone, par définition, par sa nature, est très large, rempli
d'affirmations générales et de grande portée.
|
C'est parfait. Toutefois, il peut arriver dans les cas où des
personnes ou des organisations choisiraient de s'adresser aux
tribunaux, parallèlement à une loi claire et précise, dûment
adoptée et débattue par le Parlement, qu'on se retrouve avec un
jeu parallèle de décisions, de jugements de magistrats de
tribunaux différents portant sur différentes plaintes. La nature de
la décision dans chaque cas peut déprendre en grande partie des
prédilections, jugements ou attitudes d'un juge donné, sans parler
de la compétence des avocats qui défendent l'affaire ou qui la
poursuivent.
|
On se retrouverait avec une situation parallèle qui pourrait
constituer un méli-mélo très dangereux. Tout d'abord, cela
exposerait le gouvernement et les organismes du secteur privé à
un ensemble tout à fait nouveau de coûts et de complications, car
en plus des plaintes soumises à mon bureau, les gens pourraient
s'adresser directement aux tribunaux. Cela enrichira peut-être les
avocats, mais cela n'allégera en rien le fardeau du gouvernement
ou des organismes du secteur privé.
|
Deuxièmement, on pourrait éventuellement se retrouver avec
des décisions contradictoires. Je fais enquête dans un dossier en
me fondant sur les lois que j'ai le pouvoir d'appliquer. J'en arrive
à une certaine décision. Qu'arriverait-il si un tribunal, saisi de la
même affaire, en arrivait à une conclusion opposée? Quelle
décision primerait? Que faire ensuite?
|
Outre la confusion que cette situation pourrait créer - et il est
important de le noter - le fait de présenter un projet de loi en ce
moment, sous cette forme, créerait des problèmes terribles du
point de vue de la crédibilité de la Loi sur la protection des
renseignements personnels et les documents électroniques, le
projet de loi C-6. Déjà, les organismes privés qui sont assujettis
au projet de loi C-6 m'ont fait part de leurs grandes inquiétudes.
Ils me disent s'efforcer de se conformer à la nouvelle loi qui entre
justement en vigueur. Des explications ont été données, et cetera.
Maintenant, il est possible que ces organismes soientsimultanément obligés de s'assujettir à un régime tout à fait
différent, risquant peut-être des poursuites. Que doit-on faire?
Très franchement, si on crée ce problème, je crains que
l'efficacité des mesures que nous avons en place soit remise en
question.
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Je sais que le sénateur Finestone a déclaré que le projet de loi
pourrait toujours faire l'objet de modifications en comité. Si nous
donnons notre aval à ce genre de régime à deux volets, même
temporairement, nous créerons de graves problèmes au niveau de
la crédibilité du régime de protection de la vie privée au Canada.
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Le sénateur Finestone: Je vous remercie de votre exposé et je
suis heureuse de déceler l'appui de quelques-uns. Je trouve vos
remarques sur la confusion et un régime parallèle intéressantes et
vous avez peut-être raison. Toutefois, je n'en serai pas convaincue
tant que je n'aurai pas entendu tous les arguments. La vôtre n'est
qu'une seule voix, pas toutes les voix qui existent. J'aimerais en
savoir un peu plus sur les conflits de compétences et sur la
confusion.
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Vous m'avez demandé de repenser les articles 4, 5 et 6. Je l'ai
fait sans déterminer s'il était possible de les éliminer, mais j'ai
bien signaler dans mon exposé qu'on m'avait conseillé de ne pas
le faire.
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Deuxièmement, l'examen des droits et le droit d'obtenir
réparation si les droits ont été bafoués est une question
importante. À votre avis, les deux projets de loi dont vous êtes
responsable suffisent-ils à protéger tous les Canadiens, de toutes
les couches de la société, dans toutes les circonstances?
|
M. Radwanski: Je pense qu'ils suffisent, à ma connaissance,
jusqu'à présent, à protéger les Canadiens dans les circonstances
qui relèvent de la compétence fédérale ce qui serait également le
cas de votre projet de loi.
|
Je pense qu'avec les outils à ma disposition et avec les
nouveaux outils que j'obtiens maintenant, vos préoccupations par
exemple sur la protection des renseignements sur la santé
disparaîtront le 1er janvier aux termes de la PRPDE. À mon avis,
nous disposons de lois efficaces et j'estime que nous devons
veiller à ne pas les mettre en péril en prenant une décision
irréfléchie quoique bien intentionnée.
|
Cela ne signifie pas que je m'oppose à l'intention de votre
projet de loi, mais ce qui serait plutôt approprié, c'est une mesure
que vous auriez pu présenter - ce que d'ailleurs j'espérais après
notre conversation - exigeant que les lois du Canada, en vigueur
ou nouvelles soient conformes à la protection de la vie privée.
Cela aurait bien complété le travail que je fais aux termes des
deux lois dont je dispose déjà.
|
Je suis quelque peu inquiet. Vous ne l'avez pas fait directement,
mais vous le laissez entendre dans ce que vous dites. Certains qui
ont pris sur eux de défendre la protection de la vie privée - dont
notamment quelqu'un que le comité entendra - ont adopté le
point de vue que de ne pas appuyer pleinement ce projet de loi
c'est en quelque sorte de ne pas appuyer la protection de la vie
privée. Il est important bien sûr de protéger la vie privée, mais il
est également essentiel de le faire d'une façon efficace qui
n'entraîne pas la conséquence non intentionnelle d'affaiblir le
droit à la vie privée alors que ce que l'on veut c'est renforcer ce
droit.
|
Le sénateur Finestone: Suite à votre évaluation et à votre
analyse, vous êtes d'avis que s'il s'était agi d'une déclaration ou
d'un projet de loi différent - c'est-à-dire, si les articles 4, 5 et 6
n'étaient pas là - ce projet de loi aurait pu compléter le travail
que vous jugez toujours à faire. Vous ai-je bien compris?
|
M. Radwanski: En effet. Voilà la teneur de la conversation que
nous avons eue en février. À l'époque, vous partagiez mon avis.
J'estime en effet que si ce projet de loi portait sur la question de
s'assurer que les lois du Canada sont conformes aux principes
énoncés dans votre projet de loi - et évidemment, il reviendrait
aux tribunaux d'en décider - ce serait formidable.
|
C'est lorsque vous vous lancez dans le domaine des plaintes
d'individus à propos de violations alléguées aux droits à la
protection de la vie privée de la personne, dont on peut saisir un
tribunal, que vous risquez de mettre en péril - avec les
meilleures intentions du monde - l'édifice bien pensé, édifié
avec soin, du droit de la protection de la vie privée qui existe déjà.
|
Le sénateur Finestone: Si j'ai bien compris notre conversation
- et je pense avoir parfaitement bien compris et je vous ai
d'ailleurs écrit à ce sujet - vous m'avez demandé d'envisager de
retirer les articles 4, 5 et 6. C'est précisément ce que je suis
disposée à faire si tel est l'avis du comité du Sénat.
|
Ce projet de loi ne m'appartient plus, il appartient au Sénat du
Canada. Il n'est pas la propriété de Sheila Finestone. Il faut que ce
soit absolument clair. C'est au Sénat de prendre une décision et
d'envisager peut-être, après vous avoir écouté et si l'on juge sage
de le faire, de supprimer ces trois articles.
|
Il me semblait important que vous compreniez bien que ce
serait là un projet de loi complémentaire. Vous avez présenté vos
arguments selon lesquels l'approche que nous avons adoptée
comporte des problèmes intrinsèques. Très bien. Venez présenter
ces mêmes arguments devant le Sénat quand il étudiera ce projet
de loi et mettez en place ce qui, à votre avis, aidera à rétablir et à
réaffirmer le droit des Canadiens au respect de la vie privée,
lequel est à mon avis menacé plus que jamais dans les
circonstances actuelles.
|
M. Radwanski: Je ne suis certainement pas venu ici pour vous
critiquer et j'espère que ce n'est pas ainsi que vous interprétez
mes propos. Le problème qui se pose à moi est que, à l'heure
actuelle et dans les circonstances présentes, je peux seulement
commenter le projet de loi que j'ai sous les yeux. Pour les raisons
que j'ai énoncées, je n'ai pas d'autre choix que de m'y opposer
énergiquement sous sa forme actuelle.
|
Ce qui m'inquiète, c'est que si la mesure continue de
progresser telle quelle dans le processus législatif, cela envoie un
message très embrouillé quant à l'orientation que le gouvernement envisage de prendre. Il est certain que cela causera de très
graves problèmes pour ce qui est de la crédibilité du projet de loi
C-6 et de la Loi sur la protection des renseignements personnels et
les documents électroniques. Je n'ai pas d'autres choix que
d'exprimer ces inquiétudes.
|
J'insiste également sur le fait que nous devons faire bien
attention de ne pas provoquer l'effet qu'on veut éviter en clamant
sur tous les toits que la vie privée est menacée. Il est certain qu'il
y a des journalistes qui veulent à juste titre soulever la question de
la menace à la vie privée. Je suis toutefois réconforté parce que
j'ai entendu les ministres, et assurément du premier ministre, dire
qu'il ne fallait pas jeter par la fenêtre les valeurs canadiennes ou
les droits des Canadiens. Je suis déterminé à être vigilant pour
m'assurer que cela n'arrivera pas.
|
À titre de dirigeants de l'opinion, nous devons faire attention à
ne pas alimenter une perception selon laquelle le ciel est en train
de nous tomber sur la tête en ce qui concerne le droit à la vie
privée, parce que la prophétie pourrait bien se réaliser.
|
Le sénateur Finestone: Je voudrais ajouter un mot, car je
trouve important de le dire publiquement pour que les sénateurs le
sachent. Dès le moment où j'ai commencé à rédiger ce projet de
loi, je me suis adressée au ministère de la Justice et au
commissaire à la protection de la vie privée - ce n'était pas vous
qui étiez commissaire à l'époque.
|
J'ai demandé leur appui. Le commissaire à la protection de la
vie privée m'a donné un appui extraordinaire et il m'a fait enlever
certaines dispositions qui auraient rendu la mesure inopérante. Il a
tenu compte des contraintes dans lesquelles nous travaillons. Le
personnel du ministère de la Justice était totalement incompétent
et refusait de collaborer. S'ils avaient eu une idée de ce que vous
me dites maintenant, nous aurions pu éviter ce problème, à
supposer qu'un tel problème existe.
|
J'ai tendance à être d'accord, puisque vous dites que c'est ce
que vous avez vu et entendu. Il faut s'attaquer à ces problèmes,
mais il faut le faire dans un comité. Je ne vois pas en quoi cela
pourrait causer les problèmes auxquels vous faites allusion quand
vous parlez du projet de loi C-6, lequel a déjà sa part de
problèmes, ou à l'application des droits dans le domaine de la
santé.
|
Je vous remercie pour votre exposé. Je ne pense pas que la
confusion soit suffisante pour nous empêcher de nous demander
pourquoi les Canadiens ne pourraient pas avoir l'assurance que
leurs droits à la vie privée sont protégés par la loi.
|
Le président: Nous passons maintenant à une table ronde
composée de deux témoins, toutes deux avocates. Mme Steeves
est la directrice du Technology Project for law and social change à
l'université Carleton et Elizabeth Sanderson est l'avocate générale
principale de la section des politiques en matière du droit public
du ministère de la Justice. Je sais que les mémoires que vous avez
préparés sont assez longs. Je vous demanderais de faire un résumé
de vos arguments afin que nous puissions passer le plus
rapidement possible aux questions. J'aimerais commencer par
Mme Sanderson.
|
Mme Elizabeth Sanderson, avocate générale principale,
Section des politiques en matière de droit public, Justice
Canada: Je vais essayer d'être plus spécifique dans mes
commentaires que dans le document original que nous avions
préparé. Nous avions préparé nos commentaires en fonction des
quatre questions que vous aviez soulevées un peu plus tôt ce
matin. J'essayerai d'être plus spécifique à leur sujet dans mes
commentaires.
|
Mes collègues du ministère de la Justice considèrent que ce
projet de loi est l'apogée du labeur infatigable et du dévouement
du sénateur Finestone. Son travail sur cette question importante
mérite toutes nos éloges.
|
L'approche qu'elle a adoptée dans ce projet de loi est nouvelle
et tente de faire évoluer le paradigme de notre réflexion sur la
protection de la vie privée.
|
Qu'est-ce que la protection de la vie privée? Dans de nombreux
pays elle est liée à la protection des données, notion majeure que
l'on retrouve dans notre propre Loi sur la protection des
renseignements personnels dont il a été question cematin. Ailleurs, c'est la frontière de la vie privée que la société
s'interdit de franchir. C'est une notion prééminente dans les
dispositions protectives du Code pénal en matière, par exemple,
de perquisitions, de saisies, d'autorisations d'écoute électronique,
et cetera. Il y a à la fois vie privée physique, vie privée territoriale
et vie privée informationnelle. Comme le dit le sénateur
Finestone, la vie privée peut être considérée comme un droit
humain fondamental.
|
Permettez-moi de limiter mes commentaires à la notion de
régime de protection des renseignements personnels existant au
niveau fédéral tout en faisant partiellement allusion au niveau
provincial pour donner aux sénateurs une idée de notre
appréciation de la protection existante de la vie privée au Canada.
|
[Français]
|
Comment les lois et les tribunaux canadiens protègent-ils la vie
privée au Canada? Déjà, la Cour suprême du Canada a interprété
la Charte canadienne des droits et libertés, qui fait partie de la
Constitution canadienne, comme prévoyant un droit à la
protection de la vie privée. De plus, plusieurs autres textes
législatifs complètent le régime actuel régissant la protection de la
vie privée au Canada, tels le Code criminel, la Loi sur la
protection des renseignements personnels et la Loi sur la
protection des renseignements personnels et les documents
électroniques.
|
Bien que cela ne soit pas mentionné explicitement dans la
Charte canadienne des droits et libertés, les tribunaux ont reconnu
que les intérêts liés à la vie privée sont prévus par les articles 7 et
8 en particulier. Par exemple, l'article 8 dit que «chacun a droit à
la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies
abusives», et a été interprété comme protégeant le droit d'une
personne à un respect raisonnable de sa vie privée.
|
[Traduction]
|
Je me réfère à l'affaire Hunter c. Southam au sujet de laquelle
les tribunaux ont reconnu que le droit à la vie privée était couvert
par l'article 8 de la Charte. Il y a d'autres paragraphes dans mon
document qui se réfèrent à cet article 8.
|
Il ne s'agit pas d'une théorie de pure forme des avocats du
ministère de la Justice. L'article 4.1 de la Loi du ministère de la
Justice exige que le ministre examine toute loi pour s'assurer de
sa conformité avec la Charte. Nous avons une unité au ministère
de la Justice - la Section du droit en matière de droits de la
personne - qui a pour principale mission de conseiller les
ministères du gouvernement sur les questions relatives à la
Charte, et son travail découle de cette responsabilité énoncée dans
la Loi sur le ministère de la Justice. Cela comprend les articles 7
et 8 et le régime prévu aux articles 7 et 8, y compris la vie privée.
|
Maintenant j'aimerais vous dire quelques mots sur les
dispositions protectives du Code criminel. Le gouvernement a
tenu compte d'un certain nombre de ces arrêts de la Cour suprême
concernant la vie privée, les procédures spéciales et les pouvoirs
- Hunter, Duarte et Dyment - lorsqu'il a modifié le Code
criminel en 1993 pour mieux protéger la vie privée des personnes
quand leurs communications privées ou leurs activités privées
représentent un intérêt pour l'État lors d'enquêtes et de poursuites
en cas de délits.
|
Avant 1993, une personne, y compris un agent des forces de
l'ordre, pouvait être considérée comme consentant à ce que sa
conversation avec une autre personne soit enregistrée aux fins
d'une enquête. Cependant, à la suite de la modification apportée
au Code criminel en 1993, le consentement de l'agent des forces
de l'ordre n'est plus suffisant. Les agents doivent désormais
demander et obtenir l'approbation des tribunaux avant de mener
des opérations d'enregistrement électronique, entre autres.
|
[Français]
|
Pour ce qui est des lois fédérales traitant de la protection de la
vie privée, la Loi sur la protection des renseignements personnels
protège les particuliers en régissant la collecte, l'utilisation, la
communication et la conservation des renseignements personnels
par des institutions gouvernementales. Son but est de limiter la
collecte des renseignements personnels à ceux qui sont nécessai
res à l'exécution d'un programme ou d'un service et de ne
permettre la communication de ces renseignements à d'autres
ministères et gouvernements qu'à des fins d'uniformité.
|
Sa loi complémentaire, la Loi sur la protection des renseigne
ments personnels et les documents électroniques, crée un droit
semblable à la protection des renseignements personnels, mais
dans le secteur privé. Plus précisément, cette loi exige des
organismes du secteur privé qu'ils obtiennent un consentement de
réunir, d'utiliser et de communiquer des renseignements person
nels.
|
[Traduction]
|
Je ne traiterai pas en détail de la Loi sur la protection des
renseignements personnels et des documents électroniquespuisque le commissaire à la protection de la vie privée s'y est
penché ce matin. Il suffit de dire ici que cette loi assure
l'harmonisation des lois fédérales et provinciales et étend le
champ de compétences fédérales en matière de commerce le plus
loin possible. Plusieurs ministères collaborent avec les provinces
afin d'améliorer cette harmonisation, notamment au niveau des
renseignements dans le secteur de la santé.
|
J'aimerais maintenant aborder les problèmes et les conséquen
ces associés au projet de loi S-21.
|
Le projet de loi S-21 produirait une grande incertitude et
pourrait bien créer des obstacles à un bon nombre de programmes
et de politiques du gouvernement. Ce projet de loi soulève des
doutes quant à la légitimité des régimes d'application de la loi
prévus par certaines lois et qui se conforment à la Charte
canadienne des droits et libertés et à d'autres lois pertinentes.
|
On peut accepter cet énoncé de principes ou cet exposé
d'intentions, et nous approuvons les sentiments exprimés dans le
préambule de ce projet de loi. Je peux vous dire que tous ceux qui
travaillent dans ce domaine au ministère de la Justice partagent
les sentiments exprimés dans ce préambule.
|
La protection de la vie privée est extrêmement importante, et
cette importance se trouve reflétée dans la Charte canadienne,
dans la jurisprudence et dans les autres lois fédérales dont j'ai
parlé plus tôt. Cependant, il incomberait aux ministères du
gouvernement d'appliquer cette mesure et aux tribunaux de
l'interpréter. Or, le droit est une discipline rigoureuse. L'utilisation
d'un langage imprécis peut créer des problèmes et des complica
tions redoutables et inattendus au niveau de la mise en oeuvre et
de l'interprétation. Je vous en donne quelques exemples.
|
[Français]
|
Ce qui semble être une application de large portée soulève un
problème fondamental. Selon son libellé actuel, le projet de loi
semble englober non seulement les institutions gouvernementales
et les entreprises fédérales, mais les particuliers de façon générale.
Si les particuliers enfreignent le texte figurant au projet de loi
S-21, par exemple en se livrant à des activités de surveillance
relatives à leurs biens, alors, selon son paragraphe 4(3), ils
s'exposent à des poursuites en vertu de l'article 126 du Code
criminel. Même si le projet de loi S-21 était amendé pour réduire
sa portée d'application aux organismes fédéraux et aux institu
tions gouvernementales, ou aux seules institutions gouvernementales, les ministères fédéraux auraient encore des difficultés à
remplir leur mandat eu égard au projet de loi S-21, notamment en
ce qui concerne les activités de surveillance des propriétés et,
éventuellement, aux activités de sécurité.
|
Étant donné sa portée apparemment large, nous sommes
incertain sous quelle rubrique de compétence constitutionnelle le
Parlement a l'intention de rattacher le projet de loi S-21. Cette
question a fait l'objet d'un débat lorsque le projet de loi C-6 a été
présenté en Chambre en vertu du pouvoir fédéral en matière
d'échanges et de commerce, qui est conféré au Parlement du
Canada par le paragraphe 91(2) de la Loi constitutionnelle de
1867. Par conséquent, la question suivante se pose: le caractère
véritable du projet de loi S-21 relève-t-il de la compétence
fédérale, provinciale ou des deux? Si le projet de loi S-21 n'est
pas destiné à être une loi pénale, alors quelle est la bonne rubrique
de compétence constitutionnelle?
|
[Traduction]
|
Le projet de loi stipule qu'il est interdit de porter atteinte sans
justification au droit d'un individu au respect de sa vie privée, et
qu'une telle atteinte est justifiable si elle est licite. Cela ne
s'accorde pas avec les lois existantes qui prévoient qu'une
personne, dont la Couronne dans certaines circonstances, est libre
d'agir sauf dispositions contraires licites. Le droit de faire ce
qu'on veut sauf décision contraire par une instance élue
démocratiquement constitue une pierre angulaire de notre concept
de la liberté.
|
Cependant, une analyse de ce projet de loi semble indiquer que
la situation contraire peut prévaloir. C'est-à-dire qu'une personne
ne pourrait agir dans certaines circonstances que si le Parlement
ou les tribunaux ont préalablement jugé que le geste envisagé est
licite.
|
Cette question a été soulevée par les médias cet été dans le
cadre de la sécurité publique sur des terrains fédéraux, notamment
des terrains de stationnement. Si un ministère du gouvernement
recevait des plaintes concernant un terrain de stationnement dont
il était responsable, et décidait que la surveillance vidéo pourrait
réduire la menace à la sécurité, et si ce projet de loi était en
vigueur, le ministère aurait à respecter les critères énoncés à
l'article 5, notamment le caractère licite de cette surveillance.
|
[Français]
|
Dans nos lois, ce n'est que rarement et avec une grande
circonspection qu'on a recours à ce genre de technique, où on
renverse la charge de la preuve selon laquelle il incombe à la
personne concernée de prouver qu'un agissement est licite; elle ne
peut se contenter d'affirmer qu'il peut le commettre, à moins qu'il
soit illicite.
|
[Traduction]
|
Ce même article prévoit d'autres critères. Par exemple, l'alinéa
5(3)c) stipule qu'il faut montrer que l'objectif ne peut pas être
réalisé par un autre moyen moins indiscret, ce qui semble faire
écho aux interprétations juridiques données à l'article 1 de la
Charte canadienne. Quelles seraient les conséquences pour les
activités légitimes de l'application de la loi? Par exemple, est-ce
que les critères prévus à l'article 5 s'appliqueraient aux mandats
de perquisition, en plus des contraintes qui s'appliquent déjà en
vertu du Code criminel? Cela pourrait renverser toutes nos
procédures d'application de la loi.
|
Une analyse sommaire de notre Code criminel permet de
constater que, au fil des ans, on est arrivé à un équilibre délicat
entre les intérêts de l'individu et les intérêts de la société. Nous
constatons que les ministères qui participent aux activités
d'application de la loi craignent que le projet de loi pourrait avoir
des conséquences négatives pour leurs activités, qui ont été
approuvées par le Parlement ou qui se conforment à la common
law, et qui respectent des normes autres que celles énoncées dans
le projet de loi S-21. J'ajouterais que ces normes auraient été
examinées aussi à la lumière des dispositions de la Charte.
|
[Français]
|
Ceci nous amène à la disposition contenant la règle de
prépondérance. Celle-ci donnerait au texte du projet de loi S-21
un statut quasi constitutionnel et le placerait au-dessus du Code
criminel ou d'autres lois fédérales spéciales, ce qui bouleversait
l'harmonie déjà établie par le Parlement entre les besoins précis
des ministères, qui doivent accomplir leurs obligations relatives à
l'application des lois ou des règlements qui visent la protection du
public et les droits de l'individu quant à sa vie privée.
|
Le projet de loi S-21 pourrait se révéler être une source de
confusion et d'incertitude dans de nombreux autres domaines du
droit. Par exemple, la jurisprudence relative à la Charte des droits
et libertés, qui est en pleine évolution, a consacré des concepts
bien motivés, par exemple les attentes raisonnables en matière de
droit à la vie privée et elle a protégé ce droit en se fondant sur les
articles 7 et 8.
|
Cependant, à maintes reprises, dans sa jurisprudence relative à
la Charte, les tribunaux ont insisté sur le fait qu'il faut suivre une
approche contextuelle et téléologique pour déterminer la portée
des droits protégés par la Charte.
|
Il faut concilier les droits de chacun avec les droits et intérêts
des autres. Il y a de nombreuses circonstances où une valeur
sociale peut entrer en confit avec d'autres valeurs. Les intérêts
conflictuels sur lesquels les tribunaux peuvent être appelés à se
prononcer ne se rapportent pas toujours au droit à la vie privée
des individus et à la sécurité publique.
|
Il peut s'agir, d'une part, du droit d'un accusé à une défense
pleine et entière et, d'autre part, du droit du plaignant à sa vie
privée. Comme autre exemple de conflit, on peut citer le droit des
individus à la vie privée corporelle qui peut s'opposer au risque
de dommage auquel les plus vulnérables de notre société sont
exposés, comme l'a constaté la Cour suprême du Canada, qui a
vécu un cruel dilemme lorsqu'elle a dû décider, dans l'affaire
Rodriguez, s'il fallait confirmer la validité de l'infraction visant le
suicide assisté figurant au Code criminel.
|
On court un risque sérieux que le texte du projet de loi gêne et
rende confuse l'approche téléologique adoptée par les tribunaux
lorsqu'ils appliquent la Charte. À notre avis, il ne permettrait pas
à l'interprète de prendre en compte le contexte pertinent et de
peser les différentes valeurs en conflictuelles dans un bon nombre
de situations.
|
[Traduction]
|
Il est raisonnable de présumer que les critères prévus dans le
projet de loi du sénateur et servant à concilier le droit au respect
de la vie privée et l'intérêt public sont ouverts à une interprétation
différente que celle prévue dans la Charte. En conséquence, il
faudrait reporter en justice des affaires dans un bon nombre de
domaines de droit qui sont actuellement très clairement définis.
Le coût d'un tel exercice, en temps et en argent, pour les secteurs
public et privé, pourrait s'avérer exorbitant.
|
Permettez-moi de vous donner un exemple concret de l'effet de
ce projet de loi sur les responsabilités légales du ministère et sur
son fonctionnement. Citoyenneté et Immigration Canada (CIC)
recueille une grande quantité de renseignements de nature
personnelle concernant les demandes d'immigration, l'application
des ordonnances d'expulsion et les infractions d'immigration. En
vertu du projet de loi S-21, CIC pourrait avoir l'obligation de
défendre ses activités de cueillette et d'échange des informations
devant un tribunal selon les critères prévus dans le projet deloi S-21. S'il voulait être absolument certain de ne pas être
poursuivi, CIC serait vraisemblablement obligé de faire en sorte
que toutes ses activités existantes de collectes d'informations
soient régies par un règlement pris en vertu de l'alinéa 7(1)b) du
projet de loi qui répertorie des pratiques qui constituent des
atteintes justifiables.
|
On me dit que la rédaction d'un tel règlement nécessiterait de
longues et complexes consultations avec CIC et avec les autres
ministères qui collectent des informations. Or, il faudrait rédiger
ce règlement avant l'entrée en vigueur du projet de loi,
c'est-à-dire dans l'espace d'un an.
|
Honorables sénateurs, ce projet de loi soulève d'autres
préoccupations, par exemple, des questions entourant les recours
et le rôle du commissaire fédéral à la protection de la vie privée.
|
Pour conclure, même si on reconnaît l'objectif louable du
projet de loi S-21 qui est de promouvoir le respect de la vie privée
au Canada, les difficultés surgissent des menus détails. Les
modifications pourraient avoir l'effet de saper la certitude, la
sécurité publique, l'efficacité opérationnelle et la responsabilité
financière. La protection de la vie privée ne devrait miner ni les
autres valeurs sociales ni l'équilibre réalisé par le Parlement par le
moyen d'autres textes législatifs.
|
Cet effort de l'honorable sénateur d'élargir et de renforcer la
protection de la vie privée mérite un examen sérieux, mais il
existe d'autres solutions. Nous avons déjà la Charte canadienne et
la jurisprudence, ainsi que d'autres lois fédérales. On ne peut pas
dire que nous n'avons pas de moyens pour protéger la vie privée.
|
[Français]
|
Nous ne croyons pas que le texte du projet de loi S-21 précise
les lois relatives à la protection de la vie privée, et aujourd'hui,
plus que jamais, nous avons besoin de certitude après les
événements de la semaine dernière.
|
[Traduction]
|
Nous sommes tout à fait conscients que le projet de loi S-21
peut nous apporter des balises, peut orienter les travaux futurs du
gouvernement. Le travail déjà accompli par le sénateur Finestone
concernant le projet de loi S-21 a déjà contribué aux activités du
gouvernement au chapitre de la réforme de la protection de la vie
privée. Nous pourrions sans doute continuer à tirer profit du débat
et des délibérations entourant ce projet de loi.
|
[Français]
|
Les événements survenus le 11 septembre dernier ont rendu ce
débat encore plus important. La protection de la vie privée et la
sécurité ont été propulsés à la une de nos journaux et ont pris la
première place dans notre conscience collective. Dans leur quête
de leadership, de sagesse et de réconfort, les Canadiens et
Canadiennes se sont tournés vers leur gouvernement fédéral.
|
[Traduction]
|
En conclusion, j'aimerais citer la ministre de la Justice qui, lors
de son intervention dans le débat qui a eu lieu mardi à la Chambre
des communes, a dit:
|
Dans notre recherche de mesures de sécurité efficaces, les
questions liées à la protection de la vie privée seront
importantes. Des collaborateurs de mon ministère examinent
les dispositions relatives à la protection de la vie privée qui
sont en place au Canada et, dans le cadre de cet exercice,
l'équilibre entre la protection de la vie privée et la sécurité
des Canadiens sera une considération de premier plan.
|
Le président: Nous passons maintenant à Mme Steeves.
Madame Steeves, vous avez rédigé un document intéressant qui, à
mon avis, résume bien un bon nombre des questions que nous
étudions. Veuillez nous présenter les faits saillants de votre étude
et ensuite il nous restera assez de temps pour quelques questions.
|
Mme Valerie Steeves, professeure, directrice, Technology
Project, Centre for Law and Social Change, Université
Carleton: Honorables sénateurs, je suis contente d'être ici
aujourd'hui. Si vous permettez, j'aimerais en premier lieu
reprendre certaines observations de mon amie pour entrer dans ce
débat. Mme Sanderson a visé juste. Dans son résumé, elle a dit
qu'elle craignait qu'une loi qui renforce la position que la
protection de la vie privée constitue un droit de la personne
fondamental dans notre pays pourrait compromettre la certitude,
l'efficacité opérationnelle et la responsabilité financière.
|
Le sénateur Callbeck a demandé plus tôt quel tort ce projet de
loi cherche à corriger qui n'est pas visé par les droits existants. La
question est bonne, car elle nous fait examiner les dispositions
actuelles des lois canadiennes qui portent sur la protection des
renseignements personnels. Il s'agit dans l'ensemble de mesures
disparates. Il existe des éléments qui traitent de certaines
questions. Le projet de loi C-6 traite de l'utilisation des
renseignements dans le contexte du commerce électronique. La
Loi sur la protection des renseignements personnels porte sur la
collecte de renseignements par le secteur public. Le Code
criminel traite d'une notion fondamentale de la vie privée et des
rapports qui existent entre l'État et les particuliers. Nos lois
prévoient déjà une certaine surveillance de l'équilibre qui doit
exister entre le pouvoir de l'État de s'ingérer dans notre domaine
personnel et les protections dont nous avons besoin.
|
Autrement dit, nous avons un ensemble de mesures disparates.
Ce qu'il manque c'est une déclaration générale de principes. Je
dirais que c'est le rôle du projet de loi S-21, d'être justement une
déclaration générale de principes.
|
Le document que j'ai remis au comité représente les résultats
d'environ 10 ans de recherche juridique sur ces questions. Dans le
document, on commence par demander ce que c'est que la vie
privée. Il est peut-être plus efficace de demander pourquoi
protéger la vie privée. Si on examine la jurisprudence de la Cour
suprême du Canada et les recherches universitaires qui ont été
faites sur cette question, la protection de la vie privée est
envisagée sous quatre angles différents. Nous qualifions la vie
privée de droit de la personne fondamental, parce qu'elle
constitue un élément essentiel de notre indépendance dans une
société libre et démocratique. Nous disons que la vie privée est
une valeur sociale, parce que nous savons que sans contrôle sur ce
que les gens savent de nous, il est impossible d'avoir des rapports
de confiance. Voilà une des assises du projet de loi C-6: si la
confiance n'existe pas dans le marché électronique, nous ne
pouvons pas aller de l'avant et bénéficier des avantages de cette
nouvelle forme de commerce.
|
On trouve dans la jurisprudence beaucoup d'affirmations selon
lesquelles la vie privée constitue une valeur démocratique
essentielle, car s'il est impossible de protéger le domaine
personnel, il sera beaucoup moins probable que nous puissions
exercer nos autres droits fondamentaux. Si le gouvernement met
des caméras numériques dans la rue qui permettent de nous
identifier et de retracer tous nos dossiers dans quelques secondes,
il sera beaucoup moins probable que nous puissions exercer notre
liberté de réunion ou de parole et de participer à une activité
politique, par exemple.
|
Le dernier élément qui figure dans la documentation et les lois,
plutôt que dans la jurisprudence, c'est que la vie privée concerne
la protection de données. L'essentiel dans ce cas c'est que
certaines de ces mesures disparates stipulent qu'il faut avoir des
règles pour nous permettre d'avoir un équilibre entre la diffusion
des renseignements et notre droit à la vie privée.
|
Autrement dit, nous avons mis au point un certain nombre de
moyens d'intervention, dont le Code criminel, la Charte et des
limites précises sur la capacité de l'Agence des douanes et du
revenu d'obtenir des renseignements. Il s'agit de savoir quels
mots utiliser pour comprendre ces différentes mesures disparates.
Quels principes de base s'appliquent? Est-ce qu'il faut s'intéresser
surtout au souci de la certitude, de l'efficacité opérationnelle ou
de la responsabilité financière? Ou faut-il s'intéresser davantage à
l'importance de la vie privée comme un droit fondamental, à son
rôle par rapport à la valeur démocratique de l'indépendance
personnelle, ou à son rôle dans la protection de la nature
démocratique de notre société libre, qui nous tient tous à coeur?
|
Je vous soumets qu'il existe une certaine tension à cet égard.
Ma collègue a dit que cela va entraîner beaucoup d'incertitude.
Elle a dit que le gouvernement serait obligé d'examiner toutes ses
activités.
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Cela dépend encore une fois de la priorité que nous accordons à
telle ou telle valeur. Si nous voulons contrôler les citoyens de la
manière la plus efficace possible, exercer des méthodes de
contrôle social et offrir des services gouvernementaux aux
consommateurs de tels services, la libre circulation de l'informa
tion et la capacité de facilement empiéter sur la vie privée
représentent l'approche la plus logique. Cela rend les choses plus
faciles.
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Cette approche est-elle moins démocratique? Ce projet de loi
est très pertinent car il nous ramène aux principes de base.
Comment allons-nous percevoir le projet de loi C-6 et lui trouver
une place dans le monde de demain? De quel oeil allons-nous
percevoir les programmes que le gouvernement met en oeuvre à
l'heure actuelle?
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Ce projet de loi nous ramène au principe fondamental voulant
que ces choses jouent un rôle essentiel dans notre démocratie. Il
s'agit d'un droit de la personne. En ce sens, le projet de loi vient
combler une lacune, idée qui a été très bien décrite dans le rapport
de 1997 intitulé: «La vie privée: Où se situe la frontière». Dans ce
rapport, le Comité permanent de la Chambre des communes des
droits de la personne et de la condition des personnes handicapées
affirme qu'il nous faut un énoncé de principes global afin de
trouver les pièces manquantes du casse-tête, et il y en a beaucoup.
Au cours des prochaines années, nous devrons traiter du droit à la
protection des données génétiques. Le droit à la protection des
données médicales est aussi une question importante et le projet
de loi C-6 n'abordera pas complètement cette question, car il ne
régit que les renseignements traités dans le cadre d'activités
commerciales. Nous devons traiter de questions liées au terroris
me et trouver des façons de combattre les actes haineux de
violence. Nous devons faire toutes ces choses; toutes ces pièces
du casse-tête doivent encore être rédigées.
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Il nous sera plus facile d'atteindre cet objectif si nous nous
inspirons du langage des droits de la personne. La façon dont
nous poserons la question déterminera les réponses. Si nous nous
basons sur le langage de l'efficience et sur le langage de la
responsabilité financière, je vous soumets que nous serons prêts à
empiéter sur la vie privée car cela représente la solution la plus
commode. Mais si nous nous inspirons du langage des droits de la
personne, je vous soumets que le débat sera ancré sur les
principes de la liberté démocratique.
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Je répondrai volontiers à vos questions. Je serai heureuse
également de débattre de la question avec ma collègue, car je suis
certaine qu'elle aura des choses à dire.
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Le président: Je demanderai d'abord à Mme Sanderson si elle
souhaite répliquer. Nous passerons ensuite aux questions.
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Mme Sanderson: J'ai deux brefs commentaires. D'abord, les
représentants du ministère de la Justice auraient dit quelque chose
de très différent si nous discutions d'un énoncé de principes
général. Mais nous discutons d'un projet de loi, dont le deuxième
article donnerait force de loi à certains principes, et les
dispositions qui suivent dans ce projet de loi ont pour but de
donner force de loi à ces énoncés de principes. Voilà ma première
remarque.
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J'aimerais rappeler les paroles prononcées par la ministre de la
Justice mardi. Il existe beaucoup de groupes différents dans notre
société. Nous ne voulons pas privilégier un groupe par rapport à
un autre, mais plutôt trouver un équilibre entre les divers groupes.
La sécurité entre en ligne de compte par rapport au droit à la
protection de la vie privée. À mon avis, il faut insister sur
l'équilibre plutôt que de dire qu'on privilégie un groupe par
rapport à un autre ou que les intérêts d'un groupe l'emporteront
sur ceux d'un autre.
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Le président: L'article 1 de la Charte a été conçu précisément
selon ce principe dans le cas où un compromis serait nécessaire.
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J'aimerais revenir sur une chose qui a été dite et, parce que
c'était sous forme de question, j'aimerais connaître votre avis à
vous deux. Un projet de loi et un énoncé de principes ne sont
évidemment pas la même chose. Existe-t-il des mécanismes
permettant l'adoption d'un énoncé de principes par le Parlement
qui, par exemple, n'aurait pas nécessairement force de loi et donc
ne donnerait pas nécessairement lieu aux problèmes soulignés par
le commissaire à la protection de la vie privée et les représentants
du ministère de la Justice? Autrement dit, est-il possible
d'atteindre l'objectif voulu et d'avoir un énoncé clair par le
Parlement au sujet de l'empiétement sur la vie privée et tout ce
que cela représente, mais tout en évitant les problèmes soulevés
par la présence de plusieurs lois.
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Mme Sanderson: Est-ce à moi que vous posez la question?
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Le président: Je vous pose la question à vous deux. Nous
voulons vous entendre toutes les deux.
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Mme Sanderson: Je ne suis pas une experte en matière de
procédures parlementaires. Une des idées dont nous avons débattu
un peu plus tôt, et dont nous avons également discuté avec les
membres du personnel de Mme Finestone, est l'idée d'une
motion du Sénat ou une motion conjointe de la Chambre des
communes et du Sénat. Cette idée a eu une influence marquée sur
nos travaux. Cela s'est déjà produit ailleurs. J'oublie les détails,
mais j'ai vu d'autres situations où on a tenu compte de motions
du Parlement, car celles-ci peuvent influencer le travail des
fonctionnaires ou être utilisées par les diverses parties dans un
procès, par exemple. Il existe des mécanismes, mais cet exemple
m'est venu à l'esprit.
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Mme Steeves: Une bonne solution serait peut-être de garder la
chose sous la forme d'un projet de loi, puis d'en faire une analyse
article par article. Par la suite, on pourrait peut-être retirer les
articles 4 à 6 et les remplacer avec quelque chose basé sur la
Déclaration canadienne des droits. Cela donnerait en principe aux
tribunaux le pouvoir d'examiner d'autres lois fédérales afin de
déterminer si elles respectent le principe contenu dans le projet de
loi. Cela serait très efficace, car nous pourrons nous assurer que,
au fur et à mesure que les tribunaux interprètent le projet de loi
C-6 et les autres mesures qui entreront en vigueur dans les
prochaines années, ces mêmes tribunaux pourront les interpréter
de façon à respecter ces principes fondamentaux.
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Un énoncé conjoint des deux Chambres du Parlement aura
probablement moins d'impact devant les tribunaux. Je comprends
que les intervenants voudront réévaluer leur approche, compte
tenu de leur ressort particulier, à la lumière d'un énoncé conjoint,
mais à titre de chercheur juridique, je crois qu'il serait important
que les tribunaux reçoivent un signe, que ce soit sous la forme
d'un texte, d'une orientation ou d'un pouvoir, leur indiquant
d'appliquer le bon raisonnement dont ils ont fait preuve en
interprétant les articles 7 et 8 de la Charte, par exemple, à d'autres
projets de loi, tel le projet de loi C-6, ou à d'autres lois, telle la
Loi sur la protection des renseignements personnels.
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Le sénateur LeBreton: Pour ce qui est des articles 4, 5 et 6, le
commissaire à la protection de la vie privée, M. Radwanski, a
parlé de l'individu. Autrement dit, au lieu de porter plainte auprès
du commissaire à la protection de la vie privée, on se tournerait
directement vers les tribunaux. Cela pourrait donner lieu à des
résultats contradictoires. Ma question est pour vous deux. Pour
ceux qui appuient le projet de loi, le ministère de la Justice a des
doutes. Si nous éliminions les articles 4, 5 et 6, éliminerions-nous
également les préoccupations du commissaire à la protection de la
vie privée en ce qui concerne les résultats différents? S'ils étaient
retirés, aurons-nous ainsi éliminé la possibilité de résultats
contradictoires? Que se passera-t-il si le commissaire à la
protection de la vie privée tranche d'un côté et les tribunaux de
l'autre? Qui décide par la suite?
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Mme Steeves: J'ai eu des discussions détaillées à ce sujet avec
le commissaire. Ce qu'il m'a dit rejoint ce qu'il a dit devant le
comité, à savoir que si ces articles étaient retirés, il se sentirait
beaucoup plus à l'aise avec le projet de loi et donnerait ainsi au
projet de loi modifié son appui.
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Mais, à vrai dire, je crois qu'il est important de prendre du
recul devant cette question. Le droit à la protection de la vie
privée est une valeur et un droit tellement fondamentaux qu'il fait
partie intégrante de nombreux aspects du système juridique. Si la
police entre par la force dans mon domicile et m'amène en prison,
et ce, à tort, je ne porterais pas plainte auprès du commissaire à la
protection de la vie privée. En fait, je ne vais probablement même
pas m'appuyer sur les articles 7 et 8 de la Charte. Je vais intenter
contre la police une action pour intrusion sur la propriété, ou autre
atteinte semblable.
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Autrement dit, lorsqu'il s'agit de questions entourant le droit à
la protection de la vie privée, cela touche plusieurs lois dont le but
est de préserver ces principes. L'affaire peut aboutir devant les
tribunaux par plusieurs chemins. Nous ne vivons tout simplement
pas dans un monde où toutes les questions se rapportant au droit à
la protection de la vie privée sont portées à l'attention du bureau
du commissaire à la protection de la vie privée. C'est parce qu'il
y a plusieurs mécanismes réglementaires à notre disposition. C'est
un principe tellement fondamental qu'on le retrouve dans
plusieurs textes réglementaires. Certes, la protection des rensei
gnements est du ressort du commissaire de la protection de la vie
privée, mais un citoyen peut porter plainte à d'autres instances
également.
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Je me sentirais également à l'aise avec un énoncé de principes
général qui nous soulignerait l'importance de la vie privée comme
droit fondamental de la personne. La documentation théorique
nous apprend, par exemple, que la réglementation comprend ses
propres problèmes. Souvent les autorités de réglementation
entament des négociations à long terme avec ceux qui font l'objet
de ces règlements. Cela crée une dynamique politique différente
- une qui n'est pas forcément bonne ou mauvaise mais qui est
moins indépendante, selon la déclaration figurant dans ce projet
de loi.
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Les mesures habilitantes du commissaire de la protection de la
vie privée, la Loi sur la protection des renseignements personnels
et du projet de loi C-6 sont des pièces de ce casse-tête, mais ils ne
le représentent pas en totalité. Ces mesures ne nous permettront
pas de traiter de la discrimination qui découle de l'accès aux
codes génétiques, par exemple. Ce n'est pas une question avec
laquelle on peut facilement composer en vertu des pratiques
équitables de traitement de l'information. Cela ne nous aidera pas
en ce qui concerne les questions d'emploi. Voilà un autre volet du
problème. Nous voulons essayer de mettre en oeuvre des
pratiques équitables de traitement de l'information, mais cela
présume l'égalité des pouvoirs de négociation. Si je postule un
emploi et le patron me dit «je veux voir votre dossier médical», je
peux bien dire non et ne pas avoir l'emploi. Il n'y a pas égalité
des pouvoirs de négociation. Si nous voulons vraiment protéger
notre droit à la vie privée, il faudra évaluer chacune de ces
situations différentes et trouver une réponse législative appropriée.
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C'est impossible que cela passe toujours par le bureau du
commissaire à la protection de la vie privée, ce qui est bien. Ce
n'est pas pour enlever quoique ce soit au rôle absolument
essentiel que joue le commissaire au Canada en mettant de l'avant
la vie privée comme droit de la personne. C'est probablement
parce que nous avons eu des commissaires à la protection de la
vie privée qui ont pris au sérieux leur tâche de défenseurs de la
vie privée, et qui continuent de soulever ces questions auprès des
législateurs.
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Mme Sanderson: Je suis d'accord avec Mme Steeves. L'autre
question qu'il faut aborder concerne les restrictions sur la
compétence fédérale de traiter de toutes ces questions de la vie
privée. Les données médicales sont un bon exemple d'un domaine
où il faudra travailler de concert avec les provinces. Nous ne
pouvons pas le faire seuls. Un autre exemple serait les contrats
d'emploi, ou la relation employeur-employé. Le gouvernement
fédéral est limité dans sa capacité de traiter de ces genres
d'atteintes à la vie privée sauf en tant qu'employeur ou par le
biais des sociétés d'État et des entreprises sous réglementation
fédérale.
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Votre première question était la suivante: si certaines disposi
tions sont retirées, aurait-on un énoncé de principes acceptable?
J'ai des doutes à ce sujet parce que, même dans certains de ces
articles, le langage semble donner effet à l'énoncé de principes. Je
vous donne quelques exemples qui me rendent nerveuse.
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À l'article 2, on lit que la présente loi a pour objet «de donner
effet aux principes suivants...» Ça deviendrait une loi du
Parlement si c'est adopté, le but étant de donner effet. Il y a
d'autres exemples. Je vais vous les expliquer.
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L'article 6, qui exige que le ministre de la Justice examine
chaque projet de loi dans la perspective de cette mesure, ne
concorde pas bien avec les dispositions que j'ai mentionné tout à
l'heure en parlant de la Loi sur le ministère de la Justice, en vertu
de laquelle nous sommes déjà tenus de les examiner dans la
perspective de la Charte canadienne. Il y a des enjeux
constitutionnels également. L'article 8 traite des contrats. Il n'y a
là qu'une application limitée au niveau fédéral puisque les
contrats sont de compétence provinciale en général.
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Les articles 9, 10 et 11 m'inquiètent également. L'article 9
énonce que la présente loi s'applique aux personnes et matières
qui relèvent de l'autorité législative du Parlement. On pourrait
peut-être discuter de ce que «s'applique» veut dire. L'article 10
nous dit que la loi «lie» Sa Majesté. Une plus grande
préoccupation est la déclaration de primauté à l'article 11. Si cela
devient un énoncé de principes général, ce projet de loi aurait
préséance sur les autres lois fédérales.
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Nous avons déjà vécu des difficultés dans ce domaine. Un
exemple serait la Loi canadienne sur les droits de la personne qui,
par interprétation judiciaire à la faveur de la Charte, a préséance
sur les autres lois. Il faut une déclaration contraire très claire afin
d'y déroger. Il reste à savoir comment ce projet de loi
concorderait avec la Loi canadienne sur les droits de la personne
et la Loi sur langues officielles, qui sont toutes les deux d'une
haute importance au sein de la société canadienne.
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Je ne suis pas certaine qu'on réglerait la question en se
débarrassant des articles 4, 5 et 6.
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Je le dis à tout hasard. Il faudrait se pencher sur la question.
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Mme Steeves: Je suis encouragée parce qu'il semblerait que
Mme Sanderson tient à commencer l'examen article par article
de ce projet de loi. J'espère sincèrement qu'elle aura la possibilité
de le faire avec vous.
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Son analyse est une bonne indication qu'on pourrait se pencher
sur le libellé de ce projet de loi, traiter des préoccupations et
l'améliorer.
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Je trouve intéressant que nous sommes ici en train de dire que
ce projet de loi pourrait déroger à la Loi canadienne sur les droits
de la personne. Il me semble qu'il s'agit de deux énoncés de
principes qui se complètent. Là encore, c'est une question de
libellé.
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Le fait qu'il s'agit d'un projet de loi fédéral qui n'a qu'une
certaine portée ne me dérange pas du tout, parce que vous avez
une responsabilité unique et l'occasion d'aller de l'avant en
matière de leadership politique, de monter la barre dans ce pays.
Nous avons vu pendant la dernière décennie que quand une
administration resserre les critères, les autres emboîtent le pas.
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Nous avons vu que c'est vrai au Québec dans le contexte
canadien. Quand une autorité agit, les autres suivent. Le moment
de faire preuve de leadership politique est venu, surtout en vue
des défis incroyables que nous vivons actuellement dans notre
régime démocratique.
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Je ne serais pas trop découragée par le fait qu'il s'agit d'une loi
fédérale. Je crois que c'est une occasion de faire preuve de
leadership de façon positive.
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Le sénateur Finestone: Je n'avais pas l'intention de poser de
question mais je trouverais encourageant si le ministère de la
Justice, plus renfermé que je ne l'aurais souhaité, se joignait à
nous pour l'examen article par article au lieu de le faire à notre
insu. Ça serait très bien.
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Le président: Mesdames et messieurs les sénateurs, il faudrait
lever la séance bientôt. Je demande au personnel, pour la séance
d'hier soir et pour celle d'aujourd'hui, de préparer deux choses.
Premièrement, un résumé des arguments des deux côtés.
Deuxièmement, concernant hier soir précisément, nous avons
demandé quelques renseignements additionnels. Nous voulions
une opinion de la part du ministère de la Justice.
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Je demande au personnel de réfléchir à l'option esquissée par
Mme Steeves où elle parlait de prendre la Déclaration canadienne
des droits comme modèle, afin de pouvoir comprendre ce que
cela voudrait dire en réalité. Quand ces deux résumés seront prêts,
nous allons nous réunir. Nous aurons une réunion la semaine
prochaine.
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Le sénateur LeBreton: Nous avons déjà toute une liste de
témoins. À cause des événements aux États-Unis et ailleurs, il y
aura beaucoup de témoins qui voudront comparaître. De plus, les
médias vont porter beaucoup d'attention à ce projet de loi. Les
journaux en parlent déjà. Je vous préviens que la réunion pourrait
être longue.
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Le président: C'est une question importante et on devrait avoir
un bon effectif pour nos réunions. La séance est levée jusqu'à
15 h 30, le mercredi 26 septembre 2001.
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La séance est levée.
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