Aller au contenu
SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 32 - Témoignages


EDMONTON, le mercredi 17 octobre 2001

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie s'est réuni aujourd'hui à 8 h 31 pour analyser l'état du système de soins de santé au Canada.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Tout d'abord, M. Mazankowski comparaît aujourd'hui à titre de président du Premier's Advisory Council on Health pour la province de l'Alberta. Nous sommes ravis de vous compter parmi nous, qui sommes pour certains vos vieux copains du Cabinet du ministre ou d'anciens copains, à n'en pas douter, de la Chambre des communes.

Je sais que vous aimeriez faire une déclaration préliminaire et nous serons enchantés de vous poser quelques questions. Merci beaucoup.

L'honorable Don Mazankowski, président du Premier's Advisory Council on Health (Alberta): Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs. C'est avec plaisir que je m'adresse à vous. Se joint à moi Mme Peggy Garritty, qui m'aide ainsi que les autres membres du Conseil à documenter bon nombre d'éléments que nous avons entendus ou que nous serions en mesure de proposer.

Permettez-moi tout d'abord, monsieur le président, de féliciter tous les membres de ce très important comité pour leurs efforts soutenus et l'excellent travail qu'ils effectuent. Je crois, du moins par les travaux que j'ai étudiés jusqu'à présent - et selon moi, d'autres partageront mon avis - que vous donnez un aperçu objectif, complet et factuel de l'état du système de soins de santé au Canada et que vous identifiez certaines des grandes questions et des options politiques possibles.

Nous aimons la façon dont vous proposez diverses options politiques sur une base non étiologique et trouvons encourageant de remarquer qu'aucune option n'est exclue. Je crois qu'il s'agit là du type de discours honnête qu'il nous faut tenir sur cette question, car elle revêt une grande importance.

Je crois que le travail que vous faites contribuera d'une façon très positive à l'avancement du débat national, puisqu'il s'agit d'un débat important qui touche la vie de tous les Canadiens. Je suis d'avis que le volume 4, plus particulièrement, présente une excellente structure à partir de laquelle pourra être lancé un débat plus sérieux et complet.

Comme toutes les autres provinces, l'Alberta est saisie de la question des soins de santé. Elle a fait l'objet de nombreuses études, de multiples initiatives et de diverses tentatives visant à atténuer la portée des questions du jour.

Dans le but de définir le genre de système de soins de santé dont nous aurons besoin à l'avenir, le premier ministre a constitué un conseil consultatif ayant pour mandat de donner des conseils stratégiques au premier ministre et à son cabinet, ainsi qu'au gouvernement, sur l'amélioration continue des services de santé de qualité offerts aux Albertains et plus particulièrement, sur la viabilité du système financé par l'État.

Vous trouverez, joints à la déclaration qui vous a été remise, le mandat du premier ministre, la proclamation initiale du 31 janvier, qui me nommait président, la nomination des autres membres du comité en date du 18 août ainsi qu'un bref résumé de leurs antécédents. Vous pourrez y faire référence pour mieux connaître les gens qui composent le comité.

Nous avons débuté nos travaux il y a un peu plus d'un an. Nous avons rencontré un grand éventail d'actionnaires, de groupes et de particuliers pour prendre connaissance de leur point de vue; nous avons de ce fait entendu et appris beaucoup de choses. Le système est complexe.

Nous avons tout d'abord défini les objectifs que nous désirions atteindre quant à notre système de soins de santé. Nous avons rédigé des documents contextuels sur certains éléments comme les questions en attente, la pénurie de professionnels de la santé, la viabilité du système, les facteurs de coûts, l'avis des Albertains sur l'utilisation du système de soins de santé, l'équilibre du système et, en fait, sur le fonctionnement du système. Ces documents seront remis au premier ministre en même temps que nos rapports. Ils forment en quelque sorte une fiche documentaire.

Nous avons entamé ainsi la description de l'objectif à établir pour l'Alberta: un système viable de soins de santé qui constituerait un partenariat entre ses utilisateurs et ses fournisseurs, continuerait d'évoluer et de s'améliorer pour donner de meilleurs résultats pour la santé des Albertains; un système fondé sur la recherche et l'expérience clinique, doté des stimulants adéquats, qui constituerait un modèle pour le Canada et le monde.

Nous nous sommes ensuite fixé de définir chacun des mots qui composent cette mission: par «système viable», nous entendons un système doté de ressources suffisantes, tant pécuniaires qu'humaines, qui permettraient de répondre aux diverses forces qui entraînent les changements et font grimper les coûts et de plans qui permettraient d'assurer la présence de ressources adéquates pour soutenir le système de soins de santé en Alberta.

Nous avons ensuite indiqué ce que nous entendions par «système de soins de santé», «évoluer et s'améliorer», «meilleurs résultats pour la santé», «fondé sur la recherche et l'expérience clinique», «stimulants adéquats» et «constituer un modèle pour le Canada et le monde».

La grande majorité des travaux que nous avons entrepris se concentrent sur trois questions névralgiques, à savoir la viabilité du système subventionné par l'État, l'amélioration et l'assurance d'un accès à des services de santé de qualité et le meilleur moyen d'améliorer l'état de santé des Albertains.

Permettez-moi de traiter brièvement de ces trois questions en commençant par la viabilité, la plus en vue. Nous percevons de nombreuses menaces à la viabilité du système de soins de santé. Nous affirmons que l'escalade constante des coûts liés aux soins de santé, l'absence d'un programme clair de financement, leurs répercussions sur les trésoreries fédérale et provinciales et le déplacement d'autres priorités importantes en matière de dépenses créent un climat instable. Tous ces facteurs nuisent à la confiance dont témoignent les gens au système de soins de santé ainsi qu'au rendement de ce dernier.

Dans le cadre d'un aperçu des tendances actuelles, nous remarquons que les dépenses liées à la santé en Alberta sont passées de 3,9 milliards de dollars en 1995-1996 à plus de 6,4 milliards en 2001-2002, ce qui représente une hausse de 64 p. 100. Si l'on y ajoute les dépenses en immobilisations, les dépenses totales en matière de soins de santé pour la province de l'Alberta s'élèvent à 7 milliards de dollars pour l'exercice en cours.

Cette somme représente 20 millions de dollars par jour. En 1990-1991, l'Alberta a alloué 24 p. 100 de son budget à la santé et 76 p. 100 à d'autres programmes. En 2000-2001, environ le tiers de ses fonds est alloué à la santé et 65 p. 100, à d'autres programmes gouvernementaux.

L'Alberta, vu sa base économique, ne pourra soutenir les tendances actuelles en matière de dépenses que si son économie demeure forte et que les revenus provinciaux demeurent élevés. Comme la plupart d'entre vous le savent, notre économie est volatile, dépendant fortement de nos ressources naturelles. Si les cours se stabilisent ou fléchissent, il sera très difficile de gérer cette responsabilité.

En regardant au bas de la page 4, vous remarquerez que notre budget actuel se fonde sur un cours de 5 $ le millier de pieds cubes de gaz naturel, alors que vous savez tous qu'il se situe actuellement bien en deçà des 3 $. Chaque baisse ou variation de 10 cents du prix du gaz naturel, c'est-à-dire 10 cents par millier de pieds cubes, a des répercussions de 142 millions de dollars sur le budget provincial. Dans la même veine, chaque variation de un dollar du prix du baril de pétrole a des répercussions de 153 millions de dollars sur le budget provincial. Comme vous le constatez, la volatilité des prix a un effet important.

L'Alberta, comme d'autres territoires, a vu ses dépenses de santé augmenter de façon significative au cours des 10 dernières années et nous prévoyons, si la tendance se maintient, que notre budget de santé consommera jusqu'à 50 p. 100 de notre budget provincial d'ici l'an 2008.

En tentant d'évaluer la situation, nous examinons les inducteurs et les facteurs de coûts; nous croyons que les ministères provinciaux et territorial ont fait de l'excellent travail en catégorisant les facteurs qui contribuent à l'établissement des coûts liés aux soins de santé. Je ne ferai pas d'autres commentaires à ce sujet mais je vous dirai que nous utilisons ces éléments comme guide de référence. Manifestement, ils sont divisés en trois catégories, soit les inducteurs de coûts de base, les accélérateurs de coûts et les répercussions d'un changement de système, lesquels tendent tous à faire grimper les coûts.

Permettez-moi de traiter brièvement de l'accessibilité. Ici en Alberta, comme dans la plupart des provinces, l'accessibilité est notre principale préoccupation. Les gens ont peur de ne pas recevoir les services de santé requis lorsqu'ils en auront besoin et l'attente est longue pour certaines interventions, malgré les efforts que fournit le gouvernement pour allouer des fonds à la réduction de ces périodes d'attente. Nous avons quelque peu documenté ces éléments pour vous.

Évidemment, s'il y a une chose que les Albertains devraient pouvoir attendre de leur système de santé, c'est d'avoir accès à des services de santé lorsqu'ils en ont besoin. Cet accès devrait être offert à des conditions équitables; voilà le c9ur même des attentes que nous nourrissons envers notre système de soins de santé. Trop souvent, ce n'est pas ce à quoi les Albertains ont droit, en dépit d'investissements importants et croissants.

Donc, étant donné le désir d'un meilleur accès et l'escalade des coûts de santé, nous devons extraire la valeur maximale de chaque dollar dépensé et trouver des moyens de diversifier l'assiette du revenu afin de soutenir les soins de santé pour que le peuple puisse recevoir des soins équitables en temps opportun.

Permettez-moi d'aborder brièvement la section qui touche l'amélioration de l'état de santé des Albertains. Voilà, essentiellement, la base même et le noyau de notre rapport. Le Conseil consultatif croit que promouvoir la santé, le bien-être, la prévention des maladies et de saines habitudes quotidiennes est un élément stratégique essentiel à la réforme future des soins de santé. Dans le cadre de nos travaux, nous avons l'intention de consacrer un temps appréciable à cette question et d'y mettre beaucoup d'emphase.

Quant à l'approche privilégiée, nous avons divisé notre groupe afin d'examiner cinq questions différentes. Première question (notre premier rapport sera fondé sur les travaux réalisés dans le cadre de ces cinq questions particulières): comment pouvons-nous habiliter les gens de la communauté à prendre plus de responsabilités face à leur propre santé? Deuxième question: quel est le meilleur moyen d'organiser et de dispenser les services de santé? Troisième question: comment pouvons-nous assurer un approvisionnement adéquat et la meilleure utilisation des fournisseurs de services de santé? Quatrième question: comment pourrons-nous payer ces services de santé? Cinquième question: comment pouvons-nous obtenir les résultats escomptés et assurer une amélioration continue du système?

Comme je l'ai mentionné, ces études et nos travaux sont fondés, dans une grande mesure, sur l'expérience clinique de nos conclusions et sur les documents contextuels, dont nous vous avons donné un aperçu et qui illustrent la situation qui touche le système de soins de santé en Alberta.

Permettez-moi maintenant de conclure en parlant de quelques-uns des grands points à examiner.

Comme vous le savez, monsieur le président, notre comité poursuit son travail. Nous n'avons pas terminé d'identifier les problèmes et de suggérer leurs solutions. Ce que j'expose aujourd'hui n'est qu'un aperçu des approches et des directives que nous suivons par suite du consensus qui est en train de prendre forme. Toutefois, nous n'avons en rien terminé notre travail; nous sommes en fait à une étape critique qui exige de définir avec plus de clarté quelques options s'inspirant de nos conclusions.

Permettez-moi de vous présenter certains des grands points à examiner et des thèmes principaux qui ressortent du lot. Tout d'abord, notre rapport ne présentera pas de solution miracle. Nous cherchons les meilleurs moyens d'assurer la subsistance du système à long terme, pas nécessairement à réduire les coûts à court terme. En fait, certaines des solutions aux problèmes que nous avons identifiés pourraient coûter plus cher initialement, puisqu'il faudra intégrer au système des modifications évolutives.

Deuxièmement, nous devons extraire la valeur maximale de chaque dollar dépensé dans la santé; ce point est essentiel. Cependant, ces mesures ne suffiront pas à satisfaire les demandes croissantes du peuple face au système de soins de santé.

Troisièmement, nous devons chercher à diversifier l'assiette du revenu. Le fardeau fiscal devient trop important et, comme je l'ai déjà dit, d'ici l'an 2008 ou 2010, il pourrait englober la moitié des dépenses en Alberta. C'est pourquoi nous croyons qu'il est temps d'approfondir d'autres idées (comme des comptes d'épargne médicale, des quotes-parts, des franchises, des assurances privées ou supplémentaires, des avantages imposables, et cetera), d'étudier leurs répercussions et de les voir d'une façon très objective et impartiale.

Quatrièmement, on ne peut permettre que les dépenses du gouvernement sur la santé déplacent les dépenses sur d'autres services essentiels comme l'éducation, les infrastructures ou la sécurité.

Cinquièmement, nous croyons que le rationnement des services de santé n'est pas la solution. Les gens s'inquiètent de l'accès au système, avec raison. Nous croyons que tous les Albertains devraient avoir accès aux meilleurs soins de santé lorsqu'ils en ont besoin et que ceux-ci devraient être offerts à des conditions équitables pour tous.

Nous croyons également qu'il est temps de réfléchir posément à ce qui doit être couvert par le régime d'assurance-maladie. Nous croyons que le système n'a jamais été conçu pour couvrir tous les aspects des services de santé mais le peuple en est venu à compter qu'il le fasse et ce, gratuitement.

En outre, je sais que vous, monsieur le président, comme moi-même et de nombreux membres de mon comité, croyez qu'on ne peut réglementer quoi que ce soit à la perfection. Nous croyons qu'il est temps d'ouvrir le système, d'en retirer les chaînes et de permettre aux autorités en matière de santé d'expérimenter, d'essayer de nouvelles idées et de voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.

Nous voyons le système, tel qu'il est présentement constitué, comme un monopole dans lequel le gouvernement est à la fois l'assureur, le fournisseur et l'évaluateur. Nous affirmons qu'il est temps de «dégrouper» le système, d'en séparer certaines des fonctions, d'établir des rôles clairs et d'y introduire un aspect concurrentiel et certains choix.

De plus, s'il existe des régies régionales de la santé - nous croyons d'ailleurs que ce concept est bon - il est alors temps de leur donner le mandat et les outils nécessaires pour faire leur travail et de les en tenir responsables. Nous percevons une lacune dans leur aptitude à réaliser leur mandat.

Nous sommes témoins d'ingérence et voyons dans quelle mesure elles en sont responsables mais elles ne disposent réellement pas des outils et des mécanismes nécessaires pour faire leur travail.

Nous croyons également qu'il faut un mélange novateur de services de santé publics et privés et, en ce sens, monsieur le président, nous ne pouvons isoler aucun des ces éléments pour tenter de régler l'un ou l'autre des problèmes. C'est un ensemble qui s'offre à nous; nous ne pouvons prendre les perles et laisser les pierres. À notre avis, pour réformer le système et tenter de le faire fonctionner plus rondement, ces solutions doivent toutes être implantées (bien que progressivement dans certains cas) comme un ensemble, car une sélection choisie ne fera qu'exacerber le problème.

Par conséquent, si nous exerçons un dégroupement, si nous créons un système davantage centré sur le patient qui lui donne plus de choix, nous pourrons encourager le développement d'un mélange novateur de services de santé publics et privés. Nous pouvons commencer en favorisant un plus grand nombre de contrats entre les autorités sanitaires et un vaste éventail de fournisseurs publics et privés.

Nous pouvons établir des normes et veiller à ce qu'elles soient respectées. Nous pouvons en évaluer les résultats et les coûts et ne devrions pas laisser la peur de la médecine privée entraver des occasions d'améliorer la capacité du système et d'offrir un meilleur accès aux soins de santé. Nous croyons qu'il ne faut pas établir de distinction.

Enfin, nous n'avons pas à choisir entre le statu quo et un système de soins de santé à l'américaine. Nous pouvons et devons créer notre propre variante, qui devra préserver les meilleurs aspects du système actuel tout en demeurant viable. D'autre part, pour réitérer le fondement même de notre tâche, nous devons encourager les gens à prendre davantage de responsabilités face à leur propre santé et trouver le meilleur moyen de les aider à rester en santé par le biais de la promotion, de la prévention, de la protection et de styles de vie sains.

Monsieur le président, comme je l'ai déjà dit, les travaux que nous avons entrepris sont importants et notre tâche ne consiste pas à présenter une solution miracle. Nous apprécions grandement toutes les idées et les options présentées dans votre rapport. Comme je l'ai mentionné plus tôt, ce genre de débat stimulera certainement le débat national et contribuera à son avancement.

On m'a demandé si le régime d'assurance-maladie était mort; à cette question, je réponds d'un «non» catégorique et franc. Toutefois, cela ne signifie pas que nous sommes immunisés contre tout changement ou qu'il n'est pas temps de redéfinir notre perception d'un «régime d'assurance-maladie» au XXIe siècle.

Il est temps que les Canadiens embrassent le débat, mettent toutes leurs idées sur la table, préservent ce qu'ils considèrent essentiel, évitent de rejeter d'emblée les idées présentées et consentent à expérimenter de nouvelles approches. C'est uniquement par ce type de discussion ouverte que nous pourrons prendre les mesures nécessaires pour assurer la subsistance du système de soins de santé au Canada, aujourd'hui comme demain.

Nous avons été invités, monsieur le président, à faire des recommandations énergiques et bien que je ne suis pas en mesure aujourd'hui de présenter des recommandations spécifiques, je peux dire ceci: je crois qu'il est juste d'affirmer que notre rapport saura relever le défi en étant énergique et différent.

Monsieur le président, je dois dire que je suis désolé de ne pas avoir la traduction de ma présentation. C'est ma faute. J'étais en voyage et n'ai pu m'en occuper.

Le président: Connaissant votre horaire, nous apprécions votre présence parmi nous et permettez-moi de dire que de notre point de vue, il est merveilleux de savoir que des âmes s9urs partagent l'opinion des gens assis autour de cette table.

Vous avez parlé d'un besoin d'expérimentation et comme je réalise que cela ne fait pas partie de votre mandat, je ferai spontanément ce commentaire. La clarté exige que la Loi canadienne sur la santé soit modifiée, afin qu'elle permette au moins la réalisation de projets pilotes ou d'expériences, peu importe le nom que vous leur donnerez, qui enfreignent les conditions actuelles de cette loi. L'un des problèmes que soulève la Loi canadienne sur la santé, c'est qu'elle ne permet même pas la réalisation de projets pilotes.

Je réalise que cela est de notre ressort, dans un certain sens, non du vôtre. Permettez-moi simplement de dire que nous en avons certainement discuté.

Vous pourrez le lire entre les lignes du volume 4. Nous comprenons qu'il est certainement nécessaire de permettre une certaine expérimentation.

Le sénateur LeBreton: Je dois dire que je suis d'accord avec Jeff Simpson. Je ne suis pas souvent d'accord avec Jeff Simpson mais je me suis ralliée à lui lorsqu'il a dit que, connaissant Maz, les Albertains devraient s'attendre à peu de théories, à de longs conseils raisonnables et, franchement, à quelques idées surprenantes. Je crois que c'est là un bon présage de ce à quoi nous pouvons nous attendre.

M. Mazankowski: Sénateur, nous avons tenté d'apaiser les attentes.

Le sénateur LeBreton: C'est que vous avez une réputation à entretenir. J'aurais quelques questions à poser, qui ne sont pas nécessairement reliées. En ce qui a trait à la question d'accessibilité et de période d'attente, il est certain que beaucoup de gens se tournent vers l'Alberta en raison de son économie de ressources. Les gens considèrent que si l'Alberta peut résoudre le problème, elle constituera un genre de balise.

Dans le cadre de vos études, avez-vous comparé l'Alberta à d'autres territoires ou à d'autres provinces en termes d'accessibilité et de périodes d'attente?

M. Mazankowski: Oui. Nous l'avons fait, jusqu'à un certain point, dans nos documents contextuels, qui serviront d'antécédents. L'Alberta s'est attaquée à ce problème et en est très consciente. Je crois que nous verrons certaines améliorations mais dans certains secteurs, les périodes d'attente sont toujours considérées trop longues, plus particulièrement dans le cas des tomodensitogrammes, des IRM et d'autres interventions de cette nature.

La situation s'est améliorée mais les périodes d'attente demeurent inacceptables dans de nombreux cas.

Mme Garritty a effectué la grande majorité de ces travaux.

Mme Peggy Garritty, Premier's Advisory Council on Health (Alberta): Il est difficile de faire des comparaisons. Nous détenons certains renseignements, tout comme d'autres provinces, j'en suis certaine. Il est toutefois difficile de comparer des périodes d'attente puisqu'il n'existe aucune définition ni aucun processus standard sur la façon dont les gens inscrits sur des listes d'attente sont gérés. Cela est très difficile à réaliser.

M. Mazankowski: En plus, nous manquons de données. Nous n'avons aucune base de données qui nous permettrait de mesurer les résultats, leur qualité et beaucoup de ces autres éléments. D'abord et avant tout, en cette ère de haute technologie, nous trouvons que le système de soins de santé a pris beaucoup de retard.

Cela entraînera probablement des dépenses additionnelles mais c'est essentiel si nous voulons un jour avoir une mainmise sur la façon de mesurer les résultats obtenus, d'appliquer la recherche fondée sur l'expérience clinique et d'identifier les problèmes en matière d'attente et d'accessibilité. Nous ne disposons pas de cette base de données et selon moi, vous découvrirez que c'est le cas partout au pays.

Le sénateur LeBreton: Oui. Je crois que le public canadien assume, en cette ère de haute technologie, qu'un partage instantané s'effectue, non seulement au niveau des données mais également au niveau de l'information recueillie lorsqu'une personne provenant d'une région du pays tombe malade dans une autre région, ce qui n'est pas nécessairement le cas. Cela vient certainement contester la section sur l'accessibilité des principes de la Loi canadienne sur la santé.

Vous avez discuté des soins de santé communautaires, des régies régionales de la santé. L'Alberta a-t-elle quelques exemples de régies régionales de la santé ou de soins de santé communautaires qui donnent de bons résultats?

M. Mazankowski: Oui. À vrai dire, il en existe quelques-uns. Entre autres, on a souvent fait référence, tant au niveau provincial que national, au «Edmonton North East Community Health Centre», une tentative qui fonctionne très bien et qui fait de très grandes percées. Il en existe un autre dans la région de Calgary, appelé «Crowfoot Family Practice».

Le problème des projets pilotes, c'est que leurs faits et gestes sont tellement surveillés et responsabilisés qu'ils n'ont pas vraiment de liberté d'agir. De plus, le financement est toujours un peu problématique. Jusqu'à un certain point, je crois que cela tempère l'esprit d'innovation et de créativité des gens.

Les idées sont bonnes et nous sommes confiants face à la tentative d'Edmonton qui, selon moi, fonctionne très bien. Bien sûr, vous rencontrerez les PDG des régions de la capitale et de Calgary. Ils seront certainement en mesure de commenter à ce sujet.

Ce sont là les deux seuls exemples d'importance. Un autre centre a également été ouvert à Bassano, sous l'égide de la régie régionale du coin. Cependant, la progression et l'évolution de ces projets ne sont pas aussi rapides et exhaustives que nous l'espérions, je crois.

Nos attentes sont peut-être trop grandes mais je crois que ces centres ont besoin de plus de liberté pour faire leurs expériences. Je crois que les gens qui vivent cette expérience ressentent une certaine frustration; leur financement doit faire face à moins d'entraves.

Je sais que dans le cas du centre Crowfoot, c'est grâce à la volonté des professionnels qu'il a pu survivre, parce qu'ils travaillaient pour beaucoup moins d'argent qu'auparavant. Si les professionnels médicaux en viennent à toucher une somme considérablement inférieure à la rémunération à l'acte en vigueur, vous savez que l'expérience échouera.

Je réponds donc, à votre question, qu'il existe quelques exemples mais que le jury recherche encore leur réussite. Nous devrons leur offrir un soutien plus global, sans quoi nous n'obtiendrons rien de ce type d'initiative.

Le sénateur LeBreton: Vous avez dit dans votre déclaration préliminaire qu'il fallait les laisser faire leur travail.

M. Mazankowski: C'est exact. Le concept des régies régionales de la santé a ses pours et ses contres mais la structure est implantée. Je crois que les régies fonctionnent très bien dans un certain nombre de cas mais qu'elles sont quelque peu restreintes du fait qu'elles n'ont pas le plein contrôle de leur destinée.

Le sénateur LeBreton: Je posais la question parce que dans le cadre de notre étude, jusqu'à présent, beaucoup d'attention a été portée aux régions éloignées et rurales; je me dis que ce type de centre embauchant des infirmiers praticiens pourrait bien être la solution dont ces régions ont besoin.

Retournons lire le document de Jeff Simpson, dans lequel il parle du besoin d'inspiration en matière de soins de santé. «L'Alberta est votre balise», a-t-il écrit. Il parle aussi du courage de la loi 11 qui, bien entendu, est devenue tout un ballon politique.

Vos études observent-elles les répercussions de la loi 11? Quel effet a-t-elle sur les délibérations au cours desquelles vous tentez de trouver ces solutions?

M. Mazankowski: Je crois qu'il serait juste de dire que la plupart des témoignages entendus jusqu'à présent indiquent qu'elle n'a pas fait une grande différence.

Le sénateur LeBreton: Une différence positive ou négative?

M. Mazankowski: Peu importe. Ce qui était fait auparavant l'est encore aujourd'hui. Si quelque chose a changé, c'est plutôt que davantage de restrictions sont imposées.

Le sénateur LeBreton: Pouvez-vous élaborer?

M. Mazankowski: Eh bien, apparemment, le processus réglementaire est probablement plus lourd qu'auparavant. Je crois que c'est vraiment à cela qu'ils font référence.

Le sénateur Morin: Merci beaucoup, monsieur Mazankowski, d'être venu nous faire part de ce rapport extrêmement intéressant. Je crois que vous avez adopté la bonne approche en examinant toutes les options, en les étudiant puis en proposant une solution fondée sur les meilleures expériences à votre disposition.

Je crois que vous avez très bien résumé le problème. Je suis toujours surpris d'entendre des témoins affirmer, comme nous l'avons déjà fait, que notre système ne requiert aucun investissement additionnel. J'aimerais citer une phrase de votre rapport qui me semble très importante:

«Les demandes en soins de santé augmenteront et coûteront plus cher [...] non parce que les gens utilisent le système de manière frivole [...] mais parce que nous cherchons inlassablement de nouvelles connaissances, de nouveaux traitements [...]»

Je crois que vous avez vraiment tapé dans le mille. Comme vous le savez, beaucoup de pays, comme la Grande-Bretagne, la Suède et d'autres pays européens, songent à instaurer ce que nous appelons le «partage payeur-fournisseur». Vous avez fait allusion au fait qu'en ce moment, nous avons un seul payeur, un seul fournisseur et, comme vous l'avez mentionné, un seul évaluateur. Vous avez également considéré la possibilité d'avoir, par exemple, un seul payeur mais plusieurs fournisseurs, intégrant ainsi au système une notion de concurrence. J'aimerais, si cela est possible, que vous élaboriez là-dessus.

Enfin, monsieur le président, j'espère que le Conseil et notre comité auront d'autres occasions d'échanger de l'information. Je crois que ces deux entités examinent le même problème de deux angles différents. J'apprécie beaucoup votre présence ce matin.

M. Mazankowski: Votre hypothèse est exacte. Je crois que nous aimerions disposer de plusieurs fournisseurs. Nous aimerions instaurer un système centré davantage sur le patient au sein duquel ce dernier aurait une plus grande liberté de choix et les fournisseurs, une plus grande latitude.

Nous aimerions présenter un système sans différentiation, dans lequel l'argent suivrait le patient, plutôt que d'avoir à exploiter tous ces fonds à propos desquels tous doivent se chamailler pour recevoir leur part. C'est comme toute forme de règlement. Il est très difficile de réglementer et de raffiner avec un quelconque degré d'exactitude.

En vertu des mesures de remplacement, l'argent suivra le patient là où il obtiendra le meilleur service, la meilleure qualité et les meilleurs résultats. Nous croyons qu'en assouplissant le système et en permettant davantage d'innovation et de créativité, nous verrons naître toutes sortes de nouvelles approches qui pourraient s'avérer saines pour le système.

Le sénateur Keon: Votre présentation était vraiment très intéressante, monsieur Mazankowski. En fait, vous semblez inclure presque tous les systèmes de santé qui existent. J'aimerais revenir sur le point que le sénateur Morin a soulevé parce qu'il commande selon moi une grande réflexion et qu'il pourrait bien être la clé du débat et peut-être, par-dessus tout, la solution qui soulagerait l'anxiété que ressentent les citoyens canadiens lorsque nous modifions le système de soins de santé. Je crois que nombreux sont les Canadiens qui craignent de perdre leur «assurance universelle», pour ainsi dire, et d'avoir à faire face à des coûts catastrophiques pour se soigner.

Je crois que chacun d'entre nous doit réfléchir sérieusement sur l'idée de séparer l'assureur ou le payeur, ainsi que le fournisseur et l'évaluateur. J'étais également heureux de vous entendre rejeter le concept de compte d'épargne médicale, qui augmenterait la responsabilité de l'assureur. Cependant, quelle que soit la combinaison créée, qu'elle soit européenne ou autre, les gens seront assurés d'être couverts d'une façon ou d'une autre mais pourront en assumer une certaine part de responsabilité selon leurs moyens financiers. C'est alors que le dégroupement permettrait au système de glaner des économies auprès des fournisseurs. J'ai bien peur que nous soyons tombés dans un piège en créant des systèmes tellement imposants que nous ne savons pas comment les gérer une fois qu'ils sont en marche; cela pourrait nous sortir de certains de ces problèmes.

L'évaluateur est probablement l'élément le plus important de tous et je trouve intéressant que Marc Lalonde, dans un rapport qu'il a rédigé il y a plusieurs années, ait reconnu que pour qu'un programme universel de soins de santé porte fruit, il doit être créé selon la santé de la population, évaluer sans arrêt la santé de la population de la région, de la province ou du pays, selon l'échelle qui nous intéresse, et permettre la rétroaction appropriée et les ajustements nécessaires pour résoudre les problèmes découverts.

Je suggère donc, étant donné que nous avons déjà les régies régionales, que nous ajoutions le présent concept à celui des régies régionales; il pourrait à n'en pas douter être implanté sans trop de problèmes comparativement à certains des autres systèmes auxquels nous pensons.

Vous avez déjà répondu à la question du sénateur Morin en rapport avec le détachement de l'assureur et du fournisseur mais j'aimerais que vous élaboriez sur la provenance de l'évaluateur. S'agira-t-il d'un évaluateur de l'Alberta? D'un évaluateur indépendant? Signerez-vous un contrat avec une société canadienne, américaine ou peut-être même européenne pour qu'elle vienne évaluer vos diverses unités et vous donne ensuite l'information désirée? Auriez-vous la possibilité de changer d'évaluateur après quelques années s'il ne remplit pas son mandat, plutôt que d'être coincé avec une quelconque invention bureaucratique provinciale? Avez-vous eu le temps de réfléchir à cela, monsieur?

M. Mazankowski: Oui. Nous y avons pensé. Selon nous, deux facteurs requièrent une surveillance très étroite, en supposant, bien entendu, que nous obtiendrons le type de base de données nécessaire à leur évaluation. On ne peut mesurer des résultats sans données. C'est la première prémisse.

Nous savons que la Suède a fait le nécessaire en matière d'accessibilité. Nous vérifions en ce moment s'il serait possible de définir l'accessibilité aussi adéquatement, d'établir un ensemble de normes ou de donner de l'information dans un site Web en rapport avec le genre de listes d'attente qu'ont les divers corps médicaux et lesquelles sont les plus critiques.

Nous croyons sincèrement que pour aborder ce problème, nous devrons mettre un système en place pour surveiller ces données et les faire ressortir. Il pourrait s'agir d'un commissaire à la santé, d'un ombudsman de la santé ou d'un poste de cette nature; il en va de même pour la qualité et les résultats.

Nous étudions en ce moment divers mécanismes et ferons probablement quelques suggestions à cet égard. Nous caressons également l'idée d'invoquer un changement; nous n'envisageons aucune révolution mais plutôt un changement graduel, réalisé d'une façon pratique et pragmatique.

Il se pourrait que nous ayons besoin d'un commissaire à la santé, par exemple, pour superviser et exercer le processus et s'assurer qu'il va de l'avant mais aussi pour tenir en quelque sorte un rôle d'ombudsman au cas où quelqu'un tomberait entre les mailles du filet et se verrait refuser un service à cause des réformes. Ce serait pour un temps limité.

Nous n'avons pas encore songé à la structure, à la personne à qui il rendrait compte, à savoir si ce serait pour une période fixe et si le contrat serait donné en sous-traitance. Je crois, sénateur Keon, que nous avons besoin de deux choses pour que notre projet fonctionne. Il faut d'abord s'assurer qu'il progresse de façon juste et équitable et que personne ne subit les changements apportés ou tombe dans les mailles du filet. Puis, en fin de journée, nous devrons vérifier si les résultats obtenus sont positifs, négatifs ou neutres.

J'apprécie vos commentaires. Vous rencontrerez ici les PDG des régies régionales de la santé. Ils vous donneront une bonne idée de ce qui peut être fait en pratique pour faire avancer certaines des grandes questions entourant le concept «payeur- fournisseur» auxquelles nous faisons référence.

Le sénateur Keon: J'aimerais également savoir ce que vous pensez des systèmes d'information, puisque vous êtes très avancés comparativement à la majorité des autres régions du pays. Certains de vos collègues sont connus aux niveaux local et national pour leur participation à divers groupes de travail. J'ai moi-même consacré de nombreuses années à ces divers comités et j'ai l'impression que nous n'avons jamais été en mesure d'ériger le système parce que nous mettions l'emphase au mauvais endroit.

Nous avons discuté d'imposants systèmes bureaucratiques, ce qui soulève chez nos concitoyens toutes sortes d'interrogations face au respect des renseignements personnels et à d'autres questions connexes. Je crois qu'il faut aborder le problème de l'autre côté, de sorte que chaque citoyen du Canada possède sa carte santé, c'est-à-dire son dossier de santé, dont il sera responsable. Les technocrates pourront y intégrer les pare-feu nécessaires. Si les gens désirent protéger leurs renseignements personnels, ils n'auront qu'à emporter leur carte.

Avez-vous eu le temps d'y réfléchir et dans quelle voie vous engagez-vous en ce sens?

M. Mazankowski: L'Alberta fait du progrès en ce sens mais probablement pas aussi rapidement qu'il le faudrait. Nous discutons en ce moment de la nécessité d'une carte santé. Bien entendu, le type de renseignements auxquels cette carte pourrait accéder soulève une controverse. De toute évidence, nous avons besoin de ce type de système pour faire ce qu'il faut et ce à quoi on s'attend, comme la surveillance des résultats, l'accessibilité et les listes d'attente.

Nous serons très sincères sur l'avancement de ce point, puisqu'il constituera le noyau des questions abordées.

En ce qui a trait à la création de systèmes trop imposants, notre comité a vu de nombreux problèmes surgir du type d'exploitation à «commandement-contrôle» utilisé dans notre système de soins de santé. Comme je l'ai déjà dit, on ne peut tout réglementer à la perfection.

Je crois que cela explique en partie la pénurie de professionnels de la santé. Le système de commandement-contrôle nous a fait faux bond. Nous pensons l'assouplir, en le dégroupant et en permettant à l'esprit novateur et créateur des membres de la profession médicale, de ceux qui travaillent à son administration et de ceux qui souhaitent que le système fonctionne plus rondement de faire avancer les choses. Nous croyons que c'est là une merveilleuse occasion à saisir.

Le sénateur Roche: J'aimerais dire, monsieur le président, que M. Mazankowski a rendu au Canada et à l'Alberta depuis plusieurs années des services exceptionnels.

Le président: Absolument.

Le sénateur Roche: Je crois que nous sommes privilégiés qu'un homme tel que lui tienne ce rôle au sein du Conseil consultatif du premier ministre sur la santé.

Le dossier qu'il nous a présenté ce matin fut très clair et utile. J'aimerais élaborer brièvement sur quelques points.

Tout d'abord, je suis surpris d'apprendre qu'on prévoit que les dépenses de l'Alberta en matière de santé, qui absorbent actuellement le tiers du budget gouvernemental, en consommeront bientôt 50 p. 100; elles évinceront inévitablement d'autres programmes nécessaires comme l'éducation. Il faut faire quelque chose à ce sujet. Je m'inquiète que les sommes mises à la disposition de la santé semblent être si étroitement liées aux cours internationaux du pétrole et de l'essence. Je n'en fais qu'un commentaire marginal.

J'aimerais en venir au fait que Don Mazankowski affirme que le régime d'assurance-maladie ainsi que la vision que nous en avons devront changer. J'ai compris de cette affirmation qu'un mélange novateur de soins de santé de source publique et privée devra constituer une nouvelle caractéristique du régime d'assurance-maladie. Ai-je raison de dire que le système public ne dispose pas d'assez d'argent pour acquitter les frais croissants liés aux soins de santé du XXIe siècle, qu'il faudra trouver de nouvelles sources et qu'un investissement privé devra complémenter ce que nous avons toujours perçu, par le biais du régime d'assurance- maladie, comme un financement public?

M. Mazankowski: Théoriquement, le système public dispose probablement d'assez de fonds pour le financer. Il suffirait de lever un impôt. Nous portons attention à cette question mais quel est le chiffre magique? Est-ce 50 p. 100? 60 p. 100? Devrait-on l'établir à 30 ou 35 p. 100?

Nous croyons que le fardeau fiscal des Albertains et des Canadiens atteint presque le point de seuil et qu'il pourrait bien y avoir des façons plus économiques de procéder en expérimentant des nouveautés.

Nous ne croyons simplement pas que le fait d'allouer plus d'argent au problème donnera nécessairement de meilleurs soins de santé. Il y a des façons et des moyens d'obtenir de meilleurs résultats et une qualité supérieure et ce, d'une façon plus économique.

Nous affirmons que les Canadiens, ou les Albertains, doivent assumer une plus grande responsabilité face à leur propre santé en adoptant un style de vie plus sain; c'est la base même de tout ce que nous dirons. Il s'agit vraiment du premier principe. Les Albertains doivent assumer une plus grande responsabilité face à leur propre santé en termes de protection, de promotion, de prévention et d'adoption d'un style de vie plus sain; Santé et mieux-être Alberta doit certainement faire sa part en ce sens. Cela implique directement le système d'éducation. Voilà ce qu'il faut faire, d'abord et avant tout.

Deuxièmement, face aux progrès de la médecine et de la technologie, dont l'accès peut prolonger la vie et améliorer nos styles de vie mais à un coût très élevé, nous devons trouver des façons et des moyens d'offrir ce service et d'en acquitter les frais plutôt que de dire: «Voyez-vous, ce service est disponible mais nous n'avons pas d'argent pour le payer, alors vous ne pouvez pas en profiter».

Chaque juridiction est tenue de respecter un budget et rationne donc les services de santé en fonction de ce budget. Nous, en tant que groupe, disons ne pas aimer cette approche et demandons s'il existe d'autres façons de faire. Existe-t-il des façons et des moyens de trouver un nouvel équilibre pour la structure de paiement?

Peut-être le particulier pourrait-il assumer plus de responsabilités face à certains éléments que couvre le régime d'assurance-maladie, sous la définition «d'intégralité» mais nous élargissons alors la portée du régime. C'est là le genre de sujets que nous devons aborder. Il s'agit d'une combinaison.

On ne peut réparer un système simplement en tentant d'obtenir un meilleur coût-efficacité et en réduisant les frais administratifs. Parmi ceux qui ont évalué le système de soins de santé de leur province ou territoire respectif, certains ont suggéré cette approche comme solution. Nous ne la considérons pas comme la réponse au problème. Il ne s'agit pour nous qu'une partie de la solution. Nous voulons nous assurer d'obtenir une bonne valeur pour les dollars dépensés mais croyons qu'il faut aller plus loin que cela.

Le sénateur Roche: Votre remarque sur la plus grande responsabilité des gens face à leur propre santé est tout à fait juste. Nous l'avons déjà entendue et je crois que le comité est assez convaincu qu'il s'agit là d'un élément important pour notre avenir.

Toutefois, la question de responsabilité accrue soulève également la question des patients déboursant pour une certaine partie de leurs soins de santé. Nous abordons alors le controversé ticket modérateur. Je sens que vous hésitez à faire une déclaration finale sur le ticket modérateur.

Permettez-moi de faire appel à votre expérience politique et de vous demander ceci: si le ticket modérateur devenait nécessaire (ou tout autre instrument permettant de lever plus de fonds pour le système), comment pourrait-on politiquement vendre cette idée à un public sceptique? À votre avis, comment pourrait-on rendre un tel système plus agréable d'un point de vue politique?

M. Mazankowski: Monsieur le président, sénateur Roche, je ne suis pas politicien alors je ne vous donnerai pas de réponse politique mais plutôt mon point de vue personnel. Je n'aime pas le ticket modérateur. Je crois qu'il existe d'autres moyens plus efficaces d'arriver à nos fins. De temps à autre, nous relisons le dernier discours prononcé par Tommy Douglas au parlement, durant lequel il disait croire que les gens devaient payer une certaine somme pour soutenir le système de soins de santé. Il a toujours été supposé qu'une certaine forme de paiement serait fait et que ce dernier aurait du moins une incidence psychologique. Pour réellement revenir au fondement du système d'assurance-maladie, il suffit de lire le dernier discours de Tommy Douglas à la Chambre. J'ai en main la citation de 1961, si vous désirez que je vous la remette.

Ceci étant dit, les choses évoluent à un point tel que si nous voulons sauver le système (et notre groupe désire sauver le régime d'assurance-maladie; nous voulons sauver le système), nous devrons faire en sorte qu'il fonctionne. Nous croyons que beaucoup de gens craignent cette discussion continue sur la viabilité du système et sur sa possible disparition.

La plus grande crainte d'un bon nombre de gens, c'est d'ignorer s'ils disposeront d'un système de soins de santé lorsqu'ils en auront besoin. Cela indique le manque de confiance des gens face au système.

Nous aimerions tenter de résoudre ce problème. Nous aimerions présenter quelque chose qui offre une structure de viabilité, d'impartialité et d'équité et vous permette de recevoir le traitement le plus récent et de la plus grande qualité possible. Cependant, il est possible que nous devions en partager les coûts, ce qui serait également juste et équitable.

Nous n'en sommes pas encore pas là mais comme je l'ai dit plus tôt, nous ne serons peut-être pas énergiques mais nous serons différents. Je dois dire que notre rapport sera présenté au premier ministre et qu'il relèvera de lui et de ses collègues de décider si notre rapport est digne d'un examen ou de la poubelle.

Le conseil qu'il a mis sur pied est permanent. Nous avons été nommés pour une période de deux ans; après cette période, il pourra nommer de nouveaux membres, reconduire le mandat de certains membres actuels ou faire un mélange de ces deux options.

Nous avons pour mandat de rendre compte au premier ministre et de voir au-delà des questions qui nous occupent aujourd'hui. Nous devons voir au-delà de l'an 2005 ou 2010 pour savoir de quel genre de système nous aurons besoin pour répondre aux défis qui se pointent à l'horizon.

Le président: Pour revenir à votre histoire de Tommy Douglas, comme nous l'avons indiqué dans notre premier rapport, lors des premiers débats sur le régime d'assurance-maladie à Ottawa, il a été question de frais d'utilisation; pas de ticket modérateur mais de frais d'utilisation.

Nous avons toujours utilisé le terme «frais d'utilisation» parce qu'il signifie que le patient pourrait avoir à payer une part du système, comme le font déjà les Albertains, en passant. Vous parlez de «prime» mais elle fait partie des frais d'utilisation.

Le problème du ticket modérateur, comme vous l'avez bien identifié, c'est que le paiement effectué au moment où le service est rendu est très discutable pour plusieurs raisons. Cependant, la notion voulant que les patients fassent une contribution faisait certainement partie des débats fédéraux d'origine, au début des années 60. Je prendrai votre citation de Tommy Douglas, puisqu'elle me sera très utile dans bon nombre d'occasions. Je vous dirai que j'ai moi-même trouvé une citation de Tom Kent, du clan libéral, qui était tout aussi efficace selon moi.

M. Mazankowski: De bons amis du NPD ont fait cette recherche pour moi.

Le sénateur Pépin: Monsieur Mazankowski, c'est toujours un plaisir de vous rencontrer.

Je viens du Québec, qui subit une très importante pénurie d'infirmiers. Lors de nos voyages de part et d'autre du pays, nous avons appris que beaucoup d'infirmiers viennent travailler ici, en Alberta. Vous devez offrir de bonnes conditions de travail. Cette province a certainement quelque chose de spécial.

Dans votre étude ou votre approche, comment voyez-vous le travail des infirmiers qui livrent les soins de santé? Les percevez-vous comme des praticiens, des partenaires, des équipiers ou des employés de bureau? Je pose la question parce que vous avez mentionné que vous souhaitiez établir un partenariat entre l'utilisateur et le fournisseur. Je ne sais pas si vous avez eu le temps de penser à la profession infirmière.

M. Mazankowski: Oui, nous l'avons fait. Nous les percevons d'un 9il plutôt professionnel. Il faudra surmonter les quelques questions qui divisent les médecins et les infirmiers quant à leur accord de travail; nous aimerions certainement qu'elles soient résolues. Nous aborderons ce sujet.

Le sénateur Pépin: Seriez-vous en mesure de faire la médiation du processus?

M. Mazankowski: Absolument et nous distinguons ici une possibilité de partenariat entre les diverses professions médicales qui permettrait d'offrir une grande variété de services au sein d'entreprises établies. Nous avons assisté à d'excellentes présentations de la profession infirmière, de même que des médecins; les deux professions sont fondamentalement d'accord. Cependant, pour une raison ou une autre, elles ont eu du mal à se rencontrer pour résoudre le problème. Quelqu'un devra s'en charger.

En ce qui a trait à la pénurie des infirmiers, je répète qu'il s'agit d'après moi d'un produit de notre système de commandement-contrôle. Nous essayons de prédire ce dont les gens auront besoin mais n'y arrivons pas très bien.

Le sénateur Pépin: Je surveillerai la parution du rapport.

Le président: Merci beaucoup d'avoir pris le temps de nous rencontrer. En conclusion, pour revenir au commentaire du sénateur Morin, je crois qu'une réunion non officielle entre certains de vos collègues et quelques membres de ce comité pourrait être très utile. Vous et moi pourrions discuter bientôt de la façon de faire.

Chers collègues, notre prochain témoin est l'honorable Edward Picco, ministre de la Santé et des Services sociaux pour le territoire du Nunavut.

Merci beaucoup de votre présence, monsieur Picco. Je sais que l'ordre du jour d'origine vous présentait en même temps que M. Mazankowski. Cependant, nous avons toujours accordé aux ministres le privilège de témoigner de façon individuelle.

Nous sommes ravis de vous compter parmi nous. Je sais que vous nous avez remis un document. Si vous voulez bien passer à votre déclaration préliminaire, nous serons ensuite heureux de vous poser quelques questions.

Soit dit en passant, je vous remercie d'être venu d'aussi loin qu'Iqaluit. Nous apprécions votre présence.

L'honorable Edward Picco, ministre de la Santé et des Services sociaux (Nunavut): Monsieur le président, je crois qu'il est important de présenter aujourd'hui à ce comité sénatorial permanent certaines statistiques très effrayantes ainsi que des perspectives très perturbantes sur les soins de santé et la prestation des services de santé dont bénéficie la région septentrionale du Canada et les populations autochtones du Canada rural.

Je crois que M. Mazankowski a vraiment tapé dans le mille lorsqu'il a dit que l'état de santé des gens dépend en général de leur statut socio-économique. Ce dernier constitue le déterminant majeur de la santé et je crois que le Nunavut en est une excellente preuve.

Monsieur le président, je suis très heureux de comparaître aujourd'hui devant le comité à titre de ministre de la Santé ayant les plus longs états de service au Canada, provinces et territoires confondus. J'ai eu l'occasion unique d'assister aux débats du TCSPS, et cetera.

J'aimerais d'abord vous présenter l'état de santé du peuple du Nunavut. Il est très faible comparativement à celui du reste du Canada. Environ 85 p. 100 de notre population est inuite, ce qui fait du Nunavut la seule juridiction au pays qui s'efforce de satisfaire les besoins urgents de santé d'une population essentiellement autochtone.

Ensuite, le contexte entourant la prestation de services de santé fait face à plusieurs problèmes dans le Nord canadien; les problèmes touchent d'abord nos enfants. L'image que nous en avons est très choquante et troublante. Il y a plusieurs semaines, le National Post, The Globe and Mail et CBC Newsworld ont couvert une étude réalisée récemment par la Dre Anna Banerji du B.C. Children's Hospital sur les enfants inuits de l'île de Baffin, où j'habite.

Ce rapport inquiétant indique que sur 1 000 enfants de l'île de Baffin admis à l'hôpital, plus de 484 sont atteints d'une infection pulmonaire. Ce nombre est 50 fois supérieur à la moyenne nationale canadienne, qui est de 10 admissions. À vrai dire, très peu de pays en développement, de pays du tiers monde, s'approchent d'un tel statut.

Notre pays ne connaît pas bien cette situation, ce qui est inacceptable. Notre taux de fumeurs est le plus élevé au pays et il est particulièrement inquiétant chez nos jeunes, qui développent une accoutumance à vie. Sept jeunes de 19 ans sur dix fument.

Le taux de chômage au Nunavut dépasse les 20 p. 100, comparativement au taux annuel canadien de 8 p. 100. Le revenu annuel moyen de 85 p. 100 de notre population se situe bien en dessous de la moyenne canadienne. Cela nous ramène encore aux propos de M. Mazankowski sur les facteurs socio-économiques et les déterminants de la santé.

Monsieur le président, je crois qu'il est aussi important de souligner le surpeuplement du Nunavut causé par notre situation du logement. Je suis également le ministre responsable du phénomène des sans-abri. Au Nunavut, lorsqu'on parle de sans-abri, on utilise deux termes, soit «absence de logement relative» et «absence de logement absolue».

L'absence de logement absolue fait référence aux gens qui arpentent les rues de vos grandes villes. L'absence de logement relative illustre plutôt ce qui se passe au Nunavut lorsque 22 personnes habitant une maison de deux chambres doivent dormir dans un placard, sur le plancher ou, chacun leur tour, sur un matelas de mousse.

Si vous vivez dans un tel milieu, monsieur le président, que vous avez le rhume, la grippe ou une pneumonie et que vous ne mangez pas à votre faim, il est bien évident que votre état de santé se détériore. C'est ce qui se produit actuellement au Canada.

Bien que j'aie apprécié certains des commentaires entendus plus tôt ce matin, et après avoir eu l'occasion de lire votre rapport, je crois que nous devons réellement refaire le point à une échelle nationale sur la façon dont nous abordons les dépenses de santé, surtout dans les régions au nord, au Labrador et dans les régions rurales du pays.

Comme vous l'avez indiqué dans votre rapport provisoire, monsieur le président, le peuple autochtone convient d'un concept large de la santé qui couvre non seulement l'aspect spirituel mais également physique, mental et émotionnel de l'individu. Les milieux social, culturel, physique, économique et politique des gens influencent également leur état de santé. Je crois que c'est ce que nous essayons de dire aujourd'hui.

Monsieur le président, nous devons rehausser notre condition sociale, investir dans la santé et offrir des soins de santé de niveaux acceptables, comparables à ceux qui sont offerts aux Canadiens qui habitent d'autres régions du pays.

M. Mazankowski a parlé d'accessibilité. Si vous habitez le centre-ville d'Edmonton ou d'Ottawa, vous n'arriverez peut-être pas à décider si vous voulez consulter le Dr A, le Dr B ou le Dr C. Cette situation semble très étrange lorsque vous habitez le nord du Canada et que vous n'avez pas ce choix. Vous n'avez le choix que de consulter un infirmier et n'avez la possibilité de consulter un médecin qu'aux trois ou quatre mois. Je pense toutefois que nous pouvons être optimistes, monsieur le président.

J'aimerais parler un peu du coût des soins de santé. M. Mazankowski a abordé le sujet plus tôt. Les réunions auxquelles j'ai participé en tant que ministre de la Santé ont toujours fini par parler des coûts.

Le coût des soins de santé au Nunavut est extrêmement élevé. Nous offrons des services à environ 30 000 personnes qui occupent le cinquième de la masse continentale du Canada. Le Nunavut traverse trois fuseaux horaires, comme vous le savez, monsieur le président. L'éloignement et l'immensité du territoire ont d'importantes répercussions sur le coût de nos soins de santé. Nous disposons d'un système de soins de santé très complexe, qui est offert dans les trois langues officielles: l'anglais, le français et l'inuktitut.

Une grande partie de nos soins de courte durée sont offerts dans les villes situées plus au sud. Un réseau de foyers permet à nos patients de recevoir des soins dans le sud. Par exemple, ici même à Edmonton, je crois que 70 patients reçoivent aujourd'hui des soins du réseau de services de santé d'Edmonton. Nous exploitons également des foyers à Churchill, à Winnipeg, à Montréal, à Yellowknife, à Iqaluit et à Ottawa.

Les foyers au sud doivent offrir un moyen de transport, un service de traduction et des repas traditionnels aux gens qui font le voyage. Laissez-moi vous donner un exemple. Une personne d'ici - une mère ou un père par exemple - aimerait-elle envoyer sa fille de Montréal, disons à Edmonton, à plus de 3 200 km, seule, alors qu'elle n'est âgée que de 18 ans et qu'elle va accoucher de son premier enfant? Aimeriez-vous avoir à faire cela? Non, vous n'aimeriez pas.

Dans le Nord, nous devons envoyer nos enfants à plus de 3 200 km, parfois sans les accompagner, pour qu'ils reçoivent des soins de santé à Toronto, à Ottawa ou à Edmonton. À Edmonton, où nous sommes aujourd'hui, certains patients ont voyagé pendant deux jours en provenance de communautés de 300, 400 ou 500 habitants dont la langue maternelle n'est pas l'anglais.

Nous ne disposons que d'un seul hôpital dans tout le Nunavut - un seul. Il a été construit il y a 40 ans. Je parle avec véhémence de cette question, parce que j'habite le Nunavut depuis 20 ans. Ma femme est originaire du Nunavut. Mes trois enfants y sont nés. Ils parlent la langue de ce peuple. Certaines des choses dont nous sommes témoins sont inacceptables et, bien entendu, en tant que politicien - puisque vous êtes en quelque sorte familiers avec la politique - vous savez qu'il faut faire quelque chose.

Cette situation est très troublante. Permettez-moi d'en faire un parallèle. Pour quelqu'un qui part, disons, d'Igloolik, une communauté éloignée située à l'ouest de l'île de Baffin, pour se rendre à Ottawa, l'expérience est la même que pour vous qui auriez à vous rendre au Japon pour recevoir des soins de santé. À votre arrivée au Japon, vous êtes au sein d'une culture étrangère. Vous êtes incapable de lire ou de comprendre la langue. La télévision est en japonais; les journaux sont en japonais.

Vous ne savez pas nécessairement quoi faire, où aller, et vous êtes malade. Vous êtes à cet endroit pour recevoir une chimiothérapie ou une radiothérapie, et cetera. Aussi inconfortable que cela puisse être, l'expérience serait probablement encore plus difficile pour une personne inuite dont la langue maternelle n'est ni le français ni l'anglais.

Par exemple, vous arrivez à Edmonton, à Ottawa ou à Montréal. Imaginez-vous malade au lit, recevant une chimiothérapie et ayant perdu tous vos cheveux. Pendant peut-être deux heures par jour, quelqu'un qui parle votre langue vous rend visite, discute avec vous et demande si vous désirez un verre d'eau ou autre chose. Par contre, après sa visite, vous êtes seul. Vous rétablirez-vous très rapidement?

Vous êtes à plus de 3 200 km de chez vous et nous ne pouvons nous permettre, monsieur le président, de faire voler un membre de votre famille avec vous. Ce qui se passe habituellement, si vous êtes unilingue, c'est que nous faisons voyager avec vous une escorte qui peut très bien ne pas être votre épouse, puisqu'elle ne parle peut-être pas l'anglais. Ce pourrait être un enfant, un ami ou un voisin.

Les voyages pour soins médicaux vers des centres spécialisés du sud occasionnent à eux seuls des coûts d'environ 1 000 $ par habitant, par année. Ces voyages coûtent maintenant environ 30 millions de dollars par année, ce qui représente près du cinquième des dépenses totales de mon ministère (environ 150 millions de dollars).

Parce que nous sommes éloignés, les coûts sont particulièrement élevés dans le cas d'évacuations sanitaires d'urgence. Par exemple, quand quelqu'un est blessé dans un accident survenu dans une communauté éloignée et qu'il requiert des soins hospitaliers, il est envoyé sur un vol d'évacuation médicale; ce seul vol peut coûter entre 12 000 $ et 25 000 $. Dans le cas d'un accouchement prématuré d'une femme qui habite une petite communauté, nous devons envoyer un avion la chercher. Bien entendu, dans cet avion doivent se trouver un infirmier et d'autres personnes pour l'assister. Le tout est très dispendieux.

À l'heure actuelle, les coûts grimpent à cause des salaires. Les coûts de recrutement, de maintien de l'effectif, des salaires, des avantages sociaux, d'hébergement et de transport sont plus élevés au Nunavut que partout ailleurs au Canada. Les infirmiers offrent des soins de santé primaires dans 90 p. 100 de nos communautés.

Par conséquent, si vous tombez malade dans l'une de nos communautés autre qu'Iqaluit, le premier professionnel médical que vous rencontrerez sera un infirmier. Ces infirmiers pratiquent dans des communautés très éloignées, dont plusieurs n'ont ni ordinateur ni connexion Internet.

Ces infirmiers ont une lourde charge de travail et assument d'importantes responsabilités. Ils doivent être en mesure de poser un diagnostic, de traiter le patient, de prescrire une médication et de surveiller les grands malades. Le coût d'une visite chez un infirmier du Nunavut est, bien entendu, beaucoup plus élevé qu'une visite chez un médecin du sud.

Nous avons fait plusieurs efforts pour changer le système de soins de santé au cours des deux ans et demi qui ont suivi la création du Nunavut. Nous venons de mettre sur pied un dispendieux supplément au marché du travail en vue de soutenir le recrutement mais même ce geste entraîne des résultats limités. Je ne peux trouver au Canada des professionnels de la santé qui veulent travailler au Nunavut.

Je recrute présentement des infirmiers australiens. L'an dernier, j'en ai recruté 12; je compte en recruter environ 22 cette année, parce que j'ai besoin d'un nombre indéterminé d'infirmiers qui travailleront au sein d'une communauté pour une période de deux ou trois ans. Aux infirmiers canadiens qui veulent travailler au Nunavut, j'offre une prime de 24 000 $ à la signature de la convention en plus d'un salaire minimum situé entre 60 000 $ et 80 000 $ canadiens. Je n'arrive tout de même pas à en trouver un nombre suffisant.

Le sénateur Morin: Le sénateur Pépin est certainement au courant. Elle est infirmière.

M. Picco: Oui. J'ai toujours de la difficulté à engager ces professionnels de la santé. Le maintien de l'effectif est une question qui revient sans cesse à l'ordre du jour. Le roulement et la réinstallation du personnel s'ajoutent au coût de base des intrants pour la prestation des services; la situation ne peut que s'aggraver face à la pénurie d'infirmiers que connaissent le pays et le monde.

Plusieurs communautés sont également aux prises avec une infrastructure sanitaire très vieille et désuète. Par exemple, comme je l'ai dit plus tôt, le seul hôpital que compte notre territoire est situé à Iqaluit. Il a presque 40 ans et est devenu désuet.

Cela signifie, monsieur le président - et notre collègue, le sénateur Pépin, le comprendra - que les couloirs et les corridors ne sont pas assez larges pour accueillir les nouvelles civières roulantes et les civières d'hôpitaux que l'on utilise de nos jours.

Je ne peux utiliser l'équipement intraveineux moderne parce que les corridors de l'hôpital ne peuvent l'accueillir. Même les fournitures et les services de soutien des soins font augmenter les coûts de façon significative. Beaucoup d'articles utilisés dans le Nord sont deux fois plus dispendieux que dans le Sud.

Le système actuel fait également face à d'autres tensions de coûts avec l'accroissement démographique. Notre taux de natalité est le plus élevé du pays. À mesure que la population prend de l'âge, il est évident que la prestation de services fait face à davantage de tensions.

Monsieur le président, je crois que le système de soins de santé au Nunavut ne peut subsister avec le niveau de financement actuel. Depuis qu'on nous a confié le soin de gouverner notre territoire, je crois que le gouvernement du Nunavut a fait preuve d'un engagement sérieux envers la gestion budgétaire.

Cependant, monsieur le président, le Nunavut requiert des considérations fiscales uniques ainsi qu'un partenariat créatif continu avec le gouvernement fédéral pour parvenir à ses fins.

Les Canadiens comptent sur nos gouvernements pour leur offrir des soins de santé et il est très important que les systèmes du Canada continuent d'offrir des soins de santé à palier unique, subventionnés par l'État, afin que tous bénéficient d'un accès équitable et juste aux soins de santé; je crois qu'il s'agit là, monsieur le président, de l'élément clé de cette discussion. Les gens ne devraient pas bénéficier d'un meilleur accès sous prétexte qu'ils sont riches, éduqués ou citadins.

Monsieur le président, nombre de Canadiens, comme M. Mazankowski l'a déjà dit dans le sillage de Tommy Douglas, croient que l'assurance-maladie est un droit de naissance et que tous les gouvernements doivent partager collectivement la responsabilité quant à la prestation des soins de santé.

Le gouvernement du Nunavut a pris des mesures dynamiques pour rehausser l'efficacité et la qualité de ses services tout en rationalisant le système. Nous avons implanté des mesures de contrôle de la qualité qui n'existaient pas auparavant. Nous avons dissout trois conseils sur la santé pour éliminer toute bureaucratie et tout chevauchement.

L'Arctique de l'Ouest avait un conseil de la santé qui tentait d'engager des infirmiers. L'Arctique de l'Est avait également un conseil de la santé qui tentait d'engager des infirmiers et qui faisait ainsi concurrence à l'autre conseil. Nous avons éliminé les deux conseils, ce qui nous a valu quelques pertes politiques.

Nous sommes en train de développer des services communautaires, plusieurs en collaboration avec le gouvernement fédéral, qui augmenteront les capacités communautaires dans des secteurs importants comme les soins à domicile. Nous tentons également d'établir une infrastructure instamment nécessaire. L'approbation récente d'une proposition de PPICS offrira la télésanté à 10 autres communautés éloignées du Nunavut. J'ai récemment signé une entente de télémédecine avec la Nouvelle-Galles du Sud, un état australien. Nous avons également signé une entente de télésanté avec les gouvernements de Terre-Neuve et du Labrador.

Le gouvernement fédéral déploiera bientôt un programme de soins de santé primaires de Santé Canada. Nous offrons depuis des années des soins de santé primaires ainsi qu'une réforme des soins de santé; nous pourrions développer ce modèle pour offrir des soins de santé intégrés, communautaires et efficaces. Le Nunavut travaille également avec le gouvernement fédéral et les autres territoires à l'établissement d'une structure de bien-être qui impliquera les Inuits et les Premières nations au niveau des questions de planification sanitaire.

Monsieur le président, nous avons un problème. L'état de santé actuel du peuple inuit est inacceptable. Vous avez vous-même parlé d'une «honte nationale». Des mesures doivent être prises pour enrayer cette honte nationale. Nous ne pouvons régler le problème seuls et devons maintenant demander ce que nous pouvons faire pour l'enrayer. Le gouvernement fédéral bénéficie d'une relation spéciale de longue durée avec le peuple inuit.

Nous croyons que le gouvernement fédéral a des responsabilités d'ordre fiscal, historique et constitutionnel face aux peuples autochtones du Canada. Ces peuples incluent bien entendu les Inuits du Nunavut.

Monsieur le président, j'ai aussi mentionné que les Inuits s'attendent à recevoir des soins de santé comparables à ceux que reçoivent les autres Canadiens. Pour leur offrir ce niveau de soins, nous avons besoin des ressources du gouvernement du Canada. Nous suggérons fortement que le gouvernement du Canada accepte et s'acquitte de sa responsabilité auprès des 85 p. 100 de la population du Nunavut qui est composée d'Inuits.

En échange, nous sommes disposés et avides de travailler en collaboration avec le gouvernement du Canada afin de s'attaquer aux problèmes du Nunavut en matière de soins de santé. À ceux qui diront, monsieur le président, que nous faisons déjà beaucoup et dépensons déjà trop pour le Nord canadien, je rappellerai que les sommes que le gouvernement fédéral et le Nunavut dépensent maintenant et que les gestes que nous posons actuellement ne sont pas suffisants; les statistiques le montrent très clairement.

Les statistiques déplorables sur la santé se passent de commentaires. Si vous me permettez, monsieur le président - je sais qu'il se fait tard - j'aimerais faire un survol des données sur notre état de santé. Je crois qu'elles devraient être jointes à votre rapport. Je crois que vous les avez en main.

À titre d'exemple, vous verrez en page 4, sous «maladies transmissibles», les taux de tuberculose. Vous constaterez que le taux annuel moyen d'infection tuberculeuse au Nunavut est de 92 cas sur 100 000. Le taux national du Canada est de 6,6 cas. Le taux du Nunavut est plus de 13 fois supérieur à celui du Canada et a tendance à augmenter. J'ai récemment lu un article dans le Globe and Mail qui parlait d'un cas de tuberculose quelque part à Don Mills, que le ministère ontarien de la Santé cherchait par tous les moyens à isoler, et cetera. Nous diagnostiquons chaque jour des cas de tuberculose au Nunavut. Ce n'est pas acceptable. J'ai dû y affecter de nouvelles ressources ainsi qu'un infirmier spécialisé.

Si vous lisez plus loin, vous verrez une section consacrée à la consommation abusive d'alcools et autres drogues et à l'accoutumance, qui constituent deux défis sanitaires pour les Canadiens autochtones. Ce n'est pas un graphique mais plutôt quelques statistiques. Le Nunavut ne dispose d'aucun centre de désintoxication. Nous n'avons pas accès au programme de traitement de la toxicomanie de Santé Canada ni aux services de santé mentale des SSNA.

En page 8, vous lirez «Le diabète en Alaska». Pourquoi parlons-nous de l'Alaska? C'est que les Inuits de l'Alaska ont un héritage génétique similaire mais une plus grande expérience du style de vie occidental que nous, du Grand Nord canadien.

La prévalence de diabète chez les Inuits d'Alaska a presque triplé en 15 ans, partant d'un taux nul et atteignant presque le taux national, sans signe de diminution. Monsieur le président, nous commençons à percevoir une tendance troublante en matière de diabète chez la population autochtone du Nord canadien.

Monsieur le président, si vous passez à la page 12 - et je suis désolé de ne pas avoir numéroté les pages - j'aimerais porter à votre attention une dernière diapositive, sur les enfants en traitement.

Environ 1,9 p. 100 des jeunes du Nunavut sont en traitement. Dans l'ensemble du Canada, le taux n'est que de 0,67 p. 100. Notre taux est presque trois fois celui du reste du Canada et nous développons encore des réseaux de soutien à la communauté et d'autres alternatives.

La page suivante discute de violence familiale et du nombre d'admissions dans les refuges. Le Nunavut détient le taux d'admissions en refuge le plus élevé au Canada, soit 66 sur 1 000 femmes. Le taux n'est que de 4 sur 1 000 au Canada. Notre taux est 16 fois plus élevé que la moyenne nationale. Notre taux d'admission chez les enfants, monsieur le président, est de 54 sur 1 000, soit neuf fois le taux national.

Monsieur le président, je tenais beaucoup à venir à Edmonton aujourd'hui. J'ai quitté Ottawa hier, où j'avais des réunions avec plusieurs de nos partenaires fédéraux et des ministres sur certaines exigences de l'infrastructure pour le Nunavut.

Je retournerai à Ottawa cet après-midi puis rentrerai au Nunavut. Le voyage pour venir ici dure deux jours. Je crois qu'il méritait d'être fait, puisqu'il m'a permis d'expliquer au comité certains des problèmes auxquels nous faisons face et, je l'espère, de répondre à certaines de vos questions sur l'information que vous avez reçue aujourd'hui.

Le président: Merci de votre témoignage qui fut, c'est le moins qu'on puisse dire, réaliste et très émouvant.

J'oserais vous demander de clarifier un point qui a traversé l'esprit de plusieurs d'entre nous. L'une de vos recommandations stipule:

Qu'il y ait consolidation et intégration de la pléthore de programmes fédéraux qu'offrent présentement plusieurs ministères fédéraux de sorte qu'un objectif commun et qu'une masse critique de ressources puissent réellement faire une différence.
J'ai deux questions: pouvez-vous d'abord m'indiquer de quels programmes vous parlez? Deuxièmement, nous avons demandé à un témoin hier, je crois que c'était à propos des problèmes des Premières nations habitant au sud du 60e parallèle, s'il serait sensé de transférer les questions de santé des Autochtones dont traite le ministère de la Santé au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Que dites-vous de cette idée?

M. Picco: J'ai rencontré M. Nault, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, il y a deux jours. Nous n'en avons pas discuté. C'est toutefois à cela que nous tentons de faire allusion. Santé Canada offre plusieurs programmes destinés aux Autochtones canadiens. Je pourrais vous donner un exemple impliquant le TCSPS. Nous avons signé avec le TCSPS - et j'y étais - une entente de financement supplémentaire de 4,2 milliards de dollars mais quand le Nunavut extrapole les chiffres, il n'obtient que 1,3 million de dollars.

Comme 85 p. 100 de notre population est inuite, nous pigeons dans la même caisse que les Premières nations, dont l'argent est consacré en majeure partie aux Amérindiens (qu'ils vivent ou non dans une réserve), non aux Inuits qui habitent au nord du 60e parallèle.

Le financement que nous recevons du gouvernement fédéral constitue un montant forfaitaire parce que nous vivons dans un territoire. Il nous donne 530 millions de dollars. En plus de cela, nous avons d'autres ententes. Par exemple, du SSNA, c'est-à-dire du Programme des services de santé non assurés que le gouvernement utilise pour acquitter les frais de santé des Autochtones, un programme régi par Santé Canada, je reçois 10,8 millions de dollars destinés aux services offerts dans les hôpitaux et par les médecins.

Il m'en coûte 17 millions de dollars pour exploiter l'hôpital du Nunavut. La pléthore de programmes qu'offre un ministère, puis un autre, les frais d'administration, et cetera, font qu'il m'est très difficile de savoir comment accéder à tous les programmes. Je ne sais pas si ma réponse éclaire votre lanterne.

Le président: Ce que vous dites a beaucoup de sens.

Le sénateur Morin: Comme nous l'avons déjà mentionné, le comité aborde souvent cette question. Il ne fait aucun doute que la santé des Autochtones est notre priorité. Je crois personnellement que le Canada sera jugé en fonction de la façon dont il résoudra cet horrible problème. Il ne sévit pas au tiers monde mais bien dans notre propre cour. J'aimerais vous poser une question à laquelle il ne sera pas facile de répondre; je crois que vous avez fait allusion, avec raison, aux déterminants de la santé, un point important.

Supposons que, pour améliorer l'état de santé des 30 000 citoyens du Nunavut, nous vous donnions 1 milliard de dollars que vous devriez choisir d'investir dans les déterminants sociologiques et économiques, dont l'éducation - vous ne pourriez l'investir dans les deux secteurs - ou dans l'amélioration des services de santé en construisant un nouvel hôpital et en recrutant du personnel. Que feriez-vous? Je sais que le choix n'est pas facile mais vous ne pouvez choisir les deux options.

M. Picco: Si je prenais place dans mon siège de ministre, je pourrais dire qu'il s'agit là d'une question hypothétique à laquelle je n'ai pas à répondre et je serais rappelé au règlement. Toutefois, comme nous ne sommes pas dans cette situation formelle, je tenterai de répondre à votre question. J'aurais tendance à répondre, monsieur le sénateur, qu'en tant que ministre de la Santé et des Services sociaux et ministre responsable du phénomène des sans-abri, j'investirais cette somme dans le logement.

En 1993, le gouvernement fédéral s'est retiré de la question du logement social qui touchait les communautés rurales et autochtones et le Nord canadien. Pour illustrer mon point, je vous dirai que je visitais dernièrement une communauté appelée Pond Inlet. On y retrouve plus de 500 étudiants âgés de 6 à 16 ans. Dans 10 ans, ils obtiendront leur diplôme. Où trouverons-nous 500 maisons, 250 maisons ou même 100 maisons à Pond Inlet pour ces étudiants? Il en va de même pour chaque communauté du Nunavut.

Depuis que le gouvernement fédéral a cessé de construire des logements sociaux, nous avons pris du retard. Quand 15 ou 18 personnes habitent une maison de trois chambres à coucher, on assiste à de la violence familiale, à la propagation de la tuberculose, et cetera.

Monsieur le président, si je peux me permettre l'audace de le dire, à titre de ministre de la Santé ayant les plus longs états de service au pays, je crois que nous avons laissé passer l'essentiel. Je crois que M. Mazankowski a frappé dans le mille en disant qu'il fallait se concentrer sur le côté préventif de la médecine, ce que vous venez exactement de dire, sénateur Morin.

Par exemple, les Autochtones ne représentent que 10 ou 12 p. 100 de la population canadienne, si je ne me trompe, alors qu'ils occasionnent 35 ou 40 p. 100 des coûts de santé. Le gouvernement fédéral et les provinces pourraient réinvestir dans ces communautés et commencer à construire des logements salubres. Lorsque vous construisez une maison dans une communauté, vous créez également un emploi, puisque quelqu'un doit bâtir cette maison.

Déplacerez-vous 15 hommes de Terre-Neuve pour bâtir une maison à Pond Inlet ou engagerez-vous des travailleurs de la communauté? Vous créerez alors une possibilité économique, formerez quelqu'un dans un métier et fournirez une maison. C'est dans ce secteur qu'il faut réinvestir, monsieur le président.

Le sénateur LeBreton: Je dois dire que c'était là une présentation très convaincante. Quand nous parlons de «désastre national», c'est que nous comprenons le problème. J'aimerais discuter d'un autre point mais en ce qui concerne le logement, si vous commenciez dès maintenant à développer un chemin critique, comment arriveriez-vous au point où des installations seraient bien réelles dans le Nord? Je pense, comme vous l'avez mentionné, à cette jeune femme de 18 ans que l'on envoie à 3 200 km pour accoucher. Je ne peux me l'imaginer.

Comment suivrez-vous alors un chemin critique qui permettrait d'établir des installations et d'utiliser la télésanté plus efficacement? Je suppose qu'il s'agit là de la question hypothétique type mais qu'est-ce qui suivra? Comment ferez-vous construire les hôpitaux qui pourront accueillir ces civières roulantes et ces nouveautés technologiques? Aurez-vous besoin d'autre chose que de l'argent?

M. Picco: J'aimerais pouvoir passer plus de temps avec vous aujourd'hui. J'inviterais formellement le comité à se rendre au Nunavut pour tenir une audience hors des centres urbains du Sud canadien. Je crois que ce serait une expérience révélatrice. Nous tentons actuellement de renouveler notre infrastructure fédérale et je ne désire pas retourner en 1988, alors que le gouvernement fédéral transférait la responsabilité des soins de santé aux territoires. À cette époque, la construction de nouvelles installations faisait partie de cette responsabilité.

L'hôpital d'Iqaluit, par exemple, a été construit en 1962, alors qu'Iqaluit comptait 980 citoyens; il desservait également la population de l'île de Baffin, soit 3 280 citoyens. La population d'Iqaluit s'élève aujourd'hui à 6 200 personnes; celle de l'île de Baffin, à près de 20 000 personnes. C'est le seul hôpital dont l'ensemble du territoire dispose. Nous essayons de le reconstruire, au coût de 30 à 40 millions de dollars.

J'ai rencontré mon partenaire fédéral à plusieurs reprises pour trouver les ressources nécessaires à ce projet. D'un autre côté, si nous disposions d'un hôpital régional, d'un petit pavillon hospitalier à Rankin Inlet et à Cambridge Bay, je pourrais économiser environ 40 p. 100 sur les dépenses de voyage pour soins médicaux. Tout juste au nord de Winnipeg se trouve une communauté appelée Rankin Inlet. Elle constitue le centre régional de huit ou neuf de nos communautés.

Chaque patiente de cette communauté qui est prête à accoucher doit se rendre à Winnipeg. Dans l'Arctique de l'Ouest, tout juste au nord d'Edmonton, les patients doivent se rendre à Yellowknife ou à Edmonton. Si nous pouvions avoir un petit pavillon hospitalier pour mettre les bébés au monde, pratiquer des amygdalectomies, et cetera, j'économiserais environ 40 p. 100 sur ces coûts de santé mais j'ai besoin d'argent pour construire ces bâtiments.

Nous croyons qu'il nous faudrait environ 100 millions de dollars pour vraiment faire quelque chose de l'hôpital de Baffin, le remplacer et bâtir deux pavillons hospitaliers à Rankin et à Cambridge Bay. La chance ne nous a pas souris pour l'obtention des fonds nécessaires. Nous essayons encore.

Le sénateur LeBreton: J'ai trouvé intéressant, quand nous parlions d'infirmiers et d'infirmiers praticiens, de vous entendre dire que vous vous tourniez vers l'Australie pour recruter des infirmiers, parce que lors d'une téléconférence avec l'Australie, nous avons appris qu'ils étaient aux prises avec une situation semblable. Leur système de soins de santé est très similaire au nôtre et ils vivent là-bas un désastre semblable avec leurs Autochtones. Je serais curieuse de savoir si les infirmiers que vous recrutez en Australie ont déjà travaillé avec la population autochtone australienne. Est-ce ces infirmiers que vous tentez de recruter? Et pourquoi l'Australie?

M. Picco: Je me tournerais vers les Philippines s'il le fallait. Je me tournerais vers n'importe quel pays pour embaucher du personnel; j'irai là où il se trouve. Nous connaissons une pénurie pandémique d'infirmiers au Canada et en Amérique du Nord. Si je me tourne vers St. John's pour recruter, je me bute contre le Connecticut et le Rhode Island. Edmonton fait concurrence à la Californie. Le problème est d'envergure nationale. C'est pourquoi, lors des réunions des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux, nous considérons une stratégie nationale pour l'approvisionnement en ressources humaines.

Nous nous tournons vers l'Australie parce que ce pays est familier avec les peuples autochtones. Ces gens travaillent également dans l'arrière-pays et comme ce sont des infirmiers auxiliaires autorisés, ils peuvent faire des accouchements. Ils peuvent offrir un grand nombre des soins de santé primaires dont nous avons besoin.

Du même coup, il y a deux ans, nous avons lancé le premier programme autochtone canadien de sciences infirmières au Nunavut. Nous sommes affiliés à Dalhousie et lorsque les femmes inuites termineront ce programme, elles recevront un diplôme. Elles pourront exercer à Edmonton ou à Iqaluit. J'aurais toutefois eu besoin de l'appui de mon partenaire fédéral mais je ne l'ai pas obtenu. Ce programme nous coûte environ 1 million de dollars par année pour environ sept étudiantes.

Le seul moyen dont je dispose pour combler le besoin consiste à former la population locale pour qu'elle puisse exercer ces professions mais il faudra 5, 10 ou 15 ans avant d'en former un nombre suffisant.

Le sénateur LeBreton: Dalhousie n'a-t-il pas arrêté ce programme?

M. Picco: Non. Je suis responsable de ce programme. Je l'ai initié en tant que ministre de la Santé en 1999.

Le sénateur LeBreton: Est-il toujours en vigueur?

M. Picco: Il l'est présentement, en effet, et comme nos niveaux d'éducation sont un peu plus faibles, je dois dans certains cas demander aux étudiants de se mettre à niveau en sciences et en mathématiques pendant environ un an pour qu'ils puissent suivre le programme avec succès.

Le sénateur Pépin: J'ai visité votre hôpital. J'y suis allée trois fois au cours des années écoulées et je dois admettre que de telles visites constituent un choc culturel, tant les besoins sont importants.

Ma dernière question concerne votre recommandation stipulant:

Que le gouvernement du Canada devrait favoriser l'accès pour les étudiants inuits aux programmes de formation dans le sud, en finançant leur intégration dans les écoles de médecine, les écoles de soins infirmiers et d'autres program mes associés de formation professionnelle dans le domaine des soins de santé.
Lorsque vous dites que la formation des infirmières vous coûte une fortune, voulez-vous dire que le gouvernement fédéral devrait financer l'intégration des étudiants dans les programmes de soins infirmiers à l'université? Pourriez-vous préciser un peu votre pensée sur ce point?

M. Picco: Il est très difficile de quitter le nord du Canada pour aller à l'école à 2 000 milles de chez soi, mais de nombreuses personnes du Nunavut ont reçu un diplôme et connu une très grande réussite; cependant, de tels cas n'existent pas dans le domaine des professions médicales. Nous avons seulement une infirmière inuite, je crois, travaillant présentement au Nunavut. Nous espérions que le gouvernement fédéral allouerait des places aux nordistes afin qu'ils puissent finir leurs études et recevoir un diplôme.

Réciproquement, si M. le sénateur Roche désirait aller à l'école, le gouvernement fédéral pourrait déclarer: «Nous financerons votre formation pendant quatre ans, vous irez ensuite travailler au Nunavut pendant cinq ans et, ainsi, vous vous acquitterez de vos dettes envers nous.» Je pense que ce serait pour nous une autre façon de trouver le personnel dont nous avons besoin dans les régions éloignées septentrionales et rurales du pays. Cette mesure pourrait non seulement s'appliquer au Nunavut, mais aussi aux Territoires du Nord-Ouest, au Yukon, au Labrador et au Nord québécois. Voilà ce que sous-entendait cette idée.

Le sénateur Roche: Monsieur le ministre, merci de vous être dérangé pour participer à la réunion de ce comité. Je peux vous dire que votre exposé, vos paroles, ainsi que la passion avec laquelle vous avez fait le point sur ces chiffres - ces chiffres alarmants - ne sont pas tombés dans l'oreille d'un sourd.

Monsieur le président, vous vous rappelez que des représentants des collectivités autochtones sont venus nous voir à Ottawa en nous présentant les mêmes chiffres. Le comité s'en est alarmé et je tiens à répéter aujourd'hui qu'en tant que Canadien, je suis choqué que des habitants de notre pays soient traités de cette façon. Pourtant, s'alarmer de cette situation n'est pas suffisant.

Le problème n'est-il pas plus profond, monsieur le ministre, et ne nécessite-t-il pas plus qu'un simple remaniement des programmes existants ou qu'un simple ajout de quelques nouveaux programmes ou d'un nouvel hôpital? Je suppose que certaines de ces choses seraient utiles, mais n'existe-t-il pas aussi un problème de comportement de la part des Canadiens ou du gouvernement fédéral?

Qu'en est-il des recommandations émises par la Commission royale sur les peuples autochtones, qui a proposé de nombreuses mesures visant à donner à ces peuples un rôle mieux intégré à la société canadienne? Son rapport est resté lettre morte.

Nous pouvons toujours proposer des recommandations appropriées, monsieur le président, mais comment nous assurer qu'elles seront suivies d'effet? Que pouvez-vous nous dire à ce propos?

Le sénateur Morin: Vous ne connaissez pas notre président.

Le sénateur Roche: Eh bien, plus de pouvoir lui sera conféré s'il peut faire en sorte que ces recommandations soient suivies d'effet.

M. Picco: Si c'est le cas, je le recruterai pour travailler au Nunavut.

Je dois dire en toute sincérité qu'après avoir été membre de l'assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest et qu'en faisant actuellement partie de celle du Nunavut, je possède une certaine expérience des contacts avec différents partenaires fédéraux et autres. Faisant de la politique depuis plus de 20 ans, j'ai rencontré nombre de nos dirigeants nationaux et je peux dire qu'ils sont sincères. Je peux vous dire que M. Rock, mon homologue fédéral, a toujours été très ouvert à l'idée de nous aider à redresser la situation au Nunavut.

Toutefois, il existe toujours un malaise concernant les régions septentrionales du Canada, où les subventions par habitant sont d'environ 24 000 $ par personne. Les gens disent alors: «Ils reçoivent assez d'argent.» Je vous pose la question, si je représentais un pays, me serait-il possible de faire une demande auprès de l'ACDI, basée sur ma situation, et d'obtenir de l'argent? Probablement. L'ACDI s'empresserait de venir dans mon pays et d'y construire un hôpital.

Il s'agit d'une constatation choquante, mais bien réelle. Je ne pense pas que notre partenaire fédéral ait renoncé à assumer ses responsabilités. Il nous a toujours apporté son soutien. Toutefois, nous devons faire bouger tout l'éventail politique au Canada afin qu'il se penche sur le sort des moins privilégiés dans nos collectivités.

Je devrais aussi faire remarquer, monsieur le sénateur Kirby, que nous devrions considérer les richesses potentielles du nord du Canada. Les deux seules mines de diamants actuellement en exploitation en Amérique du Nord se situent dans les Territoires du Nord-Ouest. Elles ont totalement changé les données économiques là-bas. Il existe aussi des possibilités de prospection pétrolière et gazière.

Un investissement dans le nord du Canada, monsieur le président, a des retombées économiques favorables dans le sud. Chaque fois que vous construisez une maison, vous devez acheter le bois à Montréal ou à Edmonton.

Chaque fois que vous achetez du matériel médical, il vient d'une entreprise du sud. Pour chaque investissement que vous faites, l'argent ne disparaît pas dans un trou noir ou ne se retrouve pas sur la planète Krypton. Il reste au Canada et je pense que c'est comme cela que nous devrions considérer les réinvestissements pour les Canadiens. J'espère que ceci contribue à répondre à votre question.

Le sénateur Roche: Je crois que M. le président a probablement besoin avancer. Je voudrais bien continuer cette discussion, mais je pense que nous devons interrompre ici.

Le président: Je pense que nous trouverons un moyen de le faire.

Le sénateur Keon: Monsieur le ministre, comme le sénateur Pépin, j'ai visité votre hôpital à Iqaluit, ainsi que quelques-unes de vos cliniques itinérantes. Il me semble que votre problème est d'une telle ampleur qu'il vous faut un programme spécial, centré sur vos besoins. Je suis au courant de nombreuses mesures innovatrices que vous avez mises en place, telles que la télémédecine, avec un roulement des médecins et du personnel spécialisé en soins infirmiers, et d'autres choses de ce genre, et je suis conscient de vos frustrations concernant votre incapacité à maintenir la main-d'9uvre en poste, et ainsi de suite.

Je ne pense pas que le problème pourra être résolu sans un engagement total de la part du gouvernement fédéral, quels que soient les ministères qui interviennent. Le gouvernement fédéral s'est entièrement engagé à mettre en place un programme spécial fournissant les ressources qui permettront de résoudre ce problème épouvantable auquel vous avez à faire face. Je veux parler des capitaux nécessaires pour vous doter des installations et du matériel appropriés, et ainsi de suite. Je veux également parler d'un programme de soutien concernant le personnel pour vous fournir de jeunes médecins récemment diplômés qui apporteront des compétences inestimables avec un roulement raisonnable. Il en va de même pour les infirmières et le personnel spécialisé en soins infirmiers.

Par-dessus tout, je pense que ce dont vous avez particulièrement besoin est d'une catégorie spéciale de professionnels de la santé, pour laquelle vous pourriez puiser dans votre propre personnel, et peut-être former, ailleurs au Canada, du personnel spécialisé que vous pourriez maintenir en poste chez vous, même s'il existe des problèmes de roulement dont je suis parfaitement conscient.

Je demanderai à mes collègues que notre rapport recommande l'adoption d'un programme ciblé spécifique pour le Nord, afin de redresser une situation qui est à présent tout à fait inacceptable.

Le président: Désirez-vous faire quelques derniers commentaires?

M. Picco: Oui. Encore une fois, j'apprécie la complaisance du comité et je ne suis pas ici pour me lancer dans une polémique politicienne. Nous n'avons pas de partis politiques au Nunavut. Vous vous présentez aux élections et vous représentez votre circonscription. Je suis venu aujourd'hui pour avoir l'occasion de faire savoir à un autre groupe de personnes ce que nous sommes en train de vivre.

Le sénateur Keon a soulevé un point important. Monsieur le président, dans l'Est, vous avez l'ACEPA qui est une infrastructure offrant des programmes d'aide destinés au Canada atlantique. En Colombie-Britannique, il existe également un programme. Il s'agit du programme de Diversification de l'économie de l'Ouest. Le Québec a aussi quelque chose et le nord de l'Ontario a FedNorth. Chaque région de ce pays est dotée, soit d'un programme de développement économique, soit de quelque autre source de financement.

Nous n'avons rien de tel au Nunavut ou dans le nord du Canada. Si nous avions un programme comme ceux de l'ACEPA, alors je pourrais dire: «Puis-je avoir 22 millions de dollars supplémentaires pour construire un nouvel hôpital? Puis-je avoir 15 millions de dollars pour le logement?» Nous n'avons pas cette chance, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup d'être venu. Nous apprécions vraiment votre compte-rendu et nous veillerons à être en contact permanent avec vous au fur et à mesure de l'évolution des choses.

Mesdames et messieurs les sénateurs, je pense que nombre d'entre nous connaissent les deux prochains intervenants. Mme Sheila Weatherill est la présidente-directrice générale de ce qui s'appelle désormais le Capital Health Authority, anciennement connu sous le nom de Capital Region Health Authority et M. Jack Davis est le directeur général du Calgary Health Region.

Bienvenue à tous les deux. Comme vous avez pu le constater, nous sommes légèrement en retard sur l'horaire ce matin.

Je dois dire qu'en tant que représentants de l'administration des soins de santé en région urbaine, vous rencontrez des problèmes quelque peu différents de ceux que M. le ministre Picco vient de décrire. C'est vraiment assez incroyable.

Nous commencerons avec Mme Sheila Weatherill. Je dois dire ceci, car le sénateur Pépin est infirmière, de même que ma femme - et au cas où vous ne le sauriez pas, sénateur Pépin, - Sheila a sans conteste atteint le plus haut poste administratif jamais occupé par une infirmière dans ce pays, car elle est responsable d'un programme d'environ un milliard et demi de dollars.

En dépit de tous les commentaires que nous pouvons entendre, prétendant parfois que les infirmières ne sont pas reconnues à leur juste valeur, nous sommes ravis de voir que vous avez atteint le sommet d'une manière exceptionnellement brillante. Nous sommes également enchantés de vous recevoir ici.

Mme Sheila Weatherill, présidente-directrice générale du Capital Health Authority: Nous sommes tous deux très heureux d'être ici, et je vous remercie de vos paroles chaleureuses concernant mes antécédents en tant qu'infirmière. Je suis très fière de ce métier depuis de nombreuses années. Jack et moi-même avons discuté de la façon dont nous allions procéder et, avec votre permission, il interviendra en premier, puis je prendrai ensuite la parole. Nous réserverons beaucoup de temps pour répondre à vos questions.

M. Jack Davis, directeur général du Calgary Health Region: C'est un honneur d'avoir le privilège d'être présent ici aujourd'hui et c'est toujours un honneur de partager la scène avec mon excellente collègue d'Edmonton, Sheila Weatherill, avec qui j'ai apprécié de travailler pendant toutes ces années où j'ai été au gouvernement, puis au Calgary Health Region.

Nous avons collaboré sur les documents écrits et le Calgary Health Region ne soumettra pas de documents différents de ceux soumis par le Capital Health Authority.

J'ai juste quelques commentaires préliminaires, puis je passerai ensuite la parole à Sheila, qui présente en général ces questions beaucoup mieux que moi. Je voudrais commencer en déclarant qu'à mon avis, le système de santé est extrêmement précieux pour tous les Canadiens. Il y a sans conteste des personnes très consciencieuses travaillant dans ce système, y compris des médecins, des infirmières, ainsi que d'autres prestataires et dirigeants.

Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas mes antécédents, j'ai été pendant quelques temps le sous-ministre provincial délégué aux transports. Lorsque nous construisions un échangeur ou mettions en place une nouvelle portion de route, il n'était jamais question du coût. Cette opération était toujours considérée comme d'une grande importance et comme extrêmement profitable à la collectivité, que ce soit pour promouvoir le développement économique ou tout simplement pour permettre aux gens de se déplacer plus rapidement et plus librement.

Bizarrement, il semble que nous n'ayons pas le même type de comportement lorsqu'il s'agit du système de santé, pour lequel les gens se concentrent avant tout sur les coûts. Ils le considèrent uniquement en matière de coûts et ne regardent pas tous les bénéfices apportés par ce système. Je pense que celui-ci est extrêmement précieux. Les problèmes qu'il rencontre et que vous avez clairement identifiés dans votre rapport, comprennent la recherche de l'efficacité, les coûts et le financement.

Toutefois, je pense que le problème d'efficacité du système a fait l'objet d'une attention disproportionnée. En Alberta et, je le sais, dans de nombreuses autres parties du pays, l'efficacité du système s'est améliorée de façon incroyable grâce à la régionalisation, et je veux rendre hommage au courage dont a fait preuve le gouvernement pour soutenir ces améliorations depuis un certain nombre d'années. Des gains de productivité énormes ont été constatés.

À Calgary, par exemple, nous fonctionnons aujourd'hui avec à peine plus de lits d'hôpital qu'en 1994, alors que la ville compte 165 000 habitants de plus, et je pense que nous avons un meilleur système de santé.

Nous avons été capables de gérer la majorité des services et programmes d'expansion au sein de la collectivité. Nous avons de vastes programmes de soins à domicile et de soins continus et, grâce à l'intégration et à une meilleure gestion du système, nous avons été capables d'optimiser nos ressources. Nos coûts administratifs représentent actuellement moins de 4 p. 100 de notre budget total, ce qui est exceptionnel pour une institution de 17 000 personnes ayant des dépenses de 1,5 milliard de dollars.

Toute entreprise du secteur privé, où qu'elle soit dans le monde, serait incapable de dépenser moins de 4 p. 100 de son budget de fonctionnement en frais administratifs. De plus, la plupart des entreprises vous diraient que la force de leur organisation commence par une direction et une gestion de qualité, et elles refuseraient de perdre cette qualité dans le seul but d'améliorer les performances.

J'ai eu une conversation intéressante l'autre jour à propos des qualités requises pour une bonne compagnie pétrolière et gazière. Mon interlocuteur a dit qu'il y avait deux choses importantes à considérer. Premièrement, il faut vérifier la qualité de la direction et de la gestion; deuxièmement, il faut s'assurer de la qualité des installations.

Le problème d'efficacité du système a fait l'objet d'une attention disproportionnée, et même si je pense que des gains de productivité supplémentaires peuvent être obtenus, je suis d'avis que nous devons être prudents, lorsque nous supposons qu'il s'agit là de la recette miracle à tous les problèmes rencontrés par le système, notamment au niveau des coûts. Je suis sans aucun doute un fervent adepte d'une pratique basée sur les résultats et un grand partisan du Projet sur les listes d'attente de l'ouest canadien, que le Dr Noseworthy m'a encore une fois demandé de rappeler à votre bon souvenir.

Nous devons poursuivre nos efforts énergiquement pour atteindre un gain de productivité annuel de 1 à 2 p. 100 et nous y parviendrons. Je me suis engagé auprès de notre conseil d'administration à atteindre ce but chaque année.

Toutefois, lorsque vous confrontez ce gain de productivité de 1 à 2 p. 100 avec la croissance et le vieillissement de la population, le développement de nouveaux traitements et de nouvelles technologies, l'augmentation du coût des produits pharmaceutiques et les améliorations constantes que le système apporte aux gens en matière d'espérance et de qualité de vie, il est clair que les objectifs ne pourront pas être atteints.

Dans votre document, vous vous interrogez sur le rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de la santé publique au niveau national. En lisant votre compte-rendu, j'ai été très frappé, d'abord et avant tout, par l'idée selon laquelle le gouvernement fédéral devrait contribuer financièrement au système de santé par le biais d'un financement stable. Je pense qu'il s'agit d'une notion d'une importance absolument capitale. Lors de ma participation au gouvernement, je n'ai jamais pu convaincre mes collègues au niveau fédéral qu'un «financement stable» consacré à la santé est un financement indexé sur la croissance et le vieillissement de la population, ainsi que sur l'inflation.

Cela a toujours été décevant car je pense qu'il faut reconnaître les facteurs fondamentaux générateurs de coûts dans le système, et il semble qu'aucune réflexion à ce sujet n'ait été entreprise. Il s'agit d'une question clé où un engagement à long terme doit être pris conjointement par les provinces et par le gouvernement fédéral. Cela constitue une part de la réponse. Un autre volet de la réponse est l'amélioration de productivité dont j'ai parlé auparavant et, dans un instant, je parlerai de ce qui, à mon sens, pourrait constituer les autres composantes entrant en jeu.

Un autre rôle clé du gouvernement fédéral porte sur l'infrastructure de la technologie de l'information. Nous en avons déjà parlé. Nous devons en améliorer le fonctionnement. Nous devons nous en occuper d'une manière plus approfondie et plus complète, au lieu de financer une myriade de projets pilotes à travers tout le pays, projets qui ne formeront jamais un ensemble cohérent susceptible d'être utile.

Un autre rôle clé du gouvernement fédéral est d'assurer un rôle de leader dans le domaine même de compétences de votre comité, monsieur le sénateur; il s'agit d'un rôle stratégique ayant pour but de déterminer dans quelle direction se dirige le système de santé et quels sont les problèmes auxquels nous avons à faire face.

Il est indéniable, toutefois, que le système de santé a changé fondamentalement depuis quelques années pour les raisons que j'ai évoquées précédemment. Ce système est à présent doté d'un personnel composé d'individus hautement qualifiés, qui sont bien payés et dont les qualités sont recherchées à travers toute l'Amérique du Nord.

Notre capacité à proposer des traitements nouveaux et innovateurs s'accroît de jour en jour. Les coûts de ces initiatives sont extrêmement élevés et l'opinion publique s'attend, comme je l'ai précisé, à pouvoir accéder à ces types de traitement aux mêmes prix environ que ceux en vigueur dans l'organisation de soins de santé intégrés très efficace existant aux États-Unis.

Nous devons considérer toutes les options en matière d'efficacité et de productivité, que ce soit une meilleure gestion ou une meilleure utilisation de la technologie de l'information. Mon amie Heather Smith, présidente d'United Nurses of Alberta, et moi-même avons eu une petite discussion concernant l'utilisation du secteur privé dans la prestation des soins de santé. Peut-être devons-nous considérer tous ces éléments dans nos efforts d'amélioration de l'efficacité.

Ils ne seront sans doute pas suffisants en tant que tels pour financer de manière appropriée le système comme le voudraient les Canadiens. Les efforts développés par le comité de M. Don Mazankowski pour trouver d'autres moyens de financer le système, telles que les comptes gestion-santé, les assurances et les incitations du patient à agir en tant que consommateur, sont encourageants.

Nous apprécierions un examen détaillé de ces options. Nous n'avons pas pu avancer sur certaines d'entre elles car tous les gouvernements au Canada, y compris le gouvernement fédéral, concentrent leurs efforts sur les réductions d'impôts, le remboursement des dettes et la gestion des déficits. Je ne vois pas comment le système pourra être financé de façon satisfaisante dans l'avenir, et je pense que nous risquons de perdre certaines des avancées bien réelles qu'il a connu ces dernières années.

Mme Weatherill: Je vais essayer d'apporter des réponses plus précises aux questions qui ont été soulevées. Je voudrais commencer par ce qui, je le sais, est devenu le cheval de bataille reconnu de l'Alberta en ce qui concerne nos réussites en matière de soins de santé; nous avons été heureux de recevoir Jeffrey Simpson du Globe and Mail ici la semaine dernière. Il a déclaré que, si vous cherchez l'inspiration concernant les soins de santé, il vous suffit de vous tourner vers l'Alberta. Nous avons inclus cet article dans notre document de synthèse.

Pour reprendre les commentaires de Jack, je pense que vous avez élaboré un document précieux. Nous recommanderions que les membres du gouvernement et les dirigeants dans le domaine de la santé soient tenus de le lire. Mon commentaire principal, si je commence à entrer plus dans les détails, est que, comme Jack l'a déjà si bien présenté, des changements sont nécessaires si nous voulons que notre système soit financièrement viable, et qu'il n'existe pas de recette miracle ou de solution unique facile à mettre en 9uvre. Si tel était le cas, nous aurions déjà trouvé cette solution.

Nous allons vous dresser un portrait rapide et concis du Capital Health, et vous pourrez le «calquer» pour obtenir celui de la situation rencontrée à Calgary. Les deux régions sont très similaires, et ce sont les deux seules en Alberta ayant pour vocation principale d'assurer la mission de formation universitaire d'hommes et de femmes dans le domaine des professions des sciences de la santé.

Comme toutes les régions de l'Alberta, les deux grandes régions urbaines ont été créées suite à la fusion, dans notre cas, de neuf anciens conseils hospitaliers et de santé. Cette fusion s'est effectuée de manière extrêmement rapide, et nous n'y pensons plus beaucoup à présent, car elle a eu lieu il y a cinq ans. Je voudrais moi aussi remercier notre gouvernement de cette initiative courageuse, car nous pouvons à présent nous targuer d'être «entièrement intégrés» et de fournir un éventail complet de soins, allant de la vaccination des bébés jusqu'aux transplantations cardiaques. Nous sommes également divisés en régions, et nous avons des régions universitaires, comme je l'ai indiqué.

Dans notre cas, nous fournissons de nombreux services dans le nord et, dans le cas de Calgary, de nombreux services dépassent la région même de Calgary pour être offerts au sud de la Colombie-Britannique et même, dans certains cas, jusqu'aux États-Unis. Voici une carte de la province montrant la région 10, qui est notre région. Le nombre de régions fait l'objet d'une controverse, exactement comme dans les autres provinces qui ont été divisées. Réduire le nombre de régions ne permettrait pas en soi de réaliser de grandes économies. Une grande attention a été portée au calcul du nombre optimal de régions qu'il faudrait créer, mais là encore, il ne s'agit pas d'un élément crucial permettant de trouver une solution au problème plus complexe de la viabilité financière.

De nombreuses données chiffrées concernant la taille du système figurent sur la page suivante. Juste pour ajouter un commentaire à celui de Jack sur le nombre de lits dans les deux zones urbaines, je pense que celles-ci ont le plus faible nombre de lits par habitant au Canada, surtout car nous avons été capables, jour après jour, de voir dans notre base de données que, par exemple, 8 000 personnes ont reçu des services de soins à domicile dans notre région. Par conséquent, nous possédons des systèmes très vastes, chacun avec son personnel médical - un gros avantage - et nous employons de nombreuses personnes.

Je voudrais pour un instant me concentrer sur la mission universitaire que nous partageons, car lorsque nous pensons à des solutions financièrement viables, nous l'oublions souvent, et nous devons nous rappeler qu'en plus de nous occuper des personnes malades et blessées et de veiller sur la santé de nos concitoyens, nous avons également la responsabilité très importante de former les générations futures de professionnels en sciences de la santé.

Cela doit être un principe directeur quand nous pensons aux pourcentages relatifs des services publics et des services à but lucratif existant dans un système à souscripteur unique. Il s'agit d'un problème très important pour nous, qui nous conduit parfois à agir d'une manière qui, aux yeux de l'opinion publique, peut paraître moins efficace ou sensiblement plus lourde ou bureaucratique.

La citation de George Bernard Shaw figurant dans ce document est importante, et nous voulons féliciter encore une fois ce comité d'encourager les gens à réfléchir sur la nature des changements à effectuer.

Pour continuer donc à répondre à vos remarques et à vos questions particulières, nous sommes tout d'abord entièrement d'accord que notre système de santé ne répond plus aux besoins contemporains.

Les gens reçoivent leur pizza gratuitement si elle n'est pas livrée dans les 45 ou 60 minutes, ou peu importe en combien de temps. Il n'est donc pas étonnant que lorsque ces gens viennent au service des urgences, ils restent perplexes devant la longueur des files d'attente, ou plus encore, devant le fait que plus de services ne soient pas offerts de façon moderne, par l'intermédiaire d'Internet ou d'autres méthodes très facilement accessibles.

Il s'agit d'un grave problème de société dont nous entendons parler tout le temps. Le système de santé serait plutôt du style de celui des années 60, en ce qui concerne la convivialité de son utilisation, et il n'est pas étonnant que le public en soit mécontent.

Vos rapports, en particulier ceux de Ken Fyke et du Québec, se concentrent principalement sur la nécessité d'une réforme des soins primaires. Nous sommes d'accord avec cela et de nombreux projets pilotes sont en cours. Il s'agit d'un long processus. Je serais personnellement partisane d'un cadre de travail plus standardisé qui permettrait d'accélérer la mise en place d'une telle réforme.

Toutefois, en plus de cela et pour reparler de la convivialité du système, les Canadiens veulent sincèrement se sentir responsables de leur propre santé, mais nous ne leur avons pas donné le moindre outil pour atteindre cet objectif. Il existe un certain nombre de très bons projets pilotes en Alberta qui encouragent les gens à utiliser leur téléphone pour obtenir des conseils, sans avoir à prendre rendez-vous chez leur médecin ou à se présenter au service des urgences.

Je ne répéterai pas ici les commentaires que Jack a déjà faits, mais l'ampleur incroyable des changements devant être apportés à notre système de santé montre très franchement que ce système n'est pas compatible avec la législation existante. Notre province, et nos institutions de manière individuelle, ont besoin de toute urgence d'un débat raisonné et pragmatique. L'opinion publique est très en avance sur nous à ce sujet, et je pense que vous devriez en parler d'une manière beaucoup plus large, et pas seulement à des personnes comme Jack et moi-même.

Les habitants de l'Alberta se posent souvent la question: «Pourquoi le débat progresse-t-il si lentement? Pourquoi ne l'avons-nous pas encore entamé?» Pourquoi ne pas demander à l'opinion publique quelle taille de système de santé serait appropriée, quelle serait la taille adéquate et comment ce système devrait être financé?

Le chapitre 7 est largement consacré aux délais d'attente, ce qui constitue un sujet d'importance, et une fois encore, je vous rappelle les commentaires de Jack concernant le travail en cours sur le problème des listes d'attente.

Il existe de réels problèmes de délais d'attente dans certains secteurs, mais pas dans tous, et nous devons sérieusement adopter une démarche plus standardisée pour faire face à ce problème, en utilisant des données cliniques de meilleure qualité; il existe de nombreuses raisons faisant que nous n'avons pu avancer plus vite sur ce sujet.

Je me souviens qu'il y a cinq ans, je pensais qu'il serait facile de résoudre ce problème, car nous étions devenus une région. Toutefois, il existe de nombreuses raisons, dont le Dr Keon ici présent pourrait nous parler, faisant qu'il n'est pas facile de gérer de manière centralisée les listes d'attente existant chez chaque praticien.

Un concept encore plus important, à mon avis, est que l'attention que l'opinion publique porte sur certaines listes d'attente, comme l'IRM et la chirurgie de remplacement des articulations, nous a conduit à négliger les délais d'attente existant dans d'autres domaines très importants tels que les maladies mentales et d'autres secteurs cliniques qui ne bénéficient pas de la même considération.

Au chapitre 8, vous nous demandez des conseils sur l'emploi conjoint de services publics et de services à but lucratif, c'est-à-dire sur la question très controversée de savoir à combien de services extérieurs il faut faire appel et si le public doit payer pour bénéficier de services.

Je sais que cette question a été à l'origine de nombreux débats et nous en avons discuté en détail avec nos propres syndicats et fournisseurs, mais nous employons conjointement des services publics et des services à but lucratif. À mon avis, comme notre administration sanitaire est présentement responsable de la supervision des deux types de services, leur emploi conjoint ne pose aucun problème. Un tel emploi conjoint présente certains avantages indéniables.

L'une des raisons pour lesquelles nous devons porter une attention d'un autre type aux proportions d'emploi de ces services à la fois dans la région de Calgary et dans celle de la Capitale réside dans le fait que nous avons cette responsabilité importante de formation et de recherche. Nous devons tenir compte de cette réalité afin de nous assurer que nous possédons un environnement universitaire et de formation approprié.

Pour ce qui est de savoir si deux partenaires extérieurs sont nécessaires, les habitants de l'Alberta veulent pouvoir en décider, et cela le plus rapidement possible.

De nombreuses discussions ont eu lieu sur l'efficacité et Jack a dit tout ce qu'il fallait dire à ce sujet. Tous les efforts que nous ferons afin d'améliorer l'efficacité ne seront pas suffisants pour résoudre le problème. Nous avons besoin d'une démarche nous forçant à effectuer des changements fondamentaux dans le système de santé et à rechercher de nouvelles options de financement, tout en continuant à améliorer l'efficacité de façon permanente.

En Alberta, nous avons longuement discuté d'autres sources de financement, pour évoquer la problématique soulevée au chapitre 8, et Edmonton et Calgary travaillent conjointement pour trouver des sources de financement existant déjà dans le cadre de la législation actuelle. Rien de tout cela n'est simple, et tout le processus requiert des discussions publiques. Nous sommes d'accord sur la question du formulaire pharmaceutique national - il s'agit d'une réponse simple.

Je veux consacrer quelques minutes au chapitre 8, au sujet des soins à domicile, ayant passé moi-même quelques années de ma carrière dans ce secteur. Nous sommes dotés en Alberta, depuis 1978, d'un programme de soins à domicile très complet financé par des fonds publics. En fait, je travaillais pour le gouvernement au moment où ce programme a été mis en place. Il peut constituer un moyen très appréciable permettant de délivrer des autorisations de sortie plus rapides et d'éviter de recourir aux soins institutionnels permanents pour les personnes âgées ou handicapées; je vous encourage à considérer le cas de l'Alberta en détail au moment de décider ou de recommander la possibilité de création d'un programme national de soins à domicile. Il s'agit d'un sujet complexe, peut-être plus qu'il n'y paraît à première vue. Je pense personnellement que des dégrèvements fiscaux et des avantages d'assurance-emploi devraient être considérés pour les personnes soignantes.

Je vais m'arrêter ici après avoir jeté un coup d'9il à ma montre, car je voudrais vous laisser suffisamment de temps pour poser des questions. Dans les quelques pages qui suivent, nous vous donnons notre réponse concernant chaque chapitre en particulier, mais je pense avoir abordé tous les points principaux dont je désirais parler.

Le président: Pouvez-vous nous faire parvenir un document sur la façon dont le modèle de soins à domicile fonctionne en Alberta, ou tout au moins dans vos deux régions? Cela serait utile.

Si la Loi canadienne sur la santé incluait le concept que des projets pilotes, des programmes expérimentaux ou quel que soit le nom que vous voulez leur donner, soient autorisés à violer ses dispositions, existe-t-il certaines choses que vous voudriez tenter de faire à titre expérimental, que vous n'avez pas actuellement le droit de faire?

M. Davis: Je pense qu'il existe de toute évidence des choses qui doivent être considérées et étudiées de près. Comme Sheila l'a souligné, nous considérons certaines sources de financement conformes à la législation en vigueur, mais nous avons besoin de plus que de simples expériences. Il est nécessaire d'étudier de manière plus approfondie certaines des options et des alternatives. Puis nous devons inclure des essais expérimentaux dans cette étude afin de tester la faisabilité de certaines de ces idées.

Je ne voudrais pas que ces tests de faisabilité soient effectués sur tout un éventail d'idées ponctuelles. Les options que nous considérons doivent entrer dans un cadre d'action plus étendu.

Le président: Tout à fait. Cependant, je vous le demande, existe-t-il des options? J'essaie de comprendre en quoi la Loi canadienne sur la santé restreint l'innovation.

M. Davis: La Loi canadienne sur la santé constitue un obstacle, mais de nombreux services que nous offrons présentement à la collectivité n'entrent pas dans le cadre de cette loi. Nous bénéficions d'une grande souplesse législative à ce sujet. Connaissons-nous l'orientation de la politique de santé et pouvons-nous faire participer le public? Quant à savoir si nous devrions considérer un modèle basé sur les assurances plutôt qu'un modèle financé par les impôts pour payer certains des services, ou encore si nous devrions envisager un modèle de financement individuel par l'usager, je suis d'accord avec certains des commentaires de M. Don Mazankowski concernant les difficultés liées au dernier type de modèle mentionné.

Je pense qu'il existe quelques alternatives concernant la manière de financer le système, et le problème d'octroyer davantage de pouvoir de décision aux individus est important. Toutefois, nous devons veiller à ne pas faire ce que nous avons fait pendant les 10 dernières années, à savoir lancer une kyrielle de projets pilotes, que je considère personnellement comme assez insignifiants, et qui mobilisent beaucoup de temps et d'énergie pour, au bout du compte, produire des résultats dont l'utilité est contestable.

Mme Weatherill: Juste pour vous donner un exemple concret, sénateur, que serait la politique de notre province en matière de paiement des rencontres prénatales par les futurs parents? Si vous vous penchez sur ce sujet à travers le Canada, vous constaterez qu'il n'existe pas de démarche standard en la matière. Cela représente un coût extrêmement faible dans le système, mais nous ne sommes même pas capables de standardiser cette procédure au niveau provincial. Nous ne la standardisons probablement même pas au sein de notre propre autorité en matière de santé. Toutefois, il nous serait tout à fait possible de changer les choses.

Dans un contexte où il y a eu tant de discussions - et nous encourageons toute discussion sur le sujet - la démarche aléatoire et coercitive ne constitue pas une manière efficace d'effectuer des changements. Je persiste à dire que nous devons demander à l'opinion publique ce qu'elle en pense. Peut-être serait-elle vraiment intéressée par l'achat d'assurances pour certains types de services. Nous ne le savons pas car nous n'avons pas posé la question.

Le sénateur Keon: Je dois vous féliciter ainsi que votre province d'avoir eu le courage d'entreprendre ce que vous avez entrepris et il est certain que nous avons beaucoup à apprendre de vous. Il y a deux choses: la dernière fois que j'étais là, vous dépensiez par habitant environ les quatre cinquièmes de la moyenne nationale en soins de santé et, franchement, vos résultats sont meilleurs que partout ailleurs. Ces données sont-elles toujours d'actualité?

M. Davis: Je pense que nous nous sommes approchés de la première place pour plusieurs raisons. Tout d'abord, je crois que notre gouvernement a pris la décision, soutenue sans aucun doute par toutes les autorités en matière de santé, de modifier les niveaux de rémunération de nos médecins, infirmières et autres fournisseurs de soins de santé, afin de les rapprocher de ceux de l'Ontario et de la Colombie-Britannique et de nous aider à recruter et à maintenir en poste ces individus.

J'ai toujours du mal à comprendre que, lorsque nous essayons d'appliquer ce qui se fait en Ontario, nous nous fassions critiquer. Cette opération a augmenté nos coûts. Le gouvernement a également réinvesti dans certains secteurs clés qui avaient peut-être un peu souffert pendant le processus de régionalisation et de restrictions budgétaires. Nous devons reconnaître que les Albertains ont des exigences élevées en ce qui concerne les services publics en général, qu'il s'agisse de soins de santé ou d'infrastructure.

Je dirais que les résultats sont là pour prouver que cet investissement a été payant. Nous avons vu les résultats exceptionnels atteints dans les enquêtes nationales par le Capital Health Authority, et nous sommes sur la bonne voie à Calgary, où nous sommes satisfaits des résultats.

Le sénateur Keon: Je pense que vos programmes de soins à domicile sont sans aucun doute des modèles dont nous devrions nous inspirer. Les lacunes qui existent dans certains des autres programmes ne semblent pas aussi fréquentes dans les vôtres.

Pourriez-vous s'il vous plaît m'expliquer par exemple le cheminement d'un patient atteint du cancer, qui a suivi un programme de traitement actif, puis qui est dirigé vers un programme de soins à domicile? Comment ce processus est-il mené et comment l'interface entre les deux programmes est-elle gérée, si le patient a besoin de retourner vers un programme de traitement actif? Existe-t-il des lacunes dans le système de prise en charge financière entre le moment où le patient est dirigé vers le programme de soins à domicile et celui où, malheureusement, il ou elle décède?

Mme Weatherill: J'aimerais pouvoir vous dire qu'il n'existe aucune lacune et qu'il s'agit d'un système parfait. Malgré tout, ce système s'améliore. En particulier, nous sommes fiers du programme de soins palliatifs à domicile à présent en place dans les deux villes principales et commençant à prendre forme dans les collectivités rurales.

Le personnel responsable des soins à domicile est présent dans nos installations hospitalières ainsi qu'au niveau des centres où les patients se rendent pour suivre des traitements d'oncothérapie.

En Alberta, il existe un office provincial du cancer qui offre certains services, alors que d'autres sont proposés par nos autorités en matière de santé. Il existe également des cliniques itinérantes dans certaines régions éloignées.

Il existe des problèmes de compétence juridique, mais puisque nous sommes une petite province en termes de population, même si ce n'est pas le cas géographiquement, ceux-ci ont d'une manière générale été éliminés.

Le cas des patients naviguant entre les soins à l'hôpital et les soins à domicile est habituellement bien géré du point de vue de la prise en charge. De même, le cas des patients soignés par intermittence dans les installations de traitement du cancer est généralement bien géré grâce à l'amélioration des systèmes d'information qui constituent la clé de la réussite.

Le niveau des services de soins à domicile est basé sur les efforts que la famille est capable de fournir. Toutefois, lorsque le patient arrive en phase terminale, un niveau différent de soins à domicile prend le relais, comprenant des conseils supplémentaires et des conseils sur les soins palliatifs, fournis au médecin de famille.

C'est un système très complet, mais non parfait. Le sénateur Carstairs était ici il y a quelques semaines et a consacré du temps pour étudier notre programme de soins palliatifs. Il s'agit d'un programme dont nous sommes fiers et, même s'il y a toujours des possibilités d'amélioration, je dirais qu'il est probablement meilleur que ce que nous pourrions voir dans d'autres régions.

Le sénateur Keon: Si je peux me permettre de vous entraîner un petit peu plus loin, comment est gérée financièrement une situation où, par exemple, un patient quitte un centre de traitement actif, nécessite des soins à domicile, puis dont l'état s'améliore quelque peu et qui semble connaître une période de soulagement ou de rémission, tout en continuant à avoir besoin de certains soins infirmiers ou de garde?

Mme Weatherill: Selon le niveau d'assistance nécessaire qui, encore une fois, est lié aux efforts que la famille est capable de fournir, dans notre région - il existe quelques différences mineures à travers la province - ce service est offert gratuitement à l'individu.

Si le patient a besoin d'aide pour faire le ménage, non pas pour entrer ou sortir de sa baignoire ou pour des soins personnels, mais réellement pour nettoyer sa maison, alors une petite participation aux frais est demandée, mais ce cas est très rare.

Le sénateur Keon: Qu'en est-il de l'accès aux établissements de soins infirmiers susceptibles d'intéresser le patient? Quel montant devra-t-il verser?

Mme Weatherill: Actuellement, le coût maximum demandé par jour à un individu dans notre système de soins de longue durée, même s'il fait en ce moment l'objet d'une révision, s'élève à moins de 30 $, ce qui est actuellement, je crois, le coût le plus faible dans le pays.

Le sénateur Pépin: Ce montant comprend-il les médicaments?

Mme Weatherill: Il comprend en effet les médicaments. Il est classé, selon notre échelle descriptive, en «système hospitalier auxiliaire de soins infirmiers de longue durée.»

Le sénateur Morin: Merci beaucoup d'être venus et de nous avoir fait part de vos commentaires. Sans aucun doute, le Capital Health Authority et le Calgary Health Region sont des exemples d'expériences canadiennes réussies. J'ai participé récemment à une réunion internationale où ces expériences ont été présentées comme modèle avec certains détails, suite à des questions venant de visiteurs étrangers; il s'agit sans conteste d'une organisation très intéressante.

Vous n'êtes pas responsables du prix des produits pharmaceutiques, des honoraires des médecins ou des négociations syndicales pour le personnel salarié. Je me demandais si ce sont des sujets dont vous voudriez également vous occuper ou non.

M. Davis: En ce qui concerne les produits pharmaceutiques, en Alberta, le programme pharmaceutique de la Croix bleue (Blue Cross) destiné aux personnes âgées de la collectivité est très largement subventionné.

Le sénateur Morin: Votre administration régionale n'est-elle pas habilitée à exercer un droit de regard sur les produits pharmaceutiques?

M. Davis: Non.

Le sénateur Morin: C'est bien ce que je voulais dire.

M. Davis: Je ne pense pas qu'il faille que nous contrôlions absolument tout, mais ce débat est à l'ordre du jour depuis la régionalisation - Les médecins devraient-ils prendre part à la régionalisation? Les coûts des produits pharmaceutiques devraient-ils être inclus? Il y a le pour et le contre et cela nous ramène au débat sur l'efficacité. Obtenez-vous plus d'efficacité et ce système est-il plus stimulant? C'est possible, mais ce type de changement entraîne aussi de nombreux dérèglements.

Mon opinion est que, tant que nos efforts sont bien coordonnés avec ces programmes d'un point de vue politique, notre réussite est assurée.

Le sénateur Morin: Par exemple, en ce qui concerne les honoraires des médecins et aussi les négociations syndicales, il existe bien entendu certains avantages à ce qu'ils soient plus régionalisés. Je ne dis pas que c'est facile à faire, mais cela pourrait être envisagé.

M. Davis: Les régions prennent en charge collectivement la plupart de nos négociations syndicales. Nous y travaillons ensemble et, d'une manière générale, nous avons mis en place un bon plan de travail avec les syndicats et avons été capables de résoudre la plupart des problèmes.

La question des honoraires des médecins est intéressante et différents modèles ont été expérimentés sur l'ensemble de la planète, allant de la rente allouée au médecin jusqu'au médecin salarié, en passant par le modèle de rémunération à l'acte que nous possédons; et tous ces modèles ont du pour et du contre.

Nous commençons à voir plus de mouvements volontaires chez les médecins, soit vers des équipes de soins primaires, soit vers une sorte de modèle avec contrat du côté des spécialistes.

Il y a là une évolution, mais elle reste lente.

Mme Weatherill: Vous avez consacré de nombreux paragraphes de votre rapport sur la rémunération à l'acte. En tant que tel, ce type de rémunération n'est pas entièrement mauvais à notre avis. Je suis convaincue qu'il doit exister plusieurs systèmes de paiement des médecins. Pour certaines catégories d'entre eux, la rémunération à l'acte est une bonne méthode de paiement.

Le sénateur Morin: Ma deuxième question porte sur le problème du financement stable par le gouvernement fédéral. Bien entendu, il s'agit d'une situation idéale. Toutefois, nous ne possédons aucune garantie que chaque gouvernement nous attribuera un financement stable. Toutes les provinces ont tour à tour réduit et augmenté leur budget de soins de santé à certains moments, et il n'existe aucune garantie que, dans l'avenir, le gouvernement fédéral ne modifiera pas son apport financier, que ce soit pour des raisons politiques ou économiques. Il s'agit d'une question difficile pour les gouvernements.

Personnellement, je peux décider que, chaque année, je paierai 1000 $ pour mon assurance de santé dentaire. Cela ne regarde que moi et cette somme sera stable. En revanche, lorsqu'il s'agit d'un gouvernement, il est très difficile d'avoir la garantie qu'il y aura un financement stable dans l'avenir.

Ma question suivante concerne la situation d'un système à souscripteurs multiples qui apparaîtrait si nous autorisions les assurances maladie privées en complément du système de paiement par le gouvernement.

Aux États-Unis et dans d'autres pays où le système à souscripteurs multiples est en vigueur, il semblerait que les coûts administratifs soient plus lourds - dans le système privé, il faut compter le nombre de pilules, le coût de l'aspirine, et ainsi de suite - ainsi que les procédures de réglementation.

Je ne suis pas vraiment effrayé par les dangers d'un monopole dans un système à souscripteur unique. Je ne vois pas l'avantage d'établir une concurrence. Je pense que le système d'assurances privées est assez proche du système gouvernemental. Ils ont les mêmes avantages et les mêmes inconvénients. Je ne suis pas certain que la concurrence augmenterait. Je pense que cette situation est assez différente et mon avis est que vous avez eu de très bons résultats en tant que fournisseurs de soins.

Je pense que le fait d'avoir plusieurs fournisseurs de soins est excellent. Ma dernière question sera: quelle est votre opinion sur les cliniques privées créées dans le cadre du projet de loi 11? Il s'agissait d'une expérience intéressante et je pense que vous possédez un avis à ce sujet.

M. Davis: Commençons par le commencement. Je voudrais faire une objection sur votre commentaire concernant l'incapacité des gouvernements à fournir un financement stable, si vous me le permettez, monsieur le président. Nous entendons cela très souvent et cela représente toute l'histoire du financement des programmes de santé et autres programmes sociaux. Lorsque les temps sont favorables, d'une manière générale, le financement augmente; et lorsque les temps sont plus difficiles, il baisse. Je pense tout d'abord que les gouvernements ont la responsabilité de déterminer le cadre de financement des soins de santé et l'étendue de leur participation dans ce cadre.

Nos gouvernements paient leurs dettes régulièrement. Lorsque la situation fiscale est plus tendue, je ne les entends pas dire: «L'économie n'est pas aussi bonne. Nous pensons que nous allons vous payer 10 p. 100 de moins.» Cela ne se passe pas ainsi.

Il doit exister une certaine volonté et une certaine prise de responsabilité politiques concernant ces programmes sociaux à grande échelle, choses qui ont manqué par le passé. Nous devons comprendre les avantages de ces programmes; nous devons comprendre comment ils seront financés. S'il doit exister plusieurs sources de financement, c'est très bien. Le gouvernement doit participer d'une façon réaliste, responsable et cohérente.

Il ne faut pas qu'il aille dans tous les sens, car la politique du «coup de frein et d'accélérateur» a réellement fait du mal au système canadien des soins de santé, du point de vue de la planification. Il y a eu de nombreux «coups de frein et d'accélérateur» ces dernières années. Il n'est pas étonnant que les fournisseurs de soins soient désabusés. Les gens essaient de gérer leur vie autour de leur carrière. C'est très difficile à faire et il est très difficile de planifier le système. C'est également très déroutant pour l'opinion publique.

Dans une certaine mesure, les différents niveaux de gouvernements essaient de se renvoyer la balle, plutôt que d'unir leurs efforts pour que le système fonctionne dans l'intérêt de tous.

Je ne pense pas que le gouvernement fédéral ou les gouvernements provinciaux devraient être mis à l'écart, de même que les administrations sanitaires régionales ne doivent pas être empêchées de travailler ensemble sur les questions de fourniture des soins.

Mme Weatherill: Juste pour compléter les commentaires de Jack - avec lesquels je suis entièrement d'accord - et en utilisant la comparaison concernant les routes et les échangeurs qu'il a employée précédemment, si nous avons moins de revenus gouvernementaux ou si la situation économique n'est pas aussi florissante, nous pouvons décider d'asphalter moins de routes et les gens peuvent comprendre cette décision. En revanche, ils ont vraiment beaucoup de difficultés à comprendre pourquoi ils doivent attendre bien plus longtemps avant de pouvoir subir un examen ou un traitement ou, pire encore, pourquoi peut-être leurs problèmes de santé se sont aggravés car ils n'ont pas pu subir un test à temps.

Je pense que les gouvernements doivent décider quel niveau de financement ils veulent engager, puis offrir un contexte où le déficit pourra être comblé d'une façon prévisible.

Le sénateur Morin: Vous parlez des deux niveaux de gouvernements.

Mme Weatherill: En effet. Des deux niveaux, absolument. Une querelle entre les deux niveaux ne nous aide pas du tout.

En ce qui concerne la question des cliniques privées, je pense que nous sommes présentement au terme de notre deuxième année complète avec la nouvelle législation. Et pour parler de notre propre expérience au Capital Health Authority, cette législation nous a permis d'assurer un meilleur suivi des cliniques qui étaient en place.

Elle a offert une rigueur supplémentaire dans les procédures de surveillance et de supervision, ainsi qu'une possibilité de suivi en cas de problème. Elle nous a permis d'établir des schémas à propos de la mission universitaire dont je parlais précédemment, avec par exemple le type d'exigences en matière d'enseignement auxquelles les cliniques privées doivent répondre.

D'une manière générale, il n'y a pas eu de changements impressionnants dans le volume ou le type de services offerts par les cliniques.

D'un point de vue pratique et purement administratif, la mise en 9uvre du nouveau projet de loi a demandé des efforts supplémentaires. Je ne pense pas que les fournisseurs de soins soient particulièrement mécontents de ce changement. Cela n'a pas été une grosse affaire à mettre en place et nous offrons à présent un meilleur suivi des cliniques.

Nous n'avons pas constaté de migration importante de la main-d'9uvre des hôpitaux vers les cliniques, ni d'augmentation des séjours de plus de 24 heures dans aucune des deux villes, je crois. Oserais-je dire qu'il s'est agi en quelque sorte d'un non-événement?

Le président: Il est toujours dangereux de parler ainsi lorsqu'il s'agit de politique gouvernementale; toutefois, nous aimons une telle prévision.

Le sénateur LeBreton: Les soins à domicile m'intéressent vraiment beaucoup, car il ne semble pas y avoir une grande uniformité à travers le pays. Je pense que l'Alberta est probablement très en avance à ce sujet.

Mme Weatherill: Si je peux me permettre de faire un commentaire sur les soins à domicile, un sujet qui me tient tout particulièrement à c9ur, je voudrais juste féliciter la province du Manitoba qui a effectué une grosse partie du travail de base nous ayant permis de déterminer comment nous comprenons les soins à domicile dans le contexte canadien. Une grande partie de ce que nous avons fait en Alberta s'est basé sur les expériences vécues au Manitoba.

Toutefois, je voudrais souligner que les soins à domicile ne constituent pas la solution à tous les problèmes. La plupart des personnes âgées - et j'ai vécu cela avec mes parents et mes beaux-parents - préfèrent rester chez eux aussi longtemps que possible. La plupart des gens préfèrent également sortir de l'hôpital rapidement, s'ils ont la possibilité de recevoir de l'aide à domicile. Très souvent, il s'agit de la bonne décision, mais pas toujours.

Ce n'est pas une solution universelle et cela ne permettra pas de répondre à tous les problèmes - notre longue expérience en Alberta est là pour nous le prouver. Je sais que certains de mes collègues présents aujourd'hui ont une très grande expérience en matière de soins à domicile. Certains membres de nos conseils communautaires de santé sont ici aujourd'hui et pourraient vous dire que le système de soins à domicile en Alberta est encore loin d'être parfait, en particulier du point de vue de la coordination.

C'est pourquoi, lorsque j'ai répondu à votre question il y a quelques instants, j'ai dit qu'il restait encore beaucoup de travail à accomplir. Toutefois, ce programme est relativement complet. J'ai consulté notre base de données hier, car j'avais le sentiment que vous me poseriez des questions à propos des soins à domicile. Nous avons quelques enfants qui bénéficient d'un programme de soins à domicile; ils sont extrêmement bien soignés chez eux, mais cela représente des dépenses très importantes et une énorme responsabilité pour leur famille, même avec le soutien considérable qu'apporte le programme. Cela n'est pas la solution parfaite adaptée à toutes les familles.

Le sénateur LeBreton: Dans une famille, les soins à domicile sont souvent assurés par la femme et je serais donc certainement très intéressée par ce programme.

En revanche, monsieur Davis, pour revenir à la question du financement stable, certains d'entre nous, vous vous en souvenez peut-être, ont soutenu une sixième condition applicable aux soins de santé, et il s'agissait d'un financement à long terme, stable et continu. Il semble en effet qu'il soit indispensable de l'indexer sur la croissance et le vieillissement de la population, ainsi que sur l'inflation.

Je me demandais tout simplement pourquoi cela n'a pas eu lieu. Il semble qu'il s'agisse d'une de ces démarches simples et élémentaires qui continuent à être ignorées.

M. Davis: Nous avons une formule de financement en Alberta qui alloue des fonds sur cette base, mais le gouvernement fédéral n'en a pas - et une fois encore, je ne veux pas critiquer mes collègues fédéraux, car ils se battent avec une myriade de questions fiscales et politiques complexes.

Le président: Juste pour vous rassurer, nombre d'entre nous autour de cette table, en fait, toutes les personnes autour de cette table, je pense, sont souvent critiques à l'égard de notre gouvernement fédéral.

M. Davis: Dans ce cas, je dirai que nous n'avons pas trouvé d'écho auprès du gouvernement fédéral. Très franchement, un tout petit peu moins de 70 p. 100 de l'impôt sur le revenu des particuliers perçu en Alberta est versé à Ottawa.

Il s'agit du même argument que les municipalités utilisent en fait avec les gouvernements provinciaux: «Vous percevez la plupart des recettes provinciales. Notre assiette fiscale n'est pas assez importante pour financer le développement de l'infrastructure dont nous avons besoin dans nos collectivités.»

Ceci est absolument vrai en ce qui concerne les soins de santé. Le gouvernement fédéral est le plus important «percepteur» d'impôts du pays, si je peux m'exprimer ainsi, et les soins de santé représentent le programme social principal. Du point de vue de l'opinion publique, il semble inconcevable que les deux niveaux de gouvernement soient incapables de mettre au point un système de financement approprié et équilibré, basé sur les recettes qu'ils perçoivent et sur l'importance du programme.

Cela dit, je ne défends pas forcément l'idée que tout le financement devrait provenir de l'assiette fiscale. Je pense que nous devons commencer à étudier d'autres possibilités qui placeraient plus de pouvoir de décision entre les mains du patient et offrirait des aspects plus stimulants.

De nombreuses difficultés existant aujourd'hui dans le système de soins de santé au Canada pourraient être évitées si le gouvernement fédéral apportait sa contribution financière d'une manière ouverte, claire et raisonnée. En Alberta, les soins de santé représentent 33 p. 100 du budget. Je crois que, dans certaines autres provinces, leur part frise les 50 p. 100.

Lorsque la conjoncture est favorable, les paiements de péréquation fiscale couvrent ces dépenses. En revanche, lorsque l'économie est moins florissante, cet argent peut ne pas être disponible et ces provinces seront alors placées dans une position déficitaire.

Présentement, le premier ministre fédéral et les premiers ministres provinciaux se rencontrent tous les deux ans lors d'un souper d'affaires et décident qu'une certaine somme d'argent sera allouée par le gouvernement fédéral, selon une logique que personne ne comprend. Cette somme est bien entendu allouée sur un nombre important d'années, et il semble qu'elle représente une quantité d'argent considérable sur le court terme, alors qu'il n'en est rien.

Ce type de pratique n'est réellement pas adapté pour gérer d'une manière organisée et professionnelle un budget de 60 milliards de dollars par an en prenant en compte dix provinces et deux territoires.

Le sénateur LeBreton: J'ai pris en note votre commentaire où vous considérez le patient comme un consommateur, et je pense qu'il s'agit de quelque chose que nous devons garder en tête. Ce n'est pas quelque chose qui apparaît assez fréquemment.

Le sénateur Roche: Monsieur le président, voulez-vous me permettre de dire combien, en tant qu'Albertain, je suis fier de ces deux grands dirigeants dans le domaine de la santé? Il n'est pas étonnant que Jeffrey Simpson ait été impressionné. Nous sommes venus ici et avons pu constater que des gens de l'est faisant partie de l'élite sont également venus pour découvrir ce qui a été fait dans l'ouest.

Monsieur Davis et madame Weatherill, je voudrais poursuivre sur cette question de financement stable. Je pense qu'elle se situe au c9ur du problème sur lequel nous concentrons nos efforts aujourd'hui.

Monsieur Davis, lorsque vous avez fait votre présentation d'introduction ce matin, votre dernière déclaration, si je vous ai bien compris, consistait à dire que vous ne voyiez pas comment le système pourrait être financé de façon appropriée. Vous avez ensuite débattu un peu plus amplement sur ce sujet.

Pourriez-vous tout simplement m'indiquer ce qui, à votre avis, semble être une répartition appropriée et équilibrée entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial en matière de financement? Êtes-vous en train de dire que nous ne pourrions peut-être pas dépendre entièrement de l'assiette fiscale pour assurer le financement des soins de santé au XXIe siècle, à cause de tous les développements que nous avons pu noter?

En plus de cela, quelle est la répartition entre l'assiette fiscale et le financement privé qui vous semble être la plus adaptée? Pouvez-vous me faire part plus en détail de vos réflexions?

M. Davis: Je ne veux pas donner l'impression que je suis conseiller fiscal. Certains de mes anciens collègues du ministère des Finances diraient probablement: «C'est la dernière personne qui devrait parler de cela.» Toutefois, juste pour parler d'une manière générale, je pense que les gouvernements devraient considérer un certain nombre de choses.

En clair, les gouvernements veulent maintenir l'impôt général sur le revenu à son niveau actuel ou parlent même de le réduire, ce qui est étroitement lié à la concurrence internationale et à toutes sortes de choses. Cela ne semble pas être l'idée couramment admise par les provinces et par le gouvernement fédéral, quelle que soit leur couleur politique.

Nous n'avons jamais sérieusement considéré dans ce pays les impôts spécialement affectés. Les États-Unis et de nombreux pays d'Europe les utilisent. Le réseau autoroutier inter-États a été construit grâce à des impôts spéciaux sur l'essence. Quel serait le problème d'un impôt spécialement affecté à la santé? Je ne pense pas qu'il y aurait de problème. Je pense que nous laissons à l'écart d'une manière spectaculaire les entreprises en matière de santé dans ce pays.

Les soins de santé représentent un coût énorme pour toutes les entreprises aux États-Unis. Les Américains apprécient leur taux d'imposition sur le revenu des particuliers ainsi que celui appliqué aux entreprises. Toutefois, pour chaque automobile sortant des chaînes d'assemblage de Détroit, 5 000 dollars sont consacrés aux soins de santé.

Nous devrions être capables de faire quelque chose en ce qui concerne les impôts spécialement affectés. Je crois néanmoins fermement qu'il faut placer le pouvoir de décision entre les mains des patients. Cela signifie que les fonds publics suivent les patients ou que, dans le cas d'une méthode faisant appel aux assurances, ceux-ci participent. Lorsque vous payez, vous avez plus de pouvoir de décision. Lorsque vous ne payez pas, vous en avez moins.

Il s'agit là d'un bref aperçu des endroits où plus d'argent pourrait être prélevé sous forme d'impôt du côté du consommateur. Quant à la répartition du financement entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, je ne sais pas quel serait le chiffre approprié, mais encore une fois, il s'agit d'un programme social important au Canada. Notre système de soins de santé offre d'énormes avantages socio-économiques.

Les gouvernements doivent le reconnaître et participer largement à son financement et à l'élaboration du cadre de travail définissant ses orientations. Cela ne veut pas dire que le consommateur ne doit pas lui-même y participer.

Le gouvernement fédéral, principal générateur de recettes dans le pays, ne peut échapper à cette question. D'autre part, de nombreuses provinces pourraient dire: «Écoutez, nous ne voulons pas que le gouvernement fédéral s'engage dans les politiques de soins de santé plus qu'il ne le fait présentement.» Je pense que les provinces devraient dire: «Nous devons commencer à travailler en équipe sur les problèmes de soins de santé, car c'est ce qui nous distingue en tant que Canadiens.»

Pourquoi ne pas essayer de faire le mieux possible, au lieu de se battre entre nous pour savoir qui sera désigné responsable de l'échec du système? Pour ma part, cet échec représente une déception énorme, pour ce que j'ai pu voir au cours des dernières années, même si un certain nombre de régions administratives ont réalisé une très belle progression.

Je pense que le gouvernement fédéral a également essayé de faire certaines choses, mais nous ne voyons pas cet esprit d'équipe national qui pourrait et devrait exister dans le domaine de la santé.

Mme Weatherill: De nombreux efforts sont déployés pour maintenir les impôts sur le revenu des particuliers à un niveau faible, et je suis également d'accord avec Jack en ce qui concerne les entreprises. Toutefois, en faisant cela, nous empêchons les usagers du système de choisir. C'est un point de vue que je commence à entendre et les gens perdent vite patience lorsqu'ils ont à attendre aussi longtemps pour obtenir certaines choses.

Je suis surprise qu'il n'y ait eu aucune discussion avec le public. Quelle est son opinion à ce sujet? Peut-être les gens sont-ils prêts à payer plus d'impôts. Peut-être sont-ils ouverts à l'idée d'un impôt spécialement affecté. Peut-être préféreraient-ils cela à d'autres méthodes de financement du système de santé.

Je suis sidérée que, puisque cette question est devenue le centre d'un débat plus ouvert au public, l'opinion publique n'ait pas été consultée au moyen d'une question précise, plutôt que des personnes comme nous.

Le sénateur Roche: Pensez-vous que nous devrions peut-être recommander l'établissement d'un impôt spécial sur les entreprises?

M. Davis: Nous devons essayer d'arriver à cela à partir d'une proposition vue sous l'angle des avantages du système. Le système de santé apporte des avantages considérables à tous les éléments de la société, y compris au Canada des entreprises. Je ne pense pas que nous devrions tenir le Canada des entreprises à l'écart, alors que nous baissons le niveau des impôts sur les entreprises. Nous devrions demander: «Comment voulez-vous participer à ce programme?»

Il n'existe pas de source magique de recettes. Ces recettes viendront des individus ou des entreprises, que ce soit par la voie des impôts ou des assurances. Les gros employeurs, en particulier, doivent reconnaître les avantages très significatifs du système de santé.

Le président: J'étais en Nouvelle-Écosse lorsque le régime d'assurance-maladie a été lancé là-bas en 1968. Il n'existait aucune taxe de vente provinciale jusqu'alors. Une taxe de vente provinciale a alors été introduite, même si elle ne s'appelait pas comme cela; elle était appelée «taxe pour les services de santé.»

Ce type de pratique a maintenant disparu depuis longtemps, mais pendant cinq ou six ans, l'argent allait dans un compte séparé et était essentiellement un impôt spécifique. Il était uniquement utilisé pour couvrir les dépenses de soins de santé et je ne crois pas que cette situation était uniquement rencontrée en Nouvelle-Écosse à cette époque. Je pense que quelques autres provinces ont également utilisé ce système.

Vous ne connaissez peut-être pas la réponse à ma dernière question, mais vous pourrez sans doute nous dire où la trouver. Lorsque nous consultons les chiffres concernant le pourcentage de personnes bénéficiant d'une assurance-médicaments, nous constatons que, dans toutes les provinces de l'ouest sauf l'Alberta, ce pourcentage est de 100 p. 100. En Alberta, il est de 83 p. 100.

L'assurance-médicaments est accessible à tous par le biais de votre plan de la Croix bleue (Blue Cross) subventionné par la province. Savez-vous pourquoi l'Alberta constitue une exception, en ce sens qu'une partie significative de la population n'a pas profité de la possibilité de souscrire à l'assurance-médicaments? Si ces personnes ne peuvent en bénéficier par l'intermédiaire de leur employeur, elles peuvent quand même souscrire à l'assurance de la Croix bleue. Vous êtes autorisé à souscrire en tant qu'individu. Existe-t-il une seule raison expliquant cette situation? Savez-vous qui sont ces personnes?

M. Davis: Il faudrait que j'effectue des recherches sur ce point.

Le président: C'est plus pour moi une question de curiosité qu'autre chose, car ces données seraient susceptibles de nous apprendre à quoi une assurance-médicaments devrait ressembler, si nous devons passer un jour à un programme national. Bien entendu, le choix du consommateur entre en ligne de compte. Vous n'êtes pas tenu de souscrire au programme de la Croix bleue et il serait intéressant de voir pourquoi les gens le font, en particulier d'un point de vue démographique.

M. Davis: Il est néanmoins possible qu'ils aient souscrit à un autre plan.

Le président: Non. Nous avons des données sur le pourcentage d'Albertains qui n'ont souscrit à aucun plan. Nous savons qu'un plan est proposé et pourtant, 17 p. 100 de la population n'a aucune assurance-médicaments. Je suis juste curieux de savoir pourquoi ces gens ne profitent pas de ce plan.

Mme Weatherill: Je ne sais pas. Nous allons nous renseigner.

M. Davis: Je pense que cela vaut la peine de considérer le modèle de la Commission des accidents du travail, et vous l'avez probablement fait en vous déplaçant à travers le pays. Nous débattons pour savoir si nous avons présentement des soins de santé à deux vitesses en Alberta ou au Canada. En clair, il existe plusieurs vitesses, et dans le cas de l'indemnisation des accidents du travail, les employeurs et les individus participent. Ils participent également à la partie consacrée aux soins de santé dans la plupart des provinces.

Le président: Toutes les catégories de personnes travaillant dans le système des soins de santé, et les décideurs en particulier, ont été abasourdis par le commentaire figurant dans notre rapport et déclarant que, dans un sens, la Commission des accidents du travail fonctionne à un niveau privilégié dans chaque province. Elle a la priorité sur les listes d'attente. Dans certaines provinces, des lits de soins actifs sont même gardés en réserve pour elle.

Dans la plupart des provinces où les revenus des médecins sont plafonnés, le plafond ne tient pas compte des rémunérations à l'acte pour les patients envoyés par la Commission des accidents du travail. Par conséquent, il existe clairement un système parallèle, et je pense que vous vous posez la question de savoir quelles leçons nous pouvons tirer de l'exemple de la Commission des accidents du travail, si tant est que nous puissions en tirer quelque chose. Il s'agit d'une question intéressante. Nous avons été choqués d'apprendre que cette situation existait et que personne n'était au courant.

Le sénateur Morin: Tout le monde devrait faire partie de la Commission des accidents du travail.

Le sénateur Marjory LeBreton (vice-présidente) occupe le fauteuil.

La vice-présidente: Le président ne sera pas disponible pour recevoir nos deux prochains groupes d'intervenants. Je vais vous présenter nos intervenants et nous aurons une personne supplémentaire autour de la table, non pas pour effectuer une présentation, mais pour répondre aux questions après.

Je voudrais souhaiter la bienvenue à Mme Pat Fredrickson, présidente de la Canadian Practical Nurses Association, à la Dre Donna Wilson, de la faculté de soins infirmiers de l'Université de l'Alberta, à Mme Elisabeth Ballermann, de l'Health Sciences Association of Alberta et à Mme Sharon Richardson, de l'Alberta Association of Registered Nurses. Nous invitons également autour de la table Mme Heather Smith, présidente d'United Nurses of Alberta.

Mme Pat Fredrickson, présidente de la Canadian Practical Nurses Association: Bonjour à toutes et à tous. Je suis heureuse d'être ici en tant que présidente de la Canadian Practical Nurses Association. La tâche peu enviable de votre comité est de faire entrer dans le XXIe siècle une structure que vous qualifiez de «datant du XIXe siècle.»

Dans votre rapport provisoire, vous avez identifié deux problèmes de ressources humaines qui nécessitent clairement l'attention de tous les gouvernements, que ce soit fédéral, provinciaux ou territoriaux. Ces problèmes sont les suivants: comment utiliser au mieux l'éventail complet de professionnels de la santé ayant des compétences différentes, afin de s'assurer que les capacités de chacun sont employées de manière productive et comment recruter, former et maintenir en poste une quantité appropriée de professionnels des soins de santé pouvant s'adapter au changement des besoins de la population canadienne en matière de soins de santé?

La question des ressources humaines dans le domaine de la santé est une question très importante. Non seulement il est peu probable que les problèmes de ressources humaines trouveront une «solution rapide», comme vous le soulignez, mais nous oserions même dire que cela est pratiquement impossible. Le système et les comportements ne se sont pas mis en place du jour au lendemain, et ils ne disparaîtront pas prochainement. Les besoins en ressources humaines subiront de plus en plus les effets du changement démographique dans notre pays, y compris le vieillissement de la population et le déclin du taux de natalité. Dans tous les métiers, professions ou emplois, il existe une pénurie de personnel à travers le pays.

Les professions liées aux soins infirmiers, en vertu même des chiffres, seront frappées particulièrement durement par ce phénomène. L'Association des infirmières et infirmiers du Canada prévoit que la pénurie en infirmières accréditées se situera entre 59 000 et 113 000 d'ici à l'année 2011. Toutefois, nous n'aurons pas à attendre aussi longtemps pour s'apercevoir du manque d'infirmières. Il existe déjà une pénurie à travers tout le pays. Cela souligne le besoin urgent qu'a le système de soins de santé au Canada d'utiliser plus efficacement et à plein rendement la main-d'9uvre spécialisée en soins de santé.

L'emploi d'infirmières auxiliaires autorisées constitue une solution partielle à la crise des professions liées aux soins infirmiers. Les infirmières auxiliaires autorisées peuvent de facon pratique et rentable compenser la pénurie en infirmières et éviter une crise encore plus grave. Nous soutiendrions fortement l'abandon de la façon de penser en termes hiérarchiques au profit de votre hypothèse voulant que chaque profession a ses propres forces et que celles-ci doivent être correctement mises en valeur et utilisées.

Exactement comme pour les infirmières accréditées, le programme de formation et le cadre des fonctions des infirmières auxiliaires autorisées s'est élargi ces dernières années. Le programme de formation des infirmières auxiliaires autorisées est passé d'une formation basée sur les aptitudes à une formation basée sur les connaissances. Leur rôle et le cadre de leurs fonctions ont évolué vers de nombreux domaines de compétences autrefois réservés aux infirmières accréditées. Le projet national de compétence en soins infirmiers, achevé en 1996, a montré que 50 à 70 p. 100 des compétences des infirmières auxiliaires autorisées et des infirmières accréditées sont équivalentes.

Dans de nombreuses provinces, ces dernières années, la législation provinciale a éliminé la contrainte pour les infirmières auxiliaires autorisées de travailler sous la direction d'une infirmière accréditée, pour la remplacer par le concept voulant que, selon leurs connaissances, elles puissent travailler dans le cadre défini de leurs fonctions.

Pourtant, les infirmières auxiliaires autorisées sont encore délibérément sous-utilisées. Les cas où leurs connaissances et leurs compétences sont utilisées à fond dans le cadre de leurs fonctions sont rares dans ce pays. En Ontario, les infirmières auxiliaires exercent leur métier au sein de la collectivité, en tant que membres à part entière de l'équipe fournissant des soins de santé et en utilisant toutes leurs connaissances et leurs compétences.

Elles ont également des rôles de supervision et de direction dans les services de soins de longue durée; en revanche, dans les services de soins actifs, elles sont confrontées à des obstacles qui restreignent ou font disparaître ces rôles. L'exemple le plus frappant de sous-utilisation est lorsqu'il existe une énorme pénurie d'infirmières accréditées. Le plus gros obstacle rencontré par les infirmières auxiliaires autorisées se trouve dans les établissements eux-mêmes, où les syndicats protègent les intérêts des infirmières accréditées par l'intermédiaire de conventions collectives restrictives.

Notre but en tant qu'infirmières auxiliaires autorisées n'est pas de remplacer les infirmières accréditées, mais d'avoir un rôle complémentaire et d'être respectées comme il se doit pour les connaissances et les compétences que nous apportons au système de soins de santé.

Vous avez demandé quel rôle le gouvernement fédéral devra jouer dans le développement d'un plan national de ressources humaines. Vous serez sans doute encouragés d'entendre qu'il aura un rôle prépondérant en tant que bailleur de fonds principal pour la réalisation d'une étude nationale du secteur des soins infirmiers, annoncée la semaine dernière par le ministre des Ressources humaines. Cette étude donnera des informations sur le marché du travail, qui permettront de déterminer les besoins actuels et futurs pour les trois groupes d'infirmières.

Elle effectuera une analyse complète des problèmes et défis à long terme auxquels sont confrontés en termes de ressources humaines les groupes professionnels de soins infirmiers dans chacun des secteurs d'emploi principaux. Elle examinera comment les connaissances et les compétences des trois groupes professionnels autorisés spécialisés en soins infirmiers sont appliquées dans le contexte des besoins de la population en matière de santé; elle fournira également les informations et recommandations nécessaires permettant le développement et la mise en 9uvre d'une stratégie intégrée en ressources humaines à l'échelle de tout le Canada.

Même si de telles études sont importantes, rien ne changera si personne ne montre la voie; il faut qu'il y ait une volonté de changer notre manière de travailler et nos comportements, ainsi qu'une volonté de reconnaître qu'il y a assez de place pour tout le monde et qu'il y a besoin de tout le monde dans le système. Aujourd'hui, du fait de la pénurie dans le domaine des soins infirmiers, toutes les infirmières sont surmenées et les infirmières accréditées, en particulier, doivent faire des heures supplémentaires obligatoires alors que les infirmières auxiliaires autorisées sont sous-utilisées.

Cela empêche l'utilisation efficace des deux groupes, diminue leur enthousiasme et rend les deux professions moins attrayantes, ce qui ne fait qu'exacerber la crise des effectifs dans les professions liées aux soins infirmiers. Une utilisation complète des infirmières auxiliaires assurerait que celles-ci continuent à entrer et à rester dans le domaine des soins infirmiers, constituerait la reconnaissance du potentiel de chaque groupe professionnel et permettrait à chacun d'entre eux de travailler avec ce potentiel pour améliorer les relations au sein des équipes de soins de santé; elle permettrait également de fournir des soins d'une manière bien plus rentable, ainsi que d'attirer des professionnels et de les encourager à rester dans le domaine des soins infirmiers.

D'autre part, une présence moins importante d'infirmières auxiliaires autorisées provoquerait une augmentation des coûts, du fait du recrutement d'infirmières accréditées supplémentaires et de la sous-utilisation d'une partie de ces infirmières accréditées, ce qui les empêcherait encore plus de maximiser leur potentiel et contribuerait à diminuer le rôle de la main-d'9uvre travaillant présentement dans le domaine des soins infirmiers.

La Canadian Practical Nurses Association a pu constater de façon évidente et convaincante qu'une utilisation optimale des infirmières auxiliaires autorisées améliore l'enthousiasme du personnel infirmier et répond au problème de la pénurie actuelle en infirmières accréditées et en infirmières auxiliaires autorisées, tout en augmentant la rentabilité du système de soins de santé. Notre document de synthèse contient plusieurs exemples des effets d'une utilisation complète des infirmières auxiliaires autorisées, et nous vous invitons à soutenir énergiquement notre position comme élément du processus de résolution de la crise dans le domaine des soins infirmiers. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer devant vous.

La Dre Donna Wilson, de la faculté des soins infirmiers de l'Université de l'Alberta: Bonjour et merci tout particulièrement à vous tous d'être venus à Edmonton. C'est une belle ville et j'espère que vous en profiterez. J'espère que vous pourrez sortir faire une promenade et apprécier quelques-uns de nos points de vue.

Le sénateur Morin: Nous le ferons très bientôt.

Dre Wilson: Je vais respecter le temps de parole qui m'est imparti. Comme vous le savez sûrement, je suis infirmière accréditée. J'ai apporté un document de synthèse que je suivrai point par point. Je suis présente ici en ma qualité de chercheur. Je suis professeur à l'Université de l'Alberta et également infirmière de chevet. J'essaie de travailler dans ce domaine un jour par semaine pour me maintenir au courant, afin de savoir ce qui se passe exactement dans le domaine des soins de santé. Depuis les 10 dernières années en particulier, j'entends de nombreuses questions, que j'ai retrouvées dans votre rapport, concernant la manière d'améliorer les services de santé, et en particulier leur utilisation. Comment «en avoir plus pour notre argent», pourriez-vous dire, ou comment utiliser d'une façon plus sage les ressources que nous avons?

En tant que chercheur, il m'intéresse de voir que les gros utilisateurs du système de soins de santé ont fait l'objet d'une certaine attention, en particulier les personnes mourantes ou les malades en phase terminale et, de toute évidence, les personnes âgées, qui entrent souvent dans cette catégorie.

J'ai réalisé quatre études et une cinquième est en cours. La première dont je parlerai brièvement est une analyse des données de mortalité de Statistique Canada. J'ai étudié des données sur des décès remontant jusqu'à 1950, où je peux connaître l'âge, le lieu du décès, et ainsi de suite.

Il est intéressant de noter qu'il s'est agi des données les moins chères que j'ai eu à acheter. Elles m'ont coûté seulement 5000 $, et j'ai reçu une bourse du PNRDS qui m'a permis de les acquérir.

La deuxième étude qui a fait l'objet d'un rapport a utilisé les données concernant tous les décès dans les hôpitaux de l'Alberta sur une période de cinq ans. L'achat de ces données n'a pas été trop coûteux, comme je l'ai effectué en tant que chercheur. Il a représenté seulement environ 10 000 $, que j'ai pu obtenir grâce à deux bourses.

La troisième étude était une étude autofinancée dans laquelle j'ai demandé à des personnes âgées qui s'étaient occupées de personnes mourantes quel système de soins aux personnes en fin de vie elles préféraient. J'ai continué ces recherches par une deuxième étude autofinancée sur la durée de la période où les personnes doivent recevoir des soins avant qu'elles ne décèdent. La cinquième étude, qui est en cours, s'intéresse à 12 années de données sur les soins de longue durée qui, en fait, ont été recueillies, mais jamais encore analysées. J'ai dû payer 40 000 $ pour avoir accès à ces données, et la source de financement que j'ai utilisée pour cela est une bourse du Fonds du patrimoine de l'Alberta.

Juste en aparté, je prévois à présent d'acheter pour 80 000 $ de données sur la santé en Alberta afin d'étudier le recours aux soins ambulatoires et à domicile dans cette province, et j'ai déposé pour cela une demande de financement auprès des Instituts de recherche en santé du Canada.

Je vous renvoie à la page 2 de mon document de synthèse et voudrais vous parler des résultats de l'étude concernant les données de mortalité de Statistique Canada. À bien des égards, le graphique explique tout. Il y a eu jusqu'en 1994 une augmentation continue du nombre d'individus recourant aux hôpitaux pour les soins aux personnes en fin de vie. Plus important est le fait que la tendance s'est inversée depuis 1994. D'une certaine manière, les graphiques et les statistiques peuvent être trompeurs.

Le graphique à la page 3 montre une certaine désertion des hôpitaux pour les soins aux personnes en fin de vie. L'utilisation des hôpitaux pour ces soins a en fait commencé en 1982 - il y a 20 ans déjà - en Saskatchewan, et chaque province a ensuite suivi le mouvement. Je ne connais aucun programme national qui ait essayé d'encourager cette pratique, mais elle s'est répandue, malgré tout, lentement mais sûrement.

En regardant où ont lieu les décès aujourd'hui, on constate qu'un revirement vers les résidences privées, les maisons de retraite ou les maisons d'habitation collectives s'est opéré. Au fait, ces résultats ont été publiés.

La deuxième étude qui utilise des données d'Alberta Health and Wellness concernant les malades hospitalisés, a également donné, à mon avis, des résultats stupéfiants. L'un des résultats les plus remarquables est que moins de la moitié de tous les décès survenus sur une période de cinq ans en Alberta ont eu lieu dans un hôpital. Il s'agit de données très intéressantes, bien éloignées du mythe de l'utilisation importante des hôpitaux.

Le deuxième résultat étonnant concerne le fait que, pendant leur séjour ultime à l'hôpital avant leur décès, 52 p. 100 des patients ont reçu uniquement des soins infirmiers - aucun examen, aucun traitement, aucune chimiothérapie, aucune opération chirurgicale.

Le troisième résultat clé est que, durant les cinq années précédant leur décès à l'hôpital, la plupart des patients n'y sont allés que très rarement et n'ont pas été traités de façon continue. J'ai ajouté un certain nombre de graphiques dans le document de synthèse, montrant que le cas le plus fréquent est celui des patients ayant été seulement une fois à l'hôpital en cinq ans. En d'autres termes, ils n'y sont venus qu'au moment de leur décès.

À la page 5, j'ai ajouté un autre graphique pour mettre l'accent sur le fait que peu de services sont dispensés dans les cinq dernières années de vie et que les gros utilisateurs des services hospitaliers sont peu nombreux. En fait, j'ai pu mettre en évidence, comme l'a fait une autre étude il y a quelques années, que moins de 4 p. 100 des patients peuvent être considérés comme des gros utilisateurs des services hospitaliers pendant les cinq années précédant leur décès.

Ces gros utilisateurs sont des personnes se rendant fréquemment à l'hôpital, y restant pendant de longues périodes ou subissant de nombreux examens et interventions.

Lorsque j'ai étudié le cas des personnes restant à l'hôpital pendant de longues périodes, j'ai découvert qu'il s'agissait en fait de personnes nécessitant des soins de longue durée et ayant été transférées à l'hôpital. En fait, elles ne sont pas restées à l'hôpital plus longtemps que les autres patients.

L'étude a cherché à savoir qui étaient ces gros utilisateurs et pourquoi ils l'étaient. Cela n'a rien à voir avec l'âge, le sexe et encore moins le type de maladie.

Le seul facteur influençant le degré d'utilisation est si la personne vit en milieu rural ou urbain. En fait, 78 p. 100 des gros utilisateurs vivent en milieu rural. Ces personnes se sont presque toutes rendues dans un très petit hôpital, ont été suivies la plupart du temps par un médecin généraliste et ont subi de manière répétée les mêmes interventions.

Je voudrais suggérer l'idée que l'une des solutions à ce problème serait d'avoir un gestionnaire de soins infirmiers qui s'occuperait de ces personnes.

La vice-présidente: Docteure Wilson, comme nous voudrions vraiment avoir du temps pour poser des questions, pourrais-je vous demander de passer directement à vos recommandations et de les exposer très clairement?

Dre Wilson: Merci. Je vais m'efforcer de le faire.

Encore une fois, les autres études présentent des informations sur la dépendance lorsque les malades sont en phase terminale. Des recommandations peuvent être émises à partir de ces résultats, malgré le fait qu'il existe très peu d'analyses de ce qui est appelé «données administratives», les données venant des hôpitaux, les données sur les soins de longue durée et ainsi de suite. Les chercheurs rencontrent un certain nombre d'obstacles pour accéder à ces données.

La deuxième recommandation est de permettre aux chercheurs d'évaluer les effets de la décentralisation de la planification, du contrôle et de la fourniture des soins de santé. Il est certain que la régionalisation n'a pas aidé à se pencher sur la situation de ces gros utilisateurs, et j'ai également eu d'autres problèmes dus à la régionalisation en Alberta.

Le troisième point est que je pense qu'il y a besoin de programmes tels que l'emploi de gestionnaires de soins infirmiers, permettant d'identifier les quelques gros utilisateurs de services de santé et d'aider ces personnes à améliorer leur santé et à dépendre moins des petits hôpitaux locaux.

Mme Elisabeth Ballermann, présidente, Health Sciences Association of Alberta: Au nom de l'Health Sciences Association of Alberta, je voudrais remercier le comité de me donner l'occasion de m'exprimer devant vous.

L'Health Sciences Association of Alberta est un syndicat professionnel qui représente plus de 12 000 professionnels des soins de santé en Alberta. La grande majorité de ces personnes font partie de nos unités de négociation techniques et professionnelles dans le domaine paramédical. Il s'agit d'hommes et de femmes qui effectuent une large gamme d'interventions thérapeutiques diagnostiques et non chirurgicales. Votre rapport les mentionne, je crois, sous le terme «autres professionnels des soins de santé.» Dans le cadre de cette présentation, j'utilise plutôt le terme d'«employés paramédicaux» ou de «professionnels paramédicaux».

Mes commentaires se concentreront sur la question du recrutement et du maintien en poste de ces employés paramédicaux.

Le premier problème qui se pose à nos adhérents - et selon nos collègues à travers le pays, ce n'est pas seulement le cas en Alberta - est le manque de visibilité de ces employés paramédicaux. La plus grande attention porte sur les infirmières et les médecins. L'opinion publique pense à eux; les médias, les décideurs et les gouvernements, bien que passablement mieux informés, tendent également à se concentrer seulement sur eux. Toutefois, il est clair que les employés paramédicaux constituent un maillon indispensable du système de soins de santé.

Un exemple de ce manque de visibilité peut être illustré par un reportage récent de Global TV sur la pénurie en infirmières dans la région de la capitale. Ce reportage parlait d'un besoin de 400 infirmières, ce qui représente environ 6 p. 100 du total des effectifs d'infirmières. Comme s'il s'agissait d'une pensée soudaine et de moindre importance, le journaliste a également dit: «Au fait, il manque aussi 65 technologues en imagerie diagnostique.» Nous représentons l'ensemble des technologues en imagerie diagnostique employés dans la région de la capitale, et le chiffre de 65 signifie une pénurie correspondant à presque 20 p. 100 des effectifs dans cette discipline. Nous avons de nombreuses données concernant les infirmières et les médecins, ainsi que des données sur la qualité de la vie professionnelle, la démographie et la situation de la main-d'9uvre.

Les problèmes des employés paramédicaux doivent également être abordés. Notre document de synthèse répertorie plus de 20 disciplines qui souffrent de pénuries significatives, et la liste n'est pas exhaustive. Tous les facteurs liés aux soins infirmiers et figurant dans le rapport du comité s'appliquent également aux employés paramédicaux, qu'il s'agisse de la charge de travail, des questions de mode de vie, du travail par roulement, du besoin en formation continue, de la direction et de l'avancement.

Le deuxième problème auquel sont confrontées ces personnes concerne l'augmentation des exigences de formation requises. De nombreuses disciplines que nous représentons font face à un allongement des programmes de formation. Par exemple, alors que le Michener Institute en Ontario proposait autrefois un programme de formation des technologues en imagerie diagnostique sur deux ans, il l'offre à présent sur une période de cinq ans, du fait du développement de la technologie. Pour pouvoir exercer en pratique clinique, le physiothérapeute devra désormais suivre une formation de niveau maîtrise en Alberta et à travers le pays. Cette augmentation des exigences se répercutera sur les attentes des diplômés en matière de rémunération.

Les conventions collectives des infirmières ont créé des situations où les diplômés d'un programme de formation de deux ans en soins infirmiers gagnent autant ou plus d'argent que les physiothérapeutes ou les ergothérapeutes qui doivent tous deux être titulaires d'un B.A.

Un cas encore plus extrême ici en Alberta concerne les technologues travaillant en milieu rural, à la fois en laboratoire et en radiologie. Ils sont obligés de suivre avec succès un programme sur deux ans. La différence de paie entre les diplômés d'un programme de formation de deux ans en soins infirmiers et ces technologues peut atteindre jusqu'à plus de 9 $ de l'heure. Il s'agit d'une injustice énorme pour ces technologues.

Augmenter les niveaux de formation exigés sans ajuster en parallèle les niveaux de rémunération va provoquer, à notre avis, une perte d'intérêt chez les jeunes gens qui hésiteront à choisir ce type de professions de soins de santé. Cette situation crée en outre une tension inutile entre les professions.

Elle soulève aussi la question concernant les établissements de formation eux-mêmes. Des décisions prises dans une province touchent les autres provinces. L'Ontario a décidé que la formation de ses radiothérapeutes devait s'effectuer à l'université et non dans des établissements de formation. Il fut un temps où cette province formait plus de 70 diplômés par an. Suite à ce changement de programme, il y a eu un temps mort de trois ans - en d'autres termes, il n'y a eu aucun diplômé en Ontario pendant trois ans. Cela a contribué de manière très claire à créer une pénurie de radiothérapeutes, obligeant de nombreux patients à aller aux États-Unis pour subir des traitements. Cette pénurie a été, à notre avis, un facteur extrêmement déterminant dans l'augmentation très importante des salaires des radiothérapeutes ici en Alberta.

Ceci nous amène à parler de la question du financement. Nous sommes entièrement d'accord avec le comité lorsqu'il déclare que le financement des soins de santé doit être stable. Les restrictions budgétaires vers le milieu des années 90 dans le domaine des soins de santé ont été suivies par des augmentations de financement significatives; toutefois, des injections isolées de capitaux n'ont souvent pas été suffisantes pour répondre aux coûts de fonctionnement continus. Encore maintenant, nous entendons parler de prévisions de restrictions, devant suivre de près une annonce soudaine et inattendue faite par notre gouvernement provincial. Ces licenciements et pénuries en dents de scie ont un effet très négatif sur le système de soins de santé. Ils engendrent de vrais problèmes pour faire face aux charges de travail accrues et détruisent l'enthousiasme. Ils créent également un syndrome de concurrence. Les provinces entrent en concurrence pour engager ces professionnels, ce qui renforce les injustices entre provinces et contribue à l'augmentation des coûts des soins de santé.

Les restrictions en matière de financement se sont également ressenties au niveau de la formation des employés paramédicaux. Vers le milieu des années 90, le nombre des inscriptions a sensiblement baissé. Par exemple, en ce qui concerne les technologues de laboratoire, le nombre de diplômés a chuté de 42 p. 100 entre 1987 et 1997, alors que notre population augmente et que le nombre de tests effectués est également en augmentation.

Permettez-moi à présent d'aborder la question de l'accroissement du niveau de privatisation. Nous avons bien souvent entendu dire que, si le secteur privé prenait en charge une partie du travail, il serait peut-être possible de réduire les coûts. À ce sujet, nous sommes tout à fait d'un autre avis. Ce que nous avons constaté dans le cas de certains de nos adhérents, qui ont le choix d'aller travailler dans le secteur privé, est un exode des cerveaux, pas forcément vers les États-Unis - encore que ce soit un élément à prendre en compte - ou d'une province vers une autre, mais du secteur public vers le secteur privé. Les gens restent au même niveau de salaire, mais partent pour travailler dans de meilleures conditions - par exemple, pas de travail par roulement, pas de travail en service de garde, pas d'heures supplémentaires. Nous n'avons pas vu une baisse concomitante des exigences pesant sur le secteur public.

Cela nous mène donc à quatre options que nous pourrions recommander au gouvernement fédéral concernant ce problème. Nous soutenons totalement l'idée d'une stratégie nationale à long terme de planification des ressources humaines dans le domaine de la santé, faisant intervenir toutes les provinces et tous les niveaux de gouvernements, ainsi que les secteurs de formation postsecondaire, les organismes professionnels et de réglementation et les organisations syndicales. La mobilité entre les provinces signifie que les employés paramédicaux sont sur un marché du travail national qui doit être considéré en tant que tel.

Les discussions sur le financement stable ont été nombreuses ce matin. Nous pensons que ce sujet est crucial, que ce soit dans le domaine de la santé ou dans celui de la formation postsecondaire, car la mise sur le marché, le recrutement et le maintien en poste des professionnels sont directement touchés par ces deux secteurs. La dépense de grosses sommes d'argent sur une stratégie de gestion des ressources humaines dans le domaine de la santé n'a que peu d'intérêt, si cette stratégie n'est pas soutenue par un financement stable dont peuvent bénéficier les diplômés des programmes de formation.

Nous sommes également partisans d'une stratégie de communication pour résoudre le problème de manque de visibilité des employés paramédicaux. Nous devons nous assurer que toutes les professions liées à la santé constituent un choix de carrière attrayant pour les jeunes gens et que les professions paramédicales sont considérées comme faisant partie intégrante du système.

Notre dernière recommandation concerne les limites de la croissance de la privatisation. Nous tenons à souligner que cette recommandation constitue plus qu'une simple question idéologique. Nous avons vécu les effets de la privatisation sur le système public de soins de santé, et nous considérons que la croissance de la médecine à but lucratif a provoqué un exode des cerveaux hors du système public et est responsable d'une part significative du coût de la fourniture des soins de santé.

Mme Sharon Richardson, présidente de l'Alberta Association of Registered Nurses: Merci de me donner l'occasion de faire des commentaires sur le rapport du comité.

Il m'a été demandé de faire de brèves remarques préliminaires pendant cinq à sept minutes, suivies de la possibilité de répondre à des questions; j'ai donc choisi de formuler un commentaire sur le chapitre 11 qui concerne les ressources humaines dans le domaine de la santé. Toutefois, je voudrais tout d'abord vous faire un bref rappel sur l'Alberta Association of Registered Nurses, familièrement appelée l'«AARN.»

L'AARN est l'association professionnelle et l'organisme de réglementation liés aux infirmières accréditées en Alberta depuis 1916. Elle a deux responsabilités principales: premièrement, réglementer les fonctions des infirmières accréditées afin de s'assurer que les Albertains reçoivent des soins infirmiers de qualité et sans aucun risque; deuxièmement, promouvoir l'excellence dans les fonctions liées aux soins infirmiers. L'AARN défend également un système de soins de santé rentable et de grande qualité faisant le meilleur usage des connaissances et des compétences des employés.

L'AARN approuve les conclusions du comité qui identifie deux problèmes de ressources humaines nécessitant clairement l'attention de tous les gouvernements. Le premier est le problème du recrutement, de la formation et du maintien en poste d'une quantité appropriée de professionnels des soins de santé pouvant s'adapter au changement des besoins de la population canadienne en matière de santé et de soins de santé.

L'AARN pense qu'il y a présentement une crise des ressources humaines dans le domaine de la santé en Alberta, en particulier en ce qui concerne les infirmières accréditées. En Alberta, 28 p. 100 des infirmières accréditées sont âgées de plus de 50 ans. Sachant qu'un nombre significatif de ces 28 p. 100 partira certainement à la retraite dans les quelques années à venir, il y aura de toute évidence une augmentation de la demande en jeunes diplômés, simplement dans le but de maintenir le nombre d'infirmières accréditées en Alberta, nombre actuellement légèrement supérieur à 24 000. Il est également à noter que 46 p. 100 des infirmières accréditées en Alberta ont présentement entre 35 et 50 ans et que seulement 23 p. 100 ont entre 26 et 35 ans.

Malgré une demande accrue en infirmières accréditées depuis deux ans, le nombre de nouveaux inscrits venant d'autres régions du Canada a progressivement baissé, alors qu'il n'y a pas eu d'augmentation du nombre de jeunes diplômés sortant des programmes de formation d'infirmières accréditées de l'Alberta. Il y a eu 578 jeunes diplômés en 1998, ce nombre a baissé à 475 en 1999, puis a légèrement réaugmenté à 544 en 2000. En clair, l'une des conséquences significatives du vieillissement des effectifs d'infirmières accréditées en Alberta, associé à la réduction du nombre des inscriptions de transfert en provenance d'autres régions du Canada et à la baisse du nombre de jeunes diplômés dans les dernières années, est la nécessité impérative d'augmenter le nombre de jeunes diplômés sortant des programmes de formation d'infirmières accréditées en Alberta.

L'AARN reconnaît que les augmentations significatives de salaire récemment négociées par United Nurses of Alberta pour environ 75 p. 100 des effectifs d'infirmières accréditées de la province, ainsi que l'assouplissement des programmes de formation permettant d'entrer en fonction faciliteront le recrutement dans cette profession. L'AARN pense toutefois que le recrutement pourrait être encore plus facile si les gouvernements participaient aux frais de scolarité en utilisant les impôts ou en offrant des bourses. De nombreux étudiants recourent à des prêts pour financer une grande partie de leurs frais de scolarité et autres dépenses et entrent souvent sur le marché du travail avec des dettes très importantes. La participation aux frais de scolarité en utilisant les impôts ou en offrant des bourses permettrait d'alléger les charges financières des étudiants au moment où ils débutent leur carrière professionnelle.

Le deuxième problème de ressources humaines identifié par le comité comme nécessitant l'attention de tous les gouvernements est la question de l'utilisation optimale de l'éventail complet de professionnels de la santé ayant des compétences différentes. L'AARN est d'avis qu'une réforme des soins de santé primaires est essentielle si les Canadiens veulent rationaliser l'utilisation des ressources humaines dans le domaine de la santé. Les soins de santé primaires sont définis comme le premier niveau de soins, correspondant en général au premier contact que les patients ont avec le système de soins de santé. L'AARN est d'accord que les services de soins de santé primaires doivent être coordonnés, accessibles à tous les consommateurs, fournis par des professionnels de la santé ayant les compétences nécessaires pour répondre aux besoins des individus dans les collectivités et tenus de rendre des comptes aux citoyens de la région grâce à une gestion publique par la collectivité. De plus, l'AARN approuve le travail d'équipe multidisciplinaire en tant qu'élément vital des soins primaires.

Les infirmières accréditées en Alberta sont bien placées pour s'engager dans une réforme des soins de santé primaires. La proportion d'infirmières accréditées en Alberta, titulaires d'un baccalauréat ou d'un diplôme plus élevé est un atout particulier. En 2000, 8 275 infirmières accréditées en Alberta, soit un peu plus du tiers de toutes les infirmières accréditées, étaient titulaires d'un baccalauréat ou d'un diplôme plus élevé. Parmi elles, une très écrasante majorité, soit presque 80 p. 100, étaient employées à des postes fournissant des soins directs aux clients dans les hôpitaux et les installations communautaires. L'enseignement reçu pour obtenir le baccalauréat est un atout pour les infirmières accréditées qui ont des connaissances et des compétences dans les domaines de la promotion de la santé et de la prévention des maladies, ainsi que pour examiner et soigner les personnes malades. Depuis 1997, le nombre de nouvelles infirmières accréditées entrées en fonction en Alberta avec un baccalauréat est quatre fois plus important que celui de celles entrées avec un diplôme. L'augmentation du financement gouvernemental des programmes de baccalauréat en soins infirmiers menant à l'entrée en fonction d'infirmières accréditées est une option importante pour accroître la proportion d'infirmières accréditées particulièrement aptes à exercer dans le domaine des soins de santé primaires.

Merci de m'avoir donné la chance de vous parler des options permettant de promouvoir le recrutement d'infirmières accréditées et la mise en 9uvre d'une stratégie de fourniture de soins de santé primaires.

La vice-présidente: Madame Richardson, vous faites allusion aux statistiques, et nous avons entendu de nombreux renseignements en nous déplaçant à travers le pays, en ce qui concerne l'âge des infirmières accréditées.

Le sénateur Morin: J'ai un certain nombre de questions. Je voudrais commencer par vous, madame Fredrickson. Existe-t-il des variations entre provinces en ce qui concerne l'utilisation des infirmières auxiliaires? Y a-t-il des provinces dans lesquelles vous pensez qu'elles sont utilisées plus efficacement et qui pourraient servir de modèle aux autres provinces? Il y a des variations de province à province, n'est-ce pas?

Mme Fredrickson: Sans aucun doute. En fait, je peux vous dire qu'il y a des variations d'un hôpital à l'autre, et même d'un service à l'autre dans un même hôpital. En termes de modèle d'utilisation à l'échelle de toute une province, je pourrais probablement citer l'exemple de la Nouvelle-Écosse. Du fait de la grave pénurie en infirmières dans cette province, un modèle est en train d'être établi au niveau provincial. Il est toutefois encore dans sa phase de mise en 9uvre; après avoir été mis en place et suivi dans une région, il passe à présent à l'échelle provinciale.

Le sénateur Morin: Docteure Wilson, merci beaucoup d'être venue. Autant que je sache, vous êtes le premier chercheur à avoir pris la parole devant nous. Il est un peu curieux qu'aucun autre chercheur ne soit intervenu devant le comité ou, même, que nous n'ayons pas reçu les commentaires d'autres chercheurs. Si nous parlions du cancer ou des maladies de c9ur, nous aurions entendu des centaines de chercheurs, qui nous auraient présenté d'une manière passionnée les résultats de leurs recherches. Ils seraient avides de partager leur point de vue avec nous. Nous nous occupons des services de santé, problème très important, et les universitaires spécialistes de ce sujet ont été incroyablement silencieux. Nous avons entendu des médecins, des associations professionnelles, des directeurs généraux, des politiciens; le nombre d'intervenants a été extrêmement important, ce qui est très satisfaisant pour nous.

Ce qui nous manque est le témoignage d'universitaires spécialistes du sujet et de la communauté scientifique. Vous constituez la seule exception; nous aurons peut-être quelques-uns de leurs témoignages plus tard, mais cela n'a pas encore été le cas jusqu'à présent. Ils sont sur le terrain, mais ne se sont pas déplacés jusqu'ici.

Enfin, madame Ballermann, vos commentaires concernant les soins de santé privés m'ont intéressé. Vous connaissez ce sujet mieux que moi. Êtes-vous quelque peu préoccupée par la qualité des soins dispensés dans les cliniques radiologiques privées? Ou avez-vous le sentiment qu'ils sont plus coûteux, sinon moins efficaces, car ils sont bien entendu financés par le gouvernement?

Vous avez également fait allusion à la concurrence du secteur privé dans le domaine des services pharmaceutiques. Pensez-vous que les pharmacies devraient appartenir au gouvernement? Je ne comprends pas ce que vous voulez dire. Pensez-vous qu'elles devraient être sous le contrôle du gouvernement?

Mme Ballermann: En ce qui concerne les cliniques radiologiques, je ne suis pas certaine d'être compétente pour pouvoir faire des commentaires sur les questions de qualité. Je vous renverrai plutôt vers les organismes professionnels à ce sujet.

Néanmoins, certains de nos adhérents travaillant dans les deux secteurs racontent des anecdotes - les technologues spécialisés dans les ultrasons, par exemple - disant que le temps qu'ils consacrent à un examen dans le secteur privé est sensiblement moins important que celui qu'ils y consacreraient dans le secteur public. Cela pose sans doute la question de la qualité, mais je ne pourrais affirmer de façon péremptoire qu'il existe un problème de qualité.

La question tend à concerner l'utilisation et le coût total engendré. Du point de vue du secteur de la radiologie, ma préoccupation concerne principalement l'exode des cerveaux hors du système public.

Le sénateur Morin: Je comprends ce point, mais je voudrais que vous me disiez si les cliniques radiologiques privées sont plus coûteuses.

Votre avis est que le temps consacré à chaque patient dans ces cliniques est moins important que dans les hôpitaux

Mme Ballermann: Je veux dire très clairement que je ne parle pas de façon générale. Certaines anecdotes nous ont informé que c'était le cas pour certains examens.

Je ne suis pas au courant, et d'ailleurs personne ne l'est, du coût exact de chaque examen proposé par le système privé, et ne pourrais donc parler de façon péremptoire d'un tel coût par examen. Contrairement aux établissements chirurgicaux qui doivent à présent faire un rapport public de leurs conventions, les établissements de diagnostic ne sont pas tenus de le faire.

Nous sommes préoccupés par la possibilité que le retrait de patients du système public ne s'accompagne pas d'une décroissance dans la demande de services publics.

En ce qui concerne votre autre question, nous ne préconisons pas que les pharmacies de détail passent sous le contrôle du gouvernement. Nous savons qu'il s'agit d'un problème de longue date. Toutefois, nous serions partisans d'un formulaire et d'un régime d'assurance-médicaments nationaux, qui auraient pour effet, à notre avis, de réduire l'importance de la participation du secteur privé dans le système des soins de santé.

Les pharmaciens du secteur public gagnent un peu plus de 30 $ de l'heure. Ils voient des annonces promettant un salaire de 50 $ de l'heure s'ils vont travailler dans un grand magasin. Cette différence énorme de salaire ne permet pas de garder les pharmaciens dans les hôpitaux où, même si leur travail est plus intéressant, la charge de travail est extrême.

Si vous parliez avec M. Davis ou Mme Weatherill, ils vous diraient qu'ils ont des difficultés non négligeables à recruter et à maintenir en poste des pharmaciens. En tant que syndicat, nous essaierons d'obtenir des salaires qui restent compétitifs, car il s'agit de notre devoir envers nos adhérents; néanmoins, dans l'ensemble, cela représente une source de dépenses significative pour le système.

La vice-présidente: Désirez-vous faire un commentaire, docteure Wilson, sur la déclaration du sénateur Morin concernant le manque de participation des chercheurs?

Dre Wilson: Je ne suis pas au courant de l'identité des intervenants ayant parlé devant le comité, mais il est extrêmement dommage qu'il n'y ait pas eu plus de chercheurs.

Toutefois, très peu de chercheurs sont à même d'accéder à ces données. Malheureusement, lorsque les frais s'élèvent à 40 000 ou 80 000 $, un chercheur doit obtenir une bourse. De plus, il faut posséder un certain type de compétences pour effectuer ces analyses. Par conséquent, très peu de chercheurs se plongent dans ces études et très peu le feront à l'avenir, du fait de tous ces obstacles.

En termes de privatisation, Alberta Health a privatisé ses bases de données l'année dernière, à savoir les données recueillies dans les établissements de soins de longue durée et les hôpitaux. L'an dernier, les données dont j'avais besoin m'auraient coûté 40 000 $. Cette année, elles coûtent 80 000 $. C'est exactement le double, car elles sont à présent gérées par une entreprise privée.

Cela limite énormément l'accès des chercheurs aux données. Je ne dispose pas moi-même de ces fonds. J'ai besoin de recevoir une bourse très importante pour pouvoir accéder à ce type de données et, de nos jours, la concurrence est féroce pour obtenir ces bourses. Même si plus d'argent est consacré à la recherche, les chercheurs ont de plus en plus de difficultés à obtenir des fonds. Mettre au point un dossier de demande de bourse qui soit accepté représente un travail considérable. Il s'agit d'un problème crucial.

Comment un chercheur peut-il travailler sans données? Il n'est pas possible de travailler sur des mythes ou sur la base de ce qui se passait il y a 10 ans. Notre système de santé a changé rapidement, et nous manquons de données décrivant ces changements ou identifiant leur nature ou leur impact.

La vice-présidente: C'est une très bonne remarque.

Le sénateur Pépin: Madame Fredrickson, si j'ai bien compris, il existe de légères divergences entre votre association, qui représente les infirmières auxiliaires autorisées, et les infirmières accréditées. Quelle est la différence entre les deux professions en termes d'années d'étude?

Mme Fredrickson: Cela varie à travers le pays. Cela peut aller d'un programme d'un an minimum à un programme sur deux ans, qui est actuellement mis en place en Ontario. Au Québec, le programme s'étale sur deux ans, je crois, mais est enseigné d'une manière différente.

Le sénateur Pépin: Merci. Je pensais qu'il existait une durée standard dans tout le pays.

Y a-t-il eu une concertation pour savoir comment vous pourriez travailler ensemble? Il y a eu beaucoup d'allusions concernant le travail en équipe et concernant les médecins, infirmières et employés paramédicaux travaillant ensemble. Comment envisagez-vous que votre association puisse travailler en étroite collaboration avec les infirmières accréditées?

Mme Fredrickson: Si les programmes de formation étaient mieux articulés entre eux, la cohésion et le travail en équipe commenceraient dès la phase d'apprentissage. Les infirmières accréditées comprendraient nettement mieux en quoi consiste la formation des infirmières auxiliaires. En d'autres termes, si les différents programmes étaient mieux intégrés, cela créerait beaucoup moins de problèmes contrairement à la situation actuelle.

Le sénateur Pépin: Vous dites que les infirmières auxiliaires autorisées sont sous-utilisées. Vous dites, et je vous cite:

Les domaines les plus touchés par la sous-utilisation des infirmières auxiliaires autorisées sont aussi ceux où sévit la plus grande pénurie en infirmières.

Comment en êtes-vous arrivée à une telle situation? Je comprends qu'il existe des difficultés entre les deux associations, et je ne pense pas que nous puissions les résoudre ici; néanmoins, il est important que les deux associations fassent du chemin pour être un jour capables de travailler ensemble.

Mme Fredrickson: Cela nous ramène à la création du métier d'infirmière auxiliaire. Cette profession est née de la pénurie en infirmières accréditées après la deuxième guerre mondiale. À cette époque, les infirmières auxiliaires avaient un rôle d'adjointe. Toutefois, dans de nombreuses régions, la profession d'infimière auxiliaire a évolué au-delà de ce simple rôle. Pour sûr, dans certaines régions, leur rôle n'a pas évolué, et dans d'autres, elles portent toujours le titre d'«aides-infirmières». Par conséquent, leur rôle varie.

Néanmoins, d'une manière générale, le niveau de formation des infirmières auxiliaires a augmenté de façon très significative. Il est passé à une formation basée sur les connaissances au lieu de celle basée sur les aptitudes qui existait auparavant, et ce changement n'a jamais été expliqué à l'opinion publique.

La vice-présidente: Madame Richardson ou madame Smith, avez-vous un commentaire à faire sur ce sujet?

Mme Heather Smith, présidente, United Nurses of Alberta: Il existe aussi des problèmes concernant les effectifs d'infirmières auxiliaires autorisées. Je ne pense pas qu'il s'agisse nécessairement d'une question de non-utilisation dans certaines régions de la province. À ma connaissance, la pénurie en infirmières auxiliaires autorisées est encore plus importante que la pénurie en infirmières accréditées.

C'est pourquoi je ne suis pas d'accord avec le contenu du commentaire.

Mme Fredrickson: Je suis également directrice administrative de l'organisme de réglementation de la profession d'infirmières auxiliaires autorisées dans cette province. À ce titre, je peux vous dire que, rien que dans cette province, nous sommes passés de 8 600 infirmières auxiliaires autorisées en 1986 à 4 300 il y a deux ans.

La vice-présidente: Que s'est-il passé?

Mme Fredrickson: Ces personnes ont été licenciées; elles ont été éliminées du système. Il n'y avait pas de travail pour les infirmières auxiliaires autorisées et, par conséquent, personne ne choisissait ce métier. Notre nombre commence à réaugmenter, mais cela prendra du temps. Comme dans le cas de l'AARN, une partie très significative de nos effectifs partira à la retraite dans les 10 ans qui viennent.

Mme Richardson: L'une des choses contre lesquelles toutes les catégories d'infirmières se battent présentement dans cette province est la conséquence directe des restrictions budgétaires draconiennes en matière de services de soins de santé qui ont eu lieu vers le milieu des années 90 et auxquelles il est fait référence par euphémisme avec le terme de «restructuration.» Un tiers de tous les postes d'infirmières accréditées a été supprimé entre 1993 et 1995. Nous avons perdu quatre années de jeunes diplômés de 1994 à 1998, car ces personnes ont dû quitter la province pour trouver du travail. Elles ne reviendront pas.

Les chiffres auxquels Mme Fredrickson fait référence ont également été touchés par les restrictions budgétaires draconiennes dont a été victime le système de fourniture de soins de santé. C'est pourquoi la baisse très importante vers le milieu des années 90 du nombre d'infirmières auxiliaires autorisées dont elle vous parle est due, à mon avis, à la «restructuration.»

Il est très difficile, une fois que le nombre des emplois a été réduit - et vous avez alors des employés plus âgés, quelle que soit la catégorie - de promouvoir ce groupe professionnel particulier.

L'autre commentaire que je ferai est que cette province n'a arrêté ses programmes permettant d'obtenir des diplômes en soins infirmiers dispensés dans les hôpitaux qu'en 1995. C'est pourquoi ce qui se passait - et avant 1995, deux tiers de toutes nos jeunes infirmières accréditées diplômées entrant en fonction étaient issues de ces programmes - est que ces étudiants étaient utilisés au sein du service. Quel que soit l'angle où vous vous placez, ils faisaient partie des effectifs actifs à un moment donné de leur programme s'étalant sur deux ans et demi ou trois ans.

Nous avons une histoire particulière dans cette province en ce qui concerne le travail des étudiants qui a duré plus longtemps que dans la plupart des autres provinces, et il s'agit là aussi d'un facteur expliquant la situation des infirmières auxiliaires autorisées Lorsque des étudiants travaillent, même si ce n'est qu'à temps partiel, la demande en infirmières auxiliaires autorisées se trouve réduite, car les employeurs ont utilisé les deux catégories de façon interchangeable.

C'est pourquoi la situation de la catégorie que nous appelons infirmières auxiliaires autorisées est présentement très difficile.

Le sénateur Pépin: Je sais que le Québec connaît une situation équivalente. Pendant la restructuration, de nombreuses infirmières ont été licenciées. Présentement, il y a une pénurie; toutefois, les infirmières sont parties et ne reviendront pas. Alors je sais de quoi vous parlez.

Docteure Wilson, je suis intéressée par ce que vous avez dit à propos des soins à domicile, des établissements de soins infirmiers et des statistiques concernant le nombre de personnes utilisant les hôpitaux. Vous avez dit que 78 p. 100 d'entre elles vivent en milieu rural. Il semblerait que des soins à domicile bien organisés deviennent une nécessité, de même que des soins palliatifs.

Nous avons effectué l'année dernière une étude sur les soins palliatifs, et chaque année, nous essaierons de la mettre à jour. J'ai l'intention de lire les résultats de votre étude; c'est très important. Comme M. le sénateur Morin l'indiquait, vous êtes le premier chercheur à nous donner des informations du type de celles que vous avez présentées ici.

Madame Ballermann, vous avez parlé des différences salariales entre employés paramédicaux. Si nous envisageons l'option du travail en équipe, la question des différences salariales devra être abordée - ce que j'essaie de dire est que les syndicats auront fort à faire à ce sujet.

Mme Ballermann: Absolument. Notre rôle est de négocier des salaires appropriés pour les adhérents de notre syndicat. La réalité est que l'effectif lui-même de nos adhérents ne nous donne que peu de poids. Nous félicitons nos collègues infirmières, car nous avons réussi à profiter de certains des avantages qu'elles ont acquis au fil des années, mais nous n'avons rien obtenu dans d'autres domaines.

Les effectifs eux-mêmes ont une importance capitale sur le pouvoir de négociation que nous possédons et sur la façon dont les gouvernements - et je parle principalement des gouvernements provinciaux - nous considèrent lors des négociations. Nous regardons ce qui se passe dans d'autres régions avec une grande appréhension. Nous avons vu le cas de la Colombie-Britannique, par exemple, où le gouvernement a créé, je crois, une situation très difficile provoquant de nombreuses tensions entre les différentes disciplines, en donnant une augmentation de salaire très significative aux infirmières, une augmentation de salaire moins significative à un grand nombre de professions paramédicales et une augmentation ne pouvant être considérée que comme une insulte à environ 35 p. 100 des employés paramédicaux. Si cela reflète l'estime que nos gouvernements - nous pourrions aussi parler du rôle des administrations sanitaires régionales, mais le financement vient des gouvernements - portent à ces employés, alors ils instaurent une situation où tout enthousiasme est détruit. Lorsque les jeunes gens considèrent ces professions et se demandent: «Que vais-je être capable de faire avec ma formation?», le choix devient beaucoup plus simple car il n'existe aucune justification à ce type de différences.

Le sénateur Pépin: Madame Richardson, vous avez parlé du pourcentage d'infirmières âgées de 35 à 50 ans. Vous avez également dit que, pour encourager la profession d'infirmière, un dégrèvement fiscal ou l'octroi d'une bourse devrait être institué. Parlez-moi un peu plus de cela. Voulez-vous dire que nous serions capables de former plus d'infirmières si nous subventionnions leurs études?

Croyez-vous que cela attirerait les gens vers cette profession, malgré les conditions de travail et le manque de respect mentionné? Expliquez-moi cela un peu plus en détail.

Mme Richardson: Je faisais allusion à une aide financière supplémentaire pour couvrir les frais de scolarité et autres dépenses. Je vais vous donner des exemples particuliers d'étudiants avec qui j'ai été en contact. Certains d'entre eux obtiennent leurs diplômes en ayant fait des emprunts allant jusqu'à 20 000 $.

L'une des choses que nous essayons de faire dans le domaine des soins infirmiers - et nous y avons assez bien réussi - est de recruter des personnes qui savent quand des postes seront disponibles. Nous ne manquons pas de candidats aux programmes de formation; nous manquons de place dans les programmes de formation.

Chaque institut proposant un programme de formation dans cette province reçoit au moins quatre candidatures valables pour chaque place qu'il peut offrir. L'un des défis pour un certain nombre d'étudiants - et je ne dis pas pour tous, mais tout au moins pour un pourcentage significatif d'entre eux - est de financer leurs études. Ils doivent payer leurs frais de scolarité; ils doivent payer leurs livres. Nombre d'entre eux doivent payer des frais supplémentaires pour se loger et se nourrir, même si nous proposons des programmes satellites dans les collèges régionaux permettant aux étudiants de rester dans leur zone géographique d'origine.

Ce que je suggérais est une méthode d'aide individuelle aux étudiants, et non pas aux programmes de formation en soi, comme peut-être un dégrèvement fiscal ou une bourse plus importante, afin qu'ils ne soient pas obligés de recourir à des emprunts si lourds dans certains cas.

De plus, si nous désirons attirer des individus plus âgés, et il s'agit là d'une proportion grandissante des recrutements dans le domaine des soins infirmiers, il nous faut tenir compte du fait qu'ils ont souvent des personnes à charge. Ils n'entrent pas dans le schéma des personnes que nous recrutions dans ce domaine il y a 15 ans, et encore moins il y a 20 ans.

Le sénateur Pépin: Ma prochaine question est la suivante: Quel est l'âge moyen de ces recrues?

Mme Richardson: Je ne saurais vous donner un chiffre à brûle-pourpoint; je ne suis même pas certaine que ces chiffres soient conservés quelque part. Nous savons juste qu'il existe une proportion grandissante de ce que nous appelons librement des «étudiants âgés», ayant sans doute 25 ans et plus; il existe une augmentation du nombre de personnes âgées d'environ 30 ou 35 ans. Nous sommes parfois en présence de gens qui changent d'orientation de carrière. Certains ont des conjoints, certains peuvent avoir des enfants ou même des parents à charge.

C'est pourquoi la pyramide des âges des recrues dans le domaine des soins infirmiers est beaucoup plus étendue. Leurs caractéristiques socio-économiques varient considérablement; et en moyenne, comme l'a indiqué l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, puisque nous recrutons une plus grande proportion de personnes plus âgées, la durée de leur vie professionnelle sera plus courte.

Le sénateur Pépin: Madame Fredrickson, êtes-vous confrontée au même problème?

Mme Fredrickson: L'âge moyen de nos étudiants ici en Alberta est de 29,5 ans. Par conséquent, nous sommes dans une situation certainement très similaire.

Le sénateur Keon: Merci à toutes d'être venues ici et d'avoir pris le temps d'effectuer des présentations au nom de vos organismes respectifs. Il est intéressant de voir l'interface existant entre toutes les disciplines concernant la santé, y compris les disciplines que vous représentez en médecine et en soins infirmiers, et de se rendre compte que chacun essaie de faire sa place au soleil dans le système global. L'autre chose intéressante est que chaque discipline concernant la santé semble voir augmenter son temps de formation et ses attentes quant à cette formation. Ceci est sans aucun doute vrai en médecine, mais s'applique aussi, je pense, à toutes les disciplines concernant la santé.

Paradoxalement, les ressources humaines globales dans le domaine des soins de santé ne sont plus suffisantes, tant que nous dépendrons seulement du gouvernement. J'ai souvent pensé qu'il serait extrêmement intéressant de réunir dans une grande pièce les représentants appropriés des 35 à 40 disciplines concernant la santé et d'avoir une réflexion approfondie sur la place que chacun doit occuper dans le système global. Il s'agirait d'un exercice très difficile, car il n'y aurait pas de consensus. J'apprécie la responsabilité énorme qui incombe à chacune d'entre vous en tant que dirigeante dans votre propre discipline, de veiller à ce que celle-ci soit traitée correctement.

Pourtant, en considérant le schéma du système dans son ensemble, nous devrons trouver quelque part une solution au problème au lieu de continuer à avoir une approche au coup par coup, et nous devrons laisser chaque discipline trouver sa place dans le système global au fur et à mesure de nos avancées.

Je vais demander à chacune d'entre vous de faire un commentaire à ce sujet. Je n'ai pas vraiment de préférence quant à la personne qui commencera à parler, mais je voudrais écouter vos commentaires.

Mme Richardson: Je serais heureuse de répondre à cela, sénateur Keon. Je suis bien d'accord. Je pense qu'il y a longtemps que nous ne pouvons plus laisser les différentes disciplines autonomes sans interconnexions avec le système de distribution des soins médicaux ou avec leurs disciplines connexes. Je vous mets en garde contre toute hiérarchie imposée, quelle qu'elle soit, car je pense que ce serait une hiérarchie de départ. Je suis toutefois d'accord qu'il serait très utile d'envisager le problème d'un point de vue pratique.

Considérons par exemple une section de la main d'9uvre des soins de santé - j'utilise ici le terme «la profession infirmière» de façon générale en assimilant à cette catégorie non seulement les infirmières autorisées mais aussi les infirmières auxiliaires. À mon avis et à ma connaissance, dans ce pays, jamais nous n'avons pris le temps de réfléchir de quelque manière que ce soit à la meilleure manière d'utiliser ces catégories. De fait, nous avons fait face à une situation de fluctuations phénoménales dans le recrutement, la rétention et l'utilisation de ces catégories.

Mme Fredrickson a parlé avec éloquence des variations dans l'utilisation de ce que nous appelons la catégorie des infirmières auxiliaires dans l'ensemble du pays. Pourquoi?

Par conséquent, j'approuve votre intention globale.

Dre Wilson: Je vais me tourner vers un autre problème qui en découle, il s'agit de la régionalisation. En Alberta, le contrôle de la rémunération des médecins ne relève pas des régions. Ce facteur a été laissé de côté. Comment est-il possible de planifier? Vous pouvez certainement planifier la pharmacie, les infirmières et autres, mais que faire quand les médecins, qui sont ceux qui déterminent les coûts principaux, se trouvent hors de ce système? C'est tout ce que j'ai à dire.

Mme Ballermann: C'est certain, ce sont des éléments de protection de territoire. Je pense que nous ne serions pas honnêtes si nous refusions d'admettre que cela constitue un aspect de notre système de soins de santé à l'heure actuelle. Nous avons pourtant vu du travail d'équipe très réussi. Par exemple, je suis physiothérapeute. Mon port d'attache est Glenrose Hospital ici à Edmonton, où nous avons mis sur pied un certain nombre d'équipes autodirigées. Je me dépêche d'ajouter que je n'exerce pas en pratique clinique à ce moment. Quoi qu'il en soit, nous avons formé des équipes auto-dirigées où les professionnels travaillent ensemble. L'infirmière, le physiothérapeute, le thérapeute du travail, le thérapeute des jeux, peut-être un pharmacien collaborent à la mise au point les soins d'un patient avec bien entendu, la participation du médecin.

On constate que la hiérarchie avec le médecin en tête de file existe encore. Franchement, je doute que cela change dans un avenir immédiat. Toutefois, nous avons obtenu de très bons résultats dans le cadre de certaines de ces équipes auto-dirigées.

Une situation intéressante s'est produite dans ce même établissement où la hiérarchie avait disparu au sein les différentes disciplines. Mes collègues de physiothérapie disaient, «Nous ne comptons sur personne pour nous superviser. Nous sommes habilités à prendre certaines décisions.» Toutefois, par mesure d'économie, la région a décidé que le système de hiérarchie devait être rétabli car, à cause des responsabilités accrues des employés à s'auto-diriger, ils étaient payés à un niveau supérieur. «Nous venons de ramener tout un groupe d'employés à un niveau inférieur, rétablissez la hiérarchie,» a décrété la région. Cela a été terriblement frustrant pour nos membres.

Mme Fredrickson: Dans ma présentation, j'ai mentionné l'étude nationale du secteur infirmier. Un des mandats de cette étude était d'examiner les connaissances, les habiletés et les compétences des trois groupes infirmiers réglementés qui sont les infirmiers autorisés, les infirmiers psychiatriques dans les quatre provinces de l'Ouest canadien et les infirmiers auxiliaires autorisés.

Nous espérons que, si nous nous réunissons autour d'une table, nous pourrons définir les rôles de chacun - où un rôle se termine et où l'autre continue - ainsi que les connaissances et les compétences de chaque praticien. J'ai bon espoir que cela se réalisera.

Pourtant, avant d'essayer de mettre cela en pratique, le système d'enseignement a un rôle important à jouer: celui d'examiner les méthodes de formation des travailleurs, parce qu'il y a des entités isolées dans le système d'enseignement et non seulement dans l'exercice des professions. Les entités isolées commencent là et continuent dans la vie professionnelle.

Mme Smith: Juste deux ou trois commentaires. En ce qui concerne la protection des territoires et les ressources de santé, un point qui n'a pas été mentionné dans ma lecture du rapport est un groupe entier de fournisseurs de soins, ceux qui ne sont pas accrédités. Ici, nous examinons les représentants des fournisseurs de soins de santé réglementés. Malheureusement, pour différentes raisons, l'une des plus grandes questions qui se pose dans notre système de santé, en particulier dans les soins de longue durée, est celle de l'utilisation massive de travailleurs non spécialisés, ce qui nous ramène à la question de l'administration publique et, avec cela, à la responsabilité du secteur public par rapport à notre système.

En ce qui concerne la protection des territoires et l'idée de réunir tous les fournisseurs de soins pour discuter franchement, je crois que l'un des plus grands obstacles qui se dresse est tout simplement un manque de confiance qui crée une sorte de paralysie et de fait, accentue et rend cette protection un problème encore plus insurmontable pour nous. À moins que nous envoyions des signaux de confiance dans notre système de soins de santé, je dirais même de confiance dans notre système de soins de santé et dans la distribution des services de santé publique, nous devrons faire face à un problème continuel de travailleurs peu désireux de communiquer avec d'autres et d'envisager de nouvelles solutions en raison des considérations économiques auxquelles ils doivent faire face et des facteurs déterminants de leur propre santé.

La vice-présidente: J'aimerais remercier chacun des témoins. Les présentations ont été très intéressantes et utiles. Nous avons beaucoup de lecture à faire pour incorporer tous ces documents correctement dans notre étude.

Le comité suspend ses travaux.

Le comité reprend ses travaux.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

Le président: Messieurs et mesdames les sénateurs, commençons. Nos premiers témoins cet après-midi sont Christine Burdett, présidente provinciale de Friends of Medicare et Kevin Taft, coauteur d'un livre qui a circulé parmi nous.

Je vous remercie de votre présence ici aujourd'hui. Madame Burdett, veuillez commencer, puis nous nous tournerons vers M. Taft. Ensuite, nous tiendrons notre session habituelle de questions et réponses.

Mme Christine Burdett, présidente provinciale de Friends of Medicare: Je devrais en premier présenter ma collègue, Tammy Horne, chercheuse indépendante auprès de Friends of Medicare.

Merci, messieurs et mesdames les sénateurs, de nous donner cette occasion de présenter notre cas à l'appui de l'assurance- maladie.

L'expression «fondé sur l'expérience clinique» est devenue au goût du jour dans le domaine des soins de santé. J'ai en fait entendu votre propre comité l'utiliser à l'occasion. Si nous voulons prendre des décisions «fondées sur l'expérience clinique» dans le secteur des soins de santé, nous n'aurons d'autre choix que de reconnaître la force écrasante de la preuve en faveur de l'assurance-maladie, évidence qui indique que des soins de santé subventionnés, administrés et distribués par l'état sont plus efficaces par rapport au coût tout en étant aussi plus humains et plus équitables.

Je pourrais consacrer mon entière présentation à citer titre après titre de recherches fiables en faveur du système public de soins de santé. Mais ce n'est pas mon intention. De fait, il n'y a aucun besoin de le faire. Vous venez de lire la bibliographie dans l'ouvrage de M. Taft.

Je sais que vous êtes tout aussi conscients que moi de cette preuve écrasante en faveur de l'assurance-maladie par rapport au manque de preuve à l'appui des soins à but lucratif. Les hôpitaux à but lucratif ont des coûts plus élevés que les hôpitaux à but non lucratif et les hôpitaux publics.

Dans les cas où les frais de patients au total sont similaires entre les hôpitaux à but lucratif et les hôpitaux à but non lucratif, la similarité est atteinte en raison de séjours plus longs qui compensent les frais journaliers plus élevés des établissements à but lucratif. Ce fait, publié dans le Journal of Health Economics, est cité par Ettner et Herman.

Pendant le débat du projet de loi 11, ici en Alberta, les Friends of Medicare et d'autres groupes semblables ainsi que des citoyens préoccupés ont présenté étude après étude en faveur de l'assurance-maladie; notre gouvernement a été bien informé et a recherché des preuves contraires en vain.

Votre comité a examiné différents programmes conçus dans le but de réduire les coûts du système d'assurance-maladie. À la lecture de votre rapport, il apparaît que vous avez accepté le mythe, populaire auprès de certains, que l'assurance-maladie n'est pas soutenable.

Quand nous cessons de définir le débat sur l'assurance-maladie en fonction de public contre privé, de droits d'utilisation et de compte d'épargne médicale, nous pourrons alors commencer à envisager de véritables changements qui amélioreront notre assurance-maladie sans la mettre en danger.

Quand nous envisageons des mesures d'économies dans le domaine des soins de santé, nous devrions envisager de réduire les coûts aux particuliers et non seulement les coûts au gouvernement. Cela exigerait d'envisager un programme national d'assurance-médicaments qui réduirait le coût des médicaments qui ont augmenté beaucoup plus rapidement que les autres coûts liés à la santé. On pourrait envisager la mise en place de salaires pour les médecins plutôt qu'une rémunération des services, l'utilisation d'infirmiers et infirmières de première ligne et d'équipes multidisciplinaires qui non seulement font baisser les coûts, mais fournissent de meilleurs soins de santé.

On peut encore faire beaucoup pour développer les meilleures pratiques de traitements et de diagnostics informationnels. Si nous voulons bien accepter une tâche vraiment ardue, nous devons envisager les coûts à la fois en argent et en dignité en ce qui concerne les problèmes de fin de vie.

Pourquoi est-il si difficile d'accepter la simple vérité que réduire les coûts des soins de santé pour le gouvernement n'est pas la même chose que réduire les coûts des soins de santé aux particuliers? En fait, la tendance est inverse.

Il n'est pas possible en si peu de temps d'examiner toute la preuve en faveur de l'assurance-maladie, ni de résumer l'importance de l'assurance-maladie pour les Canadiens. Malheureusement, peu d'entre nous se souviennent de la situation avant la mise en place de l'assurance-maladie.

Il y a environ 16 ans, mon mari a attrapé la grippe. Hospitalisé aux soins intensifs le lendemain de Noël, il en est ressorti à Pâques. La grippe est une maladie courante parmi la population, mais mon mari, lui, est resté aux soins intensifs pendant trois longs mois. J'ai passé de nombreuses nuits sans sommeil auprès de lui, essayant de lui donner la volonté de vivre, inquiète d'être laissée seule à élever deux jeunes fils, le menaçant des plus graves conséquences s'il me laissait seule. Pourtant, pas une seule fois, je n'ai eu à m'inquiéter de savoir comment je paierais la facture de presque 500 000 $ de son traitement.

Je compare cette expérience à un souvenir d'Arthur W. Fletcher de Hythe en Alberta. «La plus grosse difficulté à l'hôpital était que le paiement de la facture devait être versé avant même que le patient puisse être hospitalisé. Sans argent, il valait mieux que vous restiez chez vous. Une mère est morte sur les marches de l'hôpital pendant que son mari était au bureau, suppliant qu'elle soit hospitalisée.»

Lillian Laakso d'Ottawa déclare pour sa part ce qui suit: «Quand mon père était jeune homme, il travaillait dans les mines de Sudbury en Ontario. Il se blessa au bras et la blessure s'infecta. Son bras était enflé et il avait la fièvre. Les religieuses de St. Josephs Hospital refusèrent de le traiter parce qu'il n'était pas propriétaire localement. Il a dû retourner à sa pension et se faire raccompagner à l'hôpital par son propriétaire. On a alors consenti à le traiter.»

J'aimerais terminer avec une citation du Dr Walley Temple, chef du service d'oncologie chirurgicale et professeur dans les services d'oncologie et de chirurgie de la faculté de médecine de l'Université de Calgary et du centre de traitement du cancer Tom Baker, président de la World Federation of Surgical Oncology Societies et éditeur en chef du Journal of Surgical Oncology.

En avril 2000, lors d'un rassemblement à Edmonton, le Dr Temple a prononcé entre autres, les mots suivants: «On ne peut pas faire commerce de certains aspects de notre humanité, tels que le sang, les organes, les enfants et la médecine.»

M. Kevin Taft, député de l'Assemblée législative de l'Alberta: Honorables sénateurs, laissez-moi vous assurer pour commencer que Mme Burdett et moi n'avons en rien coordonné nos interventions, mais qu'elles vont certainement se chevaucher à la fois dans le ton et la direction.

Je commencerai par présenter brièvement mes qualifications. En 1973, nommé par le gouvernement Lougheed, j'ai siégé neuf ans à un comité du cabinet chargé d'examiner et de contrôler le système de soins de santé en Alberta. J'ai siégé à une seconde commission d'étude nommée par le cabinet chargée d'examiner le système de maisons de soins infirmiers dans la province. J'ai travaillé à l'Alberta Hospital Association ainsi qu'en cabinet privé. Je suis titulaire d'un doctorat en gestion des affaires. Actuellement membre de l'Assemblée législative de l'Alberta, je suis critique en matière de santé pour les libéraux.

Quand on m'a demandé de faire une présentation ici, on m'a recommandé de faire porter mes remarques sur le quatrième volume, Questions et options. À ce propos, il est bon de faire remarquer que les soins de santé ne sont pas des biens marchands comme les autres. Ils constituent un exemple d'échec du marché. Les soins de santé sont généralement considérés par les économistes comme des produits qui ne sont pas adaptés au marché.

Cette manière de voir les choses doit être sous-jacente à toute approche de distribution des soins de santé. J'ai remarqué que dans le rapport, vous faites référence aux quatre principes centrés sur le patient de la Loi canadienne sur la santé, mais que vous avez omis de mentionner l'administration publique concernée. J'hésite à interpréter cela. Mon interprétation de la preuve est que si nous nous éloignons d'un système administré publiquement, nous verrons un système de plus en plus inefficient, des hausses de coûts et de nombreux autres problèmes. Mes notes, que je vous ai communiquées, en citent deux exemples. La recherche indique qu'un système d'administration publique offre des gains énormes d'efficience par rapport à un système privé, contrôlé par le marché.

Le rapport examinait la sous-traitance de services cliniques tels que la chirurgie et autres services et je sais que ce matin, certaines questions ont été soulevées à ce sujet. La sous-traitance de services cliniques est très différente de la sous-traitance de services diététiques ou de services de blanchisserie, par exemple. Il existe une relation différente entre le patient et le fournisseur de soins de celle entre un acheteur et un fournisseur. Si les services de blanchisserie sont sous-traités, on pourra peut-être épargner de l'argent ou peut-être pas. La relation entre acheteur et vendeur est essentiellement de nature commerciale. Dans cet exemple, l'acheteur, le service de blanchisserie, peut déterminer exactement la qualité et la quantité à acheter.

Inversement, quand je vais consulter mon médecin à propos d'un problème médical, vue trouble, maux de tête chroniques, grosseur au sein ou autre, j'entre dans une relation de confiance. J'ai besoin de l'aide de mon médecin. Le médecin a la responsabilité professionnelle de placer l'intérêt du patient au-dessus du sien. L'intérêt du patient prime sur tout le reste.

Cette relation est fondamentalement différente des relations du marché; En effet, elles sont diamétralement opposées. Quiconque entre dans une relation commerciale a l'obligation de placer son propre intérêt au-dessus de tout. Prenez par exemple le slogan de McDonald's: «We do it all for you.» (Nous faisons tout pour vous). De fait, ce n'est pas le cas. Tout ce qu'ils font est de maximiser leurs bénéfices, tant mieux pour eux. Dans de nombreux cas, cela fonctionne bien. Mais ce n'est pas le cas dans le domaine de la santé.

Donc, si nous prenons la décision de sous-traiter les services cliniques, le patient, qui doit faire confiance au médecin, sera en relation avec un médecin lié à un organisme qui pourrait être coté à la Bourse de Toronto et par cela même, obligé d'en maximiser les bénéfices. Quand cela se produit, les contrepoids normaux du marché ne sont plus en place et de nombreux problèmes peuvent se poser.

Les témoignages en fait confirment cette perspective. Par exemple, si vous examinez le site Web du G imbel Eye Centre, vous constaterez que cette clinique demande plus de 2 000 $ par 9il pour un acte médical qui est couramment exécuté dans le système public pour un montant entre 700 et 900 $ par 9il, honoraires chirurgicaux compris.

Je vous demande de vous reporter aux lettres jointes à mes notes. Deux de ces lettres ont été obtenues à ma demande en vertu de la liberté d'accès à l'information. Ces lettres montrent bien les économies de la distribution publique des soins chirurgicaux, dans ce cas, de soins ophtalmologiques, par rapport à la distribution à but lucratif de ces mêmes soins. Veuillez s'il vous plaît prendre le temps de lire ces lettres. Elles illustrent clairement quel sont les problèmes fondamentaux auxquels nous devons faire face.

J'aimerais aussi faire remarquer que malgré une intense pression de la part du public pendant les débats sur le projet de loi 11, le gouvernement Klein n'a jamais été capable de produire des preuves indiquant qu'il serait économique de sous-traiter les services chirurgicaux.

Il est possible de prendre des mesures pour maximiser l'efficience du système public. Par exemple, j'utiliserais des exemples d'Edmonton où des unités spéciales ont été mises au point au sein du système public. Dans le système public d'Edmonton, il y a une unité importante de soins ophtalmologiques qui bat facilement tous les systèmes privés dans le pays. C'est aussi vrai en ce qui concerne les soins orthopédiques et plusieurs autres services. Il est donc possible de se spécialiser et de réaliser des économies liées à la spécialisation au sein du système public.

Votre rapport contient aussi un certain nombre de références à l'idée d'encourager la concurrence. Ce n'est pas une idée nouvelle. C'est une idée qui a été étudiée à fond aux États-Unis.

Je vous renvoie à certaines citations au bas des pages 28 et 29 de ce livre. Il est ironique que la réalité semble montrer que plus la concurrence est vive entre les hôpitaux, moins on réalise d'économies et plus les coûts sont élevés. Comment est-ce possible, vous demandez-vous?

Imaginez un moment que les quatre hôpitaux les plus importants d'Edmonton soient en concurrence les uns avec les autres. Ils devraient alors offrir quatre unités de soins néonatals intensifs, quatre salles de pédiatrie, quatre services d'obstétrique, quatre de tout, notamment des directeurs et des structures administratives. Au lieu de cela, nous avons une région qui attribue ses ressources. L'obstétrique est la spécialité dans une zone, le traitement des brûlures dans une autre et les soins intensifs dans une troisième. Il en découle qu'ils fonctionnent avec de grandes économies.

À la page 3 de ma communication écrite, j'ai suggéré certaines solutions. J'aimerais en parler brièvement.

La première, qui est importante, et on ne peut trop répéter ce principe, est que nous devons formellement reconnaître que les soins de santé ne constituent pas une marchandise. Les témoignages dans ce sens sont formels. J'aime le marché et j'ai travaillé dans le marché, mais il ne fonctionne pas pour tout.

Nous devons nous engager à financer les soins de santé de manière stable. Je vous suggère que le niveau actuel de financement de l'Alberta en ce qui concerne les hôpitaux et les médecins est probablement adéquat à condition que ce niveau reste stable pendant plusieurs années et qu'il soit bien entendu ajusté pour tenir compte de l'inflation et de la croissance démographique.

Nous devons agir dans le but de réduire les forces du marché au sein de la distribution des soins de santé. Les frais de médicaments ont brusquement augmenté au cours des dernières années. Ce n'est pas par coïncidence que l'industrie pharmaceutique est l'un des secteurs dans lequel les forces du marché s'imposent. Nous avons besoin de programmes d'évaluation plus approfondis. Nous avons besoin d'un système public de soins infirmiers à domicile, d'un plan national pour la main d'9uvre dans le secteur de la santé et d'une réglementation nationale mise en application par des accords fédéraux visant à contrôler les conflits d'intérêts dans le système de santé.

Le président: Vous devriez peut-être savoir que c'était M. le sénateur Roche qui nous a vivement incités à vous inviter ici aujourd'hui, vous pourrez ainsi décider si vous voulez le blâmer ou le remercier après.

Laissez-moi d'abord apporter des précisions sur deux points. Nous avons séparé le principe d'administration publique des autres parce que les quatre autres principes sont contrôlés par le patient; le principe d'administration publique est le moyen d'atteindre les objectifs. Nous discuterons le principe d'administration plus tard. Nous avons aussi fait la même chose dans le premier volume. C'est de toute évidence un principe d'une nature différente, c'est pourquoi nous l'avons traité ainsi.

En ce qui concerne vos commentaires à propos de la Gimbel Eye Clinic, qui est une clinique privée, corrigez-moi si je me trompe, je croyais que leur spécialité était la chirurgie ophtalmologique au laser, qui n'est pas prise en charge par l'assurance-maladie. J'ai peut-être tort, mais telle a toujours été mon impression. Ai-je tort?

M. Taft: Ils fournissent une gamme d'interventions chirurgicales ophtalmologiques.

Le président: Et pas uniquement la chirurgie au laser?

M. Taft: Non, pas uniquement la chirurgie au laser. L'une des interventions chirurgicales la plus courante est la chirurgie de la cataracte. Ils offrent aussi une procédure chirurgicale appelée «lensectomie de réfraction», procédure identique à la chirurgie de la cataracte. Cet acte chirurgical dont le prix est fixé à plus de 2000 $ par 9il, est effectué couramment dans le système public. Il s'effectue des douzaines de fois quotidiennement dans le système public, selon les sources de renseignements, pour 300 à 500 $ de frais d'équipement et 400 $ d'honoraires chirurgicaux.

Le président: Il semble que le système hospitalier éprouve des difficultés à déterminer le coût réel des interventions. Notre groupe a abouti à cette conclusion après avoir consulté plusieurs témoins. Le secteur regorge de renseignements. Les méthodes de renseignement dans le système des soins de santé sont incroyablement faibles.

Je ne conteste pas vos chiffres; je suis tout simplement curieux de savoir comment vous les avez obtenus. Je comprends comment vous avez trouvé les 400 $. Ce sont les honoraires perçus par le chirurgien. Mais comment êtes-vous arrivé à l'autre chiffre?

M. Taft: Ces chiffres se basent sur des renseignements internes. Ils ont été communiqués par un ophtalmologue qui travaille dans le système.

Je vous donne un autre exemple. Dans un petit hôpital au nord-est d'Edmonton à Lamont où l'on effectue de nombreuses opérations de la cataracte, le conseil d'administration a demandé à la direction d'analyser le coût total de cette intervention, même en tenant compte des frais d'électricité.

Le président: Le coûts des investissements et tout.

M. Taft: Oui. La direction l'a fait et le chiffre qui en est ressorti était juste un peu au-dessus de 200 $.

Le président: C'est une aide, parce que c'est surprenant combien d'hôpitaux ne peuvent pas donner ce type d'information.

Le sénateur Morin: Le fait que vous défendiez l'assurance-maladie est admirable. L'assurance-maladie est l'une des institutions les plus précieuses dans ce pays. Personne ne vous contredira sur ce sujet ici.

Bien sûr, le problème est le coût. Madame Burdett, l'exemple que vous nous avez donné de la maladie de votre mari est très révélateur. L'histoire de l'homme qu'on refuse de soigner parce qu'il n'a pas les ressources est une histoire que nous avons tous entendue. Je me souviens du temps où les hôpitaux refusaient de soigner les patients qui n'avaient pas de ressources économiques suffisantes. Personne ici ne veut retourner à cette période.

Madame Burdett, le fait que votre mari ait été en soins intensifs de Noël à Pâques, encourant des frais médicaux de plus d'un demi-million de dollars est un excellent exemple. Aucun Canadien n'est en mesure de payer une telle somme. C'est un très bon exemple.

Cette année-là, si l'assurance-médicaments avait été en place et si les médecins et les infirmiers avaient été salariés, le coût aurait-il été moins élevé?

M. Burdett: Je crois que ces mesures auraient fait baisser le coût. Il est difficile, avant d'essayer ces mesures, de savoir exactement de combien les coûts auraient été réduits. Différents modèles de paiement des médecins existent, et aucun n'est parfait. On peut trouver des arguments contre tous.

Toutefois, lorsqu'on envisage une méthode de paiement à l'acte, nous transformons les médecins en travailleurs à la chaîne. Les généralistes gagnent si peu pour une consultation au cabinet que s'ils désirent payer leurs frais généraux et gagner leur vie assez bien...

Le sénateur Morin: Je faisais référence à l'hospitalisation de votre mari en soins intensifs, où d'ailleurs, la plupart des médecins sont salariés.

Mme Burdett: La majorité des médecins sont salariés. Les spécialistes ne le sont pas. Ils facturent encore à l'acte, même s'ils voient un patient à l'hôpital, du moins en Alberta.

Je connais les coûts de l'hospitalisation de mon mari parce que, pendant cette période, le ministère de la Santé de l'Alberta envoyait un relevé de facturation annuel. Il y avait eu des consultations très approfondies parce que les médecins n'arrivaient pas à déterminer quelle était la maladie de mon mari. Les médecins ont envisagé de multiples possibilités de cause de sa maladie; toutefois, la décision finale était qu'il avait la grippe B - qui atteint d'ailleurs normalement plutôt les enfants que les adultes, fait que je ne manque pas de lui rappeler périodiquement.

Toutefois, pour répondre à votre question, oui, je pense que les frais de soins de mon mari auraient été moins élevés si les critères que vous avez mentionnés avaient été en place. Je pense que dans beaucoup d'autres cas, ils peuvent sensiblement réduire les coûts.

Le sénateur Morin: Monsieur Taft, lorsque vous faites référence aux services cliniques, où faites-vous la distinction? Êtes-vous par exemple opposé aux cliniques de radiologie privées? Pourriez-vous me donner quelques exemples?

M. Taft: Oui.

Le sénateur Morin: On voit des groupes de médecins propriétaires de bâtiments. Les médecins font souvent construire leur propre bâtiment et partagent les frais. On les appelle quelquefois des cliniques privées. Êtes-vous aussi contre les cliniques privées?

M. Taft: D'un point de vue économique, il est important de faire la distinction entre un médecin qui exerce en cabinet privé qui est payé à l'acte et un groupe de médecins par exemple qui travaillent dans une organisation de soins de santé intégrés aux États-Unis et au Canada dans un centre chirurgical. Un médecin qui exerce en cabinet privé qui est payé à l'acte est rémunéré pour un service qu'il fournit. S'il ne travaille pas, il n'est pas payé; plus il travaille, plus il est payé.

D'un autre côté, un groupe qui investit dans un hôpital chirurgical, par exemple, espère vivre de son capital. Sur le plan économique, la différence entre salaire et capital est fondamentale et profonde, vous le comprenez.

À l'heure actuelle, je m'inquiète vivement de ce que, en ouvrant le système de soins de santé au capital, aux intérêts du capital-risque, nous y invitions un ensemble de forces économiques entièrement différentes de celles que nous avons à l'heure actuelle.

Le sénateur Morin: Autrement dit, vous vous opposez aux cliniques à but lucratif?

M. Taft: C'est exact.

Le sénateur Morin: Parlons de la clinique Mayo. À votre avis, serait-elle plus efficace si elle n'était pas un établissement d'appartenance privé?

M. Taft: Je ne veux pas faire de commentaires sur la clinique Mayo. Je ne connais pas la clinique Mayo.

Le sénateur Morin: C'est un exemple d'établissement d'appartenance privée.

M. Taft: Oui, mais ce n'est pas un établissement que je connais bien, c'est pourquoi je vais m'abstenir de commenter.

Si nous examinons les centres privés de soins ophtalmologiques de l'Alberta, il est évident qu'ils ne sont pas aussi efficaces -

Le sénateur Morin: Vous donnez un exemple de soins de mauvaise qualité, qu'ils soient privés ou publics.

M. Taft: Non.

Le sénateur Morin: Ils effectuent de la chirurgie sous un autre nom et ils sont plus chers. C'est inacceptable, que ce soit une clinique privée ou une clinique publique. Ce que vous décrivez est inacceptable sur le plan de l'éthique. Cela n'a rien à voir avec le fait que la clinique soit privée ou publique.

Si on facture trop le client ou si on ne lui dit pas la vérité, cela va à l'encontre de l'éthique.

M. Taft: Permettez-moi de vous référer à une lettre datée du 1er octobre adressée à M. Gary Mar, ministre de la Santé en Alberta. Vous en avez un exemplaire, si vous désirez en prendre connaissance.

Dans le second paragraphe de cette lettre, la première phrase est exprimée en ces mots:

Actuellement la salle d'opération du centre de soins actif du Royal Alexandra Hospital bat tous les centres privés du pays relativement à l'efficience.

Plus bas dans la même lettre, au troisième paragraphe, est décrite, chiffres à l'appui, l'étendue des économies réalisées.

Comme l'exprime Mme Burdett, la preuve indiquant que les services de soins de santé fournis publiquement sont plus efficaces que ceux qui sont soumis aux forces du marché est tout simplement conclusive. Si vous le désirez, je serais heureux de vous faire parvenir une pile d'études de 12 pouces d'épaisseur qui sont parvenues à cette conclusion.

Le sénateur Morin: Je ne suis pas systématiquement contre votre point de vue. J'essaie simplement de comprendre ce que vous dites.

M. Taft: Le marché fonctionne très bien, comprenez-moi bien. Je ne suis pas idéologiquement opposé au marché. Je suis ravi de tout ce que le marché peut fournir. Mais le marchés ont des limites et ces limites peuvent être généralement identifiées par la théorie et la preuve pratique. Il est clair que les soins de santé constituent l'une de ces limites.

Le sénateur Keon: Monsieur Taft, pourquoi pensez-vous que certains sont en faveur de cliniques privées quand une clinique privée moins chère est à leur disposition?

M. Taft: Il pourrait y avoir un certain nombre de raisons à cela. L'une des possibilités que je n'ai pas mentionnée dans mes commentaires et qui m'alarme, serait d'offrir aux médecins la possibilité de travailler à la fois dans le système public et le système privé. Je m'oppose vivement à cela, j'estime que les médecins doivent choisir l'un ou l'autre, mais pas les deux. Les preuves sont déterminantes là aussi.

Prenons comme exemple un médecin qui travaille à la fois dans le système privé et le système public. Si ce médecin peut gagner plus d'argent dans le système privé, il ou elle aura tendance à orienter ses patients vers ce système. Une étude qui a été effectuée au Manitoba confirme ces constatations. On trouve d'autres confirmations dans le système national de santé en Grande- Bretagne.

Par conséquent, les patients indiquent peut-être leur préférence pour le système privé parce que leur médecin leur dit que ce serait préférable. Tout semble indiquer cela.

Le sénateur Keon: Je suis sûr que c'est une raison. Toutefois, si nous examinons les cas de riches patients de l'Est du Canada qui utilisent des établissements américains, ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas rapidement accès au traitement au Canada. Autre chose semble les motiver. Je me demandais si vous saviez ce que c'est. Je ne sais pas ce que c'est. Vos recherches ont-elles porté là-dessus?

M. Taft: Je n'ai pas recherché cela en particulier et je ne pense pas être en position de le faire. Toutefois, si ces personnes désirent aller à un hôpital privé, entièrement à l'extérieur du régime d'assurance-santé, tant mieux pour eux. Cela ne me dérange pas. Si nous encourageons les médecins à travailler des deux côtés de la barrière, nous affaiblirons le système public et ferons augmenter nos problèmes, je crois.

Mme Burdett: Avec votre permission, j'aimerais intervenir à ce point. Je crois que l'une des raisons pour laquelle ces personnes choisissent d'aller dans des cliniques privées est pour les services superflus. Prenez par exemple la clinique Shouldice à Toronto, qui se spécialise principalement dans le traitement des hernies. Nous entendons beaucoup parler de cette clinique comme un exemple d'hôpital privé qui fonctionne bien au Canada. Le patient est généralement hospitalisé pendant trois ou quatre jours pour une opération de hernie effectuée à la clinique Shouldice, tandis que presque partout ailleurs ces interventions sont effectuées sans hospitalisation c'est-à-dire en chirurgie d'un jour, ce qui est plus économique dans le système de soins de santé. Si quelqu'un veut rester trois ou quatre jours dans une clinique de luxe, cette personne devrait avoir le droit de le faire.

Toutefois, nous n'avons pas besoin d'offrir ces services superflus dans notre système de soins de santé. Ce dont nous avons besoin est un bon système de soins pour tout et non des services superflus pour ceux qui peuvent se les permettre.

Le sénateur Keon: Prenons l'exemple de l'endoscopie, qui est un autre service pour lequel un nombre considérable de patients, en particulier de l'est du Canada, vont aux États-Unis. Aux États-Unis, un patient subit l'endoscopie sous anesthésie générale tandis qu'au Canada, l'endoscopie s'effectue sans hospitalisation et sans anesthésie générale. Cela pourrait être la raison.

Cependant, je n'arrive pas à comprendre comment une clinique ophtalmologique arrive à survivre en demandant deux fois plus que les cliniques publiques.

M. Taft: Permettez-moi de vous dire pourquoi. À Calgary, il n'y a pas le choix. À Calgary, 100 p. 100 de toutes les opérations ophtalmologiques sont faites dans l'une des cinq cliniques privées, ce qui pose le problème de conflit d'intérêts, qui est si important. Le chef du service d'ophtalmologie de l'office régional de la santé de Calgary est propriétaire, avec deux frères, d'une entreprise qui obtient les contrats les plus importants.

Un résident de Calgary ne peut pas subir d'opérations ophtalmologiques dans le système public. Cela pose un grave problème.

Le président: Permettez-moi de préciser quelque chose. Les opérations ophtalmologiques sont prises en charge par le système public, mais ne sont pas effectuées dans le système public, n'est ce pas?

M. Taft: Oui. En vertu du projet de loi 11, les opérations ophtalmologiques sont maintenant prises en charge par le système public. Toutefois, le système public paie un coût plus élevé aux cliniques privées qu'il ne le fait à Edmonton aux cliniques publiques.

Le sénateur Morin: Y a-t-il des cliniques ophtalmologiques privées à Edmonton?

M. Taft: Oui, Edmonton a un petit nombre de cliniques ophtalmologiques privées.

Mme Burdett: Si je peux me permettre de revenir à l'endoscopie, en parlant de meilleures pratiques, celles-ci dictent l'utilisation d'une anesthésie locale plutôt que d'une anesthésie générale. Beaucoup plus de complications peuvent surgir lors d'une anesthésie générale que d'une anesthésie locale. Donc, le patient est peut-être plus à l'aise, mais ce n'est pas nécessairement le meilleur choix.

Le sénateur Roche: Monsieur Taft, contrairement à mes collègues qui sont de véritables experts en la matière, je n'en suis pas un. Je dois donc prendre l'approche du non-initié aux questions qui se posent ici.

Jusqu'à présent, nous avons trouvé que les économies ne seront pas suffisantes pour répondre à l'augmentation de demande pour les soins de santé et que le système a besoin de plus d'argent. Cela nous mène au débat entre les assiettes fiscales fédérales et provinciales, et cetera. Nous aboutissons ensuite au sujet des droits d'utilisation de manière à amener plus d'argent dans le système public.

Pourriez-vous s'il vous plaît m'expliquer brièvement la question des droits d'utilisation afin que je puisse me faire une opinion sur ce qui constitue le meilleur argument en faveur des droits d'utilisation. Quel est le meilleur argument contre les droits d'utilisation et quelle est votre opinion en la matière?

M. Taft: Mon expérience du débat sur les droits d'utilisation remonte à environ 20 ans. À cette époque, j'avais été embauché par le gouvernement provincial pour rédiger un rapport sur les droits d'utilisation. Ma première réaction était que l'idée de droits d'utilisation semblait raisonnable. Ensuite, je me suis penché sur les preuves, même il y a 20 ans, le sujet des droits d'utilisation avait été bien étudié. Quoi qu'il en soit, j'ai dû changer diamétralement d'avis avant la fin du projet et admettre que le bien-fondé des droits d'utilisation n'était pas soutenu dans les faits.

L'argument attrayant en faveur des droits d'utilisation était la supposition que les soins de santé sont un produit marchand comme un autre. En conséquence, en augmentant le prix d'un traitement par des droits d'utilisation, nous réduisons potentiellement la demande et nous apportons plus d'argent dans le système. Ce serait probablement, je crois, les deux arguments les plus convaincants en faveur des droits d'utilisation.

Les témoignages à ce sujet, particulièrement dans l'expérience canadienne, sont que les droits d'utilisation recueillent plus ou moins autant qu'ils coûtent à mettre en place. Il n'y a donc aucun gain à réaliser d'un point de vue financier.

En ce qui concerne l'idée de décourager l'utilisation du service, les droits d'utilisation découragent en fait certaines utilisations, mais uniquement pour personnes qui ne peuvent pas se permettre de payer les droits. Les droits d'utilisation n'ont pas un effet de filtrage équitable.

Les gens qui renoncent à utiliser le système de soins de santé sont en général ceux qui en ont besoin le plus souvent, tels que les asthmatiques et les personnes à faible revenu pour qui des droits de 5 à 10 $ représentent en fait un obstacle. Ce qui est étrange dans tout cela est que malgré le fait que ces personnes renoncent à utiliser le système, les études que j'ai vues semblent indiquer que l'utilisation globale ne diminue pas, parce que les médecins ont la possibilité d'augmenter leur charge de patients en faisant des rappels ou autres.

Il en découle donc que comme répercussions globales, les droits d'utilisation ont tendance à décourager les personnes à faible revenu et celles dont la santé est la plus fragile sans avoir aucun des avantages que l'on aurait pu espérer si les soins de santé étaient un produit marchand comme un autre. Je crois que c'est cela que je n'avais pas compris.

Le sénateur Roche: Quelle est votre estimation des points négatifs par rapport aux points positifs?

M. Taft: Je me déclare contre les droits d'utilisation. Il fut un temps où, comme je vous l'ai dit quand j'ai commencé à examiner la question, je pensais que c'était une bonne idée. Toutefois, la réalité semble indiquer qu'ils ne fonctionnent pas de la manière voulue.

Le sénateur Roche: Comment interprétez-vous l'exemple suédois où paraît-il, l'introduction de droits d'utilisation a fait baisser les soi-disant abus du système?

M. Taft: J'hésite à faire des commentaires sur l'exemple suédois, tout comme j'hésitais à commenter la clinique Mayo. Pour moi, comparer le filet de sécurité suédois à la situation du Canada équivaut à comparer des choses qui n'ont aucun rapport.

Il n'en reste pas moins que j'aimerais prendre connaissance de ces études. Mon opinion est qu'une simple mise en place de frais d'utilisation dans le système canadien ne résoudra rien.

Le sénateur Roche: D'après vos arguments, je crois comprendre que, selon vous, les droits d'utilisation sont injustes envers les personnes qui sont les plus économiquement vulnérables, suis-je correct?

M. Taft: C'est la partie cruciale. En outre, en raison des besoins administratifs, ceux qui sont économiquement vulnérables finissent par coûter plus cher au système. Le système devient de plus en plus inefficient. On embauche des employés; l'argent doit être comptabilisé. Franchement, c'est plutôt gênant.

Le président: Dans le quatrième volume, nous abordons le sujet des paiements des patients, parmi lesquels les droits d'utilisation ne sont qu'un exemple. Comme nous le savons, cela existe en Alberta. Les gens paient une cotisation pour les soins de santé. Existe-t-il des études sur les répercussions des cotisations pour les soins de santé?

Permettez-moi de me reporter à l'histoire, à ce point. Les cotisations pour soins de santé existent-elles en gros au même niveau depuis le début du régime d'assurance-maladie ou ont-elles augmenté au fil des années? Je suppose qu'elles ont augmenté au fil des années. Existe-t-il des études portant sur les répercussions de ces cotisations?

Mme Tammy Horne, membre, Friends of Medicare: Il serait difficile d'établir cette comparaison parce que ces cotisations sont en place depuis si longtemps. Nous ne savons pas ce qui se serait passé si elles n'avaient pas été en place.

L'année dernière, l'Université de Toronto a accueilli une table ronde nationale consacrée à la réforme du système des soins de santé; cette table ronde comprenait un certain nombre d'économistes de la santé ainsi que des décisionnaires. La Dre Raisa Deber, de l'Université de Toronto faisait partie de cette table ronde; elle a étudié de manière exhaustive les options de paiements tels que les droits d'utilisation, entre autres. Les conclusions de son groupe rejoignent celles de M. Taft en ce qui concerne la limitation d'accès particulièrement pour les Canadiens les plus pauvres.

Par ailleurs, la table ronde a exprimé son inquiétude face à ces patients qui ne consultent pas immédiatement un médecin et dont les symptômes s'aggravent au fil du temps, finissant ainsi par coûter plus cher au système.

Une étude québécoise qui examinait les droits sur les médicaments d'ordonnance et l'introduction de ces même droits pour les personnes bénéficiant de l'aide sociale a découvert qu'après leur introduction, les hospitalisations et les complications découlant de maladies non traitées ont augmenté ainsi que le taux de mortalité. Les répercussions négatives des doits sur les médicaments sont un exemple canadien d'étude; en outre, le groupe de l'Université de Toronto n'a trouvé dans son examen aucun avantage aux droits d'utilisation.

Le président: La raison pour laquelle je pose la question sur les cotisations est qu'elles ne constituent pas un droit d'utilisation. Les cotisations ne sont pas versées au moment du service; elles ne sont pas liées à un service particulier.

Mme Horne: C'est exact. C'est une autre question.

Le président: Je sais qu'il existe beaucoup de documents universitaires à propos des droits d'utilisation. Toutefois, personne ne m'a jamais mentionné d'études sur les cotisations et je n'en ai jamais entendu parler.

Mme Horne: Oui, il serait intéressant d'examiner le pourcentage de la population qui ne paie pas sa cotisation. En Alberta, si quelqu'un arrive à l'hôpital mais n'a pas payé sa cotisation pour les soins de santé, l'hôpital a l'obligation de le traiter et d'essayer de lui faire payer la cotisation plus tard.

Le président: J'allais juste vous demander comment cela fonctionne.

Mme Horne: On ne peut pas refuser le service pour des problèmes urgents. Je ne suis pas sûre en ce qui concerne tous les autres problèmes.

Le président: La question est évidente, je suppose. Pourquoi quelqu'un paie-t-il encore la cotisation?

Le sénateur Morin: Je croyais que cela faisait partie de votre impôt sur le revenu. Vous payez donc la cotisation. S'agit-il d'un versement spontané?

Mme Horne: Oui, l'Alberta et la Colombie-Britannique sont les deux seules provinces qui ont encore des cotisations pour soins de santé.

Le sénateur Morin: Est-ce un versement mensuel?

Mme Horne: Trimestriel.

Le sénateur Morin: Recevez-vous une facture?

Mme Horne: Si la cotisation n'est pas payée sur le lieu de travail, on envoie une facture. Ceux d'entre nous qui travaillent à leur compte doivent la payer entièrement eux-mêmes.

Le sénateur Morin: Quel pourcentage de la population ne la paie pas?

M. Taft: Il y a de nombreuses exemptions. Par exemple, les personnes de faible revenu en sont exemptées ainsi que certaines personnes âgées. Mon estimation est que le nombre de personnes qui doivent les payer est très élevé. La plupart des gens ne croient pas qu'ils pourraient y échapper.

Le président: C'est la raison pour laquelle, je suis sûr, il n'y a pas de renseignements publics sur le pourcentage de gens qui ne paient pas.

Le sénateur Morin: Pensez-vous que ce serait plus acceptable sous forme d'impôt?

M. Taft: C'est un impôt. Un impôt régressif dans la mesure où tout le monde paie la même somme quel que soit le revenu. Pourtant, oui, ce serait peut-être politiquement plus facile à accepter si c'était un impôt. Une des questions que l'on devrait poser au public serait celle-ci: quel montant seriez-vous prêt à payer pour avoir un bon système de soins de santé?

Le président: C'est d'ailleurs exactement ce vers quoi je me dirigeais.

Le sénateur Morin: Son avantage est sa stabilité. L'un des problèmes qui se posent aux administrateurs du système est que financement public n'est pas stable. Que le financement soit fédéral ou provincial, il varie de temps à autre. Ces cotisations d'assurance sont plus stables; par ailleurs, puisqu'elles sont spécialement affectées à une fin spécifique, elles sont plus faciles à accepter. Cela serait certainement un avantage.

Mme Burdett: Je pense que réserver une partie de l'impôt sur le revenu aux soins de santé est plus acceptable que des cotisations pour soins de santé.

Les Albertains ont en fait à plusieurs reprises essayé d'abolir les cotisations pour soins de santé de l'Alberta. Je dirais donc qu'elles ne sont pas particulièrement acceptables. La plupart des gens les paient parce qu'ils paient leurs factures. S'ils reçoivent une facture, ils la paient.

Le président: Ce sont des gens responsables.

Étant donné que les cotisations pour soins de santé sont, en fait, un impôt affecté à une fin spécifique, sont-elles versées dans une caisse spéciale ou directement au Trésor?

M. Taft: À la fin, elles sont versées au Trésor, je crois. Toutefois, les cotisations sont administrées par leur propre système.

À titre de renseignement, le taux annuel pour une famille a augmenté de 474 $ en 1990 à 816 $ en 1995. Je ne suis pas sûr du taux actuel. Des exemptions s'appliquent à des familles à très bas revenu.

Le président: D'après ce que j'ai compris, le gouvernement paie la cotisation des familles à bas revenu et des bénéficiaires de l'aide sociale.

Il s'agit d'un transfert interne, mais c'est bien en fait ce qui se passe, n'est-ce pas?

M. Taft: Il est évident que pour une famille de quatre personnes ayant un revenu de 15 000 $ par an, il est difficile de payer 800 $ de cotisation.

Le sénateur Roche: Monsieur Taft, quand M. Mazankowski était ici ce matin, il a mis l'accent sur le fait que l'assurance- maladie n'était pas morte, puis il a constaté toutefois qu'il était temps de définir exactement ce qu'est l'assurance-maladie au XXIe siècle.

Selon vous, comment devrait-on définir le régime d'assurance-maladie au XXIe siècle?

M. Taft: Je ne vais pas prédire ce que M. Mazankowski écrira dans son rapport, mais certains de ses commentaires m'inquiètent.

Nous pouvons parler du besoin de rééquilibrer le régime d'assurance-maladie. Par exemple, nous pouvons fournir des soins hors des hôpitaux, comme le recommandait le premier mouvement en faveur des soins à domicile. Je pense que nous pourrions réduire le montant total d'argent que nous consacrons aux soins de santé, publics et privés, les commentaires de Christine le montrent bien, en étendant le rôle du système public aux médicaments. Autrement dit, il serait peut-être souhaitable d'étendre le rôle du secteur public pour réduire les coûts du système global et augmenter les économies tout en restant justes.

Si je cherche à redéfinir l'assurance-maladie pour le XXIe siècle, j'ai bon espoir qu'il s'étendra bientôt aux médicaments et aux soins à domicile. Aussi étrange que cela puisse paraître, ces mesures pourraient bien nous aider à faire des économies.

Le sénateur Roche: Peut-être aussi alors en acceptant les soins privés, dans le sens de soins à but non lucratif?

M. Taft: Oui, je ne suis pas toujours aussi clair que je devrais l'être. Il existe une énorme différence entre les soins à but lucratif et les soins privés. Je suis beaucoup plus à l'aise avec les soins privés.

Mon expérience du système de soins de santé de l'Alberta est que souvent, les meilleurs soins sont offerts par le biais de systèmes privés à but non lucratif, contrairement aux systèmes publics ou à but lucratif.

Le président: Docteur Taft, vous nous avez demandé d'imaginer que chacun des quatre hôpitaux les plus importants d'Edmonton ait ses propres spécialités. Dans certains pays européens, certains des changements qui se sont produits, et je ne parle pas des États-Unis, ces pays ont tous des mécanismes universels de soins médicaux, les gouvernements paient intégralement les frais de soins pour les patients, mais ne paient plus l'hôpital en lui allouant un budget global. Ce qui se produit est que les hôpitaux sont payés à l'acte comme les médecins et ils deviennent donc... les hôpitaux appartiennent encore techniquement au secteur public.

On introduit donc un élément de concurrence entre les hôpitaux du secteur public, en tentant de fournir des listes d'attentes réduites et un meilleur service. Les patients ont l'impression d'avoir davantage de contrôle parce le système est plus souple et qu'ils ont plus de choix. Ils ne perdent pas d'avantages sociaux puisque le gouvernement paie encore intégralement leur frais. L'analogie la plus simple pour expliquer ce système est que tout le monde adhère à un régime d'assurance collectif.

Vos commentaires m'indiquent cependant que vous ne pensez pas que ce soit une bonne idée.

Je vous pose la question parce que notre recherche indique qu'un nombre appréciable de pays ayant les mêmes objectifs dans leurs politiques s'avancent dans cette direction et que même M. Mazankowski a mentionné cette possibilité ce matin.

M. Taft: À ma connaissance, seul le système britannique dans lequel ils ont amené ce qu'ils appellent des marchés internes, ressemble à ce que vous décrivez. En ce qui concerne la recherche que j'ai vue à ce sujet, elle concluait qu'après avoir amené dans le système les marchés internes, on a assisté à la plus rapide augmentation des coûts du National Health System depuis vingt ans.

Ce qu'il faut bien comprendre est que toutes ces mesures sont des tentatives de faire entrer en jeu les forces du marché dans le système des soins de santé. Je le répète, je ne suis pas convaincu que cela fonctionne dans le secteur des soins de santé. Les forces du marché sont presque devenues des idoles devant lesquelles nous nous prosternons. Elles sont bonnes. Elles font merveille dans certains secteurs, mais pas dans le domaine des soins de santé. Les études que j'ai vues sur la réforme des marchés internes en Grande-Bretagne confirment mon opinion.

Peut-être avez-vous vu d'autres études que j'aimerais lire.

Le président: J'aimerais tous vous remercier de votre présence ici.

Notre prochaine réunion d'experts se compose de M. John McGurran, directeur de projet pour l'Alberta Waiting List Project, la Dre June Bergman, de Primary Care Initiative et Mme Wendy Armstrong, de la Alberta Consumers Association.

Commençons par vous, monsieur McGurran.

Il y a plusieurs mois, nous avons assisté à une présentation qui portait sur le Western Canada Waiting List Project. Appartenez-vous à la section de cet organisme située en Alberta? Dans vos remarques d'introduction, pourriez-vous nous dire comment vous vous situez au sein du Projet WCWL puisque nous avons entendu parler de l'autre.

M. John McGurran, directeur de projet, Western Canada Waiting List Project: Il n'y a qu'un seul projet, c'est le Western Canada Waiting List Project ou projet WCWL.

Comme point de départ, je pourrais peut-être me concentrer sur certains des détails d'accès qui sont compris dans le septième chapitre de votre rapport.

Je pense que mesdames et messieurs les honorables sénateurs ont un exemplaire de notre bref rapport, sinon, ils sont tous disponibles sur notre site Web.

Il s'agit des documents approfondis qui décrivent notre travail en détail.

Cette présentation porte intégralement sur le travail prometteur du partenariat du Western Canada Waiting List, une collaboration d'associations médicales comprenant l'Association médicale canadienne, les ministres de la Santé provinciaux, les offices régionaux de la santé ainsi que les centres de recherche de santé de l'Ouest canadien qui se sont penchés sur les problèmes persistants et bien documentés de l'accès aux soins de santé électifs.

J'emploie l'adjectif «prometteur» parce que si le travail préparatoire est terminé et a été bien accueilli, la mise en 9uvre des outils dans les offices régionaux de santé est l'étape logique qui suit; il est généralement reconnu que ces outils doivent être essayés et testés dans les offices. S'ils sont mis en place dans un cadre évaluatif, nous pourrions alors savoir si ces outils gouvernant l'accès aux soins électifs ont une valeur pour les patients et pour le système.

Il faut aussi remarquer le succès du partenariat lui-même. On a constaté un engagement qui ne s'est jamais démenti envers les objectifs les plus importants, des manifestations de compromis quand ceux-ci se sont avérés nécessaires et une direction de la part de différents secteur à mesure que notre programme avançait. Le partenariat et l'appui inconditionnel dont ont bénéficié ses conclusions et ses recommandations sont sans précédent.

À propos de vos commentaires sur le rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de la recherche, je voudrais aussi ajouter que ce projet n'aurait certainement jamais vu le jour sans l'appui du fonds de transition pour la santé.

J'aimerais vous communiquer trois brefs messages aujourd'hui. Je vais vous les présenter dans les temps alloués, puis nous pourrons répondre aux questions comme vous le désirez.

Le premier est que le Western Canada Waiting List Project a produit ce que nous appelons des outils de gestion bêta pour les listes d'attente. Ceux-ci ont le potentiel de normaliser l'accès aux soins électifs planifiés et de rendre cet accès plus juste pour tous les Canadiens. Le développement de ces outils représente un premier pas crucial vers une amélioration du système.

Le second message serait que le point de vue du public qui est très important - des commentaires à ce sujet ont été entendus ce matin - et qui a été mis en lumière dans une série de groupes de réflexion que nous avons organisés, est que ces outils visant à établir des priorités et le processus de gestion de la liste d'attente qui les utiliserait sont appropriés et acceptables.

Le troisième message est qu'il est important d'avancer dans la mise en place et l'évaluation de ces outils et de commencer le travail consistant à établir des points de références par rapport au temps d'attente pour les interventions électives.

En ce qui concerne les critères de priorité, ce projet a été conçu au printemps de 1998 lors d'une réunion à Regina consacrée à la recherche de solutions au problème persistant des listes d'attente dans la province du Saskatchewan. En novembre de la même année, nos 19 organismes partenaires se sont réunis pour la première fois à Calgary, ont développé une infrastructure de projet et adopté un agenda pour produire des outils pratiques, valables, fiables et transparents permettant de gérer les listes d'attentes dans cinq domaines électifs.

Nous avons choisi l'arthroplastie de la hanche et du genou, la chirurgie de la cataracte, la santé mentale des enfants, les examens IRM et la chirurgie générale. Ces domaines englobent une gamme de procédures de traitement et de diagnostic, des applications uniques contre des applications très étendues et pour certains d'entre eux, l'attente posait des problèmes depuis longtemps.

Je ne vais pas décrire la méthodologie que nous avons employée pour arriver au résultat; celle-ci est bien documentée dans les rapports disponibles sur le Web et paraîtra bientôt sous forme d'articles dans des journaux médicaux.

Le président: Dans le but de gagner du temps, je vous demanderais de sauter au bas de la page et de commencer à partir de là.

M. McGurran: D'accord. La réalité est que nous avons des outils qui viennent d'être mis au point et acceptés par des intervenants tels que les ministères de la Santé provinciaux, les associations médicales, les centres de recherche en ce qui concerne la méthodologie et les offices régionaux de la santé, les lieux où ce service serait offert et nous avons l'assurance du public que l'approche et les outils eux-mêmes sont appropriés; nous devrions avoir aussi l'appui de votre comité en ce qui concerne leur mise en place et leur évaluation.

Ce n'est rien de nouveau. Notre travail se base sur l'expérience néo-zélandaise, bien que nous reconnaissions que la culture néo-zélandaise est très différente à la fois du point de vue politique et dans sa manière de fournir les soins de santé.

L'Ontario Cardiac Care Network utilise la même sorte de méthodologie de gestion de l'accès à la chirurgie dans cette province. Le Comité mixte d'orientation et de planification de l'Ontario examine certains de ces outils. Ils impliquent l'utilisation d'une mesure d'urgence comptabilisée en points permettant de classer les patients qui attendent des interventions chirurgicales électives dans le système public. Nous estimons que ces outils offrent un énorme potentiel. Certains outils ont une valeur actuelle, parmi beaucoup d'autres.

En ce qui concerne l'opinion publique, au moment de mettre fin à notre travail préparatoire, nous avons réuni, par le biais d'Ipsos-Ried, des groupes de réflexion dans les sept centres les plus importants où ce travail avait été mené à bien, dans des villes importantes de Winnipeg à Victoria. Nous avons commencé chacune de ces sessions en demandant aux participants d'exprimer leur opinion sur l'état actuel du système. Nous leur avons aussi demandé comment à leur opinion, le système devrait fonctionner.

C'est sans surprise que nous avons entendu des vues presque toujours négatives sur l'attente pour les interventions chirurgicales électives. Vous pouvez lire le compte rendu exhaustif, une partie duquel se trouve dans un rapport distinct. Nous avons trouvé toute une gamme d'opinions parmi les participants concernant le fonctionnement du système.

Les sept groupes ont constaté que le public avait des normes élevées mais réalistes en ce qui concerne le système de soins de santé. Les groupes de réflexion ont conclu que le point de vue du public est que, s'il est nécessaire de gérer l'accès aux soins électifs, et nous savons que cela l'est, alors, un système qui se base sur l'urgence est probablement approprié.

Une information importante qui est ressortie de ce groupe de réflexion était que 60 pour 100 des participants avaient en fait eu soit une expérience directe ou indirecte avec le système. Par conséquent, les participants parlaient en tant que citoyens, mais aussi en tant que patients et en tant qu'amis ou proches de patients.

Le message final qu'ils nous ont laissé était qu'ils étaient entièrement convaincus que le public devrait être impliqué dans des décisions aussi importantes qui ont des répercussions sur la politique de santé. Je mentionne ce fait parce que nous avions volontairement exclu le public des délibérations au moment de la mise au point des outils. Nous voulions des outils qui fonctionnent d'un point de vue clinique. Nous voulions pouvoir prédire ou expliquer la mesure d'urgence.

Le troisième point porte sur le point de référence par rapport au temps d'attente. L'accès aux soins de santé au Canada n'a pas sensiblement changé au cours des trois dernières années, période de développement de ce projet. Les espoirs étaient assez élevés par rapport à là où se trouvent actuellement les outils. Ces espérances étaient assez peu réalistes, si vous avez une connaissance du fonctionnement réel du système. Je crois que certains des commentaires exprimés par les deux directeurs de région ce matin portaient sur certains des défis qu'il faudra relever lors de la mise en place de ce système.

La possibilité de classer les patients avec justice, si vous voulez, selon l'urgence de leurs besoins est un des éléments. L'étape suivante - et nous avons présenté cela au comité comme une mesure à envisager - est de répondre à la question suivante: Combien de temps devrait-on attendre des soins dans le système actuel? Autrement dit, quand un patient consulte un chirurgien orthopédiste qui recommande une intervention d'arthroplastie de la hanche, on devrait pouvoir facilement prévoir la période d'attente. Les périodes d'attente sont contrôlées par les demandes de ressources et par beaucoup d'autres facteurs que nous n'abordons pas ici; cependant, pouvoir déterminer la longueur de l'attente est assez important et c'est une question que nous devrions pouvoir résoudre dans le système public.

Mme Wendy Armstrong, Alberta Consumers Association: Honorables sénateurs, je mettrai à la disposition du comité une copie d'un rapport intitulé «Taking Stock». Ce rapport examine les risques auxquels font face les consommateurs et leurs employeurs en s'exposant au système de santé actuel de l'Alberta depuis 1996. Le rapport Canary, quant à lui, possède une annexe qui contient les documents sur lesquels s'appuie l'information qui s'y trouve.

Depuis 1986, l'Alberta Consumers Association s'est ingéniée à défendre les intérêts des familles d'Alberta dans les milieux médicaux et non médicaux aux niveaux provincial et national. Au cours des 10 dernières années, j'ai participé personnellement à de nombreux comités d'étude et consultations externes traitant de tous les aspects des soins de santé et du marché médical, ainsi que des secteurs connexes comme la biotechnologie et les systèmes intégrés d'information sur la santé et d'assurance-maladie. Grâce à notre étude, l'association s'est également placée au premier plan dans le débat sur la réforme du système de santé ici en Alberta au cours des 10 dernières années.

Le mandat des groupes de défense des consommateurs consiste essentiellement à surveiller l'évolution du marché, à fournir des renseignements sûrs aux consommateurs afin de leur permettre de faire des choix éclairés, à défendre leurs droits et leurs responsabilités et enfin à développer des stratégies perfectionnées pour améliorer les transactions équitables et honnêtes sur le marché - des produits sécuritaires et un bon rapport qualité-prix.

Il est important de se rappeler que ces objectifs valent tout autant pour les consommateurs que pour les entreprises, la communauté et l'économie.

Qu'est-ce que l'9uvre de l'association que je vous présente aujourd'hui apporte à la discussion des soins de santé? L'association apporte une vision tout à fait impartiale des options et des problèmes qui se présentent aux responsables des politiques; elle met à disposition des années d'expérience dans la réglementation des marchés médicaux, à la fois public et privé; elle partage ses connaissances des autres marchés et de leur fonctionnement; elle élabore une structure internationale organisée des intérêts des consommateurs; elle fournit une étude d'actualité; elle établit des contacts réguliers et fréquents avec les individus qui achètent des biens et des services sur les marchés médicaux; enfin et peut-être ce qui importe le plus et qui transparaît quotidiennement dans notre système de soins de santé canadien, elle est en mesure de faire la différence entre la compétition et la collusion.

Vous remarquerez que ma présentation est accompagnée de notes complémentaires, intitulées «A Snapshot of the Impact to the Growth of Private Surgery Clinics in Alberta on Patients and Public Plan Members». J'aimerais que vous y jetiez un coup d'9il.

Au début des années 90, des mots comme «choix des consommateurs» semblaient vraiment encourageants et prometteurs pour nous ici en Alberta. De nos jours, ils sont un peu moins convaincants. Permettez-moi de vous expliquer, pour les consommateurs de soins médicaux et des régimes de soins de santé, il semble que l'expression «à l'écoute des consommateurs» signifie plutôt forcer les consommateurs à entrer dans l'arène des marchés de détail inabordables pour obtenir des soins médicaux et avoir droit à l'assurance-maladie. De plus en plus de familles sont obligées de choisir entre s'acquitter du paiement mensuel de l'hypothèque ou payer les frais de traitement médical pour un membre de la famille atteint du cancer ou un autre souffrant de sclérose en plaques. Dans certains cas, les choix faits par certains consommateurs sur le marché médical ont entraîné des conséquences tout à fait accablantes, comme celui d'avoir choisi de faire affaire avec LASIK Vision qui a récemment fait faillite.

Suivant vos commentaires de ce matin, j'aimerais examiner certains témoignages que nous avons recueillis ici en Alberta suite aux répercussions de l'introduction du ticket modérateur, des prestations fondées sur le revenu, des frais de participation aux coûts et des franchises qui ont vraiment atteint l'Alberta de plein fouet au début des années 90.

Au commencement, ne pouvant plus supporter les soins institutionnels et les effets secondaires désagréables de quelques-uns des services de pointe, je pense que l'Alberta Consumers Association a souscrit aux opinions de la plupart des Albertains et de la plus grande partie du public canadien: soutenir la réforme des soins de santé. Elle était mécontente de la hausse des frais encourus par l'État et par les particuliers auxquels un grand nombre de personnes ayant besoin de soins médicaux se trouvait confronté.

Les consommateurs étaient indéniablement à la recherche de certains de ces changements, comme l'était l'Alberta Consumers Association qui, à la fin des années 80, était la première à préconiser un renouvellement du système de soins de santé. Toutefois, lorsqu'en 1993 et 1994, l'Alberta a accueilli la réforme de son système de santé de façon plutôt radicale et significative, nous étions impatients de voir ce qui allait vraiment se passer. Il y avait un débat incroyable à la radio à propos de l'absence d'un véritable changement à la qualité, au coût, aux délais d'attente et autres problèmes graves. Il était difficile de discerner parmi toute cette éloquence ce à quoi devaient réellement faire face les personnes de la communauté qui avaient à prendre de véritables décisions quant à l'établissement et aux soins à choisir.

Lors d'un sondage que nous avons effectué, nous avons demandé aux Albertains d'appeler un numéro sans frais et de nous faire savoir ce qu'on leur proposait. Nous avons vraiment été choqués et stupéfaits par les résultats. En effet, bien que la restructuration du système de santé eût réellement créé de nombreuses possibilités pour l'obtention des soins dans la communauté, le prix à payer s'avérait exorbitant.

Le fait de changer l'établissement dispensateur de soins, hors des hôpitaux publics désignés et de remplacer le prestataire de soins de santé habituel, comme un médecin ou un employé d'hôpital, par un autre professionnel de la santé, s'était soldé par l'introduction de frais considérables, provenant des franchises, des frais de participation aux coûts, des tickets modérateurs et des prestations fondées sur le revenu. En réalité, dans certains cas, la province s'était carrément démise de ses responsabilités en jouant le rôle de payeur en dernier ressort, si personne d'autre n'était en mesure ou n'était disposé à payer la note.

Dans ce rapport, vous prendrez connaissance d'expériences concrètes documentées au courant de l'enquête complémentaire menée par l'association en ce qui concerne les sorties d'hôpital anticipées, les soins aux patients en phase terminale, les soins aux enfants atteints de maladies chroniques, les traitements intraveineux, la facturation séparée dans les bureaux de médecin et les hôpitaux, la suppression des services médicaux et de certains avantages offerts par un régime privé d'assurance qui avaient alors commencé à envahir le marché médical.

Un bon exemple illustrant la hausse des coûts des soins est l'obtention de traitements intraveineux. Un tel traitement consiste à injecter des médicaments très puissants sous forme liquide directement dans le sang afin de soigner les infections extrêmement graves, les complications, les symptômes de la sclérose en plaques, et cetera. Pendant des années, les patients nécessitant des traitements intraveineux avaient été admis à l'hôpital pour un traitement de 5 à 10 jours à la fois. Avec les changements apportés au système de soins de santé de l'Alberta, les patients qui souhaitaient recevoir ce traitement à domicile et qui souvent y étaient forcés, de par leur condition, ont dû payer 25 p. 100 du coût des appareils et des instruments, ainsi que 100 p. 100 du médicament jusqu'à concurrence d'une franchise de 5 000 $. Sinon, ils pouvaient essayer de trouver quelqu'un pour les mener de 2 à 4 fois par jour au service d'urgence près de chez eux. Aussi incroyable que cela puisse paraître, certains hôpitaux de l'Alberta ont même décidé, qu'étant donné que les patients devaient payer pour leur traitement à domicile, qu'ils devraient également payer pour recevoir leur traitement au service de consultations externes.

Vraiment, la réforme frappait les gens de plein fouet et nous avons entendu plusieurs histoires personnelles de ce genre. Ainsi, une femme de Stony Plain nous a raconté comment elle avait passé plusieurs nuits à pleurer se demandant comment elle allait trouver 700 $ pour acheter la pompe pour allaiter sa petite fille à la maison, même en disposant d'un régime de prestations d'employeur pour couvrir le coût de ces services. Combien d'autres témoignages ont suivi...

J'aimerais maintenant aborder le rapport que nous avons appelé «Canada's Canary in the Mine Shaft». Au milieu de ce débat interminable concernant le besoin croissant des capitaux privés et des entreprises privées, se trouve un moyen de réduire les coûts et d'améliorer la qualité et l'accès à notre système de soins de santé.

L'Alberta Consumers Association a été appelée à bien connaître les cliniques de l'Alberta offrant des services de chirurgie de l'9il. C'est pourquoi, nous avons décidé de compiler les expériences des personnes se prévalant de ces services. Nous voulions étudier l'impact de la croissance des cliniques privées en Alberta sur les patients et les membres d'un régime général. La complexité du problème nous a amené à faire des découvertes intéressantes.

Puis-je attirer votre attention sur nos diapositives. Certains des résultats imprévus de nos recherches concernent les points suivants: prix plus élevés, coûts supérieurs, garantie inférieure, moins de choix, délais d'attente plus longs, perte de l'examen et de la confiance du public.

Cette diapositive illustre la croissance remarquable des cliniques privées en Alberta de 1972 à 1999. Si vous regardez au bas de la diapositive, vous trouverez quelques-unes des décisions importantes prises à l'époque. En 1975, suite aux résultats non concluants de l'étude comparative entre les cliniques privées et les hôpitaux publics, le ministre de la Santé de l'époque a refusé de subventionner les cliniques privées à défaut de preuve montrant une véritable économie de dépenses, mais il a permis aux médecins de continuer à facturer les frais d'opérations chirurgicales au régime d'assurance-maladie.

Lorsque la surfacturation dans les hôpitaux publics de l'Alberta a été interdite en 1986, elle a continué dans les cliniques privées, prenant la forme de frais d'établissement. Actuellement, en 1999, comme vous a annoncé M. Taft, 100 p. 100 des chirurgies de l'9il couvertes par le régime d'assurance-maladie sont confiées aux cliniques privées de l'Alberta, telles la kératoplastie, l'ablation des tumeurs, la chirurgie de la cataracte et de nombreuses autres opérations des yeux.

Le président: Puis-je vous demander de conclure rapidement?

Mme Armstrong: Oui, monsieur le président.

La découverte la plus remarquable de cette étude fut que seuls les patients dont le médecin offrait également une option de chirurgie en clinique privée, à des frais supplémentaires et un délai d'attente plus court, devaient subir le plus long délai d'attente avant de pouvoir recevoir une chirurgie de la cataracte couverte par le régime d'assurance-maladie dans un hôpital public.

En résumé, jusqu'à maintenant, nos recherches révèlent un fait incroyable: plutôt que d'être la solution aux coûts en hausse, aux délais d'attente plus longs et à la médiocrité des soins, le besoin croissant de nouvelles sources de capitaux privés et d'entreprises privées, au cours des 20 dernières années, s'avère être la cause principale de ces problèmes.

Le deuxième point à soulever que je considère essentiel s'applique au statu quo qui n'est pas ce que la plupart des gens croient. Personne ne semble faire attention au régime d'assurance-maladie ou aux marchés médicaux privés au Canada. À vrai dire, on dirait que personne ne s'occupe plus de ces domaines depuis longtemps.

Il y a très peu de responsables des politiques d'État et encore moins de professionnels de la santé qui savent réellement ce qui se passe. Il est important de noter, particulièrement de notre point de vue, que la sécurité publique est de plus en plus menacée en raison de l'utilisation excessive de technologies mal testées par des fournisseurs pratiquant une politique de type commerciale.

Il est également important de remarquer qu'un grand nombre des problèmes ayant été identifiés au sein du système de soins de santé, comme vous l'avez souligné monsieur le président, n'affectent pas exclusivement le Canada. Cette mondialisation du problème suggère peut-être que le problème émane plus de la médecine moderne et des marchés médicaux que du régime d'assurance-maladie.

La Dre June Bergman, Primary Care Initiative: Honorables sénateurs, je suis ici aujourd'hui parce je remplace un de mes amis qui avait été invité à participer à ce comité et qui n'a pas pu venir.

Je n'ai appris qu'hier soir que je devais préparer un dossier, alors vous êtes un peu avantagés.

Je vous résumerai mon histoire afin que vous compreniez d'où viennent mes commentaires. Je suis un médecin de famille et je pratique depuis 30 ans au sein du système canadien en Saskatchewan, en Ontario et en Alberta. Je suis la mère de 3 fils, la femme d'un homme qui souffre d'une maladie chronique et la fille de parents qui vieillissent. Je suis donc une consommatrice à plusieurs niveaux. Depuis 3 ans, je fais également partie de l'équipe du programme d'évaluation du système de soins de santé. En tant que membre de cette équipe, j'ai été appelée à voyager à travers le pays dans le but d'examiner les divers systèmes de soins de santé de plusieurs points de vue.

Enfin, j'ai présentement un emploi au sein de mon cabinet de médecin de famille et je m'occupe d'un groupe d'initiative de soins primaires dans la région de santé de Calgary. C'est en tant que représentante de ce groupe d'initiative que je suis ici aujourd'hui.

J'ai plusieurs opinions au sujet de la question de la réforme des soins de santé primaires, de la marche à suivre et du but à atteindre. J'imagine que vous avez assisté à plusieurs présentations sur la réforme des soins de santé primaires au cours desquelles on vous a dit ce que cela signifie et fait connaître la terminologie qui s'y rapporte. Je ne m'attarderai donc pas sur les points de base, mais j'ajouterai certains faits.

La situation en Alberta est unique. D'un côté, il existe un lien très étroit entre les soins primaires et les soins secondaires et tertiaires. De l'autre, nous croyons fermement au respect des parties engagées et, par conséquent, nous progressons en travaillant avec des partenaires d'une manière évolutive vers des buts communs. La situation diffère beaucoup de celles qui sont en place dans de nombreuses régions.

Par exemple, il y a presque 20 ans que les CLSC ont été créés au Québec et qu'ils se sont développés en tant qu'entité distincte, de façon parallèle à l'autre système de santé qui a continué à fonctionner.

En regard du succès de ce système, nous avons décidé de garder à l'esprit ses bons côtés et de nous diriger, à partir de ce que nous possédons, vers une nouvelle avenue tout en respectant les aspects positifs du système actuel.

J'ai lu votre rapport que je trouve très intéressant et je crois qu'il est temps d'avoir un débat public sur un grand nombre de points que vous y soulevez. Je ne pense pas être la personne idéale pour organiser une discussion qui devra décider de la façon dont je devrais être payée. Néanmoins, je suis convaincue qu'un tel débat public devrait avoir lieu, et ce à plusieurs niveaux.

Je ferai quelques remarques concernant votre document que vous pourriez prendre en considération.

Tout d'abord, il est important d'avoir une ligne de conduite précise à suivre. Chaque document traitant du système de soins de santé mentionne la réforme des soins primaires comme étant la solution au problème actuel. Cependant, nous n'avons pas de ligne de conduite à cet instant précis et je crois que nous en avons besoin d'une. Peut-être l'établissement d'une telle ligne de conduite pourrait être le sujet d'un des débats qui doivent se dérouler. Par ligne de conduite, je ne veux pas dire trouver le modèle à suivre, mais élaborer des principes généraux qui serviront à définir les soins primaires. Nous y sommes presque arrivés. Le Collège des médecins de famille a fait quelques suggestions et la Loi canadienne sur la santé en a proposé d'autres. En étoffant ces suggestions, nous serons sur la bonne voie, mais j'estime qu'un débat est essentiel.

Nous avons versé beaucoup d'argent dans la réforme de soins de santé, dans le Fonds pour l'adaptation des services de santé, dans le Fonds d'innovation-Santé, et avons obtenu d'excellents résultats. Ces programmes nous ont vraiment aidés à démarrer notre propre réforme en Alberta. Tous s'accordent à dire que l'idée de réformer le système de santé en Alberta vient du Fonds d'adaptation des services de santé.

Il faut néanmoins se rappeler que ces idées sont expérimentales. Il y a beaucoup d'idées qui circulent en ce moment, mais aucune qui puisse tout regrouper. Nous devons réfléchir à ce que nous pouvons faire à partir de maintenant afin de promouvoir la véritable cohésion de ces idées et non simplement de proposer une autre bonne idée. En fait, la réponse à la dernière demande du Fonds d'adaptation des services de santé fut le refus de subventionner toute idée ancienne. Nous savons qu'un grand nombre d'idées ont donné des résultats positifs, mais ces idées doivent passer du stade expérimental au stade d'essai pour pouvoir enfin être mises en pratique.

Je suis également d'avis que l'idée de partenariat ou de coparticipation doit être explorée à fond dans le rapport.

L'autre commentaire que je désire faire par rapport à votre document est la référence à la comparaison entre l'industrie familiale et le XXIe siècle en ce qui concerne les soins primaires. Les soins primaires tiennent de l'industrie familiale, mais nous ne pouvons pas tous les supprimer. Les soins de santé et la maladie sont ressentis à un niveau très personnel.

La maladie diminue vraiment les capacités d'un consommateur à être compétent, c'est-à-dire à poser les bonnes questions au moment opportun. L'Organisation mondiale de la santé a proposé la recommandation suivante: que chacun a droit à une personne dispensatrice de soins qui connaisse son nom. La médecine familiale, votre médecin de soins primaires ont tendance à respecter ce droit.

Comment pouvons-nous conserver ce principe de base à l'intérieur d'un système qui doit parvenir au XXIe siècle et devenir plus efficace? Je suis persuadée qu'il existe des façons d'y arriver et qu'il suffit de savoir les présenter. Nous ne voulons pas perdre l'humanité de notre système de soins de santé en l'honneur de l'efficacité. Il nous faut atteindre le juste milieu.

Le troisième point concerne la question de travail d'équipe. J'ai remarqué certaines expressions - et certaines d'entre elles me font réagir - comme «les médecins doivent renoncer à leur pouvoir». Ce commentaire me fait me poser cette question: De quel pouvoir s'agit-il? Où se trouve mon pouvoir quand je reçois un appel à minuit d'une personne qui souhaite obtenir ses résultats d'analyse ou pour une quelconque autre raison.

Nous avons tenté de créer des analogies pour illustrer ce problème, en partant de la différence entre une équipe interdisciplinaire et une équipe multidisciplinaire. L'équipe multidisciplinaire est semblable à une équipe de ski alpin - chacun des membres de l'équipe est sur les pistes essayant de faire de son mieux. Une équipe interdisciplinaire est comme une équipe de football. Les membres de l'équipe dépendent tous les uns des autres pour gagner la partie. Nous nous sommes aperçus que ces analogies étaient très pratiques pour penser à nos équipes. Nous nous servons de ces comparaisons afin de diviser les tâches selon les besoins plutôt que les compétences professionnelles de la pratique. Si les tâches sont réparties selon les compétences professionnelles de la pratique, il y aura un grand nombre de ces tâches dont beaucoup de personnes voudront s'acquitter, alors qu'il y a d'autres tâches que personne ne veut effectuer. Malheureusement, il importe à l'individu qui a besoin de soins que toutes ces tâches soient remplies. Par conséquent, nos services doivent être orientés vers le patient ou le client - et j'avoue toujours avoir de la difficulté à prononcer le mot «client»; tout autant, j'imagine, que les infirmières ont du mal à utiliser le mot «patient».

Nous devons examiner notre système éducatif pour savoir comment il contribue à ces aptitudes d'équipe. Lorsque nous commençons à créer des équipes, la première chose que nous remarquons est que personne ne sait comment travailler en équipe. Il y a des questions qui se posent pour apprendre comment travailler en équipe.

En ce qui a trait à votre rapport, il nous faut aller de l'avant en présentant un message unifié sur les soins primaires afin que tout ce que nous accomplissons puisse convenir à la pratique d'équipe. Nous avons besoin d'une assistance financière stable pour suivre cette ligne de conduite.

Quant aux questions de recherche et d'évaluation, je tiens à soulever quelques points. Tout d'abord les idées expérimentales doivent faire place à la démonstration puis à la pratique commerciale. Pour faire une évaluation, il faut du temps, une infrastructure et il faut tenir compte des coûts nécessaires, surtout si l'on sait combien coûte le système de santé. Tous ces facteurs nécessitent une assistance.

En ce qui concerne l'infrastructure, le besoin primordial est la connectivité. Ce qui importe n'est pas le dossier électronique ou le dossier médical et de santé, mais la possibilité que toutes les personnes participant aux soins du patient soient connectées. Nous tentons ainsi, et ce quotidiennement, de relier 80 p. 100 de nos médecins de famille.

Nous avons besoin d'un débat public national à propos de la confidentialité par rapport à la liberté d'expression, de la circulation de l'information confidentielle sur Internet. Il nous faut connaître la position du public et des médecins à ce sujet. Il suffit d'ouvrir les discussions, de trouver des réponses, de prendre une décision et de la mettre en pratique. La Grande-Bretagne a précisément adopté cette ligne de conduite, décidant de choisir de faire paraître ses informations médicales sur le Web, sans protection particulière. Nous devons à notre tour prendre une décision.

Un autre secteur qui peut contribuer à la connectivité des gens du milieu médical est la mise en place de règlements. En fait, le libre-échange restreint la connectivité: vous réussirez mieux en affaires si vous pouvez attirer les gens et les persuader de rester avec vous et d'acheter votre produit qui répondra le mieux à leurs besoins. Ainsi, nous devons accepter les coûts inhérents à la gestion du changement et à la recherche de nouvelles façons de faire des affaires.

La santé de la population répond très bien à la restructuration des soins primaires.

Le dernier point à étudier se rapporte aux modèles de prestation de services. Nous avons besoin d'aide pour améliorer toutes les composantes du système qui encourageront la gestion du changement, l'intégration et les changements évolutifs. Je vous remercie de m'avoir écouté.

Le président: J'ai eu le plaisir d'être assis à côté d'un médecin des régions rurales de la Nouvelle-Écosse qui, je crois, dirige un groupe d'étude sur les soins primaires - je ne me rappelle plus du terme précis - au nom de l'Association médicale canadienne. Faites-vous partie de ce projet?

Dre Bergman: Non, mais je suis au courant de ce projet.

Le sénateur LeBreton: Monsieur McGurran, en ce concerne les études auprès des groupes type, avez-vous trouvé une différence de perception entre ceux qui n'avaient pas à accéder au système et ceux qui avaient accédé au système? Il semble y avoir de nombreux mythes concernant la durée des listes d'attente. Souvent, en ce qui a trait à l'accès au système de soins de santé, nous trouvons que les gens qui ont reçu des soins ne racontent pas les mêmes histoires d'horreur que ceux qui n'ont pas eu besoin du système.

M. McGurran: Nous n'avons pas trouvé de réponse décisive à cette question, mais nous avons relevé au contraire une diversité de points de vue de la part des groupes. Ces perceptions sont d'ailleurs compatibles avec les études publiées. Certaines études montrent qu'en effet, l'accès au système est chaotique, plus particulièrement les délais d'attente et les problèmes relatifs à l'attente. Cependant, plusieurs études effectuées auprès de patients qui sortent de l'hôpital révèlent que ceux-ci se déclarent satisfaits de la qualité des soins qu'ils ont reçus. Ainsi, ce type d'étude peut être interprété de plusieurs façons.

En résumé, nous avons trouvé que malgré les attentes élevées du public relativement au système de santé, il existait un sens d'impartialité. Les gens avouaient honnêtement que, peu importe les autres facteurs, le patient qui a le plus besoin de soins devrait passer en premier. Nous avons pris en note cette considération dans notre rapport.

Le sénateur LeBreton: Avez-vous remarqué si l'opinion publique était influencée par les médias? Par exemple, il y a 2 ans, l'Ontario a connu une énorme épidémie de grippe pendant l'hiver. Toutes sortes de personnes avaient envahi les services d'urgence. Les journaux publiaient de nombreux articles sur les longs délais d'attente, et cetera. L'année dernière, la plupart des Ontariens ont reçu un vaccin contre la grippe et presque personne à proprement parler n'a eu recours au système de santé pour ce type de maladie. Pour cette raison, les histoires sur les délais d'attente prolongés dans les hôpitaux ne font plus les manchettes des journaux.

Lorsque vous avez choisi vos groupes types ou lorsque l'agence Ipsos-Reid effectue un sondage, prenez-vous en considération ce qui fait la une des journaux au moment de l'étude?

M. McGurran: Dans ce cas, non. J'ajouterai pour aller plus loin, qu'en fait, lorsqu'il y a des épidémies de grippe et des demandes accrues de services, les opérations chirurgicales non urgentes, par exemple, sont les premiers services qui sont laissés de côté.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, lorsque le système est sous pression et que les chirurgiens doivent annuler leurs opérations à la dernière minute, les journaux n'en soufflent pas mot.

Le sénateur LeBreton: Madame Armstrong, ce matin nous avons entendu des témoignages de personnes qui avaient une très bonne opinion du système de soins de santé en Alberta. Je comprends que vous vous occupez principalement des cliniques privées, mais vous avez parlé de résultats imprévus, de prix plus élevés, de coûts supérieurs et d'une garantie inférieure. Votre association n'a-t-elle obtenu aucun bon résultat au cours de son étude?

Mme Armstrong: J'ai parlé à des centaines de personnes atteintes de cataracte. Puisque le traitement chirurgical de la cataracte améliore de façon considérable la qualité de vie d'un individu, la plupart des personnes étaient satisfaites du résultat de leur opération chirurgicale, qu'elle ait été effectuée dans un hôpital public ou une clinique privée. Les seules plaintes ou marques d'approbation que j'ai pu noter concernaient, en général, l'anesthésiste, le médecin ou le personnel soignant.

Le sujet de satisfaction le plus souvent cité à propos des cliniques privées, et ceci pourrait être instructif pour le système de soins de santé public, se rapportait à l'absence de la chemise d'hôpital bleue, ouverte dans le dos et de la gratuité du stationnement. N'importe quelle personne qui a dû payer pour stationner dans un hôpital en région urbaine comprendra l'attrait du stationnement gratuit.

Le sénateur LeBreton: Lorsque vous faites une étude comme celle-ci, vous accuse-t-on d'avoir un parti pris?

Mme Armstrong: On m'a accusée d'un grand nombre de choses au cours des 10 dernières années, mais mes études continuent à être données en exemple.

Pour effectuer ces études, nous avons appelé les cliniques et posé les questions, jouant le rôle d'un consommateur et demandant: «J'aimerais savoir combien coûte le traitement chirurgical et quel est le délai d'attente?» Nous avons invité n'importe qui, n'importe où, à répéter exactement les mêmes questions et les réponses ont été différentes à chaque fois. Nous ne sommes pas limités à ces résultats.

Ce qui a également transparu dans notre recherche est la préférence des personnes pour les hôpitaux en région rurale ou de grandeur moyenne, dans lesquels elles peuvent trouver une quelconque trace d'humanité, plutôt que les établissements plus importants.

Dre Bergman: Je voudrais simplement faire quelques commentaires au sujet des listes d'attente. Un médecin de famille donne la priorité au processus de présentation, alors que le chirurgien donne la priorité au processus d'opération chirurgicale. Bien que cette façon de procéder ne respecte pas toujours l'individu, elle reste peut-être la meilleure solution.

Lorsque vous évoluez au sein d'un système où il existe des listes d'attente, vous vous efforcez constamment de vous assurer que la personne la plus malade ou celle qui présente le plus de complications passe en premier. Les outils comme ceux que M. McGurran a élaborés font une réelle différence, parce qu'ils nous permettent d'avoir un contexte rationnel à la façon dont nous procédons.

L'autre facteur qui facilite le processus d'attente s'applique aux rapports qui s'établissent grâce au partage des soins, à la possibilité de contacter les personnes et de savoir qu'elles répondront au téléphone. Depuis les 20, ou plutôt les 10 dernières années, la régionalisation a été le facteur principal de la perturbation des anciens rapports entre médecins et patients. Le moteur primordial de notre système étant les rapports humains, lorsque les rapports entre les individus disparaissent, notre capacité de gestion ou notre marge de man9uvre à l'intérieur du système pour rejoindre les personnes et leur donner des soins se trouve réduite.

Mme Armstrong: J'aimerais me référer à un autre facteur important que nous avons découvert. Notre étude a révélé qu'à Calgary, où les délais d'attente moyens étaient les plus longs, le délai d'attente minimum pour une opération de la cataracte parmi 23 chirurgiens était de 1 à 40 semaines. Il faut que les gens réalisent que chaque liste d'attente dépend non seulement de la disponibilité d'un établissement, mais également de la disponibilité d'un chirurgien. Nous avons découvert, qu'en général, les chirurgiens qui ont l'occasion de gagner plus d'argent, en offrant des services qui ne sont pas couverts par l'assurance-maladie, comme le traitement chirurgical des yeux au laser, sont tout simplement moins disponibles sur présentation des médecins de famille ou pour une chirurgie de la cataracte ou pour un grand nombre d'interventions garanties par l'assurance-maladie.

Les médecins ont tendance à suivre la trace de l'argent. Par exemple, si vous gagnez 2 000 $ pour un travail de 15 minutes, plutôt que 400 $, où choisiriez-vous de passer votre temps et d'utiliser vos ressources?

C'est pourquoi, il est important de reconnaître que les listes d'attente varient selon les chirurgiens et l'établissement où ils décident d'exercer.

Le sénateur LeBreton: J'avais en effet remarqué ce chiffre et me demandais comment un tel écart pouvait s'expliquer.

Mme Armstrong: Si vous le désirez, je peux vous procurer toutes les données originales obtenues à partir du sondage téléphonique.

Le président: Monsieur McGurran, vous avez soulevé la question d'établir des délais d'attente de référence, ce qui va droit au c9ur du problème. Il existe des pays européens qui ont instauré cette pratique. La formule que nous voulons établir est, disons que pour l'intervention X, le délai d'attente maximum devrait être de X nombre de semaines. En réalité, dans un certain nombre de pays d'Europe où une telle mesure existe, si un individu atteint le délai d'attente maximum, l'état enverra ce patient dans un autre pays où il pourra subir cette intervention, ce qui a, par ailleurs, vraiment d'augmenter l'efficacité des hôpitaux désireux d'attirer eux-mêmes les revenus.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les délais d'attente afin que nous puissions avoir une meilleure idée des données de référence?

Je m'adresse également à Mme Armstrong, puisqu'il me semble qu'en définitive, les personnes qui détermineront si un délai d'attente est raisonnable ou, en termes politiques, vendable, sont les consommateurs, les électeurs. Pour moi, ceci est l'enjeu déterminant des délais d'attente. J'aimerais vraiment savoir comment vous allez vous y prendre.

M. McGurran: Laissez-moi simplement apporter un commentaire au sujet d'un autre problème. Je ne suis pas sûr si vous avez entendu Mme Bergman dire que, de temps à autre, nous avons investi des fonds dans le but de trouver une solution qui semblerait vouloir donner fruit, une solution qui est bien reçue et acceptée, mais qui est, pour une raison quelconque, mise de côté parce qu'elle n'est plus opportune.

Mme Armstrong: Dix ans plus tard.

M. McGurran: Il est bien possible, mais je pense que ceci est au c9ur de la réponse. En d'autres termes, nous nous proposons maintenant de demander aux gouvernements provinciaux et aux sous-ministres de la Santé des 4 provinces de l'Ouest du pays d'appuyer la mise en place de ces outils pour faire avancer ce processus.

Cependant, pour répondre à votre question sur les délais d'attente, monsieur le président, nous considérons ce problème à l'échelle nationale. Nous épousons la conviction que vous devriez commencer immédiatement, et non de façon arbitraire suivant une promesse politique ou une prévision fiscale.

Voilà le principe derrière le système des soins cardiaques en Ontario. Je ne suggère pas que la chirurgie de la cataracte puisse être comparée à la chirurgie cardiaque, mais il existe des points en commun. Par exemple, si vous avez plusieurs choix, vous pourriez garantir un certain chirurgien pour certains patients pendant un certain temps.

Le président: Oui. Le sénateur Keon, comme vous le savez peut-être, est également le directeur général de l'institut cardiaque de l'Université d'Ottawa et le fondateur du Réseau de soins cardiaques de l'Ontario. Nous reviendrons à ce sujet un peu plus tard.

Il me semble que si nous effectuons ce que vous recommandez, le gouvernement doit s'engager en tant que fournisseur à subir les conséquences si l'échéance n'est pas respectée. Il doit y avoir un équilibre des pouvoirs. L'un des faits qui m'a le plus intrigué à propos de certains modèles européens concerne la responsabilité de l'État vis-à-vis du patient. Ainsi, lorsqu'un patient a atteint le délai maximum d'attente, l'État est obligé de le faire soigner à l'extérieur du pays. Par exemple, de la Suède, il doit aller en Allemagne pour recevoir ses traitements, et ce aux frais de l'État.

Le point sur lequel je désire insister se rapporte aux coûts que le gouvernement doit subir s'il continue à rationner le service.

M. McGurran: Dans le rapport, nous employons le terme «acceptable» qui est tout à fait générique.

Le président: C'est un terme que les personnes avec qui Mme Armstrong travaille comprendraient parfaitement.

M. McGurran: Les fournisseurs et le gouvernement doivent s'y soumettre.

Le président: De plus, il doit convenir aux consommateurs qui sont la raison pour laquelle le système existe.

Mme Armstrong: Si vous me permettez d'ajouter que les participants au régime qui contribuent à leur régime...

Le président: J'essaie délibérément de provoquer sur ce point.

Mme Armstrong: Je comprends. Ce qui importe le plus, et ce que nous avons tendance à oublier, c'est qu'en tant que patients, lorsque nous demandons conseil aux professionnels des soins de santé, ceux-ci doivent accepter de prendre en charge le rapport de confiance qui s'établit entre eux et nous. Nous sommes très dépendants d'eux. Essentiellement, l'élément de consommation existe parce que nous sommes des consommateurs de régimes de santé, qu'ils soient gouvernemental ou privés. Je crois que ce dont vous parlez peut s'exprimer de la manière suivante: où peut-on obtenir un bon rapport qualité-prix suivant la personne qui gère notre régime et assure une quantité adéquate de services?

Le président: Ce que je veux vraiment savoir, tout en sachant que vous n'avez pas la réponse, c'est si vous pensez que c'est possible d'arriver à la situation suivante: que l'État puisse recommander que pour l'obtention d'un service X, il faut s'attendre à un délai d'attente maximum de X, que pour un autre service Y, disons une intervention moins urgente, le délai d'attente est Y, et que les consommateurs acceptent, sans trop se plaindre, ces conditions somme toute raisonnables.

Mme Armstrong: Je vous encourage à lire mon rapport, parce que l'un des dilemmes auxquels nous devons faire face ici au Canada est la présence d'un système parallèle privé, commercial et persuasif.

Le président: Je ne parlais pas d'un système parallèle privé.

Mme Armstrong: Non, mais nous en avons un au Canada.

Lorsque j'écoute la radio, j'entends parler d'une analyse pour déterminer la densité osseuse, de l'importance de l'examen colorectal, du médicament X qui pourra sauver mon mariage, soulager mes douleurs, calmer mes nausées et bien d'autres promesses. Lorsque vous acceptez de profiter des valeurs commerciales et de la commercialisation des soins de santé, peu importe ce que vous faites au sein du système public, vous souscrivez à la loi de la demande. En fait, depuis l'avènement du système parallèle privé, nous sommes témoins d'une perte de confiance envers le système public.

Le secteur privé propose souvent des traitements chirurgicaux expérimentaux comme étant ce qui se fait de mieux. Ces traitements font avant tout partie d'un vaste programme d'essais cliniques, mais la vente de ces traitements ne correspond-elle pas aussi à la création d'attentes. Les attentes créées par le secteur commercial sont essentiellement ce qui alimente les attentes du public face au secteur public.

Je recommande avant tout que vous considériez les preuves concrètes, telles que la publicité s'adressant directement aux consommateurs, la commercialisation d'instruments médicaux, enfin toute l'information qui agresse le grand public.

Les gens ont besoin de se sentir en confiance et de croire que le système public n'abuse pas d'eux. Par exemple, nous devons trouver un moyen d'arrêter les médecins de dire à leurs patients que s'ils veulent éviter les complications, comme un décollement de rétine, ou prévenir les douleurs, et ainsi avoir une meilleure vue, ils ont la possibilité d'acheter sur le marché du détail un cristallin artificiel amélioré à 750 $. Remarquons que ces médecins sont les mêmes qui ont déconseillé les implants améliorés aux régies régionales de la santé invoquant leur inutilité. Jusqu'à ce que l'on puisse trouver un moyen de contrôler ce que recommande un médecin à son patient, il sera très difficile pour les patients d'avoir confiance au système.

Le président: Docteure Bergman, il se trouve que je suis tout à fait d'accord avec deux des points que vous avez énumérés au sujet de la santé de la population. Vous ne les avez pas mentionnés lors de votre présentation, alors permettez-moi de vous les lire.

Le premier point est le suivant: «Nous avons besoin de diriger notre attention non pas sur ceux qui viennent pour recevoir des soins, mais sur ceux qui ont besoin de recevoir des soins». Le deuxième point réitère l'idée du précédent: «Les services doivent être offerts à ceux qui en ont besoin, plutôt qu'à ceux qui les désirent». Nous reconnaissons entièrement la véracité de ces observations.

Peut-être ne pourrez-vous pas répondre à cette question dès maintenant, mais si vous avez des opinions sur ce que le gouvernement fédéral pourrait faire pour mettre ces idées en place, nous vous serions très obligeants.

Dre Bergman: J'ai en effet quelques opinions, mais je préférerai les mettre par écrit pour être plus détaillée et précise.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Le sénateur Keon: Monsieur McGurran, je voudrais vous faire part des conséquences intéressantes de notre expérience lors de l'élaboration du Réseau de soins cardiaques de l'Ontario. En gros, nous en avons trop fait. Ainsi, en injectant trop d'argent dans les services provinciaux, nous avons réalisé que le système était devenu tout à fait inefficace parce que le transfert des paiements n'était pas suffisant pour utiliser les ressources ayant été mises en place pour s'occuper du problème. De plus, du fait de la syndicalisation de ces ressources, nous avons été obligés d'attendre au moins 3 mois avant de pouvoir continuer notre assistance.

Dans l'élaboration de délais d'attente plus efficaces, nous devons prendre en considération deux facteurs, le premier étant, bien entendu, le patient, le consommateur. Le second facteur concerne les établissements dont dispose le système, l'efficacité du système et le nombre de personnes qui sont nécessaires à faire fonctionner le système de façon cohérente. Désirez-vous apporter vos commentaires sur ces points?

M. McGurran: Vos observations sont très précieuses et pourront alimenter et enrichir le débat. Vous avez raison de noter les répercussions sur les ressources et il est possible qu'à la suite de votre expérience en Ontario, elles seront plus modestes.

Tel que je l'entends, un certain nombre de prothèses sont attribuées à une région. Par conséquent, en raison de la quantité imposée de prothèses, il faut choisir quel patient devrait y avoir accès. Cependant, la situation serait encore plus compliquée si les deux parties étaient inconnues.

En ce qui concerne les besoins des patients, il reste beaucoup de travail à faire dans le but de déterminer les critères minimums de ce service. Outre le fait que la qualité de vie d'un individu qui reçoit une prothèse de la hanche ou subit une opération de la cataracte aura tendance à s'améliorer, il est très difficile de savoir, et à cet instant il est impossible de le faire, à quel moment cette intervention devrait intervenir. Néanmoins, vous avez soulevé un problème qui mérite de plus amples réflexions devant être remises à plus tard.

Mme Armstrong: J'aimerais mentionner la recherche de la Dre Raisa Deber qui, bien que n'ayant pas de portée aussi considérable sur les opérations cardiaques que sur d'autres interventions, jette de la lumière sur ce que les patients veulent et désirent. Il est clair que les individus s'attendent à ce qu'une personne possède les compétences nécessaires pour pouvoir les examiner et faire un diagnostic, ils voudraient avoir la liberté de s'exprimer sur les types de traitement qu'ils peuvent choisir de suivre, suivant des facteurs divers, comme leur propre expérience, les circonstances du moment, et cetera.

Pendant un an, l'Alberta Consumers Association conjointement avec l'Alberta Medical Association a travaillé sur un projet nommé «Partners in Care to Improve Patient/Physician Communication». La critique qui revient le plus souvent à propos du système de soins de santé est le manque de communication. Les patients et les médecins ont besoin d'accéder à de l'information de qualité afin d'évaluer une situation; il est impossible de prendre des décisions sans avoir accès à de l'information valable. Ils doivent communiquer efficacement entre eux. Je ne veux pas que vous perdiez de vue cet aspect du problème.

Le sénateur Keon: Vous avez mentionné rapidement les problèmes qu'éprouvent les patients qui décident de passer de la garantie totale du régime de l'assurance-maladie au système privé. En Ontario, par exemple, un patient atteint d'une endocardite infectieuse a besoin de recevoir des médicaments par voie intraveineuse pendant 6 semaines. À 1 200 $ par jour, il nous est impossible de garder ce patient à l'hôpital. Cependant, lorsque nous lui donnons son congé, il doit débourser 1 000 $ par jour. C'est une perspective qui me préoccupe beaucoup et pour laquelle nous nous voilons la face. Le système de soins de santé paie les médecins et les hôpitaux, entre autres, mais personne d'autre.

Mme Armstrong: Et la liste ne fait que diminuer.

Le sénateur Keon: C'est vrai. Il y a de plus en plus de services qui ne sont plus assurés. Le gouvernement couvre à peu près 70 p. 100 des services, alors qu'il incombe au patient de verser l'autre 30 p. 100 de sa propre poche. Souvent, les services qui ne sont pas assurés correspondent aux soins ambulatoires ou aux soins de gardien; des domaines que ne sont plus considérés comme faisant partie des soins de santé, mais qui coûtent chers.

J'ai posé ces questions à plusieurs témoins et je vous les pose également: «Quelles mesures pourrions-nous prendre à ce sujet? Devrions-nous uniformiser les règles du jeu? Devrions-nous financer 70 p. 100 de tous les services et laisser le public s'occuper des autres 30 p. 100?»

Hier, un des témoins m'a dit que les fonds publics devraient servir à financer tous les services. Je lui ai fait remarquer que le montant en question correspondrait à environ 14 p. 100 du PIB, ce qui doublerait les dépenses publiques actuelles sur la santé. Comment allons-nous donc résoudre ce problème?

Mme Armstrong: Je suis contente que vous souleviez ce point. Une énorme partie de ces coûts pèsent non seulement sur les individus et les patients, mais également sur les employeurs canadiens, particulièrement les petites et moyennes entreprises. Il y a eu une augmentation incroyable d'indemnités. Si vous visitez le site www.benefitcanada.com, vous y trouverez des témoignages incroyables sur la hausse écrasante d'indemnités auxquelles sont confrontés un grand nombre d'employeurs.

En ce qui a trait aux traitements à domicile, intraveineux ou autres, la plupart des gens ne réalisent pas que les achats en vrac sont très avantageux, à la fois pour la compagnie d'assurances et pour l'établissement. Par exemple, le même cristallin artificiel qui se vendait au détail à Calgary à 750 $ a été acheté à moins de 100 $ par les hôpitaux de Lethbridge et de Lamont.

Passons maintenant au problème de l'alimentation par sonde. Les patients qui avaient reçu leur congé de l'hôpital étaient obligés de débourser 450 $ par mois pour leur alimentation par sonde, leur source unique de nutrition. L'Alberta dispose d'un programme provincial, géré par les centres de soins les plus importants, qui permet à un hôpital ou à un centre régional de payer 100 $ pour acheter l'équivalent d'un mois d'aliments pour l'alimentation par sonde, plutôt que 400 ou 450 $. Il y eut un temps où le programme a presque disparu en raison de son impact sur les pharmacies de vente au détail. C'est un problème à considérer.

En tant que groupe de défense des consommateurs, nous sommes en charge des régimes privés de santé qui couvrent un nombre de plus en plus important de paniers de services dont ont besoin les individus. Ce chiffre n'atteint peut-être pas 70 p. 100 des coûts, mais en considérant le nombre de services, la garantie de ces régimes privés prend de l'envergure. Je crois qu'il faut que vous alliez rencontrer les gens de ces milieux.

Le régime d'assurance-maladie a été créé en premier lieu en transférant les subventions versées par les assurés à leur régime de prestations d'employeur, par le biais d'assurance privée, dans les fonds publics afin de permettre les achats en vrac, les contrôles des coûts et des prix. Nous devons nous asseoir avec les entreprises de ce pays pour identifier une façon juste et équitable de faire revenir l'argent, que les travailleurs et les employeurs versent actuellement dans des produits des régimes privés de santé, dans le système public afin de contribuer à sa rentabilité.

Le président: Je voudrais tous vous remercier de votre présence.

Messieurs et mesdames les sénateurs, notre prochain comité est composé de Mme Patricia Raymaker, présidente du Conseil consultatif national sur le troisième âge. Mme Raymaker est accompagnée de M. Neil Reimer, secrétaire-trésorier de l'Alberta Council on Aging et de M. Georges Arès, président de la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada.

Je laisse d'abord la parole à Mme Raymaker, parce qu'elle a un avion à prendre. Une période de question suivra, madame Raymaker.

Mme Pat Raymaker, présidente du Conseil consultatif national sur le troisième âge: Honorables sénateurs, le Conseil consultatif national sur le troisième âge est heureux d'avoir l'occasion de répondre au «Volume Four: Issues and Options». Comme vous le savez, le Dr Michael Gordon a répondu à l'un des autres volumes de votre rapport.

Je commencerai par vous remercier de l'intérêt que vous portez à nos opinions sur les questions et options discutées du point de vue des personnes âgées d'aujourd'hui et de demain. Je voudrais féliciter le comité sur quelques points. Le CNTA est très heureux de voir que le comité a confirmé la légitimité des cinq rôles distincts du gouvernement fédéral dans le domaine de la santé et des soins de santé.

Le conseil a également pris en note avec plaisir que le comité a tenu à ce que le gouvernement fédéral joue un rôle dans le financement de la recherche innovatrice sur la santé et dans l'évaluation de projets pilotes innovateurs pour venir en aide à l'infrastructure du système de soins de santé. Nous venons d'entendre les interlocuteurs qui nous ont précédés, suggérer de passer de l'étape expérimentale à l'étape d'essai et je remarque que le gouvernement fédéral reconnaît sa responsabilité à ce niveau. Pour cette raison, nous voulons faire l'éloge du comité.

Je discuterai de sept champs d'intérêt auxquels vous pouvez vous référer dans ma présentation écrite se trouvant devant vous. J'aborderai un ou deux points de chacun des domaines, puis nous pourrons passer aux questions.

Le premier point d'intérêt est la promotion de la santé et la prévention des maladies. Le Conseil consultatif national sur le troisième âge a recommandé qu'une priorité accrue soit accordée à la promotion de la santé, à la prévention des maladies et à la santé de la population. Nous voudrions que cet aspect soit traité en priorité.

Le conseil est flatté que le comité reconnaisse le rôle important du gouvernement fédéral dans les domaines de la promotion de la santé et du mieux-être, et de la prévention des maladies. En outre, nous sommes d'avis que les personnes âgées, tout autant que les jeunes Canadiens, doivent être la cible des efforts de promotion de la santé du gouvernement fédéral.

En ce qui concerne les soins primaires, j'aimerais insister sur quelques points. Il y a eu de nombreuses discussions au sujet des soins primaires et je pense que le comité reconnaîtra certainement que la pratique gériatrique, qui correspond à l'administration de soins aux personnes âgées, requiert de passer un certain temps avec le patient. C'est pourquoi, notre conseil recommande que la méthode de rétribution des médecins, qui consiste à payer les traditionnels honoraires en échange d'un service, soit réexaminée d'un 9il critique et qu'elle soit modifiée, au besoin, afin d'être plus compatible avec les principes de soins gériatriques adéquats.

Le CNTA appuie fortement l'opinion du comité au sujet du rôle du gouvernement fédéral à faciliter la restructuration des soins primaires et le conseil souscrit aux conclusions du comité que la réforme des soins primaires est l'un des aspects les plus critiques de la modernisation du système de soins de santé canadien. Ainsi, la restructuration des soins primaires peut être au c9ur de la réforme du système.

Les soins et le soutien à domicile sont des services essentiels pour les personnes âgées favorisant leur indépendance. Au cours des 10 dernières années, les ressources accordées aux soins à domicile, suite à la restructuration de l'aspect hospitalier des soins de santé, ont doublé, mais elles demeurent insuffisantes. Nous vous conseillons d'examiner ce point.

Dans notre communication écrite, nous discutons des forces et des faiblesses de chacune des quatre options de financement que vous nous avez proposées. En ce qui concerne la présentation d'aujourd'hui, j'aimerais vous annoncer que le conseil recommande l'adoption de la première option comme étant la seule option viable: un programme national de soins à domicile géré par le gouvernement fédéral grâce à une augmentation du TCSPS selon des normes nationales établies et une reddition des comptes publics.

Le conseil est très heureux de voir que le comité a identifié la charge qui retombe sur les fournisseurs de soins non professionnels alors qu'ils tentent de satisfaire les besoins de leur famille et amis vieillissants. Un programme national de soins à domicile permettrait de soulager la tension et de réduire les frais des fournisseurs de soins non professionnels. Tel qu'indiqué dans votre rapport, il serait conseillé d'octroyer une assistance complémentaire, grâce aux ajustements du RPC et de l'assurance-emploi, afin d'accéder aux demandes des individus quittant provisoirement le marché du travail pour assumer la responsabilité de soins non professionnels.

En matière des médicaments sur ordonnance, il faut réaliser qu'ils font partie intégrante du système des soins de santé, remplaçant souvent ou retardant l'hospitalisation ou l'intervention chirurgicale. Naturellement, les personnes âgées, sont celles qui font le plus grand usage des médicaments sur ordonnance.

Le comité présente quatre options possibles pour une initiative nationale de régime d'assurance-médicaments. Le CNTA pourrait accepter l'une ou l'autre des deux premières initiatives, mais pas les deux autres. Si vous désirez poser des questions à ce sujet, j'aurai plaisir à vous donner mon opinion. Nous estimons qu'un programme public intégré ou un régime global géré par l'État et le secteur privé satisferait l'objectif double du CNTA d'obtenir une couverte complète et universelle sur les médicaments d'ordonnance pour tous les Canadiens, avec comme critère d'accès la nécessité médicale, plutôt que la capacité à payer.

Le CNTA recommande l'adoption de la troisième option, qui consiste à élaborer une initiative engageant le secteur public et le secteur privé pour se protéger contre les coûts élevés des médicaments. Il est possible que les coûts des médicaments tombent immanquablement sous le seuil catastrophique, devenant ainsi des coûts imputés. Nous devons convenir que les personnes âgées prennent une grande proportion de médicaments sur ordonnance et, pour cette raison, supportent des coûts plus élevés. Même si ces coûts tombaient juste en dessous de ce seuil, les personnes âgées devraient malgré tout supporter des coûts élevés, et se verraient obligées de choisir entre l'ordonnance ou la nourriture.

En ce qui concerne la Loi canadienne sur la santé, le CNTA est heureux de noter que le comité soutient les quatre conditions ou principes axés sur les patients de la Loi canadienne sur la santé. Tout en reconnaissant l'observation du comité au sujet du 5e principe, celui de l'administration publique, comme ayant été interprété de façon trop restreinte en pratique, le CNTA déconseille l'interprétation de ce principe qui mènerait à un système de santé à deux niveaux.

Dans notre dossier, nous avons discuté des dérogations. Cependant, la présence de dérogations n'empêche pas que le principe d'administration publique est un but à atteindre.

Quant aux problèmes et options concernant le rôle de financement du gouvernement, le comité a analysé plusieurs options pour le système de soins de santé. Que ce soit pour obtenir un système plus efficace ou pour développer de nouvelles sources de financement, j'ose confirmer l'appui total du CNTA pour l'amélioration des économies. En matière de nouvelles sources de financement, le conseil recommande que le financement, s'il est jugé nécessaire, vienne des recettes fiscales générales.

Le CNTA considère qu'en s'appuyant sur chaque Canadien pour améliorer le financement du système actuel, par l'intermédiaire de frais dissuasifs et autres frais similaires, on obtiendra un système à deux niveaux. Nous sommes d'avis que la documentation actuelle prouve essentiellement qu'un système privé favorise uniquement les personnes qui ont les moyens. Les options de financement privé, suggérées par le comité, ne semblent pas augmenter d'une façon significative les fonds pour les soins de santé; or elles pourraient dresser des barrières empêchant l'accès au système. Le comité a mis de l'avant trois suggestions à la page 68 concernant les façons d'éviter les aspects négatifs d'un système de soins de santé à deux niveaux, tout en maintenant la qualité d'un système subventionné par l'État. Toutefois, si, en principe, ces suggestions semblent valables, l'expérience du Royaume-Uni et de d'autres pays montre que la réalité est tout autre. Ainsi, nous avons les preuves qu'un système parallèle privé amoindrit la qualité du système public. Le CNTA épouse la conviction qu'un système de soins de santé privé est la solution la moins éthique, n'avantageant que certains médecins et patients au détriment du reste.

Il est intéressant de noter que le comité Kirby fut mentionné par la Société canadienne de bioéthique au cours d'une des présentations par le conférencier principal concernant précisément ce sujet. Ce comité avait mentionné que certaines options étaient immorales, ainsi comme vous semblez également croire que la société...

Le sénateur LeBreton: Je ne sais pas lequel des deux termes est le plus approprié: le moins éthique ou contraire à l'éthique.

Mme Raymaker: Le moins éthique.

Le CNTA estime que certains points plus délicats n'ont pas été touchés dans le rapport et j'aimerais les mentionner rapidement.

La province a réduit la création d'établissements de soins de longue durée et le CNTA se demande avec inquiétude si cette tendance peut provoquer un nombre insuffisant de lits d'hôpital. Le conseil reconnaît que ce problème relève de la compétence de la province, mais nous conseillons vivement tous les échelons du gouvernement de prendre des mesures pour remédier à ce problème. Nous exhortons le gouvernement fédéral de jouer son rôle de chef de file dans cette affaire, pour garantir un nombre adéquat de lits de soins de longue durée afin de satisfaire les besoins de la population qui aura besoin d'un tel niveau de soins parce qu'elle sera plus vieille, plus fragile et plus nombreuse.

L'autre commentaire que je voudrais faire concerne l'option envisagée par le comité, de faire d'abord contribuer les individus au financement des soins en établissement de longue durée et d'utiliser les fonds publics seulement après que les ressources financières d'un individu sont épuisées. Le CNTA note plusieurs problèmes à cette option de financement. Premièrement, si les personnes âgées sont obligées de dépenser leurs économies sur des soins en établissement de longue durée tout en ayant droit de recevoir des fonds publics uniquement après que leurs économies sont épuisées, elles ne seront pas motivées à économiser pour leur retraite. Si elles ont des économies, elles devront peut-être le dépenser en soins de longue durée, si elles n'en ont pas, les fonds publics viendront de toute façon subventionner leurs soins de longue durée. C'est un facteur d'équité.

Deuxièmement, le conseil estime qu'une personne se trouvant dans un établissement de longue durée devrait être couverte par l'État pour tous leurs soins médicaux, y compris les soins palliatifs, comme elle le serait dans un hôpital ou si elle recevait des soins à domicile. Cependant, les frais de logement et de repas d'un individu devraient être en rapport avec le prix du marché local. C'est pourquoi, nous ne suggérons pas que vous payiez le logement et les repas, mais les soins de santé, ce qui est en accord avec le forum national sur les soins de santé.

Ainsi, en conclusion, j'aimerais dire que tous les Canadiens devraient avoir un accès meilleur et plus équitable au nombre toujours croissant des services et des établissements de soins de santé. Ceci concerne tout particulièrement les Canadiens plus âgés qui ont un plus grand besoin de soins de santé pour les maladies aiguës et chroniques. Néanmoins, l'amélioration de l'accès ne doit pas nécessairement être accompagnée d'une augmentation de la privatisation du financement à tous les niveaux du système.

Le CNTA n'est pas convaincu qu'une augmentation des coûts privés initiaux entraînera une utilisation plus rentable du système par les usagers ou une amélioration des économies au sein du système, ou une augmentation considérable des recettes globales disponibles pour la santé. J'ai bien dit les recettes globales. Les solutions les plus prometteuses consistent à investir plus d'argent dans les interventions en amont fondées sur les résultats et dans la réforme du système.

Plutôt que d'envisager un plus grand nombre de sources privées de financement pour contrer l'augmentation potentielle des coûts, peut-être devrions-nous nous demander si les Canadiens seraient d'accord de payer plus d'impôts pour un système de soins de santé plus fort et plus accessible qui leur offrira réellement les soins de santé qu'ils ont besoin et au moment où ils en ont besoin.

Le sénateur Marjory LeBreton (vice-présidente) occupe le fauteuil.

La vice-présidente: Je vous remercie beaucoup madame Raymaker.

M. Neil Reimer, secrétaire-trésorier, Alberta Council on Aging: Messieurs et mesdames les sénateurs, l'Alberta Council on Aging est composé d'environ 400 organisations de personnes âgées de la province comprenant 5 000 membres en tout. Nous avons des représentants dans toutes les circonscriptions électorales, alors je crois que nous sommes au courant des positions de ces personnes.

Pourquoi suis-je ici? Je ne prétends pas être un médecin ou un expert quelconque; cependant je me suis engagé dans cette arène il y a de cela bien des années. Quand j'étais un élève du secondaire, j'ai voyagé avec mon père pour créer un des premiers régimes de santé municipaux au Canada. À cette époque, les médecins étaient très heureux de recevoir un salaire. Les rapports entre médecins et «clients» n'existaient tout simplement pas. Il n'y avait pas d'argent durant la Dépression. À partir de ces données, nous avons poursuivi jusqu'au bout.

Mon travail touche, à bien des égards, la scène internationale et j'ai une bonne connaissance générale de ce qui se passe dans les autres pays.

Je devrais aussi préciser que je suis également un patient. On m'a extrait les cataractes et remplacé les deux genoux et les deux hanches. Récemment, j'ai appris une nouvelle qui m'a beaucoup encouragé: apparemment, il ne serait pas impossible de nos jours de se faire remplacer la tête. Au moment où j'ai subi ces opérations, je n'ai pas payé d'indemnités de soins de santé. En effet, ce ne sont pas des indemnités, mais des impôts.

Le nombre de personnes âgées en Alberta a fait un bond, passant de 200 000 à 300 000 au cours des 10 dernières années, mais le pourcentage n'a monté que d'un pour cent. Les personnes âgées de l'Alberta comprennent environ 10 p. 100 de notre population, ce qui est peut-être, à l'exception des Territoires du Nord-Ouest, le pourcentage le plus bas au Canada. On estime que d'ici à 2016, 16,4 p. 100 de la population aura 65 ans et plus.

En tant que personnes âgées de l'Alberta, nous avons le sens de la fête. En effet, il reste des bons côtés à la vie. Nous vivons plus longtemps et nous sommes en meilleure santé. Nous accomplissons des choses positives. Lorsque j'étais enfant, l'espérance de vie était telle que j'aurais dû mourir il y a 10 ans, mais je suis bien vivant et notre tranche d'âge est le secteur de la population qui augmente plus rapidement que les 80 ans et plus.

Je voudrais vous dire qu'il y a un grand nombre d'aspects du système qui doivent changer. Les personnes âgées ont généralement une bonne opinion du présent, mais ils sont très préoccupés par l'avenir. Vous en saurez plus sur le profil des personnes âgées que je vous décris, dans un rapport élaboré en Alberta dont vous pouvez prendre connaissance à l'instant. Ce rapport est significatif, puisque le gouvernement de l'Alberta et les personnes âgées l'ont adopté. La situation doit être suivie de près afin que le rapport ne se retrouve pas sur une étagère à ramasser la poussière et c'est précisément ce à quoi nous nous occupons.

La santé est clairement une priorité chez les personnes âgées, mais nous trouvons qu'on ne peut pas traiter de la santé à part. Il a beaucoup d'autres facteurs dont il faut s'occuper. Prenons par exemple la ville d'Edmonton: il y a actuellement un liste d'attente de 600 personnes qui ont besoin de soins de longue durée. Ces personnes n'ont nulle part où aller, alors où peuvent-elles habiter? La plupart d'entre elles sont dans des hôpitaux et cette situation augmente les coûts de façon artificielle. Les autres systèmes, tels le service des soins à domicile, devraient pouvoir fonctionner. Les facteurs comme le coût, le revenu, l'abordabilité du logement, les soins à domicile, l'éducation, le transport et les bénévoles ont tous un impact direct sur les personnes âgées.

Nous avons toujours estimé que les soins de santé en eux-mêmes ne peuvent être évalués isolément. Il nous faut une vision globale afin que le système puisse vraiment fonctionner et afin de mettre en place des réseaux de soutien municipal et local.

L'éducation est un facteur important. Il n'y a pas assez de professionnels de la santé formés en gériatrie. Plusieurs spécialistes sont partis aux États-Unis au moment où il y avait des compressions budgétaires draconiennes. Un des membres de ma famille pratique la médecine gériatrique et il est devenu évident que plusieurs médecins ne possèdent pas de formation suffisante en gériatrie. Je vous donne un exemple.

Un homme se promène aujourd'hui dans les rues d'Edmonton. Il est resté dans un service de soins palliatifs pendant deux ans à cause d'un mauvais diagnostic. C'est en l'envoyant au Glenrose que les médecins se sont rendu compte qu'on l'avait mal diagnostiqué. Maintenant, il se promène à nouveau dans les rues de la ville, mais il a passé deux ans de sa vie au service des soins palliatifs.

Au moment où nous nous parlons, ma plus jeune s9ur est aux soins intensifs. Elle n'a que 77 ans. Comme les médecins n'ont pas trouvé d'insuffisance cardiaque congestive, ils lui ont supprimé ses médicaments. Elle a décidé de faire un voyage, mais une fois rendue en Colombie-Britannique, elle s'est retrouvée au service des soins intensifs. Je pourrais vous conter bien d'autres histoires comme celles-ci. Ce n'est pas que nous avons de mauvais médecins, mais je pense qu'il incombe au système éducatif de garantir un certain nombre de spécialistes en gériatrie. Je sais qu'on ne peut pas mettre tous les problèmes sur le dos du système éducatif, puisque les États-Unis sont venus avec d'énormes incitatifs financiers pour que les spécialistes en gériatrie viennent exercer leur profession chez eux.

La privatisation introduit une dimension dans la Loi canadienne sur la santé, que nous croyons n'était pas prévue et qui n'est pas dans les intérêts des Canadiens. De plus, la question des actionnaires d'une société ajoute une nouvelle dimension au problème. En d'autres termes, le président-directeur général d'une société est responsable de ses actes devant ses actionnaires. J'estime que cette façon de penser est étrangère, en esprit, à la façon dont nous sommes habitués à procéder au Canada.

Les personnes âgées connaissent les coûts élevés des opérations de la cataracte. Je reçois continuellement des appels de partout en Alberta de personnes qui se demandent pourquoi elles doivent débourser 4 000 $ pour subir une chirurgie de la cataracte le mois prochain, alors que si elles choisissent le système public, elles devront attendre 10 mois. Ces questions nous ramènent au temps jadis. En revenant au système de soins de santé privés, on retourne en arrière.

Nous sommes persuadés que le gouvernement fédéral a commis une erreur sérieuse en se mettant d'accord avec le gouvernement de l'Alberta comme ils l'ont fait. La loi 11 a permis aux entreprises privées de s'ingérer dans le système public. Cette loi a ouvert les portes à l'hospitalisation en milieu privé à l'intérieur même du système du régime de l'assurance-maladie. J'estime que le gouvernement de l'Alberta devrait tout simplement admettre qu'il a fait une erreur, revenir sur ses pas et adopter une loi si nécessaire. Je suis certain que ce comité du Sénat est au courant des preuves écrasantes en faveur du système public.

En ce qui a trait aux finances, nous favorisons un système d'impôt progressif pour payer le régime d'assurance-maladie. Si ce système n'est pas mis en place et que le Canada a recours aux frais dissuasifs, à la coassurance, aux indemnités, et cetera, il se retrouvera avec des frais d'administration énormes.

Jetons un coup d'9il à notre indemnité de soins de santé. Tout d'abord il faut bien le dire: ce n'est pas une indemnité, mais un impôt uniforme. Une personne qui reçoit un million de dollars par année paie la même proportion qu'une personne qui gagne disons 30 000 $ par année.

Encore une fois, je répète que ce n'est pas une indemnité, mais un impôt uniforme. Ce montant est fixé en fonction du revenu. Selon les rapports, le gouvernement a passé 50 millions de dollars aux profits et pertes l'année dernière en tant que montant irrécouvrable, alors que 10 millions de dollars ont été dépensés pour les organismes de recouvrement. Maintenant, vous pouvez avoir accès au régime d'assurance-maladie sans contribuer, mais d'une façon ou d'une autre, le gouvernement recouvrera son argent puisque, lorsque vous mourez, il le prendra de votre succession.

Qui d'entre nous paiera ou non l'assurance, les tickets modérateurs et les indemnités avec notre revenu moyen d'un peu plus de 16 000 $ par année? Le revenu moyen des personnes âgées dans cette province est de 16 500 $ par année. Cela signifie que 350 000 personnes reçoivent plus que ce montant et 150 000 moins.

Ce problème remonte loin en arrière. La province n'a plus d'entreprises traditionnelles. Elle ne construira pas d'établissements de soins de longue durée et les entreprises privées ne sont pas du tout encouragées à servir les personnes à faible revenu.

Il y a un grand trou dans le coût du régime d'assurance-maladie et un très gros montant d'argent parce que les gens sont placés aux mauvais endroits. Certains disent qu'afin d'obtenir un lit l'hôpital, et je pense que vous savez mieux que moi les coûts encourus, il faut débourser 1 000 $ par jour. Je pense que ce problème doit être rectifié avant de commencer à parler de faire payer les gens.

Il est nécessaire de faire une étude sur les mécanismes de pension ou autres sources de revenu. En Ontario, par exemple, les travailleurs des aciéries, les travailleurs des usines d'automobiles et de pétrochimie et les fonctionnaires ont de bons régimes de pension et ils sont syndiqués. Terre-Neuve détient le plus gros pourcentage de travailleurs syndiqués, à 50 p. 100. Par contre, l'Alberta se situe à 21 p. 100. Ce piètre résultat s'explique en partie parce que dans une province comme la nôtre, 70 p. 100 de notre main-d'9uvre est employée par de petites entreprises de 25 employés ou moins.

Nous devons prendre en considération les tendances actuelles. En ce qui concerne les patients, depuis les 10 dernières années, vous verrez que les personnes qui prennent leur retraite ont des revenus de plus en plus importants. Puis, le revenu de retraite tombe parce que les emplois contractuels n'offrent pas de régimes de pension. Il y aura plus de revenus, ce qui est attrayant pour les personnes qui veulent avoir recours aux soins de santé privés, mais après quelques années, ce montant important provenant du revenu de retraite disparaîtra.

Seulement 6 p. 100 des personnes âgées reçoivent 50 000 $ ou plus par année, alors c'est un mythe de croire que nous sommes tous riches. La réalité est bien différente: vous ne pouvez pas couper votre revenu en deux et être riche.

Les médicaments sur ordonnance sont un élément de préoccupation sérieux pour les personnes âgées. Il n'y a aucun doute que le coût des médicaments sur ordonnance est en train de monter en flèche. Comment les personnes âgées ne peuvent-elles pas se fâcher en sachant les énormes salaires que gagnent les cadres des sociétés pharmaceutiques. J'ai inclus un exemple dans ma présentation. Le président-directeur général de la société numéro 1 reçoit un salaire de 27 847 378 $ par année plus 164 775 907 $ en options de souscription à des actions non consolidées. Le président de la société numéro 2 gagne un salaire de 21 604 408 $ plus 16 000 987 $ en options de souscription à des actions non consolidées.

Nous accepterions une formule nationale sur les médicaments, comme vous l'avez mentionné dans votre rapport, et à partir de là nous pourrons aller de l'avant...

En Colombie-Britannique, bien entendu, il existe des mécanismes de soins de la famille et les personnes peuvent utiliser leurs indemnités de soins de santé pour payer leurs soins. Ce n'est pas la même histoire en Alberta.

Vous avez parlé d'incitatifs. Dans le rapport intitulé «Alberta for all Ages», il est convenu qu'il incombe à tous les individus d'avoir un style de vie sain en usant du système de soins de santé de façon raisonnable et judicieuse. Toutefois, l'ACA affirme que pour pouvoir mettre ce principe en pratique, il faut offrir de l'information sur l'éducation, garantir des choix de logement sécuritaires, abordables et convenables, assurer le soutien des communautés, ainsi que reconnaître et venir en aide aux fournisseurs de soins non professionnels et aux bénévoles.

Permettez-moi de vous dire que nous disposons de telles communautés. Je vous prierais de venir visiter Camrose ou Edson, où les personnes âgées sont invitées à vivre. Ces villes sont particulièrement respectueuses des personnes âgées, les invitant à s'incorporer dans la communauté. Une fois que ce processus est accompli, tout semble se mettre en place plus facilement. Toutefois, si vous isolez les personnes âgées, si elles se sentent seules et inutiles, si on les blâme pour les problèmes des soins de santé, quoi faire? Cela ne peut qu'affecter leur moral de façon désastreuse.

En matière des nouvelles technologies de la santé, il y a beaucoup de choses que sont en mouvement. Le système de soins de santé n'est pas comme une industrie qui respecte les pratiques désuètes jusqu'à ce que celles-ci finissent par disparaître. Je pense que les gens pourraient prendre un congé sans solde ou quelque chose du genre pour pouvoir actualiser leurs connaissances. S'ils ne sont pas intéressés à le faire, alors qu'ils quittent le milieu du travail.

En conclusion, nous estimons qu'il est approprié pour le gouvernement fédéral de s'engager à fixer les conditions et les normes permettant aux provinces d'être qualifiées à recevoir de l'aide financière. Ceci permettrait de normaliser le système de soins de canadien et de minimiser les décisions fondées sur l'idéologie.

[Français]

Monsieur George Arès, président, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada: Madame la vice-présidente, je vous remercie, à titre de président de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, de nous avoir permis de venir faire notre présentation aujourd'hui.

La Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada a été fondée en 1975 et travaille depuis ce temps pour représenter le million de francophones et d'Acadiens du Canada.

On travaille depuis ce temps pour l'épanouissement et le développement de nos communautés. Notre lutte est longue, peut-être même perpétuelle. Les défis sont nombreux, mais nos succès le sont tout autant. Que ce soit en matière d'éducation ou de justice, pour ne mentionner que ces deux domaines, la FCFA de concert avec ses associations membres a su relever les défis, culbuter les résistances et franchir les nombreux obstacles afin que les francophones du Canada obtiennent équité et respect. Un autre obstacle se dresse aujourd'hui devant nous, un autre défi de taille que nous comptons relever soit celui de la santé ou plus précisément l'accès pour les francophones du Canada à des soins de santé dans leur langue. On ne demande pas la lune, vous en conviendrez, mais aussi incroyable pour ne pas dire injuste que cela puisse paraître, nous avons encore à persuader nos gouvernements, en l'an 2001, de l'importance vitale d'assurer l'accès des services de santé en français à tous les francophones de ce pays.

La Constitution et la Charte canadienne des droits et libertés nous garantissent le droit d'être éduqué en français. La Cour suprême nous garantit le droit d'obtenir justice en français. Ne serait-il pas temps que nous ayons également le droit de naître, d'être soignés et de mourir en français? N'est-ce pas là une question de dignité des plus fondamentales? D'ailleurs, l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés définit ce droit jugé fondamental dans la société canadienne. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. Il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

Or, le droit à la vie sous-entend nécessairement le droit à la santé et, conséquemment, le droit aux soins de santé. Permettez-moi d'ajouter, étant conséquent avec la Charte des droits et libertés: «le droit aux soins de santé [...] dans l'une des deux langues officielles de notre pays».

Nous luttons, aujourd'hui, comme nous le faisons malheureusement si souvent, pour un acquis. Les premiers hôpitaux de la province de l'Alberta ont été fondés par des communautés religieuses de langue française. C'est ainsi que deux des plus importants hôpitaux d'Edmonton, l'Hôpital Général et l'Hôpital Miséricorde, furent jusqu'à tout récemment gérés par des communautés religieuses francophones. Le Centre de santé Sacré-C9ur dans la région de Rivière-la-Paix, un exemple concret du dynamisme franco-albertain, doit ses racines à l'Hôpital des S9urs de la Providence. Cet hôpital fut fondé en 1929 pour subvenir aux besoins des nombreux colons francophones venus s'établir en Alberta après la Première Guerre mondiale. Les Francos-Albertains ont pu compter, pendant de nombreuses décennies, sur des services de santé dans leur langue.

Toutefois, au fil des ans, ces acquis ont disparus. Nous connaissons tous l'histoire. Il serait inutile de pointer du doigt qui ou quoi que ce soit pour expliquer ce triste phénomène qui perdure toujours. Il n'est pas trop tard pour contrer cette situation. Plus de 60 000 Francos-Albertains vous le diront. Près d'un million de canadiens français vous le diront.

Nous avons obtenu le droit à notre éducation, nous avons obtenu le droit d'obtenir justice dans notre langue; nous obtiendrons le droit à des services de santé dans notre langue. Votre appui, honorables sénateurs, est indispensable pour nous aider à relever ce défi avec succès.

Comme je le mentionnais tantôt, l'accès à des soins de santé dans notre langue est une question de dignité. C'est aussi une question de simple équité. Comme vous le savez, la qualité des soins de santé implique sans contredit une bonne communication entre le patient et le médecin ou le professionnel. Or, lorsque nos gouvernements jouent l'autruche lorsqu'il est question des deux langues officielles, ils offrent inévitablement des soins de qualité inférieure à la population francophone du pays.

D'innombrables études le démontrent, la barrière linguistique diminue la probabilité de fidélité aux traitements, augmente la durée du temps de consultation, la probabilité de recours à de multiples tests diagnostiques, la probabilité d'errer dans les diagnostics et les traitements, influence la qualité du service, particulièrement lorsqu'une bonne communication est essentielle - par exemple, pour les services de santé mentale - et diminue la probabilité de recourir à des services de santé pour des motifs d'ordre préventif.

Simplement dit, un patient doit comprendre en toute clarté les conseils et les directives de son médecin. Sa santé et peut-être même sa vie en dépendent. Il n'y a donc pas de place pour le compromis.

Je dois ajouter une expérience personnelle. Mon père a été hospitalisé à Stony Plain, près d'Edmonton, en janvier, il était assez âgé, il avait 88 ans. Il comprend l'anglais, il habitait à Edmonton depuis longtemps, mais lorsqu'il a été malade, il parlait le français. Souvent les infirmières ne le comprenaient pas. Il fallait, presque en tout temps, une personne avec lui pour lui faire la traduction.

N'êtes-vous pas d'accord qu'il est totalement inacceptable que l'on oblige les canadiens francophones, dans leurs plus grands moments de vulnérabilité, à obtenir des services de santé dans une langue qui n'est pas la leur?

L'expérience des établissements bilingues actuels démontre leur incapacité à garantir des services en français à tous les niveaux et en tout temps. Les services en français y sont généralement le parent pauvre et donnent lieu à des situations aberrantes et difficiles pour les usagers francophones. Trop souvent, l'usager francophone se bute à un mur d'incompréhension dès qu'il franchit la porte où figure pourtant un bel affichage bilingue. Trop souvent, les jeunes parents à qui on a offert un cours prénatal en français, se retrouvent au moment de la naissance de leur enfant devant une équipe médicale qui ne peut communiquer dans leur langue.

Des institutions francophones nous donneraient l'assurance d'un service français en tout temps. L'expérience montre que ces institutions francophones, que ce soit l'Hôpital Montfort à Ottawa, le Centre de santé Évangile à l'Île-du-Prince-Édouard, la clinique du docteur Denis Vincent à Edmonton, sont aussi en mesure d'offrir des services à la communauté anglophone. Les hôpitaux bilingues sont des foyers d'assimilation. Ce n'est pas moi qui le dis, mais bien votre collègue et mon bon ami, le sénateur Jean-Robert Gauthier. Celui-ci a été longuement hospitalisé, il y a quelques années, à l'Hôpital Général d'Ottawa, un hôpital officiellement bilingue. Mais lorsque la crise Montfort a éclaté, en février 1997, le sénateur Gauthier n'a pas hésité à critiquer publiquement le manque de services en français à l'Hôpital Général d'Ottawa qui, par sa situation géographique, peut desservir jusqu'à 300 000 Francos-Ontariens, dans une province qui en compte un demi million.

Si les services de santé en français sont inadéquats dans un hôpital officiellement bilingue et dans une province qui s'est munie d'une loi sur les services en français, la loi 8, imaginez la situation ici pour les 60 000 Francos-Albertains ou pour nos voisins, les 21 000 Fransaskois ou encore pour les 51 000 Francos-Manitobains, pour ne nommer que ceux-ci.

Il y a à peine quelques semaines, on ne pouvait en effet qu'imaginer qu'elle est la situation. Qu'imaginer, je dis bien, parce qu'on ne disposait d'aucune donnée sur l'état de la situation des services de santé en français aux communautés francophones en situation minoritaire. Lorsque venait le temps d'évaluer la qualité des services de santé, les francophones ne figuraient tout simplement pas sur l'écran.

Depuis juin dernier, grâce à une étude coordonnée par la FCFA pour le compte du Comité consultatif créé par le ministre fédéral de la Santé, l'honorable Allan Rock, pour l'aviser sur les communautés francophones en situation minoritaire, nous savons que plus de la moitié des francophones hors Québec n'ont aucunement ou rarement accès à des services dans leur langue dans un hôpital, dans une clinique médicale, dans un centre de santé communautaire et pour des services à domicile.

Les francophones ayant accès à des services de santé en français, selon le lieu de services, il y a un tableau dans le mémoire que je vous ai présenté, je vais le résumer. Seulement 25,9 p. 100 des cliniques médicales ont accès aux services en français; les centres de santé communautaires seulement 37,1 p. 100; les services à domicile seulement 30,5 p. 100 et dans les hôpitaux seulement 28,5 p. 100.

Bref, plus de la moitié des francophones de l'extérieur du Québec doivent être soignés en anglais. Aujourd'hui, dans les régions où ils sont en situation minoritaire, les canadiens d'expression française ont de 3 à 7 fois moins de chance qu'un citoyen anglophone d'obtenir un service de santé dans leur langue. C'est injuste, c'est inéquitable, c'est inacceptable, et vous en conviendrez, c'est carrément dangereux. La situation est grave, mais certes pas irrémédiable. Le gouvernement fédéral doit cependant prêter son concours dans les plus brefs délais.

La Loi canadienne sur la santé compte cinq principes. Cinq conditions d'octroi et de versement que les provinces et les territoires doivent respecter pour recevoir la totalité des contributions en espèce dans le cadre du transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.

La FCFA propose aujourd'hui un sixième principe, une sixième condition; que la Loi sur les langues officielles soit appliquée dans le système canadien des soins de santé. Par ce sixième principe, les provinces et territoires devraient s'engager à offrir des services de santé en français. Sachez qu'on ne rêve pas en couleur et qu'on ne réinvente pas la roue puisqu'un principe similaire s'applique dans le domaine de l'éducation. En fait, ce principe est enchâssé dans notre Constitution. C'est ce qui permet aujourd'hui aux enfants francophones à travers le pays d'avoir accès à une éducation en français dans des écoles de langue française gérées par des francophones.

Certes, comme le disait l'honorable Marcel Massé lors d'une comparution devant le Comité mixte sur les langues officielles alors qu'il était président du Conseil du Trésor: «Il n'y a pas de doute que les moments où vous avez vraiment besoin de communiquer dans votre propre langue sont lorsque vous êtes malade, à l'hôpital et lorsque vous recevez votre éducation...».

Cependant, nous sommes bien conscients que l'accès à des services de santé adéquats en français nécessitera une approche différente. De plus, nous savons que les diverses communautés francophones au pays vivent des situations très différentes les unes des autres. Il faudra donc adapter des approches flexibles tenant compte des besoins et des ressources en place dans chaque région. Et l'implication de chaque communauté sera, il va sans dire, essentielle.

Ces communautés sont prêtes, mais la participation directe du gouvernement fédéral se fait attendre. Le fédéral doit agir, il doit collaborer, il doit nous appuyer, il doit contribuer, il doit intervenir.

Nous sommes bien conscients que les changements législatifs ou constitutionnels ne se font pas du jour au lendemain. Aussi, demandons-nous au gouvernement fédéral d'appuyer, dans l'immédiat les provinces et territoires qui sont prêts à passer à l'action. Nous demandons un fonds spécial ou un programme d'appui à la mise en place et au maintien de services de santé en français pour les communautés francophones en situation minoritaire.

Encore une fois, cette approche pourrait s'inspirer de ce qui a été fait en éducation où le gouvernement national, tout en respectant la compétence provinciale en la matière, a contribué à la mise sur pied d'écoles et de systèmes de gestion scolaire francophones et offre un appui financier stable et à long terme pour couvrir cette partie des coûts qui est directement reliée à l'aspect linguistique du service.

Il est important que la contribution fédérale reconnaisse qu'il y a au départ un aspect réparateur. Cet aspect réparateur a été reconnu par la Cour suprême dans la cause Mahée dans le domaine de l'éducation. Je crois que c'est pour cela que le gouvernement fédéral est venu et a mis des dollars nécessaires pour l'implantation de la gestion scolaire partout au pays. En effet, au départ, le gouvernement fédéral devrait être animé du désir d'aider les communautés à combler le retard qui existe présentement dans l'accès à des services de santé en français. L'entreprise peut apparaître gigantesque, irréaliste. Et pourtant, nous l'avons fait en éducation.

Le plan pour cette entreprise, il est déjà tracé. Le comité consultatif, créé par le ministre fédéral de la Santé pour l'aviser sur les communautés francophones en situation minoritaire, vient de soumettre au ministre une série de recommandations concrètes pour améliorer l'accès à des services de première ligne en français. Le rapport du comité a aussi été présenté aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santé ainsi qu'aux ministres provinciaux et territoriaux responsables des Affaires francophones, il y a quelques semaines. De fait, trois provinces, l'Alberta, le Manitoba et le Nouveau-Brunswick sont membres de ce comité et ont contribué à la rédaction du rapport. Le rapport touchera, entre autres, les recommandations principales et le «réseautage». Le «réseautage» pour nous veut dire que les professionnels de la santé, les gouvernements, les communautés, les institutions qui fournissent la formation et les gestionnaires des institutions forment un réseau pour décider quels sont les besoins dans leur communauté, dans leur province et trouver des solutions ensemble.

Le programme tracé par le comité fera d'ailleurs l'objet d'un forum national qui aura lieu à Moncton, les 3 et 4 novembre prochain. Je vous invite à y assister. Je vous invite aussi à inviter les deux coprésidents du Comité consultatif du ministre de la Santé, M. Rock, à venir vous présenter le rapport. Il offre un plan concret pour inscrire les communautés francophones et acadienne en situation minoritaire dans la réforme des soins de santé.

En terminant, permettez-moi aussi de vous inviter à rencontrer, au cours de votre tournée à travers le pays, des responsables de services de santé en français, des gens qui travaillent sur la première ligne et qui sont à même de vous expliquer de tels services pour nos communautés. Je sais que M. Romanow a rencontré à l'Île-du-Prince-Édouard les dirigeants du Centre communautaire Évangeline. Je crois que M. Romanow a été très impressionné par les services de santé qui sont offerts au Centre communautaire Évangeline.

La FCFA a publié, il y a deux ans, les résultats d'une étude de quatre expériences ayant trait aux services de santé communautaire en français. Cette étude démontre qu'il est possible d'offrir des services de santé de qualité en français. Elle a aussi démontré que là où ils sont offerts, ces services sont utilisés par la population francophone et qu'ils sont appréciés.

[Traduction]

La vice-présidente: Mesdames et messieurs les sénateurs, nous allons maintenant répondre à vos questions.

Le sénateur Morin: Madame Raymaker, vous proposez que les crédits gouvernementaux servent à l'ensemble des soins de santé et du régime d'assurance-médicaments. Quelle est votre position en matière de soins dentaires? En Grande-Bretagne, comme vous le savez, les financements gouvernementaux sont intégraux pour les soins dentaires. Nous aimerions connaître également votre position sur les soins ophtalmologiques?

Les Canadiens sont maintenant nombreux à utiliser des produits naturels. Actuellement, le coût des produits naturels augmente de 15 p. 100 par an. Le fait que les Canadiens utilisent de plus en plus de produits naturels ne nous contrarie pas uniquement parce que c'est le gouvernement qui paie.

Quelle est votre position concernant ces différentes dépenses qui ont trait aux crédits gouvernementaux?

Mme Raymaker: Nous sommes d'avis que les soins de santé financés par le gouvernement fédéral ou à l'échelle nationale doivent inclure les soins à domicile et les régimes d'assurance-médicaments - ainsi que les services pour les personnes âgées, autant que faire se peut - le plus rapidement possible. Nous parlons des personnes qui ont atteint un âge certain, et non de la population au complet. Il serait possible d'inclure également les soins dentaires et les soins ophtalmologiques.

Ces questions sont essentielles pour les personnes âgées. Lorsque vous êtes plus jeune, elles n'ont pas vraiment d'impact sur votre indépendance et ne sont donc pas aussi cruciales. En revanche, plus vous prenez de l'âge, plus il est important de voir et d'entendre, car ce n'est plus seulement votre santé, mais également votre indépendance qui est en jeu. Je pense qu'il n'y a rien de mal à essayer d'inclure ces soins dans notre système de soins de santé, le cas échéant. Les raisons pour lesquelles nous souhaitons recommander un tel changement sont la santé et l'indépendance. Nous désirons que les gens restent en dehors des institutions.

Quant aux médecines parallèles et aux produits naturels, je ne pense pas que nous puissions faire quoi que ce soit, étant donné que jusqu'à présent, le régime d'assurance-médicaments ne possède pas de normes bien définies. La question importante est de savoir en quoi consistent ces médecines parallèles et par conséquent de connaître les interactions éventuelles qui peuvent exister avec les médicaments que prennent les personnes âgées.

Au cours des 20 dernières années, le coût des médicaments a augmenté de 170 p. 100. Nous avons pu nous rendre compte aujourd'hui autour de cette table que si les soins à domicile et les remboursements du prix des médicaments sont inclus dans un régime d'assurance-maladie national, il est tout à fait probable que le coût total des soins de santé diminuerait.

Le sénateur Keon: J'ai cru vous entendre mentionner que ce système pourrait éventuellement être financé dans le cadre d'une convention d'assurance publique et privée. Aurais-je mal compris?

Mme Raymaker: En ce qui concerne le régime d'assurance-médicaments?

Le sénateur Keon: Oui.

Mme Raymaker: Quatre options ont été proposées pour les soins à domicile, et la seule qui nous a paru acceptable était celle de la mise en 9uvre d'un programme de soins à domicile financé par l'état.

Quant au régime d'assurance-médicaments, vous avez mentionné les secteurs publics et privés. Il existe déjà bon nombre de régimes d'assurance-médicaments adéquats gérés par le secteur privé, et à but non lucratif. Ils font partie de la contribution patronale. Ceci nous importe peu, du moment qu'ils répondent aux critères nécessaires pour la prise de médicaments, comme la nécessité médicale.

[Français]

Le sénateur Morin: Monsieur Arès, je voudrais d'abord vous féliciter et vous remercier pour l'excellent travail et celle de votre Fédération. Ce travail est souvent difficile et ingrat et vous devez le faire dans des conditions qui sont loin d'être toujours reconnues dans la défense des droits des francophones hors Québec et de la communauté acadienne.

J'ai lu le rapport du Comité consultatif du ministre de la Santé, M. Rock, distribué aux membres du comité. C'est un excellent rapport. Je suis heureux de voir qu'il a été, si je comprends bien, approuvé en première instance et qu'il va faire l'objet d'un débat un peu plus tard à Moncton.

J'aurais deux questions à vous poser. Les soins de santé en français dans les hôpitaux dépendent jusqu'à un certain point des professionnels de la santé qui sont présents dans ces hôpitaux. Il faut plus que des affiches avisant que le français est parlé, comme vous dites, on doit le parler.

Si je comprends bien, une deuxième faculté de médecine bilingue sera mise sur pied dans le nord de l'Ontario et la composante francophone va être assez importante - je parle de l'Université de Sudbury - avez-vous des renseignements supplémentaires à ce sujet? Il est aussi question de la création d'une autre faculté de médecine bilingue à Moncton. Pensez-vous que nous devons appuyer ce phénomène important?

Ma dernière question a trait à cette sixième condition de la Loi sur la santé au Canada ayant trait à l'application de la Loi sur les langues officielles dans le système de la santé. Je suppose qu'on ajoutera toujours: «lorsque les circonstances de la population le permettent ou lorsque les conditions l'exigent». Vous auriez sûrement l'appui des anglophones du Québec pour une telle recommandation. Vous n'êtes pas sans savoir que les anglophones au Québec, actuellement ont des problèmes à ce sujet. Il y aurait une alliance qui se créerait entre les francophones, les Acadiens, les francophones hors Québec et les anglophones.

M. Arès: Le Centre national de formation en santé de l'Université d'Ottawa, qui a été formé il y a quelques années et sur lequel je siège sur le conseil d'administration, veut vraiment devenir un centre national, c'est-à-dire inclure les autres institutions francophones du pays à offrir de la formation pour des professionnels de la santé. Cela comprendrait non seulement les institutions en Ontario et au Nouveau-Brunswick, mais aussi le Collège universitaire de Saint-Boniface et la Faculté Saint-Jean, ici à Edmonton. Je pense qu'on reconnaît qu'on a besoin de plus de professionnels de la santé, mais on veut vraiment que le Centre national de formation soit reconnu un centre national. C'est une des recommandations qui a été faite et on espère qu'elle va voir le jour bientôt.

Il est vrai que les anglophones du Québec seraient probablement d'accord avec nous. Vous avez mentionné: «Là où la population le permet», on devrait peut-être aussi dire que tout francophone devrait y avoir droit. Il s'agit de trouver des façons de livrer les services en santé, comme on l'a fait en éducation. En Alberta, la gestion scolaire couvre l'étendue de la province et ce sont les conseils francophones qui décident comment ils peuvent et vont livrer les services à tous leurs résidents francophones d'un bout à l'autre de la province. Je pense qu'on pourrait faire la même chose dans le domaine de la santé. C'est pour cela que j'ai mentionné dans ma présentation que le «réseautage» qu'on aimerait mettre sur pied comprendrait les représentants des communautés, des gouvernements, des professionnels de la santé, des gestionnaires des institutions de formation et des gestionnaires des établissements de la santé. Tous ces réseaux pourraient trouver un moyen de livrer les services de santé en Alberta. Cela peut être certainement différent en Alberta, au Nouveau-Brunswick ou pour les anglophones du Québec. Chaque situation est différente et on ne peut pas dire qu'on va avoir des hôpitaux francophones partout, ce n'est pas raisonnable. Ce qui est important, c'est une approche raisonnable. Examinons les besoins et trouvons des solutions raisonnables ensemble. Je pense que c'est pour cela que le «réseautage » proposé dans le rapport du ministre de la santé, M. Rock, est très important.

[Traduction]

La vice-présidente: Je souhaiterai poser une question à M. Reimer et à l'Alberta Council on Aging. Vous nous avez mentionné qu'il y avait 600 personnes à Edmonton en attente de soins de longue durée. Que fait votre organisme à ce sujet? Voyez-vous une solution? Essayez-vous d'influencer considérablement le gouvernement? Il paraît évident que ce nombre va augmenter.

M. Reimer: Nous avons pu remarquer un développement positif en Alberta. Nous disposons maintenant d'un ministre qui ne s'occupe que des personnes âgées de l'Alberta. Le gouvernement ne peut plus nous rétorquer: «Et bien, nous disposons d'un grand ministère à qui incombe toutes ces responsabilités.» Désormais, nous avons un ministère qui se consacre uniquement aux problèmes des personnes âgées.

Nous dialoguons de façon positive avec le gouvernement quant à obtenir la participation d'organismes à but non lucratif, comme le Lions Clubs. Ils nous proposent de créer de nouveaux établissements en Alberta, mais nous n'en sommes pas encore là. Les fondations n'ont pas encore été coulées. Alors que la population des personnes âgées augmente, ce problème va s'accentuer pendant encore quelques temps, jusqu'à ce qu'une solution puisse être apportée.

Beaucoup de ces problèmes sont la conséquence directe des restrictions dans cette province, et nous essayons maintenant de rattraper le retard. La population de l'Alberta augmente très rapidement, mais cela prendra beaucoup de temps.

Le sénateur LeBreton: À quel endroit vivent ces personnes; avec leur famille?

M. Reimer: Certaines vivent avec leur famille, mais beaucoup d'entre elles sont à l'hôpital.

La vice-présidente: Elles occupent donc des lits supplémentaires.

M. Reimer: Depuis les restrictions du régime d'assurance-médicaments, il semble que tout le monde tombe malade à tous les niveaux. Le système est en retard. Je ne me plains pas du système de soins, mais il est vrai que beaucoup de professionnels et de personnes qui travaillent dans ces institutions en ont souffert. Nous sommes tout à fait optimistes quant à résoudre cette situation, mais cela ne pourra se faire en un jour.

La vice-présidente: J'aimerais ajouter quelque chose en ce qui concerne votre commentaire sur les professionnels en gériatrie. Vu l'accroissement et le vieillissement de notre population, nous ne pourrons bientôt plus répondre aux besoins. Ce qui nous a été rapporté à plusieurs reprises dans tout le pays.

M. Reimer: La population des personnes âgées augmente de plus en plus et il est crucial que nous trouvions une solution.

La vice-présidente: Le seul commentaire que j'avais à faire à cet égard, était de savoir si des organismes tels que le vôtre allaient encourager les établissements d'enseignement à former davantage de personnes qui se dirigent vers la profession médicale et à les inciter à se spécialiser dans ce domaine.

M. Reimer: Nous pouvons très bien faire cela. Nous pouvons répéter ce que nous avions fait dans cette province quant aux questions de santé et de sécurité au travail. Nous sommes allés voir l'industrie et avons recueilli suffisamment de fonds pour établir une présidence. Des secteurs autres que la gériatrie souffrent également de pénuries, aussi, c'est ce que nous allons faire.

La vice-présidente: Très bien.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

Le président: Nos témoins suivants sont les représentants de l'institut Nechi et du comité d'avis sanitaire de la direction de la conférence de l'Alberta et des Territoires du Nord-Ouest de l'Église unie du Canada.

Veuillez commencer.

M. Richard Jenkins, directeur de la commercialisation et de la promotion de la santé, Institut Nechi: Bonjour mesdames et messieurs les sénateurs. Ruth Morin et moi-même sommes heureux d'avoir été invités et nous vous remercions de nous avoir permis d'être parmi vous aujourd'hui.

L'Institut Nechi effectue des formations et des recherches sur la toxicomanie tout en respectant la promotion de la santé. À ce stade, notre initiative de promotion la plus importante est la Semaine nationale de sensibilisation aux toxicomanies, qui se déroulera le mois prochain, chaque troisième semaine du mois de novembre.

Nous sommes préoccupés principalement par le fait qu'aucun élément du volume 4 de votre rapport «Issues and Options» ne prouve que les nouvelles options de financement ne limiteraient pas les paiements individuels des soins de santé à un niveau quel qu'il soit - les taxes ou les tickets modérateurs - qui représentent les composantes clés d'un système de soins de santé public privilégié.

Nous avons pu passer en revue le résumé du document de façon superficielle, mais je n'ai même pas pris connaissance du document dans son intégralité. La seule version disponible aujourd'hui est en français. Ma compréhension du français étant assez médiocre, j'ai du lutter pour en comprendre le sens.

Nous aimons assez l'idée d'un formulaire pharmaceutique national. Les options afférentes à cette discussion sont appréciées et embarrassantes, étant donné qu'un plus grand éventail d'arguments d'ordre économique peut y être présenté, mais il ne faut pas perdre de vue le côté négatif, et cela risque de créer des impasses. Nous n'en avons pas parlé dans notre exposé.

Nous nous réjouissons également du fait que le comité reconnaisse la nécessité d'établir une stratégie nationale plutôt que fédérale, à laquelle tous les gouvernements participent, en matière de soins de santé, y compris le gouvernement fédéral.

Nous apprécions le fait que ce rapport reconnaisse la lutte menée par les praticiens de différentes médecines parallèles, puisque les praticiens de médecine traditionnelle autochtone tombent généralement dans cette catégorie et n'obtiennent pas le respect qui leur est dû au sein des collectivités autochtones et des institutions conventionnelles.

Les chapitres 12 et 13 reconnaissent les conditions et l'état déplorables, selon les propres termes du rapport du comité, de la santé des peuples autochtones du Canada, et nous apprécions le fait que ce rapport serve de référence dans les débats concernant ces populations distinctes. Il est néanmoins regrettable que la loi Constitutionnelle de 1982 ne soit pas citée au chapitre 13 - tout au moins dans le document que j'ai lu - et que cette Loi ne mentionne ni ne définit tous les peuples autochtones. La seule responsabilité fiduciaire mentionnée au chapitre 13 est la Loi sur les Indiens, laquelle aborde la responsabilité fiduciaire lorsqu'elle concerne seuls deux autres groupes de population évoqués - c'est à dire les Indiens et les Inuits. Ce qui laisse les Métis à l'écart, en matière de soins de santé au niveau fédéral, ainsi que les Indiens non inscrits qui sont encore plus ignorés et difficile à identifier.

Propositions à prendre en considération: Il est nécessaire de mettre en oeuvre le développement et l'entretien d'un formulaire pharmaceutique national de façon à assurer que ces personnes, dont les réactions aux médicaments moins onéreux sont différentes, puissent profiter de ces médicaments de manière efficace et en temps opportun. Ce qui doit être mis en place de façon judicieuse. Prenez l'exemple d'une personne atteinte du VIH dont la charge virale est élevée et le nombre de lymphocyte T est bas. Dans l'attente de l'approbation d'un formulaire pharmaceutique national, il est tout à fait possible que cette personne développe une infection pendant ce délai d'attente. Lorsque le nombre de vos lymphocytes T descend à un certain niveau, vous devenez beaucoup plus fragile et risquez d'attraper toute sorte d'infection. Bien qu'un formulaire bien conçu soit apprécié, il y a toujours quelques précautions à observer.

D'un point de vue de l'évaluation de la recherche, il est souhaitable que Santé Canada encourage - et ceci est essentiel - la possibilité de formation des instituts canadiens de recherche sur la santé, le CIHR, par des groupes du secteur de la santé faisant partie de la collectivité en matière de définition et de mise en application de méthodologies de recherches orientées sur la communauté, comme le modèle médical académique de recherche communautaire qui semble toujours être la seule approche connue et acceptée par les enseignants du CIHR qui contrôlent actuellement ce régime. Les récentes réunions qui se sont déroulées entre ces organismes et certains de mes collègues quant au domaine de la recherche sur la santé démontrent qu'ils n'en sont pas encore arrivés là. Il existe toujours des moyens qui leur permettent de s'éloigner de cette approche «à un modèle médical unique» de recherche médicale, étant donné qu'il est possible d'obtenir des résultats satisfaisants dans le domaine de la santé par différents biais.

Nous souhaiterions que les méthodes de promotion et de prévention dans les secteurs public et privé deviennent des priorités en matière de recherche, certaines pouvant être imposées et d'autres proposées. Certains ministères du gouvernement du Canada nous appellent pour nous faire des propositions. Ce ne sont toutefois que des propositions. Il est parfois préférable de coordonner les efforts de façon plus stratégique plutôt que d'attendre que les collectivités proposent à leur tour les idées les plus adaptées.

Il serait nécessaire que Santé Canada polarise ses efforts à mettre en oeuvre une stratégie ciblée sur la toxicomanie à l'échelle nationale, qui aborderait la relation entre la toxicomanie, les déterminants de la santé et l'état de la santé, étant donné qu'il n'existe pas actuellement une telle stratégie ou même une priorité en ce qui concerne la toxicomanie, en dehors de la direction des services de santé des Premières nations et des Inuits et en dehors de la direction des services de sécurité du consommateur, qui discutent davantage des règlements concernant l'alcool et la vente des drogues que du développement des produits.

En ce qui concerne la surveillance, il est primordial de faire participer directement les groupes autochtones représentant les intérêts de la santé des peuples indiens, inuits et métis, d'une façon responsable, tout en restant confidentielle, en ce qui concerne les dossiers de santé des populations dont ils s'occupent et qu'ils puissent avoir accès à une information d'actualité lorsque des maladies se déclarent au sein de ces populations. Je cite le projet de surveillance du diabète des Métis du Manitoba. Les Métis du Manitoba, la province et Santé Canada ont émis la volonté politique de partager aléatoirement les dossiers médicaux en ce qui concerne le diabète, afin que la fédération des Métis de Manitoba puisse identifier les personnes souffrant de cette maladie au sein du groupe et intervenir de façon ciblée. Sans la volonté politique des différentes provinces et territoires, il est difficile de diriger une tâche.

Il est nécessaire de développer le nombre de formations ainsi que l'éducation post-secondaire des Autochtones dans les différents aspects des dispositions des soins de santé et de pouvoir ainsi aider les collectivités autochtones à développer leurs propres méthodes permettant de trouver des solutions à nos problèmes de santé, sans toutefois oublier l'entretien des modèles médicaux conventionnels utilisés de nos jours par les professionnels canadiens de soins de santé.

Il est primordial d'accroître la sensibilisation, la reconnaissance et les ressources du rôle de gouvernance et des responsabilités des Premières nations, des Inuits et des Métis dans le but de leur assurer la reconnaissance et le soutien dans le développement d'une stratégie nationale de ressources humaines dans le domaine de la santé.

Je désire développer le point suivant, concernant le manque de références adéquates quant au VIH/sida, au suicide et à l'hépatite C. Ces termes apparaissent dans le document intégral, et j'étais désavantagé puisque le document que j'avais en face de moi n'était pas complet. C'est un des points débattus.

Toutes les options mentionnées au chapitre 12 sont privilégiées, tout en étant essentielles pour assurer que tous les Canadiens soient pris en considération dans le cadre du développement et de la mise en application, parmi les différents groupes de population au Canada, de stratégies simultanées concernant la santé de la population, étant donné qu'il existe un certain métissage entre les groupes.

Je suis né Métis et j'ai désormais le statut d'Indien inscrit, et je me présente donc comme un Métis cri ayant le statut d'Indien. Cela m'amuse parfois de voir que les collectivités autochtones souhaiteraient constituer des clans, ce qui est déplorable. On a l'impression que c'est vraiment ce qui va se passer.

L'option stipulée à la section 13.2.1 du chapitre 13 est étayée par les dispositions restrictives ayant pour objet de faire reconnaître et soutenir les populations autochtones citadines et les réseaux de services citadins existants créés par ces dernières, dans le cadre du développement et de la mise en application d'un plan d'action national en matière de santé des Autochtones. Il n'est pas rare que des gens soient souvent mis à l'écart, au cours des nombreuses initiatives relatives à la prestation des services urbains auxquelles j'ai participé à l'échelle nationale.

Il y a une certaine tendance à penser aux Autochtones en tant que Premières nations, Inuits, Métis, ce qui est expliqué par le fait que la constitution déclare que c'est là que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer. Toutefois, les Autochtones vivent partout. Ils ne se cantonnent pas dans les collectivités des Premières nations ou North of 60.

L'option de formation interdisciplinaire des Autochtones stipulée à la section 13.3 est dûment notée et étayée. Cependant, il est important que les méthodes de formation et de services des Autochtones soient reconnues et soutenues par les instituts d'enseignement autochtones existants au Canada - qui sont plus de 50 - et qui ont la capacité de satisfaire les besoins de formation et d'enseignement postsecondaire des peuples et des collectivités autochtones. Il serait par exemple souhaitable de concentrer les efforts visant à faire participer le National Association of Indigenous Institutes for Higher Learning, le NAIIHL, et ainsi coordonner, de concert avec les instituts d'enseignement traditionnel qui le soutiennent, la conception, le développement et la mise en oeuvre d'une telle stratégie de formation interdisciplinaire dans les domaines relatifs à la santé des Autochtones.

Je pourrais citer de nombreux exemples d'instituts d'enseignement traditionnels qui n'apportent pas particulièrement leur soutien. J'aimerais préciser toutefois qu'ils font partie de l'élite académique.

Le gouvernement de l'Ontario reconnaît les efforts déjà effectués dans cette province pour élaborer une politique dans le domaine de la santé des Autochtones et pour que les collectivités autochtones de cette même province soient utilisées en modèle de discussion. Ce travail était collectif, coopératif et multi- disciplinaire. Ce modèle est adéquat et il est maintenant mis en application. L'Ontario entame maintenant la deuxième phase.

Le président: Pourriez-vous m'expliquer comment vous pouvez passer du statut de Métis au statut d'Indien inscrit? Je comprends comment vous pouvez le faire dans l'autre sens, mais comment pouvez-vous le faire dans ce sens-là?

M. Jenkins: En 1985, la Loi sur les Indiens a été modifiée par le projet de loi C-31. Ce projet de loi a permis aux personnes admissibles de s'inscrire en tant qu'Indien assujetti par un traité. L'une de mes grands-mères possédait ce statut, mais elle s'est mariée avec un Anglais et elle l'a perdu.

Le président: Cependant, ces personnes n'étaient pas inscrites, et vous n'étiez qu'autorisés à y suppléer essentiellement. J'ai entendu parler de plusieurs cas dont le dénouement était différent.

Madame Rogers, veuillez continuer.

Mme Louise Rogers, directrice, Alberta and Northwest Conference of the United Church of Canada - Health Advisory Committee: L'Église unie du Canada, comme vous en êtes certainement conscient, a eu une longue histoire dans le cadre de la prestation des soins de santé. En Alberta, se trouve aujourd'hui le Lamont Health Care Centre qui a débuté en 1912 en tant qu'hôpital dans une communauté isolée. Il y a plus de 10 ans, la direction et le personnel de ce centre ont remis leur mission en question pour intégrer dans leur mandat la santé de l'entière collectivité. En 1993, nous avons déclaré dans un compte rendu des activités destinées à la division de l'Église unie de Mission au Canada:

Il est plus que jamais nécessaire que la voix prophétique de l'église se fasse entendre en matière de soins de santé au sein comme à l'extérieur du système. La tendance se dirige de plus en plus vers une administration privée, les tickets modérateurs et «l'américanisation». Il est nécessaire de gérer les finances sans entraîner trop de déplacements sociaux, tout en respectant la responsabilité financière.

Le centre s'est efforcé de lancer avec succès de nouvelles initiatives et continue toujours à exploiter l'établissement correctement en se conformant au budget. L'une de ces initiatives consiste en un programme d'implant du cristallin. Kevin Taft et Wendy Armstrong y ont fait allusion au début de la journée. Voici l'exemple réel d'une collectivité en étroite relation avec la population qu'elle dessert.

L'Église unie a pris la décision délibérée de continuer à participer à la prestation des soins de santé. Nous ne considérons pas cela comme une entreprise, mais plutôt comme une occasion d'effectuer un acte de chrétienté. Nous proposons nos commentaires en regard de cette perspective.

Notre position générale peut être indiquée clairement en déclarant que nous approuvons les observations et les recommandations énoncées dans les conclusions définitives du Forum national sur la santé. Nous sommes tout à fait d'accord sur le fait qu'il est important que les paiements de transferts fédéraux soient prévisibles et réguliers. Étendre le champ d'application des dépenses publiques pourrait être une solution permettant de réduire l'intégralité des coûts.

Voici quelques principes fondamentaux visant à préserver et à protéger le régime d'assurance-maladie: assurer un financement public intégral des services nécessaires d'un point de vue médical; maintenir un modèle «à souscripteur unique» au niveau provincial comme territorial; et mettre en pratique les cinq principes de la Loi canadienne sur la santé.

Nous devons intégrer davantage notre système de financement des soins, non pas le prestataire ou le site, et nous devons établir un système qui soit davantage intégré. Nous devons agir dans les domaines des soins à domicile, du régime d'assurance- médicaments et de la réforme des soins primaires.

Si le principe d'«administration publique» signifie «maintenir un modèle à souscripteur unique au niveau provincial-territorial, dans le cadre d'un système qui assure un financement public intégral pour les services requis «médicalement», alors nous en convenons. Nous souhaiterions que le principe de l'administration publique soit retenu par la Loi canadienne sur la santé et qu'il devienne une condition du financement fédéral.

Nous reconnaissons l'importance de défendre vigoureusement un système qui emploie des entités publiques ou à but non lucratif pour dispenser les soins de santé.

Nous rejetons toute proposition concernant le fait que la Loi canadienne sur la santé ait la possibilité de limiter de façon déraisonnable les droits des Canadiens qui ont les moyens d'acheter des soins de santé auprès d'entreprises privées. Nous pensons qu'ils peuvent les acheter aux États-Unis ou auprès de prestataires «ayant opté pour le retrait du régime d'assurance- maladie» au Canada. La disponibilité des services de soins de santé est déterminée autant par les pénuries de personnel que par les affectations budgétaires. Le fait d'autoriser un système parallèle privé dans le cadre des services médicalement nécessaires, qu'il soit financé par des fonds publics ou financé par une assurance privée, permettra de servir les personnes aisées sans regarder à la nécessité.

Le rapport du comité considère exclusivement les frais supportés par les patients comme un moyen de responsabilisation dans le cadre de l'utilisation des services de santé. Au vu des éléments probants, il serait souhaitable que le partage des frais diminue l'utilisation, sans toutefois inclure les coûts. Le rapport ne mentionne nulle part des méthodes permettant de souligner l'importance du choix effectué par un patient bien informé, de la prise de décision concertée et de pouvoir obtenir de l'information et des conseils par téléphone.

Nous sommes particulièrement préoccupés lorsque nous lisons l'information dans la presse - comme par exemple dans le Edmonton Journal du 7 septembre 2001 - qui mentionne que l'un de nos collègues sénateurs a déclaré: «Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas avoir un système à la fois privé et public.» Nous partageons le point de vue du commentaire relatif à l'expérience européenne: «Plusieurs analystes respectés sont d'avis que les mécanismes du marché créent nécessairement les conditions dans lesquelles les populations vulnérables - les personnes les plus défavorisées en particulier - ne pourront bénéficier d'une égalité d'accès à des services de qualité.»

Nous pensons qu'il est nécessaire que les méthodes suggérées par l'Organisation mondiale de la santé soient testées lorsqu'il s'agit d'un accès opportun comme des délais d'attente, avant de passer aux domaines des assurances des soins ou à une déclaration des droits des patients.

La régionalisation a sans aucun doute permis d'améliorer le regroupement des services de santé. Nous avons utilisé judicieusement l'allocation des ressources pour la régionalisation. Toutefois, un élément essentiel dans la prestation des services de santé - le paiement des médecins - est resté centralisé. Nous estimons que cette exclusion a restreint la possibilité de perfectionner l'efficacité et les performances du système des soins de santé.

Comme l'a mis à jour le rapport du comité, la régionalisation a permis de décentraliser les services en les basculant du niveau provincial au niveau régional et de les centraliser en les basculant du niveau local au niveau régional. Nous sommes d'avis que la récente centralisation a supprimé, dans les zones rurales en particulier, un des éléments essentiels favorisant la participation de la collectivité locale. Lorsque vous concentrez les services spécialisés, vous commencez par supprimer les services dans les communautés rurales, autochtones et éloignées. Ce qui intensifie non seulement le refus d'accès aux services, mais augmente le manque de médecins dans ces collectivités et transfère les coûts du système de soins de santé aux personnes qui sont dans l'obligation de se déplacer pour se faire soigner. Ce qui a positionné également les autorités régionales en tant que planificateurs, bailleurs de fonds et exploitants. Ce qui va éventuellement avoir tendance à inciter les opérateurs non régionaux à partir.

En utilisant les prestations de services extérieures d'établissements de soins de santé privés à but lucratif, nous estimons que la partie la plus importante des économies générées proviendra de la réduction des salaires. Les salaires des effectifs de ce secteur des soins de santé sont déjà très bas.

Nous ne sommes pas favorables au concept de comptes d'épargne médicaux. Nous n'acceptons en aucun cas les arguments qui soutiennent leur création. Nous considérons que plutôt que de stimuler la «concurrence des prix», ils vont favoriser l'évitement des risques au détriment des personnes les plus défavorisées qui ont un réel besoin de couvertures et de services.

Enfin, nous ne sommes pas favorables à la conversion de tous les transferts pécuniaires TCSPS en points d'impôt. Nous considérons que cela servirait uniquement à creuser davantage les inégalités dont souffrent les personnes qui vivent dans les provinces les plus pauvres. Nous sommes convaincus que les mécanismes de contrôle et d'exécution stipulés dans la Loi canadienne sur la santé font partie du rôle du gouvernement fédéral et devraient être retenus.

Le président: Madame Rogers, selon votre commentaire sur un accès opportun, vous déclarez que les approches suggérées par l'Organisation mondiale de la santé doivent être testées. Auriez-vous l'obligeance de bien vouloir expliquer ce commentaire, je ne suis pas certain de l'avoir bien compris.

Mme Rogers: Nous avons inclus la référence.

Le président: Ces citations proviennent de l'OMS?

Mme Rogers: Oui. La deuxième citation est tirée du rapport de l'OMS et la troisième est issue d'un rapport différent.

Le président: Monsieur Jenkins, pourriez-vous me parler un peu de l'association nationale des instituts indigènes pour l'enseignement supérieur? Je n'en ai jamais entendu parler.

Au fait, je pense que le programme que vous avez intitulé à Fort McMurray en fait évidemment partie.

M. Jenkins: En réalité, non. Le collège Keyano ne fait pas partie du NAIIHL, qui inclut des instituts tels que l'institut Nechi, le collège des Premières nations de Blue Quills, Olds Community College et Yellow Quill au Manitoba.

Le président: Se concentrent-ils essentiellement sur les étudiants indigènes et sur les programmes de formation des personnes destinées à travailler au sein de ces collectivités?

M. Jenkins: Les deux.

Le président: Ils ne sont donc pas destinés seulement aux étudiants des Premières nations ou autochtones, mais ils sont également destinés à former le personnel des collectivités autochtones.

M. Jenkins: Oui.

Le sénateur Morin: J'ai été particulièrement impressionné en parcourant votre document. J'ai remarqué que vous aviez deux sites Web. Votre dossier fait référence à plusieurs projets de recherche sur le suicide des indigènes et sur la violence familiale. Je me demande si ces recherches ont été publiées.

Je sais que votre organisme est un organisme caritatif. Par qui est-il financé?

Mme Ruth Morin, présidente-directrice générale, Institut Nechi: Notre organisme est subventionné à moins de la moitié par Santé Canada et par l'Alberta Alcohol Drug Abuse Commission. Ces sources combinées à elles deux constituent moins de la moitié.

Le sénateur Morin: L'autre moitié est-elle constituée de bénévoles?

Mme Morin: Nous sommes autonomes.

Le sénateur Morin: Est-ce volontaire ou est-ce dû au programme de formation?

Mme Morin: Nous vendons nos programmes de formation. Vu que les revenus générés par ces deux sources ne sont pas suffisants pour soutenir complètement toutes nos initiatives, nous devons nous autofinancer.

Le sénateur Morin: Je n'avais pas réalisé cela.

Je constate que vous offrez plusieurs programmes, principalement dans le domaine de la toxicomanie, mais également dans d'autres domaines de promotion de la santé.

Avez-vous déjà eu l'occasion d'effectuer une évaluation de ce que vous faites? Je sais que ce n'est pas aisé, mais par exemple avez-vous évalué le nombre de personnes toxicomanes ou le nombre de patients qui auraient besoin de soins d'urgence? Avez-vous une idée de votre efficacité à modifier la situation?

Mme Morin: Nous sommes un institut de formation. Nous faisons également la promotion de la recherche et de la santé. Les personnes que nous servons se situent à l'échelle nationale, et il nous est difficile de faire un suivi.

Le sénateur Morin: Je suis au courant, mais avez-vous remarqué un changement dans les communautés des Premières nations? Je sais qu'il ne s'agit que d'anecdotes, mais avez-vous remarqué un changement évident chez les personnes que vous formez dans ces collectivités?

Mme Morin: Lorsque nous avons commencé il y a 27 ans, la situation concernant l'alcool et les drogues était très similaire à celle que l'on trouve à Davis Inlet aujourd'hui. Il y a eu quelques améliorations, mais notre population est celle qui s'accroît le plus rapidement. En outre, dans beaucoup de nos collectivités, 65 p. 100 environ de notre population est âgée de moins de 25 ans. Les jeunes d'aujourd'hui sont différents et ils touchent à la cocaïne et aux drogues dures. De plus, ils sont de moins en moins capables de participer à nos enseignements culturels et à nos méthodes de guérison traditionnelles et nous constatons des répercussions importantes.

L'impact des populations conventionnelles étant tel, il nous est plus difficile de convaincre nos enfants que nos méthodes conventionnelles sont tout aussi bonnes, et dans certains cas, même meilleures que les médecines traditionnelles.

Le sénateur Morin: Voulez-vous dire que c'est plus difficile pour les jeunes générations que par le passé? Il est vrai que par le passé, les problèmes étaient dus plus souvent à l'alcool et que maintenant ils sont dus davantage à l'usage des drogues dures?

Mme Morin: De nos jours, il existe toujours un problème important dû à l'alcool, mais l'accoutumance aux drogues dures et aux médicaments vendus sur ordonnance empire la situation. C'est tout à fait différent que lorsque nous avons commencé il y a 27 ans.

Le sénateur Morin: Le problème est toujours crucial, alors.

Mme Morin: Le problème est plus compliqué qu'auparavant.

Le sénateur Morin: Merci beaucoup et toutes mes félicitations - vous faites un excellent travail.

Le sénateur LeBreton: Ma question s'adresse aux représentants de l'Église unie du Canada. L'un des faits préoccupants dont nous entendons parler le plus souvent est l'impact des services dans les collectivités rurales et isolées. Les intervenants ont parlé ce matin de la régionalisation des services de santé. Bien que vous parliez d'améliorer le regroupement des services de santé, à votre avis, l'aggravation a-t-elle été plus importante? Les services peuvent être regroupés, mais s'ils ne sont pas performants, ils ne vont pas améliorer grand chose. Avez-vous une solution pour les collectivités rurales et isolées?

M. Kent Harold, directeur, Alberta and Northwest Conference of the United Church of Canada - Health Advisory Committee: J'ai la possibilité de pouvoir observer certaines choses, étant donné que je participe aux activités de la région et que j'occupe un siège sans droit de vote à la régie régionale. J'estime que pour développer et optimiser les soins de santé prodigués aux personnes qui vivent dans les régions les plus isolées, nous devons former ces personnes qui prodiguent des soins de santé dans ces collectivités.

Pour vous donner un exemple, dans notre région, actuellement, il existe un programme de formation destiné aux infirmières autorisées. La majorité de ces stagiaires ont la trentaine, ont une famille et sont bien établies dans leurs communautés. La plupart d'entre elles y resteront probablement.

Un programme est en train d'être lancé avec pour objectif de former les infirmières auxiliaires autorisées et je pense également qu'il portera ses fruits. Le programme est mis en application depuis deux ans et personne n'abandonne. Bien que je ne connaisse pas vraiment la situation là-bas, je ne vois aucune raison pourquoi il ne serait pas adapté aux collectivités des Premières nations.

L'un des problèmes posé par la régionalisation est que les spécialités sont centralisées, les ressources de ces collectivités sont restreintes, ce qui les rend moins séduisantes aux yeux des médecins qui penseraient y exercer. Afin d'attirer des médecins à exercer dans des régions isolées, nous avons besoin d'une infrastructure et de systèmes de soutien qui leur permettent de perfectionner le travail qu'ils effectuent.

Les jeunes médecins qui sortent de l'école de médecine se sentent très vulnérables. Même les médecins qui exercent depuis longtemps se sentent peu aidés lorsqu'ils vont dans ces communautés dans lesquelles il n'existe pas de structure d'urgence, et il n'y a pas de confrère qui puisse les aider. Ils s'épuisent rapidement. Nous devons régler ce problème au préalable si nous voulons trouver une solution aux soins de santé dans ces régions rurales et isolées.

Le sénateur LeBreton: Les conditions de travail peuvent représenter un facteur particulièrement dissuasif pour les médecins qui doivent exercer seuls et isolés.

M. Harold: Certainement, les conditions de travail sont primordiales. Je pense que nous devons considérer la situation du point de vue des infirmières praticiennes. Elles exercent dans le Nord, bien sûr, mais il nous faut approfondir les recherches. C'est mon opinion, mais ce n'est pas l'opinion de l'église, en particulier, d'après ce que j'ai pu remarquer.

Le sénateur LeBreton: Diriez-vous, alors, que la régionalisation a aggravé le problème? Je veux dire pensez-vous que le problème s'est aggravé depuis la régionalisation. Les professionnels de la santé ont été attirés par des centres plus importants et les régions rurales et isolées ont souffert de la régionalisation des services de santé.

M. Harold: J'éprouve quelques difficultés à établir une analogie entre les deux, sans avoir plus de preuves tangibles. Il est certain que les régions rurales éprouvent beaucoup de difficultés à attirer les médecins, mais il ne m'est pas possible d'affirmer que cet état de fait est directement lié à la régionalisation. Je pense qu'il serait nécessaire d'approfondir l'étude avant de pouvoir déterminer si cette relation existe, et dans l'état actuel des choses, je ne sais pas.

Le sénateur Keon: Monsieur Jenkins, en ce qui concerne la question de trouver des ressources humaines en santé adaptées pouvant faire face à votre situation, à ce stade, avez-vous pensé à une stratégie? Avez-vous pensé à la façon dont vous pourriez former les professionnels de la santé, ou pensez-vous pouvoir mettre à contribution vos propres collectivités afin de les former et qu'elles y reviennent ensuite?

M. Jenkins: La réponse est non, en ce qui concerne une stratégie de ressources humaines en santé pour les Autochtones. À l'institut Nechi, nous essayons de développer des initiatives en matière de santé différentes à l'échelle provinciale, comme l'Alberta Mental Health Board. Nous nous efforçons d'influencer la création d'un service de ressources humaines autochtones et d'une base de programmes. Ce qui représente en quelque sorte un défi, vu que la demande d'ouverture d'un cabinet a été refusée par Alberta Health and Wellness dont les priorités étaient différentes. Ce projet a été relégué aux oubliettes.

En ce qui concerne la mise en place d'une stratégie globale multidisciplinaire, il est primordial que la médecine traditionnelle collabore avec les services médicaux et de santé conventionnels. Je pense que cela n'ait jamais été fait dans quelque province que ce soit au Canada, étant donné que nous avons pu remarquer une prolifération d'organismes s'occupant des personnes atteintes du sida et qui se transforment en petites entités isolées.

Vous avez probablement pu remarquer la même situation avec l'hépatite C. Les personnes souffrant de cette maladie vont avoir besoin de beaucoup d'efforts d'influence, étant donné que cette maladie a une connotation de péché. L'hépatite ressemble au problème posé par l'alcoolisme il y a 25 ou 30 ans qui lui-même était relié à une connotation importante de péché.

J'aimerai faire un rapide commentaire sur les défis rencontrés dans les milieux ruraux. Il serait intéressant de prendre en considération les prestataires de traitement mobiles, il y a 15 ou 20 ans dans le Nord de la Colombie-Britannique. L'expérience de la réserve indienne Taché a démontré que le traitement mobile en matière de services de toxicomanie était à ce moment une préoccupation alarmante. Je ne sais pas si ce service existe encore. Il n'est peut-être plus financé. Je fais référence à une équipe de médecins qui se déplace toutes les semaines d'une collectivité à l'autre par opposition aux infirmières CLSC qui font seulement ce qui est en leur pouvoir. Elles sont pour ainsi dire attachées en ville et ne peuvent s'inquiéter de se rendre dans les collectivités rurales.

Mme Morin: Elles doivent également travailler en collaboration avec les membres des différentes collectivités, vu qu'elles connaissent la collectivité et les gens qui y habitent.

Par exemple, l'Alberta Cancer Board a remarqué le taux de cancer du sein chez les femmes autochtones avait augmenté et que le taux de décès était également beaucoup plus élevé que chez les femmes canadiennes. Il a été mis à jour que les femmes autochtones ne se déplaçaient pas pour les mammographies. Pourquoi? L'une des raisons est due au fait qu'elles doivent se déplacer, mais le taux d'abus sexuels est également plus élevé, associé à toute cette affaire des écoles résidentielles. Beaucoup de femmes considéraient le fait d'aller subir une mammographie comme une énorme montagne à franchir et nombre d'entre elles n'étaient pas prêtes à faire cet effort qui leur paraissait insurmontable. Toutefois, lorsque l'on apportait un mammographe sur place et qu'elles déjeunaient, qu'elles se réunissaient entre femmes et que les enfants étaient surveillés, alors, les femmes autochtones se sentaient beaucoup plus prédisposées à participer. Elles appréciaient la sécurité de leur propre collectivité, entourées de leur peuple les assistant. Les femmes sont donc venues, les mammographies ont donc pu être effectuées et tout le monde était beaucoup plus heureux.

Le sénateur Keon: Nous continuons à obtenir d'autres sons de cloche en ce qui concerne l'idée d'augmenter les dépenses de l'État, cette solution miracle représenterait une phénoménale réduction des coûts des services de santé. Je pense que la plupart des ministres provinciaux et des sous-ministres sont plutôt effrayés par cette idée. Ils estiment que l'augmentation des dépenses de l'état risque d'augmenter considérablement leurs coûts. Je comprends qu'il puisse y avoir certains avantages à installer dans le public ce que les gens paient aujourd'hui. Les responsables provinciaux ont été quelque peu intimidés par l'ampleur que prenait cette idée. Qu'en pensez-vous?

M. Don Junk, directeur, Alberta and Northwest Conference of the United Church of Canada - Health Advisory Committee: Nous estimons que le montant total des dépenses de santé au Canada en pourcentage du PNB est suffisant pour financer cette idée. Toutefois, il existe des possibilités d'amélioration à partir des modèles à souscripteur unique, qui permettraient également d'augmenter la capacité à contracter des produits pharmaceutiques. Je pense que le Forum national sur la santé est arrivé à cette conclusion et nous sommes convaincus de ces arguments.

Lorsque l'on considère d'autres pays - et nous ne disposons pas des services de recherche que vous avez - il apparaît qu'avec un PNB moins élevé, ils sont en mesure d'offrir à la population ce type de couverture.

Le sénateur Keon: Pourquoi pensez-vous qu'il ne s'est rien passé depuis le rapport du Forum national sur la santé?

M. Junk: J'ignore pouquoi il ne s'est rien passé. De notre côté, nous ressentons une certaine frustration. Pourquoi parlons-nous encore de cela alors que nous pensions que le forum avait émis des recommandations adaptées?

Le président: Madame Rogers, vous déclarez dans votre dossier:

Le rapport ne mentionne nulle part des méthodes permettant de souligner l'importance du choix effectué par un patient bien informé, de la prise de décision concertée et de pouvoir obtenir de l'information et des conseils par téléphone.

Je comprends pour quelle raison vous ne l'avez pas remarqué: il ne se trouve pas au chapitre 8. Vous le trouverez, en fait au chapitre d'infrastructure, qui est le chapitre 10. Nous avons discuté de l'importance de faire passer les communautés rurales et isolées au système de «télémédecine» et à accéder à une information beaucoup plus axée sur ce système et concentrée sur les régions rurales. Nous approuvons vigoureusement ce concept, bien que vous ne l'ayez pas présenté en ces termes dans votre mémoire. Nous n'avons tout simplement pas placé ces idées au chapitre traitant du financement.

Monsieur Jenkins, nous publierons un rapport la semaine prochaine. Ce document de synthèse traite principalement des principaux inducteurs de coûts relatifs au système de soins de santé. Une partie importante de ce rapport - en vérité, des dizaines de pages - aborde de nombreuses questions relatives aux Autochtones et traite plus particulièrement les questions relatives au sida/VIH et le problème de la toxicomanie.

À la diffusion de ce rapport, vous pouvez nous téléphoner. Une fois que vous en avez pris connaissance, vous pourrez avoir quelques nouvelles idées.

Monsieur Jenkins, je ne mets pas en doute la véracité de votre commentaire qui m'a toutefois abasourdi, comme quoi la stratégie d'amélioration de la santé de la population du gouvernement fédéral ne comprend pas d'autre stratégie s'appliquant à la toxicomanie, que ce programme relatif à la toxicomanie. Je suppose qu'il s'appelle techniquement le programme antitoxicomanie de la direction des services de santé des Premières nations et des Inuits.

J'émets toujours des hypothèses concernant les gouvernements qui s'avèrent fausses par la suite. Vu l'importance toujours plus grande donnée à ce problème, je viens d'émettre l'hypothèse qu'il aurait du y avoir une politique à l'échelle nationale qui reconnaisse que la prestation des services devrait être effectuée au niveau provincial. Je viens de penser qu'il s'agissait d'une préoccupation à l'échelle nationale. Pouvez-vous faire quelques commentaires à ce sujet?

M. Jenkins: Nous avons assisté à la conférence sur la toxicomanie pour les professionnels, présentée il y a un an par l'Alberta Alcohol and Drug Abuse Commission. Le manque d'un programme national dans le cadre de la toxicomanie est l'un des problèmes qui a été évoqué. Nous nous efforçons de diriger la campagne de la Semaine nationale de sensibilisation aux toxicomanies, et si nous cherchons une direction de la santé publique, qui soit responsable de la toxicomanie au sein de Santé Canada, nous ne trouvons personne.

Le président: Je sais qu'il existe des organismes nationaux. Il y a des organismes nationaux contre l'alcoolisme. Il existe de nombreux organismes nationaux anti-drogue. Ai-je raison?

M. Jenkins: Il y a le CCLAT, le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies.

Le président: Est-ce un organisme fédéral?

M. Jenkins: Il s'agit d'une agence indépendante qui a été établie par une loi du Parlement.

Le président: Elle ne fait donc pas partie du gouvernement fédéral. Je vous remercie pour cette observation, car ce manque de stratégie à l'échelle nationale, en matière de toxicomanie est vraiment une faiblesse.

Mesdames et messieurs les sénateurs, un intervenant surprise nous rend visite cet après-midi: M. Noel Somerville est un professeur à la retraite.

M. Noel Somerville: Mesdames et messieurs les sénateurs, en lisant le volume 4 de votre rapport, il était mentionné dans le journal The Toronto Star que votre président posait la question suivante, ce qui a éveillé mon attention: Est-ce uniquement dans une société démocratique que le gouvernement rationne la fourniture de services de santé en restreignant les budgets alloués aux soins de santé et en refusant aux Canadiens le droit d'acheter ces services au Canada?

J'ai été intrigué par cette question et j'ai commencé à me demander: à quel niveau se situe l'injustice? Peut-on parler d'injustice lorsque l'on nous empêche d'acheter des services ou y a-t-il injustice lorsque l'on restreint les budgets de sorte que les services qui étaient théoriquement garantis par la législation ne sont plus disponibles au public?

Le président: Exactement. C'est pourquoi nous avons posé la question de cette façon.

M. Somerville: Vous avez raison. J'apprécie votre sincérité et la façon dont vous faites vos déclarations.

Tout en pensant à cela, j'ai été frappé par le nombre de similitudes qui existent entre ce qui s'est passé dans le domaine des soins de santé et ce qui s'est passé dans le domaine de l'éducation duquel j'ai l'expérience. Il y a bon nombre de similitudes comme la restriction des budgets, bien sûr, qui a eu pour conséquence d'accélérer la création de programmes de remplacement ainsi que la privatisation.

En Alberta, alors que les allocations destinées à l'éducation du public ont été réduites, les allocations destinées aux écoles privées et aux écoles indépendantes ont augmenté de 50 p. 100 pour la même période. Ce qui a provoqué en conséquence une grande migration vers les écoles privées. Les écoles privées ont annoncé que les inscriptions avaient triplé au cours des dernières années, ce qui est dû à la disponibilité de financements gouvernementaux plus importants et au fait que les parents n'ont plus à payer des frais supplémentaires pour accéder à ces écoles comme auparavant.

Nous remarquons également dans le système public, une prolifération de tous ces programmes de remplacement parmi lesquels il est possible de choisir. Nous voyons maintenant des écoles à mandat rejoindre le système public. Je désire faire remarquer que tout cela génère des coûts. L'égalité d'enseignement offerte à tous les enfants était le principe de base de l'éducation publique. Ce concept remonte au siècle dernier. Nous pensions que si tous les enfants jouissaient d'une égalité à l'éducation, la société en bénéficierait.

La Loi canadienne sur la santé avait pour projet initial d'élaborer un tel principe symbolique - c'est-à-dire l'égalité des chances. J'estime également que les nombreuses options que vous envisagez aujourd'hui auront le même effet que dans le domaine de l'éducation: elles ont contribué à engendrer d'elles-mêmes la richesse et la pauvreté, puisque les personnes qui ne disposent pas de moyens financiers suffisants peuvent se permettre d'accéder aux services les meilleurs. Leurs enfants sont avantagés dès le départ. Je comprends tout à fait cela. En revanche, les personnes qui ne peuvent se le permettre, ou celles qui n'en font pas cas, ne peuvent obtenir ce service et leurs enfants en souffrent, et j'en suis peiné.

Il nous faut maintenir une sorte d'équité dans le système. Je remarque que vous avez énergiquement soutenu ce que vous appelez les quatre principes axés sur le patient énoncés dans la Loi canadienne sur la santé. Vous êtes restés par contre plus équivoques en ce qui concerne l'administration publique. Je crois que l'administration publique a un rôle crucial à jouer pour préserver le concept intégral de l'égalité dans le système lui-même.

Je conclurai par une idée qui m'est venue à l'esprit, il n'y a pas très longtemps. C'est une citation de Winston Churchill, qui déclare: «Je n'ai pas été élu pour assurer la présidence de la dissolution de l'Empire britannique.» J'espère, mesdames et messieurs que vous ne vous sentez pas obligés d'assurer la présidence de la dissolution du système de soins de santé canadien.

Le président: Je dois dire que je n'ai jamais fait le parallèle avec le domaine de l'éducation. Je pense que c'est très perspicace. C'est exactement ce que j'aime entendre de la part d'un intervenant surprise à la fin de la journée. C'est fou ce que l'on peut apprendre en écoutant un avis particulièrement sensé.

Le sénateur Roche: Il est vraiment dommage, monsieur le président que nous n'ayons pas le temps de poser des questions.

Le président: Nous prendrons plaisir à lire votre exposé, monsieur Somerville. Merci infiniment.

La séance est levée.


Haut de page