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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 33 - Témoignages


VANCOUVER, le jeudi 18 octobre 2001

Le Comité permanent du Sénat sur les affaires sociales, les sciences et la technologie s'est réuni aujourd'hui à 9 h 02 afin d'examiner l'état du système de soins de santé au Canada.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, notre premier témoin ce matin est M. Ken Fyke, ancien président de la Commission de l'assurance-maladie de la Saskatchewan. M. Fyke est bien connu de beaucoup de gens qui ont été actifs dans le domaine médical depuis de nombreuses années en raison des postes qu'il a occupés comme sous-ministre en Saskatchewan et en Colombie-Britannique.

Nous sommes heureux de vous accueillir parmi nous ce matin, M. Fyke.

M. Ken Fyke, président sortant, Saskatchewan Committee on Medicare: Merci, honorables sénateurs. C'est un plaisir d'être ici ce matin. Je vous fais remarquer que je m'adresse à vous ce matin en qualité de citoyen privé. Je serai heureux de répondre à des questions sur le rapport de la commission, mais je ne parle pas au nom du gouvernement de la Saskatchewan de quelque façon que ce soit.

J'apprécie cette occasion. Je désire vous féliciter pour votre l'exhaustivité de votre examen et les questions importantes que vous avez identifiées dans votre rapport. Je suis certain que votre rapport apportera une contribution majeure au développement des politiques qui assureront que les services de santé répondent aux besoins émergents des Canadiens.

Les problèmes actuels sont complexes et ils ne seront pas résolus avec des réponses simplistes. L'assurance-maladie est très importante pour les Canadiens. Elle est devenue le symbole de notre sens de l'équité et de la préoccupation à l'égard d'autrui. Malgré sa popularité et le soutien qu'ils lui accordent, les Canadiens estiment qu'elle ne fonctionne pas aussi bien qu'elle le devrait. J'ai lu votre rapport avec grand intérêt et beaucoup d'appréciation pour le travail que vous avez fait. Aujourd'hui, je limiterai mes remarques à des commentaires généraux sur les principes de base des services de soins de santé financés par les fonds publics et à certains éléments de votre rapport. Je serai heureux de répondre par la suite à toutes vos questions.

Je suis d'accord que le secteur de la santé doit être prêt à se transformer en industrie de service du XXIe siècle plutôt que de rester sclérosé dans une structure du XIXe siècle. Pour réussir cette transformation, nous devons redéfinir notre vision, changer la culture et redéployer les incitatifs. Les défis actuels de nos services de soins de santé financés par des fonds publics - l'assurance-maladie, comme l'appellent les Canadiens - ne sont pas le résultat des principes de base de l'assurance-maladie publique. Dans un discours aux membres de la Chambre de commerce de Vancouver, M. Charles Bailey, président-directeur général de la Banque Toronto-Dominion, disait qu'il est grand temps que le secteur privé prenne position, et soutenait que le système de santé canadien est un actif économique, non une charge. Il a également déclaré que s'éloigner d'un système de financement public soutenu par un seul payeur pourrait s'avérer moins coûteux pour le gouvernement, mais coûterait sûrement davantage au pays.

Nos défis proviennent de notre incapacité à nous concentrer sur les problèmes réels, à agir sur les causes premières et à mettre en oeuvre les changements. Nous avons besoin d'une nouvelle réflexion fondamentale sur la manière de définir, d'organiser et de récompenser le succès. Bien que les faits démontrent qu'une assurance-maladie publique à un seul payeur assure l'équité et le contrôle des coûts, les défis doivent être relevés pour que ce système demeure abordable et soutenable. L'assurance-maladie, telle que présentement organisée, n'est plus en mesure de répondre aux besoins en santé actuels ou émergents de notre société. Depuis la publication du rapport Lalonde en 1974, nous savons que les soins de santé ne sont qu'un facteur contributif à une société en santé et pour que ce pays jouisse d'une saine économie, il a besoin d'une société en santé.

Actuellement les budgets provinciaux de soins de santé approchent 40 p. 100 de toutes les dépenses gouvernementales et dans certaines provinces ce pourcentage excède 40 p. 100. Les soins de santé ne laissent pas place à d'autres programmes, comme l'éducation, qui sont aussi importants pour une société saine. Un ministre des finances m'a dit que son collègue du secteur de la santé se présente à la table du cabinet et consomme le repas de tous les autres. Cette préoccupation a fait l'objet d'une étude du Conference Board of Canada qui conclut que le gouvernement doit dépenser moins en soins de santé et davantage en éducation, en recherche, en innovation et en formation au travail.

Une question fondamentale à laquelle nous faisons face depuis le début est comment payer pour ce que nous désirons, et ne pas payer pour ce que nous ne désirons pas. Il ne s'agit pas de paiement par le secteur privé ou public. Il s'agit de payer pour les services appropriés. Ce n'était peut être pas important au début, lorsque les services de l'assurance-maladie n'étaient pas aussi complexes qu'aujourd'hui et que les questions principales de la société étaient les maladies contagieuses et autres maladies aiguës. Mais aujourd'hui, les services de soins de santé doivent répondre à des états chroniques et terminaux, ainsi qu'à des services de soins intensifs mettant en jeu des technologies complexes et un large éventail de professionnels de la santé pour fournir des soins préventifs, des traitements et des suivis appropriés.

La preuve est convaincante à l'effet qu'aujourd'hui, nous concentrons beaucoup trop sur la fourniture de soins de santé plutôt que sur la bonne santé. Nous concentrons beaucoup trop sur le volume au détriment de la qualité. Je définis la qualité comme la minimisation du mauvais usage, de la surconsommation et de la sous-consommation de services. Dans notre quête du volume, un travail accompli est un travail rémunéré, qu'il en résulte ou non une amélioration de la santé de la population ou du client. Nous ne mesurons pas, ne contrôlons pas ou ne gérons pas la santé. En revanche, nous concentrons de plus en plus sur la fourniture des soins de santé.

Lorsque j'étudiais les services de santé dans la province de Saskatchewan, j'ai entendu des histoires qui brisent le coeur de la part de médecins, d'infirmières et du public au sujet de la piètre qualité du service. Je désire vous faire part aujourd'hui de la profonde sagesse d'une infirmière de Prince-Albert,Saskatchewan, qui résumait ses observations de plusieurs années de soins infirmiers. Elle disait qu'aujourd'hui: «Nous le faisons parce que nous pouvons le faire, et non parce que nous devons le faire». Sa plaidoirie, partagée par plusieurs autres, est d'arrêter de faire ce qui ne s'avère pas nécessaire et d'administrer des protocoles souvent inhumains, et de ne faire que ce qui est approprié pour améliorer la santé du patient. Nous devons remplacer la culture du silence par celle de la sécurité et de la qualité. Nous devons arrêter de craindre la vérité et rechercher des réponses sur la manière d'améliorer la qualité et la sécurité. Nous devons abandonner l'attitude qui consiste à chercher des coupables. Il ne s'agit pas de savoir qui il faut blâmer, mais ce qui est à blâmer. Aussi longtemps que nous considérerons les problèmes de qualité comme une source d'embarras, nous continuerons à avoir des accusateurs et des défendeurs.

Je désire insister sur la nécessité d'examiner très attentivement la question des frais d'utilisation. L'assurance-maladie est plus qu'un service rendu par des médecins et des hôpitaux. Les produits pharmaceutiques et les soins à domicile sont deux services qui sont aujourd'hui essentiels au bon fonctionnement d'un service de santé moderne. Aujourd'hui, ces services n'ont pas l'avantage d'être compris dans la Loi canadienne sur la santé, bien qu'ils ne soient pas interdits non plus. Nous avons actuellement des frais d'utilisation substantiels dans chacun de ces services pour certains citoyens, et cela n'a pas été amoindri par l'escalade du coût des médicaments. Ces frais d'utilisation pour les services à domicile, alors que nous déplaçons des patients de l'hôpital pour des soins intensifs à domicile sont un fardeau majeur pour plusieurs, et compromettent le principe d'inclusion ou d'universalité en vertu de la Loi canadienne sur la santé. Je n'ai entendu que deux arguments pour défendre le concept de frais d'utilisation: l'augmentation des revenus et la diminution de la demande en raison de choix plus responsables. Les frais d'utilisation ne servent aucun de ces deux buts. Avant d'augmen ter les frais d'utilisation, assurons-nous de résoudre les problèmes fondamentaux à la racine.

Mon commentaire final a trait aux énoncés à la page 50 de votre rapport, où vous référez à deux écoles de pensée, quant à savoir si de nouvelles sources de financement sont requises pour rendre le système de soins de santé soutenable. Vous décrivez la première école comme privilégiant un système où priment le rendement et l'efficacité et semblez la minimiser parce qu'il n'existe aucune preuve des économies réalisables. C'est peut-être en partie vrai. Toutefois, il ressort de nombreuses recherches que, dans l'ensemble du pays, des médicaments sont surprescrits, des tests de diagnostic sont faits en double, les taux d'interventions chirurgicales varient énormément et que les fournisseurs, méde cins, infirmières et autres, l'ensemble des fournisseurs des soins de santé, n'utilisent pas à fond leurs compétences.

La seconde école de pensée, qui considère que le système a besoin de plus d'argent, est selon moi encore plus douteuse. Si le système a besoin de plus de fonds, de deux choses l'une: ou bien les travailleurs ne sont pas suffisamment payés, et si c'est le cas, l'augmentation des fonds n'augmentera pas les services, ou au contraire le sous-financement signifie qu'il n'y a pas un volume suffisant de services pour répondre aux besoins nécessaires. Si tel est le cas, cela signifie que tous les services actuels sont utiles et nécessaires, mais il existe des preuves évidentes que plusieurs services actuels ne s'avèrent ni utiles ni nécessaires.

Aussi, faut-il tenir compte du fait que le problème a été défini comme un problème de revenus depuis plusieurs années dans ce pays - depuis le commencement de l'assurance-maladie. Le mot «crise» a alimenté la rhétorique politique et a dominé le vocabulaire des fournisseurs de soins de santé et des médias. La réponse habituelle du gouvernement a été d'ajouter de l'argent. Des montants énormes ont été ajoutés au cours de ces dernières années, et pourtant l'insatisfaction vis-à-vis du système demeure élevée, les manchettes restent les mêmes année après année.

J'en ai conclu que de refaire la même chose à répétition ne produira pas de résultat différent. L'expérience démontre qu'ajou ter des fonds sans changer la culture et améliorer ce que nous faisons et la manière de le faire n'apportent qu'un soulagement temporaire. Pourquoi? Le problème n'est pas lié aux revenus. Il tient à la rentabilité et aux dépenses.

Nous devons analyser les dépenses avec une nouvelle stratégie qui se concentre sur le maintien de la santé et une culture visant à faire de la prévention quand elle est possible, à donner des traitements lorsque cela est possible et à cesser d'essayer de faire l'impossible. Bien que l'assurance-maladie ne soit pas viable - je répète qu'à mon avis elle ne l'est pas dans sa forme actuelle - je ne propose pas de geler les dépenses. Je propose que toute augmentation future du financement soit consacrée au change ment et à la mise en place de mesures visant à mesurer, à contrôler et à gérer le service. Alors et seulement alors, nous pourrons déterminer si le système est sous-financé. Nous prendrons alors la décision en nous étayant sur des preuves plutôt que sur des anecdotes, des opinions et la rhétorique des intérêts personnels.

En résumé, des changements sont requis dans la manière dont nous organisons la rémunération et définissons le succès dans les services de santé au Canada. L'argent seul sans engagement envers la qualité ne résoudra pas les défis actuels. Le problème réel doit être défini et résolu avec de véritables solutions. Avec des fonds supplémentaires, nous devons acheter le changement. Les problèmes de qualité auxquels nous faisons face ne sont pas la faute des fournisseurs. Nos fournisseurs travaillent dans un système mal conçu pour fournir des services de qualité dans un environnement complexe. Corriger ces défauts de conception demande des efforts concertés, un leadership solide et des investissements.

Pour qu'un programme social comme l'assurance-maladie réussisse, toutes les parties doivent respecter les modalités implicites du contrat sous-jacent. Les travailleurs en soins de santé doivent aider à créer les incitatifs qui récompensent les bonnes pratiques, abandonne les pratiques désuètes, poursuivre l'innovation avec un enthousiasme tempéré pour les technologies non prouvées, et réorienter la division du travail. Les gouverne ments doivent rendre compte au public de la performance du système, assurer la responsabilité de la qualité de services fournis, et éviter de promettre plus que ce qui peut raisonnablement être attendu. Le public doit exiger la qualité et insister sur la rentabilité, de sorte que d'autres besoins sociaux ne soient pas négligés.

À ce jour, toutes les parties à des degrés divers ont sous-estimé la fragilité de l'assurance-maladie, et se sont concentrées sur leurs propres droits plutôt que sur leurs obligations. Il n'y a pas de méchant dans ce film. Il s'agit d'une perte collective de notre emprise sur les modalités d'un système soutenable. Le Dr Don Berwick de l'Institute for Healthcare Improvement a dit que pour améliorer la qualité, il faut voir tous les défauts comme des trésors et «les soins de santé sont remplis de trésors».

Le président: Vous avez parlé d'abandonner la poursuite de l'irréalisable. Pouvez-vous nous donner des exemples pour illustrer votre propos?

M. Fyke: Il existe de nombreux exemples, mais un qui me vient à l'esprit est la manière dont nous traitons les malades en phase terminale. Je crois qu'il existe une mort saine, mais je crois que nous ne faisons pas un bon travail dans le système de santé pour donner à chacun une mort saine. Je crois que nous tentons d'atteindre l'irréalisable - nous tentons de reporter le jour ultime, et ce faisant nous créons beaucoup d'inconfort pour la personne et sa famille. Comme un médecin me disait: «Dans le service des soins de santé nous semblons croire que la mort est optionnelle». Il y certainement de nombreux autres secteurs où nous tentons d'atteindre l'irréalisable, mais la manière dont nous traitons les patients dans les derniers six mois de leur vie est ce qui me vient immédiatement à l'esprit. Je pourrais rapporter d'autres exemples si je disposais de quelques minutes pour y réfléchir.

Le président: Je me demande si vous accepteriez de partager avec mes collègues une partie de la discussion que vous et moi avons eue lors d'un long et fructueux tête-à-tête il y a quelques mois. Je fais allusion au prix des médicaments et au coût des indemnités de médicaments. Vous avez souligné que la Saskatche wan bénéficiait d'un régime universel de médicaments financé par cotisations - environ 800 $ par semestre ou à peu près.

M. Fyke: Par semestre.

Le président: Vous avez dit, si je me souviens bien, que lorsque vous faisiez votre étude, vous avez découvert que bien que les gens apparaissent dans les statistiques comme bénéficiant d'une assurance-médicaments, pour bien des personnes âgées, 1 600 $ par an représente un problème substantiel?

M. Fyke: Oui. Il y a deux aspects. D'abord, je crois que toute la question des produits pharmaceutiques doit être étudiée. Bien qu'elle puisse varier selon la province, un certain nombre de Canadiens disposent d'une assurance-médicaments - toute personne qui travaille dans une grande entreprise ou pour le gouvernement possède une couverture et ce n'est pas un gros problème. Mais les petites entreprises, certaines personnes âgées et les pauvres n'ont pas de couverture pour les médicaments.

Deux problèmes se posaient lorsque nous avons révisé cette question en Saskatchewan. Les personnes âgées disaient: «Je me passe de mes médicaments parce que je ne peux pas mettre les premiers 800 $ - c'est beaucoup d'argent». J'ai rencontré dans le nord de la Saskatchewan une Métisse qui devait prendre 12 médicaments. Je ne lui ai pas demandé pourquoi elle devait prendre 12 médicaments - c'est une autre histoire. Elle m'a dit: «Je me passe de nourriture la dernière semaine de chaque mois pour payer mes médicaments».

Le système canadien de soins de santé a besoin de faire face à ce genre de situation. Je reconnais qu'introduire un programme de médicaments va coûter de l'argent. Je me suis débattu avec cette question en Saskatchewan. J'en ai conclu qu'il serait préférable de la traiter au niveau fédéral plutôt que provincial pour plusieurs raisons. En premier lieu, le pouvoir d'achat du programme fédéral serait plus grand que celui d'une province. En second lieu, nous devons établir et mettre en place des changements dans le système de fourniture des soins de santé où l'utilisation des médicaments est traitée beaucoup plus qu'aujourd'hui. Les médicaments sont surprescrits.

Le président: Est-ce que le second commentaire signifie que vous favorisez l'option que nous avons proposée dans le rapport au sujet d'une formule nationale, par exemple, accroissant le pouvoir d'achat du gouvernement?

M. Fyke: Oui, je l'appuie absolument.

Le président: Je pense que cela en découle quand nous examinons des données qui disent - si cela s'applique en Colombie-Britannique ou en Saskatchewan - 100 p. 100 de la population possède une couverture d'assurance-médicaments. Cela ne signifie pas que 100 p. 100 de la population peut se payer la couverture médicaments, cela signifie tout simplement que dans un certain sens, ils sont couverts. Mais cela ne signifie pas que le problème est réglé.

M. Fyke: Absolument. Ceci ne signifie pas que des personnes ne tombent pas entre les mailles du filet. Les problèmes que j'ai identifiés sont reliés aux pauvres, aux petites entreprises qui ne sont pas en mesure de payer le régime d'assurance-médicaments.

Le président: Bien sûr.

M. Fyke: Il ne s'agit pas des personnes qui travaillent pour les grandes entreprises ou le gouvernement, ou quiconque peut payer le régime d'assurance-médicaments.

Le sénateur Keon: Monsieur Fyke, je suis fondamentalement d'accord avec tout ce que vous avez dit, ce qui rendrait un débat apparemment quelque peu difficile. Toutefois, le problème est que comme la plupart d'entre nous, vous présentez les problèmes, et je pense que personne n'a la réponse, ou nous ne serions pas où nous sommes. Je vais vous guider à travers quelques-uns des faits pour découvrir si nous pouvons y trouver quelques solutions.

Vous avez fait une déclaration intéressante: «Payer pour ce que nous voulons et ne pas payer pour ce que nous ne voulons pas». J'ai souvent professé «Payer pour ce qui fonctionne et ne pas payer pour ce qui ne fonctionne pas». Il y a plusieurs années, Marc Lalonde nous a dit que nous devrions baser nos décisions sur la santé de la population, examiner les problèmes de la santé de manière objective, les résoudre et arrêter de dépenser de l'argent dans des secteurs qui ne résolvent rien. Alors traitons tout d'abord cette question.

Comment croyez-vous que nous puissions mettre en oeuvre un système qui contrôlerait la santé de la population sur une base continue et posséderait une boucle de rétroaction pour traiter des problèmes pouvant être résolus et arrêter la perte d'argent sur les problèmes qui n'ont pas de solution? Certains ont suggéré que de séparer payeur, fournisseur et système de contrôle, peu importe le nom qu'on lui donne, et nous serions peut-être en mesure de le faire. Avez-vous des réflexions sur la façon dont nous pourrions concevoir un système de contrôle canadien qui fonctionnerait pour l'ensemble du pays, les provinces et ainsi de suite?

M Fyke: Je pourrais passer la journée à répondre à cette question car elle est très complexe. Mais je voudrais étudier une question et prendre la population d'une province ou débuter avec une population d'un million, et ensuite nous verrons comment faire dans tout le Canada. Mais dans cette population d'un million, il existe certainement la capacité de développer des indices de santé et de contrôler des choses comme le diabète.

Le diabète est probablement l'un des plus grands problèmes dans ce pays, il conduit à d'innombrables complications et pourtant d'après mon observation, nous ne faisons pas un bon travail dans la gestion du diabète. Je pense qu'il s'agit-là d'une des questions où il existe une sous-utilisation du suivi et du traitement. Il existe certainement dans une population d'un million, que ce soit dans une région de santé autour de Calgary ou en Saskatchewan, un échantillon où l'on pourrait commencer à contrôler les patients à risque pour le diabète et à mesurer leur santé. Je sais qu'il existe aux États-Unis au sein des organisations de soins de santé intégrés certains programmes qui font un suivi très attentif du diabète.

Nous avons besoin que nos fournisseurs travaillent en système, car ceci n'existe pas présentement. Je ne critique pas les fournisseurs. Je dis tout simplement que nous avons créé un système dans lequel toutes les petites parties travaillent indivi duellement et non collectivement. Nous devons l'organiser et nous devons leur donner la technologie de l'information de sorte qu'ils puissent contrôler, par exemple, les diabétiques. Il peut exister d'autres groupes de maladies. Certains diraient que vous ne devriez pas utiliser l'approche des groupes de maladie. Pas de problème, peut-être existe-t-il d'autres moyens de le faire. Je préfère l'approche par maladie, car je crois qu'il est plus facile de contrôler 100 000 diabétiques ou quelque autre groupe de maladie en Saskatchewan et de s'assurer que les soins de suivi sont requis.

Nous devons commencer sur une petite échelle. Nous ne pouvons commencer à faire tous ces changements en même temps. Toutefois, nous devons commencer à nous diriger vers un système, à développer les technologies de l'information et à contrôler les patients à risque. En Saskatchewan, je crois qu'il y a une amputation tous les deux jours en raison des complications du diabète. Je soupçonne que les statistiques seraient semblables en Ontario.

Vous pouvez vous demander comment je sais que le diabète est la question la plus importante? J'utilise le diabète comme exemple. S'il existe une autre question, d'accord, nous pouvons y faire face, mais il y a des manières de le faire. La difficulté à laquelle j'ai fait face avec ma commission, la difficulté à laquelle vous faites face et celle à laquelle fera face la Commission Romanow, c'est que nous avons eu plus de 20 commissions au cours des 20 dernières années dans ce pays. Pourquoi n'avons- nous pas mis en place des changements? Pourquoi ne pouvons nous pas faire de la santé primaire un système? Pourquoi ne pouvons-nous pas le faire? Je me suis débattu avec cette question et je n'ai pas de réponse pour vous aujourd'hui. C'est une question avec laquelle vous devrez vous battre.

Le sénateur Keon: Un prolongement de ce que vous venez juste de dire est d'atteindre la qualité. Par exemple, dans le cas du diabète, nous devons tenter d'offrir des services de qualité, un contrôle de qualité, des soins de qualité, la qualité de santé globale et ainsi de suite.

Vous avez également mentionné les technologies de l'informa tion. J'ai aussi passé un temps considérable à travailler avec d'autres sur les technologies de l'information. Mon sentiment personnel aujourd'hui - et il peut changer - est que nous avons échoué parce que nous avons commencé par le mauvais côté. Nous sommes tombés dans le piège consistant à concevoir un système d'envergure - au niveau national comme au niveau provincial - avec les technologies de l'information, et dans chaque cas c'est mort d'inanition.

Je crois qu'il serait fort simple de commencer par l'autre extrémité, soit avec le patient individuel, et de concevoir une carte de technologie de l'information. En d'autres termes, un dossier de santé que le patient posséderait et transporterait. Cette carte actionnerait les différentes barrières de protection dans l'ensemble des informations reliées à leur santé mentale ou à toute autre chose pouvant être utilisée contre eux à un moment en cours de route, et les dépôts de données ne seraient pas difficiles à relier. Ils seraient dans les cliniques communautaires, les hôpitaux communautaires, les hôpitaux tertiaires, les dépôts provinciaux, et finalement le dépôt fédéral, à des endroits comme l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS). Il est techniquement très possible de relier tous ces renseignements, mais nous ne le faisons pas. Comment voyez-vous l'univers évoluer dans ce domaine?

M. Fyke: Je ne suis pas un expert dans les techniques des systèmes d'information. Toutefois, l'information devrait être rassemblée à un endroit où les gens peuvent prendre des décisions de politiques publiques. Ainsi lorsque nous savons qu'une population est à risque, que X, Y et Z n'est pas respecté, cette information peut être colligée de manière à ce que la performance puisse être mesurée et retournée à la personne prenant soin du patient ou du client. La performance peut être mesurée, suivie et gérée. En conséquence, l'information doit être colligée collective ment à un endroit, et ensuite transmise aux fournisseurs.

Je crois que la United States Veterans Administration a fait un travail incroyable dans le domaine de la qualité et l'information est retournée à l'équipe qui suit le patient diabétique. Elle peut aussi regarder les statistiques et dire: «Il faudra changer le suivi de ces trois patients. Ils éprouvent plus de difficultés qu'ils ne devraient» au lieu d'attendre qu'ils se retrouvent à l'hôpital au service d'urgence en état de crise.

Je suis certain que nous sommes en mesure de concevoir un système de contrôle sophistiqué pour le système de santé. Le problème est que nous ne lui avons pas attribué de priorité. La pression se fait toujours sentir - et je parle comme ancien directeur général d'une grande région - pour ajouter une nouvelle infirmière au service d'urgence en raison de la liste d'attente. Vous ne pouvez jamais défendre publiquement des dépenses sur les ordinateurs. Je crois que nous n'avons pas fait les choses correctement.

Nous sommes très fiers que le système de soins de santé du Canada dépense environ 5 ou 6 p. 100 en frais d'administration en comparaison au 20-25 p. 100 pour le système américain. Je connais une région de santé dans ce pays qui dépense 3 p. 100 en administration. Il s'agit peut être de quelque chose dont nous ne devrions pas être fiers. Je ne dis pas que nous devrions embaucher plus de personnel et augmenter les frais d'administration. Toutefois il est peut-être nécessaire d'analyser les systèmes d'information dont nous avons besoin et de reconnaître qu'il faut mesurer et contrôler ce qui se passe. Il faudra peut-être se demander pourquoi le service d'urgence est plein. Il est peut-être rempli parce que nous ne disposons pas d'un programme d'immunisation dans la communauté.

Le sénateur Keon: En ce qui à trait à votre affirmation que le système n'est pas soutenable, je crois que toute personne qui travaille dans le système pendant une période de temps raisonnable serait objectivement d'accord avec cet énoncé. Mais nous faisons malmener lorsque nous faisons cette affirmation.

Suite aux auditions à Edmonton hier, une personne m'a arrêté, car elle avait l'impression que je soutenais des soins de santé privés, ce qui n'est pas du tout le cas. En fait, malgré mes antécédents comme médecin, j'ai passé toute ma carrière à travailler comme salarié et non comme médecin payé sur honoraires. Je suis actuellement administrateur en santé, mais je tente de traiter de cette énigme que nous vivons avec un système conçu pour payer les médecins et les hôpitaux, mais qui ne s'occupe de personne d'autre. Je vois l'énorme fardeau que nous mettons sur les patients pour les médicaments intraveineux à domicile, qui ne sont pas couverts pour des soins à domicile; ils tombent entre les mailles du filet, sans aucune couverture. J'ai soulevé la question de savoir si en fait nous avions actuellement un système 70/30, 70 p. 100 de financement gouvernemental et 30 p. 100 du secteur privé. Devrions-nous étendre ce système? Devrions-nous augmenter le financement et payer 100 p. 100? Que faire?

M. Fyke: Je veux seulement m'assurer que je comprends bien votre question. Demandez-vous si nous devons étendre la portion de 30 p. 100 provenant de ressources privées au-delà des hôpitaux et des médecins, et tout couvrir avec un partage 70/30?

Le sénateur Keon: Oui. Ce n'est pas aussi simple que cela, mais oui, analysons cette question.

M. Fyke: Bien, alors essayons de le faire tout en gardant les choses simples, car j'éprouve des difficultés avec les choses complexes.

Le sénateur Keon: D'accord

M. Fyke: Nous payons 70/30 et nous payions auparavant 80/20 et les pays membres de l'OCDE, je crois, se situent à environ 75/25. Quant à la question de savoir s'il s'agit de fonds publics ou privés, je ne crois pas qu'il s'agisse du coeur de la question. Que l'argent provienne de ma poche droite sous forme d'impôt ou de ma poche gauche sous forme d'honoraires, l'argent provient toujours de mon compte de banque.

Nous devons considérer le PDB. Est-ce que 10 p. 100 du PDB constitue un niveau de dépenses approprié pour un pays comme le Canada? Je sais que certains de vos témoins ont prétendu que 10 p. 100 était le chiffre magique. Je ne crois pas que qui que ce soit le sache. Nous pouvons nous demander ce qui n'irait pas si nous montions à 14 p. 100? On le pourrait.

La difficulté à laquelle font face les gouvernements provinciaux - vous l'avez déjà entendu - est la question de la supplantation d'autres services qui ont probablement un impact plus important que les soins de santé. La recherche indique que les soins de santé affectent 15 p. 100 de la santé de la population. Les 85 p. 100 qui restent sont affectés par l'emploi, l'éducation et le revenu. Regardez l'état de nos universités, elles sont débordées. Regardez l'état de nos routes ou un certain nombre d'autres secteurs. Nous pourrions mettre tellement d'argent dans les soins de santé que la santé de la population pourrait effectivement commencer à se détériorer.

Je crois que nous repoussons la frontière actuellement, étant donné que certains prétendent que nous ne devrions pas avoir de réduction d'impôt. Prenez la Saskatchewan par exemple. La Saskatchewan est juste à côté de l'Alberta. Il est impossible pour la Saskatchewan de suivre une politique de forte taxation quand l'Alberta prend la direction contraire.

La réalité est qu'il existe une pression politique incroyable sur les gouvernements pour réduire les impôts. En tenant compte de ce fait, où trouveront-ils les 10 p. 100 d'augmentation pour les soins de santé quand le revenu augmente de 1,5 p. 100? Ils devront le prendre de l'éducation. Ce serait un problème sérieux.

En ce qui concerne votre question, je me suis aussi débattu avec celle-ci. Si nous voulons engager 10 p. 100 du PDB sur la santé et diviser 70/30, alors certaines personnes paieront un montant incroyable de frais d'utilisation pour les médicaments, les soins à domicile, et cetera. Nous devrions équilibrer le tout et avoir des frais d'utilisation pour les médecins et les hôpitaux de sorte que les frais d'utilisation n'augmentent pas par rapport à aujourd'hui. C'est une option.

J'ai beaucoup lu, étudié les études RAND et celles de la Saskatchewan, les frais d'utilisation n'augmentent pas les revenus. Si vous imposez des frais d'utilisation assez élevés pour augmenter les revenus, il s'agit d'une autre taxe et cela affecte réellement l'équité. J'entends des gens dans les médias dire que les frais d'utilisation empêcheront les patients d'abuser du système. Je n'ai pas encore vu un patient qui écrive et signe ses propres ordonnances. Je n'ai pas encore vu un patient qui puisse faire une auto-référence à un chirurgien cardiologue. Oui, j'ai rencontré des médecins qui disent que les patients mettent beaucoup de pression sur eux pour avoir des ordonnances d'antibiotiques. Un médecin m'a dit «Si je ne le fais pas, ils vont ailleurs». Je lui ai dit «Alors ce que nous devons faire c'est de changer votre méthode de paiement pour que vous ne soyez plus rémunéré à l'acte, pour avoir la liberté de dire: "Monsieur vous avez une gorge irritée, mais vous n'avez pas besoin d'antibio tiques parce que ce n'est pas une infection virale"». Je me bats avec les frais d'utilisation et je ne vois toujours pas comment ils fonctionnent.

La Suède possède des frais d'utilisation, mais le financement public est à 84 ou 85 p. 100, je crois. Toutefois, oui, une option serait de répartir les frais d'utilisation à tous les éléments, et alors chacun paie un peu, et les médicaments et les soins à domicile sont inclus. C'est une option. À la lumière de l'environnement politique, c'est peut-être une approche. Ce n'est pas mon approche préférée.

Le sénateur Keon: Je dois dire que ce n'est pas la mienne non plus. Je vais me désister, car j'ai peur de manquer d'objectivité.

Le sénateur Morin: Monsieur Fyke, j'ai lu votre rapport avec grand intérêt. Je crois que c'est un rapport remarquable. Deux questions s'appliquent à l'échelle nationale. L'une traite de la réforme des soins primaires et la seconde de la qualité des soins. Je crois que vous avez été le premier à soulever l'importance de la qualité des soins et son contrôle dans notre système. C'est très important.

Vous êtes peut-être familier avec le travail du National Institute of Medicine aux États-Unis et leur rapport qui a suivi de près le vôtre. Je me demandais si vous croyez que leurs recommanda tions sont applicables dans ce pays.

De plus, pourriez-vous élaborer sur votre réforme des soins primaires? Je crois que c'est une question très importante. Je crois qu'il y a un soutien unanime pour cela. La Commission Claire du Québec, par exemple, la soutient. Toutefois, il existe diverses modalités, il y a des différences entre diverses recommandations. Pouvez-vous nous donner votre propre plan pour une réforme des soins primaires.

Finalement je désirerais faire un commentaire au sujet des fonds publics et privés. Comme vous le dites si bien - je crois fermement en un seul payeur - le problème avec les fonds publics est qu'ils sont en concurrence avec l'éducation, les autoroutes, et autres choses du même genre. Les fonds privés concurrencent les vacances en Floride ou à Victoria ou l'achat d'une voiture. En vieillissant, vous ne vous objectez pas à ce que 20 ou 25 p. 100 de votre propre argent aillent en soins de santé. Le coût des produits naturels augmente de 15 p. 100 par an dans ce pays. Personne ne s'excite à ce sujet parce que c'est totalement du domaine privé. Si cela faisait partie de notre régime de santé national, nous découvririons que plusieurs personnes tenteraient de trouver des moyens de réduire ces coûts.

Ayant dit tout cela - et je suis tout à fait d'accord avec vous - la préoccupation avec un payeur unique est qu'il fait concurrence à d'autres priorités sociales qui sont certainement aussi importantes que la santé.

M. Fyke: Je répondrai aux deux premières questions. Je ne suis pas certain de pouvoir répondre à la troisième question parce que je me débats moi-même avec celle-ci.

C'est une question de perception, de notre attitude par rapport au paiement des taxes et impôts. Lorsque nous achetons une nouvelle voiture, nous ne nous préoccupons pas de savoir si nous faisons un choix entre les taxes pour améliorer le système de soins de santé et acheter une voiture. Nous comparons l'achat de la nouvelle voiture à un voyage à Victoria.

Je considère les soins de santé dans une perspective de politique publique. Quelle part du BPC dépenserons-nous, et allons-nous en avoir pour notre argent? Qu'il s'agisse de fonds publics ou privés, nous devons regarder la valeur obtenue pour notre argent. Dans mes 40 ans de travail au sein de la fonction publique, j'ai considéré les dollars d'impôt comme des dollars dont il faut prendre soin, comme de mon propre argent. Je crois que nous devons prendre cette approche avec les fonds publics. Je ne suis pas sûr de pouvoir vous aider avec la troisième question car elle est reliée à l'attitude que nous, Canadiens, avons à l'égard du secteur privé et public.

En ce qui a trait au National Institute of Medecine, oui, j'ai lu le rapport. Certains disent que cela ne s'applique pas au Canada. Je demande comment nous le savons. Je soupçonne qu'étant donné la nature contestataire des citoyens américains, cela s'applique encore davantage ici, je ne sais pas. Je sais que le Collège des médecins et chirurgiens de la Saskatchewan estime que cela s'applique probablement à la Saskatchewan, et que cela signifierait une mort clinique par jour. Aux États-Unis, c'est100 000 morts - quelque chose comme l'écrasement de trois avions chaque jour.

Nous devons analyser ces chiffres non comme un élément que nous préparons à critiquer - on les appelle des erreurs médicales. Je les appelle des erreurs cliniques parce qu'elles peuvent survenir de plusieurs façons. Il peut s'agir d'une erreur du médecin, d'une mauvaise interprétation d'une ordonnance médicale au départe ment de soins infirmiers, d'un mauvais dosage d'un médicament administré par une infirmière, ou encore de l'erreur d'un pharmacien dans la préparation d'un médicament. Une erreur peut être plusieurs choses.

Nous devons analyser ces questions et il ne s'agit pas de blâmer qui que ce soit. Nous devons cesser de chercher des coupables et regarder comment nous pouvons améliorer le système. Dans l'industrie automobile et dans d'autres industries, on a pris une approche globale pour examiner comment améliorer la qualité. C'est quelque chose que nous avons besoin de faire dans le domaine de la santé au Canada, une chose que nous n'avons pas été disposés à faire jusqu'à ce jour.

En ce qui a trait aux soins primaires, il existe plusieurs modèles. J'ai recommandé un modèle en vertu duquel le réseau de soins primaires serait organisé au sein de la structure régionale en Saskatchewan. Les soins primaires sont importants de plusieurs façons, mais dans les régions rurales où uniquement un ou deux médecins dans la communauté sont disponibles en tout temps, ils sont très importants. Les soins primaires permettent à ces médecins d'être sur appel peut-être une fois par quatre nuits ou aux quatre semaines. Cela rend la vie dans les petitescommunautés beaucoup plus attrayante pour les médecins et ils sont plus intéressés à y rester.

J'ai entendu des médecins dire que 50 p. 100 de leur pratique pourrait être faite par quelqu'un d'autre, mais ils doivent faire de longues heures en raison de la rémunération à l'acte. Un médecin m'a dit qu'il avait vu 54 patients à son bureau la veille et de ceux-ci seuls cinq avaient vraiment besoin de ses services. Les autres, cas disait-il - et il les a énumérés - auraient pu être réglés au téléphone. Il s'agit d'une anecdote véridique qui m'a été relatée, et c'est une chose pour laquelle je critique le système de soins de santé, il faut donc le placer dans sa juste perspective.

L'une des autres questions entourant la viabilité du système de soins de santé canadien qui me préoccupe n'est pas seulement l'argent, c'est la capacité intellectuelle: les infirmières et les professionnels. Aujourd'hui, les jeunes étudiants n'ont beaucoup d'autres choix à l'université que le domaine médical. Nous devons commencer à utiliser les gens à 100 p. 100 de leurs compétences - Je dis qu'il ne s'agit pas seulement d'une question de perspective économique, mais pour nous assurer que nous disposons des ressources humaines. Je crois que votre rapport fait référence à des recherches de l'OHIP dans lesquelles 33 p. 100 des factures des spécialistes couvraient des actes de médecin de famille, et 67 des factures des médecins de famille présentaient des actes que quelqu'un d'autre aurait pu faire. Nous devons analyser ces questions. Elles soulèvent cette autre question: avons-nous un manque de professionnels en soins de santé dans ce pays? Si vous fiez aux nouvelles du soir, la réponse serait, oui. Toutefois, je n'en suis pas convaincu.

Le sénateur Carney: Comme résidente de la Colombie-Britannique, je peux vous assurer que cette province manque réellement d'organismes spécialisés comme l'Agence du cancer de la Colombie-Britannique et d'autres agences, mais ils peuvent en discuter.

Je voudrais profiter de votre expérience de la prestation de services de santé dans les régions rurales, car nous n'en avons pas parlé ici. Concrètement, quelles sont les attentes? Quelle est la réalité? Par exemple, je vis dans une région où il n'y a pas de personnel de santé. Nous avons des travailleurs de premiers soins, un service 911 et un service d'ambulance aérienne excellent à travers toute la Colombie-Britannique, mais nous n'avons pas de personnel de soins de santé au sol. La différence entre la Saskatchewan et nous est notre territoire montagneux où le transport difficile et les conditions météorologiques gênent le transport aérien ou routier. À Nelson, si vous avez un problème de cancer de la prostate, vous passez par un sentier à travers une région montagneuse pour voir le seul spécialiste dans la région. Vous avez le choix de passer par Kelowna, par la chaîne de montagne, pour la chirurgie ou, dans l'autre sens, Calgary - par l'autre chaîne de montagne - pour des traitements deradiothérapie par la suite.

C'est la réalité. Est-ce la réalité en Saskatchewan? Est-ce qu'un résident de la Colombie-Britannique qui vit dans une région rurale peut s'attendre au même niveau de service que dans le Lower Mainland ou dans la région de Victoria ou devrons-nous continuer à livrer des services décentralisés par le biais de ces autres moyens?

M. Fyke: Les soins de courte durée tels qu'ils sont administrés aujourd'hui grâce à la technologie ne peuvent en réalité être étendus à toutes les régions rurales. Je parle des soins de courte durée qui nécessite la haute technologie. Toutefois vous pouvez avoir des soins primaires. Bien entendu, ils peuvent être de différents niveaux, je ferai à ce sujet un commentaire dans quelques minutes.

Ensuite, vous pouvez avoir un excellent service d'ambulance. Mais quand vous vivez dans une région rurale, vous n'aurez jamais le même service, le même niveau que vous auriez à deux rues de l'Hôpital Général de Vancouver. Dans la région rurale de Saskatchewan, j'ai trouvé en analysant les services d'ambulance, et la norme que j'ai utilisée était ce que devrait être la réponse moyenne des ambulances - j'ai porté mon choix sur 30 minutes. En parlant avec les spécialistes de l'entreprise de service d'ambulance, ils m'ont dit que ce n'était pas aussi important que la distance du site, ce qui est important c'est que l'exploitant du service d'ambulance sache quoi faire avec vous. En d'autres mots, il peut vous stabiliser, poser un cathéter, vous mettre sous intraveineuse ou ce qu'il faut. J'ai utilisé un délai de réponse de 30 minutes et ensuite un délai de réponse moyen de 60 minutes à un établissement de soins intensifs.

Dans les régions rurales - que ce soit en Saskatchewan, en Colombie-Britannique ou dans le nord de l'Ontario - nous avons besoin d'un bon service quotidien, un service de soins de santé primaires. Cela peut vouloir dire une infirmière clinicienne ayant une formation supérieure; il peut s'agir d'un médecin qui couvre la région, une plus grande région; il peut s'agir d'un médecin présent trois jours par semaine, mais nous avons besoin d'infirmières cliniciennes de haut niveau et d'un bon service quotidien.

Dans des régions de Saskatchewan comme Beechy et peut-être 10 ou 11 autres, où les médecins ne restaient pas, on a mis sur pied un service de soins de santé primaires. Maintenant le médecin est sur appel aux trois semaines plutôt qu'en tout temps avec des infirmières de niveau supérieur; les gens de cette communauté aiment bien ce mode de fonctionnement.

En résumé, nous avons besoin de bons soins de santé primaires et d'un bon service d'ambulance dans ces régions. Mais si vous posez la question: aurons-nous toujours un hôpital de soins intensifs dans ces régions, absolument pas. Je pense que nous devons reconnaître que les petits hôpitaux ne peuvent fournir des soins de santé intensifs, sûrs, de haute qualité en raison de la technologie et de l'infrastructure nécessaires pour fournir ce service. Ce sont là des mots durs pour les résidents de nombreuses régions rurales. Je le reconnais parce que les briques et le mortier d'un hôpital sont devenus le symbole de la santé, mais en réalité ils ne le sont pas.

Le sénateur Carney: J'apprécie votre franchise sur ce sujet parce qu'où j'habite il y a un service de soins de santé primaires dispensé par des travailleurs bénévoles de premiers soins et quelques autres personnes et c'est fort apprécié. Pouvez-vous nous donner une suggestion sur la manière de les améliorer? Les gens doivent voyager des centaines de milles pour leur radiothérapie, par exemple. Voyez-vous quoi que ce soit dans l'avenir qui pourrait aider les gens qui doivent aller suivre un traitement dans des conditions difficiles?

M. Fyke: Je n'ai pas de solution en cas de tempête de neige en Saskatchewan ou même - et il y a la tempête de neige surprise en Colombie-Britannique, mais pas à Victoria. Je crois que l'espoir que je leur offre est un bon service d'ambulance. L'autre question revient à savoir: qu'est-ce qu'un service assuré? Est-ce que le transport est un service assuré? Présentement, il ne l'est pas et cela présente un désavantage pour les gens venant de régions nordiques, à Toronto par exemple. Le transport est un problème majeur. La question est de savoir si on devrait aider ces gens d'une manière ou d'une autre.

Une autre préoccupation est que le patient devrait être admis au service de soins intensifs - qu'il s'agisse d'une chirurgie à coeur ouvert ou d'une greffe de hanche ou d'un traitement du cancer - selon le besoin et non l'emplacement. J'ai entendu des ruraux se plaindre que les citadins ont toujours la première chance de recevoir des soins intensifs. J'ai demandé à une infirmière dans une unité de soins intensifs d'un grand hôpital majeur en Saskatchewan s'il y avait seulement un lit de service de soins intensifs et s'il y avait deux accidents vendredi soir, l'un juste devant la porte et l'autre à Yorkton, Saskatchewan, quel patient obtiendrait ce lit de service de soins intensifs? Je voulais savoir si la décision était fondée sur le besoin ou l'accès. Je n'ai pas obtenu une réponse directe, mais j'ai présumé de la réponse obtenue que vraisemblablement l'accès avait quelque chose à voir dans la décision. Ce ne devrait pas être le cas. Les ruraux devraient avoir un accès conformément aux besoins. Je veux dire, il s'agit d'une décision médicale. C'est le médecin d'une région éloignée du Canada qui parle au spécialiste. Nous pourrions certainement être un peu plus sensibles à la question.

Le président: J'aimerais terminer avec une question qui revient à la vôtre sur le besoin de modifier la culture. On sait fort bien que changer la culture d'une entreprise, d'une industrie est une chose très difficile. La majorité de la recherche dont nous avons pris connaissance s'est appuyée sur un changement de culture des médecins - presque comme si le problème de culture était simplement un problème des fournisseurs, et que les patients n'avaient rien à y voir. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons inclus dans notre rapport une partie qui demandait comment inspirer un changement de comportement chez les patients et chez les médecins. Un exemple que nous avons fait circuler au sein du comité est celui de ma propre fille, qui amène nos petits-enfants chez le pédiatre pour des visites de routine qui pourraient sans doute tout aussi facilement être faites dans une clinique de soins de santé pour bébé. Je lui ai demandé pourquoi elle faisait cela. Sa réponse a été qu'il n'y avait aucune incitation à faire autre chose.

Il me semble qu'il y a un problème ici. Il appartient aux patients d'utiliser le système d'une façon responsable. Nous n'avons vu aucune recherche dans ce secteur. Est-il judicieux même de poser cette question? En d'autres termes, comment rend-on les patients plus responsables de leur propre santé et de la manière dont ils utilisent le système?

M. Fyke: La seule recherche que j'ai vue peut compter pour 1 p. 100 et je pense qu'elle provenait des données de la Fondation canadienne sur la recherche en santé. Mais je pense que les incitations ont quelque chose à y voir. Je ne pense pas que chaque enfant ait besoin d'aller chez le pédiatre; il pourrait aller à une clinique pour bébés. Mais je pense aussi que nous ne sommes pas organisés de façon à ce que le médecin soit relié à la clinique de soins de santé pour bébé.

Je ferai juste un commentaire avant de conclure, je vous demanderais de lire un livre de Clayton Christensen de la Harvard Business School. Il s'interroge sur l'échec des bonnes entreprises. Il dit qu'écouter les clients est une arme à deux tranchants. Les bonnes entreprises sociétés écoutent les clients, dit-il, mais seulement jusqu'à un certain point. Il différencie la technologie de support et la technologie perturbatrice. Il dit qu'il y a toujours une pression énorme à mieux faire ce que vous faites maintenant, et il utilise les soins de santé comme exemple. Nous avions la radiographie, puis la scanographie, puis l'imagerie par résonance magnétique et maintenant nous avons la tomographie par émission de positrons. Il dit qu'il est temps de considérer la technologie perturbatrice. La raison pour laquelle vous ne mettez pas en oeuvre la technologie perturbatrice est principalement votre client; les clients ne l'aiment pas, mais il arrive un point où vous ne pouvez pas écouter vos clients. Pour survivre, vous devez mettre en oeuvre une certaine technologie perturbatrice. L'ordina teur portatif était une technologie perturbatrice. La réforme en soins de santé primaires est une technologie perturbatrice. Christensen dit qu'il est parfois temps de sauver la société. Les bonnes sociétés qui survivent sont celles qui savent quand ne pas écouter leurs clients et passer à la technologie perturbatrice pour leur bien à long terme.

Je pense que nous sommes rendus au point, dans le domaine des soins de santé, où nous avons peut-être besoin de quelque technologie perturbatrice pour sauver le système de santé. Je vous réfère au livre de Christensen du Harvard Business School.

Le président: J'en déduis que vous voulez dire perturbateur pour les patients de même que pour les fournisseurs, et non uniquement pour les fournisseurs?

M. Fyke: Perturbateur pour les clients, tous les clients.

Le président: Pour tous les autres?

M. Fyke: Tous les autres. Ce sont des décisions difficiles, mais un très beau livre à lire. Un livre très révélateur, je crois.

Le président: Connaissez-vous le nom du livre?

M. Fyke: Clayton Christensen est l'auteur. Il a été écrit il y a environ deux ans.

Le président: Merci beaucoup de votre présence. Comme d'habitude, un entretien avec vous est toujours fascinant.

Sénateurs, nos témoins suivants sont Dave Barrett et Marc Eliesen, les présidents conjoints du Tommy Douglas Research Institute. Vous êtes entre vieilles connaissances, messieurs, comme vous le savez, et, de fait, l'amitié entre Marc et moi remonte au début des années 70 au Manitoba, ce qui ne nous rajeunit pas.

M. Barrett et M. Eliesen ont fait circuler un mémoire. Je me demande si vous voudriez en présenter les points saillants parce que, comme vous le savez, nous désirons vous poser un grand nombre de questions. Un grand merci pour votre présence et il est agréable de vous voir à nouveau depuis notre première rencontre au début de 1970, juste après que vous soyez devenu premier ministre.

M. Dave Barrett, président, Tommy Douglas Research Institute: Je veux tout d'abord dire combien j'apprécie les travaux de ce comité. En tant qu'ancien politicien, je pense qu'il n'y a jamais eu de compréhension d'un sénat fonctionnel. Cela n'est pas vrai de tous les sénateurs malheureusement. Mais vous représentez un sénat qui fonctionne dans le rôle que les fondateurs de la nation avaient conçu initialement. Le sénateur Lawson, également de Colombie-Britannique, Mme Carney etM. St. Germain, c'est un plaisir de vous voir ici et je réjouis de notre échange et des fruits qu'il produira.

Comme vous l'avez dit, monsieur le président, il n'y a guère avantage à passer le tout en détail, mais il y a quelques points que je voudrais souligner. Je me suis débattu avec l'un d'eux à la fin de la dernière présentation. C'est l'idée des cliniques pour bébés.

Quand j'étais jeune travailleur social à St-Louis, Missouri, et que je suivais un cours de maîtrise en travail social, ma femme et moi-même sommes arrivés à St-Louis avec notre premier enfant et nous sommes allés à une clinique pour bébés dans une région urbaine, à proximité des deux centres médicaux universitaires. J'ai alors vécu l'une des expériences les plus choquantes de ma vie. Si tout le monde pense que le secteur privé va diriger une puériculture ou que les puéricultures disponibles aux États-Unis sont un exemple différent de ce que nous avons ici, je vous dis franchement, oubliez ça. Allez là bas et passez une journée dans une puériculture. L'odeur, la malpropreté, le manque de service sont épouvantables. Les jeunes mères, surtout noires, attendent pendant des heures, si ce n'est pas une journée entière, pour que quelqu'un fasse un examen superficiel de l'enfant. Quarante-cinq millions d'enfants aux États-Unis n'ont pas de couverture de soins de santé primaires. C'est un système à deux vitesses. Ceux qui pensent que c'est moins coûteux de prendre la route du secteur privé pour les soins de santé aux bébés ne comprennent pas ou ne saisissent pas le sens de l'exemple primaire de solution de rechange à la disposition de tous ceux qui veulent voir ce qui se passe aux États-Unis.

Dans ce pays nous sommes passés par un changement de culture, une lutte politique de 30 ans qui a abouti au développement au Saskatchewan d'un système à payeur universel. Ce n'était pas de la médecine socialisée, pas un ordre de voir un médecin particulier. C'était un système universel à payeur unique qui combinait le meilleur et le pire des deux systèmes. Il a bien fonctionné. Il est encore fourni à un PIB inférieur à celui des États-Unis. Il accueille tout le monde dans ce pays, d'un océan à l'autre. Je dirais que s'il existe une seule chose qui nous garde ensemble comme nation, c'est le système à payeur unique que nous avons. Cela ne veut pas dire que nous n'ayons pas de problèmes avec le système; nous en aurons toujours. Les problèmes semblent toujours se centrer sur l'argent, mais il y a d'autres problèmes également. Les Canadiens apprécient grande ment leur système de soins de santé parce qu'il sous-tend notre sens d'être Canadien. J'ai souligné ce point. Il y a des défis sérieux.

Nous avons lancé le Tommy Douglas Research Institute parce que nos femmes n'en pouvaient plus de nos plaintes incessantes au sujet de ce qui survenait dans les services publics, et autour d'une bouteille de vin un soir nous avons décidé de lancer l'institut. Heureusement, nous avons réussi à démarrer l'institut et nous espérons être un porte-parole «sans parti pris» en soins de santé.

Notre première parution visait à atteindre les spécialistes dans le domaine et en janvier de cette année nous avons présenté à Toronto «Revitaliser l'assurance-maladie: Solutions publiques aux problèmes communs» par quatre grands spécialistes en soins de santé: le Dr Morris Barer, le Dr Robert G. Evans, le Dr Michael Rachlis et M. Patrick Lewis, vous connaissez très bien certains d'entre eux. L'étude suggère que les problèmes dans notre système de soins de santé sont influencés par ceux qui possèdent un agenda pour les soins de santé basés sur le profit. C'est une opinion à laquelle nous tenons très fortement et - pour être franc - l'un des porte-parole est l'Institut Fraser. L'étude présente de nombreux exemples de réformes et d'innovations susceptibles de rendre notre système plus efficace, moins coûteux et de fournir des services médicaux de qualité supérieure.

La grande conclusion est que le système de soins de santé public du Canada offre le mécanisme le plus équitable et le plus efficace pour répondre aux défis de santé des Canadiens à l'avenir. Il rejette les appels alarmistes à la privatisation, constatant que plusieurs des innovations qui réforment déjà le système de soins de santé du pays sont plus faciles à introduire dans le réseau public du Canada que dans le système privé boiteux à but lucratif que l'on retrouve au sud de la frontière.

À ce sujet, je désirais relater notre propre expérience au début des années 70 avec l'approbation unanime de tous les membres de la Chambre. Nous avons instauré un système d'ambulance dans toute la province qui fonctionne encore aujourd'hui, qui avec celui de Seattle, est évalué comme l'un des meilleurs en Amérique du Nord.

Ainsi que l'a écrit le Dr Evans, l'un des auteurs de l'étude, professeur d'économie et un membre du Forum national du premier ministre sur la Santé:

Il y a plus de cinquante ans, Tommy Douglas a lancé notre grande expérience de l'assurance-maladie publique univer selle. À l'époque, le Canada et les États-Unis dépensaient environ les mêmes proportions de leur revenu national en soins de santé, et avaient un état de santé similaire. Maintenant les États-Unis dépensent 50 p. 100 de plus, possèdent 42 millions de non-assurés, et une moins bonne santé. Les Américains sont profondément mécontents de leur système de soins de santé, mais ne voient aucune porte de sortie. Nous avons fait un meilleur choix.
Il ne fait aucun doute que bien que l'assurance-maladie jouisse encore d'un large appui, de nombreux Canadiens sont de plus en plus préoccupés à la pensée que ces soins ne seront pas disponibles quand ils en auront besoin.

Toutefois, nous soutenons que ces préoccupations reflètent à un degré élevé les effets sur l'opinion publique des manchettes alarmistes et catastrophiques des médias dont les Canadiens ont été bombardés au cours des dernières années. Il est facile de blâmer les médias et certains d'entre eux sont ici, alors ne le prenez pas personnellement. Ils représentent largement à la fois la nature des entreprises journalistiques et le biais politique des propriétaires d'une grande partie de cette industrie. Ils représen tent aussi ceux qui historiquement ont toujours considéré les soins de santé comme une occasion d'affaires. Aujourd'hui, ces mêmes critiques, avec la même motivation, savent qu'il y a beaucoup d'argent à faire en détruisant notre système de soins de santé. Permettez-nous d'être franc sur le sujet, il y a beaucoup d'argent à faire dans le système de soins de santé privé - de gros sous, beaucoup d'argent. Regardez les rescapés sur le marché américain des actions.

Bien que la capacité des médias à influencer la perception des Canadiens soit réelle, les données sur les utilisateurs du système de soins de santé racontent une histoire entièrement différente. Une étude entreprise en octobre 2000 par Price Waterhouse Coopers démontre que bien que près de 60 p. 100 pensent que le système fonctionne bien, plus de 40 p. 100 admettent que des grands changements structurels sont nécessaires. Price Waterhou se n'est pas exactement un organisme de gauche. Or, 93 p. 100 des femmes, 83 p. 100 des hommes, qui ont été des patients durant la dernière année de cette même étude, se décrivent comme très ou assez satisfaits de leurs soins. Constatant les différences, les représentants de Price Waterhouse Coopers suggèrent que les gens n'ont pas tendance à suivre les médias.

Sept patients sur huit dans des hôpitaux de l'Ontario l'an dernier pensaient avoir reçu d'excellents soins de santé, selon un sondage exhaustif en soins de santé. Fondé sur les réponses de 30 000 patients d'une nuitée dans des hôpitaux de l'Ontario l'an dernier, 88 p. 100 évaluaient leur hospitalisation comme bonne ou excellente. Plus de 90 p. 100 étaient heureux des soins de leur médecin, 89 p. 100 ont exprimé leur satisfaction avec les services dispensés par les infirmières, et 93 p. 100 ont applaudi le travail des physiothérapeutes, des techniciens en radiographie et d'autres dispensateurs de soins. Selon Michael Dector, président de l'Institut canadien pour l'information en santé, qui a colligé un rapport sur 95 hôpitaux pour le gouvernement de l'Ontario et l'Association des hôpitaux de l'Ontario, «il se peut que lire les manchettes fasse plus peur que l'hospitalisation elle-même». Je dois lui donner du crédit pour cette phrase, bien qu'elle ne soit pas mauvaise.

Le Centre de politique et d'évaluation de la santé du Manitoba a commenté récemment une recherche entreprise en Colombie- Britannique et au Manitoba sur la façon dont des fermetures de lits d'hôpitaux ont affecté la santé de la population, notamment les gens de 65 ans ou plus. Les manchettes des médias dans les deux provinces étaient pleines de désastre et de désespoir, prévoyant plus de décès et plus de difficultés à être admis dans les hôpitaux. Dans les deux cas, les prédictions ne se sont pas concrétisées.

Nous croyons, avec quelque parti pris, qu'il y a une campagne bien orchestrée pour détruire le système de soins de santé public du Canada. C'est une campagne caractérisée par un langage de crise pour décrire l'état actuel du système de soins de santé canadien, et qui ne contribue pas selon nous à un débat serein autour de l'avenir de système de soins de santé national du pays.

La rhétorique de réforme du système de soins de santé du Canada au cours des derniers mois se concentrait sur l'explosion des coûts et sur notre «incapacité à payer» pour des dépenses grandissantes en soins de santé publics.

Le Tommy Douglas Research Institute soutient que la campagne sur la «soutenabilité» est profondément trompeuse et n'a aucun rapport avec les nombreuses études et rapports entrepris au cours des 30 dernières années démontrant que notre réseau public est plus efficace et moins coûteux que toute autre solution du système à but lucratif.

Les coûts des soins de santé publiquement financés n'ont jamais, au grand jamais durant toute leur histoire «explosé» hors de tout contrôle au Canada. En fait, le taux de dépense en soins de santé a diminué après l'établissement complet de la couverture universelle pour les hôpitaux et l'assurance-maladie, donc contenant les coûts plutôt que de les faire monter.

J'aimerais vous référer à une étude de l'université Stanford sur la comparaison des coûts entre le système canadien à payeur unique et le système américain. Une des choses qui ressortaient, de mon souvenir de lecture de cette étude particulière de Stanford, était les coûts d'administration. Vingt-trois pour cent de chaque dollar dans les soins de santé privés aux États-Unis sont consacrés à la gestion; ici au Canada, c'est 9 p. 100. Pensez-y. Pensez à cette différence énorme dans les coûts de gestion.

Le total des dépenses en soins de santé au Canada au cours des derniers 25 ans - 1975 à 2000 - ajusté pour la population et l'inflation, révèle de petites et régulières augmentations de 1975 à 1991, avec une réduction annuelle de 1992 à 1996, suivi par une moyenne d'augmentation prévue de 3,6 p. 100 dans les trois dernières années. Les dépenses réelles totales en soins de santé pour 1999 et 2000 ne sont pas encore connues.

Antérieurement à l'introduction de l'assurance de soins de santé universels, le secteur privé représentait 57 p. 100 du total des dépenses en soins de santé. Après la mise en oeuvre complète de l'assurance-maladie en 1975, la part du secteur public avait augmenté autour de 75 p. 100, pendant que celle du secteur privé demeurait autour de 25 p. 100. Ces parts respectives sont demeurées relativement constantes jusqu'en 1985. Puis il y a eu le plafonnement des dépenses publiques avec la part du secteur public réduite à 70 p. 100 et celle du secteur privé à 30 p. 100.

Encore une fois, ajustées pour l'inflation et la population, les dépenses du secteur public ont augmenté lentement, sans croissance incontrôlable de 1975 à 1992 - «Sans croissance incontrôlable» serait la grande manchette dans les journaux du lendemain, mais ne misez pas là-dessus. Puis les dépenses ont diminué en termes réels de 1992 à 1997. Je souligne «diminué» en termes réels. Pendant ce temps, le Canada était le seul pays de l'OCDE à vivre une réduction dans le financement du secteur des soins de santé publics per capita. La projection de l'augmentation réelle de 3,6 p. 100 pour la période de 1998-2000 est reconnue comme une période de rattrapage, résultant de l'allocation par le gouvernement fédéral de 23 milliards supplémentaires aux provinces en 2000.

Comparativement à d'autres pays de l'OCDE, les dépenses en soins de santé publics du Canada en 1998 représentaient 69,6 p. 100 du total des dépenses en soins de santé, comparées à une moyenne de 73,6 p. 100 pour les pays de l'OCDE. En conséquence, le Canada se classait 21e parmi ceux ayant les plus bas coûts en soins de santé publics de ces pays.

Jamais, ni dans le passé ni actuellement, nous n'avons assisté à une hausse incontrôlable du coût des soins de santé. Les avocats des soins de santé à but lucratif peuvent introduire la notion que les baby-boomers vieillissants vont ruiner notre système de soins de santé universels. Eh bien, je veux vous dire que les baby-boomers ont une avance sur nous tous: Ils s'occupent d'eux-mêmes. Ils lisent des livres sur leur responsabilité personnelle pour le maintien de leurs propres soins de santé. Si les Canadiens acceptaient leur responsabilité personnelle pour le maintien des soins de santé de leur corps autant qu'ils le font pour leurs automobiles, nous serions tous en bien meilleure situation. Les voitures sont amenées pour une vidange d'huile et une lubrification. Les voitures sont amenées pour vérifier la pression dans les pneus. Les voitures sont amenées pour un lavage et polissage. Un peu de propreté, une vérification de votre tension artérielle une fois de temps à autre, boire un peu moins de scotch comme lubrifiant, et arrêter de fumer, et les choses peuvent s'améliorer. Les baby-boomers le démontrent. Il y a réellement une diminution dans l'utilisation des lits d'hospitalisation de courte durée pour des maladies chroniques dans ce pays. Ne le dites pas à tout le monde, mais les administrateurs d'hôpitaux le savent.

Nous devons assumer une responsabilité personnelle pour nos propres soins de santé primaires, et cela vient de l'éducation. Pendant que je sermonne tout le monde dans cette salle sur ce sujet, ceci ne s'applique pas à moi quand je mange avec excès. Il s'agit de la modération que démontrent les baby-boomers, que ma génération n'a pas. C'est fort difficile de prendre soin de soi quand nous sommes tentés par tant de choses. C'est vrai. Franchement, nous sommes trop bien organisés. En conséquence nous assistons à une répétition de la tactique employée envers les Canadiens au début des années 90 voulant que le Canada soit face à un mur de dettes si persistaient les déficits d'alors dans le secteur public. Quand l'économie s'est inversée et a connu une croissance importante, les revenus gouvernementaux ontaugmenté, les déficits ont disparu, et toutes les provinces allaient beaucoup mieux.

Il est vrai, bien sûr, que les plus vieux, en moyenne, ont besoin et utilisent davantage les soins de santé. La rhétorique de crise, toutefois, qui décrit le système de soins de santé comme faisant face à un effondrement imminent, va à l'encontre de toutes les preuves disponibles au Canada, et également les preuves empiriques internationales.

Pour ceux qui désirent introduire au Canada un système de soins de santé à deux vitesses, un système de soins de santé privés à but lucratif, en parallèle au système actuel sans but lucratif - notamment dans les hôpitaux - il est instructif d'examiner les nombreuses études et les évaluations entreprises. La conclusion de base: la fourniture des soins de santé à but lucratif est considérablement plus coûteuse, avec une plus faible qualité de soins de santé, par rapport aux soins de santé publics ou sans but lucratif.

Je veux parler de quelque chose de très sérieux reliée aux soins de santé, en même temps que des choses sérieuses dont nous parlons tous. C'est en quelque sorte une diversion, mais j'aimerais que vous écoutiez parce ce que c'est alarmant et j'ai été si alarmé que j'ai écrit une lettre personnelle au premier ministre Mike Harris de l'Ontario au sujet d'une déclaration qu'il a faite sur l'introduction des soins de santé privés en Ontario. Le ministère américain de la Justice a estimé que du 1,5 milliard de dollars américains recouvrés de fraudes commises entre 1997 et 2000, 840 millions provenaient du secteur des soins de santé sans but lucratif, avec le reste de cette récupération des barons de la drogue et du crime organisé. Pour répondre à l'augmentation des fraudes dans le secteur privé des soins de santé, maints États ont dû créer des unités de fraude en soins de santé. Le nombre d'avocats et d'enquêteurs spécialisés en fraude en soins de santé a augmenté de 58 p. 100 depuis 1994 et le FBI a augmenté les agents sur le terrain dans ce secteur de 340 p. 100. Il est clair que les services de soins de santé fournis par le secteur à but lucratif sont plus enclins à des abus frauduleux que ceux offerts par le secteur public ou sans but lucratif. On a assisté à une augmentation remarquable des procès aux États-Unis contre les dispensateurs de soins de santé du secteur privé simplement comme réponse réflexe.

Sur une note personnelle et je ne pense pas que c'est totalement déplacé, Extendicare s'est retiré de certains des États américains, et pour cette raison, sénateur Kirby. Il est indéniable que ces choses se produisent.

Pour conclure cette présentation, l'institut aimerait commenter sur votre désir de chercher un débat non idéologique sur la question des soins de santé. Je ne pense pas que ce soit possible, mais j'essaierai d'être non idéologique. Nous constatons, toute fois, que certaines de vos questions et de vos recommandations possibles, de par leur nature et leur structure, sont idéologiques. Vous demandez «s'il est équitable de refuser à des gens qui sont en mesure d'acheter des services de santé le droit d'acheter ces services». «Je ne me suis jamais abstenu de dire «Allez dans le sud et achetez vos propres soins de santé si vous le voulez». Je ne l'ai jamais refusé à quelqu'un. Tout le monde qui veut dépenser de l'argent dans le système de soins de santé américain, s'ils ne sont pas heureux ici, qu'ils y aillent. Toutefois, lisez l'étude de Harvard qui montre la comparaison de la satisfaction entre les dispensateurs et utilisateurs de soins de santé canadiens et les utilisateurs et fournisseurs américains, et vous constaterez que le Canada est largement en avance au niveau de la satisfaction. Je n'ai jamais nié le droit d'un milliardaire ou d'un millionnaire, ou de qui que ce soit d'aller dans le sud et de dépenser son argent. Aucun problème, vous êtes libre de le faire, mais cela ne devrait pas être un argument pour refuser l'accès accru à de meilleurs soins de santé dans ce pays.

Le Dr Bob Evans de l'Université de la Colombie-Britannique a classifié correctement les honoraires d'utilisateur de soins de santé comme un «zombie» de la politique de soins de santé «une idée stupide qui a été discréditée à maintes et maintes reprises, mais qui rebondit toujours». Ce que le Dr Evans ne comprend pas, c'est que ceux d'entre nous qui ont été en politique ont souvent énoncé des idées stupides parce que nous pensions pouvoir ainsi obtenir des votes. Je l'ai moi-même fait. J'ai dû en payer à l'occasion l'avantage ou la pénalité. Les honoraires d'utilisateur sont une idée stupide; ils ne fonctionnent pas. Aussi pur et simple que cela, toute la recherche le démontre. Et cela ne m'a pas empêché d'utiliser des idées stupides à maintes et maintes reprises, et j'ai été à l'occasion la victime de ma propre politique.

Sénateurs, Tommy Douglas, le père de l'assurance-hospitalisation et de l'assurance-santé, a vu longtemps d'avance le besoin de refaçonner et de renforcer notre système de soins de santé. En 1961, il a décrit sa législation révolutionnaire pour laSaskatchewan: «enlever la barrière financière entre ceux qui ont besoin de soins de santé et ceux qui les dispensent» comme étant seulement la première étape. Il suggérait que la deuxième étape serait d'établir un nouveau type de système de livraison des soins de santé sur le terrain; un système qui comprend des soins basés dans la communauté, de la médecine préventive focalisée sur le maintien des soins de santé et un mécanisme de rechange pour les dispensateurs de soins.

Durant le court laps de temps où nous avons été au pouvoir dans les années 70, nous avons demandé à un médecin éminent, le Dr Richard Foulks, qui avait eu une carrière remarquable dans l'Armée de l'air canadienne et ultérieurement comme administra teur d'hôpital à New Westminster, de faire une étude pour nous. Nous avons à peine touché à ce rapport Foulks au gouvernement pendant la courte période où nous avons été au pouvoir, ce qui a toujours été l'un de mes très, très grands regrets. C'était un projet écrit dans les années 70 qui reflétait le rêve de Tommy Douglas et ce qu'il espérait que nous réalisions en tenant compte des installations communautaires de soins de santé. La position, avec l'emphase sur les principes d'universalité et la gestion publique, a été soutenue par de nombreux rapports provinciaux et par le Forum national sur la santé qui a soumis son rapport quadriennal en 1998. Il serait ridicule, et même désastreux, d'accepter le diagnostic et «les thérapies» offerts par les ennemis del'assurance-maladie; les ennemis qui savent qu'il y a beaucoup d'argent à faire en détruisant l'assurance-maladie.

Je veux vous remercier, sénateurs, de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue biaisé. Nous chérissons notre point de vue biaisé. Nous le soutenons avec des statistiques et des informations que nous pouvons fournir là-dessus, et nous sommes heureux de discuter de cela, n'importe où, à tout moment, avec tout autre institut qui présente son point de vue biaisé. Laissez-nous y aller publiquement. Toutes les preuves nous démontrent que nous sommes des gens très, très chanceux dans ce pays. Nous sommes très chanceux d'avoir le genre de système de soins de santé que nous avons, et nous avons une obligation de le maintenir.

Nous serons heureux de répondre à toutes vos questions.

Le président: Merci de votre présentation comme d'habitude «non provocatrice» et comme d'habitude, monsieur, extrêmement bien dite.

Le sénateur LeBreton: Monsieur Barrett, merci beaucoup pour votre comparution aujourd'hui. Ce qui me fait tout simplement souhaiter comme politicien fédéral à Ottawa que nous ayons pu vous avoir un peu plus longtemps. Malheureusement, le Parlement manque présentement de ce genre de chose.

J'y étais à l'époque avec Diefenbaker, quand la Commission royale Hall, précurseur à l'assurance-maladie au Canada a été mise sur pied, et où les cinq principes de l'assurance-maladie ont été établis: l'universalité, l'accessibilité, la couverture exhaustive, l'abordabilité, et la gestion publique. Le régime à l'époque, comme nous avons entendu maintes personnes le dire, a été conçu dans les années 50 et 60 pour un système basé sur le médecin-hôpital comme vous le faisiez correctement remarquer. Vous parlez de soins de santé basés dans la communauté, de médecine préventive et de nouvelles manières de rémunérer les dispensateurs de soins de santé. Si Tommy Douglas était ici aujourd'hui, comment aurait-il décrit le système qui a été mis sur pied en Saskatchewan à la lumière des besoins modernes, de la population vieillissante, des exigences des soins à domicile, maintenant des produits pharmaceutiques et des nouvelles technologies? Que pensez-vous qu'il nous dirait aujourd'hui s'il était assis à votre place?

M. Barrett: Je pense que M. Eliesen a travaillé avec Tommy dans le domaine administratif beaucoup plus que moi. Mon expérience avec Tommy était totalement politique. En me fiant à la conception qu'il avait de lui-même et au pourquoi de son engagement dans la vie publique et de sa conviction religieuse profonde, sa réponse serait assez passablement proche, j'espère, de celle que M. Eliesen et moi d'apporter avec l'institut. Je pense qu'il voudrait parler d'incorporer de nouvelles idées et d'aborder des méthodes innovatrices. Au-delà de cela, je pense qu'une des choses qu'il rejetterait est le fait de «dénigrer le médecin ou l'infirmière», ce qui est une erreur grave dans ce pays et il y en a beaucoup. Nous avons un personnel dévoué et il n'obtient pas assez d'attention publique pour son dévouement et ses services, comme les statistiques le démontrent. M. Douglas encouragerait les choix faits par les professions en matière de livraison des services, ce qui semble encore constituer une barrière.

Il y a 298 infirmières licenciées maintenant en Ontario qui ne sont pas entièrement utilisées à cause d'une barrière qui est réelle ou perçue entre la profession médicale et celle des infirmières. Il serait préoccupé par cela, le besoin d'un dialogue plus profond et de comprendre l'intégration professionnelle des services et des rôles. Il n'aurait jamais perdu son sens de l'humour.

Il dirait, à mon avis qu'il est temps de prendre du recul pour réfléchir peut-être de préférence maintenant que plus tard; c'est le temps de recueillir la meilleure de notre expérience. Si quelqu'un veut employer les relations industrielles ou les pratiques d'affaires comme exemple, toutes les entreprises, publiques ou privées, doivent réévaluer ce qu'elles font et comment elles le font. L'excellence résulte de la prise de décisions difficiles.

L'une des décisions les plus difficiles sur les cliniques de cancer était d'aller à Kelowna et à Victoria. Il prendrait ce genre de décision en fonction du fait qu'un centre urbain est en mesure de fournir les services - mais aidons-nous également pour le transport? Nous le faisons dans certains cas. Cette sorte de réflexion incessante, de révision et de questionnement aurait été l'approche de T.C. Douglas. Même après cette grève désastreuse des médecins en Saskatchewan, il n'y a jamais eu d'hostilité entre la profession et Tommy Douglas et, bien sûr, ses successeurs.

Un de vos propres collègues, «Staff» Barootes, je crois - était un adversaire de T.C. Douglas. J'étais en voyage parlementaire avec Staff, il m'a approché avec son langage merveilleusement coloré, il m'a décrit sa propre réaction des débuts des soins de santé avec Tommy, et il a fini par aimer le gars. Tommy était capable de vendre, de déplacer, de pousser. Quand j'ai vu un de ses plus sévères critiques changer d'avis et avouer qu'il avait raison, nous avions tort et nous devons tous aller de l'avant ensemble, cela m'a complètement renversé.

Je ne pense pas qu'il aurait parlé de solution simple. Je crois qu'il aurait dit que ce vous faites ici au comité sénatorial est très important. La Commission Romanow sur les soins de santé est très importante. Oui, je sais que les gens sont pressés, mais c'est en se hâtant que l'on fait des erreurs. Tommy Douglas dirait prenez votre temps, pensez-y à fond, c'est un bon moment pour prendre une pause, personne ne subit de préjudice et ensuite partez de là. C'est ce que je crois que sa réponse aurait été.

Le sénateur LeBreton: Monsieur Eliesen, désirez-vous ajouter quelque chose?

M. Eliesen: Le premier emploi que j'ai eu après mes études supérieures en économie a été avec la Commission Hall. J'étais l'économiste-recherchiste du directeur de recherche de la com mission. La principale position à ce moment-là d'un groupe de commissaires conservateurs avec un petit «c» ayant certains a priori, étant donné leur expérience au cours des ans, était que la preuve était si manifeste en faveur d'un système public à payeur unique que c'est ce qu'ils devaient recommander. Les faits l'exigeaient. Tommy Douglas y a toujours cru. Toutefois, son but premier - étant donné ses expériences personnelles de jeunesse, les problèmes avec son propre corps, et cetera - était la question d'accessibilité et d'incapacité à payer. Je crois très fermement aujourd'hui qu'il aurait voulu s'assurer que le système maintien dra une accessibilité fondée sur la capacité de payer, se poursuive dans le futur.

Le sénateur LeBreton: Dans la dynamique changeante dans laquelle nous vivons maintenant, où il y a moins de temps passé dans les hôpitaux et plus de temps à récupérer à domicile, comment restructureriez-vous le système pour couvrir les soins à domicile?

M. Eliesen: C'est évidemment un domaine difficile. Nous ne vivons pas dans un État unitaire. Nous avons un système provincial-fédéral et clairement, les services de soins de santé, bien que grandement influencés par le gouvernement fédéral par le biais des mécanismes de financement dans le temps, doivent demeurer une responsabilité provinciale. Toutefois, comme votre propre document le fait bien ressortir, il y a des occasions pour le gouvernement fédéral de fournir certains types de financement, de modifier certaines des méthodes pour les avantages à venir. Je crois que c'est un problème avec lequel d'innombrables personnes se sont battues au cours des dernières années: Le gouvernement fédéral - notamment durant les années 90 - s'est retiré du secteur des soins de santé et a laissé le fardeau aux provinces.

Pour l'avenir, c'est extrêmement important que le gouverne ment fédéral s'asseye autour de la table et fournisse ce genre de leadership - non seulement dans les soins à domicile ou soins primaires, mais aussi en matière de politique globale sur les médicaments.

Le sénateur LeBreton: De même que les soins de santé préventifs.

M. Eliesen: Oui, très certainement.

Le sénateur Carney: J'ai un problème pratique avec votre rapport, car aussi loin que je puisse voir, le rapport que vous nous avez remis ne contient aucune bibliographie. Les citations ne sont pas attribuées, de sorte que nous ne savons pas quelles sont les études ou les références.

M. Eliesen: Sénateur Carney, nous pouvons facilement les rendre disponibles.

Le sénateur Carney: D'accord, car vous tirez des conclusions étayées sur du matériel que vous nous présentez, mais à défaut de la source des données, il est difficile d'évaluer comment vous en êtes arrivé à ces conclusions.

M. Barrett: Une critique valable et nous fournirons ces données au Sénat.

Le sénateur Carney: Mon deuxième point est, je crois, que vous ne voulez pas admettre l'existence d'une partie du matériel que vous avez présentée ici. Le sujet des listes d'attente par exemple. Vous déclarez dans ce rapport qu'une fois que les gens sont admis à l'hôpital ils sont très satisfaits de l'expérience. Je pense que de nombreux Canadiens acceptent qu'une fois admis à l'hôpital, ils sont très satisfaits de l'expérience.

Le problème est qu'il est indéniable que nous attendons de plus en plus pour les services. J'ai été associée avec la Société d'arthrite et je suis actuellement associée avec le Centre de recherche du Canada sur l'arthrite et les gens attendent des mois pour voir un rhumatologue; ils attendent des mois pour obtenir le traitement. Une fois diagnostiqués, ils attendent pendant des mois pour une chirurgie et c'est la réalité. Vous suggérez que ces listes d'attente sont exagérées. Vous dites que la publicité entourant ces conclusions douteuses démontre clairement que les intentions établies par l'institut Fraser ont pour objectif d'influencer une réponse, non pour informer les décideurs sur un débat général.

J'aimerais avoir vos commentaires sur ma perception que vous refusez d'admettre le problème des listes d'attente et que l'accès à l'assurance-maladie, l'accès aux services médicaux est un problème.

Ensuite, vous avez fait une observation intéressante dans votre rapport sur les patients cancéreux. Vous dites qu'il est largement rapporté qu'un certain nombre de provinces considèrent actuelle ment leur délai d'attente inacceptable pour les soins en cancer. Vous dites qu'il y a peu d'information sur la façon dont les délais d'attente agissent sur les taux de survie. Ni qu'il n'existe beaucoup de preuves disponibles pour comparer l'efficacité de thérapie de plus longue durée.

Je vous demanderais de commenter là-dessus. De fait, les agences avec lesquelles je travaille ont la perception que si vous n'obtenez pas un accès rapide, par exemple, pour le cancer du sein - vous citez l'étude de l'Ontario - ou des soins pour la prostate et d'autres formes de cancer, cela a une incidence votre taux de survie. Je suis intéressée par votre évaluation voulant qu'il y ait peu de preuves à cet effet. Peut-être est-ce un secteur dans lequel vous pourriez faire quelque recherche. Voilà mes deux questions, pour le reste je suis d'accord avec beaucoup de choses que vous dites dans le rapport.

Clairement, je retiens de votre rapport, que vous ne faites pas de recherche primaire - vous faites de la recherche secondaire dans le sens où vous analysez les études de tiers et présentez votre interprétation de ces études.

M. Barrett: Oui, c'est juste. Nous en faisons certaines, oui.

Le sénateur Carney: C'est pourquoi vos sources sont importantes. Niez-vous qu'il y ait des listes d'attente pour ceux d'entre nous qui sommes dans la ligne d'attente? Niez-vous que l'accès au traitement et la durée de traitement n'aient rien à voir avec le taux de survie? Ce sont deux questions provocatrices.

M. Barrett: Cela dépend de la maladie.

M. Eliesen: Sénateur Carney, laissez-moi traiter directement de votre première question au sujet de la liste d'attente. Nous pouvons vous fournir et vous fournirons une liste complète d'études du fédéral et des provinces qui ont évalué ce secteur particulier en détail. Elles ont été employées et mal employées pour consommation publique comme élément de cette «crise» de notre système de soins de santé.

Le dernier rapport, qui était le «Projet des listes d'attente» des provinces de l'Ouest, qui vient juste d'être terminé, va dans le détail sur la mesure des listes d'attente. Les listes d'attente qui semblent attirer l'attention au Canada sont des choses comme la liste d'attente de l'Institut Fraser, basée sur un sondage de médecins. Je fournirai des données quantitatives professionnelles suffisantes.

Le sénateur Carney: Je comprends cela, mais comment traitez-vous le fait que moi-même et d'autres gens de la C.-B. soient sur une liste d'attente? Techniquement vous n'êtes pas inscrit sur une liste d'attente tant que vous n'atteignez pas un certain point. Niez-vous cela? Est-ce un mythe que je devrai attendre en ligne pendant deux ans?

M. Eliesen: Personne ne le nie. Toutefois, chacun a une perspective différente à savoir combien de temps ils devraient attendre, s'ils sont réels ou non conformément à leur médecin ou leur spécialiste, et, de plus, la sorte de traitement requise. Je vous fournirai toute la documentation qui porte sur ces mesures.

Le point est que personne ne nie qu'il existe des listes d'attente. C'est la façon dont ces listes ont été employées et exagérées. Dans notre système, tous ceux qui ont besoin de traitements d'urgence les obtiennent. Personne ne nie cela. Nous faisons face au jugement nécessaire, à savoir si quelqu'un attend pendant deux mois ou trois mois ou deux ans.

Nous devons regarder qui produit ces chiffres? Quelles sont leurs sources? Je vous fournirai les études du fédéral et des provinces qui analysent tout le problème des chiffres, lequel soulève un doute sur les tactiques visant à effrayer les gens, employées sur ceux qui publiquement s'expriment avec leurs listes d'attente en suggérant que le ciel nous tombe sur la tête et continue à tomber d'année en année.

Le sénateur Carney: Vous faites la déclaration que quelques études de listes d'attente en chirurgie dans d'autres pays ont trouvé que maintes personnes ne sont pas des candidats pour la chirurgie; certaines sont peut-être même décédées. Vous pourriez faire le rapport qu'elles sont décédées parce qu'elles étaient encore en attente de procédures chirurgicales.

M. Eliesen: Non, je pense au Royaume-Uni, qui a le plus d'expérience en termes d'efforts pour mesurer les listes d'attente, et qui éprouve encore d'énormes difficultés, bien qu'il possède un vérificateur indépendant qui essaie d'évaluer les cas. Je pense que le fait auquel vous référez en ce qui a trait au décès des patients, est que dans la dernière vérification qui a eu lieu sur les listes d'attente au Royaume-Uni, un tiers des gens auraient dû être sur cette liste d'attente. Maintenant, ce sont des jugements énoncés selon différents points de vue. Mais je peux vous fournir toutes ces informations détaillées.

Le sénateur Carney: Pouvez-vous expliquer que d'après vos conclusions il y a peu de corrélation entre les taux de survie et l'accès au traitement pour les patients atteints de cancer?

M. Eliesen: Bien, vous voulez parler du rapport deRachlis-Barer, je crois.

Le sénateur Carney: Comment le saurais-je? Vous ne donnez pas votre source.

M. Eliesen: Oui. Je vous donnerai les références à ce sujet.

M. Barrett: Je voudrais ajouter quelque chose à cette question très valide. Aucune bureaucratie n'a préséance sur la décision du praticien médical. Nous avons sur ce comité du Sénat l'un des premiers cardiologues d'Amérique du Nord, le Dr Keon.

Le sénateur St. Germain: Le meilleur dans le monde.

M. Barrett: Bien, le meilleur dans le monde, OK, mais je n'évalue pas hors de l'Amérique du Nord. Le Dr Keon vous dira que s'il y a une urgence, le service sera fourni. S'il s'agit d'une question de vie ou mort, le service sera fourni. Il n'y a aucun doute là-dessus.

Le sénateur St. Germain: Merci, monsieur Barrett, et je vous remercie tous les deux pour votre présence ce matin. Bien, mes questions, Dave, sont - Je peux me souvenir de 1972 quand vous avez été élu. Vous savez quoi? Vous savez ce que vous m'avez fait quand vous avez été élu? J'ai conduit mon camion dans le fossé et j'ai commencé à courir et je cours depuis lors. Je cours trois milles et demi depuis lors. J'ai commencé un programme d'exercices avec ParticipAction à Port Coquitlam et je vous en remercie.

M. Barrett: Vous auriez dû attendre et vous auriez été couvert par l'ICBC.

Le sénateur St. Germain: Mais vous savez, il y avait un dicton. Vous souvenez-vous du dicton «Barrett se soucie de vous, et non les millionnaires»?

M. Barrett: Non, mais c'est un bon slogan.

Le sénateur St. Germain: C'était l'un de vos slogans à l'époque, je me rappelle.

Le président: Écoutez, c'est beaucoup mieux que «Le pays est fort».

Le sénateur St. Germain: Pour illustrer ma perspective, ma mère est à l'hôpital. Elle a passé plusieurs jours dans la salle d'urgence, elle a peut-être attendu sept jours pour une chambre. Elle a finalement obtenu une chambre et elle est bien traitée. Je suis curieux de savoir comment quelqu'un peut dire qu'il n'y a pas de listes d'attente ou qu'il n'y a là aucun problème.

M. Eliesen: Je n'ai pas dit ça.

Le sénateur St. Germain: Ma fille a récemment subi une chirurgie pour le cancer et une autre chirurgie majeure, et est sortie de l'hôpital le dernier jour ou presque. Je suis au courant de ce qui se passe dans le système hospitalier d'un point de vue personnel. Toutefois, je ne pense pas que nous devrions parler vraiment d'un point de vue personnel, mais de ce qui arrive à tout le monde.

Peut-être pouvez-vous m'expliquer cela? Vous dites: les millionnaires et les milliardaires peuvent aller dans le Sud - vous ne vous souciez pas où ils vont - et dépenser leur argent et obtenir des soins de santé.

M. Barrett: Oui.

Le sénateur St. Germain: Pourquoi alors, ne seriez-vous pas prêt à avoir des cliniques pour qu'un millionnaire ou un milliardaire puisse dépenser ces dollars ici au Canada et établir ces établissements d'excellence ici. Quel est le danger? Quel danger voyez-vous à établir des installations de cette nature ici pour que nous puissions garder notre argent chez nous, et utiliser peut-être les services des meilleurs chirurgiens au monde? Nous en avons un à cette table même.

M. Barrett: Je le sais.

Le sénateur St. Germain: Pour moi, il est le meilleur au monde dans son domaine. Pourquoi voudriez-vous refuser cette possibilité à ceux qui ont la capacité de payer, monsieur?

M. Barrett: Tout d'abord, j'aimerais faire remarquer que les riches sont libres de dépenser leur argent où ils veulent.

Le sénateur St. Germain: Oui.

M. Barrett: Je ne leur enlèverais jamais ce droit.

Le sénateur St. Germain: Non, vous l'avez dit.

M. Barrett: Mais la question que je soulève ici est une fiscalité adéquate. Nous avons une passion dans tout ce pays de réduire les impôts en vertu de quelque économie vaudou, tel que sous Ronald Reagan, ce qui nous conduit à des dettes publiques énormes, et accroît la concurrence pour les revenus fiscaux dans les services publics. Par exemple, l'Alberta a grandement sabré dans les impôts. La Colombie-Britannique a retranché 2 milliards de dollars d'impôts il y a six mois, et prédit maintenant des déficits colossaux comparables à ce qui a été coupé dans le budget.

Maintenant, que se passe-t-il donc ici? Nous réduisons les impôts au moment où le Japon et d'autres pays utilisent les fonds publics et maintiennent les normes et investissements publics. Même le président Bush, notre voisin, crache des fonds supplémentaires après les élections. Toute l'idée de couper le financement public comme une panacée quelconque pour fournir un service continu est une erreur.

Nous avons court-circuité le secteur public, et je dis imposez donc des impôts à un taux équitable sur aux bénéficiaires de généreuses successions et, bien sûr, les gens très riches. Il y a un prix à payer pour gagner de l'argent et c'est une part équitable d'imposition.

Maintenant, si vous voulez analyser toute la rationalité des prélèvements fiscaux, je pourrais vous donner une heure de rhétorique. Cependant, retournons aux listes. Retournons aux listes.

Le sénateur St. Germain: Je ne parle pas des listes. Si je peux, ce à quoi j'aimerais que vous répondiez est pourquoi vous ne voulez pas de ces cliniques privées ici de sorte que je puisse dépenser mon argent ici si j'ai la capacité de le faire, au lieu d'envoyer mon argent à l'étranger? Ce n'est pas une question de fiscalité. C'est une question d'avoir de l'argent et de pouvoir payer pour le service, et pourquoi ne pas me permettre de le faire chez moi?

M. Eliesen: Pour une raison très simple, démontrée étude après étude après étude. Le réseau privé tel que vous le décrivez ne signifie pas plus de soins. Il n'ajoute pas non plus des médecins supplémentaires ou des infirmières supplémentaires. Il s'alimente de ceux qui sont actuellement dans le secteur public. Donc le degré auquel vous voulez établir des cliniques privées à but lucratif est une question économique fondamentale d'allocation, d'accessibilité et d'équité. Ces cliniques mineront le secteur public.

Quand vous traitez de la question en termes d'équité et de justice et de disponibilité d'approvisionnement, à qui rendez-vous le service disponible? Ce que vous proposez, en effet, serait ceux qui ont de l'argent, qui ont de la richesse. Si ceci enlève à ceux qui en ont besoin sur une base médicale parce qu'ils travaillent déjà dans le secteur public, peu importe. Ce sont les conséquences du soi-disant système de marché.

Au Canada, jusqu'ici nous avons dit que les soins de santé sont différents des autres produits. C'est un facteur différent et c'est pourquoi les arguments depuis toujours des commissions royales, que ce soit la Commission Hall, ou peu importe son nom, ont rejeté la création d'une sorte de clinique de soins de santé à but lucratif à deux étages à cause de l'iniquité et l'accessibilité qui y sont associées.

Le sénateur St. Germain: D'après vous, on n'a jamais trouvé de façon de déterminer comment l'un nuirait à l'autre?

M. Eliesen: Bien, de ce que nous avons appris dans d'autres pays, non. Vous traitez d'un problème d'offre et vous devez faire un choix. C'est ce dont a parlé Dave Barrett auparavant: la question des valeurs. Si vous avez une offre illimitée et si vous avez pris la décision que vous voulez allouer cet approvisionne ment sur une base plus équitable, ceux qui préconisent les cliniques privées, parce qu'ils ont de l'argent, ils obtiendraient ce service en premier, au détriment de ceux qui ont moins d'argent.

Le sénateur St. Germain: Heureusement à 64 ans le seul problème médical que j'ai eu a été mon dos - des soins de chiropraxie. Je paie des frais d'utilisateur et ceux-ci ont augmenté et augmenté durant le dernier gouvernement, vous savez, ici en Colombie-Britannique. Je paie ces frais d'utilisateur et j'obtiens le service dont j'ai besoin. Il y a toujours le débat entre des médecins à savoir si les soins de chiropraxie sont ceci, cela ou quoi encore. Ceci me permet de fonctionner, il permet à un grand nombre de gens de fonctionner, et il permet à un grand nombre d'être productifs. En ce sens, il y a ceux qui soulèvent la question de son importance dans le système médical, je crois que c'est très bénéfique pour nous tous, et il y a des frais d'utilisateur. Je paie ces frais d'utilisateur.

Pourquoi cela n'a-t-il pas ébranlé totalement le système s'il s'agit d'un système à payeur unique, qui comme vous le préconisez, monsieur Barrett, dans votre présentation est la seule voie à suivre?

M. Barrett: Bien, tout d'abord, il y a la querelle historique entre les médecins et les chiropracteurs - le même problème que nous avions avec les dentistes et les denturologistes. Franchement, celle entre les dentistes et les denturologistes, nous l'avons résolue en reconnaissant les denturologistes. Les dentistes ne sont pas formés pour être des denturologistes, soyons réaliste ici. Mainte nant, il y a des médecines alternatives exercées légalement par un grand nombre de personnes. Mais il y a toujours une incessante querelle au sujet de ce que le trésor public paiera et il y a une expérience d'éducation prolongée.

Je donne l'exemple des denturologistes-dentistes, qui a été éminemment réussi en incorporant les denturologistes dans le système de soins de santé public. La chose même est la différence d'opinion entre l'utilisation de compétences médicales. J'ai donné l'exemple de 298 infirmières licenciées en Ontario, hautement qualifiées, hautement compétentes, disposées à travailler. Il y a un voile gris entre ces infirmières licenciées et le corps médical. Je ne souhaite pas exacerber la différence d'opinion, mais il me semble, notamment dans le secteur public quand nos universités produisent ces infirmières licenciées hautement qualifiées, que ce voile gris devrait être levé. Un médecin peut superviser quatre infirmières licenciées et fournir des soins primaires dans des régions rurales où ils ont besoin du service, mais ce sont des querelles internes entre professions. À l'instar d'une querelle entre un psychiatre et un travailleur social. Je ne veux pas m'engager là-dedans. Je sais, les psychiatres ont tort et que nous avons raison.

J'essaie de vous dire que cette sorte de querelles continue et continue, et ainsi de suite, et le secteur public a une tâche difficile à rendre un jugement relatif aux juridictions et des responsabilités professionnelles. C'est pourquoi je suis allé en politique. Comme travailleur social, je dirais, «Comment vous sentez-vous?», en politique, je dirais «Je sais comment vous vous sentez». Il y a une grande différence. Maintenant, si vous demandez à des politiciens de faire ces distinctions, c'est chercher des problèmes.

Nous espérons que plus de maturité, de conscience, de compréhension, de partage entre les différentes professions et le chevauchement qui a lieu, qu'une certaine partie soit valable. Un chiropracteur peut sans doute avoir une valeur pour vous, mais nous devons faire valoir ce point aux médecins pour comprendre que ceux-ci sont des services auxiliaires. C'est de là que viennent les combats. Peut-être des querelles valables, je ne sais pas. Mais vous avez vécu une anecdote personnelle, votre dos va mieux.

L'autre chose que je veux dire au sujet des listes, ma femme est ici avec moi et elle a attendu son tour sur une liste pour une opération. La décision de la faire attendre sur la liste pour l'opération est le besoin versus une ouverture pour les urgences. Ma femme est sortie de l'hôpital depuis trois semaines suite à cette opération. J'ai été un infirmier pendant ces trois semaines et j'ai aimé l'expérience.

Le point que j'essaie de démontrer est le suivant: Nous avons eu une expérience personnelle d'attendre sur une liste. L'attente était justifiée, les résultats ont été spectaculaires. Nous acceptons cela.

Mais regardons ensemble l'autre choix. Une partie de cette liste d'attente a aussi un grand objectif social. Si vous vivez aux États-Unis et vous croyez que vous n'avez pas besoin d'attendre pour cette opération particulière en vertu de votre plan de soins de santé, vous pouvez sauter des places même selon votre plan de soins de santé. La principale raison de faillites personnelles aux États-Unis d'Amérique s'avère les factures d'hospitalisation et celles des médecins, non basées sur une bonne opinion médicale, mais sur la panique du patient, qui est totalement explicable. Toutefois, je peux dire que rationnellement si je vois un médecin qui me dit «Bien, vous avez un problème mais vous pouvez attendre pour vous en occuper». Je quitterais le bureau en rétorquant «J'ai un problème; Je ne peux pas me permettre d'attendre pour m'en occuper».

Ce sur quoi nous comptons ici, ce sont des professionnels qui nous disent que certaines personnes peuvent attendre. Si vous ne pouvez attendre, vous êtes placé en tête de liste. Personne ne permettra que quelqu'un décède délibérément à cause d'une attente. C'est une décision prise par des experts - et non les politiciens - et je me fie aux experts. Nous avons certains des meilleurs médecins que le monde ait jamais vus. Nous avons un grand pourcentage de médecins qui vont aux États-Unis et reviennent au Canada. Ils reviennent au Canada après cette aventure.

Le sénateur Morin: Je suis d'accord, je pense que nous avons un problème avec les listes d'attente dans ce pays.

M. Barrett: Bien sûr que si!

Le président: Je devrais dire pour votre bénéfice que le sénateur Morin, en plus d'être un sénateur, était le doyen de la faculté de médecine de l'université Laval.

Le sénateur Morin: Comme exemple - un exemple indéniable - Je pense que le fait que nos gouvernements provinciaux envoient des patients canadiens aux États-Unis pour des traitements du cancer est une honte nationale.

J'ai lu ce rapport de près. Il est très bon et je connais très bien ces personnes, et elles sont toutes excellentes. Toutefois, je pense qu'elles sont trop engagées dans un processus de négation des problèmes auxquels est confronté notre système à l'heure actuelle. Quand nous disons qu'il y a une liste d'attente, cela ne veut pas dire que nous voulons le système américain. Mais je crois qu'un problème que nous avons dans ce pays est que nous devrions écourter les listes d'attente. Ceci serait un objectif. Je ne crois pas que nous devrions nier ce fait.

M. Eliesen: Sénateur Morin, personne ne suggère que cela est un fait noir sur blanc. Tous les pays ont des problèmes avec les listes d'attente. Nous faisons remarquer, par exemple, qu'aux États-Unis, 45 millions de personnes n'ont même pas une occasion d'être sur une liste d'attente.

Le sénateur Morin: Puis-je vous interrompre? Je pense que vous êtes obsédé par les États-Unis.

M. Eliesen: Bien, ce n'est pas une question d'être obsédé.

Le sénateur Morin: Vous l'êtes. Personne ne parle des États-Unis, sauf vous.

M. Eliesen: Ceux qui préconisent un système de soins de santé à deux vitesses avec des frais d'utilisateur visent essentiellement le modèle américain. Je trouve intéressant que dans votre document d'options, de tous les pays dont vous parlez, vous n'ayez pas du tout fait référence aux États-Unis.

Le sénateur Morin: Parce que personne ne veut le système américain.

M. Eliesen: D'accord. Alors laissez-moi vous demander, pourquoi mettez-vous sur le tapis un système de soins de santé à deux vitesses, des cliniques privées ou des frais d'utilisateurs, qui étude après étude après étude ont démontré qu'il ne fonctionne pas, n'est pas accessible, est inéquitable, et cetera?

Le sénateur Morin: Il s'agit d'options et la seule raison de les soulever est que chaque pays dans l'OCDE, à l'exception du Canada, a des frais d'utilisateur, a de l'assurance privée, et des cliniques privées. Ceci se passe en Europe, en Suède, dans toute la Scandinavie, en Grande-Bretagne, en Nouvelle-Zélande, et ainsi de suite.

M. Eliesen: Peut-être devrions-nous envisager cela si nous étions à un plus haut niveau de financement public des dépenses de soins de santé. Toutefois, à l'heure actuelle ou la dernière fois que nous avons jeté un coup d'oeil nous étions au 21ème rang. Alors pour ces pays auxquels vous référez, la Suède a été mentionné plus tôt dans la partie supérieure des 80 p. 100 - les dépenses en soins de santé sont publiquement financées et il y a un montant supplémentaire à verser.

Si nous arrivons à 80 p. 100 de notre 69 p. 100 actuel, peut-être devrions- nous envisager dans la mesure où il y a une demande ou que les gens croient qu'il y a quelque chose dans le principe des frais d'utilisateur, soit en termes de revenus supplémentaires - bien que s'il s'agit de revenus supplémentaires, alors pourquoi les gens ne devraient-ils pas l'obtenir par un impôt supplémentaire.

Quand nous avons eu de grandes réductions d'impôt dans ce pays, personne n'a demandé si ces réductions allaient durer. Nous avons eu 100 millions de dollars à Ottawa; chaque province a eu des réductions majeures. Personne n'a demandé à ce moment-là si oui ou non ces réductions d'impôt étaient durables, et l'effet qu'elles auraient sur les soins de santé, l'enseignement ou d'autres secteurs que maintenant les gens, ceux qui dénigraient la possibilité de crise fiscale dans les soins de santé, personne ne soulève ce genre de questions.

Ce que nous avons essayé de faire dans notre document est de porter à l'attention que toute la question de non-durabilité du système public ne tient pas l'eau. Vos documents d'options ne vont pas. Le premier document que vous avez publié ne possède aucune information quantifiable pour suggérer que le système est dans une crise fiscale, qui est la prémisse de la plupart des options que vous soumettez à notre analyse.

Le sénateur Morin: J'aimerais faire remarquer que l'an dernier, selon CIHI, l'augmentation pour les provinces des coûts de soins de santé était de 9 p. 100. C'est plus que pour toute autre chose.

M. Eliesen: Si nous ne connaissons pas d'augmentation de la population, si nous ne faisons pas d'ajustements pour l'inflation, en termes réels, ces 9 p. 100 tombent à peut-être 3 ou 4 p. 100. Il y a les revenus. Les revenus ne rentrent pas en ligne droite. J'ai été sous-ministre des finances. Je suis au courant des sortes de contraintes qui existent dans tous les systèmes, mais notre point fort simple est que personne n'a encore à fournir une preuve détaillée, quantifiable pour suggérer que notre système est en crise sur une base fiscale, mais c'est la prémisse d'un grand nombre des discussions que nous entendons aujourd'hui.

Le sénateur St. Germain: Si les services de chiropraxie augmentent dans cette province, que les frais d'utilisateur augmentent également, et le service est excellent, pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas? Ce que vous dites n'a pas de sens. Ces choses font partie du système médical, que vous l'admettiez ou non, que vous vouliez en discuter ou non.

M. Eliesen: Non, monsieur, avec tout le respect que je vous dois, elles ne font pas partie de notre système. La plupart des revenus pour financer notre système de soins de santé proviennent des impôts/taxes généraux. C'est la nature de notre système. Dans la mesure où quelqu'un préconise des revenus supplémentaires et les revenus qu'il préconise devraient provenir de ressources personnelles, comme des frais d'utilisateur. C'est une forme de taxation. On demande à l'individu de financer une forme particulière de traitement de santé et certaines choses évidemment sont couvertes en vertu de notre système et d'autres ne le sont pas. Dave Barrett parlait du débat continu concernant les services qui devraient et ne devraient pas être couverts.

Toutefois, toutes les études ont démontré que les frais d'utilisateur sur les services actuellement couverts - auxquels je crois que vous référez - auront pour effet de réduirel'accessibilité de ceux qui sont incapables de payer, mais qui ont besoin des services et ceux qui sont plus riches et ont le pouvoir de payer. Ces derniers obtiendront davantage de services.

Le sénateur Lawson: La dernière fois que j'étais avec M. Barrett était lors d'une mise en boîte. Dave Barrett s'est proposé d'être l'objet de la risée pour l'organisme des grands frères et cela était suite à son mandat au gouvernement après sa défaite. Ils s'en prenaient tous à Dave Barrett et l'un des présentateurs a dit: «Eh bien, pourquoi vous en prenez-vous à Dave Barrett? Il a pris cet ensemble éparpillé de politiciens, les a soudés dans une petite force de frappe, les a amenés de nulle part et les a conduits dans l'oubli».

M. Barrett: J'y ai travaillé fort.

Le sénateur Lawson: Je suis content de vous voir.

M. Barrett: Oui, mais il y a un legs.

Le sénateur Lawson: Je pense que nous avons un problème ici parce que vous continuez à dire que personne ne veut du système américain. Pourquoi devrions-nous avoir la totalité du système américain contre le système canadien? S'il y a de meilleures parties dans le système américain, pourquoi ne pas prendre les meilleures parties et les intégrer ici? C'est la première question.

M. Barrett: Quelles sont les meilleures parties du système américain?

Le sénateur Lawson: J'y arrive.

Vous avez parlé de gens très fortunés, de millionnaires et de milliardaires capables de voyager vers le sud et de profiter de cette couverture coûteuse. Bien, j'ai une couverture américaine. Et non en raison de ma présence au Sénat avec un petit revenu gouvernemental fixe, mais parce que je l'ai gagnée grâce à maintes années en tant que représentant syndical comme partie de mes avantages sociaux.

M. Barrett: Oui, c'est vrai.

Le sénateur Lawson: J'ai eu une couverture américaine pendant 30 ans aux États-Unis. Maintenant, j'ai eu une aventure récente il y a quelques mois durant laquelle j'ai eu un problème et il semblait que j'avais besoin d'un angiogramme. Nous avons passé par les tests de médecine nucléaire et il semblait être très urgent; puis ils m'ont dit que je ne pourrais pas l'avoir avant un certain nombre de semaines. Mon médecin a dit: «Si vous avez quelque moyen de le faire», il a dit, «Avez-vous une couverture aux États-Unis?» Oui. Il a dit «Mon conseil est de faire un arrangement différent». Nous avions une relation avec l'hôpital de l'Université de Washington (University of Washington Hospital). Je les ai contactés et ils ont dit: «Pourquoi ne venez-vous pas? Venez nous voir immédiatement et nous vous ferons un examen.» Ils m'ont examiné et ils m'ont dit, «Maintenant, voici la situation: Vous avez besoin d'une chirurgie de multiples pontages immédia tement». Maintenant, vous parlez d'être mis sans danger sur la liste et ils vous laissent là, c'est un jugement professionnel; personne n'a pris cette décision. C'est seulement quand j'ai été présent qu'ils ont dit: «Vous avez besoin d'une chirurgie immédiatement et nous avons prévu votre chirurgie pour demain». J'ai eu la chirurgie et tout s'est bien passé, il y a environ huit semaines et l'opération a été un succès.

Maintenant, je n'ai pris la place de personne sur la liste. J'ai été retiré de la liste. Je suis allé à mes propres frais suite au paiement de primes pendant environ 20 ans. Aucune facture n'est revenue en Colombie-Britannique ou au Canada. Je ne suis pas le seul à posséder ce genre de couverture. Il y a littéralement des milliers de gens au Canada qui ont travaillé pour des organismes internationaux, qui travaillent pour des organismes internationaux et qui ont cette couverture. Comment cela affecte-t-il ce que nous tentons de faire ici?

M. Barrett: Cela n'affecte en rien ce que nous faisons ici.

Le sénateur Lawson: Idéologiquement cela aurait pu affecter, mais ce n'est pas vraiment le cas. Maintenant, au sujet de l'autre question des cliniques privées, la chose que j'ai constatée au sujet de la couverture américaine est la rapidité de livraison. Maintenant, vous ne pouvez ramasser un journal en Californie sans lire que des tomodensitogrammes sont disponibles sur une base quotidienne, ainsi que des examens d'imagerie par RMN, d'ultrason et tout autre nouveau traitement que vous pouvez trouver pour l'entretien préventif est disponible presque sur une base quotidienne si vous êtes disposés à payer pour ces examens. Maintenant, plusieurs personnes passent ces examens parce qu'ils en ont besoin. D'autres les emploient comme entretien préventif en guise de longévité et pour toute autre raison. Je ne vois rien de mauvais à cela.

Je sais qu'idéologiquement le gouvernement précédent était opposé aux cliniques privées, tout en exploitant des cliniques privées. Cela avait beaucoup de bon sens économique d'exploiter une clinique particulière. Vous parlez de qui les utilise: le Workmens' Compensation Board, ICBC. Maintenant, vous prenez un travailleur, Dave Barrett, il a un mauvais dos, il a besoin de chirurgie, il devra attendre huit ou dix mois. Le fonds d'indemnisation lui paiera quelques milliers de dollars par mois pour huit ou dix mois et ils disent «Attendez une minute, cela n'a pas de sens économiquement. Pourquoi ne pas le traiter en chirurgie immédiatement dans une clinique privée et nous paierons 5 000 $ pour cela et il sera de retour au travail dans 60 jours?» Vous le faites déjà.

Ils ont eu une situation à Vancouver-Nord avec l'autre clinique, où ils ont dû faire preuve de finesse - vous ne pouvez avoir une clinique privée - elle devra être un sous-traitant de l'hôpital. Maintenant, ils me disent quand ils entendaient faire leurs chirurgies de cataracte à l'hôpital et encombrer tous ces centres de chirurgie, qui auraient pu être employés à des chirurgies plus importantes, dans un quart de travail ils procédaient à neuf opérations. Quand ils sont allés à une clinique privée, je pense à cause des restrictions de certaines règles syndicales qui s'appli quent, ils étaient capables d'en faire 20 par quart de travail. Maintenant, qu'est-ce qui ne va pas avec ces systèmes? Pourquoi ne pourrions-nous pas avoir une combinaison de cliniques privées qui sont efficaces?

J'ai une lettre d'un de mes amis médecin qui m'a écrit, il y a environ deux mois. Il parle d'une compagnie des États-Unis qui possède 20 ou 30 cliniques. Il dit que sa compagnie est préparée à investir soit dans la province soit au Canada, en association avec les cliniques privées gouvernementales à but lucratif en partageant le profit avec le gouvernement. Bien, nous avons ici un immeuble de 12 étages qui est vide, pourquoi le gouvernement provincial ne ferait-il pas un accord de coentreprise et ne rendrait-il pas un étage disponible pour une clinique privée, y amener des médecins et se mettre à l'oeuvre, réduire les listes?

Relativement aux listes, j'ai lu certaines de leurs études, ils sont là pour six ou huit ou dix mois. En analysant la liste, ils ont découvert que plusieurs personnes ont des acv, des crises cardiaques, et d'autres complications. Alors maintenant vous avez les problèmes en double. Mais outre le point de vue des coûts, vos coûts se multiplient par deux ou trois en ne les admettant pas, en ne les soignant pas et en ne rétablissant pas leur santé. Pourquoi ne pouvons-nous pas avoir une combinaison? Pourquoi doit-on avoir ce bloc-ci ou ce bloc-là?

M. Barrett: Tout d'abord, nous devons nous situer dans le contexte. Les points que vous faites sont valables comme points isolés, mais replaçons-les dans le contexte. Le financement du secteur public des soins de santé dans ce pays a pris un sérieux coup jusqu'à ce qu'une élection arrive. Chaque dollar qui a été retiré du secteur public crée de la tension sur ce secteur. Quand vous allez dans le secteur privé, vous employez les compétences qui sont aussi une ponction du secteur. Sommes-nous engagés envers les soins de santé prépayés universels ou non? Maintenant, jusqu'à maintenant nous n'avons pas montré un engagement philosophique à maintenir les fonds et la formation.

Comprenons deux ou trois autres choses. Pourquoi exactement demandons-nous aux infirmières une somme aussi astronomique pour aller à l'école de soins infirmiers? Si nous désirons les garder à l'école, commençons par prévoir une bonne capitalisa tion pour les bourses d'études des infirmières. Assurons-nous, comme les Forces armées canadiennes le font, qu'elles repaient aux médecins le coût pour eux de devenir médecin. Les Forces armées canadiennes le font maintenant. Si c'est assez bon pour l'armée et nos forces armées, cela devrait être assez bon pour le reste d'entre nous. Nous voyons la nécessité pour les forces armées. Nous voyons la nécessité pour les politiciens. Ceux d'entre nous à la Chambre des Communes et au Sénat peuvent avoir accès aux établissements hospitaliers militaires. Oui, nous le pouvons. Vous ne saviez pas; je ne savais pas non plus.

Le président: Peu importe.

M. Barrett: De toute façon, d'accord, vous savez, et de plus ils vont écrire une histoire à ce sujet là-bas.

Le sénateur St. Germain: Nous avons un traitement spécial.

M. Barrett: OK, un traitement spécial. Bien, des psychiatres pour mes besoins, mais peu importe. Le point que j'essaie de faire est que chaque fois que vous allez dans ce secteur, vous retirez du secteur public.

Le sénateur Lawson: Je ne comprends pas. Comment le retirez-vous?

M. Eliesen: La mise en place d'une clinique privée ne vous donne pas des médecins supplémentaires ou des spécialistes supplémentaires pour administrer un traitement particulier. Elle les prendra du secteur public. Ce dont vous parlez c'est vraiment un système de cliniques privées. Vous avez une boîte en termes d'offre et vous voulez établir un réseau privé comme une partie de cette boîte. L'admissibilité à cette boîte privée est, franchement, votre portefeuille. Si vous avez le pouvoir de payer en privé, alors vous aurez l'accessibilité. Ceux qui préconisent qu'ils sont prêts à dire «Si vous avez l'argent, alors vous êtes le numéro un sur la liste». Toutefois, vous prenez dans les ressources actuellement dans le secteur public. Vous n'ajoutez pas de nouvelles ressources supplémentaires.

Le sénateur Lawson: Une réponse à cela. Tout d'abord, à aucun moment pendant que je payais mes propres coûts sur ce que j'avais aux États-Unis, je n'ai jamais demandé à être relevé de mes versements aux soins de santé universels. Alors je n'enlève pas de là. Vous avez tort quand vous dites ça. Je ne prends rien.

Ensuite, si l'une de ces cliniques privées était venue et il y a des milliers de médecins dans la grande région de Vancouver et il lance une clinique en association avec le gouvernement de la Colombie-Britannique et embauche 50 médecins, maintenant nous avons 1,050 médecins. Que voulez-vous dire que nous n'avons pas plus de médecins?

M. Barrett: D'où avez-vous obtenu les 50 médecins? Vous les avez pris dans le secteur public.

Le sénateur Lawson: Bien, partout où nous avons pu les avoir. Il est possible que nous les ayons amenés des États-Unis et que nous les ayons ramenés. Vous parliez de les ramener du Canada. Vous pouvez avoir embauché ce qui était disponible.

M. Barrett: Vous ne formez pas des médecins en une nuit.

Le président: Nous devons clore mais je désirerais vous laisser avec trois questions auxquelles je ne veux pas les réponses maintenant, mais je voudrais que vous y réfléchissiez et vous nous fassiez part de vos idées sur le sujet.

L'un se rapporte à un commentaire que M. Barrett a fait dans son exposé d'ouverture quand il a parlé de la responsabilité que la génération des baby boomers prenait d'eux-mêmes. Je suis d'accord avec ça et je suis aussi dans sa catégorie. Mon père était un ministre anglican qui disait toujours, «Le seul sermon que je pourrais donner c'est de ne pas mener une mauvaise vie, regardez ce que cela m'a fait à moi.» Alors je suis dans votre camp sur cette question. Mais la question de politique est que peut faire le gouvernement pour encourager essentiellement les gens ou leur offrir comme incitatifs pour se comporter de manière responsa ble? Je veux dire, je vous donne un exemple, OK.

Actuellement, il existe un taux de prime fixe de soins de santé en Colombie-Britannique. Bien, par exemple, s'il y avait un taux national, les fumeurs devraient-ils payer davantage? En d'autres termes, y a-t-il des choses que vous pouvez faire dans cette catégorie? La deuxième question a trait à la structure du système. Je veux dire, je me doute que si Tommy Douglas concevait le système aujourd'hui, il ne le concevrait pas pour couvrir seulement deux réseaux de distribution, les hôpitaux et les médecins. Ce qu'il ferait, il le concevrait pour couvrir tous les réseaux de distribution pour les gens à faible revenu. Au fur et à mesure que le revenu augmenterait, la quantité de services que vous recevriez serait moindre. En d'autres mots, c'est un système très inusité dans lequel au fédéral vous payez 100 p. 100 de deux réseaux de distribution pour tout le monde, et en théorie zéro pour cent pour les autres.

Maintenant, je sais qu'il y a certains transferts qui couvrent une partie. Toutefois, regardez tous les pays européens avec des systèmes universels de soins de santé; ils ne sont pas conçus par réseau de distribution, ils sont conçus surtout par segment de population. Alors la question est de savoir comment passons-nous de ce que j'appellerais un système «verticalement structuré» à une structure horizontale?

Finalement, il y a beaucoup d'expériences actuellement en Europe qui montrent que maintenir un payeur unique - c'est-à-dire le gouvernement - mais avoir des fournisseurs différents des payeurs présente de grandes économies dans le sens de mettre en place à la fois un élément de choix du consommateur et de concurrence entre les hôpitaux eux-mêmes. De sorte qu'essentiellement cela n'influe pas sur le patient - la facture du patient est encore payée par le secteur public - cela fait une différence pour les hôpitaux dans le sens qu'attirer ou non des patients à leur hôpital est une fonction de leur performance. Ceci entraîne aussi la création de cliniques très efficaces parce qu'elles peuvent le faire plus économiquement. Comme je dis, toutes les social-démocraties d'Europe se dirigent dans cette direction avec divers types d'expériences; avez-vous messieurs des idées là-dessus?

Ce serait plus utile si vous pouviez nous donner quelques idées sur ces trois questions au cours des prochains mois, car ce sont trois questions de politique très difficiles sur lesquelles nous n'avons pas eu beaucoup de commentaires. Si l'un d'entre vous désire présenter un exposé pour conclure, s'il vous plaît allez-y.

M. Barrett: J'aimerais juste vous dire que j'apprécie l'occa sion d'être ici et je veux répéter ce que j'ai dit dans l'exposé d'ouverture. C'est la meilleure démonstration de ce qu'est le Sénat. Dans mon propre cadre de référence, j'ai attaqué le Sénat fréquemment, mais cette utilisation particulière des comités du Sénat - sur ce sujet ou tout autre sujet - est essentielle et je suis heureux de vous voir tous ici. Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup. J'ai été bien content de vous revoir tous les deux.

Sénateurs, nous avons un dernier témoin avant le repas, Joan Gadsby, présidente de Market-Media International.

Mme Joan Gadsby, présidente, Market-Media International Corporation: Bonjour. Merci beaucoup de me donner l'occasion d'être ici. Je présume que les documents que j'ai fournis en mars ont été distribués à tous les membres du comité.

Le président: Nous les avons fait circuler.

Mme Gadsby: Aujourd'hui je vous ai aussi fourni un autre document intitulé: «Comparution/présentation sur la position du Canada».

Le président: Nous l'avons devant nous.

Mme Gadsby: Comme information sur mes antécédents, j'ai grandi en Ontario, diplômée de Western; fait des études de MBA en marketing à UBC, travaillé avec quatre des plus grandes sociétés du Canada; ancienne élue au niveau local dans Vancouver-Nord pendant 13 ans. Mes antécédents sont dans le grand service de marketing de quatre des plus grandes sociétés du Canada. Je suis une ancienne conseillère municipale au niveau local à Vancouver-Nord. Je suis aussi l'auteure d'un livre intitulé La dépendance par ordonnance (Addiction by Prescription), qui est ici devant moi, publié par Key Porter, il y a un an. C'est au sujet de la surordonnance de médicaments et de ma propre expérience. J'ai aussi apporté l'exemplaire d'un documentaire télévisuel, que j'ai coproduit avec Jack McGaw de W5, qui a été présenté à travers le Canada sur le réseau CTV.

En couvrant cette question, j'aimerais attirer votre attention sur le problème grave et continu au Canada des mauvaises ordonnances, de la surmédication et de l'usage de benzodiazépi nes, qui sont des tranquillisants, des cachets pour dormir et des antidépresseurs.

On m'a prescrit des médicaments pendant 20 années après que mon fils soit mort d'une tumeur au cerveau. J'ai presque perdu la vie le 2 février 1990 d'une surdose non intentionnelle. Je récupère depuis lors. Je ne prends pas de médicaments depuis 11 ans. Je suis passée à travers le décès de ma fille du cancer du seinle 1er mai 1999. Le point ici est simplement que nous avons des centaines de milliers de Canadiens qui sont devenus des toxicomanes accidentels à cause d'une surordonnance de ces médicaments. Les gens sont devenus des toxicomanes accidentels parce qu'ils se sont fiés au fait que leur médecin ne leur causerait aucun tort et ils ont pris les pilules. J'aimerais attirer votre attention sur le fait que c'était connu, il y a 20 ans. J'ai parlé à Monique Bégin, qui était le ministre de la Santé à l'époque.

Un livre, Les effets de la tranquillisation: l'usage du benzodiazépine au Canada (The Effects of Tranquillization: Benzodiazepine Use in Canada), a été publié à ce moment-là. Il a été distribué à tous les médecins au Canada. Les patients n'ont rien su à ce sujet. Essentiellement le matériel que je présente à ce comité est couvert dans le livre - tous les aspects de la sur-ordonnance des médicaments.

J'aimerais glisser un mot sur les effets socio-économiques graves de ces médicaments. J'ai dépensé 2 millions de dollars en revenu perdu et actifs pour recouvrer ma santé. Mais les implications socio-économiques ne sont pas seulement les effets sur le système de soins de santé. Parlons de la qualité de vie - ma qualité de vie aujourd'hui est 10 fois ce qu'elle était.

Quels sont les coûts de ces médicaments? Les coûts incluent la santé et la sécurité dans le milieu de travail; la destruction de carrière, le dysfonctionnement familial; les pertes de productivité; et les demandes d'assurance. On reconnaît que ces médicaments sont causes d'accidents de voiture - 40 p. 100 des gens à qui on a prescrit ces médicaments et qui ont subi un test positif, ont été impliqués dans des accidents de voiture. Les chutes sont un autre problème. Sur la rive nord, où je vis, 2 millions de dollars ont été dépensés pour des gens qui ont fait une chute sous l'effet de ces médicaments. Les gens perdent des années de leur vie comme dans mon cas. Les gens meurent de surdoses. Il y a aussi des coûts supplémentaires pour le système juridique et judiciaire; les demandes au WCB, les demandes d'assurance en raison des idées suicidaires provoquées par ces médicaments.

Relativement au système de soins de santé, nous avons les honoraires des médecins, les coûts des médicaments, et les honoraires des pharmaciens. Aussi des installations de désintoxi cation, qui sont tristement mal équipées eu égard à ces médicaments. Vous ne pouvez placer des gens qui sont en sevrage de médicaments d'ordonnance avec ceux pour la cocaïne et l'héroïne. Ils ne peuvent s'y identifier. Vous ne pouvez les placer avec les alcooliques; la philosophie des AA ne s'applique pas ici.

Voici quelques statistiques. On prescrit ces médicaments à environ 10 et 20 p. 100 de la population canadienne, et pour la moitié d'entre eux de manière répétitive. Jusqu'à 30 p. 100 des gens âgés de 60 ans se voient prescrire ces médicaments. Le problème se poursuit.

L'Association des manufacturiers de produits pharmaceutiques met essentiellement en marché, excusez l'expression, l'enfer dans ces médicaments. Ce sont mes antécédents en marketing. J'ai mis sur pied des plans de marketing de multimillions de dollars. Les médecins les ont achetés et un grand nombre de médecins refusent de changer. Il y a un peu d'ignorance, avec tout le respect que je leur dois, la négation et un peu d'indifférence de la part de la communauté médicale en ce qui a trait à ces médicaments.

Quels sont les éléments? Les quatre éléments du problème sont: des ordonnances non nécessaires après un usage à court terme - sept à dix jours. Cette publication de 1982 indique deux à quatre semaines. Dans mon cas, j'ai reçu du Valium, Librium, Dominal, Restoril, Serax et Ativan et des antidépresseurs. J'avais un cocktail chimique dans mon corps et je ne le savais même pas. Il y a des effets graves et secondaires dangereux de ces médicaments. J'aimerais vous référer à la publication qui est sur le site Web www.benzo.org.uk.

Il est important de regarder les effets secondaires de ces médicaments. Le premier - celui qui m'a le plus frappé et a affecté ma carrière est le dommage au cerveau ou la diminution des capacités cognitives, qui affecte 51 p. 100 des gens qui utilisent ces médicaments. Je suis passée à travers une reformation cognitive exhaustive à mes propres frais pour me retrouver.

Quand ils utilisent ces médicaments, les gens ont le jugement affecté, des troubles de l'élocution, un apprentissage affecté, une mémoire diminuée - court - et long terme, et dans le cas des personnes âgées, la démence résultant de l'utilisation de longue durée.

Le deuxième élément engendre comme effets négatifs les problèmes de comportement; les réactions paradoxales; la désinhibition de comportement accrue; la fureur induite; l'expres sion d'hostilité; et le comportement antisocial. Dans mon cas je n'utilise le mien qu'à titre d'illustration - J'ai mordu un policier au doigt, j'ai frappé une valise contre une porte de l'aéroport à Kelowna en revenant d'une conférence. Je me suis tenue sur la rampe du patio extérieur de mon domicile et j'allais voler, je pensais que je pouvais voler. Ce sont les effets de ces médicaments.

Les effets psychomoteurs touchent l'aptitude spatiale, affaiblis sent les facultés lors de la conduite d'un véhicule et troublent la vision.

Il y a aussi les symptômes psychiatriques graves. La clé est que ces pilules créent des symptômes dépressifs, qui finalement affectent le système de soins de santé parce que les gens reçoivent alors des antidépresseurs. Nous avons des idées suicidaires résultant de ces médicaments. Le DSM-IV avec lequel je suis certaine que vous êtes tous familiers révèle que vous ne pouvez pas diagnostiquer les problèmes psychiatriques quand les gens utilisent ces médicaments.

Ces médicaments créent des troubles d'anxiété. Je vois que le Dr Peter McLean parle à ce groupe ultérieurement aujourd'hui; J'ai parlé avec Peter de cette question. Quand les gens abandonnent ces médicaments, l'anxiété disparaît. L'anxiété est causée par des mini-sevrages entre les pilules.

La dépendance, qu'est-ce que la dépendance par rapport à ces médicaments? Ce n'est pas une recherche du plaisir. Les gens qui les utilisent ne sortent pas pour acheter ces médicaments dans la rue - vous remarquerez qu'un petit nombre de personnes qui deviennent intoxiquées par ces médicaments les achètent dans la rue. Les gens à qui on prescrit ces médicaments passent par le mini-sevrage entre des pilules, selon la demi-vie des médica ments. Par exemple, vous pouvez prendre un cachet pour dormir le soir et le lendemain vous retrouver en manque, il s'agit de votre corps qui dit j'ai besoin d'une autre pilule. Mais votre corps développe une tolérance.

Une autre question est l'alcoolisme. Les gens qui n'ont jamais bu d'alcool auparavant boiront souvent de l'alcool pour contreba lancer le mini-manque entre les pilules. Il y a une interdépendance ici.

J'attire votre attention sur l'anesthésie émotionnelle. Les médicaments d'ordonnance à la suite du décès de mon fils ne m'ont pas permis d'y faire face.

Une autre question qui est très importante est le syndrome de la poupée de son. La Chambre des communes a récemment traité de la question du syndrome d'intoxication foetale à l'alcool et de l'étiquetage des alcooliques. J'ai communiqué avec un grand nombre de politiciens et j'ai été en relation avec eux, je leur ai dit: «Qu'en est-il des benzodiazépines et du syndrome d'intoxication foetale?» Le syndrome d'intoxication foetale est semblable au syndrome foetal à l'alcool. Les mères qui se font prescrire ces médicaments peuvent comme de fait avoir des bébés qui naissent en manque. Il pourrait y avoir des effets à long terme très semblables au syndrome foetal à l'alcool, que ces gens ne puissent être des membres productifs de la société.

Le président: Puis-je vous demander de commencer votre conclusion, car vous parlez depuis dix minutes.

Mme Gadsby: Il y a beaucoup de matière à couvrir ici.

Le président: Bien, mais vous avez déjà parlé pendantdix minutes.

Mme Gadsby: Bien, c'est fort regrettable.

Dans tous les cas, les systèmes de sevrage sont mis en évidence ici. Vous avez beaucoup de matière sur les conséquences des benzodiazépines, vous avez de la matière sur la recherche au sujet de la diminution cognitive.

J'aimerais passer quelques minutes sur les recommandations clés, qui sont dans le document intitulé «Appel à l'action» dans l'ensemble que je vous ai donné aujourd'hui. Voici ce qui doit être fait. Il y a quatorze points ici: plusieurs études, peu d'action; détournement du financement de la recherche; directives qui ne sont pas suivies; insuffisance de formation continue des médecins; manque de responsabilité légale; manque d'information objective fournie au consommateur; incitatif pour les pharmaciens; forte demande pour ces médicaments, et manque de solution de rechange.

Les gens n'ont pas besoins de ces médicaments. Ils ont besoin plutôt d'un style de vie sain. Moi, je cours deux milles et demie par jour. J'ai un régime alimentaire impeccable. J'ai un remarquable réseau de soutien autour de moi. Le manque d'infrastructure. Le point-clé. La connaissance des médecins sur la manière d'aider les gens à passer à travers le sevrage et il n'y a pas d'établissement où les gens peuvent aller. Il y a beaucoup de minimisation et de déni par le gouvernement.

Au sujet de la relation conflictuelle entre le profit et les sociétés pharmaceutiques motivées et le financement de la recherche, nous avons vu beaucoup d'articles à ce sujet dans la presse récemment. Ce qui est requis ici aussi c'est un effort intégré.

Lorsque j'ai rencontré le sénateur Lucie Pépin quand j'étais à Ottawa, cette jeune femme, de 20 ans, est décédée. Elle n'a pas survécu; J'ai survécu.

Le sénateur Carney: Puis-je soulever un point technique? Les sténographes ne peuvent transcrire si vous tenez quelque chose dans la main. Vous devez leur dire de quoi il s'agit.

Mme Gadsby: Je réfère à un article paru dans le Vancouver Sun du 8 mai 2001 «Des médicaments d'ordonnance causent le décès d'une femme d'Abbotsford.» C'est une illustration. On avait prescrit à cette jeune femme dans un laps de temps de deux mois, quatre différentes benzodiazépines, des antidépresseurs et, finalement, des antipsychotiques. Ces médicaments ont tué cette femme.

Au sujet d'autres recommandations clés, auxquelles j'aimerais référer - et j'y crois très, très fortement - il y a la recommandation qui est dans l'ensemble aujourd'hui traitant d'une résolution au gouvernement canadien qui a été adoptée par la Commission de la femme du Parti libéral de la Colombie-Britannique ici à Vancouver et j'aimerais y référer. Le fond de cette résolution est que le gouvernement canadien et le ministre de la Santé et par votre entremise, les membres du Comité sénatorial, doivent tenir une enquête publique nationale et une série d'auditions à l'échelle nationale au sujet de l'ordonnance de ces médicaments pour évaluer le niveau des dommages.

J'avais par chance les atouts nécessaires pour refaire ma vie. Je connais un grand nombre de gens dans cette situation qui vivent de l'aide sociale ou sont handicapés. Nous avons besoin d'une série d'audiences à l'échelle nationale. Nous avons besoin d'un plan d'action stratégique regroupant des intervenants multiples.

Le ministre de la Santé Allan Rock a lu mon livre. J'ai parlé avec lui plusieurs fois. Aucun financement ne s'est matérialisé. Nous avons besoin d'un programme de conscientisation et pour établir la responsabilité quand les médicaments sont prescrits au-delà des directives établies. L'étape suivante de la résolution est simplement ceci, la mise en place de compensation financière pour les coûts considérables assumés par les Canadiens malades en raison d'une dépendance au benzo. Au Royaume-Uni, où j'ai parlé en novembre dernier à une conférence internationale, il y avait 17 000 plaintes liées aux effets de ces médicaments.

La deuxième partie de la résolution réfère aussi à l'appui financier pour des programmes de traitement et le développement et la diffusion de protocoles de retrait pour les patients pour traiter de cette question. Nous avons analysé des programmes au Royaume-Uni, dirigés par le Dr Heather Ashton, qui est un expert international. Nous avons essayé d'obtenir du financement du ministre de la Santé, Allan Rock. Il a répondu à l'un de mes collègues en disant à peu près ceci: «Très important, poursuivez le bon travail. Nous n'avons pas de sources de revenus».

Le président: Un dernier commentaire.

Mme Gadsby: Nous avons besoin d'enquêter sur les contribu tions financières de la communauté médicale, ses organismes/ré gulateurs, et des sociétés pharmaceutiques basées sur la recherche. J'ai parlé à Marie Elston à ce sujet. J'ai des propositions en circulation. Nombre des documents que j'ai présentés sont sur le site Web mais je voudrais aussi, avant de conclure, parler de la publicité par les sociétés pharmaceutiques. C'est un domaine dont j'ai l'expérience.

Je réfère à une annonce parue en couleurs sur la couverture arrière d'un des journaux de l'Association médicale canadienne, le CMA News en octobre 1995. L'annonce, pour Prozac, infère que Vous pouvez être heureux si vous prenez du Prozac. Lisez les petits caractères: «Rarement un médicament a contribué à changer tant de vies». Quels sont les effets secondaires? L'anxiété, la dépression, la nervosité. Alors qu'arrive-t-il? Vous avez des gens utilisant des benzos à qui l'on prescrit des antidépresseurs, ou l'inverse, des gens utilisant des antidépresseurs à qui on prescrit des benzos. Ce n'est pas le genre de choses à faire, ce n'est pas éthique.

Pour terminer, merci de l'occasion. Je n'ai pas eu la chance de parler des antidépresseurs, mais la préoccupation au sujet des antidépresseurs est celle-ci: Nous avons beaucoup de femmes qui blessent leurs enfants et ces femmes, un grand nombre d'entre elles n'ont pas été diagnostiquées. Elles ont tiré sur leurs enfants, elles les ont tués. Elles n'ont pas été diagnostiquées comme des personnes homicides suicidaires avant de se voir prescrire des antidépresseurs. Un de mes collègues aux États-Unis attire l'attention sur cette question.

Le sénateur Carney: J'aimerais vous remercier de votre représentation et je réalise que vous êtes profondément engagée dans ce programme de conscientisation publique. J'ai regardé la liste des médicaments cause des problèmes que vous indiquez et Dieu merci je n'en prends aucun, alors c'est un soulagement. J'aimerais vous poser deux questions. La première est quelles sont vos opinions sur le financement de la recherche médicale par les sociétés pharmaceutiques?

Mme Gadsby: Elles sont présentées dans la documentation que je vous ai donnée aujourd'hui.

J'ai des problèmes majeurs à ce point de vue, et c'est dans la partie «l'Appel à l'action». Ma recommandation à ce propos est qu'un organisme public établisse les critères de la recherche. Je sais de source sûre qu'il y a de l'ingérence.

Le sénateur Carney: Voulez-vous nous le dire pour que cela soit au dossier. Ne le lisez pas, veuillez juste nous donner vos points de vue sur la question de sorte qu'ils soient consignés au dossier.

Mme Gadsby: En premier lieu, ils sont un intérêt direct dans les résultats. Nous avons la situation du Dr Olivieri à Toronto; nous avons la situation de l'Université du Pays de Galles et du Centre pour la toxicomanie en médecine et la santé en médecine. Vous avez besoin d'un comité de déontologie. Je sais où les résultats ont été biaisés par suite de l'implication d'une société pharmaceutique.

Ils ne feront pas de recherche sur les effets secondaires des médicaments parce qu'un grand nombre d'entre eux sont devenus, de produits brevetés, des produits génériques. Je recommande que le contrôle des essais cliniques et du financement de la recherche par des sociétés pharmaceutiques qui ont des droits acquis dans les résultats soit réglementé publiquement par un organisme indépendant, comprenant la publication des conclusions dans des journaux médicaux. Nous avons vu certains progrès à ce sujet, sénateur Carney, récemment les revues médicales ont dit «Nous ne publierons pas ces résultats». Il y a interférence et influence même avec le New England Journal of Medicine.

Le sénateur Carney: Vous dites que vous avez des problèmes avec ça. Que vous disent les médecins? Je veux dire, il y a deux médecins éminents à ce comité au moins. Quelle est leur réponse? Puisque c'est un problème connu et identifié, les médecins vous ont-ils dit pourquoi la situation se poursuit?

Mme Gadsby: J'ai travaillé avec quelques excellents médecins sur cette question. Le Dr Jim Wright, chef des services thérapeutique à UBC, tente de diffuser le message; le Dr Dennis Kendel, Registraire du Collège des médecins et des chirurgiens de la Saskatchewan, qui tente de faire quelque chose au sujet du problème. La question est qu'il y a la peur de procès - et cela devrait être le cas quand la vie des gens est dévastée. Il y a un manque de formation médicale continue parmi les médecins. Certains des médecins diront «Bien, vous savez, un tel et un tel prennent ce médicament. Elles ne peuvent passer à travers le sevrage parce que c'est terrible».

Je suis passée par le sevrage durant deux années. Je suis une femme forte, mais j'avais peur de mourir. Vous devez travailler avec un groupe de médecins engagés. Récemment le Fonds de transition de santé, a mené des études sur les habitudes d'ordonnance des médecins dans les 15 collèges d'enseignement médical continu à travers le pays. Les tentatives pour changer les habitudes d'ordonnance ont échoué. La réponse de certains médecins était «Eh bien, qui êtes-vous pour contester mes habitudes d'ordonnance?» C'est un problème - un problème d'ego, d'arrogance, ou quelque chose du genre.

En Colombie-Britannique, le Collège des médecins de famille a mené le même genre d'études, aussi sans succès. Un des grands inconvénients est la méconnaissance sur la manière d'aider les gens à abandonner les médicaments sur ordonnance. Les médecins sont - et excusez l'expression - dans une médecine de type «moulinet». Ils n'ont pas le temps d'aider monsieur tout le monde ou Jean Latulipe à faire ce passage. Ils ne savent pas comment faire.

Quand vous passez par le sevrage, vous êtes si effrayé. Durant mon sevrage, j'ai donné un coup de téléphone au médecin un soir, son collègue était présent, il a dit «Prenez la pilule», j'ai répondu, «allez au diable». C'est pourquoi les gens retournent aux pilules. Ils ne peuvent pas y faire face.

Le sénateur Keon: Madame Gadsby, je désire simplement reconnaître l'effort énorme que vous avez fait, et aussi vous en féliciter.

Ma propre perception de cette situation est qu'elle tombe sous la grande catégorie de soins de santé de qualité, qui peut dérailler sérieusement dans l'ordonnance de médicaments et l'emploi d'un grand nombre de thérapies. Pendant quelque temps, mon sentiment a été que nous ne vaincrons pas cela tant que nous n'aurons pas un système d'information approprié qui peut surveiller les patients comme des individus et nous ne pouvons imposer cela aux patients d'en haut. Toutefois, un système d'information serait très utile. Par exemple, si vous deviez posséder votre propre carte de soins de santé lorsque cela se produisait et s'il existait un système de surveillance approprié en place, ceci ne vous serait pas arrivé. Je crois peut-être que cela pourrait valoir pour vous l'effort, en poursuivant votre rôle de pression, d'y réfléchir.

Mme Gadsby: En Colombie-Britannique nous avons un programme Pharmanet, qui montre ce que les ordonnances sont. Le programme Pharmanet est très important, mais cela ne réglera pas la question. Nous avons des statistiques, nous avons un système d'information sur le terrain et nous avons un manque de surveillance médicale pour aider les gens à passer à travers le sevrage, et une méconnaissance dans la population en général. Pour votre propre information, monsieur, sans financement mes efforts ne se poursuivront pas. Il y aura plus de morts.

J'ai investi beaucoup de mon propre argent pour diffuser ce message, mais sans financement je ne peux continuer. Il y a un recours collectif envisagé ici au Canada pour pousser le système au changement. Lillian Bain, qui travaille maintenant avec Roy Romanow et sa commission a dit: «Joan, la seule manière dont vous arriverez à faire un changement est à travers les médias et le recours collectif.» Nous avons une situation ici qui est même semblable au scandale du sang de la Croix-Rouge. Les problèmes sont connus par le gouvernement, les médecins et les sociétés pharmaceutiques.

J'ai pris une approche très constructive pour obtenir que tous les intervenants travaillent avec moi. J'ai donné à Jean Chrétien un exemplaire du livre et je lui ai parlé de mes frustrations de traiter avec Allan Rock et l'ancien ministre de la Santé, David Dingwall. J'ai fait une présentation au comité permanent sur la santé à Ottawa en avril 1997 il y plus de quatre ans. Dans les derniers mois, j'ai personnellement été informé de 17 décès. L'autre soir j'ai eu un appel d'un homme de 50 ans en sevrage en larmes. C'est une tragédie.

C'est pourquoi je crois très fortement à l'occasion de faire une présentation à votre comité et j'espère qu'il en résultera une quelconque action.

Le sénateur Carney: Je ne sais pas ce que les autres provinces ont, mais je sais qu'en Colombie-Britannique nous avons un système où si vous passez à d'autres médicaments ou vous faites remplir votre ordonnance, le pharmacien a une liste de tous les médicaments que vous prenez de toutes les sources.

Le président: Il existe dans certaines autres provinces, mais pas dans une majorité de provinces.

Le sénateur Carney: Si nous parlons de surveiller le système de soins de santé, je crois que c'est une contribution utile. C'est un bon début. S'il y a une base de données qui montre tous les médicaments que vous prenez, peut-être est-ce le premier pas pour rendre les gens plus conscients.

Mme Gadsby: Oui, mais ce qui arrive, sénateur Carney, c'est que le gouvernement provincial, à cause de Pharmanet, a coupé en 30 jours ces médicaments aux gens. Vous ne pouvez pas faire ça. Le processus de sevrage prend plusieurs mois. Les gens ont besoin d'être graduellement sevrés de ces médicaments.

Le Collège des médecins et des chirurgiens de la Colombie-Britannique a même étudié avec beaucoup de lenteur cette question et eux, comme le Collège royal des médecins et chirurgiens en travers le pays, sont responsables du système de soins de santé public.

Je veux vous montrer quelque chose d'autre. Vraisemblable ment vous avez eu une présentation de Terry Young sur le décès de sa fille en Ontario. La fille de Terry Young est morte d'un médicament différent. Dans mon matériel, je vous réfère à votre revue de l'enquête du coroner et des recommandations, qui sont semblables à ce que vous m'avez entendu dire aujourd'hui. Cette question ne disparaît pas avec seulement Pharmanet. Elle exige du leadership.

Je travaille sur un projet sur l'ordonnance responsable et l'usage informé au sein du conseil régional de soins de santé. Un médecin siégeant sur le comité consultatif tente de le dénoncer parce qu'il se sent menacé.

Le président: Merci, madame Gadsby.

La séance est suspendue.

À la reprise.

Le président: Notre premier groupe de témoins cet après-midi est le Dr Galt Wilson, le directeur du programme d'internat en médecine familiale de UBC; le Dr John Cairns, Doyen de la faculté de médecine de UBC; la Dre Joanna Bates, assistante doyenne aux admissions; et M. Gerry Fahey, le directeur administratif du conseil professionnel de la santé.

M. Gerry Fahey, directeur administratif, Conseil profes sionnel de la santé: Je suis accompagné de Mme Dianne Tingey qui est membre du Conseil professionnel de la santé.

Dr J. Galt Wilson, directeur de programme, Programme d'internat en médecine familiale, campus de Prince George, Université de la Colombie-Britannique: Juste pour clarifier, je suis le directeur du campus de la Colombie-Britannique du Nord, du campus de Prince George, du Programme d'internat en médecine familiale. Je crois que mon invitation est due à un écrit inquiet que j'ai expédié au comité prédisant l'extinction de la pratique de la médecine familiale dans ce pays.

Officiellement, je parlerai au nom des praticiens en médecine familiale dans la région, et notamment ceux dans les communau tés du nord et rurales. J'ai été envoyé pour vous donner, ce que j'appellerais, un rapport «de reconnaissance». Au cours des années, dans les régions à recrutement difficile, nous sommes considérés comme des éclaireurs pour le système de soins de santé. Quand il y a un manque de professionnels ou un effondrement du service est juste à l'horizon, nos établissements sont les derniers endroits à se remplir et les premiers à perdre du personnel. Nous avons tendance à entendre parler de ces choses en premier.

Je veux vous remercier et vous féliciter au nom des médecins généralistes de la Colombie-Britannique du Nord pour l'excellent travail que vous avez fait. En fait, nous sommes enclins à tenter de vous faire accepter comme médecin de famille honoraire pour la manière dont vous avez employé les ressources disponibles pour faire le travail.

Le sénateur Carney: Nous avons besoin de vos ressources.

Dr Wilson: Dans le domaine médical, nous faisons le meilleur travail que nous pouvons pour répondre au problème de l'heure à l'aide de ce qui est disponible. Sans vouloir être hystérique à ce sujet, notre anxiété réelle est que nous voyons les soins de santé primaires à travers le pays fondre à grande vitesse. Vous référez dans vos rapports à la réforme des soins de santé primaires comme étant, peut-être, la question la plus important à laquelle doit faire face le système, bien que ce soit, de l'aveu général une responsabilité provinciale.

Au nom des praticiens sur le terrain, je prédirais une phase de reprise des soins primaires plutôt qu'une réforme. Je veux, brièvement, partager plusieurs citations provenant du terrain qui vous ont été distribuées, de sorte que vous n'ayez pas à vous contenter de ma parole. Ces citations sont une réflexion d'où nous en sommes avec les soins primaires actuellement.

Le premier est d'un homme qui a travaillé en Colombie-Britannique du nord durant 25 ans. Autour d'un café, il a fait remarquer que les Américains sont hésitants à laisser leur emploi de peur de perdre leur assurance-maladie. Certains d'entre vous ont peut-être vu le film, Jerry McGuire, où la question a été posée: «Ai-je toujours droit à mon assurance-maladie?» Nous avons atteint un point où un Canadien avec une maladie chronique qui déménage dans toute communauté de ce pays peut découvrir qu'il ou elle ne peut trouver un médecin de famille, un point c'est tout. Dans certaines communautés il n'y a aucun soins de santé.

Nous passons d'une discussion d'améliorer le système à une approche de tenter de fournir un service fondamental aux gens. La tragédie de tout cela est que jamais auparavant, il n y a eu autant de choses que nous pouvons faire pour améliorer la qualité de la vie et la vie future des gens atteints de maladies chroniques, que ce soit le diabète, une maladie de coeur ischémique, une maladie chronique de poumon, le cancer, les troubles mentaux ou troubles d'usage de stupéfiants. Ces gens se trouvent incapables d'accéder à quelque soin de santé que ce soit.

Un collègue chirurgien de la Colombie-Britannique du Sud m'a dit que maintenant il fait tous ses suivis de cancer parce qu'il ne peut se fier aux généralistes pour qu'ils le fassent. Il croit que l'engagement n'est pas là et que leurs pratiques sont trop instables. Je suis un généraliste. Nos collègues spécialistes découvrent qu'au niveau de base ils ne peuvent se fier au secteur de soins de santé primaires pour faire le travail. Un autre collègue chirurgien dans ma propre ville m'a dit que de plus en plus, les patients référés par les généralistes n'ont fait l'objet d'aucun travail, et parfois même pas une évaluation de base. Les patients sont référés avec des symptômes comme une douleur abdominale et une sensibilité au sein.

Quand les gens vont dans le sud, comme ils pourraient le faire en bon nombre, ils me demandent de les aider à trouver un médecin de famille dans la ville. Dans le passé, je leur donnais le nom d'un médecin que j'ai connu, et l'acceptation était automatique. Récemment ce n'est plus le cas. Un homme dans une banlieue très agréable de Vancouver m'a dit qu'en six mois, ils ont perdu 14 généralistes qui ont décidé de changer d'emploi. Les généralistes acceptent des emplois comme remplaçants dans des cliniques sans rendez-vous; ils fournissent de la consultation en soins palliatifs; et ainsi de suite. Ils abandonnent le travail de terrain. Quand j'ai parlé la dernière fois au fondateur de notre département de médecine familiale à UBC lors de sa retraite, il m'a dit que sur la côte ouest de Vancouver, indubitablement le plus beau quartier du monde, il a été incapable de trouver un jeune médecin pour prendre sa pratique.

Dans une petite ville de la Colombie-Britannique du Nord avec 15 médecins de famille, tous ont converti leur pratique en clinique sans rendez-vous. Personne n'accouche les femmes. Personne ne suit les patients. Un de mes résidents, qui travaillait dans cette région du pays, m'a dit que les cinq médecins dans la petite ville le long de la route accouchent toutes les femmes pour les 15 médecins dans l'autre communauté.

On n'entendait rien de tel il y a juste deux ou trois ans. Même dans les années 60 et 70, quand la population de Prince George a doublé et a redoublé - elle est passée de 20 000 à 80 000 dans une décennie, nous arrivions toujours à accommoder les gens. Si un médecin quittait ou se retirait, vous pouviez toujours trouver quelqu'un pour prendre en charge ses patients. La manière normale de quitter une pratique actuellement est de faire un effort pour trouver quelqu'un, de ne pas réussir, d'aviser les patients, et au bout de trois mois ou de tout autre délai demandé par l'autorité de réglementation, vous fermez les portes et vous laissez ces gens livrés à eux-mêmes. C'est alors à eux de trouver des soins.

Même au niveau le plus idéaliste de notre discipline, le Collège des médecins de famille du Canada, un membre canadien de l'atlantique inscrit au tableau m'a dit qu'ils se rencontrent, font des plans idéalistes et parlent des valeurs que nous préconisons, autour d'un café, ils parlent de comment ils vont quitter. C'est très difficile.

Juste pour illustrer ou bien faire comprendre le point, nous avons perdu un collègue et nous avons ratissé tout le Canada pour essayer de le remplacer. Nous avons placé cette annonce: «Le meilleur poste de médecin généraliste au Canada. Groupe sympathique. Loyer fourni. Programme de formation établie. Déménagement payé. Bonus de signature. Prime généreuse d'éloignement et allocation d'éducation.» J'ai surveillé les listes diverses de courrier électronique de médecins de famille, la Société des médecins ruraux du Canada, et presque tous les jours je pouvais voir: «J'en ai assez de ma ville. Ils me traitent si mal.» Je mettais de l'avant notre présentation. Nous n'avons eu aucun candidat canadien en six mois. Nous recrutons un monsieur d'Aberdeen, en Écosse.

Finalement, notre président de BCMA aurait dit, il y une semaine ou deux qu'environ 100 000 Colombiens-Britanniques sont des «patients orphelins.» C'est un nouveau terme avec lequel je suis certain que vous êtes devenus familiers. Il s'agit de patients qui n'ont pas accès aux services d'un médecin de famille. Mon expérience indique que le nombre augmente de façonexponentielle au fur et à mesure que les médecins de famille abandonnent la région.

Le message que je veux vous laisser est que le problème ici est plus complexe qu'une simple pénurie de médecins. Il y a eu un changement démographique au sein de la profession, juste comme il y en a eu au sein de la population. Quand j'étais un tout nouveau médecin, les praticiens étaient des hommes farouche ment indépendants, cela a pris un certain nombre d'années avant que nous ayons une femme médecin en Colombie-Britannique du Nord - qui étaient capables de consacrer toute leur vie uniquement à soigner. Ils travaillaient 70 ou 80 heures par semaine parce qu'ils avaient des partenaires de vie compétents qui faisaient tout, sauf soigner à leur place. Ils étaient des bourreaux de travail. La plupart étaient endettés jusqu'au cou de trop dépenser et de ne pas verser leurs impôts à temps. C'était d'un esclavage et c'était très, très productif, bien que certainement pas très sain. Aujourd'hui notre groupe comprend des hommes plus vieux et de plus jeunes femmes. Plusieurs des plus vieux ont eu la peur de leur vie durant la récession de 1981-1982 et ont décidé de payer leurs factures et de verser leurs impôts, et de ne pas être en difficulté financière. Dans mes premiers jours, mes collègues ont voulu faire mes patients sur appel parce qu'ils avaient besoin d'argent. Ils s'investissaient dans des MURB et des choses du genre. Nous payons des primes importantes pour que des gens fassent des heures supplémentaires que les médecins ne sont pas disposés à faire. Ils ont déjà un travail à plein temps et il y a assez de pressions financières et personnelles. Les bourreaux de travail ne sont plus à la mode.

De même, les hommes sont en mode préretraite et les femmes ont de jeunes familles. Nous entendons des commentaires rassurants d'économistes de la santé et d'autres qui comptent les têtes et nous disent qu'il y a juste autant de gens qu'il y en a toujours eu. C'est peut-être vrai, mais ce n'est pas une main-d'oeuvre qui a la même capacité.

Ajoutant à cela que les options se multiplient pour les médecins de famille. Certains travaillent comme employés hospitaliers, font des remplacements, travaillent dans des cliniques sans rendez- vous, et certains exercent toutes sortes de rôles consultatifs. Certains recueillent les paiements pour les soins gériatriques et palliatifs. Il y a une foule de manières de gagner sa vie en médecine familiale en plus de fournir des soins de santé directs à une clientèle de patients. Les médecins accourent pour faire ces choses.

À certains endroits de votre rapport, vous remarquer certaines lacunes des services à honoraires dans le cas des soins de santé primaires, par exemple comme: la qualité des soins ne peut pas être promue; et il n y a pas d'occasion d'impliquer d'autres gens pour la fourniture des soins de santé primaires. Ces choses sont vraies. Actuellement, la pire lacune, comme je le vis, des services à honoraires purs, est que cela ne couvre que les visites et non la gestion de cas. Il y a peu d'incitatif dans le système actuel à prendre des patients supplémentaires. Ceci s'applique notamment aux médecins en préretraite ou aux médecins qui doivent s'occuper des demandes des jeunes familles. Les nouveaux patients sont un défi et un fardeau, et il n y a aucun incitatif ou même aucune nécessité à prendre de nouveaux patients.

Des pratiques ont été fermées, et des pratiques ferment, et un nombre croissant de Canadiens ne peut accéder aux soins de santé de base.

Le président: Merci.

Dr John A. Cairns, doyen de la faculté de médecine, Université de la Colombie-Britannique: Monsieur le président, je parlerai essentiellement, de la perspective des écoles de médecine canadiennes, et notamment la perspective de l'Associa tion des collèges de médecine du Canada dont je suis le président. La Dre Bates focalisera sur un domaine d'intérêt particulier dans le système de soins de santé que vous avez identifié, et qui est la santé des Autochtones. Nous à l'Université de la Colombie-Britannique, avons pris des étapes successives dans les questions entourant la santé des Autochtones. Nous vous ferons deux présentations fort différentes.

La plupart d'entre vous savent que les 16 écoles de médecine du Canada sont le noyau de la formation des médecins et de nombreux autres professionnels de la santé dans le système canadien de soins de santé. Ils sont aussi les centres dans lesquels un grand nombre de nos scientifiques médicaux sont éduqués et poursuivent leur travail. Les grandes maisons d'enseignement sont le foyer, le centre, de la recherche en santé dans le pays. De loin la part la plus grande de la recherche en santé au Canada est faite sous les auspices des 16 écoles de médecine du Canada.

Elles jouent également un rôle important dans la prestation de services, notamment dans les environnements de soins tertiaires et quaternaires. Les centres universitaires de sciences de la santé, l'épine dorsale de notre système de soins de santé de référence au Canada, sont intégralement reliés aux écoles de médecine. Ce sont les endroits où les enseignants spécialistes travaillent, où les installations de haute technologie se retrouvent et sur lesquels le système de soins de santé du Canada est absolument dépendant. Ces trois secteurs: l'enseignement, la recherche et le service sont essentiels dans une analyse des écoles de médecine du Canada, et ensuite quand nous considérons l'avenir pour vos questions de durabilité, des rôles possibles du fédéral dans le système de soins de santé du Canada, et du besoin implicite de changement et de renforcement.

Dans votre document, vous cernez au moins deux de ces questions en rapport avec l'enseignement. Vous êtes conscient de l'inquiétude qui entoure l'offre de médecins au Canada. Je ne suis pas certain que la question a été développée comme elle le devrait. Elle est analysée dans le chapitre 11.

Le grand problème au Canada est que nous n'avons jamais accepté la position de la plupart des pays occidentaux en matière d'autonomie relativement à l'offre de médecins. Nous sommes très différents des nations de l'Europe de l'Ouest, des États-Unis, parce que nous dépendons d'autres pays pour former les médecins dont nous avons besoin au Canada. C'était extrême dans les années 60 alors que plus de 50 p. 100 des médecins dont la population canadienne avait besoin venaient d'autres pays.

La situation s'est améliorée. Le fédéral a joué un rôle important dans la création des écoles de médecine. Il y a eu la création du fonds de ressources en soins de santé. Il y a quatre nouvelles écoles de médecine; les admissions ont augmenté dans d'autres écoles à travers le pays; et nous avions commencé à devenir autonomes pour la formation de médecins. La situation a été renversée radicalement dans les années 90 avec les déficits provinciaux, le déficit fédéral et la dette.

La question de l'éducation des médecins est une question que le Canada a de nouveau délaissée. Alors que nous aurions besoin annuellement de 2 500 médecins, simplement pour maintenir le ratio actuel de médecins par rapport à la population au Canada, nous en formons environ 1 600. Nous devons trouver le reste dans d'autres pays. C'est une situation fondamentalement instable et tout pays occidental qui se respecte ne tolérerait pas une telle approche. Je ne crois pas que cette question ait été suffisamment traitée dans votre rapport à ce jour.

La proportion de médecins par rapport à la population dans le pays diminue actuellement. Elle a atteint un sommet en 1993 environ, et baisse maintenant. Il est difficile de savoir ce qui est la proportion idéale de médecins par rapport à la population, mais il ne peut être correct d'avoir la plus basse proportion de tous les pays occidentaux à part le Royaume-Uni, et le Royaume-Uni augmente actuellement sa proportion de médecins par rapport à la population. Le Canada est en forte baisse à ce chapitre. Je crois que ces questions doivent être clairement devant le comité au cours de ces délibérations.

La nature de la demande de médecins au Canada soulève des questions de grande importance. La pénurie de médecins dans les régions éloignées et rurales est touche toutes les provinces. Le Dr Wilson en a parlé. Toutefois, il est d'une importance capitale de ne pas perdre de vue ce qui arrive dans les villes, dans les grands centres de référence, où nous trouvons les problèmes extrêmes en ce qui concerne les réponses aux besoins de la population. Les proportions globales de médecins par rapport à la population sont une grande préoccupation.

Nous avons également examiné le rôle du gouvernement fédéral à ce chapitre. Vos questions de durabilité sont des questions clés, et vous les avez associées au rôle du gouvernement fédéral. Je dirais que le gouvernement fédéral a démontré un grand leadership dans les années 60. Je vous rappellerais la Commission Hall. On a défini le problème du manque d'auto nomie quant à l'offre de médecins au pays, et ils ont trouvé des manières pour investir au moyen d'immobilisations et en encourageant le développement d'écoles de médecine. Ceci n'est plus le cas depuis les années 60 et le milieu des années 70. Je soumets que le gouvernement fédéral a besoin de démontrer du leadership dans ce secteur. Ceci n'est pas quelque chose qui peut être laissé aux provinces. Les provinces soutiennent les milieux scolaires et les financements, mais le gouvernement fédéral doit trouver les manières de revenir dans ce secteur encore une fois, pour démontrer du leadership, coordonner, tout au moins, et peut-être pour trouver des secteurs où il existe une tradition bien établie d'investissement en infrastructures, par le truchement de la recherche, peut-être par le truchement de secteurs d'intérêt particuliers au gouvernement fédéral, y compris les problèmes du Canada dans les régions éloignées et rurales et de santé des Autochtones. Je préconise l'imagination, l'innovation et le leadership, qui doit venir du gouvernement fédéral. C'est un problème national.

Vous soulevez la question de la recherche jusqu'à un certain point dans le chapitre 9 de votre rapport. Il y a eu beaucoup de discussions au sujet de l'état peu enviable du Canada en comparaison à d'autres pays de l'OCDE. Nous avons eu un mouvement fédéral important à ce chapitre. Nous sommes très reconnaissants pour les initiatives autour de l'IRSC, de la FCI, des Chaires de Recherche Canada et d'autres projets entrepris par le gouvernement fédéral, mais nous sommes les derniers sur la liste de pays occidentaux. Nous devons nous rappeler que bien que nous ayons progressé, nous avons une longue route à faire. Je crois que ce comité doit avoir devant lui l'objectif d'un investissement d'environ 1 p. 100 des dépenses en soins de santé, ce qui serait environ 1 milliard de dollars par an en recherche. Nous fonctionnons avec environ 500 millions de dollars actuellement, mais nous sommes encore derniers compara tivement aux grands pays occidentaux.

Je crains en lisant le rapport que le comité s'intéresse essentiellement au système de soins de santé du Canada. Quand il traite de la recherche, il traite essentiellement de la recherche en soins de santé. Lorsque nous pensons à notre système de soins de santé, nous devons envisager d'où viendra le nouveau savoir pour fournir les médicaments, les dispositifs, et les nouvelles approches de thérapie dont nous avons besoin pour alimenter le système de soins de santé. Il y a un besoin pour que le gouvernement fédéral soutienne la recherche fondamentale, la recherche clinique, et la recherche en services de santé. Toutes ces recherches sont nécessaires pour maintenir le système de soins de santé, et elles ont pour nous comme nation de grands avantages économiques.

Un élément additionnel que je mentionnerai en ce qui concerne les écoles de médecine et le système de soins de santé est le Centre universitaire des sciences de la santé (Academic Health Science Centre). Le grand réseau des principaux hôpitaux de référence dans ce pays est essentiel pour toute école de médecine. Ils sont les principaux centres pour la chirurgie de haute technologie, des nouvelles innovations en soins. En tant qu'épine dorsale de notre système de soins de santé, avec leurs installations d'enseignement et de recherche reliées, ils sont en sérieuse difficulté. Encore une fois, je crois que le gouvernement fédéral devrait prendre le leadership et l'initiative en matière de maintien de ce réseau remarquable de centres de soins tertiaires et quaternaires, qui sont au coeur de nos écoles de médecine et, de ce fait, de tout notre système de soins de santé.

J'ai essayé de vous donner une idée de ce que les écoles de médecine font, des nouveaux enjeux, et de les relier à certains travaux excellents que j'ai lus déjà dans les rapports que vous avez colligés. Toutefois, je vous inciterais à envisager plus de données et de traiter de certaines questions plus en profondeur. Je préconise notamment le leadership du fédéral à ce chapitre. Nous l'avons vu dans le passé, et il est opportun qu'il se manifeste encore une fois. Le mandat de ce comité du sénat et de l'existence de la Commission Romanow indique un intérêt. C'est un grand pas vers le leadership, la mise en oeuvre des recommandations, et le maintien du leadership au fur et à mesure que celles-ci deviennent opérationnelles. Je crois que cela est absolument critique.

Dre Joanna Bates, doyenne adjointe, Admission, Université de la Colombie-Britannique: Monsieur le président, je voudrais vous remercier de me donner l'occasion de témoigner devant vous.

Mes commentaires seront concentrés essentiellement sur le chapitre 13 de votre rapport, la santé des Autochtones. Je suis heureuse que vous l'ayez identifiée comme un secteur d'intérêt particulier de ce comité. Si vous avez lu les documents et écouté la SRC vous savez que nous avons attiré un peu l'attention des médias à UBC sur notre politique en développement au sujet de l'admission d'étudiants autochtones à la Faculté de médecine. Le chapitre 13 traite, tout d'abord, du besoin d'accès à des services culturellement appropriés aux Autochtones et, deuxièmement, réclame un nombre accru de fournisseurs de soins de santé provenant de la population autochtone.

Au cours des quatre dernières années, nous avons tenté de répondre à cette question au sein de la Faculté de médecine et dans d'autres facultés à travers le Canada. Nous avons répondu à l'appel, qui a été fait par des Commissions royales antérieures, pour augmenter le nombre de fournisseurs autochtones de soins de santé. Le travail que nous faisons se concentre, jusqu'à un certain point, sur le principe à l'effet que pour avoir une société juste au Canada, nous devons avoir des Autochtones à tous les niveaux de la société, y compris des professionnels de soins de santé. Pour que les Autochtones reçoivent une fourniture appropriée de services de soins de santé, ils doivent eux même faire partie du système de fourniture des services de soins de santé à titre de dispensateurs de soins de santé.

Cela dit, nous devons identifier un certain nombre de barrières importantes à l'acceptation et à la participation des Autochtones et des étudiants admis dans les facultés, non seulement en médecine mais aussi dans d'autres carrières en santé. Précisément, les questions au sujet de l'enseignement antérieur sont des questions majeures à l'atteinte par les Autochtones du niveau d'éducation requis pour être admis dans les facultés profession nelles. La question du taux d'abandon des études et d'abandon avant la fin des études secondaires, empêche maints élèves autochtones de même atteindre le niveau où ils pourraient envisager une carrière professionnelle en soins de santé.

La demande d'augmentation du nombre de places pour les Autochtones et de participation accrue a été faite à un moment où le financement global et le nombre de places dans les facultés de médecine et d'autres programmes de santé diminuaient. C'était un temps difficile pour répondre à une telle demande. Toutefois nous sommes maintenant à un point où cette tendance commence à se renverser. Je crois qu'il existe une occasion réelle pour le gouvernement fédéral de tirer avantage de cette occasion en prenant quelques initiatives et en fournissant un certain finance ment pour des programmes nationaux afin d'augmenter l'admis sion des Autochtones.

Finalement, nous voyons la nécessité de mettre en place des mécanismes d'adaptation culturelle au sein de nos organisations. Les appels pour un accroissement des admissions et de la participation ne seront pas efficaces sans des aménagements culturels lors de l'admission et par la suite. Nous travaillons extrêmement fort sur cet aspect. Je m'arrêterai ici.

Le président: Que signifie en termes simples «adaptation culturelle»?

Dre Bates: En travaillant avec nos élèves autochtones qui sont intéressés dans des carrières en médecine, notre processus d'admission se concentre sur les types d'activités et de structures dans lesquels les élèves venant de milieux non autochtones sont impliqués, et celles-ci ne permettent pas le processus de communication qui se produit avec les élèves autochtones élevés dans des réserves. Par exemple, nous visons l'établissement de rapports axés sur le contact visuel, et ce qui ne correspond pas à la culture autochtone.

Le président: Ce n'est pas un nom de code pour désigner l'action positive.

Dre Bates: Non, non.

Le président: Vous dites que vous emploierez pour certaines personnes des examens uniques d'admission qui reflètent mieux leurs antécédents.

Dre Bates: Oui.

Le sénateur Carney: Voulez-vous dire des normes inférieures d'admission?

Dre Bates: Non, nous ne voulons absolument pas dire des normes inférieures d'admission. On nous pose souvent cette question. Nous avons des normes d'admission similaires pour tous les candidats, mais nous estimons que nous n'avons pas identifié correctement l'excellence et la performance dans certains grou pes, y compris les élèves autochtones.

Mme Dianne M. Tingey, membre, Conseil des professions de la santé: Le Conseil des professions de la santé est un corps consultatif de six personnes nommées par le gouvernement de la province en vertu de la Loi des professions de la santé (Health Professions Act) pour formuler des conseils et des recommanda tions au ministre de la planification en santé, concernant la réglementation de professions de la santé. Quand nous parlons de réglementation des professions de la santé dans le contexte de la Loi des professions de la santé (Health Professions Act), nous référons à l'autoréglementation des professions de la santé de sorte que les praticiens constituent un collège ou sont déjà constitués en collège, et réglementent l'admission à l'exercice de la profession et les questions de compétence, la discipline et autres, des praticiens.

Le mandat courant du Conseil des professions de la santé comprend trois tâches, deux sont essentiellement terminées. La première, qui est une tâche continue, est d'étudier et de signaler au ministre les demandes de professions qui ne sont pas actuellement réglementées dans la province et qui cherchent à être réglementées en vertu de la loi. Je suis impliquée dans ce secteur du Conseil des professions de la santé avec deux autres membres.

Si je comprends bien, vous voulez en savoir davantage sur les deux autres tâches aujourd'hui. L'une est la revue des champs d'exercice des 15 professions de la santé actuellement réglemen tées dans la province. Ces professions comprennent les médecins et chirurgiens, les infirmières accréditées, les chiropracteurs et autres. La dernière des trois tâches est la révision de la législation en vertu de laquelle 10 de ces 15 professions de la santé réglementées sont gouvernées. Chacune de ces 10 professions a sa propre loi, comme la Loi des médecins en exercice (Medical Practitioners Act) et ainsi de suite.

Les membres du Conseil des professions de la santé sont nommés par décret. Aucun des membres du conseil n'est un professionnel en santé. Notre travail est soutenu par trois chercheurs. Notre directeur de la recherche est Gerry Fahey. Il a été fort impliqué dans le champ d'exercice et la révision des législations, et il s'adressera maintenant à vous à leur sujet.

M. Fahey: Ce champ d'exercice et cette révision législative ont abouti à un rapport de 1 400 pages qui a fait l'objet de questions plus tôt cette année. Je sais que nous avons peu de temps, alors j'essaierai de résumer ce long rapport pour le comité.

Je devrais dire également, évidemment, qu'il s'agit d'une question de compétence provinciale. Notre projet, quirecommande foncièrement la création d'un nouveau modèle pour réglementer l'exercice des professions, s'inspire d'initiatives semblables en Ontario et en Alberta. Ce qui compte aujourd'hui est que peut-être que ces types de nouveaux modèles de réglementation des professions, qui visent principalement à éviter les préjudices, permettront plus de souplesse dans l'emploi de professionnels des soins de santé et, de ce fait, pourront peut-être, faire partie des solutions que recherche ce comité.

Je ferai maintenant un bref historique. Il y a approximativement 15 ans, une commission a été tenue en Colombie-Britannique dans le secteur des professions de la santé, la réglementation, et l'exercice des professions. Elle a constaté que c'était un secteur enclin aux contestations de juridiction, faute d'un meilleur terme, de batailles territoriales. Qui peut faire quoi; qui est qualifié pour quoi; et qui ne devrait pas faire quelque chose, relève de notre rayon d'action. Selon la commission, la principale cause du problème était le système alors en place pour réglementer l'exercice des professions. Ce système était connu sous le vocable «système de champs d'activité exclusif». Dans ce système, on accorde à chaque profession un énoncé décrivant son champ d'exercice, qui est, généralement, très large, et dans les limites de cet énoncé, ils ont le droit exclusif d'exercer. Par exemple, l'exercice de la médecine est défini, comme vous pouvez l'imaginer, très largement. En vertu de ce système, généralement les nouvelles professions, en conséquence, se verront octroyer des exceptions ou des exemptions au champ d'exercice de la médecine. On développe une approche pratique au niveau des hôpitaux, du collège, de l'organisme réglementaire, sur la manière de diviser les tâches. C'est évidemment la raison pour laquelle des contestations survenaient. C'était le point de vue de la commis sion. La recommandation était que nous passions à un nouveau système. L'Ontario en avait un bon, qui s'appelle axes réservés ou modèle d'axes contrôlés. Le fondement de ce système est d'augmenter le choix parmi les professionnels de soins de santé à l'intérieur de paramètres sécuritaires. Autrement dit, si les gens sont formés et éduqués pour exécuter certaines tâches, on devrait leur permettre de les exécuter.

Ceci signifiait qu'il n'y avait plus de champ exclusif pour chaque chose, mais la notion s'appliquait pour certaines tâches dangereuses. L'Ontario et la Colombie-Britannique ont développé une liste de certains services dangereux.

Puis nous avons examiné chacune des professions, toutes les 15, et avons fixé ce que leur champ d'exercice serait, et ce que leur axe réservé serait. Le thème fondamental était d'augmenter la sélection à l'intérieur de paramètres sécuritaires.

On s'est concentré également sur le fait que l'ancien système avait empêché la substitution entre professionnels pour des tâches et des services, et réduit la souplesse. Un des buts de ce nouveau système était de promouvoir la pratique interdisciplinaire. Je n'analyserai pas notre travail en détail, évidemment, mais je vous revoie à nos recommandations sur les soins infirmiers. Après un examen d'une partie de votre matériel, je sais que vous trouverez cela intéressant. Nous croyons que le modèle d'axe réservé aidera à promouvoir les soins infirmiers spécialisés et les rôles primaires en soins infirmiers. Maintes expériences ont été conduites à travers le Canada, dont plusieurs en Colombie-Britannique, relativement aux soins infirmiers primaires. Nous croyions qu'il y avait eu suffisamment d'essais et que nous devions aller de l'avant. Nous avons recommandé que le RNABC, qui est l'organisme de réglementation pour les soins infirmiers en Colombie-Britannique, entame les travaux. Nous croyons que notre système, le système mis en oeuvre par le gouvernement, fera la promotion de ça. On peut retrouver les détails à ce sujet dans notre rapport. Vous pouvez vouloir consulter notre site Web qui est www.hbc.bc.ca. J'ai prévu quelques exemplaires de notre sommaire.

Au moment où nous étudions les champs d'exercice, on nous a demandé de réviser la législation. Cela impliquait un examen de huit à 10 lois différentes, toutes avec différentes structures. L'un de nos thèmes principaux était d'examiner les barrières pour l'entrée à l'exercice d'une profession. Cette initiative a été très importante parce que, enfouis au milieu de toutes ces législations auxiliaires, les instruments réglementaires et les règlements, il y a, même pour une profession, plusieurs règles qui créent des barrières pour d'autres professions. Par exemple, il y a des dispositions dans plusieurs statuts qui empêchent un membre d'une profession de pratiquer avec une autre profession. Il y a des dispositions empêchant l'émission d'ordonnances. Il y a des dispositions au sujet de qui contrôle les installations delaboratoire. Nous avons identifié celles-ci non seulement comme barrières d'accès pour le public, mais aussi comme barrières à des solutions venant du gouvernement sur la manière qu'il désire employer le personnel de soins de santé. Je m'en tiendrai à cela, car je sais que nous manquons de temps.

Le sénateur Morin: J'aimerais vous remercier beaucoup pour votre présence. Mon bon ami John Cairns que j'ai connu comme cardiologue et comme doyen. Nous sommes en bonne compagnie.

Docteur Wilson, vous nous avez donné un très bon aperçu du problème et son ampleur et de la difficulté à trouver une solution. Comme vous le savez, les soins de santé primaires sont au centre de toutes les commissions qui ont étudié les soins de santé. Je pense à la commission Claire au Québec et la commission Fyke. Tout le monde a un plan. Notre rapport fait mention aussi d'une réforme des soins de santé primaires. Je prendrai le modèle Claire mais je crois que les autres modèles sont fort semblables. Le modèle Claire est une équipe de soins de santé primaires avec quatre éléments fondamentaux. Il est interdisciplinaire. Il propose un changement de la rémunération à l'acte à la rémunération forfaitaire, la capitation pour le médecin. L'équipe est responsable de l'ensemble des besoins en soins de santé d'une population donnée, une population déterminée. L'équipe a un garde-barrière. Elle est responsable de tous les renvois, et vous pouvez accéder aux soins de santé extérieurs sans une autorisation ou un renvoi.

Je reconnais que cela n'est pas une solution à vos problèmes liés à l'augmentation du nombre de places dans les écoles de médecine et autres du même genre.

Toutefois, quelle est votre réaction là-dessus?

Dr Wilson: Le thème qui revient sans cesse est qu'une forme quelconque de rémunération basée sur la population estessentielle. Collectivement, en tant que groupe de médecins de famille, tant que nous servons toute la population, nous pouvonsmaintenir que la machine fonctionne encore même s'il y a 100 000 personnes en Colombie-Britannique et d'autres un peu partout au pays. Il y a un an environ, dans notre ville, nous avons dit que nous, déclarerions publiquement que nous prendrions les 10 prochaines familles à se présenter à nous, et que nous ramasserions quelques milliers de gens sur cette base. Il y a eu une augmentation écrasante dans la charge de travail. Mes collègues ont dit qu'ils ne le feraient plus, car il n'y a eu aucune augmentation de rémunération et il y avait beaucoup plus de responsabilités. Nous sommes tous aussi actifs que nous pouvons l'être.

Je crois qu'il y quelques remaniements à faire au sujet de la carotte et du bâton de sorte qu'il y ait un certain incitatif à prendre de nouveaux patients. Je crois que l'approche multidisciplinaire est la clé.

Quand j'ai demandé à mes collègues pourquoi ils ont laissé tomber la pratique familiale, ils m'ont dit qu'elle les épuisait. Ils offraient toute l'écoute sympathique et tous les suivis. Ils voulaient faire de la médecine. Dans les centres d'enseignement, nous avons l'avantage d'avoir des élèves, des infirmières et infirmiers licenciés, de l'université locale. J'ai un préjugé, mais je crois que la manière la plus simple de faire cela serait de permettre aux médecins d'employer d'autres travailleurs.Évidemment, je ne suis pas le dictateur complaisant quand on en vient à ça.

On parle de hiérarchies et de réticences. On laisse entendre que nous ne céderons pas le pouvoir et le contrôle comme médecins. Je crois que c'est du passé. Nous avons formé 50 jeunes dans notre programme, et il y a un désir de partager le fardeau. Le reste de l'équipe veut que les médecins fournissent le leadership. Ce n'est pas comme s'il y avait d'autres professionnels. Je crois que les médecins sont assez justes pour le voir. Je crois que cette idée est un faux-fuyant.

Le seul avertissement que j'ai est que la fragmentation est un risque énorme. En responsabilisant d'autres professionnels, mon cauchemar est que dans ma ville il y aura une pratique de soins infirmiers, de sage-femme, de nutritionniste, de pharmacien et de conseiller, et que nous perdrons tous du temps à travailler à contre-courant l'un de l'autre. Quel que soit le régime administra tif, je crois que nous devrions être sous un même toit à travailler ensemble.

Le sénateur Morin: Seriez-vous en faveur d'un modèle assez semblable à celui que j'ai décrit?

Dr Wilson: J'ai un commentaire additionnel au sujet de la capitation pure. Je vous recommanderais de vous renseigner à propos des soins gérés aux États-Unis et en vertu du NHS en Grande-Bretagne. La capitation achètera le consentement pour prendre de nouveaux patients et pour embaucher d'autres professionnels. C'est important. Il y a un risque de sous-service s'il n'y a aucun frais de visite. Je parle au nom de centaines de mes collègues qui favorisent le système mixte.

Le sénateur Morin: C'est un très bon point.

Vous avez parlé de pénurie. Vous mentionnez des chiffres de 2 500 et de 1 600, et vous dites que nous en importons 900. Ce sont des chiffres très importants et je crois que nous les inclurons dans notre rapport.

J'ai deux questions pour vous. Vous avez mentionné le rôle du fédéral, c'est-à-dire le leadership fédéral avec des programmes du fédéral pour aider les écoles de médecine en ces temps très difficiles. Comme vous le savez, le problème, c'est qu'il s'agit vraiment d'un domaine de compétence provinciale. C'était plus facile jadis quand la pénurie concernait des briques et du mortier. Ce n'est pas facile de trouver des programmes. Comme vous le savez, il y a un fort appui fédéral à la recherche. Est-ce que d'appuyer les coûts indirects de recherche aiderait de quelque façon que ce soit?

Dr Cairns: Oui.

Le sénateur Morin: Est-ce l'orientation à adopter, ou devrions-nous penser à un autre programme et alors intervenir et avoir les problèmes avec les provinces?

Dr Cairns: Comment le gouvernement fédéral peut aider directement est une question complexe. C'est une question pour le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Nous préconisons qu'ils trouvent une manière pour le faire et qu'ils fassent montre de leadership national. Le gouvernement fédéral a toujours adopté une approche active et respectée au sujet de la recherche. Le revirement qui se produit dans les établissements de recherche canadiens est venu du leadership fédéral. Il n'est pas venu des provinces. Contrairement à la plupart des pays occidentaux, au fédéral nous n'avons pas de coûts indirects pour la recherche. Les subventions sont accordées pour les coûts d'exploitation, et les universités et hôpitaux affrontent d'énormes coûts pour s'occuper de ces subventions quand elles sont reçues. Je crois qu'il peut y avoir des manières innovatrices pour rediriger certains des coûts auxquels ils font face maintenant si le gouvernement fédéral prenait la responsabilité pour les coûts indirects. Ceci présenterait des avantages supplémentaires mais pourrait aussi indirectement apporter des avantages du côté de l'enseignement. Il pourrait être très sage d'examiner cette question.

Les briques et le mortier sont extrêmement coûteux, et le gouvernement fédéral a trouvé une manière, par le truchement de la création d'un fonds de ressources en santé, pour faire ça. Pourquoi ne pas le faire encore une fois?

Le sénateur Morin: Y a-t-il un besoin pour plus d'infra-structure, de briques et de mortier, actuellement?

Dr Cairns: Absolument. Notre enseignement médical et notre personnel de recherche sont de deux tiers environ de la taille qu'ils devraient être. Nous sommes uniques parmi les pays occidentaux dans notre manière de ne pas prendre cette responsabilité. Nos écoles de médecine doivent être plus grandes, les capacités de recherche, renforcées, et les installations dans les grands hôpitaux de recours ont besoin d'être rénovées et, jusqu'à un certain point, agrandies, si bien qu'il y a des coûts en immobilisation importants en cause. Si un leadership du fédéral se manifeste à ce chapitre, et si les provinces sont en mesure de se sentir à l'aise avec cette relation, cela serait une excellente manière pour investir certaines des ressources plus que nécessai res dans le système.

Le président: Nous dites-vous ceci dans le sens que cela implique que le gouvernement fédéral fasse une contribution au financement, mais que le rôle continu en matière d'enseignement demeure celui des provinces?

Dr Cairns: Je disais qu'il y a un besoin de leadership; il y a besoin de coordination; et puis il y a un besoin de trouver des manières de le faire. Des réaffectations peuvent être nécessaires aussi. Si le gouvernement fédéral assume certaines des responsa bilités gérées par les provinces maintenant, elles pourraient être réaffectées à certains des coûts d'exploitation dans lesprogrammes d'enseignement.

Le sénateur Morin: Nos points de vue concernant la recherche peuvent ne pas avoir été clairs dans notre rapport, mais je crois que nous soutenons vos points. Le chiffre de 1 milliard de dollars figure bel et bien dans le rapport. C'est un objectif. C'est ce que nous visons. Nous soutenons aussi la recherche fondamentale. L'expression recherche «fondamentale» n'apparaît peut-être pas dans notre rapport, mais elle devrait y être. Nous soutenons fortement ces deux points.

Quelle est la situation actuelle des admissions dans les écoles de médecine? Je sais qu'au Québec, à Laval notamment, le nombre d'admissions pour les étudiants en première année de médecine est en hausse. J'ai entendu dire qu'il augmentait à UBC. Quelle est la situation à travers le pays?

Dr Cairns: Nous décernons des diplômes actuellement à environ 1 580 élèves. Nous avons atteint un sommet en 1985 avec 1 835. Nous avons baissé d'environ 18 p. 100 depuis lors, et cela à un moment où notre population était en croissance. Actuelle ment, il est au plus bas niveau depuis le début des années 70. Le Québec a ajouté plus de cent élèves par an à l'admission, et la même chose s'applique à l'Ontario. Dans tout le pays, l'admission n'atteint pas encore le 1 900 par an. À UBC, le gouvernement de Colombie-Britannique a un grand plan pour doubler le nombre d'admissions d'ici à 2010 et pour atteindre en grande partie cet objectif dès 2004. Nous commencerons à nous diriger vers l'autosuffisance, mais nous devrions avoir une classe d'entrée de 2 500 élèves par an. Nous sommes actuellement sous les 1 800 et, jusqu'à tout récemment, nous étions sous les 1 600. Il y a eu quelques mesures à ce chapitre, mais ce n'est qu'un commence ment.

Le sénateur Morin: Monsieur Fahey, nous disions que les infirmiers et les infirmières en exercice jouent un rôle dans les soins de santé primaires. Vous avez suggéré que nous devions aller de l'avant dans ce dossier. Comme vous le savez, le problème qui se pose, c'est qu'il y a un grand nombre de travailleurs de soins de santé primaires en chômage, en soins infirmiers, dans ma propre province, au Québec et en Ontario. Nous les avons formés, mais ils n'ont nulle part où aller. Ferons-nous face à une situation semblable en Colombie-Britannique?

M. Fahey: L'expérience en Colombie-Britannique, est peut- être légèrement différente. Évidemment, je ne peux parler que de l'expérience en Colombie-Britannique. Depuis 10 ou 15 ans, nous avons en place un programme appelé First Call, qui a donc fait ses preuves. Il y a des infirmiers et des infirmières travaillant dans ce rôle comme praticiens de soins de santé primaires. Notre processus d'audience et tous les mémoires que nous avons reçus, nous indiquent qu'il y a une grande demande pour cela, notamment dans les communautés rurales. De fait, certaines communautés auraient été dans des situations horribles si elles n'avaient pas reçu ce type de service professionnel.

Notre rôle n'est pas nécessairement de suggérer des idées; je crois qu'il faut faire remarquer également que, dans la mesure où il existe quelque barrière législative ou politique, nous devrions aller de l'avant. De manière générale, le gouvernement accepte nos recommandations, et je comprends que le personnel travaille à les mettre en oeuvre à l'heure où nous nous parlons. Certainement, nous n'avions aucun information ou preuve d'une faiblesse de la demande ou de gens en chômage dans ce secteur.

Le sénateur Carney: Il y a tant de choses dont on voudrait parler que nous serions obligés de vous garder ici pour parler pendant les prochains trois mois, je pense. J'ai trois questions. La première est pour Mme Bates. Pouvez-vous clarifier cette question d'admissions relativement aux admissions des Autochto nes? Pouvez-vous nous dresser un parallèle qui clarifierait la situation?

Je suis professeur adjoint à l'école de planification de UBC depuis 10 ans et quand j'ai des élèves autochtones dans ma classe, j'ai un dilemme: ils ne présentent pas l'information d'une manière qui réponde à mon modèle hautement structuré qui reflète ma culture. Comment faire pour concilier cela en s'assurant qu'ils atteindront le niveau de maîtrise ou de doctorat? Est-ce ce dont vous parlez lorsque vous mentionnez des critères d'admission plus souples, tout en maintenant qu'ils sont capables de fonctionner au sein d'un groupe d'homologues?

Dre Bates: Nous sommes engagés à assurer que nos procédés d'évaluation sont communs. Tous les élèves passent par les mêmes procédés d'évaluation. D'après ce que nous avons vu au cours des dernières années et d'après l'expérience ailleurs, nous ne sommes pas bons à anticiper quels élèves seront efficaces, étant donné la sorte d'indices que nous employons quand nous analysons l'admission. C'est essentiellement à cause de la complexité des milieux dont proviennent actuellement ces élèves, et aussi à cause des différences culturelles de communications, dont nous ne tenons pas compte. Je crois qu'il est vrai que nous voyons nos élèves fonctionner différemment. Comme vous le savez peut-être, l'enseignement médical change. Il est beaucoup plus axé aujourd'hui sur l'apprentissage en petits groupes et les communications en petits groupes. On met l'accent sur les compétences en communications, la capacité de communiquer, et de communiquer de différentes manières. Nos élèves autochtones sont très efficaces une fois qu'ils sont dans l'école de médecine. Toutefois, il semble exister des barrières à l'entrée dans toutes les régions du pays.

Le sénateur Carney: Ceci est très utile parce que je n'avais pas voulu laisser entendre que nous envisagions des «normes».

Docteur Cairns, j'ai une question pour vous, et je change de chapeau ici parce que j'ai siégé au conseil consultatif de votre école de médecine physique et de réadaptation. Le Dr Carswell m'a dit quelque chose durant l'une de nos dernières réunions relativement aux physiothérapeutes qui font face à une situation où ils ne seront pas accrédités à moins qu'ils aient une éducation formelle de six ans. Cela vient des États-Unis, non de nous. Actuellement, l'école ne peut diplômer assez de physiothérapeu tes pour répondre aux besoins en Colombie-Britannique. Il y a une pénurie. Je ne crois pas que Clyde Smith sera un meilleur physiothérapeute si lui ou ses élèves ont accumulé six ans d'études. Est-ce que cette demande d'augmentation de la durée de formation à six ans restreint l'accessibilité de certains élèves à la physiothérapie? Elle réduira certainement le nombre de physio thérapeutes et accroîtra leurs attentes salariales. Est-ce une préoccupation légitime? Dans l'affirmative, que peut-on faire en termes de durabilité? Si vous comptez soutenir le système, pouvez-vous continuer à exiger que l'accréditation soit accordée après quatre ou six ans plutôt que deux?

Le président: J'aimerais rajouter une question. Autrefois, on pouvait être infirmier ou infirmière sans avoir de diplôme. Ce fut ainsi pendant des générations. Le diplôme était optionnel. Aujourd'hui, il est obligatoire dans la plupart des cas. Voici ma question: Fait-on un effort dans la profession pour augmenter les exigences à l'entrée? Je pense aux conditions d'obtention du diplôme. Est-ce vraiment bénéfique ou est-ce une tentative pour donner à la profession plus de prestance, améliorer le revenu de ses membres ou que sais-je encore?

Le sénateur Morin: Ceci s'applique aussi aux psychologues. Ceci semble s'appliquer à la plupart des professions.

Le président: Vous comprenez le sens de cette question?

Dr Cairns: Je la comprends très bien. C'est un aspect difficile à aborder. Nous l'appelons le renchérissement des titres de compétences. Comme le sénateur Morin l'a dit, on le voit dans maints secteurs. Il n'y a aucun doute qu'être titulaire d'une maîtrise ou d'un doctorat de physiothérapeute ou thérapeute professionnel est souhaitable si vous enseignez, faites de la recherche, ou jouez un grand rôle de leadership.

Le sénateur Carney: Si vous êtes président de UBC, vous pouvez avoir besoin d'un doctorat en ergothérapie.

Dr Cairns: Oui, mais cette carrière est très différente de ce qui s'avère peut-être nécessaire pour pratiquer ces professions. Je crois que nous devons examiner la différenciation. Le même phénomène se produit en soins infirmiers. Nous devons examiner la médecine et décider où les gens commencent à se différencier, et combien est nécessaire pour faire les diverses tâches. Il n'y a pas de doute qu'il faut beaucoup d'années pour devenir chirurgien cardiaque, mais peut-être que peu d'entre eux ont besoin de toutes les compétences qui sont nécessaires pour accoucher une femme. Je crois qu'il incombe à toutes les professions d'examiner où elles veulent en venir avec ce renchérissement des titres decompétences.

Le sénateur Carney: Docteur Wilson, j'ai une dernière question pour vous, et elle a trait à la perception. Ces derniers temps, il y a eu une grève ou un retrait de services par des médecins du Nord, et la perception qui s'en est dégagée dans les médias était que les salles d'urgence n'étaient pas bondées, que personne n'a semblé vivre de crises, qu'en réalité, il n'y a pas eu de problèmes, et que peut-être n'avons-nous pas besoin de ces médecins du Nord. Cette perception était-elle juste? Comment réagissez-vous à cette perception?

Dr Wilson: Ce que vous venez de dire soulève une douzaine de questions cruciales. Par exemple, il y a certaines références dans votre rapport au problème national de gens qui se présentent aux services d'urgence pour obtenir des soins de santé primaires. Comme un grand nombre de médecins de villages, je fais ma part de quarts de travail au service d'urgence. Il y a deux semaines j'ai vu quatre patients dans un quart de huit heures, qui exigeaient des soins de santé continus de médecine familiale. L'un souffrait de cardiopathie ischémique, un autre de sclérose en plaque, et cette personne venait de déménager dans la région, un autre, des symptômes évocateurs d'un cancer interabdominal, et le dernier était un nouveau diabétique. Je crois que je devrais peut-être me retirer de ce service, car du point de vue déontologique, une fois que je touche à cette personne, lui ou elle est ma responsabilité, et c'est vraiment la même chose pour tous les autres. Le patient va me remercier pour l'ordonnance et le conseil, puis demandera: «Que dois-je faire? On m'a dit que je serai dans cet état pour le reste de ma vie.»

C'est très important de réduire la pression dans les services d'urgence. Beaucoup de personnes qui s'y présentent, auraient pu aller ailleurs. Si vous encouragez l'équipe des nouvelles de BCTV à aller au service d'urgence et faites tourner une caméra pour montrer comment c'est affreux, pendant un jour ou deux personne ne viendra. Ils trouveront d'autres endroits où aller. En fait, le nombre ne cesse d'augmenter.

Toutefois, je crois que les professionnels urbains qui tentent de fournir un service complet, des soins exhaustifs longitudinale ment, sont dans une position encore plus difficile, car dans un environnement de pure rémunération à l'acte, le travail facile est pris en charge par des cliniques sans rendez-vous. Une visite coûte 26,50 $ et un dollar la minute pour les frais généraux, alors ils deviennent insolvables. Nous sommes chanceux, notre loyer n'est pas élevé, les gens doivent venir nous voir.

En réponse à votre question: Avons-nous besoin de plus de médecins dans le Nord...

Le sénateur Carney: Je sais que oui, je dis seulement qu'il y avait une perception que nous n'en avions pas besoin parce qu'aucun patient ne s'est présenté dans les salles d'urgence.

Dr Wilson: Nous favorisons le redéploiement des ressources. Nous ne croyons pas que les médecins de soins primaires sont bien utilisés actuellement. Ils ne s'occupent que d'une tranche des besoins. Il y a un grand besoin dans le public. Nous avons pu l'ignorer un certain temps parce que le problème ne paraissait pas beaucoup. Les gens avaient quelque part où aller. Avec100 000 personnes en Colombie-Britannique et bientôt des millions au Canada qui ne peuvent accéder à des soins de santé primaires, on ne peut plus le dissimuler.

Le sénateur Carney: Vous me rappelez un avocat qui m'a dit une fois qu'il n'avait pas les moyens de me prendre comme client, que mes problèmes sont si complexes qu'il ne pourrait me facturer assez pour couvrir le temps qu'il passerait à remettre mes affaires en ordre.

Dr Wilson: C'est exactement cela.

Le président: C'était une bonne analogie.

Dr Wilson: Il fut un temps où l'unique manière de nourrir sa famille pour un médecin de soins de santé primaires était d'acquérir une liste de patients et de voir à tous leurs besoins, et cela comprenait les renvois et ainsi de suite. Maintenant il y a tellement d'autres options et les patients vont ailleurs pour les soins faciles puis reviennent à leur propre médecin pour une consultation qui prend 40 minutes au prix de 26,50 $. Cela n'est pas soutenable. C'est du pelletage.

Le président: J'aime votre expression «renchérissement des titres de compétences». Cela se retrouvera dans le rapport. Qui décide des titres de compétences? Je vous dis pourquoi je le demande.

J'ai commencé dans la vie comme enseignant universitaire et évidemment il serait dans mon intérêt à ce titre qu'il y ait renchérissement des titres de compétences, car cela garderait la demande à la hausse. Il ne fait aucun doute que plus de connaissances est une chose utile, mais nous tentons de former ici des gens avec une orientation pragmatique et pratique. Donc, il me semble que si la communauté universitaire fixe les titres de compétences, vous obtiendrez une base universitaire beaucoup plus large, et vous découvrirez que certains titres de compétences sont souhaitables, mais pas nécessaires pour certaines gens. Le contrôle de ce procédé, il me semble, a un impact énorme sur son résultat. Qui le contrôle?

Dr Cairns: Les professions le contrôlent, pour ce qui est censé être des motifs doubles. De très hauts standards devraient signifier que nous avons les meilleurs praticiens possible dans tous les domaines dont nous parlons. Les universités fournissent l'expé rience éducative qui convient aux élèves pour acquérir les titres de compétences de ces corps professionnels, mais c'est fort différent d'un doctorat ou de tout diplôme dans une faculté autre que de profession libérale.

Le président: Je connais bien cette filière. Essentiellement, vous dites que ce sont les collèges eux-mêmes qui déterminent les, disons, 250 choses que vous devez connaître pour obtenir votre diplôme.

Dr Cairns: Oui, de même que la durée de la formation et sa qualité. Souvent, ces individus sont des universitaires mais, techniquement, la détermination des normes est faite par la communauté professionnelle de l'extérieur.

Le sénateur Carney: C'est important pour moi de noter, dans ce contexte, que la pression sur les physiothérapeutes provenait des États-Unis. C'est une pression supplémentaire qui devrait être identifiée, ainsi que la pression universitaire.

Dr Cairns: Oui, et ce n'est pas totalement mauvais. Les écoles canadiennes et américaines de médecine sont accréditées par un organisme mixte. Le Conseil d'accréditation de l'enseignement médical aux États-Unis et un organisme canadien semblable travaillent conjointement. Les 130 écoles américaines et les 16 écoles canadiennes sont essentiellement toutes accréditées selon les mêmes normes. C'est souhaitable, mais nous sommes influencés par des choses comme les titres de compétences, qui tendent à venir surtout des États-Unis.

Le sénateur Keon: J'ai une question pour le groupe au complet. Je commencerai avec vous, John, et ensuite le Dr Wilson. La question a trait à la responsabilisation pour le changement. Nous siégeons et écoutons les gens parler des problèmes dans le système. Tout le monde veut maintenir le système. Nous voulons éviter des changements radicaux, mais nous voulons des changements importants pour que le système lui-même ne sombre pas dans l'inanition.

John, vous vous souviendrez comme moi de cet essai parfaitement réussi dans les années 60 quand le gouvernement fédéral a investi de grosses sommes d'argent appelées le Fonds des ressources en santé. Il a construit l'université McMaster, où vous avez bâti votre réputation, ainsi que McGill, et il m'a ramené de Boston, peut-être au grand désespoir de tout le monde autour de moi, je ne sais pas. Il a entraîné toutes sortes de choses intéressantes, et c'était parce que l'argent était la responsabilisa tion pour le changement. Il n'a pas indigné les provinces. Des dispositions ont été convenues au niveau provincial et fédéral pour distribuer les fonds, et des fonds ont été réservés pour construire l'université McMaster. C'est l'un des efforts les mieux réussis que nous ayons jamais connus dans le pays. En ce qui a trait au milieu universitaire, les fonds ont dû être dépensés pour construire l'université McMaster. Une foule de gens remarquables ont été recrutées, et le reste fait partie de l'histoire. À un degré moindre, l'Institut de cardiologie d'Ottawa a été construit avec le même argent.

Pourquoi ne pouvons-nous pas trouver collectivement une manière pour actionner les leviers du pouvoir et répéter le même exploit? Le besoin est aussi grand à l'heure actuelle qu'il l'était en 1965 ou 1964. Nous sommes tous coupables, que nous soyons des professionnels de la santé, des patients, des politiciens, nous le sommes tous, parce que nous n'incitons pas le gouvernement à faire cela.

J'aimerais commencer avec vous, John. Si cela pouvait se faire, comment l'utiliseriez-vous pour obtenir les choses que vous voulez?

Dr Cairns: C'est une question difficile, mais c'est évidemment le genre de questions qui doit être posée. Je crois qu'il faut de l'argent; et il y avait une somme d'argent importante dans les années 60. Il faut encourager l'innovation et le développement d'un certain enthousiasme. Les problèmes que nous affrontons dans la fourniture des soins de santé au Canada devraient être perçus comme excitants. Ils sont parmi les problèmes les plus difficiles. La biologie moléculaire est difficile, mais vous pouvez y apercevoir un cheminement. Les problèmes relatifs à la manière de traiter les déterminants sociaux et non médicaux complexes de la santé sont très intéressants et excitants, mais nous ne les avons pas regardés de cette manière. Je crois que nous devons obtenir l'argent des coffres du fédéral pour les gens qui peuvent faire cela. Les programmes continus du fédéral, exécutés par le truchement des activités fédérales, ne sont pas excitants. Ils ont toutes sortes d'éléments politiques rattachés et le reste. Il faut une allocation des ressources fédérales fondée sur l'excellence. Vraisemblablement cela ne peut être une allocation uniforme pour chaque école de médecine ou chaque faculté des sciences de la santé du pays. Le chemin éprouvé et véritable de l'excellence en recherche est fondé sur l'excellence et la révision par les pairs. Quelques éléments de ce genre devraient être introduits dans cela.

Il faut également faire face aux innombrables coûts reliés aux programmes. Il faut soigneusement réfléchir aux aspects relatifs à l'innovation.

Je crois que vous posez les bonnes questions, mais je ne présumerais pas d'avoir les réponses. C'est le genre de questions qui doivent être demandées et étudiées. Comment y insuffler l'enthousiasme de l'innovation? Nous dépensons une somme d'argent énorme, et nous sentons tous que nous n'obtenons peut-être pas en contrepartie la valeur la plus efficace. Que pouvons-nous faire de nouveau? Et comment pouvons-nous trouver les bonnes gens pour essayer ces idées et être responsables des résultats de sorte que nous apprenions réellement quelque chose?

Le sénateur Keon: Vous vous rappellerez qu'il s'agissait d'un projet unique. Les critiques de ce projet ont dit que ce serait un désastre, que ce serait comme tous les autres petits programmes financés pour une couple d'années avant que le financement cesse. En fait, le contraire s'est produit. Les programmes qui méritaient de survivre, ont survécu; et ceux qui ne le méritaient pas, ont dépéri. Je me demande si un autre projet ponctuel n'est pas la réponse.

Docteur Wilson, je vous félicite d'avoir résisté à employer le vieux dicton banal «Le médecin pratiquant seul est une espèce en danger», mais vous avez tout dit, sauf ça.

Dr Wilson: J'ai dit ça aussi.

Le sénateur Keon: Je le savais. J'attendais que vous le disiez, mais vous ne l'avez pas dit. Si on vous donnait un mandat pour le changement, avec la responsabilisation, l'argent pour le financer, sachant qu'il n'y aurait aucun financement subséquent et qu'à la suite du changement vous auriez à vivre avec les meilleures parties et devriez laisser aller les moins bonnes parties, comment concevriez-vous votre système pour le faire fonctionner?

Dr Wilson: J'introduirais un système combiné pour gérer et financer les soins de santé primaires. Je suis peut-être naïf. Je commencerais avec une proposition à la profession d'un rééquilibrage selon ces principes. Je crois qu'en Colombie-Britan nique, nous dépensons environ 600 millions de dollars par an en paiements directs aux médecins généralistes. Je diviserais ça en deux fonds: l'un, en honoraires de consultation, comme actuelle ment et l'autre en honoraires de gestion de cas. Si vous n'acceptez que des consultations, c'est tout ce que vous obtenez; et si vous placez le patient sur votre liste, vous obtenez les autres honoraires. Les honoraires de gestion de cas offrent la capitation. Ils impliquent quelques obligations, comme offrir des heures d'ouverture de clinique plus longues, un service téléphonique de 24 heures, le maintien de privilèges d'hôpital, la participation aux comités et toutes les autres choses que nous pensions devoir faire pour être admis dans la profession. J'ajouterais quelques primes pour employer d'autres personnes. Les honoraires de gestion de cas ne permettent que des soins de santé dispensés par le médecin. Toutefois, je pourrais avoir beaucoup plus de patients sur ma liste si j'avais le droit d'employer d'autres professionnels pour m'aider à les traiter. À l'heure actuelle, c'est: «Pas de consultations, pas d'honoraires». La seule manière que j'ai d'attirer des ressources financières dans ma pratique est de voir un autre patient. Si j'avais accès à certaines ressources pour développer la base, je prendrais plus de patients, comme le feraient mes collègues.

Le médecin de famille moyen dans ce pays est âgé d'environ 48 ans. Le groupe des spécialistes présente encore plus de risque en termes d'âge. La dernière partie de ma réponse a trait à l'investissement en immobilisations. L'un des problèmes dans le pays est que nous n'avons jamais été aussi nombreux à être dans la cinquantaine. Nous sommes tous devenus nos pères et nos mères du jour au lendemain, et nous sommes épuisés. Dans quelques cas, nous comptons les jours. Nous nous épuisons. Je ne vois plus le monde comme je le voyais dans les années 70, quand nous puisions tous dans nos poches pour payer les améliorations locatives dans nos propres bureaux et mettre en place les installations physiques, et croyions que sur 30 années nous amortirions nos dettes. Je crois qu'il faudrait également du financement des immobilisations. De mon point de vue, le plus gros problème dans les soins de santé primaires est que nous avons besoin d'un incitatif pour que les fournisseurs prennent plus d'abonnés. Ceci ne se produira pas tant que nous n'aurons pas mis en place de telles mesures.

Le sénateur Keon: Docteure Bates, si quelqu'un vous donnait l'autorité et les fonds pour faire les changements qui sont nécessaires pour améliorer le système, que feriez-vous?

Dre Bates: Posez-vous cette question au sujet des soins de santé des Autochtones en particulier?

Le sénateur Keon: Oui.

Dre Bates: Je tiens à préciser au comité, que je suis médecin de famille et que j'exerce ma profession depuis 25 ans. Je voulais juste m'assurer que vous compreniez mes antécédents. Ayant travaillé avec des gens et des patients depuis plus de 25 ans, je crois que le rôle pour cette sorte d'initiative est de chercher des solutions à long terme. Au lieu de chercher des solutions immédiates, nous devons avancer vers des solutions à long terme. Ceci veut dire faire face à la complexité des questions dès le départ, plutôt que de mettre en place des solutions simples et créer des incitatifs pour avancer à toutes les étapes. Je crois que nous devons créer des incitatifs, démanteler les barrières et placer réellement l'action dans un cadre, un système de valeurs, auquel nous croyons comme nation. Nous devons lier cela à nos valeurs d'une certaine manière.

Différentes universités et différentes personnes ont des expé riences différentes. L'expérience aux États-Unis, où ils ont fait cela de manière extrêmement efficace, et l'expérience en Nouvelle-Zélande, où ils ont aussi été très efficaces à répondre à ces questions, sont très différentes. Nous devons analyser ce qu'ils ont fait d'efficace et passer à ces systèmes, qui comprennent les procédés de pré-admission et le soutien pour les Autochtones dans notre système, plutôt que de nous concentrer juste sur le fait d'avoir quelqu'un en formation comme médecin. C'est la solution immédiate, mais vous devez traiter des questions à long terme.

M. Fahey: Je ne pense pas avoir compétence pour aborder ce point et je m'en remets ici à mes collègues dans la cinquantaine.

Le sénateur Keon: Pourtant, vous avez soulevé un sujet extrêmement important. C'est l'un des secteurs qui offre une solution à nos malheurs. C'est que nous ne déléguons pas l'autorité et le pouvoir d'exécuter les tâches qui pourraient être exécutées à un coût beaucoup plus inférieur que nos coûts actuels. C'est l'inverse de ce dont John a parlé. Tout le monde veut être le président de l'université.

M. Fahey: Nous avions l'impression qu'une certaine déléga tion se produisait. Toutefois, de notre point de vue en tout cas, il y a certaines intransigeances qui empêchent cela de se produire plus souvent. Il peut certainement y avoir délégation plus souvent.

Le président: Le Dr Wilson voulait dire que vous seriez contents de le faire s'il y avait des incitatifs et un arrangement de rémunération approprié pour une pratique de groupe, pas uniquement de médecins, mais un groupe de professionnels.

Dr Wilson: De tels arrangements sont financés dans de très rares circonstances dans cette province. Nous avons eu l'avantage d'avoir les professeurs en soins infirmiers de UNBC qui ont maintenu leurs compétences, sont venus chez nous et ont travaillé gratuitement. C'est un avant-goût admirable de ce que qui pourrait exister.

Le président: Quel est l'obstacle? Est-ce le financement?

Dr Wilson: Quand j'ai commencé à pratiquer, je suis allé au séminaire d'une demi-journée du BCMA pour les nouveaux médecins où on m'a dit qu'il y a trois P: le patient, le pourvoyeur et le payeur. Tant que la triade est heureuse, le système fonctionne. Il y a peu d'incitation au changement. Les pour voyeurs ont été les amphibies proverbiaux sur la sellette. La température monte progressivement et ils ne le constatent pas. Ils sont poussés à la faillite, mais ils défendront jusqu'à la mort le système qui les tue.

Si vous regardez les écarts à l'intérieur de la profession de médecin généraliste, c'est à dire, combien d'abonnés sont servis et quel revenu est généré, vous verrez qu'ils sont énormes. Certains individus produisent un revenu de médecin avec 1 400 personnes, et d'autres en voient 3 000. C'est le démon que nous connaissons. Comme exemple international, un collègue de Norvège m'a dit que leur capitation était mandatée unilatérale ment. Comme je dis, je crois que la capitation pure présente des problèmes. Ils ont des problèmes semblables aux nôtres. Les médecins disparaissaient dans la nature, faisant un peu de ceci et de cela, tout en continuant à payer leurs factures, mais la population n'était pas servie. Il m'a dit qu'ils ont fixé à 1 500 citoyens l'équivalent temps plein (ETP).

Le président: «Ils», est-ce le gouvernement?

Dr Wilson: «Ils» c'est le gouvernement ou l'association médicale. Je ne sais pas combien de force brute a été employée ou si les gens affectées étaient d'accord. Il a dit que pour servir une population similaire à celle de la Colombie-Britannique,4 millions, 600 médecins de famille EPT sont sortis de nulle part. Je sais de fait que si vous comptez les nombres et les divisez, parce que nous n'en formons pas autant, nous n'avons pas ce genre de mou dans notre système. Nous avons un grand nombre de fournisseurs. Par exemple, 77 personnes dans ma communauté pourraient être décrites comme les médecins généralistes. Ma connaissance de la manière dont la médecine est pratiquée me dit que nous sommes environ 44 ETP parmi 70 personnes, tous les groupes confondus. Pendant que nous attendons que les nouveaux deviennent qualifiés et que les nouveaux systèmes de délégation de travail aux autres soient en place, je crois que nous pourrions tirer plus de productivité de notre main-d'oeuvre.

Le président: Voulez-vous dire en changeant le système?

Dr Wilson: Oui. Ce n'est pas la réponse pour épargner tout l'argent comptant, je m'empresse d'ajouter, parce que je ne crois pas qu'il y a beaucoup de mou. Les autres tâches que les autres gens font sont importantes. Nous avons besoin d'un conseiller en soins palliatifs, nous avons besoin d'un chef de la gériatrie, et nous avons besoin de médecins en accidents du travail pour la Commission des accidents du travail. Nous avons besoin de «rebalancer» les choses. Ce que nous avons actuellement ne fonctionne pas.

Le sénateur Roche: Docteur Cairns, il y a 1 580 diplômés en médecine par année. La classe d'entrée compte 1 900 élèves. Je présume que toutes les places dans les classes d'entrée sont remplies. C'est la capacité, n'est-ce-pas?

Dr Cairns: Oui.

Le sénateur Roche: Combien y a-t-il de candidats pour les1 900 places?

Dr Cairns: Le nombre de 1 900 par opposition au nombrede 1 580 est un état instable et reflète le fait que c'est très nouveau d'avoir quelque augmentation que ce soit. Dans quatre ans environ le nombre de diplômés égalera encore une fois le nombre de candidats. Il n'y a pratiquement aucune perte pendant les études en médecine. Le nombre qui entre est environ le nombre qui obtient un diplôme. En moyenne, la perte est d'environ 1 p. 100, et c'est habituellement le résultat de problèmes autres que scolaires.

Le sénateur Roche: Quel est le nombre de candidats pour les 1 900 places?

Dr Cairns: C'est environ six pour un à travers le pays. C'est très élevé, surtout élevé en Colombie-Britannique où nous avons la moitié plus de places de première année per capita que toute autre province au pays.

Le sénateur Roche: Prenez-vous ceux qui ont les meilleurs résultats scolaires?

Dr Cairns: Nous prenons ceux que nous croyons être les élèves les mieux qualifiés, qui ont déjà atteint de hauts standards scolaires en matière de notes et de résultats à l'examen d'admission du collège de médecine. Au-delà de cette épreuve, nous mettons environ la moitié de l'importance sur les notes et l'autre moitié sur un certain nombre de caractéristiques que nous croyons être d'autres éléments clés dans la réussite des praticiens.

Le sénateur Roche: Le problème, évidemment, n'est pas qu'il n'y a pas assez de jeunes gens qui désirent devenir médecins.

Dr Cairns: Vous avez raison.

Le sénateur Roche: Laissons de côté pour le moment les problèmes qu'ils affrontent une fois qu'ils deviennent médecins.

Le président: Comme les politiciens, ils ne savent pas dans quoi ils se lancent.

Le sénateur Roche: Nous formons 1 580 médecins. Six fois plus de jeunes gens désirent devenir médecins et ils ne peuvent entrer dans des écoles de médecine. Nous avons besoin de 2 500 médecins par an pour répondre à la demande croissante. Il est évident que nous avons un problème. Monsieur le président, nous devrions bien communiquer ces chiffres au public et au gouvernement.

Pourquoi n'y a-t-il pas un nombre suffisant de places de niveau d'entrée? Est-ce la faute des dirigeants des écoles de médecine? Je suis en bonne compagnie ici avec des anciens doyens d'écoles de médecine. Prennent-ils les décisions? Est-ce la faute des gouvernements provinciaux qui mènent la barque? Ne fournis sent-ils pas un financement suffisant? Est-ce parce que le gouvernement fédéral ne met pas assez de fonds de base dans le développement de la profession?

Dr Cairns: Ce ne sont certainement pas des écoles de médecine.

Le sénateur Roche: Est-ce que les doyens en médecine ou les recteurs en veulent davantage?

Dr Cairns: Oui. Ils estiment qu'ils ont une mission nationale. Je ne suis pas certain que nous ayons besoin de plus pour notre propre intérêt en un sens, mais il y a une obligation sociale de produire suffisamment de places pour les besoins du Canada.

Le sénateur Roche: Le problème ne réside pas dans les écoles.

Dr Cairns: Non. Parfois, le problème a été à un niveau professionnel. Il y a un mouvement de balancier. Dans le passé, on a eu une perception qu'il y avait trop de médecins. C'est loin d'être le cas depuis bien des années. Presque personne qui pratique dans le pays aujourd'hui ne le dirait, bien que cela n'ait pas toujours été le cas.

Le sénateur Roche: Est-ce la faute du gouvernement?

Dr Cairns: C'est la faute des gens du pays.

Le sénateur Roche: C'est fort ambigu. Je fais partie des gens et je ne comprends pas vraiment.

Dr Cairns: À qui la faute? Peut-être que le cas n'a pas été présenté adéquatement, mais pour moi le cas est très clair. Nous nous considérons comme un pays occidental d'avant-garde. Nous croyons que d'autres pays devraient former près de la moitié des médecins dont nous avons besoin dans notre pays. C'est une position intenable.

Le sénateur Roche: Je parlerai du nombre 900 dans une minute. À qui la faute? Est-ce la faute des gouvernements provinciaux ou du gouvernement fédéral? Est-ce le principal problème que ce comité ait à considérer?

Dr Cairns: En première analyse, vous pourriez dire que c'est le provincial, en ce qu'il finance les universités qui produisent ces étudiants. C'est un problème national. Nous faisons face à un problème de l'offre en professionnels de la santé, dans le cas des médecins, à travers le pays, pour faire fonctionner nos systèmes de soins de santé. Nous avons besoin de mobilité, et nous l'avons en termes de formation à travers le pays. Ils obtiennent la meilleure expérience, puis ils peuvent aller vers les meilleures situations en matière d'exercice et choisir où ils veulent vivre. Nous affrontons un problème dans tout le pays. Nous avons besoin du leadership fédéral pour faire face à cela. C'est un problème de gouvernement. «Le gouvernement», c'est les gens. C'est une responsabilité partagée entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Certains des problèmes com plexes, par exemple qui finance quoi, les questions constitution nelles, et les questions de coutume, doivent être étudiées.

Le sénateur Roche: Merci d'avoir dit cela.

Monsieur le président, je ne veux pas m'engager dans une discussion constitutionnelle ici. Cela nous épuiserait pour le reste de la journée. Toutefois, je crois que le comité devrait en prendre note.

Revenons au nombre de 900 qui constitue le déficit. D'où proviennent la majorité des 900?

Dr Cairns: Le déficit est 900. Nous ne parvenons plus à le combler. Nous laissons chuter la proportion de médecins par rapport à la population au Canada. Le nôtre est le seul pays occidental où cette proportion est en baisse. Dans chaque autre pays, elle est soit stable soit en hausse comme dans le cas du Royaume-Uni. Nous aurions besoin de 900 pour maintenir la proportion constante. Nous trouvons quelque part autourde 400 ou 500, donc nous avons une pénurie d'environ500 par an.

Le sénateur Roche: D'où viennent-ils principalement?

Dr Cairns: Ils provenaient traditionnellement du Royaume- Uni, mais les débouchés comparatifs dans la profession au Royaume-Uni et au Canada ne sont plus en faveur du Canada. Nous avons des gens qui retournent au Royaume-Uni. Nous avons de grandes difficultés à recruter des gens du Royaume-Uni actuellement. Nous avons considéré l'Afrique du Sud. La moralité de cela est hautement suspecte: un pays relativement pauvre, mettant énormément de ressources dans l'enseignement médical. Nous sommes un pays riche et nous comptons sur l'Afrique du Sud pour éduquer nos médecins. Nous les trouvons aussi dans quelques régions d'Europe.

Le sénateur Roche: Est-ce normal pour nous, Canadiens, de dépendre sur les pays en développement pour la formation de nos futurs médecins quand ils ont désespérément besoin de leurs propres médecins?

Dr Cairns: C'est une position absolument immorale. C'est non seulement immoral, mais ceci crée une vulnérabilité énorme pour le Canada. Même si nous ne tenons pas compte de l'aspect moral, nous devons envisager la situation de vulnérabilité dans laquelle ceci place notre pays. Nous sommes totalement à la merci des conditions de financement et des initiatives en matière d'ensei gnement médical dans d'autres pays pour répondre à nos besoins, et c'est une position nationale irresponsable.

Le sénateur Roche: Je passe maintenant à la situation reliée à nos médecins actuels. Docteur Wilson, voudriez-vous nous en dire plus à propos des 14 médecins de famille mentionnés dans votre mémoire? Vous parlez de 14 médecins de famille dans votre collectivité qui ont fermé leurs portes, laissant des milliers de patients à la dérive. Vous avez employé le terme «patients orphelins», qui est aussi une expression que nous devrions inclure dans notre rapport. Vous avez décrit la pression du travail, mais nous avons tous de la pression dans notre travail. Y en a-t-il parmi eux qui sont allés aux États-Unis?

Dr Wilson: Juste pour clarifier, un certain nombre ont quitté notre collectivité. C'était l'exemple d'une banlieue de Vancouver, un endroit où, quand j'ai obtenu mon diplôme, je ne pouvais même pas m'installer, même si je l'avais voulu. Même dans les endroits les plus désirables du pays il y a des départs. Ceci a quelque chose à voir avec des questions personnelles. Il y a un groupe de préretraite, préoccupé par le 24/7. La partie la plus pénible de mon travail est la manière dont nous laissons traîner indéfiniment les problèmes. Quand je vois l'un de mes patients, je pense aux 20 dernières années, et aux trois prochaines, et à toutes les urgences qui peuvent survenir. C'est mon travail de porter ce fardeau et de résoudre les problèmes. Je suis d'accord avec vous, nous sommes bien rémunérés, je crois que c'est un bon travail, je ne me plains pas. Si vous pensez que le fardeau est insupportable, quelqu'un vous offrira toujours un travail. La Région de soins de santé de la vallée du Fraser est constamment en relation avec nous.

Le sénateur Roche: Est-ce que ces 14 médecins ont eu des offres d'emploi ailleurs?

Dr Wilson: Ils ont accepté des emplois dans d'autres endroits du système, c'est-à-dire, faire du travail informel, des remplace ments, des services de secours pour d'autres médecins. C'est une autre histoire car il n'y a aucune relève si vous voulez prendre un congé. Ils travaillent dans des cliniques sans rendez-vous, des hôpitaux, avec un nombre grandissant de gens pour lesquels ils ne peuvent planifier de congé parce qu'il n'y a personne dans la communauté pour faire la médecine générale. Ils doivent embaucher des médecins de famille pour travailler comme «hospitalistes». Qu'arrive-t-il aux patients de ces médecins? Ils deviennent orphelins.

Le sénateur Roche: Dans votre réponse, vous n'avez pas mentionné les États-Unis et leur attrait.

Dr Wilson: Il y a cela en partie, mais la plupart d'entre nous aiment notre communauté et nous n'allons pas ailleurs. Ce que je dis c'est qu'il y a de nombreuses autres options. Par exemple, durant mes 12 premières années, mon partenaire était un excellent individu qui m'a enseigné à être un médecin. Il est allé travailler pour le WCB à temps plein. Il est maintenant le vice-président de la médecine pour le WCB en Colombie-Britannique. Il fait le maraudage de nos meilleurs médecins. Il leur verse une prime d'environ 30 p. 100 au-dessus de ce que moi j'obtiens. Ils n'ont aucune responsabilité après les heures normales, et nul besoin de lutter avec les exigences que l'on nous impose.

Le sénateur Roche: Je ne vois pas cela comme un problème dont nous devrions nous préoccuper. Je le considère comme la dynamique interne du milieu médical. À vous de vous en occuper.

Ma question est: Est-ce vrai oui ou non que le Canada perd des médecins aux États-Unis?

Dr Wilson: C'est vrai. Laissez-moi juste vous dire pourquoi c'est un problème pour nous. Chaque pays qui analyse cette question doit réfléchir et décider quels services médicaux il veut acheter au nom de sa population. Le message que je tente de laisser auprès du comité est, je crois, comme message central, que les soins de santé primaires de première ligne sont cruciaux, notamment à la lumière du vieillissement de notre population et de notre capacité à atténuer les maladies chroniques. Les soins de santé primaires pour les gens souffrant de diabète, de cancer, de cardiopathie ischémique et d'arthrite sont cruciaux, et avec notre approche actuelle de laissez-faire, ces gens ne sont pas servis.

Le sénateur Roche: Docteur Cairns, est-ce que la profession tient des statistiques quelconques sur le nombre de médecins canadiens qui, de fait, partent aux États-Unis?

Dr Cairns: Oui.

Le sénateur Roche: J'aimerais relier cela à une deuxième question. Comme plusieurs autres membres de notre comité, j'apporte un certain bagage d'expériences personnelles autour des questions que je pose. J'ai perdu mon médecin en faveur des États-Unis. Je vis en Alberta. Je lui ai demandé pourquoi il allait aux États-Unis. Il est un médecin d'expérience. Il m'a dit qu'il en avait marre de la réglementation gouvernementale et qu'il ne pouvait pas pratiquer la médecine comme il le voulait. Est-ce un thème commun au Canada ou est-ce particulier à l'Alberta? Est-ce que les médecins vont aux États-Unis pour des motifs économiques comme les impôts plus faibles? Y a-t-il un dénominateur commun?

Dr Cairns: Le nombre est d'environ 400 par an, ce qui équivaut à 25 p. 100 de notre classe de diplômés. C'est important. Ce nombre varie légèrement d'une année à l'autre. Il y a de multiples raisons à cela. Certaines des choses que vous avez mentionnées s'appliquent. Ils quittent tous pour un motif, mais je ne crois pas qu'il s'agisse d'un seul motif. C'est un problème dans chaque province.

Le sénateur LeBreton: J'ai une brève question supplémentaire au sujet des patients orphelins. Je veux parler précisément des personnes âgées en santé qui ont besoin d'un médecin de famille, qui ne sont pas nécessairement malades. Quel genre de fardeau - et il y en a plusieurs - cela impose-t-il au système de soins de santé? Et où vont ces gens?

Dr Wilson: Nous y travaillons sur plusieurs plans. Au début, les gens obtiennent des soins épisodiques dans des services d'urgence et dans des cliniques sans rendez-vous. Plus leur état chronique, qui a le potentiel d'engendrer l'invalidité plus tard, est négligé parce qu'il n'y a pas de soins continus, plus les coûts seront élevés pour nous. C'est inhumain de négliger ces gens.

Le sénateur LeBreton: Pour ne rien dire des conséquences psychologiques pour eux.

Dr Wilson: C'est juste. Les Canadiens hésitent à déménager à l'intérieur du pays parce que s'ils perdent leur médecin, ils n'en trouveront pas un autre.

Le sénateur Lawson: Je suis préoccupé par la disparition des médecins de famille. J'ai une petite anecdote. Un de mes amis qui souffre d'un peu d'embonpoint est allé chez son médecin de famille. Il a dit au médecin: «J'ai mal à l'oreille. Voudriez-vous m'examiner s'il vous plaît?» Le médecin répondit: «Oui, bien sûr. Déshabillez-vous et tenez-vous devant la fenêtre.» Mon ami a répondu à ça en disant: «Vous ne comprenez pas, docteur, j'ai seulement un mal d'oreille.» Le médecin a alors déclaré sur un ton intransigeant: «Non, c'est vous qui ne comprenez pas. Je déteste mes voisins.» Est-ce que le changement de dynamique dans la profession médicale a quelque chose à voir avec la perte de loyauté des patients par opposition à la réduction du prix et ainsi de suite? Est-ce que cela en fait partie?

J'ai un autre motif pour demander cela. Il y a à peine quelques semaines j'ai parlé à un de mes amis, qui gardera l'anonymat, qui était impliqué dans la recherche d'une solution à la querelle entre les médecins et le gouvernement. Je lui ai demandé s'il croyait pouvoir en arriver à une entente. En répondant, il m'a rappelé la vieille grève des traversiers en Colombie-Britannique à l'époque où ils n'avaient pas de droits de négociation. Il m'a demandé: «Vous souvenez-vous que le premier ministre Bennett vous a demandé de le conseiller?» J'ai dit: «Oui, mais vous avez commencé à parler d'une grève.» Il a dit: «Il n'y a pas de grève. Il ne peut pas y avoir de grève.» J'ai dit: «Ça va. Laissez-moi reformuler. Qu'en est-il de cette mutinerie que vous avez sur les bras?» Il a dit: «J'accepte ça. Nous faisons face à une mutinerie médicale ici en Colombie-Britannique». J'ai répondu que selon moi, il tenait là des propos très graves.

J'ai l'impression qu'il y a une rupture dans les communications entre les médecins et le gouvernement, qu'il y a un sentiment parmi les médecins que bien qu'on les écoute, on ne les entend pas; et que le gouvernement ne croit pas qu'ils ont quelque rôle à jouer dans la reconception des soins de santé primaires. Je veux parler des suggestions que vous avez faites ici pour les rendre plus efficaces, générer plus de revenus et ainsi de suite. Dans certains cas, il y a une impression qu'ils ne s'en soucient pas et c'est pourquoi nous avons ce qui semble être un déclenchement d'hostilités dans toute la province de temps à autre. Avez-vous des observations là-dessus?

Dr Wilson: Il y a assez de blâme pour le distribuer un peu partout. En ce qui a trait à certaines préoccupations au sujet de la hiérarchie et d'être dur et ainsi de suite, l'Association médicale de la Colombie-Britannique, dans le document publié tout juste l'été dernier, a énoncé 48 recommandations portant sur la reconception des soins de santé primaires selon les mêmes grandes lignes que nous avons suggérées. L'Association préconise officiellement aujourd'hui la pratique concertée entre médecins et autres fournisseurs et l'adaptation du mécanisme de rémunération. Je crois que c'est un là un progrès énorme. Je crois que nous sommes à un tournant. Il y a de la pression sur les trois P, payeur, pourvoyeur et patient. Tout le monde est en état de panique. Nous voyons le système au complet se désintégrer. Si nous pouvons profiter du moment et faire quelque chose que nous pouvons intégrer et qui nous donne quelque chose que nous pouvons nous payer, ce serait formidable.

L'autre risque est que les pourvoyeurs et les patients partiront eux-mêmes, et qu'un système de 90 milliards de dollars deviendra un système de 130 000 $ ou 140 000 $ parce que nous tenterons désespérément d'acheter les services dont nous avons besoin et rafistoler. C'est là le vrai risque.

Le président: Je vous remercie tous d'être ici aujourd'hui.

Sénateurs, notre témoin suivant est le Dr Brian Day, fondateur du Cambie Surgery Centre, qui est une clinique chirurgicale privée de Vancouver.

Docteur Day, merci d'être venu. Ce que nous avons besoin d'entendre de vous n'est pas tant la raison qui fait que, de votre point de vue, les cliniques privées sont bonnes, mais plutôt la place que vous occupez dans le système, la sorte de patients que vous avez, et quelle est la réaction globale face à votre clinique. Il y a quatre jours, quand nous étions au Manitoba, nous avons constaté qu'il y avait un certain nombre de cliniques privées dont nous n'avions pas connaissance. Nous désirons savoir comment votre clinique fonctionne par rapport à l'ensemble du système, et nous aimerions avoir avec vous une discussion sur l'évolution de ce secteur.

Dr Brian Day, fondateur, Cambie Surgery Centre: J'ai préparé quelque chose pour vous, que j'ai extrait d'un exposé que je fais de temps à autre sur les soins de santé privés aux personnes que cela intéresse. Je ne vous lirai pas le texte, mais j'espère que vous prendrez le temps de le parcourir. Vous aurez besoin de lunettes pour le lire.

Je vais vous dire brièvement comment nous en sommes arrivés là. Je suis orthopédiste. J'ai l'une des plus grandes clientèles en Colombie-Britannique et je suis clinicien. Je suis aussi ce qu'on appelle orthopédiste universitaire. Je donne quantité deconférences et j'enseigne. Je suis à l'étranger environ trois mois par année pour donner des cours et enseigner. Je ne suis pas uniquement le chef d'une entreprise privée à but lucratif.

Il y a environ six ou sept ans, nous avons décidé de construire un établissement privé. C'est en fait un hôpital. Nous l'appelons clinique privée pour des raisons politiques. C'est un hôpital. Il accueille les patients pour la nuit; il est autorisé par la Ville de Vancouver en tant qu'hôpital, et il est classé établissement d'urgence en cas de catastrophe par la province. Nous l'avons construit en plein mandat du gouvernement peut-être le plus à gauche que le Canada ait jamais connu. Nous avons eu 10 ans de gouvernement NPD. Nous l'avons fait pour une seule et unique raison. C'est que nous, en tant que médecins, étions privés d'accès au réseau public. De deux choses l'une: ou bien nous quittions le pays pour faire notre travail; ou bien nous restions et prenions les choses en main.

Je vais vous donner mes propres statistiques privées. Il y adix ans, j'avais 17 heures de salle d'opération par semaine à l'Hôpital universitaire. Il y a six ou sept ans, c'était tombé à cinq heures et demie par semaine, et pourtant ma clientèle, en nombre de patients, était restée la même. J'avais, à un moment, 360 patients en attente de chirurgie à cet hôpital qui n'était pas accessible. Cette situation a entraîné de nombreux problèmes. Elle a amené un grand nombre de médecins à partir. J'avais antérieurement été président du Comité des examens d'orthopédie du Collège royal des chirurgiens du Canada, chargé de l'organisa tion des examens et de la remise des diplômes aux résidents en orthopédie. Sur les 16 derniers que nous avons formés en Colombie-Britannique, il en reste cinq au Canada. C'est un vrai problème pour les spécialistes. Nous avons construit cette clinique parce que c'était le choix entre avoir nulle part où travailler ou construire un établissement privé. Un sondage auprès des 100 spécialistes qui travaillent à notre institution indique qu'entre 35 et 40 ne seraient pas en Colombie-Britannique si notre clinique n'existait pas. Je vais vous expliquer pourquoi.

Nous avons pu aller chercher et conclure des contrats avec des organismes de couverture secondaire comme la Commission des accidents du travail, la GRC et beaucoup d'autres assureurs secondaires. En Colombie-Britannique, le tourisme représente une activité économique très importante. Nous traitons un grand nombre de touristes allemands, américains et japonais qui viennent skier. Nous traitons un grand nombre de personnes des bateaux de croisière en été. La situation est ridicule: si vous êtes Canadien et que vous vous blessez en ski à Whistler, et si vous avez besoin d'une opération au genou, vous attendrez entre six et 18 mois pour voir un des médecins spécialistes. Puis vous attendrez encore six à 12 mois pour être admis à l'hôpital pour traitement. Si vous venez du Japon, d'Allemagne ou des États-Unis, vous pourrez voir un docteur et être traité en quelques jours. Cela, quant à moi, c'est l'héritage de la Loi canadienne sur la santé.

Si vous examinez ce que je vous ai donné à lire, vous réaliserez que je ne suis pas un grand admirateur de la Loi canadienne sur la santé.

Le président: C'est ce que j'avais compris en parcourant votre communication.

Dr Day: Je suis désolé d'avoir manqué la présentation de M. Dave Barrett, mais je sais exactement ce qu'il a dit. La Loi canadienne sur la santé aboutit à un résultat contraire au but visé. En fait, les membres de groupes socio-économiques défavorisés, les gens qui ne sont pas capables de prendre le téléphone et d'appeler, les gens qui ne savent pas comment se débrouiller dans le système sont ceux qui souffrent le plus dans un système comme celui-ci. J'ai lu votre récent rapport, et je sais que vous êtes au courant. C'est la sorte de système qui existait dans l'ex-Union soviétique, et dans lequel si vous étiez au Conseil central du parti, on vous soignait et, si vous étiez un paysan, on ne vous soignait pas. Je déteste en parler en ces termes, mais nous en sommes presque là. Les gens qui en souffrent le plus sont ceux qui sont le moins capables de se débrouiller dans le système dont nous avons hérité en vertu de la Loi canadienne sur la santé.

Je pense que beaucoup de gens qui font des présentations à ce groupe comparaîtront également devant la CommissionRomanow. Certains d'eux cherchent à influencer la politique publique dans leur propre intérêt. Par exemple, je sais que le SCFP a dépensé de nombreux millions de dollars à une campagne de propagande en ce qui concerne le projet de loi 11 en Alberta, et il a réussi. Le projet de loi 11, contrairement à ce que bien des gens pensent, a pratiquement arrêté le développement de tous les établissements privés en Alberta. Il a fait le contraire du but visé initialement. Par exemple, nous serions prêts à nous développer dans n'importe quelle province du pays, sauf en Alberta, à cause du projet de loi 11. C'est parce que Klein a cédé à une campagne de propagande lourdement financée.

L'an dernier, le budget de publicité et de promotion de notre institution a atteint 500 $. Nous ne passons pas notre temps à convaincre les gens que les soins de santé privés sont les meilleurs. Comme la plupart des médecins au Canada, je pense que, si le réseau public permettait de soigner les patients comme il le devrait, ou comme il promet de le faire, il n'y aurait nul besoin d'un réseau privé.

C'est maintenant une réalité économique. Nous avionsl'habitude de discuter de la politique des soins de santé, des aspects juridiques de la Loi canadienne sur la santé. Soit dit en passant, nous avons eu trois opinions juridiques, dont une d'un avocat que je considère comme le meilleur en droit constitution nel au Canada, établissant que la Loi canadienne sur la santé, dans les circonstances d'aujourd'hui, est inconstitutionnelle. Il est très important que les gens réalisent que c'est maintenant une loi qui repose sur des principes formulés en 1964, à une époque où il n'y avait pas de IRM, de tomodensitogrammes, de transplantations et ainsi de suite. Elle ne convient plus à la réalité d'aujourd'hui.

Nous sommes le seul pays au monde à ne pas avoir d'autre système. Un établissement comme le nôtre ne peut même pas guérir les maux du système de santé de Colombie-Britannique. Cependant, un établissement comme le nôtre fait preuve de responsabilité, et je pense que c'est là où le réseau public peut en apprendre de nous, c'est-à-dire, en appliquant certains des principes que nous avons appliqués dans notre façon de gérer le centre, de manière efficace, fiscalement responsable sans l'énor me et lourde bureaucratie qui existe dans le réseau public.

Je ne veux pas vous faire un long discours, et je serai heureux de répondre aux questions précises. Je pense que la plupart d'entre elles trouveront leur réponse dans ce document que vous pouvez emporter.

Le président: Effectivement.

Quand vous parliez de votre clinique, vous avez régulièrement utilisé le mot «nous». «Nous» signifie-t-il un groupe de médecins?

Dr Day: Oui. Environ 14 médecins ont investi dans cette clinique, ainsi que quelques hommes d'affaires. Sur ces14 médecins, 12 n'ont pas encore remboursé le prêt qu'ils ont obtenu il y a six ou sept ans pour acheter leur part de la clinique. Elle appartient surtout à des médecins.

Le président: Je suis au courant des contrats avec la Commission des accidents du travail. Mais j'ai été surpris de vous entendre dire que vous aviez un contrat avec la GRC.

Dr Day: Nous n'avons pas de contrat avec la GRC.

Il y a des exceptions pour divers groupes dans la Loi canadienne sur la santé. Notamment, les fonctionnaires fédéraux comme la GRC, les Forces armées canadiennes, et les détenus des institutions pénales fédérales. Nous avons été approchés par les prisons qui nous ont demandé si nous pourrions prendre des prisonniers parce qu'ils sont sur des listes d'attente pour la chirurgie.

Le président: Nous sommes bien au courant de l'exemption pour la CAT, mais je dois vérifier qui sont les autres. Je ne vous contredis pas; je dis seulement que je n'en avais pas connaissance.

Dans vos propos concernant le projet de loi 11, vous m'avez renversé quand vous avez dit que vous iriez dans n'importe quelle province du pays à l'exception d'Alberta. Qu'y a-t-il donc dans le projet de loi 11 pour vous faire dire ça?

Dr Day: Les faits sont là. Quand le moment est arrivé de publier l'offre pour les diverses régions d'Alberta - je vous parle d'à peu près un an après le projet de loi 11 - il n'y a eu aucune candidature, aucun organisme ou établissement pour la fourniture de soins de santé privés en Alberta. Essentiellement suite au lobbying du SCFP, les restrictions et les pénalités des règlements sont si strictes que personne ne s'est donné la peine de répondre.

Contrairement à ce que vous pouvez avoir entendu dire par d'autres gens, ce n'est pas une activité très lucrative. Je suis le plus gros actionnaire de notre centre, et je conduis toujours ma jeep 1994. Je ne suis pas riche. J'ai encore une grosse hypothèque sur ma maison. Les établissements qui se sont construits, au moins dans cette province, l'ont été parce que les médecins devaient faire un choix. Ils ont les compétences, ils ont le talent, ils ont une réputation internationale, mais ils n'ont nulle part où travailler. L'explication est simple. Ils avaient le choix d'aller dans le sud comme le font beaucoup de nos jeunes gens, ou de se prendre en mains. Le gouvernement n'avait pas été capable de réparer les choses, alors nous l'avons fait. Maintenant nous fonctionnons et nous faisons un bénéfice. Je sais que c'est considéré comme un vilain mot, mais je pense que les gens qui critiquent oublient qu'il y a 25 000 cliniques privées à but lucratif dans ce pays. Ce sont les cabinets des médecins où vous allez. Le bureau privé où vous consultez votre médecin de famille est géré comme une entreprise privée, à but lucratif, exactement de la même façon que nous gérons notre établissement. Nous avons déjà, comme je sais que vous allez le savoir, un système privé. Nos généralistes sont essentiellement privés; nos spécialistes sont essentiellement privés. Un chirurgien sans salle d'opération n'est pas une entité viable.

Le sénateur St. Germain: L'ex-premier ministre Dave Barrett et un autre monsieur ont comparu devant notre comité pour y prendre la parole au nom de la Fondation Tommy Douglas. Je leur ai demandé pourquoi ils s'opposaient tant à ces établissements privés alors qu'ils estiment qu'il est correct de prendre son argent et d'aller le dépenser aux États-Unis dans une clinique. Leur réponse, je crois, si je ne m'abuse - et si un des sénateurs trouve que je me trompe, je suis sûr qu'il me corrigera - était qu'une clinique privée siphonne les médecins au détriment du réseau public. Êtes-vous de cet avis?

Dr Day: C'est exactement le contraire. Si ce n'était de notre établissement, 35 médecins auraient quitté la province. Je parle d'éminents spécialistes. Imaginez un mécanicien avec des milliers de voitures à réparer et le personnel pour le faire, mais le gouvernement est propriétaire du garage et il ne laisse pas les mécaniciens et les voitures entrer dans le garage. Le mécanicien part et construit son propre garage. C'est essentiellement ce que nous avons fait.

Le Canada est le seul pays de l'OCDE qui ne permette pas l'option de la distribution privée de services chirurgicaux et hospitaliers. Nous avons le seul système au monde qui croit au monopole gouvernemental.

J'aimerais poser cette question à chacun de vous parce que personne n'y a jamais répondu de façon satisfaisante: s'il est accepté de dépenser son argent en alcool, au jeu, en tabac, pourquoi les citoyens canadiens n'auraient-ils pas le droit de dépenser leurs propres dollars après impôt à prendre soin de leur propre santé? Cela soulève-t-il un problème moral? Si c'est le cas, j'aimerais bien qu'on me l'explique, parce qu'on ne l'a jamais fait.

À chaque fois que je l'ai demandé à un politicien, à chaque fois que je l'ai demandé dans une discussion avec Dave Barrett ou quelqu'un d'autre, on m'a généralement dit, «Eh bien, c'est une bonne question», puis ils ont continué et répondu à une autre question que je n'avais pas posée. C'est leur stratégie. Il n'y a rien d'immoral à dépenser de l'argent sur votre propre santé. Nous le faisons tout le temps. Il est exact que nous avons quelque peu choisi arbitrairement ce qui est médicalement nécessaire et ce qui ne l'est pas.

Nous nous retrouvons dans une situation ridicule, par exemple, lorsqu'une lentille est légèrement gauchie, c'est de la réfraction et ce n'est pas couvert par l'assurance-maladie. Vous devez acheter vos propres lunettes. Si c'est légèrement opaque, c'est médicale ment nécessaire pour pallier au problème. «Médicalement nécessaire», expression de la Loi canadienne sur la santé, n'a jamais été définie. Ceci n'a certainement pas été défini par un médecin. Chaque gouvernement provincial peut l'interpréter comme bon lui semble.

Il n'y a aucun doute que nous sommes arrivés au point où les gens veulent tout avoir en quantités illimitées pour rien; où le système n'a plus d'argent; et où il va falloir faire des choix.

En Alberta, en 1999, on a essayé de lancer un forum des citoyens, un sommet pour déterminer les services essentiels et ce qui était médicalement nécessaire pour que le gouvernement puisse envisager d'injecter la manne budgétaire des soins de santé dans les secteurs médicalement les plus importants. À la conclusion du sommet, les délégués qui ont représenté les soins de santé publics et privés étaient unanimes pour dire que tout était également important et qu'ils ne voulaient rien retrancher du système de soins de santé. C'est quelque chose qui doit être imposé par le gouvernement parce que les gens n'abandonneront pas volontairement quelque chose qu'ils ont.

Dans la presse d'hier, Colin Hanson a annoncé que les examens de routine de la vue ne seraient plus couverts. Il y a eu une levée de boucliers à la télévision. Les gens se plaignaient. Essentielle ment ce qu'il disait était qu'on allait cesser de payer les nouvelles lunettes pour pouvoir payer le traitement du cancer. D'une manière ou d'une autre, il faut que le message passe, et il n'est pas encore passé.

Le sénateur St. Germain: Il semble que chaque gouvernement essaie d'en faire plus que le voisin. Ils considèrent cela comme la vache sacrée à laquelle on ne peut toucher, mais maintenant la vache est vraiment malade et risque de mourir.

J'ai une brève question sur les frais d'utilisateur. Nous payons actuellement des honoraires aux chiropraticiens et auxphysiothérapeutes. Je crois, en Colombie-Britannique, qu'il encoûte 20 $ par visite. Avez-vous des objections à cette pratique, monsieur?

Dr Day: Non, je pense qu'il faut des frais d'utilisateur. On peut dispenser les personnes économiquement faibles. Aucun pays au monde - et j'ai travaillé en Suisse, en Grande-Bretagne, aux États-Unis et au Canada, et j'ai étudié la situation depuis 12 ou13 ans - ne fonctionne sans frais d'utilisateur. Aucun. Bien sûr, il y a peut-être une exception en Afghanistan ou autre pays du même genre, mais dans les pays civilisés, aucun ne se passe de frais d'utilisateur.

C'est comme la franchise pour votre voiture. Si tout le monde avait une couverture complète sur sa voiture, à chaque fois que vous égratignez votre pare-chocs vous l'amèneriez au garage pour le faire remettre à neuf puisqu'il serait couvert totalement. C'est la nature humaine de vouloir tout avoir gratuitement, si c'est disponible, et en quantités illimitées.

On va vous citer bien des études. J'ai été éditeur d'une revue médicale et l'une des fonctions d'un éditeur médical, par opposition à un éditeur de journal ou de magazine, est de vérifier chaque référence qu'on vous donne quand quelqu'un soumet un article à publier. Une fois que vous avez publié dans une revue scientifique, certains considèrent qu'il s'agit de faits indiscutables. Vous allez trouver des citations «d'études» faites en Alberta sur les cataractes, d'«études» publiées dans le New England Journal of Medicine et d'«études» publiées par d'éminents professeurs de Harvard. J'ai examiné toutes ces «études». Je suis remonté à la source originale et pas une seule fois je n'ai trouvé la preuve à l'appui de la référence désormais fermement incrustée dans les publications. J'ai entendu Allan Rock citer ces études. Elles sont implantées dans les publications parce qu'elles ont été imprimées dans tant d'articles, mais si vous remontez à la citation originale, si vous examinez attentivement la référence, en fait elle ne dit rien de ce qu'on lui attribue. Je ne vous en donnerai qu'un exemple.

La Coalition canadienne de santé, par exemple, vous citera l'étude sur les cataractes qui a été effectuée en Alberta lorsque Calgary sous-traitait les cataractes aux cliniques privées. Malheu reusement, les listes d'attente sont maintenant plus longues dans les cliniques privées qu'elles ne l'étaient dans le réseau public. Toutefois, il faut préciser cette information. Wendy Armstrong, qui est à la tête de l'Association des consommateurs de l'Alberta et, en passant, est une consultante payée par le SCFP, a effectué une vérification des cliniques privées un jour ou deux après que la région ait transféré toutes les cataractes aux cliniques privées, c'est-à-dire avant qu'elles n'aient eu la possibilité de traiter le moindre patient. Le gouvernement a aussi émis des quotas. Ils disent à la clinique privée qu'ils payeront pour cinq par semaine. Il est clair que ce n'est pas de la faute des cliniques privées s'il y a des listes d'attente, c'est parce que le gouvernement ne permet pas aux patients de payer. Ils disent nous allons payer pour vous, mais nous n'allons payer que pour cinq par semaine, pour que la liste d'attente soit plus longue.

Ces sortes de pseudo-faits éditorialisés vous seront donnés, et ont vous été donnés. Ils sont imprimés et disponibles sur l'Internet, et il y en a beaucoup. On peut en dire autant de l'article du New England Journal of Medicine qui est cité tout le temps, et qui parle d'études qui indiquent que les hôpitaux privés aux États-Unis coûtent plus cher que les hôpitaux publics. Dans cette étude, ce qu'ils ont effectivement fait, a été de comparer le coût d'une intervention herniaire à l'Hôpital du comté de L.A. avec la même opération faite à une clinique privée de Beverly Hills, où les patients sont transportés par un service de limousine, et ont droit au caviar et au vin. Des études comme celle-là, vous allez en trouver beaucoup.

Il y a ici une citation de la Coalition canadienne de santé et j'espère que vous la lirez avec des lunettes grossissantes. Ils se vantent d'avoir bombardé le Forum national sur les soins de santé. C'est sur la première page du document que je vous ai remis. Ils annoncent qu'ils ont réussi au Forum national sur les soins de santé à éliminer de l'ordre du jour toute discussion sur la privatisation et qu'ils allaient essayer d'en faire autant avec la Commission Romanow et avec le Comité sénatorial.

Le sénateur St. Germain: Mon docteur se trouve être sud-africain comme le sont tous les médecins que je rencontre. Avez-vous une opinion sur l'aspect moral de cette importation de médecins de pays comme l'Afrique du Sud?

Dr Day: Non, parce que je suis né à Liverpool et je suis venu ici de Grande-Bretagne au début des années 70. Je pense qu'on ne peut restreindre la libre circulation des médecins plus que celle des journalistes ou de tout autre groupe. Il faut rendre le système assez attrayant pour que les médecins restent ici, dans la main-d'oeuvre active. J'ai écouté le doyen parler d'augmenter la taille de la faculté de médecine. Si 25 à 30 p. 100 des médecins obtenant leur diplôme de la faculté de médecine ou, dans le cas de nos spécialistes, si 11 sur 16 quittent le pays, il ne sert à rien d'en former 32 pour en conserver 10. Il faut «solutionner» le pourquoi de leur départ. Ils s'en vont parce que nous ne leur offrons pas d'accès aux soins hospitaliers. Nous ne leur offrons pas d'accès à ce dont ils ont besoin pour exercer leur profession aux niveaux les plus élevés.

Un des grands problèmes du réseau public, par rapport à un établissement privé, c'est qu'un patient dans le réseau public, en vertu du système actuel de financement au Canada, épuise les ressources de l'hôpital. Disons que l'Hôpital de Vancouver reçoit 600 millions de dollars par an. Si vous y allez vous faire soigner ou si un docteur y amène un patient, celui-ci gruge les fonds de l'hôpital.

Bien qu'un vice-président ou président d'hôpital ne veuille pas l'admettre, il n'en a pas toujours été ainsi. Fut un temps, un hôpital était financé partiellement compte tenu de sa performance. Il n'y a aucune récompense pour la productivité dans la manière dont nous finançons nos hôpitaux publics. S'ils ont des difficultés financières, ils ferment. En Colombie-Britannique, nous avons un système appelé «journées d'activité réduite»: même si nous avons une liste d'attente d'un an ou deux pour la chirurgie, 12 fois par an nous fermons les hôpitaux pour ce qu'on appelle les journées «RAD».

Le sénateur Morin: Votre réputation d'orthopédiste est bien connue. En fait, le sénateur Carney vient de me dire à l'oreille que vous êtes un des meilleurs chirurgiens orthopédiques de la province.

Le sénateur Carney: Ce qui signifie au Canada.

Le sénateur Morin: Au Canada, bien sûr. Je sais que vous êtes très occupé et nous vous sommes reconnaissants du temps que vous avez bien voulu nous consacrer pour discuter ces aspects des soins de santé.

J'aimerais vous parler tout d'abord de votre clinique. Si j'ai bien compris, vous pratiquez à la fois à l'hôpital et dans votre clinique; est-ce exact?

Dr Day: Oui, c'est exact.

Le sénateur Morin: Nous cherchons à comprendre en quoi consiste une clinique privée. C'est, en fait, un hôpital privé, et il n'y en a pas beaucoup dans le pays. Y a-t-il une différence entre votre exercice de la profession à l'hôpital et à la clinique? Traitez-vous les mêmes sortes de patients?

Dr Day: Oui. En fait, je me suis souvent demandé pourquoi notre établissement n'avait pas été ciblé par les syndicats. Je tiens à préciser d'emblée que je ne suis pas antisyndical. J'ai été élevé dans une famille travailliste à Liverpool, une famille ouvrière de Liverpool. Le meilleur ami de mon père était Bessie Braddick, le député dont parlait Winston Churchill dans sa blague «je suis saoul, mais vous êtes laid». Au moins 60 p. 100 des patients de notre établissement sont des ouvriers.

Le sénateur Morin: Quelle est la situation en ce qui concerne vos patients à l'hôpital?

Dr Day: Ils constituent une tranche moyenne de la population. Dans notre établissement privé notre principal client est la Commission des accidents de travail et nous nous occupons des patients qui ont été blessés au travail.

Le sénateur Morin: Dans le cas de ceux qui ne font pas partie de ce groupe, vos patients plus malades sont-ils vos dossiers les plus difficiles?

Dr Day: Je vois ce que vous voulez dire. Non, non. C'est une autre chose qu'on raconte: que nous réservons les cas faciles.

Le sénateur Morin: Alors vous avez le même mélange clinique.

Dr Day: Il y a quelques semaines, un reporter m'a demandé où j'étais. Je lui ai dit que j'étais à l'université en chirurgie. Alors il m'a demandé: «Combien d'opérations vont y avoir lieu aujourd'hui?» Il y avait cinq salles d'opération, avec une moyenne de sept par salle, ce qui fait 35 opérations pour UBC. Toutes sauf une auraient pu être faites à notre établissement.

Le sénateur Morin: Alors, c'est le même mélange clinique.

Dr Day: Oui.

Le sénateur Morin: Quel contrôle de qualité appliquez-vous dans votre hôpital privé?

Dr Day: Il y a plusieurs niveaux de contrôle de qualité. D'abord l'établissement physique, sous la responsabilité de la ville de Vancouver. Ensuite, il y a le Collège des médecins et des chirurgiens de Colombie-Britannique. Ils font une vérification extrêmement détaillée de tout ce qui se passe dans notre établissement. Ils prennent des échantillons aléatoires de dossiers de patients, systématiquement pour les patients ayant des complications. Ils doivent être signalés au Collège. Si un patient doit être hospitalisé par la suite, il doit être signalé au Collège avec transmission de son dossier accompagné d'une explication, et les pièces doivent être vérifiées par le Collège. Le mécanisme de vérification pour les patients traités dans notre établissement est beaucoup plus rigoureux qu'à l'Hôpital d'UBC; nettement plus.

Le sénateur Morin: Vous dites que le contrôle de qualité est plus approfondi qu'à l'hôpital.

Dr Day: Oui. Chaque patient traité à notre établissement reçoit une enveloppe affranchie préadressée avec un billet de loterie pour gagner des billets pour une partie de hockey. On lui demande de remplir un questionnaire de satisfaction/insatisfaction. Nous les récupérons pour les analyser.

Le sénateur Morin: Vous dites que votre hôpital est plus efficace que l'hôpital public. Pouvez-vous me donner de plus amples détails à ce propos?

Dr Day: Quand je suis arrivé à l'Hôpital de Vancouver en 1973, l'hôpital était dirigé par un directeur médical, leDr Lawrence Renton. À cette époque, l'Hôpital de Vancouver faisait également l'obstétrique et la médecine infantile. C'était le plus gros hôpital de tout le Commonwealth. Il était responsable de la buanderie, de l'ICU, et cetera. En 1996, nous avons eu un président de l'Hôpital général de Vancouver, et nous avionssept vice-présidents, chacun avec des adjoints et des adjoints aux adjoints. En 2001, nous avons maintenant un PDG, deux présidents, 11 vice-présidents, un nombre illimité device-présidents adjoints et ainsi de suite.

Le problème, c'est la prise de décision. La prise de décision ne peut pas fonctionner avec la structure que nous avons actuelle ment. C'est un cauchemar bureaucratique. Tout le monde a peur de prendre une décision parce que tout le monde est dans la ligne de mire politique. C'est incroyablement inefficace. Je pense que c'est le domaine dans lequel nous et les syndicats du secteur public serions d'accord: C'est extrêmement inefficace.

Le sénateur Morin: En dehors de vos patients de la Commission des accidents du travail, tous vos patients actuels, à l'exception des touristes, et cetera, sont-ils des patients de l'assurance-maladie?

Dr Day: Non. Nous avons des patients dont le traitement est payé par des compagnies d'assurances. Je vais vous donner une statistique sur les établissements privés en Colombie-Britannique. L'année dernière, en pertes de salaire, nous avons épargné95 millions de dollars à la Commission des accidents de travail. Les compagnies d'assurance-invalidité se retrouvent dans une situation comparable, et payent pour des travailleurs qui n'ont pas été blessés au travail.

Le sénateur Morin: Je voudrais en savoir plus sur le groupe de patients qui sont couverts par l'assurance-maladie.

Dr Day: L'assurance-maladie ne paye rien pour les patients dans notre établissement.

Le sénateur Morin: Vous n'avez pas de patients del'assurance-maladie à votre établissement?

Dr Day: C'est exact.

Le sénateur Morin: Il est 100 p. 100 privé, soit assurance, soit CAT?

Dr Day: Les sociétés d'assurances comme Canada Life vous assurent contre l'invalidité, et paient pour que vous alliez dans un établissement privé.

Le sénateur Morin: Si vous étiez en Alberta, en vertu du projet de loi 11 - et je comprends que vous avez des objections contre - , vous traiteriez des patients de l'assurance-maladie.

Dr Day: Seulement si le gouvernement nous les envoyait par contrat.

Le sénateur Morin: Je le comprends.

Dr Day: Il n'y a rien qui interdise au gouvernement de traiter avec des établissements privés, et ils ont indiqué leur intention de le faire.

Le sénateur Morin: Seriez-vous d'avis qu'une bonne façon de fonctionner serait d'avoir des patients couverts par l'assurance- maladie qui puissent aller à votre clinique.

Dr Day: Je ne pense pas que notre clinique puisse résoudre les problèmes de ce système. Je compatis avec tous ceux qui sont chargés d'administrer le secteur de la santé à l'heure actuelle parce que je pense en savoir long à ce sujet et je n'entrevois pas de solution. Le système a été profondément meurtri. Je pense que nous pouvons lui prêter assistance. Nous pouvons montrer la voie vers une meilleure gestion. Nous n'avons pas 11 vice-présidents. Peut-être que je n'ai pas compris.

Le sénateur Morin: Je vous demande, qu'est-ce qui vous empêcherait de recevoir des patients venant de l'assurance-maladie?

Dr Day: Rien, si ce n'est que nous devrions imposer aux patients des honoraires d'établissement.

Le sénateur Morin: Pourquoi?

Dr Day: Nos salles d'opération et notre personnel infirmier sont payés par la corporation, l'entreprise privée.

Le sénateur Morin: Disons que vous auriez un contrat avec le gouvernement. Y auriez-vous des objections?

Dr Day: Non, nous aimerions cela.

Le sénateur Morin: Vous n'avez rien contre le gouvernement qui payerait la facture?

Dr Day: Non.

Le sénateur Morin: C'est le rôle de fournisseur qui vous intéresse.

Dr Day: Exact. Nous avons fait une offre au dernier gouvernement de Colombie-Britannique pour prendre des pa tients, par exemple, pour des opérations de la cataracte. Supposons que l'Hôpital de Vancouver fasse 1 000 opérations de la cataracte par an à un coût de 1 000 $ chacune. Soit 1 million de dollars. Je prends ces chiffres comme exemple.

Le sénateur Morin: Certainement.

Dr Day: Nous avons offert de les faire pour, disons, 600 000 $. Nous leur avons dit de calculer leurs coûts et nous avons dit que nous le ferions pour 60 p. 100 du coût. Je sais que nous pouvons le faire à 60 p. 100 du coût avec les mêmes médecins. Un hôpital d'ici vient de nous contacter cette semaine pour envisager de sous-traiter nos services. Ils nous demandent combien cela coûtera. Je leur dis que nous le ferons pour 60 p. 100 de ce que cela leur coûte. Nous ne savons pas ce que cela nous coûtera. Mais, c'est le problème du système public.

Le sénateur Morin: Merci beaucoup.

Le sénateur St. Germain: J'ai une courte question supplémen taire. Est-ce que le gouvernement envoie actuellement des gens à des cliniques privées aux États-Unis et ne vous les envoie pas?

Dr Day: Il y a environ quatre ans, il y avait un patient qui avait besoin d'une arthroscopie de la hanche. C'est une opération inhabituelle. Je crois que je suis le seul au Canada à faire cette opération. Il y a cinq centres aux États-Unis. Nous n'avions pas le matériel à l'Hôpital d'UBC. Notre établissement privé a indiqué que nous traiterions ce patient pour 3 500 $CAN. Le gouverne ment provincial a envoyé le patient, qui était le voisin d'un député provincial, à San Francisco où l'opération a coûté 14 500 $US.

Le sénateur Keon: Docteur Day, votre personnel de soutien est-il syndiqué ou non?

Dr Day: Beaucoup de nos infirmières travaillent aussi dans des hôpitaux. Elles peuvent être mères avec de jeunes enfants, de deux ou trois ans, et elles ne veulent pas travailler les soirs. Elles trouvent qu'elles ne peuvent pas travailler les soirs et les week-ends à l'hôpital. Elles choisissent de travailler chez nous, et elles font quelques postes à l'hôpital. Elles sont obligatoirement syndiquées.

Notre établissement n'est pas syndiqué parce que si nous l'étions, nous aurions le même problème à obtenir des infirmières que les hôpitaux. Nous payons nos infirmières 15 p. 100 plus cher que l'échelon le plus élevé qu'elles peuvent atteindre après 12 ans d'ancienneté dans le réseau public, parce que nous avons besoin d'elles. Dans bien des cas, nous prenons des infirmières qui ne font pas partie de la main-d'oeuvre active.

Le sénateur Keon: Et votre personnel technique et de soutien; les secrétaires?

Dr Day: Les secrétaires ne sont pas syndiquées. De même, le groupe technique, dans les hôpitaux, appartient au syndicat des employés d'hôpitaux. Les techniciens à la stérilisation centrale qui stérilisent tous les appareils, nettoient le matériel, ne sont pas syndiqués. Encore une fois, pour attirer ce personnel, nous devons payer plus cher que les salaires des syndiqués. Si nous étions syndiqués, les travailleurs devraient subir une réduction de leur salaire. Nous ne serons jamais syndiqués tant que le secteur public n'aura pas rattrapé nos salaires.

Le sénateur Keon: Qui est un paradoxe intéressant, parce que l'argument pour des services en sous-traitance des institutions, des hôpitaux, qu'il s'agisse de services financiers, de nettoyage, alimentaires ou autres, c'est que vous pouvez les sous-traiter à meilleur marché parce qu'il n'y a plus à composer avec le SCFP; et le secteur privé peut engager son personnel pour moins que le secteur hospitalier. Paradoxalement, votre personnel est mieux rémunéré que les syndiqués.

Dr Day: Oui, en effet. Toutefois, si nous avons besoin de faire couper le gazon ou de planter des tulipes, nous ne payons pas un jardinier au tarif des travailleurs de la santé. C'est un des problèmes du réseau public. Si vous plantez des rhododendrons à l'Hôpital de UBC, vous êtes payé 10 $ de l'heure de plus pour le même travail fait par un syndiqué du secteur privé parce que vous êtes un travailleur du secteur de la santé. À cet égard, nous économisons. Nous n'avons pas besoin d'un jardinier à plein temps, mais les employés des hôpitaux, les travailleurs syndiqués de l'hôpital, s'ils ne sont pas dans le domaine technique, bénéficient de salaires plus élevés que dans le secteur privé.

Le président: Certainement, la vraie raison pour laquelle vous pouvez le faire, et je me réfère au chapitre 5 de notre rapport - est que vous exploitez une clinique très spécialisée. Ce n'est pas une critique. Dans un établissement très spécialisé, axé sur un nombre limité de choses, on devrait toujours pouvoir fonctionner avec plus d'efficience. Un des principes qui ressort du rapport, c'est que l'évolution vers des établissements spécialisés engendre clairement des économies d'échelle, en matière de spécialisation.

Dr Day: Vous avez raison. C'est un grand principe de la Harvard Business School.

Le président: Exact. Je conviens d'ailleurs que vous le faites pour moins cher que le secteur public. Tout ce que je dis, c'est que dans un sens, quand nous examinons les coûts, nous comparons des pommes et des oranges parce que nous comparons les coûts d'un grand hôpital général avec ceux d'un établissement spécialisé. Il faudrait comparer un établissement public spécialisé, ce qui n'existe pas dans le secteur public, à un établissement privé de façon à vraiment cerner les coûts. Tout établissement spécialisé, quel qu'en soit le propriétaire, s'il est aussi spécialisé que le vôtre, devrait être capable de fonctionner à un coût inférieur et avec plus d'efficience.

Dr Day: À l'heure actuelle, il n'y a pas assez d'infirmières, de médecins et d'établissements dans le réseau public. Les gens attendent neuf mois pour une chirurgie cardiaque etanticancéreuse, pendant que cette semaine, dans les salles d'opération de l'Hôpital de UBC on effectue des dermabrasions, des lissages, de la chirurgie esthétique et de la chirurgie dentaire. Ce sont les mêmes infirmières, et les mêmes salles d'opération.

Le président: Les gens paient pour cela.

Dr Day: Non. Ils paient le chirurgien; ils paient l'anesthésiolo giste; et le patient paie l'hôpital. Pour une opération de 10 heures le patient paie l'hôpital, s'il est résident de Colombie-Britannique, 290 $. En d'autres mots, le contribuable subventionne à raison de 10 000 $.

Le président: Même pour les frais non couverts parl'assurance-maladie?

Dr Day: Oui. C'est même encore pire. Si un Américain se présente à l'Hôpital de UBC, et qu'il a 10 millions de dollars d'assurance de la Croix bleue des États-Unis, et je dois l'opérer, cette opération coûtera peut-être 6 000 $. Je connais les coûts parce que je travaille dans le secteur privé. L'hôpital facturera ce patient 560 $CAN. J'ai téléphoné au directeur des finances pour lui dire que c'était de la folie. Il m'a répondu, «Nous n'avons pas de politiques pour ce genre de vérifications». Tout revient à la même chose: Ce qui manque dans le réseau public c'est la responsabilisation. Si vous supprimiez le système global de financement des hôpitaux et si vous les obligiez à fonctionner avec un revenu calculé au rendement, ce serait un changement majeur.

Le président: C'est essentiellement la séparation du payeur et du fournisseur.

Dr Day: Oui.

Le sénateur Carney: Il faudrait indiquer pour le dossier, comme le Dr Morin l'a fait remarquer, que le Dr Day a été mon chirurgien orthopédique.

Le président: Docteur Day, vous êtes ici parce que le sénateur Carney l'a recommandé.

Le sénateur Carney: Il a demandé à venir. Je tiens à dire que j'ai été sur sa liste d'attente pendant huit mois.

Dr Day: Elle a refusé de passer un coup de fil.

Le sénateur Carney: Compte tenu de ses commentaires sur les gens qui téléphonent à leurs voisins et à leurs politiciens et abusent du système, je tenais à vous faire savoir que je suis restée irréprochable.

Le sénateur Morin: Sur une liste d'attente de trois ans, vous avez attendu huit mois?

Le sénateur Carney: Non, c'était un an - jusqu'à ce qu'une vieille dame tombe et se fracture la hanche, transformant une chirurgie de 3 000 $ en chirurgie de 25 000 $. Elle était sur la liste d'attente et j'ai pris sa place.

J'ai une question sur les barèmes tarifaires. Je suis surpris que le sénateur Morin ne l'ait pas soulevée. On dit ici que vous êtes la première compagnie privée à lancer le premier établissement privé de soins de santé de ce type au Canada.

Dr Day: De ce type, oui. Il existe d'autres établissements privés, mais rien qui ne soit autorisé par une ville comme hôpital avec cinq lits accès illimité et capacité illimitée de garder ses patients pour la nuit.

Le sénateur Carney: Vous avez dit que vous payez plus cher que la moyenne et que vos dépenses sont inférieures à la norme. Vos barèmes tarifaires sont-ils les mêmes que dans le système public?

Dr Day: C'est un problème. Le réseau public n'est pas capable de nous dire quels sont ses coûts. Tout ce que je sais, c'est que je suis assez sûr de mon coût pour dire aux vice-présidents des hôpitaux que s'ils arrivent à calculer leurs coûts, nous arriverons 40 p. 100 moins cher, et traiterons les patients publics.

Le sénateur Carney: Si je subis une intervention à la clinique Cambie, évidemment je payerai plus que le gouvernement ne va vous payer pour le faire dans un établissement public.

Dr Day: L'argent provient d'une caisse différente. Il vient grosso modo du revenu général.

Le sénateur Carney: Vous ne recevez pas 500 $, ou quelque chose du genre.

Le sénateur Morin: Ce dont vous parlez, ce sont les honoraires pour les salles d'opération.

Dr Day: Les honoraires de chirurgie et d'anesthésie sont les mêmes, dans un hôpital public ou un hôpital privé.

Le sénateur Carney: Je ne le savais pas. Votre clinique constitue-t-elle le modèle optimum pour vous? Pourquoi ne l'a-t-on pas fermée? Pourquoi Victoria n'a pas dit, «Vous exploitez un établissement privé. Nous allons le fermer»?

Dr Day: Nous nous sommes assurés qu'ils ne le feraient pas avant de construire.

Le sénateur Carney: Est-ce parce qu'il s'agit de services spécialisés?

Dr Day: Nous leur avons parlé. Le fait est que le groupe de patients le plus fréquent dans notre établissement est celui du HEU, les membres du syndicat des travailleurs hospitaliers.

Le sénateur Carney: Est-ce par l'intermédiaire de laCommission des accidents du travail?

Dr Day: Oui. Nous traitons les travailleurs du secteur public, les syndiqués, à notre établissement.

Le président: C'est étonnant.

Le sénateur Carney: J'essaie de déterminer si les sénateurs peuvent aller à cet établissement.

Dr Day: Vous pourriez peut-être. Je peux vous dire que les fonctionnaires - et un de mes amis est chirurgien orthopédiste à Ottawa - et les fonctionnaires d'Ottawa vont à Buffalo pour leurs IRM, et c'est une dépense publique.

Le président: Nous pouvons aussi aller de l'autre côté de la rivière, à Hull.

Dr Day: Alors, les choses ont changé.

Le sénateur Carney: Il y a une chose sur laquelle j'aimerais aussi avoir votre opinion. Vous avez inclus dans votre mémoire le «Serment hypocrite des ministres de la santé».

Dr Day: Il a en fait été publié dans le Vancouver Sun il y a à peu près deux ans.

Le sénateur Carney: Monsieur le président, ce «serment hypocrite» est un jeu de mots sur le serment d'Hippocrate. Je vais vous le lire. Vous comprendrez que c'est sardonique:

Aucun soin de santé privé ne sera autorisé au Canada, sauf pour les privilégiés comme nous qui ont des assurances complémentaires privées à deux vitesses, et ce, aux frais du contribuable.

Ce qui inclut les sénateurs.

Les quelque 30 p. 100 ou plus de Canadiens qui ne bénéficient pas de ces avantages payeront pour leurs abcès dentaires, leurs membres artificiels, leurs prothèses arthriti ques, leurs chambres et infirmières privées dans des hôpitaux publics, et leurs médicaments plus sécuritaires et plus dispendieux. Pour passer en avant dans la file d'attente, tout dépendra de qui vous êtes ou qui vous connaissez. Nous nous en accommodons fort bien.
Nous en avons discuté, et je pense que vous m'avez indiqué qu'un des motifs de l'inertie face au système provient du fait que ceux d'entre nous qui prennent les décisions disposent déjà d'un système à deux vitesses. Tous les employés de la fonction publique, tous les députés et tous les sénateurs ont le régime gouvernemental qui paie pour toutes sortes de services que mon frère jumeau, qui n'est pas membre d'un de ces groupes, doit payer de sa poche. Vous dites que c'est un groupe très important au Canada.

Dr Day: Soixante-dix pour cent de la population bénéficie de ce que j'appelle une assurance «à deux vitesses».

Le sénateur Carney: Pourriez-vous nous en parler? L'une des raisons de l'inertie face au changement tient-elle au fait que nous bénéficions tous d'un système à deux vitesses, même pour les lunettes?

Le président: Puis-je seulement m'assurer, aux fins du compte rendu, que nos définitions sont uniformes? Nous avons utilisé l'expression, «à deux vitesses» pour parler d'un réseau hospitalier parallèle. Le sénateur Carney utilise les deux vitesses pour signifier que nous avons une assurance qui couvre non seulement les hôpitaux et les médecins, mais toutes sortes d'autres services auxiliaires comme la physiothérapie, les médicaments, les soins à domicile et ainsi de suite. J'apporte ces précisions pour notre dossier. Le sénateur Carney soulève une question qui nous préoccupe tous, à savoir, l'écart énorme dans le filet de sécurité pour les gens qui ne bénéficient pas d'une assurance «à deux vitesses».

Dr Day: Vous avez raison. Les 30 p. 100 qui n'en bénéficient pas sont souvent les petits salariés. Si vous êtes vraiment pauvre, vous y avez droit. Tout est payé pour vous. Si vous êtes syndiqué, vous y avez droit, et si vous n'êtes pas syndiqué au service d'une grande entreprise, vous y avez droit. Ce sont les petits salariés, ceux de la tranche inférieure des salariés à revenu moyen qui n'y ont pas droit.

Le président: Dans certaines provinces, ceci s'applique aux personnes âgées, bien que ce ne soit pas le cas en Colombie-Britannique.

Dr Day: Je pense qu'il est important de souligner que dans cette assurance complémentaire, ce qui est médicalement néces saire reste très nébuleux. Par exemple, un enfant pourrait devoir subir une amputation d'un membre inférieur par suite d'un cancer. En Colombie-Britannique, la prothèse n'est pas couverte. Il n'est pas considéré médicalement nécessaire d'avoir un membre artificiel. Un patient m'a apporté une lettre, que j'ai en archives, du ministère de la Santé de Colombie-Britannique dans laquelle un sous-ministre adjoint dit, «Monsieur, nous avons examiné votre dossier et conclu que la voix n'est pas une nécessité sur le plan médical.» Ce patient avait subi l'ablation du larynx en raison d'un cancer. Voilà des interventions qui seraient couvertes avec une assurance-maladie complémentaire. Nous ne parlons pas d'un plâtre en plastique à des fins esthétiques, il s'agit d'éléments importants.

Le sénateur Carney: Vous avez ouvert votre clinique pour satisfaire un besoin qui est autorisé en vertu de la législation. Votre clinique constitue-t-elle le modèle optimum pour vous? En outre, il y a la question du nombre de chirurgiens orthopédistes au Canada et combien il nous en faut?

Dr Day: Il nous en faut beaucoup plus. Il y a une pénurie extrême de chirurgiens orthopédistes. La nouvelle génération de chirurgiens orthopédistes n'est pas comme la nôtre. Les nouveaux diplômés ne veulent pas travailler 80 ou 90 heures par semaine. Ils préfèrent le temps libre à l'argent, partiellement pour des raisons économiques. Tout cela, c'est une question d'économie maintenant, partiellement pour des raisons de rémunération. Je vais vous donner un exemple dans ma propre spécialité.

Il y a quinze ans, nous étions le troisième groupe le mieux payé parmi les spécialistes de Colombie-Britannique. Les orthopédistes de Colombie-Britannique sont maintenant aux dix-septième rang sur dix-huit pour le revenu annuel. Essentiellement parce qu'on leur a coupé l'accès aux hôpitaux pour traiter leurs patients. Toutefois, ils prennent aussi leurs distances par rapport au travail clinique. Nous nous trouvons maintenant dans une situation, et c'est tout à fait vrai, où les chirurgiens orthopédistes abandonnent l'exercice clinique, souvent au sommet de leur niveau de compétence, au début de la cinquantaine, pour faire de la consultation, faire des évaluations pour les sociétés d'assurances, et ainsi de suite. Pour décrire une opération à un avocat ou à une compagnie d'assurances, un chirurgien orthopédiste reçoit quatre ou cinq fois le tarif horaire qu'il obtiendrait pour faire l'opération. C'est une réalité économique.

Le sénateur Carney: Je voudrais seulement rappeler aux fins du compte rendu une analogie que vous m'avez faite, et c'est celle d'un hockeyeur à qui l'on donne seulement cinq heures par semaine d'accès à la glace; il y perdrait ses talents de joueur professionnel de la LNH, mais notre société juge qu'un chirurgien orthopédiste n'a le droit de pratiquer ses compétences que cinq heures par semaine.

Dr Day: L'Association canadienne d'orthopédie a recommandé un nombre minimum d'heures d'opérations par semaine pour maintenir le niveau des compétences, comme pour les pilotes, et c'est 15 heures. À l'Hôpital St-Paul les chirurgiens en ont environ quatre heures et demie ou cinq heures. À UBC, c'est cinq heures et demie à six heures. C'est pour cela qu'ils ont besoin d'un établissement comme le nôtre, et c'est pour cela que 40 p. 100 d'entre eux ne seraient pas ici si nous n'y étions pas.

Le sénateur Roche: Docteur, je pense que vous avez dit plus tôt dans votre exposé qu'un pourcentage important de patients qui viennent chez vous font partie de la classe ouvrière. Y en a-t-il que vous jugez nécessaire qu'ils soient soignés, mais qui n'ont pas l'argent pour vous payer? Est-ce que cela se produit?

Dr Day: Oui, cela arrive. En vertu de la Loi canadienne sur la santé, ils n'ont pas le droit de payer pour le service. Quand j'ai parlé de classe ouvrière, ces patients viennent habituellement de la Commission des accidents du travail et ils n'ont pas à assumer de frais.

Le sénateur Roche: Il n'y a que des cas d'accident du travail?

Dr Day: Oui.

Le président: Quand la Loi canadienne sur la santé a été adoptée, elle excluait explicitement les patients de la Commission des accidents du travail. Dès leur création en 1984, les Commissions des accidents du travail ont eu l'autorisation de fonctionner dans un système à deux vitesses dans la mesure où elles pouvaient engager et payer leurs propres médecins, et payer les frais d'hospitalisation et ainsi de suite. Comme le Dr Day l'a fait remarquer, certains autres groupes avaient aussi ce droit. Toutefois, de loin le groupement le plus important - et c'est pourquoi nous l'avons mentionné dans le dernier rapport - qui a clairement utilisé un système à deux vitesses qu'étaient les Commissions des accidents du travail. Si vous devez vous blesser, de grâce faites-le au travail, parce qu'alors vous irez automatique ment en tête de la liste d'attente.

Dr Day: Il convient aussi de préciser que dans notre établissement l'an dernier, nous avons traité 3 000 patients. Si nous n'avions pas existé, ces 3 000 patients seraient sur une liste d'attente quelque part. Ils viennent s'ajouter à ce qui aurait été fait. C'est seulement un établissement. Ils se seraient retrouvés sur la liste d'attente dans le système public. En Colombie-Britannique à l'heure actuelle, il y a probablement 100 000 personnes en attente de chirurgie. Nous en avons probablement traité 15 000 dans des établissements privés l'an dernier. Les listes d'attente compteraient 115 000 personnes s'il n'y avait pas les établisse ments privés.

Le sénateur Roche: Monsieur le président, je ne comprends pas bien la distinction entre les patients qui viennent chez vous par le truchement des accidents du travail, et les autres qui arrivent par un autre chemin.

Dr Day: Supposons qu'un charpentier retire des prestations d'invalidité parce qu'il s'est blessé en jouant au hockey. Toutefois, ce charpentier-là est incapable de travailler. Une compagnie d'assurance-invalidité, comme la London Life ou la Great West Life, payerait le salaire de cette personne pendant qu'elle attend un an ou deux pour être admise à un hôpital pour se faire traiter. L'intéressé n'a pas été blessé au travail. La compagnie d'assurances est dans la même position que la Commission des accidents du travail. Elle paie disons, 5 000 $ par mois pendant que le charpentier attend un an pour une opération qui coûterait 1 000 $. L'assureur est prêt à payer les 1 000 $ pour économiser 55 000 $ en indemnités de remplacement du revenu.

Le sénateur Roche: Facturez-vous la Commission des accidents du travail pour les cas de son ressort?

Dr Day: Je parlais de l'assurance-invalidité. Supposons qu'il y ait deux charpentiers, l'un est propriétaire et l'autre est engagé pour faire des travaux; les deux tombent de l'échafaudage et les deux subissent la même blessure. L'un sera couvert par les accidents du travail parce qu'il est employé. Le propriétaire, qui est aussi charpentier, doit s'absenter du travail, mais la seule façon pour qu'il puisse venir dans notre établissement en vertu de la Loi canadienne sur la santé - et même si c'est une zone grise qui pourrait être remise en cause - c'est si sa compagnie d'assurances paie pour ses frais d'hospitalisation de la même manière que la Commission des accidents de travail.

Le sénateur Roche: C'est la compagnie d'assurances que vous facturez dans ce cas-là.

Dr Day: Oui. Dans ce cas, une compagnie d'assurances va recevoir une facture. J'appuierais absolument le droit de cet homme à dépenser son argent pour ses propres soins de santé s'il le désire. Nous n'avons pas élu notre gouvernement pour qu'il nous dicte que nous n'avons pas le droit de dépenser notre argent pour prendre soin de notre propre santé, et pourtant c'est le résultat pratique de la Loi canadienne sur la santé.

Le président: Docteur Day, merci d'être venu.

Le sénateur Carney: Je voudrais juste ajouter qu'il me faudra six mois pour le voir, après avoir attendu quatre mois pour mon rhumatologue, alors je l'accompagne jusqu'à la sortie pour une consultation.

Le président: Je dois dire que nous avons réussi à vous voir beaucoup plus vite que le sénateur Carney. Nous avons communiqué avec vous il y a seulement un mois. Merci d'être venu.

Notre témoin suivant est Mme Lorraine Grant, la présidente du conseil d'administration de la Health Association of British Columbia, suivie de Mme Cynthia Ramsay, une économiste de la santé bien connue qui a rédigé une étude, que j'ai lue, intitulée «Au-delà du débat privé-public».

Comme vous vous en rendez compte, quand nous avons des témoins comme ceux que nous avons eus aujourd'hui, il est difficile de respecter entièrement l'horaire. J'ajouterais que nous avons eu une journée comparable hier quand nous avons commencé avec M. Mazankowski, notre premier témoin, qui a été suivi des PDG des organismes de santé de Calgary et d'Edmonton. Ce fut un début fascinant.

Madame Grant, merci d'être venue.

Mme Lorraine Grant, présidente du conseil d'administra tion, Health Association of British Columbia: J'aimerais vous présenter Mme Lisa Kallstrom, directrice des politiques et de la promotion de la Health Association of British Columbia. Nous sommes toutes deux heureuses d'être ici. Nous aimerions féliciter le comité pour son travail d'analyse exhaustive des enjeux actuels dans le système de santé.

Je ferai des commentaires sur certaines des questions et options présentées par le comité sénatorial, et j'insisterai sur les recommandations qui d'après nous amélioreront considérablement le système de santé.

En ce qui concerne le rôle général du gouvernement fédéral, l'Association souscrit fondamentalement aux cinq rôles fédéraux distincts en matière de santé et de soins de santé mentionnés dans le document sur les options proposées et leurs objectifs connexes. Nous convenons qu'une restructuration en profondeur de la prestation des services de santé sera nécessaire, en particulier pour les soins primaires. Même si nous sommes d'accord avec un grand nombre des arguments qui ont été soulevés à propos des contraintes de la Loi canadienne sur la santé, notamment relativement à un accès satisfaisant et opportun, nous rejetons l'idée que le public devrait être capable de défrayer le coût d'une opération pour pouvoir y avoir accès en temps opportun. Le paiement privé de services assurés finira par aboutir à un système de santé à deux vitesses. Notre association est convaincue que la proportion de financement privé ne devrait pas dépasser les30 p. 100 actuels, et nous faisons une distinction entre le financement privé et la prestation privée.

Je voudrais maintenant aborder le rôle financier du gouverne ment fédéral. L'Association de la santé ne souscrit pas à la conclusion du comité que nous devrions amorcer maintenant l'élaboration de plans et politiques visant à identifier des sources de revenu privées supplémentaires. Les partisans de cette idée croient que les économies résultant des changements dans le mode de prestation actuel des services de santé seront insuffisan tes. Nous croyons fermement que le système de santé devrait mettre en oeuvre les principales recommandations des nombreu ses études, provinciales comme nationales. Ces recommandations devraient être d'abord mises en oeuvre et évaluées, et seulement en cas d'échec conviendrait-il d'envisager des sources supplémen taires de revenus.

L'Association de la santé est d'avis que les gains de productivité et d'efficacité seront suffisants pour assurer la durabilité à long terme de notre système de soins de santé. En fait, ce sont des ingrédients indispensables. Une contribution stable au financement par le gouvernement fédéral est absolumentessentielle pour entreprendre les changements fondamentaux pour la mise en oeuvre des innovations nécessaires. Nous suggérons que votre comité recommande que le gouvernement fédéral maintienne la contribution actuelle de financement du TCSPS aux provinces, mais en y incorporant un facteur de progression.

En ce qui concerne la pratique fondée sur les résultats cliniques et scientifiques, l'Association de la santé suggère que le gouvernement fédéral prenne l'initiative pour appuyer la mise au point d'atlas de pratiques cliniques pour la Colombie-Britannique et les autres provinces. L'acquisition de connaissances de base sur l'utilisation de services cliniques et de leurs variantes pourrait prendre pour modèle le travail effectué par l'Institut de recherche en services de santé de Sunnybrook, en Ontario. Il faut que le gouvernement fédéral joue le même rôle de chef de file pour l'élaboration de lignes directrices nationales en matière de pratiques cliniques.

Je vais maintenant passer à la régionalisation des services. La Colombie-Britannique a régionalisé de nombreux services de santé, mais nous pensons qu'il faut étendre la régionalisation à tout le continuum des services de santé. L'Association de la santé de la Colombie-Britannique convient avec le comité que la réforme des soins de santé primaires est la clé de la modernisation de notre régime actuel d'assurance-maladie. Encore une fois, il faudra que le gouvernement fédéral poursuive son rôle de chef de file, notamment par un financement durable des initiatives de réforme.

En ce qui concerne le rôle du gouvernement fédéral en matière de recherche et d'évaluation, nous pensons qu'il devrait poursui vre ses activités actuelles. Toutefois, nous recommanderions aussi que le gouvernement fédéral ne limite pas sa participation seulement à des projets pilotes, mais qu'il assume un rôle plus fondamental dans des changements au système à plus longue échéance.

Ensuite, je vais traiter du rôle en matière d'infrastructure. Le gouvernement fédéral devrait s'engager dans un programme de financement à plus longue échéance de la technologie pour que le secteur des soins de santé puisse profiter pleinement des technologies de l'information et des communications. Sans amélioration de notre capacité de gérer l'information sur la santé, nous ne pouvons amorcer l'évolution vers une prise de décisions et une culture fondée sur les résultats cliniques et scientifiques. Le gouvernement fédéral peut fournir le leadership intellectuel et utiliser son pouvoir de financement pour mettre au point de nouveaux systèmes d'information qui puissent se parler et qui utilisent des ensembles de données normalisés.

En ce qui concerne le rôle du conseil national de la qualité des soins de santé, l'Association de la santé appuie fortement la recommandation visant à établir un tel conseil, qui entreprendrait des analyses de rendement des divers aspects des soins de santé à différents niveaux, au niveau système, au niveau organisme et aux niveaux individuels, et d'élaborer des normes de rendement et des points repères. Il pourrait aussi être constitué par un consortium des organismes nationaux actuels comme l'Institut canadien d'information sur la santé, le Conseil canadien d'agrément des services de santé et l'Association canadienne des soins de santé.

Nous appuyons en outre la recommandation de publier des rapports sur l'importance de tous les déterminants de la santé pour des populations en santé. Le gouvernement fédéral pourrait tracer la voie dans ce domaine en attirant l'attention sur la responsabilité des particuliers en matière de choix santé.

En ce qui concerne le rôle des ressources humaines en matière de santé, l'Association de la santé de la Colombie-Britannique souscrit à la recommandation du comité que la réforme des soins primaires est essentielle afin de rationaliser l'utilisation de nos ressources humaines en matière de santé. Dans le cadre d'un modèle de soins primaires coordonnés, l'éventail complet des professionnels de la santé peut être utilisé à sa pleine capacité. En même temps, le coût unitaire du service produit pourrait être réduit. Cela aura probablement aussi un impact profond sur nos ressources humaines en matière de santé.

Nous recommandons aussi que le gouvernement fédéral finance une analyse des économies possibles dans l'utilisation des soins de santé par un recours plus généralisé, par exemple, aux infirmières praticiennes.

J'aborderai maintenant le rôle du gouvernement fédéral dans la santé de la population. Le document, intitulé «Objectifs en matière de santé pour les Britanno-Colombiens», constitue le cadre pour que la société définisse les stratégies qui affecteront la santé et le bien-être de la province tout entière. Ce cadre a aidé les autorités régionales de la santé à structurer leurs propres plans des services de santé.

Finalement, je vais vous parler du rôle du gouvernement fédéral dans la santé des Autochtones. Les conséquences d'une double compétence au niveau de la prestation des services de santé sont la fragmentation des programmes et la difficulté à les coordonner. L'Association de la santé elle-même a créé le conseil de santé des premières nations. C'est un comité composé d'administrateurs autochtones des services de santé et de représentants des organismes autochtones. Parmi de nombreuses autres initiatives, notre conseil de santé des premières nations a collaboré avec le médecin chargé du service provincial de la santé publique pour produire un rapport spécial sur la santé des Autochtones. Ce rapport comprendra des exemples de pratiques novatrices susceptibles d'entraîner une amélioration de l'état de santé.

En conclusion, nous aimerions souligner qu'il y a des occasions qui permettent au gouvernement fédéral de laisser un héritage important dans le domaine des soins de santé en faisant preuve de leadership intellectuel dans la mise au point de systèmes d'information, l'amélioration de la qualité et l'évaluation des résultats.

Nous préparons aussi actuellement un mémoire pour la commission Romanow que nous serons heureux de communiquer au comité en novembre.

Mme Cynthia Ramsay, économiste de la santé, Elm Consulting: Je voudrais aussi remercier le comité d'avoir bien voulu m'inviter ici aujourd'hui. J'ai été quelque peu surprise parce que, en raison de mes antécédents professionnels auprès du Fraser Institute, et d'autres institutions, les autorités ne sont pas souvent portées à demander mon opinion sur les soins de santé. C'est tout un honneur d'être ici aujourd'hui.

Je n'ai pas d'exposé écrit. J'ai parcouru le résumé de votre rapport, et certains des détails du document lui-même. Beaucoup de choses que j'aimerais vous dire y figurent déjà, et je ne veux pas les répéter; je vous parlerai donc de mon dernier rapport, le sénateur Kirby a mentionné, intitulé, «Au-delà du débat public- privé». Le comité a fait un travail remarquable en obtenant divers points de vue sur la division public-privé. J'ai apporté des exemplaires du rapport.

Avec ce rapport, j'ai essayé d'élargir le débat. Militante d'une plus grande participation du secteur privé aux soins de santé, j'ai souvent dû faire face à un ou deux contre-arguments. Un de ceux-ci est que les soins de santé privés aux États-Unis ont été mauvais pour les Américains. L'autre que j'ai toujours rencontré porte sur la question de savoir qui paie vraiment. Quelle que soit la discussion, la question du payeur finit toujours par intervenir. L'argument serait qu'on ne peut fournir un service donné parce qu'il n'est pas publiquement disponible. On vous dira que vous ne pouvez pas permettre la participation du secteur privé parce que seuls les patients riches auraient accès aux traitements, ou qu'ils obtiendraient des traitements de meilleure qualité. Dès que l'on parle du secteur privé, on a à l'esprit un ensemble de suppositions sur les résultats qu'il entraîne.

J'ai décidé d'étudier divers pays. J'ai choisi huit pays très différents sur le plan de la répartition des secteurs public et privé. Singapour est vraisemblablement le cas le plus privé, mais, ironiquement, en même temps, c'est le régime le plus contrôlé et réglementé par le gouvernement. Ensuite, il y a les États-Unis. C'est environ moitié-moitié, je crois. Le Canada, comme chacun sait, est environ 30 p. 100 privé, et là encore il y a quelques domaines auxquels le secteur privé ne peut toucher. J'ai examiné cela. J'ai aussi porté mon choix sur certains pays à cause de leur histoire assez semblable: l'Afrique du Sud et l'Australie. L'Afrique du Sud, l'Australie et le Canada sont tous des pays de l'ancien Commonwealth britannique; ils ont des systèmes très différents, même s'ils partagent la même origine.

J'ai employé l'indice du développement humain des Nations Unies pour classer les pays, parce que mon expérience m'a démontré qu'il s'agit d'une mesure relative. J'ai envisagé de faire une mesure absolue, par exemple, en évaluant la qualité de l'eau. Dans ce cas, vous avez certains objectifs concernant ce que vous ne voulez pas dans votre eau, et si vous réussissez ou échouez, cela vous donne une évaluation de la qualité de l'eau. C'est une mesure absolue. Vous savez si vous avez échoué; vous savez si vous avez réussi. Dans les soins de santé, ce n'est pas si simple. Par exemple, vous pouvez dire que vous voulez que la durée moyenne du séjour dans un hôpital soit de quatre jours, mais c'est une valeur qui peut ne pas convenir à tout le monde. Cela dépend de qui vous êtes, pour quoi vous y êtes, et de l'hôpital où vous êtes. Donc, j'ai opté pour une mesure relative plutôt qu'absolue. J'ai eu l'occasion d'élargir mon propre champ d'activité en ce sens que j'ai commencé avec toutes les variables indépendantes qui avaient été employées dans une comparaison entre pays. J'ai dû réduire la fourchette en cours de route parce qu'une des conclusions de mon étude était qu'il n'y a pas énormément de données qui soient comparables.

Même cette étude s'accompagne de plusieurs mises en garde. Il faudra donc en prendre et en laisser étant donné que les données sont incomplètes dans de nombreux domaines. À la fin, j'avais environ 100 variables, que j'ai subdivisées en 17 grandes catégories. Je ne vous les mentionnerai pas toutes, mais j'ai considéré le statut de santé; l'état socio-économique; la disponibi lité de services, ce qui comprendrait les médecins, les lits d'hôpital et des choses du genre; et la pertinence des services, qui tient compte des césariennes et de leur nombre. J'ai tenu compte des 17 catégories et je les ai classées. Puis j'ai attribué un score global à chacun des pays. Dans ces conditions, Singapour, sur un maximum de 100 (le meilleur), n'a obtenu qu'environ 62. J'ai été déçue que le pays que j'avais n'ait obtenu que 62 sur 100.

Une autre conclusion de mon étude, c'est qu'on ne peut prendre tout ce qu'il y a dans un pays et l'imposer au Canada. Je ne parle pas seulement des adaptations qui font intervenir des différences culturelles; je fais plutôt allusion au fait que, à mon avis, aucun pays n'a totalement réussi.

Malgré une méthodologie très différente, mes classements ont donné le même résultat que l'Organisation mondiale de la santé dans son étude de 2000, à part le fait que, dans cette étude, le Canada a devancé l'Australie. Le deuxième pays de cette étude était le Royaume-Uni, qui a un système totalement différent. Nous avons entendu quantité d'anecdotes sur les listes d'attente et autres problèmes. Vous pouvez avoir deux systèmes incroyable ment différents, un très privé et l'autre très public, et les deux semblent fonctionner relativement bien, et nettement mieux que le Canada.

Une autre conclusion est que nous ne devrions pas, au Canada, limiter nos discussions à la source de financement. Si vous structurez bien votre système, cela ne devrait pas avoir une grande importance en fin de compte. Il n'existe nulle part de système entièrement privé ou entièrement public.

L'autre partie de l'étude porte sur la santé de la population. Il y a des ministères fédéraux chargés de suivre les statistiques sur la santé de la population. J'ai voulu vérifier si l'information qu'ils publient était valable, pour ainsi dire.

Il y avait aussi l'hypothèse que les soins de santé viennent à l'intérieur du réseau médical. J'ai voulu savoir quelle partie du système médical se consacre à l'état de santé de la population. L'Organisation mondiale de la santé et d'autres organismes et ministères ont dit que le système médical n'a pas grand-chose à voir avec l'état global de santé de la population. Je suis certaine que c'est discutable. Ma réaction a été la suivante: si tel est le cas, pourquoi sommes-nous si préoccupés de nous assurer que la partie la moins importante des soins de santé est publiquement financée et offerte également à tout le monde? Je pense aux chirurgies sophistiquées et aux tests diagnostiques. Si le taux d'alphabétisation, le niveau de revenu et l'immunisation, une fonction de la santé publique, sont les corrélations les plus importantes à l'espérance de vie et à des taux de mortalité plus faibles, peut-être le financement gouvernemental, s'il est limité, devrait se concentrer davantage sur ces types d'activités et l'enseignement public, et permettre au moins l'expérimentation.

Je ne vous suggère pas de vous lancer à corps perdu dans un système privé, parce que si vous vous y prenez mal, vous courez le risque de laisser pour compte les personnes à faible revenu. Si vous le faites de manière ad hoc comme maintenant, en déréglementant au hasard, vous allez laisser pour compte les personnes à faible revenu.

Ma recommandation est que nous lancions des projets-pilotes avec le secteur privé de façon plus novatrice.

Le président: Dans la partie traitant des Autochtones vous parlez d'un rapport spécial préparé par votre conseil de santé des premières nations.

Mme Lisa Kallstrom, directrice générale des politiques et de la promotion, Health Association of British Columbia: Notre conseil a participé à cette étude avec le médecin chargé du service provincial de la santé.

Le président: Ma seule question est la suivante: Comment peut-on en obtenir un exemplaire, ou est-il disponible?

Mme Kallstrom: Il n'est pas encore tout à fait prêt. Nous espérons le publier avant la fin de l'année.

Le président: Auriez-vous l'obligeance de nous en envoyer un exemplaire?

Mme Kallstrom: Oui.

Le président: Ma deuxième question porte sur la phrase qui se trouve à la fin de la partie qui traite du financement. Vous dites:

L'Association de la santé est d'avis que les gains de productivité et d'efficacité seront suffisants pour assurer la durabilité de notre système de soins de santé, plutôt que de rechercher des sources de revenus supplémentaires pour augmenter encore les dépenses des soins de santé.

Comme vous pouvez le dire à la lecture de notre rapport, nous avons examiné cette question dans le contexte de la beauté qu'il y a à croire ce que dit cette phrase. Ce faisant, on évite bien des questions très difficiles. Nous étions d'avis que, dès lors qu'on ne savait pas combien d'argent pourrait être épargné, il était important de lancer une discussion sur d'autres options. J'aimerais connaître votre réaction à ce point de vue, et ce qui vous conduit à croire qu'il y a suffisamment d'argent dans le système.

Mme Kallstrom: Nous avons dans les publications la preuve de services qui n'ont aucun effet ou un effet douteux. Nous devrions envisager de mettre en oeuvre des processus de prestation de services à l'intérieur du système de soins de santé pour nous assurer que nos services sont effectivement appropriés. Nous pourrions envisager d'investir davantage de fonds fédéraux dans la recherche sur l'efficacité des procédures.

Également, nous pourrions vouloir refaire certains des travaux effectués par l'IRSS en Ontario pour que nous ayons une connaissance de base dans toutes les provinces des taux de variation entre toutes les grandes opérations qui sont exécutées. Cela lancera le débat clinique sur ce que devraient être ces taux. Certains taux varient considérablement entre les communautés locales.

Le président: Quand vous parlez de lancer des initiatives pour provoquer le débat et ainsi de suite, cela me convainc encore plus que notre hypothèse est la bonne. Il ne me semble pas clair du tout - connaissant la lenteur avec laquelle le système change, sachant qu'il s'agit d'un changement culturel majeur - quel impact une discussion aura, et quand elle l'aura. À notre avis, beaucoup émettent le voeu pieux de ne pas avoir à s'occuper du problème. Nous avons l'obligation, si vous croyez à une certaine planification du système, ou planification stratégique, d'être prêts à régler le problème quand il se présentera. Je ne cherche pas à critiquer ceux qui formulent ces voeux pieux. C'est une bonne chose, en fait. Je ne vois aucune preuve qui me fasse croire à ce que vous avancez, je crois que c'est la meilleure façon de l'exprimer.

Mme Kallstrom: La Province de Colombie-Britannique peut, en fait, constituer un essai grandeur réelle. Nous nous trouvons actuellement dans une situation dans laquelle nous aurons foncièrement une augmentation de zéro, zéro, zéro du budget de la santé.

Le président: Que signifie «zéro, zéro, zéro»?

Mme Kallstrom: Zéro pour cent d'augmentation des dépenses de santé, du budget des services des soins de santé dans cette province.

Le président: Pendant un an?

Mme Kallstrom: Pendant trois ans. C'est une situation brutale à laquelle devront faire face les soins de santé. Elle obligera peut-être en fait à accélérer la révision des services qui sont appropriés et bénéfiques pour certains patients dans certaines conditions. Sinon, la province devra recourir à d'autres approches comme des compressions aléatoires ou des compressions unifor mes. Il y aura peut-être des réductions substantielles dans l'ensemble des services. Ce sera peut-être le catalyseur qui obligera à mettre en place ces mécanismes très rapidement.

Le sénateur Morin: Madame Ramsay, qu'est-ce-que la Fondation Marigold?

Mme Ramsay: C'est une oeuvre de charité de Calgary. C'est l'étude la plus importante qu'elle ait réalisée. Elle ne s'intéresse pas aux politiques. Elle a été un peu décontenancée par la réaction à l'étude. Ce qu'ils ont l'habitude de faire, c'est de donner des bourses collégiales à des adultes pour les inciter à retourner à l'école, ou bien ils financent un parc dans un secteur démuni de la ville de Calgary. C'est dans ces domaines qu'ils ont leurs principales activités.

Le sénateur Morin: Qui appuie cette fondation?

Mme Ramsay: C'est un organisme privé qui reçoit de nombreux dons. Ils ne m'ont pas fourni ce genre de renseigne ments.

Le sénateur Morin: Les donateurs sont-ils principalement des entreprises?

Mme Ramsay: Je le suppose, oui. Ce serait du secteur privé, et non gouvernemental.

Le sénateur Morin: J'aimerais citer votre rapport, plus précisément le tableau 1 qui porte sur la «Technologie» et «6.2». Cela démontre combien vos données sont fondées, parce que nous avons déterminé, à d'autres égards, nous sommes bien en dessous des pays de l'OCDE sur la liste dans la catégorie de la technologie. Au fil des ans nous n'avons pas assez investi en technologie.

Les listes d'attente constituent un problème majeur, malgré le fait que nous nous en tirons pas trop mal.

Je vous renvoie aussi à la satisfaction des patients. Ce qui est très clair, c'est l'insatisfaction des patients au Canada par rapport à ceux d'autres pays. Ils sont encore plus mécontents qu'en Afrique du Sud. Leur niveau de satisfaction, en fait, est proche de celui des États-Unis. C'est aussi bon qu'au Royaume-Uni, qui arrive en deuxième place. Les États-Unis ne sont pas loin derrière Singapour. Toutefois, je suis surpris que le Canada arrive derrière tout le monde. Pourquoi? Peut-on condamner la presse? Je pense que la presse reflète ce que nous dit le public canadien.

Où je suis en désaccord avec votre score, et cela s'applique également à l'étude de l'Organisation mondiale de la santé, c'est que ce que nous étudions vraiment, c'est le système de prestation des soins de santé. L'état de la santé est autre chose. Pour étudier l'état de la santé, nous faisons appel à des indicateurs de santé tels que le taux de mortalité infantile, le poids à la naissance, le nombre de fumeurs et ainsi de suite. J'ai lu un bon article dans l'avion hier soir; on y trouvait que le réseau de prestation des soins de santé compte pour moins de 25 p. 100 des données sur la santé. Par exemple, quel indicateur devrait-on utiliser pour les soins palliatifs? Nous devons y consacrer des sommesimportantes. Une grande partie de nos dépenses en soins de santé interviennent durant la dernière année de vie, et c'est bien normal. Aucun indicateur de santé ne le montre.

J'avais espéré faire disparaître un certain nombre d'éléments qui n'ont rien à voir avec le réseau de prestation des soins de santé. Par exemple, la démographie, le statut socio-économique, n'ont rien en commun. J'enlèverais aussi les dépenses. Il n'y a rien de mal à beaucoup dépenser. Vous avez dit vous-même que la proportion public-privé n'a pas d'importance, alors pourquoi figurerait-elle dans l'équation?

Mme Ramsay: Dans le pointage global, la démographie et le statut socio-économique ne sont pas compris parce qu'il serait injuste de pénaliser l'Afrique du Sud pour son histoire vécue.

Le sénateur Morin: Vous incluez les dépenses totales, c'est-à-dire, celles du secteur public et du secteur privé.

Mme Ramsay: Oui. J'ai mentionné en bas de page mon opinion dissidente. Je ne pense pas que l'augmentation du coût des soins de santé soit un problème.

Le sénateur Morin: Alors, pourquoi l'avez-vous inclus?

Mme Ramsay: Le leitmotiv chez la plupart des experts en soins de santé et au gouvernement, c'est qu'il faudrait essayer de contenir les coûts de toutes les manières possibles dans le cas des soins de santé. J'ai pris l'opinion populaire du jour et j'ai supposé qu'une augmentation du coût des soins de santé représentait la pire option, mais alors j'ai trouvé que Singapour, qui ne dépense pas beaucoup, offrait un meilleur rendement que l'Allemagne.

Le sénateur Morin: Je pense que vous devriez considérer cela dans l'autre sens. Singapour a un bon système de soins de santé, mais il ne coûte pas grand-chose. Je pense qu'il faudrait le retirer.

Mme Ramsay: Dans un des classements dans le rapport plus approfondi, le quatrième, j'ai entièrement supprimé les dépenses. Cela a quelque peu modifié le classement pour les autres pays. Le Canada reste sixième au tableau 2 du résumé. L'Allemagne, si vous éliminez les dépenses et ne faites pas la distinction entre le secteur public ou privé, l'Allemagne arrive en tête, suivie de la Suisse, du Royaume-Uni, de Singapour, des États-Unis, et enfin du Canada.

Le sénateur Morin: Les listes d'attente sont-elle traitées à la rubrique «Disponibilité de services»?

Mme Ramsay: Oui.

Le sénateur Morin: Les listes d'attente au Royaume-Uni sont terribles avec 35. Les Britanniques attendront cinq ans pour le remplacement d'une hanche. Je n'arrive pas à comprendre ce chiffre par rapport au Canada, avec 48. Cela me surprend. Je m'excuse, monsieur le président de rentrer dans tous ces détails.

Mme Ramsay: Il faut le faire.

Le sénateur Morin: J'ai soigneusement étudié cette liste et je l'ai trouvée excellente.

Mme Ramsay: Comme je vous l'ai dit, si vous voulez examiner celles desquelles les dépenses ont été entièrement éliminées, reportez-vous au quatrième classement du tableau 2.

Le sénateur Morin: Même ceux qui croient qu'il n y a pas de problème avec le système canadien doivent admettre que nous sommes nettement en dessous des autres pays, et je pense que les deux raisons qui expliquent cet état de choses sont le fait que nous avons si peu de technologie et que le niveau de satisfaction des patients est très bas. Ces deux éléments nous font perdre des points.

Le sénateur St. Germain: J'ai une question pour les deux médecins: le facteur technologique a-t-il affecté votre capacité d'exercer votre profession dans ce pays?

Le sénateur Morin: Absolument.

Le sénateur Keon: Il se trouve que je pratique dans un institut qui dispose d'une technologie d'avant-garde.

Le sénateur Morin: Vous avez un certain conflit d'intérêts.

Le président: Est-ce que les données sur la satisfaction des patients ont été recueillies par des enquêtes auprès des patients, ou par un sondage général des attitudes auprès de la population?

Mme Ramsay: Je ne sais pas. Elles proviennent de sondages du Fonds du Commonwealth qui ont été effectués à plusieurs reprises dans cinq pays, dont l'un n'a pas été inclus, la Nouvelle-Zélande.

Le président: Le dernier vient de se terminer la semaine dernière. J'étais à la conférence où il a eu lieu. Nous devrions en parler.

Mme Ramsay: Certainement.

Le président: C'est, essentiellement, une réaction de la population en général. J'ai fait des études de marché pendant longtemps, alors je sais que si on interroge les Canadiens sur le système de soins de santé, puis qu'on sépare les réponses de la population en général qui n'a eu aucun contact avec le système de celles des gens qui ont eu réellement un contact avec le système dans les six derniers mois, ces derniers ont une opinion du système nettement plus positive que le grand public. À cet égard, en d'autres mots, la perception obtenue des médias et ailleurs a modifié l'opinion de gens beaucoup plus que les patients réels, ce qui, en passant, ne signifie pas pour autant que les patients soient terriblement satisfaits.

Le sénateur Morin: Vous devriez interroger les patients sur la liste d'attente.

Le président: Alors vous trouvez, bien sûr, qu'ils sont très insatisfaits.

Le sénateur Roche: Je voudrais revenir à Mme Ramsay sur ce point. Je ne comprends pas pourquoi il est si important de parler de la satisfaction des patients, en tout cas quand l'état de santé, qui est l'élément le plus important, est la question de fond. Nous arrivons en tête. Peut-être, comme l'a dit le président, que ce sont les gens qui n'ont pas eu de contact avec le système qui formulent leur insatisfaction compte tenu de ce qu'ils ont entendu. N'est-il pas beaucoup plus important de se concentrer sur ce qui est positif dans le système et qui a produit le chiffre le plus élevé, c'est-à-dire l'état de santé?

Mme Ramsay: La satisfaction des patients est importante parce que le système complet est là pour servir les patients. Leur réaction est importante. C'est pourquoi je l'ai incluse. En ce qui concerne les effets du système sur l'état de santé, je dirais que le système - les médecins, les infirmières, les hôpitaux, les technologies, les chirurgies - n'a pas grand-chose à voir avec le chiffre concernant l'état de santé. Il se trouve que nous sommes un pays plus riche, un pays plus instruit, et nous n'avons pas de guerres ou de famines.

Le président: Les données sur l'état de santé dans tous les pays ne sont pas influencées par la qualité du système de soins de santé, mais plutôt par tous les déterminants de la santé autres que le système de soins de santé.

Le sénateur LeBreton: Madame Ramsay, j'ai vu ce rapport moi-même, alors vous deviez avoir quelqu'un qui vous comman ditait.

Mme Ramsay: J'ai tout fait moi-même, donc j'ai dû l'envoyer. Je ne m'en souviens pas.

Le sénateur LeBreton: Notre dernière série de témoins a été entendue au moyen d'une téléconférence avec des gens des États-Unis, d'Allemagne, du Royaume-Uni, d'Australie, et de Suède. Tout le monde croit que la Suède est un pays socialiste, et pourtant ils ont un secteur privé dans leur système à tous les niveaux, y compris les hôpitaux. En fait, l'Hôpital Saint-Georges de Stockholm est une énorme histoire à succès. Je ne sais pas si vous avez examiné la Suède. Vous suggérez que nous lancions quelques projets-pilotes, expérimentaux. À cet égard, par où commence-t-on? Quels sont les secteurs que vous nous suggérez d'examiner?

Mme Ramsay: Je dirais d'abord que je suis un peu une rêveuse, je pense, et que je ne travaille pas dans le système. Je sais, toutefois, qu'un grand nombre d'éléments pratiques vien draient nous gêner. Dans un monde idéal, j'essaierais une forme ou une autre de compte d'épargne-santé. À Singapour, un certain pourcentage de votre revenu est prélevé dans votre salaire et placé sur un compte d'épargne-santé à votre nom. C'est pour vous et votre famille immédiate, et réservé aux soins de santé. Mais ce système n'a pas bien fonctionné et six ans plus tard ils ont fini par être obligés de lancer un autre régime d'assurance, l'assurance-catastrophe, parce que les gens qui avaient, disons, une crise cardiaque ou se faisaient frapper par une voiture n'avaient pas assez épargné pour payer leurs traitements. Puis on s'est rendu compte que ce n'était encore pas assez. En fin de compte, ils ont créé un fonds de dotation. Si vous ne travaillez pas ou si, pour une raison ou une autre, vous perdez votre emploi, ou vous avez dépensé tout l'argent de votre compte d'épargne-santé et vous n'avez pas de famille, il y a un comité qui, si vous en démontrez le besoin, subventionnera votre hospitalisation.

Compte tenu de l'expérience de Singapour sur une période de 10 ans ou plus, le Canada, pourrait repartir de là. Au lieu de commencer avec le compte d'épargne-santé, le Canada pourrait essayer de lancer quelque chose dans le genre d'un compte d'épargne-santé/assurance-catastrophe. Il y a de nombreuses façons de s'y prendre. Par exemple, il pourrait s'agir d'un compte géré par le gouvernement. On pourrait encore avoir un réseau entièrement public. Si le gouvernement dépense 2 500 $ en moyenne - et je prends un chiffre au hasard, je ne connais pas les derniers chiffres pour les dépenses des soins de santé par habitant - pour tout le monde, alors tout le monde a une franchise de 2 500 $ avant que l'assurance-catastrophe entre en jeu, et le gouvernement donne à tout le monde ses 2 000 $. Il y aurait un écart. On pourrait faire appel au système fiscal. Il y a de nombreuses façons de le faire, mais le principe serait qu'il y aurait un écart pour que, si vous dépensez l'argent du gouvernement jusqu'à concurrence de 2 000 $, il y a 500 $, au maximum, dont vous êtes responsable chaque année. Si vous allez au-delà, l'assurance-catastrophe intervient. Vous n'aurez plus besoin de faire faillite. Si vous ne dépensez que 1 000 $, il vous reste les 1 000 $ que le gouvernement vous a donnés et que vous pouvez maintenant épargner pour l'an prochain. Vous avez déjà 1 000 $ d'avance. Puis vous commencez à épargner. Vous gagnez des intérêts et vous commencez à accumuler des fonds pour les soins nécessaires, comme le Dr Morin l'a souligné, dont vous aurez besoin au crépuscule de votre vie.

Ce serait mon projet pilote idéal, mais il faudrait qu'il soit assez grand pour se comporter comme un vrai régime d'assurance parce que le risque doit être étalé sur un groupe relativement important.

Le sénateur Carney: J'étais en consultation avec mon orthopédiste dans l'entrée quand vous avez commencé. Pourriez- vous me donner un exemple de qui sont certains de vos membres? Quand vous dites «les autorités de la santé» et «les organismes de santé comme les fournisseurs de services de santé non fusionnés», je ne sais pas ce que vous voulez dire. Qui sont ces fournisseurs de services de santé non fusionnés?

Mme Ramsay: Les membres de l'Association de la santé de la Colombie-Britannique sont toutes les autorités de la santé à Prince George qui participent au processus de régionalisation.

Le sénateur Carney: À Prince George?

Mme Grant: Excusez-moi, je voulais dire de «Colombie-Britannique». Je viens de Prince George. Je parle des autorités de Colombie-Britannique, et des membres qui n'ont pas fusionné avec les autorités de la santé.

Le sénateur Carney: Comme B.C. Cancer, G.F. Strong et certains autres?

Mme Grant: C'est exact.

Le sénateur Carney: Vous avez parlé de la régionalisation, et vous semblez dire qu'il faudrait l'augmenter de manière à couvrir les services des médecins et d'autres choses du genre. Certains ont critiqué la régionalisation en disant qu'elle avait provoqué un gonflement de la bureaucratie, notamment dans la vallée du bas Fraser. Je sais que vous ne pouvez pas vous permettre de pointer du doigt, mais beaucoup d'argent a été dépensé dans la bureaucratie entourant le processus de régionalisation, sur le plan des soins de santé, des soins aux patients. Qu'en pensez-vous? Est-il encore vrai qu'aucun membre des professions médicales ne peut siéger à un conseil régional?

Mme Grant: Non, un membre de chaque autorité de la santé est médecin et représente évidemment le point de vue des médecins.

Le sénateur Carney: Au début, je crois qu'il n'y avait pas de personnel médical.

Comment réagissez-vous à l'accusation que la régionalisation a provoqué un gonflement de la bureaucratie aux dépens des services aux patients en matière de durabilité du service des soins de santé?

Mme Grant: Il y a eu un certain nombre de cas où des gains de productivité ont été réalisés grâce à la régionalisation. Donc, la bureaucratie n'a pas été augmentée dans chaque cas.

Le sénateur Carney: Y en a-t-il eu dans la région du milliard de dollars, la vallée du bas Fraser? Pensez-vous qu'il y a moins de bureaucratie maintenant?

Mme Grant: Je ne peux pas parler précisément de la région de la vallée du bas Fraser, mais, dans quelques secteurs, oui, c'est le cas; dans d'autres secteurs, peut-être pas.

Le sénateur LeBreton: Madame Ramsay, un des projets expérimentaux que vous suggérez est un compte d'épargne-santé. Avez-vous d'autres suggestions?

Mme Ramsay: Je pense que n'importe quoi pourrait convenir. Je ne suis pas nécessairement contre la régionalisation dans la mesure où les régions sont ultimement redevables de leurs décisions et ne peuvent pas refiler la responsabilité à une autre région ou au gouvernement provincial, pour que celui-ci la repasse au gouvernement fédéral. Je crois que toute mesure qui rapproche le processus de prise de décisions financières du patient est un pas dans la bonne direction.

Le sénateur Keon: Nous avons une des populations les plus en santé au monde et une des populations les plus insatisfaites de notre système de soins de santé. Cela souligne quelque chose qui, je le pense, est d'une énorme importance pour les autorités de la santé au Canada si elles veulent aller de l'avant et améliorer le système. C'est que, lorsqu'on examine la santé de la population, le réseau de prestation des soins de santé n'est pas, en fait, un contributeur très important aux déterminants de la santé. Par conséquent, les recommandations qui découlent d'études sur la santé de la population portent sur la santé publique, la prévention des maladies, et les conditions sociales liées à la santé comme le logement et la richesse. Nous n'avons jamais fouillé suffisamment dans le détail pour analyser nos systèmes de prestation des soins de santé. En conséquence, cet outil extraordinaire n'est pas employé pour contrôler notre réseau de prestation de soins de santé.

Cela me ramène à l'exposé de Mme Grant, où elle a formulé une très bonne recommandation, à savoir que chaque province devrait avoir un atlas de la santé similaire à celui de l'Ontario qui est produit par l'IRS. Le fondateur de cet institut est un de mes très bons amis. Je le connais depuis des années. Il est maintenant doyen plutôt que directeur de l'IRS. Cette institution fournit des données extrêmement utiles. Toutefois, le problème avec les rapports de l'ISIS et les atlas, c'est que ce sont des atlas de rendement. Ils n'examinent pas le problème qui existait l'année où vous y êtes allée, et le problème qui existait l'année où vous en êtes sorti. Ils examinent simplement le rendement des profession nels de la santé et des établissements de santé durant l'année.

J'aimerais entendre votre avis à toutes les deux sur la façon dont nous pourrions réduire l'écart, parce que nous sommes rendus très proches d'un instrument extrêmement utile, mais nous n'y sommes pas encore.

Mme Kallstrom: En Colombie-Britannique, nos autorités de la santé préparent des plans triennaux qui tiennent compte de caractéristiques démographiques comme la mobilité, et des caractéristiques socio-économiques. Ils considèrent les services disponibles à l'intérieur d'une autorité de la santé et envisagent, pour l'année suivante ou les trois années suivantes, ce que le plan des services de santé devrait considérer de façon à marier les deux pour combler les lacunes, éviter les dédoublements, et éliminer les services inutiles. C'est relativement nouveau. C'est utilisé depuis moins de deux ans. Cela a besoin d'évoluer.

La recommandation indiquait que nous avions besoin de l'appui du provincial et du fédéral pour augmenter cette information. Nous avons besoin des preuves de ce que la population de chaque communauté considère; les sortes de services qu'ils ont; qui les fournit; quels en sont les résultats. L'atlas, bien sûr, indique quels services ont été fournis, par rapport à la taille de la population.

Toutefois, un indicateur encore plus important serait les résultats réels. Quels ont été les résultats dans ces communautés? Les Canadiens sont en bonne santé. Au Canada, les Britanno-Colombiens sont ceux qui sont en meilleure santé, à l'exception, bien sûr, de notre population autochtone. Nous avons un défi particulier du point de vue santé de la population et du point de vue des services de santé. Comment pouvons-nous concevoir nos services et les livrer pour qu'ils bénéficient d'une efficacité maximum? Toutefois, il nous manque la première information.

Mme Ramsay: Il y a une différence entre la population en général et la population des premières nations. En effectuant cette étude, je me suis rendue jusqu'à Prince George et Vanderhoof. Dans bien des régions de Colombie-Britannique, les chiffres relatifs à l'état de santé ne sont pas aussi optimistes que ceux du reste de la province. Certains secteurs ne réussissent pas aussi bien. Idéalement, vous voulez connaître les besoins de votre population pour les satisfaire. Nous serons toujours, dans une large mesure, obligés de deviner si nous ne demandons pas aux patients quels sont leurs besoins ou si nous ne leur donnons pas un contrôle plus important sur où ils peuvent aller ou à quoi ils peuvent consacrer leurs fonds.

Quelqu'un a demandé au Dr Day s'il y avait assez de chirurgiens orthopédistes. Tout ce qu'on peut dire à l'heure actuelle, c'est qu'il n'y en a pas assez; mais combien est assez? C'est très difficile à dire lorsqu'on examine la situation vue de haut.

Tout en applaudissant ces efforts - et évidemment j'aime les données, et plus je peux en avoir, mieux cela vaut pour analyser le système et son niveau de performance - je ne sais pas si nous allons l'aborder du bon côté.

Le sénateur Keon: Je pense que oui. Le problème, c'est que vous ne creusez pas assez profondément. Vous avez un handicap énorme en ce que vous ne disposez pas d'un système convenable d'information des soins de santé. Encore une fois, je pense que cela viendra.

Si vous faites cela sur une base annuelle, triennale ou autre, l'un des éléments importants que vous pouvez examiner est le changement qui se produit et constater quel est le chemin parcouru. La prochaine fois que vous ferez l'exercice, vous devrez creuser profond dans le réseau de prestation des soins de santé et dans les maladies. Recueillez des renseignements sur le diabète, par exemple, et évaluez ses effets sur le système. Faites la même chose pour les services cardio-vasculaires. Je pense vous trouverez cette information-là si vous creusez assez profond.

Mme Ramsay: Une partie du problème est que nous sommes à court de fonds. Où trouve-t-on les ressources financières et humaines nécessaires pour creuser aussi profond?

Le sénateur Keon: Vous avez absolument raison. Nous discutions avec le groupe qui a comparu avant vous comment nous pouvons collectivement nous mettre nous-mêmes, nos gouvernements, nos citoyens, dans l'état d'esprit opérationnel pour faire la sorte de saut quantique des années 60. Bien sûr, si nous étions capables de le faire, nous pourrions résoudre notre problème.

Le président: Merci d'avoir pris le temps d'aider notre comité aujourd'hui.

Honorables sénateurs, il nous reste un dernier groupe aujourd'hui. Nous accueillons le professeur John Gilbert, qui est coordonnateur des sciences de la santé à UBC, le Dr Charles Wright, professeur et directeur du Centre for Clinical Epidemiolo gy and Evaluation, Barbara Mintzes du Centre de recherche sur les services et politiques de santé et la Dre Kristina Sharma de la Professional Association of Residents of British Columbia.

M. John H.V. Gilbert, professeur, coordonnateur des sciences de la santé, Université de la Colombie-Britannique: Monsieur le président, honorables sénateurs, je vais vous parler précisément du chapitre 11.

Le président: C'est-à-dire les ressources humaines.

M. Gilbert: C'est exact. Il y a quelques questions intéressantes sur la santé et la planification des ressources dans ce chapitre, mais elles n'accordent presque aucune attention à la façon dont la formation des professionnels de la santé devrait être modifiée pour tenir compte des changements intervenus dans les ressources humaines de la santé. À la page 100, paragraphe 2, le rapport indique:

Nous devons donc nous demander explicitement si le moment est venu de nous éloigner d'un mode de pensée hiérarchisé pour essayer d'adopter une démarche «spectrale» à la question des ressources humaines en santé.
C'est un point de départ utile pour mes commentaires. Depuis la Commission royale présidée par le juge en chef Emmett Hall, chaque rapport sur la santé des Canadiens commence par le système des soins de santé au terme de l'enseignement supérieur professionnel. Si nous voulons sérieusement changer le «mode de pensée hiérarchisé» existant, je vous soumets que nous devrions faire très attention à la façon dont les professionnels de la santé sont formés à partir du moment où ils commencent leurs études. Si nous ne commençons pas au premier jour des études - certains diraient de l'indoctrination - il est difficile d'imaginer quelle possibilité réelle nous aurons de changer la pratique des soins de santé et donc leur prestation dans notre pays.

Amorcer ce travail d'éducation inter-professionnelle au premier jour de classe ne vise aucunement à occulter le fait que chaque profession a un ensemble particulier de compétences qui doivent être acquises, appréciées et déployées.

À mon avis, une des raisons pour lesquelles nous n'utilisons pas nos professionnels de la santé, encore une fois, et je cite, «à la plénitude de leurs capacités», c'est que leurs programmes d'enseignement sont structurés de telle sorte qu'ils ne favorisent pas une compréhension des forces et des objectifs particuliers des pratiques respectives des intéressés.

Étant donné la prolifération des professions de la santé et la contribution d'une telle prolifération aux coûts des soins de santé - ce que le Dr Bob Evans a appelé «les coûts en amont» - il est donc clair qu'il convient de déployer des efforts concertés pour développer l'enseignement inter-professionnel à une étape préco ce du processus éducatif. Un tel effort avancerait clairement l'idée d'une démarche spectrale, exposée à la page 109 du rapport. Il est évident que les programmes d'enseignement en santé dans ce pays attirent des étudiants remarquables. N'importe quel doyen vous le dira. La réalisation de leur plein potentiel doit se produire durant le temps où ils reçoivent leur formation.

Il n'y a aucun doute qu'il existe une redondance dans l'enseignement donné aux professionnels de la santé, en commen çant par les médecins. On dispense des cours parallèles dans des programmes sous prétexte d'avoir peut-être besoin d'un tel cours pour le groupe «spécial» recevant le cours. Je vous mets au défi d'examiner la variance multiple des cours de statistiques qui sont enseignés dans nos programmes de soins de santé pour voir ce que je veux dire. L'Université de la Colombie-Britannique avait 353 cours de statistiques. Nous avons jugé que c'était trop et nous avons ouvert un département de statistiques. Maintenant nous en avons 353, plus le département de statistiques.

C'est vrai, bien sûr, dans bien d'autres secteurs. Actuellement, la plupart des étudiants dans des programmes de santé ne rencontrent jamais les étudiants des autres programmes profes sionnels pendant toute la durée de leurs études. Demandez-le à un aspirant-médecin. Comment peut-on faire la promotion d'une approche spectrale dans ces conditions?

Dans bien des programmes professionnels, on enseigne encore une matière, alors qu'on devrait donner des cours portant sur des problèmes. Même quand des programmes axés sur les problèmes sont mis en place - comme à la faculté de médecine de UBC - le seul professionnel qui regarde le problème est celui du programme précis dans lequel il est enseigné. Des cours axés sur les problèmes offerts à une diversité d'étudiants professionnels permettraient toutes sortes d'interactions professionnelles dans le cadre du processus d'apprentissage. Ce genre de cours devrait être au coeur de l'enseignement des professionnels de la santé, plutôt qu'en marge. Il devrait être offert à des étudiants d'au moins trois programmes professionnels qui les suivraient ensemble.

Les objectifs d'exercice des professions, et les compétences attendues pour pouvoir pratiquer - élaborés dans les deux cas par les professions de la santé - méritent un examen très attentif. Je sais que vous avez fait cet exercice, au moins en partie. Des efforts importants devraient être faits pour éliminer le dédouble ment des objectifs et des compétences entre les professions. Il y a là un protectionnisme qui coûte cher.

En développant des possibilités d'enseignement inter-professionnel, les programmes d'études devraient élaguer les cours offerts, plutôt que de les augmenter pour ajouter encore une autre couche au programme d'études déjà encombré. Les programmes d'études devraient rechercher les synergies mutuel les, et se concentrer sur les connaissances qui sont au coeur de leurs professions. À cette fin, il nous faut une agence nationale de financement dont la mission serait de s'acquitter du processus incroyablement important du contrôle critique de l'enseignement dans le domaine de la santé. À l'heure actuelle, cette sorte de recherche est effectuée au coup par coup, et extrêmement mal financée. Nous avons besoin d'un programme national d'ensei gnement de la santé avec des ressources permettant la mise au point et l'évaluation des programmes, au moins au même niveau que dans les instituts de sciences sociales des IRSC. Si nous avons les moyens de dépenser quatre cent millions de dollars en recherche fondamentale - ou quel que soit le type de recherche effectuée dans les IRSC - nous avons certainement les moyens de dépenser un peu d'argent pour l'évaluation des programmes d'enseignement.

Nous avons besoin de nous faire à l'idée que nous ne pouvons pas continuer à ajouter de nouvelles professions au domaine de la santé. J'ai reçu aujourd'hui - d'une université canadienne qui restera anonyme - encore une autre proposition pour encore un autre programme pour encore un autre groupe de professionnels de la santé, et je n'ai aucune idée de ce qu'ils vont faire. Tous les groupes technologiques ne peuvent aspirer à octroyer des diplômes. La poussée venant du bas - des programmes de certificat souhaitant devenir des programmes à diplôme - entraîne le phénomène de la «pâte qui lève» - les bacheliers doivent maintenant avoir une maîtrise pour accéder à la profession.

Il nous faut agir rapidement pour commencer à financer ce processus. L'addition continue de ressources pour former encore plus de professionnels - c'est ce que j'ai lu dans certains des mémoires - ne constitue qu'une partie de la réponse au problème des ressources humaines de la santé. Si nous procédions à un examen sérieux de la façon dont sont organisés nos programmes d'enseignement; si nous demandions comment introduire un élément fort et permanent d'enseignement inter-professionnel dans ces programmes; et si nous cherchions les sources de financement qui nous permettraient de mieux comprendre les rapports entre les groupes d'enseignement professionnel, alors nous pourrions avoir une petite chance de modifier la pratique des soins de santé.

Le président: Merci.

Maintenant, parlant au nom de ceux que l'on endoctrine, la Dre Kristina Sharma au nom de la Professional Association of Residents of British Columbia.

Dre Kristina Sharma, directrice, Professional Association of Residents of British Columbia: Merci de m'avoir accordé l'occasion de comparaître devant le comité. Je suis résidente en radiologie à l'Université de la Colombie-Britannique et je suis aussi membre de l'Agence professionnelle des résidents de la Colombie-Britannique, PAR-BC.

J'aimerais décrire brièvement en quoi consiste PAR-BC pour que vous compreniez pourquoi je suis ici. Nous sommes un syndicat représentant approximativement 564 résidents enmédecine dans toute la province, dont 20 p. 100 sont en médecine familiale, et 80 p. 100 dans des spécialités comme la chirurgie, la cardiologie, la médecine, et tout le reste.

Les résidents sont des médecins aux dernières étapes de leur programme d'enseignement, quelle que soit leur spécialité. Il peut s'agir d'un diplômé récent d'une faculté de médecine ou bien d'un praticien qui a repris ses études pour changer de spécialité, ou encore d'un praticien désireux d'acquérir des compétences supplémentaires, comme un médecin de campagne qui pourrait revenir pour se former en anesthésie pour s'en servir dans sa localité d'origine.

Les résidents ne sont pas des étudiants au sens classique du terme. Notre formation à l'hôpital prend la forme d'un apprentis sage. Nous apprenons essentiellement en exerçant la médecine sous supervision clinique. Ce faisant, nous fournissons l'essentiel des soins primaires pour la plupart des médecins. Nous assumons la responsabilité des soins aux malades hospitalisés la nuit et pendant les week-ends. Selon le programme de formation, un résident est rattaché aux hôpitaux pendant environ deux à huit ans.

Récemment, nous avons organisé un groupe de discussion sur les questions soulevées par la Commission Kirby et deux sujets pertinents nous ont plus particulièrement intéressés. L'un était l'enseignement ou les obstacles à l'éducation, et l'autre, le manque de consultation des résidents.

En ce qui concerne les obstacles à l'enseignement, le premier que nous avons identifié a été l'augmentation du fardeau de la dette. Les étudiants en médecine maintenant doivent, en plus des frais de scolarité, faire face à l'augmentation des coûts d'une formation universitaire. La plupart des étudiants en médecine détiennent au moins un diplôme à leur arrivée à l'école de médecine. Lorsqu'ils terminent leurs études médicales, ils peuvent avoir accumulé une dette de l'ordre de 120 000 $. Malheureuse ment ce fait peut amener un étudiant à choisir une carrière pour son potentiel de rémunération. Ce choix est dicté par leur capacité de remboursement des emprunts de l'étudiant.

Le deuxième obstacle est un manque de flexibilité. Les étudiants en médecine sont appelés à faire des choix dès le début de leur formation, en ce qui concerne leur orientation. C'est fort regrettable parce que les gens sont amenés à choisir une profession avant d'avoir la moindre expérience des disciplines concernées. Dès lors, quand ils se présentent à un poste, ils n'ont aucune idée de ce en quoi il consiste.

Cette rigidité en fait ultérieurement des gens très insatisfaits dans la vie. Les gens qui se retrouvent eux-mêmes dans cette situation se heurtent à un manque de souplesse pour changer de programme de résidence, et ainsi qu'au manque de postes et de manque de financement pour ces postes. Je me suis retrouvée moi- même dans une situation où j'étais insatisfaite de mon choix, mais incapable d'en sortir, et j'ai dû reprendre au point de départ.

L'autre question que j'ai mentionnée était le manque de consultation. Avec 564 résidents en Colombie-Britannique et approximativement 8 500 résidents dans tout le Canada, nous représentons environ 10 p. 100 des médecins. L'âge moyen des médecins est actuellement le début de la cinquantaine dans 10 à 20 ans, il va y avoir une proportion encore plus élevée de jeunes médecins. Ce que je veux dire, c'est que nous avons là tout un secteur de jeunes médecins enthousiastes auxquels on ne permet pas d'exprimer leur opinion. Les résidents sont largement ignorés dans toutes les décisions portant sur les soins de santé et l'enseignement.

PAR-BC et les résidents sont prêts à accepter la responsabilité de s'exprimer; toutefois, il est difficile de le faire quand vos opinions ne sont pas sollicitées ou lorsqu'on attribue à d'autres le droit de parler pour les résidents.

Les résidents et les médecins établis, ce n'est pas la même chose. Nous avons des points de vue différents. La BCMA ne peut représenter et ne représente pas les résidents, pas plus que les étudiants en médecine et les associations d'étudiants en médecine. J'espère que mon exposé d'aujourd'hui et le mémoire écrit de PAR serviront pour le moins à augmenter la visibilité des résidents et à éduquer les décisionnaires en ce qui concerne le besoin d'obtenir notre participation dès le départ. Merci de votre temps.

Mme Barbara Mintzes, professeure, Centre for Health Services and Policy Research, Université de la Colombie-Britannique: Je vais passer à un domaine différent pour parler de deux questions qui sont traitées à la partie 8, qui porte sur les questions pharmaceutiques. La première question est celle de la publicité pour les médicaments d'ordonnance, et la seconde porte sur les recommandations du rapport sur la façon dont un formulaire national pourrait être créé en matière de prise de décisions pour y inclure les médicaments.

Je souhaitais soulever ces questions parce que je travaille au Centre de recherche en politiques et services de santé sur un projet, financé par Santé Canada, visant à l'effet de la publicité directe aux consommateurs sur le système de santé canadien. Je travaille aussi à l'initiative thérapeutique qui est aussi à UBC et qui évalue la sécurité et l'efficacité des nouveaux médicaments pour le ministère provincial de la Santé. Les deux questions sont reliées à mon travail.

La publicité touchant les médicaments d'ordonnance a beau coup augmenté de volume aux États-Unis dans la dernière décennie - de moins de 100 millions de dollars US au début de la décennie à plus de 2,5 milliards de dollars US. Le seul autre pays qui permette la publicité sur les médicaments d'ordonnance est la Nouvelle-Zélande. Par conséquent, à cet égard, la loi canadienne est très proche de la norme internationale.

Nous interdisons la publicité sur les médicaments d'ordonnance pour deux raisons liées à la protection de la santé. La première a trait à la qualification seulement sur ordonnance, qui est accordée aux médicaments qui présentent le plus grand risque de toxicité et qui doivent être utilisés avec la plus grande prudence. L'autre a trait à la liste des maladies graves dans la loi dont le traitement ou la prévention ne peut faire l'objet d'une publicité auprès du public. Là, le raisonnement est très étroitement lié à la vulnérabilité accrue des gens quand ils sont malades. C'est la reconnaissance du fait que la recherche d'un traitement médical, que la douleur physique, ou que les soins à dispenser à un enfant malade ne sont pas la même chose que le choix d'une nouvelle paire de jeans ou d'un nouveau parfum.

Pourquoi devrions-nous modifier la loi? Du point de vue de la santé publique, il y aurait deux raisons. Premièrement, si notre crainte du risque était sans fondement, s'il s'avérait qu'il y a des preuves concluantes pour exclure la possibilité de tout préjudice, et deuxièmement s'il y avait des preuves très solides d'un bienfait pour la santé de permettre la publicité des médicaments d'ordonnance.

J'ai effectué une recherche bibliographique exhaustive des bases de données économiques et de marketing de la santé de même que de la documentation inédite pour voir quelles études empiriques avaient été effectuées. Il y a énormément de publications, dont très peu sont des études empiriques. C'est facile de répondre à la question sur la preuve d'avantages pour la santé parce qu'il n'y en a pas, qu'il s'agisse de diminution des taux de maladies graves, de diminution des taux d'hospitalisation, d'améliorations dans l'emploi de produits pharmaceutiques ou de l'amélioration de l'utilisation des services de santé. Ce sont toutes des prétentions qui ont été faites dans la publicité sur des médicaments d'ordonnance et ce, malgré près de 20 ans de ce type de publicité aux États-Unis.

Il y a certainement des preuves établissant qu'une minorité importante du public aux États-Unis réagit à la publicité sur les médicaments d'ordonnance en allant consulter son médecin et en lui demandant un médicament sur ordonnance. Si l'on en croit les études de marché dans le domaine pharmaceutique, ils ont de fortes chances d'obtenir le médicament qu'ils réclament.

Il y a également une très forte association avec l'augmentation des coûts. En 1999, les 25 premiers médicaments selon le budget de publicité représentaient 41 p. 100 d'une augmentation de17,7 milliards de dollars US dans le coût des médicaments au détail en une seule année.

Les recommandations de la commission sur la publicité directe aux consommateurs insistaient sur trois arguments pour l'intro duction de ce genre de publicité. Premièrement, il y avait le droit du consommateur à connaître les médicaments d'ordonnance disponibles. Deuxièmement, le droit des entreprises à communi quer directement avec le consommateur. Troisièmement, notre exposition généralisée au Canada à la publicité qui traverse la frontière américaine.

Pour ce qui est du droit du consommateur à connaître les médicaments disponibles, la publicité n'est pas un bon mécanisme pour faire connaître au public les produits homologués pour la vente. Une très, très petite part des médicaments disponibles sur le marché américain ou néo-zélandais fait l'objet de publicité. Régulièrement, aux États-Unis, environ 40 p. 100 des dépenses portent sur seulement 10 produits. Ceux-ci sont généralement très nouveaux et coûteux pour l'utilisation à long terme par un large public. En d'autres mots, les décisions sont des décisions de marketing prises sur la base du rendement de l'investissement.

En outre, il n'y a aucune restriction juridique au Canada limitant l'information publique sur les médicaments disponibles et les médicaments approuvés. Santé Canada affiche cette informa tion sur son site Web.

En ce qui concerne le genre d'information contenue dans la publicité, je pense qu'il est intéressant de considérer l'expérience de la réglementation parce que les infractions à la réglementation sont très courantes aux États-Unis. Il s'agit en général d'informa tion insuffisante sur les risques ou de prétentions exagérées quant aux effets bénéfiques.

La Nouvelle-Zélande est un modèle beaucoup plus proche de ce que la publicité aurait l'air au Canada en ce sens que le système fonctionne essentiellement par autoréglementation de l'industrie. Le gouvernement a effectué une vérification ponctuel le en février 2000 et a demandé aux entreprises de soumettre volontairement leurs annonces; ils ont déterminé que plus de 80 p. 100 des annonces télévisées avaient enfreint la Loi sur les médicaments ainsi que près du quart des annonces dans la presse écrite.

En ce qui concerne la nature réelle de l'information atteignant le public, il y a un problème. Il est aussi très rare que l'information trompeuse soit corrigée. Des analyses systématiques aux États-Unis ont aussi déterminé que la valeur éducative est relativement faible. L'analyse de 10 années de publicité écrite dans 18 grands magazines de consommateurs, prenant en compte toutes les publicités sur les médicaments d'ordonnance, a démontré que 91 p. 100 des annonces ne faisaient pas état des probabilités de guérison en cas d'utilisation du médicament annoncé.

La seconde question abordée est celle de la constitutionnalité de l'interdiction actuelle de la publicité sur les médicaments d'ordonnance. Cela remonte à une publicité sur le tabac de 1995 qui est allée jusqu'en Cour suprême, qui a rendu un jugement très partagé. Le jugement était à cinq contre quatre en faveur de l'industrie du tabac. Ce jugement considérait que Santé Canada n'avait pas fait suffisamment la preuve qu'une interdiction totale de la publicité sur le tabac était plus conforme aux objectifs de santé publique qu'une interdiction partielle. Comme le mentionne la commission, les opinions sont certainement divisées sur son applicabilité à des produits pharmaceutiques. Avec les produits pharmaceutiques, nous avons déjà une interdiction partielle de la publicité parce que la vente de médicaments sur ordonnance est contrôlée et les contrôles sur la publicité sont liés aux contrôles sur les ventes.

Le rapport a recommandé que s'il y avait un formulaire national, il pourrait y avoir de la publicité sur les médicaments d'ordonnance et qu'il n'y aurait pas de problème de conséquences sur des coûts dans le secteur public parce que nous pourrions inclure une clause à l'intérieur de formulaire, disant que les médicaments inscrits au formulaire ne peuvent pas faire l'objet de publicité.

PHARMAC, le régime d'assurance-médicaments de laNouvelle-Zélande, a essayé d'introduire une clause semblable en 1999. Ils en ont été empêchés, on leur a dit que ce genre de clause était illégal en vertu de la Loi sur le Commerce, parce qu'elle constituait une restriction à la concurrence dans un environnement où ce genre de publicité est légal. J'ai voulu attirer votre attention sur ce point, et j'ai inclus dans mon exposé écrit lacorrespondance avec le ministère de la Santé de la Nouvelle-Zélande.

L'autre question est que s'il y a des préoccupations du point de vue de la santé publique à propos des risques liés à la publicité sur des médicaments d'ordonnance, demander aux gens de payer les médicaments annoncés de leur poche ne règle pas réellement la question des risques. Donc, c'est une autre question connexe.

La troisième question soulevée par la commission était celle de l'augmentation de la publicité télévisée offerte au public canadien par la télévision par câble. J'ai été heureux de voir la recommandation que nous exigions des câblodistributeurs qu'ils remplacent la publicité qui est illégale au Canada. Cette recommandation est bien tardive. Nous avons assisté à un accroissement important de cette publicité depuis que les États-Unis ont modifié leur réglementation sur la publicité radiodiffusée à la fin de 1997.

Une autre question connexe est celle des difficultés que nous avons eues au Canada avec l'application de notre loi et avec les campagnes publicitaires d'origine canadienne. Nous avons assisté à une réinterprétation de la loi actuelle et nous avons vu l'industrie continuellement pousser la loi à son extrême limite, et même au-delà.

En tant que rédacteur d'articles sur les médicaments, j'aimerais aborder brièvement les recommandations pour un formulaire national des médicaments. Le rapport de la commission recom mande la recherche d'un consensus parmi tous les principaux intervenants - y compris les payeurs publics et privés, les professionnels de la santé, les régulateurs, les groupes de patients et l'industrie pharmaceutique - pour les médicaments à couvrir dans le formulaire. On pourrait décrire ce genre de démarche comme de la «médecine à l'influence» par opposition à la médecine fondée sur l'expérience. La personne qui a le plus d'influence dans les coulisses est la mieux placée pour faire passer son médicament dans le formulaire.

Le problème avec ce genre de mécanisme consensuel est qu'il est peu probable que les choix du formulaire refléteront la meilleure réalité scientifique tendant à prouver qu'un médicament nouvellement approuvé présente un avantage curatif par rapport à ce qui existait antérieurement. Il est aussi peu probable qu'il mène à contenir les coûts. Il y a certainement un grand nombre d'exemples de méthodes axées sur des preuves en matière d'inclusion au formulaire.

M. Charles Wright, professeur et directeur, Centre for Clinical Epidemiology and Evaluation, Université de la Colombie-Britannique: Monsieur le président, parmi toute cette masse de questions que vous étudiez, je souhaiterais, moi aussi, me concentrer sur une en particulier, que vous avez soulevée cet après-midi et qui a certainement été soulevée dans vos publica tions antérieures. Je veux parler de la question de la responsabili sation, des indicateurs de rendement, de l'évaluation du système, et de la façon de le rendre efficace. Je suis chirurgien de formation, mais depuis 10 ans je fais de la gestion, de la recherche et de la consultation dans le système de santé.

Le besoin d'une plus grande responsabilisation semble être de plus en plus reconnu dans le système, notamment en ce qui concerne la responsabilité vis-à-vis des résultats - nous avons toujours dû rendre compte de la direction financière et ainsi de suite. Ce qui a été absent, c'est la responsabilité vis-à-vis des résultats des services que nous fournissons. Dans mon mémoire, j'ai cité un grand nombre de sources canadiennes qui confirment cette nécessité - notamment les deux aspects administratifs, pour ainsi dire, les médecins praticiens, les organisations de médecins, les gouvernements, et cetera.

Cela doit se faire par évaluation. Il existe des techniques disponibles qui n'ont simplement pas été utilisées dans le système jusqu'à maintenant. La bonne nouvelle, c'est que tout le monde semble l'accepter. Je ne sais pas si cela refléterait votre avis après tout le travail effectué par votre comité, mais il me semble que tout le monde actuellement dans le système de santé canadien convient que le système actuel, inchangé, non corrigé, comme il existe, ne peut durer. C'est la bonne nouvelle.

La mauvaise nouvelle c'est, bien sûr, la difficulté qu'il y a à savoir ce qu'il faut faire. Il y en a une partie, en matière d'évaluation des services, où, à mon avis, on peut faire des gains significatifs. La nécessité d'un financement supplémentaire a une certaine incidence, y compris sur l'accès. S'il existe des services qui, après évaluation, devraient être soit réduits, soit fournis dans des circonstances différentes ou qui ne conviennent pas, il faut commencer à les signaler. Nous savons qu'ils existent.

Trois observations importantes ont mené à la grande étude qui est décrite dans le mémoire. Je vais vous en résumer brièvement les détails.

Les observations qui ont mené à ce projet étaient, d'abord, les variations énormes dans tous les services, que l'on parle des ordonnances, de l'hospitalisation, des traitements, des services diagnostiques, des opérations, il y a d'énormes variations dans les taux.

À la page 2 du mémoire, j'ai donné quelques exemples. Vous pourriez les prendre dans n'importe quelle compétence au Canada; ceux-ci viennent de Colombie-Britannique. Vous pouvez voir qu'il existe de grandes variations dans les statistiques d'une autorité locale de santé à l'autre. Dans ce cas, les chiffres illustrent une variation des taux en chirurgie atteignant 500 p. 100 pour des disques intervertébraux et la chirurgie de la cataracte, même quand les données sont rajustées selon le sexe, l'âge et la résidence. C'est même difficile de soutenir que ces différences sont le fait d'une nécessité médicale de la population. C'est l'observation numéro un.

Deuxièmement, une grande proportion des services que nous fournissons actuellement au Canada visent à soulager la douleur et à limiter l'invalidité avec peu ou pas d'effet sur la survie. C'est particulièrement le cas pour les interventions chirurgicales dispendieuses et fréquentes.

Troisièmement, il n'y a que deux issues qui importent dans une intervention en soins de santé. D'abord la survie, puis ce qu'en pense le patient, en fin de compte. Maintenant, toute une série de questions secondaires en dépendent: par exemple, l'hémoglobine est en augmentation, la tumeur est plus petite, la radiographie est meilleure. Ce sont tous des éléments secondaires. Tout ce qui importe, c'est si nous avons soulagé la douleur et l'invalidité du patient, ou facilité sa qualité de vie liée à la santé (HRQOL).

C'est ce qui a amené ce projet, qui a été financé, en passant, par Santé Canada grâce au Fonds pour l'adaptation des services de santé. Nous avons examiné plus de 5 000 patients qui ont subi plus de 6 000 interventions consécutives dans un éventail de services. Nous n'avons évidemment pas pu contrôler chaque intervention dans le livre, mais nous avons examiné la chirurgie de la vésicule biliaire, la prostatectomie, l'hystérectomie, la chirurgie des disques vertébraux, et les cataractes. Les indications pour la chirurgie ont été évaluées selon un ensemble autonome de critères et les résultats du patient ont été jugés selon la qualité de vie liée à la santé évaluée par le patient lui-même, critère pour lequel il existe maintenant de nombreux bons instruments disponibles. Malheureusement, la qualité de vie liée à la santé en tant que mesure ne figure pas encore sur l'écran radar du médecin moyen parce qu'elle a été considérée dans le passé comme une science relativement «douce». Elle est maintenant tout à fait respectable et c'est une discipline sérieuse.

La qualité de vie liée à la santé a été évaluée avant et après l'opération. Vous avez peut-être vu la publicité énorme quand les résultats ont été publiés en avril. Comme exemple de contexte, la manchette de la première page du Vancouver Sun titrait «La plupart des patients bénéficient d'une chirurgie élective». Le Globe and Mail du même jour titrait «Chirurgie inutile, chose courante au Canada».

Ces deux manchettes sont vraies. C'est une vaste étude, dépassant tout ce qui s'est jamais fait dans ce domaine. Il est vrai que la plupart des patients - la plupart, c'est tout ce qui dépasse 50 p. 100 - ont en fait bénéficié de ces interventions et la grande majorité en a tiré avantage.

Toutefois, une certaine proportion de ces patients dans tout ce que nous avons examiné ne souffrait que de douleurs ou d'incapacités très bénignes - presque insignifiantes - avant l'opération. La plupart sont à l'autre extrémité du spectre et il ne faudrait pas attendre qu'un patient soit totalement paralysé, par exemple, par l'arthrite, avant de procéder au remplacement de la hanche. Pas plus qu'on ne voudrait opérer quelqu'un qui vient de se réveiller avec un premier élancement dans la hanche.

Ce qui manque ici, je pense, c'est l'équilibre dans le jugement, et les attentes du public constituent un problème majeur à cet égard. Il faut constamment rappeler aux patients l'équilibre entre risques et avantages des interventions dans les soins de santé. En Amérique du Nord, chaque année, des milliers de gens meurent pour avoir pris de l'aspirine. Chaque opération comporte des complications majeures. La plus importante des six interventions étudiées était celle de la cataracte. Une proportion importante - 32 p. 100 - jouissait avant l'opération d'une fonction visuelle de 91 ou plus sur une échelle de 100. Essentiellement, cela signifie qu'ils souffraient d'une incapacité visuelle extrêmement minime. Encore pire, 26 p. 100 des patients ont signalé une fonction visuelle pire après que la chirurgie qu'avant. Je pense que nous assistons à ce que nous appelons «l'effet de plafonnement». Quand vous êtes déjà à un niveau très élevé de fonctionnalité, vous ne pouvez pas aller beaucoup plus loin dans la voie des améliorations.

Les résultats individuels de toutes les interventions sont intéressants, mais c'est le résumé. Cette étude aboutit à une recommandation pour que l'évaluation de la pertinence et les résultats à l'aide de ce type d'évaluation ne soient pas relégués à des chercheurs faisant quelques petites études ici et là. La raison majeure pour laquelle Santé Canada a financé ce projet était son aspect étude de faisabilité. Nous avons démontré que oui, c'est faisable, et cela ne coûte pas particulièrement cher à faire, et on a besoin de le faire. Si on devait le faire - et c'est la partie difficile - si on devait tenir compte des résultats pour l'affectation des ressources disponibles au sein du réseau, nous pourrions alors faire des progrès majeurs.

Le sénateur Roche: J'aimerais remercier le panel de ses exposés très divers. J'aimerais revenir, si vous me le permettez, monsieur le président, à la Dre Sharma. J'aimerais passer quelques minutes pour parler de la vie des jeunes médecins, cela m'a beaucoup intéressé.

À la page 11, vous nous dites «les étudiants en médecine qui sortent avec des dettes de l'ordre de 120 000 $ n'ont pas le choix: ils doivent prendre la pratique où ils peuvent gagner le plus d'argent.» Une dette de 120 000 $ à la toute fin des études de médecine est-elle courante? Ou exceptionnelle?

Dre Sharma: Je ne dispose pas des chiffres exacts, mais je puis vous assurer qu'une somme de 80 000 à 100 000 $ est dans les normes.

Le sénateur Roche: C'est une dette considérable.

Dre Sharma: Oui.

Le sénateur Roche: Quelle en est l'incidence? Vous dites qu'elle les oblige à porter leur choix sur les domaines où ils peuvent gagner de l'argent et se débarrasser de la dette, mais quels en sont les résultats pour le système?

Dre Sharma: Vous pouvez avoir plus de médecins évitant la pratique familiale, qui n'est pas aussi lucrative qu'une spécialité. Parmi les spécialités, quelque chose comme la pédiatrie est moins lucratif que la cardiologie ou l'ophtalmologie, par exemple. Ce que nous avons appris de notre panel, de notre groupe de discussion, et des résidents, c'est que certains prennent leurs décisions pour des raisons financières et pas en fonction de ce qu'ils aimeraient faire. Peut-être que ce qui les a attirés en médecine, c'est la pédiatrie, mais ils ne pensent pas que c'est réaliste quand on se lance dans la vie avec une dette de 120 000 $.

Le sénateur Roche: Le fait qu'ils se lancent dans leur pratique avec une forte dette ne semble pas pour être un véritable obstacle dès lors qu'il y a six candidats pour chaque place.

Dre Sharma: Vous voulez dire à la faculté de médecine?

Le sénateur Roche: La dette n'a pas l'air de les préoccuper.

Dre Sharma: Je pense que vous citez un chiffre antérieur à la faculté de médecine. La faculté de médecine elle-mêmecommence à coûter très cher, notamment en Ontario où elle a été déréglementée et les frais de scolarité peuvent maintenant atteindre 14 000 $ par an. Nous suivons de près le modèle américain à cet égard et c'est visible de manière répétitive également lorsque les étudiants en médecine choisissent leurs carrières en fonction de l'argent.

Le sénateur Roche: Maintenant, en cherchant à rembourser la dette, est-ce que le facteur américain entre en ligne de compte? Pour des médecins de votre groupe d'âge, est-ce qu'il est intéressant pour des raisons économiques de partir aux États- Unis?

Dre Sharma: Je pense que c'est le cas pour certains, pour des raisons financières. Ce n'est pas limité aux États-Unis non plus. De nombreux médecins en pratique - pas nécessairement de nouveaux médecins - regardent ailleurs: l'Arabie Saoudite, ou les Émirats unis. Pour les résidents, je ne peux pas dire que je connais des cas précis qui soient partis aux États-Unis.

Le sénateur Roche: Je n'ai pas compris. Vous ne pouvez pas dire...

Dre Sharma: Que je connais pas un résident précis ou un nouveau médecin qui soit parti aux États-Unis directement après sa formation.

Le sénateur Roche: Qu'est-ce que vous voulez faire dans votre carrière médicale?

Dre Sharma: Eh bien, il faut que je vous parle un peu de ma formation médicale antérieure. Je me suis retrouvée en pratique familiale. J'ai obtenu mon diplôme et mon CFFP, qui est une spécialisation en pratique familiale. J'ai exercé pendant un an dans deux localités, urbaine et rurale. Il m'est apparu, durant ma dernière année de formation, que ce n'était pas une carrière dans laquelle je voulais m'engager. J'ai vraiment essayé de changer d'orientation mais j'en ai été incapable. Je n'ai pas trouvé la possibilité de le faire.

Une fois que j'ai eu fini, j'ai cherché à me faire réadmettre, et au Canada c'est extrêmement difficile. J'ai envisagé d'aller aux États-Unis parce que c'est plus facile d'y obtenir une spécialité. Je connais deux médecins qui l'ont fait, qui sont partis pour recommencer leur formation aux États-Unis parce qu'ils ne pouvaient pas le faire ici.

Le sénateur Roche: Dans quel domaine allez-vous pratiquer? Que voulez-vous vraiment faire?

Dre Sharma: Je serai une radiologue. J'en suis au milieu de ma formation actuellement. Je n'ai pu le faire que grâce à un financement externe.

Le sénateur Roche: Que voulez-vous dire?

Dre Sharma: J'ai conclu un contrat de service post-formation avec Prince George, une localité où j'avais fait ma formation initiale et où j'ai déjà exercé.

Le sénateur Roche: Est-ce mauvais?

Dre Sharma: Ce n'est pas nécessairement mauvais, mais je ne crois pas que ce soit le meilleur choix. Je pense que plus de gens modifieraient le cours de leur carrière, s'ils le pouvaient, à différents moments - pendant leur résidence officielle ou après. J'ai la chance d'avoir un contrat de service post-formation parce que j'ai un conjoint qui pourrait travailler à Prince George. Si mon conjoint était un MBA ou travaillait pour une grande banque ou autre chose, il ne serait pas capable de survivre à Prince George. Il n'aurait pas de travail. Ce ne serait pas envisageable à moins que nous ne vivions séparément. J'ai de la chance d'avoir cette souplesse, mais tout le monde ne l'a pas. Je dis que ce n'est pas le meilleur choix.

Le sénateur Roche: Bonne chance dans votre carrière.

Dre Sharma: Merci.

Le président: Professeur Gilbert, dans votre remarque vous avez dit que les étudiants d'une profession n'apprennent rien des autres professions et donc il est difficile d'apprendre à travailler en équipe. Vous avez aussi mentionné le besoin de modifier le champ d'action de la pratique et les règles de compétence. Je comprends le problème, je suis totalement de votre avis. Nous avons également identifié le problème dans notre rapport, mais je suis étonné que quelqu'un dans votre position - peut-être que ce que fait un coordonnateur des sciences de la santé est un peu vague dans mon esprit - mais il me semble que vous êtes bien placé pour être capable de travailler à la solution du problème.

Comprenez-vous ce que je dis? Ce que je dis, c'est que vous êtes dans l'institution universitaire qui forme ces professionnels. Ne vous est-il pas possible d'avoir une influence?

M. Gilbert: Avez-vous vu tous les programmes de santé au Canada? C'est une question intéressante, mais il nous faut environ trois semaines pour y répondre.

Le président: Vous comprenez ce que je veux dire. Je vous le dirai comme ceci: J'ai posé la question au doyen de la faculté de médecine, il m'a dit très clairement que ce n'était pas lui. Je comprends que la politique est l'art de transmettre le reproche. J'étais curieux, je cherche à savoir qui est censé s'occuper de ce problème.

M. Gilbert: C'est une bonne question. Je vous peux dire qu'hier soir, au sénat de l'Université de la Colombie-Britannique, nous avons approuvé la fondation d'un collège des disciplines de la santé. Vous pourriez vous dire, oh, une faculté de plus, mais en fait, ce n'est pas le cas. C'est une affiliation de sept facultés qui ont accepté de collaborer pour faire ce dont j'ai parlé cet après-midi.

Le président: Y compris la médecine?

M. Gilbert: Y compris la médecine. Il a fallu deux ans et demi d'audiences comme celle-ci pour y arriver. Roosevelt a dit que changer de programme d'études, c'était comme changer de cimetière. Faire bouger les gens est incroyablement difficile, mais nous l'avons fait. C'est absolument étonnant. Toutefois, nous avons encore besoin des outils pour faire ce que Charles a évoqué dans un contexte différent: évaluer. Nous avons besoin de savoir: Est-ce que cela marche? Si cela marche, où cela marche-t-il? Où cela marche, cela marche-t-il bien?

Le président: D'accord.

M. Gilbert: D'accord. C'est une chose incroyablement difficile à faire, nous y avons passé tout ce temps et nous l'avons faite.

Le président: Êtes-vous les premiers à le faire au Canada?

M. Gilbert: Nous sommes les premiers au monde à le faire parce que c'est si difficile. Les universités sont liées par des lois, les actes universitaires. Si vous les lisez très soigneusement, les responsabilités sont attribuées aux facultés. C'est la législation qui régit les universités qui rend la chose difficile.

Le président: En tant qu'ancien universitaire, je peux vous dire que j'ai toujours pensé que les universités étaient la seule institution conçue pour être ingouvernable.

J'ai une question pour Mme Mintzes. À la page 5 de votre étude, vous parlez d'une réinterprétation d'un règlement de Santé Canada en vertu de la Loi sur les aliments et médicaments qui permet maintenant quelques formes de publicité sur les médica ments d'ordonnance qui étaient interdites. Pouvez-vous nous donner plus de détails à ce sujet, maintenant ou ultérieurement?

Mme Mintzes: C'est très simple, je peux vous donner des détails tout de suite. Dans la Loi sur les aliments et médicaments, il y a une exception à l'interdiction générale de la publicité sur les médicaments d'ordonnance, et c'est une exception qui date de 1978 pour permettre aux pharmaciens d'afficher des comparai sons de prix dans les pharmacies. C'est conforme à la perspective de santé publique dans la mesure où il est pratique pour le public de disposer de comparaisons de prix. Cette exception stipule qu'un annonceur ne peut présenter que le nom, le prix et la quantité dans une publicité sur un médicament d'ordonnance.

Cet amendement à la Loi sur les aliments et médicaments existe maintenant depuis plus de 20 ans. Toutefois, c'est seulement depuis deux ans que nous avons vu apparaître des panneaux publicitaires disant «Zyban, demandez-en à votre médecin» ou encore «Dyan 35, demandez-le à votre médecin ou votre dermatologue», et puis nous avons eu Guy Lafleur à la télévision pour nous présenter les mérites du Viagra. Il y a eu un grand changement dans le genre de publicité qui est faite au Canada.

J'ai participé à plusieurs plaintes à Santé Canada sur des campagnes publicitaires illégales. Mon information sur la réinter prétation de la loi provient d'une lettre d'Allan Rock à une coalition d'organismes de santé des femmes avec laquelle je travaille et qui s'était plainte d'une campagne publicitaire ciblant les jeunes femmes. La réinterprétation prévoit qu'un annonceur peut déclarer le nom d'un médicament d'ordonnance tant qu'il n'en donne pas l'indication ou inversement annoncer l'indication à la condition de ne pas citer le nom.

Si je lis la Loi sur les aliments et médicaments, c'est très différent de ce qui y figure et c'est certainement différent de l'esprit de l'interdit de la loi. Même le libellé «ne peut faire de représentation autre que...» Eh bien, une sorte d'image publicitai re constitue une «représentation autre que», de même que«demandez-en à votre médecin.»

Le président: C'était une réinterprétation, je présume, vous dites d'il y a deux ans?

Mme Mintzes: Nous l'avons vue pour la première fois par écrit dans une lettre d'Allan Rock en septembre 2000.

Le président: Pourriez-vous nous rendre service en nous donnant la lettre? Nous pourrions essayer de la retrouver dans notre bureaucratie, mais ce serait beaucoup plus rapide parce que vous savez où elle est.

Mme Mintzes: Si. Je vais m'organiser pour vous en envoyer une copie.

Le président: J'ai vu ces publicités et je me suis demandé moi-même comment il se faisait qu'elles n'étaient pas en infraction.

Mme Mintzes: Mon interprétation est qu'elles sont clairement en infraction.

Le président: Aucun d'entre nous autour de la table n'est avocat, mais je dirais qu'elles violent l'esprit de la loi.

Le sénateur Morin: J'ai quelques courtes questions.

Docteur Wright, comme vous le savez, dans le système de santé il y a un payeur, le fournisseur et l'évaluateur. Tout le monde a parlé du payeur; tout le monde a parlé des fournisseurs. Si nous avions, disons, plusieurs fournisseurs dans la région, comment organiseriez-vous un système d'évaluation pour ces fournisseurs? Comment procéderiez-vous?

M. Wright: Vous voulez dire s'il y avait une variété de fournisseurs et de mécanismes de paiement? Vous le feriez par contrat. Il y a des outils disponibles pour évaluer les service de santé. Il serait naïf de proposer que nous avons de bonnes façons d'évaluer n'importe quoi. Toutefois, pour beaucoup de nos activités - ordonnances, hospitalisation, opérations chirurgicales, examens diagnostiques - nous avons les moyens pour les évaluer. C'est simplement une question de mise en oeuvre.

Le sénateur Morin: Vous sous-traiteriez avec qui?

M. Wright: Il y a un cadre de professionnels dans le système de soins de santé - la plupart d'entre aux travaillent aux soins intensifs dans les hôpitaux avec diverses attributions comme la gestion de la qualité.

Le sénateur Morin: Ne pensez-vous pas qu'il est un peu étrange de demander à des gens qui sont réellement dans le système de s'évaluer eux-mêmes? Vous ne préféreriez-vous pas avoir un évaluateur qui est extérieur aux fournisseurs si vous voulez les évaluer?

M. Wright: Cette discussion revient pour tous les programmes d'évaluation. Il vous faut des gens qui comprennent parfaitement le système, mais il y a, bien sûr, quand même un risque de biais.

Le sénateur Morin: Il est difficile de s'évaluer soi-même, et en plus de se comparer aux autres.

M. Wright: Je crois dans ce cas que ce n'est pas un problème parce que le cadre de gens que je décris ne prend pas les décisions importantes. Les médecins et les infirmières les prennent. Les évaluateurs sont presque tous des cadres moyens, gestionnaires du système de soins de santé, ou des gens qui ont suivi des cours d'évaluation épidémiologique clinique, des cours d'administration des sciences de la santé.

Le sénateur Morin: Vous n'envisagez pas la possibilité d'avoir recours à un organisme extérieur qui serait différent des fournisseurs pour effectuer l'évaluation?

M. Wright: Je serais très heureux de voir un organisme extérieur définir certaines normes nationales et nous dire «voici les moyens pour effectuer votre évaluation» et «voici comment nous proposons de procéder» parce que beaucoup de gens n'y arrivent pas.

Le sénateur Morin: Serait-ce un conseil de la qualité ou quelque chose de différent?

M. Wright: Ce serait absolument à l'intérieur du cadre de qualité, oui.

Le sénateur Morin: Merci beaucoup. Je crois que le Dr Wright est le premier qui ait parlé de cela et c'est un élément essentiel de tout système pour évaluer ce que vous faites. Vous nous dites que les normes devraient être nationales et l'évaluation réelle effectuée plus localement, mais vous n'avez pas d'objection à ce qu'elle se fasse au sein d'un hôpital?

M. Wright: Tout programme d'évaluation a besoin d'une évaluation de ce qui peut se faire à l'intérieur et de ce qui devrait être complètement indépendant.

Le sénateur Morin: Madame Mintzes, j'ai lu qu'il y a un projet pilote européen, qui est de grande envergue, couvrant plusieurs pays, qui porte sur une extension possible de la publicité pharmaceutique dans toute l'Europe.

Mme Mintzes: Il y a une proposition formulée par la Commission européenne, et qui n'a pas encore fait l'objet d'un vote au Parlement; on ne sait pas très bien ce qui va en advenir. C'est une proposition pour permettre la publicité pour trois états de maladie.

Le sénateur Morin: Comme projet pilote?

Mme Mintzes: J'ai vu les changements proposés à la législation et certaines des déclarations publiques à ce sujet ne correspondent pas vraiment aux propositions. Cela ressemble à un projet pilote ou non - visant à permettre la publicité limitée pour trois états de maladie. Antérieurement, il y avait eu des déclarations du Royaume-Uni indiquant que les résultats de l'examen par l'Union européenne n'a pas suscité d'intérêt parmi les États membres pour permettre cette publicité.

Le sénateur Morin: D'après ce que j'ai compris, l'Europe s'en va dans cette direction, mais le temps nous dira où elle va.

Mme Mintzes: Ce n'est pas clair pour l'instant, mais d'ici un an, je pense, le Parlement sera probablement appelé à voter.

Le sénateur Morin: Si l'Europe prend cette voie, avec les États-Unis et la Nouvelle-Zélande, nous allons nous retrouver un peu isolés ici.

Mme Mintzes: L'Australie a procédé à une révision de sa législation d'un point de vue commerce et concurrence et, contrairement à toute attente, ils se sont prononcés très fortement contre la publicité.

Le sénateur Morin: L'Australie est dans une position différente concernant les médicaments. Comme vous le savez, ils sont sur la liste spéciale des pays les plus hostiles à l'industrie pharmaceutique.

Mme Mintzes: Je ne dirais pas cela. En fait, ils ont une politique nationale des médicaments qui comprend un soutien à l'industrie.

Le sénateur Morin: Docteur Sharma, merci beaucoup d'être venue. Je pense qu'il est important pour l'organisme national d'être présent à ce débat. Vous avez quelques recommandations portant sur notre programme. Par exemple, tout le monde s'attaque à la réforme des soins primaires à l'heure actuelle. Je pense que vous, les résidents en médecine familiale, devriez y participer, et passablement rapidement parce vous allez devoir vivre avec.

Dre Sharma: Oui.

Le sénateur Morin: Il y a toutes sortes de questions. Par exemple, si nous proposons une participation sous forme d'honoraires de service, c'est la façon dont ils seront payés. Comment réagissent-ils aux équipes interdisciplinaires - travail ler avec des infirmières praticiennes à leurs côtés? Ce sont des gens qui vont vivre ce contexte durant toute leur carrière.

Je vous suggère fortement de demander à votre organisation nationale de considérer cela, de lire notre rapport, ainsi que les autres. Le rapport Fyke et le rapport Claire portent tous deux sur la réforme des soins primaires. Je pense que les médecins de famille devraient s'y intéresser de très près.

D'une manière générale, il y a d'autres questions intéressant ceux qui sont dans les spécialités, mais je pense que nous avons besoin d'une forte participation, dans un très proche avenir, des médecins de famille sur la réforme des soins primaires - qui sera une réforme importante si elle passe. Je pense qu'ils devraient faire connaître leur point de vue rapidement.

Dre Sharma: Je suis de votre avis.

Le sénateur Keon: Docteur Gilbert, je veux vous féliciter de ce que vous avez réalisé. Dans les professions de la santé, il n'y a pas de doute que les choses ne tournent pas toujours très rond. Les gens sortent du système avec une formation qui ne leur donne pas tous les outils dont ils auront besoin, et c'est un pas dans la voie du progrès. Nous avons encore du chemin à faire dans les professions de la santé et j'en resterai là car il se fait tard.

Docteure Sharma, maintenant c'est à vous que je veux m'adresser. Je suis préoccupé par la rigidité dont fait preuve le Collège royal. J'ai siégé au conseil du Collège royal pendant plus d'années que je ne veux bien l'admettre; j'ai aussi été professeur de chirurgie pendant 16 ans, avec des résidents qui changeaient de programmes et ainsi de suite.

Je vous encouragerais fortement à participer. Vous êtes jeune, vous avez de l'énergie à revendre, faites participer vos amis. Vous devez faire changer d'attitude le Collège royal. Je peux vous dire que certains des anciens commencent à avoir la tremblotte, comme moi, et ont un peu perdu le contact. Ils ont besoin de quelques jeunes gens pour les secouer un peu.

Mais je voudrais précisément en venir à votre situation difficile, qui est inquiétante. Vous avez suivi une formation de médecin de famille, vous avez découvert que vous ne vouliez pas être médecin de famille. Vous suivez maintenant une formation de radiologue. Vous êtes attachée à l'écurie, obligée de retourner dans une localité relativement petite. J'ai l'impression très nette que vous seriez probablement attirée par une carrière universitai re. Je peux me tromper, mais j'ai cette impression à vous écouter. Vous avez vendu votre âme et vous ne pouvez prendre l'orientation qui vous attirerait. C'est vraiment tragique. Cepen dant, je suis sûr que vous allez refaire surface et que vous finirez par faire ce qui vous plaît. L'important, c'est d'y arriver même s'il vous faut quelques années de plus que prévu.

Je ne vous poserai pas de questions, madame Mintzes. Votre exposé écrit était clair, je sais quels sont vos arguments, et ils sont pertinents.

Docteure Wright, je veux insister sur un point important avec vous. Je vous félicite pour l'étude, et j'ai lu les titres. C'est en fait la seule façon de procéder pour vraiment faire la planification des soins de santé, mais je suis très fortement d'avis que cela doit être lié à la santé de la population. Les directives doivent venir d'en haut, sur une base de santé de la population. Il y a rien de mal à sous-traiter à des groupes d'épidémiologistes qui feront vraisem blablement un meilleur travail que des bureaucrates situés soit à Ottawa soit en province, soit si c'est l'ISIS ou quelque autre organisme qui le fait. Peu importe qui fait les études, mais les études doivent être reliées à la santé de la population avec les boucles appropriées de réaction pour qu'une planification appropriée des soins de santé puisse avoir lieu.

J'espère que vous êtes d'accord avec cela. Je prêche l'évangile à chaque témoin que nous recevons ici et je ne sais pas si je vais dans la mauvaise direction.

M. Wright: Je n'ai pas d'objection. Ce serait la situation idéale à mon avis.

Le président: Je vous remercie tous d'être venus, la discussion a été absolument fascinante. Je pense, docteur Gilbert, que vous avez la tâche la plus difficile parce que essayer de rassembler tous ces chevaux pour les faire aller dans la même direction ne va pas être facile. Une de mes premières missions universitaires a consisté à créer un faculté des sciences à partir d'une école de bibliothéconomie, d'une école de commerce, d'une école d'admi nistration publique, et d'une école d'administration de la santé. Tout ce que j'ai fait au gouvernement a été plus facile, alors bonne chance.

M. Gilbert: Merci.

La séance est levée.


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