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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 43 - Témoignages


CHARLOTTETOWN, le mercredi 7 novembre 2001

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit ce jour à 9 h 10 pour examiner l'état du système de soins de santé au Canada.

Le sénateur Marjory LeBreton (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente: Chaque jour, quand nous allumons la télévision ou que nous ouvrons notre journal, nous voyons des quantités de reportages sur le fonctionnement du système de soins de santé. Aux informations d'aujourd'hui, on parle de personnes qui utilisent les installations d'IRM de l'Hôpital de Vancouver à titre privé et paient 925 $ pour avoir un scanner complet. On envisage aussi d'appliquer un ticket modérateur en Ontario. Dans le National Post de ce matin, il y a un article sur M. Klein et les ramifications du projet de loi 11 en Alberta. C'est une question d'actualité essentielle à laquelle nous sommes confrontés, et le comité sénatorial s'efforce d'entendre le point de vue de tous les Canadiens pour pouvoir rédiger une étude complète et des recommandations.

Mme Heather Henry-MacDonald, présidente, P.E.I, Seniors Advisory Council: Le P.E.I, Seniors Advisory Council, Conseil consultatif des aînés de l'Île-du-Prince-Édouard, est un groupe de 12 personnes qui représentent la diversité géographique et culturelle de la population de l'Île-du-Prince-Édouard. Ce conseil a été créé en 1998 pour conseiller le gouvernement, par l'intermédiaire du ministre responsable des Aînés, sur des questions qui concernent les aînés de la province. Je souligne les questions qui touchent le plus les personnes âgées.

Le vieillissement de la population du Canada représente pour tous les paliers de gouvernement des défis et des occasions de planifier des actions futures en réponse aux diverses forces et aux divers besoins des personnes âgées présentes et futures. Dans le Canada atlantique où le vieillissement est plus rapide que dans d'autres régions du pays, le défi est encore plus grand. Le pourcentage de personnes âgées de l'Île-du-Prince-Édouard augmente depuis plusieurs décennies. En 2000, sur une population totale de près de 140 000 habitants à l'Île-du-Prince-Édouard, on estime qu'il y avait 18 200 personnes de plus de 65 ans.

Les conséquences de ce vieillissement ne seront pas nécessairement la crise que prédisent certains si nous nous préparons, si nous anticipons sur les conséquences du vieillissement et si nous préparons des politiques et des programmes pour répondre à l'évolution des besoins des habitants de l'Île.

Ces dernières années, les gouvernements, les professionnels de la santé, les groupes communautaires et les aînés ont discuté de la meilleure façon d'utiliser les soutiens sociaux pour aider les aînés à continuer à participer à la vie de la collectivité. Les aînés ont clairement dit qu'ils souhaitaient pouvoir rester chez eux le plus longtemps possible. Nous sommes d'accord pour constater que de bons soins à domicile permettent de réduire l'ensemble des coûts du système de soins de santé. En outre, un programme national de soins à domicile permet aux personnes de recevoir des soins dans un cadre confortable plutôt que dans un service de soins actifs qui ne devrait être utilisé qu'en dernier recours.

Dans le bulletin d'information de septembre 1999, volume 24, no 3, de l'Association canadienne de gérontologie, on peut lire ce qui suit:

Les soins à domicile ne sont pas actuellement offerts à tous les Canadiens sur une base universelle; ils ne relèvent pas du régime d'assurance-maladie. Les services offerts, les critères d'admissibilité et le degré de recours au paiement à l'acte varient selon les provinces. Or, pour beaucoup, les soins à domicile sont considérés comme des soins nécessaires et appropriés dans un système de soins de santé intégré. Le Forum national sur la santé (1997), le Conseil consultatif national sur le troisième âge (1995), l'Association canadienne de soins et services à domicile (1996) et les Infirmières de l'Ordre de Victoria du Canada (1997) ont tous recommandé que des services de santé et de soutien complets au niveau de la communauté soient reconnus comme services essentiels dans le système des soins de santé du Canada. L'Association canadienne de gérontologie recommande que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux prennent rapidement des mesures pour mettre en place un programme complet de soins à domicile universellement accessible pour les Canadiens.

L'Île-du-Prince-Édouard a déjà un régime de soutien aux soins de santé, mais il ne suffit pas pour répondre aux besoins des personnes âgées. L'Île-du-Prince-Édouard est l'une des provinces où les dépenses de soins à domicile représentent le plus faible pourcentage des dépenses totales dans le domaine de la santé. Les capacités du Programme de soutien aux soins de santé dans l'Île-du-Prince-Édouard dépendent des ressources disponibles. En conséquence, il n'y a pas de services d'urgence ou de services sur demande 24 heures sur 24.

Dans l'Île-du-Prince-Édouard, nous n'avons pas de loi ou de normes visant le secteur des soins à domicile public ou privé, et donc pas de dispositifs permettant de régir les questions de risque, de responsabilité et d'assurance de la qualité ou de définir les rapports entre le secteur public et le secteur privé des soins à domicile. Pour les organisations d'aînés, le contrôle des soins apportés à des aînés vulnérables constitue une préoccupation majeure.

Le Programme pour l'autonomie des anciens combattants est un exemple de programme national qui aide les citoyens canadiens à conserver leur santé et leur indépendance en continuant à vivre chez eux et au sein de leur communauté. Je le décris dans le mémoire. Il a donné d'excellents résultats dans l'Île-du-Prince-Édouard.

Nous n'avons pas de programme provincial de soins de rétablissement. Un projet pilote a été lancé dans une région et de petits hôpitaux de soins actifs sont utilisés pour fournir des soins de rétablissement dans d'autres régions de la province.

À l'Île-du-Prince-Édouard, les personnes âgées de 65 ans et plus représentent 45 p. 100 des journées d'hospitalisation à l'Hôpital Queen Elizabeth, notre plus grand hôpital, et 54 p. 100 des journées d'hospitalisation à l'Hôpital Prince County, le deuxième plus grand. Dans les installations rurales, c'est-à-dire cinq plus petits hôpitaux, de 60 à 75 p. 100 des journées d'hospitalisation correspondent aux personnes âgées de 65 ans et plus.

Il faut accroître les services à domicile pour permettre aux personnes qui ont un problème aigu ou chronique de demeurer aussi indépendantes que possible. Par exemple, maintenant que l'on raccourcit les séjours à l'hôpital en raison des nouvelles politiques médicales, il faut mettre en place des soins spécialisés à domicile.

Il faut mentionner spécifiquement les personnes soignantes dans les politiques de soins de santé et de soins à domicile, et il faut leur reconnaître des besoins bien précis pour assurer leur bien-être. Il est essentiel que le gouvernement débloque des ressources financières pour aider ce groupe de clients potentiels et structurer les services et les ressources dont les soignants ont besoin pour s'acquitter de leurs responsabilités sans être pénalisés indûment sur le plan personnel ou sur le plan de leur santé.

D'après un rapport de Keefe et Fancey sur la région atlantique en 1998, les soignants non professionnels assurent 80 à 90 p. 100 de l'aide à domicile pour les personnes âgées. Le groupe de soignants le plus important était constitué de femmes âgées de 45 à 64 ans, alors que près de 14 p. 100 des personnes âgées de 60 à 74 ans avaient aussi un rôle de soignants.

Comme la population vieillit, les demandes de soutien aux soignants vont augmenter simplement du fait de l'augmentation du nombre d'aînés qui est plus élevée que celle de la population jeune. Parmi les facteurs qui influent sur la disponibilité de soignants non professionnels, il y a la participation des femmes au marché du travail, le mariage et le fait d'avoir des enfants à un âge plus avancé, ce qui entraîne une concurrence entre les soins aux enfants et les soins aux aînés, la génération sandwich, le rétrécissement des familles, l'éloignement géographique entre membres d'une famille et l'élévation du taux de divorce.

Bien que l'on considère souvent que les aînés sont les principaux consommateurs de médicaments sur ordonnance, si l'on veut s'attaquer au problème de la réduction des coûts des médicaments d'ordonnance, il faut prendre des initiatives pour encourager des pratiques d'ordonnance plus pertinentes et une consommation plus judicieuse de médicaments. Je cite un conseil à ce sujet dans le rapport.

Les aînés, notamment les femmes économiquement faibles, ont besoin d'une couverture plus étendue pour les médicaments sur ordonnance à financement public. Un programme national d'assurance-médicaments constituerait un filet de protection. En cas de maladie, ces personnes ne sont pas protégées contre le coût élevé des médicaments sur ordonnance.

Dans l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons un programme d'aide, le Drug Cost Assistance Program, pour les personnes de 65 ans et plus. Toutefois, le formulaire provincial ne couvre pas tous les médicaments, et certains aînés doivent payer des factures catastrophiques. En outre, quand une personne âgée quitte l'hôpital, les médicaments et les fournitures nécessaires pour lui permettre de retrouver ses fonctions et sa santé ne sont pas couverts.

Dans les provinces atlantiques, il n'y a généralement pas de programmes publics pour protéger les particuliers et leur famille contre le coût élevé des médicaments d'ordonnance. Une étude récente financée par le Fonds pour l'adaptation des services de santé de Santé Canada a montré que plus de 25 p. 100 des habitants des Maritimes n'avaient pas de couverture de crise pour les médicaments d'ordonnance et qu'une autre tranche de 25 p. 100 des personnes pouvaient être considérées comme sous-assurées.

Nous recommandons d'inclure l'assurance-médicaments dans la Loi canadienne sur la santé. Le gouvernement fédéral doit prendre l'initiative de mettre sur pied un réseau de collaboration des représentants du gouvernement, des médecins, des pharmaciens et du public pour créer les conditions d'un changement. L'une des stratégies doit notamment être d'éduquer les personnes qui prescrivent des ordonnances et celles qui consomment les médicaments pour qu'elles puissent se tourner vers d'autres formules que les médicaments d'ordonnance. Ces autres formules peuvent être par exemple une vie active, une bonne nutrition, des contacts sociaux et une stimulation intellectuelle.

Nous aurons toujours besoin d'établissements pour accueillir les aînés qui ne peuvent plus être soignés à domicile. Actuellement, seulement 7 p. 100 des personnes âgées de 65 ans et plus vivent dans des établissements, et l'âge moyen des personnes qui entrent dans un établissement de soins infirmiers était de 83,1 ans en décembre 2000. En 1999 et 2000, la durée moyenne de séjour était de 2,8 ans.

Les personnes qui entrent dans un établissement de soins infirmiers de longue durée dans l'Île-du-Prince-Édouard sont responsables du coût total des soins. C'est la même chose que dans les autres provinces des Maritimes, mais c'est une situation différente de celle qu'on constate dans le reste du Canada car 90 p. 100 des Canadiens ne paient qu'une partie seulement des soins à long terme. Si les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard qui sont dans des établissements de soins à long terme épuisent leurs économies et doivent demander de l'aide au gouvernement, ils doivent présenter une justification fondée sur leurs moyens qui inclut un examen de leur revenu et de leurs avoirs.

À l'origine, quand on a mis sur pied les régimes de soins hospitaliers et d'assurance médicale, l'une des décisions concernant la méthodologie de ces programmes avait été qu'on n'exigerait pas de justification fondée sur les moyens de la part des patients avant de leur fournir des services médicaux. On estimait que cette obligation de justification découragerait les patients à faible revenu de demander une aide médicale, car ils estimeraient dégradant de devoir dire qu'ils sont pauvres pour pouvoir recevoir des soins médicaux complets. Il faudrait étendre cette politique aux soins de santé à long terme dans le secteur à financement public.

Nous approuvons l'idée d'une réforme des soins primaires et nous souhaiterions avoir un système de santé dans le cadre duquel les soignants travailleraient au sein d'équipes pluridisciplinaires, ce qui permettrait aux Canadiens d'avoir accès aux soignants les plus appropriés, qui ne sont pas nécessairement des médecins. Par exemple, les services de santé offerts par des travailleurs sociaux, des nutritionnistes et des consultants en condition physique et en mode de vie pourraient être proposés et couverts dans le cadre du régime d'assurance-maladie.

Malheureusement, ce régime comporte actuellement très peu d'éléments susceptibles d'inciter les fournisseurs de soins de santé à réduire les coûts et à mieux intégrer leurs services ou d'amener les consommateurs à faire appel de façon plus raisonnable au système. Nous pensons qu'il faudrait essayer de trouver des incitatifs pour aider les citoyens à comprendre que le droit à des soins de santé universels qu'ils estiment avoir s'accompagne de la responsabilité d'utiliser les soins de santé de manière raisonnable et d'entretenir leur santé.

Dans des études récentes, on se demande pourquoi les aînés reçoivent tellement de soins de santé. La façon dont les médecins délivrent des ordonnances à leurs patients âgés est assez révélatrice.

Si l'on veut maintenir notre capacité financière, nous suggérons de lier certains des coûts de la santé à la fiscalité. Nous avons ajouté à notre mémoire une feuille décrivant cette suggestion. Nous proposons que les soins à domicile, les soins de longue durée et l'assurance-médicaments relèvent de la Loi canadienne sur la santé. Ainsi, tous les Canadiens pourront avoir accès en temps utile à tous les services médicaux nécessaires quelle que soit leur capacité de payer ces services, et aucun canadien ne sera victime de difficultés financières excessives à cause du montant de ses factures de soins de santé. Il faudrait que la Loi canadienne sur la santé couvre l'ensemble des soins de santé et que les quatre principes de l'universalité, de l'intégralité, de l'accessibilité et de la transférabilité de la Loi canadienne sur la santé soient maintenus.

La vice-présidente: Merci pour cet excellent rapport.

Mme Mary Hughes-Power, directrice des Soins intensifs et de longue durée, ministère de la Santé et des Services sociaux de l'Île-du-Prince-Édouard: Dans l'Île-du-Prince-Édouard, le ministère de la Santé et des Services sociaux transmet aux autorités régionales de la santé les fonds servant aux soins à domicile. C'est le ministère qui est responsable de la mise en place des services, de la politique et des normes de base. Les autorités régionales de la santé sont responsables de l'élaboration des programmes, du service et de la prestation des services.

L'objectif de notre programme dans cette province est d'éviter les placements superflus, prématurés ou prolongés en institution. Les services de soins à domicile sont fournis en fonction des besoins et servent à aider les patients à préserver leur santé et leur indépendance en complétant les soins assurés par les membres de la famille et les soignants non professionnels.

Dans notre province, on fournit des soins à domicile à un éventail assez varié de personnes. Environ 78 p. 100 sont des personnes âgées de plus de 65 ans, et 45 p. 100 ont plus de 80 ans. Sur une base mensuelle, le nombre de personnes âgées bénéficiant de soins publics à domicile représente environ 6,7 p. 100 de la population des aînés.

Nous avons aussi un pourcentage important de clients qui ont des besoins spéciaux, par exemple des handicaps physiques ou mentaux. Nous avons aussi des clients qui doivent recevoir des soins de longue durée et qui représentent environ 75 p. 100 de notre clientèle. Notre programme de soins à domicile comporte des dispositions de coordination et d'intégration, et nous avons un instrument commun d'évaluation que nous utilisons dans toutes les régions de la province pour gérer de façon pertinente l'accès aux établissements de soins de longue durée.

Le coût des services de santé ne cesse d'augmenter. On se demande donc de plus en plus comment on pourra maintenir le système actuel à l'avenir. Sur le plan provincial aussi bien que national, on examine activement le secteur des soins à domicile car c'est un secteur qu'il faut développer pour qu'il contribue plus activement à répondre à cette évolution des besoins et à maintenir la viabilité de notre système en permettant aux soignants les mieux placés de fournir les soins dans les conditions les plus appropriées.

Je ne vais pas revenir sur les tendances et sur les problèmes que nous présentons dans notre mémoire, mais je suis certaine que vous en entendrez abondamment parler. Cela va de la longévité accrue à la génération des baby-boomers en passant par l'importance croissante des maladies chroniques. Il y a une tendance particulièrement problématique pour nous, c'est le fait que de plus en plus d'aînés de cette province s'occupent de fournir des soins aux membres de leur famille qui ont un handicap physique ou mental.

À l'avenir, nous allons avoir des défis à relever et des ouvertures à saisir en matière de financement et de répartition des ressources. Les paramètres du financement public des services de soins à domicile varient considérablement d'une région à l'autre du Canada. Dans le contexte actuel, le financement du secteur privé est essentiel pour nombre de programmes de soins à domicile. Il faut poursuivre les recherches pour déterminer le bon équilibre entre dépenses privées et dépenses publiques, la bonne répartition des ressources entre les divers secteurs de la santé et les catégories de prestations qui doivent être assurées. Nous recommandons une révision de fond en comble de la Loi canadienne sur la santé et de son application aux services fournis sur une base communautaire.

En janvier 2001, Santé Canada a demandé à Pricewaterhouse Coopers de faire une étude sur les soins de santé à domicile au Canada. Cette étude, publiée en juillet, nous fournit des informations précieuses et d'actualité sur l'importance du rôle des soignants naturels dans les soins à domicile.

Environ 13 p. 100 des Canadiens de 15 ans et plus fournissent des soins informels à domicile, que ce soit à la maison ou à l'extérieur. Les soignants assurent en moyenne 22 heures de soins par semaine à domicile, et on estime que le montant de ces soins fournis gratuitement par ces soignants informels représente l'équivalent d'environ 4 milliards de dollars par an au Canada. Ces soignants non professionnels vont continuer à contribuer de façon importante à préserver la viabilité de notre système de santé. Le gouvernement fédéral a donc un rôle important à jouer pour aider ces soignants à l'aide de stimulants fiscaux ou d'autres mesures, par exemple dans certains cas l'autorisation à cesser de travailler pendant un certain temps pour fournir des soins informels.

Les provinces et territoires répondent aux problèmes d'urgence et aux besoins du secteur des soins à domicile en accroissant leurs activités dans les domaines de l'innovation et du développement. C'est un domaine dans lequel le gouvernement fédéral devrait continuer de jouer un rôle important en finançant la recherche, l'évaluation et l'innovation.

À moyen et long terme, il contribuera ainsi à l'ajustement des divers programmes en fonction de défis plus vastes qui se présenteront. Il pourra s'agir par exemple d'élargir les activités de recherche, de mettre sur pied des programmes ciblés sur les besoins de groupes particuliers, d'aider à l'élaboration de systèmes d'information et au développement de la technologie contribuant à la prestation de services à domicile.

Mme Deborah Bradley, gestionnaire de la Politique de santé publique, ministère de la Santé et des Services sociaux, Île-du-Prince-Édouard: Les maladies chroniques sont un grave problème de santé publique. Elles sont une des grandes causes de décès dans l'Île-du-Prince-Édouard, ainsi qu'une cause de diminution de la durée et de la qualité de la vie et une cause d'hospitalisation. Nous définissons les maladies chroniques comme des maladies non transmissibles; il s'agit notamment de maladies telles que les maladies cardiovasculaires, le diabète, l'asthme et l'arthrite.

Comme le reste des Canadiens de la région atlantique, les habitants de notre Île sont dans l'ensemble en moins bonne santé que les habitants du reste du pays. Nous fumons plus, nous buvons plus, nous faisons moins d'exercice et nous avons un poids supérieur. Bien que le nombre de fumeurs diminue, 26 p. 100 des habitants de l'Île fument régulièrement, contre une moyenne nationale de 24 p. 100.

En 1999, nous avions le taux d'inactivité physique le plus élevé au pays, et nos enfants deviennent de moins en moins actifs. Des recherches ont montré que le niveau d'activité des enfants canadiens âgés de 11 à 15 ans avait diminué de 30 p. 100 par rapport à il y a huit ans. Trente pour cent des habitants de notre Île ont une surcharge pondérale comparativement à la moyenne nationale de 31 p. 100, et au cours de la période de 15 ans allant de 1981 à 1996, le nombre d'enfants obèses au Canada a plus que doublé. À l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons l'un des plus faibles taux d'achèvement des études et le deuxième taux le plus élevé de chômage au pays.

Il n'est pas étonnant que l'on trouve dans notre Île des taux de maladies chroniques telles que le cancer, les maladies cardiaques et le diabète qui sont parmi les plus élevés au Canada. Nous avons le taux le plus élevé de décès résultant de maladies cardiovasculaires chez les hommes au Canada, et l'un des taux de décès dus au cancer du poumons les plus élevés chez les hommes. En 1990, 3 p. 100 des habitants de notre Île âgés de plus de 25 ans avaient du diabète. En 1999, ce nombre était passé à 5 p. 100, et on estime qu'en 2001 il aura atteint 7 p. 100.

Le coût direct de ces maladies chroniques dans le budget de la santé de notre province, soit 278 millions de dollars, est considérable. Nous consacrons environ un dixième du budget de la santé, soit 25 millions de dollars, au traitement ou à la gestion du diabète et de ses complications. L'obésité coûte de 9 à 15 millions de dollars par an à notre système de santé.

Les taux de maladies chroniques augmentent avec l'âge. Au cours des 30 prochaines années, le pourcentage de personnes âgées de 65 ans et plus à l'Île-du-Prince-Édouard va passer de 13 à 28 p. 100. On peut s'attendre à une augmentation de l'incidence des maladies chroniques telles que le cancer, les maladies cardiaques et le diabète. Notre première ligne d'intervention pour améliorer la santé des habitants de notre Île et des Canadiens et préserver notre système de soins de santé consiste à réduire les facteurs de risque de maladies chroniques.

Pour avoir une action efficace, nous devons éviter de nous polariser sur la maladie, les facteurs de risque ou une stratégie. Il faut avoir une démarche axée sur la santé de la population. C'est la santé qui doit être l'objectif. Cette démarche part du principe que la santé est déterminée par un certain nombre de facteurs, notamment le contexte social, économique et physique, les pratiques personnelles saines, l'aptitude des individus à faire face à la réalité, la biologie humaine, le développement de la petite enfance et les services de santé.

Dans une telle optique, on reconnaît que de nombreux facteurs contribuent ensemble à influer sur la santé d'une population et déterminent le fardeau des maladies chroniques. Parmi les modes de vie qui contribuent de façon importante aux maladies chroniques, mentionnons le fait de fumer, l'inactivité physique, les mauvaises habitudes alimentaires et la consommation excessive d'alcool. Parmi les facteurs d'ordre social, on peut citer l'inégalité socio-économique, les lacunes au niveau du développement de la petite enfance, la médiocrité des rapports et du soutien sociaux, la faiblesse du niveau de compétences socio-affectives et les environnements insalubres. Le système de santé ne peut pas intervenir sur un certain nombre de ces facteurs, par exemple le statut socioéconomique.

Plus les gens sont éduqués et ont un niveau de revenu élevé, plus ils sont en bonne santé. Autrement dit, les Canadiens économiquement faibles et peu éduqués ont tendance à être en moins bonne santé. Ce qui est particulièrement préoccupant, c'est que les enfants sont excessivement victimes de la pauvreté. Il faut nous efforcer d'améliorer l'alphabétisation et de réduire les inégalités sociales pour aider les Canadiens à avoir une santé optimale.

Bien qu'on fasse beaucoup d'efforts aussi bien dans notre Île que dans l'ensemble du Canada, il reste beaucoup à faire car les taux de maladies chroniques demeurent très élevés. Nous devons nous pencher sur l'intégralité des démarches et des programmes actuels et sur le contexte dans lequel on les exécute. Si nous voulons faire une percée importante dans la prévention des maladies chroniques, nous devons mettre en place une procédure plus structurée pour faciliter les choses et intégrer le travail. Pour cela, nous devons avoir un partenariat intégré avec tous les paliers de gouvernement, les organisations non gouvernementales, le secteur privé et le monde médical. Il faut s'appuyer sur des stratégies multiples et faire intervenir tout un éventail d'organisations déterminées à faire reculer les maladies chroniques. Pour cela, il est essentiel que les environnements soient favorables.

Nous devons aussi nous appuyer sur une démarche axée sur la population qui prend en compte l'interaction des déterminants de la santé. Il faut que la stratégie soit complète, intégrée et qu'elle fasse appel à la collaboration. Elle doit s'appuyer sur un financement permettant la réalisation d'investissements en amont et elle doit prendre en considération les cadres. Nous savons très bien que des programmes intégrés dans des cadres tels que les écoles, le lieu de travail ou les quartiers sont plus efficaces que des programmes isolés.

Parallèlement à cette démarche axée sur la santé de la population, nous devons nous pencher sur le rôle de l'information et de la technologie de la santé ainsi que sur la disponibilité des professionnels de la santé. Si les Canadiens doivent pouvoir prendre des décisions mieux informées sur leur santé et la santé de leur famille, il est essentiel qu'ils puissent accéder rapidement à des informations crédibles et compréhensibles.

L'Internet est un important véhicule pour transmettre l'information et faciliter l'accès à cette information. Si dans l'ensemble, les Canadiens utilisent beaucoup la technologie de l'information, il ne faut pas oublier que beaucoup d'entre eux n'ont cependant pas accès à l'Internet et que beaucoup aussi sont peu éduqués. Il est donc très important de veiller à ce que l'Internet ne remplace pas complètement les autres moyens de communication des informations sur la santé et les autres instruments d'éducation tels que les imprimés, les médias et les intermédiaires ou les professionnels de la santé.

Il faut que le système de santé prenne l'initiative pour éviter une pénurie de professionnels de la santé. Nous savons notamment que les effectifs infirmiers actuels vont considérablement diminuer au cours des cinq prochaines années. Comme il va y avoir en même temps un vieillissement de la population, la demande de professionnels de la santé publique va s'accroître d'autant.

Le gouvernement fédéral a donc un rôle à jouer pour cerner les problèmes de formation, de recrutement et de rétention et y trouver des solutions. Il est de plus en plus nécessaire d'assurer une formation continue et un développement des compétences des spécialistes de la santé afin de permettre aux praticiens d'adapter leurs compétences et leurs stratégies à l'évolution de la santé de nos concitoyens. Si l'on fait de bonnes recherches et si l'on planifie soigneusement l'avenir, le gouvernement fédéral pourra répondre à bon nombre de ces problèmes en réformant ou en remaniant la santé primaire.

On peut réaliser des progrès considérables en matière de prévention des maladies chroniques au Canada. Notre objectif devrait être de faire qu'une vie saine soit la norme. Il faut modifier nos orientations culturelles et budgétaires de façon à prévenir la maladie et à encourager les particuliers à assumer la responsabilité de leur santé au lieu de nous contenter de traiter les maladies. C'est possible dans le contexte d'une démarche globale et intégrée qui s'appuiera sur les meilleures pratiques, sur la santé de la population et sur les déterminants de la santé. La mise en place d'une telle stratégie permettra aux Canadiens d'investir en amont dans des secteurs stratégiques, d'anticiper et de s'adapter aux pressions actuelles et futures; elle nous permettra aussi de maintenir l'efficacité de nos interventions dans la protection, la promotion et la prévention et de rentabiliser notre investissement.

Le gouvernement fédéral doit mener et faciliter les initiatives intersectorielles au profit de la santé. Lorsque nous élaborons des stratégies pour améliorer la santé des Canadiens, nous devons être bien conscients des domaines dans lesquels notre système de soins de santé peut avoir une influence ou une action.

Le gouvernement fédéral peut aussi avoir un rôle de leader dans les initiatives liées à la promotion de la santé et à la santé de la population. Il peut encourager les partenariats et coordonner des initiatives plurisectorielles menées de concert avec des représentants de secteurs extérieurs à la santé. Le gouvernement fédéral peut aussi appuyer de telles stratégies en facilitant la diffusion des programmes et des instruments et en mobilisant les ressources et les soutiens garantissant la poursuite des initiatives de prévention.

Il peut aussi jouer un rôle essentiel en facilitant des projets de recherche et de démonstration et en y participant, et aussi en organisant des campagnes dans les médias, en prenant des initiatives stratégiques et en exerçant un rôle de surveillance et de contrôle. En nous partageant la responsabilité des résultats que nous obtiendrons dans le domaine de la santé, nous pourrons oeuvrer ensemble à la réalisation d'objectifs communs et mobiliser les énergies au profit d'une évolution positive de la santé.

M. Bill A. McKinnon, représentant national, Syndicat canadien de la fonction publique, Division de l'Île-du-Prince-Édouard: Le SCFP Î.-P.-É. représente plus de 2 200 travailleurs et travailleuses de l'Île occupant divers postes dans le secteur public dans toute la province. Pour vous donner une idée des proportions, cela veut dire qu'à l'Île-du-Prince-Édouard une personne sur 59 est membre du SCFP. Ces employés travaillent dans différents domaines comme Neil's Ambulance Service, les Queens County Residential Services, Southern Kings Group Home, les villes de Summerside et Charlottetown, East Prince Health Authority, le Conseil scolaire de l'Est, le Conseil scolaire français, Prince Edward Island Atlantic Baptist Nursing Homes, la Fédération du travail de l'Î.-P.-É., la Fédération des enseignants et enseignantes de l'Î.-P.-É., Queens Health Authority, Southern Kings Health Authority, University of Prince Edward Island, West Prince Health Authority, Western School Board et Eastern Kings Health Authority.

Nos membres sont nombreux à travailler dans le secteur de la santé, par exemple, les hôpitaux, les maisons de soins infirmiers et les ambulances, et nous sommes aussi citoyens de cette province, ce qui implique que nous comprenons particulièrement les problèmes dans le secteur des soins de santé, aussi bien de l'intérieur en tant que travailleurs que de l'extérieur, en tant que citoyens bénéficiant d'un service important.

Pour les travailleurs et travailleuses, la situation a été difficile. Dans le secteur hospitalier de l'Île-du-Prince-Édouard, il y a eu de nombreux changements au nom de la restructuration. Les gens ont été déplacés d'une unité de négociation à une autre, ou mutés à un poste différent dans un centre de santé particulier. À la suite des coupures dans les budgets provinciaux et de l'insuffisance des dépenses du gouvernement, les travailleurs de la santé disposent de moins de ressources.

Cela a entraîné toutes sortes de problèmes au travail. Le principal est la surcharge de travail. Les travailleurs et travailleuses de la santé essaient de dispenser les meilleurs services possible, mais il n'y a pas suffisamment d'heures dans une journée de travail, ou assez de personnel pour faire le travail. Travailler dans le domaine de la santé, ce n'est pas comme travailler sur une chaîne de montage dans une usine. Impossible d'augmenter la vitesse et de produire davantage. Lorsqu'on travaille dans le domaine de la santé, on traite avec des êtres humains qui sont souvent dans la situation la plus vulnérable qui soit. Ces personnes ont besoin d'aide et les travailleurs de la santé doivent être là pour s'occuper d'elles et les aider.

Dans l'ensemble, les problèmes auxquels nous nous heurtons à l'Île-du-Prince-Édouard sont liés aux sommes que la province consacre aux soins de santé. Dans un rapport publié le 11 décembre 2000, l'Institut canadien d'information sur la santé a annoncé que l'Île-du-Prince-Édouard était la province qui dépensait le moins par habitant dans le domaine de la santé. Le texte disait:

Compte tenu des variations dans l'âge et le sexe des populations provinciales, les dépenses de santé des gouvernements provinciaux par habitant en 1998 étaient d'après les estimations plus élevées à Terre-Neuve (2 007 $) et en Colombie-Britannique (1 899 $), suivie de l'Alberta (1 825 $), du Québec (1 764 $), de l'Ontario (1 762 $), du Manitoba (1 743 $), de la Nouvelle-Écosse (1 965 $), de la Saskatchewan (1 685 $), du Nouveau-Brunswick (1 637 $) et de l'Île-du-Prince-Édouard (1 602 $).

Dans un rapport publié la semaine dernière, l'ICIS déclarait:

Les dépenses par habitant dans six des provinces allaient de 1 800 $ à 2 000 $ au cours de l'année 1999/2000. Le chiffre était supérieur à 2 000 $ en Colombie-Britannique, au Manitoba et à Terre-Neuve tandis que l'Île-du-Prince-Édouard était la seule province à dépenser moins de 1 800 $ par habitant.

Ceci montre qu'il est urgent de consacrer davantage d'argent aux soins de santé. Nous avons de nombreuses difficultés parce que l'Île-du-Prince-Édouard est la province qui dépense le moins par habitant au Canada. Par exemple, il y a une pénurie de médecins, et bien que selon des rapports récents, nous devrions en avoir quelques-uns de plus, ce ne sera pas assez, car nous avons le ratio le plus faible de médecins, soit 73 pour 100 000 habitants au Canada.

La situation n'est pas meilleure pour ce qui est des spécialistes. Encore une fois, l'Île-du-Prince-Édouard est la province où le ratio est le plus faible, 55 spécialistes pour 100 000 habitants. Vous trouverez dans notre mémoire des tableaux avec des indications confirmant ces chiffres.

À la suite de la réduction des dépenses en santé, d'autres problèmes viennent compliquer la vie des habitants de l'Île-du-Prince-Édouard. Par exemple, il y a un manque de lits dans les centres de soins infirmiers ou pour les soins de longue durée. Le programme de soins à domicile est virtuellement absent. Pourtant Mary Hughes-Power a montré que l'on fait le maximum possible avec les ressources disponibles. De très nombreuses personnes dispensent des soins non professionnels ou à titre bénévole et c'est sur elles que reposent les soins à domicile dans l'Île. Ce n'est pas suffisant. C'est très loin de ce que ce l'on pourrait ou devrait faire.

Certains services n'existent pas dans l'Île. Il faut aller en Nouvelle-Écosse ou au Nouveau-Brunswick pour des services spécialisés dans des domaines comme la radiologie, la neurologie, l'oncologie, les services de soins aux brûlés et les soins pédiatriques spécialisés.

L'un des principaux problèmes pour l'Île-du-Prince-Édouard, c'est le niveau de financement du gouvernement fédéral. Le tableau qui se trouve dans le document présente les montants de péréquation et du FPE ainsi que du RAPC - qui est devenu en 1996 le TCSPS - versés à la province par le gouvernement fédéral de 1980 à 2002.

L'Île-du-Prince-Édouard a perdu de l'argent dans les paiements de péréquation en 1991, 1992 et 1993. Pendant la même période, le niveau de financement du PFE et du RAPC n'a augmenté que de façon marginale. En 1996-1997 et en 1997-1998, le financement du TCSPS a diminué. Il était difficile pour l'Île-du-Prince-Édouard de remplacer l'argent perdu à la suite des réductions des sommes versées au titre du PFE et du RAPC, et plus tard du TCSPS, parce qu'il y avait aussi moins d'argent provenant d'autres sources.

Les soins de santé à but lucratif ou la privatisation des soins de santé constituent une option très dangereuse. L'exemple des États-Unis, où les soins de santé sont essentiellement privés, devrait pourtant être suffisant pour prouver que le système ne fonctionne pas. Il n'y a pas d'économie et c'est beaucoup plus coûteux que notre système de soins de santé public. Les entreprises privées canadiennes viennent frapper à la porte dans l'espoir que nous allons leur confier le contrôle de notre système de soins de santé.

En 1999, le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard voulait construire un hôpital en recourant à un partenariat secteur public-secteur privé. Cela aurait provoqué une perte de contrôle sur une infrastructure importante au profit du secteur privé et les coûts à long terme pour les contribuables de la province auraient été plus élevés. Les citoyens et les travailleurs de l'Île-du-Prince-Édouard se sont vivement opposés à cette formule. À la fin, le gouvernement a repris ses responsabilités et il est maintenant propriétaire d'un nouvel hôpital que l'on construit à Summerside. Dans l'ensemble du pays, il y a malheureusement de nombreuses histoires de privatisation qui ne se sont pas terminées comme celle de Summerside.

Les gouvernements et les sociétés hospitalières ouvrent leurs portes au secteur privé. Ceci se fait petit à petit. Ils privatisent un laboratoire, une cuisine, des services de blanchisserie ou de nettoyage, mais ce mouvement lent les amène sur une voie très dangereuse.

Nous recommandons au comité du Sénat d'exiger que le gouvernement canadien assure un financement adéquat à long terme du système canadien de la santé. Des coupures comme celles que nous avons vues dans notre système de santé au cours des 10 à 15 dernières années ne doivent jamais pouvoir se reproduire. Ce comité a la possibilité d'influencer le gouvernement d'une façon qui renforcerait les principes fondamentaux de la Loi canadienne sur la santé, et ce qui est encore plus important, laisserait à nos enfants et à nos petits-enfants un héritage dont nous pourrions tous être fiers.

Le comité du Sénat devrait s'opposer à la privatisation. Le seul système de santé approprié pour les Canadiens est un système abordable, accessible, financé par les fonds publics, appartenant à l'État et financé par lui. Nous avons déjà parlé de tous les services qui n'étaient pas offerts à la population de cette province. La privatisation ne ferait qu'exacerber le problème. Ce qui s'est passé ailleurs montre bien que la privatisation crée un système de santé à deux vitesses et serait particulièrement dévastatrice pour l'Île-du-Prince-Édouard. Nous vous demandons instamment de défendre notre précieux système de santé symbole de soins de santé accessibles et universels.

Le sénateur Callbeck: Madame Henry-MacDonald, vous mentionnez qu'il y a peu d'incitatifs dans le système de santé, aussi bien pour ceux qui dispensent les soins primaires que pour ceux qui les reçoivent. Vous dites dans votre exposé:

Nous pensons qu'il faudrait essayer de trouver des incitatifs pour aider les citoyens à comprendre que le droit à des soins de santé universels qu'ils estiment avoir s'accompagne de la responsabilité d'utiliser ces soins de santé de manière raisonnable.

Quels seraient ces incitatifs?

Mme Henry-MacDonald: Plus il y aura d'éducation concernant les médicaments, leur interaction, la façon de les utiliser, et cetera, moins les gens demanderont d'ordonnances. On sait par exemple que certaines personnes s'attendent à avoir une ordonnance chaque fois qu'elles vont voir un médecin. Nous devrions utiliser le système d'assurance-maladie de façon responsable et tout le monde ne le fait pas, souvent par ignorance. Ces personnes ne sont pas informées. C'est juste un exemple.

Le sénateur Callbeck: L'éducation est importante dans l'ensemble du système de santé. L'autre jour à Toronto, nous avons entendu un témoin dire que pour que les Canadiens aient plus confiance dans le système de santé, il fallait leur donner plus d'information et les sensibiliser.

Madame Bradley, vous avez donné des statistiques qui ne donnent pas une très bonne image des habitants de l'Île. Je me souviens de l'enquête. Vous parlez du domaine des professionnels en disant qu'il va y avoir une pénurie dans un grand nombre de catégories. C'est déjà le cas et la situation va s'aggraver. Avez-vous dit que le gouvernement fédéral devrait, d'après vous, jouer le premier rôle et assurer la coordination de tout cela?

Mme Bradley: Je trouve que le gouvernement fédéral peut aider la province et chercher avec elle à déterminer les problèmes, les tendances et les possibilités de formation.

Le sénateur Callbeck: Hier à Fredericton, un témoin nous disait que ce devrait être un organe indépendant, extérieur au gouvernement, qui assure la coordination de tout cela, afin de voir comment nous allons répondre à la situation et mettre un plan en marche. Avez-vous des idées sur ce plan?

Mme Bradley: Tout dépend à quel niveau. Un organe indépendant peut évaluer la situation et présenter des recommandations, mais les provinces et le gouvernement fédéral doivent intervenir pour dispenser la formation nécessaire. Un organisme indépendant peut se pencher sur nos besoins, mais nous devons être proactifs pour être sûrs que nos professionnels de la santé ont les compétences voulues pour faire le travail, et pour répondre aux besoins que le SCFP a bien expliqués. Je ne vois pas un organisme indépendant faire cela tout seul. Nous devons participer.

Le sénateur Callbeck: Non, je ne voulais pas dire seul, mais je parlais de prendre les initiatives et d'amener le gouvernement fédéral à travailler avec les provinces sur ce dossier.

Mme Bradley: En ce qui concerne la question que vous avez posée à Mme Henry-MacDonald, c'est un grand problème et l'éducation est extrêmement importante mais nous devons aussi essayer de créer un climat favorable afin de rendre tout cela possible et que les personnes âgées puissent être éduquées et agir. Non pas seules, mais aussi avec les médecins, les travailleurs de la santé à domicile et les autres professionnels avec qui elles peuvent être en contact. Il est très important de créer un climat positif qui rende tout cela possible.

Le sénateur Callbeck: Monsieur McKinnon, dans votre mémoire, les chiffres montrent le problème auquel se heurte une petite province comme l'Île-du-Prince-Édouard quand elle veut fournir ces services et payer des salaires adéquats aux personnes qui travaillent dans le domaine de la santé. Vous avez parlé du financement du gouvernement fédéral, le TCSPS.

Hier à Fredericton, certains témoins parlaient de cette formule en disant qu'il faudrait faire des changements. Connaissez-vous suffisamment la formule pour en parler?

M. McKinnon: Je vais demander à Raymond, notre chargé de recherche, de vous répondre. Il travaille dans ce domaine et il doit avoir les connaissances et l'expérience voulues pour répondre à la question.

M. Raymond Léger, Research Representative, Syndicat canadien de la fonction publique, Division de l'Î.-P.-É.: La formule a été examinée et les options proposées sont différentes selon les groupes. Si le gouvernement fédéral réduit la somme totale consacrée aux soins de santé, quelle que soit la formule choisie, le montant donné aux provinces diminuera.

Chacune des provinces a réagi différemment. Certaines ont continué à augmenter leur budget provincial et ont enlevé de l'argent à d'autres services pour financer la santé. D'autres provinces ne l'ont pas fait et en conséquence il y a eu des coupures, des mises à pied et une réduction du nombre de personnes travaillant dans le secteur de la santé.

Nous pouvons discuter de la formule, mais en dernière analyse, le financement versé par le gouvernement fédéral ne peut pas diminuer. Il peut y avoir de petits ajustements, mais le problème fondamental pour nous reste le financement total.

Le sénateur Callbeck: Le TCSPS est en fait basé sur le nombre d'habitants. Trouvez-vous que ce soit juste? Pensez-vous que nous devrions toucher le même montant par habitant qu'une province comme l'Alberta? À l'Île-du-Prince-Édouard par exemple, la population du troisième âge est importante et augmente. Lorsque le gouvernement fédéral se base sur le nombre d'habitants pour déterminer les sommes allouées, devrait-on tenir compte des besoins? Sinon, comment une province comme l'Île-du-Prince-Édouard va-t-elle jamais réussir à accroître ses services pour être au même niveau que des provinces comme l'Alberta? Les services ne seront jamais les mêmes si chaque dollar par personne ne vaut que 90 cents. Beaucoup d'autres facteurs devraient intervenir dans cette formule.

M. McKinnon: Vous parlez du TCSPS, mais l'autre élément de l'équation c'est la péréquation. Pour arriver à l'équilibre dont vous parlez, il n'y a pas que les fonds venant du TCSPS. Tout l'argent qui correspondait au FPE et au RAPC correspond maintenant au TCSPS. Si je ne me trompe pas, on a pris ces deux programmes pour les réunir en un seul.

L'équilibre dont vous parlez entre les provinces «nanties» et les provinces «pauvres» devient la péréquation. Notre gouvernement proteste depuis des mois maintenant au niveau fédéral, comme le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve. Nous soutenons que la péréquation doit augmenter pour compenser le déséquilibre qui existe avec des provinces comme l'Alberta.

Je pense que la question n'est pas tant de savoir si le TCSPS basé sur le nombre d'habitants est plus équitable en Alberta ou à l'Île-du-Prince-Édouard. La question est surtout de savoir comment, indépendamment du TCSPS, la péréquation peut compenser ces déséquilibres.

Le sénateur Callbeck: Oui, la péréquation est censée hausser le niveau jusqu'à un certain point. Je reviens au TCSPS au moment où les deux programmes ont été combinés. On a dit qu'il faudrait réexaminer le programme et peut-être prendre en compte d'autres facteurs comme le nombre de personnes du troisième âge ou l'importance des besoins dans certains secteurs. Nous avons une très forte incidence de certaines maladies ici qui devrait être prise en considération.

M. McKinnon: Je suis de votre avis. Le TCSPS a été établi en 1986. Le SCFP manifestait à l'Assemblée législative. Nous disions: «Le PFE et le RAPC ne sont pas parfaits, mais au moins ils obligent le gouvernement à consacrer de l'argent spécifiquement à ces programmes, que cela leur plaise ou non.» Parce que s'ils ne le font pas, ils ne l'obtiennent pas, ou ils doivent payer eux-mêmes.

Le TCSPS a créé une formule qui permet aux provinces de faire le tri, comme je l'ai dit tout à l'heure. Nous avons maintenant un calcul basé sur le nombre d'habitants au lieu que tout le monde dépense 2 000 $ par habitant pour les soins de santé. Les chiffres vont de 2 007 $ à Terre-Neuve à 1 602 $ à l'Île-du-Prince-Édouard, vous avez absolument raison. Au lieu que ces 400 $ par habitant aillent obligatoirement à des programmes ciblés, nous avons vu ces sommes s'effriter pour aller vers d'autres programmes jugés nécessaires. Nous ne pouvons pas obtenir l'argent autrement, et les programmes dont chacun parle ici ont tous souffert.

En 1996, nous avons dit: «Le TCSPS n'est pas aussi bien que ce que nous avons déjà. Le FPE et le RAPC ne sont peut-être pas parfaits, mais pourquoi ne pas essayer de les ajuster pour les remettre d'aplomb?» Ce n'est pas ce qu'a choisi le gouvernement à l'époque. Je suis d'accord avec vous, c'est ce qui aurait dû être fait, au lieu d'opter pour le TCSPS et le système de choix qui a entraîné ces déséquilibres. Oui, on aurait dû affecter l'argent à certaines choses en disant: «Vous ne pouvez pas toucher cet argent réservé aux soins de santé. Il doit être consacré aux soins de santé».

Il faudrait verser davantage afin que chacun ait une somme par habitant plus élevée dans ce domaine, mais interdiction d'utiliser l'argent pour les écoles, les routes, et cetera.

La vice-présidente: Nous avons entendu des témoins de partout dans le pays nous parler d'utiliser d'autres données démographiques étant donné le vieillissement de la population et les différences de coût de la vie dans les diverses régions du pays.

Le sénateur Léger: Je suis très, très heureuse d'entendre parler d'aînés et de soins à domicile. Est-ce que la demande augmente dans ce domaine où est-ce toujours le dernier point sur la liste?

Mme Henry-MacDonald: Vous parlez des études sur les soins à domicile? Jusqu'à présent, on s'est concentré sur les soins actifs. Or, quand les personnes quittent l'hôpital, elles ont besoin de soins à domicile. C'est pour cela qu'on commence à en parler plus. Ce n'est pas suffisant, mais on en parle.

Je sais que notre gouvernement essaie de faire en sorte que les gens puissent rentrer chez eux pour y recevoir des soins plutôt que de rester à l'hôpital. Il a donc fallu prévoir un service à domicile. Il n'est pas facile de restreindre les soins actifs en développant les soins à domicile parce que pendant la période de transition, il faut de l'argent pour les deux. Toutefois, je pense que c'est en bonne voie.

Le sénateur Léger: Qu'en est-il des personnes âgées qui ont des maladies différentes et qui ont besoin d'aide, mais pas nécessairement d'être soignées en milieu hospitalier? Avez-vous de l'aide pour ces personnes qui vieillissent et qui veulent mourir chez elles?

Mme Henry-MacDonald: Nous recevons un peu d'aide, mais pas suffisamment. Nous reconnaissons que certaines personnes doivent être placées dans des foyers de soins infirmiers, les personnes qui ont besoin de surveillance 24 heures sur 24. Notre gouvernement ne peut pas leur fournir les soins nécessaires à domicile. Bien des personnes âgées préféreraient rester à la maison si elles pouvaient avoir une aide à domicile. Nous avons des fonds pour en aider certaines, mais assez pour assurer des services satisfaisants à toutes ces personnes.

M. Léger: Il est difficile de trouver le bon équilibre entre les soins de longue durée, les foyers de soins infirmiers et les soins à domicile. Je sais que vous avez de nombreux services spécialisés dans les foyers de soins infirmiers et les établissements de soins de longue durée, alors que dans le cas des soins à domicile, il y a bien des gens qui auraient besoin de services spécialisés identiques mais qui ne peuvent pas les avoir.

Il faut trouver l'équilibre entre les services fournis dans les foyers de soins infirmiers ou les établissements de soins de longue durée et les services offerts aux personnes qui veulent rester chez elles. Ces personnes devraient pouvoir avoir accès à tous ces services dits professionnels. C'est là qu'il y a un décalage. Les services de soins à domicile n'ont pas été structurés de manière à pouvoir fournir tous les services nécessaires aux personnes qui en ont besoin.

Si nous voulons que les services de soins à domicile fonctionnent correctement, il faut pouvoir donner aux patients la même qualité de services professionnels que dans un foyer de soins infirmiers. Au Nouveau-Brunswick, le gouvernement paie 10,50 $ de l'heure les personnes qui donnent des soins à domicile et qui pour la plupart ne sont pas des professionnels. Ce sont des personnes engagées par des agences ou par le gouvernement, mais ce ne sont pas des professionnels de la santé.

Dans les foyers de soins infirmiers, nous avons eu le même problème, mais le gouvernement y a répondu en exigeant que 40 p. 100 de ces travailleurs soient des infirmières ou infirmiers auxiliaires autorisés, 20 p. 100 des infirmières ou infirmiers et les 40 p. 100 restants des aides infirmiers ou infirmières. Le pourcentage d'infirmières auxiliaires autorisées a été porté à 40 p. 100 dans les foyers de soins infirmiers. Il faut trouver un équilibre analogue pour notre système de soins à domicile.

Mme Bradley: La transition des soins actifs aux soins à domicile est un bon exemple du défi auquel nous sommes confrontés. Nos fonds sont limités. Vous parlez d'équilibre, et c'est un terme judicieux. Il faudrait pratiquement avoir deux systèmes en parallèle pendant la transition. Actuellement, c'est très difficile car nos ressources sont limitées.

La vice-présidente: Beaucoup de gens sont favorables aux dispositions de la Loi canadienne sur la santé en matière de soins à domicile, mais il y a des écarts considérables entre les provinces et il n'existe pas de modèle uniforme. On a l'impression que ce sont 13 petites îles différentes.

Je suis très heureuse de remercier tous nos témoins. Votre témoignage a été très convaincant et nous tiendrons compte de vos arguments lorsque nous préparerons notre rapport. Nous avons parfaitement reçu votre message sur la privatisation, monsieur McKinnon. Je vais maintenant inviter le groupe de témoins suivant à s'approcher.

Le Dr Peter MacKean, président du conseil d'administration, Collège des médecins de famille du Canada: C'est pour moi un privilège de vous rencontrer aujourd'hui. Je tiens à vous remercier d'avoir constitué ce comité. Nous sommes à un point très important de notre histoire. Nous sommes à la croisée des chemins et je pense que votre travail va être critique pour l'avenir de l'assurance-maladie au Canada.

On m'a invité à comparaître à titre individuel. Toutefois, je suis président du Conseil d'administration du Collège des médecins de famille du Canada.

J'aimerais respectueusement vous suggérer qu'il serait très utile d'inviter le Collège des médecins famille du Canada à comparaître. Nous avons de multiples suggestions qui pourraient être susceptibles de vous aider. Les principes de la médecine sont étroitement liés aux principes de l'assurance-maladie. En fait, ils sont pratiquement indissociables.

J'ai lu votre document avec beaucoup d'intérêt. Je m'intéresse particulièrement à la réforme des soins de première ligne. Le Collège des médecins de famille du Canada s'est penché sur la question et a rédigé un document qui propose à notre avis une solution pour les soins de santé au Canada. Ce document s'intitule «Soins de première ligne et médecine familiale au Canada: une ordonnance de renouvellement». Il s'appuie sur un modèle de réseaux de pratique familiale où les médecins de famille s'associent avec des infirmières et infirmiers et d'autres professionnels. Avec ce modèle, on supprimerait le système hiérarchique et on le remplacerait par deux équipes qui collaboreraient en se respectant mutuellement.

Nous estimons que le médecin est le principal coordonnateur des soins médicaux, mais qu'il travaille en équipe avec d'autres professionnels. Nous pensons que les soins infirmiers ont un rôle important à jouer dans le nouveau système que nous proposons. À notre avis, il est très important d'éduquer le public et de travailler au sein même des communautés. Nous pensons aussi que ce réseau irait dans le sens de vos objectifs d'amélioration de la santé de la population.

Nous pensons qu'il faudrait mettre en place des équipes pluridisciplinaires dans la collectivité. Des drames comme celui de Davis Inlet ne devraient pas se produire s'il y avait un réseau de médecins de famille et d'équipes multidisciplinaires qui travaillaient au sein de la collectivité. Je pense que cette tragédie ne se serait pas produite s'il y avait eu ce genre de réseaux.

Je voulais faire une remarque sur les incitatifs et sur la rémunération des services. Vous suggérez une option de paiement à l'acte dans le cadre au régime d'assurance-maladie au Canada. Nous avons examiné la situation. Notre organisation a publié plusieurs mémoires à ce sujet depuis le début des années 90. À l'époque, nous avions proposé de modifier le système de paiement. Nous estimons que la méthode unique ne correspond pas bien aux besoins des Canadiens et des médecins et nous avons suggéré des modifications. Toutefois, nous recommandons la prudence lorsqu'on met en place des formules de paiement différentes pour les médecins. Il ne faut pas imposer les modifications par la contrainte, mais plutôt les mettre en place avec l'appui du médecin.

Je souligne certaines de ces formules d'ensemble de soins dans mon mémoire. Il s'agit notamment des soins à domicile, des soins hospitaliers, des soins palliatifs et des soins obstétriques.

Nous avons une crise des soins obstétriques et des maternités. D'ici 10 ans, nous allons avoir une pénurie de sages-femmes, de médecins de famille et d'obstétriciens. On ne s'attaque pas à ce problème et on ne met pas en place des stimulants en vue de maintenir ces professionnels au Canada. Je pense que la solution, c'est de proposer des stimulants et d'offrir des modes différents de paiement. On ne peut pas obliger les médecins à faire ce travail, mais on peut les y inciter au moyen de plans positifs qui les attireront vers ce type de pratique.

La santé de la population est un domaine très complexe qui fait intervenir de multiples centres d'activité. L'un de nos principes de médecine familiale est d'être les porte-parole des Canadiens. Ce principe est l'une des pierres angulaires de notre action et nous estimons que nous devons nous attaquer à toutes ces questions, mais que nous ne pouvons pas le faire seuls. Il faut que les autres professionnels de la santé et les autres représentants du public y participent. Nous devons tous travailler ensemble pour répondre à ces besoins. De nombreux problèmes de santé débordent du secteur de la santé. L'éducation a une importance cruciale pour la santé de la population.

Nous sommes fortement favorables à la technologie de l'information. Beaucoup de ces réseaux sont des réseaux virtuels, surtout dans les régions isolées du Canada. Pour permettre aux équipes de travailler en association, nous avons besoin d'un solide service de technologie de l'information. Nous sommes très favorables à tous les efforts réalisés dans ce domaine. Notre Collège pensait avoir trouvé une solution à ce problème et a chargé une société multinationale d'y travailler. Toutefois, pour des raisons économiques, elle n'a pas pu faire son travail au Canada. Nous croyons savoir que d'autres sont prêts à le faire.

La recherche est une autre assise essentielle pour prendre de bonnes décisions pour l'avenir. Nous approuvons votre idée de doubler le montant consacré à la recherche. Nous approuvons la structure des Instituts de recherche en santé du Canada. Nous nous demandons toutefois comment la recherche sur les soins de première ligne, la recherche sur les structures, la recherche clinique fondamentale et le système de santé vont être intégrés dans ces IRSC. Certains de nos chercheurs ont essayé de travailler dans ce domaine, mais nous n'avons pas assez d'argent.

Nous approuvons entièrement l'assurance-médicaments, les soins à domicile et tous les services de soins à domicile médicalement nécessaires. Nous sommes d'accord pour que les médicaments essentiels prescrits sur ordonnance soient inclus dans le programme d'assurance-maladie.

Nous estimons qu'il devrait y avoir un seul payeur au Canada. Que les services soient assurés par le secteur public ou le secteur privé, nous estimons qu'ils devraient respecter les mêmes normes. Il faut approfondir les recherches dans ce domaine de la prestation des services dans le secteur privé.

Nous avons deux autres mémoires à vous soumettre. L'un d'eux est un rapport que nous avons remis à l'honorable Roy Romanow, et qui s'intitule «Façonner l'avenir des soins de santé au Canada». Vous en avez un résumé dans les dernières pages; c'est un plan directeur pour l'avenir des soins de santé au Canada.

Nous avons proposé une solution globale pour lancer le renouvellement des soins de première ligne et nous pensons qu'en travaillant en collaboration, nous pouvons assurer la mise en place d'un système d'assurance médicale solide et durable qui garantira la meilleure santé possible aux Canadiens d'aujourd'hui et aux générations futures.

M. Iain Smith, coordonnateur de l'Utilisation des médicaments, Hôpital Queen Elizabeth: Je suis un employé de l'Hôpital Queen Elizabeth. Toutefois, mes remarques représentent mes opinions personnelles et non pas celles de l'Hôpital.

Je vais m'en tenir aux produits pharmaceutiques et plus précisément aux préoccupations concernant les coûts de ces produits. En général, les efforts de collaboration ou visant à laisser aux organismes fédéraux le soin d'imposer les orientations doivent être bien accueillis dans les provinces car ils permettent de réduire le temps et l'énergie consacrés à créer des choses analogues et à créer une continuité.

D'après ce rapport et ses objectifs, il me semble clair que nous examinons le rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de la prestation de soins de santé aux Canadiens, et plus précisément la question de la réduction du coût des médicaments sur ordonnance. Cette question est abordée au point 8.8.

Un domaine brille par son absence. Le coût des médicaments délivrés sur ordonnance grimpe à un rythme alarmant, et d'après le rapport, ces médicaments représentent 16 p. 100 du budget total des soins de santé.

Je crois que si le gouvernement fédéral veut sérieusement enrayer cette progression, il doit insister plus sur le processus d'approbation des médicaments au Canada.

Actuellement, un nouveau produit est approuvé presque exclusivement sur la base des données cliniques obtenues lors des tests parrainés par la compagnie pharmaceutique. Bien souvent, les principaux enquêteurs ont un parti pris favorable à une décision positive, car si leur décision est négative, ils auront moins de chance d'être invités à participer à des essais futurs. C'est une sorte de parti pris qui s'établit naturellement.

Le gouvernement fédéral devrait veiller plus activement à s'assurer que les nouvelles thérapies médicales soient approuvées sur la base de preuves raisonnables et pas seulement sur la base des preuves fournies par les compagnies pharmaceutiques. À cette fin, il faudrait que les essais cliniques faisant intervenir des sujets humains au Canada soient contrôlés de près par les organismes fédéraux. Les compagnies pharmaceutiques ne devraient pas être autorisées à revendiquer la propriété intellectuelle des résultats de leurs essais et à en faire ce qu'elles veulent parce que ce sont des essais effectués sur des humains. Tous les essais cliniques faisant intervenir des sujets humains devraient être soumis à l'examen et à la critique et un organisme extérieur impartial devrait analyser les résultats de ces essais. Cet organisme ne devrait en aucune façon être intéressé à un résultat positif.

Les compagnies pharmaceutiques devraient appuyer de tels organismes impartiaux au moyen de contributions obligatoires, qui réduiraient probablement leurs frais d'exploitation et leurs frais de mise en marché des médicaments.

Tous les essais cliniques devraient être enregistrés et, qu'ils soient ou non publiés dans des journaux scientifiques, ils devraient être ouverts à un examen public. Il existe des registres, mais ils sont généralement facultatifs.

L'industrie pharmaceutique devrait être tenue responsable des fausses prétentions formulées sur la base d'extrapolation des avantages éventuels de nouveaux médicaments, soit dans des articles de journaux, soit dans la publicité. Non seulement la société paie le médicament, mais elle doit aussi payer pour en prouver la valeur.

Le gouvernement fédéral devrait appuyer plus activement la diffusion de matériel pédagogique développant la notion d'attentes raisonnables à l'égard des possibilités du système de soins de santé.

Il faut faire comprendre aux consommateurs qu'à moins d'être prêts à accepter de très fortes hausses d'impôt, ils doivent admettre qu'il y a des limites à ce que la société peut payer pour une thérapie, même si elle est parfaitement efficace, si son coût est extrême. Les consommateurs doivent aussi comprendre qu'il y a une contradiction absolue entre le fait de critiquer le délai très long qui s'écoule avant qu'un produit soit commercialisé et l'exigence de médicaments sûrs et efficaces.

Les consommateurs doivent parfaitement comprendre que les compagnies pharmaceutiques sont de très, très grosses entreprises qui ne font pas partie du système de soins de santé comme les professionnels de la santé. Bien que ces compagnies emploient des professionnels des soins de santé, leurs décisions sont des décisions d'affaires guidées par le profit et non pas par les besoins de la société.

Les stratégies envisagées pour réduire le coût des médicaments, élargir la couverture et répartir le fardeau sont toutes établies en réaction au coût élevé des nouvelles thérapies dont le prix est essentiellement dicté par le producteur de médicaments, qui bien souvent ne présente que très peu de justifications. C'est le secteur des soins de santé de chaque pays qui est alors obligé de déterminer le bien-fondé des arguments de ces compagnies.

Les compagnies pharmaceutiques ne doivent supporter les conséquences des effets néfastes de leurs médicaments que si l'on peut prouver qu'elles connaissaient le risque à l'avance et qu'elles ne l'avaient pas clairement énoncé. Elles sont singulièrement exemptes de toute responsabilité lorsqu'on prouve, souvent après des années, que leurs arguments selon lesquels un médicament était plus efficace ou mieux toléré étaient faux. Il y a de multiples exemples de ce genre de médicaments.

Récemment, le gouvernement britannique a entamé des négociations en vue de mettre en place une stratégie de partage des risques pour les médicaments, plus précisément ceux qui sont utilisés pour traiter la sclérose en plaques. En vertu de cette proposition, le gouvernement fournira le médicament mais cherchera à récupérer le coût de la thérapie si elle ne donne pas de résultats. On pourrait appliquer une stratégie analogue à de nombreuses catégories de médicaments au Canada.

En ce qui concerne la réduction du coût des médicaments délivrés sur ordonnance, le rapport présente un éventail remarquable de stratégies actuellement à l'étude. Notre meilleur espoir est d'utiliser ce que nous avons de la façon la plus efficace possible.

Les personnes qui procèdent à des évaluations de l'utilisation des médicaments, que ce soit au niveau des hôpitaux, au CCHOTA ou dans le cadre des grands organismes qui énoncent des directives, n'ont guère de prise sur cette part de 16 p. 100 du budget de la santé qui ne cesse d'augmenter. À chaque fois qu'on parvient à maîtriser quelque chose qui coûte cher, quelque chose d'autre vient prendre sa place, et cette situation ne cesse de se répéter.

Il faut que le gouvernement prenne l'initiative de lancer certaines de ces procédures, de concrétiser des initiatives et de prendre du recul car il arrive bien souvent que des politiciens passent outre à l'opinion des organismes indépendants sur la façon la plus efficace de procéder.

Mme Neila Auld, directrice exécutive, P.E.I. Pharmacy Board: Le Pharmacy Board régit la profession pharmaceutique dans notre province. Nous octroyons les permis aux pharmaciens et aux pharmacies et nous énonçons les normes qu'ils doivent suivre. Notre mandat consiste essentiellement à assurer la sécurité du public qui fait appel aux services de ces professions.

Comme on le fait remarquer dans la partie 8, les médicaments prescrits sur ordonnance représentent la dépense la plus importante en matière de médicaments. Les tiers payants et le public se débattent avec ces coûts qui déterminent en fin de compte le montant qui reste pour les autres services de soins de santé. Dans les options envisagées, il y a manifestement des points positifs et des points négatifs. Avant de lancer un médicament, il faut déterminer s'il y aura une couverture universelle pour le médicament délivré sur ordonnance ou s'il s'adressera strictement à des Canadiens qualifiés, et dans ce cas, en quoi consisteront ces qualifications.

Un formulaire national des médicaments présenterait l'avantage de permettre à tous les provinces et territoires d'acheter les médicaments au meilleur prix possible. Ces économies profiteront-elles uniquement aux programmes à financement fédéral ou le secteur privé y aura-t-il aussi accès? La réponse à cette question est importante. S'il y a des fournisseurs à la fois privés et publics, les économies réalisées par les fournisseurs publics risquent de se traduire par un coût ou une perte pour les personnes assurées auprès de fournisseurs privés. Ce coût se manifestera par une augmentation des cotisations et sera répercuté sur les patients qui paient.

S'il y a une cohérence au niveau de la couverture des médicaments dans tout le pays, il y aura une cohérence des soins. On aura aussi une cohérence des inventaires des pharmacies. S'il doit y avoir deux ou plusieurs formulaires, les pharmacies communautaires devront avoir des stocks supplémentaires qui représenteront un coût supplémentaire pour approvisionner les divers fournisseurs.

Il est vraisemblable que l'industrie pharmaceutique essaiera de récupérer ses pertes en pratiquant deux prix: un pour les formulaires gouvernementaux et un pour les formulaires non gouvernementaux, ou en augmentant le prix des nouveaux médicaments mis en marché. La question est de savoir si un formulaire national des médicaments serait utile en l'absence d'un programme national d'assurance-médicaments.

La politique visant à utiliser le médicament le moins cher et le plus efficace sur le plan thérapeutique n'est pas nouvelle pour les pharmaciens ni pour le public. Comme on le dit dans le rapport, il a été difficile de la faire admettre par la profession médicale, surtout en dehors du contexte hospitalier. Même les hôpitaux ont du mal à convaincre les praticiens de respecter les décisions et politiques du Comité fédéral de pharmacologie et de thérapeutique. C'est généralement le pharmacien qui subit l'attitude négative, que ce soit celle du médecin qui prescrit ou celle du patient qui a l'impression que les médicaments nouveaux et plus coûteux sont meilleurs. Jusqu'où le gouvernement est-il prêt à aller pour appliquer une telle politique?

Avec les pharmacies, particulièrement en contexte communautaire, il y a peu d'objection. Au contraire, il y a de très nombreux avantages. Le public bénéficie de coûts de soins de santé moins élevés grâce à la fiscalité, à la facturation des utilisateurs ou aux coûts directs facturés aux clients qui paient. Le public bénéficie aussi, surtout en ce qui concerne les antibiotiques, de la réduction du risque d'apparition d'une résistance aux médicaments, cependant que les thérapies nouvelles et souvent plus coûteuses sont réservées précisément pour ces cas de résistance. Les pharmacies, que ce soit à l'hôpital ou dans un contexte communautaire, présentent l'avantage d'avoir des inventaires et des coûts opérationnels réduits. Les gouvernements profitent de tous ces avantages.

Toutefois, il y a toujours un revers à la médaille. Il faut se demander quel effet une telle politique aura sur l'industrie des médicaments, et notamment sur la R-D de nouveaux médicaments de deuxième et troisième générations.

Le consommateur a-t-il vraiment besoin ou profite-t-il de la publicité qui s'adresse directement aux consommateurs? Pourquoi a-t-il besoin de savoir quels sont les médicaments prescrits sur ordonnance qui sont disponibles? C'est le médecin prescripteur qui décide, fort de sa compétence et des connaissances professionnelles, quels médicaments il doit prescrire. L'industrie peut informer les consommateurs, et elle le fait, sur la disponibilité des médicaments en vente libre.

Malheureusement, le consommateur n'est généralement pas en mesure de formuler une opinion éclairée sur l'utilisation de médicaments sur ordonnance. Il faut faire un diagnostic et examiner les différents protocoles possibles. Même dans le cas des médicaments en vente libre, il existe des procédures de posologie dans les provinces pour permettre au grand public d'avoir accès aux connaissances, à la formation et à l'expertise du pharmacien si l'on estime que c'est utile et important pour la santé et la sécurité du public.

Les autorités de régie des pharmacies au Canada collaborent avec les autorités de régie aux États-Unis pour adopter ou transposer leur programme VIPPS, les Verified Internet Pharmacy Practice Sites. Bien que les activités sur Internet soient difficiles à contrôler, on peut informer le public pour qu'il sache que, s'il souhaite faire appel à une pharmacie sur Internet, il doit s'assurer que les produits en question ont obtenu le label VIPPS, c'est-à-dire que les normes professionnelles ont été respectées.

Il faudrait limiter la publicité au Canada, et le gouvernement devrait prendre les mesures nécessaires pour faire respecter ces restrictions. L'industrie peut et doit pouvoir faire la promotion de ses produits auprès des professionnels. Cette promotion comprend des informations essentielles pour permettre aux praticiens d'évaluer et de prescrire des médicaments et de contrôler les effets des médicaments dans des contextes de maladie particuliers.

Il faut tenir compte des retombées sur le secteur pharmaceutique. Toutefois, comme ce secteur n'a pas été autorisé jusqu'ici à faire de la publicité directe auprès des consommateurs canadiens, ces retombées devraient être minimes.

En ce qui concerne l'élargissement de la couverture des médicaments prescrits sur ordonnance, le rapport confirme qu'il existe des groupes de personnes sous-assurées ou totalement démunies d'assurance. Il y a des personnes qui ne sont pas couvertes par leur employeur et qui ne sont pas admissibles à une aide du gouvernement, et les personnes victimes de maladies catastrophiques. Dans quelle mesure le gouvernement peut-il décider d'améliorer l'accès pour ces personnes?

Un programme national d'assurance-médicaments étendrait la couverture des médicaments prescrits sur ordonnance aux personnes sous-assurées ou non assurées et permettrait à tous les Canadiens de bénéficier de façon semblable des médicaments. Le financement varierait selon la conception. Lors de l'élaboration du programme, il faudrait se poser les questions: Qui, quoi et comment? La réponse sera peut-être plus claire si l'on élargit le contexte pour tenir compte d'un formulaire national, d'une politique ou d'un examen de l'utilisation des médicaments, et des retombées financières positives sur d'autres programmes gouvernementaux. Qui doit administrer les programmes? Que ce soit le gouvernement provincial ou fédéral, ou le secteur privé, il faut que cette entité rende des comptes au public qui paie la facture en définitive.

Certes, un programme public complet constitue la solution idéale mais il entraîne des coûts initiaux. L'avantage serait que, s'il est correctement administré et contrôlé, les économies d'ensemble entraînées par une amélioration des résultats des soins de santé permettraient de compenser certains de ces coûts.

Les initiatives mixtes publiques et privées sont une autre option mais elles comportent certains risques. Les employeurs risquent d'interrompre les prestations si les coûts augmentent à un point excessif et il est arrivé que des tiers payants auprès desquels cotisent les employeurs et les particuliers augmentent les cotisations lorsque la consommation augmente ou en arrivent même à supprimer l'admissibilité d'un individu à la couverture pour un type de maladie bien particulier.

En attendant de trouver une solution à long terme, la première étape serait d'aider les gens à obtenir directement ou indirectement, par le biais des programmes de leur employeur ou des programmes d'autres gouvernements, une couverture à laquelle ils n'ont pas accès autrement.

Les options mentionnées ci-dessus ne suffiraient pas à apporter une solution au scénario catastrophique ou au problème des coûts élevés des médicaments. Les assureurs privés finiraient évidemment par devoir augmenter toutes les cotisations pour absorber les coûts. Il faut bien comprendre que c'est cette augmentation des coûts, ce coût catastrophique des médicaments, que les Canadiens craignent le plus. Beaucoup ne cotisent à un régime de médicaments d'ordonnance que pour avoir l'assurance que, si jamais ils avaient une maladie aiguë ou chronique entraînant un traitement coûteux, ils seront couverts, car à partir du moment où la maladie est diagnostiquée, on ne peut plus s'assurer.

Il faut entamer une démarche axée sur la santé de la population pour tous les Canadiens. Nous devons mieux utiliser nos professionnels de la santé. Nous devons encourager nos professionnels pour atteindre nos objectifs d'amélioration des résultats des soins de santé. La synergie de ces professions permettra d'améliorer les soins et de réduire les coûts publics.

Il faudrait utiliser un programme fédéral mais aussi agir au niveau provincial pour profiter des particularités des provinces. Il faudrait créer un poste de commissaire à la santé ou un nouveau ministère pour contrôler ces programmes et examiner les actions de tous les ministères concernés, et pas seulement la santé. Merci.

La vice-présidente: Docteur MacKean, votre mémoire m'a beaucoup intéressée et lors de la poursuite de notre étude, nous inviterons votre association à comparaître.

Il y a un mythe qui veut que les médecins aient une attitude territoriale, surtout dans les régions reculées et rurales, et que cela constitue un problème chez les médecins qui ne sont pas dans le domaine des soins de première ligne. Un médecin de Prince George nous a dit que les médecins étaient très favorables à la démarche d'équipe. Cela atténuerait la pression qui s'exerce sur les petites collectivités, car les gens ne seraient plus obligés de parcourir de grandes distances pour aller en ville. A-t-on fait beaucoup d'efforts pour promouvoir cette démarche d'équipe que vous proposez, et essayez-vous de la pousser? Essayez-vous d'en convaincre les médecins, les fournisseurs de soins de santé et le grand public? Je crois que les médecins ont une mauvaise réputation à cet égard. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

Le Dr MacKean: Nous travaillons sur ce sujet depuis le Livre vert de 1995. Le document que vous avez sous les yeux a été communiqué au ministère fédéral de la Santé et aux ministères provinciaux de la Santé. Dans mon mémoire, je souligne que la plupart des provinces s'orientent déjà dans cette direction. L'Ontario a pris la tête du mouvement, de même que la Commission Clair au Québec, et notre ministère de la Santé est en train d'élaborer des plans de paiement de remplacement et des formules permettant un regroupement des médecins. Je rends hommage à tous les gouvernements qui essaient d'organiser cela.

Vous avez devant vous un document intitulé «The JANUS Project». Il a été publié la semaine dernière. Il parle de la grave pénurie de médecins de famille au Canada. Nous pensons que c'est une grave omission dans votre document. Vous avez parlé de la pénurie d'infirmières et d'infirmiers. Pour mettre sur pied ces équipes, nous avons besoin de réserves d'infirmières, or il n'y en a pas assez pour appuyer notre modèle. Il n'y a pas assez de médecins de famille non plus. En fait, on prévoit que le problème va augmenter chaque année en raison de décisions prises au début des années 90. Nous avons fait des suggestions pour ramener le nombre à un niveau satisfaisant pour nous permettre de travailler ensemble.

La plupart des médecins veulent travailler en équipe. Les modèles qui nous ont été transmis ne nous permettent pas de le faire. Par exemple, la méthode du paiement à l'acte n'encourage pas le travail d'équipe. Il faut proposer d'autres modèles pour encourager le travail en équipe. Il faudrait faire beaucoup d'autres choses pour amener les gens à travailler ensemble. De nombreux médecins travaillent déjà en équipe. Il existe de nombreux modèles au Canada. La démarche que nous suivons n'est pas totalement nouvelle.

Dans l'optique du travail avec d'autres professionnels, nous avons invité un représentant de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada à titre d'observateur. La semaine prochaine, nous allons avoir un séminaire sur une démarche de collaboration pour encourager la coopération entre l'Association of Nurses of P.E.I. et la Medical Society of P.E.I. On organise des ateliers de ce genre dans tout le Canada. Est-ce que le public est au courant? Il est difficile de faire passer ce message dans le public. Nous avons publié des communiqués de presse. À chaque fois qu'on le fait, on en entend parler pendant un jour environ, et ensuite les médias passent à d'autres informations. Il est très difficile de faire passer le message dans le public.

La vice-présidente: Nous comprenons très bien ce problème. Tout le bon travail que nous accomplissons est quelquefois effacé par une simple information négative.

J'ai amené ici un rapport publié dans le Globe and Mail, qui dit que les médecins de famille sont surchargés de travail. Il faut que le public ait plus confiance dans le système. Je crois vraiment que la plupart des Canadiens, surtout en zone rurale et reculée, souhaiteraient que le médecin se serve de son expertise pour construire ce genre d'équipe.

Le Dr MacKean: Effectivement, il faut rétablir la confiance. L'enquête DECIMA montre que 94 p. 100 des Canadiens estiment que le médecin de famille devrait être un coordonnateur des soins. Au Canada, jusqu'à ces dernières années, plus de 90 p. 100 des Canadiens avaient un médecin de famille.

Notre enquête montre que le principal problème pour les Canadiens, c'est de trouver un médecin de famille. Naguère, plus de 90 p. 100 des Canadiens en avaient un. Ce pourcentage est tombé à 67 p. 100, et cette situation entraîne un engorgement des salles d'urgence et une mauvaise utilisation des ressources de soins de santé.

Si vous examinez notre modèle, vous constaterez qu'on peut rétablir la confiance dans le système de soins de santé en assurant un soutien efficace aux soins de première ligne. L'Organisation mondiale de la santé a approuvé ce modèle pour le monde entier. Nous le faisions au Canada depuis des années, mais ce système s'est détérioré et il faut le remettre sur pied et l'améliorer.

La vice-présidente: L'un des termes sur lesquels nous nous sommes concentrés est ce que nous appelons les patients «orphelins». Ce sont les patients dont le médecin est parti à la retraite et qui n'arrivent pas à en trouver un autre. On mesure mal l'impact psychologique de cette situation sur nos aînés.

Que faire sur la question de la publicité pour les produits pharmaceutiques? Que faire en cette ère de satellites, de communications et de publicité sur les médicaments aux États-Unis? Les gens sont influencés par ces publicités et vont exiger de leur médecin de famille ces produits pharmaceutiques particuliers parce qu'ils croient ce qu'ils voient à la publicité. Qu'allez-vous faire face à cela?

Vous avez souligné que les compagnies pharmaceutiques étaient de gigantesques entreprises. Que pouvez-vous faire face à cette situation et que peuvent faire les médecins? Docteur MacKean, vous voulez peut-être répondre aussi à cette question.

Mme Auld: Je sais que les consommateurs reçoivent une partie de ces informations et qu'elles font leur chemin jusque dans les pharmacies locales, que ce soit dans un hôpital ou au sein d'une collectivité. Là encore, il s'agit d'éduquer le public et de lui confirmer que nous avons un système différent au Canada. Souvent, on voit des annonces pour des médicaments auxquels nous n'avons pas accès. C'est une situation difficile et je serais certainement d'accord pour que le gouvernement filtre certaines de ces publicités, mais c'est presque impossible à faire sur l'Internet. Je pense qu'on pourrait intervenir sur les annonces à la télévision et dans les revues.

M. Smith: L'éducation est cruciale car on ne pourra jamais enrayer le flot d'informations en provenance de l'étranger. Les États-Unis ont de toute évidence choisi une route complètement différente sur la question des médicaments et de l'industrie pharmaceutiques. Pour eux, il y a un marché des produits pharmaceutiques ouvert comme n'importe quel autre marché.

On ne peut pas empêcher l'information d'arriver ici. On peut l'enrayer. On enraye les publicités pour les cigarettes, même si elles peuvent passer sur le câble, mais on n'interdit pas les annonces pour les produits pharmaceutiques. Il faut faire comprendre au public que la publicité n'a pas un caractère de preuve. Il faut que les consommateurs s'adressent à une source respectée pour avoir la vérité.

Le Dr MacKean: En tant que médecins, nous sommes là pour revendiquer les meilleurs soins pour les patients. Il est important de maintenir la séparation entre l'industrie pharmaceutique et les médecins, et il existe des lignes directrices à cet effet. Une des stratégies populaires que nous enseignons aux résidents auxquels nous nous adressons dans tout le Canada, dans nos programmes de formation, consiste à accompagner les ordonnances de ce conseil: marchez 30 minutes par jour, ne fumez pas, ayez un horaire familial équilibré and mangez bien. Il est essentiel de maintenir la séparation entre le médecin et l'industrie pharmaceutique.

Les gens ont l'impression qu'il y a une pilule magique pour tout. Très souvent, ce n'est pas le cas et un simple changement dans le mode de vie peut souvent faire toute la différence. Nous ne prescrivons des médicaments que lorsque c'est nécessaire.

Notre association cherche à s'assurer que les médecins obtiennent des informations objectives et prouvées sur les produits pharmaceutiques et leur bon usage. Nous avons fait beaucoup de bon travail en collaboration avec les pharmaciens et les médecins, et nos relations s'inscrivent dans un cadre de réseaux de pratique familiale.

Le sénateur Callbeck: Docteur MacKean, j'ai lu un article dans lequel on disait que les médecins de famille de l'Île-du-Prince-Édouard travaillaient 96 heures par semaine.

Le Dr MacKean: La moyenne nationale est de 73 heures. Nous avons le douteux privilège de travailler 96 heures par semaine. C'est exact. Nous n'en sommes pas fiers et nous avons proposé des solutions consistant notamment à augmenter le nombre d'inscriptions dans les écoles de médecine et à accroître le nombre de programmes de formation en médecine familiale. On a sabré dans ces deux programmes au cours des années 90. Si cette tendance se poursuit, nous ne pourrons plus maintenir la pratique des médecins de famille pour assurer les soins de première ligne au Canada ou dans l'Île-du-Prince-Édouard.

Nous avons présenté des recommandations pour renverser cette tendance. Nous voulons promouvoir l'équilibre chez nos patients et dans notre propre existence. Le projet JANUS montre qu'il faut trouver des moyens d'équilibrer la vie des médecins. D'autres professionnels de la santé sont aussi surchargés de travail et très stressés.

Le sénateur Callbeck: Les choses vont encore empirer avant de s'améliorer. Je sais que vous avez beaucoup de recommandations. Vous avez parlé d'augmenter le nombre de places dans les écoles de médecine. Qui devrait prendre cette initiative? Nous n'aurons pas de système de santé satisfaisant si nous n'avons pas les professionnels nécessaires. Qui doit se charger de veiller à ce que nous ayons ces professionnels à l'avenir?

Le Dr MacKean: Nous croyons à la collaboration. J'ai déjà dit que Santé Canada et DRHC avaient engagé 4 millions de dollars dans une stratégie sur les ressources en santé humaine pour le Canada. Le deuxième groupe de travail du Forum médical canadien, qui examine les besoins à long terme en matière de ressources de santé, va injecter lui-même d'autres fonds dans cette entreprise. Je trouve que c'est très encourageant et je crois que c'est la bonne démarche. Je pense que cela va marcher. Je suis optimiste et je vous encourage à appuyer cette initiative.

Il faut six ans pour former un médecin de famille et jusqu'à 10 ans pour former un spécialiste du Collège royal. Nous sommes actuellement en crise et la situation ne va faire qu'empirer au cours des prochaines années. Nous avons essayé de voir si nous pourrions combler le vide en faisant appel à des diplômés en médecine étrangers. Nous sommes prudents et nous discutons avec les autorités qui octroient les permis pour nous assurer que ces spécialistes sont formés conformément à nos normes pour assurer des soins appropriés au Canada.

Le sénateur Callbeck: Je suis curieuse de lire les documents sur votre réseau de pratique familiale. Je pense que c'est une initiative très positive d'après ce que vous dites, et je vous en félicite.

Monsieur Smith, vous avez parlé de mise à l'essai des médicaments. Le gouvernement fédéral n'intervient-il pas dans ces essais? C'est la compagnie pharmaceutique qui élabore un médicament, qui fait elle-même les essais et qui transmet ensuite les informations aux responsables de la santé? Que fait le gouvernement fédéral?

M. Smith: Le gouvernement joue un petit rôle, un rôle secondaire. Les informations communiquées aux organismes du gouvernement chargés de donner leur approbation proviennent essentiellement d'études menées par la compagnie pharmaceutique elle-même. Je ne peux pas affirmer catégoriquement qu'il n'y ait pas de participation fédérale, mais de toute façon cette participation est insuffisante pour nous permettre de répondre au problème de l'augmentation du budget des soins de santé qui est siphonné par ces médicaments extrêmement coûteux.

Le sénateur Callbeck: Vous dites que si les compagnies pharmaceutiques ne participaient pas à ces essais, le coût de ces médicaments diminuerait considérablement.

M. Smith: On pourrait concevoir un essai permettant de montrer l'utilité du médicament. Ce n'est pas la compagnie pharmaceutique qui organiserait cet essai et qui en publierait les résultats. Tous ces essais se font généralement à huis clos, et même quand les résultats sont publiés, il faut bien faire attention à leur provenance. Bien souvent, ces études sont mal faites. Elles ne s'appuient pas sur de bonnes bases scientifiques, et on devrait obliger les compagnies à mieux faire les recherches. La seule façon d'y parvenir, c'est de créer un organisme pour s'assurer que les études sont correctement effectuées.

Le sénateur Callbeck: Les compagnies pharmaceutiques ne sont pas vraiment responsables de ce qu'elles avancent au sujet d'un médicament?

M. Smith: Une compagnie peut très bien sortir un médicament sur le marché et dire: Ce nouveau médicament antidouleur est meilleur que tous les autres dans sa catégorie et entraîne moins d'effets secondaires. Nous sommes à peu près obligés de la croire sur parole. C'est la compagnie qui a fait l'étude, qui a publié les données, qui a établi les statistiques et nous sommes bien obligés d'accepter ce qu'elle dit tant que nous ne pouvons pas établir la preuve du contraire.

La validation, cela veut dire que le médicament est commercialisé, que les consommateurs le prennent, qu'on examine ses répercussions négatives ou son efficacité comparativement à d'autres médicaments existants, et qu'on finit par se prononcer. Souvent, cela prend des années, et entre-temps on peut gaspiller des sommes colossales à acheter le médicament en question.

Le sénateur Callbeck: Vous dites qu'en Angleterre il y a un partage du risque?

M. Smith: C'est quelque chose de très nouveau. Je ne sais plus si c'était dans le British Medical Journal ou dans The Lancet, mais c'est une idée qui m'a paru extrêmement judicieuse. On parlait de certains médicaments utilisés pour la sclérose en plaques qui sont très contestés parce qu'il est très difficile de prouver leur efficacité. Certains disent qu'ils n'ont aucune efficacité. Les organismes britanniques chargés de contrôler l'efficacité des médicaments ont dit qu'ils n'étaient pas assez efficaces pour être financés par le public. Toutefois, ces organismes ont conclu un compromis avec les compagnies pharmaceutiques: en échange du financement du médicament, ils pourront récupérer l'argent investi si le traitement échoue. C'est une notion intéressante.

Le sénateur Callbeck: Je n'ai jamais pu comprendre cela. Quelquefois, un nouveau médicament sort aux États-Unis et n'est pas encore accepté au Canada, mais un médecin peut le prescrire au Canada et l'obtenir pour un patient.

M. Smith: Cela dépend du médicament. Certains sont disponibles si on peut les trouver sur le marché aux États-Unis. Si le médicament a été testé, et selon la situation, on peut dans certains cas se le procurer dans le cadre de ce qu'on appelle le Programme d'accès spécial.

Il n'est pas illégal de s'approvisionner en produits pharmaceutiques aux États-Unis à des fins personnelles, même si c'est un médicament prescrit sur ordonnance. Ce n'est pas possible pour des stupéfiants, mais cela l'est pour des médicaments prescrits sur ordonnance. Par exemple, quand le Viagra a été commercialisé aux États-Unis et n'était pas disponible au Canada, un résident canadien pouvait très bien s'en faire envoyer de l'étranger. Ce n'était pas illégal. Il y a quelques flottements dans le système.

Le sénateur Callbeck: Madame Auld, l'historique des ordonnances des gens de l'Île-du-Prince-Édouard est disponible en ligne?

Mme Auld: Si un patient reçoit une ordonnance dans le cadre d'un programme du gouvernement provincial, cette information est inscrite dans la base de données provinciale. Si la personne s'adresse à une autre pharmacie, il y a une vérification médicale. On sait qu'elle a déjà eu une ordonnance dans une autre pharmacie, mais on ne sait pas où ni quand. À ce moment là, c'est au pharmacien de décider de ce qu'il doit faire.

Le programme a pour but d'intégrer toutes les pharmacies, tous les médecins et les hôpitaux dans un système complet leur permettant d'avoir accès aux informations sur un patient.

Le sénateur Callbeck: Est-il question d'élargir ce programme lorsqu'on aura les fonds nécessaires?

Mme Auld: Je ne suis pas sûre. Je pense que le financement a été un problème mais qu'il y a eu aussi des difficultés liées à la technologie. Les pharmacies sont prêtes à aller de l'avant, mais le système n'est pas encore pleinement opérationnel.

Le sénateur Callbeck: Pourquoi allons-nous avoir une pénurie de pharmaciens au Canada?

Mme Auld: Parce qu'il n'y a pas assez de pharmaciens. La demande augmente parce que les pharmacies sont en expansion. Heureusement, ce problème devrait se régler bientôt. Comme dans le cas de la médecine, les écoles de pharmacie commencent à augmenter leur nombre d'inscriptions, mais cela va prendre quatre ou cinq ans.

De très nombreux pharmaciens sont partis aux États-Unis. Ils quittent le Canada, attirés par les avantages financiers, des salaires plus élevés et le dollar américain qui est plus fort.

Les nouveaux diplômés en pharmacie sont très endettés lorsqu'ils terminent leurs études. Certains poursuivent ces études pendant huit ans et ont des dettes colossales. S'ils partent aux États-Unis, ils peuvent les rembourser plus facilement.

D'autres pharmaciens partent à cause des conditions dissuasives. Ils ne peuvent pas pratiquer comme ils le souhaiteraient. Ils ont une mentalité très technique et ils veulent avoir une démarche clinique. Le système ne les appuie pas, alors ils sont frustrés et ils s'en vont ou changent de profession.

Le sénateur Cook: J'aimerais discuter des compagnies pharmaceutiques. Est-ce que la Loi sur les médicaments brevetés a une influence sur les compagnies pharmaceutiques? Voulez-vous dire que cette industrie est complètement indépendante et qu'elle peut demander à un chercheur d'approuver des médicaments produits en laboratoire? Comment fonctionne le système et quelle est la procédure suivie pour sortir un médicament?

M. Smith: N'oublions pas tout d'abord que les compagnies pharmaceutiques sont de gigantesques entreprises. Ce sont essentiellement les États-Unis qui contrôlent l'industrie au Canada. L'industrie pharmaceutique représente le plus gros lobby aux États-Unis. Elle emploie plus de lobbyistes qu'il n'y a de membres du Congrès. Ce sont des compagnies qui sont dans les 48 premières industries de l'Indice Fortune 500. L'industrie pharmaceutique occupe le premier rang pour les rendements sur les investissements et les profits. En 2000, Merck, qui réalisait les plus gros bénéfices, a engrangé 9,8 milliards de dollars de profit, du moins c'est ce que l'entreprise a déclaré aux États-Unis. Donc, quand on parle de pouvoir, on peut dire que l'industrie pharmaceutique a un pouvoir incroyable et qu'il ne faut pas prendre ce pouvoir à la légère. Les consommateurs devraient en être conscients aussi. Avec ce pouvoir colossal, cette industrie peut contrôler les lois. C'est l'industrie pharmaceutique qui a bloqué l'initiative de soins de santé universels de Clinton. Leur influence donne le vertige.

Le sénateur Cook: En vertu de la Loi sur les médicaments brevetés, on obtient un brevet pour tant d'années. Il y a certaines protections au Canada, mais il n'y a pas de loi analogue aux États-Unis.

M. Smith: Il y a des brevets pour les médicaments aux États-Unis et leurs brevets sont en général protégés pour une durée beaucoup plus longue que chez nous.

Le sénateur Cook: Quelle est l'influence de la Loi sur les médicaments brevetés, dont relève le registre des médicaments commercialisé, sur l'industrie des médicaments elle-même? J'essaie simplement de savoir si l'industrie a des comptes à rendre.

Mme Auld: Je ne connais pas bien la Loi sur les brevets, mais je connais la Direction des produits thérapeutiques de Santé Canada, qui fait les évaluations des médicaments mis sur le marché. L'industrie doit fournir les informations à la Direction des produits thérapeutiques qui lui décerne un avis de conformité. Pour obtenir cet avis de conformité, il faut respecter certaines exigences.

Je ne sais pas si le secteur pharmaceutique peut commercialiser quelque chose directement sans aucune responsabilité. Il y a une procédure à respecter et je crois que nous sommes plus stricts que les Américains. Souvent, on voit des médicaments américains pour lesquels on n'a pas décerné d'avis de conformité. Toutefois, le système n'est pas sans faille parce qu'on assiste à des rappels de produits qui avaient reçu un avis de conformité et qui se révèlent malgré tout nocifs. Dans ce cas, il y a un rappel d'urgence et on dit aux pharmaciens de retirer le produit de leurs rayons et de le renvoyer parce qu'il y a eu par exemple des problèmes d'interaction imprévus ou des effets secondaires qui affectent la santé des consommateurs. Dans certains cas, il arrive que les réactions soient mortelles.

Le sénateur Cook: Seriez-vous en faveur d'une stratégie de partage des risques avec Santé Canada pour nous protéger de ce genre de situation?

Mme Auld: Je ne pense pas, mais le ministère se sert tout de mêmes des études réalisées par l'industrie. On n'a toujours pas ce groupe indépendant qui pourrait faire les évaluations et les études et décider si le médicament est autorisé ou non.

Le sénateur Cook: Vous pensez que ces compagnies contournent le système?

Mme Auld: Je ne crois pas qu'il y ait de système à contourner. Les compagnies profitent du système tel qu'il existe.

Le sénateur Cook: Vous voyez une solution? J'ai peur de me retrouver avec le mauvais médicament.

Mme Auld: Il nous manque une étape plus rigoureuse avant que le médicament soit commercialisé. Cette étape n'existe pas actuellement.

M. Smith: Je ne m'inquiète pas trop de la sécurité des médicaments car je pense que nous avons d'assez bonnes garanties au Canada. Une fois que les médicaments sont commercialisés, nous pouvons les examiner. On encourage beaucoup les gens à signaler les réactions indésirables à un médicament pour qu'on puisse voir s'il y en a beaucoup qui sont liées à un médicament particulier.

Ce que je dis, c'est que les compagnies ne sont aucunement responsables lorsque quelque chose ne fonctionne pas ou qu'un produit ne donne pas de meilleurs résultats que les autres sur le marché. Je ne suis pas d'accord avec les grandes campagnes publicitaires qui prétendent que tel ou tel produit est meilleur que les autres. C'est à ce niveau-là que je dis que les grandes compagnies n'ont aucune responsabilité.

Le sénateur Cook: Il n'y a aucune information reposant sur des preuves à l'entrée, et une fois l'autorisation décernée, c'est trop tard.

M. Smith: Oui, et tout dépend de votre définition de preuves. Il est presque impossible de déterminer si les preuves fournies sont véritablement scientifiques, car c'est la compagnie pharmaceutique elle-même qui les fournit.

Le sénateur Cook: Vous avez des solutions à proposer?

M. Smith: Quand on en arrive au stade des essais cliniques sur des humains, pour que soit décernée l'autorisation de commercialisation au Canada, il faudrait que ce soit un organisme indépendant qui effectue ces essais ou tout au moins en assure la supervision. Il faut que nous ayons un organisme impartial pour juger si les essais sont correctement effectués ou non. Cet organisme pourrait aussi recommander certaines modifications du médicament avant d'autoriser sa commercialisation. Les essais coûtent cher et ce coût se répercute dans le prix du médicament. Une fois le médicament sur le marché, nous payons pour faire d'autres études destinées à vérifier si les arguments de la compagnie sont vrais et, bien franchement, souvent ils ne le sont pas.

Le sénateur Cook: Si nous avions un formulaire national des médicaments, est-ce que cela atténuerait le problème et est-ce que cela simplifierait la situation?

M. Smith: Je pense qu'un formulaire national des médicaments serait une initiative utile, ne serait-ce que pour imposer une sorte de continuité à partir du sommet de façon à permettre au moins aux gouvernements provinciaux d'avoir une base commune pour leur gestion des médicaments au niveau provincial. Si l'on fait les choses correctement, les médicaments inscrits dans ce formulaire auront fait l'objet d'une certaine approbation. Oui, je pense que c'est une bonne idée.

Le sénateur Cook: Docteur MacKean, j'aimerais vous parler du réseau de pratique familiale. Je viens d'une région rurale de Terre-Neuve dont la population vieillit. La population rurale de Terre-Neuve a diminué de 30 000 personnes en cinq ans. Je pense qu'on peut répondre aux préoccupations de la plupart des gens en matière de santé dans un cadre communautaire ou régional. C'est ce que j'appelle le système du guichet unique et je pense que votre réseau de pratique familiale fonctionnerait bien dans notre région. Je me demande si on pourrait regrouper la santé de la population, la santé communautaire et les patients en ayant un registre. Ce serait beaucoup mieux que de laisser les gens attendre pendant des heures dans un hôpital de soins primaires pour recevoir des pilules contre la tension artérielle, une injection d'insuline, et cetera. Voyez-vous les éléments qui sont en dehors du programme maintenant?

Le Dr MacKean: J'ai décrit certains éléments pour montrer ce que nous pouvons faire. Nous trouvons que c'est réalisable. C'est orienté vers les services. Il s'agit de soins complets pour les Canadiens avec des services sur demande. On peut effectivement parler de guichet unique. C'est beaucoup plus facile pour le public. Nous avons même pensé à un système virtuel, c'est-à-dire que les communautés isolées pourraient être en contact avec d'autres régions aussi.

Je crois que le modèle est réalisable et ce ne doit pas nécessairement être la même méthode partout. Les besoins sont différents selon les collectivités, et chacun pourrait trouver un système qui correspond à sa situation particulière.

Le sénateur Cook: Je sais qu'il n'est pas possible d'y parvenir pour chaque communauté, mais ce serait peut-être envisageable dans une région. Envisagez-vous ce genre de chose en milieu urbain aussi?

Le Dr MacKean: Nous imaginons que ceci pourrait fonctionner dans toutes les régions du Canada. Nous pensons que cela pourrait marcher en milieu urbain et au centre des villes et dans certains cas peut-être encore mieux là. On parle de crise dans le Canada rural, mais il y aussi une crise dans le Canada urbain et dans le centre des villes canadiennes. Toutes les régions du Canada pourraient être intégrées au modèle et tous les Canadiens seraient inclus.

Le sénateur Cook: En êtes-vous arrivés au stade où vous seriez prêt à lancer un projet pilote?

Le Dr MacKean: Nous en avons discuté avec tous les ministères provinciaux. C'est l'Ontario qui est le plus avancé. Il essaie d'organiser ce processus en ce moment même. Il y a des projets pilotes dans tout le Canada. Il nous faut encore des recherches sur les projets pilotes. Santé Canada a mis sur pied un fonds pour entreprendre cette étude. Nous devons examiner les projets pilotes afin d'être sûrs de choisir un modèle qui répondra le mieux possible aux besoins des Canadiens.

Le sénateur Cook: Pensez-vous que ce serait une initiative fédérale?

Le Dr MacKean: Je crois que ce devra être un partenariat. Ce sont les provinces qui sont responsables en matière de soins de santé et ce sont elles qui prennent la direction des opérations. Cependant le gouvernement fédéral pourrait participer également et veiller à faire respecter les principes de l'assurance-maladie.

Le sénateur Cook: L'assurance-maladie a été conçue pour les personnes hospitalisées. Les besoins du pays ont changé. Nous avons besoin de soins continus et de soins à domicile pour les malades gravement atteints qui sont en convalescence et ont besoin de quatre ou cinq jours ou d'une semaine.

Nous devons nous concentrer sur le bien-être des aînés et des personnes âgées fragiles, et cela me préoccupe personnellement puisque je vais arriver à cet âge-là bien assez tôt. J'espère que je vivrai assez longtemps pour voir ce genre de système en place. J'aimerais qu'il y ait un régime de santé publique pour la population, des programmes d'éducation pour les jeunes mamans, pour l'allaitement au sein, pour les tests de PAP, et cetera. Si nous pouvions faire sortir ces programmes des hôpitaux, je pense que nous réduirions le stress et aussi certains des coûts.

Le Dr MacKean: Nous avons recommandé plus d'éducation, plus de travail sur les soins aux enfants, le développement de la petite enfance et l'éducation à l'intention des parents. Ces réseaux peuvent atteindre ces objectifs. C'est dommage que l'on soit très loin du volume qu'il devrait y avoir. Nous devons travailler dans ces domaines. C'est là que se trouveront les plus gros investissements: la santé de la population, les enfants, les parents et les familles. C'est un grand domaine, oui.

Le sénateur Cook: Où placera-t-on les problèmes comme l'eau potable contaminée, la vaccination contre la variole et l'anthrax? Va-t-on les mettre dans la catégorie santé communautaire de la population? Est-ce que ce sera la salle d'urgence de l'hôpital qui répondra à ces problèmes? Beaucoup de questions se posent quant à savoir ce qu'il faut faire dans ce domaine.

Le Dr MacKean: Je pense que l'immunisation est un grand succès au Canada parce que nous avons pratiquement une immunisation universelle contrairement aux États-Unis où un tiers seulement de la population est vaccinée. Nous sommes très en avance sur les États-Unis à cet égard. Des programmes comme ceux-là permettront de faire la promotion de la santé.

L'honorable Archibald H. Johnstone, ancien sénateur: J'ai entendu des statistiques concernant la pénurie de médecins et d'infirmières, la toxicomanie, la consommation de tabac et d'alcool, le cancer, le coût des ordonnances, l'inactivité de notre population et les problèmes des personnes ayant un excédent de poids au Canada. La plupart de ces problèmes existent à l'Île-du-Prince-Édouard. À quoi attribuez-vous ces facteurs?

Le Dr MacKean: Nous vivons dans un monde de haute technologie où tout va vite et où les gens ne reviennent pas aux sources. Comment revenir à cela? Comment peut-on faire revenir «l'ancien mode de vie» au Canada? C'est très difficile, surtout lorsque tous les médias sont là pour faire la promotion de la dernière pilule à la mode. C'est un combat très difficile.

Je peux vous dire qu'il faudra des mesures à tous les niveaux. Pour ce qui est de notre proposition sur les réseaux de pratique familiale, nous pensons que ceci nous permettrait d'aborder les problèmes de santé d'une façon plus efficace parce que nous serons là et nous serons une ressource pour la population. Nous essaierons d'inclure les infirmières, les pharmaciens, les physiothérapeutes, les diététistes, les travailleurs spécialisés en santé mentale et en toxicomanie dans nos réseaux.

Pour nous, c'est en fait une solution à tous nos problèmes de santé si c'est fait de façon concertée. Nous pensons que nous pouvons améliorer ces paramètres de santé dont on a parlé tout à l'heure et qui semblent très dévastateurs.

La vice-présidente: Merci beaucoup de votre témoignage, docteur MacKean. Je puis vous assurer que tous vos avis seront pris en considération lorsque nous délibérerons. Merci encore au nom du comité. Nous allons maintenant inviter le groupe suivant à venir à la table.

Mme Sylvia Poirier, présidente, Queens Regional Health Authority: Je suis présidente bénévole du Conseil de santé de la région de Queens. La réforme des soins de santé et la régionalisation des services au début des années 90 ont entraîné des changements dans les responsabilités administratives à la suite desquels nos commissions hospitalières sont devenues des commissions régionales. Il y a cinq régions en matière de santé à l'Île-du-Prince-Édouard. La région de Queens représente environ la moitié du territoire de l'Île-du-Prince-Édouard et la moitié de la population, soit environ 70 000 personnes. Nous avons 25 centres dont le plus grand centre de soins tertiaires, le Queen Elizabeth Hospital, qui a une capacité de 287 lits. Nous avons un personnel de 2 500 employés et un budget de plus de 150 millions de dollars, soit un peu moins de la moitié du budget provincial de soins de santé.

La composition des conseils est définie dans la loi. Celle-ci prévoit une combinaison de membres élus et nommés. Les grandes régions, comme Queens, ont un conseil de neuf personnes, dont cinq sont élues et quatre nommées; alors que les petites régions ont un total de sept membres, quatre élus et trois nommés. L'ajout récent des membres élus a garanti que les membres sont responsables envers la collectivité.

Chaque conseil est responsable et imputable envers les citoyens de sa région pour la prestation de soins de santé dans cette région.

Notre conseil est chargé de par son mandat de la direction des politiques. Cela veut dire que nous passons notre temps à travailler sur les politiques sans nous occuper du fonctionnement. Nous ne prenons pas de décisions à propos de programmes particuliers, de dotation ou de postes budgétaires particuliers.

C'est une notion difficile à comprendre pour les membres de notre conseil. Beaucoup d'entre eux ont fait partie d'autres conseils qui fonctionnaient d'une façon plus traditionnelle, les membres du conseil s'occupant des détails du fonctionnement quotidien. Certains membres ont encore du mal à ne pas se préoccuper du travail qui revient au personnel et à se limiter au travail du conseil.

Les conseils se préoccupent des résultats et des buts qu'ils veulent atteindre pour l'ensemble de l'organisation. Pendant ce temps, le directeur général et le personnel étudient les moyens à prendre pour atteindre ces résultats. C'est toujours un défi parce que, comme nous le savons tous, les éléments les plus intéressants se situent au niveau des responsabilités du personnel. Pour citer John Carver dans son manuel, Boards That Make a Difference:

Le conseil a la responsabilité d'une organisation qu'il ne voit pas, qui effectue une multitude de tâches qu'il ne comprend pas.
En accord avec le ministre, le conseil engage un directeur général. C'est au conseil de définir le rôle de celui-ci qui est le seul employé du conseil. Les autres membres du personnel relèvent du directeur général et celui-ci est responsable devant le conseil de ses propres actes, ainsi que du rendement de toute l'organisation régionale. Le directeur général relève également du ministre. Nous avons vu qu'il y a souvent des problèmes à servir deux maîtres à la fois.

En plus d'établir des objectifs et de tracer les grandes orientations, ainsi que de contrôler le travail du directeur général et le fonctionnement de la région en ce qui concerne les programmes et les services, le conseil doit aussi rendre des comptes aux citoyens et représenter leurs besoins. C'est une tâche considérable et nos conseils la prennent très au sérieux. Les conseils le font de diverses façons, notamment en procédant à des évaluations des besoins communautaires, en tenant des réunions communautaires sur des sujets de préoccupation particuliers, en organisant des réunions du conseil ouvertes au public et en assurant la liaison avec des organismes bénévoles qui jouent un rôle important dans la prestation de services de soins de santé.

En outre, nos conseils ont contribué à éduquer le public, à faire la promotion de la santé et à se faire les porte-parole de la communauté quand de telles initiatives sont nécessaires.

Katherine Kelly, présidente du Conseil de santé d'East Prince, a réalisé une enquête sur les membres des conseils de santé de l'Île-du-Prince-Édouard dans le cadre de sa thèse de maîtrise. Elle a étudié la façon dont les membres du conseil actuel comprenaient leur rôle et leurs responsabilités. Son étude révèle ceci: les membres du conseil, élus et nommés, ont un fort sentiment d'engagement et de responsabilité envers leur communauté même si selon la loi, ils relèvent du ministre. Cependant, les membres du conseil déplorent que leur rôle ne soit pas mieux précisé, de même que les pouvoirs décisionnels et la responsabilité.

Ils ont évoqué plusieurs problèmes particuliers, notamment: ils se sentent trop éloignés de l'organisation, peut-être à la suite du modèle de gestion axé sur les politiques; on ne sait pas exactement si le conseil dirige ou s'il a un rôle consultatif, d'autant plus que les conseils n'engagent pas leur propre directeur général indépendamment; il est difficile de distinguer les rôles et les responsabilités du ministre de la Santé, du sous-ministre, des conseils et des directeurs généraux; ils trouvent qu'ils n'ont pas assez de pouvoir sur la façon dont les ressources sont contrôlées et attribuées; ils ne savent pas exactement dans quelle mesure les conseils sont responsables de leurs décisions et regrettent que le conseil ne prenne pas davantage de décisions; ils souhaitent que les responsabilités financières soient précisées, dans la mesure où il y a une divergence entre ce qui est logique et ce qui est politiquement acceptable.

Si le gestionnaire principal, le directeur général ou le conseil ne fournit pas ce qu'un individu ou un groupe particulier désire, la pratique habituelle est de s'adresser directement au ministre ou au premier ministre; et c'est sans doute ceci qui explique pourquoi, même après huit ans de conseils régionaux, il n'est toujours pas certain que la communauté voie le conseil comme un organisme de direction crédible disposant des pouvoirs nécessaires pour dispenser des services de santé.

L'étude fait également apparaître des éléments positifs, notamment: l'engagement des membres du conseil; le rôle consultatif du ministre et du sous-ministre; la fréquence et l'efficacité des communications; les rencontres régulières des directeurs généraux avec le sous-ministre; deux sessions de travail par an du conseil régional avec le ministre et le sous-ministre et un plan de santé stratégique provincial élaboré en consultation avec les conseils régionaux, le personnel et l'ensemble de la population.

Pour nous qui connaissons bien l'administration régionale, il est clair que ces questions sont en grande partie dues aux changements que nous avons connus et nous savons et nous espérons qu'elles sont le fait des forces de transition et que les problèmes finiront par se régler.

Je tiens à préciser toutefois que la confusion qui entoure le rôle des conseils est un problème distinct de celui de l'état des soins de santé dans la province. La régionalisation a été une initiative très positive en ce qui concerne la prestation des services de santé et je suis tout à fait d'accord avec vos conclusions sur la régionalisation. Vous dites dans le mémoire que:

[...] la régionalisation et la réforme des soins de santé ont été un élément clé dans l'amélioration de l'intégration des services de santé,
J'ajouterais à cela, «à l'Île-du-Prince-Édouard».

M. Ken Ezeard, directeur général, West Prince Health Authority: Je suis le directeur général du West Prince Health Authority. Je suis aussi actuellement président national de l'Association canadienne des soins de santé pour 2001-2002.

L'Association canadienne des soins de santé, qui est une fédération des associations provinciales et territoriales, appuie tout à fait le rôle de gestion volontaire dans l'administration des organisations et services de santé dans tout l'éventail des services sociaux et de santé. L'Association a préparé et présenté plusieurs mémoires pour insister sur l'importance de la gestion bénévole et prépare actuellement un énoncé complet de sa position sur les rôles et responsabilités dans le cadre du système canadien de soins de santé. Cependant mes remarques sont axées sur le rôle que je joue en tant que directeur général de l'une des régions de santé de l'Île-du-Prince-Édouard et mes commentaires sont un bref résumé des valeurs et des questions auxquelles sont confrontés les gouvernements régionaux à l'Île-du-Prince-Édouard et aussi bien sûr dans l'ensemble du Canada.

Sylvia Poirier a décrit le cadre régional et le nombre et la taille de conseils selon les dispositions de la loi. La région de Queens est la plus grande et la région de West Prince vient au deuxième rang pour ce qui est du nombre de personnes desservies. Notre population est de 16 000 habitants et nous avons un budget annuel de 18 millions de dollars. Notre population n'est pas nombreuse mais la région est la plus grande géographiquement puisqu'elle couvre toute la partie ouest de l'Île.

La région comprend deux hôpitaux, l'un avec 27 lits de soins actifs et le deuxième avec 13 lits de soins actifs de courte durée et 15 lits de soins à long terme. Nous avons aussi un centre de soins à long terme distinct de 49 lits et toute une gamme de services sociaux et de santé communautaire régionaux. Les services sont dispensés à partir des villes d'Alberton, d'O'Leary et de Tignish. Les membres du conseil représentent chacune de ces villes et les zones avoisinantes ainsi que la région rurale de Cascumpec. Notre conseil existe depuis 1996 et après ces années, voici ce qui a été réalisé dans la région et les problèmes que nous devons résoudre. Les éléments positifs sont les suivants: le mandat et le champ d'action des régions couvrent toutes les grandes disciplines du domaine de la santé ainsi que les services sociaux et les services aux toxicomanes, y compris l'aide aux bénéficiaires d'aide sociale, des renvois plus rapides à d'autres médecins ou à des spécialistes et une interaction entre les services; il est beaucoup plus facile de faire venir tout le personnel professionnel s'occupant d'un patient, d'un résident ou d'un client à la même réunion ou conférence de cas, puisqu'ils appartiennent tous à la même organisation. On prend davantage de bonnes décisions au bon moment en utilisant les ressources de la façon la plus efficace qui soit; tous les soins de santé sont maintenant couverts par une seule organisation de gestion et les conseils régionaux peuvent entreprendre une évaluation des besoins en information pour tous les services; la prestation des services est plus nettement séparée de l'élaboration des politiques ou de l'orientation du gouvernement et l'on prend davantage de décisions au point de contact des services; grâce au modèle modifié de gestion axée sur les politiques pour les conseils de l'Autorité régionale de la santé, il est plus facile de distinguer entre l'orientation des politiques et la planification stratégique du conseil et les opérations quotidiennes de la direction, y compris la réalisation des buts et des objectifs de l'organisation; après cinq ans d'incertitude et d'instabilité tandis que les organisations apprenaient leur nouveau rôle, il y a maintenant trois ans de croissance et de développement où les organisations se sont stabilisées, ont effectué une planification stratégique, et atteignent maintenant leurs objectifs dans tous les secteurs de la santé et des services sociaux; on réalise des économies d'échelle sur divers plans, notamment des économies dans l'administration, des achats groupés, des contrats de services globaux et des interactions entre les différents secteurs de l'organisation; les régions de santé ont une plus grande responsabilité en ce qui touche l'établissement des politiques et les fonds alloués par le gouvernement provincial en ce sens qu'elles mesurent les résultats et ont une allocation budgétaire annuelle; il y a davantage d'occasions de coopération interrégionale pour le partage des services spécialisés à tous les niveaux de soins.

En même temps, des problèmes persistent: l'orientation et l'éducation des membres du conseil sont plus complexes et plus exigeantes et les nouveaux membres doivent passer plus longtemps au conseil avant de se sentir à l'aise par rapport à la vocation de service total et individuel de l'organisation; comme les conseils sont maintenant élus par la communauté, ou nommés par le gouvernement, il n'y a pas de participation directe des médecins aux conseils, sauf s'ils sont nommés dans une région. Par conséquent, il faut trouver de nouvelles méthodes pour obtenir les avis nécessaires grâce à des réunions et des discussions régulières avec les médecins régionaux.

Il existe d'autres problèmes: les conseils doivent honorer et respecter le passé afin de créer la transition nécessaire pour mettre progressivement l'accent sur la prestation de services plutôt que sur l'infrastructure; il faut des efforts et une attention considérables pour faire respecter le rôle légitime du conseil de représentation de la communauté et de planification de la prestation des services régionaux; le modèle de gestion des politiques utilisé par l'administration régionale de l'Île-du-Prince-Édouard réduit la participation directe des conseils aux prises de décisions financières à l'exception de l'établissement des paramètres clés des politiques et de la surveillance des résultats. Pour maintenir la participation et la crédibilité des conseils, le système de préparation budgétaire et de prévisions doit être conçu de façon à permettre la participation active des conseils au processus. Autrement, les conseils régionaux de santé de l'Île-du-Prince-Édouard peuvent en être réduits à un rôle consultatif, ce qui conduit, l'expérience l'a montré, à une perte d'intérêt et à une diminution de la participation et du soutien au niveau communautaire.

À l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons des membres du conseil solides et engagés qui ont joué un rôle vital dans l'évolution du système de services communautaires et de santé et il est extrêmement important qu'ils conservent leur rôle de gestion bénévole qui constitue un élément essentiel pour l'avenir des soins de santé au Canada et dans notre cas pour le système de services sociaux. Je vous remercie.

Le Dr Don Ling, directeur des Services médicaux, ministère de la Santé et des Services sociaux, Î.-P.-É.: Je vous présente mes excuses parce que je n'ai pas de mémoire préparé à vous présenter. Je suis médecin de famille depuis environ 23 ans. J'ai été président du conseil de l'Agence de la santé et des services communautaires à l'Île-du-Prince-Édouard.

Je pense que c'est pour cette raison que j'ai été invité à cette réunion sur la gouvernance et je suis très heureux d'y participer. Je suis directeur des Services médicaux depuis environ cinq ans.

Cela a été une expérience extraordinaire d'observer l'évolution du système de soins de santé. L'un des problèmes de ce système, c'est qu'on a eu du mal à attirer des fournisseurs de soins, surtout dans le groupe des médecins, dans le secteur administratif, or je crois que c'est un rôle important qui est mal compris.

J'ai eu la chance d'entendre une partie de la précédente séance où il y avait un médecin de famille, et les commentaires des autres étaient aussi intéressants. Leurs exposés étaient utiles.

La question de la gouvernance est un défi important. Les provinces se battent dans tout le pays pour trouver le système le plus efficace et je pense que c'est pour cela que les systèmes évoluent constamment.

Il faut définir de façon très claire notre système de soins actifs. Les attentes sont énormes, mais les capacités sont limitées. Nous sommes à peu près à la limite de nos capacités financières actuellement. Il y a apparemment très peu de ressources supplémentaires disponibles dans les budgets provinciaux. Les autorités fédérales et leurs homologues provinciales discutent pour savoir qui peut soutenir quoi. J'ai bien aimé votre remarque quand vous avez dit qu'on ne pouvait peut-être pas tout faire avec ce système. Je pense que c'est une vraie question à laquelle devront répondre nos dirigeants politiques, et j'espère qu'ils trouveront une solution rapidement.

Dans votre document, vous parlez de l'établissement des prix en fonction du produit de référence pour les médicaments en Colombie-Britannique. Je pense que c'est le genre de dispositif dont nous avons besoin dans ce pays. Je crois que nous ne pouvons fournir qu'un niveau limité de services, que c'est ce service qui devrait être disponible. Je crois que si vous voulez aller plus loin à partir de là, qu'il s'agisse de médicaments ou autre chose, vous devriez faire tout ce qu'il faut pour que nous ayons au moins une idée des dépenses que cela entraînera.

La technologie, les compagnies pharmaceutiques et l'influence américaine contribuent de façon colossale à l'augmentation des coûts du système actuellement. Les gens veulent avoir accès à des technologies nouvelles et coûteuses et les compagnies pharmaceutiques sont très puissantes et agissent sans entraves. Ajoutons à cela l'énorme influence culturelle de nos voisins du Sud et nous avons une société qui en demande beaucoup à son système de soins de santé. Je suis heureux de constater que vous avez consacré du temps à ces questions.

La question des ressources humaines est la troisième question que j'aimerais aborder. J'ai participé à des comités fédéraux-provinciaux-territoriaux, notamment dans le secteur des ressources humaines, et j'ai présidé un groupe de travail sur les ressources des médecins au Canada. Je suis bien informé et j'ai beaucoup travaillé à essayer de tracer des voies pour l'avenir. Ce que j'ai constaté, c'est que le principal obstacle à l'efficacité, ce sont les dollars.

Nous pouvons former plus de fournisseurs, mais pour cela il faut plus d'argent, et les régimes provinciaux sont déjà à la limite de leur capacité. Le système appartient aux provinces. Le gouvernement fédéral pourrait collaborer avec les provinces. On l'a déjà dit, et je pense que c'est quelque chose qui mérite d'être creusé.

La santé relève des provinces, mais le gouvernement fédéral a peut-être les fonds qui permettraient au système de fonctionner dans le cadre d'un partenariat avec les provinces.

La vice-présidente: M. Ezeard et Mme Poirier ont bien présenté la question de la gouvernance régionale et les avantages ainsi que certaines des questions qui demeurent.

Monsieur Ezeard, dans votre partie sur les questions qui restent en suspens, vous dites que les conseils sont élus par la communauté et qu'il n'y a pas de participation directe du médecin au conseil sauf dans une région. Est-ce que cela pose d'énormes problèmes? Y a-t-il des intérêts contradictoires dans tout ce secteur de la gouvernance? S'il n'y avait pas de liens entre les médecins et les personnes qui fournissent le service, et le conseil, ne vaudrait-il pas mieux avoir des caractéristiques pour les personnes qui constituent le conseil?

M. Ezeard: Dans l'ancien système institutionnel, les médecins jouaient un rôle important. En général, le président du Comité médical consultatif était membre permanent du conseil. Quand nous avons régionalisé le système, on a abandonné cet aspect.

Au départ, c'est le gouvernement qui nommait les membres du conseil et on avait tendance à donner un simple rôle consultatif aux groupes qui pouvaient avoir un intérêt dans le fonctionnement du système, plutôt que de les laisser participer directement au processus de décision du conseil. Avec cette procédure, la gouvernance était confiée à la communauté et la loi actuelle prévoit certaines restrictions en matière de conflit d'intérêts.

Pour essayer de remplacer cela, les diverses régions se sont efforcées de s'assurer que les membres potentiels du conseil qui cherchaient à se faire élire savaient exactement à quoi s'en tenir sur leur liaison avec les intervenants, par exemple les médecins ou les autres grands groupes du système de soins de santé et de services sociaux.

La procédure de nomination du gouvernement a pour but d'essayer d'assurer un équilibre de la représentation au niveau de la géographie, des sexes ou de la culture. Cela nous a obligés à être beaucoup plus créatifs, surtout au niveau de la gestion, lorsque nous fournissons des informations au conseil pour nous assurer qu'il y a des mécanismes de participation.

Dans notre région, nous avons deux réunions annuelles avec les médecins qui ont alors l'occasion de soulever avec le conseil, soit par écrit, soit personnellement, les questions qui leur semblent pertinentes. Je pense qu'il y a des possibilités de communication, mais elles sont moins importantes que dans le précédent système.

La vice-présidente: Vous avez un commentaire à ce sujet, madame Poirier?

Mme Poirier: C'est certainement un problème. Une des objections formulées a été: Pourquoi des médecins? Si l'on veut avoir une représentation des médecins, il faudrait aussi peut-être prévoir une représentation des autres professionnels de la santé. Les médecins sont une force très puissante dans le système de soins de santé. Dans la région de Queens, on a critiqué le fait qu'il n'y avait pas de représentation des médecins au conseil et que le chef du Comité médical consultatif en fait maintenant partie. Cela s'est révélé plus positif qu'on ne l'aurait prévu car avec une gouvernance régionale, le conseil doit parler d'une seule voix et on n'appuie pas le point de vue individuel des membres du conseil. Ce système a bien fonctionné, peut-être grâce aux individus eux-mêmes, mais en tout cas il a assuré une bonne liaison et permis une bien meilleure harmonie que nous ne l'aurions pensé.

La vice-présidente: Y a-t-il eu plus de pressions sur les membres élus du conseil? S'expriment-ils collectivement? J'imagine que quelqu'un qui est élu au conseil est plus susceptible de faire l'objet de pressions que quelqu'un qui a été simplement nommé.

Mme Poirier: C'est une excellente question, et on pourrait effectivement s'attendre à ce que ce soit le cas. Toutefois, j'ai été nommée et j'ai eu un mandat de trois ans. Je suis maintenant élue, et je ne vois pas la différence. C'est peut-être dû en partie au fait que les conseils ne sont pas considérés comme des organisations très puissantes et qu'ils ne sont pas vraiment responsables des soins de santé. Dans notre cas, parmi les neuf membres du conseil pour la région de Queens, il n'y a probablement aucune différence entre ceux qui sont élus et ceux qui sont nommés. D'ailleurs, la communauté ignore qui est nommé et qui est élu.

Le sénateur Callbeck: Vous croyez que le public ne sait pas qui est élu et qui est nommé à ces conseils?

Mme Poirier: Je ne pense pas. À quelques exceptions près, la communauté peut très bien ne pas savoir qui est au conseil, et encore moins qui est élu ou qui est nommé. Nous n'attirons pas grand monde malgré l'énorme publicité que nous faisons. Le mois de novembre est le mois de notre réunion annuelle et nous encourageons, nous plaidons, nous cajolons, nous envoyons des invitations individuelles, et cetera, mais il n'y a pas beaucoup de réaction. En général, lorsqu'il y a de grosses questions en jeu, le public vient. Nous avons eu beaucoup de monde lorsque nous étions sur le point de fermer les services de toxicomanie dans la région d'East Prince. Autrement, les gens ne viennent pas et il est difficile de savoir pourquoi. Peut-être sont-ils satisfaits du système. Il ne faut pas oublier non plus que cette province est petite et que la population n'est pas nombreuse. Si une personne a un problème, elle peut aller voir le ministre; et si elle n'est pas satisfaite, elle peut décider d'aller à côté s'adresser au premier ministre. À l'Île-du-Prince-Édouard, cela se fait et je suis sûr que le ministre vous en dira plus à ce sujet.

Le sénateur Callbeck: Vous disiez que l'on peut se demander si la communauté voit le conseil comme une instance crédible de gestion ou pas.

Monsieur Ezeard, vous avez parlé des trois dernières années et mentionné que les conseils font davantage et atteignent leurs objectifs en matière de santé et de services sociaux. Madame Poirier, pensez-vous qu'au cours des trois dernières années, votre conseil est devenu plus crédible aux yeux du public?

Mme Poirier: Je ne suis pas sûre de pouvoir vous répondre. La seule façon de trouver la réponse à cette question est d'effectuer un sondage auprès du public. Je pense qu'il serait poli vis-à-vis de nous, mais dans le fond, d'après moi, il pense que les décisions importantes en matière de santé relèvent du ministre et du premier ministre.

M. Ezeard: Il semble y avoir une différence de crédibilité et de reconnaissance vis-à-vis des conseils entre les régions rurales et les régions urbaines. Dans les zones rurales de West Prince, on sait davantage qui sont les membres du conseil. Dans cette petite localité, les gens se rencontrent en général à l'épicerie ou à la pharmacie et là, discutent des problèmes. C'est une bonne façon de savoir quelles sont les préoccupations des habitants de l'endroit.

West Prince a subi un très grand remaniement et le conseil a été totalement renouvelé à la suite des mesures prises relativement aux lits de soins actifs, mais je pense que nous avons maintenant surmonté cela et la régionalisation du système dans son ensemble dans la région de West Prince s'est faite de façon satisfaisante. Il y a toujours un certain nombre de problèmes à régler. Cependant, nous avons eu de bons résultats en ce qui concerne les soins à long terme, une bonne publicité du fait de ce succès, et nous sommes devenus plus confiants en nous sentant reconnus comme région. Les patients qui auraient dû devenir résidents d'une institution sont maintenant traités à domicile. La communauté se rend compte de ces changements et les trouve positifs. La régionalisation et la participation du conseil à des mesures comme celles-là ne passent pas inaperçues dans nos petites régions rurales.

Le Dr Ling: J'ai passé un an au conseil provincial. C'est extrêmement difficile d'être membre du conseil. On n'est pas très visible, surtout dans les zones urbaines. Il est vrai que ce sont les fonctionnaires élus qui ont le pouvoir et du coup, on passe outre aux conseils. Je trouve aussi qu'il serait bon de faire une enquête auprès du public.

Mme Poirier: C'est un système complexe et les personnes qui y travaillent à plein temps ont toujours du mal à bien comprendre tous ces mécanismes. En fait, ce n'est pas juste aussi bien pour le système que pour les personnes concernées, de donner les mêmes responsabilités à des personnes qui ne font ce travail qu'à temps partiel. Ce serait déjà une lourde responsabilité de devoir assurer seulement l'administration de la région Queens et c'est une responsabilité que je ne voudrais pas prendre. Même avec l'aide de personnel qualifié et bien intentionné, il n'y a pas de réponse unique à un problème. Ce n'est pas comme s'il y avait un système établi avec des réponses pour chaque cas. Il faut faire des choix difficiles et je pense qu'à bien des égards, les responsables du système font ces choix du mieux qu'ils peuvent.

Il faut davantage de clarté. Très souvent, les membres du conseil entreprennent de grandes choses mais se rendent compte que leurs efforts ne peuvent aboutir. Ils n'ont que très peu de ressources à leur disposition pour les dépenses, et cetera. Je ne veux pas que vous croyiez que notre conseil veut prendre à sa charge tout ce qui se passe dans la région Queens. Mais je crois qu'il faudrait que les différents rôles soient définis de façon précise.

Le sénateur Callbeck: En tant que présidente bénévole, combien d'heures par semaine travaillez-vous environ?

Mme Poirier: Tout dépend du travail qu'il y a à faire. Au printemps, j'ai travaillé entre 30 et 40 heures par mois. Mais ce n'est pas assez pour bien faire le travail

Le sénateur Callbeck: C'est beaucoup de temps, pourtant.

Monsieur Ezeard, dans les avantages que vous énumérez, vous parliez d'une plus grande imputabilité pour ce qui est de mesurer les résultats en matière de santé. On nous a reproché de ne pas le faire suffisamment. Quels résultats en matière de santé mesure-t-on que l'on ne mesurait pas il y a 10 ans, ou avant cet exercice?

M. Ezeard: Dans notre région, nous examinons environ 30 ou 40 indicateurs de résultat pour évaluer notre action. Nous mesurons la satisfaction des patients et des clients et aussi, la satisfaction du personnel. Nous évaluons la satisfaction des patients par le biais de sondages à la sortie ou de sondages de suivi effectués après la sortie de l'hôpital. Nous examinons tous les services que nous fournissons et nous prenons des mesures pour régler tout ce qui paraît poser problème.

Il y a un domaine particulier auquel nous nous sommes tout spécialement intéressés, c'est le bien-être du personnel. Nous avons fait des enquêtes sur la satisfaction du personnel et nous sommes très intéressés par les résultats. Par conséquent, nous étudions les résultats non seulement pour les clients mais aussi pour nos propres intervenants. Le bien-être du personnel a des conséquences immédiates sur la productivité et le traitement de nos patients et de nos clients.

Nous avons mesuré les éléments habituels, la morbidité et la mortalité et le processus est devenu plus élaboré. Mme Poirier a parlé du processus d'accréditation. Les cinq régions sont toutes accréditées en même temps. Ceci a permis une plus grande cohérence dans la mesure des résultats obtenus à partir des différentes activités entreprises. En conséquence, nous nous réunissons pour discuter des domaines où nous n'avons pas réussir à atteindre les normes que nous avons fixées.

Le sénateur Callbeck: Est-ce que toutes les régions mesurent les mêmes résultats en matière de santé?

M. Ezeard: Oui. Nous avons mis au point un projet pilote en coopération avec le ministère et nous avons choisi cinq domaines clés et un ensemble de cinq développements. Le bien-être du personnel, les résultats cardiaques et cetera, se retrouvent maintenant dans toute la province et ceci sera élargi aux autres services au fur et à mesure que ce système se mettra en place.

Le sénateur Callbeck: Docteur Ling, vous avez parlé des facteurs de coûts, des médicaments et de la technologie. Vous avez ensuite parlé du secteur des ressources humaines en santé dans lequel il faut d'après vous un partenariat entre le gouvernement fédéral et les provinces et davantage de fonds. Y a-t-il autre chose que nous devrions faire?

Le Dr Ling: C'est une question complexe à laquelle nous avons du mal à répondre. Actuellement, nous nous battons avec la forme du système, et pour déterminer les besoins en ressources humaines, il faut savoir exactement l'orientation que l'on veut choisir et la façon dont les services vont être dispensés. Si les médecins doivent continuer le rôle qu'ils jouent et qu'ils aiment actuellement, et depuis plusieurs années, il y a essentiellement des unités indépendantes qui définissent leurs propres limites, un peu comme les franchisés, et qui font leur travail et si c'est ce système que nous voulons conserver, il nous en faudra plus que si nous avions un système différent. Nous devons savoir dans quelle direction nous nous orientons en ce qui concerne la réforme des soins de première ligne.

Le sénateur Callbeck: Vous avez dit que cela allait être très fort à l'Île-du-Prince-Édouard. Pourriez-vous nous donner des précisions?

Le Dr Ling: Nous avons l'assurance-maladie depuis un peu plus de 30 ans et pendant les premières années, le système fonctionnait très bien, et très bien pour tout le monde. Il fonctionnait bien pour les médecins parce que tous les comptes étaient bons, tout d'un coup, et leur situation était meilleure, du point de vue des affaires. Cela a duré pendant 10 ou 15 ans et quant aux patients, ils avaient accès aux services lorsqu'ils en avaient besoin et il semblait y avoir suffisamment de fournisseurs de services pour faire le travail et donc tout le monde était très content et tout allait bien partout.

Pour continuer à dispenser ces services, le nombre de médecins par centaines de milliers de personnes a commencé à augmenter, et la tendance s'est maintenue pendant 20 ans. Les gouvernements, naturellement, payaient tout le travail effectué et les budgets sont devenus difficiles à gérer.

Au cours des années 80, les taux d'intérêt étant très élevés, il est devenu très difficile de financer les programmes gouvernementaux. Naturellement, il fallait faire quelque chose. Au cours des premières années du régime d'assurance-maladie, nous avions ouvert deux nouvelles écoles de médecine, agrandi celles qui existaient déjà et formé un plus grand nombre de médecins. Nos frontières internationales étaient plus ouvertes que maintenant et les diplômés en médecine de l'étranger étaient accueillis à bras ouverts lorsqu'ils voulaient venir travailler ici; c'est ce qu'ils ont fait et les chiffres ont augmenté.

Aujourd'hui, il y a un écart. Les pressions exercées pour obtenir des services sont très fortes et nous n'avons pas la main-d'oeuvre abondante que nous avions à une certaine époque. Comment réagir à cela? Je présente le point de vue des médecins parce que c'est celui que je connais le mieux et je ne veux pas être partial mais j'explique ce que je connais le mieux. On a créé le Groupe de travail II. Le Forum médical canadien qui représente la médecine organisée, a publié un rapport il y a trois ans disant qu'il fallait davantage de médecins au Canada. Notre gouvernement n'était pas certain de cela mais a essayé de changer les choses. Il a décidé qu'il fallait produire 2 000 médecins par an. À l'époque, 1 550 médecins obtenaient leur diplôme chaque année. Cette année, nous avons comblé entre 350 et 450 de ces postes, soit 80 p. 100 de la demande.

Cependant, ceci n'a pas été possible dans la région atlantique. Nous n'avons pas les moyens. Dalhousie University est le seul centre universitaire du pays qui n'a pas agrandi sa faculté de médecine. Memorial University l'a fait d'une façon moins coûteuse. Le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard ont acheté 12 des 15 places qu'ils vendent habituellement aux Américains. Ils n'ont augmenté aucune de leurs dépenses mais ont fermé 12 de ces places offertes aux candidats américains et augmenté de 12 le nombre d'étudiants canadiens. Dalhousie a toujours le même nombre et c'est regrettable. Les 15 autres facultés de médecine ont eu des augmentations. Voilà où nous en sommes du point de vue des ressources humaines en médecins et je ne vous ai donné qu'un très bref aperçu de la situation. Nous devons encore augmenter le nombre de nos étudiants.

Le sénateur Callbeck: Madame Poirier, la clinique communautaire de Sherwood est-elle un centre de soins de première ligne ou y a-t-il un médecin et une infirmière?

Mme Poirier: Le centre Four Neighbourhoods est une clinique de Sherwood et c'est un centre de soins primaires. Il y a longtemps que nous voulions faire cela mais nous ne pouvions pas trouver de médecin acceptant d'être salarié dans notre collectivité. Je crois que ceci a beaucoup changé au cours des deux dernières années, et donc nous sommes prêts.

Le sénateur Callbeck: Nous avons une clinique à Sherwood et une à Wellington. Est-ce que ce sont les deux seules sur l'Île?

M. Ezeard: Elles sont aussi légèrement différentes. Toutes deux ont été créées selon un modèle de services communautaires, sans composante médicale pratiquement, quoique à Wellington, il y a eu un médecin vacataire pendant un certain temps. Il y a six ou sept ans, les médecins ne répondaient pas à l'invitation à se joindre au centre. Nous nous orientons vers un système de rémunération alternative et de ce fait, les médecins sont moins réticents devant cette idée. Il y a cinq ans, sur un personnel de 150, nous avions environ 15 médecins salariés. Nous avons maintenant doublé ce chiffre et nous le doublerons à nouveau vraisemblablement au cours des prochaines années. Je pense que c'est une bonne tendance pour le système.

Le centre Four Neighbourhoods voulait désespérément dispenser des soins primaires et assurer le côté médical, et nous avons pu lui octroyer un nouveau poste. Nous espérons passer à deux médecins ETP l'année prochaine à cet endroit.

Je pense qu'ils sont très satisfaits du résultat et que leur clientèle bénéficie d'une gamme de soins plus vaste. Les médecins ont un rôle à jouer dans le travail de première ligne et le feront s'ils sont adéquatement rémunérés pour le temps qu'ils consacrent à cela. Cette nouvelle formule avec ses incitatifs assure une meilleure participation des médecins au système.

Le sénateur Callbeck: Le centre est-il ouvert en soirée également?

Mme Poirier: Il est ouvert mais je ne sais pas si tous les professionnels sont là le soir, mais c'est ouvert pour beaucoup de manifestations communautaires et c'est un vrai centre communautaire aussi bien qu'un endroit où l'on peut aller se faire soigner.

Le sénateur Cook: Dans mon autre vie, j'étais membre du conseil. Avez-vous examiné d'autres modèles de gestion, particulièrement dans la région atlantique? Je voudrais vous en proposer un de la Health Care Corporation de St. John's. C'est un modèle plus large que celui avec lequel vous travaillez. Par exemple, nous avions les chefs de département des finances, des soins infirmiers, de l'éthique, des ressources humaines, et deux ou trois membres du conseil affectés aux sous-comités et nous faisions un travail détaillé que nous soumettions ensuite au conseil. De plus, nous avions un représentant consultatif médical, un représentant du Conseil exécutif provincial, et une personne de la Faculté de médecine de sorte que les communications étaient assez faciles. Dans toutes les structures, nous avions nos énoncés de mission et nos politiques. Je ne sais pas si nous faisions un bon travail, mais dans l'ensemble, le gouvernement écoutait.

Je sais que vos 25 à 30 heures par mois ne correspondent pas à un chiffre exact. Là encore, pour ce qui est des personnes nommées et des personnes élues, je pense que pour qu'un conseil de santé s'acquitte de son mandat, il faut être éligible. S'il doit y avoir une élection, il faut déterminer les critères que doivent satisfaire les personnes autour de la table et qui sont nécessaires pour faire le travail. Les bénévoles assis à cette table constituent une grande réserve d'expérience et c'est quelque chose que la collectivité peut critiquer parce que vous êtes tous nommés. Ceux qui vont là avec une expérience particulière sont des personnes fortes qui croient à cet engagement et décident d'agir. J'aimerais vous offrir le nôtre et je pourrais vous envoyer ce modèle où vous trouverez peut-être quelque chose d'intéressant; bonne chance.

La vice-présidente: Je voudrais vous remercier d'avoir comparu devant le comité. Je pense qu'il était très important d'entendre les commentaires des conseils régionaux et des personnes chargées de la gestion régionale. C'est un domaine qui suscite beaucoup d'attention dans l'ensemble du pays, parfois en bien, parfois en mal. Je vous remercie au nom de tous les membres du comité.

La séance est levée.

La séance reprend.

La vice-présidente: Je vous souhaite la bienvenue à notre session de l'après-midi. Veuillez procéder, je vous en prie, monsieur Ballem.

L'honorable Jamie Ballem, ministre de la Santé et des Services sociaux, Île-du-Prince-Édouard: Voici ce que nous vous proposons pour aujourd'hui: je ferai une déclaration préliminaire, après quoi mon sous-ministre fera quelques observations puis j'aborderai quelques questions avant de conclure.

Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de nous avoir invités à comparaître devant votre comité et à participer à vos travaux. Le fait d'être ici n'est qu'une partie du travail. Quand j'examine la liste des présentateurs ou des intervenants qui ont comparu devant votre comité, j'y trouve plusieurs membres de notre personnel et des représentants de nos partenaires, ce qui illustre bien l'importance de vous communiquer notre message concernant les soins de santé et notre système provincial. Tout comme vous, je me préoccupe grandement de l'avenir des soins de santé et de l'orientation que prend le système. Les questions que nous cherchons à aborder nous préoccupent, non seulement au niveau provincial, mais à l'échelle nationale.

En tant que ministère et administrateur de système de santé, une de nos premières priorités est la viabilité, et je ne parle pas ici uniquement de dollars et de cents. Je parle de notre capacité de continuer d'assurer le succès du système et de garantir l'accès à des services de qualité aux citoyens de la province, aujourd'hui et aussi dans le futur, en utilisant les ressources financières et humaines auxquelles nous avons accès, de même que nos immobilisations et les installations disponibles actuellement et dans le futur. Pour mettre tout cela en perspective et pour situer les défis qui se posent au ministère de la Santé et des Services sociaux, dans son domaine de compétence, disons que nous obtenons 42c. de chaque dollar dépensé dans la province. Selon des projections très conservatrices, ce montant pourrait atteindre 50 p. 100 dans quelques années si nous n'y voyons pas. Voilà qui constitue un défi de taille pour notre gouvernement, qui doit déterminer les priorités en matière de dépense, ce qu'il est possible de faire et ce que nous pouvons mettre en place.

Nous avons élaboré quelques stratégies qui, selon nous, permettraient d'améliorer la viabilité du système. À la fin de notre intervention, je vous parlerai de financement stable, d'une meilleure efficacité et d'innovation.

Mon sous-ministre vous parlera de notre système provincial intégré. Nous vous parlerons aussi de la santé des Prince-Édouardiens et nous tenterons de la mettre en perspective par rapport aux défis auxquels nous sommes confrontés. Je cède donc la parole à M. Francis.

M. Rory Francis, sous-ministre, ministère de la Santé et des Services sociaux, Île-du-Prince-Édouard: Je sais que vos travaux portent surtout sur le système de santé, et nous en sommes conscients. Nous voulons simplement souligner les différences qui existent entre la santé et les soins de santé et le fait que, selon nous, le système doit être conçu en fonction des citoyens de la province et de leur état de santé. Les questions entourant l'état de santé actuel et la façon dont nous nous assurons d'avoir une population en santé sont manifestement des éléments très importants pour déterminer ce que nous devons faire, dans le cadre de notre système, pour répondre aux besoins de nos citoyens.

L'Île-du-Prince-Édouard affiche de très bons résultats pour ce qui est de l'état de santé de ses citoyens dans certains secteurs et moins bons dans d'autres. La province enregistre des taux de santé mentale positifs - de fait, parmi les meilleurs au pays - de très faibles taux de maladies transmises sexuellement, le plus haut niveau de soutien social et de solides réseaux sociaux au pays. Le poids de nos enfants à la naissance est excellent, nous enregistrons le plus faible taux de pauvreté infantile au pays et nous avons l'un des plus faibles taux de mortalité infantile au pays.

Il y a cependant des côtés négatifs: nous avons l'un des plus faibles taux d'activité physique, le taux le plus élevé d'enfants exposés à la fumée secondaire, un des plus hauts taux de décès attribuables à des maladies cardio-vasculaires chez les hommes, un taux de chômage que nous aimerions voir diminuer et les taux d'alphabétisation et d'éducation - qui sont également des facteurs déterminants de l'état de santé - devraient être plus élevés.

Comme c'est le cas des autres Canadiens qui vivent dans la région de l'Atlantique, les Prince-Édouardiens sont généralement en moins bonne santé parce qu'ils fument trop, boivent davantage, font moins d'exercice et, de manière générale, ont un excédent de poids. C'est pourquoi nous avons plus de problèmes de maladies chroniques, plus particulièrement le cancer, les maladies cardiaques et le diabète, situation qui pose un défi de taille et impose un fardeau pour les individus et les familles et pour le système de santé. Les maladies chroniques sont la principale cause de décès et de la réduction de l'espérance de vie, de la durée de l'hospitalisation et de la diminution de la qualité de vie. Le cancer est la cause principale des années de vie perdues, tandis que le diabète et la dépression croissent à des taux alarmants, un problème particulier à l'échelle du Canada, mais aussi à l'Île-du-Prince-Édouard.

Comme vous l'aurez sans doute remarqué, nous estimons que la stratégie élaborée avec nos citoyens constitue la meilleure façon d'améliorer l'état de santé. Cette stratégie met l'accent largement sur le développement d'enfants sains. Selon nous, il faut accorder plus d'attention à ce secteur et y investir davantage de ressources, même si cela est difficile compte tenu des exigences en matière de soins actifs. Nous devons investir à long terme pour la santé des enfants, et les raisons de le faire pourraient alimenter de longues discussions.

La réduction des facteurs de risque de maladie chronique est une autre stratégie. Les nombreux styles de vie comme l'usage de tabac, le manque d'exercice, l'embonpoint et ainsi de suite sont à considérer. Voilà un autre secteur très important auquel nous devons porter attention si nous voulons établir un système viable pour la prévention et la gestion des maladies chroniques.

Nous disposons déjà de l'un des systèmes les mieux intégrés au Canada pour la santé, les services sociaux et le logement, et il diffère ce qui existe actuellement dans la plupart des régions du Canada. Nous avons un système financé et administré par le gouvernement qui offre un accès universel aux services nécessaires offerts par les hôpitaux et les médecins. Ces services, de même que bien d'autres services de santé et services sociaux, sont financés en totalité ou en partie par le gouvernement provincial. Je ne crois pas devoir aborder la question du système de gouvernance que nous avons mis en place. Lors d'une séance de travail tenue plus tôt, des représentants vous ont parlé de notre système régionalisé et de ses points forts et de ses points faibles. Nous utilisons de manière de plus en plus efficaces un modèle qui fait intervenir toutes les régions et le ministère de manière à donner de résultats meilleurs pour tous nos citoyens.

L'intégration poussée comprend une vaste gamme de services de santé et services sociaux, soins actifs, traitement des toxicomanies, santé mentale et logement. Il s'agit de services étendus et bien intégrés à l'échelle régionale, qui offrent la possibilité de mieux cibler la clientèle, d'offrir de meilleurs services aux patients que si le système était organisé autour de programmes plutôt qu'en fonction des régions et des citoyens. Les citoyens ont accès à certains services spécialisés par l'entremise du système de santé de l'Atlantique, de sorte que nous ne cherchons pas à tout faire par nous-mêmes au sein de la province. Nous avons établi de solides partenariats avec le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, particulièrement pour certains services de soins actifs secondaires et tertiaires. Voilà qui est logique du point de vue de la population. Si nous ne faisions pas déjà cela, nous y songerions sérieusement en raison de la grande difficulté d'attirer en région des professionnels de la santé formés et qualifiés. De nos jours, il faut plus qu'un système viable. Dans certains secteurs de services il faut aussi compter sur les ressources humaines. Les services uniques sont très fragiles et il faut les aborder à l'échelle régionale afin de pouvoir mieux en assurer la viabilité et la qualité. Ces rapports sont très importants pour les provinces de l'Atlantique.

Les dépenses publiques et privées combinées par habitant dans la province sont d'environ 2 500 $ - c'est-à-dire un peu moins que la moyenne nationale. D'autre part, les dépenses par rapport à notre PIB sont de 11,7 p. 100, ce qui nous place au deuxième rang au pays. Par conséquent, bien que nous dépensions une grande proportion du PIB de la province, et compte tenu de ce que nous pouvons nous offrir, le coût par citoyen est inférieur à la moyenne pour le Canada.

Je passe la parole au ministre qui abordera certains éléments critiques de notre système.

M. Ballem: J'estime que certaines questions essentielles doivent être abordées pour améliorer la viabilité - ou même pour parvenir à la viabilité. Les attentes et les exigences du public constituent le principal obstacle. Sans vouloir faire de la publicité pour une multinationale, je dirais que notre système de santé publique a des allures de «Macdonald». «Laissez-moi passer au service au volant» ou «Je vous donnerai quelque chose que j'ai trouvé sur l'Internet» ou «J'ai fait des recherches et voici ce qui ne va pas chez moi».» Donnez-moi une pilule et laissez-moi continuer parce que je ne crois pas avoir le temps d'être malade ni de rester à la maison». Les gens s'attendent à être traités plus rapidement et ils ont le sentiment que l'immortalité est à portée de main, si seulement nous pouvions nous le permettre. Je sais que la science va dans ce sens, et que c'est une question de temps avant d'y parvenir.

La province est confrontée à un autre problème - que le sénateur Callbeck pourra comprendre: les gens veulent que les services soient offerts à proximité de chez eux. M. Francis a parlé de nos rapports avec la Nouvelle-Écosse et avec le Nouveau-Brunswick, des rapports qui font en sorte qu'un certain nombre de services sont offerts à Moncton ou à Halifax. Il n'est pas très long d'aller de Charlottetown à Moncton. Si les services étaient offerts en Ontario ou en Saskatchewan ou même au Nunavut, vous n'y penseriez même pas, mais les gens s'attendent à ce qu'ils soient offerts ici même, à Île-du-Prince-Édouard. Dans la plupart des cas, nous faisons ce que nous pouvons. Les problèmes surgissent parce que nous ne pouvons nous permettre d'avoir une masse critique de professionnels. Nous ne faisons pas de chirurgie cardiaque parce qu'il n'y aurait pas suffisamment de chirurgiens, si toutefois nous pouvions en trouver. Comment est-il possible de contrôler un système qui est axé sur la demande? C'est la question que nous cherchons à résoudre: nous voulons savoir si nous devrions aborder les changements démographiques et chercher à quantifier et à qualifier les attentes du public. Selon moi, nous devrions à tout le moins, même si cela est difficile, dire à la population ce que coûtent véritablement les services, mais encore là, comment mesurer ce coût? Voilà une autre question à laquelle nous n'avons pas de réponse.

La disponibilité de professionnels de la santé nous pose un autre problème de taille. À ce chapitre nous ne sommes guères différents des autres secteurs de compétence du pays. Il devient de plus en plus difficile de maintenir le nombre et la combinaison traditionnelle de professionnels de la santé. Nous avons parfois l'impression que les soins de santé sont fonction des sommes dépensées, du nombre de médecins disponibles, du nombre d'infirmières, parce que chacun fonctionne dans son petit univers en se disant «C'est ce que j'ai toujours fait en tant que professionnel de la santé». Toutefois, quand vous cherchez à obtenir davantage de médecins, vous vous rendez compte qu'il n'y en a pas. L'argent n'est pas le problème. Il faut davantage d'infirmières et d'infirmiers. Actuellement, il y a plus de 40 postes vacants dans notre structure de soins infirmiers. Chaque année, je fais des prévisions budgétaires pour un nombre supérieur, pour tous ces postes vacants, et nous verserons davantage en temps supplémentaire. Le problème n'est pas de créer plus de postes, c'est simplement d'obtenir plus de personnel.

Nous cherchons donc la façon d'utiliser les professionnels de la santé que nous avons: quelle sera la composition et qui fera quoi. Nous tentons de mettre au point des programmes de recrutement et de maintien en emploi attrayants. Nous cherchons à faire en sorte que le milieu de travail soit attirant afin de garder les gens chez nous. Au plan monétaire, nous ne pouvons concurrencer. Si tout n'était qu'une question de dollars et de cents, tous les praticiens seraient en Alberta. Nous cherchons à créer dans la province un contexte qui fournisse à chacun une occasion attrayante de venir exercer leur profession. Cela étant dit, il est raisonnable de planifier. Toutefois, quand vos ressources sont très limitées et que la demande est dans le domaine des soins actifs ou des soins à long terme, il est difficile dans notre planification de prendre ces ressources et de les affecter à d'autres besoins.

La demande de soins spécialisés s'accroît dans la province. La demande de traitement des cancers enregistre une augmentation importante et nous cherchons à aborder ce problème. Nous faisons l'acquisition d'un plus grand nombre d'équipements afin de permettre aux patients de rester à la maison pour leurs traitements, mais pour le moment, notre unité d'oncologie est fermée parce qu'il n'y a pas d'oncoradiologiste. Nous faisons de gros efforts pour en obtenir un. Il est difficile pour une petite juridiction de concurrencer avec les plus grands centres urbains pour l'obtention de spécialistes. Malgré tout, je crois que nous progressons, et nous sommes confiants d'y parvenir.

Nous aimerions qu'un plus grand nombre de services diagnostiques soient offerts à domicile. D'ici quelques jours, nous ferons une demande de proposition (DP) en vue de l'installation d'une unité d'IRM à l'Hôpital Queen Elizabeth. Nous espérons que l'unité pourra fonctionner dès septembre prochain, mais pour cela, il faudra prendre des ressources ailleurs. Nous avons accès à des installations à Moncton, mais nous en revenons toujours à la question de la demande, et de l'endroit où nous devrions offrir le service.

Nous cherchons à améliorer nos services de soins primaires et à déterminer qui doit s'occuper de leur prestation. Plutôt que de nous contenter de traiter les gens à l'hôpital, faisons plutôt de la prévention. Faisons plutôt la promotion du mieux-être. En matière de ressources, je me demande qui est disposé à céder une partie de son budget, ou encore où puis-je trouver les fonds nécessaires pour la prévention? En tant que politicien, nous ne pouvons nous permettre d'attendre très longtemps. Si nous n'entrevoyons pas de retombées après trois ou quatre ans, il devient très difficile de faire ce choix. Ce sont là certains des défis qui se posent et qui ne sont pas particuliers à notre province.

Quand il est question de services spécialisés et de soins primaires, nous envisageons la possibilité de profiter au maximum des études, des compétences et de la formation de nos prestataires de soins. Le titre du professionnel de la santé ne me préoccupe pas autant que sa capacité d'agir. Quand on cherche à intégrer davantage - et c'est ce que nous cherchons à faire dans la province - on fait souvent face à une résistance de toutes parts. Même si un médecin dit avoir toujours procédé de telle ou telle façon, il n'est pas nécessaire qu'il en soit toujours ainsi. Peut-être une infirmière pourrait-elle faire une partie du travail. De même, une infirmière n'a pas nécessairement à faire tout ce qu'elle fait. Peut-être une infirmière auxiliaire autorisée pourrait-elle faire davantage.

Un autre problème critique est le manque de financement stable. Lors de l'examen du budget et de l'utilisation des fonds par rapport à l'ensemble du budget de la province, il est très difficile d'obtenir la sympathie du Cabinet. Il en va de même quand vous dites aux membres du Cabinet qu'il vous faut plus d'argent. Pour mettre cela en perspective, disons que l'an dernier le budget de la santé et des services sociaux a connu une augmentation de 23 millions de dollars. Cinq ministères de la province ont un budget inférieur à 23 millions de dollars. En recherche, l'environnement a été le domaine de prédilection depuis quelques années. Cet élément vient régulièrement au deuxième ou au troisième rang derrière les soins de santé. Toutefois, le budget total du ministère des Pêcheries, de l'Aquaculture et de l'Environnement est inférieur à huit millions de dollars. Ainsi donc, quand je m'adresse au Cabinet lors de la préparation du budget et que je dis à mes collègues «Puis-je avoir la totalité de votre budget, qui me durera environ neuf jours», je n'obtiens pas beaucoup de sympathie. Nous devons tenir compte d'autres éléments dans la province.

Nous avons identifié les déterminants de la santé. Ils ne concernent pas que la santé, et ils ne sont pas particuliers à l'Île-du-Prince-Édouard. Nous disposons d'une foule de données statistiques sur l'éducation et sur la situation socioéconomique. Par exemple, étant donné que la plupart de nos travailleurs font partie d'une économie saisonnière, la demande n'est pas aussi lourde durant l'été que pendant les autres saisons de l'année. En tant que province, nous chercherons, à long terme, à injecter davantage de ressources dans ce type de collecte de données statistiques. Il faut penser au développement de la petite enfance et à une stratégie pour que les enfants demeurent en santé, démarche que nous avons entamée. Il faut des améliorations sur le plan économique afin que notre population travaille. Nous nous dirigeons vers une ère de recyclage plus intensif de sorte que les niveaux d'éducation seront plus élevés. Mais nous sommes toujours dans une situation qui varie d'une année à l'autre et nous ne savons pas vraiment ce que sera notre budget.

Il y a par exemple le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPC). La rencontre des premiers ministres nous laisse à penser que le TCSPC est stable. Personne n'y perdra parce que ce transfert est calculé par habitant. Le financement est fixe et il augmentera. Laissez-moi vous dire que notre province devrait perdre près de trois millions de dollars cette année en TCSPC simplement parce que notre croissance démographique n'a pas été aussi rapide que la moyenne canadienne. Sur une base par habitant, notre part a diminué. L'an dernier, la population de l'Ontario a connu une augmentation au détriment de celle de l'Île-du-Prince-Édouard. J'ai entendu dire que 135 000 ou 136 000 personnes, seulement des immigrants, étaient allés en Ontario. L'autre jour, j'ai entendu dire que 80 p. 100 de tous les immigrants vont vers trois villes canadiennes au cours de la première année qui suit leur arrivée au pays. Il ne viendra jamais d'autant d'immigrants à l'Île-du-Prince-Édouard. Au cours des deux dernières années, nous avons perdu des médecins qui avaient des diplômes internationaux; ils sont allés à Toronto ou ailleurs à cause de la «collectivité». Ils n'avaient rien contre l'Île-du-Prince-Édouard ni contre ses habitants, ni même contre nos installations. Ils estiment «faire partie d'une minorité ethnique pour laquelle il n'existe pas de collectivité chez nous. Ils ne peuvent pratiquer leur religion ici avec personne d'autres». La situation se posera toujours et tant que le TCSPC sera administré uniquement en fonction de la population, nous y perdrons.

Permettez-moi maintenant de parler brièvement du plafond pour la péréquation. Cela n'est pas à proprement parler directement lié aux soins de santé, mais la péréquation est une partie importante du financement pour les plus petites juridictions. Il faut que cet élément fasse partie du financement. Quand la péréquation est limitée à un niveau donné, elle limite notre croissance. Quand les fonds nous sont transférés, le gouvernement fédéral ne fournit pas un chèque supplémentaire en disant «Voici la part du TCSPC» qui doit être consacrée au budget de la santé. Tout passe dans le revenu général. Comme je l'ai dit plus tôt, nous examinons toutes les solutions pour la prestation de services à nos résidents, comme le développement économique, l'éducation, le transport, et cetera, et la péréquation est une source de revenu majeure. Tout plafond nous causera de véritables problèmes. Une partie du déficit de 50 millions de dollars que nous prévoyons pour cette année est attribuable à une baisse des recettes. Nous savons que personne n'est responsable. Si l'économie en Ontario, en Colombie-Britannique et en Alberta ralentit, les versements de péréquation diminueront. Je dis simplement que la situation devient plus difficile pour nous lorsqu'il y a un plafond pour la péréquation.

En résumé - et je veux en arriver à certaines questions - trois des secteurs qui sont recommandés devaient faire l'objet de certaines améliorations, y compris une stabilisation du financement. Je n'en dirai pas plus à ce sujet. L'une de ces questions est l'efficacité et l'efficience du système. Quand il s'agit de réduire les coûts, soit par l'automatisation, l'utilisation améliorée de nos professionnels de la santé ou d'une autre façon, il faut s'écarter de l'attitude selon laquelle «C'est la façon de faire les choses parce que c'est aussi que nous avons toujours fonctionné». La résistance au changement constitue le véritable défi face à certains groupes. Il faut parfois naviguer avec beaucoup de précaution.

Ces dernières semaines, j'ai eu l'occasion de m'adresser à des professionnels de la santé qui me disaient pouvoir faire davantage au plan professionnel. Je leur ai demandé «Ce qu'ils étaient prêts à abandonner pour en faire davantage». La réponse a semblé être «Bien, nous pouvons en faire davantage dans le domaine de pointe». Je leur ai répondu, «Désolé, mais nous ne pouvons vous donner davantage».

Pour ce qui est de la formation, les professionnels de la santé les plus difficiles à convaincre sont les spécialistes, puis les médecins de famille. Les médecins de famille nous disent «Nous pourrions faire une partie du travail que fait le spécialiste». Les infirmières nous disent «Nous pourrions faire une partie du travail des médecins de famille». En conséquence, nous devons examiner attentivement la situation de nos professionnels de la santé, déterminer leur niveau d'efficacité et s'assurer que nous utilisons leurs compétences au maximum.

Au chapitre de l'automatisation et de la technologie nous avons mené un projet pilote de téléhospice dans une de nos régions. Je ne sais pas si vous connaissez ce programme, mais il s'agit de mettre un terminal d'ordinateur au domicile des patients. Le projet a été mené par une infirmière du Western Hospital, à Alberton, qui pouvait communiquer avec les patients à tous les jours. Il y avait au domicile du patient une petite caméra qui permettait à l'infirmière de voir le patient, de prendre sa tension artérielle, son pouls, de faire quelques autres tests et d'observer l'état de santé du patient. Le résultat a été très bon, et nous cherchons à implanter cette approche ailleurs dans la province.

Nos spécialistes, à qui nous avons demandé ce que nous pouvions faire de plus pour les soins à domicile grâce à cette technologie, nous ont dit de 15 à 20 p. 100 sans ajouter de ressources humaines supplémentaires. Si nous pouvons accroître notre capacité grâce à cette technologie, nous continuerons d'offrir des soins de santé à nos résidents sans qu'il soit nécessaire d'avoir plus de personnel. C'est là une des innovations que nous examinons et sur laquelle nous pourrions concentrer nos efforts.

Lors d'une discussion tenue avant le début de la réunion, on nous a demandé quel message nous pourrions livrer à votre comité. Nous avons mentionné les possibilités d'innovation entreprises au plan provincial. Je suis sûr que d'autres intervenants vous en parleront plus tard aujourd'hui.

Nous pouvons faire à l'échelle de la province des choses que personne d'autre ne peut faire. Par exemple, nous pouvons faire des choses - je n'utiliserai pas le mot pilote, mais plutôt le mot modèle - que personne d'autre n'est capable de faire simplement à cause de notre situation géographique et des autres problèmes pour rejoindre la population. Tous nos médecins ont maintenant adopté la facturation électronique. Nous avons tous un numéro qui se rapporte au système de santé, chose que je trouvais plutôt normal jusqu'à ce que je constate qu'il n'en est pas ainsi toutes les juridictions. Nous pouvons très facilement relier toutes nos installations grâce à la vidéoconférence, qui nous permet d'accéder aux spécialistes des autres provinces. En vertu du Programme des partenariats pour l'infrastructure canadienne de la santé (PPICS), les provinces atlantiques se sont regroupées et ont présenté une proposition, pour la création d'un fonds de 80 millions de dollars, dont une part de 25 millions de dollars nous serait réservée. Selon moi, l'idée a fait peur à beaucoup de monde à Ottawa. Si vous êtes sous l'impression que le Canada atlantique touche 30 p. 100 de ce fonds, vous avez tort. Nous avons obtenu 12,5 millions de dollars et je sais que notre proposition était la meilleure parce que les quatre provinces de l'Atlantique ont travaillé ensemble. Actuellement, nous sommes à mettre au point un système d'archivage et de transmission d'image (PACS). Pour une radiographie prise à O'Leary il ne sera pas nécessaire d'acheminer le film par courrier là où un radiologiste pourra l'examiner et attendre que les résultats reviennent. Nous serons en mesure de le transmettre directement à Halifax, à Moncton, à Charlottetown ou ailleurs, ce qui nous permettra d'avoir accès plus rapidement à des soins sans avoir de ressources sur place.

Nous travaillons également à l'élaboration de certains modèles de soins primaires. Des médecins nous ont dit «Nous pensons être en mesure de travailler un peu différemment. Êtes-vous intéressé?» Nous leur avons répondu que nous l'étions assurément et qu'il y avait des fonds disponibles à cette fin. La part actuelle du fonds pour les soins de santé de l'Île-du-Prince-Édouard est de 700 000 $, ce qui n'est pas considérable.

Pour mettre les choses en perspective, disons que nous avons ouvert au début de septembre une clinique pour faire des tests de Papanicolaou. Un médecin nous a dit «Vous savez, je n'ai pas à faire ce test. Je travaille avec une infirmière qui a la formation pour le faire mais, selon la formule de rémunération à l'acte, je dois voir le patient afin d'être rémunéré». Cela s'insérait parfaitement bien dans notre stratégie de prévention et de mieux-être, parce que 40 p. 100 des femmes de l'Île-du-Prince-Édouard subissent régulièrement ce test qui permet de prévenir ce type de cancer. Nous avons convenu d'examiner la situation.

La première année, l'objectif de la clinique était de recevoir 1 000 patients. Au cours des trois premières semaines, nous en avions reçu 182. À ce rythme, quelque 3 000 personnes pourraient être vues la première année. Les gens de West Prince venaient en grand nombre; nous avions trois générations de personnes de l'Île-du-Prince-Édouard qui venaient à cette clinique. Ce petit projet utilisera environ 10 p. 100 de notre budget de soins primaires et nous avons fait des représentations au ministre Rock et à son sous-ministre, de même qu'aux fonctionnaires de Santé Canada en collaboration avec des homologues et des représentants des trois territoires, afin d'établir un seuil minimum de financement pour les programmes fédéraux dans les provinces et les territoires.

Nous avons demandé que tous les intervenants obtiennent un financement de base de deux millions de dollars dans le cadre du fonds de réaménagement des soins de santé primaires. Je crois que 70 p. 100 des fonds pour les soins primaires sont versés aux provinces sur la base de la population. Je ne demande pas une partie des fonds qui sont versés à l'Ontario, mais bien une partie des 30 p. 100 qui restent. Cela ne nous donne pas une très grande souplesse mais nous y travaillons. Si vous avez l'occasion de parler à quelqu'un du ministère de la Santé, nous profiterons de toutes les ouvertures qui se présenteront.

Pour terminer en ce qui concerne la question de l'innovation, je vous dirai que nous avons fait une évaluation du nombre de lits consacrés aux soins actifs il y a quelques années et constaté que 73 p. 100 des patients qui occupaient ces lits n'auraient pas dû les occuper. Ils auraient dû être ailleurs. Ils auraient dû faire l'objet d'une intervention à plus long terme, bénéficier de soins palliatifs ou de soins à domicile. Par conséquent, nous avons besoin de fonds pour assurer cette transition. Nous devons élaborer un système parallèle afin d'offrir davantage de soins à domicile avant même de penser à priver les hôpitaux de ces fonds. Vous ne pouvez pas simplement fermer le robinet et dire «D'accord, aujourd'hui, nous affecterons les ressources à tel autre endroit».

Plus tard, vous entendrez parler d'un projet pilote mené avec deux de nos régions relativement aux soins palliatifs. Quatre-vingt-trois pour cent des personnes qui participent à ce programme voulaient mourir à domicile et 7 p. 100 ont pu réaliser ce souhait. Nous avons un plan qui nous permettrait d'aider financièrement les patients, mais tout dépend de la disponibilité de fonds pour la transition.

Au plan de l'innovation, nous pouvons être le modèle à l'échelle du pays, mais nous ne pouvons y parvenir si le financement est établi uniquement en fonction du nombre d'habitants. En d'autres mots, nous ne pouvons obtenir ces fonds dans le cadre du TCSPS. Il faut prévoir un financement pour la transition. Peu importe que quelqu'un me dise «Voici un chèque, et que le montant soit utilisé dans tel domaine». C'est très bien, mais il est très difficile d'obtenir ce chèque.

La vice-présidente: Monsieur le ministre, vous avez parlé du logement et de la condition socioéconomique qui contribuent à un bon état de santé, et c'est là une question dont nous avons entendu parler dans diverses régions du pays. Le gouvernement fédéral s'est retiré du secteur du logement il y a quelques années. Quand vous parlez de logement, en tenez-vous compte dans l'ensemble de la problématique lorsque vous allouez des fonds pour divers secteurs? Que faites-vous à l'Île-du-Prince-Édouard?

M. Ballem: Le logement relève de notre ministère et n'a pas été avantagé. Nous nous demandons à quoi a servi l'argent et quelles sont nos priorités, et nous en arrivons à la conclusion que nous n'investissons pas suffisamment pour le logement. Le programme fédéral qui vient tout juste d'être annoncé relativement aux sans-abri devait verser des contributions égales à la contribution provinciale pour la construction ou la rénovation de logements sociaux. La part de l'Île-du-Prince-Édouard était de 700 000 $. Cela semble être le nombre magique pour nous. Présentement, les responsables cherchent à savoir ce que nous faisons d'autre, et cela nous pose problème. Nos citoyens - plus particulièrement les aînés - veulent rester chez eux, mais dans un certain nombre de cas, il s'agit de personnes seules, dont le logement est devenu trop grand et qui exige des réparations. Devrions-nous dire à ces aînés «Restez dans cet immeuble» ou devrions-nous plutôt chercher à leur offrir une solution de rechange qui leur convient davantage? Je n'ai toujours pas de réponse à cette question, mais nous y travaillons. Peu importe le domaine, les fonds ne suffisent pas. Le programme d'établissement du prix des logements locatifs de la SCHL compte une liste d'attente de trois ans pour des réparations, uniquement pour notre province.

La vice-présidente: Nous avons entendu partout au pays des témoins qui prient le gouvernement fédéral de revenir au concept d'enveloppe spéciale pour le logement public et les logements à faible coût.

Vous êtes le ministre de la Santé et je suis consciente que vous participez à des rencontres ministérielles qui se tiennent un peu partout au pays. Le public canadien semble être mal informé au point où certaines personnes pensent que notre système de santé est «gratuit». En cette ère de la technologie, je me demande pourquoi on ne peut concevoir un système qui permettrait de leur fournir un état détaillé du coût des soins de santé. Nous obtenons de tels chiffres d'American Express et de notre fournisseur de gaz et ainsi de suite. Pour ce qui est de la responsabilisation, il serait préférable que le public comprenne ce qu'il en coûte pour accéder au système de santé. Quand je consulte un médecin de l'Ontario, où j'habite, pour un ongle incarné, comment puis-je savoir que mon dossier indique que l'on ne m'a pas amputé d'un pied ou quelque chose d'autre? Je me suis souvent demandée pourquoi il n'y a pas une forme d'obligation de rendre des comptes. J'ai comme l'impression que si les gens comprenaient ce qu'il en coûte d'utiliser le système ils seraient un peu plus prudents dans leur utilisation. Je me demande pourquoi nous avons une telle difficulté, surtout que les gens s'imaginent que grâce à la technologie, il est possible de tenir compte d'une foule d'éléments.

M. Ballem: D'abord, je ne puis me prononcer concernant d'autres domaines. Si le secteur de la santé n'est pas le dernier à utiliser la technologie, il n'en est pas loin. Oui, nous disposons d'une foule d'appareils de diagnostic mais pour ce qui est de la gestion ou de la tenue de registres sur le client, nous accusons un retard considérable. Je vous ai dit que tous les médecins de l'Île-du-Prince-Édouard font de la facturation électronique, un système assez simple me direz-vous, mais je puis ajouter que peu d'autres juridictions ont adopté cette approche. Oui, il y a plusieurs médecins qui font de la facturation électronique, mais dans de nombreux autres cas, cette facturation est toujours manuelle. Allez chez votre médecin et regardez les dossiers qui s'y trouvent. Quelques médecins nous ont fait des propositions parce qu'ils souhaitent avoir un bureau où il y aurait moins de papier. Nous leur avons dit que cela était possible et que tout est question de priorité pour l'utilisation des fonds. Il y a peu de temps, j'ai consulté des travaux de recherche qui montraient que 66 p. 100 des citoyens estiment que le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard ne consacre pas suffisamment d'argent à la santé et aux services sociaux. Quand on a dit à ces personnes que 42c. de chaque dollar étaient consacrés à la santé et aux services sociaux, seules 35 p. 100 ont dit le savoir. Nous faisons des vérifications. Nous avons l'habitude d'envoyer un questionnaire aux gens pour leur demander notamment: «Avez-vous consulté un médecin et pour quel motif?» Les gens nous appelaient pour nous dire que nous n'avions pas à savoir pour quelle raison ils avaient consulté leur médecin. Les gens pensent que vous voulez envahir leur vie privée. Toutefois, je crois qu'il serait très utile que la population sache ce que coûtent les soins de santé et que cela pourrait apporter des changements.

Le sénateur Callbeck: Monsieur le ministre, vous avez su aborder une foule de questions essentielles qui se posent dans la province en matière de santé, et j'imagine que la plupart des provinces vivent la même situation. Je tiens à vous féliciter pour les nouvelles initiatives que notre province a entreprises. Je crois qu'elles sont excellentes et que cette clinique à Cornwall représente un avantage. Je suis d'accord avec vous quand vous dites que Île-du-Prince-Édouard est un excellent endroit pour la mise à l'essai de nouvelles méthodes ou de projets pilotes et ainsi de suite.

Je veux en venir à la question du financement, mais avant d'y arriver, j'ai quelques questions à poser, notamment sur la prévention. Étant donné les ressources limitées dans une province comme celle de l'Île-du-Prince-Édouard, avons-nous été en mesure au cours des deux dernières années de trouver davantage d'argent pour la prévention?

M. Ballem: La réponse brève est non. Lors d'une séance de consultation tenue dans la province, quelqu'un a dit qu'il est très difficile d'investir dans un REER quand il n'y a pas suffisamment d'argent pour faire l'épicerie. En gros, les gens en sont là. Nous savons que cet investissement est nécessaire. Nous savons que si les gens étaient plus actifs et qu'ils avaient une alimentation plus saine, nous économiserions des sommes considérables en bout de ligne. Vous avez sûrement entendu dire aujourd'hui que les médecins de la province diagnostiquent deux cas de diabète non insulo-dépendant par jour et que cela est directement lié au niveau d'activité et au régime alimentaire. Nous savons que nos médecins aimeraient consacrer plus de temps à leurs patients et qu'au lieu de leur rédiger une ordonnance, ils devraient leur dire qu'ils peuvent faire autre chose. Toutefois, notre système ne le permet pas vraiment et il est difficile pour nous de mettre en oeuvre des programmes à caractère préventif parce qu'il faudrait les ressources pour le faire. Allez demander aux gens s'ils savent qu'ils devraient avoir une alimentation plus saine ou qu'ils devraient faire plus d'exercice, et tous vous répondront qu'ils le savent mais la question est la suivante: comment peut-on convaincre les gens de s'engager sur cette voie?

Le sénateur Callbeck: Je n'en reviens pas de savoir que nous avons le plus faible taux d'activité physique. Nous sommes vraiment au bas de la liste pour l'ensemble du Canada, n'est-ce pas?

M. Ballem: Je n'ai pas de données statistiques sur le sujet, mais je contesterais cette information. Parmi les gens qui ont été sondés, on a demandé à des agriculteurs ou à des pêcheurs «Voici ce que nous considérons comme de l'activité physique. Combien d'heures avez-vous consacrées à des activités physiques la semaine dernière?» Ils ont répondu n'avoir rien fait durant leurs heures de loisirs. À mon avis, c'est la question qui pose problème. Je suis au courant d'un cas parce qu'un responsable provincial m'en a parlé et qu'il disposait d'un échantillon de trois personnes. Je remets donc les résultats en question, mais je n'ai pas d'autres données pour me justifier.

Le sénateur Callbeck: Non, je les remettrais en question moi aussi. Quand vous parlez d'intégration du système, j'ai l'impression que nous sommes la seule province au Canada à disposer d'un système semblable.

M. Ballem: Les territoires en ont un, mais il n'est pas complètement intégré. Les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon disposent d'un tel système. En tenant compte du fait que la santé, les services sociaux, le logement, les personnes âgées, les personnes handicapées et l'Entente-cadre sur l'union sociale - ou ECUS - sont sous notre juridiction, il est très rare que je voie les mêmes ministres aux réunions nationales.

Le sénateur Callbeck: Passons maintenant à la question du financement. Vous savez sans doute, comme il est indiqué dans votre mémoire, que la situation est beaucoup plus difficile pour les plus petites provinces. Nous avons entendu dire la même chose en Nouvelle-Écosse hier. Sachant que dans cinq ans peut-être le budget pour la santé pourrait atteindre 50 p. 100 du budget provincial total, on se demande comment faire pour continuer d'adhérer au régime. Les représentants de la Nouvelle-Écosse parlaient aussi de la proportion du PIB comparativement à leurs dépenses. Nous venons au deuxième rang au Canada pour ce qui est de la proportion de notre PIB consacrée aux dépenses. Pour ce qui est du montant réel, nous sommes à l'avant-dernier rang.

Hier, des témoins nous ont parlé de la formule de financement du TCSPS et nous ont dit qu'elle était très inéquitable, qu'elle ne devrait pas être fonction du nombre d'habitants, qu'il devrait y avoir d'autres éléments à considérer comme le pourcentage des personnes âgées dans la province, le taux de cancer, et cetera. En d'autres mots, il faudrait tenir compte des besoins.

M. Ballem: Ma première réaction serait la suivante: quel degré de complexité faut-il donner au système? Faut-il le compliquer au point qu'il est impossible de le comprendre et que chaque année, il faille se battre pour chercher à démontrer que telles données statistiques sont plus élevées ou plus faibles que d'autres. Personnellement, j'aimerais savoir quel sera mon budget dans cinq ans. Je sais que c'est presque impossible à faire, mais j'aimerais qu'il y ait une certaine stabilisation du financement. La proportion de nos personnes âgées par rapport à l'ensemble de la population est l'une des plus élevées au pays et elle continuera de s'accroître parce que les Prince-Édouardiens qui avaient quitté la province reviennent pour y prendre leur retraite.

Je ne suis pas sûr que j'aimerais un système qui nous accorderait davantage de financement uniquement parce que notre population de personnes âgées est plus élevée. Nous cherchons à déterminer les priorités au sein de la province et si nous en arrivons à ce niveau, le gouvernement fédéral pourrait être tenté de nous dire comment administrer le système de santé de la province, ce que sont les priorités pour Île-du-Prince-Édouard par rapport à la population ou les priorités par rapport à l'Ontario ou à l'Alberta, parce qu'elles diffèrent.

Depuis 1990-1991, la proportion de la contribution fédérale consacrée aux dépenses de santé est passée de 22 à 23 p. 100, à moins de 14 p. 100 actuellement. Pendant cette période, nos dépenses pour la santé ont connu une progression totalement différente: elles sont passées de 170 millions de dollars à près de 290 millions de dollars, soit une augmentation de 130 p. 100. La contribution fédérale ne suit pas la tendance, et cela est très frustrant.

Le sénateur Callbeck: En d'autres mots, vous êtes satisfait du TCSPS, non pas pour les montants qui vous sont alloués, mais parce que vous ne souhaitez pas que la formule devienne plus complexe?

M. Ballem: Selon nous, la question du financement à long terme et viable ne peut provenir de la formule du TCSPS. Il faut que le financement vienne de la péréquation et je suis sûr que les représentants de notre province vous en ont parlé. Comme il y a beaucoup d'autres facteurs en matière de santé, il est facile de supposer que tout est consacré à la santé. De fait, une partie de ce financement est consacrée aux services sociaux et une autre partie à l'éducation. Pour nous, cela est plus facile parce qu'il y a intégration. Que faisons-nous quand nous cherchons à réaménager les étagères, où mettons-nous notre argent? Selon moi, la péréquation nous permet de fonctionner comme une province et d'offrir des soins de santé. C'est la priorité principale de toutes les juridictions du pays et elle le restera tant et aussi longtemps que les résidents penseront de cette façon. De toute façon, nous y consacrerons de l'argent. Le TCSPS est trop restrictif, et le plafond en matière de péréquation nous nuit en tant que province.

Le sénateur Callbeck: Si nous utilisions les dix provinces plutôt que les cinq provinces pour la formule de péréquation, savez-vous à peu près combien cela représenterait pour nous?

M. Bill Harper, sous-ministre adjoint, ministère de la Santé et des Services sociaux, Île-du-Prince-Édouard: Je ne sais pas quels seraient les chiffres. Je ne m'occupe pas beaucoup de péréquation. Je sais que les chiffres sont assez élevés parce que, actuellement, certaines provinces comme l'Alberta sont exclues et que l'assiette fiscale de l'Alberta est exclue des calculs.

L'autre élément qui a des répercussions pour nous est le plafond sur le rythme de croissance de la péréquation, qui a des conséquences importantes sur ce que nous pouvons recevoir. Il y a 10 ans environ, le montant que nous recevions du gouvernement fédéral était d'environ 46 p. 100. Aujourd'hui, nous en sommes à environ 40 p. 100 ou peut-être même un peu moins. Pendant tout ce temps, nous avons connu un taux de croissance annuel de 5 à 6 p. 100 pour les soins de santé. À la base, notre PIB représente environ 70 p. 100 de la moyenne nationale de sorte que pour être en mesure de financer les soins de santé, nous avons dû couper ailleurs.

À long terme, nous en sommes à 42 p. 100 de l'ensemble du programme, y compris les services sociaux, mais il faut se demander jusqu'où il est possible d'aller quand vous devez en même temps soutenir des questions majeures comme l'éducation, qui absorbe près du quart des dépenses. Il ne reste donc pas grand-chose pour tout le reste, ce qui a des conséquences sur l'état de santé de la population.

M. Ballem: On me communique un chiffre à l'instant. Quand il est question de la stabilité du financement et compte tenu de la façon dont interviennent les économies des diverses provinces, notre péréquation pourrait varier entre 20 et 30 millions de dollars au milieu d'un exercice, uniquement à cause de la fluctuation des conditions existantes. Présentement, sur le déficit de 50 millions de dollars qui est prévu pour la province, plus de 30 millions de dollars sont attribuables à une variation des recettes. Oui, nous dépensons trop et nous aborderons cet aspect, mais quand vous parlez de stabilité du financement, vous dites «Bien, d'ici octobre - soit-dit en passant les projections que vous avez en main ne sont plus valides», et vous parlez ensuite de recevoir 25 millions de dollars de moins en paiement de péréquation. Les choses peuvent être différentes aussi. Ces dernières années, les versements de péréquation ont été supérieurs à ce que nous avions prévu et, dans certains cas, je crois qu'il est plus facile de faire une bonne gestion lorsqu'il y a moins d'argent. Les gens ne s'attendent pas à autant d'argent.

Le sénateur Callbeck: Non, je sais, je sais ce que c'est que de constater que votre revenu diminuera de 25 millions de dollars. C'est un chiffre que je voudrais bien connaître. Si on utilisait les 10 provinces dans la norme plutôt que cinq, où cela situerait-il l'Île-du-Prince-Édouard? Je ne parle pas nécessairement d'aujourd'hui, mais j'apprécierais de recevoir le renseignement.

M. Harper: Les personnes qui sont en charge de la péréquation ont ces chiffres et je leur en ai parlé, mais je ne puis vous fournir le nombre exact aujourd'hui. Pour nous, l'utilisation de la moyenne de toutes les provinces représenterait une augmentation importante.

Le sénateur Callbeck: Bien sûr, s'il n'y a plus de plafond, les résultats seraient encore meilleurs.

M. Harper: Oui, il y a d'autres répercussions.

La vice-présidente: J'ai du mal à croire que l'Alberta n'en tient pas compte dans ses calculs et que l'Alberta ne soit pas une de ces provinces. J'aimerais également connaître les résultats si le calcul se faisait sur la base des 10 provinces.

M. Ballem: Nous vous fournirons ce renseignement.

La vice-présidente: Monsieur le ministre, vous parliez d'un seuil minimum pour les soins primaires, de fonds de transition et je crois que vous avez dit que vous accepteriez des fonds fédéraux à des fins particulières. Cela concerne-t-il les fonds de transition ou accepteriez-vous les conditions applicables à une gamme plus étendue de fonds fédéraux?

M. Ballem: J'aimerais que cela s'applique à des programmes particuliers. Je ne suis pas sûr à 100 p. 100, et je regretterai peut-être de l'avoir dit, mais je ne suis pas tout à fait sûr que nous ayons besoin de plus d'argent dans notre budget pour le moment. Si nous pouvions mieux réaffecter nos ressources, nos ressources humaines, nos ressources financières et utiliser au maximum nos installations, nous serions certes capables d'offrir un assez bon système de soins de santé et de services sociaux provincial avec 350 millions de dollars. Notre problème est qu'il est moins coûteux pour quelqu'un de recevoir des soins à domicile qu'il ne l'est de les recevoir dans un hôpital pour soins actifs uniquement si le lit d'hôpital est fermé. Vous ne pouvez tout simplement le laisser vide parce que s'il n'est pas occupé, nous n'épargnons que sur les repas et sur les services de buanderie. Par conséquent, si le personnel est en place pour ce lit, mieux vaut l'utiliser.

Toutefois, nous ne pouvons, comme je l'ai dis plus tôt, tourner le bouton et annoncer que nous ferons telle chose. Nous avons besoin de fonds de transition. Établissons un système parallèle et développons la capacité d'offrir des soins à domicile qui permettront aux gens d'être traités chez eux plutôt qu'à l'hôpital. Au fur et à mesure du développement de ce système, nous aurons moins besoin de lits pour les soins actifs. Les soins palliatifs sont un autre aspect du problème.

Présentement, la majorité des personnes qui reçoivent des soins palliatifs mourront à l'hôpital parce que c'est à cet endroit que sont payés les analgésiques, c'est l'endroit où se trouvent les médecins, les infirmières et aussi les lits. Avec une proposition comme celle que nous envisageons, c'est-à-dire faire en sorte que l'argent suive le patient, la demande sera moins lourde pour le système quand nous aurons des fonds de transition à affecter à cette proposition.

Vous vous demandez si je pense que nous obtiendrons le financement pour la transition, l'innovation et les projets particuliers. Je vous dirai que j'ai rencontré le sénateur Carstairs et aussi le ministre Rock et que nous avons parlé des soins primaires à l'échelle nationale, du réaménagement des fonds et de ce que nous faisons. Par exemple, il faudrait probablement deux millions de dollars pour lancer un programme de soins palliatifs parce que nous aurions besoin d'accéder à la technologie. Il faudrait ensuite ajouter 1,5 million de dollars par année, montant qui serait réduit sur quatre ans jusqu'à ce que nous soyons en mesure d'atteindre l'autosuffisance, en fonction de la réaffectation des ressources au sein de notre système. Dans l'ensemble, nous ne demandons que huit ou neuf millions de dollars pour un projet de soins palliatifs sur quatre ans. Ce n'est pas beaucoup, mais on a tendance à faire équivaloir les montants affectés à tout programme au nombre d'habitants. L'Île-du-Prince-Édouard ne compte que 139 000 personnes de sorte que le gouvernement fédéral nous donnera à peine huit millions de dollars. Voilà encore une fois le défi auquel nous sommes confrontés.

D'autre part, si nous lancions le programme de soins palliatifs à l'échelle de la province, ce que personne d'autre ne peut faire aussi rapidement et aussi efficacement que nous le pouvons, nous pourrions en arriver à un modèle qu'une autre province pourrait très facilement mettre en oeuvre. J'aimerais que quelqu'un dise «Voici votre chèque et voici ce que vous devez faire avec les fonds». Voilà qui serait excellent.

La vice-présidente: Vous parlez de votre population plus faible si l'on fait exception des grands centres urbains, mais le Canada compte plusieurs autres régions rurales et éloignées qui pourraient bénéficier d'un modèle à suivre.

J'ai bien aimé ce que vous avez dit, «Permettre à l'argent de suivre le patient». Nous avons entendu plusieurs témoignages sur la question des soins à domicile et l'une des raisons pour lesquelles ce type de soins n'est pas accessible, de façon variable à l'échelle du pays, est le coût des médicaments. On ne semble pas en tenir compte dans l'établissement du coût d'un lit d'hôpital et de tous les services offerts dans les hôpitaux, mais dès que le patient quitte l'hôpital et se retrouve à domicile, les médicaments qui étaient couverts à l'hôpital ne le sont plus à la maison. Cela semble complètement illogique parce que c'est une façon de voler à Pierre pour donner à Paul, parce qu'il est très coûteux de garder ces patients à l'hôpital.

M. Ballem: Quand on calcule les coûts d'un l'hôpital, on peut avoir, par exemple, un secteur de 25 lits qu'il faut doter au complet, peu importe que ces lits soient occupés ou non.

La vice-présidente: Les patients sur une liste d'attente pourraient fort bien utiliser les lits.

M. Ballem: Permettez-moi de faire une petite publicité. L'Île-du-Prince-Édouard compte les listes d'attente les plus courtes au pays. Nous n'avons peut-être pas les dépenses les plus élevées par habitant, mais nous croyons être les meilleurs pour ce qui est des listes d'attente pour les chirurgies. Sinon, nous venons au deuxième rang.

Le sénateur Cook: À la lumière de ce que nous disent les témoins, il est question d'offrir des soins primaires avec un budget établi sur la base d'une formule conçue il y a longtemps, et il me paraît nécessaire de sortir du cadre et de faire quelque chose, comme vous le dites, d'innovateur. Il serait merveilleux qu'une telle enveloppe existe: s'il était possible de regrouper sous un même chapiteau la santé de la collectivité et la santé de la population et d'inclure des facteurs de santé comme la pauvreté, l'obésité, l'alphabétisation, même l'aide juridique, le tabagisme, les soins à domicile et ce que vous voudrez d'autre ou s'il était possible de concevoir un plan et de l'appliquer soit aux soins à domicile ou aux soins à la population et le présenter aux autorités.

Par contre, le système actuel ne prévoit pas de financement à cette fin. Vous maintenez le statu quo mais vous devez faire face à toutes les innovations technologiques apportées depuis les années 60, époque à laquelle le régime de soins de santé et la Loi canadienne sur la santé sont entrés en vigueur. Je sens qu'il y a une frustration particulière. Dans les circonstances, pourquoi ne pas sortir du cadre et élaborer une structure autonome et chercher à l'appliquer?

M. Ballem: Au cours de l'année écoulée, j'ai fait souvent le commentaire suivant: si je pouvais convaincre mon patron de me donner les pouvoirs d'un dictateur pendant un an, les choses seraient beaucoup plus faciles. Si vous demandez aux professionnels de la santé, aux personnes qui travaillent dans le secteur de la santé ce qu'ils estiment que nous devrions faire, ils vous répondront que nous pourrions faire ceci et que nous pourrions faire cela, mais ne me touchez pas; ne touchez pas à ma profession et donnez davantage à ma profession.

Dès que se présente une occasion de faire quelque chose, il faut trop de temps pour rassembler tous les intervenants et les convaincre d'agir ensemble. Déjà, il est trop tard. Les frustrations et les défis se résument fort bien avec la première question qui vient immédiatement à l'esprit: il est très bien de dire que nous nous occuperons de soins à domicile, mais où croyez-vous que nous trouverons les fonds?

Lorsque nous avons proposé à un auditoire de fermer les lits réservés aux soins actifs afin de passer à des soins palliatifs, de prendre les fonds réservés à ce groupe de lits et de les affecter aux patients et ainsi de se créer un fonds de soins palliatifs, les mots «convertir» et «fermeture» sont ceux que les gens ont retenus. Il faut se demander comment mesurer les soins de santé. Est-ce en fonction de l'argent dépensé, du nombre de médecins disponibles et du nombre d'infirmières disponibles?

Si j'avais passé les 18 derniers mois à mon bureau sans en sortir et que je demandais aux gens quel genre de ministre j'ai été, ils diraient «Il est assez bon parce que nous avons un plus gros budget que quand il a été élu et que nous avons davantage de médecins et d'infirmières. Nous construisons un nouvel hôpital et nous allons obtenir du matériel d'IMR». Est-ce que cela donne de meilleurs soins de santé pour notre population? Je n'en suis pas si sûr. Si nous disons «Voici ce que nous voulons faire, et voici ce que nous pensons que seront les coûts et combien de temps il faudra» et si j'étais convaincu que les personnes qui distribuent les fonds seraient réceptives, nous pourrions présenter une proposition au ministre Rock et être raisonnablement sûrs d'obtenir les fonds. Ensuite, nous irions voir le ministre MacAuley puis n'importe quel autre ministre qui accepterait de nous écouter.

Les fonds ne peuvent venir de notre budget provincial. Ils doivent provenir d'une source fédérale. Par contre, loin de moi l'idée de priver une autre province. Toutefois, nous en revenons toujours à l'idée du calcul par habitant; à ce jour la population de notre province n'est tout simplement pas suffisante.

Le sénateur Cook: Tôt ou tard, ceux d'entre vous qui êtes les leaders devrez prendre des décisions, parce que les facteurs sont là: diminution du taux de natalité, vieillissement de la population et pauvreté. L'économie déterminera dans quelle mesure les Canadiens seront en santé et il se peut fort bien que vous soyez les premiers à bouger, parce qu'il est maintenant temps de le faire.

M. Ballem: Je suis entièrement d'accord avec vous et vous avez entendu plusieurs de nos intervenants le dire aujourd'hui, et d'autres vous le diront cet après-midi. Nous sommes mieux placés que quiconque pour le faire. En parlant au Dr Ling, je lui ai demandé «Combien vous faut-il pour les soins primaires?» et il m'a répondu «Donnez-moi les fonds et vous verrez que je ferai avancer les choses». Nous avons des liens de meilleure qualité, des liens plus étroits avec nos prestataires de soins de santé que dans n'importe quelle autre province parce que le territoire est petit. Il est fort probable que vous connaissiez la moitié des personnes qui vont à l'hôpital, ou leurs familles. Nous pourrions le faire si nous avions les ressources.

Le sénateur Cook: Vous avez des parcelles de différentes enveloppes. Je suis sûre que si vous pouviez les réunir toutes, les réorganiser et concevoir un plan innovateur, vous pourriez démontrer aux dirigeants ce qui est nécessaire et ce qui est possible. Votre province est suffisamment petite pour que vous soyez capable de mesurer les résultats.

M. Ballem: Assurément. Normalement, je suis plutôt optimiste mais pas autant que vous, sénateur; je ne suis pas sûr que je pourrais démontrer aux dirigeants que nous pouvons le faire. J'en conviens toutefois, le temps est plus que propice. Pour ce qui est de mesurer les résultats, nous voulons uniquement savoir si nous obtenons non seulement de bons soins de santé mais aussi si nous en obtenons pour notre argent.

Nous disposons aussi d'un avantage sur un autre plan: nous cherchons à accroître nos capacités de recherche, particulièrement la recherche sur les maladies, parce que nos familles élargies vivent proches les unes des autres. Si vous faites de la recherche sur la génétique, vous avez un avantage important parce que vous savez que mes parents vivent ici, de même que mes cousins ou mes frères et mes soeurs.

Toutefois, le problème est de franchir l'obstacle. On nous le dit constamment «Vous ne pouvez le faire à l'Île-du-Prince-Édouard parce que la province est trop petite. Vous devriez laisser cela à l'Ontario ou peut-être même à l'Alberta». C'est la réalité à laquelle nous sommes confrontés.

Le sénateur Cook: Je suis l'optimisme incarné. Je viens de Terre-Neuve, je suis née en milieu rural et je crois que tout est possible à la condition de travailler pour l'obtenir.

M. Ballem: J'en conviens.

Le sénateur Léger: Vous avez parlé de programmes et vous avez parlé du questionnaire dans lequel on demandait aux pêcheurs s'ils faisaient de l'exercice. Ils ont dit non. Je me demande si les questions sont les mêmes en Ontario qu'à l'Île-du-Prince-Édouard. Ce n'est pas la même langue, cela n'est pas possible. Voilà ce que je voulais dire.

La question de fond concerne les programmes. Quand j'enseignais au secondaire, nous cherchions à développer l'esprit d'entreprise chez les élèves. Aujourd'hui, on enseigne aux jeunes gens comment lancer une entreprise dès maintenant, à un très jeune âge. On leur explique qu'ils peuvent avoir leur propre entreprise, avoir leurs propres chandails et comment faire à toutes les étapes. Est-il possible de créer un programme qui montrerait aux jeunes ce qu'il en coûte quand ils se présentent au cabinet d'un médecin, quand ils se présentent à l'hôpital? Si on commençait par là - à supposer que la facture soit de 500 $ - croyez-vous que ce serait un processus d'apprentissage? Pourrait-il y avoir un programme en ce sens?

M. Ballem: Voilà une bonne idée. Nous sommes à mettre au point un programme de surveillance des déchets, et les étudiants sont notre outil de promotion. Si vous demandez aux jeunes de vous parler d'informatique ou d'environnement, vous constaterez qu'ils en savent bien plus que les gens de notre génération. Si seulement les gens savaient. Peut-être est-ce une façon d'y arriver: demander aux enfants «Saviez-vous que»?

Le sénateur Léger: Je crois personnellement qu'ils voudraient savoir. Ils sont curieux, puis les adultes commenceraient immédiatement à poser des questions et, qui sait, pourraient vouloir connaître le montant de leurs propres factures.

La vice-présidente: Au nom de mes collègues et en mon nom propre, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir comparu ici aujourd'hui.

M. Ballem: J'ajouterais un petit mot à l'intention du sénateur Callbeck. Nous avons fait des calculs rapides. Si toutes les provinces faisaient partie de la formule de calcul de la péréquation, nous toucherions 41 millions de dollars de plus sur la base de 260 millions de dollars.

Le sénateur Callbeck: Merci monsieur le ministre.

La vice-présidente: Nous entendrons maintenant les témoins suivants.

Mme Betty Fraser, chef de la direction, Southern Kings Health Authority: Je suis chef de la direction du Southern Kings Health Authority, une petite collectivité rurale située à l'est de Charlottetown. Notre service régional de santé dessert une population d'environ 15 000 personnes. Nous leur offrons des soins de santé de base. Il s'agit d'une structure principalement rurale où le centre le plus important compte environ 2 000 personnes. Nous référons surtout les patients au Queen Elizabeth Hospital, situé environ 30 miles plus loin. Les industries principales de la région sont la pêche et l'agriculture. La saisonnalité de l'emploi est certes un facteur déterminant pour notre collectivité.

J'ai décidé de vous parler cet après-midi de quatre des questions qui sont abordées dans votre rapport. Je tenterai de les relier à certaines des préoccupations que nous avons dans notre propre service régional de santé. J'aimerais aussi établir un lien avec certaines des préoccupations auxquelles je suis confrontée en ma qualité de membre d'un conseil d'administration national, celui de l'Association canadienne de soins et services communautaires, et certaines des questions qui découlent de cette composante.

Je commencerai par le transfert de fonds pour la prestation de services de santé administrés par d'autres secteurs de compétence. Le régime d'assurance-maladie est une expression très connue à l'échelle du pays. Nous avons grandi dans ce système. En tant que Canadiens, nous tenons pour acquis qu'il s'agit d'un service «gratuit» et nous nous attendons à ce qu'il soit disponible pour répondre à tous nos besoins médicaux et à ce que personne n'ait à débourser quoi que ce soit.

Les principes de la Loi canadienne sur la santé ont été évoqués dans le cadre du régime d'assurance-maladie. Un examen complet de cette loi s'impose. Présentement, les services assurés se rapportent à l'endroit où ils sont offerts, c'est-à-dire surtout dans les hôpitaux. Compte tenu du mouvement récent en faveur des services offerts dans la collectivité, nous devons envisager très sérieusement ce qu'est un service assuré et où ce service peut être offert.

Actuellement au pays, les programmes de soins à domicile varient grandement d'un secteur de compétence à l'autre. Les normes n'ont pas été clairement définies et les médicaments et les fournitures ne sont pas couverts dans plusieurs cas.

Les coûts liés à la prestation des soins de santé continuent de croître. Dans sa forme actuelle, le système ne peut survivre. Un rapport récent du Conference Board du Canada estime que les coûts du régime d'assurance-maladie connaîtront une croissance annuelle moyenne de 5,2 p. 100 entre 2000 et 2020. Cela représente environ 42 p. 100 du budget consacré au régime. Nous avons entendu plus tôt le ministre qui parlait de la proportion de notre budget qui doit être consacrée aux soins de santé par rapport à d'autres éléments du budget pour les ministères de l'Île-du-Prince-Édouard. Ce sont des chiffres alarmants qui devraient susciter la discussion au niveau fédéral et provincial.

Cette situation fait ressortir l'urgence d'ententes fédérales/provinciales/territoriales sur les services principaux qui sont offerts non seulement dans le secteur des soins actifs, mais aussi dans la collectivité et auxquels les principes de la Loi canadienne sur la santé s'appliqueraient également. Je recommanderais au gouvernement fédéral d'assumer un rôle de leadership pour déterminer quels services principaux doivent être inclus et pour établir des normes nationales visant la prestation de tels services.

Je passe maintenant au financement de la recherche innovatrice dans le domaine de la santé. Il faut féliciter Santé Canada pour son rôle dans le financement de la recherche sur la santé et de projets pilotes innovateurs. En tant que petite collectivité rurale, nous avons grandement profité du financement pour participer à de tels projets, et le ministre a déjà fait référence à un projet de soins palliatifs à domicile en milieu rural et à un second projet auquel nous participons et qui s'appelle «Little Expressions Mean a Lot», un projet d'orthophonie actuellement en cours.

Le gouvernement fédéral joue un rôle clé dans le financement des projets de recherche en cours et dans la diffusion des résultats à ceux qui font les politiques. Cette initiative fournit des renseignements crédibles comme base pour la prise de décisions. La province de l'Île-du-Prince-Édouard, avec ses plus petits services régionaux de santé, convient bien à l'élaboration et à l'exécution de projets innovateurs qui démontrent la capacité d'offrir des services de manière plus efficace dans les collectivités rurales.

Les échéanciers concernant les propositions et la mise en oeuvre de projets posent problème. Le délai minimum après le dépôt d'une proposition peut varier de 18 mois à deux ans. Nous avons parlé plus tôt de l'élaboration de projets et de la recherche de financement. Ce sont souvent les échéanciers avec lesquels nous devons composer si nous pensons avoir une bonne idée. Le processus d'embauche est également long. Par exemple, un délai de six mois dans la mise en marche d'un projet de 18 mois impose des contraintes assez lourdes pour l'organisation qui souhaite réaliser le projet dans les délais proposés. L'incapacité de prolonger les projets ou de reporter le financement à l'exercice suivant pose un problème si on veut qu'un projet donne tout son potentiel. Nous nous retrouvons bien souvent dans une situation où nous nous dépêchons de dépenser l'argent avant la fin de l'exercice, ce qui n'est pas une bonne façon de gérer.

L'incapacité des régions à agir comme parrain principal en matière de santé sans l'autorisation ministérielle est un obstacle inutile et non justifié pour faire avancer les propositions. Les petites régions rurales comme Southern Kings, avec une population de 15 000 habitants, sont limitées dans la gamme de parrainage approprié pour des propositions de projet. Les lignes directrices ou les orientations sont souvent peu claires et entraînent une duplication coûteuse.

Je recommande que le gouvernement fédéral élimine les obstacles qui limitent la capacité des autorités sanitaires régionales d'agir comme parrain principal des projets pilote financés par le gouvernement fédéral et d'accorder plus de souplesse pour l'établissement des échéanciers d'un projet.

Je passe maintenant à l'appui de Santé Canada à l'infrastructure et à l'infrastructure de la santé: les questions liées à la planification des ressources humaines par la prestation de soins de santé est une préoccupation nationale. On reconnaît qu'il faut appuyer un certain nombre d'études qui sont déjà en cours. Toutefois, la crise se vit maintenant et les demandes dépassent de loin ce qui est disponible dans plusieurs secteurs de prestation de services.

Il faut que les provinces collaborent davantage entre elles pour établir l'accréditation et l'autorisation des professionnels. Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle de leadership ou de coordination pour faciliter ce processus. Lorsque le recrutement est axé sur les salaires et les incitatifs, les plus petites provinces ne peuvent concurrencer. Selon moi, elles sont parfaitement au courant des salaires qui sont offerts en Alberta et en Colombie-Britannique. L'Île-du-Prince-Édouard ne peut s'en approcher ni même espérer le faire. Nous ne saurions nous lancer dans une guerre d'enchères au moment où nous cherchons à trouver un nombre suffisant de professionnels bien formés.

Le secteur des para-professionnels est moins bien défini, situation particulièrement apparente dans le secteur des soins à domicile et collectifs. La formation de paraprofessionnels relève du provincial. La province peut s'en charger elle-même ou confier ce travail à une entreprise privée, mais c'est souvent au cas par cas. Le financement nécessaire à cette formation est limité et souvent insuffisant. Le gouvernement fédéral pourrait travailler plus étroitement avec les provinces pour prévoir un financement approprié pour la formation et le perfectionnement des compétences et mettre en place des normes appropriées.

J'estime aussi qu'il faudrait envisager sérieusement la fourniture de technologie pour appuyer les programmes de formation. Bien souvent, le financement n'est pas disponible pour les coûts de démarrage. L'appui du fédéral à l'infrastructure pour de telles initiatives pourrait être avantageux pour plusieurs de nos collectivités rurales.

Lorsque le gouvernement fédéral accorde des fonds aux provinces, soit dans le cadre des paiements de transfert du TCSPS soit, plus récemment, dans le cadre du financement de la technologie de Santé Canada, ces fonds vont souvent à la technologie de pointe nécessaire dans le secteur des soins actifs. Le financement ciblé pour des secteurs particuliers augmenterait grandement notre capacité d'offrir une prestation de services différente en milieu rural.

Permettez-moi de vous citer l'exemple de notre projet récent de soins palliatifs à Southern Kings et du projet de téléhospice à West Prince. L'évaluation de ces deux programmes montre clairement la rentabilité et l'amélioration de la qualité du service que la télésanté peut apporter. Toutefois, les coûts de démarrage sont souvent prohibitifs et entraînent des délais dans la mise en oeuvre de ces programmes en milieu rural. Le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle plus important dans la fourniture de fonds de démarrage pour des projets qui visent à améliorer la prestation des services en milieu rural. La disponibilité d'une technologie appropriée peut aussi atténuer la demande de ressources professionnelles limitées.

Je voudrais aussi parler de protection de la santé, de promotion de la santé et du mieux-être et de prévention de la maladie. Par le passé, les soins de santé visaient surtout à traiter les maladies. On mettait l'accent sur la recherche qui se rapportait au traitement et à la guérison des maladies. Dans l'ensemble, on accordait peu d'attention à la promotion de la santé, à la prévention et à la responsabilité vis-à-vis de sa propre santé. En tant que système, nous continuons d'accroître les dépenses pour les soins de santé sans même savoir avec précision si les Canadiens sont en meilleure santé.

L'appui du gouvernement fédéral est crucial pour la viabilité d'un système de santé qui serait axé sur la santé de la population. Le rapport récent sur la santé des Canadiens met en relief plusieurs secteurs et plusieurs possibilités pour les décideurs et les prestataires de soins. Une approche à la santé de la population doit aller au-delà des prestataires traditionnels en matière de santé. Les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux doivent travailler en collaboration les uns avec les autres pour élaborer des politiques et des stratégies efficaces qui tiennent compte des grands déterminants de la santé.

Le document «Pour un avenir en santé» recommande et encourage l'établissement d'alliances avec d'autres secteurs comme stratégie primaire pour l'amélioration de la santé de la population. Plusieurs des déterminants de la santé se situent à l'extérieur du système de santé traditionnel. Un dialogue plus intense doit donc s'établir pour favoriser l'élaboration de politiques publiques saines dans plusieurs secteurs. Ce travail n'est pas que la responsabilité du gouvernement. Les institutions publiques, privées et sans but lucratif doivent aussi jouer un rôle dans la réalisation d'objectifs de santé positifs.

Il faut aussi reconnaître le rôle du gouvernement fédéral dans des initiatives en cours pour aider des groupes clés de la population: les enfants, les jeunes et les autochtones. Toutefois, ce n'est qu'un début. Le gouvernement fédéral doit continuer de financer des programmes et la recherche dans tous ces secteurs et de surveiller les répercussions de cette politique publique pour la santé et en rendre compte.

Pour terminer, je ne crois pas que le régime d'assurance-maladie dans sa forme actuelle puisse être viable dans le futur compte tenu de l'évolution démographique, de la demande de nouvelles technologies et de la réduction des ressources humaines. S'il n'y a pas de changement au chapitre des dépenses en santé par habitant et si le vieillissement de la population se poursuit comme prévu, les dépenses totales pourraient être de 30 p. 100 plus élevées dès 2013. De telles données statistiques mettent en relief la nécessité d'améliorer la santé de la population afin d'atténuer les effets financiers du vieillissement. Nous devons chercher à créer un système qui soit basé sur de la recherche solide et sur des décisions prises en fonction des résultats de cette recherche. Le modèle actuel basé sur le traitement des maladies n'est plus viable. Nous devons concevoir des activités de promotion de la santé et élaborer des incitatifs qui encouragent la population à prendre un plus grand soin de sa santé.

Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle de leader auprès des provinces en favorisant l'établissement de partenariats et en élaborant des cadres de travail de portée nationale. Certaines initiatives actuelles offrent ce potentiel: l'Accord-cadre sur l'union sociale, le TCSPC, la Loi canadienne sur la santé et la possibilité d'une nouvelle loi à l'appui de la promotion de la santé et de la prévention des maladies.

La question d'un système à deux volets demeure controversée. Nous avons déjà des éléments d'un tel système dans diverses parties du pays. Les particuliers peuvent acheter de l'assurance qui leur permet de se rendre aux États-Unis pour y subir des examens ou des chirurgies, ce qui leur permet d'éviter les longues listes d'attente au Canada. La demande de tels avantages se fait de plus en plus pressante au Canada. Les services assurés en vertu du régime d'assurance-maladie doivent être identifiés et définis très clairement. Il faudra aussi aborder les questions d'éthique par rapport à la technologie.

Plusieurs des débats qui entourent la façon de financer le régime tournent autour du ticket modérateur, de la participation aux coûts et de l'augmentation des impôts. Jusqu'à maintenant, nous avons peu insisté sur les incitatifs pour encourager les particuliers à maintenir un style de vie sain. Nous avons peu insisté sur le rôle des prestataires de soins officieux et sur la contribution qu'ils peuvent apporter à un système viable. Selon moi, le gouvernement fédéral peut offrir ce leadership en examinant des incitatifs fiscaux ou des congés fiscaux qui apporteront un appui aux prestataires de soins et qui entraîneront une demande moins lourde pour le système. Une approche similaire peut être entreprise pour inviter les particuliers à être actifs en matière de prévention de la maladie et de promotion de la santé.

Je vous remercie de nous avoir invité à présenter notre point de vue sur quelques-unes des questions soulevées dans ce rapport, et je compte bien suivre le débat qui nous permettra de créer un régime de santé équitable et viable.

Mme Susan Maynard, planificatrice principale des services de santé, ministère de la Santé et des Services sociaux, Île-du-Prince-Édouard: Honorables sénateurs, il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui. Mon exposé portera sur les succès qu'a connu l'Île-du-Prince-Édouard en matière d'innovations régionales et provinciales, et je ferai des observations sur les questions et les options qui concernent les soins palliatifs et le financement et l'évaluation de projets pilote innovateurs.

Grâce à sa petite taille, à sa structure intégrée et à son fort sentiment collectif, l'Île-du-Prince-Édouard a mené à terme, avec succès, certains projets pilote d'envergure nationale, régionale et provinciale. Vous aurez entendu aujourd'hui un certain nombre de références à ces projets. L'appui du fédéral à ces initiatives par l'entremise du financement de la recherche en santé a joué un rôle dans la création d'opportunités pour des projets de démonstration innovateurs ayant des répercussions à plus long terme sur la viabilité du système de santé.

Les projets que je vous décrirai brièvement sont particuliers au secteur des soins palliatifs. Comme vous le savez, la demande de soins palliatifs pose un défi de taille au système de santé canadien, surtout en raison du vieillissement de notre population et du passage de l'hôpital au foyer pour les soins aux personnes en fin de vie. Ces défis se font sentir surtout dans les zones rurales qui comptent en général moins de spécialistes et où l'accès aux ressources de soins de santé est plus difficile.

J'aimerais vous parler un peu du projet Rural Palliative Home Care. Certains témoins y ont fait allusion plus tôt aujourd'hui. Ce projet découle d'une initiative interprovinciale financée grâce au Fonds fédéral pour l'adaptation des services de santé. Le but du projet d'une durée de 18 mois était d'élaborer, de mettre en oeuvre et d'évaluer un modèle pour améliorer la prestation de soins palliatifs aux personnes vivant dans leur foyer, en milieu rural. J'estime que le projet se démarquait parce qu'il s'agissait d'une entreprise conjointe entre deux provinces, et que nous en avons grandement profité. Le projet comportait trois sites de démonstration: deux à l'Île-du-Prince-Édouard, dans les régions sanitaires de East Prince et South Kings, et un dans le nord de la Nouvelle-Écosse. Le projet a pris fin en janvier 2001 et les résultats ont été largement diffusés au pays dans le cadre de certaines conférences nationales.

Les objectifs du projet étaient d'accroître l'accessibilité aux soins palliatifs dans les collectivités rurales; accroître le soutien aux prestataires de soins de santé; élaborer, mettre en oeuvre et évaluer un programme de formation; et définir les obstacles à la prestation de soins palliatifs dans les collectivités rurales. Plusieurs initiatives ont permis d'atteindre les objectifs. L'une d'elles consistait à élaborer et à mettre en oeuvre un modèle de programme intégré de soins palliatifs; une deuxième consistait à élaborer un programme d'éducation qui a été offert au personnel de première ligne et aux équipes récemment constituées de ressources et de consultants en soins palliatifs; une troisième portait sur l'évaluation complète des répercussions du nouveau programme. Un élément important de l'évaluation portait sur un échantillon de clients et de familles qui ont accepté de fournir des renseignements confidentiels et détaillés sur des questions de qualité de vie et sur les besoins et degré de satisfaction des clients et des prestataires de soins.

Le projet a connu du succès notamment parce qu'il a été élaboré à partir des ressources existantes, caractéristique qui favorise sa viabilité au-delà de l'étape du projet pilote. Le processus d'élaboration du programme a bénéficié de la collaboration de plusieurs secteurs, y compris celui des soins à domicile, des soins actifs, des soins à long terme, des médecins de famille, des services de pastorale, des services de pharmacie, d'autres professionnels de la santé et du secteur bénévole.

Le second projet est celui du téléhospice West Prince, lancé en 1999 dans la région sanitaire West Prince avec le soutien financier du Programme des partenariats pour l'infrastructure de la santé. Ce projet pilote a utilisé la technologie de la télésanté pour offrir un soutien aux familles rurales qui devaient prendre soin d'un être cher mourant à domicile. Le projet a permis à une personne mourante et à sa famille d'avoir un contact visuel et audio direct avec des professionnels de la santé jusqu'à 24 heures par jour. L'initiative a permis de vérifier certains résultats clés, y compris dans quelle mesure la technologie installée à domicile peut améliorer et soutenir les soins palliatifs pour les patients et les familles en milieu rural et la détermination des besoins de particuliers qui peuvent être bien desservis grâce à l'utilisation de cette technologie.

Une évaluation du projet a permis de constater que cette technologie avait permis d'atteindre un niveau de service accru tant pour les patients que pour les prestataires de soins et qu'elle peut être une méthode rentable de prestation de services. L'évaluation a également montré que le nombre de visites au bureau du médecin et aux services de consultations externes avait diminué dans le cas des participants au projet. On a également pu déterminer qu'une infirmière peut faire approximativement 20 visites à distance par jour, tandis qu'une infirmière qui donne des soins à domicile peut faire de huit à 10 visites par jour.

Les résultats du projet illustrent bien que la technologie des soins à distance à domicile et de la télémédecine sont des options qui peuvent aider à la viabilité future du système de santé. En tant que méthode de prestation de services, cette technologie permettrait d'aborder les problèmes auxquels font face les collectivités rurales, c'est-à-dire la distance et la durée des déplacements qui peuvent nuire à l'accessibilité au service. Cette technologie peut aussi contribuer à améliorer l'efficacité et l'efficience de l'utilisation des ressources humaines en santé, qui affichent une pénurie au plan provincial et national.

Le projet de téléhospice West Prince a accueilli des visiteurs du monde entier et s'est mérité une médaille d'or dans la catégorie «excellence dans les provinces» à la conférence nationale GTEC 2000.

Une des recommandations formulées à la suite du projet Rural Palliative Care insiste sur une aide au revenu et sur la sécurité d'emploi pour les membres des familles qui choisissent de s'occuper d'un patient qui bénéficie de soins palliatifs à domicile. Il s'agit d'un domaine où, selon moi, le gouvernement fédéral a un rôle de leadership important à jouer pour examiner les incitatifs fiscaux et d'autres options qui permettraient aux prestataires de soins de quitter leur emploi temporairement pour donner des soins à domicile. Selon une autre recommandation, les gouvernements provincial et fédéral devraient agir en collaboration pour financer une stratégie canadienne à l'appui des personnes en fin de vie.

En ce qui a trait à l'intervention du fédéral dans le financement de recherche innovatrice en santé, j'estime qu'il s'agit d'un rôle important qui contribue à l'élaboration d'une base de connaissances solides et qui contribue à la prise de décisions basée sur des faits.

J'appuie également l'importance accordée au soutien financier pour l'évaluation de projets pilotes, puisque cela contribue à la viabilité du système de santé en favorisant et en facilitant l'innovation et en encourageant les réformes et le renouvellement. La diffusion des résultats est un autre élément clé qui découle de la participation à des projets financés par le gouvernement fédéral.

Mme Fraser y a fait allusion dans son mémoire: un des empêchements à l'évaluation complète des projets pilote est lié à la brièveté des périodes visées par le financement des projets de recherche fédéraux. Il faudrait donc accroître la souplesse et prévoir suffisamment de temps pour l'élaboration, la mise en oeuvre et l'évaluation du programme et pour la dissémination des résultats.

Je suis heureuse d'avoir eu la possibilité de vous entretenir de plusieurs de nos projets innovateurs qui ont été rendus possibles grâce au financement fédéral, et de vous présenter mon point de vue sur certaines des questions et options soulevées dans votre rapport.

Mme Kathleen Flanagan-Rochon, coordonnatrice des services communautaires, ministère de la Santé et des Services sociaux, Île-du-Prince-Édouard: Mesdames et messieurs les sénateurs, les observations que je ferai aujourd'hui portent sur deux aspects particuliers du rôle fédéral dans le domaine de la santé, c'est-à-dire le rôle du gouvernement fédéral concernant la santé de la population et le financement de la recherche innovatrice. Mes observations toucheront également la Stratégie de développement des enfants en santé de l'Île-du-Prince-Édouard. En tant que directrice du Secrétariat des enfants, je participe à cette stratégie. Notre expérience de travail avec Santé Canada et DRHC nous donne une certaine perspective. Notre Stratégie de développement des enfants en santé est basée sur l'expérience. Nous avons tenu des consultations à l'échelle de la province et intégré les résultats à ceux d'une consultation faite dans le cadre du Programme d'action nationale pour les enfants. Les valeurs et notre vision de notre propre stratégie provinciale ont donc été élaborées à partir du programme national.

Notre stratégie n'est pas qu'une stratégie gouvernementale: c'est plutôt un partenariat entre le gouvernement et la collectivité. Cinq ministères de la province y ont participé, notamment le ministère de la Santé et des Services sociaux, le ministère de l'Éducation, le Bureau du Solliciteur général, le ministère du Développement et de la technologie et le ministère de la Collectivité des affaires culturelles. Nous avons également le Council on Healthy Child Development dirigé par le premier ministre et qui compte des Prince-Édouardiens. Ce sont des gens de la collectivité ayant une formation et des expériences variées en rapport avec le développement des enfants et qui sont soit grands-parents, soit parents. Nous avons aussi un groupe de travail pour les enfants formé de membres du Secrétariat des enfants, de même que de représentants de la collectivité qui représentent divers réseaux et qui sont actifs dans les domaines d'activité clés définis dans la stratégie.

Les éléments de notre stratégie sont compatibles avec les quatre éléments de l'Initiative de développement de la petite enfance du Canada, décrite dans un communiqué des premiers ministres émis en septembre 2000. Le potentiel de la stratégie suscite beaucoup d'enthousiasme dans les ministères et dans nos collectivités. Il semblerait qu'un investissement dans les premières années de l'enfance peut faire une différence réelle dans le rendement scolaire des enfants et sur le nombre de jeunes qui obtiendront un diplôme et qui auront une attitude favorable vis-à-vis l'apprentissage tout au long de leur vie. Nous comprenons qu'il existe des liens entre le développement de la petite enfance et la prévention du crime. Nous savons aussi que les premières années préparent des styles de vie sains et une bonne santé générale, et nous savons que les expériences de la petite enfance ont des répercussions durables sur la façon dont nous établissons des rapports dans le futur et sur la façon dont les personnes contribuent à la société.

Le gouvernement fédéral a joué un rôle clé pour informer les provinces comme l'Île-du-Prince-Édouard sur l'importance de la petite enfance. L'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes a permis aux Canadiens d'obtenir des renseignements complets et fiables sur la façon dont se développent les enfants canadiens.

À l'Île-du-Prince-Édouard, la mise en oeuvre de la stratégie suppose de déplacer des ressources qui passent des services des mesures correctives et des services de soins actifs à des investissements pour les jeunes enfants et leurs familles. Nous nous plaisons à dire que nous passons d'un avion à hélice à un jet, en plein vol. Votre rapport aborde certaines de ces questions et reconnaît le rôle que joue le gouvernement fédéral pour appuyer ce genre de travaux, particulièrement en ce qui a trait aux facteurs de santé.

À l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons commencé à aborder certains des obstacles dont traite votre rapport et nous connaissons de plus en plus de succès à ce chapitre. Nous avons commencé à élaborer une responsabilité interministérielle pour le développement de la petite enfance. Ce ne fut guère facile, mais nous continuons d'entretenir ces rapports et ces partenariats avec les cinq ministères, avec nos régions sanitaires, avec la GRC, avec des groupes communautaires, avec des municipalités, avec des organisations de services, et ainsi de suite.

La difficulté est de déplacer les ressources. Ce n'est pas faute de volonté politique, comme le mentionne votre rapport, mais certaines attitudes sont bien ancrées. Récemment, j'ai entendu le ministre de la Santé d'une autre province parler de volonté politique; selon lui, la volonté politique n'est pas celle des politiciens, mais celle de la population. J'espère bien que la plupart des personnes qui sont dans cette pièce aujourd'hui conviendraient de l'importance d'investir non seulement dans les besoins de haut de gamme, mais aussi dans les années de la petite enfance, afin de commencer à réduire nos besoins pour ces services de haute gamme. Toutefois, notre attitude changerait rapidement si un parent, un enfant ou nous-mêmes avions besoins de services de santé. C'est pourquoi je dis que la transition doit se faire en plein vol.

Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer parce que les provinces ne peuvent agir seules. Elles ont besoin de financement pour faire la transition. Les provinces doivent maintenir leurs systèmes de santé afin de pouvoir répondre aux besoins de santé de leur population, mais en même temps elles doivent investir dans la promotion de la santé et les stratégies de prévention afin de réduire le recours à des services coûteux. Il faut un financement à long terme et stable. Il faudra un certain nombre d'années avant de voir une évolution des besoins de services, et le financement pour cette période de transition devrait être associé à une évaluation à long terme visant à démontrer l'efficacité des approches en matière de santé de la population.

J'aimerais aborder brièvement l'Initiative de développement de la petite enfance du Canada qui, comme je l'ai mentionné, est décrite dans le communiqué des premiers ministres sur le développement de la petite enfance. Cette initiative bénéficie d'un appui financier fédéral important. Quelques 2,2 milliards de dollars seront transférés aux provinces et aux territoires au cours des cinq prochaines années. Ces fonds sont alloués aux gouvernements provinciaux et territoriaux sur la base de la formule de calcul du TCSPC.

Les secteurs de compétence qui ont signé l'entente conviennent de rendre compte à chaque année des progrès accomplis. Toutefois, le financement par habitant ne tient pas compte des coûts de base pour l'élaboration du programme et ne reconnaît pas non plus les coûts de base pour l'élaboration de systèmes de rapport. Bien souvent, les plus petits secteurs de compétence n'ont pas l'infrastructure communautaire nécessaire pour soutenir les améliorations au niveau local. Il sera donc difficile de démontrer les progrès dans l'amélioration chez les enfants et l'accès aux programmes sans un niveau de financement de base à l'appui des changements importants.

Il y a un précédent fédéral en faveur d'une approche différente. Au début des années 90, le gouvernement fédéral a lancé le Programme d'action communautaire pour les enfants (PACE). Le financement offert visait à élaborer des programmes communautaires pour les jeunes enfants et leurs familles. Toutefois, ce programme reconnaissait l'existence de coûts de base associés à l'élaboration de programmes utiles qui ne dépendaient pas de l'importance de la population. Santé Canada, qui gère le PACE, a élaboré une formule de financement qui accorde un montant de base à chaque secteur de compétence; la balance des fonds disponibles est ensuite allouée en fonction du nombre d'habitants.

Dans notre province, le programme permet de financier sept centres de ressources familiales ayant chacun de nombreux centres locaux dans les petites collectivités. Cela n'aurait pas été possible avec un financement basé sur le nombre d'habitants. L'évaluation régionale du programme dans la région atlantique a montré que les programmes sont très efficaces. Les programmes exécutés à l'Île-du-Prince-Édouard ont connu tellement de succès qu'une décision conjointe a été prise avec Santé Canada d'affecter tous les fonds disponibles à ces programmes PACE lorsque le Canada a lancé son Programme de nutrition prénatale quelques années plus tard.

L'Île-du-Prince-Édouard reçoit actuellement davantage de financement par l'entremise du PACE que dans le cadre de l'Initiative de développement de la petite enfance. Bien qu'il soit prévu que le financement de cette initiative augmente au cours des cinq prochaines années, il se pourrait fort bien qu'il diminue à l'Île-du-Prince-Édouard entre la troisième et la cinquième année parce qu'il est lié aux formules d'allocation du financement du TCSPC. Notre province n'est pas le seul secteur de compétence menacé d'une diminution de financement pour ce programme au cours des années qui viennent.

Nous recommandons donc que les formules de financement tiennent compte de la situation réelle des plus petits secteurs de juridiction dans l'élaboration de programmes et la responsabilisation de même que les secteurs d'évaluation. La formule de financement utilisée pour le Programme d'action communautaire pour les enfants est un excellent exemple d'une formule qui permet aux secteurs de compétence d'élaborer des programmes qui donneront des résultats concrets.

Je passe maintenant au rôle du gouvernement fédéral en recherche et en évaluation. En 1998, l'Île-du-Prince-Édouard a bénéficié pour son projet d'intégration des enfants autistiques d'un financement versé par le Fonds canadien pour l'adaptation des services de santé. Il s'agissait d'un programme parrainé conjointement par la clinique pédiatrique du Queen Elizabeth Hospital et la Division des services à l'enfance, à la famille et à la collectivité de notre ministère. Les parrains du projet ont déterminé que l'élaboration et la justification d'un modèle provincial intégré de prestation de services fourniraient des renseignements utiles aux autres provinces confrontées aux mêmes problèmes.

Le projet a permis d'accroître considérablement l'intérêt pour l'autisme et son traitement au Canada et partout en Amérique du Nord. Le projet pose de nombreux défis. La nature, la durée et le coût de la formation requise pour accroître la capacité provinciale ont été grossièrement sous-estimés. La nécessité de donner une formation à un plus grand nombre de personnes n'a pas été anticipée non plus. Les attentes de parents qui veulent des interventions massives au-delà de la période préscolaire ont eu des répercussions importantes sur plusieurs de nos services. Toutefois, sans la participation initiale de Santé Canada, nous n'aurions jamais pu apprendre à connaître et à relever ces défis.

L'expérience acquise avec ce projet nous a amenés à réfléchir sur le rôle du gouvernement fédéral dans le financement de la recherche et de l'évaluation en santé. Selon nous, les provinces doivent avoir un certain niveau de discrétion pour déterminer la nature et le type de recherche nécessaire au niveau provincial. Il nous fallait explorer des approches à des services d'intervention hâtifs pour les enfants autistiques. Nous sommes parvenus à intégrer ce travail à la structure et aux priorités du Fonds pour l'adaptation des services de santé, c'est-à-dire aux systèmes de prestation des services intégrés. Comme l'a mentionné Mme Fraser dans ses observations, le financement de tels projets doit tenir compte du temps nécessaire pour bien établir un projet pilote, mettre en place les cadres d'évaluation et faire une évaluation utile. Dans le cas de ce projet particulier, les 18 mois alloués n'ont pas véritablement suffit à bien suivre l'amélioration des résultats pour les enfants. Nous avons pu utiliser des éléments de preuve anecdotiques et examiner les registres tenus par les parents, mais nous n'avons pas pu mesurer de manière scientifique les résultats de tests préalables obligatoires.

Nous avons également collaboré étroitement avec DRHC à un projet de recherche provincial portant sur la compréhension de la petite enfance. Il s'agissait d'examiner le profil du développement des enfants de cinq ans, puis d'analyser les résultats dans le contexte familial et communautaire. Cette recherche permet à l'Île-du-Prince-Édouard d'obtenir de bonnes données de référence sur les indicateurs de niveau de préparation au moment où nous nous apprêtons à lancer notre propre stratégie, et qui plus est, ces données peuvent être détaillées jusqu'au niveau communautaire approprié. Ainsi, les collectivités de Souris à Montague, à Charlottetown et à O'Leary peuvent voir comment certains facteurs communautaires et rapports familiaux affectent les enfants dans ces collectivités particulières.

L'accessibilité à ces renseignements est une étape extraordinaire pour l'Île-du-Prince-Édouard. Parce que la population de la province n'est pas très importante, il arrive fréquemment que les résultats des recherches n'aient pas d'importance au plan statistique pour l'Île-du-Prince-Édouard, de sorte que nous devons souvent compter sur des données cumulatives pour la région de l'Atlantique. Ce type de recherche nous donne de bonnes données et nous permet aussi d'examiner certaines variables explicatives de la santé et du bon développement, et d'en établir la pertinence pour l'Île-du-Prince-Édouard.

Les données issues de ce projet comportent certaines surprises. Vous parlez dans votre rapport des nombreux experts qui conviennent que la situation socioéconomique constitue l'influence la plus déterminante sur la santé. Nous en convenons et nous pouvons observer les répercussions des divers niveaux de situation socioéconomique au sein de notre province et les effets sur les enfants et leurs familles. Toutefois, les données de cette recherche montrent que d'autres facteurs peuvent atténuer la situation socioéconomique.

Le projet de recherche comporte aussi un volet d'étude cartographique de la collectivité qui a permis de confirmer plusieurs des éléments que nous connaissions au sujet de l'Île-du-Prince-Édouard: comparativement au reste du Canada, le revenu familial, le niveau d'éducation et l'emploi ne sont pas aussi élevés que dans les autres provinces. Nos faibles résultats au plan socioéconomique laisseraient entendre que les enfants de l'Île-du-Prince-Édouard n'auront pas autant de succès que les enfants d'autres régions où le niveau socioéconomique est plus élevé. Toutefois, les enfants de notre province ont obtenu en moyenne des résultats bien supérieurs dans tous les autres secteurs de développement, tels que mesurés lors de la recherche. C'est ainsi qu'au plan de la santé, des compétences sociales, de la maturité émotive, du langage et du développement cognitif, de la communication et des connaissances générales, nous avons obtenu des résultats plus élevés que ceux des enfants de chacun des autres centres où une telle recherche se poursuit au Canada.

Comme cette recherche comporte de nombreux aspects, c'est-à-dire qu'elle ne considère pas que les résultats des enfants au plan du développement, mais aussi dans le cadre des influences familiales dans le contexte communautaire, nous avons pu apprendre que l'Île-du-Prince-Édouard a obtenu des résultats de beaucoup supérieurs à ceux des autres centres en matière de cohésion sociale. Il semble que ces résultats élevés au chapitre de la cohésion sociale et de la sécurité communautaire aient eu des répercussions positives sur nos enfants et sur leur développement. Il s'agit là d'un renseignement important pour nous parce qu'il démontre que nous avons des points forts et que les résultats sont conformes aux résultats de l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes menée à l'échelle nationale.

Votre rapport souligne la complexité des déterminants pour la santé et de l'approche à la santé de la population. La recherche sur la compréhension de la petite enfance, administrée par la Direction générale de la recherche appliquée de Santé Canada, est un exemple de la façon de commencer à aborder cet aspect complexe. Une étude qui a examiné l'un ou l'autre composant individuel n'aurait pu fournir toute la gamme de renseignements que nous avons pu dégager.

En plus de corroborer certaines des observations contenues dans votre rapport, ce projet de recherche a permis à notre comité consultatif communautaire de constater que les données issues de la recherche seront importantes seulement si les collectivités peuvent les utiliser et que nous devons comprendre comment les collectivités réagiront à ce type d'information. Cela a donné naissance à une série de discussions avec DRHC qui ont eu pour résultat que le ministère maintient son financement à notre association provinciale Early Childhood Development Association pour la diffusion des résultats de la recherche aux collectivités de l'Île et aussi pour évaluer la façon dont les collectivités réagissent aux données de recherche.

Il faut féliciter le gouvernement fédéral d'avoir retenu cette approche globale pour ce projet de recherche, et nous aimerions souligner l'importance de faire en sorte que les projets de recherche abordent la complexité et la multiplicité des facteurs qui servent à déterminer l'approche à la santé et aussi la nécessité d'une approche globale pour que les données de recherche servent aux collectivités et sous-tendent l'élaboration de politiques de même que l'action communautaire.

Pour terminer, j'aimerais reprendre certaines des observations qui ont été faites plus tôt, c'est-à-dire que l'Île-du-Prince-Édouard offre une occasion unique au gouvernement fédéral de piloter des pratiques innovatrices. Compte tenu de la taille de sa population et de la proximité géographique de nos collectivités, notre province offre aux provinces et au gouvernement fédéral une occasion et des avantages uniques. Notre université compte un groupe très actif de recherche appliquée sur la santé des enfants. Cette équipe a établi un partenariat avec nous pour diverses initiatives. Nous vous encourageons à considérer l'opportunité que cela représente non seulement pour notre province, mais aussi pour le gouvernement fédéral.

Je vous remercie de l'occasion que vous nous fournissez de comparaître devant votre comité.

La vice-présidente: Comme l'a dit le sénateur Cook, une bonne partie de ces renseignements nous sont très utiles puisqu'ils appuient une grande partie des témoignages entendus non seulement aujourd'hui et hier à Halifax, mais ailleurs au pays, c'est-à-dire que l'exemple particulier de l'Île-du-Prince-Édouard pourrait peut-être s'appliquer dans d'autres secteurs de compétence. Je tiens à remercier les témoins au nom de mes collègues et j'invite les présentateurs du groupe suivant à s'approcher.

Mme Elise Arsenault, coordonnatrice, Centre de santé communautaire Évangéline: Je tiens à remercier le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, de la science et de la technologie de nous offrir la possibilité de nous entretenir avec ses membres du système de santé au Canada. Je ferai mon exposé en anglais, mais j'invite les membres de votre comité à me poser des questions dans la langue de leur choix.

Je vous donnerai d'abord une très brève description du Centre de santé communautaire Évangéline, de sa philosophie, de son expérience en matière de soins de santé primaires et aussi de sa vision de ce modèle pluridisciplinaire comme catalyseur d'une approche de santé de la population.

Le Centre de santé communautaire Évangéline fait partie du Programme de l'enfance, de la jeunesse et de la famille du East Prince Health Authority, l'une des cinq autorités sanitaires régionales de l'Île-du-Prince-Édouard. Le CSCE travaille en partenariat avec la collectivité pour la promotion de la santé et du mieux-être des personnes, de la famille et de la collectivité. Nous desservons une collectivité d'environ 3 000 personnes, dont la moitié sont des Acadiens francophones. Le personnel bilingue offre des services à une clientèle qui habite les lots 14, 15 et 16 du comté Prince. Nous sommes situés dans Wellington.

Notre équipe pluridisciplinaire compte une infirmière de santé publique, un orthophoniste, un conseiller en santé mentale, une réceptionniste-secrétaire et un coordonnateur. Le Centre est devenu le point d'accès à des renseignements et des ressources sur la santé. Notre équipe pluridisciplinaire offre à la collectivité des programmes et des services qui mettent de plus en plus l'accent sur la promotion de la santé et la prévention de la maladie. J'ai remis aux membres de votre comité un document de trois pages qui décrit plus en détail le modèle du centre.

L'idée d'un centre de santé pour la collectivité acadienne vient de la Coopérative de santé Évangéline et remonte au début des années 80. Comme la coopérative souhaitait améliorer les services de santé dans la région, elle a soumis au gouvernement provincial une proposition de projet pilote de santé communautaire. Même si la province semblait intéressée par le projet, l'autorité sanitaire de East Prince a commencé à jeter les bases du Centre de santé communautaire Évangéline. Un comité directeur a été créé en 1995 pour préparer l'évaluation des besoins de la collectivité et le Centre de santé communautaire Évangéline a vu le jour en 1996.

Le groupe de travail sur le Centre de santé communautaire a adopté les trois éléments suivants pour sa philosophie de mise en oeuvre et pour le fonctionnement au jour le jour du Centre de santé: développement communautaire, soins primaires et centre de santé communautaire. Des copies de ces trois aspects ont aussi été distribuées.

Voici quelques-unes des expériences vécues par le personnel du centre qui reflètent bien ces aspects de la philosophie. Je vous parlerai d'abord de la jolie petite fille de quatre ans qui a vu une infirmière de santé publique pour une évaluation. Elle parlait d'une voix très rauque et son discours était difficile à comprendre. L'infirmière l'a référée à un orthophoniste qui, après évaluation, a constaté la présence de nodules hypertrophiées attribuables à un usage abusif de la voix. L'enfant avait commencé à manifester des signes de colère alors que ses parents vivaient un divorce. On l'a référée à un conseiller en santé mentale qui a commencé à aborder ces questions émotives avec l'enfant. Après six mois, sa voix avait retrouvé un ton normal et on a abandonné les services de l'orthophoniste. Un an plus tard, elle ne faisait plus partie des cas du conseiller en santé mentale. Si cette petite fille n'avait pas été prise en charge par ce modèle de prestation de services pluridisciplinaire, l'évolution de sa santé aurait pu être très différente. Dans un cas comme celui-ci, l'enfant aurait normalement dû subir une intervention chirurgicale. Les nodules auraient été enlevées mais les effets d'ensemble sur la santé de l'enfant et sur sa famille auraient été très différentes. Voilà un exemple de la façon dont nous concevons la réforme des soins primaires.

Un autre exemple de la façon dont nous travaillons dans ce contexte serait pour la collectivité d'aborder les besoins de cours de RCR pour les parents ayant de jeunes enfants, de même que des séances de formation sur le rôle parental. Ces besoins ont été identifiés par la collectivité. Le centre de santé est devenu un catalyseur et a donc commencé à offrir les services. Aujourd'hui, d'autres groupes communautaires les offrent. Nos programmes actuels reflètent la philosophie de développement de la collectivité, de même que la philosophie d'un centre de santé communautaire. Nous sommes à établir des partenariats pour la prévention du diabète non insulo-dépendant, le développement de l'empathie chez les enfants d'âge préscolaire dans le cadre du projet Fair Play, le travail avec un groupe local de prévention du crime, les aspects du développement de la petite enfance, et cetera.

Je puis dire sans me tromper que le Centre de santé communautaire Évangéline respecte la vision de soins primaires décrite dans le rapport du Sénat. Nous sommes très fortement intégrés à la collectivité et nous devenons plus intégrés encore dans le cadre plus large du système de santé. Nous croyons en cette approche pluridisciplinaire et à ses avantages pour les clients et pour le personnel. Les activités de promotion de la santé et de prévention des maladies sont notre meilleur investissement à faible coût pour les résultats accrus au plan de la santé.

Grâce à l'établissement d'une équipe pluridisciplinaire, nous sommes mieux axés sur notre clientèle et nous traitons les symptômes de manière plus holistique. Avec ce modèle de centre de santé communautaire, les soins primaires sont offerts dans la collectivité en fonction des besoins de la collectivité. Par conséquent, le modèle a des retombées qui vont au-delà des soins primaires puisque le centre devient rapidement un catalyseur pour d'autres partenaires et pour de nouvelles initiatives qui contribuent à renforcer la capacité et la santé de la collectivité.

Pour mieux développer l'approche de la santé de la population par l'entremise de centres de santé communautaires comme le Centre communautaire Évangéline, il faut améliorer la surveillance et la mesure des résultats et intégrer davantage les prestataires de services médicaux au sein des modèles pluridisciplinaires actuels. Nous avons besoin de moyens de mesure supérieurs pour rendre compte des tendances et des indicateurs de santé des sous-populations: communautés culturelles, linguistiques et géographiques, particulièrement dans les régions rurales et éloignées. Cela est essentiel si nous voulons que l'approche de santé de la population donne des résultats. Il nous est impossible de bien surveiller la santé de notre population si nous n'avons pu établir un profil de santé de notre clientèle. Dans le cas de la population acadienne et francophone, cela est essentiel pour bien connaître les besoins et mesurer les résultats de nos efforts de promotion de la santé et de prévention de la maladie.

Le gouvernement fédéral joue un rôle essentiel dans la réforme du système de santé. Nous devons fournir aux régions sanitaires davantage de données sur la santé de notre population. Il arrive que des échantillons de la taille de celui de l'Île-du-Prince-Édouard ne soient pas tout à fait pertinents par rapport à l'ensemble de la population, mais le gouvernement fédéral peut jouer un rôle en améliorant les activités de surveillance de la santé et de collecte de données.

Je partage le point de vue du comité permanent sur le rôle du gouvernement fédéral, tel qu'il est décrit au chapitre 4 du rapport sur les questions et les options. Toutefois, j'aimerais que le gouvernement fédéral s'assure que les Canadiens de langue française partout au Canada aient accès à des services en français. Le Comité consultatif des minorités de langue française a remis, en septembre 2001, un rapport au ministre fédéral de la Santé qui porte sur la stratégie d'intervention globale pour aborder la question de l'accès à des soins de santé en langue française au Canada. Le gouvernement fédéral a un rôle très important à jouer dans la mise en oeuvre de cette stratégie. Compte tenu des facteurs déterminants de la santé, nous pourrons supposer que cette population est plus à risque que l'ensemble de la population en raison d'un fort taux de chômage, de niveaux d'éducation moins élevés, de taux très élevés d'analphabétisme, du manque de services de santé, et ainsi de suite.

La vice-présidente: Merci beaucoup, Mme Arsenault. L'exemple que vous donnez de la petite fille de quatre ans est très révélateur.

M. David Riley, chef de la direction, East Prince Health Authority: Madame la présidente, au nom du East Prince Health Authority, j'aimerais souhaiter la bienvenue à votre comité à l'Île-du-Prince-Édouard et aussi profiter de l'occasion pour répondre à votre rapport et commenter vos travaux. Les observations contenues dans le mémoire que nous vous avons soumis représentent une vue aérienne prise à 10 000 pieds d'altitude.

Comme il est indiqué dans les documents que nous vous avons remis, notre région emploie environ 1 100 personnes pour la prestation de services à quelques 30 000 résidents, avec un budget annuel d'environ 52 millions de dollars. Nous offrons une vaste gamme de services de santé et de services humains, et je suis sûr que d'autres présentateurs vous ont précisé que nos services sont entièrement intégrés dans un réseau de services de santé et de services sociaux.

Au départ, la régionalisation était perçue comme l'aspect essentiel de la réforme de la santé et des soins de santé à l'Île-du-Prince-Édouard. Vous en avez sans doute entendu parler, mais de nombreux objectifs de la régionalisation ont pu être atteints. Les services sont mieux intégrés, une bonne partie du cloisonnement a pu être éliminée et des gains d'efficacité ont été réalisés. Toutefois, certaines observations contenues dans votre rapport sont particulièrement stimulantes pour nous: la mesure des impacts et l'évaluation des services, ce qui suppose une amélioration de la responsabilisation et de la prise de décisions basée sur des faits; les ressources humaines pour la santé, y compris le problème de la pénurie de spécialistes cliniques, de même que la nécessité de prises de décisions basées sur des faits et de compétences pour la gestion de systèmes de santé; la conception de soins de la population et de soins primaires qui permettrait de surmonter les modèles prédéfinis de pratiques cliniques pour des professionnels de la santé, qui limitent leur aptitude à faire ce pourquoi ils sont formés.

En outre, la viabilité du système de santé public semble être l'enjeu, comme d'autres vous l'ont dit. Nous aimerions souligner que la viabilité du système dépend tout autant de sa façon de réagir aux besoins pour la prise de décisions basée sur les faits, la responsabilisation, les ressources humaines, la santé de la population et la réforme des soins primaires que sur la découverte de nouveaux mécanismes pour le financement. Sans amélioration des premiers, il est peu probable qu'il y ait des changements concrets. Il est probable que les coûts continueront de grimper et qu'ils dépasseront bientôt notre capacité de payer.

Votre document décrit en détails plusieurs options qui pourraient contribuer à la viabilité du système. Avant de classer et d'établir les priorités de ces options, nous devons avoir une idée claire des buts fondamentaux d'un système financé par les deniers publics. Vous précisez dans votre document que le secteur des soins primaires devrait devenir l'industrie de services du XXIe siècle. Nous convenons qu'il y a beaucoup à apprendre du secteur privé à ce sujet. Toutefois, il ne faut pas confondre les processus opérationnels et les buts fondamentaux, parce que cela tend à embrouiller un débat déjà complexe.

Les buts des entreprises du secteur privé et du secteur public diffèrent radicalement. Dans le secteur privé, les ressources sont investies par le propriétaire ou les actionnaires ou en leur nom, dans le but de réaliser un profit. Dans le secteur public, les ressources sont investies au nom des citoyens afin d'en arriver à un bien collectif. Les biens sociaux ne sont pas aussi faciles à définir que le profit, surtout lorsqu'il est question de biens aussi intangibles que la santé des personnes ou la santé communautaire et leurs déterminants. Pire encore, il est parfois facile de confondre l'investissement et le résultat. Par exemple, les investissements dans la qualité - comme les périodes d'attente réduites, l'efficacité du service, le personnel informé et courtois - sont une façon d'atteindre le but fondamental ou les résultats de l'organisation. Dans le secteur privé, l'investissement dans la qualité vise à obtenir un avantage commercial et, en bout de ligne, à réaliser des profits. Dans le secteur public, l'investissement dans la qualité vise à améliorer le bien public ou les résultats de santé pour les particuliers et les collectivités.

De toute évidence, il y a un lien étroit entre les processus de qualité et les bons résultats. Toutefois, il est essentiel de bien établir la distinction entre les moyens et la fin, parce que la confusion à ce chapitre est au coeur de notre dilemme. Les gouvernements et les fonctionnaires se servent de leurs connaissances pour améliorer le système et les processus. Nous améliorons sans cesse les processus sans nous demander comment - ni pourquoi - ces processus contribuent aux résultats les meilleurs et les plus souhaitables. En bout de ligne, quand vient le temps de faire des compromis, situation inévitable face à des ressources limitées, il nous reste peu de moyens d'évaluer les mérites des intérêts concurrentiels. Faute d'un but fondamental convenu au point de départ, et souvent en l'absence de faits, il s'ensuit des débats qui, par nécessité, sont guidés par l'idéologie et, dans le pire des cas, par des intérêts personnels et professionnels.

Le public et plusieurs prestataires de soins s'accordent largement quant à la perception d'un certain nombre de points de crise dans le système de soins de santé, à tort ou à raison. Selon nous, les Canadiens doivent avoir un débat sur le but fondamental du système de santé - qu'apporte-t-il de bon, pour qui et à quel prix? Sans déclaration clairement articulée du but ou des résultats souhaités, et en l'absence de faits, les options qui s'offrent pour les améliorations ne peuvent être fondées que sur les hypothèses et viseront surtout à améliorer les processus plutôt que les résultats.

Votre rapport donne plusieurs exemples des questions qui concernent vraiment le public. Je retiens deux exemples, ceux du ticket modérateur et des listes d'attente, pour illustrer quelques-unes des répercussions liées à la prise de décisions sans s'appuyer sur des faits et sans ententes sur les résultats visés. Selon nous, il y a des répercussions similaires dans d'autres domaines.

Par exemple, l'adoption du ticket modérateur serait censée mettre un terme au gaspillage et favoriser une meilleure utilisation du système. Toutefois, la recherche n'appuie pas cette hypothèse et nous l'avons mentionné dans notre mémoire. Il semblerait que l'abus de la part des patients ne constitue pas le facteur principal de l'escalade des coûts du régime. Par contre, la recherche montre que le ticket modérateur n'affecte pas le coût des services hospitaliers mais affecte plutôt la façon dont les personnes ont accès aux services. Là où le ticket modérateur a été appliqué, les visites chez le médecin ont diminué pour tous, la diminution la plus marquée étant enregistrée chez les personnes ayant le plus faible revenu. Nous soumettons que le ticket modérateur ne contribuerait pas vraiment à la viabilité du système de santé et qu'il serait plutôt au détriment des pauvres et des malades. Paradoxalement, l'adoption du ticket modérateur donnerait des résultats qui seraient à l'opposé de ce que l'on attend, parce que le système ferait face à des coûts plus élevés attribuables aux traitements plus poussés pour des problèmes de santé attribuables aux retards à consulter un professionnel de la santé.

Il existe fort peu de données sur les listes d'attente pouvant servir à la prise de décisions éclairées. Il n'y pas non plus de normes pour définir et mesurer les listes d'attente, de sorte que les opinions varient grandement sur le sujet. Un système de santé financé par les deniers publics doit, comme toute entreprise de services, répondre de manière efficace et appropriée aux besoins des clients et des patients. Toutefois, nous devons trouver un équilibre entre les attentes des consommateurs et notre responsabilité d'offrir un service public au nom des citoyens. Dans un système de santé où les ressources sont limitées, nous devons baser nos décisions sur ce qui peut constituer un temps d'attente acceptable par rapport au but fondamental du système. Cela suppose l'établissement de normes pour chaque service et un délai d'attente raisonnable par rapport à la gravité et au caractère immédiat du risque pour le client/patient. Si les effets sur la santé sont un résultat essentiel dont le système de santé doit être responsable, le système doit donc s'assurer que le temps d'attente du client/patient n'a pas d'effet nuisible sur ce résultat. Dans le cas de certains services, il faudrait apporter des changements majeurs aux listes d'attente. Toutefois, le temps d'attente pour d'autres services, c'est-à-dire là où il n'y a pas d'effet nuisible sur la santé, pourrait être tout à fait approprié. Dans un cas comme dans l'autre, il ne convient pas de prendre des décisions uniquement sur la base de la perception du public ou de la demande des consommateurs.

Bien que nous soyons conscients qu'il puisse être nécessaire d'établir de nouvelles ententes de financement, nous estimons que sans réforme fondamentale du système, de telles ententes pourraient ne pas améliorer les résultats actuels ni mener à la viabilité. Si nos décisions sont basées sur des perceptions plutôt que sur des faits, si nous cherchons à améliorer des processus plutôt que les résultats et si nous n'abordons pas les facteurs de coûts de base, nous nous condamnons à garder un système dont les coûts continueront d'augmenter, peu importe les mécanismes de financement en place. Nous convenons qu'il pourrait y avoir quelques mesures à prendre avant d'établir la structure ultime pour le système de santé financé par les deniers publics.

Notre rapport contient une série de mesures qui, selon nous, devraient être prises avant de sauter aux conclusions quant aux solutions à retenir pour notre système.

Nous avons fait quelques suggestions concrètes à votre comité et nous conclurons en précisant que la réforme des soins de santé est une entreprise colossale. Plutôt que de préparer l'exposé que nous venons de vous faire, il aurait été beaucoup plus facile pour nous de consulter la liste des options proposées et de cocher celles qui nous plaisent. Toutefois, une telle attitude n'aurait pas rendu service à votre comité.

Le but fondamental du système de santé financé par les deniers publics au Canada n'a pas encore été articulé clairement et ses résultats prévus n'ont pas été définis. De plus, nous souffrons à l'échelle nationale d'un manque d'information pertinente qui nous permettrait de prendre des décisions pour l'avenir du système. Ce n'est pas une critique de votre comité, mais plutôt un énoncé de fait qui nous a sauté aux yeux quand nous avons cherché à évaluer les diverses options et à en établir les priorités. En conséquence, nous estimons qu'avant d'aller trop loin dans la sélection d'options, il faudrait mettre en place une base pour appuyer la prise de décisions basée sur des faits, de même que des investissements supplémentaires à court terme afin d'accorder un appui stratégique à cet objectif.

La vice-présidente: M. Riley, j'ai noté au tout début de votre présentation les mots «basé sur des faits», qui me semblent être la caractéristique de votre exposé. Une partie du problème qui ressort à la lecture de notre premier rapport sur les mythes et les réalités est que nous traitons des mythes et non de la réalité.

Je cède maintenant la parole au Dr Stan Kutcher.

Le Dr Stan Kutcher, chef, Département de santé communautaire et d'épidémiologie/psychiatrie, Université Dalhousie: Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de l'occasion que vous m'offrez de comparaître devant votre comité. Je suis professeur et directeur du Département de psychiatrie de l'université Dalhousie, directeur des services cliniques du Programme de santé mentale du Capital District Health Authority et doyen associé du Département de recherche et développement médical international de l'université Dalhousie. J'occupe également certaines fonctions nationales, y compris celles de président des directeurs de départements de psychiatrie des universités du Canada. En outre, je suis membre du Conseil consultatif de l'Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies et je fais partie de divers comités et conseils nationaux et internationaux.

J'ai également pu travailler dans le cadre de divers régimes de santé du monde et j'ai été professeur invité un peu partout dans le monde, y compris au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Australie et au Moyen-Orient. Comme vous pouvez le constater, j'ai une petite idée de la façon dont d'autres personnes travaillent ailleurs. Néanmoins, je ne me considère pas comme un spécialiste de plusieurs domaines.

Il est bien d'être en médecine universitaire ici au Canada. Nous disons par plaisanterie qu'un «expert» est une personne qui vient de l'extérieur de la ville munie d'une présentation en PowerPoint. Je n'ai pas de présentation PowerPoint à vous faire aujourd'hui. De plus, je ne lirai pas de mémoire, pour deux raisons: premièrement, j'estime que vous savez lire et, deuxièmement, je m'ennuierais à mourir. La véritable raison est que ce mémoire n'est pas tout à fait prêt.

Je vous entretiendrai de certains aspects de votre rapport qui me fascinent, d'un certain nombre de domaines et d'options sur lesquels j'aimerais m'arrêter et vous faire certaines suggestions, et aussi sur des aspects du rapport au sujet desquels votre comité pourrait profiter d'un peu plus d'information ou d'un point de vue légèrement différent.

D'entrée de jeu, permettez-moi de faire certaines critiques sur les hypothèses que nous posons pour l'examen des soins de santé. Mes premiers diplômes universitaires avant d'étudier en médecine étaient en histoire et en théorie politique. J'estime donc qu'il est très important de voir le contexte historique. Notre société occidentale est celle qui connaît le niveau de santé le plus élevé de toute l'histoire. Il n'y a jamais eu de société en aussi bonne santé que la nôtre. Prenez n'importe quel indicateur de santé, n'importe quelle mesure de la santé et nous arrivons toujours au premier rang au plan historique. Voilà un aspect que nous oublions très facilement parce que l'une des questions à résoudre est la suivante: quelle est la limite?

L'autre grand problème est que nous avons redéfini au cours des deux dernières décennies le sens du mot santé et la notion de santé. Le fait d'aller au-delà de l'absence de la maladie ou du traitement de la maladie pour atteindre un niveau très large de mieux-être a eu des répercussions profondes sur nos systèmes de prestation de soins de santé. Nos systèmes n'ont jamais été conçus et n'ont jamais été constitués pour composer avec la notion de mieux-être. Ils ont été élaborés et mis en place pour prendre soin des malades et les traiter. Toute tentative de mettre une cheville ronde dans un trou carré est vouée à l'échec, et il n'est guère surprenant qu'une bonne partie des débats qui ont cours au sein de votre comité, au pays et à l'échelle internationale concernent notre difficulté à comprendre que nous ne pouvons obliger cette cheville à entrer dans le trou carré. Il nous faut un modèle légèrement différent.

Nous devons également comprendre, selon moi, que la santé ne se limite pas aux soins de santé et qu'elle ne se limite pas non plus au mieux-être. Au cours de la prochaine décennie, le facteur économique primaire au Canada sera l'économie du savoir et l'industrie de la biotechnologie. Par conséquent, la santé et les soins de santé sont un élément primaire et essentiel de notre économie, de la capacité de notre pays d'être concurrentiel à l'échelle internationale. Nous devons bien comprendre qu'il existe une relation très forte entre la santé de notre population et les facteurs technologiques de l'industrie biotechnologique.

Permettez-moi de vous montrer un graphique. Je vous prie de bien vouloir m'excuser parce qu'il est manuscrit, mais il faut bien commencer quelque part. L'ordonnée porte le mot «état», qui représente l'état de santé de la population. L'abscisse porte le mot «coût», qui représente le coût de prestation des services pour obtenir l'état de santé de la population. Supposons pour le moment que la prestation des services est reliée d'une certaine façon à l'état de santé de la population. Vous constaterez que la courbe n'est pas, contrairement à ce que plusieurs pensent au pays, linéaire; elle n'est pas droite. Cette courbe a une forme en «S» qui, selon moi, reflète plus clairement le rapport existant entre l'état de santé d'une population et le coût pour en arriver à cet état. Si vous regardez la partie inférieure gauche de la courbe, vous constaterez qu'une augmentation relativement modeste des coûts a des résultats marqués sur l'état de santé de la population.

C'est la raison pour laquelle quand on parle de mise en place de services médicaux dans les pays en développement, le rapport entre le coût et les retombées pour la santé est très favorable. Nous investissons un peu d'argent et nous obtenons un rendement considérable. Par contre, si vous regardez près du sommet de la courbe, vous verrez que le même niveau de financement donne fort peu de résultats, étant donné que l'état de santé est si bon.

Jusqu'à maintenant le débat a complètement occulté cet aspect, me semble-t-il. Je n'en ai vu aucune mention dans aucun rapport. Nous cherchons et nous pensons selon le modèle linéaire alors que le modèle, selon moi, a plutôt la forme d'un «S». Nous devons avoir des attentes très claires. Notre population est en excellente santé. Que faut-il attendre d'un investissement donné? Selon moi, il importe de garder cette question à l'esprit. Le graphique n'est pas linéaire, il prend plutôt la forme d'une courbe en «S».

Notre discussion doit aborder un certain nombre de questions fondamentales. Quand nous parlons du système de traitement de la maladie - et je préfère parler d'un système du traitement de la maladie parce que peu importe l'état de santé de la population, nous aurons toujours besoin d'un système pour traiter la maladie - il y a un autre mythe selon lequel avec l'amélioration de la santé, vient la diminution de la maladie. Ce n'est pas un jeu de bascule. Il est bien de consacrer davantage de ressources au mieux-être d'une population. Par contre, cela ne signifie pas que la maladie diminuera pour autant, parce qu'il y a d'autres facteurs qui interviennent.

Parmi l'éventail de notions que contient le rapport jusqu'à maintenant, j'en ai isolé trois qui, selon moi, représentent des questions fondamentales. La première est la responsabilité, la seconde, la responsabilisation et la troisième, les faits. La pire information que vous puissiez avoir pour vos délibérations est celle d'experts. La meilleure est celle que nous appelons des faits de premier niveau, c'est-à-dire des renseignements obtenus à partir d'une multitude d'études fondées sur des expériences. Dans la réalité, les témoignages que nous utilisons pour fonder nos concepts de soins de santé sont axés sur l'opinion d'experts, de personnes comme moi. Bien souvent, nous avons complètement tort. Nous sommes soumis aux mêmes pressions que vous. Nous avons des préférences, certains ont des préjugés, nous avons notre champ à labourer, nous avons des identités professionnelles, nous avons notre territoire à entretenir. Nos témoignages sont tous teintés de ces préoccupations.

De grâce, quand vous rédigerez votre rapport, accordez aux témoignages de spécialistes comme moi-même l'importance qu'ils méritent. Faites une évaluation critique de nos observations à partir des données tirées de concepts expérimentaux et appliquez la même logique critique au modèle concernant la prévention, au modèle concernant la promotion, comme nous le faisons pour les modèles de résultat thérapeutique.

Permettez-moi d'aborder quelques aspects très brièvement. Je me contenterai de parler de ce que je considère être le rôle fédéral. Je ne veux pas vous entretenir de nos programmes pilotes ni de ma propre recherche, et ainsi de suite. Je me contenterai de vous donner un aperçu d'une attitude de 35 000 pieds de ce que le rôle du gouvernement fédéral devrait être dans chacun de ces domaines, selon moi.

La recherche et l'évaluation, en particulier, comportent des aspects très pratiques qui pourraient vous être utiles. En ce qui a trait aux ressources humaines pour la santé, je voudrais souligner un élément que vous n'avez pas abordé dans votre rapport mais qui est fondamental, absolument essentiel à la planification de nos ressources humaines pour la santé au Canada. Je veux aussi mentionner brièvement le rôle du financement au chapitre des médicaments d'ordonnance. En ce qui a trait à la santé de la population, j'aimerais vous parler de recommandations pratiques pour faire face à la santé de la population. Je ne crois pas que le gouvernement fédéral devrait avoir un rôle à jouer dans la santé de la population, et je vous dirai pourquoi. Ensuite, je voudrais aborder rapidement la question des populations spéciales au chapitre 12.

En ce qui a trait à la recherche et à l'évaluation, voici une citation tirée de The Global Forum for Health Research:

La recherche en santé est essentielle à la conception et à la mise en oeuvre d'interventions en matière de santé, de politiques de santé et de prestations de soins de santé.

Au cours des cinq à dix dernières années, il y a une amélioration majeure du financement de la recherche en santé au Canada. Il est bon de savoir que nous ne sommes plus les derniers parmi les pays du G-8. Toutefois, il reste beaucoup à faire. Selon moi, il est insuffisant de consacrer à la recherche en santé un pour cent du financement total des soins de santé. Toute entreprise qui se respecte et qui veut aller de l'avant ne se contente pas d'investir un pour cent de ses revenus bruts en R-D. Elle investira plutôt 10 p. 100 et à moins de commencer dès maintenant à investir sérieusement en R-D - et je parle ici au moins de 10 p. 100, et non pas de un pour cent - nous en serons réduits à faire du rattrapage. La recherche est essentielle non seulement à cause des retombées pour la santé, mais aussi, comme je l'ai dit plutôt, parce qu'elle profite à l'économie. La recherche sur la santé peut apporter au Canada un point de départ régional pour l'amélioration des économies régionales et l'amélioration de la santé au Canada. Chez nous, les disparités régionales en matière de soins de santé et de développement économique constituent une des plus grandes difficultés. Si nous réfléchissons bien à la R-D que nous voulons faire en santé, nous pouvons concilier ces deux sources de disparité et nous pouvons contribuer à améliorer les économies régionales et la santé régionale et les relier à ce que j'appelle des points d'ancrage régionaux, un concept très maritime, pourrait-on dire.

Le modèle que nous utilisons présentement et selon lequel le financement obtenu d'une source provinciale ou d'ailleurs sert à compenser les fonds fédéraux, comme ceux qui proviennent de la Fondation canadienne pour l'innovation, n'est pas équitable pour les régions et les provinces plus petites. Ce modèle ne donne pas de résultats. Le programme de Chaire de recherche du Canada est une idée brillante. Il offre le potentiel d'extraire les meilleurs talents des régions plus petites pour les amener dans les régions plus grandes, parce que nous ne sommes pas capables de concurrencer le soutien à l'infrastructure. Une université du Canada centrale peut offrir une chaire de recherche du Canada à un professeur et lui fournir une importante infrastructure pour son travail. Nous ne pouvons le faire. Il ne faut pas avoir la tête à Papineau pour comprendre ce que fera le titulaire d'une chaire de recherche du Canada.

Les projets pilotes financés par le Fonds pour l'adaptation des services de santé présentent les mêmes problèmes et en soulèvent un autre, le fait qu'ils ne sont pas viables dans les petits centres. Vous présentez un beau projet que l'on accepte. Vous parvenez à ramasser les fonds nécessaires, vous obtenez le projet, vous réalisez le projet, vous faites la preuve qu'il peut fonctionner, puis vous ne pouvez le maintenir. Voilà un grave problème, un problème considérable. Ce fonds pour l'adaptation des services de santé entraîne certains problèmes. Il présente des avantages, et ils sont manifestes, mais il faut qu'il y ait un élément de viabilité. Il ne pourra donner de résultats dans un pays aux régions aussi disparates où la viabilité diffère tellement.

La vice-présidente: Monsieur Kutcher, faute de temps aujourd'hui, je me permets de vous suggérer de vous réinviter parce que vous abordez les questions d'un angle totalement différent qui, selon moi, est très intéressant.

Le Dr Kutcher: Cela me conviendrait, et je pourrais vous rencontrer à un autre moment.

La vice-présidente: J'aimerais voir votre mémoire. Vous êtes le premier témoin à soulever ces questions, et il est très important que nous consacrions plus de temps à votre témoignage. Je suggérerais que nous vous invitions à Ottawa, lorsque nous y serons, afin que vous puissiez présenter votre exposé à notre comité.

Dr Kutcher: Cela me ferait plaisir, merci.

La vice-présidente: Y a-t-il des questions.

Le sénateur Callbeck: Madame la présidente, je voudrais poser quelques questions à Mme Arsenault.

Je suis bien contente d'avoir des renseignements sur le Centre et de savoir qu'il fonctionne bien. Y a-t-il d'autres professionnels de la santé qui vous rendent visite de temps à autre?

Mme Arsenault: Oui. Comme nous sommes intégrés à l'autorité sanitaire de East Prince, nous avons une personne qui offre des services en toxicomanie et qui vient au centre un après-midi par semaine pour y voir des clients. Récemment, nous avons commencé à travailler en collaboration avec un ergothérapeute qui vient sur place. Les jours de clinique, lorsque l'infirmière de santé publique reçoit des jeunes familles, nous avons la visite d'une hygiéniste dentaire, de même qu'une personne qui s'occupe d'appareils auditifs, à titre de service à la collectivité. Oui, il y a d'autres personnes qui viennent occasionnellement au centre.

Le sénateur Callbeck: Y a-t-il un médecin?

Mme Arsenault: Non. Au départ, nous voulions qu'un médecin fasse partie du personnel mais nous n'avons pu en recruter. Toutefois, j'estime que ce serait là un élément important à ajouter. Le fait d'ajouter un docteur à notre équipe disciplinaire nous donnerait un nouveau rôle.

Le sénateur Callbeck: Le centre est-il ouvert le soir ou uniquement durant le jour?

Mme Arsenault: Présentement, le centre n'est pas ouvert en soirée, mais nous organisons des cliniques. Par exemple, nous avons eu une clinique d'un soir pour les femmes à laquelle nous avons invité le physiothérapeute, la nutritionniste et d'autres personnes. Nous avons organisé une soirée pour les femmes, de 18 h à 21 h, le genre de clinique de consultation sans rendez-vous et à ce moment des médecins ont fait des tests de Papanicolaou et montré aux femmes comment faire l'auto-examen des seins. Il s'agit d'une clinique d'un soir qui a été présentée à quatre reprises. À l'occasion, le centre organise des sessions en soirée.

Le sénateur Callbeck: Au cours de la dernière année, combien de personnes ont bénéficié de vos services? Le savez-vous?

Mme Arsenault: Selon les dernières statistiques que j'ai consultées, la conseillère en santé mentale avait 199 cas, l'infirmière en santé publique a eu entre 60 et 70 enfants d'âge préscolaire, visites prénatales et visites du même genre. Nous desservons une population d'environ 3 000 habitants et je dirais que nous avons probablement offert des services à quelque 2 000 personnes l'an dernier.

Le sénateur Callbeck: Merci.

Monsieur Riley, vous nous avez présenté un mémoire bien organisé que je compte bien lire en entier. Merci.

La vice-présidente: Monsieur Riley, nous avons probablement abordé avec d'autres présentateurs dans le même domaine que vous la plupart des questions qui nous intéressaient. Dès que nous aurons eu la chance de relire les mémoires, nous vous enverrons quelques questions écrites.

La séance est levée.


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