Aller au contenu
SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 44 - Témoignages


FREDERICTON, le jeudi 8 novembre 2001

Le Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 9 h 02 pour examiner l'état du système de soins de santé au Canada.

Le sénateur Marjory LeBreton (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente: Nos témoins, ce matin, sont la Dre Mar garet Dykeman, de la Faculté des sciences infirmières de l'Université du Nouveau-Brunswick; M. Robert Simpson, PDG de l'Association des soins de santé au Nouveau-Brunswick; enfin, Mme Sherry Porter, représentante pour la région de l'Atlantique de l'Association canadienne des chaînes de pharmacies. Je remercie tout le monde d'être venu.

Sénateurs, puisqu'on est jeudi, on doit être à Fredericton. C'est l'une des étapes de la tournée qu'effectuent dans le pays les membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Comme vous le savez, nous avons entrepris d'étudier en profondeur le système de soins de santé au Canada et le rôle que doit jouer le gouvernement fédéral. Vous avez probablement pris connaissance dans les journaux des nombreux points de vue exprimés au sein de la population à l'échelle du pays. Le sénateur Robertson était citée dans le journal de ce matin et elle faisait remarquer que nous avons reçu une avalanche de témoignages et de documents d'information qu'il nous faut passer en revue avant de publier notre rapport et nos recommandations.

Je vais demander aux témoins, comme je l'ai fait hier, qu'ils s'en tiennent à des exposés le plus court possible, entre cinq et sept minutes éventuellement, pour que nous ayons le temps de poser des questions.

Docteure Dykeman, vous avez la parole.

La Dre Margaret Dykeman, Faculté des sciences infirmiè res, Université du Nouveau-Brunswick: Je représente ici la Faculté des sciences infirmières et je vais aborder trois ou quatre questions. J'espère que mon intervention ne durera pas trop longtemps.

Je vais vous parler tout d'abord de l'accès aux services. Comme tout le monde le sait pertinemment dans cette salle, j'en suis sûre, nous exerçons actuellement de grosses pressions pour que les infirmières praticiennes soient intégrées au régime du Nouveau-Brunswick et soient classées parmi les praticiennes salariées du secteur de la santé. Cela faciliterait l'accès aux services et diminuerait les délais d'attente pour un grand nombre de personnes qui ont besoin de soins. J'ai appris récemment qu'il y avait jusqu'à 40 000 personnes qui, dans notre province, n'ont pas de médecin de famille. Nous estimons qu'il faut faire quelque chose pour remédier à une partie des problèmes que l'on relève en la matière.

Nous ne disons pas que les infirmières praticiennes sont l'alpha et l'oméga du réseau des soins de santé au Nouveau-Brunswick. Ce n'est d'ailleurs pas notre objectif. Il faut que les infirmières praticiennes oeuvrent en collaboration avec les médecins de la province et s'efforce d'alléger une partie du fardeau. Nous avons récemment appris que les médecins du Nouveau-Brunswick passaient plus de temps à servir leurs malades que dans toute autre région du Canada. Nous considérons que les infirmières praticiennes sont en mesure de bien appuyer les médecins dans leurs tâches et ont les moyens de nous faire traverser cette passe difficile.

Pour y parvenir, il nous faut mieux financer la formation. La Faculté des sciences infirmières est convaincue que nous avons besoin de crédits pour financer les programmes devant nous permettre de former des infirmières praticiennes très qualifiées prêtes à entrer sur le marché du travail. Il faut pour cela que l'enseignement soit de qualité et que l'on délivre des licences professionnelles ou des maîtrises de haut niveau de façon à pouvoir dispenser des soins de très grande qualité. Nous ne disposons pas de ce financement à l'heure actuelle. Je pense qu'une aide fédérale est nécessaire pour y parvenir.

Tout le monde sait bien que la formation en sciences infirmières est onéreuse. Une fois qualifié, le personnel infirmier a besoin d'être étroitement supervisé tout au long de sa formation. J'imagine que cela coûte un peu plus cher que la plupart des programmes universitaires.

Nous sommes convaincus que les infirmières praticiennes sont en mesure de remédier à la situation.

Certains d'entre vous l'ignorent peut-être, mais en plus d'avoir un doctorat, je suis une infirmière praticienne homologuée aux États-Unis. J'y ai travaillé en qualité d'infirmière praticienne pendant une certaine période. Je viens de rentrer au Nouveau- Brunswick pour travailler à la Faculté de sciences infirmières. J'ai l'expérience de l'enseignement et de la pratique sur le terrain.

Le deuxième point que je veux aborder est celui de la santé de la population. Nous nous félicitons de voir que le gouvernement fédéral s'engage dans la voie de l'amélioration de la santé de la population, ce qui recouvre tous les facteurs déterminants de l'état de santé des gens.

Le Nouveau-Brunswick, qui est l'une des provinces les plus pauvres, a un pourcentage élevé d'adultes et d'enfants qui vivent dans la pauvreté. Nous avons aussi le plus grand pourcentage de personnes obèses au Canada. De nombreux facteurs qui sont déterminants pour la santé ont besoin d'être abordés dans notre province. Toute aide du fédéral sera la bienvenue.

Je tiens à féliciter le gouvernement de s'être engagé dans un modèle de soins qui cherche avant tout à ne pas nuire. Les utilisateurs de drogues administrées par injection sont de plus en plus nombreux dans notre province. Nous avons de plus en plus de personnes affectées par le VIH ou l'hépatite C, tout cela parce qu'elles manquent du nécessaire pour vivre. Il y a de nombreux sans abri. Voilà un certain nombre de facteurs déterminants pour la santé qui sont pris en compte par ce modèle, considéré globalement.

Le troisième point que je tiens à aborder est celui de la recherche. Les recherches effectuées en matière de santé ne sont pas très développées au Nouveau-Brunswick. Nous nous sommes heurtés à de nombreux écueils en partie, j'imagine, par manque de financement, mais aussi parce que nous n'avons pas d'école de médecine dans la province. Nous ne faisons que commencer à considérer les enjeux liés à la santé par opposition aux enjeux médicaux. Certains problèmes doivent être abordés au niveau provincial.

Il n'en reste pas moins que le gouvernement fédéral ne nous a pas facilité la tâche parce que la plupart des crédits consacrés actuellement à la santé doivent faire l'objet d'un versement équivalent de la province, et notre province ne dispose pas des crédits nécessaires étant donné sa faible population. En consé quence, nous sommes privés des crédits de recherche en provenance d'Ottawa. Nous cherchons un moyen de tourner cette difficulté et nous exerçons des pressions pour pouvoir tirer un meilleur parti des ressources disponibles.

Après avoir siégé au sein d'un ou deux comités d'évaluation fédéraux, je considère par ailleurs qu'il faut revoir les recherches que nous finançons parce qu'au niveau fédéral nous avons tendance à financer des chercheurs ayant une longue expérience. Tous nos chercheurs et tous nos enseignants universitaires sont des spécialistes chevronnés au Canada. La plupart d'entre eux sont près de la retraite. Si nous n'entreprenons pas de financer de jeunes chercheurs, de jeunes enseignants universitaires, dans dix ans nous aurons perdu tout notre potentiel de recherche. Je l'ai dit au cours d'autres séances des comités et l'on m'a répondu: «Ces gens savent ce qu'ils font.» Je reconnais que ces spécialistes chevronnés savent probablement ce qu'ils font, mais nous devons nous faire les porte-parole de la jeune génération, pour qu'elle apprenne à s'acquitter de cette tâche et pour qu'elle prenne la relève. Personnellement, je ne suis pas éternelle et la plupart de mes collègues autour de cette table vont me comprendre.

Il est difficile de trouver un montant équivalent de crédits au Nouveau-Brunswick parce que nous consacrons pratiquement tout notre argent à l'administration du réseau de santé. J'ai entendu mentionner des chiffres catastrophiques pour ce qui est de notre endettement en matière de santé.

Le dernier point que je vais aborder est celui des perspectives mondiales de la santé. Je m'appuie en partie sur ce que nous avons vu ces deux ou trois dernières semaines au sujet du médicament Cipro et sur toutes les répercussions des événements du 11 septembre. Notre gouvernement et notre pays se sont engagés à appuyer l'action de l'Organisation et du réseau mondial de la santé. En ce qui a trait, cependant, à la législation des brevets, nous laissons mourir les habitants d'autres pays, ce qui est contraire à la morale. Il est immoral de laisser mourir quelqu'un qui ne peut pas de procurer de médicaments en raison de leur coût. C'est une question sur laquelle nous devons tous nous pencher dans cette salle et dans le monde entier. Jusqu'à maintenant, nous avons joui d'un grand respect dans le monde.

M. Robert Simpson, président-directeur général, Associa tion des soins de santé du Nouveau-Brunswick: Honorables sénateurs, l'Association des soins de santé du Nouveau-Bruns wick représente les organisations hospitalières des huit régions de notre province et elle se charge de faire la promotion des politiques devant assurer la mise en place d'un réseau de soins de santé durable, universellement accessible et de classe mondiale. Au nom de nos membres, je remercie votre comité d'avoir organisé cette tournée pour permettre à la population canadienne de témoigner. D'ailleurs, j'ai eu bien peur que vous ne réussissiez pas à quitter L'Île-du-Prince-Édouard hier soir, mais je me félicite de voir que vous avez pu le faire.

Nous avons bien besoin d'un débat public en prévision de l'avenir. L'ASSNB estime que la population a pris désormais conscience de la nécessité d'apporter des changements à notre régime de santé et que des changements vont effectivement se produire. Nous vous félicitons d'avoir engagé le débat sur tout un éventail d'options. De toute évidence, le statu quo n'est plus une option à envisager.

Je vais vous donner le point de vue des hôpitaux étant donné que je représente une association hospitalière.

Puisque nous envisageons de recevoir des crédits du gouverne ment fédéral, il est normal, à mon avis, que ce dernier s'attende à ce que les bénéficiaires opèrent avec un maximum d'efficacité. Je vais vous parler des réformes qu'il conviendrait d'apporter, à mon avis, à notre organisation.

Avec l'avènement des réseaux de santé pleinement intégrés, les grosses organisations sont devenues la règle - des organisations dont la portée est plus large. Ces services plus étendus sont en mesure d'assurer le fonctionnement d'un réseau sans discontinui tés susceptible de répondre efficacement et utilement à tous les besoins des malades et des clients. Ces services dont la portée est plus large ont les moyens de dépasser les querelles de clocher qui nuisent à l'efficacité du système. Les affrontements entre les diverses juridictions disparaissent et l'on comprend mieux les besoins et les subtilités des différents secteurs de la santé. L'ASSNB est favorable à la mise en place d'organisations qui répondent à tout l'éventail des besoins de nos citoyens en matière de santé.

À l'heure actuelle, tous les réseaux de santé, dans le monde entier, font face à des pénuries de personnel dans maintes disciplines. Lorsqu'à cela vient s'ajouter le manque de crédits, que d'aucuns considèrent comme un mythe, ainsi que le vieillissement de la population, il devient tout à fait logique de dispenser les services par l'intermédiaire de centres spécialisés ou de centres d'excellence. Nous ne devons pas raisonnablement nous attendre à ce que tous les services spécialisés soient disponibles dans toutes les régions. Cela signifie, pour le Nouveau-Brunswick, que le réseau doit offrir des services spécialisés là où ces services donnent les meilleurs résultats, des résultats conformes ou supérieurs aux normes nationales.

Il peut se faire qu'au Nouveau-Brunswick tous les services ne soient pas dispensés par chacun des hôpitaux régionaux. Il peut s'ensuivre qu'une spécialité donnée ne sera offerte que dans deux hôpitaux ou même dans un seul. Il nous faudra éventuellement nous déplacer davantage pour obtenir des services spécialisés. Il se peut qu'il faille rationaliser l'implantation de services logistiques essentiels en les regroupant. Ce sont là les conditions d'une efficacité poussée au maximum.

Je vais tout d'abord parler des soins primaires. Une réforme dans ce secteur s'impose d'urgence, mais à quels modèles ou à quelles combinaisons de modèles va-t-on recourir? Certains projets pilotes sont actuellement en cours au Canada et nous proposons de les multiplier pour que les décisions prises en matière de réforme le soient en toute connaissance de cause.

L'ASSNB préconise une étude approfondie des mécanismes de substitution en matière de paiement des médecins. Nous sommes en faveur d'un modèle de soins dispensés en équipe. Nous sommes conscients du fait que la qualification de nos spécialistes de la santé reste sous-utilisée et qu'il y a des blocages qui s'opposent au changement. Les réformes que nous adoptons doivent être mieux adaptées aux compétences de nos spécialistes de la santé compte tenu des besoins des malades.

Nous nous doutons que les coûts des soins primaires, si l'on procède aux réformes, ne vont pas diminuer, mais nous estimons que le rythme des augmentations va probablement être ralenti.

Je vais maintenant aborder la question du financement. Lorsqu'il s'agit de financer les sociétés hospitalières, les gouverneurs et les PDG ne se demandent pas à quel palier de gouvernement doit être financé le régime ni quels doivent être les différents paliers de gouvernement appelés à se partager le fardeau. Les conseils d'administration ont pour mandat de dispenser des services bien précis, tels qu'ils sont définis par le plan directeur des différents hôpitaux. Il appartient aux gouverne ments de décider qui doit payer et de fixer les montants. On a exigé ces dernières années que les administrations hospitalières rendent davantage de comptes, et c'est ce qu'elles ont fait. On a demandé aux conseils d'administration de limiter les coûts, de rationaliser davantage, d'être plus efficaces et, dans toute la mesure du possible, c'est ce qu'ils ont fait. Les données récentes fournies par l'Institut canadien d'information sur la santé nous indiquent que le coût de fonctionnement des hôpitaux a diminué par rapport à l'ensemble des coûts du réseau de la santé. Au Nouveau-Brunswick, on a pratiqué des compressions budgétaires et l'on a réussi à mieux rentabiliser les crédits disponibles jusqu'au moment ou les conseils d'administration se sont inquiétés des risques pour la sécurité des malades.

Les administrations hospitalières ont fait leur part pour fonctionner le plus efficacement possible, aussi efficacement que le permet la structure de soins actuelle. La tension dans le travail est à son maximum et il y a des pénuries dans presque toutes les catégories de professionnels de la santé.

Le réseau de la santé au Canada, et plus particulièrement les hôpitaux, ont désespérément besoin d'un financement stable et suffisant pour faire face à leurs frais d'exploitation et d'équipe ment.

Effectivement, il faut que le réseau de la santé soit organisé de manière à offrir un accès raisonnable, à être efficace et à donner des résultats de qualité. Cela va sans dire, mais on a besoin pour ce faire d'un financement permanent, stable et suffisant. Le gouvernement fédéral ne doit pas s'attendre à pouvoir faire l'impasse sur la santé s'il veut que ses citoyens bénéficient d'un réseau de soins de qualité.

Lorsque nous parlons d'un financement stable et suffisant du réseau de la santé, nous n'excluons pas la recherche effectuée en matière de santé, le financement de projets pilotes novateurs ou les investissements effectués dans la technologie de l'information pour les besoins immédiats et futurs. Tout cela fait partie intégrante d'un réseau de santé de grande qualité.

Votre rapport examine un certain nombre de possibilités pour recueillir des fonds permettant d'alléger le fardeau du gouverne ment. Il s'agit de faire payer des frais par les usagers, de prévoir des mesures dans notre fiscalité, d'instituer des comptes d'éparg ne pour les frais médicaux, et cetera. Nous vous faisons respectueusement remarquer qu'il reste des économies à faire en rentabilisant notre structure de délivrance des soins et en réformant nos soins primaires. Ce n'est qu'une fois que l'on aura procédé à ces réformes que l'on pourra envisager de nouveaux moyens de recueillir des fonds si nous nous apercevons que, malgré les mesures prises, nous ne pouvons toujours pas défrayer le coût de la santé. En attendant que ces réformes fassent leurs preuves, il nous faut continuer à étudier certaines possibilités offertes par votre rapport.

J'ai bien du mal à aborder ce problème parce qu'il est toujours dangereux de dire qu'il faut rejeter une démarche nouvelle. Certaines des possibilités envisagées sont intéressantes. L'option de la fiscalité, par exemple, est une bonne démarche canadienne. Elle permet de répartir les coûts de manière appropriée, comme on le fait lorsqu'on taxe tous les autres services. Il y en a d'autres, cependant, qui m'intéressent moins.

Il est peut-être utile de se poser la question suivante: «Que devrait coûter par an un système efficace à la population canadienne?» Pour répondre à cette question, il nous faut comparer la situation canadienne à celle d'autres pays. Nous pourrions peut-être nous pencher sur les coûts de la santé par habitant ou sur le pourcentage de notre PIB que nous consacrons à la santé. Au Canada, nous consacrons actuellement environ 9,5 p. 100 de notre PIB à l'ensemble de nos services de santé contre 13,6 p. 100 aux États-Unis, 8,5 p. 100 en Australie, 10,6 p. 100 en Allemagne et 10,4 p. 100 en Suisse. Il me semble que sur le plan national nous nous situons dans la bonne moyenne.

Le rapport aborde la question des soins de santé privés. L'ASSNB préfère ne pas se lancer dans ce débat de principe. Étant donné toutefois la pénurie actuelle de professionnels de la santé, nous craignons que le réseau public perde encore plus de ses effectifs déjà déficients en faveur du secteur privé si l'on élargissait cette possibilité. Il en résulterait des délais d'attente encore plus longs pour accéder aux services du réseau. Si les délais d'attente devenaient inacceptables, il faudrait que les gouvernements règlent le problème dans le cadre du réseau public. Il ne faudrait pas en tirer prétexte pour favoriser l'expansion du secteur privé sans qu'il soit clairement établi que l'on va ainsi améliorer l'accès global, à moindre coût, au réseau public.

L'ASSNB est favorable à la poursuite de l'étude du projet d'assurance-médicaments à l'échelle nationale dans le but d'éviter à la population canadienne d'avoir à payer des frais astronomi ques de médicaments dans les cas graves. Le paiement de frais astronomiques est de plus en plus courant. Il n'est pas rare que des gens aient à sortir 30 000 $ de leur poche pour payer leurs frais de santé. Je considère que c'est inadmissible au Canada et qu'il convient de réfléchir à la mise en place d'un projet d'assurance-médicaments à l'échelle nationale, particulièrement pour régler ce genre de problème.

Je me suis inquiété par ailleurs de constater qu'au Nouveau- Brunswick, environ un tiers des citoyens n'avaient pas de régime d'assurance-santé. Comparativement à ce qui se passe dans le reste du pays, c'est tout simplement inacceptable. Je n'ai pas de recommandation à faire pour remédier au problème, mais c'est bien inquiétant. On pourrait peut-être s'efforcer de le régler dans le cadre du programme national d'assurance-médicaments dont on va éventuellement étudier la mise en place.

Nous sommes en faveur d'un registre national des médicaments pour deux raisons: un seul organisme acheteur pourrait peut-être permettre de réaliser des économies, et on pourrait éliminer les disparités qui existent actuellement entre les registres selon les provinces.

L'ASSNB n'est pas favorable à l'adoption de politiques intransigeantes touchant le recours obligatoire aux médicaments les moins coûteux qui soient équivalents sur le plan thérapeutique. La nature et la complexité des maladies ainsi que l'apparition accélérée de nouveaux médicaments font que les politiques intransigeantes sont source de difficultés. Cela dit, étant donné la forte augmentation du coût des médicaments, il faut que les politiques hospitalières aient le souci de minimiser les frais de médicaments, sans que cela se fasse toutefois au détriment des malades, qui doivent recevoir les meilleurs traitements.

L'ASSNB est favorable aux soins à domicile et reconnaît que ces services vont être de plus en plus nécessaires. Elle considère que le volet externe des soins à domicile est le prolongement de l'hospitalisation. Il faut donc que ce programme permette de procéder à toutes les interventions nécessaires d'un point de vue médical. Je me réfère au programme Extra-muros, tel que nous le connaissons au Nouveau-Brunswick, qui me paraît un excellent programme.

Il est évident que le gouvernement fédéral a un grand rôle à jouer en matière de recherche sur la santé. Il est justifié par ailleurs de doubler le montant des crédits consacrés à la recherche pour les porter à 1 p. 100 des dépenses effectuées en matière de santé. Pour pouvoir espérer faire baisser la demande de services de santé, nous avons besoin d'une population en meilleure santé. La recherche doit porter aussi sur les facteurs de bonne santé dans la société canadienne, notamment l'idée selon laquelle, en tant qu'individus, nous devons prendre davantage en charge notre propre santé.

Sur le plan des ressources humaines, la pénurie actuelle de professionnels de la santé est un problème très grave qui ne peut pas être corrigé immédiatement. Les hôpitaux luttent quotidienne ment pour trouver les professionnels dont ils ont besoin. Des opérations sont retardées, des lits ferment et des admissions sont régulièrement remises à plus tard par manque de professionnels de la santé. En fait, les Canadiens n'arrivent pas à comprendre comment une telle situation a pu se produire. Nous devrions certainement avoir la possibilité de mieux prévoir nos besoins dans ce domaine pour que nos établissements d'enseignement supérieur adaptent plus précisément l'offre aux besoins. Dans l'intervalle, les réformes qui sont entreprises aujourd'hui ou qui le seront à l'avenir doivent mettre l'accent sur une optimisation de l'utilisation des compétences de tous les professionnels de la santé. On voit des milliers d'exemples de médecins ou d'infirmiè res diplômées qui assument des tâches qui pourraient être exécutées par des infirmières subalternes ou auxiliaires. Cette mauvaise utilisation des compétences est coûteuse et a des effets pervers.

Je conclurai en disant que l'Association des soins de santé du Nouveau-Brunswick est heureuse d'avoir pu comparaître devant votre comité. Certes, nous sommes convaincus que nous avons un excellent réseau de santé, mais il y aura de sérieuses difficultés à surmonter. On ne pourra le faire qu'en comptant sur l'entière participation du gouvernement fédéral pour que les crédits consacrés à la santé, pris au sens large, soient stables et suffisants. Je vous souhaite le plus grand succès.

La vice-présidente: Merci, monsieur Simpson, de cet excel lent exposé qui aborde systématiquement nombre de questions que nous avons évoquées dans notre document «Questions et options».

Mme Sherry Porter, représentante pour les des maritimes, Association canadienne des chaînes de pharmacies: J'ai à mes côtés aujourd'hui Mme Sandra Aylward, vice-présidente du service pharmaceutique chez Lawtons Drug Stores. Elle est membre de notre conseil d'administration national et se joindra à moi pour répondre à vos questions à la suite de cet exposé.

Vous avez devant vous un assez long mémoire. Je ne vais pas le lire intégralement, mais vous en donner les grandes lignes. Nous avons joint à ce mémoire un certain nombre d'annexes très intéressantes que vous aurez l'occasion, j'espère, de consulter en détail.

L'ACCP compte 19 membres. Nous représentons les chaînes de pharmacies traditionnelles, les chaînes d'épiceries et les grandes surfaces. C'est dans les magasins que nous représentons que vous faites généralement vos achats. Nous délivrons largement plus de la moitié des prescriptions dans votre pays. Nous employons d'une année sur l'autre 70 000 Canadiens, y compris plus de la moitié des pharmaciens du pays, et nous représentons largement plus de la moitié des pharmacies.

Notre organisation est relativement nouvelle, puisqu'elle a été créée en 1995. Depuis lors, nous nous sommes efforcés de bâtir notre organisation et de mettre en place les structures et les systèmes. Nous sommes désormais en mesure de jouer un rôle plus actif au sein du réseau de la santé en collaborant avec les gouvernements et en nous attachant à créer de nouveaux partenariats en matière de santé.

Notre association nationale appuie l'action des chaînes de détaillants et de leurs pharmaciens et dispense des soins de santé accessibles et pratiques à la population canadienne.

Je vais consacrer quelques instants à l'examen de l'objectif essentiel de notre association, qui est de contribuer à la mise en place de solutions novatrices en matière de santé.

Nous incitons les gouvernements et les autres partenaires du secteur de la santé à agir dans l'intérêt public et à faire un meilleur usage des infrastructures disponibles dans plus de 3 000 magasins que nous représentons. Nous voulons promouvoir une meilleure utilisation des services de nos membres, des 12 000 pharmaciens qui dispensent des soins de santé essentiels en matière de prévention et de gestion des problèmes de santé. Nous sommes là pour protéger l'assise économique de nos membres, pour maintenir l'accès à des services de pharmacie de grande qualité et pour promouvoir la croissance et une meilleure satisfaction des clients en faisant progresser la relation que nous avons avec nos fournisseurs, qui sont aussi nos partenaires. C'est dans cet esprit que nous comparaissons aujourd'hui devant vous.

Je n'ai pas eu la possibilité de consulter notre mémoire, mais je crois savoir qu'il présente de manière détaillée notre position pour ce qui est de la réforme de la santé et qu'il fait état de nos conseils et de nos recommandations pour que la pharmacie puisse jouer un rôle déterminant lorsqu'il s'agit de dispenser des soins de santé de qualité.

Il va sans dire que notre réseau de la santé est soumis à de fortes tensions et doit faire face au changement. Nous estimons que nous en sommes au Canada à un point où il nous faut envisager des modèles de santé fondamentalement différents qui, non seulement tirent parti des points forts de notre système, mais aussi améliorent la qualité et l'adaptation de nos services de santé, notamment en ce qui a trait aux résultats obtenus.

Nos membres sont particulièrement bien placés pour jouer un rôle plus significatif à l'avenir en matière de santé. Les pharmaciens qui sont membres de notre association peuvent continuer à dispenser des soins de qualité, à soulager les autres services de santé et à faire économiser de l'argent au réseau de la santé si on les autorise à faire usage de leur formation poussée et à jouer un rôle plus actif dans la gestion des médicaments administrés et des soins pharmaceutiques qu'ils ne le font à l'heure actuelle. Les pharmaciens sont aujourd'hui largement préparés à jouer un rôle bien plus officiel au sein du réseau de la santé, rôle qui leur permettra de tirer pleinement parti de leur formation et de leurs compétences et qui va au-delà des simples conseils et de la délivrance des médicaments prescrits. Dans un premier temps, cette fonction pourrait englober le contrôle et le respect de la prise de médicaments, l'intervention en matière de thérapies liées aux médicaments, les soins pharmaceutiques et la sensibilisation des malades. À long terme, cela pourrait déboucher sur le pouvoir de prescrire des médicaments.

Nous collaborons avec les autres parties prenantes, notamment avec l'Association des pharmaciens du Canada, pour permettre aux pharmaciens d'offrir ces services précieux. Vous trouverez à l'annexe A, à la page 15 de notre mémoire détaillé, un tableau des services dispensés par les pharmacies, faisant étant des rôles envisagés à l'avenir, à court terme et à long terme.

Dans la pratique, les pharmaciens peuvent aussi participer à la gestion de l'utilisation et du coût des médicaments en collaborant avec les médecins et avec d'autres professionnels de la santé pour s'assurer que la population reçoit les médicaments appropriés et s'en sert comme il se doit. Afin d'optimiser les résultats, il faut que les consommateurs de services pharmaceutiques soient incités à créer des liens durables avec les fournisseurs qu'ils se sont choisis afin d'assurer la continuité des soins. Tout cela paraît très simple, mais lorsqu'à l'avenir les pharmaciens joueront un rôle accru au sein du réseau de la santé, il en résultera une diminution des admissions à l'hôpital, des visites en salle d'urgence, des consultations des médecins et des spécialistes et du coût de la santé.

Nous venons de mener à bien un projet de recherche, le «Projet pharmaceutique de Fredericton», qui a été entrepris par l'ACCP et par le gouvernement du Nouveau-Brunswick. Il nous révèle que lorsqu'on a demandé aux pharmaciens de donner des conseils personnels et d'informer les patients au sujet de leur maladie, les personnes souffrant d'asthme et d'affections gastro-intestinales ont été 15 p. 100 plus nombreuses à prendre leurs médicaments, les visites en salle d'urgence ont baissé de 80 p. 100 et les consultations des médecins et des spécialistes ont diminué respectivement de 9 et de 47 p. 100 pour les malades des deux groupes combinés. Ce sont là des économies très significatives.

Nos membres possèdent par ailleurs des infrastructures de soins de santé perfectionnées qui sont déjà en place, bien gérées et bien utilisées, et sur lesquelles on peut facilement s'appuyer pour réformer les soins primaires dans toutes les provinces du pays. Contrairement à certains modèles de réforme des soins primaires qui sont en cours d'étude au Royaume-Uni, il n'est pas nécessaire que les pouvoirs publics investissent dans les infrastructures pharmaceutiques à mesure que va avancer la réforme des soins primaires dans les différentes régions de notre pays.

Grâce aux infrastructures de nos pharmacies actuelles, nous sommes déjà en mesure d'assurer potentiellement la liaison entre les pharmacies et les autres membres des équipes chargées des soins primaires. Ces infrastructures sont déjà équipées et doivent aider les pharmaciens à jouer un rôle accru dans de nombreux secteurs de la santé, notamment en matière de gestion de la prise de médicaments et des soins pharmaceutiques, des soins à domicile, des services de diagnostic et d'examen, de la promotion de la santé et de la prescription des médicaments. La pharmacie pourra alors faire partie intégrante du réseau des soins primaires.

Les membres de votre comité doivent comprendre que l'extension du rôle des pharmaciens s'impose, mais il vous faut aussi savoir qu'il y aura un important défi à relever en la matière. Une enquête Ipsos-Reid commandée récemment par l'ACCP et menée auprès des pharmaciens détaillants nous révèle que le Canada a besoin de plus de 2 000 pharmaciens supplémentaires simplement pour combler les postes vacants à l'échelle du pays, sans compter le fait que les besoins vont augmenter à l'avenir.

Notre industrie a pris l'initiative en la matière et nous nous sommes dotés d'une stratégie visant à remédier à ce problème important en matière de santé. Nous recueillons des statistiques, nous collaborons à la recherche effectuée sur le marché du travail et nous oeuvrons, de concert avec tous les gouvernements provinciaux, à faire augmenter les inscriptions dans les écoles de pharmacie et à promouvoir une meilleure utilisation des connais sances et des compétences des pharmaciens. Nous avons recours aux technologies modernes et aux dernières innovations telles que la reconnaissance de la voix ou les robots serveurs afin d'améliorer l'accès à nos services et à libérer les pharmaciens pour qu'ils puissent dispenser des services plus précieux de gestion de la prise de médicaments ou de soins pharmaceutiques.

Nous reconnaissons toutefois que la complexité du problème lié à la pénurie se rattache à un problème plus général et plus vaste de personnel du secteur de la santé. À ce titre, il est absolument nécessaire qu'une démarche globale et intersectorielle au niveau national s'efforce de résoudre le problème des ressources humaines dans le réseau de la santé pour toutes les catégories professionnelles.

Notre organisation est convaincue de la nécessité d'une collaboration et d'un partenariat pour parvenir à ces solutions. Nous avons une grande expérience, nous avons pris de nombreuses initiatives dans ces domaines et nous sommes prêts à oeuvrer avec les gouvernements à la mise en place de solutions permettant de nous doter d'un réseau mieux intégré et plus durable.

Je n'ai fait qu'aborder les éléments essentiels de notre analyse en donnant des conseils généraux, mais c'est avec confiance que nous attendons la suite de nos discussions et de cet examen, qui vous montreront clairement tout ce que la pharmacie peut apporter pour améliorer la santé des Canadiens.

Le sénateur Robertson: Je remercie tous les témoins de leurs excellents exposés. Nous avons tellement de questions à vous poser sur les tenants et les aboutissants de vos thèses, si vous me passez l'expression, qu'il va nous falloir utiliser judicieusement le temps qui nous est imparti.

Je commencerai par la Dre Dykeman, si vous me le permettez. Merci d'être revenue au Canada. Nous savons qu'il y a chez nous une grave pénurie d'infirmières et que d'autres catégories de personnel médical sont aussi très demandées. Avez-vous des conseils à nous donner afin que nous puissions faire augmenter plus rapidement nos effectifs infirmiers que ne l'autorisent les méthodes actuelles?

La Dre Dykeman: Je vais commencer par vous présenter la Dre Cheryl Gibson, la doyenne de la Faculté des sciences infirmières de l'Université du Nouveau-Brunswick. Elle se fera elle aussi un plaisir de répondre à vos questions. Elle sera d'ailleurs peut-être mieux en mesure que moi de répondre à certaines d'entre elles.

Mon expérience internationale me fait dire que le problème est complexe. Nous effectuons en ce moment une étude des questions liées à la vie des infirmières au Nouveau-Brunswick. Nous espérons qu'à l'avenir la FCRSS financera une deuxième étude plus détaillée au sujet de laquelle nous avons déjà fait des propositions. On peut espérer que l'information tirée de ces études s'appuiera sur une véritable recherche. Je crois savoir qu'on dit «s'appuyer sur des preuves» dans le jargon d'aujourd'hui.

L'un des problèmes, c'est que nous n'avons pas encore reconnu l'ampleur du service fourni par les infirmières au sein du réseau canadien. J'ai entendu dire aujourd'hui que nous ne formions pas suffisamment de personnel. Je m'inscris en faux. Nous formons du personnel en quantité, mais nous n'arrivons pas à le conserver. La moitié de mes promotions d'infirmières partent aux États-Unis une fois diplômées. Pourquoi resteraient-elles chez nous? Il n'y a pas de formation permanente. Les salaires sont à peu près les mêmes, mais le milieu de travail est bien différent. J'ai des collègues qui n'ont aucunement l'intention de rentrer au pays parce que leurs cours de formation permanente sont gratuits. Elles obtiennent des congés pour les suivre. Elles ont beaucoup d'avantages annexes. Si elles veulent déménager, elles touchent une prime de déménagement. Nous commençons à réfléchir à toutes ces questions à l'heure actuelle, mais nous le faisons encore très mal. Ainsi, nous n'offrons pas des emplois à temps plein à nos infirmières qui se trouvent actuellement aux États-Unis si elles décident de rentrer au pays. Nous offrons de payer leur déménagement mais nous ne leur garantissons pas un poste ni le statut qu'elles pourraient avoir aux États-Unis. Il y a bien des questions complexes qu'il nous faut envisager dans le domaine de la formation.

Les premières données tirées de nos recherches nous indiquent que les infirmières veulent bénéficier d'une formation permanente mais qu'elles ne peuvent pas l'obtenir. Elles veulent être appuyées dans leur travail, mais elles ne réussissent pas à l'obtenir. Voilà quelques-unes des grandes questions qui se posent.

Le sénateur Robertson: Est-ce que le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle, selon vous, dans la formation permanente des infirmières?

La Dre Dykeman: Oui, il doit avoir un rôle de promotion et dispenser par ailleurs des crédits. Nous devons être appuyées sur notre lieu de travail pour pouvoir faire ce genre de chose. J'imagine que ce sont les universités qui devraient s'en charger, mais les universités ne bénéficient pas d'un appui suffisant pour pouvoir dispenser une véritable formation permanente. Nous répétons toujours que l'apprentissage dure toute la vie. Nous nous payons de mots, mais nous n'appuyons pas les infrastructures susceptibles de nous aider à y parvenir. Nous avons besoin de recherches devant nous permettre de déterminer de quelle façon nous pouvons administrer ces programmes efficacement et moins cher. L'information disponible sur Internet est bonne mais, dans les cas cliniques, ce n'est peut-être pas la bonne façon de procéder parce que les étudiants doivent pouvoir appréhender l'intégralité d'une situation pour progresser.

Les infirmières doivent aussi être conscientes des différents enjeux communautaires, savoir jouer un rôle de porte-parole au sein de leur collectivité et apprendre à promouvoir les questions associées à la santé de la population. Elles doivent savoir quelle est leur place à l'intérieur du système. Ce n'est pas la meilleure utilisation que l'on ait faite des infirmières pendant toutes ces années. Je suis une infirmière diplômée qui est qualifiée au sein du réseau. Pendant 25 ans j'ai travaillé en établissement avant de me consacrer à l'enseignement supérieur. Les questions communautaires sont importantes, et nous devons pouvoir sortir des sentiers battus où nous nous complaisons et replacer les questions dans un contexte plus large.

Le sénateur Robertson: Vous avez évoqué la question de ce que j'appellerai la restructuration des responsabilités au sein des différentes professions de la santé. Nous en avons beaucoup entendu parler. Cette opération présente le grand inconvénient de vous obliger à casser les schémas existants et à favoriser la collaboration. Comment pourrions-nous à votre avis faire tomber les cloisonnements entre les médecins, le personnel infirmier, les IAA, les pharmaciens, et cetera? Quelles sont les responsabilités que pourraient assumer désormais vos infirmières avec une formation complémentaire? Est-ce qu'elles pourraient décharger les médecins d'une partie de leurs travaux? Quelles sont les responsabilités que vous pourriez attribuer aux IAA? Avez-vous réparti les responsabilités éventuelles de ces différentes catégories de personnel?

La Dre Dykeman: Nous nous sommes penchés sur la question, mais beaucoup de travail reste à faire. Il faudrait que tous les membres de l'équipe s'assoient à la même table et c'est difficile à obtenir. Il est bien plus simple pour les membres de l'équipe d'affirmer: «On a toujours fait comme ça» plutôt que de dire, «Cherchons ensemble les solutions.»

Le modèle de collaboration entre le médecin et le personnel infirmier fonctionne bien dans la pratique de l'établissement. Je l'ai fait pendant sept ans. Je travaillais dans une clinique pour les séropositifs et je prenais en charge les malades depuis leur diagnostic jusqu'à leur décès. C'était mes clients et, tant que je n'avais pas besoin d'une grosse aide externe, je n'avais pas à consulter un autre responsable médical.

Nous ne savons pas pour l'instant quels sont les paramètres mais nous n'ignorons pas que nous pourrions faire bien des choses en collaborant entre nous. Aucune profession en particulier n'aurait à assumer toute la charge. Toutefois, il faut que cela se passe au sein d'une équipe qui collabore. Il nous faut commencer à envisager ce genre de chose. Nous devons envisager de le faire au niveau communautaire, là où les membres de l'équipe travaillent ensemble et où l'on dispense différents services. Je comprends bien que nous ne pouvons pas posséder toutes les technologies dans toutes les régions, mais il n'y a aucune raison pour que dans une région donnée nous ne disposions pas d'un service de soins de santé primaires efficaces pour que la population n'ait pas à se déplacer partout pour les obtenir. On pourrait remédier à la fragmentation du système si l'on pouvait amener les membres de l'équipe à travailler ensemble.

Le sénateur Robertson: Le Dr Haddad, le président de l'Association médicale canadienne, nous a informés mardi à Halifax que son association était tout à fait prête à coopérer. J'ai trouvé cela particulièrement encourageant. Je n'avais jamais totalement perdu l'espoir de voir un jour que ces responsabilités puissent être partagées.

Ma question s'adresse, j'imagine, à chacun d'entre vous étant donné que dans une certaine mesure vous vous intéressez tous à la santé de la population. Ne serait-il pas utile que le gouvernement fédéral demande à un responsable tel que le directeur des services de santé ou encore à une commission de la santé de se charger de la formation et de la fourniture des services au niveau national par l'intermédiaire des provinces dans le but d'améliorer la santé de la population? Est-ce que ça pourrait être utile?

La Dre Dykeman: Nous avons laissé entendre dans notre mémoire que nous avions besoin de certaines normes s'appliquant à la formation en matière de santé au Canada. Je pense que vous proposez là un modèle de portée encore plus générale. Un des grands problèmes qui revient constamment, c'est le fait que nous n'avons pas normalisé l'enseignement que nous devons donner à la population pour l'aider à prendre soin de sa propre santé. Je vais être très honnête avec vous. L'une des choses qui m'horripile ces temps-ci, dans nombre de réunions auxquelles j'assiste, c'est d'entendre dire que la population veut plus de soins de santé que nous ne pouvons en fournir. Je ne le crois pas. Je pense que les gens demandent des soins qui les gardent en santé et qui corrigent leurs maux. Je ne pense pas qu'ils demandent la lune; ils veulent des soins de qualité, qui vont à l'essentiel. Je ne suis pas tout à fait d'accord sur le plan des principes. Ce que vous proposez, à mon avis, placerait tout le monde sur le même pied afin que nous puissions agir dans ce sens.

Le sénateur Robertson: Monsieur Simpson, je connais votre organisation sous le nom d'«Association hospitalière du Nouveau- Brunswick». Voilà qui ne me rajeunit pas, n'est-ce pas? Nous connaissons toutes les difficultés des longues listes d'attente dans les hôpitaux et dans les cabinets des médecins. Il y a d'ailleurs des gens qui n'arrivent pas à consulter un médecin. Ma question porte, cependant, sur l'équipement hospitalier qui n'est pas utilisé à plein en raison de l'impossibilité de trouver suffisamment de personnel. L'équipement médical coûte très cher et il y a des gens qui estiment qu'il devrait être utilisé 24 heures sur 24 plutôt que de huit heures du matin à quatre heures de l'après-midi, par exemple. Voilà un phénomène qui contribue à la formation de longues files d'attente pour obtenir différents traitements. Com ment mieux rentabiliser l'équipement médical onéreux dont nous disposons?

M. Simpson: Nous avons une telle pénurie de professionnels de la santé que même si l'organisation et le personnel étaient prêts à travailler 20 heures par jour en utilisant l'équipement couramment employé, on peut se demander si nous aurions la main-d'oeuvre et le personnel de soutien pour le faire. Si, par contre, nous avons la main-d'oeuvre et le personnel de soutien nécessaires, ce serait une bonne chose du point de vue des soins dispensés aux malades en ce sens qu'il y aurait moins de files d'attente et parce que les gens retrouveraient plus vite la santé. Je pense qu'il serait logique de procéder ainsi. Compte tenu toutefois des mentalités au sein de nos professions, il y aurait des obstacles à surmonter. Les professionnels de la santé auraient autant de difficultés à accepter le changement que je pourrais en avoir ou qu'en aurait toute autre catégorie de personnel au Canada. Cela s'apparente à la question posée antérieurement au sujet des changements. Ça paraît bien logique. Dans certaines régions du Nouveau-Brunswick, il y a des équipements hospitaliers qui ne sont utilisés qu'une demi-journée par semaine.

Le sénateur Robertson: Ça doit être très onéreux.

M. Simpson: Effectivement.

Le sénateur Robertson: Êtes-vous au courant du projet du Dr McGowan à Sunnybrook?

M. Simpson: Non.

Le sénateur Robertson: Je pense qu'il est important que notre comité recueille un maximum d'information auprès des témoins en ce qui a trait au futur financement des soins de santé.

Le projet McGowan est bien simple. C'est un régime de soins de santé privé. Il est à but lucratif. Des dispositions ont été prises avec le service d'oncologie de Sunnybrook, où la journée de travail se termine normalement à 16 ou 17 heures, après quoi l'organisation du Dr McGowan prend la relève avec une équipe composée de cancérologues, d'infirmières et de tous les techni ciens requis, et qui traite tous les malades du service d'oncologie jusqu'à 21 h ou 22 h. Cela a permis de réduire énormément les files d'attente pour ce type de traitement. Ce qui est intéressant, c'est que ce faisant les responsables ne facturent au gouvernement de l'Ontario que les tarifs pratiqués pour les malades examinés dans la journée par le personnel de l'hôpital. Voyez-vous un inconvénient à ce genre de formule si ça peut se faire au même prix, c'est-à-dire sans faire payer davantage la province? Qu'en pensez-vous?

M. Simpson: À première vue, il semble que ce soit un moyen très efficace de résorber les files d'attente. Toutefois, si c'est le privé qui s'en charge, seules les personnes qui en ont les moyens peuvent en tirer partie.

Le sénateur Robertson: Non, pas du tout. Elles sont traitées exactement de la même manière que le malade qui se présente à 15 h dans les services de l'hôpital.

M. Simpson: N'avez-vous pas dit que c'était privé?

Le sénateur Robertson: Oui, il s'agit d'un groupe privé. Il traite les malades exactement de la même manière qu'ils le sont dans la journée, et il facture au gouvernement exactement le même montant que l'hôpital qui prend en charge un malade pendant les heures normales. Avez-vous quelque chose à reprocher à ce système?

M. Simpson: Je me demande pourquoi ça ne se fait pas simplement au sein du réseau public.

Le sénateur Robertson: On nous dit qu'on ne peut pas avoir le personnel. Le Dr McGowan s'est adressé à la collectivité et a trouvé le personnel. Il s'agit principalement de personnes qui ne veulent pas travailler à plein temps. J'ai été très impressionné par ce projet.

M. Simpson: Je n'y vois pas vraiment d'inconvénient. Nous ne pouvons pas nier qu'il y a des enclaves privées à l'heure actuelle dans le réseau de la santé. Si ça ne coûte pas plus cher, si ça n'influe pas sur le type de patient qui reçoit le traitement, ce n'est alors qu'une façon plus efficace de résorber les files d'attente.

Le sénateur Robertson: Dans la mesure où ça ne coûte pas plus?

M. Simpson: Oui...

Le sénateur Robertson: Très bien. Je vous remercie.

M. Simpson: ... et où ça ne s'adresse pas à un sous-ensemble bien particulier de malades en fonction de leur situation socio-économique.

Le sénateur Robertson: Docteure Dykeman, est-ce que vous y verriez un inconvénient?

La Dre Dykeman: Non, pas du tout, à condition que l'on respecte l'équité.

Le sénateur Robertson: C'est, je pense, ce qui nous a le plus impressionné au sujet de ce modèle.

La Dre Dykeman: J'ai l'impression qu'il y a eu un accord entre l'hôpital et ce groupe parce que, sinon, il lui aurait fallu payer la location de cet équipement.

Le sénateur Robertson: Non, c'est un accord passé avec Sunnybrook.

Madame Porter, j'apprécie particulièrement les pharmaciens et je considère qu'on est loin d'utiliser suffisamment leurs compé tences. Comment apprenez-vous aux médecins, aux infirmières et aux patients à utiliser les meilleurs médicaments compte tenu de la maladie considérée?

La vice-présidente: C'est une question piégée.

Mme Porter: Je vais laisser à Sandra Alyward, qui est pharmacienne, le soin de répondre à cette question.

Mme Sandra Aylward, vice-présidente, services pharma ceutiques: La question que vous me posez est-elle: Comment apprendre, non seulement aux consommateurs, mais aussi à tous les professionnels de la santé, à utiliser les bons médicaments?

Le sénateur Robertson: Oui.

Mme Aylward: Je pense que le mot clé, et vous l'avez bien dit, c'est «apprendre» aux gens. Il faut qu'ils comprennent ce que nous voulons qu'ils fassent avant de le faire. Tout part de là.

Le sénateur Robertson: Comment le leur apprendre?

Mme Aylward: Nous devons leur montrer ce qui donne des résultats. Nous devons leur donner des exemples concrets s'appuyant sur des données de recherche existantes. Vous avez donné dans votre mémoire d'excellents exemples de projets qui montrent que c'est de résultats que nous avons besoin si nous voulons adopter une démarche plus rationnelle fondée sur l'excellence de la pratique. Je pense qu'il y a un équilibre entre les structures et les politiques qui incite la population à adopter de bonnes pratiques. Il y a une marge entre cette façon de faire et certaines politiques auxquelles d'autres intervenants ont fait allusion et qui sont perçues comme étant contraignantes, arbitraires ou restrictives. L'essentiel, et les pharmaciens se heurtent tous les jours à ce problème, c'est d'essayer de faire en sorte que les gens comprennent les raisons justifiant les politiques, les règles ou les pratiques adoptées, et nous constatons que lorsqu'on réussit à leur expliquer la chose, ils coopèrent bien plus volontiers. L'apprentissage dont vous parlez peut être très développé. Nous disposons de nombreux moyens de communica tion de masse pour faire passer notre message, mais l'on peut aussi apprendre bien des choses en tête-à-tête.

Lorsqu'on se rend compte qu'une certaine stratégie ou qu'un certain médicament est le choix qui s'impose, il est utile que le pharmacien ou le médecin puissent dire au malade qu'ils sont en faveur de cette stratégie ou de ce médicament. Ils doivent dire au malade qu'ils sont d'accord avec le traitement recommandé et qu'ils ne se contentent pas de suivre les règles établies par le régime d'assurance-médicaments

Le sénateur Robertson: Que pensez-vous de la publicité qui se fait au sujet des médicaments prescrits? Est-ce qu'elle contribue à votre avis à sensibiliser la population, ou non?

Mme Porter: Nous savons tous que nous sommes inondés par l'information qui nous vient de l'autre côté de la frontière, et il est indéniable que c'est une source de confusion pour les pharmacies. Nous avons besoin que l'on élabore un certain protocole canadien s'appliquant à la publicité sur les médicaments prescrits. Bien souvent, nous avons un client qui entre dans notre magasin et qui nous dit: «Cette pilule devrait être verte.» C'est parce qu'il a vu une publicité dans un journal ou dans une revue américaine dans laquelle la pilule était verte. Au Canada, les pilules sont roses. Nous avons besoin d'une certaine uniformité et il convient de mettre en place des normes.

Le sénateur Callbeck: Docteure Dykeman, combien de provinces au Canada ont des établissements qui forment des infirmières praticiennes diplômées?

La Dre Dykeman: À l'heure actuelle, je crois qu'il y en a cinq. La plupart des provinces s'efforcent de former des infirmières diplômées. Dans quatre provinces, je crois, il y a des infirmières praticiennes diplômées et leur profession est homolo guée par la loi. Certaines d'entre elles sont au niveau du diplôme et d'autres de la maîtrise des sciences infirmières. À mesure que l'on va s'avancer dans cette voie, il y aura une harmonisation des agréments.

Tout le monde connaît l'ALENA et, en vertu de cet accord, on ne peut empêcher quelqu'un de travailler où il veut. Je pense que le potentiel de formation se trouve à l'échelle du Canada. Il s'agit encore de savoir si les crédits ou si la volonté sont bien là. Nous manquons tellement de personnel dans les services de santé situés en première ligne que nous avons besoin de ces personnes supplémentaires. Je pense que c'est ce qui va faire pencher la balance.

Le sénateur Callbeck: Est-ce que vous faites suffisamment de progrès? Est-ce que le nombre d'infirmières praticiennes a énormément augmenté au cours des cinq dernières années?

La Dre Dykeman: Il a augmenté. Dans des provinces comme l'Ontario, il a fortement augmenté ces cinq dernières années. Le programme de l'Université du Nouveau-Brunswick a été lancé. Il n'est pas encore financé pour l'instant, mais il a bien été créé. Il y a un nouveau programme menant à un diplôme à Terre-Neuve. Il y aura un nouveau programme à l'Université de Terre-Neuve à compter de janvier ou de septembre. L'année prochaine, il y aura un programme ici même à Moncton afin de former des infirmières francophones. Chaque province procède à cette forme d'intégration. Bientôt, la formation de ces infirmières ne posera plus de problème.

Le problème, tel que je le conçois, porte sur son intégration au sein du réseau. À l'heure actuelle, environ 65 p. 100 des infirmières praticiennes formées en Ontario ne travaillent pas à ce titre parce qu'elles manquent de débouchés. Au Nouveau- Brunswick, nous réclamons avec force qu'il y ait un système intégré, que le personnel soit salarié et non pas payé à l'acte, de façon à pouvoir s'intégrer au sein du nouveau réseau après sa restructuration. On nous a promis que ça se fera l'année prochaine ou vers cette date. Nous espérons pouvoir éviter un certain nombre de difficultés qu'éprouve l'Ontario et faire en sorte que ce personnel assume effectivement les fonctions pour lesquelles il a été formé.

Le sénateur Callbeck: Dans le cadre de la restructuration effectuée dans votre province, allez-vous intégrer les services sociaux tels que les programmes de logement ou de lutte contre les drogues?

La Dre Dykeman: Il semble ressortir de la lecture des journaux ces deux dernières semaines que l'on va réintégrer les soins de santé au sein de la collectivité. Nous espérons que dans le cadre d'une démarche communautaire il y aura une collabora tion au sein d'une équipe pluridisciplinaire faisant appel à la pharmacie, aux sciences infirmières, à la médecine, aux services sociaux et à la gestion des cas difficiles, parce que c'est bien plus efficace et rentable. On évite les chevauchements et on dispense par ailleurs des services aux populations qui ne disposent pas d'un réseau de soutien sur place et qui doivent aller ailleurs pour se faire soigner.

Le sénateur Callbeck: Hier, à l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons entendu plusieurs témoins nous parler d'une démarche intégrée. Je pense qu'elle se révèle très efficace.

Je suis bien d'accord avec ce que vous avez dit au sujet de la recherche. Il est difficile, pour les petites provinces, de trouver les crédits devant permettre de financer les projets à parts égales.

Monsieur Simpson, un témoin nous a dit à Toronto qu'il était important d'informer le public et que ce dernier ne pourra pas faire davantage confiance au réseau de la santé tant qu'il n'aura pas reçu davantage d'information. Il a évoqué la possibilité de classer les hôpitaux de l'Ontario selon leur performance. Les résultats obtenus dans les différents services seraient répertoriés. Qu'en pensez-vous?

M. Simpson: Je vous remercie de cette question. Je pense qu'il est important que le public puisse se pencher sur la qualité de son réseau, faire des comparaisons et avoir confiance. J'estime que les conseils d'administration ont confiance dans les services que nous dispensons actuellement. J'accueillerais à bras ouverts la mise en place d'un système de classement des hôpitaux. Je pense que c'est en voie de se produire ici même au Nouveau-Brunswick; le gouvernement s'est penché sur la question. C'est encore une façon de rendre des comptes. Les hôpitaux du Nouveau-Bruns wick ne voient aucun inconvénient à accepter ce genre de démarche. Nous y sommes certainement favorables.

Le sénateur Callbeck: Pour ce qui est des achats en gros effectués par les hôpitaux, l'équipement, les médicaments, et cetera, est-ce que nous coopérons davantage ou moins dans les Maritimes que dans les autres provinces?

M. Simpson: Actuellement, au Nouveau-Brunswick, il y a deux groupements d'achat. Je pense qu'il pourrait y en avoir davantage. J'ai mentionné dans mon exposé la possibilité d'instituer un organisme d'achat national. Je ne suis pas persuadé qu'il nous faille disposer d'un organisme de cette envergure pour obtenir les meilleurs prix possibles. Lorsqu'on atteint cette taille, on a besoin d'un énorme réseau administratif pour que tout se passe bien. Je suis certes convaincu qu'il nous faut pouvoir acheter en gros et passer de grosses commandes pour obtenir les meilleurs prix. Comme toute entreprise, le réseau des soins de santé doit mettre en place les mécanismes lui permettant d'opérer avec un maximum d'efficacité, ce qui s'applique à l'achat de tous ces articles.

Le sénateur Callbeck: Diriez-vous qu'au cours des cinq dernières années les achats en gros ont augmenté ou qu'ils sont restés à peu près les mêmes?

M. Simpson: Je n'ai pas la preuve qu'ils aient augmenté au cours des cinq dernières années, mais je sais qu'actuellement nous avons dans notre province deux grands groupes d'achat. Trois ou quatre administrations hospitalières se sont unies pour former un groupement d'achat, d'autres ont suivi. On hésite à acheter à une même organisation. On a besoin d'une certaine concurrence pour obtenir les meilleurs prix.

Le sénateur Callbeck: Un témoin nous a parlé à Halifax de la possibilité d'acheter un nouvel équipement par l'intermédiaire d'un groupement d'achat et il nous a dit que les économies réalisées étaient énormes.

M. Simpson: Est-ce qu'il s'agissait d'un groupement d'achat de la Nouvelle-Écosse?

Le sénateur Callbeck: Non. Certains hôpitaux de l'Ontario ont pris part à cette opération.

Mme Porter, pouvez-vous nous parler un peu plus du projet pharmaceutique de Fredericton?

Mme Porter: Cette organisation est favorable à la recherche s'appuyant sur des données effectives. On n'a pas fait beaucoup de véritables recherches au Canada. Un projet a été mis sur pied avec un groupe de contrôle. Nous avons contacté la province du Nouveau-Brunswick dans la région de Fredericton afin de suivre des employés du gouvernement ayant deux types de maladie, de l'asthme et des affections gastro-intestinales. Nous avons coor donné nos efforts avec toutes les pharmacies de la région, qui ont inscrit les malades ayant accepté de participer à ce projet. Bien entendu, les membres du groupe de contrôle ont dû signer les formules. Ce projet a duré deux ans et la recherche s'est terminée à la fin de l'année dernière. Cette recherche a permis d'obtenir des résultats tout à fait étonnants et l'on a pu voir ce qui pourrait se passer lorsqu'on mettait en place de bons programmes de prise de médicaments, lorsque chacun avait été informé de sa maladie et lorsqu'un suivi avait été effectué. On a enregistré une diminution de 80 p. 100 des visites en salle d'urgence. C'est une économie considérable.

Le sénateur Callbeck: Est-ce que ce sont les pharmaciens qui ont effectué le suivi?

Mme Porter: Oui. Sandra pourra peut-être vous donner des détails.

Le sénateur Callbeck: Est-ce qu'ils ont été rémunérés à ce titre?

Mme Aylward: Nous aurions beaucoup aimé que ce soit le cas. Les pharmacies ont beaucoup gagné à mettre en oeuvre ce projet. Leur participation était une condition indispensable. Il ne s'agissait pas toutefois d'un mécanisme de remboursement s'appliquant à chaque prescription comme on le pense générale ment. Il était entendu qu'il s'agissait d'un projet de recherche. Les pharmaciens n'ont pas cherché à décrocher la lune, pour reprendre une expression employée tout à l'heure, mais ils ont mis à la disposition de la population une formule raisonnable, à la portée des gens.

Pour ces deux maladies, nous nous sommes efforcés de répondre à ce qui nous paraissait être les besoins essentiels des gens: comprendre leur maladie et essayer d'écarter certains obstacles qui les empêchent de prendre leurs médicaments et qui découlent de leur mode de vie.

On s'est entretenu avec les malades lorsqu'ils venaient se procurer régulièrement leurs médicaments. Il s'agissait générale ment de conversations de cinq ou dix minutes. On a normalisé le suivi en s'appuyant en grande partie sur les mécanismes et les programmes déjà en place. Ainsi, notre entreprise a normalisé sa procédure de suivi au téléphone. Nous identifions les gens qui en profitent le plus et nous procédons de manière très systématique. Il s'agissait simplement de normaliser, dans le cadre de ce projet, le mode de fonctionnement de vingt pharmacies différentes. Nombre d'entre elles n'avaient aucune affiliation avec une entreprise ou une société. Nous avons tous procédé de la même manière et nous avons mesuré ensuite les résultats. Comme vous l'a dit Sherry, nous avons été récompensés par la validation des résultats que nous espérions atteindre, et les résultats ont été sans précédent.

Le sénateur Cook: Considérez-vous, madame Porter, que la Loi sur les médicaments brevetés, qui détermine l'homologation des brevets, est adaptée au monde actuel en ce qui concerne votre profession? Est-ce qu'il est temps de la revoir?

Mme Porter: C'est encore une question piégée.

Le sénateur Cook: Elle a fait son apparition lors de l'affaire Cipro.

Mme Porter: Je n'essaie pas d'éviter votre question. Lorsque le problème s'est posé, notre organisation s'est dit que la meilleure façon d'évaluer l'importance des stocks de Cipro de notre réseau était de poser la question au vendeur, mais nous n'avons pas participé aux discussions à ce sujet. Nous aurions pu probablement répondre dans les 24 heures à la question de savoir quelle était la quantité de produit déjà disponible. Ce n'est pas ce qui a été fait. C'est une société agissant en coulisse, du nom d'IMS, qui s'en est chargée, alors qu'elle n'avait aucune idée de ce qui se trouvait dans les circuits parce qu'elle ne suit à la trace que les différentes opérations et non pas l'ensemble de la distribution.

Le sénateur Cook: Le ministre de l'Industrie a bien mentionné qu'il était temps de la revoir. Je me demande si votre industrie a relevé cette possibilité et si elle envisage de le faire dans le cadre de la loi sur les brevets.

Mme Porter: Je pense que toutes ces modalités devraient être revues régulièrement. Ce n'est pas propre à notre secteur. Nous avons des relations suivies avec les différents fabricants, aussi bien en ce qui concerne les marques que les produits génériques, nous avons tiré profit d'un certain nombre de mesures de contrôle des coûts qui ont été mises en place à ce titre ces dernières années, et je suis sûre que nous aurons la possibilité d'en profiter encore plus à l'avenir. Un contrôle permanent est toujours le bienvenu.

Le sénateur Cook: En votre qualité de pharmacien, avez- vous le sentiment qu'on sous-utilise vos compétences? Dans l'affirma tive, si l'on pouvait élargir la notion de services communautaires et de santé, est-ce que pour vous le pharmacien aurait un rôle à jouer au sein de cette équipe pluridisciplinaire?

Mme Aylward: J'apprécie particulièrement cette question. Je pense que le mot clé que vous avez utilisé ici, comme d'autres intervenants aujourd'hui, c'est «communautaire», les principales possibilités qui s'offrent à vous se situant à mon avis au niveau de la base. Nous évoquons notre rôle et la possibilité pour les pharmaciens de faire le maximum pour la population. Il y a probablement deux éléments importants ici. Le premier est la communication de l'information. Que nous parlions des malades hospitalisés qui réintègrent la collectivité ou de ceux qui vont voir leur médecin, leur infirmière praticienne ou leur spécialiste, il faut que tous les membres de l'équipe aient accès à la même information et, par conséquent, puissent s'appuyer mutuellement dans leur intervention. C'est fondamental. Comme l'a indiqué Sherry, les pharmaciens sont probablement en mesure, du moins dans le secteur privé, d'orienter nombre de projets sur les technologies de l'information qui permettent de communiquer ces renseignements.

Le deuxième point est le suivant: les pharmaciens avec lesquels je travaille sont tous salariés - ce qui est, à certains égards l'organisation idéale plutôt que d'avoir à payer des professionnels de la santé à l'acte ou pour chaque opération - ce qui institue un cadre de travail dans lequel ils sont motivés à faire ce qu'il y a de mieux pour les patients, indépendamment des remboursements. C'est le milieu idéal. Toutefois, il y a effectivement des situations dans lesquelles les remboursements sont mal reliés aux activités qui sont effectuées. Il faut aussi que cette question soit abordée.

Les deux grandes possibilités qui doivent être offertes au niveau communautaire sont la communication de l'information et une meilleure adéquation des incitations ou des remboursements aux résultats.

Le sénateur Cook: Docteure Dykeman, je viens de Terre- Neuve et je suis bien consciente du rôle et de la nécessité du personnel infirmier. Autant que je m'en souvienne, le PDG de l'Association médicale canadienne nous à dit à Halifax que même si l'on s'accordait à dire que les partenariats étaient souhaitables, ils n'avaient pas fait la preuve de leur rentabilité. Est-ce que des études auraient été faites à ce sujet?

Cela étant mis à part, j'ai tendance à m'intéresser aux situations rurales plutôt qu'aux situations urbaines, parce que je viens de la campagne. Je considère que si nous voulons passer d'une politique de la maladie à une politique de la santé, il nous faut commencer au niveau communautaire. Si nous ne répondons pas aux besoins essentiels de la population, il nous faut alors nous tourner vers le gouvernement fédéral, qui doit faire preuve d'initiative et dispenser certains crédits. Je pense que les professionnels de la santé et les gens qui, comme vous, se sont engagés dans cette action, devront lui montrer la voie. Il nous faudra en permanence convaincre les responsables qu'il est utile d'affecter des crédits à la formation de la population pour qu'elle apprenne à rester en santé. Que faire à partir de là?

La Dre Dykeman: Je suis bien tentée de dire que cela permettrait à notre pays d'économiser de l'argent.

Le sénateur Cook: Malheureusement, dès qu'on dit une telle chose, les robinets se ferment immédiatement.

La Dre Dykeman: C'est tout à fait vrai. Si nous pouvions apprendre aux gens à rester en santé, ce que les infirmières praticiennes font très bien, dans 10 ou 15 ans - et nous serons passé par deux autres élections à ce moment-là - vous verrez la différence au sein du réseau car un ralentissement se sera produit.

Ce qui m'agace aussi, c'est qu'on me dit constamment que je vais bientôt entrer dans le troisième âge. On ne fait que nous répéter qu'étant donné que nous avons tellement de personnes âgées, nous avons besoin de plus d'argent. Cela nous amène automatiquement à considérer les personnes âgées comme un fardeau. Nous ne tirons pas partie de ce que les personnes âgées peuvent apporter à la société et nous n'essayons pas non plus de les conserver en bonne santé pour éviter de courir à la catastrophe. C'est une question très complexe.

Nous pouvons faire toute sorte de chose au niveau communau taire. Je pense, toutefois, qu'il faudra «tout remettre sur le tapis».

Pour revenir à votre dernière question, il y avait une pharmacie dans les locaux de la clinique communautaire dans laquelle je travaillais, et j'avais l'habitude d'y envoyer tous mes malades. Je leur fournissais l'information au sujet des médicaments, mais je leur disais aussi: «Le pharmacien en sait plus que moi. Allez-lui parler.» Les pharmaciens corroboraient ce que je leur avais déjà dit. Effectivement, ils revenaient moins souvent me consulter. Il y avait moins de malades qui prenaient mal leurs médicaments. L'expérience m'a paru très utile. Elle a donné des résultats.

Le sénateur Cook: Personnellement - et je n'ai d'ailleurs pas fini de payer - j'ai une nièce qui a deux enfants et qui suit des cours pour obtenir un diplôme d'infirmière praticienne. Parallèle ment, elle continue à payer une hypothèque. Ne serait-il pas bon que dans sa déclaration d'impôt sur le revenu, elle et d'autres personnes dans la même situation, puissent se prévaloir d'une exonération d'une partie de l'impôt? S'il lui fallait quitter son emploi actuel pour poursuivre sa formation, pensez-vous qu'elle devrait être en mesure de réclamer l'assurance-chômage?

La Dre Dykeman: Ça aiderait certainement, mais ce n'est peut-être pas la seule possibilité. Ce que nous demandons au gouvernement - et il ne nous écoutera probablement pas - c'est d'accorder un certain appui aux personnes qui terminent leur formation et qui travaillent ensuite dans la province. Nous demandons au gouvernement de subventionner leurs études, éventuellement de façon contractuelle. On n'a pas encore défini pour l'instant la forme que ça pourrait prendre. Éventuellement, une fois qualifiée, l'infirmière praticienne serait tenue de travailler pour une organisation mise sur pied par le gouvernement. Cette organisation pourrait éventuellement avoir besoin d'une employée durant deux ans, par exemple. À l'heure actuelle, nous n'offrons que des possibilités d'études à temps partiel étant donné que toutes nos étudiantes travaillent à plein temps. Étant donné la pénurie d'infirmières, elles ne peuvent pas quitter leur emploi. D'ailleurs, nombre d'entre elles ne peuvent même pas prendre de congé pour aller en cours. Elles y vont après avoir fait 12 heures de travail pendant la nuit.

Tous ces problèmes doivent être réglés si nous croyons à ce que nous faisons et si nous voulons réussir.

Le sénateur Cook: Estimez-vous que, dans un premier temps, il vous faut apporter la preuve aux gouvernements que le besoin est là?

La Dre Dykeman: J'espère que le gouvernement sait déjà qu'il y a un besoin. De nombreuses études ont été faites aux États-Unis qui ont prouvé que c'était rentable. Il n'y en a pas au Canada, bien entendu, étant donné qu'il n'y a pas suffisamment longtemps que nous avons des infirmières praticiennes. Aux États-Unis, on a démontré, étude après étude, que les infirmières praticiennes dispensent des soins de santé efficaces à un coût raisonnable et que la plupart des patients aiment autant s'adresser à elles qu'à un médecin. La recherche est très formelle sur ce point.

Le sénateur Cook: Avez-vous établi le coût de ce programme par tête?

La Dre Dykeman: Oui, c'est très onéreux. Je ne peux pas vous donner les chiffres parce que je ne les connais pas par coeur mais, en raison des stages cliniques qui sont nécessaires pour les faire progresser sur le plan clinique, c'est une formation assez onéreuse.

La vice-présidente: J'ai un commentaire à faire au sujet des infirmières praticiennes. Vous avez pris l'exemple de l'Ontario, dont je suis originaire. J'ai été plutôt interloqué d'apprendre qu'il y avait un si grand nombre d'infirmières praticiennes dont on n'utilise pas les services; qui font autre chose. On trouve dans cette province des localités éloignées et rurales qui ne disposent même pas des soins primaires essentiels. C'est une situation assez scandaleuse.

Cela dit, je remercie tous nos témoins d'être venus. Nos discussions auraient pu durer bien plus longtemps parce que j'avais quelques questions à vous poser. Je les garderai cependant pour une autre fois. Je pourrais même vous contacter personnelle ment.

Je vous assure, et je m'adresse plus particulièrement à madame Porter, que l'annexe de votre mémoire est très utile. Tous les mémoires que nous recevons vont s'ajouter, comme l'a dit le sénateur Robertson, à l'avalanche d'information qui nous est fournie. Je peux vous garantir, même si vous n'avez pas pu exposer oralement toutes les données qui figurent dans vos mémoires, que cette information sera lue et prise en compte.

Je vous remercie une fois de plus d'être venus ce matin. Votre comparution a été particulièrement appréciée.

Notre prochain témoin, chers collègues, est le Dr Russell King, ancien ministre de la santé de la province du Nouveau-Brunswick. Je suis sûre, honorables sénateurs, que nous aurons de nombreuses questions à poser au Dr King une fois qu'il aura fait son exposé. Nous sommes toujours curieux de savoir comment les ministres de la Santé, lorsqu'ils se réunissent, parviennent éventuellement à en arriver à un consensus.

Docteur King, vous avez la parole.

Le Dr Russell King, ancien ministre de la Santé, province du Nouveau-Brunswick: J'apprécie cette invitation à comparaî tre devant votre comité.

Mon monde est quelque peu différent. Je n'ai pas d'adjoints administratifs ni mon fidèle sous-ministre ou mes collaborateurs pour m'accompagner; c'est la vie d'un homme public à la retraite. Il est bon de savoir que la vie continue une fois qu'on n'est plus un homme public.

Je tiens à préciser que mes analyses se fondent sur les observations que j'ai pu faire pendant et après mon passage dans la vie publique. Elles ne sont pas tirées de sondages ou d'autres études de ce type. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire pour l'instant de réfléchir au niveau global à l'ensemble du réseau canadien de la santé. Je réponds à la demande qui nous est faite de nous pencher de manière générale sur le rapport «Questions et options». Au bout du compte, j'espère que votre comité aura une bonne idée de ce que je pense des options qu'il nous a présentées.

Je vais paraphraser le mémoire que je vous ai remis et j'enchaînerai à partir de là. Je suis très heureux que l'on m'en offre la possibilité.

Depuis 1991 au moins, l'opinion publique demande un réexamen du régime canadien de la santé qui, au fil des années, a célébré son 25e, puis son 30e, et maintenant son 35e anniversaire. De nombreuses personnes ont senti la nécessité de réaffirmer, puis éventuellement de modifier et même de réorienter complètement ce régime, de façon à rassurer la population canadienne et lui faire savoir que ses besoins en matière de santé seront pris en charge à l'avenir. J'espère que l'on pourra prévoir jusqu'à un certain point l'évolution de notre régime de santé.

Je considère personnellement que notre régime de santé est sous pression. Je ne pense pas que ce soit en fait le chaos, mais j'estime que nous devons y réfléchir collectivement et éviter de le démanteler si nous voulons offrir des soins de santé à notre population. Je considère qu'il est temps de nous décider. Les études se sont multipliées. Je n'en connais aucune, cependant - et évidemment je n'ai pas encore pris connaissance des délibérations de la Commission Romanow - qui témoigne d'une réflexion aussi profonde que celle de votre comité sénatorial.

J'ai eu l'occasion de consulter votre premier volume, j'ai passé en revue celui-ci, et j'espère qu'au bout du compte les responsables élaboreront un projet qui servira de référence pour la population canadienne - la carte d'état-major ou le portulan fixés au mur, si vous voulez.

Ce débat se situe dans un certain contexte. J'ai simplement répertorié un certain nombre d'éléments qui sont source de confusion, parfois, pour les gens. Nous sommes abreuvés de mots à la mode. J'entends par là des mots comme «privatisation», qui peut avoir bien des sens différents, «à plusieurs vitesses, à deux vitesses, à une vitesse» - il y a une grosse polémique au sujet des vitesses. On parle aussi de «déréglementation», de «décentra lisation», de «restitution des pouvoirs», d'«inclusion», de «reprise en main», de «Charte des droits», de «dégrèvements fiscaux», de «santé, par opposition à la prévention, par opposition à la maladie», de «contrôle des coûts», de la «pré carré fédéral ou provincial», d'«identité nationale», de «coût des services par rapport à leur valeur». On entend souvent dire par ailleurs que les responsables «s'occupent activement de la question», sans bien savoir ce qu'ils entendent par là.

Nous avons l'habitude de parler du réseau canadien de la santé, mais il n'a jamais été conçu comme un réseau. Je crois que nous y faisons allusion dans le document. Il a évolué au coup par coup jusqu'au point où nous en sommes aujourd'hui. Il est nécessaire, toutefois, d'en faire un véritable réseau. Même si nous n'arrivons pas à en faire un réseau complètement fermé, il faut au moins que ceux qui en ont la responsabilité puissent penser ou soient obligés de penser en termes de continuité des soins, en partant du principe que les défis à relever ont un début et une fin. Il leur faut commencer à réfléchir à l'interdépendance des différentes parties du réseau entre elles.

Toute étude portant sur l'avenir de la santé au Canada doit prendre en compte les valeurs canadiennes, les relations qu'ont entre elles chacune des régions du pays et la durabilité à long terme du réseau de la santé, toutes choses sur lesquelles s'est longuement penché votre document. Elle doit aussi examiner les barrières qui font obstacle dans la pratique aux changements devant être apportés au réseau. En chirurgie, ce n'est pas parce que l'on sait faire une opération qu'il faut automatiquement la faire, et la possibilité d'apporter des changements n'indique pas nécessairement que cette possibilité s'impose. Il ne faut pas nécessairement apporter des changements, mais il faut apporter les changements nécessaires, sur de nombreux points du réseau.

J'ai articulé mes commentaires autour de cinq rubriques. Ce sont les rubriques habituelles, qui se décomposent comme suit: les objectifs canadiens en matière de santé; les choses dont nous devons tenir compte; les exigences que nous devons considérer; les considérations liées à l'organisation; enfin, les problèmes de financement.

Je considère que le réseau canadien de la santé doit être un programme national et s'insérer dans le cadre de notre ambition nationale. Nous devons en tenir compte. Tous les résidents canadiens doivent avoir accès à un niveau minimum de soins de santé de qualité, quel que soit le lieu où ils habitent ou leurs moyens financiers. Ce ne sont pas là des notions nouvelles. Le cloisonnement qui existe entre le bénéficiaire et le fournisseur de soins de santé doit être éliminé dans toute la mesure du possible - là encore, cette notion n'est pas nouvelle et elle remonte pour le moins à Tommy Douglas. Le réseau national de la santé ne doit pas faire de jugements de valeur, ce qui est un élément important dans mon esprit. Un résident canadien ne doit pas en être exclu en raison de maladies ou de problèmes préexistants, ou encore de certains types de comportements. Un fumeur doit être traité. Un alcoolique doit être traité. Pourquoi? Parce qu'il est résident canadien, voilà pourquoi. Je pense que lorsque nous parlons de réseau public ou privé et de la possibilité d'être assurés, nous devons réfléchir à ces choses et nous assurer que nous ne perdons pas le fil ici.

Il y a un certain nombre de choses dont il faut tenir compte lorsqu'on aborde ce problème. La santé des Canadiens dépend de bien d'autres facteurs que du simple réseau de soins de santé. Elle dépend de nos comportements en tant que Canadiens. Elle dépend de la structure des locaux que nous habitons, du milieu social qui nous entoure, de la pollution de nos ports, des suppléments de revenu ainsi que de la disponibilité des soins. Le réseau canadien de la santé doit être conçu de manière à tenir compte des besoins physiques et mentaux des Canadiens, et cela englobe la prévention.

La prévention n'est pas une chose à part. J'ai du mal à comprendre qu'on puisse faire de la prévention indépendamment de lutter contre la maladie. Pour moi, cela revient d'un côté à refuser ses responsabilités et, de l'autre, à accepter un malenten du. Bien évidemment, les deux choses participent de cette interdépendance. J'engloberais le traitement actif, bien entendu, et le rétablissement d'un bon niveau de santé pour les gens qui ont des besoins chroniques.

Le réseau de soins de santé doit être conçu de manière à refléter les politiques des pouvoirs publics, à pouvoir rendre des comptes et à opérer de manière durable. Si nous considérons le régime de santé comme un régime d'assurance qui assure et qui rassure les Canadiens, il faut qu'il y ait une stabilité financière dans le cadre d'un régime comprenant à la fois un secteur public et un secteur privé. Toutefois, comme dans tout régime d'assurance, il convient de préciser de manière générale ce que l'on assure ou de donner au moins une définition globale de ce qui va éventuellement être assuré. Ces éléments de base ont été perdus de vue à mesure que les gouvernements, dans tout le pays, dispensaient de plus en plus de services avec l'argent des contribuables, le réseau des soins de santé prenant une significa tion différente selon les différentes régions du pays. C'est la base sur laquelle nous avons besoin de nous appuyer.

À la rubrique «exigences», l'exigence numéro un au Canada à l'heure actuelle, avant toute autre chose, c'est de faire preuve d'initiative. Il faut tout d'abord qu'il y ait une définition claire des rôles et des responsabilités, à mon avis, ou une clarification des rôles entre le secteur privé, d'un côté, et le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires, de l'autre, pour réduire les chevauchements et les doubles emplois au sein du réseau canadien de la santé. Ce n'est pas une chose nouvelle, bien entendu. Voilà au moins 10 ans, et même davantage, j'en suis sûr, qu'on l'exige sous différentes formes.

S'il convient d'appuyer, à mon avis, les principes qui sous-tendent la Loi canadienne sur la santé, la portée de cette loi devra être élargie pour garantir à l'avenir l'accès et la permanence des services. Pour faire preuve d'initiative, le Canada devra apprendre à se pencher sur le principe même du réseau canadien de la santé et à en relever les défis plutôt que d'appliquer un dogme précis ou des solutions parcellaires émanant de responsables qui sont le jouet des différents groupes d'intérêt en matière de santé. Les groupements d'intérêts - et le terme n'est pas péjoratif - sont nombreux, mais il faut qu'à un moment donné les dirigeants sachent prendre leurs responsabilités et prennent des décisions.

Il est indispensable, pour que l'on arrive à un accord au Canada, que les changements apportés à l'assurance-santé aient un véritable sens et que l'on ne se contente pas de jeter de l'argent à la demande des provinces dans le gouffre que représentent à l'occasion des programmes fragmentés et inspirés par des idéologies. Nous avons effectivement besoin d'affecter davantage de crédits dans certains secteurs, mais cela ne peut pas remplacer une politique globale appliquée à l'ensemble du réseau de la santé.

Je considère personnellement que nous devons appliquer de manière plus souple le principe de l'universalité, tel qu'il figure dans la Loi canadienne sur la santé, afin de poser le principe d'une couverture d'assurance s'appliquant à tous. Je crois avoir dit dans le premier paragraphe qu'il fallait que tous les Canadiens soient couverts par le régime de la santé. Le réseau de soins de santé comporte différentes parties. Le fait que tout le monde soit couvert par l'assurance, ce n'est pas la même chose que l'universalité, tel que ce principe est posé, à mon sens, par la Loi canadienne sur la santé. À cet égard, nous devons faire preuve de plus de souplesse, si nous voulons parvenir à nos fins. Il serait utile, lorsque nous nous pencherons à l'avenir sur certaines parties du réseau de la santé, de prendre en compte les soins pharmaceutiques et les soins à domicile, qui ne sont pas pris en charge séparément à l'heure actuelle par une partie du réseau de la santé aux termes des dispositions de la Loi canadienne sur la santé.

L'avant dernier point est celui des considérations liées à l'organisation. Nous avons besoin de définir et de développer des soins de santé et les éléments de soutien du revenu qui déterminent l'état de santé général. C'est très important lorsqu'on pense aux soins à domicile, que j'appuie.

Sénateur Robertson, votre contribution aux soins à domicile dans le cadre de votre programme Extra-muros ne se dément pas. En tant que médecin de famille, je constate tous les jours qu'il aide les habitants du Nouveau-Brunswick. Le Canada a des enseignements à tirer de ce programme, à mon avis.

Il convient d'élaborer les politiques en matière de santé en fonction des besoins et non pas simplement de l'âge, de la maladie ou d'une incapacité précise. Nous avons tendance à subdiviser les gens dans le besoin en différentes catégories. De ce fait, on élabore des programmes s'adressant à différentes catégories de personnes et c'est à partir de là que l'on retrouve les doubles emplois et les chevauchements. Je considère qu'il faut revoir la question.

Les besoins vitaux des handicapés, quel que soit leur âge ou la sévérité de leur handicap, doivent être pris en compte en faisant appel à des mesures de soutien des revenus - il y a un problème de revenus qui accompagne tous les handicaps - et on ne doit pas s'attendre à ce que ces besoins soient financés par le budget de la santé. Il convient de préciser un peu mieux ce que le gouvernement fédéral entend appuyer lorsqu'il finance «la santé».

J'appuie les cinq rôles distincts que doit jouer le gouvernement fédéral en matière de santé, tels qu'ils sont exposés dans votre document. Je pense qu'ils sont très utiles, notamment pour ce qui est du suivi que feront les responsables qui choisiront de prendre des décisions en la matière à l'avenir.

Le gouvernement fédéral doit se charger de donner le ton sur toute sorte de questions, et plus particulièrement en matière de santé. On peut trouver des exemples du rôle joué par le gouvernement fédéral dans la promotion de la bonne santé. Le programme ParticipACTION a été mis à l'écart. Je le rappelle simplement pour souligner que lorsque les pouvoirs publics ont décidé d'un côté de faire la promotion de la bonne santé, on voit difficilement pourquoi il faudrait justement abandonner à ce moment-là le programme ParticipACTION. Je vous demande simplement d'y réfléchir.

Je pense que l'on pourrait élargir le rôle du gouvernement fédéral en matière de santé publique - ainsi, en ce qui a trait aux normes de vaccination, du travail effectué justement par les directions des aliments et drogues, aux questions d'immigration et de voyages à l'étranger, qui vont ensemble, aux normes nationales sur les transfusions sanguines et, plus particulièrement, à la prévision des ressources humaines dans le secteur de la santé ou à l'offre et au financement qui s'y rapportent. Il est intéressant de constater que l'aide financière apportée aux étudiants fait l'objet d'un programme national. C'est le cas. Il s'agit du secteur de la formation professionnelle dans le réseau de la santé et nous devons savoir combien nous allons former de gens et combien nous allons vraisemblablement en avoir au Canada. Je pense qu'il est normal que le gouvernement fédéral élargisse son rôle. Cela se rapporte à l'aide financière apportée aux étudiants. Cela a trait aussi à la possibilité de prévoir la mise en place d'un réseau de soutien en matière de santé.

Les provinces et les territoires continueront à être responsables, à mon avis, de la délivrance de soins intégrés dans les différentes localités du Canada. Nous devons nous pencher sur cette formule, notamment lorsqu'elle soulève des questions liées à la santé des Autochtones, que vous avez exposées dans votre rapport.

La couverture universelle des soins de santé doit s'appliquer à mon avis à tous les résidents du Canada par l'intermédiaire d'un réseau associant le secteur public au secteur privé. Le secteur public - je pense que j'en ai trouvé la définition dans votre document antérieur, le Volume 1 - comprendra différents paliers de gouvernement. Ainsi, les commissions des accidents du travail sont incluses dans les comptes publics. Les dépenses correspon dant au secteur privé, qui représentent environ 30 p. 100 du total au Canada, comprennent les frais payés personnellement par l'assuré ainsi que les dépenses engagées par les assureurs agissant en tant que tierces parties.

Le secteur public, à mon avis, doit se charger des soins de santé correspondant aux hôpitaux, aux services communautaires et aux médecins de famille. Ils doivent englober les services d'infirme rie, les services sociaux, l'ergothérapie, la physiothérapie, les technologies respiratoires, la diététique et les services ambulan ciers, qui doivent faire partie d'un programme bien défini. J'engloberais aussi les services pharmaceutiques devant appuyer ces fonctions financées par des fonds publics. Bien entendu, les services de santé publics devront être assujettis à des directives et à des normes canadiennes.

Je suis résolument en faveur de la création d'équipes de soins primaires pluridisciplinaires et intégrées. Ces équipes pourraient se substituer à certains services dispersés dans différentes régions du Canada. Elles assureraient des soins de santé 24 heures sur 24, ce qui est très important. L'accès au départ au réseau des soins de santé revêt une très grande importance. Je pense qu'il nous faut envisager les moyens de parvenir à de bons résultats dans ce domaine. Votre discussion de l'équipe de soins de santé primaires met, à mon avis, utilement la question sur le devant de la scène.

Le réseau privé regrouperait l'appui logistique et la couverture des programmes ci-dessus. Je pense que dans le domaine de la mise en oeuvre de la technologie, telle qu'elle s'applique au réseau des soins de santé, il y a toutes sortes de possibilités qui s'offrent pour élargir le rôle joué par le gouvernement fédéral afin d'éviter les doubles emplois et les chevauchements qui se produisent lorsque chacune des provinces s'efforce de son côté de mettre en place un réseau individuel. À l'échelle de notre pays, nous pouvons rationaliser cette procédure.

Le financement d'un réseau de la santé doit tenir compte jusqu'à un certain point des problèmes d'organisation, et j'ai mentionné certains d'entre eux, avant que l'on puisse passer à la question des crédits proprement dite. Il nous faut savoir ce que nous finançons de manière générale, notamment par des fonds publics. Il convient qu'il y ait une certaine uniformité à l'échelle du pays en ce qui a trait aux crédits dispensés. Il faut avoir bien posé les principes au départ avant de pouvoir passer au financement.

Même si le financement ne peut plus être illimité, il faut que ce soit une priorité nationale. Il faut donc que notre pays se demande précisément ce qu'il va financer dans le cadre de cette priorité nationale. La responsabilité financière repose sur différents critères, notamment la rentabilité, la qualité, l'intégration et la pertinence des services là où ils sont délivrés.

Au niveau global, il faut que les gouvernements se mettent à penser à la santé publique lorsqu'ils se penchent sur les questions d'environnement, d'économie et de politique étrangère, notam ment dans le cadre des accords commerciaux internationaux. Les ministères de la Santé des divers gouvernements - et c'est quelque chose que nous ne pouvons tout simplement pas décréter ici - doivent être considérés comme des participants essentiels et non pas simplement comme des consommateurs insatiables de fonds publics. Il faut qu'ils jouent un rôle essentiel dans les politiques publiques des gouvernements.

Pour simplifier le débat national, je pense qu'il serait utile que le TCSPS fasse l'objet d'un financement distinct, de même que le financement de la santé a été défini séparément de celui de l'enseignement postsecondaire. Les ministres de la Santé ont certainement bien d'autres choses à faire que de venir devant un micro défendre le montant des crédits consacrés à la santé. Il y a peut-être des raisons pour lesquelles ce financement ne peut pas être séparé, mais je n'en vois aucune.

Je vais maintenant vous parler de la rentabilité à long terme de la partie du réseau de soins de santé qui ne correspond pas aux services hospitaliers. Il y a une continuité des soins entre la prévention, le mode de vie et tout ce qui touche la santé. Une personne en soins intensifs aura peut-être besoin de soins à domicile une fois sortie de ce service. Elle aura peut-être chez elle des besoins qui n'existaient pas auparavant. Certains d'entre eux peuvent se situer sur le plan physique. Ils ne sont peut-être pas liés strictement aux soins de santé, mais ils lui facilitent la vie chez elle. La rentabilité à long terme des services non hospitalier doit être garantie par une diversité de formules de paiement - frais modérateurs, primes, régimes d'assurance privée - pour financer la partie du réseau de soins de santé qui ne relève pas à l'heure actuelle des dispositions de la Loi canadienne sur la santé. Il faut le faire, et de façon systématique, pour que la population comprenne que cela fait partie du réseau de soins de santé. Il n'est pas nécessaire que ce soit financé par des fonds publics, mais il faut que les utilisateurs versent une contribution sur une certaine base. Je pense que l'on peut y parvenir, à condition d'en avoir la volonté, afin de se mettre au service de la population.

Je continue à considérer qu'une surfacturation, au-delà des montants établis pour les différents services de soins de santé par la Loi canadienne sur la santé ne doit pas être autorisée.

Il y a une chose sur laquelle je crois devoir insister, c'est sur le fait que le financement des provinces et des territoires par le gouvernement fédéral devrait avoir comme condition la fourniture de services correspondant à la qualité établie et non pas la simple conformité aux dispositions de la Loi canadienne sur la santé.

La Loi canadienne sur la santé nous a rendu de bons services. Pendant tout le temps que j'ai passé dans la vie publique, j'ai été l'un des principaux acteurs ayant contribué à éviter une fragmentation du réseau débouchant sur le chaos. Ce n'est pas la Loi canadienne sur la santé qui procure les soins aux gens. C'est le réseau que cherche à protéger la Loi canadienne sur la santé qui est soumis à des tensions. Ce n'est pas la Loi canadienne sur la santé proprement dite. Cette loi deviendrait inutile s'il n'y avait pas de réseau à protéger. Je vous dis cela uniquement parce que certains de mes collègues élus, d'hier et d'aujourd'hui, affirment défendre la Loi canadienne sur la santé. Ils se targuent d'être les grands défenseurs de cette loi et se lavent les mains de tout le reste en disant: «Bon, j'ai maintenant réglé le problème de la santé; je suis en faveur de la santé.» Cela permet aux gens de ne pas vraiment penser à la question et de s'abstenir de prendre leurs responsabilités. Ça ne suffit plus aujourd'hui. La Loi canadienne sur la santé est là, et bien là; le problème est ailleurs.

Pour terminer, je suis en faveur d'un programme national d'assurance-médicaments et de soins à domicile, mais je ne pense pas qu'il puisse être uniquement subventionné aux termes de la Loi canadienne sur la santé si nous voulons pouvoir assurer la rentabilité de ce réseau en faisant preuve d'une certaine responsabilité. Si nous partons du principe que tous les Canadiens doivent être en quelque sorte couverts par une assurance qui soit universelle, par opposition au principe d'universalité, je pense que l'on peut réussir à mettre en place un programme d'assurance- médicaments et de soins à domicile en tâchant de ne pas oublier que les questions se rapportant au soutien des revenus doivent être séparées de celles qui sont liées à la santé. Je pense que nous sommes assez intelligents pour y parvenir. C'est nécessaire, notamment en ce qui a trait aux médicaments, qui représentent une part significative des dépenses dans cette région de notre pays où la population des travailleurs ne bénéficie d'aucun avantage. Je pense que nous pouvons y parvenir si nous sommes vraiment prêts à travailler ensemble.

Si l'une des grandes responsabilités du gouvernement fédéral est de nous rassembler, il est temps de mettre en oeuvre un projet fédéral pratique et fonctionnel, un projet de référence, si vous voulez, de façon à lancer le débat sur les soins de santé à l'échelle nationale. Le succès de ce réseau de la santé ne sera pas mesuré à l'avenir dans les urnes, nous le savons, mais par la population et les familles canadiennes, qui sauront que l'on a répondu à leurs besoins. C'est cela le critère. C'est en prenant des décisions que l'on fait disparaître la peur de l'avenir.

La vice-présidente: Merci, docteur King, de cet exposé très complet et très profond.

Le sénateur Robertson: Docteur King, cet exposé tout à fait passionnant nous donne matière à réfléchir. Nous allons étudier avec attention votre document. Malheureusement, nous n'avons pas suffisamment de temps pour poser toutes les questions que nous voudrions poser, et il nous faut donc nous limiter. Vous l'avez dit, la question est très complexe. Nous devons être très attentifs à mesure que nous progressons.

Docteur King, je n'aborderai qu'une ou deux des nombreuses questions que vous avez évoquées.

Je pense que vous êtes l'un des premiers témoins à déclarer avec force que lorsqu'on aborde le domaine des soins à domicile et de l'assurance-médicaments, il faut qu'il y ait certaines dépenses du secteur privé qui soient faites dans ces secteurs, une certaine couverture privée. De nombreux intervenants veulent une couverture intégrale, et ce serait magnifique si nous pouvions couvrir intégralement les frais pharmaceutiques et la santé communautaire. Ce serait merveilleux si nous pouvions tout rembourser et si l'accès était libre et gratuit pour tout le monde. Dans la pratique, je ne suis pas sûre que nous puissions y parvenir. La liste de voeux est très longue, mais celle des ressources l'est moins, et il nous faut donc agir avec précaution.

Je commencerai par la Loi canadienne sur la santé. Les cinq principes s'apparentent à un hymne national, à la prière que nous disons le soir avant d'aller nous coucher: «Je jure de respecter les cinq principes de la Loi canadienne sur la santé.» Je crois que vous avez dit qu'il fallait revoir un certain nombre de choses dans ce domaine, si je vous ai bien compris. J'aimerais que vous nous le répétiez. Les soins médicaux ne sont pas dispensés à l'heure actuelle comme ils l'étaient au moment où le régime a été établi. Notre monde a évolué. Pourriez-vous nous dire plus précisément comment vous voyez ces grands principes et nous expliquer rapidement ce que nous devons en faire?

Le Dr King: Ces cinq principes nous ont rendu de grands services, mais il faut encore y réfléchir. Nous nous sommes habitués à un certain nombre de choses qui relèvent de la Loi canadienne sur la santé. Je pense qu'il vous faut penser à la façon dont elles opèrent plutôt que de vous contenter de réciter ces principes. Vous avez évoqué et développé dans votre document la question de l'administration publique. Nous disposons d'une certaine marge de manoeuvre en matière d'administration publique, comme l'indique votre document. Je pense qu'il s'agit en soi d'une modification.

L'accessibilité est un élément essentiel. C'est sur ce point probablement que les Canadiens se plaignent le plus quand ils disent «Je ne peux pas obtenir des services qui sont en place.» Nous devons bien comprendre qu'il ne faut pas nous contenter de parler d'accessibilité, mais que les questions de rentabilité à long terme et de définition des problèmes liés à l'organisation, que j'ai essayé rapidement de vous exposer, donneront un sens à cette accessibilité.

La transférabilité est une valeur canadienne, très importante pour nous. Là encore, plutôt que de réciter ce mantra, il faut bien voir qu'il n'aura pas la même signification si nous ne réussissons pas à obtenir les mêmes services dans les différentes régions du pays comme cela se fait à l'heure actuelle.

À quoi se réfère l'intégralité? Cela fait partie du débat que nous avons engagé.

L'universalité implique que tout le monde a droit aux mêmes services dans les mêmes circonstances, gratuitement, sans qu'aucun frais ne soit calculé au titre de ce service, et je crois que ce principe reste important, à condition que l'on puisse continuer à avoir les moyens de défrayer le coût du régime et d'être en mesure de tabler sur l'avenir.

Une couverture universelle, c'est pour moi quelque chose de différent, en ce sens que s'il y a une certaine partie du réseau des soins de santé dont vous voulez que tout le monde puisse profiter, vous pouvez faire preuve d'un peu plus de créativité lorsqu'il s'agit de déterminer de quelle façon on va assurer la couverture. Par conséquent, l'universalité signifie que personne ne va payer le moindre dollar. Une couverture universelle signifie qu'on s'assure que tout le monde est couvert en gardant une marge de manoeuvre qu'on n'a pas dans la première option.

Le sénateur Robertson: Avez-vous l'impression, compte tenu de votre expérience, que les grandes polémiques qui éclatent si souvent entre les provinces et le gouvernement fédéral s'expli quent par une interprétation divergente de ces cinq principes ou d'une partie d'entre eux?

Le Dr King: Il y a effectivement des polémiques. Elles éclatent parfois parce que l'on cherche à faire respecter un dogme, et c'est à quoi j'ai fait allusion tout à l'heure. Si les provinces se posaient vraiment la question de savoir ce que signifie exactement la Loi canadienne sur la santé et si elles faisaient leur travail en matière d'organisation et de rentabilité à long terme, nous pourrions peut-être avancer, mais il y a effectivement des polémiques et le refus de considérer toute autre solution qu'une couverture intégrale des soins de santé. Bien entendu, nous savons qu'il n'en est rien et que les provinces ont bien des postes de dépenses qu'elles font figurer dans des budgets de soins de santé qui n'ont rien à voir avec la Loi canadienne sur la santé. Le programme Extra-muros du Nouveau-Brunswick en est un exemple. Il fait tellement partie de notre vie qu'il figure dans le budget de soins de santé. Il est difficile de déterminer où ça commence et où ça finit.

Le sénateur Robertson: Il y a deux écoles de pensée qui se font systématiquement entendre. Une partie de la population canadienne nous dit que le réseau actuel comporte tellement de failles qu'une rationalisation nous permettrait de dégager l'argent nécessaire pour étendre des services comme l'assurance- médica ments ou les soins à domicile. D'autres nous disent, et je crois que vous faites partie de ces gens, si je vous ai bien compris ce matin, qu'il nous faudra envisager différentes formes de financement ou encore un mode de participation du public lorsque nous mettrons en place les soins à domicile, l'assurance-médicaments ou toute autre formule venant compléter notre régime.

Voyez ce qui s'est passé pour l'assurance-santé. Au départ, la plupart des services de santé étaient dispensés dans les hôpitaux ou dans les cabinets des médecins, mais aujourd'hui ce pourcentage a été ramené à 40 p. 100. Soixante pour cent des services sont fournis selon d'autres formules. Pouvez-vous nous répéter ce que vous pensez de ces deux points de vue que nous entendons souvent? Comment faites-vous la part des choses entre ces deux principes contraires?

Le Dr King: On peut réaliser des économies en procédant à une rationalisation de certaines structures de l'organisation, comme je l'ai indiqué en parlant de l'ensemble du réseau. En évitant les chevauchements et les doubles emplois entre les services fédéraux, provinciaux et territoriaux, nous pourrions économiser de l'argent au niveau global. Je vais vous donner un exemple de politique de la santé.

Les provinces se lancent dans la «politique de la santé», ce qui est une bonne chose, mais il y a une dimension nationale. Pour une bonne part, la politique de la santé, le financement des équipes olympiques, le programme ParticipACTION, les conseils donnés à la population pour qu'elle reste en santé et fasse du sport, le nettoyage de nos ports, relèvent des attributions fédérales. Le gouvernement fédéral peut aussi jouer un rôle en matière de vaccination, de cliniques pour les voyageurs, d'immigration. Ce sont là des conséquences logiques. Il y a le domaine des ressources humaines étant donné que les universités et les services de santé, à l'échelle du pays, ont eu des difficultés à déterminer le nombre de professionnels de la santé dont on a besoin à un moment donné. Ça pourrait se faire au plan national. Il y a donc des économies qui peuvent être réalisées au niveau global.

Il y a un certain nombre de choses qui doivent être faites au niveau provincial et qui, à mon avis, ne relèvent pas des attributions du gouvernement fédéral, telles que la composition et l'utilisation des équipes de santé. Ce sont là des questions qui relèvent de la gestion et du bon sens.

En plus de toutes ces choses, outre les changements apportés aux structures de ces organisations, à partir du moment où nous mettons en place une assurance-médicaments, dont les coûts sont énormes, je pense que tous les Canadiens qui seront alors assurés devront aussi faire leur part pour que ce soit possible.

Je ne cherche pas par là à éviter le problème. Je crois qu'il faut faire toutes ces choses si l'on veut que notre réseau soit performant à long terme, et les soins à domicile exigeront bien plus de travail, à mon avis, de la part du gouvernement, dans le domaine du soutien aux revenus que dans celui des soins de santé.

Je sais que je me fais l'avocat ici du programme Extra-muros, mais je vais vous donner un exemple. Prenons le cas d'une personne handicapée, qui l'est éventuellement pour des raisons génétiques ou parce qu'elle est tout simplement fragile ou âgée. Cette personne vit à domicile, et l'on doit subvenir à tout un ensemble de besoins pour qu'elle puisse rester dans ses foyers. Le plus gros du financement des soins de santé qui doit se faire, à mon avis, au titre de la Loi canadienne sur la santé, ira aux infirmières qui seront essentiellement, quelle que soit la définition qui en sera donnée, des infirmières praticiennes. Elles ont une formation poussée, ce sont celles qui travaillent dans le cadre du programme Extra-muros et qui dispensent des services de santé et administrent les médicaments. Nous avons des patients à domicile qui reçoivent des injections intraveineuses. La plupart des soins palliatifs au Nouveau-Brunswick sont dispensés à domicile, conformément à ce modèle. Il faut que ces services soient subventionnés et, à mon avis, dans le cadre de la Loi canadienne sur la santé, parce que c'est ainsi que l'on procède au Canada. Toutefois, l'ascenseur à la place des escaliers, les modifications de la chambre de tante Suzie, les services de garde 24 heures sur 24, l'homme de peine, l'adulte qui vient relever le malade, contrairement à ce qui se passe pour les infirmières, tous ces services doivent être financés par un autre budget que celui de la santé.

Par conséquent, si les responsables provinciaux, les premiers ministres ainsi que le premier ministre ou le ministre de la Santé fédéraux veulent vraiment rendre des comptes, s'ils veulent dispenser des crédits supplémentaires et en assumer la responsabi lité, il faut absolument qu'ils définissent les différentes structures de l'organisation. Il faut apporter un soutien au revenu parce que, pour vivre longtemps, il faut beaucoup de revenus. Il faut de grandes quantités d'argent pour soutenir les revenus, et encore plus lorsqu'il s'agit de handicapés, sans que l'on sache vraiment quels vont être les montants en jeu. Il nous faut avoir les idées claires en ce qui a trait à la structure de l'organisation, ce qui nous permettra d'assurer à long terme la viabilité du réseau de la santé, chose que votre comité s'est fixé comme objectif. J'espère avoir répondu à votre question et, ce faisant, je n'hésite pas à prendre mes responsabilités.

Le sénateur Robertson: Effectivement.

Le Dr King: Je crois que les deux choses sont liées.

La vice-présidente: Vous avez fait état dans votre exposé d'un manque d'uniformité à l'échelle du pays, du fait que certaines choses sont couvertes dans certaines provinces et pas dans d'autres. Avez-vous le sentiment que cela contribue à faire en sorte que la population comprenne mal les cinq principes de la Loi canadienne sur la santé et que cela cause de grosses difficultés aux gouvernements parce que les gens attendent trop sur le plan de l'accessibilité et de la transférabilité?

Le Dr King: Je pense que si nous n'apportons pas une clarification, effectivement, les problèmes d'accessibilité et de transférabilité vont prendre plus d'importance qu'à l'heure actuelle. Tout au long des années 1990, alors que les gouverne ments ont dû se pencher très sérieusement sur le financement des soins de santé, différentes provinces se sont mises à ne plus assurer certaines choses, certaines davantage que d'autres. L'Ontario a cessé, je pense, d'assurer certains services que nous n'avions pas de toute façon au Nouveau-Brunswick. J'ai entendu nombre d'histoires de ce genre.

Pour ce qui est, par exemple, des services médicaux ou pharmaceutiques mis à la disposition des personnes âgées, alors que la province de l'Ontario a institué des frais modérateurs, la population du Nouveau-Brunswick avait déjà l'habitude depuis un certain temps de payer deux ou trois fois plus pour avoir le privilège de souscrire une assurance. Il y a donc une grande disparité de régimes à l'échelle du pays, et les différences s'accentuent.

Je parle de soins «de base» qui soient de qualité. Il faut que l'on s'entende de manière générale sur le terme de soins. Dans le domaine de la technologie, si vous habitez dans une province qui peut se payer un appareil d'IRM pour 75 000 habitants, je ne pense pas que ça pose de gros problèmes pour le reste du pays dans la mesure où, grâce à la solidarité nationale, on peut y obtenir par définition le nécessaire. Je crois que c'est possible, mais nous aurons des décisions difficiles à prendre.

Il nous faut définir avec je pense, tout ce qui relève de la Loi canadienne sur la santé, et cela s'applique à différents fournisseurs de soins de santé. J'ai dressé la liste des responsables qui font partie intégrante du réseau. Je ne suis pas sûr que nous pourrons rembourser intégralement tous les services de certains interve nants en matière de santé ou de personnes chargées d'améliorer la qualité de vie des malades. C'est ainsi que chaque fois que l'on cherchera à améliorer la qualité de vie du patient, il faudra que quelqu'un intervienne pour dire: «Non, ce n'est pas remboursable pour telle ou telle raison», c'est bien dommage, mais c'est comme ça.

Le sénateur Callbeck: Vous avez évoqué dans votre mémoire les accidents du travail, et nous savons tous que les accidentés du travail ont priorité dans notre réseau. Si l'on impose certains critères d'admissibilité, ils se retrouveront en haut de la liste, si je comprends bien. S'ils ont besoin de soins médicaux, ils passeront avant le reste de la population. Estimez-vous que ce soit juste et équitable?

Le Dr King: Je ne suis pas sûr que ce soit toujours le cas, mais c'est la tendance, je me suis personnellement impliqué dans ce domaine. Je l'ai mentionné dans mon document.

Je pense qu'il faut revoir toute la question en mettant en place un budget de la santé distinct de celui qui a trait à l'indemnisation des accidents du travail. On éviterait ainsi qu'il s'exerce une concurrence au sein du réseau, une personne âgée atteinte de cancer devant passer son tour parce qu'un ouvrier s'est blessé au genou en travaillant. Il faut s'organiser pour remédier au problème. Je pense qu'il nous faut revoir le régime d'indemnisa tion des accidents du travail. À mon avis, ce programme doit faire partie intégrante du réseau de soins de santé, mais il doit être défini de la même manière qu'on le fait pour un programme de chirurgie cardiaque.

On n'entend jamais dire: «Voilà, un tel est passé en chirurgie cardiaque, mais on n'a pas pu me faire une radio alors que j'ai quelque chose dans les intestins.» C'est une chose qui est bien comprise. La population sait à quoi s'en tenir au sujet des programmes de chirurgie cardiaque. Ces programmes, comme les autres, peuvent être bien définis. Je pense que c'est ce qu'on peut faire au sujet de l'indemnisation des accidents du travail, il s'agit alors de le financer et toutes sortes de possibilités s'offrent alors à nous, à mon avis. Je ne pense pas qu'on puisse le faire relever intégralement de la Loi canadienne sur la santé, mais je considère qu'il est possible de le financer en collaboration avec le secteur public et la Commission d'indemnisation des accidents du travail de manière à faire les choses un peu différemment. Le problème ne fera que s'aggraver si on laisse les choses en l'état.

Le sénateur Callbeck: Vous nous dites que le problème va s'aggraver si on laisse les choses en l'état ou si on apporte des changements?

Le Dr King: Si on laisse les choses en l'état, je pense que le problème va s'aggraver avec le temps. Étant donné la composi tion démographique de notre population et compte tenu du fait qu'on a l'impression que les crédits ne sont pas illimités. Du moins en ce qui a trait au budget des soins intensifs, je considère que si on n'en fait pas un programme séparé, on se retrouvera aux prises avec les difficultés que vous venez d'exposer.

Je dois dire que je n'ai pas constaté personnellement le genre de situation que vous venez d'évoquer, mais il est évident qu'elle se produit parfois.

Le sénateur Callbeck: Disons que certains témoins n'ont pas manqué de le mentionner, et je crois savoir qu'il en est ainsi.

Vous nous avez parlé du financement du TCSPS, de sa ventilation devant permettre à l'opinion publique de savoir combien d'argent a reçu une province au titre de l'enseignement ou encore de la santé, et cela dans les différents secteurs de soins précis. Est-ce que selon vous le gouvernement fédéral devrait nous indiquer précisément quels sont les services devant être financés par ces crédits?

Le Dr King: J'espère que ce sera la conclusion des délibérations de votre comité et de l'étude effectuée par la commission Romanow - et j'espère que l'on décidera de préciser la nature des services et non pas d'indiquer des façons précises de procéder ce qui, bien entendu, relève des compétences locales - et que l'on précisera la nature des services devant être financés. Je pense qu'il faut le faire à un moment donné. Je considère qu'il convient de verser des crédits aux provinces pour s'assurer que les services sont bien en place et non pas que l'on se contente de respecter les dispositions de la Loi canadienne sur la santé. Si l'on continue à s'en rapporter uniquement à la Loi canadienne sur la santé, la situation va devenir de plus en plus floue avec le temps et l'on sera en plein brouillard.

Par conséquent, effectivement, au nom de la clarté, une fois que le gouvernement fédéral aura décidé de verser l'argent, il sera utile de ventiler les différents postes de crédits. Les choses seront plus claires pour la population canadienne, elle sera rassurée.

Le sénateur Callbeck: Dans certaines provinces, par exemple, les services des chiropracteurs sont couverts par l'assurance-santé, alors que dans d'autres ils ne le sont pas. Vous allez demander au gouvernement fédéral d'indiquer quels sont les services assurés et ceux qui ne le sont pas; c'est bien ça?

Le Dr King: Ce qu'il faut, à mon avis, c'est que le gouvernement fédéral, à la suite des délibérations de votre comité et de l'étude faite par la Commission Romanow, définisse lui-même un système qui serve de référence. Il faut effectivement qu'il propose les différents services devant être pris en charge. Ensuite, comme on le fait traditionnellement au Canada, si un délai de mise en application est fixé, il pourrait y avoir des modifications, mais à partir de quelque chose de plus concret, et l'on ne se contenterait pas de discuter d'argent, contrairement à ce qui semble être la règle aujourd'hui. Nous devons faire preuve d'un peu plus d'intelligence.

L'assurance-santé a été établie à la suite des travaux de la Commission Hall. Sa portée est plus large aujourd'hui qu'elle ne l'était à l'époque et il faut donc que quelqu'un intervienne pour dire: «Bon, il nous faut supprimer les cloisonnements entre les différents fournisseurs et bien préciser qui sont ces fournisseurs plutôt que de nous développer au petit bonheur.» Voilà ma position.

Le sénateur Callbeck: Quel est le suivi que doit effectuer le gouvernement fédéral pour savoir comment les provinces dépen sent l'argent versé?

Le Dr King: On ne peut pas faire de suivi si on n'a pas adopté une position de départ. Je le dis à l'intention des responsables qui savent ce qu'il faut faire en la matière. La Loi canadienne sur la santé, avec quelques modifications, sans que l'on ait à la démembrer, peut s'adapter à cette situation. J'ai l'impression que vous pourriez incorporer ces dispositions à la Loi.

Quelles sont-elles? Je ne sais pas pour l'instant en quoi elles pourraient consister, mais des gens plus compétents que moi peuvent trouver les moyens d'y parvenir, à partir du moment où ils savent ce qu'ils cherchent à défendre.

Le sénateur Callbeck: Un des témoins que nous avons entendus à Halifax nous a parlé du TCSPS qui, comme vous le savez, est une formule calculée par tête. Il nous a proposé de modifier cette formule et de tenir compte des besoins; par exemple, du nombre de personnes âgées qui vivent dans une province donnée, plutôt que de faire le calcul en fonction de la population de cette province.

Le Dr King: Je suis éminemment favorable à vos discussions sur la santé de la population. Cela fait partie de mes réponses simples aux problèmes qui se posent. Je crois qu'il vous faut considérer les tendances démographiques. Les gens changent de domicile au Canada. C'est traditionnel, pour des raisons économi ques.

À partir du moment où on a un réseau national, il faut que les crédits tiennent compte de la démographie, là encore en adoptant une formule appropriée, dont la mise en place dépasse mes compétences. Il nous faut tenir compte des besoins effectifs lorsqu'on s'efforce d'y remédier.

Le sénateur Cook: Vous nous parlez dans votre mémoire, docteur King, des services autres que les services hospitaliers. Pourriez-vous m'indiquer en quoi consistent ces services et de quelle façon, selon vous, on pourrait instituer des frais modéra teurs pour les défrayer?

Le Dr King: Les services autres que les services hospitaliers sont désormais de plus en plus nombreux. Il y a parmi eux un grand nombre de services dispensés par les médecins. Il y a les services ambulanciers qui, je pense, sont considérés dans la plupart des régions comme faisant partie de l'ensemble des soins intensifs. Il y a les services pharmaceutiques qui aident les gens à rester dans leurs foyers. Il y a les services d'infirmerie. En fait, cela englobe au Nouveau-Brunswick l'ergothérapie et la physio thérapie servant de soutien, et cela peut s'appliquer encore à un grand nombre de services que j'ai mentionnés dans mon rapport, la diététique, par exemple. Tout dépend, bien entendu, du potentiel de ressources humaines. Lorsque je dis que nous avons des physiothérapeutes dans notre programme Extra-muros, nous n'en avons pas assez, mais nous en avons. Ce sont là les services qui relèvent de la santé. Il y a aussi certains services de soins palliatifs.

Le sénateur Cook: Comment mettriez-vous en application la coassurance?

Le Dr King: Tout dépend de l'enveloppe des services relevant de la Loi canadienne sur la santé. On peut faire en sorte que tout le monde soit assuré en précisant que certaines personnes, dont les ressources financières n'atteignent pas un certain seuil, seront quand même assurées parce que c'est nécessaire. Comme pour tout le reste, chacun devra probablement rendre compte de sa capacité financière à payer. Je pense qu'il faudra procéder ainsi si l'on veut introduire, par exemple, une coassurance.

Comme vous l'avez indiqué dans votre document, on peut procéder par la voie de la coassurance, de l'impôt sur le revenu, ce qui est une mesure qui me paraît très complexe et à laquelle je ne suis pas très favorable, ou encore en faisant payer des frais par les usagers. Je ne suis pas très en faveur d'une coassurance ou du paiement d'une prime pour les services du réseau de soins de santé qui ne sont pas directement couverts à l'heure actuelle par la Loi canadienne sur la santé.

La mise en place de ces mesures et la façon d'y parvenir sont, à mon avis, des questions administratives. Je crois qu'il nous faut d'abord considérer ce qui fera partie du réseau financé par des fonds publics, que nous allons subventionner.

Le sénateur Callbeck: Les services autres que les services hospitaliers peuvent aussi relever de la catégorie des services dispensés en dehors des murs du bâtiment principal, si vous voulez, lorsqu'on parle de physiothérapie, d'ergothérapie ou autre. Une première partie du programme pourrait se dérouler sous la forme de soins intensifs, et l'on passerait alors à des soins à domicile.

C'est pourquoi je vous ai demandé de m'aider à définir les services autres que les services hospitaliers.

Le Dr King: Il y bien des services qui font partie de l'ensemble des soins de santé et qui sont dispensés davantage à domicile à l'heure actuelle, avec l'appui des infirmières et d'autres intervenants, afin de compenser la diminution du nombre de lits d'hôpitaux et le fait que tout le monde ne peut pas occuper un lit à l'hôpital. Cela fait partie de l'évolution qui a eu lieu, notamment au cours des années 1990.

Les questions liées au soutien des revenus des personnes qui restent à domicile lorsqu'elles sont handicapées ne doivent plus relever des compétences de la santé et doivent être placées sous la responsabilité des ministères chargés des questions de revenu.

La vice-présidente: Docteur King, je vous remercie très sincèrement au nom du comité d'être venu comparaître. Vous nous avez donné un point de vue tout à fait original étant donné que vous avez une formation de médecin généraliste et que vous avez par ailleurs occupé des fonctions publiques. Je vous remercie sincèrement d'être venu.

Chers collègues, nous allons maintenant faire venir à la table le groupe de témoins suivant. Nous souhaitons la bienvenue à Bryan Ferguson, Daniel Theriault et William Morrissey.

Nous allons commencer par M. Ferguson.

M. Bryan Ferguson, associé, Applied Management: Je suis l'un des principaux associés de l'entreprise Applied Management, qui a fait beaucoup de travail ces dernières années dans le domaine de l'assurance du secteur public et du secteur privé. Notre entreprise a dirigé pour le compte de Santé Canada une étude sur l'accès des Canadiens à l'assurance des médicaments prescrits, à laquelle j'ai personnellement participé. Je crois que c'est l'étude la plus complète qui n'ait jamais été faite de la situation canadienne.

Pour votre information, je vous signale que cette étude avait été commandée par Santé Canada de façon à ce que l'on puisse disposer d'une base de données commune devant justement permettre d'engager le genre de discussion qui a lieu en ce moment au Sénat au sujet d'une politique nationale des médicaments. Le Sénat a utilisé dans son rapport un certain nombre de statistiques tirées de cette étude et il a fait par ailleurs un certain nombre d'autres observations. J'ai l'impression que cette interprétation perpétue éventuellement certains mythes qui ne sont pas corroborés par les statistiques et je vais saisir l'occasion qui m'est donnée ici de remettre un certain nombre de choses au point. Je sais que mon temps est limité, et j'ai donc choisi par conséquent de m'en tenir à trois domaines tout en me préparant évidemment à répondre aux questions qui me seront éventuellement posées.

Les trois points sur lesquels je veux axer mon exposé sont la nécessité d'écarter certains mythes au sujet de l'assurance- médicaments en général; l'évocation de certaines questions touchant les régimes publics d'assurance-médicaments; enfin, mon analyse des différentes options que vous avez présentées dans votre document de discussion.

Au sujet de l'assurance-médicaments en général, le premier mythe auquel je tiens à m'attaquer est celui de ce que j'appellerai les 3 p. 100. Le Sénat tient pour acquis que 97 p. 100 des Canadiens bénéficient d'une forme quelconque d'assurance- médicaments. Au sens le plus strict du terme, c'est vrai, étant donné que ce n'est que dans la région des Maritimes qu'il y a des gens qui pour l'instant n'ont aucune assurance-médicaments.

Il faut cependant bien voir qu'à moins d'être une personne âgée ou de bénéficier de l'assistance sociale, il faut que les frais de médicaments soient très élevés pour que les gouvernements se mettent à les rembourser. En Colombie-Britannique, par exemple, seulement 5 p. 100 des résidents qui n'appartiennent pas aux catégories ci-dessus, soit ceux qui relèvent du programme universel, toucheront un remboursement quelconque du gouverne ment, même si tous les habitants de la province sont assurés.

Surtout, ces 3 p. 100 masquent une faille importante de la couverture d'assurance au Canada, qui concerne les travailleurs pauvres. Près de 20 p. 100 des personnes qui répondent à la définition de «pauvres» donnée par Statistique Canada consacrent 3,5 p. 100 et plus de leurs revenus au paiement de médicaments assez courants, et encore bien davantage si leurs besoins en médicaments sont plus pressants. Les crédits d'impôt sur le revenu mis à la disposition de ces personnes ne les aident pas beaucoup. S'il me faut payer une facture de médicaments de 100 $ ce mois-ci, c'est une bien piètre consolation que de savoir que je serai remboursé lorsque je ferai ma déclaration d'impôt l'année prochaine.

Ce que je veux faire comprendre à votre comité, c'est que le coût élevé des médicaments est une grandeur relative et que le nombre de Canadiens aux prises avec des frais élevés est bien plus grand que ce chiffre de 3 p. 100 ne semble l'indiquer. Selon mes estimations, et celles de l'équipe qui s'est chargée du projet pour le compte de Santé Canada, le pourcentage de personnes sous-assurées ou sans assurance, lorsqu'on rapproche le coût des revenus, est probablement plus proche de 10 p. 100. Ces personnes se trouvent dans tout le Canada et non pas simplement dans la région des Maritimes.

Il y a un problème connexe en ce sens qu'il existe un petit nombre, qui augmente cependant, de régimes privés qui se mettent à limiter les taux de couverture en imposant des maximums annuels ou à vie ou encore, dans certains cas, en retirant de la liste les médicaments qui coûtent chers. Ils ne sont pas très nombreux, mais il semble que la tendance s'accentue et, en nous renseignant auprès des employeurs du secteur privé, nous constatons que ce type de régime fait de plus en plus son apparition.

Par ailleurs, même lorsqu'il s'agit d'un bon régime qui ne fixe pas des seuils à partir desquels il faut payer de sa poche, les bénéficiaires n'en font pas moins face éventuellement à des frais de médicaments élevés. Ainsi, un régime qui prévoit le paiement de frais modérateurs de 20 p. 100 est un régime très correct dans la plupart des cas. C'est représentatif de ce qui se fait dans nombre de régimes au Canada, mais 20 p. 100 d'une grosse somme, ça reste une grosse somme, et je pense que l'exemple que vous avez donné dans votre rapport de la personne devant faire face à des frais de ce type représente exactement ce genre de situation.

Cette évolution est tout à fait contraire aux principes de l'assurance. Je considère que nous devons revoir complètement la conception des régimes privés et, dans certains cas, celle des régimes publics, de façon à éviter ce genre de situation à l'avenir où les personnes qui ont le plus besoin d'aide sont les plus pénalisées.

Je suis d'accord pour dire que la priorité, si l'on veut améliorer les régimes d'assurance-médicaments, c'est de faire en sorte qu'il y ait une certaine couverture d'assurance évitant que certaines personnes ne défraient des médicaments élevés, qu'il s'agisse de personnes bénéficiant de bons régimes d'assurance qui ont des frais extrêmement élevés ou de personnes pauvres qui ont tout simplement besoin de s'acheter des médicaments de base.

Il y a d'autres mythes que j'ai été déçu de trouver dans le rapport: le deuxième mythe, c'est que les personnes sans assurance sont avant tous des pauvres. Les personnes sans assurance se répartissent presque également entre les personnes à faible et à haut revenu. De nombreuses personnes ayant de hauts revenus, les professionnels et les propriétaires de petites entrepri ses, choisissent de ne pas s'assurer, le coût de l'assurance individuelle étant très élevé, ils tentent leur chance.

Le troisième mythe, c'est que les personnes non assurées sont avant tout en âge de travailler. Ce ne sont pas seulement des personnes en âge de travailler, elles appartiennent à toutes les catégories d'âge et l'on y trouve aussi bien des enfants que des adultes ou des personnes âgées.

Quatrième mythe: Très peu de régimes privés plafonnent le montant devant être payé par les particuliers. Ce n'est pas seulement une petite minorité de régimes privés qui plafonnent ce montant; l'étude de Santé Canada a révélé que le pourcentage de régimes limitant les frais payés personnellement par l'assuré est proche de 50 p. 100. Tous les régimes du Québec, par exemple, doivent comporter un plafond de 750 $, 13 p. 100 des employés ne payent aucune franchise et aucune coassurance, 15 p. 100 payent une franchise mais pas de coassurance et, en Colombie- Britannique, en Saskatchewan et au Manitoba, une fois que l'employé a atteint la franchise prévue par le gouvernement, celui-ci prend la relève. Par conséquent, la plupart des régimes privés offrent effectivement une bonne protection contre le paiement de frais élevés. L'exception, je l'ai dit, ce sont ceux qui ont entrepris d'imposer un maximum annuel ou à vie et, dans certains cas, les régimes qui prévoient une coassurance sans aucune limite.

Le cinquième mythe veut que les Canadiens des Maritimes soient mal couverts par les régimes privés. Au contraire, l'assurance auprès de régimes privés est en fait plus courante dans les Maritimes. Si l'on retient les statistiques établies par l'ACCAP, qui fixent à 50 p. 100 le pourcentage de Canadiens ayant une assurance privée, les chiffres correspondants sont de 64 p. 100 pour Terre-Neuve, de 67 p. 100 pour l'Île-du-Prince- Édouard, de 65 p. 100 pour la Nouvelle-Écosse et de 65 p. 100 pour le Nouveau-Brunswick. Lorsqu'on sait à quel point la couverture d'assurance des régimes publics est faible dans cette région, il est normal de s'attendre à ce que les habitants des Maritimes se protègent avec des assurances privées.

Enfin, je suis préoccupé par votre insistance sur les effets, sur les régimes privés, des taxes s'appliquant aux ventes et aux primes d'assurance. Toutes les cotisations des employeurs au sein du régime d'assurance-médicaments représentent en fait un versement salarial exonéré d'impôt alors qu'un particulier non assuré doit payer ses médicaments avec de l'argent déjà imposé. Par conséquent, plus l'employeur verse de grosses cotisations, plus les particuliers en bénéficient sur le plan de l'impôt sur le revenu. Même après avoir payé des taxes sur les ventes ou sur les primes d'assurance, cela reste encore très avantageux pour l'employé comme pour l'employeur, de sorte que je ne vois pas pourquoi la suppression des taxes inciterait à participer encore davantage aux régimes privés. Je pense qu'il serait préférable que l'argent du gouvernement fédéral serve à combler les lacunes en matière d'assurance, comme je l'expliquerai plus tard.

Pour ce qui est des régimes d'assurance-médicaments publics, on a tendance à insister sur la diversité des frais payés personnellement par les bénéficiaires au sein de ces régimes. Il est vrai qu'une personne âgée résidant au Yukon, par exemple, aura des médicaments gratuits, alors que cette même personne, à Terre-Neuve, devra en assumer l'intégralité du coût. Les provinces ont conçu leurs régimes en s'appuyant sur différents principes en matière de coassurances, de franchises et de primes, et je considère que l'un des grands défis que devront relever les décideurs sera d'élaborer un programme commun acceptable par tous.

Dans deux domaines, cependant, une intervention fédérale est susceptible de produire de gros résultats. Le premier est celui de la transférabilité. Dans la situation actuelle, toute personne couverte par un régime public perd son assurance lorsqu'elle quitte la province et doit refaire une demande et attendre trois mois avant d'être assurée dans sa nouvelle province de résidence. Pour ceux qui connaissent mieux les règles qui s'appliquent à l'assurance-santé, par exemple, ou à l'assurance hospitalière, les provinces ont passé des ententes garantissant la continuité de l'assurance, et c'est d'ailleurs l'un des piliers de l'assurance médicale.

L'autre question est celle de l'accès à des médicaments précis. Le Sénat parle du passage d'un médicament à l'autre, mais les preuves à l'appui d'une telle pratique ne sont pas très fortes. Toutes les analyses des nouveaux médicaments mis sur le marché au cours des cinq dernières années environ démontrent que les provinces n'ont pas du tout la même attitude lorsqu'il s'agit d'autoriser un nouveau médicament et, en fait, de l'assurer.

Un registre national pourrait contribuer à harmoniser les procédures, mais à mon avis il serait préférable d'agir comme le font la plupart des régimes privés et de rembourser tous les médicaments exigeant une prescription, à de très rares exceptions près. J'ajouterai cependant une réserve en ce sens qu'il faudrait élaborer un ensemble de directives très précises concernant l'utilisation des médicaments en se fondant sur des preuves pertinentes qui seront communiquées à tous les médecins, des sanctions étant prévues en cas de prescription ou d'utilisation non appropriée. N'utiliserions-nous pas mieux nos ressources en garantissant un usage approprié plutôt que de refuser l'accès à des thérapies nécessaires?

Enfin, à mesure que nous mettrons en place des modèles intégrés de fourniture des soins de santé, nous aurons besoin d'une meilleure communication et d'échanges d'information, et je pense que très peu d'intervenants ce matin ont évoqué cette question entre le secteur privé et le secteur public. Si un nouveau médicament coûteux entraîne une diminution des séjours à l'hôpital ou un moins grand nombre de visites aux médecins, nous voulons que les employeurs soient incités à rembourser ce médicament, ce qui a moins de chance de se produire si le coût continue à être supporté par l'employeur et si c'est le gouverne ment qui en bénéficie.

Je ferai rapidement un commentaire au sujet des options. La grande priorité, à mon avis, c'est d'offrir une assurance aux personnes qui ont des frais de médicaments élevés comparative ment à leurs revenus et, à mon avis, la quatrième option serait la plus facile à mettre en oeuvre et bouleverserait moins nos habitudes. Les particuliers pourraient choisir de participer au régime provincial s'ils n'ont aucune assurance. Ils pourraient ainsi avoir accès aux médicaments dont ils ont besoin, ce qui résoudrait les problèmes éventuels de liquidités. Ils pourraient se procurer des médicaments au moment où ils en ont besoin et ils n'auraient pas à attendre un retour d'impôt pour récupérer leur argent.

Les provinces pourraient remettre aux particuliers l'équivalent d'un T4 à la fin de l'année et facturer le gouvernement fédéral au titre des frais engagés. Le gouvernement fédéral pourrait alors exiger la rétrocession des sommes figurant sur le T4 si le revenu de la personne en question dépasse un certain montant ou si les dépenses se situent au-dessous d'un certain seuil, disons 4 p. 100 du revenu. Les contribuables à hauts revenus ayant des frais de médicaments très élevés en fonction de leur revenu paieraient de l'impôt sur le revenu au-dessus du seuil fixé mais bénéficieraient néanmoins d'un certain allégement de leurs factures élevées de médicaments.

Une deuxième solution, venant s'ajouter à la première, serait de recourir au partenariat entre le secteur public et le secteur privé, et j'insiste sur le fait que je vois là une solution complémentaire qui ne doit pas être retenue exclusivement par opposition à la première. Les gouvernements et les employeurs pourraient s'unir afin de créer une caisse chargée de rembourser des médicaments coûteux bien définis. Les employeurs participeraient à la caisse au prorata de leurs effectifs, et ils auraient ainsi, dans une certaine mesure, la garantie de ne pas avoir à encourir soudainement des frais élevés dus au fait qu'un ou deux employés, ou un petit nombre d'entre eux, doivent payer des médicaments particulière ment onéreux. Le coût en serait partagé par la caisse. Je pense que les options 1 et 2 seraient inutiles si l'on adoptait les deux démarches ci-dessus.

Le seul problème de financement qui continuerait à se poser serait celui des particuliers qui déménagent d'une province à l'autre. Il y a une lacune qui pourrait facilement être comblée par une participation fédérale au financement de l'assurance-relais devant être associée à d'autres secteurs du programme pour exiger que les provinces mettent en place un programme relais. Toutefois, si l'on s'aperçoit, comme on le soupçonne actuelle ment, que les particuliers font des stocks en prévision de leur déménagement, les provinces pourraient probablement officialiser leurs règles sans grandes incidences financières.

Je suis tout disposé à répondre aux questions que vous voudrez me poser.

La vice-présidente: Je vais maintenant donner la parole à Daniel Theriault, le directeur général de la Société des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick.

[Français]

M. Daniel Thériault, Société des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick: Madame la présidente, vous me permettrez de saluer de façon particulière le sénateur Viola Léger qui, comme vous le savez, est une personnalité marquante de la scène artistique acadienne, elle est aussi connue sur la scène nationale et internationale. On est convaincu que sa présence et sa contribu tion au sein de votre vénérable assemblée vous offrira un point de vue original et des dimensions particulières. Félicitations, sénateur Léger, pour votre nomination. Je n'ai pas eu le plaisir de vous rencontrer depuis.

La Société des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick remercie le Comité sénatoriale permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie pour l'organisation de cette consultation sur le système des soins de santé au Canada, et se réjouit du même coup de pouvoir y faire entendre son point de vue.

Forte de ses 20 000 membres, la SAANB est présente dans toutes les régions de la province du Nouveau-Brunswick. Depuis sa fondation en 1973, son but demeure toujours la promotion et la défense des droits et des intérêts, de même que le développement optimal de la communauté acadienne de la province. Quand je dis «communauté acadienne», je dis aussi «communauté francopho ne», pour nous c'est un synonyme.

La population acadienne du Nouveau-Brunswick se chiffre à environ 240 000 habitants, soit le tiers de la population totale du Nouveau-Brunswick. Je dois ajouter qu'on ne se considère pas comme une minorité. Toutefois, on est une des deux communau tés de langue officielle au Nouveau-Brunswick.

On dénote une présence francophone sur tout le territoire du Nouveau-Brunswick. Les communautés acadiennes sont présentes et majoritaires en plus grandes proportions dans le nord et le long de la côte est.

Depuis déjà trois ans, la Société des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick a identifié la santé comme thème prioritaire. Et pour cause. Les soins de santé en français demeurent un domaine de préoccupation de première importance pour la communauté acadienne. Ainsi, la langue, loin d'être un aspect neutre, se veut un enjeu tout à fait primordial dans la livraison des soins de santé, et même dans l'organisation du système de soins de santé au Nouveau-Brunswick et au Canada.

Cet engagement dans un dossier aussi important que vaste reflète le sentiment de la population acadienne à l'effet que le sujet de la santé a présentement besoin d'être revisité comme objectif de société.

Notre comparution aujourd'hui à trois objectifs: vous présenter le projet dans ses grandes variables; vous faire part des attentes et des inquiétudes de nos membres et de la population acadienne en ce qui a trait aux soins de santé tels qu'ils existent aujourd'hui; et vous exprimer nos attentes quant à la position que prendra le gouvernement fédéral face aux besoins de notre communauté.

La SAANB est engagée dans un vaste projet de recherche et de réflexion qui comprend les volets suivants: une analyse de l'état de santé de la population et de son évolution depuis que nous avons mené, en 1985, une étude sur cette question; une analyse du système de soins de santé et son évolution depuis 1985, et l'étude d'un sondage mené par une firme d'experts sur les soins de santé en français au Nouveau-Brunswick.

Cette recherche permettra une comparaison de la totalité des données recueillies avec celles obtenues dans une étude semblable en 1985, que la SAANB a complétée sous la direction de M. Jean-Bernard Robichaud. Nous vous rappelons que cette étude, en plus d'avoir relevé d'importantes disparités entre les régions nord et sud de la province, avait permis à la communauté acadienne à l'époque d'influencer le remaniement du système hospitalier et la création des hôpitaux régionaux. Elle nous a aussi permis de mettre sur pied un programme de rattrapage qui a connu un certain succès. Nous comptons bien recevoir une contribution aussi importante aujourd'hui que celle que nous avions eue à l'époque.

Notre recherche actuelle a aussi un volet action. En effet, nous avons voulu que la réflexion comprenne la participation active de la communauté francophone, notamment des représentants de l'administration du personnel des corporations hospitalières, des institutions de soins, des professionnels, des bénévoles, des organismes communautaires et des usagers. Nous avons déjà complété une première étape de nos démarches.

Dès le départ, nous voulions faire une analyse suffisamment complète pour permettre d'entreprendre des projets concernant la santé de la population, le système de soins et la mise en forme de la voix des francophones dans le dossier santé. Les premiers résultats obtenus relèvent de forums régionaux que nous avons tenus à travers la province au printemps 2000, suivi d'un forum provincial.

Lors de ces consultations, il a été clairement établi que le système de soins de santé mérite actuellement une attention particulière. Cependant, les compressions budgétaires des derniè res années ont contribué à la diminution de la qualité des soins au sein du système de sorte que, aujourd'hui, nous n'avons pratiquement pas de soins de santé. Nous n'avons que des soins dispensés aux malades par des médecins et des infirmiers et infirmières en nombre insuffisant. La rareté des ressources se manifeste de multiples façons incluant l'épuisement profession nel.

Les forums ont également illustré les problèmes vécus par les francophones dans les régions desservies par une corporation hospitalière bilingue ou anglophone. Il semble que l'effort pour des services en français au niveau structurel dépasse rarement le service de réception. Je parle ici pour les régions à majorité anglophone ou bilingue. Cependant, nous savons que la structure des soins de santé est étroitement liée à leur capacité de servir les deux populations de la province.

En s'inspirant des intentions de la loi 88 et de la Loi sur les langues officielles, et vue l'importance de la communauté francophone au niveau socio-démographique de la province, nous croyons qu'il est devenu nécessaire de créer un espace au ministère de la Santé et du mieux-être où les francophones, à titre de gouvernants, pourront planifier et gérer les soins de santé en français pour les francophones.

Je sais que je m'adresse ici au gouvernement fédéral et que les recommandations que nous suggérons s'adressent surtout au gouvernement provincial. Cependant la première partie de notre présentation vous décrit les raisons de nos revendications et de nos besoins, et on l'a donc inclut dans le texte.

Lors de ces forums beaucoup ont déploré le manque d'éducation, d'information et les mauvaises habitudes de vie qui nuisent au développement et au maintient d'un bon état de santé.

Nous recommandons à nos gouvernements la mise en place d'une stratégie de prévention axée sur l'information et les connaissances en matière de santé et ce avec la collaboration du ministère de l'Éducation fédéral.

La SAANB a mis sur pied une Table de concertation des intervenants francophones du Nouveau-Brunswick en matière de santé. C'est la structure où la SAANB puisera l'expertise pour ses actions dans le domaine de la santé.

La SAANB a également lancé un projet de formulation de la vision d'un système de santé pour les francophones de la province. Cette vision est axée sur le mieux-être et la prévention. La société va travailler pour que l'égalité des deux communautés se reflète dans les services de santé et non seulement dans les discours d'intention.

Troisièmement, la SAANB s'est engagée dans une stratégie politique pour assurer que la santé et qu'un système de soins de santé soient développés par et pour les francophones. Notre expérience a bien démontré que, pour corriger ce genre de problème, la communauté francophone a besoin de se prendre en main.

Quatrièmement, la SAANB explore toutes les avenues pour clarifier les droits de la minorité en matière de santé. Cette dernière position fait non seulement suite aux difficultés reliées aux services en français, mais évoque certaines décisions gouvernementales qui ont placé la communauté acadienne dans des situations de crise.

On fait référence à une fusion de laboratoires dans les institutions francophones et anglophones de la région de Moncton et derrière cela, il y avait une volonté d'affirmer clairement qu'on n'accepterait pas de fusion des deux institutions dans la région de Moncton.

Nous appuyons une définition large de ce que devraient être les soins de santé: celle-ci englobe le mieux-être, la prévention et la prise en charge par la population de sa propre santé. Comme les expériences du passé le prouvent, lorsque la communauté a la chance de se prendre en main, il est possible d'arriver aux résultats voulus selon ses besoins et ses réalités. A titre d'exemple, notons le programme de recrutement de médecins francophones au Nouveau-Brunswick. La communauté acadienne, s'étant organisée en conséquence, a su s'impliquer dans un programme appelé Acadie-Sherbrooke qui regroupe des institu tions hospitalières francophones et les universités au Québec. On peut maintenant affirmer que les résultats sont concluants; les chiffres de 80 p. 100 du retour de médecins en province le démontrent avec éloquence. Ce pourcentage est supérieur à celui obtenu par d'autres programmes. Cet exemple démontre bien que non seulement il faut avoir des services en français, mais il faut être capable de s'organiser et mettre sur pied nos propres programmes car c'est là que le taux de réussite est le plus important.

Une telle option, soit la prise en charge des soins de santé par la population francophone du Nouveau-Brunswick, se fonde sur le facteur linguistique et sur les variables régionales. Les données ne sont pas les mêmes selon que l'on habite dans le sud, qui est anglophone, ou dans le nord, qui est en majorité francophone. Notons, entre autres, la situation économique différente, ou encore le taux de suicide qui est largement au-dessus de la moyenne provinciale dans le nord. Les récentes expériences démontrent que c'est avec des structures propres à la collectivité acadienne que des situations problématiques de ce genre pourront être redres sées, et non pas avec des projets bilingues seulement quand le nombre le justifie.

À titre d'exemple, récemment de la formation à été offerte par la province à des intervenants en prévention de suicide et cette formation a été offerte seulement en anglais parce qu'on a dit que le nombre n'était pas suffisant pour l'offrir en français et en anglais, et que l'expertise venait de l'Alberta.

Sachant qu'un sujet tel le suicide, qui a des dimensions culturelles très importantes, et le taux de suicide très élevé que nous partageons avec d'autres communautés francophones com me le Québec, on est sûr que si on a eu les moyens d'organiser ce type d'intervention, on aurait pu trouver la formation qu'il fallait en français.

En conclusion, nous voulons assurer votre comité et le gouvernement de notre collaboration dans le dossier de la santé. Il est essentiel que la dualité linguistique soit prise en compte dans le système des soins de santé canadien.

Au Nouveau-Brunswick, nous croyons également que la création d'un réseau de services de santé en français autour d'une institution tertiaire francophone et des institutions desservant des régions à majorité francophone - avec des structures pour les régions minoritaires - serait un pas dans la bonne direction. La création de ce réseau de service en français aurait l'avantage de mieux desservir les francophones, de faciliter l'envoi de médecins en région à cause de la possibilité de travailler en réseau avec d'autres équipes francophones de la province, et ainsi, de mieux répondre aux exigences constitutionnelles, plus précisément l'article 16.1 de la Charte canadienne des droits et libertés qui fait référence à l'existence au Nouveau-Brunswick de deux commu nautés de statut égal.

Conformément aux conclusions du rapport national sur la santé en français, issu du Forum tenu à Moncton, le 3 novembre dernier, - il y a quelques jours - la SAANB invite le gouvernement fédéral à se pencher sur la question de la prise en charge et du «réseautage» du système de soins de santé pour les communautés francophones.

Le rapport du Forum organisé par le Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire de Santé Canada, recommande l'adoption d'une stratégie globale visant à améliorer l'accessibilité des services de santé en français; l'organisation de réseaux provinciaux et territoriaux, ainsi qu'un secrétariat national pour renforcer les liens entre les communau tés, les professionnels de la santé, les institutions d'enseignement, les établissements de santé et les associations professionnelles de langue française, et recommande au gouvernement d'appuyer la mise en place d'un consortium pan-canadien pour la formation de professionnels francophones de la santé.

Ainsi, tenant compte du rôle et de la place du gouvernement fédéral dans le système de soins de santé au Canada, il nous apparaît tout à fait opportun que le gouvernement fédéral, pour l'épanouissement de la communauté francophone du Nouveau- Brunswick, investisse massivement dans le système de soins de santé. En fait, pour la population canadienne en générale.

[Traduction]

La vice-présidente: Merci, M. Theriault.

Je vais maintenant donner la parole à William Morrissey, qui est venu témoigner à titre personnel, mais qui va nous faire profiter de son expérience d'ancien sous-ministre de la Santé au Nouveau-Brunswick.

M. Morrissey, soyez le bienvenu au sein de notre comité.

M. William Morrissey, ancien sous-ministre de la Santé, province du Nouveau-Brunswick: Après avoir lu les documents que vous avez publiés, je ne suis pas sûr d'avoir quelque chose de nouveau à offrir, mais je suis convaincu qu'il y a un ou deux points qui doivent être repris, notamment compte tenu du fait que le sénateur Robertson était ministre de la Santé de notre province lorsqu'on a conçu et mis en place le programme Extra-muros. De peur qu'elle hésite à faire sa propre publicité, j'ai pensé qu'il serait bon que je revois avec vous les principes qui ont présidé à la conception de ce programme, à la fin des années 70 et au début des années 80. Je pense que ces principes sont toujours valables aujourd'hui et qu'ils méritent d'être copiés.

En dépit du fait qu'au cours de la période qui s'est écoulée depuis 1980, ce programme a subi une certaine érosion, il reste d'une aide précieuse, et je me propose de le passer rapidement en revue. Si je tiens à parler de ce projet, c'est entre autres parce que j'ai récemment entendu le ministre fédéral de la Santé dire qu'il nous fallait étudier la question des soins à domicile, qui pourraient venir se substituer aux soins intensifs, et ma première réaction a été de dire qu'une telle étude n'était pas nécessaire, qu'elle avait été mise en pratique au Nouveau-Brunswick au cours des années 1980 et 1990.

D'où est sorti ce projet? Essentiellement du fait qu'à l'heure actuelle entre 35 et 40 p. 100 des lits d'hôpitaux dans les services de soins intensifs étaient occupés par des personnes souffrant de maladies chroniques et qui étaient, pour la plupart, âgées de plus de 60 ans. Nous avons cherché à tirer les enseignements de cette situation et nous avons conclu que si jamais on continuait au même rythme, vers le milieu des années 90 nous aurions besoin de près de 1 000 lits d'hôpitaux de plus que nous en avions dans les services de soins intensifs. Il est évident que nous ne pouvions pas nous le permettre, que ce soit au niveau des frais d'équipement ou des frais d'exploitation, de sorte que nous avons cherché une solution ne faisant pas appel à des lits d'hôpitaux affectés aux soins intensifs.

J'imagine que l'on s'est alors demandé où nous pouvions bien dispenser ce service si ce n'était pas aux soins intensifs dans les hôpitaux. Nous sommes partis du fait que les gens sont soit chez eux, à l'école ou au travail, et nous avons d'abord décidé d'aménager ce centre de service à la maison. Les programmes de soins à domicile traditionnels étaient utilisés par le passé, et le sont encore dans certains cas, par les hôpitaux chargés des soins intensifs pour faciliter la convalescence des malades une fois qu'ils ont passé quatre ou cinq jours, qui sont les plus coûteux, à l'hôpital, et afin qu'ils puissent rentrer chez eux trois ou quatre jours plus tôt. Nous avons donc choisi la voie des soins Extra-muros et nous nous sommes dit «Inversons la conception traditionnelle des soins à domicile. Plutôt que de leur demander de prendre en charge les malades après leur sortie de l'hôpital, servons-nous en pour éviter que ces malades n'entrent au départ à l'hôpital». À bien des égards, cette attitude a surpris bien du monde.

Essentiellement, nous avons mis sur pied un hôpital avec un conseil d'administration. Nous avons établi des politiques et des procédures s'apparentant à celles d'un hôpital traditionnel, les médecins devant demander à bénéficier de certains droits et certains services étant rendus disponibles. Si nous avons mis l'accent sur les médecins, c'est parce que nous avons cherché à donner aux médecins, notamment aux médecins généralistes, la possibilité d'aller chercher des ressources au sein de la collectivi té.

L'une des difficultés que rencontrent constamment les méde cins généralistes, c'est qu'ils ne peuvent obtenir des ressources qu'à partir du moment où ils réussissent à faire rentrer le malade au sein d'une institution. Nous leur avons dit: «Bien, nous allons vous doter d'un cadre d'intervention vous permettant de créer et d'organiser vous-mêmes vos ressources.» Bien évidemment, le terme «Extra-muros» signifiait que l'on pouvait aller chercher des ressources en dehors des murs de l'hôpital spécialisé dans les soins intensif.

Quels sont les avantages de cette formule? Tout d'abord, elle est moins chère. Pourquoi est-elle moins chère? Elle est moins chère parce que vous enlevez les frais d'hôtel dans le séjour hospitalier. Lorsqu'on admet une personne dans les services de soins intensifs d'un hôpital, il faut la loger et la nourrir, ce qui ne fait pas essentiellement partie des coûts de la santé. Il vous faut entretenir une installation hospitalière très onéreuse et si un tiers de cette installation est occupée par des personnes qui pourraient être accueillies ailleurs, pourquoi ne pas le faire? On dispose d'une marge de manoeuvre.

Au cours de ces cinq premières années d'application, le programme Extra-muros a davantage bénéficié de la créativité des personnes chargées d'en assurer le fonctionnement quotidien que de ses planificateurs, parce que tous les services qui s'avèrent nécessaires peuvent être fournis. Il n'est pas programmé par certains statuts s'appliquant à un établissement de soins intensifs.

La vice-présidente: M. Morrissey, excusez-moi de vous interrompre un instant. Combien de temps va durer votre exposé? Nous aimerions vous poser des questions précises au sujet de ce programme.

M. Morrissey: Je peux m'arrêter quand vous le voulez.

La vice-présidente: Si vous le pouviez, nous en serions très heureux. Nous nous intéressons précisément à la question parce que c'est le seul programme de ce type au pays. Si vous pouviez résumer votre intervention afin que nous puissions avoir du temps pour les questions, ce serait magnifique, parce que nous sommes quelque peu en retard sur notre horaire ce matin.

M. Morrissey: Très bien. Je n'en dirai pas plus au sujet du programme Extra-muros.

J'ai une dernière chose à dire. En faisant état de votre mandat, vous avez exposé longuement le rôle joué par le gouvernement fédéral en matière de santé, ce qui est en quelque sorte une contradiction dans les termes puisque, sur le plan constitutionnel, le secteur de la santé relève des provinces et que le gouvernement fédéral n'est censé jouer aucun rôle. D'un autre côté, c'est le gouvernement fédéral qui possède le pouvoir d'imposition et il joue donc le rôle de financier au sein du réseau, son rôle n'ayant toutefois jamais été bien défini. Il a évolué à la hausse et à la baisse depuis 1967.

Je pense que nous avons besoin d'un financement fédéral sur un grand nombre d'années et qu'il nous faut définir jusqu'où vont ses responsabilités. Autrement dit, est-ce qu'il va fournir 25 p. 100, 30 p. 100, 20 p. 100 des crédits? En 1966, c'était 50 p. 100, c'est ainsi qu'avait été conçu le régime. On est même tombé à un certain point, me dit-on, à 11 p. 100 dans certaines provinces, et je ne pense pas que l'on puisse demander à des responsables d'administrer des institutions si la participation fédérale est soumise aux aléas des politiques annuelles. C'est ce qui se passe à l'heure actuelle. Vous pouvez imaginer le chaos dans notre pays si nous agissions de la même manière pour la sécurité de la vieillesse ou le SRG.

Le sénateur Robertson: Mes observations sont de nature plus générale, si vous voulez. Je pense qu'il serait important que notre comité se penche réellement sur le programme Extra-muros. On ne l'a pas examiné. Je considère que si ce programme avait été conçu et mis en place en Ontario, il se serait aujourd'hui étendu à tout le pays, mais comme il est originaire d'une petite province, personne n'y accorde la moindre attention. Ça ne fait qu'effleurer l'esprit des gens. Il est déjà en place depuis un certain temps et c'est pourquoi mon intervention ici est davantage un discours qu'une question, dirions-nous, parce que je connais les réponses à toutes les questions que je pourrais poser à M. Morrissey sur le sujet et que je veux laisser éventuellement le temps de poser des questions à mes collègues qui ont des choses précises à demander au témoin.

Le programme Extra-muros est une formule qui est déjà en place depuis longtemps, vous le savez. C'est le programme politique ou gouvernemental le plus populaire auquel j'ai jamais eu affaire, quel que soit le ministère ou le gouvernement auquel j'ai pu être associé. La population, aujourd'hui, continue à venir nous remercier mais, comme le sait bien Viola, il n'est pas difficile à reproduire. Nous avons rendu la tâche facile. Quarante pour cent de nos malades nous arrivent directement après avoir vu le médecin au lieu d'être hospitalisés, et nous savons combien d'argent est dépensé à partir du moment où on franchit cette porte. C'est à partir de là qu'on dépense beaucoup. On peut s'adresser à nos services, faire des tests, et repartir immédiate ment. Nous avons des soins à domicile coordonnés. Les patients peuvent être envoyés directement par leur médecin et être pris en charge par le réseau de la santé.

Les soins palliatifs, et bien d'autres choses encore - tout se passe sous un même toit. Il n'y a pas de cloisonnements ici. Tout est regroupé sous le même toit et c'est un programme qui assure le confort des patients. La plupart des gens veulent rester chez eux. Qui souhaite mourir dans une salle glacée d'un hôpital sans connaître personne, entouré d'étrangers? Il revient moins cher de faire en sorte que les infirmières, les physiothérapeutes, les orthophonistes, et cetera, se rendent sur place. Nous avons confié l'administration des aides-ménagères à la Croix-Rouge et c'est elle qui les a toutes formées. Nous n'avons qu'à appeler la Croix-Rouge et une aide-ménagère se présente.

Il y a eu cependant une évolution regrettable - et M. Morris sey pourra éventuellement mieux vous répondre que moi sur la question, parce que voilà déjà un moment que je ne suis pas la chose de prêt. Comme vous pouvez le voir, et je n'ai encore jamais évoqué la question devant votre comité, mais je pense qu'il est temps de le faire parce que j'entends parler dans un certain nombre de domaines d'un grand nombre de situations scandaleu ses auxquelles on pourrait facilement remédier si l'on employait les bonnes méthodes. Je vois mes auditeurs opiner de la tête, car effectivement nous étions déjà passés par toutes ces difficultés auparavant, sans succès, mais nous les avions surmontés grâce au programme Extra-muros. Nous étions partis avec une seule commission provinciale. Elle avait été créée séparément et nous l'avions incorporée aux dispositions de la Loi sur les hôpitaux du Nouveau-Brunswick afin qu'elle ne manque pas de crédits.

Quoi qu'il en soit, M. Morrissey, pourriez-vous nous dire ce qu'il est advenu du système puisque vous êtes mieux placé que moi pour le faire. Il a été affaibli désormais, mais la formule originale était très solide.

M. Morrissey: Deux choses se sont passées: Le système avait été institué à l'échelle de la province. Autrement dit, on avait défini un service devant être dispensé dans les mêmes conditions dans toute la province. Il relevait d'une seule commission, et cela de manière à pouvoir réaliser des économies d'échelle et de garantir l'uniformité du service. On avait par ailleurs institué une seule commission précisément pour éviter que les hôpitaux de soins intensifs prennent le réseau en main et puissent revenir en arrière selon les modes de fonctionnement traditionnels.

Je ne dirai pas quels ont été les responsables mais, au nom des grands principes économiques, la commission centralisée a été abolie et l'hôpital Extra-muros subdivisé en huit sections relevant des commissions administrant nos huit hôpitaux de soins intensifs régionaux. Nous continuons, certes, à disposer d'un service très bien conçu, mais c'est tout à fait contraire au principe original. Il est intéressant de relever que notre vérificateur général, un an après la mise en place de ce nouveau système, a fait figurer dans son rapport une note indiquant: «Je n'ai pu trouver aucune preuve qu'une analyse coûts-bénéfices a été faite avant que cette décision soit prise. Je ne peux trouver aucune preuve que l'on ait réalisé des économies ou que l'on ait amélioré la qualité du service.» Il s'agissait, bien entendu, des trois raisons données à l'époque pour justifier ces changements.

La vice-présidente: M. Morrissey, a-t-on cherché depuis à revenir en arrière et à remettre toutes les choses en place?

M. Morrissey: À part des gens comme moi qui font le siège du Ministère, non, je ne crois pas.

Le sénateur Léger: Je ferai simplement observer que j'ai entendu dire beaucoup de bien du programme Extra-muros. Je ne suis pas au courant de l'évolution que vous venez d'évoquer, mais même dans son état actuel, la population peut profiter de ses services. Il n'est absolument pas question pour moi de dire qu'il ne doit pas prendre de l'ampleur. Il est grandement apprécié. C'est tout ce que j'avais à dire.

La vice-présidente: Finalement, sénateur Robertson et M. Morrissey, est-ce qu'il y a encore des dossiers faisant état de la mise en place et de l'évolution de ce système, que l'on pourrait aller chercher et remettre à l'intention de notre comité?

M. Morrissey: Oui, à la bibliothèque de l'Assemblée législative.

La vice-présidente: Le sénateur Robertson est trop modeste ici. Lorsque notre comité s'est penché sur toute question des soins à domicile, le sénateur Robertson est intervenue à maintes et maintes reprises pour nous dire: «Mais il en existe un exemple dans notre pays.» Même si elle ne s'est pas lancée dans le genre de discours qu'elle nous a fait aujourd'hui, elle nous a, à sa façon, fait prendre bien conscience de la réalité de ce programme au Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Cook: M. Ferguson, vous nous dites dans votre mémoire:

Surtout, ces 3 p. 100 masquent une faille importante de la couverture d'assurance au Canada, qui concerne les travail leurs pauvres. Près de 20 p. 100 [...]
Nous disons dans notre rapport que quelque 3 p. 100 de la population canadienne semble semblent n'avoir aucune couvertu re d'assurance s'appliquant à l'ensemble des médicaments prescrits. Est-ce que selon vous ce chiffre devrait être de 20 p. 100 et non pas de 3 p. 100? J'aimerais avoir quelques précisions concernant ces deux chiffres.

M. Ferguson: Effectivement, le document du Sénat retient le chiffre de 3 p. 100. Je vous l'ai dit, c'est théoriquement exact. Tous les résidents de l'Ontario, par exemple, sont couverts jusqu'à un certain point par le régime de l'assurance-médicaments de l'Ontario, le programme Trillium, mais le seuil est si élevé qu'en réalité, les gens qui bénéficient effectivement de ce programme sont très peu nombreux, ou alors ce sont des gens qui répondent à des conditions très précises qui s'appliquent au programme Trillium. Par conséquent, même si théoriquement ils sont couverts, en réalité, notamment, en ce qui concerne les gens qui ont de besoins de médicaments relativement modestes mais dont le revenu est faible, il n'y a aucun programme à leur intention. Ils n'atteignent jamais le seuil leur permettant d'être couverts par l'assurance.

Il en va de même pour les provinces de l'Ouest. Ainsi, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique, qui ont une assurance, les franchises sont extrêmement élevées. En Saskatchewan, la franchise est de 1 500 $ dans le cadre du régime d'assurance- médicaments. Donc, même si tout le monde est couvert par l'assurance en Saskatchewan, le nombre de gens qui reçoivent effectivement des prestations en Saskatchewan au titre de ce programme est très faible.

D'ailleurs, dans le cadre de l'enquête nationale sur la santé de la population qui a été effectuée il y a trois ou quatre ans, l'une des questions posées était la suivante; «Avez-vous une assurance- médicaments de votre employeur ou de la province?» Si je ne me trompe, le taux de réponses positives a été de 65 p. 100 en Saskatchewan. Aux termes du programme institué en Saskatche wan, tout le monde est assuré, mais en réalité, selon la perception des personnes qui ne bénéficient d'aucun remboursement parce que leurs frais de médicaments n'atteignent pas le seuil de 1 500 $, il n'y a pas d'assurance. Je pense que l'emploi de l'expression «couverture d'assurance» masque le problème, qui est en fait celui des personnes qui éprouvent des difficultés financières parce que leurs frais de médicaments sont élevés comparativement à leurs revenus. Lorsqu'on parle strictement en termes de couverture d'assurance, on se berce, en quelque sorte, d'illusions, et on évite de se pencher sur le vrai problème, qui est celui du coût financier effectif pour ces personnes, ou de l'argent qu'elles doivent sortir de leur poche.

Le sénateur Cook: Dois-je en déduire que, selon vous, l'expression «couverture d'assurance» doit être définie plus clairement dans le rapport?

M. Ferguson: Effectivement.

Le sénateur Cook: En l'occurrence, l'affirmation faite au départ serait juste, mais cela toucherait 20 p. 100 des personnes? Est-il justifié de s'exprimer ainsi? On nous dit dans le rapport: «Environ 3 p. 100 de la population canadienne semble n'avoir aucune couverture d'assurance.» Souhaitez-vous que l'on conser ve ce chiffre de 3 p. 100 dans cette phrase et que l'on précise, si vous voulez, l'expression de «couverture d'assurance»?

M. Ferguson: Si je devais rédiger le rapport, je supprimerais carrément la mention des 3 p. 100 et j'essayerais d'aborder le problème sous l'angle des personnes qui éprouvent des difficultés financières en raison de la situation dans laquelle elles se trouvent. Cette question me tient vraiment à coeur et je sais que c'est un pourcentage que l'ACCAP a retenu. D'ailleurs, dans le rapport que nous avons nous-mêmes remis à Santé Canada, nous avons aussi retenu ce pourcentage et je pense que le tableau inséré dans le rapport du Sénat est tiré de l'étude effectuée pour le compte de Santé Canada, qui s'accompagnait par ailleurs de quelque 200 pages de réserves et d'explications s'efforçant de replacer la chose dans son contexte.

En fait, nous avons envisagé deux types de situation: celle des personnes ayant des frais de médicaments élevés et celle des personnes dont les frais de médicaments se situent probablement dans la moyenne canadienne. Dans ce deuxième cas, quelque 20 p. 100 des Canadiens n'ont absolument aucune couverture d'assurance pour leurs frais de médicaments. Ils ne touchent aucun remboursement du gouvernement, de leur employeur ou de toute autre source. Parmi les personnes qui ont 50 000 $ de frais de médicaments par an, il n'y en a probablement que quelque 3 p. 100 au Canada qui ne vont pas toucher au moins 1 $ de remboursement sur ces 50 000 $, en provenance d'un palier quelconque du gouvernement. Il y a les niveaux de rembourse ment et il y a aussi les effets du coût élevé des médicaments dans l'autre type de situation, celle des personnes ayant des revenus relativement faibles, dont les frais de médicaments sont très élevés comparativement à leurs revenus.

Le sénateur Cook: Si vous proposez, par conséquent, d'abandonner ce chiffre de 3 p. 100 dans le document et dans le rapport, que va-t-on faire des 20 p. 100 qui figurent dans votre mémoire, lorsque vous nous parlez des mythes et des réalités?

M. Ferguson: Je rendrais compte de la situation en disant qu'au Canada, à l'heure actuelle, quelque 20 p. 100 des personnes qui achètent régulièrement des médicaments n'ont aucune assurance et ne perçoivent aucun remboursement de quelque source que ce soit. Je partirais de là et j'exposerais la situation de ces 20 p. 100. Près de la moitié d'entre eux sont des Canadiens aisés qui ont choisi de ne pas souscrire d'assurance- médicaments. Ils préfèrent risquer d'avoir à payer des frais de médicaments élevés plutôt que de défrayer le coût d'une assurance. On retrouve dans cette catégorie des professionnels, des propriétaires de petites entreprises et diverses personnes de ce type.

L'autre moitié de ces 20 p. 100, si vous me passez l'expres sion, sont des travailleurs pauvres, des Canadiens ayant de faibles revenus qui travaillent à temps partiel, qui ont un emploi saisonnier ou qui travaillent pour le compte d'employeurs ne fournissant aucune assurance-médicaments. Ce sont ceux-là qui, à mon avis, doivent faire l'objet de notre attention et auxquels on doit penser dans tout programme visant à répondre aux besoins de la population.

La vice-présidente: Avez-vous une question supplémentaire à poser, sénatrice Robertson?

Le sénateur Robertson: Oui, effectivement. J'ai arrêté de poser des questions parce que je pensais que d'autres intervenants voulaient interroger M. Morrissey.

Les deux témoins que nous avons devant nous aujourd'hui, madame la présidente, nous présentent des points de vue originaux que nous voyons exposer pour la première fois, qu'il s'agisse des préoccupations et de l'expérience de M. Ferguson ou des préoccupations de M. Morrissey au sujet du programme hospitalier Extra-muros. Je pense que nous pourrons toujours les contacter dans un avenir rapproché pour obtenir des renseigne ments supplémentaires.

Je n'ai pas bien compris; j'ai bien peur d'avoir mal suivi votre raisonnement lorsque vous nous avez parlé des avantages fiscaux procurés par les programmes d'assurance, si je vous ai bien compris, payés en partie ou intégralement par l'employeur, ce qui entraîne des avantages fiscaux au moment de payer l'impôt. Pourriez-vous nous répéter la chose? Je n'ai pas compris votre argumentation. Je ne suis pas une spécialiste des questions fiscales.

M. Ferguson: Sénateur, nous mélangeons deux notions ici. Lorsque je vous parle des prestations fiscales au moment de payer l'impôt, je me réfère en fait aux personnes qui ont des frais de médicaments élevés, qui peuvent prétendre à bénéficier d'un crédit d'impôt pour les frais de santé lorsqu'elles remplissent leur déclaration de revenu, et auxquelles le gouvernement va rembourser une partie de leurs frais de santé ou de médicaments parce qu'ils sont élevés.

L'autre argument que j'essayais de faire valoir se rapportait aux employés qui bénéficient d'une assurance-médicaments payée par l'employeur et dont la quote-part versée au sein de ce régime par l'employeur n'est pas considérée comme un salaire. C'est un coût pour l'employeur, mais ce n'est pas une charge salariale versée à l'employé. Par conséquent, dans la mesure ou l'employeur paye sa part du coût de l'assurance-médicaments, il verse en fait une prestation salariale exonérée d'impôts à son employé. On peut comparer cette situation à celle d'un employé qui travaille dans le même secteur, qui reçoit le même salaire mais qui n'a pas de régime d'assurance-médicaments et qui doit payer tous ses médicaments sur son salaire après impôt.

Le sénateur Robertson: Je comprends mieux maintenant.

J'ai une dernière question à vous poser. Vous nous avez parlé de transférabilité, et nous allons entendre un groupe qui va évoquer cette question cet après-midi. La transférabilité entre les provinces ne fonctionne pas toujours très bien, vous le savez. Comment doit-on interpréter l'article sur la transférabilité dans la Loi canadienne sur la santé? Lorsque ce principe s'applique aux voyages - considérez-vous que la transférabilité doit toujours s'appliquer lorsqu'on est en voyage? Qu'avez-vous conclu sur ce point à la suite de votre étude?

M. Ferguson: Tout d'abord, je pense que le problème fondamental, c'est que nous n'avons pas de transférabilité entre les provinces; autrement dit, il n'y a pas de transférabilité interprovinciale et encore moins lorsqu'on voyage à l'étranger. Contrairement à ce qui se passe pour l'assurance médicale, au sujet de laquelle les provinces se sont entendues pour qu'on continue à toucher les prestations lorsqu'on déménage, l'assuran ce-médicaments, étant donné qu'elle n'est pas couverte par la Loi canadienne sur la santé, ne prévoit aucune critère de transférabili té.

Pour ce qui est des voyages à l'étranger, les régimes d'assurance ne versent aucune prestation lorsqu'on est sorti du pays. Comme vous le savez probablement, la plupart des gens accumulent un maximum de médicaments avant de partir. Si leur régime d'assurance-médicaments prévoit la possibilité de consti tuer des stocks sur trois mois, ils vont s'efforcer d'avoir trois mois de médicaments en réserve avant de partir, pour être au moins couverts pour l'essentiel. Si la prescription est rédigée à l'extérieur de la province, le régime d'assurance-médicaments ne remboursera pas.

La vice-présidente: Sans compter le fait que certains témoins nous disent qu'un certain nombre de médicaments sont homolo gués dans certaines provinces et pas dans d'autres. Lorsqu'un médicament prescrit ne figure pas sur la liste des médicaments homologués dans une autre province, la situation se complique quelque peu.

M. Ferguson: C'est une question tout à fait différente.

La vice-présidente: Je le sais, et je ne m'aventurerai pas sur ce sujet.

M. Ferguson: Il est évident que sur le plan de l'équité au Canada, il m'apparaît que le problème est bien plus important que celui du financement.

La vice-présidente: Effectivement. Nous avons entendu d'excellents témoins sur la question à Toronto.

Le sénateur Callbeck: Monsieur Ferguson, dans l'exemple que vous nous avez donné, qui fait que l'on choisirait de se réclamer du régime provincial pour pouvoir obtenir les médica ments dont on a besoin en évitant les problèmes de liquidités, est-ce que le gouvernement fédéral finira par défrayer une partie de ce régime? Vous nous dites qu'il faut donner à ces personnes un T4 à la fin de l'année, qu'elles vont joindre à leur déclaration de revenu, mais que la province facture par ailleurs la somme au gouvernement fédéral.

M. Ferguson: C'est exact. Ce que je propose, c'est que si le gouvernement fédéral veut combler les manques, ou s'il veut jouer un rôle en s'efforçant de remédier au problème le plus grave en matière de médicaments, il s'agit pour lui de s'occuper du groupe relativement restreint de personnes éprouvant ce genre de difficultés. Si le gouvernement fédéral devait y consacrer des crédits, il pourrait s'efforcer d'alléger les difficultés de ce groupe bien précis en mettant en oeuvre ce genre de programme. La façon dont on a formulé la chose à l'origine dans le document définissant les différentes options permet d'atteindre les mêmes objectifs, mais elle présente l'inconvénient de ne pas fournir l'argent au moment où les personnes concernée en ont besoin. Je pense qu'il vous faut aller un peu plus loin et permettre essentiellement à ces personnes de passer par le régime provincial, qui leur fournit la carte d'assurance et leur donne accès aux médicaments au moment où elles en ont besoin. Le gouvernement fédéral et les provinces procèdent ensuite aux ajustements financiers nécessaires.

Le sénateur Callbeck: Oui, effectivement. Je voulais simple ment m'assurer que j'avais bien compris. C'est ainsi que j'avais compris la chose.

Monsieur Morrissey, je suis bien d'accord avec votre analyse du programme Extra-muros. Avec le sénateur Robertson, on ne doit pas manquer de vous féliciter de la mise en place de ce programme. C'est, à mes yeux, le meilleur au pays.

Vous nous avez parlé de financement; du fait que vous aviez besoin d'un financement sur de nombreuses années. Autrement dit, vous avez besoin d'un financement stable. Vous avez alors parlé de pourcentages. Considérez-vous que le gouvernement fédéral devrait chaque année assumer un certain pourcentage des coûts?

M. Morrissey: C'est ce que je pense, en ce sens que si vous remontez à 1967, date à laquelle on a fait de l'assurance-santé le projet du centenaire du gouvernement fédéral, l'administration fédérale a décidé de financer environ 50 p. 100 de ce program me. Cela pouvait varier quelque peu, selon le type ou la configuration des services. Depuis lors, les responsables politiques ont fait baisser constamment ce pourcentage et nous en sommes au point ou le gouvernement fédéral, avec l'accord des provinces, dicte essentiellement, par l'entremise de la Loi canadienne sur la santé, les conditions de la prestation de service qui relèvent constitutionnellement des provinces alors que sa part de finance ment diminue constamment. Étant donné que l'on en est rendu à 10 ou 11 p. 100, ce qui était inimaginable en 1967, on pourrait très bien se retrouver à 5 p. 100. Ma question est la suivante: quel est le rôle du gouvernement fédéral? Je pense que le débat actuel vient du fait que l'on n'a jamais clairement défini le rôle du gouvernement fédéral. Je considère qu'il était bien défini dans l'esprit des gens qui ont mis en oeuvre de programme en 1967, mais ce n'est pas une définition qui a résisté au temps et j'estime qu'il devrait y avoir un pourcentage fixe.

Le sénateur Callbeck: Oui, et je le comprends bien. C'est cependant difficile, j'imagine, pour le gouvernement fédéral, qui ne sait jamais combien il va devoir dépenser en matière de santé tant que l'on est pas en fin d'exercice.

M. Morrissey: Il pourrait en dire autant des programmes d'aide au revenu, mais j'imagine dans quel chaos on se retrouverait s'il venait nous dire un jour: «L'année prochaine, nous devons économiser plusieurs centaines de millions de dollars et nous allons donc réduire de 50 ou de 60 $ toutes les pensions de sécurité de la vieillesse.» C'est essentiellement ce que nous disons aux personnes qui doivent se soigner. Je considère que les soins de santé sont un service public dans notre pays.

Le sénateur Callbeck: C'est bien entendu un gros problème pour les petites provinces, surtout lorsqu'elles ne savent pas de combien d'argent elles vont pouvoir disposer d'une année sur l'autre.

M. Morrissey: Ça devient aussi un problème pour les grosses provinces.

La vice-présidente: Je remercie le sénateur Callbeck. Avant de lever la séance pour le déjeuner, je dois vous dire que M. Theriault avait pris des engagements antérieurs et n'a pas pu rester pour répondre à nos questions, mais le sénateur Léger voudrait vous dire quelques mots, simplement pour faire suite aux déclarations de M. Theriault. Sénateur, vous avez la parole.

Le sénateur Léger: Merci, sénateurs, de votre présence, et je suis d'accord pour dire que notre province est différente des autres.

[Français]

Je vous remercie, madame la présidente. Votre présentation était sûrement un plaidoyer linguistique nécessaire, car il y a beaucoup de rattrapage à faire comme on vous l'a dit, mais beaucoup a été fait aussi.

Suite au rapport de Jean-Bernard Robichaud, nous avons les hôpitaux régionaux maintenant en français. Quand cela arrive au spécialisation, il y a du chemin à faire encore. J'ai trouvé qu'il était intéressant que 80 p. 100 de nos médecins qui vont à Sherbrooke reviennent dans notre province. C'est la seule chose que je voulais dire, mais cela confirme qu'on est différent.

[Traduction]

La vice-présidente: Je tiens à remercier M. Morrissey, M. Ferguson et, en son absence, M. Theriault, d'avoir comparu aujourd'hui. Vos témoignages et vos rapports m'ont paru très utiles et très instructifs. Nous vous demanderons éventuellement de revenir, M. Ferguson, pour traiter de cette autre question que j'ai presque évoquée.

La séance est suspendue.

La séance reprend.

[Traduction]

Le sénateur Marjory LeBreton (vice-présidente) occupe le fauteuil.

La vice-présidente: J'aimerais vous présenter nos témoins pour la séance de cet après-midi. Nous accueillons Bob Jackson, président de l'Association canadienne des Snowbirds; Helen Ladouceur et Eileen Malone de la Fédération des aînés du Nouveau-Brunswick; Sandra Keon, secrétaire-trésorière et vice- présidente, Programmes cliniques à l'hôpital de Pembroke, Association catholique canadienne de la santé; et, enfin, Michael Gallagher, du Service de police de Miramichi.

M. Bob Jackson, président, Association canadienne des Snowbirds: Je vous présente Mme Heather Nicolson-Morrison, directrice administrative de l'association. J'aborderai chacun des points de notre mémoire, que j'ai essayé de résumer.

La vice-présidente: J'aurais dû le rappeler aux témoins: nous aimons bien n'entendre qu'un résumé de votre mémoire pour que nous puissions avoir plus de temps pour les questions. Vous faites bien de procéder de cette façon, monsieur Jackson.

M. Jackson: L'Association canadienne des «Snowbirds» a été créée en 1992. Nous nous étions fixé comme mission au début de trouver de l'assurance médicale abordable pour les voyageurs, mais nous nous sommes vite rendu compte qu'il n'y avait aucune association pour s'occuper des besoins particuliers des Canadiens que l'on appelle les retraités migrateurs ou qui partent pour de longs séjours à l'étranger. Nous n'avons donc pas le même mandat qu'au début.

Au cours de la première année, nous avons réussi à faire épargner à nos membres 25 millions de dollars en assurance de voyage. Si les prix de l'assurance supplémentaire ont augmenté en flèche, c'est en partie parce que les provinces canadiennes enfreignaient et enfreignent toujours la loi, notamment le sous-alinéa 11(1)b)(ii) de la Loi canadienne sur la santé.

Selon le principe de la transférabilité énoncé dans la Loi canadienne sur la santé, les provinces sont tenues de rembourser le même montant pour les soins médicaux d'urgence à l'étranger que ce qu'il en coûterait pour des soins comparables dans la province. Avant 1993, toutes les provinces sauf la Colombie-Bri tannique respectaient le principe de la transférabilité de la Loi canadienne sur la santé. En avril et mai 1993, la Saskatchewan et l'Alberta ont réduit à 100 $ par jour le montant versé pour les soins médicaux d'urgence à l'étranger. En juillet 1994, l'Ontario leur a emboîté le pas, suivi du Québec en 1996 et du Nouveau- Brunswick en 1997. Tout cela en violation flagrante de la Loi canadienne sur la santé, que le gouvernement fédéral est chargé d'appliquer.

Dans votre rapport provisoire, vous reconnaissez que les principes ne sont pas respectés aussi rigoureusement que le souhaiteraient bien des Canadiens. La réduction à 100 $ par jour dont je viens de vous parler est un exemple de plus en plus courant du mépris flagrant des provinces à l'égard de la loi. De tels abus ne seraient jamais tolérés s'ils venaient d'un simple citoyen, car nous avons affaire ici à une mesure législative fédérale que le gouvernement fédéral est chargé d'appliquer.

Les provinces qui la respectent un peu n'ont pas indexé les montants pour tenir compte des fluctuations annuelles des taux. La Colombie-Britannique ne rembourse que 75 $ par jour pour les soins de santé d'urgence, taux qui n'a pas changé depuis 25 ans. Cette somme de même que la somme de 100 $ sont dérisoires.

L'Association canadienne des «Snowbirds» a entrepris de sérieux pourparlers avec le gouvernement de l'Ontario et a finalement intenté une action en justice lorsqu'elle a cessé de croire en un aboutissement raisonnable. Deux juges s'en sont tenus à la procédure pour rendre leurs décisions, affirmant que l'action de l'association était prématurée parce qu'il n'y avait pas encore eu de consultations entre les gouvernements fédéral et provinciaux. De telles consultations sont prévues dans la Loi canadienne sur la santé.

Le troisième juge a rédigé un rapport cinglant de 18 pages nous donnant raison et affirmant qu'il était certain que l'Ontario enfreignait la loi. Dix ans plus tard, les consultations dont parlaient les juges de l'Ontario n'ont pas encore commencé. Une contestation judiciaire a également été intentée en Colombie- Britannique et le juge là-bas a affirmé qu'il appartenait au gouvernement fédéral et à la province de régler le litige.

J'ai remarqué que vous dites dans votre rapport qu'il n'y a jamais eu contestation judiciaire de ce point mettant en cause le gouvernement fédéral. Nous avons consulté un cabinet s'occupant de droit constitutionnel, Osler & Hoskins à Ottawa. Nous nous sommes fait dire qu'une contestation invoquant la Constitution ne mènerait nulle part parce que l'application du principe ne passait pas par la Constitution. C'est pourquoi nous avons choisi de passer par les provinces.

Avant l'élection de 1995 en Ontario, nous avons communiqué avec les chefs de chaque parti provincial pour leur demander ce qu'ils feraient une fois élus pour que l'Ontario respecte enfin le sous-alinéa 11(1)b)(ii) de la Loi canadienne sur la santé. Les chefs des deux partis d'opposition ont convenu que l'Ontario devrait se conformer à la Loi canadienne sur la santé. Le 1er septembre 1995, le taux quotidien pour les services médicaux d'urgence à l'étranger a été rétabli à ce qu'il était auparavant.

Le ministre Rock est certainement au courant du petit jeu auquel se livrent cinq de nos provinces: c'est lui qui signe l'avant-propos du rapport annuel sur la Loi canadienne sur la santé publié par Santé Canada et déposé à la Chambre des communes chaque année, où figurent tous les chiffres.

On peut lire également dans votre rapport que les experts maintiennent qu'il pourrait y avoir moyen d'obtenir un meilleur rendement des sommes consacrées aux soins de santé en encourageant les Canadiens à adopter un style de vie plus sain. Mieux vaut prévenir que guérir. Beaucoup de nos membres vivent frugalement pendant l'année pour pouvoir s'adonner au style de vie qu'ils préfèrent. Ce sont des gens proactifs. En recherchant chaque année un climat plus doux, ces aînés s'occupent activement de leur santé physique et mentale.

Lorsqu'un retraité migrateur a besoin de soins médicaux d'urgence à l'étranger, il est prêt à faire face à l'essentiel du fardeau financier parce qu'il a contracté une assurance supplémentaire pour soins médicaux à l'étranger. Même si le taux quotidien est relevé, il faut toujours contracter une telle assurance supplémentaire, qui souvent coûte très cher, mais il vaut peut-être un peu plus la peine par une telle mesure d'aider les Canadiens à obtenir un meilleur rendement sur les sommes consacrées aux soins de santé en favorisant un mode de vie plus sain.

Nous ne demandons pas encore de l'argent. Nous voulons simplement que les remboursements que prévoit la Loi canadien ne sur la santé soient bel et bien effectués. Certaines provinces nous donnent raison.

Selon les experts, il peut y avoir moyen d'obtenir un meilleur rendement sur les sommes consacrées aux soins de santé si l'on encourage un mode de vie plus sain parmi les Canadiens. Dans certaines provinces, nous avons réussi à faire modifier le règlement sur la durée maximale du séjour pour qu'un retraité puisse séjourner à l'étranger au-delà de la période de six mois plus un jour pendant laquelle il doit obligatoirement être présent sur le territoire de la province pour continuer à être assuré par le régime d'assurance-maladie. Il s'agit d'un règlement provincial, mais, selon nous, votre rapport devrait quand même encourager l'uniformité parmi les provinces du point de vue de l'adoption d'un mode de vie plus sain.

Un autre problème est le stock de médicaments qu'il faut pour un séjour à l'étranger. Un Canadien qui peut séjourner à l'étranger pendant six mois devrait pouvoir acquérir les médicaments qu'il lui faut pendant la durée de son séjour. Le premier ministre de l'Ontario en a convenu et a reconnu que c'était parfaitement logique du point de vue de la santé, lorsqu'il a annoncé le changement dans cette province. C'est exposer inutilement les Canadiens à un risque que de les obliger à s'en remettre à la poste pour recevoir leurs médicaments essentiels.

Nous sommes d'accord que la prévention est essentielle. Le gouvernement fédéral devrait faire respecter les cinq principes fondateurs de la Loi canadienne sur la santé, entre autres le sous-alinéa 11(1)b)(ii), pour qu'il cesse d'y avoir tant de différence entre les régions. Le gouvernement fédéral devrait entamer des consultations avec les provinces récalcitrantes. Le gouvernement fédéral devrait invoquer son pouvoir de retrait des paiements de transfert dans le cas des provinces qui persistent à enfreindre le sous-alinéa 11(1)b)(ii).

La politique devrait être la même dans toutes les régions du pays pour que les contribuables puissent jouir du droit à la liberté de voyager lorsqu'ils se conforment à l'obligation de maintenir une résidence principale dans leur province d'origine. Chaque Canadien doit avoir le droit d'acquérir, par le biais de son régime d'assurance-médicaments, tous les médicaments qu'il lui faut pour la durée de son séjour en règle à l'extérieur de la province. Ce droit devrait être le même dans toutes les régions du pays.

Nous faisons des progrès sur ces deux plans dans le cas de certaines provinces, mais le manque d'uniformité nous empêche de nous attaquer systématiquement au problème.

La vice-présidente: Mon mari est un retraité migrateur et je vous comprends parfaitement. Nous allons maintenant entendre Mme Ladouceur de la Fédération des citoyens aînés du Nouveau- Brunswick.

Mme Helen Ladouceur, membre, Fédération des citoyens ainés du Nouveau-Brunswick Inc.: Je représente 24 000 aînés au Nouveau-Brunswick. Ceux-ci ne rajeunissent pas et nous aimerions faire la distinction entre les soins essentiels et les soins chroniques, par exemple les greffes, les prothèses articulaires.

Les pontages coûtent très cher pour les aînés. Ceux-ci ne devraient pas être hospitalisés pour la grippe ou une allergie. Par ailleurs, lorsqu'on leur donne rapidement congé de l'hôpital, nos aînés sont obligés de supporter davantage de dépenses pour les soins à domicile, les soins de longue durée, les soins palliatifs, les médicaments, l'équipement supplémentaire qu'il leur faut au domicile, toutes des dépenses qu'ils doivent payer de leur poche.

Nous aimerions avoir un régime positif de soins de santé où les aînés pourraient réintégrer la population active, s'adonner au bénévolat et mener une vie active pour demeurer en santé. Nous aimerions également qu'il y ait davantage de travaux de recherche visant les aînés de sexe féminin. Nous aimerions également que nos médicaments ne coûtent pas aussi cher. Il y a une pénurie de médecins et la liste d'attente pour les soins de santé spéciaux est trop longue.

La vice-présidente: Je vous remercie, madame Ladouceur. Je suis sûre que vous pourrez nous en dire davantage au moment des questions.

Mme Sandra Keon, secrétaire-trèsorière, Association catho lique canadienne de la santé; vice-présidente, Programmes cliniques à l'hôpital de Pembroke: L'Association catholique canadienne de la santé est porte-parole au pays pour les services de santé catholiques. Elle représente les associations provinciales de la santé, les hôpitaux, les foyers, de nombreux organismes commanditaires ainsi que les professionnels de la santé.

L'Association félicite le comité d'attirer l'attention sur les grandes questions concernant l'état du système de soins de santé au Canada. Je vais insister sur cinq points qui sont abordés dans le mémoire de l'Association présenté au comité.

Premièrement, une politique ne saurait être efficace si elle ne tient pas compte des valeurs. Au chapitre 7 du rapport, la Loi canadienne sur la santé est abordée dans une perspective étroite qui se limite surtout à une seule question: «Les soins de santé privés et l'assurance pour les soins de santé privés sont-ils admissibles en vertu de cette loi?» Cette façon d'aborder la chose laisse de côté un aspect essentiel de la loi.

La Loi canadienne sur la santé incarne un ensemble de valeurs auxquelles les Canadiens et les Canadiennes sont attachés. Le forum national a conclu que les fondements du système canadien de soins de santé comprennent le principe selon lequel ce système devrait relever de l'État et devrait être sans but lucratif. L'Association estime que chacun a droit en sa qualité de citoyen à un accès égal à des soins de santé de qualité, à la compassion, à l'appartenance à un groupe et à la solidarité.

Dans son rapport, le comité propose toute une gamme de mesures possibles. Vous demandez aux Canadiens: «Quelles valeurs voulons-nous avoir aujourd'hui?» Voilà où doit commen cer la discussion. Avant de commencer à repenser le régime d'assurance-maladie, il faut réaffirmer les valeurs sociétales qui constituent le fondement du système de soins de santé, il faut procéder à une analyse critique des valeurs nouvelles et émergentes et il faut cesser d'orienter la discussion vers le marché et la ramener aux valeurs de base.

Dans notre mémoire, nous présentons la liste des valeurs qui peuvent apporter une vision pour le système de santé de demain, ainsi que les moyens permettant d'évaluer l'éventail des méthodes proposées aujourd'hui pour le financement et l'intégration des services de soins de santé au Canada.

Le deuxième point que nous signalons est que les soins de santé ne peuvent pas être traités comme de simples produits. Au chapitre 5 du rapport, on reconnaît que les soins de santé sont différents des autres biens et services, mais cette différence est définie à partir des lacunes du marché. Dans tout le rapport, l'essence des soins de santé est réduite à une idéologie de marché.

Notre conviction que les soins de santé constituent un service est à la base de notre analyse des points forts et des points faibles des options élaborées par le comité. Ces soins de santé sont avant tout un bien social essentiel, un service à la disposition des personnes en ayant besoin. Ces services ne sont pas - et on ne doit pas y voir - un simple produit échangé pour un gain, dont l'accès dépend d'une capacité de payer. Les forces les plus puissantes qui s'exercent au détriment de la viabilité du système de soins de santé sont liées aux valeurs qui confèrent aux soins de santé un aspect de simple produit, d'individualisme et d'autosuf fisance, de choix illimités, de compétition économique, de service rapide et de résultats garantis.

Le troisième point que nous voulons faire valoir est que le régime de soins de santé est viable. Ces dernières années, les Canadiens ont été la cible de ce qui semble être parfois une campagne organisée visant à miner la confiance dans le système de soins de santé du pays.

Le chapitre 8 traite de la question de l'abordabilité et de la viabilité. On constate un ton fort négatif dans cette partie du rapport. Ce qui est dit laisse entendre que ceux qui prétendent que les problèmes du régime de soins de santé peuvent être résolus en augmentant l'efficacité tout en préservant le système public d'assurance-santé ne font pas preuve de prudence et essayent d'éluder les questions financières difficiles.

Le comité reconnaît cependant que les efforts visant à améliorer l'efficience et l'efficacité ont été entravés par les attitudes et les actions des personnes ayant des intérêts acquis dans le système actuel de soins de santé. Toutefois, le rapport omet de demander une question importante: «Y a-t-il aujourd'hui la volonté politique nécessaire pour contester ces intérêts acquis?»

Parmi les plus éminents analystes de la politique des soins de santé au Canada, un grand nombre ont conclu que le régime de soins de santé à payeur unique de notre pays a donné les résultats voulus. On a tendance à oublier que notre système actuel a été efficace. John Ralston Saul a appelé cette tendance «l'une des faiblesses les plus dangereuses de notre ère.»

Le quatrième point porte sur les finances privées et la prestation sans but lucratif. Le chapitre 8 présente un excellent aperçu d'un ensemble de nouvelles sources de financement. Toutefois, on peut lire dans les conclusions du rapport que les frais d'utilisateur, les comptes d'épargne médicaux, les soins de santé privés obtenus à contrat et l'assurance privée pourraient être mis en place selon des modalités qui permettent d'éviter les risques associés à ces approches.

De telles conclusions ne semblent pas tenir compte des travaux de recherche sur ces sujets qui ont été effectués. Où sont les faits qui démontrent que les soins de santé privés à but lucratif coûtent moins cher et sont plus efficaces que les soins de santé publics? Je cite Robert Evans, économiste en soins de santé, qui affirme: «Il n'y a pas de données empiriques pour étayer la notion qu'il y aura une plus grande efficacité s'il y a davantage de soins de santé à but lucratif, et les données qui existent indiquent le contraire.»

Les faits sont nombreux à démontrer que la croissance des soins de santé à but lucratif fera augmenter les coûts et est de nature à faire diminuer la qualité. Nous nous inquiétons surtout des conséquences de certaines de ces options pour les personnes dans notre société qui sont pauvres et vulnérables.

Le cinquième point est qu'il faut mettre en place un système de soins de santé plus intégré. Le système de santé au Canada a évolué d'une façon qui privilégie les hôpitaux, les médecins et les interventions en soins de santé. Cette situation doit changer.

Le forum sur la santé propose un système où les services sont intégrés et où se sont les soins et non les fournisseurs et les établissements qui sont financés. Selon le comité, les soins à domicile et les médicaments sont deux aspects essentiels où on peut prendre des mesures pour mettre en place un tel système. Grâce à la technologie, il est possible d'offrir au sein de la collectivité et à domicile des services de soins de santé de plus en plus complexes et c'est pourquoi les gouvernements provinciaux ont permis que les coûts qui y sont associés soient exclus du système financé par l'État. Certains ont appelé à juste titre cette situation de la privatisation passive. Il faut intervenir rapidement pour inverser cette tendance et s'assurer que les soins à domicile deviennent une partie intégrante des services financés par l'État.

Le Canada devrait commencer à prendre des mesures pour que les médicaments fassent partie du système de soins de santé financés par l'État. Le comité, dans son exposé de ses principales constatations issues de la phase trois, semble favoriser la participation du secteur privé soit par l'imposition de frais d'utilisateur, soit par la participation de l'assurance privée, y voyant la meilleure méthode pour étendre les soins de santé publics aux médicaments, aux soins à domicile et aux soins de longue durée.

Cette approche est diamétralement opposée aux recommanda tions de financement des soins à domicile et des médicaments formulées par le forum national. On y a affirmé que le financement public sans franchise ou quote-part est la seule façon raisonnable de promouvoir l'accès universel et de contrôler les coûts des médicaments. Cela nous étonne que dans sa discussion sur les médicaments, le comité ne mentionne pas les travaux de recherche considérables que le forum a effectués dans ce domaine.

La vice-présidente: Merci, madame Keon. Je remarque dans votre mémoire que vous mentionnez la Dre Nuala Kenny. Elle a témoigné devant le comité à Halifax, en défendant énergiquement certains des points que vous soulevez.

Le caporal Michael Gallagher, Division des drogues, Forces policières de Miramichi: Je prends la parole devant vous aujourd'hui pour vous faire part du problème de l'usage abusif de médicaments prescrits que nous connaissons à Miramichi. Nous avons constaté une augmentation spectaculaire d'actes criminels, notamment d'actes criminels avec violence, invasions de domici le, vols à mains armées et fraudes, tous liés directement à l'usage abusif du médicament prescrit Dilaudid. Le Dilaudid vient au premier rang parmi les drogues les plus consommées abusive ment, suivi par la morphine.

Les Forces policières de Miramichi a contacté notre commu nauté et a créé un comité pour étudier ce problème et voir ce que nous pouvons faire pour l'enrayer. Nous avons soigneusement étudié le système médical au Nouveau-Brunswick. Nous y avons constaté des problèmes, et nous aimerions que le gouvernement fédéral les examine et applique peut-être dans les provinces une politique pour surveiller les médicaments délivrés sur ordonnance.

Au Nouveau-Brunswick, un malade peut se rendre chez un médecin et se faire prescrire de puissants analgésiques dont la composition ressemble à celle de l'héroïne. Ils sont à base de morphine. Ils engendrent une dépendance semblable à celle de l'héroïne; les dommages à l'organisme et le besoin d'avoir sa dose sont analogues à l'héroïne. Nous sommes aux prises avec un très grave problème.

Une personne peut aller voir un médecin de famille et se faire prescrire du Dilaudid, faire remplir son ordonnance et revendre le médicament en faisant d'énormes profits. Huit milligrammes de Dilaudid se vendent 30 $ à Miramichi et l'on me dit qu'à Fredericton, c'est 40 $. Les gens exploitent le système.

On ne tient aucun dossier de ces médicaments ou de ceux à qui ils sont prescrits. La facture que le médecin envoie à l'assurance- maladie pour se faire payer, où sont indiquées les dates de visite du malade, est le seul document. Le pharmacien aura quelque chose dans sa base de données, mais elle n'est pas partagée avec d'autres pharmaciens.

Nous demandons au gouvernement fédéral d'aider le gouverne ment provincial. Nous le contacterons en tant que comité composé de médecins, de pharmaciens, de travailleurs auprès des jeunes et de gens des services de toxicomanie. En tant que comité, nous essayons d'appliquer un programme pour surveiller ces médicaments pour nous assurer qu'ils ne se retrouvent pas sur le marché noir et qu'ils ne causent pas les problèmes que nous connaissons à Miramichi. Je crois comprendre que le Maine éprouve le même problème, qui ne se limite pas à l'est du Canada et l'est des États-Unis.

Le sénateur Robertson: Je suis choquée par le dernier témoignage. Je ne me rendais pas compte de l'ampleur de la perte de contrôle. Faites-vous quelque chose à ce sujet avec les médecins et les pharmaciens actuellement ou essayez-vous seulement d'élaborer un modèle pour la province?

Le Cpl Gallagher: Nous élaborons un modèle pour la province. Nous avons intégré au comité des médecins et des pharmaciens pour recueillir leurs idées et essayer d'en arriver à un plan pratique. Nous pourrons ensuite pressentir notre gouverne ment provincial pour essayer d'obtenir qu'il applique ce plan.

Le sénateur Robertson: Quel genre de personne obtient cette ordonnance? Est-ce une personne âgée ou un jeune?

Le Cpl Gallagher: Ce sont habituellement des jeunes. L'an dernier, nous avons fait enquête sur une personne de 60 ans qui avait consulté huit médecins différents au Nouveau-Brunswick en deux semaines pour obtenir des médicaments de prescription. De voir que nous avons au Nouveau-Brunswick de très bons comédiens qui peuvent tromper les médecins me fait souvent rire.

Le sénateur Robertson: C'est la première fois que ce problème est porté à notre attention. S'il existe au Nouveau- Brunswick, il doit également exister dans d'autres provinces. Le gouvernement fédéral devrait contribuer à structurer quelque chose. Il y a beaucoup de genres de lois qui entrent en jeu. Nous progressons dans certains domaines, même en ce qui concerne la protection de la vie privée qui est nécessaire dans certains de ces cas.

Poursuivez votre bon travail et nous essaierons de formuler une recommandation au gouvernement fédéral sur cette question. Je ne savais pas que les choses allaient mal à ce point.

Madame Keon, vous voulez les services intégrés, le programme d'assurance-médicaments et le programme de santé communau taire outre ce que nous avons maintenant. Les fonds, même pour ce que nous faisons maintenant dans les hôpitaux et au niveau des cabinets de médecins, se font très rares. Vous attendez-vous que le gouvernement fédéral en paie la totalité ou une partie? Quel genre de financement recommandez-vous?

Mme Keon: Il s'agirait peut-être fondamentalement de modifier la structure. La commission a évoqué l'idée d'une réforme des soins de santé primaires et de certains changements, ou d'éventuels changements au niveau des coûts, si celle-ci se concrétisait.

Je peux parler de ces pénuries par expérience. Nous connais sons une situation où il y a pénurie de professionnels des soins de santé, en particulier de médecins, et le temps est venu de commencer à reconfigurer le système pour élargir l'éventail des professionnels de la santé. Il y aurait certainement des répercus sions sur le plan des coûts.

Le sénateur Robertson: Je comprends cela, et la reconfigura tion du système passe par beaucoup d'interventions que nous avons faites. Il y a ceux qui disent obtenir l'argent en reconfigurant le système actuel et en utilisant mieux les ressources. Selon une autre école de pensée, si on ne peut y trouver là l'argent, où allons-nous le trouver?

On part de l'hypothèse que le gouvernement fédéral injectera davantage d'argent. Nous n'en avons aucune garantie. Si la redistribution ne vous permet pas de trouver l'argent nécessaire pour les autres programmes, alors où pensez-vous que nous pourrions trouver des fonds additionnels?

Mme Keon: On pourrait devoir augmenter nos dépenses.

Le sénateur Robertson: Il est important que nous compre nions que la configuration peut ne pas donner de résultats. Les gens ne veulent pas verser de frais de participation ou quelque chose de semblable. Soit vous payez par le biais de vos impôts, soit vous payez par le biais de votre propre programme quand tout le reste échoue.

Mme Keon: Je crois que les Canadiens attachent beaucoup de valeur à la santé.

Le sénateur Robertson: Oui, ils y attachent beaucoup de valeur. On en a une idée en regardant les listes d'attente dans tout le pays.

Monsieur Jackson, certains d'entre nous connaissent bien vos préoccupations en ce qui concerne les retraités migrateurs. C'est frustrant de savoir que votre campagne a eu peu de résultats dans certains domaines. Que pouvons-nous faire pour vous aider à convaincre le gouvernement fédéral? Que voulez-vous que fasse le gouvernement fédéral et comment pouvons-nous vous aider?

M. Jackson: Nous avons rencontré le ministre fédéral à différentes occasions au fil des ans. Nous sommes retournés voir les provinces parce que le gouvernement fédéral, au cours des rencontres que nous avons eues avec le personnel et le ministre au cours des années, a admis que les provinces violent la loi, mais il a d'autres chats à fouetter et ne veut pas s'engager dans un bras de fer avec les provinces pour régler cette question.

On nous a même félicités pour avoir exigé des provinces qu'elles fassent leur travail, mais si elles ne le font pas, alors tout s'écroulera comme des dominos et chaque province restera dans la même situation. S'il ne s'agissait pas d'une mesure législative, nous ne ferions rien, mais ce que nous vous demandons est d'essayer de sauver la face.

Le ministre Rock dira qu'il ne veut pas embarrasser la province et qu'il veut procéder par voie consultative. Il n'a qu'à dire que d'après les rapports qu'elle fait chaque année au fédéral, on constate qu'elle ne respecte pas cet article de la Loi canadienne sur la santé et qu'il faut en discuter. La loi stipule que le ministre consulte les provinces et si cela ne donne aucun résultat, il peut retenir les paiements de transfert. C'est toutefois laissé à sa discrétion.

Nous aimerions que le gouvernement fédéral assume sa responsabilité et fasse respecter l'article de la loi, tout comme il le ferait si je violais la loi. Si j'ai en ma possession une arme de poing qui n'est pas licite, j'irai en prison parce que c'est une infraction criminelle. On laisse les provinces s'en tirer en toute impunité.

Nous avons dépensé des dizaines de milliers de dollars en poursuites contre les provinces pour essayer de redresser ce tort. Quand nous avons poursuivi ces trois provinces, nous savions que nous pouvions au mieux espérer obtenir une déclaration établissant que la province ne se conforme pas à cet article de la Loi canadienne sur la santé, mais qu'il n'y a rien qu'on ne puisse y faire. Cependant, elles n'étaient pas préparées à le faire. La seule province où nous avons obtenu du succès dans les trois domaines a été l'Ontario.

Le sénateur Robertson: Cela est intéressant. Le ministre des Finances devrait être aussi indulgent avec certains d'entre nous lorsqu'il perçoit les impôts. La loi c'est la loi.

Est-ce qu'il serait utile que notre comité invite à un moment donné le ministre Rock et son personnel à comparaître devant nous pour essayer de tirer cela au clair?

M. Jackson: Certainement. Tout ce qu'il serait possible de faire pour attirer leur attention sur la question et leur en démontrer l'importance serait utile.

Plusieurs personnes ont la fausse impression que les «snow birds» ne paient pas d'impôt du fait qu'ils voyagent à l'étranger. Je suis membre de l'Association canadienne des «snowbirds» et je fais partie du conseil d'administration depuis le début, parce que le gouvernement du Nouveau-Brunswick a essayé en 1993 de réduire à 90 jours la période de temps pendant laquelle une personne pouvait séjourner à l'étranger sans perdre son droit au régime d'assurance-maladie. Celui qui perd ce droit perd tout. Vous pouvez payer quelques milliers de dollars pour une assurance supplémentaire, mais si le régime d'assurance-maladie ne paie pas, votre assurance supplémentaire ne paiera pas non plus parce que le régime d'assurance-maladie constitue votre assurance primaire.

Le sénateur Robertson: Nous avons entendu plusieurs associations de personnes aînées dans nos déplacements à travers le pays. Il s'agit là d'un groupe de citoyens pour lesquels nous nous préoccupons beaucoup. Il y a d'autres groupes, comme les enfants qui vivent dans la pauvreté et les enfants malades, mais les aînés ont tellement donné à ce pays.

Nous savons que l'absence d'un régime d'assurance- médica ments constitue un lourd fardeau pour plusieurs de nos citoyens. Nous allons continuer à travailler très fort pour changer les choses.

Dans notre province et dans toutes les provinces du pays, il y a un grand nombre de soignants officieux et non payés, et ce sont souvent eux qui maintiennent les liens familiaux. La plupart du temps, il s'agit d'un membre de la famille qui abandonne son travail et bien d'autres choses pour prendre soin d'un parent, habituellement un aîné. Les salaires payés aux soignants qui sont rémunérés pour leur service sont très minimes.

Pourriez-vous suggérer une façon d'alléger le fardeau de ces soignants officieux et non payés qui travaillent au foyer? Pour l'instant, on ne leur donne qu'une petite tape sur l'épaule pour tout remerciement. Ne pourrait-on pas mieux utiliser ces fonds pour les encourager davantage? J'ai à l'esprit un programme mis en place il y a quelques années qui permettait au gouvernement fédéral d'aider financièrement les familles qui souhaitaient ajouter à leur résidence un appartement pour loger un grand-parent. Je ne sais pas si ce programme est toujours en vigueur. Avez-vous déjà cherché à obtenir de l'aide pour ces soignants qui ne perçoivent aucune rémunération?

Mme Eileen Malone, membre, Fédération des citoyens aînés du Nouveau-Brunswick Inc.: Non. Ils peuvent peut-être bénéficier de déductions fiscales, mais ils ne reçoivent aucune autre compensation pour l'instant.

Le sénateur Robertson: Est-ce que vous pourriez poser cette question à votre association?

Mme Malone: Certainement.

Le vice-président: Existe-t-il un ministère responsable des aînés au Nouveau-Brunswick avec lequel vous pourriez travailler directement?

Mme Malone: Le ministère de la santé a aussi des responsabilités à l'égard des personnes aînées.

Le vice-président: Il n'a pas de responsabilité précise?

Mme Malone: Non. Nous n'avons pas non plus de conseil consultatif, comme il en existe dans les autres provinces.

Le sénateur Callbeck: Caporal Calligher, est-ce que les médicaments délivrés sur ordonnance créent de plus graves problèmes dans la région de Miramichi que dans les autres régions du Nouveau-Brunswick?

Cpl Calligher: Non, je ne crois pas. Par contre, Miramichi est unique du fait que nous n'avons détecté aucun problème relié à la consommation de crack ou d'héroïne. Il est difficile de s'en procurer. Les médicaments d'ordonnance sont disponibles et il y en a une grande quantité.

Nous avons aussi un problème du fait que certaines personnes envoient dans la région des médicaments d'ordonnance. Il y a des fournisseurs qui en envoient à partir des régions de Bathurst, de Fredericton, de Saint John et de Shediac. J'en ai parlé à d'autres sections antidrogues dans la province. Leurs efforts se concentrent sur les problèmes qui sont perçus comme étant les plus graves, comme le crack ou la cocaïne. Toutefois, les médicaments d'ordonnance posent aussi un problème.

Le sénateur Callbeck: Il s'agit là d'un gros problème depuis un certain temps, n'est-ce pas?

Le Cpl Gallagher: Non, pas à ma connaissance. Je travaille dans le secteur des narcotiques depuis 9 ans et ce problème n'est apparu qu'il y a deux ans. Je n'aurais pas su ce qu'était le Dilaudid il y a deux ans. Ce produit est rapidement devenu populaire.

Il s'agit d'un produit attrayant pour les utilisateurs du fait qu'ils peuvent pour la première fois vraiment savoir ce qu'ils consomment. L'héroïne ou la cocaïne qu'ils consommaient auparavant étaient toujours diluées avec d'autres produits. Le Dilaudid est approuvé par le gouvernement. Ils se sentent bien lorsqu'ils en consomment. Plusieurs jeunes personnes en consomment, croyant qu'il n'y a aucun danger du fait qu'il s'agit d'un médicament d'ordonnance. Cela ne fait qu'exacerber le problème.

Le sénateur Callbeck: Avez-vous entendu parler d'autres régions au Canada qui font face à ce problème?

Le Cpl Gallagher: Non. J'ai communiqué avec certaines personnes en Colombie-Britannique concernant le projet de régime d'assurance- médicaments, en vertu duquel les pharmacies et certains bureaux de médecins seraient reliés à une base de données qui permettrait de surveiller la vente et la consommation de médicaments d'ordonnance. Ce sont les seules personnes à qui j'en ai parlé.

M. Jackson: Nous avons participé à des réunions en Ontario avec l'Association canadienne des chaînes de pharmacies et l'Ontario Medical Association concernant ces questions. Il y a des problèmes partout au Canada concernant cette question. Nous avons participé à des réunions il y a moins de trois semaines avec ces organismes pour discuter du droit à la vie privée et des mesures qui pourraient être prises.

Le sénateur Callbeck: Mme Keon, dans l'éventualité d'une augmentation des dépenses pour les soins à domicile et les médicaments d'ordonnance, pensez-vous que les Canadiens seraient prêts à payer davantage d'impôts pour cela?

Mme Keon: Dans l'éventualité où il n'y aurait aucune autre solution une fois le système modifié et après avoir étudié toutes les possibilités, ils seraient d'accord parce qu'ils accordent beaucoup d'importance aux questions de santé.

Le sénateur Callbeck: Monsieur Jackson, vous avez parlé de Canadiens qui pouvaient apporter avec eux à l'extérieur du pays un approvisionnement de six mois de médicaments et d'une modification à la réglementation relative au délai de six mois. Quels sont vos objectifs concernant la réglementation relative à ce délai?

M. Jackson: Avant 1990, toutes les provinces du Canada permettaient à leurs résidents de s'absenter de la province jusqu'à huit mois. Aujourd'hui, il n'y a que très peu de personnes qui pourraient s'absenter pendant huit mois. En 1990, les provinces ont réduit cette période à six mois. Terre-Neuve n'a pas modifié son règlement et autorise toujours une absence de huit mois.

Le Québec autorise un nombre illimité d'absences de 21 jours dans le cas de personnes qui ont déjà séjourné à l'extérieur du pays pendant six mois. Nous avons convaincu l'Ontario de modifier sa réglementation. Un mois supplémentaire a été autorisé, de sorte qu'il faut être physiquement présent en Ontario pendant 153 jours, mais cela ne s'applique pas qu'au Canada.

Nous avons pu convaincre l'Alberta et la Colombie-Britanni que qu'il n'était pas juste d'imposer des restrictions en fonction des limites territoriales de la province. Ils nous disent, «Vous vous faites vieux et votre vie achève, vous ne devriez pas quitter la province pour aller visiter vos petits-enfants ou pour autre chose, sinon vous n'aurez plus droit au régime d'assurance- médica ments.» Nous avons réussi à convaincre la Saskatchewan, l'Alberta et la Colombie-Britannique de modifier le règlement pour qu'il précise qu'il faut être physiquement présent au Canada pendant les six mois qui suivent un séjour de six mois à l'étranger, pourvu que vous puissiez prouver être résident de la province en question.

Nous avons reçu ce que nous appelons des lettres d'encourage ment de l'Île-du-Prince-Édouard, de l'Alberta, qui a depuis modifié ses règlements, de la Saskatchewan et du Manitoba, précisant que le régime d'assurance-maladie n'a jamais été conçu pour empêcher les déplacements à l'intérieur du Canada. Nous avons participé à une réunion avec le ministre du Manitoba il y a quelques semaines où il a déclaré: «Il ne s'agit pas là d'une lettre d'encouragement. Si un ministre a dit cela, c'est qu'il s'agit d'une politique.» Nous ne cherchons qu'à convaincre ces gouverne ments de modifier leur attitude.

Un citoyen canadien devrait pouvoir circuler partout à l'intérieur du Canada sans restriction. Nous faisons la promotion de la mobilité, du libre-échange et d'une économie mondiale, mais nous cherchons à empêcher les gens de sortir de chez eux. Ce n'est pas juste.

Vous pourriez vous attendre à tout le moins à ce que les gens soient libres de se déplacer dans notre pays. On n'a jamais eu de problème avec la restriction de huit mois parce que très peu de gens faisaient ça ou en abusaient. Si les gens s'absentent pour six mois, je pourrais vous parler longtemps de ce que cela représente comme valeur.

La plus importante somme que je dépense pendant tout l'hiver c'est l'argent que je renvoie au Canada pour mes impôts. Même si je ne suis pas ici, nous payons pour l'infrastructure et des choses que nous n'utilisons pas. Personne ne s'en plaint. Il devrait y avoir de la souplesse.

Aucune province ne l'applique vraiment, mais s'il devait y avoir une situation catastrophique, ou quelqu'un a d'énormes ennuis de santé et la province reçoit une grosse facture, la province a ce règlement qui dit que vous ne pouvez vous absenter plus de six mois de la province. Alors, vous vous dénoncez parce que vous devez signer un formulaire du type affidavit attestant que c'est la vérité. Les règlements pourraient vous priver de votre demande de remboursement. C'est correct.

Le sénateur Callbeck: Connaissez-vous une province où vous pouvez faire remplir vos ordonnances pour les six prochains mois?

M. Jackson: Oui, en Ontario. La raison qui explique nos succès en Ontario, c'est que nous avons énormément de membres là-bas, l'Ontario étant la plus grande province du Canada en fait de population, et les frais d'exécution ne les préoccupaient pas. Ils nous ont dit: «Très bien, nous allons vous donner un approvisionnement de 100 jours». Ils ont modifié leurs règlements pour préciser cela. Vous avez droit à un deuxième approvisionne ment de 100 jours si vous partez en voyage. Il n'y a aucun problème.

Il y a d'autres provinces qui autorisent la personne à emporter ses médicaments d'ordonnance. Par exemple, le Nouveau- Brunswick parle d'un programme de médicaments pour personnes âgées. Le seul programme de médicaments pour personnes âgées que nous avons est destiné aux personnes qui reçoivent un supplément de revenu garanti. Toutes les autres doivent fournir leur propre programme.

Au Nouveau-Brunswick, par l'entremise de la Croie Bleue, vous avez accès à un deuxième approvisionnement de 100 jours. Vous le payez et on vous rembourse plus tard. Le Manitoba va faire la même chose. Chaque province a une petite variante. Il y en a encore qui s'en tiennent à la limite de temps à l'extérieur de la province et à la question des médicaments d'ordonnance. Nous ne parlons pas de médicaments comme la morphine et des choses du genre. Vous ne donneriez jamais à qui que ce soit un approvisionnement de six mois d'un tel médicament.

J'ai appris d'expérience personnelle l'année dernière à quel point c'est important. J'ai eu ce qu'ils appellent une fibrillation de l'atrium. On m'a hospitalisé, et je prenais du Cumidin, un anticoagulant, du poison pour les rats. J'en ai pris pendant deux mois et mon cardiologue a dit que je pouvais cesser d'en prendre. Quatre ou cinq jours plus tard, j'ai eu une autre attaque de fibrillation de l'atrium, qui n'était pas reliée au fait que j'avais cessé de prendre le Cumidin, et on m'a hospitalisé de nouveau pour neuf jours.

Au bout de quatre jours, mon coeur était revenu à la normale. On m'a gardé cinq jours de plus pour ramener mon sang à un niveau thérapeutique. J'ai demandé «Pourquoi? Il était à un niveau thérapeutique. Il l'avait été pendant deux mois, jusqu'à quatre ou cinq jours avant mon hospitalisation». L'infirmière m'a dit que si je ne prenais pas mon médicament pendant trois jours, je perdais tout l'effet bénéfique acquis. Je suis convaincu qu'il y a d'autres médicaments qui agissent de la même façon.

Comme m'ont dit les autorités ontariennes: «C'est tout simplement logique sur le plan de la santé d'autoriser les gens à emporter les médicaments dont ils ont besoin pour contrôler leur diabète ou leurs problèmes cardiaques ou peu importe».

Le sénateur Callbeck: Votre priorité, c'est de faire de la recherche au sujet des femmes. Quels domaines particuliers de recherche allez-vous choisir?

Mme Malone: Un grand nombre des projets de recherche qui ont déjà été réalisés portaient sur les hommes de 40 à 60 ans. On a très peu fait de recherches sur les femmes âgées et la possibilité de prévention des cancers et de l'ostéoporose par le biais de divers programmes, par exemple, des unités sanitaires mobiles.

L'Université du Nouveau-Brunswick fait de la recherche, et je travaille avec St. Thomas dans le cadre d'un programme de recherche qui inclut des hommes et des femmes. Nous espérons qu'il y aura un peu plus de recherches pour nous donner des indicateurs de la prévention des conditions de santé. Nous nous rendons compte que les gens vivent plus vieux et retournent travailler dans la deuxième phase de leur vie, font du bénévolat et restent actifs et en santé.

La vice-présidente: Caporal Gallagher, nous avons eu des gens de partout au pays qui nous ont parlé de cette question, et parfois c'est pour des problèmes différents. Le problème que vous avez eu est une consommation excessive d'un médicament d'ordon nance. Il y a d'autres régions du Canada où des gens se font prescrire trop de médicaments parce qu'ils consultent des médecins et ne savent plus quels médicaments ils vont prendre.

Plusieurs témoins ont proposé, à défaut d'un meilleur terme, une carte à puce de santé que les gens ont sur eux, comme leur numéro d'assurance sociale. Cette carte comporterait certains renseignements de santé qui les protégeraient. Ils décideraient des renseignements qui y sont enregistrés, mais la carte empêcherait les gens de voir quatre médecins différents et quatre emplace ments différents et quatre pharmacies différentes et de faire remplir des ordonnances.

Est-ce que votre service de police a étudié ce modèle? Il y a des endroits aux États-Unis où on a utilisé cette carte à puce. Est-ce que cela vous aiderait dans votre travail?

Le Cpl Gallagher: Oui, très certainement. Nous avons rendu ce problème public il y a environ deux mois. Depuis, nous avons eu une assemblée publique à Miramichi et nous avons constitué un comité. Le comité s'est réuni une fois la semaine dernière et cette idée a été mentionnée lors de la réunion. Des membres du comité feront des recherches à ce sujet et en feront rapport dans deux semaines. Cela semble un très bon plan.

Nous encourageons aussi l'éducation permanente pour les médecins qui prescrivent ces médicaments puissants. Nous avons des médecins dans les régions rurales de la province qui pratiquent depuis un certain temps déjà et qui ne sont peut-être pas au courant de la gravité de ces médicaments. Avec l'aide de la carte à puce et d'un peu d'éducation, je pense que nous pouvons faire une différence.

La vice-présidente: Monsieur Jackson, outre la protection, ou le manque de protection, fournie par certaines provinces, quel montant en moyenne doit verser un retraité migrateur lorsqu'il n'a pas d'autres assurances comme la Croie Bleue? Quelle somme en moyenne payez-vous en sus?

M. Jackson: Tout dépend de l'âge et de l'état de santé. Le programme d'assurance que nous entérinons comporte trois niveaux: standard, privilégié et privilégié plus. Le privilégié plus est celui qui coûte le moins cher. Il serait de l'ordre de 1 000 à 15 000 $. Ces gens pourraient se le permettre, et s'ils ne peuvent pas se le permettre, ils ne partent pas. C'est ma préoccupation.

Les choses que je défends au nom de l'association sont des choses dont je pourrais probablement me passer. Si votre gouvernement dit: «Vous ne pouvez vous absenter de la province que 90 jours, sinon vous n'avez plus droit à vos soins de santé», peu importe l'argent que vous avez, ça n'a pas d'importance. Vous êtes cuit. La raison pour laquelle je défends ces points, c'est pour ceux qui ne peuvent pas se le permettre. Les obstacles sont tellement nombreux.

Lorsque j'étais jeune, seulement quelques personnes dans ma collectivité pouvaient aller en Floride pendant l'hiver. C'était évidemment les plus riches. Depuis quelques années, n'importe qui pouvait y aller et c'était fantastique. Les gens devraient pouvoir aller là où ils veulent. Le pendule est maintenant de l'autre côté, c'est-à-dire que seuls les plus riches pourront se le permettre. C'est malheureux car cela ne devrait pas être ainsi.

Il y a de bien nombreux autres aspects, à part ceux dont nous parlons, qui n'ont pas beaucoup d'importance quand vous prenez la vue d'ensemble, mais c'est le dernier clou dans le cercueil, en quelque sorte.

Il y a le taux de change, le coût élevé de votre assurance à l'extérieur du pays et les faibles taux d'intérêt versés, de sorte que les gens trouvent cela plus difficile.

La vice-présidente: Cela ne fait que deux ans que ma mère, qui a 91 ans, est dans un établissement de soins. Auparavant, elle a joui d'au moins 15 années de grande qualité de vie et je suis convaincue que c'est parce qu'elle allait en Floride.

Nous vous remercions chacun d'avoir pris le temps de venir nous faire part de vos opinions. Nous avons reçu une avalanche de renseignements, mais nous avons tout lu et nous avons d'excellents attachés de recherche qui, si nous ratons quelque chose, nous le signaleront. Ces renseignements vont se retrouver dans notre rapport et nos recommandations.

Je demanderais au groupe de témoins suivant de s'avancer à la table. Nous reconnaissons quelques visages familiers, notamment, du Syndicat canadien de la fonction publique au Nouveau- Brunswick, Raymond Léger. Je pense que nous l'avons rencontré hier. Nous avons M. Rex Guy, le président de l'Association nationale des retraités fédéraux. Je l'ai rencontré à l'assemblée annuelle à Ottawa. J'ai d'ailleurs prononcé une allocution à l'occasion. De l'Union des Indiens du Nouveau-Brunswick nous avons Wanda Paul Rose et Nelson Solomon, directeur de la santé. Nous accueillons Roxanne Tarjan, directrice générale de l'Association des infirmières et infirmiers du Nouveau-Bruns wick.

Je demanderais à chacun et chacune d'entre vous de se présenter et nous passerons directement aux questions. Je vais commencer par M. Rex Guy, des retraités fédéraux.

M. Rex G. Guy, président national, Association nationale des retraités fédéraux: Madame la présidente, tel que vous l'avez mentionné, nous avons eu le plaisir de vous entendre lors de notre congrès triennal en août dernier. Je suis heureux de signaler que les membres ont été vivement impressionnés par vos propos et par le travail important que fait votre comité.

Je suis le président national de l'Association nationale des retraités fédéraux. Roger Heath, notre agent de recherche pour les questions de santé, m'accompagne. Également, derrière moi, se trouvent le directeur régional pour la Nouvelle-Écosse ainsi que plusieurs membres de la section locale. Nous avons donc une assez bonne délégation.

L'association, comme vous le savez, représente les pensionnés de la fonction publique, des Forces canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada. Elle compte plus de 120 000 membres répartis en 80 sections à travers le Canada. Les questions dont vous traitez nous intéressent au plus haut point. J'ai un exposé à votre intention, que je ne suis pas autorisé à vous présenter m'a-t-on dit, mais nous sommes prêts à répondre à vos questions le moment venu.

La vice-présidente: Je dois signaler que je sais qu'il y en a un certain nombre d'entre vous qui viennent à Ottawa et que nous tiendrons d'autres audiences là-bas. En fait, un bon nombre d'entre vous pourraient être invités de nouveau.

M. Guy: J'ajouterais que nous avons remis au comité un mémoire.

La vice-présidente: C'est exact. Je vais maintenant passer à M. Solomon et à Wanda Paul Rose de l'Union des Indiens du Nouveau-Brunswick.

Mme Wanda Paul Rose, coordinatrice, Union des Indiens du Nouveau-Brunswick: Honorables sénateurs, l'Union des In diens du Nouveau-Brunswick représente quelques 10 000 Au tochtones de 14 Premières nations micmaques et malécites. Les Autochtones de ces Premières nations qui vivent hors réserve relèvent également de l'Union des Indiens du Nouveau-Bruns wick. Les Premières nations du Nouveau- Brunswick représentées sont Eel Ground, Indian Island, Fort Folly, Kingsclear, St. Mary's, Eel River Bar, Boutouche, Woodstock, Oromocto, Madawaska Maliseet, Pabineau et Red Bank. L'UINB représente également Lennox Island et Abegweit, qui sont des Premières nations de l'Île-du-Prince-Édouard.

Les activités de l'Union des Indiens du Nouveau-Brunswick sont sous la direction des chefs de ces 14 Premières nations.

La vice-présidente: Je cède maintenant la parole à Roxan ne Tarjan, directrice générale de l'Association des infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick. Évidemment, nous avons votre mémoire, Roxanne.

Mme Roxanne Tarjan, directrice générale, Association des infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick: L'Associa tion des infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick est heureuse de l'occasion qui lui est donnée. En tant que directrice exécutive, je représente 8 700 infirmières et infirmiers de la province du Nouveau-Brunswick. Nous vous avons fait parvenir un mémoire. Bien que nous ayons diverses opinions sur la réorganisation du système de soins de santé pour l'avenir, nous nous sommes concentrés sur trois secteurs: les soins de santé primaires, le financement, et les ressources humaines en soins infirmiers. Je suis convaincue que vous identifierez les détails et aborderez les domaines qui vous intéressent. Merci.

La vice-présidente: La Dre Margaret Dykeman, de la Faculté des sciences infirmières de l'Université de Nouveau-Brunswick, a également fait un excellent exposé ce matin.

Le dernier mais non le moindre, M. Léger, que nous avons vu hier alors que nous parlions de l'Île-du-Prince-Édouard. Aujourd'hui, c'est le Nouveau-Brunswick. Monsieur Léger, vous avez la parole.

[Français]

M. Raymond Léger, représentant de la recherche, Syndicat canadien de la fonction publique du Nouveau-Brunswick: La présidente des Syndicats canadiens de la fonction publique du Nouveau-Brunswick, Mme Susan Barton a dû s'excuser pour se rendre à Ottawa d'urgence. Il est intéressant de voir qu'il a surtout des femmes sénateurs dans ce comité. Il serait bien d'avoir un meilleur équilibre à la Chambre des communes.

Le Syndicat canadien de la fonction publique du Nouveau- Brunswick dans le secteur de la santé représente surtout des personnes qui travaillent dans les hôpitaux, les foyers de soins et dans le secteur des ambulanciers où l'on retrouve des opérateurs privés dans certaines régions. Nous représentons également une dizaine de foyers pour les personnes handicapées.

Brièvement, notre mémoire fait référence surtout aux secteurs hospitaliers et des foyers de soins où l'on retrouve des problèmes de financement ainsi que de prestation de services. Suite à ces problèmes, la direction prise par ces secteurs demeure une préoccupation très importante pour nous. On retrouve le même phénomène dans les foyers de soins à long terme pour les personnes âgées. Dans ce secteur, on constate une surcharge de travail toujours croissante.

Le résultat d'une surcharge de travail dans le secteur publique mène à un manque de soins adéquats. Par exemple, dans notre mémoire au volet des soins à longs termes pour les personnes âgées on se réfère à des études, en particulier, aux États-Unis qui indiquent que l'on doit consacrer aux patients au moins 3,5 heures par jour, alors qu'au Nouveau-Brunswick, on leur consacre que 2,5 heures.

On fait la comparaison des critères utilisés par le ministère des Anciens Combattants. Le fédéral alloue des fonds à la province ou à des corporations hospitalières comme à Moncton où ils donnent beaucoup plus d'heures par patient en terme de financement.

Pour conclure, on mentionne le danger de la privatisation des institutions. Par exemple, nourrir un patient à l'hôpital de Saint-Jean coûte plus de 20 dollars par jour parce que c'est un service privé, et dans les hôpitaux de Moncton, cela est beaucoup moins chère parce qu'on a gardé le service publique.

[Traduction]

Le sénateur Cook: J'ai une question pour Wanda Paul Rose ou M. Solomon. Je constate à la page 4 de votre mémoire où vous parlez de l'éducation pour les Autochtones, que vous dites: «Nos peuples devraient avoir droit aux bourses d'études canadiennes du millénaire, mais ce n'est pas le cas pour l'instant». Pourriez-vous nous dire pourquoi c'est ainsi?

M. Norville Getty, expert-conseil, Union des Indiens du Nouveau-Brunswick: Le problème actuel est que les personnes qui se qualifient pour les bourses d'études du millénaire sont celles qui ont des prêts étudiants, et les bourses sont créditées à leurs prêts. Habituellement, les Autochtones n'ont pas besoin de prêts étudiants pour leurs études. Par conséquent, on ne les considère pas pour les bourses du millénaire.

Le sénateur Cook: Me dites-vous que les seules personnes admissibles aux bourses d'études canadiennes du millénaire sont celles qui ont des prêts étudiants?

M. Getty: Selon ce que je comprends, les personnes qui se qualifient pour les bourses du millénaire ont reçu des prêts étudiants et les bourses s'appliquent habituellement à ces prêts.

Le sénateur Cook: Aux prêts étudiants actuels?

M. Getty: C'est exact.

Le sénateur Cook: Je trouve cela étonnant.

Le sénateur Robertson: Je ne le savais pas. C'est un renseignement intéressant au sujet de nos étudiants autochtones.

J'ai une autre question, soit pour M. Solomon ou pour vous, monsieur. Une des recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones est d'élaborer une stratégie sur les préoccupations dans le domaine de la santé. Y a-t-il du nouveau? Y a-t-il des progrès quant aux recommandations de la commis sion?

M. Getty: Que je sache, madame le sénateur, le seul ministère fédéral qui fasse quoi que ce soit au sujet des recommandations de la commission royale est le ministère des Affaires indiennes. Le ministère de la Santé ne s'est pas vraiment préoccupé de la question.

Le sénateur Robertson: Merci beaucoup de cette information. J'aurais une autre question pour l'un de vous. Combien de nos jeunes autochtones au Nouveau-Brunswick ont suivi une forma tion ou oeuvrent dans le domaine de la prestation des soins de santé? Je parle de médecins, d'infirmiers et d'infirmières, d'infirmières auxiliaires autorisées, techniciens ou techniciennes de laboratoire, et tout le reste. Avez-vous un nombre approxima tif, si vous n'avez pas le chiffre exact?

M. Nelson Solomon, directeur de la santé, Union des Indiens du Nouveau-Brunswick: Nous avons un médecin et probablement une demi-douzaine d'infirmières.

Le sénateur Robertson: Pensez-vous que vos collectivités seraient mieux desservies s'il y avait un plus fort pourcentage de jeunes qui étaient formés pour travailler avec les leurs?

M. Solomon: Oui, en effet.

Le sénateur Robertson: Est-ce que les recommandations de la commission vous donnent des idées sur la façon de faire? Si vous n'avez pas entendu parler du ministère de la Santé, je suppose qu'il n'y a rien proposé. Est-ce le cas? Cela me semble logique.

M. Getty: Je ne pense pas que le rapport de la commission royale traitait vraiment de cette question. Il portait de façon générale sur l'amélioration de l'éducation et de certaines questions liées à l'éducation, mais il ne parlait pas d'une façon précise d'une profession ou d'une catégorie de la santé.

Le sénateur Robertson: Monsieur Léger, nous nous sommes rencontrés avec certains représentants du SCFP au cours des 12 derniers mois environ. Je pense connaître vos opinions assez bien pour avoir lu différents exposés de principes. J'aimerais vous poser la même question que j'ai posée à quelqu'un d'autre du SCFP. Il existe une liste élargie des services de soins de santé que vous aimeriez voir dans les collectivités, si je comprends bien, notamment l'assurance-médicaments, les services de santé com munautaire et d'autres. Une des propositions que nous avons reçues comportait une liste. Comment vous proposez-vous de payer pour ces services supplémentaires?

M. Léger: Payer pour ces services est certainement un problème étant donné que dans certaines régions, si nous n'y envoyons pas plus d'argent, nous risquons de perdre ce que nous avons. Dans notre mémoire, probablement celui pour l'I.-P.-É. et le Nouveau-Brunswick, nous disons qu'il y a érosion d'une partie des soins directs aux patients de sorte qu'il y a vraiment danger. Nous citons même un des ministres de la Santé de cette province qui dit que l'une des causes est la nouvelle technologie. Si vous achetez une IRM ou une autre nouvelle technologie, cela entraîne une dépense en immobilisations, mais il y a aussi un coût associé au fonctionnement de toutes ces nouvelles machines. Par conséquent, nous estimons que des sommes additionnelles devraient être fournies, et c'est une question de priorité, particulièrement pour ce qui est du gouvernement fédéral. Nous croyons qu'il doit jouer un rôle important.

Il y a d'autres exemples, tel celui illustré dans le tableau de notre mémoire. Il indique que lorsque le Nouveau-Brunswick a perdu de l'argent au profit du gouvernement fédéral, la province a continué d'augmenter son budget global de la santé. Vous constaterez que dans certains secteurs, en particulier les hôpitaux et les ambulances, il y a eu une forte augmentation tandis que dans d'autres, comme les soins aux personnes âgées dans des maisons de soins infirmiers, le budget est demeuré essentiellement le même. En fait, si vous tenez compte de l'inflation, il a diminué. Parce que c'était une priorité, certaines provinces ont remplacé l'argent perdu au profit du gouvernement fédéral, ce qui n'a pas provoqué d'effets dévastateurs. Nous croyons que le gouver nement fédéral pourrait consacrer un peu plus d'argent à la santé. En même temps, nous nous opposons aux réductions d'impôts, par exemple, qui se font partout. Nous estimons que la conjoncture ne s'y prête pas, alors que nous avons besoin d'argent dans la santé en particulier, parce que c'est la priorité pour la plupart des Canadiens. Je pense qu'il est possible de parvenir à un équilibre en consacrant plus d'argent à la santé. En même temps, nous pensons qu'il y a d'autres secteurs d'imposition qui permettraient d'obtenir ces recettes. Nous ne proposons pas un déficit énorme, mais en même temps, il est toujours possible de parvenir à un équilibre si vous dites que la santé est une priorité. Je pense que la santé doit être la priorité.

Le sénateur Robertson: Compte tenu qu'à l'origine il y a avait un partage à parts égales entre le gouvernement fédéral et les provinces, et que c'est maintenant descendu à une moyenne de 17 p. 100, et dans certaines provinces 11 p. 100, quel rôle concevez-vous pour le gouvernement fédéral? Est-ce que votre syndicat a demandé une position ferme à l'égard du financement fédéral? Quel rôle devrait jouer le gouvernement fédéral?

M. Léger: La récente position de notre syndicat n'a pas été de revenir à un financement fixe. Nous nous sommes opposés à son retrait il y a bien des années, mais c'est alors devenu pratiquement impossible de le ramener. Nous nous inquiétons vraiment de certaines données produites par l'Institut canadien d'information sur la santé, qui convertit tout en dollars de 1992. Si vous examinez tout cela, il y a soit une diminution, soit les mêmes dépenses à peu près partout, que ce soit du côté fédéral ou du côté provincial. Il devient impossible de faire ce qu'il faut dans le domaine de la santé. Il faut qu'il y ait une formule qui permette de faire augmenter continuellement le budget, à tout le moins qu'il suive l'inflation, et aussi pour couvrir les pertes. Vous verrez, dans certains tableaux que nous avons produits pour l'I.-P.-É. et le Nouveau-Brunswick, lorsqu'il y a quelques années avec des pertes importantes, même s'il y a augmentation par la suite, c'est difficile de continuer de fournir les mêmes services sans nouvel argent.

Le sénateur Robertson: Presque impossible.

J'ai une petite question pour Roxanne Tarjan. Compte tenu de la nécessité d'une plus grande intégration des professionnels de la santé, dans le cadre de laquelle les infirmiers et infirmières accompliront davantage que la pratique familiale à l'heure actuelle, et que les infirmières et infirmiers auxiliaires autorisés accompliront davantage que ce que vous faites, on croit fermement qu'une structure différente aiderait à soulager la pénurie de personnel de certaines façons. Votre association a-t-elle réussi à discuter de ces questions, par exemple, avec l'Association médicale ou les IAA? Avez-vous fait des pas dans cette direction?

Mme Tarjan: C'est un dialogue permanent. Il y a évidemment des progrès. Je pense que ce qui anime tous les prestataires des soins de santé d'un système, c'est de garantir la qualité et la sécurité des soins aux clients. Je pense que si vous séparez la question du champ d'activité qui évolue des notions et principes sur lesquels le système de soins de santé sera organisé, il perd son cachet. Nous croyons fermement que nous n'aurons un système de santé viable au Canada que si nous adoptons les principes liés aux soins de santé primaires.

Si je peux reprendre les observations d'autres témoins au sujet du financement, il y a énormément de données de recherche qui appuient la thèse selon laquelle si nous ne sommes pas prêts à investir dans un système qui se détache de la spécialisation, des soins axés sur la maladie au profit de soins axés sur les clients, de soins axés sur le mieux-être qui comprend un cadre complet de programmes portant sur la promotion de la santé, le mieux-être et les soins de soutien et de rétablissement, nous n'y parviendrons pas.

Nous avons lu l'information que vous avez diffusée, et le Comité sénatorial a fait un travail énorme. On doit d'ailleurs l'en féliciter. Nous nous inquiétons de l'équilibre des résultats du Forum national sur la santé. Les Canadiens, des citoyens ordinaires comme des spécialistes, ont participé à cet exercice. Ils ont validé le principe de la conception d'un système de prestation de soins de santé pour le Canada et ils l'ont développé. Le système se fonde sur le principe de qui nous voulons être en tant que Canadiens et Canadiennes. Nous voulons vivre dans une société où chacun et chacune a un accès égal, quelle que soit sa capacité de payer. Nous nous heurtons toujours à cet obstacle, de savoir comment nous allons payer pour cela. Je ne crois pas que nous ayons pleinement impliqué nos concitoyens à parler de ce qu'il nous en coûtera pour réaliser cela, puis à la façon dont cet investissement procurera des avantages, réduira la nécessité de services de santé dispendieux et créera des Canadiens plus en santé.

La vice-présidente: C'est ce que nous avons entendu d'un océan à l'autre. Quelle que soit la province où nous nous trouvons, cela résume le point de vue d'un grand nombre de gens.

Le sénateur Cook: Monsieur Solomon, je consulte votre mémoire et je vois que vous nous dites que vous représentez quelque 10 000 Autochtones, et que dans toute cette population il n'y a qu'un médecin et quelques infirmières. Je me demande si vous pourriez nous faire part de la nature des obstacles. Est-ce seulement par choix, ou y a-t-il des obstacles systémiques et, le cas échéant, avez-vous des suggestions sur la façon de les éliminer?

M. Solomon: Oui, je crois que les obstacles commencent dès l'école secondaire, où un grand nombre de nos étudiants autochtones sont orientés vers des professions de moindre envergure et surtout pas dans les sciences et les programmes de santé. Par conséquent, cela crée un problème lorsque nous voulons aller à l'université. Ils n'ont pas les cours nécessaires pour être admis. Lorsqu'ils obtiennent leur diplôme d'études secondaires, ils doivent y retourner s'ils veulent aller dans ces professions, et suivre leurs programmes de sciences et tout le reste. Je pense que c'est au niveau des écoles qu'un grand nombre de nos enfants sont orientés vers des professions de moindre envergure. Comment pouvons-nous résoudre le problème? Je ne le sais pas.

Le sénateur Callbeck: Merci à tous d'être venus. Il est malheureux que nous ayons des contraintes de temps car j'aurais certainement aimé entendre vos exposés. Je n'ai eu que quelques minutes pour les parcourir rapidement.

Monsieur Guy, votre première recommandation est «... gouver nements stimulent la participation éclairée des ménages et de leurs organisations». Pourriez-vous développer?

M. Guy: Je vais demander à M. Heath de le faire.

M. Roger Heath, agent de recherche et des communica tions, Association nationale des retraités fédéraux: Selon la définition donnée dans le quatrième rapport du comité, le système de soins de santé inclut les hôpitaux, les médecins et les choses pour lesquelles le gouvernement paie. Comme on l'a signalé, 30 p. 100 des fonds consacrés à la santé viennent des particuliers ou de leurs programmes d'assurance. Nous rappelons au comité que 70 p. 100 vient également des ménages, par le biais des taxes. La plupart des chefs de ménage à qui j'ai parlé ne se préoccupent pas de savoir s'il s'agit d'impôts fédéraux ou provinciaux, bien que cela semble attirer énormément d'attention. Le fait est que les chefs de ménage ne sont pas uniquement importants parce que ce sont eux qui en réalité dépensent plus que le gouvernement fédéral; ils sont importants parce qu'ils participent à leurs soins et on doit en tenir compte dans la discussion en rapport avec leurs soins. Les ménages n'incluent pas seulement les particuliers, mais aussi les associations comme la nôtre, les pharmaciens qui nous fournissent les médicaments, et les compagnies d'assurance et employeurs qui fournissent notre assurance-maladie et qui jouent un rôle important dans les questions liées à la santé de la population. Il y a une foule de services du genre qui viennent du lieu de travail.

La recommandation dit que si vous voulez un programme national de soins de santé, vous devez inclure toute cette expertise et toute cette expérience.

Les gouvernements fédéral et provinciaux ne laissent pas cette partie de l'économie, de la population, participer à l'élaboration de la politique. Nos trois autres recommandations, que M. Guy voudra peut-être revoir avec vous, partent toutes du point de vue d'un seul système de santé pour les Canadiens. Il comprend quelques parties du système qui relèvent des gouvernements et quelques parties qui sont payées par le secteur privé. Du moment que vous reconnaissez que nous paierons des taxes, que nous débourserons de l'argent pour faire des achats, alors il importe peu qui paie quoi. Ce qui compte, c'est l'efficacité et l'équitabili té. Sous cet angle, bien des choses changent.

Le sénateur Callbeck: Si je reviens à votre première recommandation, vous dites «... recommande que les gouverne ments stimulent la participation éclairée...». Comment proposez- vous que les gouvernements fassent cela?

M. Heath: Tout d'abord, en permettant à des groupes comme ceux qui ont comparu devant vous aujourd'hui de participer aux forums dans le cadre desquels la politique est établie. Ensuite, nous recommanderions que le gouvernement prenne des disposi tions pour que soient donnés des cours à temps partiel dans les collèges communautaires ou les universités de façon à ce que les représentants de ces associations puissent se mettre à jour et puissent faire valoir leur point de vue qui est différent, je pense, de celui des administrateurs gouvernementaux, mais avec une partie des connaissances des administrateurs. Si tout ce que nous pouvons faire à ce sujet c'est d'y penser une fois par année parce qu'un comité comme le vôtre mène une autre étude, nous n'aurons ni les connaissances ni la capacité de vraiment comprendre les enjeux et de faire la contribution que nous devrions, dont le système a un grand besoin.

Le sénateur Callbeck: Madame Tarjan, je relève une phrase dans le mémoire de l'association où il est dit: «le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership et doit contribuer à la coordination des mesures à prendre pour résoudre le problème de pénurie d'infirmières immatriculées». Que proposeriez-vous qu'il fasse?

Mme Tarjan: Nous avons concentré nos recommandations. Il y a un comité consultatif national. Il y a en ce moment une étude sur le secteur des soins infirmiers à l'égard de laquelle, au moment où nous nous parlons, les signataires s'engagent à poursuivre. Ce sera un processus très exhaustif qui s'étalera sur deux ans. Des recherches importantes ont été réalisées dans notre pays.

Du point de vue des soins infirmiers, nous avons déjà les preuves de ce qui fonctionne et des investissements à faire. Il faut investir dans l'éducation, dans l'éducation permanente, dans le contrôle de la population active, et dans un nombre de soutiens suffisants pour veiller à ce que ces travailleurs du savoir puissent contribuer toute la valeur de ce dont ils sont capables dans le système. On nous a lancé un défi ces 10 dernières années, compte tenu que cette pénurie a évolué, en affirmant que nous n'avons pas de preuves. Que ce sont toutes des preuves américaines. Eh bien, ce n'est plus le cas. Des centres de recherche à McMaster et à Toronto produisent les preuves canadiennes qui établissent la même chose. Tout dans la discussion sur les services de santé et leur financement est intimement relié.

Pour revenir aux observations des autres témoins au sujet des coûts, on nous a accusés nous, les infirmières, de dire que les dépenses avaient été réduites. En réalité, il y a eu augmentation des dépenses dans les soins de santé d'un bout à l'autre du pays. L'accent étant mis sur la réorganisation et les coûts des soins de haute technologie, les interventions très dispendieuses et le manque de souplesse dans le financement du système, où ont-ils pu comprimer? Ils ont examiné la prestation du service, supprimé cinq lits dans cette unité, quatre dans une autre, fermé celle-ci et combiné des services. Ils ont créé un environnement de travail qui produit pratiquement l'effectif le plus malade au Canada et des niveaux élevés de blessures, encore plus que chez nos débardeurs, et c'est en raison du changement massif.

Nous croyons que nous avons pris les bonnes décisions en ce qui concerne les soins de santé. Nous devons amener les soins dans la collectivité. Nous devons permettre aux gens de maintenir la meilleure qualité de vie possible pour le plus longtemps possible. Quelle a été l'incidence de tout cela sur notre système de soins de courte durée? On nous a accusées de dire que les gens sont plus malades, qu'ils ont toujours été malades. Le système de soins de courte durée n'a pas un équilibre de personnes qui ont pratiquement récupéré et qui sont prêtes à recevoir leur congé, de certaines qui sont au milieu de leur rétablissement et d'autres qui sont très malades. Nous les avons toutes. La durée du séjour a été réduite de façon incroyable. Par conséquent, une grande partie de nos discussions sur les soins de santé porte sur le système des soins de courte durée.

Nous croyons qu'il y a des façons de mieux gérer cela. Il faut investir dans l'amélioration du milieu de travail. Un des plus gros problèmes pour ce qui est de recruter et de conserver des infirmières est, si ce n'est pas un endroit raisonnable pour travailler, lorsque les gens peuvent se sentir interpeller, avoir l'impression de contribuer, de retourner chez soi satisfaits du travail, pourquoi est-ce qu'un jeune homme intelligent ou une jeune femme intelligente envisagerait cette carrière?

Si je puis ajouter aux observations des autres témoins lorsque vous avez demandé de quelle façon le gouvernement fédéral pourrait faire cela, le système des soins de santé primaires donne le modèle. La prestation des services de santé est ramenée à un niveau micro. Vous avez une discussion axée sur la population dans les collectivités, une identification des besoins, et des services conçus uniquement pour y répondre, et que la collectivité est prête à supporter. Je dirais que lorsque cela répond à leurs besoins, les gens sont bien plus prêts à payer. Les problèmes de notre système de soins de courte durée ne disparaîtront pas tant que nous n'investirons pas pour créer une meilleure santé chez les Canadiens. Si nous ne le faisons pas, nous continuerons à voir augmenter les coûts.

Mon mari travaille pour un ministère, Ressources naturelles. Lorsque vient le temps du budget chaque année, nous avons cette discussion chez nous qu'étant donné que les coûts de la santé continuent de croître, d'où vient l'argent? Il vient des autres ministères. Santé ne peut pas soutenir cette croissance. Si la tendance se maintient, le Nouveau-Brunswick y consacrera pratiquement toutes ses ressources. Ce changement sera très difficile à créer, mais c'est la seule chose qui fera une différence.

Le sénateur Callbeck: Je comprends ce que vous dites au sujet de la réforme des soins de santé primaires. Je n'ai posé la question que parce que je voulais voir exactement ce que vous en pensiez.

Monsieur Solomon ou monsieur Getty, dans votre première recommandation, je vois une nouvelle taxe à l'égard des transactions financières. Faites-vous référence à la «taxe Tobin»?

M. Getty: Oui.

Le sénateur Callbeck: Je lis ici que ce ne serait pas difficile, mais j'ai toujours cru entendre que ce le serait. Avez-vous des renseignements qui permettent de croire que ce serait facile?

M. Getty: Les seuls renseignements que nous ayons, c'est que les transactions financières sont toutes suivies maintenant. Lorsque des actions sont achetées ou vendues, des systèmes informatisés en assurent le suivi. En toute logique, tout indique que ce ne serait pas très difficile à suivre et à faire en sorte que la taxe est prélevée.

Le sénateur Callbeck: Je ne connais pas les tenants et aboutissants. La question a été soulevée à une autre réunion mais on l'a éliminée parce qu'on disait que c'était trop difficile à suivre.

M. Getty: Eh bien, les services du renseignement du gouvernement peuvent suivre des conversations. Je ne vois pas ce qu'il y aurait de si difficile à suivre des transactions financières, d'autant plus que c'est tout informatisé.

Le sénateur Léger: Ma question s'adresse à M. Solomon. Je lisais une phrase dans le document: «il n'existe aucune disposition pour nos aînés et nos guérisseurs traditionnels ou nos chefs spirituels pour aider dans le processus de guérison». Ce matin, nous avons beaucoup discuté des soins extra-muraux. Y avez- vous accès? Je suppose qu'il y en a partout dans la province. Compte tenu de votre spécialité, de vos aînés, de votre langue et de votre processus de guérison, une formule comme celle-là vous donne-t-elle ce que vous êtes censé avoir?

M. Solomon: Eh bien, je crois qu'on a recours aux aînés dans les hôpitaux en Colombie-Britannique et ils ont eu des résultats manifestes pour des clients qui ont semblé s'améliorer plus rapidement. Je sais qu'on n'a pas recours aux aînés ici. J'ai eu une réunion avec les autorités de la Région 3 il y a deux semaines pour essayer d'engager un agent ou une agente de liaison autochtone qui travaillera avec les patients et qui aidera peut-être aussi pour ce qui est de la langue et de tout le reste. C'est à tout le moins un pas dans la bonne direction.

Le sénateur Léger: Parfait. C'est peut-être un pas en rapport à ce concept extra-mural dont nous avons discuté ce matin. Autrement dit, ce sont des personnes âgées qui reçoivent des soins à domicile. Je me demandais si vous aviez cela.

M. Solomon: Oui. En fait, l'Union des Indiens du Nouveau- Brunswick offre des programmes de formation pour les travail leurs oeuvrant dans le domaine des soins à domicile, et la Croix-Rouge donne la formation à ces personnes qui retournent dans les collectivités et travaillent avec les aînés. Oui, nous avons commencé cela. Depuis l'année dernière.

La vice-présidente: En guise de conclusion, nous avons entendu des témoins en Colombie-Britannique dire que les aînés suivent leurs clients tout au long de leur cheminement dans le système de soins de santé et le système hospitalier et à leur retour dans les collectivités en les aidant à composer avec cela.

Ceci dit, chers collègues, notre séance tire à sa fin.

Monsieur Guy, aviez-vous autre chose à ajouter, rapidement?

M. Guy: Très rapidement, madame la présidente. Pour atténuer ma déception de n'avoir pu faire mon exposé, puis-je vous en remettre une copie? C'est en complément de notre mémoire.

La vice-présidente: En réalité, nous avions votre mémoire. Oui, vous pouvez certainement le faire. Ce sera versé au compte rendu. Nous avons reçu votre mémoire tôt ce matin, ce qui est très bien, parce que la plupart d'entre nous ont eu la chance de le lire.

Le sénateur Robertson: À ce sujet, tous les mémoires seront remis à l'attaché de recherche en chef qui les analysera minutieusement.

La vice-présidente: Merci beaucoup, au nom de mes collègues du comité d'être venus.

La séance est levée.


Haut de page