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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 54 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 8 mai 2002

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 15 h 40 pour examiner l'état du système de soins de santé au Canada.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous avons le quorum. Nous sommes heureux d'avoir parmi nous l'honorable Monique Bégin, l'ancienne ministre de la Santé nationale et du Bien-être social. Comme un grand nombre d'entre vous le savent, depuis qu'elle a quitté la vie publique, Mme Bégin est devenue administratrice de services de santé en milieu universitaire et professeure à l'école d'administration des services de santé de l'Université d'Ottawa.

Nous sommes heureux de vous revoir parmi nous, madame Bégin. C'est fantastique d'avoir de vos nouvelles et de connaître votre point de vue sur les questions dont vous avez traité pendant bien près de dix ans.

L'honorable Monique Bégin, c.p.: Monsieur le président, j'ai besoin de votre aide car j'ai préparé un court mémoire, tel qu'on me l'avait demandé. Ce matin, j'ai eu l'audace d'envoyer un bref ajout à mon mémoire, que tous les sénateurs ont devant eux je crois. J'ai remis à la fin de février le texte d'une conférence publique qui fait également état de ma position concernant la Loi canadienne sur la santé.

Voulez-vous que je lise ce que je vous ai fait parvenir, monsieur le président, ou peut-on le considérer comme déjà lu?

Le président: On peut le considérer comme déjà lu. Pour amorcer le débat, il serait utile que vous nous donniez les points saillants ainsi que les questions qui seront abordées.

Mme Bégin: Merci. Je vais préciser que ne sachant pas exactement ce que votre comité entend par réformes — nous devons clarifier les mots — la Loi canadienne sur la santé peut accueillir de nombreuses réformes du système de soins de santé. C'est certainement le cas en ce qui concerne les cinq principes de base, quoique certains règlements doivent être rédigés — à ma connaissance, on ne les a peut-être pas encore rédigés — révisés et mis à jour. On pourrait peut-être garder les cinq conditions, mais leur définition dans la loi pourrait devoir être révisée.

Je pense que le moment est venu de moderniser ou de mettre à niveau la Loi canadienne sur la santé. Je pense que l'autre expression, qui en quelque part dans la mesure législative qui définit le régime d'assurance-maladie par les hôpitaux et médecins, devrait être modifiée et élargie de façon à inclure la façon moderne de fournir des soins de santé.

Ceci étant dit, deux conditions, à mon avis, devraient faire l'objet d'un examen. Il y a tout d'abord celle de l'intégralité, que l'on définit par ce qui est nécessaire au plan médical; les mots «nécessaire au plan médical» font appel au jugement du médecin traitant. J'ai toujours appuyé cette définition. Cependant, nous devons la modifier — si nous pouvons trouver une meilleure façon — grâce à une approche qui ferait que ce qui est inclus dans la définition de régime d'assurance-maladie se fonde sur des preuves de ce qui fonctionne et ne fonctionne pas.

Les interventions et les médicaments sont rayés de la liste ou y sont ajoutés d'une façon totalement opaque dans les dix provinces — parfois sous de faux prétextes moralisateurs — alors que le processus devrait être transparent, d'une part, et complètement et uniquement fondé sur des preuves, d'autre part. Autrement dit, ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.

L'autre condition est celle de l'administration publique qui, comme vous l'avez mentionné à juste titre, est totalement incomprise par la grande majorité des Canadiens et Canadiennes — grand public et spécialistes compris — ainsi que par les politiciens. Il faudra donc s'attarder sur cet aspect. Par là je veux dire que le payeur doit dès maintenant être un seul gouvernement payeur et que chaque province a un régime d'assurance-maladie.

Nous avons décidé de ne rien modifier à cela en 1984 car nous ne pouvions concevoir qu'il y aurait un marché au Canada — en raison du nombre peu élevé de notre population — pour le secteur privé. Étant donné que les lois provinciales ont toujours permis aux médecins et patients de se retirer entièrement du système, nous ne voyions aucun problème.

Les temps ont changé. Je crois que la ligne de démarcation entre le privé et le public devrait être précisée. Je ne suis pas convaincue d'avoir vu quoi que ce soit à ce jour qui présente une nouvelle règle du jeu intéressante, car il n'y a aucune règle en ce moment. Les services de restauration, de buanderie et de laboratoire dans les hôpitaux ont été privatisés. Cependant, nous ne savons pas s'ils sont plus efficaces car on ne les a jamais évalués. Une chose est certaine: nous savons intuitivement qu'il ne s'agissait pas d'une érosion du régime d'assurance-maladie.

À quel moment est-ce que la privatisation d'éléments du système devient une menace ou une érosion sérieuse du système universel public? J'aimerais que cette notion soit précisée. À ma connaissance, on ne l'a jamais fait.

Pour ce qui est de la durabilité, je peux être en accord ou en désaccord avec l'opinion du comité. Pour ce qui est du régime d'assurance-médicaments et des soins à domicile, j'estime que le régime d'assurance-maladie idéal au Canada devrait évidemment tout inclure, depuis les soins primaires à l'extérieur des hôpitaux jusqu'aux soins de longue durée, en passant par les services de réadaptation, les soins à domicile et le régime d'assurance-médicaments.

Voilà ce que devrait être le régime d'assurance-maladie idéal. Je ne dispose d'aucune donnée précise sur les coûts des soins à domicile et du régime d'assurance-médicaments. Cependant, je sais que le secteur privé comporte déjà, en raison du vide créé par la législation gouvernementale, les programmes et le financement, des composantes publiques et privées à but lucratif ainsi que des composantes privées sans but lucratif. Par conséquent, les règles du jeu devront être conçues de façon différente aux fins du régime d'assurance-maladie.

Je ne sais pas. Je ne fais que reconnaître que nous ne pouvons pas traiter le régime d'assurance-médicaments et les soins à domicile avec des assureurs de la même façon que nous traitons le régime général d'assurance-maladie. Dans l'ajout que je vous ai fait parvenir, je signale qu'il y a urgence et que le gouvernement fédéral doit établir avec les provinces, pour ce qui est de l'intention et des exigences de la Loi canadienne sur la santé, que tous les médicaments et les services de soins à domicile qui remplacent directement des soins en milieu hospitalier doivent être accessibles sans frais aux malades sortants.

Je vais aborder trois points, après quoi je m'arrêterai.

Deux grandes réformes sont nécessaires sur le plan de l'informatisation au niveau de l'infrastructure. La première est ce que nous appelons l'informatisation complète du système. Des réformes sont nécessaires dans la structure informatisée intégrée des dossiers électroniques des patients et de l'analyse des données de surveillance de santé. Il faut apporter ces changements de toute urgence, et c'est un aspect qui m'intéresse vivement.

Un élément me laisse perplexe depuis des années. Nous savons qu'il est nécessaire d'apporter des changements au système, mais rien ne se passe. Nous avons été témoins de la réduction des effectifs. On a réduit le nombre de lits dans les hôpitaux et on a fermé des hôpitaux. À part quelques cas isolés, nous n'avons pas assisté à une véritable réforme.

Je m'intéresse aux changements techniques; je m'intéresse également aux moteurs de changements. En plus d'être un élément essentiel d'un système de soins de santé moderne, l'actuelle structure informatique constitue aussi un grand moteur de changements possible. Le monde extérieur devrait obliger un changement au système. Je reconnais qu'il s'agit là d'une dimension de la structure informatique.

Nous parlons de milliards de dollars. Monsieur le président, je n'ai aucune idée du nombre de milliards de dollars. Au niveau fédéral, nous avons perdu l'occasion de le faire il y a environ cinq ans. Il en coûtera une somme semblable pour mettre à niveau le matériel médical au pays, tant pour les diagnostics que pour les traitements. C'est aussi très important. Et pour moi, c'est également une priorité.

Cependant, le plus urgent, c'est l'intégration de la structure informatique dans le système, qui devrait permettre une utilisation optimale — meilleure qu'aujourd'hui — du matériel médical, même si ce n'est pas ce qu'elle devrait être. Évidemment, il faut aussi changer le matériel médical.

Les ressources humaines ressemblent à un tout nouveau problème urgent. Je vous renvoie pour cela au rapport sur la stratégie en matière de santé du conseil du premier ministre de l'Ontario de 1991 dans lequel cette question a été abordée. Aujourd'hui, les gens parlent du problème de la planification des ressources humaines dans les soins de santé uniquement en disant qu'il faut plus d'infirmiers et infirmières et plus de médecins. Une autre dimension de cela est la question de la répartition et des arrangements souples concernant ces ressources humaines. C'est là la priorité.

Au cours des dix dernières années, c'est ce que j'ai appelé une nouvelle division de la main-d'oeuvre. Pour utiliser un ancien concept des études dans le domaine du travail, il faut rediviser la main-d'oeuvre entre les omnipraticiens, les infirmières praticiennes et les infirmières de tous les niveaux de compétence. On pourrait peut-être rediviser la main- d'oeuvre davantage, mais je ne suis pas une spécialiste pour ce qui est des détails.

De nos jours, on gaspille les ressources humaines du système de soins de santé et on en fait un très mauvais usage. Les patients, les membres de la famille et les amis le voient. Nous devrions examiner cette question.

DRHC et Santé Canada ont donné au Collège royal des médecins et chirurgiens 4,7 millions de dollars sur trois ans pour étudier les ressources humaines. Je fais partie du comité des politiques du Collège royal, mais je n'ai pas trouvé le mandat de l'étude avant de venir ici.

Le problème pour ce qui est d'une redivision de la main-d'oeuvre, c'est qu'il se peut que nous n'ayons pas l'outil pour le faire. Je ne sais pas. Nous ne voulons pas le faire province par province car de nombreuses régions du Canada perdent leur main-d'oeuvre au profit de la province voisine. Nous devons le faire à l'échelle nationale. Je ne pense pas que nous ayons l'outil qu'il faut. Je ne suis pas certaine. Peut-être que cette énorme étude menée par le Collège royal pourrait en être l'instrument.

Voilà, monsieur le président, les points que je voulais aborder. Le point qui m'intéresse le plus est de savoir comment nous pouvons mettre en place un changement de toute évidence nécessaire, mais qui ne se concrétise pas dans le système.

Le président: Avant de donner la parole au sénateur Pépin, je vais vous poser deux questions. La première est un suivi de ce que vous venez de dire. J'essaie de saisir les principaux obstacles au changement.

Il est évident, d'après toutes nos audiences, que la résistance au changement est incroyable, même parmi des personnes très intelligentes. La résistance au changement est-elle essentiellement un problème fédéral-provincial? Est-ce principalement un problème fédéral-provincial, ou principalement les attitudes de divers groupes de spécialistes qui ne veulent pas modifier les règles de la pratique ou qui ne veulent pas modifier la façon dont le service est rendu?

Ma deuxième question a trait à votre ajout. Dans le premier document que vous nous avez fait parvenir, vous parliez de l'importance des soins à domicile en général. Ai-je raison de penser que vous dites catégoriquement dans l'ajout que dans les cas où les soins à domicile sont vraiment donnés en remplacement direct des soins qui seraient donnés aux patients dans un hôpital de soins de courte durée, que les dépenses ne devraient pas être imputées aux soins à domicile même s'il s'agit de soins donnés à domicile? On devrait les considérer comme un service assuré publiquement aux termes de la Loi canadienne sur la santé, par exemple.

Dans une certaine mesure, il y a deux types de soins à domicile. Il y a les soins à domicile qui suivent immédiatement l'hospitalisation dans un établissement de soins de courte durée, pendant la convalescence. Il y a aussi l'autre sorte de soins à domicile, que nous appelons habituellement les soins de longue durée, pour les gens qui ont besoin de soins continus pendant une longue période.

Bien que ces deux services soient rendus à domicile, ce sont vraiment deux programmes différents. Un est à long terme et l'autre est simplement un système de prestation de rechange de ce que nous considérons un service du régime d'assurance-maladie.

Mme Bégin: Oui, c'est ce que je pense, mais j'y ai ajouté les médicaments. Au même titre que mes médicaments aujourd'hui peuvent être remboursés en partie par l'assureur de mon employeur ou par mon régime d'assurance personnel, le régime ne devrait pas payer les médicaments que j'ai reçus gratuitement alors que j'étais à l'hôpital. Tous les hôpitaux du Canada ont refilé directement aux patients depuis sept ans une énorme facture au titre de nouveaux coûts ou frais liés aux patients par le biais des médicaments et des soins de santé.

Le président: Dans le cas des médicaments, pour mettre en évidence le point que vous soulevez, dans ma propre famille, j'ai été témoin d'un cas depuis quelques années où de l'oxygène a été donné à l'hôpital, de toute évidence gratuitement. Lorsque l'oxygène était donné à la maison, nous avons payé. Il est difficile de trouver quoi que ce soit de moins nécessaire sur le plan médical que l'oxygène.

Mme Bégin: Votre première question portait sur le changement. J'espère que nous pourrons discuter plus tard des relations fédérales-provinciales. Tout le monde sait ce que je pense de ce que j'appelle la gouvernance. Les relations fédérales-provinciales sont totalement dysfonctionnelles, et elles ne changeront pas. À l'heure actuelle, elles fonctionnent lorsque vous mettez 23 milliards de dollars sur la table. Elles fonctionnent pendant peut-être quelques semaines. Je le dis de façon ironique, sarcastique ou même cynique — choisissez le mot.

Ceci étant dit, il doit y avoir une contrainte aux changements et aux réformes. Dans chaque province, le corporatisme est une grande affaire. Essentiellement, c'est la crainte des médecins, de l'OMA, des associations provinciales. Lorsqu'il est question de passer de la rémunération des services à un autre système, ou de passer de la pratique seule à la pratique collective, la réponse est la crainte. C'est la crainte de perdre des revenus, qui est une crainte très humaine et très légitime. On devrait examiner cette question en tout premier lieu.

Dans le cas des infirmières, je ne connais pas les contraintes au changement dans la portée de la pratique du point de vue des soins infirmiers organisés. Cependant, d'après ce que je comprends de tout le système de soins de santé, leur contrainte est la profession médicale. Ce ne sont pas les médecins individuellement qui résistent au changement, mais bien plutôt la profession médicale, ou la médecine organisée, qui est très différente de la pratique individuelle. Pourtant, chacun sait que tôt ou tard ce sera fait.

Le président: Supposons que la question du revenu est réglée — aucun membre des professions médicales estimait perdre de revenu — le problème général serait-il réglé? Est-ce que le revenu est le gros problème, ou est-ce que le statut ou la perte de pouvoirs sont également des facteurs dont il faut tenir compte? Plusieurs d'entre nous autour de cette table seraient passablement confus de voir dans quelle mesure une bonne partie du problème n'avait rien à voir avec le statut — sans pour autant oublier la question de l'argent. En théorie, l'argent devrait être un problème qu'il est possible de régler, mais peut-être pas la question du statut.

Mme Bégin: Je dois préciser que d'après toute mon expérience, tant dans mes activités antérieures que maintenant, je dirais que la question de l'argent pour les médecins est un ingrédient très important. Si les omnipraticiens font 30 p. 100 de moins qu'en ce moment lorsque nous les consultons, ils recevront plus de gens. Ils seront capables d'effectuer des interventions plus complexes en fonction de leur formation. Ils auront passé par une faculté de médecine. Je ne pense pas du tout que la question du statut soit en jeu.

[Français]

Le sénateur Pépin: J'ai bien apprécié votre présentation laquelle fait mention des points les plus importants. J'aimerais me référer à une conférence que vous avez donnée en janvier dernier sur la gouvernance et dans laquelle vous parlez des usagers. Vous avez dit, et je cite:

[Traduction]

Le fait de savoir que le moteur invisible de tout le système est évidemment la médecine de pointe, et finalement, qu'on retrouve en quelque part le public en tant que patient, citoyen ou contribuable.

[Français]

Plus loin, vous ajoutez:

[Traduction]

Nulle part, dans cette hiérarchie, considère-t-on sérieusement le citoyen en tant que patient, sauf comme bénéficiaire passif de services de soins de santé.

[Français]

Après avoir longuement parlé des rapports des différents gouvernements et ce que l'on doit faire pour aider la restructuration, vous dites:

[Traduction]

Finalement, ceux qui se trouveraient au coeur de l'équation, le patient et le grand public en général, n'ont pas voix au chapitre.

[Français]

Plusieurs présentations ont fait état du rôle des gouvernements, des sommes d'argent, et cetera, mais nous devons nous préoccuper des usagers du système. Si on veut procéder à une restructuration du système, il faudra considérer les utilisateurs que constituent les différents groupes de patients.

Il y a ceux de 65 ans qui feront partie de la majorité. Il y aura aussi les baby-boomers et les plus jeunes. Lorsqu'on parle des consommateurs, on parle des patients. Nous nous penchons sérieusement sur tous les aspects de la réforme.

Quelle sera la difficulté à laquelle il faudra faire face pour aider les patients à accepter une certaine restructuration? Leur voix est moins entendue que celle de tous les experts. Comment devrait-on aborder le sujet?

Mme Bégin: Je voudrais faire une distinction entre la participation des patients et des autres citoyens aux nombreuses réformes — qui, espérons-le, se produiront — et leur participation de façon régulière et continue dans la gouvernance du système.

Je n'ai jamais pensé à la question sous cet angle, mais dans la pratique, je ne vois pas le besoin de séparer les deux. Je ne voudrais pas voir que des patients. Je voudrais aussi voir des contribuables qui, au cours de leur vie, auront été des patients et les voir impliqués dans la gouvernance du système à tous les niveaux, y compris celui des relations fédérale- provinciales.

En tant que comité fédéral, vos recommandations sont à tous les niveaux. Vous avez choisi cette approche et je vous en félicite. Il s'agit d'un système entier et là où vous avez un pouvoir direct d'influencer, c'est au fédéral.

Je vois une difficulté dans le fait d'inventer un nouveau mode de travail entre les provinces et le fédéral autre que les fameuses conférences fédérale-provinciales, les réunions des sous-ministres de la Santé et tout le reste.

Il existe une loi fédérale dont l'imputabilité doit être au Parlement canadien. Je veux à la fois respecter cela. Les gens disent que la santé ne devrait pas être politique. Je leur dis toujours que la santé et l'éducation seront toujours politiques car ce sont les pierres angulaires de toute société. Il y a des choix à faire. Ces gens veulent dire que nous avons beaucoup trop politisé de façon partisane la santé et ils ont complètement raison. Comment pouvons-nous réparer tout cela? Que pourrions-nous inventer?

Personnellement, je ne suis pas équipée pour le faire, mais j'aimerais savoir ce que l'Union européenne a inventé comme approche par rapport aux autres pays membres. L'Union européenne et les pays membres, c'est un peu comme nous avec le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. On me dit qu'ils sont très innovateurs à bien des égards. J'aimerais savoir ce qu'ils ont comme mécanismes de résolution de conflits, mais surtout comme modes de gouvernance.

Que nous le voulions ou non, il semble que nous soyons prisonniers de notre passé historique. J'ai cessé d'être ministre en 1984 et, dès lors, des gens avaient demandé un Conseil de la santé composé de citoyens qui auraient un rôle consultatif. A l'époque, je n'avais pas soutenu cette idée.

Dans les années 90, j'ai beaucoup parlé de Conseil de citoyens, uniquement composé de citoyens et de patients, qui feraient des fiches de rendement sur l'état de santé des Canadiens, et non pas sur les institutions et le travail, mais les états de santé par groupes vulnérables. À ce moment-là, personne ne faisait de fiches de rendement.

Maintenant, j'en suis venue à considérer que les conférences fédérales-provinciales doivent être changées et complètement revues. Mais comment ferait-on pour y ajouter au moins des citoyens et, peut-être, des experts? Je ne connais pas la réponse. Il faut vraiment se pencher sur cela.

Le sénateur Pépin: Il faudrait définitivement les inclure?

Mme Bégin: Oui.

[Traduction]

Le sénateur Keon: Merci, madame Bégin, d'être venue nous rencontrer une fois de plus. Je tiens à mentionner pour le compte rendu l'énorme contribution que vous avez faite à la santé des Canadiens et Canadiennes au fil des ans. Je sais à quel point vous êtes une personne occupée et je suis conscient du temps que vous consacrez à préparer des mémoires et à venir témoigner devant nous.

Une des choses que je vérifie auprès de certains témoins qui comparaissent devant nous, c'est la notion des autorités régionales de santé sur le plan de la réforme de la main-d'oeuvre de santé. Il y a beaucoup de résistance aux autorités régionales de santé de la part de certains bureaucrates provinciaux aux niveaux de sous-ministre et de sous-ministre adjoint. Mon impression est que nous ne parviendrons jamais à réaliser une réforme de la main-d'oeuvre dans le domaine de la santé tant que nous ne pourrons pas créer des autorités régionales de santé qui nous permettraient de mettre sur pied des équipes de soins de santé qui s'intègrent à l'environnement dans lequel elles travaillent.

Nos méthodes actuelles de cueillette de renseignements et d'évaluation des besoins des professionnels des soins de santé comportent de grandes lacunes. Les associations de médecins interviennent au niveau national et nous disent le nombre de médecins dont elles ont besoin, ce que font également les infirmiers et infirmières, les techniciens et tout le reste. Il n'y a personne qui nous dit quelle sorte d'équipe de soins de santé serait idéale pour desservir la région de Timmins, en Ontario, par exemple. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Mme Bégin: Docteur Keon, pour ce qui est de la question générale des autorités de santé, que l'on retrouve dans neuf des dix provinces, sous un nom ou un autre — l'exception étant le tiers du Canada, l'Ontario —, je dirais qu'il n'y a là aucune panacée. Cependant, dans un pays aussi vaste et varié que le nôtre, elles deviennent une considération importante uniquement parce que la prestation des soins de santé devrait comporter des volets multiples qui pourraient en tenir compte. Nous ne sommes pas certains qu'il s'agisse d'une panacée, mais je trouve l'idée intéressante en tant qu'agent de changement. Par analogie, j'ai parlé de la même façon d'un investissement massif dans l'infostructure. Voilà où je les situe.

Pour répondre à votre question précise d'une réforme dans la planification des ressources humaines, elle pourrait tenir compte des divers besoins locaux un million de fois mieux que Queen's Park ou n'importe quelle administration provinciale. Les économistes de la santé, tout comme les étudiants en administration des services de santé, diraient à votre comité que pendant longtemps — je vais emprunter cela de mon ancienne collègue Judy Erola — les ministères provinciaux au Canada ont été comme d'énormes OSSI — mal administrés. De façon générale, le système fait l'objet d'une microgestion de la part de nos ministres provinciaux de la Santé. Je ne devrais pas dire cela à ceux qui ont créé le bijou d'institut dans lequel le personnel ne connaît son budget que six mois après le début de l'exercice.

C'est partout, même en Alberta. Avec les CLSC et la régie régionale, le Québec a été l'innovateur. Le PDG de l'une des plus importantes régies régionales à Montréal, que j'ai rencontré dernièrement dans le cadre d'une conférence à McGill, m'a dit que chaque décision d'importance est entièrement remise en question et réexaminée par le ministère à Québec. À quoi cela sert-il? Ce n'est pas de la décentralisation.

Par conséquent, je pense que ce serait un outil intéressant de changement de passer à des autorités régionales, à la condition qu'il y ait dévolution complète des budgets, y compris les budgets globaux des salaires et des médicaments. Je sais que votre comité fait référence à cela dans le volume 5 par rapport à ce que Claude Forget favorise — les marchés internes. Je trouve cela intéressant. C'est l'approche adoptée au Royaume-Uni. Cependant, c'est un point dont je ne peux parler, je laisserai cette discussion aux spécialistes.

Je le vois sous l'aspect de la diversité d'un énorme pays et de l'adaptation à l'échelle locale à un niveau pratique de ce qui est nécessaire. Par conséquent, Timmins obtiendrait ce dont elle a besoin. Je sais déjà que ce sera francophone et totalement différent du Toronto guindé. Je m'excuse auprès de ceux qui viennent de Toronto.

Le président: J'aimerais poser une question supplémentaire en fonction de vos observations sur la microgestion des institutions par les ministères provinciaux de la Santé. Le comité est vraiment d'avis que c'est généré, non pas parce qu'ils pensent en savoir beaucoup sur la gestion des institutions, mais parce qu'ils essaient d'économiser de l'argent. Autrement dit, c'est une contrainte fiscale qui a entraîné la microgestion de la part du gouvernement provincial, et non pas la certitude qu'il comprend nécessairement la gestion des institutions. Une des raisons militant fortement en faveur de la séparation de la question de l'assureur, ou du payeur, de celle du fournisseur, c'est-à-dire l'institution, c'est de sortir les administrations provinciales du rôle de microgestion.

Ma question est la suivante: êtes-vous d'accord que le rôle de microgestion découle principalement de motifs fiscaux et est-ce que la séparation que nous préconisons les en sort effectivement?

Mme Bégin: Je suppose que vous avez raison. Étant donné que je ne suis pas une économiste en santé, mais une sociologue, et dans la pratique une politicologue, je vous dirai qu'à mon avis c'est une question de territoire, de contrôle et de pouvoir.

Ce que vous décrivez est une magnifique justification — mon point de vue biaisé contre votre point de vue biaisé. C'est vraiment une question de pouvoir et de contrôle. Le ministère provincial de la Santé au Québec est extraordinaire. Lorsqu'il a créé tous ces CLSC, puis l'autre couche, il n'a congédié aucun bureaucrate à Québec. Vous avez doublé, et vous n'avez rien économisé. Ça, c'est certain.

Les provinces devraient être chargées de définir les règles du jeu pour ce qui est de la reddition de comptes. Les autorités régionales font fonctionner le système et doivent rendre des comptes à la province. Par conséquent, les provinces devraient avoir très peu de hauts fonctionnaires dans les ministères de la Santé qui font de la planification: elles partagent la même tarte, mais elles la donnent aux autorités régionales. Elles superviseraient peut-être des fonctions communes comme la santé publique. Je ne suis pas une spécialiste. Quelques fonctions des soins de santé devraient probablement rester centralisées. Je pense, par exemple, à la santé publique et à la surveillance. Il faut en discuter. Certaines fonctions seraient peut-être mieux exécutées et plus efficaces si elles restaient centralisées.

Toutefois, la responsabilité de la prestation des soins de santé, qui englobe les médecins, les hôpitaux, les soins primaires, devrait être confiée aux régies régionales.

Le sénateur Morin: Je tiens tout d'abord à dire que vous êtes perçue comme étant la protectrice du régime d'assurance-maladie, puisque c'est à vous qu'on doit la Loi canadienne sur la santé. Voilà pourquoi nous écoutons attentivement tout ce que vous dites. Par exemple, il y a environ un mois, vous avez affirmé dans un discours que vous n'étiez pas contre l'idée, si j'ai bien compris, d'ouvrir le régime aux fournisseurs privés de soins de santé, c'est-à-dire aux fournisseurs à but lucratif. C'était là un commentaire fort important.

Ma question porte sur un autre sujet. Vous avez insisté, dans votre exposé, sur la nécessité de restructurer le régime de soins de santé dans le but d'en améliorer la qualité, l'accessibilité et l'efficacité. Je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus.

Certaines de ces réformes devront être introduites au palier provincial, ces questions, dans une certaine mesure, relevant de la responsabilité des provinces, tandis que d'autres pourront être entreprises au palier fédéral.

À votre avis, quel serait le rôle du gouvernement fédéral — puisque c'est de lui dont il est ici question — dans cette restructuration? Autrement dit, quelles réformes le gouvernement fédéral devrait-il entreprendre? Si des fonds supplémentaires — limités, bien entendu — étaient débloqués par le gouvernement fédéral, et comme nous savons que nous ne pouvons exercer d'influence sur les provinces sans financer certaines de leurs activités, quelles réformes entreprendriez-vous en premier lieu au palier fédéral?

Je sais que la question n'est pas facile, mais c'est ce que nous essayons d'éclaircir pour l'instant.

Mme Bégin: C'est tellement facile pour moi d'y répondre que je vais devoir me répéter. Je suis désolée. Je fais référence au fait que le gouvernement fédéral a un rôle de faciliteur et de catalyseur à jouer auprès des provinces, compte tenu des X milliards de dollars qui devront être investis dans l'infostructure. Terry Sullivan et Pat Baranek affirment dans leur ouvrage le plus récent, First Do No Harm, que la force du régime d'assurance-maladie réside dans le principe d'équité qui sert de base aux paiements de transfert. Je suis d'accord avec eux. À l'heure actuelle, nous vivons, physiquement, en Ontario. Il ne faudrait pas oublier le reste du pays.

Donc, le gouvernement fédéral a un rôle de faciliteur ou de catalyseur à jouer. Je ne veux pas dire par cela que c'est lui qui administrera le projet d'infostructure, qui choisira l'entreprise, ainsi de suite. Toutefois, c'est lui qui devrait payer la note. Je m'excuse, mais c'est ce que je pense. Les fonds, bien sûr, devraient être ciblés. Il faut agir de toute urgence.

Le sénateur Morin: Ce serait là l'objectif prioritaire?

Mme Bégin: Non, et je ne me lancerai pas dans une longue énumération de ceux-ci. J'ai toujours été d'avis que le changement social est le fruit d'efforts parallèles. D'autres personnes — non pas les mêmes — doivent, en parallèle, définir ce qu'on entend par la «administration publique», c'est-à-dire définir les règles du jeu qui permettront une collaboration entre les secteurs privé et public dans les domaines des soins hospitaliers et des soins médicaux. Cela n'a pas été fait. Il y a longtemps que Santé Canada aurait dû se pencher là-dessus. Je ne sais pas pourquoi il ne l'a pas fait. Je n'ai jamais rien vu ou entendu à ce sujet. Il faut agir de toute urgence.

Je ne sais pas si quelqu'un d'autre au Canada, mis à part la commission Mazankowski en Alberta, a proposé une formule pour déterminer quels soins de santé devraient être financés au moyen des fonds publics. La commission propose une solution, un moyen de définir et de redéfinir constamment ce qui devrait être assuré. Elle propose la création d'un comité d'experts en médecine. Inutile de dire que ces experts ne devraient pas être les seuls à faire partie de ce comité. Toutefois, elle propose à tout le moins une solution, c'est-à-dire de restreindre la portée de la couverture.

Or, ce n'est pas du tout ce que je propose. Je connais très bien les systèmes en vigueur dans les pays européens, qui consacrent un plus petit pourcentage de leur PIB à leurs dépenses totales de santé, tout en offrant à leurs citoyens une plus grande couverture des services, lesquels englobent, dans bien des cas, les médecines douces.

J'aimerais qu'on ait accès à une grande couverture des services en vertu du principe de l'intégralité. J'aimerais qu'on mette sur pied un mécanisme — un comité, par exemple — qui passerait régulièrement en revue les nouveaux services qui devraient être assurés, en se fondant sur les résultats, et ceux qui devraient être désassurés. C'est quelque chose qui, bien entendu, devrait être fait, et pas seulement du côté du gouvernement fédéral. C'est très clair.

À propos, votre cinquième volume est presque entièrement consacré à l'aspect opérationnel du régime, qui relève des provinces. Vous avez raison; c'est une responsabilité provinciale. Toutefois, le gouvernement fédéral a lui aussi un rôle à jouer parce que la Loi canadienne sur la santé est une loi fédérale.

J'ai déjà parlé des médicaments et des services qui remplaceraient directement les soins hospitaliers. C'est quelque chose qui aurait déjà dû être fait. Ce sont des changements assez simples.

Vous voulez savoir quels sont les objectifs prioritaires. J'ai mentionné la gestion, les soins à domicile et l'assurance- médicaments, domaines sur lesquels il faudrait se pencher en vue de trouver une solution. Le gouvernement fédéral a un rôle direct à jouer à ce chapitre.

J'ai oublié de dire que vous parlez avec éloquence, dans vos rapports, de la médecine de pointe et de la nécessité de moderniser tout l'équipement médical, ce qui coûterait sans doute un autre 5 milliards de dollars. Le gouvernement fédéral pourrait, à ce chapitre, jouer un rôle de faciliteur ou de catalyseur à l'échelle nationale.

Je m'intéresse au régime de soins de santé depuis au moins 25 ans, et ce je trouve invraisemblable, c'est cette manie qu'on a au Canada d'entreprendre des «projets-pilotes». C'est invraisemblable.

J'ai consulté le site Web de Santé Canada, ce matin. Ils pensent qu'il n'existe que depuis un an. Ils ont reçu 500 millions de dollars en fonds de lancement pour le mettre sur pied. C'était en 1997. Nous sommes en 2002.

L'HEEO, à Ottawa, ne peut communiquer par voie électronique avec l'Hôpital d'Ottawa. Nous n'avons pas accès aux dossiers électroniques. Et je ne parle que d'Ottawa. Le campus Riverside et le campus Civic utilisent encore des systèmes d'information différents.

Le sénateur Robertson: Merci d'être venue, madame Bégin. J'ai beaucoup de questions, mais je vais n'en poser que deux seules, si je puis me permettre, monsieur le président.

Vous avez fait allusion, plus tôt, aux cinq principes de la Loi canadienne sur la santé. Plusieurs témoins nous ont dit que ces cinq principes comportaient un élément restrictif.

Un témoin de la Colombie-Britannique nous a dit, hier, la même chose en parlant du mode de financement de la Loi canadienne sur la santé. Il a affirmé que les gouvernements provinciaux étaient dûment élus et qu'ils étaient comptables de leurs actes envers leur propre électorat. Or, il y a un élément dans la Loi canadienne sur la santé qui les empêchent de rendre des comptes. Ils sont traités comme de véritables enfants.

Que devons-nous faire? Êtes-vous satisfaite des cinq principes? Devrait-on, à votre avis, les modifier, compte tenu des années qui se sont écoulées depuis leur adoption? Pouvons-nous les modifier pour qu'ils puissent mieux servir le système, faciliter la participation à celui-ci?

Mme Bégin: J'entends souvent dire, moi aussi, que la loi est très restrictive. Toutefois, j'attends toujours qu'on me le démontre au moyen d'exemples concrets.

Je m'excuse, mais je ne vois pas où est le problème. Soyez plus claire.

Le sénateur Robertson: Je vais essayer de clarifier ma question. Prenons le point de vue du patient. Pour lui, la façon dont le système est financé n'a pas grande importance, pourvu qu'il n'ait pas à attendre deux ans avant de se faire soigner. Or, doivent-ils attendre deux ans avant d'avoir accès à un traitement effractif, ou existe-t-il une autre façon de leur permettre d'avoir accès plus rapidement à celui-ci en appliquant les cinq principes? Le problème se situe surtout au niveau de l'accès, parce que dans certaines régions du pays, l'accessibilité est très importante.

Mme Bégin: L'accessibilité est importante dans toutes les régions du pays. Me demandez-vous s'il devrait y avoir des cliniques privées? C'est cela que vous voulez savoir?

Le sénateur Robertson: En partie, oui.

Mme Bégin: Je dois faire du décodage parce que je ne comprends pas.

La question des cliniques ou des hôpitaux privés constitue un nouveau défi auquel il faut s'attaquer. Nous devons établir des règles du jeu qui sont claires. Le principe de gestion publique ne repose, à l'heure actuelle, sur aucune règle. Le sens qu'on lui donne ne correspond pas à celui qui figure dans la Loi canadienne sur la santé.

Par exemple, Shouldice est un hôpital qui a vu le jour avant l'adoption de la Loi canadienne sur la santé. C'est un hôpital qui se spécialise dans les hernies. Il applique les honoraires officiels que prévoit le régime d'assurance-maladie de la province de l'Ontario.

Je ne sais pas comment il se débrouille pour les dépenses d'investissement. Toutefois, je crois comprendre que l'hôpital fonctionne très bien. Je ne sais pas quelle est sa marge de profit.

Cette façon de procéder ne me dérange aucunement. Les patients ne versent pas de frais supplémentaires. Aucun frais supplémentaire n'est exigé.

Toutefois, les hôpitaux spécialisés, même s'il y a de la place pour eux dans le système, posent problème. D'abord, ils ont tendance à ne s'occuper que des cas faciles. C'est très bien, si des arrangements adéquats et satisfaisants ont été faits avec l'hôpital général pour qu'il prenne en charge les cas plus urgents. Vous pensez que c'est un cas facile, et ensuite le patient a une crise cardiaque en plein milieu de l'opération.

Il y a des problèmes de ce côté-là. Ils ne s'occupent avant tout que des cas faciles. C'est une question qu'il faut examiner.

Il y a de la place pour les cliniques ou les hôpitaux spécialisés. Ils devraient être entièrement financés à même les fonds publics, sans exiger que les patients versent des frais supplémentaires. Comme je n'ai jamais réussi à devenir riche, je ne comprends pas comment ces hôpitaux peuvent réaliser des profits. Je ne vois pas comment ils peuvent le faire, à moins que leur personnel soit très mal rémunéré. Il faudrait se pencher là-dessus.

Il y a aussi la question des laboratoires privés. L'Ontario présente des demandes de proposition, et plusieurs laboratoires soumettent une offre. La province choisit un ou deux laboratoires privés. Ils concluent une entente avec la province et acceptent de recevoir tel et tel montant pour les services qu'ils offrent.

Or, quand je me rends dans un de ces laboratoires privés, je présente tout simplement ma carte d'assurance-maladie. La province trouve cette formule plus efficace. Il n'y a pas d'attente. Ces laboratoires fonctionnent bien. J'espère qu'ils se conforment à des normes de qualité et qu'ils ne confondent pas les dossiers. Ce mode de privatisation fonctionne.

Toutefois, cette formule, si elle était appliquée aux hôpitaux spécialisés — je parlerai des hôpitaux généraux plus tard — soulèverait, en théorie, la question des profits équitables. Les économistes savent qu'il n'y a pas de réponse à cette question. Ils l'ont examinée à fond, et je ne crois pas qu'il y ait de réponse à celle-ci.

En ce qui a trait aux hôpitaux généraux, je ne sais pas comment fonctionne un hôpital général privé à but non lucratif. Il doit réinvestir automatiquement dans son propre budget. Est-ce qu'un autre secteur d'activité ne serait pas plus intéressant? Je ne comprends pas. Il doit bien exister une source de profit. Or, je voudrais savoir quelle est cette source, et à combien s'élèvent les profits.

Le président: Pour ce qui est des hôpitaux généraux, je ne connais pas la réponse à la question. Je pense toutefois qu'il y a un problème de côté-là. Les hôpitaux spécialisés sont en mesure, comme vous le dites, de réaliser des profits. Il y a deux raisons à cela. D'abord, accomplir sans cesse des actes médicaux simples est très économique. Leurs soins sont également de meilleure qualité. Nous avons parlé à un chirurgien orthopédiste qui n'opère que les épaules. Il ne fait que de ce type d'opération, et il est très compétent.

Ensuite, même les hôpitaux publics réalisent 15 p. 100 de leurs revenus à même les frais supplémentaires qu'ils exigent pour les chambres privées et semi-privées, les télévisions, et cetera. Les hôpitaux spécialisés ont tendance à n'avoir que des chambres privées et semi-privées, de sorte que le patient paie quelque chose, tout comme il le fait dans un hôpital public. L'Hôpital d'Ottawa réalise environ 15 p. 100 de ses revenus à même les frais supplémentaires que versent les patients qui veulent une chambre privée ou semi-privée, les services de cafétéria, la location de télévisions, ainsi de suite.

Le fait est que si vous effectuez des opérations très simples, mais en très grand nombre, vous évitez beaucoup de frais généraux, comme vous l'avez mentionné. Toutefois, vous avez intérêt à ce qu'il y ait un hôpital général qui accepte de s'occuper du cas si un problème se pose. Si j'ai bien compris, la clinique Shouldice a conclu une entente de ce genre avec un des hôpitaux généraux situé à proximité, et c'est ce qui lui permet de réaliser des profits. Il est beaucoup plus difficile de faire ce genre de chose dans un hôpital général où vous avez des frais généraux à assumer et une multitude d'opérations à effectuer.

Mme Bégin: Il y a de moins en moins de chambres privées et semi-privées. Je ne sais pas si vous êtes au courant.

Le président: Je le suis.

Mme Bégin: La question devient compliquée. Il y a des laboratoires spécialisés, des laboratoires de pointe qui n'effectuent, par exemple, que des examens IRM. Vous versez 1 000 $, et on vous fait l'examen. C'est ce qu'on appelle faire du resquillage.

J'aimerais qu'on établisse des règles du jeu, qu'on précise ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas. Je me présente à un laboratoire et je verse 1 000 $. J'aimerais pouvoir le faire pour une coloscopie, par exemple. J'ai mon dossier le lendemain ou l'après-midi même. J'ai les radiographies. Toutefois, je reviens à Ottawa et je fais du resquillage. C'est inacceptable. À mon avis, c'est le seul principe qui a été clairement défini.

J'ajouterais que nos fonds publics servent, dans une certaine mesure, à assurer la formation des médecins. Les étudiants d'université versent des frais de scolarité, et ceux-ci sont très élevés quand on fait des études en médecine. Toutefois, le contribuable canadien subventionne de façon considérable celles-ci.

Nous devons, par ailleurs, établir des règles pour les médecins qui travaillent aussi bien dans le secteur privé que public. Le médecin X peut être autorisé à travailler pour l'hôpital privé Z, mais aussi pour un hôpital public — nous n'utilisons pas cette terminologie au Canada, mais je m'en sers pour bien me faire comprendre — parce qu'il devra le faire, à l'occasion. Lequel choisira-t-il? La nature humaine étant ce qu'elle est, le médecin choisira de travailler dans une clinique privée. Il faut clarifier les règles à ce chapitre.

Le sénateur LeBreton: Est-ce que le patient qui s'adresse à une clinique privée pour subir un examen IRM, qui paie pour celui-ci et qui apporte la radiographie avec lui fait-il vraiment du resquillage parce qu'il n'a pas été obligé d'attendre six mois? Est-ce nécessairement du resquillage? Et s'il apporte tout simplement la radiographie à son médecin pour qu'il puisse l'examiner immédiatement, au lieu d'attendre six mois pour subir l'examen, est-ce qu'il fait vraiment du resquillage? Est-ce qu'on ne permet pas tout simplement au médecin de faire un diagnostic plus rapidement?

Mme Bégin: Le patient a déjà gagné six mois en passant avant les autres et en payant. Je trouve cela inacceptable. Il s'agit là d'un problème majeur.

Le sénateur Morin: Supposons que le même patient, au lieu d'aller à Vancouver, se rend à Buffalo ou à la clinique Mayo. Est-ce qu'il fait du resquillage? Comment peut-on empêcher cette pratique?

Mme Bégin: Pourquoi ne pas rester là pour subir l'opération? Cela ne me dérange pas du tout.

Le sénateur Morin: Quoi qu'il en soit, il passe avant son tour en se rendant à la clinique Mayo.

Mme Bégin: Un instant. Si le patient se rend aux États-Unis pour subir un examen privé et qu'il reste sur place pour se faire soigner, je ne vois rien de mal à cela. Toutefois, s'il revient au Canada pour se faire soigner gratuitement, je ne suis pas d'accord. Le même problème se pose dans le cas du patient qui se rend à Vancouver, Montréal ou Toronto.

Le sénateur Morin: Mais est-ce qu'il fait encore du resquillage?

Mme Bégin: Oui, pour le traitement.

Le sénateur Morin: Mais s'il se faisait soigner à Vancouver, seriez-vous contre?

Mme Bégin: Bien sûr. Ce serait du resquillage.

Le sénateur Morin: C'est de la resquille en ce qui concerne l'Ontario, mais s'il va à Vancouver pour se faire soigner...

Mme Bégin: J'étais ministre du Revenu national avant d'être ministre de la Santé nationale et du Bien-être social. Pour moi, une ville est une ville, que ce soit Vancouver ou Toronto.

Le président: La commission Carter existe encore.

Mme Bégin: Absolument. Sénateur Morin, si l'analyse et le traitement se font dans le secteur privé au Canada, je n'y vois pas d'inconvénient. Le système a toujours permis cela. Si c'est entièrement privé, sans apport de fonds publics, il n'y a pas de problème.

Cependant, ce n'est jamais vraiment arrivé dans le passé, parce que nous n'avions pas assez de population pour soutenir ce genre d'initiatives privées. Maintenant, nous voyons que cela arrive, avec ces analyses coûteuses et sophistiquées et des procédures spécialisées sophistiquées, comme en orthopédie, en ophtalmologie ou pour les hernies. Nous devons examiner la question et décider ce qui est acceptable, selon quelles limites.

Le sénateur Robertson: Les soins de santé primaires ont beaucoup d'importance pour vous, madame Bégin, comme pour de nombreux sénateurs. Nous avons reçu beaucoup d'information sur les soins primaires. Plusieurs témoins ont souligné leur importance. J'aimerais parler des aînés en particulier, puisque notre population vieillit.

Actuellement, les aînés sont soit dans des foyers de soins spécialisés, soit chez eux, avec un parent. C'est généralement une femme qui s'en occupe. On dirait qu'il y a beaucoup d'entreposage, particulièrement en ce qui concerne les foyers de soins spécialisés. C'est ce que certains d'entre nous entendons dire. Cependant, nous sommes plusieurs à espérer la simplification du processus. Par exemple, nous pourrions examiner la situation d'un citoyen canadien moyen, qui a un revenu moyen ou proche du seuil de la pauvreté, ou peut-être un couple dont les deux membres travaillent pour essayer de garder un toit sur leur tête, mais il se pourrait que leur père ou leur mère ait besoin d'un peu de supervision. Le mieux, c'est que les aînés puissent rester chez eux. Ils n'ont pas l'argent pour embaucher de l'aide pendant qu'ils sont au travail, et l'un des membres du couple ne peut pas vraiment se permettre d'abandonner son emploi, même s'il n'est payé qu'au salaire minimum.

À la lumière de la diversité et de l'ethnicité des petites ou des grandes communautés, plutôt que de dépenser plus d'argent et de construire des établissements pour y entasser des gens qui ne feront qu'y attendre la mort, est-ce que le gouvernement fédéral ne devrait pas plutôt envisager d'accorder un soutien financier à ces familles? Dans cette situation, lorsqu'ils ont le soutien de leurs enfants, les aînés n'ont pas besoin d'aller dans ces établissements. Bien sûr, pour que cela fonctionne, il faudrait un contrôle minutieux.

Pourrait-il exister un autre moyen, au lieu du modèle institutionnel, pour essayer de laisser les gens chez eux, où ils sont plus heureux, où ils vivent plus longtemps et en meilleure santé?

Mme Bégin: Le moyen le plus évident qui vienne à l'esprit est celui d'un revenu par le biais d'une déduction fiscale ou d'un crédit fiscal, mais il n'en reste pas moins qu'il y a des frais. Je ne suis au courant d'aucune information sur les coûts possibles, dans le pays; par contre, je sais déjà qu'il y a aura un long débat idéologique sur la légitimité des réclamations.

Peut-être ai-je parlé trop vite lorsque je disais que j'étais ministre du Revenu national. Je ne connais pas la situation d'aujourd'hui en ce qui concerne la reconnaissance fiscale des enfants handicapés ou des personnes à charge. Il y a quelque chose. Nous le voyons bien sur la formule de déclaration d'impôt, mais je ne sais plus vraiment comment cela fonctionnement maintenant. Je ne sais pas comment quelqu'un peut prouver qu'il est handicapé ou à charge. Mais au moins, je sais que cela peut être prouvé.

Le débat idéologique sera sur deux fronts; tout d'abord, des préoccupations seront exprimées sur la légitimité des réclamations et la manière de s'assurer qu'il n'y a pas d'abus du système. La deuxième chose, c'est que toute le débat sur le crédit fiscal pour la mère au foyer referait surface. Vous dites que les deux membres du couple doivent travailler à temps plein. S'il leur faut prouver qu'ils ne peuvent tout simplement pas tenir ce rôle additionnel de soignant, il y aura un débat idéologique dont je ne connais pas l'issue.

C'est faisable par l'entremise du système fiscal. Ce serait probablement en vertu d'un régime de confiance, à moins qu'une évaluation médicale soit faite. Je ne sais pas. Ce serait quelque chose à explorer.

Le sénateur Robertson: Pour ce qui est de la situation fiscale, si on pense à ce qu'ont coûté aux gouvernements les foyers d'accueil et les établissements de soins spécialisés, il y aurait probablement un certain équilibre à trouver.

Mme Bégin: Est-ce que vous dites que ce pourrait être au niveau fédéral et provincial?

Le sénateur Robertson: Je n'ai pas de réponse à cela.

Le sénateur Callbeck: Madame Bégin, merci d'être venue encore une fois nous faire profiter de votre expertise.

Vous avez parlé de plusieurs des principes que nous avons exposés dans notre rapport. Cependant, vous n'avez rien dit sur le principe 20, où nous fixons des délais d'attente pour chaque type de procédure ou de traitement majeur.

Le président: Le principe de garantie des soins.

Le sénateur Callbeck: Si ce délai maximum est atteint, alors, le patient peut sortir de la province ou aller à l'étranger et le gouvernement devra engager les dépenses nécessaires pour son traitement.

Le président: Le principe 20 est le délai d'attente maximum, et en gros, c'est que pour toutes les interventions importantes, il y aurait un délai maximum d'attente et lorsque le délai est dépassé, l'assureur — le gouvernement — devrait payer pour que le patient bénéficie immédiatement de l'intervention ou du traitement.

Mme Bégin: Madame le sénateur, en septembre 2000, un groupe dont je suis membre a publié un texte collectif. Nous ne disions pas exactement ce que serait la conséquence d'un délai d'attente inacceptable. J'adore ce qu'il y a ici, j'aime beaucoup le concept général, et j'ai déjà dit que je suis d'accord avec ces principes.

En ce qui concerne la pénalité concrète et exacte dont vous parlez — soit qu'il faudrait payer pour le traitement reçu ailleurs — j'aimerais entendre les points de vue sur une distorsion possible. À première vue, je trouve que c'est une excellente idée.

Dans notre texte, publié sous l'égide de l'Institut de recherche en politiques publiques et modestement intitulé «Recommandations aux premiers ministres» — le chapitre où nous recommandons une charte des patients s'inspire de la situation du Royaume-Uni et de sa charte des patients. En passant, il faut un protecteur du citoyen en bout de ligne qui veille au respect de la charte.

L'idée, c'est que pour certaines maladies à forte incidence, comme les maladies cardiaques ou le cancer du sein, nous pouvons isoler un certain nombre d'états liés à la maladie dont le cheminement est bien connu. Par «cheminement», j'entends le délai d'attente acceptable ou inacceptable, et cetera. Il ne s'agit pas seulement d'être sur la liste d'attente pour la première étape, mais aussi pour toutes les étapes subséquentes. Si ce n'est pas respecté, il faudrait faire quelque chose.

Le comité est allé plus loin que nous en disant ce qu'il faudrait faire. À première vue, je suis d'accord, mais je ne suis pas en mesure de juger des conséquences indirectes de ce que je ne sais pas.

Vous avez donné au public une excellente image. C'est très important.

Le sénateur Callbeck: J'ai une autre question, au sujet de votre mémoire. Vous avez dit que le système de soins de santé présente actuellement un potentiel d'économie de 15 p. 100 si des mesures très simples étaient prises. Je n'ai jamais vu ce 15 p. 100 auparavant. Est-ce que cela vient d'une étude?

Mme Bégin: C'est tiré de la fameuse étude de Queen's, dont je vous ai donné les références.

Le sénateur Callbeck: Oui, je le vois dans le paragraphe suivant. Vous êtes d'accord que si le système de soins de santé est élargi pour englober les soins à domicile et les médicaments, il faudra une nouvelle forme de financement?

Mme Bégin: Oui.

Le sénateur Callbeck: J'aimerais entendre d'où, à votre avis, pourrait provenir ce nouveau financement. Par exemple, l'Institut C.D. Howe a diffusé récemment un rapport qui disait que les Canadiens devraient verser une nouvelle taxe d'après ce qu'ils ont coûté au système d'assurance-médicaments cette année-là, et que toute famille dont le revenu est inférieur à 10 000 $ ne devrait pas avoir à payer cette taxe; il y aurait un plafond de 3 p. 100. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette proposition, et entendre tout autre commentaire que vous auriez à faire.

Mme Bégin: J'ai trouvé le texte sur le Web. Je l'ai imprimé et j'ai commencé à le lire, mais je n'ai pas eu le temps de l'analyser. Mes commentaires sont fondés sur une perception superficielle, elle-même fondée sur la manière dont les médias en ont traité.

Le concept est bien connu. Je le trouve tout à fait inacceptable. C'est vraiment taxer la maladie. Je ne trouve absolument aucun intérêt à l'envisager.

Comment je verrais le nouveau financement? Tout d'abord, entre les deux, les soins à domicile et l'assurance- médicaments, je suis tentée de penser que les soins à domicile sont plus urgents, mais je n'en suis pas absolument sûre. Je n'ai pas de chiffres récents. Cependant, peu après que le Fonds national sur la santé ait diffusé son rapport, en 1996, je crois, l'Association canadienne de l'industrie du médicament a fait préparer un rapport par un groupe d'économistes. Je pense que le nombre de Canadiens — ceux qui n'ont absolument aucun accès à l'assurance- médicaments — est relativement faible, un peu moins de 20 p. 100.

Je ne connais pas les chiffres d'aujourd'hui. Peut-être est-ce ce qui m'a portée à penser que le concept des soins à domicile peut être plus urgent. Quand je dis cela, les gens, particulièrement les aînés me disent «non, ce sont les médicaments». Je regrette; je ne suis pas en mesure de faire un choix. Je pense encore que les soins à domicile sont peut- être un peu plus urgents, parce qu'il y a déjà une certaine assurance pour les médicaments.

Est-ce que je peux faire marche arrière un moment? Je ne suis absolument pas choquée. Je l'ai exprimé dans mon bref mémoire, en rappelant que dans la plupart des pays de l'Europe, les gens doivent tout de même verser quelque chose de leur poche chaque année. Cela a toujours été ainsi. Cependant, ils ont beaucoup plus de protection. Au Canada, nous nous y sommes pris autrement. Pour ce que nous appelions auparavant l'assurance-maladie, je n'accepterais aucune surtaxe, d'aucune sorte. Pour les soins à domicile et l'assurance-médicaments, qui sont de nouveaux programmes pour les Canadiens, j'estime qu'il pourrait y avoir place pour une certaine participation aux frais. Je ne sais pas combien, ni sous quelle forme. Cependant, je pense que cela devrait rester gérable. L'idée, c'est d'aider les gens de façon équitable. Au-delà de cela, je ne pense pas pouvoir vous en dire plus.

Je ne suis absolument pas d'accord avec le président de ce comité, que j'ai connu alors que j'étais ministre et qu'il était cadre supérieur aux finances, et qui pense qu'il n'y a plus d'argent pour le financement. Il se trouve que je ne suis pas d'accord. Je crois que c'est une question de priorités. En septembre, nous avons soudainement trouvé tout un tas de milliards.

C'est clair comme de l'eau de roche. Tous les cadres supérieurs de la fonction publique membres des comités du Cabinet, même les ministres qui les copient, parlaient auparavant du ministère de la Santé nationale et du Bien-être social comme d'un ministère non productif. C'est ainsi qu'ils le voient. Le reste suit.

Pourtant, ce n'est tout simplement pas vrai. Il y a de l'argent. C'est une question de choix et de priorités.

Le sénateur Roche: J'aimerais vous faire remarquer que Monique Bégin et moi sommes arrivés au Parlement ensemble, il y a trente ans cette année. Je l'ai toujours admirée. J'ai deux questions, ou peut-être une et demie, puisque vous avez déjà parlé des soins à domicile.

Comme vous, madame Bégin, je suis en faveur d'un programme exhaustif de soins à domicile, et pour lui donner la priorité sur l'assurance-médicaments, bien que je préférerais avoir les deux.

Monsieur le président, le témoin a abordé un concept très intéressant lorsqu'elle a parlé des exemples européens de ce qu'elle a appelé la «participation aux frais». C'était au sujet des nouveaux programmes. Elle ne l'accepterait pas pour les programmes qui existent déjà, mais pour un nouveau programme — en l'occurrence, les soins à domicile — elle permettrait la participation aux frais, appelée aussi le ticket modérateur.

Mme Bégin: Ce n'est pas nécessairement cela. Ce pourrait être une quote-part, ou d'autres approches, très différentes. C'est pourquoi j'ai utilisé l'expression très générale «participation aux frais».

Le sénateur Roche: D'accord. Si la restructuration du système de santé doit coûter de l'argent et que nous devons demander aux Canadiens de payer plus sous une certaine forme, n'aurons-nous pas à expliquer en termes clairs pourquoi il faut plus d'argent dans le système? Si nous adoptons les soins à domicile, peut-être les gens comprendraient-ils que quelque chose de nouveau s'ajoute. Cependant, s'ils payent, par l'entremise de l'impôt, pour les soins à domicile additionnels, pouvons-nous nous attendre à qu'ils participent aux frais?

J'aimerais que vous en parliez dans le contexte de ce que vous pensez être le chiffre approximatif de ce que pourrait coûter le programme de soins à domicile au Canada. Je n'irai pas plus loin.

Mme Bégin: Je ne peux pas vous répondre. Je n'en ai absolument aucune idée. Cependant, j'aimerais clarifier, avant que nous n'allions plus loin, le sens du terme «restructuration». Lorsque je parle de restructurer ce que nous appelons le régime d'assurance maladie prévu par la Loi canadienne sur la santé, c'est clair comme de l'eau de roche pour moi — et j'espère l'avoir clairement fait comprendre par écrit — que le financement actuel devrait couvrir plus que les médecins et les hôpitaux. Il faudrait qu'il couvre tous les soins primaires, les soins de réadaptation, certains traitements des malades chroniques — et je dis «certains» parce qu'il y a des limites entre les maladies chroniques et les soins à domicile à un moment donné — et la santé mentale qui, en principe, est actuellement couverte par la Loi canadienne sur la santé. Cela ne nécessite pas de nouveaux fonds. Les économies potentielles de quelque 15 p. 100 devraient facilement le couvrir. Cela se fait actuellement.

Le sénateur Roche: Est-ce que les soins à domicile peuvent s'insérer dans un programme de restructuration qui englobe les soins primaires et la réadaptation? Est-ce que le système peut supporter cet ajout?

Mme Bégin: C'est à vous d'en décider. Vous êtes équipés pour étudier cette question, pas moi. Je n'ai jamais vu ce que coûtent les soins à domicile. Je ne pense pas qu'une étude satisfaisante ait été faite sur l'inventaire des soins privés. Y en a-t-il?

Le sénateur LeBreton: Non, il n'y en a pas.

Mme Bégin: Je crois que l'Université de Toronto fait certains travaux sur la question. Je n'en suis pas sûre. Cela n'existe même pas. Idéalement, pour moi, il y aurait une nouvelle Loi canadienne sur la santé qui couvrirait toute la gamme des soins de santé, des soins à domicile et des médicaments, sous les mêmes règles.

Le sénateur Roche: D'accord.

Mme Bégin: Je ne crois pas que cela puisse jamais arriver parce que pour ce qui est des créneaux des soins à domicile et de l'assurance médicaments, pour lesquels nous n'avons rien fait il y a 10 ou 15 ans, alors que c'était probablement le temps d'agir, le secteur privé s'en est emparé. Nous devons le respecter. Certains ont fait un excellent travail. Il faudra probablement formuler des lois parallèles distinctes — peut-être avec les cinq mêmes principes; je n'en suis pas sûre. C'est à vous d'examiner la question.

Je présume qu'il faudra des fonds additionnels. Disons que nous adoptions un régime universel d'assurance médicaments et de soins de santé, la majorité des Canadiens diront que ce qu'ils payent de leur poche à une compagnie privée, ils le verseront maintenant à une société d'État. Ils ne sont pas bêtes. C'est leur argent, et c'est probablement le même argent. Ce n'est que pour les Canadiens qui n'ont pas accès à cause du manque de ressources que cela constituera réellement un financement additionnel.

Le sénateur Roche: Au sujet du financement additionnel dont le système a besoin, pensez-vous qu'il soit exagéré de dire que le système actuel est insoutenable?

Mme Bégin: Je ne suis absolument pas d'accord avec cela. Ou plutôt, je crois que je ne suis pas d'accord avec cet énoncé de votre comité, et j'en ai parlé par écrit. Je n'en suis pas sûre, parce que vous n'êtes pas tout à fait clairs, à la page 65.

Pour commencer, vous affirmez fermement que ce n'est pas soutenable sur tous les plans. Je crois que vous parlez du système actuel des hôpitaux. Et puis, au milieu de la page 65, vous dites que «cela exige un élargissement de la couverture pour combler les lacunes du système actuel». C'est donc qu'il faut plus d'argent. Je ne sais pas ce que vous entendez par «élargissement de la couverture». J'ai dit exactement ce que je pense. Je ne sais pas ce que vous pensez, je regrette. Je ne peux pas vous répondre.

Le sénateur Roche: Au sujet des coûts, est-ce que je peux attirer l'attention des attachés de recherche sur ce rapport dont il a été question dans le Globe and Mail d'aujourd'hui, qui est publié par le Centre canadien des politiques alternatives de l'Ontario? Je ne sais rien d'eux. Ils ont publié une étude selon laquelle, au sujet de l'Ontario, l'affirmation que le système a dépassé ses moyens financiers est exagérée. Autrement dit, il est actuellement soutenable. J'aimerais que les attachés de recherche examinent cela.

Le président: Certainement.

Le sénateur Roche: Une dernière question. J'aimerais mettre à profit l'instinct politique de Mme Bégin en matière de relations fédérales-provinciales. Si la restructuration du système exige plus d'argent, est-ce que les coûts additionnels pourront être partagés entre les gouvernements fédéral ou provinciaux ou est-ce que le gouvernement fédéral devra payer la totalité de la note et trouver l'argent nécessaire?

On nous a dit que les provinces faisaient actuellement le maximum dans le domaine des soins de santé et qu'elles ne verraient pas d'un bon oeil toute nouvelle dépense liée à la restructuration du système. D'après ce que vous savez des relations fédérales-provinciales, est-ce qu'une formule de partage des coûts pour les dépenses additionnelles de restructuration serait viable?

Mme Bégin: Encore une fois, je ne sais pas exactement ce que vous avez à l'esprit lorsque vous parlez de restructuration. J'ai écrit ceci à la fin de février:

Comme on l'a abondamment souligné la semaine dernière à la conférence de McGill sur les soins de santé au Canada, lorsque les budgets affectés aux soins de santé avalent plus de 40 p. 100 et même presque 50 p. 100 des ressources provinciales, il faut se poser des questions sur l'équilibre.

J'ai enchaîné en disant que lorsque le Canada a mis de l'ordre dans les finances publiques — et je crois que Paul Martin a fait un travail excellent et essentiel — c'est 30 milliards de dollars qui ont été soustraits du budget de la santé au pays. Nous n'étions pas les seuls à devoir mettre de l'ordre dans nos finances et la plupart des pays en ont fait autant, sauf que le Canada s'en est particulièrement bien tiré. Cependant, les réductions effectuées dans le domaine de la santé ont été plus brutales ici que dans tous les autres pays de l'OCDE. Il faut mettre cela en perspective.

Tout le monde sait ce que je pense du Financement des programmes établis — FPE — et du TCSPS. Il est possible que politiquement, il n'ait pas été possible d'éviter le FPE au milieu des années 70, mais il s'agit d'une énorme erreur politique. Plus qu'une erreur politique, un véritable cauchemar. J'ignorais que j'allais en subir les conséquences à titre de ministre, et c'est encore un problème aujourd'hui.

La campagne publicitaire télévisée en Ontario portant sur la part des dépenses en matière de soins de santé assumée respectivement par la province et le fédéral était malveillante et allait à l'encontre de l'intérêt commun. Les Canadiens ne veulent pas que des choses comme celles-là continuent de se produire.

Idéalement, nous devrions revenir à un partage à parts égales. Le gouvernement fédéral continue de percevoir des taxes au vu et au su de tous les Canadiens et devrait aider les provinces. C'est la notion de paiements de transfert entre les régions du pays. C'est également le partage. À mon avis, il est ici question de choix, de valeurs, de priorités et d'une sage utilisation du pouvoir de dépenser. Le gouvernement fédéral devrait accroître sa contribution proportionnellement. En termes de reddition de comptes, il est si important aux yeux du public d'arriver à un partage à parts égales; c'est bien sûr la solution idéale, mais je crois que nous pourrions commencer par 25 p. 100 pour ensuite augmenter graduellement la proportion du gouvernement fédéral.

Le sénateur Roche: Merci.

Le sénateur Fairbairn: C'est un plaisir que de vous recevoir de nouveau et je dois vous dire que votre contribution à nos réunions est précieuse. Chaque fois que je vais dans un aéroport, je rencontre Mme Bégin qui se précipite vers un autre lieu de réunion quelque part au pays. Il est probable que de nombreux organismes se confient d'une manière plus intime à elle qu'à nous.

Ma préoccupation porte sur la question dont nous discutons présentement. Je suis parfaitement d'accord avec vous, surtout si l'on considère les données démographiques. Cela n'a jamais été un secret. Les données démographiques donnent à penser que les soins à domicile deviennent un ajout presque obligatoire au système de soins de santé en raison du très grand nombre de citoyens âgés que compte le pays. Or, ce pays ne sera pas en mesure d'assurer des soins à cette partie de la population si aucun changement important n'intervient, permettant aux gens de vivre à domicile d'une manière plus saine.

Au fur et à mesure que l'idée d'un réexamen de la Loi sur la santé fait son chemin, je suppose que le défi — et j'aimerais avoir votre opinion là-dessus — sera de préserver les cinq grands principes à la base de cette loi. Il faudra se montrer à la fois très précis, très persuasif et très prudent pour parvenir à inclure les soins à domicile parmi ces principes. Ce nouveau principe devra être inscrit dans la loi pour qu'il ait virtuellement le même poids que les autres. Certains vous diront que c'est impossible.

D'un autre côté, alors que j'écoutais les différents échanges, je suis arrivée à la conclusion que d'après certaines personnes, le pacte social négocié il y a quelques années entre le gouvernement fédéral et les provinces était impossible. Pourtant, il s'est avéré que ce n'est pas le cas. La réalité, c'est que nous avons à partager certaines choses à propos desquelles, dans le passé, nous aurions dit: «Non, cette activité relève de notre compétence et non de la vôtre». Cela peut être un élément positif dans ce que vous appelez la restructuration.

En ce qui concerne les soins à domicile, je conviens avec vous que cette question est de la plus haute importance parce qu'elle se pose maintenant et que les choses ne vont pas très bien. Peut-être les choses se passent-elles mieux dans certaines provinces, car on me dit toujours que c'est mieux en Alberta. Je n'en suis pas sûre, mais si tel est le cas, alors les gens de l'Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve devraient pouvoir accéder au même niveau de soins.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'entreprise délicate qui consiste à réunir des gens autour d'une table pour faire valoir cet élément qui suppose que l'on dépense de l'argent. Si vous parlez sérieusement d'un programme national de soins à domicile, je ne vois pas comment une telle initiative est possible dans notre système tant et aussi longtemps que les provinces et le gouvernement fédéral n'auront pas compris qu'il est dans leur intérêt de s'unir pour faire face au problème.

Mme Bégin: Oui. La question s'inscrit entièrement dans le domaine de la politique et non seulement dans le domaine des politiques gouvernementales.

À mon avis, le moment est maintenant bien choisi pour réexaminer la Loi canadienne sur la santé sans perdre les acquis. C'est là mon flair politique, pour ce qu'il vaut.

Si vous pensez à la séquence des événements, la Commission Romanow va présenter son rapport, de même que votre comité. Jusqu'à maintenant, et en dépit des meilleurs efforts de ces deux instances, je ne crois pas que le débat public ait été suffisant. Il s'agit d'une question urgente pour toutes sortes de raisons et je trouve déplorable qu'elle n'ait pas encore suscité le niveau de débat qu'elle mérite.

Vous allez faire rapport. Le gouvernement devra se pencher sur ces rapports et y répondre. Une proposition sera faite au public. Par-dessus le marché, cette proposition peut tomber en pleine campagne électorale — ce qui n'est certes pas l'idéal pour une question complexe, parce que le processus électoral est un exercice manicheén dans lequel on tranche entre le bien et le mal, le noir et le blanc et dans lequel on a l'habitude de trop simplifier les questions qui se posent.

Quelqu'un devra gérer cette proposition et c'est cela le leadership politique. Il faudra faire appel à des connaissances techniques pour traduire le tout en des propositions concrètes, pour établir les coûts et pour faire un choix de recommandations qui deviendront des politiques gouvernementales. Le leadership politique sera l'ingrédient clé pour piloter et gérer le dossier dans l'opinion publique. Au-delà de ce point, c'est de la théorie.

Le sénateur Fairbairn: Je suis d'accord avec cette analyse, surtout sur la question des soins à domicile. Il s'agit presque d'une question idéale pour un débat public parce qu'elle touche la plupart des foyers d'une manière ou d'une autre.

Dans vos notes, vous parlez de soins continus, du système hospitalier à la maison. Il s'agit là d'une des questions difficiles indéniablement liées à la question plus vaste des soins à domicile. Il pourrait bien s'agir d'une question que le public canadien serait à même de comprendre et sur laquelle il pourrait influer, dans la mesure où elle est abordée dans la transparence, avec honnêteté et également beaucoup de doigté.

Mme Bégin: Vous soulignez un point très important aux plans stratégiques et techniques; si les soins à domicile étaient considérés comme un programme distinct et important, porté à l'attention du public grâce à des discussions fédérales-provinciales, et qu'il ne véhiculait pas la même chose que le programme d'assurance-maladie, il s'agirait d'un nouveau programme, ce qui pourrait être très intéressant. Le gouvernement fédéral n'a pas besoin de loi pour cela et pourrait annoncer d'importants investissements, non pas pour des projets pilotes, mais pour une structure d'information et pour la mise à niveau du matériel médical au pays, simultanément ou non.

Je constate que certaines stratégies sont conçues de cette manière. Les améliorations au programme d'assurance- maladie seraient apportées séparément et peut-être de façon plus discrète. Je considère le côté positif des soins à domicile comme étant un nouveau dossier.

Le sénateur Fairbairn: Compte tenu de toutes les difficultés et combien il est difficile d'en comprendre un grand nombre, je crois que si nous ne pouvons ensemble en arriver à quelque chose de viable en ce qui a trait aux soins à domicile, nous aurons beaucoup de mal à nous entendre sur certaines des autres questions.

Le sénateur Cook: Madame Bégin, je tiens à vous remercier de nous faire profiter une fois de plus de votre sagesse et de votre expertise.

J'ai deux questions. Je veux prendre comme point de départ ce qu'a dit le sénateur Fairbairn au sujet des soins à domicile. Les soins à domicile sont un sujet complexe. Je vais vous raconter une histoire. Lundi, une vieille dame de 77 ans de St. John's, Terre-Neuve, a subi un pontage. Le médecin lui a dit que si tout allait bien elle pourrait rentrer chez elle jeudi ou vendredi. S'il ya une personne qui a besoin de soins à domicile complets, c'est bien elle. Elle rentre chez elle pour y trouver un compagnon du même âge, à proprement parler. Elle est sous perfusion. Il y a des systèmes en place. S'il y a jamais eu une raison d'examiner ce que sont les soins à domicile dans le contexte de la prestation actuelle des soins de santé, je crois que c'est bien celle-là.

Je veux parler des offices régionaux de santé dans ma province de Terre-Neuve-et-Labrador. Avec tout le respect que je vous dois, il faudrait ajouter un principe ici, à savoir le principe de la réalité. Il y a cinq offices dans ma province. Cependant, comme l'un d'entre eux est un hôpital de soins tertiaires à 100 p. 100, l'impact commence là. Il y a un office régional administré par des bénévoles dont j'ai fait partie pendant un certain nombre d'années.

Mme Bégin: Lequel est dirigé par soeur Elizabeth Davies?

Le sénateur Cook: St. John's Public Care. Nous avons fusionné les cinq hôpitaux. Cependant, cet hôpital dessert aussi toute la province de Terre-Neuve en ce qui a trait à certaines disciplines. Il n'y a qu'un seul hôpital de soins tertiaires, qui est dirigé par un groupe de bénévoles animés de bons sentiments, non informés et qui prennent des décisions au nom des résidents de la province et du gouvernement.

Lorsqu'il s'agit d'essayer de mettre en place de meilleures pratiques, il y a d'une part le gouvernement qui conseille d'éliminer le déficit alors que nous ne cessons de répéter qu'il n'y a pas suffisamment d'argent pour assurer le fonctionnement du système mais qu'il ne faut pas fermer de lits. Il y a d'autre part le ministère de la Santé, le Conseil du Trésor, le vérificateur général, tous les organes gouvernementaux comme points de pression essayant d'améliorer la prestation des services assurés par cet office alors que l'argent manque.

Comment surmonter le problème? Comment apporter des réformes de manière à faire honorablement le travail et à éliminer les points de pression tant qu'ils ne passent pas à un niveau supérieur, c'est-à-dire le gouvernement fédéral? Comment s'en sortir?

Mme Bégin: Je ne connais pas les détails, mais ce que vous décrivez c'est une partie du Canada dont la population et les ressources, même si elles sont limitées, sont concentrées dans des collectivités éloignées et qu'il est alors difficile de satisfaire leurs besoins en matière de santé. Cela dit, je ne peux dire si les choses se font comme il se doit à Terre-Neuve. Je m'excuse.

Le sénateur Cook: J'essaie de dire qu'il faut obtenir suffisamment d'argent pour assurer les services comme il se doit et qu'il y ait une obligation de rendre compte

Mme Bégin: Comme je ne connais pas la situation à Terre-Neuve, je suis désolée mais je ne peux répondre à votre question. C'est un des principaux problèmes. L'obligation de la province de justifier sa gestion des sommes consacrées aux soins de santé est telle que personne ne sait vraiment qui dépense l'argent et à quelle fin. Certaines provinces parlent de «services sociaux». C'est le problème bien connu qui consiste à ne pas être en mesure de se comprendre l'un l'autre lorsqu'il est question de dépenses en matière de santé.

Personne ne se fie aux chiffres des autres. C'est malencontreux. Premièrement, nous devons en arriver à faire confiance aux provinces lorsqu'elles nous font part de leur situation. Nous devons partir de là en ce qui a trait aux différentes contributions du gouvernement fédéral.

Le sénateur Cook: Croyez-vous que du point de vue fédéral l'obligation de rendre compte a sa place?

Mme Bégin: Tout à fait.

Le président: Madame Bégin, merci beaucoup d'être venue et d'avoir passé deux heures avec nous. Comme d'habitude, vos observations et vos réflexions sont extrêmement utiles.

Mme Bégin: Me permettez-vous de conclure en disant, monsieur le président, que votre comité rendrait un fabuleux service au Canada et aux Canadiens s'il pouvait travailler à ce que j'appelle une «stratégie de mise en oeuvre» ainsi qu'à un calendrier? D'habitude les comités et les commissions oublient qu'après leur dissolution, leurs travaux sont perdus. Votre comité pourrait accomplir un travail fabuleux.

Le président: C'est ce que nous espérons faire. Nous ferons une proposition de financement précise. Comme vous le savez, les comités ne le font normalement pas parce qu'ils ne veulent pas se mouiller. Je suppose que comme nous avons déjà eu l'audace et la stupidité d'entreprendre cette étude, aussi bien continuer.

La séance est levée.


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