Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 20 - Témoignages du 11 décembre
OTTAWA, le mardi 11 décembre 2001
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 9 h 32 pour étudier le projet de loi C-44, Loi modifiant la Loi sur l'aéronautique.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente: Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion sur l'étude du projet de loi C-44, la Loi modifiant la Loi sur l'aéronautique. Ce projet de loi constitue le paragraphe 4.83 du projet de loi C-42, la Loi sur la sécurité publique, et il a été retranché pour en faire une loi distincte.
L'objectif du projet de loi est de permettre aux transporteurs aériens canadiens d'obéir aux lois américaines en territoire américain. À la suite de changements législatifs récents, les États-Unis exigent aujourd'hui de l'information sur les passagers et les membres d'équipage à bord des avions avant que ceux-ci ne se posent sur leur territoire. Les vols transfrontaliers seraient encore possibles sans les changements proposés, mais ils donneraient lieu à des retards considérables. À cause de la date d'entrée en vigueur des changements législatifs américains, il est important que le Canada change sa loi le plus tôt possible.
[Traduction]
Pour que les transporteurs canadiens puissent se conformer aux exigences américaines, ils doivent être exonérés de certaines dispositions de notre Loi sur la protection des renseignements personnels, soit la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. C'est ce que fait le projet de loi C-44. Le projet de loi dont nous sommes saisis est court, puisqu'il ne contient qu'un article. Si l'objet de ce projet de loi est raisonnable, il convient toutefois de s'intéresser à la question de la protection de la vie privée. Mentionnons ici qu'une modification a été apportée dans la Chambre des communes afin de restreindre la façon dont les informations recueillies pourront être utilisées et divulguées.
Pour vous permettre cette étude, nous allons accueillir des représentants de Transports Canada, puis des représentants des transporteurs aériens. Nous poserons des questions après chaque exposé.
Nous allons commencer par Transports Canada, avec M. Elliott.
[Français]
M. William Elliott, sous-ministre adjoint, Groupe de la sécurité et sûreté, Transports Canada: Nous sommes heureux de comparaître aujourd'hui pour discuter de cet important projet de loi.
[Traduction]
La Loi sur l'aéronautique, que ce projet de loi modifierait, est administrée par le ministre des Transports. Elle traite de sécurité et de sûreté de l'aviation civile et, plus largement, de la promotion de l'aéronautique.
Comme vous le savez, par suite des attentats terroristes perpétrés contre les États-Unis le 11 septembre, ce pays a adopté la «Aviation and transportation Security Act». Entre autres, cette loi prévoit des exigences concernant la fourniture derenseignements sur les passagers et les membres d'équipage à bord de vols entrant aux États-Unis en provenance de l'extérieur de ce pays.
Actuellement, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques du Canada nepermettrait pas aux transporteurs canadiens de fournir les renseignements exigés par les Américains. Conformément au rôle du ministre des Transports dans la promotion de l'aéronautique, le ministre appuie ce projet de loi, car il permettrait, en dépit de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, de fournir aux autorités des États-unis les renseignements demandés. De même, la loi pourrait permettre, sous réserve de règlements, de fournir des renseignements sur les passagers et les membres d'équipage à d'autres pays.
Le projet de loi est structuré de manière que les renseignements exigés aux termes de lois d'un pays étranger puissent être fournis à ce dernier si le type ou la catégorie de renseignements et le pays étranger sont autorisés par règlement.
Je crois, honorables sénateurs, qu'en vous a remis un règlement provisoire. Celui-ci indique les renseignements qui peuvent être fournis automatiquement à l'égard des passagers et des membres d'équipage et les renseignements qui peuvent être fournis sur demande relativement à certaines personnes. Cette dernière catégorie de renseignements est ce qu'on appelle souvent le dossier passager.
Je peux vous dire que le Commissaire à la protection de la vie privée a pris connaissance des dispositions du projet de loi C-44 tel qu'il a été proposé, et qu'il a formulé certaines recommandations au ministre des transports. À la suite de ces consultations, une modification a été présentée à l'étape de l'étude en comité de la Chambre des communes. Le Commissaire à la protection de la vie privée a donné son appui au projet de loi modifié. Le nouveau libellé assure que toute information remise aux autorités compétentes des États-Unis ne pourrait ête remise au gouvernement canadien sauf à des fins de protection de la sécurité nationale ou de la sécurité publique ou à des fins de défense.
La modification proposée vise à permettre aux exploitants de services aériens canadiens de se conformer aux nouvelles pratiques de sûreté et aux exigences juridiques qui sont établies dans le monde entier, surtout compte tenu des événements tragiques qui se sont déroulés le 11 septembre 2001 aux États-Unis d'Amérique. La modification proposée améliorerait la capacité des transporteurs canadiens de collaborer avec nos partenaires d'autres pays pour prendre des mesures positives afin de décourager et de trouver les terroristes. C'est dans l'intérêt de la sûreté de l'aviation et d'un réseau de transport efficace dans le domaine de l'aviation civile.
Madame la présidente, honorables sénateurs, nous serons heureux de répondre à vos questions à propos de ce projet de loi.
La présidente: Qu'en est-il de la situation actuelle? Si je ne m'abuse, certains renseignements apparaissant dans le manifeste des passagers sont déjà communiqués aux autorités américaines. Qu'envoie-t-on et qui s'en charge? Comment les choses se passent-elles et quand les données sont-elles communiquées?
M. John A. Read, directeur général, Transport des marchandises dangereuses, Groupe de la sûreté et de la sécurité, Transports Canada: La situation est intéressante en ce sens que, en vertu de la Loi sur l'aéronautique, les appareils canadiens qui pénètrent dans l'espace aérien américain doivent se conformer à certaines parties de la loi américaine qui sont en conflit avec la loi canadienne, du moins sur le plan de l'aéronautique. Actuellement, quand des appareils canadiens pénètrent dans l'espace aérien américain, ils peuvent légalement fournir les données que les Américains désirent désormais obtenir. Ce qui nous inquiète le plus, c'est que les États-Unis nous ont clairement fait savoir qu'ils veulent obtenir les données en question dans un délai minimum avant le décollage de l'avion. D'après ce que nous savons, mais il n'y a rien là d'officiel, les Américains aimeraient obtenir un premier rapport quatre heures avant l'arrivée de l'appareil aux États-Unis. Ces données pourront être modifiées, si nécessaire, au moment du départ.
La loi nous permet déjà de communiquer aux Américains les renseignements qu'ils exigent au moment où nos avions pénètrent dans leur espace aérien. Il nous faudra, cependant, apporter quelques modifications pour le faire dans les délais désormais exigés. Ils nous ont donné l'exemple d'un avion décollant de Vancouver à destination de Seattle, parce qu'ils n'ont presque pas le temps de revoir les données qu'ils recevraient si elles ne devaient être transmises qu'au moment du décollage de l'avion, parce que le temps de vol n'est que de 20 ou 30 minutes. Aujourd'hui, c'est ainsi que les choses se passent. Les informations sont communiquées au moment où l'appareil est encore au sol au Canada, avant qu'il reçoive son autorisation initiale de vol. Donc, il existe deux façons dont les données sont tout à fait légitimement transmises aux États-Unis.
La présidente: Si je comprends bien, certains renseignements de base sont décrits à l'annexe 1 du Règlement. Les renseignements fournis sur demande sont visés par l'annexe 2 de ce même Règlement. Est-ce que «PNR» en anglais veut dire registre des passagers?
M. Read: Oui. Malheureusement, l'expression «registre des passagers» n'est pas définie. Maintenant que les États-Unis ont adopté leur loi sur la sécurité aéronautique, ils vont faire des démarches auprès de l'IATA et de l'OACI afin de demander à ces deux organisations d'adopter une définition pour «registre des passagers». Il serait plus facile pour tout le monde si nous savions exactement ce qu'il faut entendre par là.
Comme vous le disiez, conformément à la loi américaine, les informations de base doivent être communiquées pour chaque personne, et par informations de base on entend celles qui apparaissent dans le passeport. À cela vient s'ajouter une deuxième catégorie de «registre de passagers». Pour chaque passager, un dossier est automatiquement créé. Celui-ci indique comment le passager a payé son billet, quelle est sa destination et ainsi de suite. S'il fait une réservation par l'intermédiaire d'un agent de voyage, il est possible de recueillir davantage de renseignements, comme les personnes l'accompagnant, la demande de repas spéciaux ou de besoins spéciaux ainsi que les bagages transportés en excédent du poids autorisé - autant d'information que l'on recueille quand on confirme la personne sur un vol.
Le PNR renferme cinq champs obligatoires, dont le nom du passager, un numéro de téléphone de personne à contacter et la destination. Je ne me rappelle pas les deux autres. En plus des cinq champs obligatoires, il y a plusieurs champs facultatifs. Il existe une demi-douzaine de systèmes de réservation dans le monde permettant d'enregistrer les passagers aériens. C'est à cette occasion qu'on recueille des renseignements sur eux. Il s'agit de renseignements notionnels regroupés dans un «registre des passagers», qui renferme donc toutes les informations concernant le voyageur.
Le sénateur LaPierre: Est-ce que les Américains veulent cette information?
M. Read: La loi américaine exige que les renseignements de base, correspondant aux données du passeport, soient communiqués aux autorités avant que l'avion n'atterrisse aux États-Unis. Elle précise aussi que, sur demande, il faut remettre le registre des passagers correspondant à une personne donnée. C'est cela qu'ils exigent.
Nous avons bâti l'ébauche de règlement en deux parties. Il y a l'annexe 1 et l'annexe 2. L'annexe 1 porte sur les données de base contenues dans les passeports. Il s'agit des renseignements passagers qui sont communiqués d'avance et qui correspondent à l'identification de chacun. L'annexe 2 est la liste réglementaire des éléments que les États-Unis vont exiger pour la constitution des registres de passagers. Bien qu'ils ne nous aient pas encore officiellement remis leur liste de désirata, ils nous ont communiqué le contenu de leur annexe 2. Cette liste a été élaborée à partir des accords et des ententes relatives aux autorisations préalables. Les éléments de données qui apparaissent à l'annexe 2 sont repris dans l'autorisation préalable.
La présidente: Est-ce que le Canada exige de tels renseignements des transporteurs étrangers?
M. Read: Le Canada est prêt à le faire. Récemment, nous avons modifié la Loi sur l'immigration et sur les douanes qui nous autorise à accéder à des informations sur les passagers, avant que leurs appareils n'atterrissent au Canada. Cependant, nous n'avons pas encore parachevé les règlements qui préciseront les éléments de données que nous voulons obtenir.
Le sénateur Oliver: Je suis essentiellement d'accord avec cette loi. J'estime qu'elle est importante et je sais pourquoi elle a été proposée. La semaine dernière, le sénateur Finestone et moi-même nous sommes rendus sur les lieux de l'attaque, à New York. L'emplacement est incroyable à voir, on en a des frissons.
Cependant, j'ai quelques réserves vis-à-vis des droits civils et de la personne. Pour les Noirs, comme moi, je redoute qu'on établisse des profils raciaux.
Monsieur Elliott, quels mécanismes cette simple loi prévoit-elle pour s'assurer qu'un particulier ou le membre d'un groupe donné ne sera pas ciblé ni que les renseignements transmis ne serviront pas à traiter à part un particulier ou un groupe? Quelle protection a-t-on prévu? Quels sont les contrôles?
Les droits dont je parle sont protégés par la Charte canadienne des droits et libertés, par la Loi sur les droits de la personne et par des conventions internationales. Quel recours cette loi prévoit-elle aux trois types de texte que je viens de mentionner pour éviter l'établissement de profils à caractère racial? Plus précisément, dans quelles circonstances sera-t-il nécessaire de communiquer des renseignements additionnels en vertu de l'annexe 2?
Mme Sherrill Besser, avocate-conseil, Services juridiques, Transports Canada: Merci pour votre question. Je vais vous donner une réponse précise, plutôt que de vous parler de la Charte en général.
Notre loi stipule que nous ne pouvons fournir de renseignements qu'en vertu de nos règlements. Ces renseignements ne sont communiqués à un autre pays qu'en fonction des lois de ce dernier. Nous estimons que si un pays tiers est la cible d'un groupe donné, nous avons les pouvoirs voulus pour qu'il ne soit plus visé par ce règlement.
Le sénateur Oliver: Actuellement, un seul pays est mentionné dans les Règlements, n'est-ce pas?
Mme Besser: Oui.
Le sénateur Oliver: Comment d'autres pays peuvent-ils apparaître sur cette liste? Quel est le critère?
Mme Besser: Par exemple, si la Grande-Bretagne adoptait une loi semblable à la loi américaine, nous pourrions ajouter ce pays sur la liste de ceux qui sont en droit de recevoir ce genre d'information. Nous ne le ferions que si nous avions la certitude que la Grande-Bretagne appliquerait ces lois dans le respect des valeurs que les Canadiens jugent essentielles. C'est cela la protection que nous avons prévue: l'accès conformément à nos règlements.
Par ailleurs, les éléments concernant les données peuvent être limités à chaque pays pris séparément. Nous ne fournirions pas de renseignements ciblés en fonction de la couleur ou de l'appartenance religieuse, ou pour reprendre votre exemple, selon qu'un tel est noir, musulman ou juif. Nous ne fournirions pas des renseignements de ce type, parce qu'ils sont contraires aux valeurs que défendent les Canadiens.
Le sénateur Oliver: En quoi est-ce que la Charte des droits et libertés, la Loi sur les droits de la personne et les conventions internationales protègent-elles les Canadiens en vertu de cette loi?
Mme Besser: Rien n'est discriminatoire, ni dans l'article proposé 4.83 ni dans les règlements. Nous sommes à l'abri de toute discrimination portant sur des caractéristiques immuables. Rien n'est source de discrimination.
M. Read: Je dois ajouter à ce que j'ai dit tout à l'heure que les États-Unis recueille actuellement ces informations.
Le sénateur Oliver: Même celles qui sont indiquées à l'annexe 2?
M. Read: Oui. Aujourd'hui, quand un avion canadien pénètre dans un espace aérien étranger, il est tenu, en vertu de la loi canadienne, de se plier aux lois du pays dont il emprunte l'espace aérien, même lorsque celles-ci sont en conflit avec les nôtres sur le plan aéronautique. Quand un avion canadien pénètre dans l'espace aérien américain, il doit se conformer aux lois américaines. C'est ce que nous faisons déjà et nous fournissons déjà les renseignements dont il est ici question. Même si ce projet de loi n'existait pas, nous fournirions tout de même tous les renseignements dont il parle.
Pour notre protection, nous dépendons des États-Unis qui sont réputés sur le chapitre de la protection de la vie privée. Les Américains ont précisé dans leur loi qu'ils ne recueillent ces renseignements qu'aux fins de la sécurité des transports.
Ils les recueilleront, que ce projet de loi soit adopté ou non. Nous proposons ce texte pour que nos compagnies aériennes ne soient pas retardées par la règle notionnelle des quatre heures sur leurs dessertes américaines. Nous ne transmettons rien de plus que ce que les autres disposent déjà. Nous ne faisons qu'officialiser la procédure. Les Américains ont adopté une loi du Congrès établissant les conditions en vertu desquelles ils vont recueillir et utiliser les renseignements en question.
La question la plus intéressante qui se pose, qui est source de préoccupation du Commissaire à la vie privée et qui rejoint, je crois, le sens de votre question, c'est de savoir si ces renseignements pourraient revenir au Canada. Le commissaire a déclaré que, dans une telle éventualité, il exigerait l'imposition de restrictions sur le «rapatriement» de ces données. C'est pour cela que l'autre Chambre a déjà modifié le projet de loi. Le Commissaire à la protection de la vie privée a recommandé au ministre des Transports de permettre que ces données ne soient renvoyées à une institution gouvernementale que si elles doivent servir aux fins de la défense nationale, de la sécurité nationale ou de la sûreté publique. Le principe a été accepté et c'est là où nous en sommes.
Le sénateur Oliver: Vous êtes des hauts fonctionnaires de Transports Canada. C'est vous-même et vos collaborateurs qui allez mettre en oeuvre ce projet de loi, advenant qu'il devienne loi. Quel critère allez-vous appliquer au sein du ministère afin de déterminer quels organismes d'un gouvernement étranger sont ce qu'on appelle des «autorités compétentes»? Quel critère allez-vous appliquer?
M. Read: Il est de pratique courante dans les affaires internationales d'enregistrer les autorités compétentes auprès d'organismes internationaux comme l'Organisation de l'aviation civile internationale et l'Agence internationale de l'énergie atomique. Ce terme est essentiellement technique. Ainsi, pour l'Agence internationale de l'énergie atomique, le gouvernement du Canada a fait enregistrer deux autorités compétentes à l'échelle internationale. Il s'agit d'abord de Transports Canada, pour le transport de matières radioactives, et de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, qui se charge de la sûreté du conditionnement des matières.
L'autorité compétente au Canada en matière d'aviation est Transports Canada, qui est également l'autorité compétente en matière de sûreté maritime. L'expression «autorité compétente» est bien connue dans le milieu des transports. Elle renvoie à un organisme international où nous devons faire enregistrer le nom des «autorités compétentes». Dans la loi américaine, l'autorité compétente est bien précisée. Il s'agit du commissioner of customs, soit le commissaire aux douanes.
On nous a déjà posé cette question avant et nous avons débattu de la possibilité d'indiquer dans le Règlement, en plus du nom du pays, le nom de l'autorité compétente.
Le sénateur Oliver: Pourquoi ne l'avez-vous pas fait?
M. Read: Nous avons proposé un règlement qui fait actuellement l'objet de consultations. D'après les premières remarques, les gens se demandent pourquoi nous n'avons pas indiqué le nom de l'autorité compétente dans ce règlement. Personnellement, je pense que c'est une bonne idée. Rien ne nous empêche de le faire et je crois que nous allons le faire.
Le sénateur Finestone: J'ai une préoccupation assez sérieuse. Étant donné les circonstances, il est fort possible que nous allons faire ce qu'il faut, mais je veux en être sûre. Expliquez-moi ce que veut dire l'expression «institution gouvernementale».
Mme Besser: L'expression «institution gouvernementale», telle qu'elle est définie dans la Loi sur la protection des renseignements personnels, englobe tous les ministères fédéraux et toutes les entités qui apparaissent dans l'annexe de cette loi. Je pourrai vous en faire parvenir une liste.
Le sénateur Finestone: Je ne veux pas une longue liste. M. Read a dit qu'il n'y a rien de nouveau dans tout cela, que nous recueillons déjà ce genre d'information et que nous n'allons qu'officialiser ce que les Américains connaissent déjà sur nous. Je sais qu'on garde des dossiers sur nous, sur nos habitudes d'achat, sur nos habitudes de consommation alimentaire et ainsi de suite, mais que voulez-vous dire au juste quand vous affirmez qu'il n'y a rien de nouveau, que les États-Unis recueillent déjà ce genre de renseignements et que nous n'allons qu'officialiser ce processus, parce que de telles données peuvent être transmises à une institution gouvernementale? De quelle institution s'agit-il? La CIA?
M. Elliott: Les renseignements contenus dans le dossier des passagers sont régulièrement recueillis par les transporteurs, notamment les transporteurs canadiens, de même que par les systèmes de réservation. Actuellement, ces données sont déjà transmises aux autorités américaines par les transporteurs canadiens qui se posent aux États-Unis. À ma connaissance, ces données ne sont pas communiquées par les transporteurs canadiens aux autorités américaines en sol canadien, parce que cela irait à l'encontre de la loi canadienne.
Le sénateur Finestone: Revenez en arrière, monsieur Elliott. Vous avez dit que les Américains ont déjà ces informations, qu'il n'est pas légal de les transmettre au Canada, mais qu'on peut le faire par le biais du système américain. Que voulez-vous dire exactement?
M. Elliott: Je n'ai pas voulu dire qu'il était illégal pour les transporteurs canadiens de recueillir ce genre de données. La loi canadienne interdit la transmission de tels renseignements, dans les cas en question, aux autorités américaines. La loi canadienne s'applique à ce qui se passe au Canada. Cependant, quand Air Canada, par exemple, exploite une ligne aux États-Unis, la compagnie est sujette au droit américain. Dès lors, elle peut fournir les informations en question aux autorités américaines quand elle est aux États-Unis. À présent, on demande aux transporteurs de fournir ces données aux autorités américaines avant que leurs avions ne quittent le Canada.
Le sénateur Finestone: Je comprends. Air Canada est un transporteur à 100 p. 100 canadien. Est-ce exact que, si j'achète un billet aller-retour Canada-États-Unis que les autorités américaines auront accès à des informations me concernant, ce qui ne serait pas le cas si je volais entre Toronto et Montréal?
M. Read: Oui.
Le sénateur Finestone: Donc, il n'y a déjà pas de problème et c'est tout à fait raisonnable aux vus des circonstances.
M. Elliott: Oui, c'est ce que nous pensons.
Le sénateur Finestone: Qui peut prétendre obtenir cette information? Est-ce que les Canadiens peuvent demander à voir ces données, à en obtenir copie des Américains?
M. Elliott: Je ne pense pas être en mesure de bien vous répondre au sujet du régime d'accès à l'information aux États-Unis.
Le sénateur Finestone: Des dossiers vont être constitués sur chaque passager et les autorités américaines vont avoir accès à ces dossiers. Qui en sera le propriétaire: le Canada ou les États-Unis? Ce dossier va-t-il devenir propriété de la CIA ou du SCRS?
M. Elliott: Le gouvernement du Canada ne dispose pas de ces données. Le dossier des passagers est constitué par les transporteurs et par les systèmes de réservation. D'après le régime proposé, les transporteurs et les systèmes de réservation communiqueront les renseignements aux autorités américaines. En vertu de la loi américaine, les données sont recueillies uniquement aux fins de la sécurité aéronautique. La loi américaine prévoit que ces données pourront être communiquées à d'autres organismes fédéraux, mais uniquement au titre de la protection de la sécurité nationale.
Le sénateur Finestone: Monsieur Elliott, je conviens que c'est une bonne idée et qu'elle est raisonnable dans les circonstances. Cependant, nos valeurs touchent au respect des droits et des libertés, surtout en matière de protection de la vie privée. Une perte à cet égard pourrait menacer la démocratie. Nos questions sont pertinentes et importantes. J'ai été heureuse que le Commissaire à la protection de la vie privée vous fasse parte de ses préoccupations. Quand on a perdu la protection de la vie privée, on ne peut plus retrouver.
Compte tenu des circonstances actuelles et du fait que les gens ont de plus en plus peur, nous devons nous assurer que ce que tout ce que nous faisons est proportionnel, raisonnable et acceptable parce que les droits à la protection de la vie privée ne sont pas absolus. Peut-on être certain que cela est bien?
C'est ce que je pensais avant que vous nous déclariez que, de toute façon, vous fournissez déjà ces informations. Vous ne demandez pas l'autorisation des passagers pour le faire. Est-ce raisonnable dans les circonstances?
Je serais beaucoup plus heureuse de savoir que ces renseignements, qui apparaissent sur mon passeport et à bien d'autres endroits, sont fournis par des Canadiens à des Canadiens, conformément à la loi. Je suis très mal à l'aise de savoir qu'on communique déjà ces renseignements. Jusqu'ici, je n'avais pas de problème avec ce projet de loi.
M. Elliott: Le genre d'utilisation de ces données par le gouvernement du Canada ou par ses institutions a fait l'objet de la modification soumise à la suite des discussions avec le Commissaire à la protection de la vie privée. Il existe des restrictions relativement à l'utilisation de ces données par le gouvernement ou par les institutions gouvernementales. Comme je l'ai dit, ces données ne pourront servir qu'afin de protéger la sécurité nationale ou la sûreté publique ou encore pour des fins de défense nationale.
Pour ce qui est des préoccupations tout à fait justifiées relatives à la communication de renseignements personnels à des pays étrangers, comme ma collaboratrice vient de vous l'indiquer tout à l'heure, dans le cas des États-Unis d'Amérique, les transporteurs canadiens sont déjà tenus d'obéir aux lois de ce pays quand ils empruntent son espace aérien.
Le sénateur Finestone: C'est la même chose dans tous les pays?
M. Elliott: Oui.
Les ententes que nous sommes en train d'élaborer avec les Américains quant au type de renseignements que le Canada devrait leur fournir, établiront des champs d'information qui seront fournis dans toutes les circonstances. Nous menons actuellement des discussions permanentes au niveau international de l'aviation civile pour essayer de mettre en oeuvre une norme commune de dossiers passagers, de sorte que nous soyons tous sur la même longueur d'ondes quant à la définition à donner à ce terme.
D'après les règlements qui découleront de la loi proposée, une fois qu'elle aura été modifiée, seuls les renseignements précisés dans les règlements seront fournis conformément à la Loi sur l'aéronautique et ils ne le seront qu'aux pays également mentionnés dans les règlements. Ces règlements ainsi que la loi sont, bien sûr, sujets aux dispositions de la Charte, de la Loi sur la protection des renseignements personnels et aux autres lois et mesures de protection qu'elles contiennent et dont nous avons parlé plus tôt.
Ainsi, nous disposerons d'un régime qui limitera le genre de données qui seront transmises. La loi, ainsi que les règlements, auront une incidence directe sur le genre d'information pouvant être demandée et recueillie dans ce cas par les États-Unis d'Amérique, mais éventuellement par d'autres pays.
Le sénateur Finestone: Donc la Charte s'applique?
M. Elliott: Oui.
Le sénateur Gustafson: Ai-je raison de dire que la raison d'être de ce projet de loi est d'assurer la sécurité des passagers?
M. Elliott: De même que des membres d'équipage.
Le sénateur Gustafson: Est-ce qu'il vise les avions privés?
M. Read: Il concerne tous les avions.
Le sénateur Gustafson: Est-ce que cela ne tombe pas dans le cadre de la défense de la sécurité? Je réside à 50 miles d'un site de missiles qui a été mis là pour abattre un éventuel ennemi qui essaierait de pénétrer dans l'espace américain, mais ces missiles pourraient très bien tomber sur mon exploitation agricole.
Dans le cas de la défense, la règle des quatre heures ne s'appliquerait pas, n'est-ce pas?
M. Elliott: Je ne suis pas bien certain de comprendre votre question. La Loi sur l'aéronautique, que ce projet de loi est censé modifier, ne s'applique pas aux appareils militaires. Elle ne s'applique qu'à l'aviation civile.
Le sénateur Gustafson: C'est ce que je voulais savoir. Autrement dit, en cas d'attaque, qui est précisément ce dont nous parlons ici, tout cela s'écroule. Nous parlons bien de terrorisme. Nous fonctionnons selon un ensemble de règles qui est différent aujourd'hui de ce qu'il était il y a quatre mois. Nous avons changé notre point de vue.
La présidente: Craignez-vous que les Américains nous attaquent ou que nous les attaquions?
Le sénateur Gustafson: Je veux être certain que les Américains pourront nous sauver.
M. Elliott: Comme je le disais, ce texte ne concerne que les avions civils. Le régime est censé permettre aux autorités américaines d'être informées d'avance de l'identité de ceux qui viennent dans leur pays.
Le sénateur Gustafson: Qu'advient-il des voyageurs aériens en provenance d'autres pays que le Canada?
M. Elliott: Ce projet de loi ne traite que des avions et des gens qui viennent au Canada. Il y a une autre loi qui permet aux autorités canadiennes de l'immigration de recueillir des renseignements d'avance sur les gens qui ont le Canada pour destination.
Le sénateur Gustafson: S'il est aussi important que cela d'adopter cette loi pour apaiser les Américains, il est tout aussi important de savoir qui va venir au Canada en provenance d'autres pays. Une fois qu'ils aboutiront sur le continent nord-américain, qui sait où ils iront ensuite.
M. Elliott: Je suis d'accord qu'il est également important pour les autorités canadiennes de recueillir d'avance les mêmes informations. Nous sommes déjà en train de préparer un texte de loi et des règlements qui nous permettront de le faire. Cette loi relèvera d'autres ministres que celui des Transports. Elle concernera essentiellement les responsables des douanes et de l'immigration qui s'occupent des personnes entrant au Canada.
Le sénateur Gustafson: À vous entendre dire que vous préparez une autre loi, j'ai l'impression que vous n'êtes pas satisfait de ce qui existe. Si vous ne savez pas quelles sont règles, il est certain que nous, nous les ignorons.
M. Elliott: Je devrais peut-être apporter un point d'éclaircissement. À ce que je sache, la compétence législative existe déjà en matière d'immigration. Nous sommes en train d'élaborer un règlement découlant de la Loi sur l'immigration. Cependant, je ne connais pas vraiment la loi ni les règlements proposés sur le plan de l'immigration.
[Français]
Le sénateur Biron: En fait, vous avez répondu en grande partie à la question que je voulais vous poser. L'information que les États-Unis recevront à l'avance, suite à cette mesure de sécurité, sera l'information sur les passagers. C'est la seule différence puisqu'ils reçoivent, de toute façon, l'information quand les passagers passent à l'Immigration. Cette nouvelle mesure permettra aux États-Unis, par des moyens informatiques, d'aviser leurs agents à l'Immigration quant aux personnes qui suscitent des soupçons, afin qu'ils puissent adopter les mesures de sécurité appropriées.
La présidente: Vous pouvez le confirmer?
M. Elliott: Oui, je peux le confirmer.
[Traduction]
Le sénateur Spivak: À première vue, on aurait pu penser que tout cela n'allait pas soulever beaucoup de questions, mais en fait j'en ai pas mal à vous poser.
Pour enchaîner sur les questions du sénateur Gustafson, j'aimerais savoir si toutes ces informations sont communiquées automatiquement. Ainsi, si quelqu'un vient ici avec un visa de visiteur et prend ensuite un avion à destination des États-Unis, est-ce que les données concernant cette personne sont automatiquement communiquées en vertu de l'annexe 1 ou pas?
M. Elliott: C'est effectivement ce qui est proposé.
Le sénateur Spivak: Donc, c'est automatique. Cela veut dire qu'il devrait déjà y avoir un système en place. J'ai l'impression que le Canada devrait savoir qui vient chez lui, parce que selon les spécialistes de la lutte antiterroriste, nous sommes une bazarrière, et qu'il y a beaucoup plus de cellules terroristes au Canada que dans n'importe quel autre pays, à l'exception peut-être des États-Unis.
Vous nous avez dit que vous ne disposez pas d'information sur toutes les personnes qui arrivent au Canada, que vous n'êtes pas destinataire, d'avance, de renseignements sur les gens qui se destinent à venir chez nous. Il est très facile de rentrer au Canada, nous le savons déjà.
M. Elliott: Je me dois peut-être d'apporter une précision. J'ai dit que ce projet de loi ne traite pas de cette question. En fait, tout ce qui concerne les personnes arrivant au Canada relève essentiellement des ministres et des ministères responsables de l'immigration et des douanes. Il existe déjà des lois, mais je ne suis pas le fonctionnaire qu'il vous faut pour parler de douanes et d'immigration.
Le sénateur Spivak: Je le comprends.
Le sénateur LaPierre: J'aimerais poser une question pour obtenir une précision. Quand quelqu'un arrive aux États-Unis d'Amérique, ce sont les ministères américains responsables de l'immigration et de la douane qui s'en occupent, tout comme au Canada. C'est exact? J'aimerais savoir si c'est le cas.
M. Elliott: L'information qui est proposée...
Le sénateur LaPierre: Je ne parle pas de cela. Vous semblez faire une distinction à propos de la responsabilité qui incombe au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration au Canada, dans le cas des étrangers que nous accueillons. Vous dites que les Américains ont peut-être un autre système auquel ne participeraient pas les services de l'immigration. Je me trompe? C'est très important.
M. Elliott: Je suis d'accord avec votre raisonnement de base. La loi américaine parle de renseignements devant être communiqués aux services de douane américains, pour être ensuite transmis à d'autres services. La loi prévoit donc que ces renseignements, dans des circonstances appropriées, soient communiqués aux responsables de l'immigration américaine.
Le sénateur LaPierre: Ainsi qu'à la CIA et au FBI et à tous les autres à la surface de la planète. Merci.
Le sénateur Spivak: Ma question concerne les renseignements fournis sur demande. Je suis née en Pologne. J'ai protesté contre la guerre du Vietnam. Je sais que toute cette information sur moi existe.
Je ne ressemble pas à une Arabe, mais supposez que tel soit le cas et qu'on demande toutes les informations qu'on a sur moi. Comment le gouvernement canadien pourrait-il refuser de la donner? Je sais que ces dossiers existent. Comment la Charte canadienne des droits et libertés va-t-elle s'appliquer relativement aux informations pouvant être demandées au sujet d'une personne?
En outre, que se passera-t-il dans le cas d'une personne détenue, si l'on ne sait rien à son sujet et si elle n'a pas le droit d'appeler un avocat ni de contacter qui que ce soit? C'est ce qui se passe actuellement aux États-Unis.
La présidente: Nous n'allons certainement pas dire aux États-Unis ce qu'ils doivent faire chez eux.
Le sénateur LaPierre: Mais eux, nous disent quoi faire chez nous.
Le sénateur Spivak: Dans mon exemple, que se passerait-il dans le cas d'un citoyen canadien? Des informations ont été demandées sur lui, l'avion atterrit et la personne se retrouve détenue. Que se passerait-il dans ce cas?
La présidente: Le gouvernement américain peut bien faire tout ce qu'il veut.
Le sénateur Spivak: D'un citoyen canadien? C'est la question que j'adresse aux témoins.
La présidente: À partir des renseignements que nous fournissons aux Américains.
Le sénateur Spivak: C'est ce que pourraient donner les renseignements que nous communiquons aux Américains. Comment la Charte canadienne des droits et libertés d'applique-t-elle?
M. Elliott: Les seuls renseignements que nous pourrions communiquer en vertu de la modification proposée à la Loi sur l'aéronautique sont ceux prescrits par le règlement découlant de cette même loi. L'annexe 2 du règlement proposé comporte 29 champs d'information. Le genre de renseignement à propos duquel l'honorable sénateur s'inquiète n'apparaît pas dans la liste. Tout ce qui apparaîtra dans cette liste, parce qu'il s'agit d'un règlement canadien, sera sujet à la Charte. Si le renseignement viole la Charte, le règlement pourrait être frappé de nullité et il ne serait donc plus possible de fournir les informations.
Le sénateur LaPierre: Comprenons-nous bien. Ce projet de loi est pernicieux. Il est absolument inutile. Nous le proposons essentiellement parce que nous sommes soumis à du chantage. Le gouvernement a cédé au chantage des Américains qui ont menacé de fouiller tous les Canadiens débarquant aux États-Unis si nos autorités ne leur communiquaient pas ce genre de renseignement, et ils nous ont menacés de passer des heures à fouiller leurs bagages. Je ne m'attends pas à ce que vous me répondiez à ce sujet. Quoi qu'il en soit, je m'attends à ce que vous compreniez que ce processus représente un grand danger pour le Canada. Sans vouloir vous vexer, je n'ai pas l'impression que vous le compreniez.
Parlez-moi du délai de quatre heures. Qu'est-ce que cela signifie? Est-ce qu'il faut fournir aux Américains les renseignements qu'ils demandent quatre heures avant que l'avion ne quitte le Canada?
M. Elliott: C'est effectivement ce qu'ils demandent, si j'ai bien compris.
Le sénateur LaPierre: Et vous l'avez accepté? Oui ou non? C'est une question simple. Est-ce que vous l'avez accepté ou non?
M. Elliott: Le problème que j'ai, madame la présidente, c'est que je ne suis pas certain, pour commencer, s'il m'appartient et s'il appartient aux autres fonctionnaires d'accepter ou de rejeter cela. Je ne l'ai pas accepté. Les discussions se poursuivent avec les Américains. Ces discussions dépendront de ce que le Parlement fera avec la loi proposée et de ce que le Gouverneur général pourra faire au sujet du règlement. Pour vous répondre brièvement, honorables sénateurs, je dirais non.
Le sénateur LaPierre: Mais alors, pourquoi avez-vous soulevé le problème des quatre heures si vous n'avez pas de point de vue à ce sujet et pourquoi ne l'avez-vous pas inclus dans la loi ni dans le règlement? Je suis désolé. C'est important.
[Français]
La présidente: Il y a eu des explications tout à l'heure à ce sujet. Si vous désirez vous le faire expliquer à nouveau, on va vous l'expliquer à nouveau.
Le sénateur LaPierre: Je veux savoir pourquoi ils ont soulevé les «quatre heures».
La présidente: Il n'a jamais dit «quatre heures».
Le sénateur LaPierre: Ils ont choisi «quatre heures» puis il me dit essentiellement que ce n'est pas sa responsabilité de répondre à cette question. C'est cela qu'il vient de me dire.
La présidente: Il faudra poser la question au ministre. Gardez des questions pour le ministre. C'est une question politique. Les fonctionnaires ne peuvent pas vous répondre à ce sujet.
[Traduction]
Le sénateur LaPierre: Les quatre heures n'apparaissent pas dans le règlement et n'apparaissent pas non plus dans la loi?
M. Elliott: C'est exact.
Le sénateur LaPierre: Vous nous avez dit qu'au Canada nous ne disposons actuellement pas de la loi dont les Américains se sont dotés.
M. Elliott: Non. J'ai dit que nous avons une loi qui traite de l'immigration, d'un côté, qui traite des dispositions relatives à la communication d'avance d'information sur les passagers et les membres d'équipage aux autorités canadiennes.
Le sénateur LaPierre: Cela veut-il dire que la loi américaine permet à nos voisins d'exiger plus d'information ou des renseignements différents? Ai-je raison en affirmant que les Américains ont laissé la porte ouverte pour pouvoir demander plus d'information?
M. Elliott: La loi américaine parle du dossier des passagers et ne fait allusion à aucune autre information. L'alinéa 115.2f) prévoit la communication d'autres informations que le sous-secrétaire, en consultation avec le commissaire aux douanes, pourra juger raisonnablement nécessaires afin d'assurer la sécurité aéronautique.
Le sénateur LaPierre: Est-ce que cette loi autorise une telle procédure ou pouvons-nous refuser de donner suite aux demandes des Américains?
M. Elliott: Conformément à la modification proposée et au règlement, les seuls renseignements fournis seraient ceux prescrits par le règlement. Si les Américains demandaient des renseignements qui ne sont pas prescrits par le règlement canadien, nous ne donnerions pas suite à leur requête.
Le sénateur LaPierre: Merci beaucoup. Ce n'est pas une réponse, mais c'est très bien.
La présidente: Vous pourrez poser ces questions au ministre qui sera là demain.
[Français]
Le sénateur Gill: J'aimerais tout simplement relever ce que le sénateur Oliver a dit. Je pense que tout le monde est d'accord: depuis le 11 septembre, plus rien n'est pareil. J'ai l'impression que le projet de loi C-44 vient à la suite de cet événement. Tout le monde sait que des sénateurs et des députés sont allés à New York. Lorsqu'ils y sont allés, j'imagine que la première question qu'ils se sont posés était à savoir s'ils étaient plus en sécurité qu'avant. Les circonstances ont changé et c'est très clair.
Ma question rejoint celle du sénateur LaPierre. Les transporteurs ont exercé certaines pressions auprès du gouvernement afin qu'il puisse transmettre des renseignements avant l'arrivée des passagers. Sur le plan économique, on a eu un choc, et les transporteurs se sont dits qu'il fallait faire quelque chose. De toute façon, comme le sénateur Biron l'a mentionné, qu'il y ait ou non un projet de loi C-44, il faut fournir ces renseignements. C'est la juridiction du pays. C'est la même chose dans tous les pays du monde. Nous devons donner les informations à ceux qui les demandent. Les transporteurs ont donc fait des pressions. Selon vos informations, est-ce oui ou non le cas?
[Traduction]
M. Elliott: C'est effectivement le cas, sénateur. Selon nous, la communication de tels renseignements, dans les conditions exigées par les Américains et énoncées dans leur loi, avec les sauvegardes prévues dans notre loi et nos règlements, est tout à fait raisonnable et va dans le meilleur intérêt de la sécurité en Amérique du Nord.
Le sénateur Oliver: À l'étape de la préparation de ce projet de loi et du règlement, avez-vous consulté d'autres ministères fédéraux, je pense plus particulièrement à Citoyenneté et Immigration ainsi qu'à l'Agence des douanes et du revenu du Canada?
M. Read: Nous sommes en liaison avec ces ministères à propos de la réglementation. Dans le projet de loi C-42, qui va passer au Sénat, on trouve d'autres dispositions relatives aux données concernant les passagers, mais dont la communication se fera au cas par cas, en cas d'événements terroristes. Le règlement précisera les données en question et les trois ministères sont en train de discuter entre eux à ce sujet. En outre, le ministère de l'Immigration envisage de faire adopter une disposition relative aux dossiers des passagers pour les personnes qui arrivent au Canada et l'Agence des douanes, de son côté, songe à adopter un règlement. L'idée est d'harmoniser la définition de «dossier passager» entre les trois ministères.
Le sénateur Oliver: Est-ce que le projet de loi C-42, dont nous n'avons pas encore été saisis, ne risque pas d'entrer en conflit avec les annexes 1 et 2 de ce projet de loi?
M. Read: Non. Pour l'instant, ces projets de loi disent exactement la même chose, mais ils pourraient légèrement évoluer si les Américains modifient leur position. Au Canada, nous voulons que le règlement qui traitera des dossiers passagers soit le même pour les trois ministères, en ce qui concerne le Canada. En revanche, il pourra y avoir des différences en ce qui concerne les États-Unis. Nous n'avons pas forcément à imiter ce que font les Américains ici, au Canada. Il pourrait y avoir des versions légèrement différentes, mais nous espérons établir une définition commune pour «dossier passager» à l'échelle internationale.
Le sénateur Oliver: À la page 2 du mémoire de M. Elliot, on peut lire:
Le projet de loi est structuré de manière que les renseignements exigés aux termes de loi d'un pays étranger puissent être fournis à ce dernier si le type ou la catégorie de renseignement et le pays étranger sont autorisés par règlement.
Avez-vous une opinion à ce sujet? Si les Américains disent «Nous voulons telle et telle information», avez-vous une opinion à émettre?
M. Read: En vertu de la Loi sur l'aéronautique, le ministre des Transports est investi de plusieurs responsabilités, notamment de promouvoir l'aviation. Il n'a pas pour objectif de fermer le trafic aérien. Quatre heures, c'est ce qu'on appelle un temps notionnel. Ce pourrait être deux heures ou une heure. Ce que l'on veut dire, c'est que le renseignement doit être communiqué avant que l'avion ne quitte le Canada.
Le sénateur LaPierre: Vous venez de dire quelque chose d'autre qui est très important. Vous venez de dire que ces renseignements seront fournis avant que l'avion ne quitte le Canada?
M. Read: Le point...
Le sénateur LaPierre: Répondez simplement à ma question. Je suis confus. Est-ce que les renseignements en question seront communiqués aux Américains avant que l'avion ne quitte le Canada? C'est oui ou c'est non?
M. Read: Il est prévu que...
Le sénateur LaPierre: Merci.
M. Read: ... c'est ce que veulent les Américains...
Le sénateur LaPierre: Merci.
Le sénateur Oliver: ... et c'est ce que ce projet de loi va vous permettre.
Le sénateur LaPierre: Merci.
Le sénateur Biron: D'après cette loi, si le gouvernement américain demandait mon dossier médical, est-ce que vous refuseriez de le lui donner?
M. Read: Les dossiers médicaux ne sont actuellement pas visés par le règlement. Nous refuserions et, de toute façon, nous espérons que le transporteur aérien n'aurait pas ce dossier.
Le sénateur Gustafson: Il est question du périmètre de sécurité nord-américain. A-t-on demandé au Mexique de fournir les mêmes renseignements?
M. Read: Tous les pays du monde sont tenus de le faire.
Le sénateur Finestone: J'accepte cette modification, mais cela ne veut pas dire que je suis tout à fait à l'aise. Quelles peines sont prévues, si quelqu'un transmettait un dossier médical? Supposons que quelqu'un de malveillant communique des données sur la race, l'âge et les croyances et que ces informations tombent dans les mains de la CIA. Qu'est-ce qui est prévu en cas d'infraction aux dispositions de la Charte? Cette cause se retrouverait-elle au pénal? Des peines au civil sont-elles prévues? Quelles sont les peines? Y a-t-il des peines d'envisagées d'un côté et de l'autre de la frontière?
Mme Besser: Je vais un peu revenir en arrière. En vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, les organismes n'ont pas le droit de diffuser de renseignements conformément au principe énoncé dans cette annexe.
Le sénateur Finestone: En vertu des principes énoncés dans le projet de loi C-6, si je me rappelle bien ces dispositions, je suis tenue de donner l'autorisation; je dois en toute connaissance de cause fournir les renseignements demandés. Je parle ici de renseignements qui ont été donnés à mon sujet, dans mon dos, de façon malicieuse ou malencontreuse, sans que je le sache.
Mme Besser: Pour se conformer aux exigences de la loi américaine, les transporteurs aériens doivent être exonérés de certaines dispositions du projet de loi C-6 qui concernent la divulgation, mais de toute façon ces gens-là n'auraient pas les renseignements vous concernant et qu'un tiers aurait diffusés de façon malicieuse. Les transporteurs aériens disposeraient des renseignements sur le mode de paiement de votre billet, par exemple par carte de crédit, et sur la place que vous aurez demandée à bord, comme du côté hublot. Il s'agirait essentiellement des renseignements énoncés à l'annexe 2 du règlement.
Si le projet de loi C-6 allait à l'encontre de ces dispositions ou si qui que ce soit se mettait en infraction, le Commissaire à la protection de la vie privée ferait enquête, conformément à ce que prévoit la loi proposée.
Le sénateur Finestone: Je comprends à présent, il s'agirait d'une procédure au civil et non au pénal. Merci beaucoup.
[Français]
La présidente: Nous vous remercions pour les explications que vous nous avez données. Nous entendrons probablement le ministre demain et cela vous donnera la chance de revenir nous voir.
[Traduction]
Nous allons maintenant accueillir M. Clifford Mackay et M. Robert Davidson. Nous allons d'abord entendre vos exposés, messieurs, après quoi nous vous poserons des questions. Bienvenue au comité.
M. J. Clifford Mackay, président et chef de la direction, Association du transport aérien du Canada: J'ai une brève déclaration à faire pour commencer, puis je demanderais votre indulgence pour quelques mots de plus au sujet d'un problème typiquement canadien dont il vaut la peine, je pense, d'informer le comité.
Le projet de loi C-44 est destiné à dégager les compagnies aériennes d'éventuelles conséquences juridiques pouvant découler du fait que nous nous conformons à la requête d'agences de sécurité américaines qui nous demandent des renseignements sur les passagers que nous prenons dans le monde entier. Ce projet de loi exonère donc les transporteurs aériens des dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques ainsi que de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il s'agit du projet de loi C-6. Nos avocats avaient estimé que, sans une telle exonération, les transporteurs auraient pu être poursuivis par des passagers pour avoir communiqué des renseignements les concernant, renseignements recueillis à l'occasion de l'achat des billets.
Ces dernières semaines, les États-Unis en particulier ont fait pression sur les transporteurs canadiens afin qu'ils leur communiquent toutes sortes d'information dans le dessin d'améliorer leur sécurité. Les transporteurs veulent se conformer à cette demande et participer pleinement à l'effort de sécurité en question. L'adoption de ce projet de loi nous permettra de le faire.
Comme je crois l'avoir déjà précisé dans le passé, le fait que les transporteurs ne puissent pas se conformer à ces demandes pourrait être dramatique pour eux et très certainement pour leurs passagers. Comme vous le voyez, nous sommes tout à fait disposés à nous conformer aux demandes des Américains, dans toute la mesure du possible.
Je tiens à apporter une autre précision sur quelque chose qui est tout à fait particulier à la situation canadienne. Les membres de ce comité savent que les liaisons aériennes entre le Canada et les États-Unis sont tout à fait différentes des liaisons internationales. Avec la politique ciels ouverts, nous avons plus de 100 destinations aux États-Unis. Dans la plupart des cas, il s'agit de petites destinations qui ne sont pas dotées de centre d'immigration ni de douane. Ce faisant, nous avons un problème tout à fait particulier sur ce plan.
Les autres transporteurs étrangers qui viennent d'un peu partout dans le monde aboutissent généralement dans les grands centres aux États-Unis. Là, tous les services sont offerts. Autrement dit, il y a un lieu approprié où communiquer les informations demandées.
Les transporteurs canadiens, eux, sont confrontés à un problème particulier. Dans bien des cas, nous dédouanons à Toronto ou à Vancouver, ou ailleurs, et nous rendons directement dans les petites villes américaines. Voilà notre problème: à qui devons-nous communiquer les informations demandées? Qu'adviendra-t-il de ces informations à l'autre bout? Si les autorités américaines envisagent de nous imposer des procédures de départ, comment allons-nous nous y conformer s'il n'y a pas d'autorité à l'autre bout?
Nous avons directement soulevé cette question auprès des autorités américaines et mes collègues sont à Washington aujourd'hui même pour en discuter. Nous devons conclure avec les autorités américaines un accord légèrement différent de celui qu'ils veulent obtenir avec le reste du monde, parce que notre régime de desserte aux États-Unis est différent.
Je voulais vous mentionner ce problème qui est tout à fait unique au Canada, parce que j'ai jugé qu'il était bon que vous soyez au courant. Cependant, il ne concerne pas les particularités du projet de loi C-44.
M. Robert A. Davidson, directeur adjoint, Services de facilitation, Association internationale du transport aérien: À titre de cadre de l'Association du transport aérien international, je suis souvent appelé à voyager dans le monde et à travailler avec des compagnies aériennes ainsi que des agences de douane et d'immigration sur les questions de franchissement de la douane par les passagers et les marchandises. Nos membres, qui font partie des 274 compagnies aériennes internationales que nous représentons, constituent la vaste majorité des compagnies de transport aérien régulier qui desservent le marché canadien, tant de l'intérieur du continent nord-américain que de l'étranger.
Les communications électroniques de renseignements personnels entre transporteurs et gouvernements sont en train de rapidement devenir l'un des principaux sujets avec lesquels notre industrie doit composer. Les questions entourant la communication d'information ne sont pas nouvelles. En fait, j'ai fait partie d'un des cinq représentants des compagnies aériennes qui ont siégé avec les services américains des douanes et de l'immigration en 1989 pour profiler le Système d'information préalable sur les voyageurs qui est en service depuis le troisième trimestre de 1990.
En revanche, la majorité des préoccupations soulevées aujourd'hui sont nouvelles. Ce n'est qu'au cours des dernières années que nous avons vu surgir les questions de protection des renseignements personnels et de protection de la vie privée, questions qui sont très préoccupantes. Comme le disait M. MacKay, ce projet de loi confère une certaine protection à nos membres qui veulent se conformer aux exigences d'un gouvernement étranger. Comme les témoins qui nous ont précédés vous l'ont dit, cette question ne concernera pas uniquement les États-Unis dans les jours, les mois ni même les années à venir. Au Canada, il existe déjà une loi et nous préparons un règlement portant sur la communication d'information préalable sur les passagers. Même chose au Royaume-Uni. Sur les marchés transatlantiques, la communication de renseignements préalables sur les voyageurs va devenir bilatérale.
L'IATA appuie depuis plusieurs années le concept de transfert électronique des données comme moyen, pour les États, de rehausser l'intégrité des frontières, d'assurer la sécurité aérienne et de faciliter et de simplifier le franchissement des frontières pour la vaste majorité des voyageurs. En fait, l'IATA a collaboré en 1993 avec l'Organisation mondiale des douanes à l'élaboration des lignes directrices relatives aux pratiques exemplaires que doivent suivre les pays optant pour des régimes d'information préalable sur les passagers. Ces lignes directrices demeurent la norme de nos jours.
Cela dit, l'IATA appuie donc le concept de communication d'informations, mais il nous faudra répondre à certaines préoccupations en cours de route. La simple imposition de règles en matière de transfert électronique des données ne rend pas automatiquement superflues les lois de protection des renseignements personnels qui sont en vigueur dans les autres pays. Ce n'est pas parce qu'un pays veut obtenir de tels renseignements que nous devons ou que nous pouvons faire fi de ces autres restrictions.
La collecte et le transfert obligatoires de quantités excessives de renseignements pour le plaisir de la chose - sans un engagement parallèle à utiliser sagement - ne procureront davantage concret à personne. Chercher à mettre en place de systèmes qui répondent aux besoins d'un seul État et qui ne sont pas compatibles avec les systèmes en place coûte cher pour l'industrie, plonge les voyageurs dans la confusion et revient à gaspiller de précieuses ressources.
Dans la foulée du 11 septembre, nous sommes tout à fait conscients des pressions qui s'exercent sur vous, pressions émanant de différents secteurs de la population en général et les médias, pressions qui vous invitent à faire quelque chose, n'importe quoi, pour rendre le transport aérien plus sûr et mieux protéger nos frontières. La tendance nous est favorable et les gens sont d'accord avec ce qui est envisagé. Nous estimons que notre tâche la plus importante sera de faire des choix et de prendre des décisions, maintenant et dans les six prochains mois en réponse aux horribles événements de New York et de Washington, qui soient logiques, qui nous permettent non seulement de régler les problèmes de l'heure mais de trouver des amorces de solution aux problèmes à venir, en collaboration avec un groupe élargi.
Cela étant posé, je me permets de vous rappeler que nous disposons d'un très solide bagage dans le domaine du transport aérien, du point de vue opérationnel. En nous entendons poser vos questions au groupe de témoins qui nous a précédés, tout à l'heure, j'espérais que vous me reposeriez les mêmes parce que je pourrais vous apporter des compléments d'information selon un point de vue propre aux compagnies aériennes, calmer vos appréhensions et répondre à certaines de vos autres questions.
La présidente: Estimez-vous que ce qui nous est proposé constitue un changement en profondeur par rapport à la réalité d'aujourd'hui, un fardeau considérable, ou s'agit-il plutôt de quelque chose de relativement mineur?
M. Mackay: Le projet de loi lui-même est quelque chose de relativement mineur. En revanche, il faut voir ce qu'il cache - et c'est précisément ce que M. Davidson disait - il faut savoir ce à quoi ressembleront les demandes de renseignements enprovenance d'autres pays, car c'est cela la question la plus importante. Le projet de loi facilite les choses en ce sens que, au moins, il nous permet de communiquer des renseignements parce que, pour le moment, nous sommes aux prises avec un dilemme. Si nous ne nous plions pas à ces demandes, nous allons porter tort à nos passagers et nous porter tort à nous mais, si nous le faisons, nous ne savons pas dans quelle mesure nous nous conformons à la loi canadienne. Donc, ce projet de loi est très important dans ce sens.
Je pourrai peut-être, pour vous permettre d'obtenir réponse à votre question, demander à M. Davidson de vous dire quelques mots.
M. Davidson: Je suis d'accord. Le texte ne change pas grand chose. Les compagnies aériennes fournissent déjà les genres de renseignements que les Américains leur demandent, à en juger d'après les chiffres communiqués par les autorités américaines et cela avant même la lettre que le commissaire aux douanes a adressée à 58 compagnies aériennes le 19 novembre dernier, leur demandant qu'elles fournissent les informations en question, faute de quoi elles s'exposeraient à un resserrement des vérifications de sécurité de leurs passagers. Tout cela s'est passé avant même la date d'entrée en vigueur de la loi dont vous avez entendu parler, le Security Act. Voilà un des principaux aspects des renseignements préalables sur les passagers. Les renseignements que les compagnies aériennes recueillent sur leurs passagers communiquent aux autorités aujourd'hui ne sont pas différents de ceux que tout le monde donne volontairement à ces mêmes autorités au moment de franchir la frontière. Il s'agit des informations qui apparaissent dans la zone lisible par machine de votre passeport: votre nom de famille, votre prénom, le pays d'émission du document, le numéro du document, votre date de naissance et votre sexe. Voilà les renseignements qui sont demandés.
Pour ce qui est des autres renseignements, ceux soulevés par une autre question posée par le sénateur Gustafson, il s'agit des données que le gouvernement peut ajouter à une liste, soit le numéro de visa ou le numéro de carte de résident étranger en visite aux États-Unis, ainsi que les dates d'expiration. Ce sont là des éléments supplémentaires que l'on envisage d'ajouter dans le cadre de l'actuel programme API.
Ce que je voulais ajouter, c'est que la loi et les dispositions relatives à la communication préalable d'information sur les passagers, aux autorités américaines, ne s'appliquent pas aux vols pré-dédouanés au Canada. En vertu du système actuel, les Américains ne disposent d'aucune technologie en place pour accepter les renseignements en question quatre heures d'avance. Nous avons demandé un système qui fonctionnerait en temps réel, pour que nous puissions recueillir les informations sur les passagers au moment où ils s'enregistrent, et les envoyer ensuite aux autorités concernées, aux États-Unis. Les données en question auraient ensuite été combinées à leur liste de vérification et les Américains nous auraient renvoyé un message nous disant que la personne peut effectivement embarquer ou, au contraire, qu'il faut l'envoyer au consulat. Mais pour l'instant, nous ne disposons d'aucune structure physique. Les Américains ne peuvent pas le faire. Ainsi, les compagnies aériennes ne sont pas en mesure de fournir ces informations quatre heures d'avance.
Dans le cas d'un vol pré-dédouané, au moment où le passager s'enregistre, il se rend directement du bureau d'enregistrement de la compagnie aérienne à un agent des douanes américain qui saisit les données de son passeport. Il n'y a pas grand chose à gagner du côté des vols pré-dédouanés. Je ne sais pas ce que sont les chiffres, mais on ne peut réaliser la majorité des mouvements vers les États-Unis sous la forme de vols pré-dédouanés.
M. Mackay: Il s'agit-là des problèmes tout à fait uniques dont je parlais. Nous ne savons pas exactement ce que les Américains veulent faire de ce côté.
La présidente: Est-ce que vous avez des problèmes dans le cas des dossiers passagers dont les États-Unis parlent? On nous dit que le contenu de ces dossiers n'est pas normalisé. Qu'en pensez-vous?
M. Davidson: Voilà une question que je voulais qu'on me pose, tout à l'heure. Le dossier passager n'est qu'un dossier électronique qui est créé dans le système de réservation de la compagnie aérienne et qui nous permet de savoir qui est le passager et où il veut aller.
Ce dossier est donc constitué par la compagnie aérienne, si c'est elle qui s'occupe de la réservation, ou par un agent de voyage ou dans un système informatisé dans le cas des personnes faisant leurs réservations en ligne, mais même dans ce cas c'est la compagnie aérienne qui s'en occupe. Il n'est pas nécessaire de définir ce qu'il faut entendre par dossier passager, parce qu'il s'agit simplement d'un dossier électronique qui se trouve dans le système de réservation de la compagnie aérienne et qui précise l'identité du passager et ses destinations.
Comme on vous l'a dit, cinq types de données sont obligatoires. D'abord, le nom du passager - par exemple, Davidson, R., M. - qui ne suffit pas à déterminer qui je suis. Deuxièmement, il y a un numéro de téléphone. Il peut s'agir d'un numéro de bureau, de résidence ou du numéro de la secrétaire. Le troisième élément est celui de la personne qui a appelé pour faire la réservation, la rubrique «reçu de». Cette personne n'a pas forcément de lien avec le passager. Le quatrième élément est l'itinéraire du passager, autrement dit les endroits par où il va passer, quand et comment. Le cinquième élément est la forme de paiement: en liquide, par carte de crédit ou par chèque d'agence. Le plus souvent, les passagers versent un droit aux agents de voyage qui les reversent à la compagnie aérienne sous la forme d'un chèque d'agence. Voilà donc les cinq éléments obligatoires pour créer un dossier passager dans le système.
Selon qui s'occupe de la création du dossier, celui-ci contient plus ou moins l'information. Le plus souvent, les agences de voyage ne veulent pas que les compagnies aériennes obtiennent beaucoup d'information sur leurs passagers, par crainte que celles-ci ne les appellent ensuite et ne leur proposent de meilleures conditions et annulent ainsi le dossier créé par l'agence de voyage. Cette information est donc jalousement gardée. Il arrive souvent que le contact téléphonique fourni corresponde au numéro de téléphone de l'agent en personne. Ainsi, dans la plupart des cas, les données apparaissant dans le dossier passager n'ont quasiment aucune valeur pour qui que ce soit.
L'annexe 2 du règlement renferme une liste de 29 éléments. Il y a plusieurs mois, je me suis assis avec des gens de Revenu Canada et de Transports Canada pour parler de cette liste là. Je leur ai expliqué que, sur les 27 données en question, nous n'avions la certitude d'en obtenir aucune par le biais du dossier passager. Un tel dossier ne contient en effet que neuf éléments sur les 29 mentionnés. Il s'agirait plutôt des renseignements que les compagnies recueillent à l'occasion de l'enregistrement des passagers et qui sont versés dans ce qu'on appelle le système de contrôle des départs, le SCD. En règle générale, le SCD et les systèmes de réservation des compagnies aériennes sont deux systèmes entièrement distincts et seuls certains éléments du SCD sont transférés dans le dossier passager. Normalement, on ne retrouvera jamais la plupart des 29 éléments dans un dossier de passager.
Certains ont soulevé la question des renseignements personnels des voyageurs. Si le gouvernement américain demandait à une compagnie de lui fournir des données extraites du dossier passager, quelqu'un aurait voulu savoir ce qui se passerait dans le cas de personnes originaires d'ex-pays communistes ou dans le cas des dossiers médicaux. Eh bien tout d'abord, il faut savoir que les compagnies aériennes n'ont pas accès à ce genre d'information et qu'elles ne le veulent pas non plus. En outre, jamais une compagnie aérienne n'acceptera d'être contrainte de communiquer ce genre de renseignement parce que le passager pourrait l'en tenir responsable. Croyez-moi, les compagnies ne veulent certainement pas recueillir ni transmettre plus d'information que ce qui est absolument obligatoire. Cet exercice serait coûteux, il nécessiterait des mémoires de stockage de données encore plus importantes et il ferait glisser de plus en plus les compagnies dans un rôle d'application de la loi plutôt que de transporteur, ce qu'elles ne veulent sûrement pas. Il est évident que nos compagnies ne désirent absolument pas avoir à fournir trop d'information.
M. Mackay: Je tiens à rajouter que nous ne sommes pas particulièrement préoccupés par l'exactitude des renseignements que les passagers nous communiquent, hormis les données propres à la transaction. Si un passager veut nous donner un autre nom que le sien, nous n'allons pas nous démener pour vérifier sa véritable identité. Nous acceptons ce qu'il nous dit pour argent comptant.
Le sénateur Finestone: Et si le nom n'est pas le même que celui qui apparaît sur le passeport?
M. Mackay: S'il est différent, les voyants passent au rouge. Mais si quelqu'un nous dit «Je m'appelle Robert C. Davidson» et pas «Robert A. Davidson», nous n'allons certainement pas nous démener pour vérifier ses dires. Nous ne demandons ces renseignements que pour donner un service et pour faciliter la transaction. Nous n'avons pas pour vocation de vérifier l'exactitude des informations pour des raisons de sécurité.
Ce que je veux dire, par ailleurs, c'est que nous voulons collaborer et fournir les informations demandées, de façon générale, mais nous ne voulons pas nous transformer en organisme de recherche pour des organismes de sécurité et du renseignement, canadiens ou autres. C'est très bien s'ils veulent utiliser cette information à leurs propres fins, et nous les aiderons dans les limites de la loi, mais nous ne voulons pas devenir leur organisme de recherche.
La présidente: Est-ce que le régime proposé confère aux transporteurs américains un avantage par rapport aux transporteurs canadiens dans les opérations transfrontalières?
M. Mackay: Pas directement à supposer, bien sûr, que les exploitants canadiens soient en mesure de se conformer aux exigences de la même façon que les transporteurs américains. Si nous ne pouvons pas le faire, nous serons confrontés à un gros problème, parce que les Américains seront en mesure de faciliter l'écoulement des passagers sur leurs vols et pas nous. Si les règles du jeu s'appliquent à tout le monde, personne ne devrait en tirer d'avantages compétitifs.
Le sénateur Oliver: Comme tout le monde l'a dit, il s'agit-là d'une simple mesure législative, constituée d'un article seulement qui, a priori, ne semble pas difficile à comprendre. Cependant, quand on fouille un peu, on se rend compte que certaines questions importantes et fondamentales surgissent, des questions qu'aucun de vous n'avez traitées. Je veux parler des questions qui concernent les droits fondamentaux civils, humains, juridiques et constitutionnels des citoyens canadiens ainsi que leurs droits mentionnés dans certaines conventions et chartes internationales.
Je vais vous poser la même question que celle que j'ai posée à d'autres témoins à propos de l'établissement de profils raciaux. Qu'est-ce qui protège les citoyens canadiens contre l'établissement de profils raciaux découlant de ce projet de loi?
M. Mackay: Ce projet de loi ne permet en aucun cas à nos membres de ne pas se plier aux dispositions de la Charte. En vertu de la Charte, nous ne pouvons pas poser ces questions et nous n'allons pas le faire. Pour nous, la race d'un passager est sans importance; nous n'avons pas besoin de cette information pour réaliser les transactions dont nous parlons ici. Nous ne le demanderions simplement pas. Cela nous exposerait instantanément à des contestations en vertu de la Charte, ce que nous ne voulons certainement pas.
M. Davidson: Encore une fois, je tiens à souligner que les renseignements que nous recueillons et communiquons dans le cadre de l'actuel système d'information sur les passagers sont ceux qui apparaissent sur la page des renseignements personnels du passeport. Celle-ci ne contient aucune information sur la race ni l'orientation religieuse du détenteur du passeport.
Le sénateur LaPierre: Mais il y a la photo.
M. Davidson: Nous ne transmettons pas le passeport en entier. Quand vous vous présentez au guichet des douanes américaines à pied, vous communiquez automatiquement toutes les données apparaissant sur la page frontispice de votre passeport. Nous ne sommes pas obligés de recueillir plus que ces données et nous n'avons pas à transmettre plus d'information que celles qui apparaissent dans le passeport. Croyez-moi. Plusieurs autorités ont essayé de faire augmenter le nombre de données obligatoire en vertu du système API, par le truchement de l'Organisation mondiale des douanes. J'ai personnellement participé à ces discussions et je continue de me battre pour que cela n'arrive pas. Nous ne voulons pas avoir la responsabilité de recueillir des informations sur nos passagers, informations qu'un gouvernement n'aurait pas déjà et n'aurait pas confirmé comme valables. Nous estimons que si un gouvernement recueille des données sur vous et les imprime sur votre passeport, c'est que nous pouvons faire confiance à l'exactitude de ces données. Nous ne voulons pas être contraints de vous poser des questions, de consigner vos réponses et de transmettre tout cela à d'autres. C'est ainsi que nous estimons pouvoir protéger vos droits en vertu de la Charte, parce que nous n'allons communiquer que les informations que vous nous aurez remises de façon volontaire ou que vous auriez volontairement communiquées au moment de votre arrivée sur le territoire.
Le sénateur Oliver: Je dirais que M. Mackay raisonne en dehors des cadres établis et qu'il soulève des problèmes potentiels pour lui-même et pour son association, ce qui me trouble et qui m'amène à vous parler de sujets qui m'intéressent, c'est-à-dire les droits de la personne, les droits constitutionnels, les droits juridiques et ainsi de suite. Qu'adviendra-t-il de ces renseignements qui, comme vous vous êtes empressé de nous le dire, sont déjà recueillis par ailleurs, si elles sont envoyées quelque part aux États-Unis où il n'y a pas de bureau pour les prendre en compte? Que se passera-t-il de nos renseignements privés et qu'adviendra-t-il de nos droits humains et constitutionnels si ces renseignements devaient tomber dans les mains de personnes qui en feraient un mauvais usage? C'est un grave problème.
M. Davidson: C'est une simple question de structure.
Le sénateur Oliver: C'est un grave problème et vous, vous dites qu'il est simple.
M. Davidson: D'après la structure en place, tous les renseignements sur nos passagers en partance, renseignements qu'ils ont envoyés aux États-Unis aboutissent en un seul endroit.
Le sénateur Oliver: Avez-vous entendu ce que M. Mackay a dit tout à l'heure à propos de l'endroit où vous envoyez actuellement ces renseignements?
M. Davidson: Tous les renseignements préalables concernant les passagers sont directement envoyés Newington, en Virginie, au centre informatique des douanes américaines. De là, l'information est traitée dans ce que les Américains appellent le Inter-Agency Border Inspection System, le système d'inspection douanière inter-agences ou IABIS, qui établit la liste fusionnée de vérification pour les États-Unis. L'information arrive là-bas et elle est comparée à la liste de vérification pour voir si le nom de certaines personnes apparaît sur les listes de passagers. L'information est ensuite communiquée, par la ligne protégée du service américain de l'immigration, soit à l'aéroport soit au bureau qui s'occupe du port d'entrée. La structure ne permet donc pas à un transporteur d'envoyer des données IABIS au bureau de Minot, dans le Dakota du Nord.
M. Mackay: C'est tout à fait exact. Le problème qui nous inquiète, c'est que les autorités américaines nous ont indiqué leur intention non seulement d'augmenter le nombre de données exigé pour les personnes se dirigeant vers les États-Unis, et nous en avons déjà parlé, mais qu'elles veulent passer au système de contrôle des départs. Autrement dit, quand vous quitterez les États-Unis, comme n'importe quel autre pays du monde d'ailleurs, vous devrez passer par un processus de vérification qui permettra d'établir exactement qui vous êtes et ainsi de suite au moment de votre départ. C'est tout à fait semblable au processus auquel les voyageurs se soumettent quand ils entrent aux États-Unis.
Ce qui nous inquiète, c'est qu'à cause des habitudes particulières de voyage entre le Canada et les États-Unis, un grand nombre de personnes partant de ce dernier pays à bord de nos vols ne partiront pas de centre qui dispose de bureau de douane et d'immigration. La question qui se pose à nous est de savoir quelles modalités nous allons conclure avec les Américains, parce que nous ne pensons pas qu'ils vont créer davantage de centres de douane et d'immigration uniquement pour répondre à nos besoins. Quel genre de modalités particulières allons-nous pouvoir conclure avec notre voisin septentrional pour répondre à ces exigences tout en nous permettant de continuer à fonctionner efficacement dans le contexte du ciel ouvert que nous avons établi avec les États-Unis d'Amérique? C'est ça le problème.
L'autre problème c'est que les Américains, tout comme nous, d'ailleurs, disposent d'un système informatisé d'établissement des profils de passagers. Ce système fait partie de leur dispositif normal de vérification de sécurité depuis quelque temps déjà. L'information qui est fournie aux Américains, qui est recueillie sur nos passeports et autres, aboutit en un point central aux États-Unis. Ce système sert notamment à filtrer les passagers qui correspondent à des profils particuliers, pas simplement pour des raisons terroristes. Les Américains ont donné sur les trafiquants de drogues et autres. C'est une procédure normale qui a cours aux États-Unis depuis très longtemps et c'est là une des nombreuses utilisations de l'information contenue dans le système.
Le sénateur Oliver: Est-ce que les ordinateurs canadiens utilisent le même programme?
M. Mackay: Non, nous n'avons pas de système informatisé d'établissement de profils au Canada. Je dois préciser quelque chose de fondamental ici. De façon très pratico-pratique, quand vous décidez de vous rendre dans un autre pays, vous acceptez de vous plier à ses procédures d'entrée et de sortie et le seul choix qui vous appartient alors est de décider de faire ou non le voyage. On peut dire la même chose de la Chine, du Japon et des autres pays. Voilà la réalité avec laquelle nous devons composer et ce n'est pas quelque chose qui va changer.
Le sénateur Oliver: Monsieur Mackay, je suis avec intérêt ce que vous dites, depuis que M. Davidson a répondu à ma première question au sujet du dossier et que vous vous êtes dit d'accord avec lui - quoi que la question des dossiers soit maintenant claire pour moi, parce que j'ai pris des notes. Vous avez soulevé d'autres préoccupations, ainsi: «À qui envoie-t-on cette information? Comment allons-nous nous conformer aux exigences? Est-ce que cette information ne risque pas de tomber dans des mains de personnes qui utiliseront de façon détournée des renseignements privés sur des Canadiens?» Vous avez soulevé toutes ces questions et maintenant vous faites machine arrière, quoique tout ce qui touche au dossier passager demeure clair.
M. Mackay: Je dois m'en excuser. Je n'ai peut-être pas exprimé aussi bien que je l'aurais souhaiter mes préoccupations relatives aux dispositions de sortie que les Américains envisagent d'imposer. Nous ne savons pas comment nous allons faire fonctionner le système parce qu'il n'y a personne au point de sortie qui sera en mesure d'alimenter le système. Voilà le problème.
Le sénateur Gustafson: Il ne manque pas de gens qui, dans leur jeunesse, ont eu des problèmes et qui, à cause de cela, peuvent avoir un dossier. Ce n'est pas facile de faire annuler un dossier. Un grand nombre de Canadiens ont ainsi un dossier criminel. Notre gouvernement pourra-t-il aider ces gens-là s'ils éprouvent des problèmes à l'occasion du franchissement de la frontière? Nombre d'entre eux sont de bonnes personnes qui ont peut-être fait des erreurs de jeunesse.
Monsieur Davidson, vous avez l'habitude de voyager dans différents pays. Allons-nous devoir mettre sur pied un nouveau ministère pour s'occuper de ce genre de chose, dans cette ère des communications qui est la nôtre? Est-ce que c'est un problème sérieux. Les autorités disposeront de plus d'information sur quiconque tendra son passeport pour franchir la frontière américaine que ce que notre gouvernement sait déjà. Que peut-on faire à ce propos?
M. Davidson: Sénateur Gustafson, si j'avais réponse à votre question, je pourrais sans doute prendre ma retraite. Au cours des trois derniers mois, surtout, nous avons vu que les gouvernements du monde entier cherchaient des raisons pour garder les visiteurs hors de la frontière. Si, pour une raison quelconque, quelqu'un dans cette pièce a un dossier criminel connu par les États-Unis, cette personne ne pourra pas entrer dans ce pays. Cependant, si l'infraction a eu lieu au Canada, il n'y a aucune raison pour que les États-Unis aient accès à ce genre d'information et celle-ci ne leur sera transmise, ni dans le cadre des renseignements préalables concernant les passagers ni par le biais des dossiers passagers, parce que nous n'avons pas accès à ces renseignements.
Le sénateur Gustafson: Supposons que quelqu'un ait été accusé de conduite en état d'ébriété il y a 20 ans et que cette information ressorte.
M. Mackay: Nous n'avons pas le dossier.
Le sénateur Finestone: Qui l'a?
M. Mackay: Nous n'avons pas cette information du tout et, très honnêtement, nous ne la voulons pas.
Le sénateur Finestone: Pourquoi l'auraient-ils?
Le sénateur Gustafson: Si la personne a été aux États-Unis et a été accusée de conduite en état d'ébriété là-bas, les Américains auront forcément le dossier. Est-ce que vous allez prendre position pour cette personne? Son amende a été payée. Mais c'est à la frontière qu'elle aura des difficultés?
M. Davidson: Ce problème n'a rien à voir avec le programme dont nous parlons. Si quelqu'un a un dossier criminel, cela sera connu au moment où elle franchit la frontière, quand son nom sera chargé dans le système, que la compagnie aérienne fournisse les informations avant ou pas.
Le sénateur Gustafson: Non, c'est directement en rapport avec ce dont nous parlons. Est-ce que nous allons faire quelque chose pour faire supprimer le dossier des bonnes gens qui se sont rachetés?
M. Mackay: Pour vous répondre très brièvement, je vous dirais que je n'en ai aucune idée. Nous ne faisons de toute façon pas partie de ce processus. Les seuls renseignements dont nous disposons sont ceux que nous communiquent nos passagers.
Le sénateur Gustafson: Durant les nombreuses années que j'ai passées en qualité de député, j'ai été saisi d'un grand nombre de projets du genre. J'ai dû travailler sur bien des cas. Il a fallu rédiger beaucoup de correspondance. Malgré tous nos efforts, nous ne savons vraiment jamais si quelqu'un, à l'autre bout, a effectivement retiré le dossier du système.
M. Mackay: Nous ne le savons tout simplement pas.
Le sénateur Gustafson: Ce qu'il faut, c'est veiller à ne pas faire d'erreur dans sa vie.
Le sénateur LaPierre: Eh bien moi, je suis sur le point d'en faire une. Si j'ai bien compris, messieurs, vous êtes favorables à ce projet de loi.
M. Mackay: C'est exact.
Le sénateur LaPierre: Si je comprends bien, vous voulez que ce projet de loi soit adopté.
M. Mackay: C'est exact.
Le sénateur LaPierre: Est-ce que vous voulez qu'il soit adopté parce que, sinon, vos avions risquent de ne plus pouvoir se poser aux États-Unis?
M. Mackay: Nous pourrons continuer, je pense, à nous poser aux États-Unis mais il faudra plus de temps pour les procédures d'embarquement et de débarquement.
M. Davidson: Nous appuyons ce projet de loi parce que nous sommes honnêtement convaincus que le seul moyen de progresser consiste à communiquer des informations précises aux intervenants du milieu des transports en qui nous pouvons avoir confiance. Nous croyons que, sans ce genre d'information, nous resterons toujours à la traîne. Nous n'utiliserons pas efficacement nos aéroports et nous n'appliquerons pas non plus comme il se doit les mesures de sécurité en aviation. Sans ce projet de loi, les voyageurs qui se rendent dans différents pays n'auront pas de bonnes expériences.
Toutefois, nous estimons qu'il faut contrôler la situation. Toutes les sauvegardes possibles doivent être mises en place. Afin de permettre au Canada de garantir l'intégrité de ses frontières et de permettre à Air Canada d'obtenir les renseignements qu'il lui faut sur les terroristes connus susceptibles d'emprunter un de ses appareils, il faudra que le système prévoie la circulation des informations apparaissant dans les listes de surveillance des terroristes.
La loi prend acte de l'orientation que suivent tous les pays. Cependant, cette communication de l'information ne sera nécessaire que si les règles sont respectées. Voilà pourquoi nous appuyons le projet de loi C-44. Il va dans le sens de ce qui s'annonce et de ce qui s'annonce au Canada, mais il convient de respecter les dispositions relatives à la protection des renseignements personnels et aux droits individuels. Sur ce plan, il convient de féliciter le gouvernement pour ce qu'il a fait à propos de ce projet de loi.
Le sénateur LaPierre: L'annexe 1 énonce cinq éléments. Est-ce que ce sont les données que vous communiquez déjà?
M. Davidson: Oui.
Le sénateur LaPierre: C'est ce qui constitue mon dossier d'utilisateur.
L'annexe 2, elle, énonce 29 éléments. Va-t-on devoir fournir toutes ces données?
M. Davidson: Non. Il s'agit de la liste de tous les renseignements qui pourraient apparaître dans un dossier passager.
Le sénateur LaPierre: Ne me faites pas tourner en rond, comme les bureaucrates. Il y a bien 29 éléments qui sont demandés ici. Toute personne raisonnablement intelligente voit bien ce que sont ces demandes. Elles font partie du dossier d'utilisateur. Est-ce qu'une autorité pourra demander ces données et est-ce qu'une personne devra les fournir si tel est le cas, oui ou non?
M. Davidson: À la façon dont le règlement est actuellement rédigé, on dit qu'il s'agit de données qui pourraient être demandées si elles faisaient partie du dossier passager.
Le sénateur LaPierre: Que voulez-vous dire par «si elles faisaient partie»?
M. Davidson: Au Canada, la loi stipule les renseignements que le gouvernement peut demander. Si une donnée n'apparaît pas dans le règlement, le gouvernement ne peut pas la demander. Ici, 29 éléments ont été mentionnés, parce qu'on croit qu'ils pourraient se retrouver dans le dossier passager. Le règlement, tel qu'il est rédigé actuellement, précise que n'importe laquelle de ces données apparaissant dans le dossier passager pourrait être fournie aux autorités américaines. Le règlement, tel qu'il est rédigé, ne stipule pas qui doit recueillir ces renseignements ni qui doit les fournir.
Le sénateur LaPierre: L'élément 8 est une indication que le billet est un billet aller simple. Cela se trouve déjà dans le dossier passager.
M. Davidson: Non, monsieur. Il n'y a pas de notation de ce genre à l'heure actuelle. La seule chose qui apparaît actuellement c'est l'itinéraire, qui précise qu'une personne détient...
Le sénateur LaPierre: Si les Américains demandent la donnée no 8, est-ce que vous allez la leur fournir?
M. Davidson: Non. Encore une fois, le règlement dit que nous ne devrons fournir ces données que si elles existent déjà dans le dossier. Or, elle ne se trouve pas dans le dossier des passagers. J'ai d'ailleurs indiqué aux autorités, lors des consultations, que cette donnée n'y apparaîtrait jamais.
M. Mackay: Actuellement aux États-Unis, plusieurs grandes compagnies aériennes permettent aux autorités américaines d'accéder aux renseignements apparaissant dans les dossiers passagers. Cependant, elles ne le font qu'au cas par cas. Vous ne pouvez pas fournir les renseignements que vous ne recevez pas de vos clients. Si les données en question n'apparaissent pas dans le dossier, les autorités américaines ne pourront pas nous demander de les leur communiquer. C'est ça la différence.
Le sénateur LaPierre: Pourquoi est-ce que c'est sur cette liste si les Américains ne l'exigent pas? Comment pouvez-vous être si naïf?
M. Mackay: Ce sont des désirata.
Le sénateur LaPierre: Des désirata dans un document officiel?
M. Mackay: Il est dit que si vous avez ce genre de renseignement, vous devez le fournir.
Le sénateur LaPierre: Vous ne croyez pas qu'à un moment donné les Américains vont nous demander de recueillir ces renseignements et de les leur fournir?
M. Mackay: Il y a toujours un risque, je suis d'accord avec vous. Toutefois, nous devons bien répéter que cela est presque impossible étant donné la diversité des services offerts et la diversité des transactions dans notre secteur.
Le sénateur LaPierre: Permettez-moi de vous faire remarquer que le ciel ouvert n'existe plus, pas plus que la plus longue frontière non défendue de la planète. Ce faisant, si les Américains nous demandent ces renseignements, nous les leur fournirons, ou alors ils nous feront chanter pour que nous nous pliions à leur demande.
Ai-je bien compris que les vols pré-dédouanés ne seront pas sujets à ce régime?
M. Davidson: Ils ne sont pas visés par la disposition relative à la communication préalable des renseignements sur les passagers.
Le sénateur LaPierre: Et 90 p. 100 des vols à destination des États-Unis sont dédouanés avant le départ?
M. Mackay: Cette proportion est sans doute un peu élevée.
Le sénateur LaPierre: Dès lors, ce projet de loi est totalement inutile.
M. Davidson: Malheureusement pas, sénateur. Ce projet de loi traite également du dossier des passagers, qui est un complément en matière de sécurité. C'est cette question qui nous préoccupe tous grandement.
Il convient ici de mentionner que cette question ne concerne pas uniquement les États-Unis. L'annexe 2 est la liste desrenseignements que Revenu Canada entend exiger de l'industrie aérienne pour tous les vols à destination de notre pays. L'annexe 1 est la liste des informations que Citoyenneté et Immigration Canada veut obtenir de l'industrie pour tous les vols prenant place au Canada. Ce projet de loi vise à harmoniser ce que les gouvernements américains et canadiens demandent, advenant que les renseignements soient disponibles. C'est donc un pas dans la bonne direction. Nous disposerons au moins d'une liste commune plutôt que de listes propres à chaque pays, ce qui sèmerait la confusion.
Le sénateur Spivak: Cela va coûter cher. L'axiome dans le domaine du terrorisme, c'est que les terroristes deviennent de plus en plus intelligents. Peu importe les protections que nous mettrons en place, ils finiront toujours par les contourner.
Pensez-vous vraiment que cette loi va empêcher les terroristes de pénétrer aux États-Unis? Ils savent lire, ils connaissent les lois.
M. Davidson: Au risque de vous paraître incroyablement cynique, je vous dirais que, dans l'état actuel des choses, les renseignements préalables sur les passagers n'améliorent que très peu pour ne pas dire pas du tout la sécurité. Il s'agit d'un outil d'application. Cependant, il permettra d'améliorer la sécurité quand nous passerons à l'API en temps réel, c'est-à-dire quand les compagnies aériennes vous enregistreront, recueilleront les informations vous concernant, les enverront à la douane et que les résultats nous parviendront immédiatement. L'Australie fait déjà cela. À ce moment-là, nous disposerons d'un véritable outil de sécurité. Il permettra de repérer les gens qui ne devraient pas se trouver à bord d'un avion et ceux qui ne devraient pas pénétrer sur le territoire.
Le sénateur Oliver: Si le terroriste est muni d'un faux passeport, comme le sont la plupart d'entre eux, cela ne donnera rien.
M. Davidson: Le Canada est en train d'améliorer la sécurité de ses passeports.
Le sénateur Spivak: El Al, qui est un modèle de compagnie aérienne en matière de sécurité, ne s'en remet pas à des mesures électroniques mais à l'établissement de profils de passagers. Elle soumet ses passagers à des entrevues et s'appuie sur des méthodes qui lui permettent de définir s'il y a un risque.
Le sénateur Finestone: La compagnie voit en entrevue tous les gens qui empruntent leurs appareils.
Le sénateur Spivak: Surtout certains d'entre eux, à qui elle accorde plus de temps. La compagnie dépense beaucoup d'argent pour cela. Je me demande si ce texte va permettre au gouvernement de parvenir aux objectifs qu'il vise.
Beaucoup le critique - Clayton Ruby, le premier, a critiqué le projet de loi antiterroriste. Nous sommes en train d'adopter toute une série de lois.
M. Mackay: Ce n'est pas la panacée, ce n'est pas un texte qui va tout régler. C'est entendu. Des dizaines de millions de personnes voyagent par le monde, à destination du Canada et des États-Unis et en provenance aussi de ces deux pays. Il nous faut absolument débloquer en nous appuyant sur la meilleure technologie possible afin de nous concentrer sur les aspects présentant le plus de risque. Si nous essayons de trouver une solution universelle, nous allons finir par faire gripper tout le système de transport aérien dans le monde entier. Cela aurait des conséquences économiques et sociales énormes.
Je ne dispose pas de bonne réponse à vous donner, si ce n'est de vous dire qu'il est tout à fait vrai que cette mesure ne vas pas tout régler, mais qu'elle fait partie d'un gigantesque casse-tête. Il faut l'adopter à ce titre.
Le sénateur Spivak: Ce qui m'inquiète c'est que, pendant que nous parlons de toutes ces choses, les véritables problèmes ne sont pas réglés. Par exemple, il y a le bouclier antimissile dont le président Bush parle et qui va changer la donne dans le ciel. Entre-temps, n'importe qui à bord d'une embarcation à rame peut aller déposer une bombe nucléaire et détruire New York.
M. Davidson: Nous sommes tout à fait d'accord avec cela. L'avantage que nous voyons dans l'API c'est qu'il donnera au gouvernement la possibilité de contrôler les gens d'avance et de détecter l'infini pourcentage de voyageurs pour qui il y a lieu d'entretenir certaines préoccupations. Ce système nous permettra de recentrer les ressources humaines qui sont en diminution sur des secteurs où elles seront les plus utiles. Cela va nous aider à améliorer la sécurité aux frontières, parce que nous utiliserons les gens disponibles de façon plus efficace. Nous ne gaspillons pas beaucoup de temps avec les 99,95 p. 100 de visiteurs qui viennent au Canada, qui ne posent aucun problème et dont il n'y a pas lieu de s'inquiéter.
Le sénateur Spivak: Quel genre de consultation les ministères conduisent-ils actuellement pour s'assurer qu'ils disposent des meilleurs conseils d'experts sur toutes ces mesures antiterroristes? Quand on regarde ce qui se passe aux États-Unis, j'ai l'impression que la majorité de ce qui se fait ne l'est qu'à des fins purement politiques.
La présidente: Vous auriez dû poser cette question à nos témoins précédents.
Le sénateur Spivak: Vous avez raison. Je voulais parler des consultations.
M. Mackay: Nous ne participons pas directement aux consultations qui font intervenir les différents ministères parce que nous ne faisons pas partie du gouvernement, mais nous savons qu'il y a beaucoup de consultations à l'heure actuelle. Il y a des consultations suivies qui prennent place au sein de l'industrie. Il existe une structure de conseil pour cela, pas uniquement ici au Canada, mais aussi à l'échelle internationale.
Mon collègue, M. Everson, qui s'occupe de ce dossier quotidiennement est aujourd'hui à Washington pour cette raison précise. Il participe à une réunion des autorités douanières entre les États-Unis, le Canada et l'Europe, réunion qui porte sur l'harmonisation des données et qui a pour objet d'éviter que nous ne réinventions la roue.
Le sénateur Spivak: Mais est-ce que nous n'avons pas un bureau de la sécurité intérieure?
M. Mackay: Non.
M. Davidson: Nous participons régulièrement à des consultations et nous contribuons au travail de plusieurs agences. Nous ne savons pas si tous ces organismes se parlent entre eux, mais j'ai participé à des réunions auxquelles siégeaient également des représentants de plusieurs organismes.
La présidente: S'agissait-il d'organismes gouvernementaux?
M. Davidson: D'organismes du gouvernement du Canada, comme Revenu Canada, Citoyenneté et Immigration et Transports Canada.
Le sénateur Finestone: Tout ça ce sont des ministères, pas des organismes.
M. Davidson: Excusez-moi, des ministères.
Le sénateur Finestone: Si je vous ai demandé cette précision, c'est que les tables rondes qui se déroulent au niveau de la fonction publique ne sont pas toujours les plus efficaces pour la communication d'information aux paliers où se prennent les décisions, c'est-à-dire au palier politique.
Vous êtes directeur adjoint, Services de facilitation de l'IATA, qui a son siège à Montréal. C'est exact?
M. Davidson: Oui.
Le sénateur Finestone: Et vous comptez 274 compagnies parmi vos membres.
M. Davidson: Pour l'instant. Cependant, ce nombre change tous les jours.
Le sénateur Finestone: Dans quelle mesure est-ce que vos responsabilités consistent à faciliter la circulation d'information vers ces autres membres? Il y en a deux qui manigancent, le Canada et les États-Unis. Vous avez aussi parlé de l'Australie. Comment communiquez-vous avec vos transporteurs d'outre-mer, pour leur transmettre les renseignements dont ils ont besoin avant de pouvoir se poser aux États-Unis ou au Canada?
M. Davidson: Dans mon groupe, qui est un petit groupe, nous sommes chargés de toutes les questions d'immigration et de douane dans le monde entier. Pour cela, nous avons recours à des employés des compagnies aériennes qui s'occupent de la facilitation et à qui nous demandons de suivre l'évolution des lois et de nous faire part de tout ce qui peut nous intéresser. Tous les matins, quand j'arrive à mon bureau, je lis le Federal Register américain pour voir si quoi que ce soit a été annoncé dans le journal, au Canada, pour voir s'il y a des questions dont il y aurait lieu d'informer mes membres. Le cas échéant, comme lorsque l'autorité douanière américaine adresse une lettre à 58 compagnies aériennes dont cinq compagnies régionales au Canada le 19 novembre dernier, je recueille le plus d'information possible pour les envoyer à nos compagnies membres.
Le sénateur Finestone: Que disait cette lettre?
M. Davidson: La lettre était datée du 19 novembre.
Le sénateur Finestone: Cela fait deux fois que vous en avez parlé alors, je crois que vous devriez nous dire ce qu'elle contient, pour mémoire.
M. Davidson: Cette lettre émanait donc du commissaire aux douanes américaines, Robert Bonner, et elle était adressée aux pdg de 58 compagnies aériennes pour les informer que, même si le U.S. Security Act était assorti d'une période de mise en oeuvre de 60 jours, les autorités douanières américaines considéraient qu'il était essentiel de leur communiquer tout de suite les renseignements préalables sur les passagers et qu'elles avaient donc décidé d'exiger unilatéralement des transporteurs qu'ils fournissent ces renseignements avant le 28 ou le 29 novembre faute de quoi leurs passagers seraient soumis à des procédures plus strictes. Puis, il a invité chaque transporteur à communiquer avec les douanes américaines pour obtenir plus d'information. La lettre était datée du 19 novembre et mentionnait comme date d'entrée en vigueur le jeudi 29 novembre.
Le sénateur Finestone: Savez-vous si elle est effectivement entrée en vigueur?
M. Davidson: Oui, le 29 novembre.
Le sénateur Finestone: Ma prochaine question va porter sur l'annexe 2. On me dit que cette liste est constituée de désirata et qu'elle n'a pas d'incidence pour l'instant, que c'est quelque chose qui a été conçue par Revenu Canada, comme une sorte de service sur demande. Je me trompe? Est-ce que cette liste qui apparaît à l'annexe 2 va avoir un impact quelconque?
M. Mackay: Je n'en parlerai pas ainsi. Le dossier passager existe déjà.
Le sénateur Finestone: Je comprends ce qu'est le dossier passager. Mais il correspond à l'annexe 1, n'est-ce pas?
M. Mackay: Non, l'annexe 1 ce sont les renseignements préalables sur les passagers. C'est ce qui apparaît sur le passeport. L'annexe 2, elle, traite du genre d'information qui peut apparaître dans nos systèmes de réservation informatisés. Excusez-moi d'utiliser tout ce jargon, mais nous utilisons généralement le terme de dossier passager.
Le sénateur Finestone: Donc, l'annexe 2, c'est le dossier passager.
M. Mackay: Oui, l'annexe 2 est le dossier passager, qui existe déjà.
Le sénateur Finestone: Et cette annexe 2 existe déjà?
M. Mackay: Une partie si ce n'est toutes les informations énumérées à l'annexe 2 se trouvent dans les systèmes de réservation informatisés de différentes compagnies aériennes. Je dis différentes, parce qu'elles n'obéissent pas toutes au même modus operandi, qu'elles n'ont pas toujours besoin de toutes ces informations-là. Comme M. Davidson l'a dit, il arrive qu'une partie de ces informations n'étant jamais réclamées, elles n'existent pas. À la lecture que nous en faisons, nous pensons que l'annexe 2 avait pour objet d'énumérer tout ce qu'on aurait pu retrouver dans un dossier passager.
Le sénateur Finestone: A-t-elle été établie par Revenu Canada? Ou par Transports Canada? Ou encore par Douane et immigration? Qui a dressé cette liste et dans quelle mesure votre association estime-t-elle qu'elle est appropriée pour un dossier passager?
M. Davidson: Cette liste a été élaborée en consultation entre les autorités américaines - principalement les douanes mais aussi le service de l'immigration, agriculture et environnement - et les autorités canadiennes représentées par Revenu Canada, Citoyenneté et Immigration Canada et Douane Canada.
Il était question d'essayer d'appliquer le règlement canadien à l'heure où le Canada va adopter son propre règlement d'accès aux dossiers passagers ainsi qu'aux renseignements préalables sur les passagers, règlement qui va découler de cette loi.
Les autorités canadiennes n'auraient jamais pu accepter des données qui n'étaient pas spécifiquement mentionnées dans le règlement. Ce faisant, les deux gouvernements ont dressé une liste très large à partir de tous les éléments qu'ils ont jugé possible de retrouver dans un dossier de passager. Pour pouvoir demander à telle ou telle compagnie aérienne de lui fournir ses dossiers de passagers, il fallait tout mettre, sinon, la compagnie aérienne aurait dû se doter d'un filtre électronique, très coûteux, pour bloquer l'élément d'information qui serait apparu dans ces dossiers de passagers mais qui n'aurait pas été spécifié dans le règlement.
C'était une façon de se conformer au règlement canadien. Nous ne pouvons demander que les informations mentionnées dans le règlement. Si nous ne pouvons pas demander telle ou telle information, celle-ci doit être filtrée. C'est un véritable cauchemar sur le plan opérationnel. L'AITA n'a jamais été en faveur de l'adoption de champs obligatoires, de sorte que les dossiers passagers devraient absolument renfermer tous les éléments mentionnés. Nous serons toujours opposés à cela parce que tous les éléments mentionnés dans le règlement n'apparaissent pas forcément dans les dossiers de passagers. Un grand nombre d'entre eux se trouvent dans des systèmes informatiques différents, comme le système de contrôle des départs. Nous avons essayé d'informer nos interlocuteurs mais ils ont calmé le jeu en nous disant: «Si cette information se trouve en dossier, cette annexe nous permettra de la demander». Toutefois, dans sa loi, le Royaume-Uni et, autant que je sache, le Canada dans ses règlements, ont déclaré que seules les informations apparaissant dans les dossiers passagers seraient exigées. Les autorités de ces pays n'exigeraient pas que tous les renseignements de l'annexe 2 soient recueillis, parce que cela aurait un effet négatif sur le public voyageur.
Le sénateur Finestone: Je comprends ce que vous venez de souligner. À la lecture des 29 éléments qui apparaissent ici, on laisse aux agents de voyage et aux compagnies aériennes le soin de porter un jugement sur le caractère raisonnable des demandes. Or, selon moi, la question de la notation est tout à fait déraisonnable. Il y a cinq notations qui apparaissent ici, contre lesquelles je m'élève. La notation concernant par exemple le fait qu'un billet de passager est un billet d'aller simple et certes importante, mais ce doit être une information communiquée volontairement, ou du moins je le présume. La notation concernant le fait qu'un billet est ouvert pour un an; c'est qui est dit ici. Ma question est la suivante: quelle est la ligne de démarcation entre les raisons de sécurité et l'invasion de ma vie privée?
Je n'ai pas la réponse à cette question, madame la présidente, mais s'il s'agit effectivement d'une liste de désirata émise par Revenu Canada, par Citoyenneté et Immigration Canada, par les douanes américaines et par le département américain de l'agriculture, j'estime qu'il y a effectivement lieu de se poser des questions. Ce sont des questions graves. Rien de cela n'est frivole. Je suis effectivement préoccupée parce que nous avons été ébranlés par les événements du 11 septembre et que nous traversons une période de l'histoire du monde qui est importante, troublante et attristante. Il n'en demeure pas moins que je dois, que vous devez tolérer une invasion des droits à la vie privée.
Très honnêtement, je crois qu'il y a un temps et un lieu pour tout cela, parce qu'il y a une différence entre être en sécurité et être libre. Ce que je crains, c'est que nous sommes maintenant sur le fil du rasoir.
Le sénateur Oliver: J'ai une dernière question à poser à M. Davidson.
Ce projet de loi tourne autour des principes de réciprocité et de normalisation, il est question d'essayer d'égaliser les opportunités des deux côtés de la frontière. Ma question va porter sur le CAPPS qui, comme vous me l'avez dit, veut dire système informatisé d'établissement de profils de passagers. Il peut avoir une incidence sur les citoyens canadiens.
Pourriez-vous remettre à ce comité toutes les données utilisées dans le système CAPPS? D'où viennent les données qui servent à l'alimenter? Que contient-il?
M. Davidson: J'aimerais le faire, mais je n'ai pas toute cette information. Si cela peut vous être utile, je pourrais l'obtenir. Le système informatisé d'établissement de profils de passagers a été mis au point par la FAA, aux États-Unis. Il est devenu obligatoire pour tous les transporteurs américains il y a environ deux ans.
Il prend en compte toute une série de données, par exemple si vous avez payé votre billet en liquide, si vous avez acheté un billet aller simple, si vous avez acheté votre billet une semaine avant le voyage et des choses de cette nature. CAPPS est destiné à repérer certains particuliers, non pas pour leur interdire l'accès à un pays, mais pour savoir quels bagages vous voudrez inspecter plus attentives.
Le sénateur Oliver: Est-ce que vous allez remettre ces informations au comité? C'est extrêmement important.
M. Davidson: Encore une fois, il s'agit d'un système américain. Je vais vérifier auprès de notre service de sécurité pour voir si je peux en obtenir copie et, dans l'affirmative, je la transmettrai au greffier.
La présidente: Vous ne pouvez pas nous le fournir aujourd'hui?
M. Davidson: Je vais essayer.
La présidente: Nous l'apprécierions.
Le sénateur Gustafson: J'ai un commentaire à faire.
Monsieur Davidson, vous avez pris part aux négociations dans toute cette question, d'après ce que vous nous avez dit. Le département américain de l'agriculture se préoccupe beaucoup de sécurité alimentaire. Faisons-nous la même chose?
J'habite à 30 miles de Weyburn, en Saskatchewan, où il y a une compagnie d'épandage aérien. Je pensais que jamais personne ne viendrait nous déranger là-bas. Or, voilà qu'un individu est venu passer cinq jours dans le hangar de Weyburn avec le personnel de la compagnie. La même chose s'est passée à Regina. Quelqu'un était intéressé à acheter toute cette activité aérienne. La vente aurait pu se faire.
Il y a de graves questions qui touchent à la sécurité alimentaire. C'est troublant, quand on y pense.
Est-ce que quelqu'un s'inquiète de tout cela?
M. Mackay: En vertu de la Loi sur l'aéronautique, le ministre des Transports a le pouvoir d'appliquer ce qu'on appelle des mesures de sécurité. Dans ce cas, parce qu'il était question d'épandage aérien et de petits avions, plusieurs procédures ont été modifiées en fonction des mesures de sécurité.
Quand, selon certaines informations, on a commencé à craindre que ce secteur pouvait être la source de menaces graves, les opérations de ce genre ont été interrompues. De toute façon, le ministre dispose des pouvoirs voulus pour intervenir rapidement dans de tels cas.
Pour ce qui est de l'instruction au pilotage en général, nous collaborons avec le ministère et d'autres pour imposer la communication de certaines informations relativement aux élèves qui s'inscrivent dans les écoles et pour informer les gens des problèmes éventuels. Des changements seront également apportés sur ce plan dans la Loi sur l'aéronautique.
La présidente: Merci pour votre exposé.
Nous attendrons donc le complément d'information de M. Davidson.
La séance est levée.