Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 9 - Témoignages - Réunion du matin
REGINA, le lundi 24 février 2003
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 h 30 pour faire une étude sur l'impact du changement climatique sur l'agriculture, les forêts et les collectivités rurales au Canada et les stratégies d'adaptation à l'étude axées sur l'industrie primaire, les méthodes, les outils technologiques, les écosystèmes et d'autres éléments s'y rapportant.
Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à tous les participants à la séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts ici, à Regina.
Au cours de sa dernière étude, intitulée «Les agriculteurs canadiens en danger», notre comité a constaté que les tensions environnementales constituaient un sujet à ce point pressant pour le monde agricole et rural au Canada qu'il a décidé d'entreprendre une étude exhaustive des effets du changement climatique sur l'agriculture. Nous nous intéressons aux effets prévisibles du changement climatique sur l'agriculture, les forêts et les collectivités rurales au Canada et, chose plus importante encore, nous examinerons comment ces secteurs peuvent s'adapter.
Le comité est tenu de présenter son rapport d'ici la fin de 2003, mais nous espérons l'avoir terminé d'ici la fin juin au plus tard.
Au cours de notre voyage en Saskatchewan, en Alberta et en Colombie-Britannique, nous entendrons des scientifiques, des agriculteurs et de nombreux autres groupes du secteur agricole préoccupés par notre sujet: l'adaptation au changement climatique.
Je suis heureux que nous entamions notre tournée dans l'Ouest en Saskatchewan car on trouve ici des ressources forestières et agricoles ainsi que des collectivités rurales confrontées à divers problèmes. Notre étude sur l'impact du changement climatique doit refléter les valeurs et la diversité de notre pays.
Je veux aussi que les gens de la Saskatchewan, en particulier, et de l'ouest du Canada en général, sachent qu'ils sont très bien représentés à la Chambre haute du Parlement, à Ottawa. Notre vice-président, le sénateur Jack Wiebe, est réputé pour son expertise et sa franchise. Notre ancien président et producteur de céréales et d'oléagineux bien connu, le sénateur Len Gustafson, qui est parmi nous, est un digne représentant de la province. Pour sa part, le sénateur David Tkachuk ne laisse jamais Ottawa oublier les enjeux et les préoccupations de la Saskatchewan. Et si jamais il nous arrive de nager dans la confusion ou de nous empêtrer, nous pourrons toujours nous tourner vers le doyen du Sénat, Herb Sparrow, pour obtenir de précieux conseils. Après avoir esquissé cette toile de fond de la Saskatchewan, je vais maintenant donner la parole à notre premier témoin, M. Joseph Hnatiuk, qui donnera le coup d'envoi à la séance d'aujourd'hui.
M. Joe Hnatiuk, président, Ecotourism Society of Saskatchewan: Bonjour. Je veux d'abord remercier les membres du comité sénatorial permanent ainsi que le greffier du comité de nous avoir invités à présenter un bref exposé où il sera question des effets potentiels indirects du changement climatique sur l'écotourisme dans la foulée de son impact sur l'agriculture, les forêts et les collectivités rurales du Canada.
L'Ecotourism Society of Saskatchewan (ESS) définit l'écotourisme comme suit:
Forme de tourisme qui repose sur la découverte, dans le respect de l'environnement, de milieux naturels relativement intacts et non contaminés dans le but d'étudier, d'admirer et d'apprécier le paysage, avec sa faune, sa flore et ses caractéristiques culturelles. L'écotourisme s'attache à la jouissance de la nature non entachée par la consommation. Il ne perturbe ni la faune ni son habitat; il est durable; il crée des avantages socio-économiques pour les régions et les collectivités locales en faisant participer activement les gens de l'endroit à la prestation de l'expérience de l'écotourisme.
Comme on peut le constater, la définition de l'écotourisme d'après l'ESS repose sur l'agriculture, les forêts et les collectivités rurales de la Saskatchewan et du Canada. Par conséquent, tout impact du changement climatique sur ces secteurs et ces communautés ne manquera pas d'avoir une incidence sur l'industrie de l'écotourisme. Il s'ensuit que nous devons envisager attentivement toutes les stratégies d'adaptation susceptibles d'être nécessaires pour réagir face à des environnements et des écosystèmes en mutation.
À cet égard, permettez-moi de vous faire part de l'état de notre réflexion sur les effets potentiels du changement climatique sur l'écotourisme. Sachez que l'ESS ne dispose pas de données scientifiques pour étayer ses observations, mais celles-ci pourraient cibler des domaines où l'on pourrait entreprendre des recherches pour combler ces lacunes.
Voici une liste partielle des effets potentiels du changement climatique sur l'écotourisme:
1. Le changement climatique va probablement provoquer davantage d'événements météorologiques imprévisibles et extrêmes. Le nombre accru de tempêtes, de sécheresses et d'inondations compliquera la vie des organisateurs d'écotours qui doivent assurer la sécurité de leurs clients, fournir un produit dont la qualité ne se dément pas tout en demeurant rentable.
2. Le changement climatique asséchera les terres humides des prairies plus fréquemment que dans le passé. Les terres humides asséchées perdent la faune et la flore hautement productives qui les caractérisent, ce qui réduit la qualité du produit pour les organisateurs d'écotours.
Le site Chaplin, que nous exploitons à 150 kilomètres environ à l'ouest de Regina, le long de la route Transcanadienne, est réputé pour ses oiseaux de rivage qui y séjournent au printemps et à l'automne. Autrement dit, ils y font un arrêt lors de leur migration vers le nord au printemps et vers le sud à l'automne. C'est là qu'ils passent un certain temps pour se nourrir et accroître leurs réserves d'énergie. Lorsque les terres humides se sont asséchées en 2002, très peu d'oiseaux de rivage s'y sont arrêtés. Le site de la réserve étant déserté, les organisateurs d'écotours n'avaient plus rien à montrer qu'un marais d'eau salé malodorant. C'est tout ce qui reste, un marais salé sans oiseaux qui sent mauvais.
3. Le changement climatique semble se traduire par un enneigement hivernal moins constant. Par conséquent, il est difficile de planifier et d'attirer des clients vers des activités d'écotourisme hivernales dépendant de l'enneigement, comme un séjour d'interprétation de la nature englobant une excursion en traîneau à chiens, une randonnée en raquettes ou en skis de fond et du camping d'hiver.
4. On prévoit que le changement climatique causera davantage de pénuries d'eau dans les Prairies. La qualité de l'eau ne sera plus la même en raison de la concentration de sels et de polluants. Notre réputation, qui tient à notre capacité d'offrir une nature inaltérée souffrira et les coûts des organisateurs d'écotours augmenteront car il faudra assurer plus souvent l'épuration de l'eau.
5. Le changement climatique imposera un stress physiologique additionnel aux plantes et aux animaux et réduira leur tolérance. Il faudra donc réduire notre utilisation des sentiers d'interprétation, des postes d'observation et des milieux fragiles. Il s'ensuit que nous devrons limiter le nombre de participants aux activités d'écotourisme, ce qui engendrera une perte de revenus.
6. Le changement climatique augmentera le nombre, la gravité et le risque global de feux de friches. Cette situation inquiète énormément les organisateurs d'écotours qui se retrouvent souvent isolés dans des aires naturelles relativement inviolées. La multiplication des feux irréprimés se traduira par une augmentation de leurs primes d'assurance de responsabilité civile. De plus, ils devront investir davantage pour protéger leurs installations contre les incendies. Le temps disponible pour organiser des excursions diminuera si les risques d'incendie interdisent l'accès aux sites. En outre, un feu peut détruire les attractions et les installations.
7. On s'attend à ce que le changement climatique soit caractérisé par des printemps chauds et secs qui provoqueront l'assèchement des écosystèmes. Il en résultera sans doute une multiplication des infestations de divers parasites comme les sauterelles, les pucerons et les livrées des forêts, tous facteurs susceptibles de compromettre la qualité du produit et le caractère esthétique d'une expérience de plein air enrichissante.
8. Le changement climatique semble jouer un rôle dans la propagation vers le Nord de maladies comme la maladie de Lyme et le virus du Nil occidental. L'organisateur d'écotours devra prendre des précautions supplémentaires pour limiter l'exposition à des organismes comme les moustiques et les tiques, ce qui ajoutera à ses frais d'équipement, sans parler de ses coûts d'assurance.
9. Le changement climatique et la sécheresse s'uniront pour abaisser le niveau de l'eau dans les cours d'eau plus souvent. Les écotours prévoyant des déplacements en canot ou en bateau seront perturbés et la beauté des cours d'eau sera compromise.
10. Dans de nombreux lacs, le niveau de l'eau étant plus bas en raison du changement climatique et des sécheresses, les jetées et les quais se retrouveront hors de l'eau, ou encore inondés, ce qui ajoutera au coût des opérations. La qualité de l'eau dans les lacs se détériorera et la croissance des algues causera davantage de problèmes. Les poissons mourront plus fréquemment. Les fluctuations violentes qui surviendront dans les lacs, les étangs ainsi que dans les terres humides multiplieront les dangers pour la faune et les écotouristes.
En dernier lieu, j'aimerais ajouter une note positive, en ce sens que nous pouvons servir d'exemple et montrer comment il est possible de minimiser les effets du changement climatique sur l'environnement.
11. Les organisateurs d'écotours peuvent se servir du changement climatique dans leur programme d'interprétation et d'éducation pour favoriser un changement de comportement sociétal. Ils peuvent se comporter comme des citoyens exemplaires face à l'environnement. Dans le cadre de leurs activités d'écotourisme, ils peuvent démontrer comment conserver l'énergie, pratiquer les quatre R et se montrer respectueux des besoins écologiques de toutes les créatures vivantes sur la terre.
Dans un contexte d'écotourisme, nous pouvons montrer aux visiteurs les résultats du changement climatique, leur faire comprendre à quel point il est important de régler le problème des émissions de gaz à effet de serre et faire valoir ce que nous pouvons ou ne pouvons pas faire pour nous adapter à ce changement.
Ce ne sont là que quelques effets potentiels du changement climatique sur l'écotourisme. L'ESS continuera de collaborer avec les organisateurs de séjours et les dispensateurs de services du secteur de l'écotourisme pour les aider à s'adapter à ces changements.
Nous les encouragerons à signaler à leurs clients les altérations de l'écosystème qu'ils ont pu observer et qui se sont produites au fil du temps. Par exemple, la percée de surfaces herbeuses dans des régions autrefois couvertes de forêts.
Monsieur le président, je vous remercie encore une fois d'avoir donné à ESS l'occasion de présenter son point de vue sur les impacts potentiels du changement climatique sur l'industrie de l'écotourisme.
Le sénateur Wiebe: Monsieur Hnatiuk, j'ai beaucoup apprécié votre exposé ce matin. Il semble que votre organisation et vous-même avez longuement réfléchi aux effets possibles du changement climatique sur votre secteur. Vous avez suggéré d'intéressantes stratégies d'adaptation, et c'est l'une des choses qui nous intéressent.
L'écotourisme est très étroitement lié à la nature, à l'écopaysage; cela va de soi. Si les prévisions des experts s'avèrent, nous perdrons beaucoup. Non seulement du point de vue de la nature, mais aussi de l'infrastructure. Les organisateurs perdront l'argent qu'ils ont investi dans des installations et de l'équipement de toutes sortes.
Nous constatons que bien des gens semblent s'attacher surtout aux effets d'atténuation du changement climatique découlant de Kyoto. Ils semblent croire que l'application de Kyoto résoudra tous nos problèmes. Malgré que les scientifiques nous disent que même si nous adoptions intégralement toutes les mesures recommandées, on ne réussirait qu'à ralentir le rythme du changement climatique.
Comme vous l'avez expliqué, l'adaptation dépendra des efforts des individus œuvrant dans une entreprise, qu'il s'agisse d'une exploitation agricole ou, dans votre cas, de l'écotourisme.
Comment pouvons-nous amener ces personnes à s'adapter à l'évolution des recherches? Comment les convaincre qu'ils devraient s'intéresser à ce qui pourrait arriver, comme l'a fait votre organisation?
M. Hnatiuk: C'est une bonne question. Manifestement, plusieurs de nos principes directeurs reposent sur cette prémisse. Nous encourageons le respect de ces règles. D'ailleurs, pour être certifiés ou accrédités auprès de notre organisation, ESS, nos opérateurs doivent s'y conformer, notamment en utilisant du matériel qui ne cause pas de tort à l'environnement. Autrement dit, s'il est possible de marcher plutôt que d'emprunter un véhicule, c'est certainement l'activité que nous encourageons.
Utiliser un véhicule économe en énergie, ou pas de véhicule du tout. Minimiser l'utilisation de verres de styromousse, par exemple, et, dans les installations, employer des appareils qui consomment le moins possible d'énergie.
En ce qui a trait à l'adaptation, nous voulons faire en sorte qu'ils tentent, de concert avec les autres membres de la société, d'atteindre ces niveaux de conservation et de minimiser l'utilisation de tout ce qui exige un supplément d'énergie.
Il n'y a pas de solution toute faite. À mon avis, il faut constamment communiquer avec eux, les encourager, les inciter à présenter ces enjeux à leurs clients et s'assurer qu'ils sont bien informés.
Les gouvernements font partie intégrante de ce processus. D'ailleurs, l'un de nos plus grands défis consiste à convaincre les responsables de la réglementation qu'il s'agit là de l'approche qu'il convient d'adopter. Nous faisons face à de réels défis à cet égard.
Je ne pense pas avoir répondu à votre question, car elle est difficile. Si j'avais toutes les réponses, ce serait très facile. Grâce à l'application de nos principes, nous tentons de minimiser ce stress.
Le sénateur Wiebe: Nous essayons de trouver la réponse à cette question difficile nous aussi. Je vous comprends très bien.
Par l'entremise du Réseau canadien de recherche sur les impacts et l'adaptation au changement climatique (C- CIARN), les gouvernements fédéral et provinciaux ont effectué une importante somme de recherches nécessaires pour que nous puissions savoir avec quelle rapidité le changement climatique deviendra un problème sérieux pour nous. Serait-il avantageux que les autorités fédérales et provinciales offrent des incitatifs à des personnes pour qu'elles amorcent une réflexion sur ce que nous réserve l'avenir? Est-ce là un domaine où les décideurs pourraient faire œuvre utile?
M. Hnatiuk: À mon avis, il est absolument essentiel que les autorités fédérales et provinciales adoptent une démarche proactive. Parallèlement, il faut que le mouvement vienne aussi des simples citoyens; cela doit fonctionner dans les deux sens. Je ne pense pas qu'on arrive à quoi que ce soit tant que les organisateurs, les clients et les simples citoyens ne seront pas conscientisés. Voilà pourquoi notre secteur tente de faire la promotion de ces valeurs à partir de la base et demande aux autorités de l'aider dans cette voie.
Chose certaine, certains incitatifs, sous forme de fonds de recherche ou même de capitaux de démarrage, seraient extrêmement utiles. Par exemple, si des gens ont des idées sur la façon de conserver l'énergie, on devrait leur donner la possibilité de les développer ou s'ils font un effort en ce sens, et nous nous attendons à ce que nos organisateurs accrédités fassent cet effort supplémentaire, on devrait leur accorder une certaine reconnaissance. Je ne pense certes pas qu'on devrait leur faire de cadeau, mais on devrait les encourager en leur disant: «Vous avez réussi ceci, essayez maintenant de passer à l'étape suivante.» Ce serait une approche très utile.
Le sénateur Tkachuk: Monsieur Hnatiuk, je suis sûr que vous êtes au courant des problèmes que la température chaude et sèche a causés dans les lacs septentrionaux. Ces problèmes sont assez sérieux au lac Jackfish, par exemple, et les lacs Cochin et Emma ont baissé eux aussi. Je ne sais pas ce qu'il en est aux lacs Anglin ou Turtle. Vous pourriez peut-être nous parler brièvement des difficultés auxquelles se heurtent certains des exploitants de ces lacs, particulièrement au lac Anglin, où il y a une entreprise d'écotourisme florissante.
M. Hnatiuk: Comme j'y ai fait allusion dans mon exposé, les sécheresses des dernières années ont fait baisser le niveau de l'eau dans les lacs, et les gens qui exploitent le lac Jackfish ou le lac Anglin n'ont pas été épargnés par ce phénomène. Vous avez mentionné qu'une entreprise d'écotourisme utilise le lac Anglin comme l'une de ses attractions. Or, le niveau de l'eau y a énormément baissé, ce qui a réduit la possibilité de se livrer à des activités sur l'eau.
Chose certaine, le fait que l'eau ne soit pas à un niveau aussi élevé qu'avant dans certaines régions crée une abondance de polluants. En outre, la croissance accrue de la végétation rend le canotage plus difficile, par exemple.
C'est une situation à laquelle les exploitants de ces ressources devront s'adapter, mais je ne sais pas vraiment quelles sont les réponses. Peut-être devront-ils délaisser dans une certaine mesure ce type d'attraction et privilégier davantage les activités dans les zones terrestres ou sèches. C'est là le genre de chose qu'il faut envisager. Il faut faire de son mieux pour adapter son entreprise.
Comme j'ai essayé de le décrire dans notre définition, l'écotourisme est une expérience d'appréciation de la nature en l'absence de toute consommation; autrement dit, il exclut la pêche. Même s'il est indéniable que l'industrie de la pêche souffrira de la baisse du niveau de l'eau dans les lacs, il faut comprendre que l'écotourisme ne fait pas partie de ce secteur.
Le sénateur Tkachuk: Pourquoi l'écotourisme n'engloberait-il pas la pêche avec remise à l'eau?
M. Hnatiuk: C'est une question qui est encore au stade de la discussion. Personnellement — et j'insiste sur le fait que c'est mon opinion personnelle —, je ne suis pas convaincu. Ce n'est pas une activité inoffensive car chaque fois qu'on manipule un poisson, même en douceur, cela risque d'avoir une incidence très négative. Ainsi, si vous manipulez un grand brochet, par exemple, vous risquez d'abîmer la surface du poisson, la pellicule visqueuse, si vous voulez, et cela pourrait ultimement avoir un impact négatif.
De plus, même si vous utilisez des hameçons sans barbe, vous risquez quand même d'endommager la mâchoire du poisson, ce qui pourrait causer un problème. Si l'on encourageait cette activité dans le cadre de l'écotourisme, il deviendrait difficile de faire la distinction entre les deux secteurs. Nous tentons de garder la porte fermée car si on la laissait partiellement ouverte, quelqu'un nous dirait: «Vous avez autorisé ceci, pourquoi ne puis-je pas faire cela?»
Il existe un autre problème en Saskatchewan — et on me corrigera si je me trompe, bien que j'aie essayé d'obtenir des réponses des responsables de la réglementation. Les lacs sont alloués à des pourvoyeurs, des gens qui offrent des services de pourvoiries et de guides. Je ne veux pas m'avancer trop sur ce terrain car ce n'est pas mon domaine, mais si un organisateur d'écotours annonçait une pêche avec remise à l'eau, cela signifierait qu'il aurait accès à un lac. Autrement dit, il serait payé pour cela, à moins d'embaucher un pourvoyeur détenant les droits d'accès à ce lac, et il risquerait ainsi de contrevenir à la loi actuelle.
Le sénateur Tkachuk: À propos de la baisse du niveau des lacs à laquelle j'ai fait allusion tout à l'heure, je ne suis pas sûr que cela se produise tous les dix ans, mais j'ai grandi dans le nord et je sais que le lac Jackfish a déjà été pratiquement à sec; à un moment donné, il était complètement asséché. Quant au lac Emma, il fluctue à la hausse et à la baisse. Les autorités provinciales et des organisations comme la vôtre font-elles des recherches sérieuses pour savoir si ce phénomène est cyclique ou prévisible pour que les organisateurs d'écotours puissent s'y préparer? On ne peut simplement attendre que cela se produise et se dire que c'est le moment d'agir. Cela va-t-il se reproduire dans 10 ou 20 ans? Y a-t-il une instance qui finance des recherches pour tenter de comprendre le phénomène?
M. Hnatiuk: Certainement pas nous. Comme je l'ai dit, nous n'avons pas la capacité de faire des recherches. J'imagine qu'il existe des données et que SaskWater, par exemple, exerce une certaine surveillance. Mais je ne suis pas au courant de travaux de recherche qui seraient en cours.
Si vous me permettez une observation, je pense que certains de ces événements sont cycliques, mais que leur durée est sans doute plus longue qu'avant. Il y a 50 ans, la sécheresse a peut-être duré trois ans; aujourd'hui, elle en dure cinq. Je préconise vivement que l'on mène de telles recherches afin de surveiller l'évolution de la situation car ainsi, nous aurions des données qui nous permettraient de planifier nos vies. Il serait très utile de pouvoir compter sur de telles données, et je suis sûr qu'il y a énormément d'informations disponibles, mais jusqu'ici il n'y a pas eu d'efforts concertés en ce sens.
Le sénateur Gustafson: Il est difficile de ne pas faire l'apologie du réchauffement de la planète lorsqu'il fait moins 31 à l'extérieur et qu'il y a deux pieds de neige à Ottawa. Votre secteur voit-il un avantage quelconque dans le réchauffement de la planète? Le Canada est connu comme le grand nord blanc, et nombreux sont ceux qui pensent que son plus grand problème, c'est qu'il y fait trop froid.
M. Hnatiuk: Je ne sais pas si c'est un avantage, mais je pense que l'occasion est belle de parler de ces sujets. Dans ma conclusion, j'ai dit que nous pouvons évoquer ce phénomène pour fournir des explications, informer les gens qu'il s'agit là d'une réalité.
Certes, l'environnement est toujours dynamique et changeant et nous devons nous y adapter. C'est l'un des principes primordiaux. Au lieu de faire du ski de fond, il nous faudra peut-être nous tourner vers les randonnées pédestres. En outre, nos organisateurs s'adaptent, deviennent des professeurs et expliquent ce qui se produit, et nous les encourageons à le faire.
Le sénateur Gustafson: Au cours de votre vie professionnelle dans ce secteur, avez-vous remarqué des choses précises?
M. Hnatiuk: En fait, oui. Dans le cadre d'un exercice de planification de l'utilisation du territoire qui a cours à Fort- à-la-Corne et dans la forêt de Nisbet, nous constatons qu'aux endroits où les arbres ont été coupés auparavant ou brûlés, ils ne repoussent pas et que les herbes commencent à envahir. Cela s'explique par l'allongement de la saison sèche: les arbres ne peuvent survivre. Il s'agit là d'une observation professionnelle qui n'est pas étayée par des preuves scientifiques pour l'instant.
Le sénateur Gustafson: Avez-vous observé un recul de la frontière de la forêt boréale?
M. Hnatiuk: Vous allez sans doute en entendre parler davantage plus tard ce matin. Personnellement, je n'ai pas tellement remarqué cela. Par ailleurs, j'ai observé que la forêt insulaire qui est soumise à des conditions de sécheresse extrêmes, comme à Fort-à-la-Corne, ne repousse pas et les herbes commencent à apparaître. En outre, certains jeunes plants meurent parce qu'ils n'ont pas pu s'établir. Des jeunes plants de deux ou trois ans meurent à cause des conditions sèches.
Le président: Vous nous avez présenté un excellent exposé. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps de venir et non seulement d'avoir fait cet exposé, mais d'avoir aussi répondu aux questions très difficiles que vous ont posées les trois sénateurs.
Au début de la séance, j'ai présenté chacun des sénateurs présents. Depuis, le sénateur Andreychuk, de la Saskatchewan, est arrivé. C'est aussi une collègue dont nous sommes très fiers à Ottawa; elle fait de l'excellent travail. La Saskatchewan peut être fière qu'elle compte parmi ses représentants dans la capitale fédérale.
Avant que vous ne partiez, j'ai une brève question à vous poser. Au point 2, vous avez mentionné les oiseaux de rivage. Vous ne nous avez pas dit de quelle espèce il s'agissait, et j'aimerais le savoir.
M. Hnatiuk: Il y en a au moins une douzaine: les pluviers siffleurs et d'autres espèces, très rares en Saskatchewan, comme les avocettes élégantes. Comme je l'ai dit, au moins une douzaine d'espèces migrent par Chaplin tous les printemps et tous les automnes. Ils s'y arrêtent car c'est un cours d'eau salé qui renferme des crevettes des salines dont ils se nourrissent pour emmagasiner l'énergie dont ils ont besoin pour la nidification à leur arrivée. À l'automne, ils s'arrêtent là encore une fois pour se nourrir avant d'entreprendre leur périple vers le sud. C'est un site très important. Il y a une autre espèce, dont le nom m'échappe et dont on voyait habituellement entre 50 et 60 oiseaux, mais 12 d'entre eux seulement sont venus l'an dernier.
Le président: Est-ce un phénomène auquel Canards Illimités s'est intéressé?
M. Hnatiuk: Oui, Canards Illimités fait partie intégrante de cette entreprise.
Je demanderais maintenant aux représentants de la Saskatchewan Association of Rural Municipalities, M. Neal Hardy, président, et Mme Arita McPherson, directrice, de se présenter. Je vous invite tous deux très chaleureusement à faire votre exposé.
M. Neal Hardy, président, Saskatchewan Association of Rural Municipalities: Je crois même pouvoir vous dire: «Bonjour, chers amis», car je vous connais tous depuis longtemps. C'est bon de vous accueillir en Saskatchewan en cette belle matinée chaude et ensoleillée. Hier matin, lorsque j'ai consulté mon thermomètre, il faisait moins 42 degrés à Hudson Bay, en Saskatchewan. Cela vous donne une petite idée à quel point il faisait froid, sans compter le facteur éolien. Ce matin, lorsque je suis venu ici à pied, c'était comme s'il faisait moins 42, mais en fait, je ne sais pas trop quelle est la température.
Je remercie le comité sénatorial d'avoir permis à note association de faire cet exposé. Chose certaine, le réchauffement climatique est un sujet qui intéresse au plus haut point les agriculteurs et les habitants des collectivités rurales de la Saskatchewan. Le changement climatique que nous avons observé ces dernières années a été passablement radical, et nous ne savons pas si la tendance se maintiendra ou non. Nos hivers ont changé, nos étés ont changé, la sécheresse a fait son apparition et il semble que nous pourrions connaître une autre année de sécheresse. Nous sommes très enthousiastes à l'idée d'en discuter et nous souhaitons faire certaines suggestions susceptibles d'être utiles à long terme.
D'entrée de jeu, je tiens à dire très clairement que je ne suis absolument pas un expert en matière de changement climatique. Je suis un simple agriculteur qui vit dans la brousse, dans le nord-est de la province. Je ne suis qu'un des 50 000 agriculteurs de la Saskatchewan. Je peux affirmer sans crainte de me tromper que nous nous inquiétons tous au sujet du climat, de l'avenir de l'agriculture et de notre mode de vie rural, de même que du coût et de la perte de valeur qui risquent ou non de s'ensuivre.
La Saskatchewan Association of Rural Municipalities, ou SARM, comme je l'appellerai, remercie les membres du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts qui se déplace un peu partout au Canada pour entendre des témoignages sur l'important enjeu que représentent les impacts du changement climatique sur l'agriculture, les forêts et les collectivités rurales au Canada. Le changement climatique pourrait présenter à la fois des défis et des possibilités pour les collectivités rurales et le secteur agricole.
Créé en 1905 pour s'occuper des dossiers municipaux et agricoles, la SARM représente la totalité des 997 municipalités rurales de la province.
Les gouvernements municipaux ruraux font partie intégrante des collectivités rurales en Saskatchewan compte tenu de leur rôle sur le plan économique, social et du développement culturel.
Au nombre des responsabilités des gouvernements municipaux ruraux, citons: la construction et l'entretien des routes; les ponts; la lutte antiparasitaire; la planification et la gestion du développement économique et de l'aménagement du territoire; la police; la protection contre les incendies; les bibliothèques régionales; les loisirs; et, bien sûr, l'eau.
Les communautés rurales des Prairies ne considèrent pas nécessairement le changement climatique comme une priorité en raison de la multitude des problèmes auxquels elles font face: les soins de santé en milieu rural; l'état de l'économie agricole; la fiscalité; l'éducation, pour n'en nommer que quelques-uns. Cependant, il y a lieu de s'inquiéter des implications du changement climatique pour les collectivités rurales. Notre exposé s'attache aux effets potentiels qu'il pourrait avoir sur les recettes municipales, ce qui pourrait amener les municipalités à modifier la façon dont elles gèrent leurs affaires courantes.
L'agriculture est l'industrie dominante dans cette province rurale qu'est la Saskatchewan. Les gouvernements municipaux ruraux tirent un pourcentage important de leurs recettes fiscales des terres agricoles; dans certaines municipalités rurales, ou MR, il n'y a pas d'autres entreprises et la totalité de l'évaluation municipale est de nature agricole. Par conséquent, tout ce qui compromet la capacité des terres de produire des cultures commerciales compromet aussi la capacité des contribuables de payer leurs impôts fonciers. Même si les prévisions issues de la modélisation relative aux effets du changement climatique diffèrent — certaines régions peuvent connaître des hausses de rendement et d'autres des baisses —, si les baisses de rendement dans une région sont plus nombreuses que les hausses, il va de soi que les municipalités rurales seront perdantes.
Encore une fois, les opinions varient quant aux types de changement climatique qui risquent de survenir. Nous venons d'en faire l'expérience. Le temps sera-t-il plus chaud, plus humide, qui sait? C'est imprévisible. Les gens des Prairies ne savent que trop bien quels ont été les effets de la sécheresse de 2002, qui nous a rappelé ce qui peut arriver lorsqu'il fait chaud et sec pendant de longues périodes.
La région nord-ouest de la Saskatchewan a connu sept années consécutives de sécheresse. Par exemple, les municipalités rurales de Mervin, Loon Lake et Shelbrook n'ont reçu que six pouces de précipitations pendant la saison de croissance 2002. Même si la perception des impôts n'a pas encore fait problème, il est probable que la plupart des producteurs ont puisé dans leurs paiements d'assurance-récolte ou vendu du bétail pour payer leurs impôts. En effet, nous savons qu'un grand nombre de troupeaux ont été vendus. Les administrateurs des MR de la région pensent que les effets de la sécheresse deviendront apparents en 2003.
La multiplication des incendies de forêt en 2002 est un autre résultat de la sécheresse dans les régions septentrionales. Dix-sept des municipalités régionales situées en bordure de la forêt ont vu leurs coûts associés à la lutte contre les incendies grimper en flèche. Des 4,7 millions de dollars qu'y a consacrés Saskatchewan Environment, 1,4 million a été versé à des municipalités rurales. Certaines d'entre elles ont pu absorber ce coût, puisque leurs dépenses à cet égard ont été moindres, mais pour d'autres, ce fut un fardeau considérable. À elle seule, la municipalité rurale de Loon Lake a dû débourser 920 000 $. Cette facture représente le double des impôts perçus par la MR. La situation n'aurait pas été aussi problématique si les municipalités avaient pu présenter des réclamations au titre de leurs coûts pour la lutte contre les incendies dans le cadre du programme d'aide aux sinistrés.
L'an dernier, Saskatchewan Environment a dépensé au total 116 millions de dollars pour combattre des incendies. De nombreuses MR un peu partout dans la province ont dépensé des dizaines de milliers de dollars de leurs propres fonds pour combattre des feux, que ce soit des feux de prairies dans le sud ou des feux de brousse dans le nord. En fait, la municipalité rurale de Mervin a déboursé près de 300 000 $ de son propre budget pour lutter contre des incendies.
D'après certains modèles relatifs au changement climatique, la limite de la forêt sera repoussée vers le nord advenant un réchauffement du climat. Il semble bien que ce sera le cas car on a pu observer à quel point le sol s'est asséché dans la partie sud de la zone forestière limitrophe et ce, depuis une dizaine d'années sans doute. Ce phénomène est perceptible dans cette région où un nombre considérable de peupliers argentés meurent. En fait, il s'agit de peupliers trembles, mais nous les appelons peupliers argentés. Nous avons remarqué qu'un grand nombre de nos épinettes et de nos arbres de marécage ont commencé à mourir. Même si nous avions connu quelques années sèches jusqu'à l'an dernier, cette région avait été épargnée, et pourtant, on constate tout de même un recul. À mon avis, c'est là un impact ou un effet évident du changement climatique sur l'aire forestière limitrophe.
Les municipalités risquent non seulement de perdre des recettes, mais aussi de voir leurs dépenses augmenter. La source de ces augmentations de coûts dépendra de la forme que prendra le changement climatique. Si le climat devient chaud et sec, ce sera le désherbage; d'ailleurs, les sauterelles semblent prêtes à s'abattre sur nous cette année aussi. Si les pluies sont abondantes — et les précipitations semblent maintenant survenir à des périodes différentes de l'année —, il faudra réparer les tronçons de routes emportées par les eaux et contrer les inondations. En outre, cette année, le déneigement est sans doute une autre source de dépenses dans certaines régions. Comme vous le savez, il y a deux ans à peine, nous avons dû faire face à une inondation.
La disponibilité et la qualité de l'eau représentent déjà des facteurs limitatifs critiques pour ce qui est du développement et de l'expansion dans certaines régions rurales. Encore là, plus une région se développe, plus l'assiette fiscale s'élargit. Un climat plus chaud, plus sec ne ferait qu'exacerber le problème actuel. La SARM préconise depuis longtemps une amélioration de l'infrastructure hydraulique des communautés rurales. À cet égard, nous sommes heureux que le gouvernement fédéral ait injecté 60 millions de dollars dans le Programme de l'aménagement hydraulique rural l'an dernier, car cela aidera bon nombre de collectivités et de producteurs à améliorer leur approvisionnement en eau. Cependant, l'infrastructure hydraulique ne servira pas à grand-chose si nos principales sources d'approvisionnement commencent à se tarir.
Il faut commencer à planifier pour régler le problème des pénuries d'eau dans les collectivités et le secteur rural. Nous voudrions savoir dans quelle mesure le gouvernement fédéral a pris en compte les effets du changement climatique lorsqu'il a mis sur pied un tel programme.
Les municipalités doivent jouer un rôle actif dans la planification de l'avenir et les gouvernements fédéral et provinciaux doivent mettre l'épaule à la roue en partageant à la fois l'information et les coûts. Les pouvoirs publics doivent tenir compte du changement climatique dans l'élaboration des politiques et des programmes. Si les éventualités décrites ci-dessus se concrétisent, les municipalités rurales de la Saskatchewan devront pouvoir compter sur des budgets plus considérables, probablement en réclamant des transferts plus généreux de la province. En pareil cas, comme nous le savons, les autorités provinciales demanderont davantage d'argent au gouvernement fédéral.
Ce ne sont là que quelques-uns des problèmes confrontant les collectivités rurales qu'il faudra régler si les effets du changement climatique deviennent plus évidents. Nous convenons qu'il reste beaucoup de travail à faire pour mieux comprendre de quelle façon les collectivités rurales de la Saskatchewan seraient touchées et déterminer quelles sont les meilleures solutions et stratégies d'adaptation.
Les normes de construction routière devront-elles être modifiées? De quelle façon le changement climatique influencera-t-il la tarification des assurances? Ce ne sont là que quelques-unes des nombreuses questions qui nécessitent des recherches et auxquelles il faudra répondre pour déterminer l'incidence du changement climatique sur les collectivités rurales.
Comme je l'ai déjà mentionné, les communautés rurales et les fonctions des gouvernements municipaux ruraux sont étroitement liées à l'agriculture. L'agriculture dépend essentiellement du climat et il nous faudra trouver des moyens de nous adapter au changement. Cette adaptation pourra prendre la forme d'une diversification, c'est-à-dire l'adoption de cultures nouvelles ou différentes ou d'un tournant vers l'élevage du bétail. Les animaux d'élevage sont adaptables à différents climats et ils consommeraient les grains de moindre qualité qui risquent de résulter du changement climatique. Tant les gouvernements fédéral que provinciaux ont encouragé les producteurs à se tourner vers l'élevage du bétail pour des raisons économiques.
Toutefois, cette stratégie pourrait faire long feu si des sécheresses graves se multipliaient dans les Prairies. L'eau et les aliments du bétail pourraient rapidement devenir des facteurs limitatifs, comme nous l'avons vu en 2002. Statistique Canada attribue aux années successives de sécheresse la diminution de 10 p. 100 de la taille des troupeaux de bétail en Alberta.
L'agriculture peut aussi être partie prenante de la solution en réduisant la quantité d'émissions de dioxyde de carbone dans l'atmosphère. En fait, on compte beaucoup sur le secteur agricole pour aider le Canada à atteindre ses objectifs de réduction des gaz à effet de serre grâce à la création de puits de carbone. À cet égard, nous saluons les efforts du gouvernement fédéral pour faire reconnaître les sols agricoles comme puits de carbone. Ces puits sont importants aux yeux des membres de la SARM, comme en fait foi la résolution suivante adoptée lors du congrès annuel 2001:
Résolution 3-01A:
EN CONSÉQUENCE, IL EST RÉSOLU que la SARM exerce des pressions pour que l'on reconnaisse la valeur du piégeage du carbone par les terres agricoles.
Il sera nécessaire pour le gouvernement fédéral d'obtenir la collaboration des producteurs qui devront décider de prendre ou non des mesures pour créer ou maintenir des puits de carbone sur leurs terres. Les producteurs de la Saskatchewan ont déjà progressé considérablement au chapitre de la création de tels puits; ce sont eux qui, en plus grand nombre au Canada, ont abandonné la jachère et adopté la culture sans labour. Aux yeux de nombreux producteurs, la question de savoir qui obtiendra le crédit de la présence de ces puits revêt autant d'importance que le changement climatique lui-même. Néanmoins, il semble que le gouvernement fédéral ait adopté une approche qui risque de compromettre ses propres objectifs de réduction des gaz à effet de serre responsables du changement climatique moyennant le piégeage du carbone sur les terres agricoles.
Selon le Plan du Canada sur les changements climatiques:
Le gouvernement du Canada propose que les crédits au titre des puits provenant des interventions liées au statu quo seront utilisés pour diminuer la cible globale de réduction des émissions du Canada, conformément au principe de minimisation des coûts pour l'économie, ce qui profitera à tous les secteurs, y compris la foresterie et l'agriculture, et de n'imposer aucun fardeau déraisonnable à quelque région du pays que ce soit.
D'après ce que nous avons compris, les interventions liées au statu quo, c'est-à-dire les meilleures pratiques de gestion actuelles, ou les plus avantageuses, comme la culture sans labour et l'établissement d'une couverture végétale permanente, adoptées avant 2008 donneraient lieu à un crédit qui reviendrait au gouvernement. Les mêmes pratiques de gestion optimales adoptées après 2008 donneraient lieu à des crédits qui reviendraient aux producteurs et pourraient vraisemblablement être échangés sur un marché des émissions.
La SARM considère que la proposition fédérale comporte des lacunes substantielles. Premièrement, compte tenu de la superficie du territoire de la Saskatchewan et du fait que les producteurs de la province sont tout disposés à adopter les pratiques de gestion optimales créant des compensations pour les gaz à effet de serre, l'exercice d'expropriation prévu dans cette proposition constituerait un fardeau pour eux car ils seraient responsables de l'entretien des puits qu'ils auraient créés.
Qui plus est, la proposition décourage les agriculteurs de créer de nouveaux puits avant 2008 ou toute autre échéance imposée par le gouvernement car c'est au gouvernement que reviendraient les crédits liés aux puits de carbone. Insidieusement, cela incite également les agriculteurs à détruire les puits qu'ils ont déjà créés pour les soustraire au contrôle du gouvernement; ces derniers les recréeraient en 2008 pour ensuite les échanger sur le marché des émissions.
Il est aussi possible que cela influe sur la valeur des terres. Les puits de carbone échangeables sur le marché des émissions accroîtraient vraisemblablement la valeur des terres agricoles stockant du carbone. Cependant, les puits dont le gouvernement serait propriétaire n'auraient sans doute aucune valeur commerciale, ce qui entraînerait une diminution de la valeur de ces terres.
Enfin, les deux types de crédits issus des compensations liées au statu quo et des compensations échangeables proposées exigeraient l'élaboration d'un système de comptabilité compliqué pour savoir si les puits appartiennent au gouvernement ou aux producteurs. Un tel système pourrait facilement devenir très coûteux.
La proposition du Canada est muette quant au traitement qui serait réservé aux émissions agricoles de gaz à effet de serre. Les carburants et les fertilisants utilisés dans les exploitations agricoles, ainsi que le bétail, émettent des gaz à effet de serre. Les agriculteurs pourraient-ils appliquer leurs compensations à leurs propres entreprises? Et s'ils ne peuvent les utiliser, de quelle façon cela influerait-il sur leurs responsabilités?
Il faudrait recourir à des incitatifs pour encourager les producteurs agricoles à créer et à maintenir des pratiques compensant pour les gaz à effet de serre au lieu d'adopter l'approche annoncée dans le Plan du Canada sur les changements climatiques. Le gouvernement fédéral devrait appuyer un système de compensations échangeables qui serait avantageux pour les producteurs qui en assurent la création et l'entretien ainsi que pour le secteur agricole qui en a besoin pour respecter ses engagements en matière de réduction d'émissions.
Une façon d'y parvenir serait d'adopter une structure de marché de location des compensations, comme le propose la Saskatchewan Soil Conservation Association. La SARM trouve intéressantes bon nombre des caractéristiques qu'offre la structure de location aux producteurs.
En effet, elle réduit la responsabilité des producteurs à l'égard des puits qui deviendront saturés avec le temps. Si les crédits sont vendus ou conservés par le gouvernement, les producteurs pourraient être forcés au bout du compte de payer pour des émissions futures.
Ainsi, les producteurs auraient toujours le loisir de modifier leurs pratiques de gestion le cas échéant, à l'avenir. Si les crédits étaient vendus, ils seraient moins aptes à le faire sans encourir de sanctions.
Les producteurs reçoivent la reconnaissance et les crédits qu'ils méritent pour avoir créé et entretenu les puits.
Les producteurs conservent le contrôle des crédits et ont la possibilité d'appliquer les compensations à leur propre exploitation au besoin.
En conclusion, le changement climatique est un enjeu qui touche tout le monde. Les conséquences pour les collectivités rurales de la Saskatchewan ne manqueraient pas d'être sérieuses en raison de leur impact sur l'agriculture. C'est une question qui exigera que tous les pouvoirs publics collaborent pour élaborer des stratégies d'adaptation.
Dans la foulée d'un changement climatique, les municipalités rurales risquent de voir leurs recettes diminuer et leurs dépenses augmenter. À l'avenir, le gouvernement devra peut-être hausser ses paiements de transfert pour enrichir les budgets municipaux. Il faudra aussi sans doute étendre la portée des programmes d'aide aux sinistrés pour couvrir le coût des catastrophes comme des incendies de forêt et des sécheresses généralisées. Plus particulièrement, les incendies de forêt devraient être inclus dans le programme fédéral-provincial d'aide aux sinistrés.
Il convient de commencer à planifier sous peu pour régler le problème des pénuries d'eau dans les collectivités et le secteur agricoles. Collectivement, il reste encore beaucoup de travail à faire pour déterminer les effets du changement climatique sur les collectivités rurales ainsi que les stratégies de solutions appropriées.
L'agriculture peut jouer un rôle important dans la réduction des gaz à effet de serre responsables du changement climatique grâce à la création de puits de carbone sur les terres agricoles. Le meilleur moyen d'y arriver est d'instaurer un système d'incitatifs, comme un marché de location, qui permettrait aux producteurs de réduire leurs propres risques au minimum et de bénéficier des mesures qu'ils prennent. L'actuelle proposition du gouvernement fédéral les décourage de se mettre à l'œuvre rapidement pour créer et entretenir des puits de carbone sur les terres agricoles et, insidieusement, les incite même à détruire les puits existants.
Le président: J'avoue que c'est le meilleur exposé que nous ayons entendu depuis que le comité a amorcé l'étude des problèmes d'adaptation dans les collectivités rurales. Tout ce que vous avez dit a été des plus utiles et je vous remercie du temps que vous avez consacré à préparer votre exposé. Il est excellent.
Le sénateur Gustafson: Je vous souhaite la bienvenue à notre comité, monsieur Hardy et madame McPherson. Je suis content de voir que les municipalités rurales de Saskatchewan sont représentées ici ce matin. J'ai le sentiment que vous êtes aussi près de la base qu'on peut l'être et qu'aucune autre organisation ne connaît vraiment la situation de l'agriculture.
Je tiens à dire une chose: la première fois que je suis allé à Ottawa, Tommy Douglas m'a dit quelque chose; en fait, il m'a fait venir à la cafétéria du cinquième étage et m'a dit: «Len, j'ai à vous parler.» Il a dit: «La Saskatchewan, parce qu'elle a 40 p. 100 des terres arables du Canada, a un grand avenir.» Il a aussi mentionné le pétrole, la potasse, etc.
Je pense que la Saskatchewan est aujourd'hui confrontée à de grandes difficultés. Je suis d'avis que la Saskatchewan a beaucoup à apporter au Canada parce que nous avons 40 p. 100 des terres arables.
Notre comité s'est rendu trois fois aux États-Unis, et nous sommes aussi allés en Europe. Nous avons passé beaucoup de temps à nous renseigner sur ce que l'on fait dans ces pays. En général, ces pays conjuguent dans leurs programmes d'aide à l'agriculture des volets environnementaux, agricoles, de développement rural et même des dossiers du tiers monde, dans une certaine mesure.
Il me semble que, d'un point de vue mondial, le Canada est en train de prendre énormément de retard dans ce dossier extrêmement important, et en particulier la Saskatchewan et une partie de l'Alberta, bref une partie des Prairies.
Vous avez mentionné le partage des coûts de développement et les problèmes qui se posent dans l'agriculture à cause du réchauffement planétaire, si l'on veut, ou de la sécheresse. Que faut-il faire, à votre avis, pour stabiliser l'industrie, même à court terme, mais surtout à long terme et à l'avantage de tous les Canadiens?
M. Hardy: Je pense que ce que nous devons faire à court terme est assez évident. Nous devons continuer le semis direct. Je pense que nous devons changer certaines de nos pratiques culturales. Nous avons accru nos activités dans l'élevage du bétail et je pense que nous devons poursuivre sur cette lancée; il y a d'excellentes possibilités dans ce secteur.
Par ailleurs, nous ne semblons pas conscients des possibilités de la zone forestière limitrophe. On ne fait pas grand- chose dans ce domaine, sauf peut-être en plein milieu de la forêt, pour rétablir ce secteur. On dirait que l'on se contente de reculer pied à pied la limite de la forêt. Je pense que cela doit s'inscrire dans un ensemble plus vaste de mesures, en particulier dans le dossier des gaz à effet de serre.
Nous devons continuer de diversifier la production et de cultiver la terre sans labour, ou de nous rapprocher le plus possible de l'absence totale de labour. Il est certain que nous devons nous lancer davantage dans l'élevage du bétail, ce qui veut dire qu'il faut ensemencer beaucoup de terres en fourrage vert, contribuant ainsi à conserver et enrichir nos sols. Cela constitue un puits de carbone et fait monter la valeur de nos sols. Voilà mon avis ce qu'il faut faire à court terme.
Le sénateur Gustafson: Vous savez que tout cela coûte de l'argent et que les agriculteurs sont actuellement en difficulté à cause du coût des intrants, etc. Il est donc difficile d'aborder la situation selon une bonne approche environnementale. Que faut-il faire, à votre avis, pour corriger le filet de sécurité de manière que les agriculteurs puissent s'attaquer à ces problèmes selon la bonne approche environnementale?
M. Hardy: Ça, c'est le long terme. Je pense que notre filet de sécurité est un bon point de départ; je ne pense pas que ce que nous avons soit mauvais. Je pense qu'il nous faut plus d'argent pour des mesures plus variées, parce qu'il nous faudra faire plus que ce qui est disponible aux termes du cadre de la politique agricole.
Chose certaine, nous avons à peine jeté les bases en matière de salubrité et de qualité des aliments et en matière d'environnement, et nous devons continuer à travailler avec les gouvernements fédéral et provinciaux et avec les producteurs. Je pense que c'est un domaine qui exigera beaucoup de coopération entre les producteurs, la province et le gouvernement fédéral, et il faudra de l'argent pour faire débloquer le dossier.
Si l'on examine qui paiera toutes les mesures de planification et de sécurité environnementales qu'il faut mettre en place, à ce jour, je n'ai rien vu qui m'indique que les producteurs pourront au moins rentrer dans leur argent. Je pense que ce sera presque un coût net pour eux.
Nous n'avons pas fait une étude assez poussée pour nous forger vraiment une opinion solide quant à ce qu'il faudra pour établir les contrôles en matière d'environnement et de salubrité des aliments que vous et moi souhaitons voir à l'avenir. À mon avis, ce ne sont pas seulement les Européens et les Américains qui y tiennent; nous y viendrons nous aussi.
Nous sommes préoccupés par bien des choses. La quantité de produits que nous pulvérisons dans nos champs. Nous sommes aussi préoccupés par la manutention de nos aliments. Je pense que cela ne touche pas seulement l'agriculteur. Nous pouvons faire beaucoup pour renforcer la sécurité alimentaire, nous pouvons utiliser des produits qui sont sûrs, mais quelle quantité est pulvérisée à l'élévateur? Qu'est-ce qu'on rajoute quand on transforme les céréales en farine? Qu'est-ce qu'on rajoute ensuite pour faire du pain? Je voudrais le savoir. Je pense que c'est la grande question de la sécurité alimentaire. En tant que producteurs, je pense que nous pouvons produire une denrée brute assez saine. Si vous êtes allés en Europe, vous savez peut-être que là-bas, ils pulvérisent 10 ou 12 fois, tandis que nous ne pulvérisons qu'une seule fois. C'est une grande différence.
Le sénateur Tkachuk: Et ils s'inquiètent au sujet des aliments modifiés génétiquement.
Mme Arita McPherson, directrice, Politiques agricoles, Saskatchewan Association of Rural Municipalities: Je pense que Neal a bien résumé la situation. Je voudrais ajouter que la sécurité alimentaire et la qualité de l'environnement sont des préoccupations des consommateurs; telle est la position de l'association. En conséquence, nous voudrions que les consommateurs payent d'une manière ou d'une autre. Les producteurs ne devraient pas être les seuls à payer les changements environnementaux qu'ils peuvent être obligés de faire sur leur ferme, ou le coût des vérifications de sûreté environnementale qu'il faudra faire.
Le sénateur Wiebe: Pour faire suite à cette dernière observation, quant à savoir qui doit payer, une bonne partie de votre exposé, que j'ai trouvé excellent, traitait de la valeur des puits de carbone et des compensations échangeables. C'est là-dessus que je suis personnellement fortement en désaccord avec la position du gouvernement fédéral. C'est-à- dire qu'il compte les échanger avec d'autres pays. Dans mon esprit, cela permet à d'autres pays de se dérober à leurs responsabilités; il leur suffit de payer de l'argent aux Canadiens pour compenser ce qu'ils ne font pas et devraient faire.
Le problème du réchauffement planétaire a été en grande partie causé par la société. La société a décidé d'être davantage dépendante des autobus et d'autres véhicules pour aller travailler. L'industrie est responsable d'avoir rejeté des quantités épouvantables de gaz carbonique.
Les effets du réchauffement planétaire ou du changement climatique ne seront pas tous mauvais. Cela pourrait avoir des conséquences très positives pour les agriculteurs, en ce sens qu'ils seront récompensés, pourrait-on dire, pour leurs efforts de création de puits de carbone. Ma position est que parce que la société dans son ensemble a contribué très fortement à causer le changement climatique, elle devrait, par l'entremise du gouvernement fédéral, payer les agriculteurs pour le travail qu'ils font pour ce qui est de capter et de stocker le carbone. Je pense que la responsabilité incombe certainement à la société, parce que c'est la société qui a créé les rejets de gaz carbonique.
C'est sur cette argumentation que je vais faire la lutte au gouvernement fédéral; je voudrais connaître votre point de vue.
M. Hardy: C'est le point de vue de la plupart des producteurs dans notre province. Je crois que Statistique Canada, dans son dernier rapport de 2001, a indiqué qu'il y avait 65 millions d'acres de terres agricoles et de prairies herbeuses dans cette province. La plus grande partie de ces terres peuvent servir à stocker du carbone. Nous devons toutefois gérer extrêmement bien nos pratiques culturales pour ce faire, et surtout si nous voulons nous inscrire dans le cadre de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Il faut prendre des mesures pour les légumineuses, par exemple, et toutes les autres cultures. Ce qu'on fait est très important: la façon de les manutentionner, de les ensemencer et tout le reste.
À l'avenir, les producteurs devront bénéficier de mesures financières quelconques pour gérer le système, à cause des autres coûts qu'ils doivent assumer pour la qualité des aliments, la protection de l'environnement, la pulvérisation, et peut-être l'absence d'engrais. Je pense que les puits de carbone, ce pourrait être une manière, mais il faut que l'on puisse gérer tout cela soi-même. Si quelqu'un à Ottawa ou dans la province est chargé de gérer cela à votre place, alors quand les rôles sont inversés et que vous commencez à votre tour à rejeter du carbone, qui va payer, et comment pourriez- vous vous le permettre? À ce moment-là, vous n'aurez pas encore accumulé la moindre valeur monétaire à cet égard.
Nous sommes entièrement d'accord. Nous croyons que les agriculteurs doivent être en mesure de gérer la valeur des puits de carbone qu'ils créent grâce à leurs pratiques culturales. Il faut que cela fonctionne de cette manière dans l'agriculture à long terme.
Le sénateur Tkachuk: Neal, je vous demanderais de m'aider à comprendre cette histoire de puits de carbone. Je ne comprends pas bien le dossier des puits de carbone, que ce soit dans l'agriculture ou les forêts. Vous avez évoqué la libération du carbone. Est-ce que vous parlez des jachères?
M. Hardy: C'est bien cela. Quand on travaille un champ, on commence à libérer ce qui était stocké dans ce champ. Les matières contenues dans le sol se dégradent et une partie du carbone est rejetée dans l'atmosphère. À ce moment-là, on devient un émetteur de carbone au lieu d'être un capteur. Si vous parlez aux intervenants dans ce dossier, ils vous diront qu'avec le temps, à un moment donné, vous pourriez rejeter la plus grande partie du carbone, à moins d'utiliser les meilleures pratiques culturales. C'est pourquoi il est très important de reconnaître les mérites des agriculteurs qui utilisent ces pratiques.
Mme McPherson: L'autre aspect est que les puits de carbone peuvent devenir saturés, parce que le sol peut seulement stocker une certaine quantité de carbone. Une fois que le puits est saturé, si l'on examine le portrait d'ensemble de l'exploitation agricole, les machines, les engrais et le bétail continuent de rejeter des gaz à effet de serre. Dans cette situation, l'agriculteur devient un émetteur net de gaz à effet de serre, au lieu de contribuer à en réduire les émissions.
Le président: Ce que vous pouvez faire, c'est de planter des arbres autour de ces champs, cela aiderait à absorber une partie du gaz carbonique.
Mme McPherson: Les arbres sont une autre sorte de puits, mais ils causent des problèmes.
Le président: L'association est très active en Saskatchewan, je le sais bien, et il est certain que ses représentants discutent souvent des mêmes questions dont j'entends parler ensuite ici à Ottawa.
Vous me dites que vous ne serez pas en mesure de recevoir les crédits avant 2008 et que le gouvernement sera avantagé jusqu'à ce moment-là. Quelles discussions le gouvernement fédéral a-t-il tenues en préparation de la signature de l'accord de Kyoto, et comment cette anomalie a-t-elle pu se produire?
Mme McPherson: Pendant les premières négociations, il s'agissait de savoir si les terres agricoles seraient englobées dans les puits. L'Association pour la conservation des sols de Saskatchewan a été très active, s'efforçant d'obtenir que les sols agricoles soient inclus dans les puits, et nous suivons de très près leurs activités. Nous avons vu pour la première fois le scénario du statu quo jusqu'en 2008 lorsque le document du Canada dans le dossier du changement climatique a été publié à la fin de l'année dernière, ou au début de cette année. Je pense que cela a beaucoup étonné un grand nombre de groupes en Saskatchewan et dans d'autres provinces. À ma connaissance, il n'y a pas eu de négociations pour fixer cette date.
Le sénateur Andreychuk: Est-ce inhabituel, ou est-ce également le cas pour d'autres aspects du plan de Kyoto?
Mme McPherson: Je pense que c'est seulement pour l'agriculture et les forêts que rien ne se fera avant 2008, parce que ce sont les deux seuls secteurs qui peuvent créer des puits.
Le sénateur Andreychuk: Je voulais dire de manière plus générale. Est-ce que votre organisation a eu des négociations ou discussions quelconques avec le gouvernement fédéral au cours des cinq ou dix dernières années quant à la manière de mettre en œuvre l'Accord de Kyoto, et aussi sur le coût éventuel et qui devrait l'assumer?
Mme McPherson: Non, nous n'avons pas eu beaucoup de négociations avec eux sur cette question, mais nous allons nous y intéresser davantage à l'avenir.
Le sénateur Andreychuk: Savez-vous pourquoi il n'y a pas eu de discussions?
M. Hardy: Pour être bien franc, je ne le sais pas. C'est peut-être en partie de notre faute. Nous avons beaucoup de dossiers et nous pensions que Kyoto, c'était loin dans l'avenir. Nous n'avons jamais pensé que l'on mettrait tout cela en œuvre sans en discuter à fond, sans aborder des organisations comme la nôtre et aussi les producteurs, qui contribueront à stocker les gaz à effet de serre. Je pense que cela nous a pris par surprise. Comme tout le monde, nous avons supposé que l'on prendrait une décision quelconque. Nous avons parlé à des gens qui s'occupent de conservation des sols, nous avons notamment travaillé avec John Bennett. Il y a eu quelques très brèves discussions au niveau provincial, et au niveau fédéral, presque rien.
Je ne veux pas rejeter le blâme entièrement sur le gouvernement fédéral parce que nous n'avons pas pris l'initiative, nous non plus. J'estimais, et notre conseil estimait qu'il s'écoulerait probablement pas mal de temps avant qu'on en vienne à en discuter. Il y avait des questions plus importantes à l'époque, notamment la sécheresse, les incendies de forêt et les problèmes locaux. Nous travaillons à l'élaboration d'un important train de mesures pour le cadre de la politique agricole. Bref, nous n'avons tout simplement pas eu notre mot à dire.
Le sénateur Andreychuk: On nous a souvent dit que les agriculteurs doivent diversifier leurs activités, changer et s'adapter, à cause du changement climatique et pour d'autres raisons, notamment l'évolution des marchés mondiaux, etc. À votre connaissance, existe-t-il un plan pour aborder tout cela de manière plus systématique?
Vous avez dit que vous ne saviez pas qui devrait défrayer le coût, et à combien s'élèverait le coût du changement et de l'adaptation, à la fois au changement climatique et aux réalités commerciales. Y a-t-il eu des discussions avec vous pour voir comment cela pourrait se faire à l'échelle nationale, ou même provinciale, de manière que ce soit plus systématique, plus juste envers les producteurs, et mieux compris par les consommateurs, que ceux-ci soient plus conscients que cela pourrait leur coût plus cher, etc.?
M. Hardy: À ma connaissance, il y a eu très peu de discussions là-dessus à quelque niveau que ce soit. Votre comité est la première instance où nous avons l'occasion de discuter directement de tout cela. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous en avons parlé à des gens qui s'occupent de conservation des sols et à des fonctionnaires provinciaux, mais il n'y a presque rien eu au niveau fédéral. Nous n'avons pas été mis en cause dans tout cela et, que je sache, aucun autre groupe ne l'a été non plus, sinon très brièvement, et même pas du tout.
Le président: Au nom du comité, je voudrais vous remercier tous les deux pour votre excellent exposé. Vous avez vraiment abordé les questions clés dont nous devons discuter, qui nous préoccupent et auxquelles nous devons réfléchir davantage. Votre présentation nous aidera à mieux cerner ces importantes questions.
M. Michael Mehta, professeur, Université de la Saskatchewan: Honorables sénateurs, c'est vraiment un plaisir pour moi d'être ici aujourd'hui. Avant d'aborder le fond de la question, je voudrais vous dire quelques mots pour établir le contexte du travail que je fais.
Je suis sociologue de l'environnement. Je me spécialise surtout dans les domaines de la communication du risque et de la perception du risque. J'ai fait pas mal de travail au fil des années sur la perception publique des centrales nucléaires, de la sécurité de l'approvisionnement en sang, des aliments modifiés génétiquement et, plus récemment, de la nanotechnologie.
Je suis par ailleurs directeur du Programme de sociologie de la biotechnologie à l'Université de la Saskatchewan. C'est un programme relativement nouveau qui existe depuis environ trois ans. Nous enseignons aux scientifiques et aux spécialistes des sciences sociales les répercussions sociales de la biotechnologie, en mettant fortement l'accent sur la biotechnologie agricole.
Dans cette veine, mes travaux portent spécifiquement sur les répercussions sur les collectivités rurales de l'introduction de cultures génétiquement modifiées. J'ai fait pas mal de travaux ces derniers temps sur le blé Roundup Ready.
Ce qui est pertinent à mon propos d'aujourd'hui sur la capacité d'adaptation et la cohésion sociale, ce sont les travaux que j'ai faits avec le professeur Ben Bradshaw, de l'Université Simon Fraser et le professeur Barry Smit, de l'Université de Guelph. À nous trois, nous menons un projet de Fonds d'action sur le changement climatique visant à examiner spécifiquement comment les agriculteurs comparent des risques multiples, y compris celui du changement climatique.
J'ai une équipe de gens qui font des entrevues un peu partout en Saskatchewan. D'autres équipes en font autant en Colombie-Britannique et en Ontario. Les trois équipes cherchent à découvrir quelles sont les différences entre les agriculteurs biologiques et les agriculteurs conventionnels pour ce qui est de leur approche face au changement climatique. Nous voulons aussi savoir quelles sont les différences entre les agriculteurs et les éleveurs.
Aujourd'hui, je vais vous donner des résultats tout à fait préliminaires, et ce n'est que depuis six ou sept semaines que nous faisons des travaux sur le terrain. Mon assistante de recherche est revenue hier de Swift Current, où elle a fait six entrevues dont je n'ai pas encore pris connaissance. Je voudrais commencer par faire des observations assez générales sur le changement climatique et l'adaptation.
Vous avez probablement beaucoup entendu parler de l'adaptation; je ne suis pas sûr que vous ayez beaucoup entendu parler des conséquences sociales de l'adaptation et des raisons pour lesquelles certaines personnes et certaines organisations s'adaptent mieux que d'autres, et c'est de cela que je voudrais vous parler.
Il est clair que le changement climatique est un phénomène social. Il créera des gagnants et des perdants, comme on vous l'a dit, surtout à cause des répercussions directes et indirectes sur une foule de secteurs: l'agriculture, les forêts et d'autres encore. Il est aussi tout à fait clair que ces répercussions seront variables selon les régions, selon les époques et, bien sûr, selon les personnes touchées.
Dans le contexte d'un examen du changement climatique au Canada rural, je pense qu'il est utile d'examiner quelles sont les répercussions sociales du changement climatique sur ce que l'on appelle le «tissu social». Vous savez probablement que depuis plusieurs décennies, les localités rurales au Canada, et en particulier les collectivités agricoles ont changé profondément: changement démographique, à cause de la migration; changement dans la composition, à cause de la nature changeante de l'agriculture; et divers autres changements, par exemple la taille croissante des entreprises agricoles, etc.
En plus de ces changements sociaux qui ont lieu dans l'agriculture, il y a aussi des changements biogéographiques qui sont également dictés par le changement climatique. Je m'intéresse beaucoup au recoupement entre ces changements biogéographiques ou biophysiques causés par le changement climatique et les changements sociaux dont nous sommes témoins.
Je pense qu'il est assez clair, du point de vue d'un sociologue, que l'on ne peut pas étudier le changement climatique isolément. Le changement climatique n'est pas seulement le produit de l'activité humaine, c'est aussi quelque chose qui peut être infléchi ou adapté de diverses manières, en fonction de la façon dont les différents acteurs sociaux interagissent l'un avec l'autre.
Je dirais que le plus grand problème que nous constatons dans la sociologie du changement climatique, c'est la question de savoir comment renforcer la capacité d'adaptation. Comment d'abord devons-nous définir la capacité d'adaptation, et puis quel est le lien entre cette capacité et le tissu social?
La capacité d'adaptation, comme je l'ai dit, est un phénomène social. Elle a été définie dans la littérature comme la capacité d'un système ou d'un individu de s'adapter à la variabilité climatique, souvent en minimisant la probabilité et les conséquences de résultats négatifs.
Si vous connaissez la littérature sur le risque, vous verrez que cela ressemble assez aux définitions que l'on donne du risque, et plus particulièrement du concept de la gestion du risque. Ainsi, la capacité d'adaptation, du moins dans son sens défini assez étroitement, est semblable à la gestion du risque. Le risque, bien sûr, est généralement défini comme la probabilité multipliée par les conséquences. En un sens, si la capacité d'adaptation est semblable à la gestion du risque, on peut introduire des sauvegardes entre soi-même et le risque, ou le danger, plus particulièrement, et l'on peut ainsi réduire son exposition. On peut donc réduire sa «vulnérabilité», comme nous disons dans la littérature sur la capacité d'adaptation.
Maintenant, si l'on pose que le risque est l'équivalent de la capacité d'adaptation, comme point de départ, il est clair que le fait de ne pas réussir à s'adapter à diverses conditions climatiques ressemble beaucoup au fait de ne pas réussir à bien gérer le risque.
La capacité d'adaptation, c'est beaucoup plus que la simple exposition à un danger; c'est beaucoup plus que de mettre dans la balance les résultats négatifs et les probabilités que de tels résultats se réalisent. Certaines variables institutionnelles et comportementales que nous examinons dans notre étude financée par le Fonds d'action sur le changement climatique sont d'examiner par exemple quel est le rôle de la confiance dans la création de cette capacité d'adaptation. Fait-on confiance à la science du changement climatique? Fait-on confiance aux sources d'information sur le changement climatique, en particulier en matière de prévisions?
Parmi les autres déterminants sociaux, il y a bien sûr la richesse. Comme nous le savons, la richesse détermine le risque en conférant des avantages en matière de protection. Par exemple, si vous achetez une automobile dotée de freins antiblocage et d'autres caractéristiques de sécurité intégrées, vous réduisez essentiellement votre risque en achetant des sauvegardes. La richesse, indirectement, et l'on pourrait en donner une foule d'exemples, confère une certaine protection contre l'exposition au risque.
Il y a encore d'autres déterminants sociaux, notamment la manière dont les individus perçoivent le risque; chaque agriculteur pris individuellement, chaque collectivité, chaque décideur pris individuellement, ou même les décideurs pris collectivement. Le plus important n'est pas de savoir comment ils perçoivent le risque, mais surtout comment ils le perçoivent à la lumière de leur tolérance du risque. Le risque n'est pas seulement un élément négatif; le risque implique la possibilité, de par sa définition, que l'on prenne un risque en vue d'obtenir possiblement un avantage quelconque.
Par exemple, on investit dans l'achat d'actions en bourse — même si l'on évite peut-être de le faire ces jours-ci — non pas seulement parce que c'est risqué, mais aussi parce qu'on s'attend à en tirer un certain avantage.
C'est ici que se situe dans le dossier du changement climatique le délicat équilibre entre la création de situations ou de risques qui peuvent infléchir le plateau des gagnants et des perdants dans une certaine direction.
Il y a encore d'autres déterminants sociaux de la capacité d'adaptation que nous examinons, notamment des facteurs comme l'âge des agriculteurs, leur expérience, le type, la taille et l'échelle de l'exploitation agricole, et l'influence éventuelle de ces facteurs sur la capacité d'adaptation. Comme vous le savez probablement, dans la littérature, la question de la période de latence ou de l'horizon prévisionnel est très importante. Comment chaque agriculteur pris individuellement et tout autre décideur, par exemple, réagit-il aux stimuli associés au climat et aux divers résultats qui en découlent? On peut ici poser l'hypothèse que la connaissance est la clé.
Tout cela est interdépendant, et nous pouvons examiner la manière dont la confiance, la richesse, etc., influent sur la capacité d'adaptation, tout au moins au niveau individuel.
Évidemment, la capacité d'adaptation existe dans un spectre continu. Il y a certains individus et certaines organisations qui ont une grande capacité d'adaptation dans certains scénarios. Cependant, la capacité d'adaptation est également évanescente dans une grande mesure; elle est changeante; elle est dynamique. On peut dire qu'elle est dynamique parce qu'il n'y a pas un seul acteur individuel qui peut prédire avec certitude ce qui va se passer dans le dossier du climat.
Il y a par ailleurs un élément que vous connaissez et dont il est question dans la littérature sur le changement climatique, à savoir que ce changement n'est pas seulement une tendance globale au réchauffement planétaire. Dans certaines parties du monde, et même dans certaines parties du pays, il y a réchauffement; ailleurs, il y a refroidissement. Il y a de grands écarts dans les précipitations. En un sens, le changement climatique, c'est vraiment une question de variation, et c'est pourquoi il est tout à fait essentiel de pouvoir compter sur une forme dynamique de capacité d'adaptation.
Quand je parle d'une capacité d'adaptation dynamique, j'ajoute ici un élément supplémentaire à la définition de la «capacité d'adaptation» que je vous ai donnée tout à l'heure, surtout quant à la manière dont elle ressemble à la gestion du risque.
Je définis la «capacité d'adaptation dynamique» comme la capacité des acteurs de reconnaître la variabilité climatique et d'y réagir — c'est la première partie de la capacité d'adaptation — et de le faire d'une manière socialement responsable, environnementalement soutenable et avec souplesse. La capacité d'adaptation dynamique est la clé à cause de la variabilité à laquelle je viens de faire allusion. On parle de capacité d'adaptation dynamique parce que l'on reconnaît que la capacité d'adaptation n'est pas une qualité qu'un agriculteur ou une organisation, pris individuellement, peut posséder de manière absolue. Ils doivent faire quelque chose à propos du changement climatique, en terme d'adaptation, relativement à ce que les autres font.
C'est un modèle très différent de celui auquel la plupart d'entre nous sommes habitués, surtout si l'on se représente l'agriculture comme une industrie, ce qu'elle est en fait. On a tendance à considérer que chaque agriculteur individuellement produit ses récoltes dans un certain isolement relatif.
Bien qu'il y ait certains cas de conflits de ressources et, bien sûr, il y a eu dans l'histoire de nombreux conflits associés aux ressources, par exemple pour la distribution de l'eau, nous supposons toujours que les agriculteurs pris individuellement sont capables de prospérer de certaines manières, en fonction de leurs propres habiletés.
À mesure que certains acteurs s'adaptent au changement climatique de certaines manières particulières, ils créent une exposition au risque ou, plus précisément, ils accroissent le risque pour d'autres. Le dossier du changement climatique et de la capacité d'adaptation est très intéressant parce qu'il nous ramène à une approche plus réaliste pour comprendre le lien entre l'agriculture et l'environnement.
En un sens, c'est un peu ironique et quelque peu triste que cette prise de conscience ait été imposée à la société de cette manière. Je pense que l'on prend de plus en plus conscience que pour pouvoir renforcer véritablement la capacité d'adaptation au niveau individuel, nous devons favoriser des mécanismes d'adaptation collective. C'est ici qu'entre en jeu mon concept de capacité d'adaptation dynamique.
Comment renforcer la capacité d'adaptation dynamique et, plus précisément, en quoi consiste-t-elle, sur le plan de l'interaction entre les individus et les organisations?
Eh bien, la capacité d'adaptation dynamique est semblable à la planification centralisée. Au lieu de laisser les individus s'adapter indépendamment à ce que font les autres, il est nécessaire de mettre en place un processus de planification plus collectif. C'est probablement plus difficile de nos jours que dans le passé, à cause des forces auxquelles j'ai fait allusion au tout début de mon exposé, notamment ce qui se passe dans l'agriculture, ce que l'on appelle la «rupture de la cohésion sociale».
Les collectivités agricoles changent et, parce que la cohésion sociale est en train de changer, les réseaux changent et le niveau de confiance au sein des collectivités change en conséquence de divers facteurs, notamment, soit dit en passant, l'introduction de cultures modifiées génétiquement, dont je pourrais vous parler plus longuement si vous le souhaitez. C'est beaucoup plus difficile de mettre en place ce type de planification centralisée.
En conséquence, nous constatons l'émergence de deux phénomènes. D'une part, on constate que la capacité d'adaptation dynamique devient de plus en plus essentielle parce que vous devez prendre des décisions en matière de capacité d'adaptation à la lumière de ce que les autres font collectivement. D'autre part, on constate un changement dans la cohésion sociale des collectivités agricoles, ce qui rend ce processus d'autant plus difficile.
Où en sommes-nous dans tout cela? Eh bien, la capacité d'adaptation telle que nous la comprenons actuellement est essentiellement un concept social; elle n'existe que de manière relative. Elle peut être renforcée ou amenuisée de diverses manières, selon les relations d'échange qui existent entre les individus. Autrement dit, la capacité peut être renforcée ou amenuisée selon le degré de cohésion sociale qui existe dans une collectivité agricole.
La capacité d'adaptation est dynamique parce qu'aucun acteur n'est parfaitement adapté à tous les événements climatiques. En théorie, la vulnérabilité ne peut jamais être égale à zéro. Bien sûr, on constate également, comme je l'ai dit, que les réactions individuelles au changement climatique peuvent affaiblir la capacité des autres de s'adapter et, en conséquence, on constate un lien direct entre la capacité d'adaptation et la cohésion sociale.
Pour que la capacité d'adaptation dynamique puisse fonctionner, nous devons favoriser la cohésion sociale dans les collectivités agricoles. Je pense que c'est peut-être un peu différent de la manière dont vous envisagez actuellement la capacité d'adaptation. Dans l'esprit de la plupart des gens, et dans la plus grande partie de la littérature, la capacité d'adaptation est perçue comme le jeu de mécanismes qui favorisent la capacité des acteurs individuels ou même de certaines industries de s'adapter. Cela comprend tout un éventail d'activités comme l'adaptation, l'atténuation, la création de puits et de crédits, et d'autres incitatifs et encouragements.
Ce que je propose est un peu différent. La capacité d'adaptation dynamique exige que nous commencions par établir ou rétablir la cohésion sociale au sein des collectivités agricoles. En l'absence de la cohésion sociale comme élément clé de l'équation, il sera impossible de créer la capacité d'adaptation dynamique. On sera simplement en présence d'une foule d'efforts visant à créer une capacité d'adaptation individuelle, ce qui, comme je l'ai dit, peut avantager certains au détriment d'autres.
En conclusion, je voudrais dire qu'il est essentiel d'être conscient des liens entre la capacité d'adaptation et la cohésion sociale. Le fait de connaître ces liens donnera aux individus, des gens comme vous-mêmes et aussi d'autres décideurs politiques, la possibilité d'évaluer différentes réactions adaptatives en termes d'équité, de durabilité environnementale et d'impacts potentiels sur la cohésion sociale des collectivités agricoles d'un bout à l'autre du pays.
Le président: Vous nous avez donné une nouvelle approche de tout le concept de la capacité d'adaptation. Au lieu de l'envisager sur une base individuelle, vous proposez que nous adoptions une approche beaucoup plus holistique.
Le sénateur Tkachuk: C'était vraiment excellent, même si je ne suis pas certain d'avoir compris.
Vous dites que la capacité d'adaptation dynamique permet aux décideurs politiques et autres intervenants d'évaluer diverses réactions d'adaptation en termes d'équité, de durabilité environnementale et des impacts potentiels sur la cohésion sociale dans les collectivités rurales.
Je pense que je comprends ce que vous voulez dire. Le problème des collectivités qui réagissent aux crises ne tient-il pas en partie à la façon dont les gens déclarent l'existence des crises? Autrement dit, il ne faut pas s'étonner que les gens dans les collectivités rurales subissent un stress énorme. Il ne faut pas s'étonner qu'ils aient de la misère à s'adapter. Il n'est pas étonnant que les collectivités aient de la difficulté à résoudre les problèmes, car voici ce qui se passe: on nous fait manger des aliments modifiés génétiquement, et nous allons tous mourir; le changement climatique survient, il s'ensuivra des catastrophes, les océans vont déborder, New York va disparaître, il y aura des sécheresses et des incendies de forêt et ce sera la fin du monde.
Autrement dit, c'est à cause de la façon dont on lance les problèmes à la face du monde. Plus rien ne donne lieu à une discussion raisonnable et scientifique. Les gens sont prêts à tout pour réaliser un changement idéologique ou mettre en place une politique qui leur tient particulièrement à cœur. Je l'ai remarqué dans le dossier du changement climatique. C'est une politique catastrophique.
Comment une collectivité comme Wilkie ou Weirdale, d'où je viens, ou encore Smeaton peut-elle réagir à cette masse de documentation qui lui tombe dessus? Et dont la moitié n'est pas vraie, d'après mes lectures et mes réflexions. Comment les gens peuvent-ils faire le tri entre ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas? Comment pouvons-nous régler le problème quand tout ce que nous voyons autour de nous, ce sont d'éventuelles conséquences catastrophiques?
M. Mehta: Je comprends vos inquiétudes idéologiques; bien des gens ont des convictions semblables.
Je ne dis pas que nous devons nécessairement nous attaquer à certains mythes, du moins pas directement. Les gens ont des croyances différentes au sujet de la sûreté de l'environnement, en fonction d'un éventail de facteurs comme l'orientation politique, l'expérience, l'âge, le sexe, etc.
Pour répondre plus précisément à votre question, à savoir comment l'on peut faire en sorte que les collectivités rurales, souvent de très petites localités qui peuvent être économiquement défavorisées, puissent opérer de tels changements d'orientation, je pense qu'il est assez clair que tous les choix que nous faisons, à savoir quelles plantes doit-on cultiver, quand doit-on les semer, quels encouragements doit-on mettre en place, etc., tout cela se ramène essentiellement à des choix sociaux.
Par exemple, dans nos récentes entrevues avec des agriculteurs de Davidson, en Saskatchewan, il y avait une différence notable entre les agriculteurs biologiques et conventionnels quant au degré d'adaptation qu'ils croient personnellement posséder face au changement climatique. J'ai trouvé cela très intéressant, parce qu'idéologiquement, il y a d'énormes différences entre les agriculteurs biologiques et conventionnels; il y a aussi des différences politiques.
En général, les agriculteurs biologiques croyaient pouvoir mieux s'adapter au changement climatique grâce à la polyculture et au faible travail du sol, et aussi à cause d'une foule d'autres facteurs qui les caractérisent, et parce que la petite taille de leur exploitation, relativement parlant, leur servait en quelque sorte d'amortisseur contre la variabilité du climat. C'était très étonnant.
Il y a clairement recoupement ici entre les préoccupations publiques, par exemple au sujet des aliments génétiquement modifiés, et la capacité de s'adapter au changement climatique.
Un autre projet pour lequel je viens tout juste de recevoir du financement de Génome Canada consiste à explorer comment les producteurs comparent certains facteurs de stress abiotique à l'égard des forces du marché, des risques, de l'acceptation des consommateurs et du commerce international. En fait, je n'ai pas encore commencé à explorer ce domaine; c'est encore tout nouveau.
Ce que l'on se propose, c'est de chercher à savoir s'ils veulent la tolérance au froid, la tolérance à la sécheresse ou une combinaison des deux. S'ils veulent la résistance au sol salin, etc., et comment, à leur avis, ces différentes caractéristiques seront acceptées sur le marché.
Il y a un lien ici entre le marché et ce que les agriculteurs peuvent faire et ne peuvent pas faire, ou ce qu'ils sont disposés à faire, mais le lien n'est pas aussi direct.
Le sénateur Tkachuk: Utilisez-vous vos études pour aider les décideurs politiques? Est-ce le but de vos efforts? Par exemple, à propos de Kyoto et de ce qu'il faudra faire pour le mettre en œuvre, communiquez-vous aux décideurs des moyens de réduire le stress et de renforcer la capacité d'adaptation?
M. Mehta: Idéalement, oui. Personne ne veut que le fruit de son travail soit confiné dans les pages jaunies d'un journal qui s'empoussière sur les rayons d'une bibliothèque. Ce qui me sert de ressort, personnellement, c'est que mon travail puisse déboucher sur des politiques concrètes.
Le sénateur Tkachuk: N'est-ce pas trop axé sur la centralisation? Autrement dit, la planification centralisée me tracasse quelque peu. Je ne suis pas tellement partisan de la planification centralisée; néanmoins, cela aidera les planificateurs à atteindre des objectifs en matière de politiques. Qui reçoit cette information? Est-elle transmise au gouvernement et est-elle diffusée largement?
M. Mehta: Elle est diffusée au moyen de mon site Web, et aussi dans le cadre de l'examen par les pairs, et par des tribunes comme celle-ci. Je ne crois pas que ce soit conçu expressément pour les planificateurs du centre. Il est certain que certaines recommandations pourraient être appliquées au niveau régional.
Le sénateur Tkachuk: Ce sont des travaux intéressants.
Le sénateur Wiebe: La capacité d'adaptation dynamique représente une approche particulière. Je pense que c'est très fonctionnel quand le changement est graduel. Cependant, nous n'aurons peut-être pas ce luxe dans le dossier du climat. Je pense que les agriculteurs ont été un modèle à suivre quant à la façon de s'adapter. Ils ont très bien réussi à s'adapter au fil des années. Je renvoie par exemple aux sombres années 30 et à ce qui s'est passé pendant les années de sécheresse, durant les années 90. Les agriculteurs ont réussi à produire de bonnes récoltes avec moins de pluie que pendant l'année la plus aride des sombres années 30.
Mon cauchemar, pour ce qui est de l'adaptation au changement climatique, c'est que je me demande si l'on peut la soutenir sur une longue période.
Avant les années 30, la Saskatchewan avait un million et demi d'habitants; après les années 30, notre population est tombée à un million d'habitants. C'était un changement assez radical; nous avons perdu 500 000 habitants dans notre province. Même si l'on tient compte de ce que nous avons appris en matière d'adaptation ces dernières années, si nous traversons une autre longue période de sécheresse, quelles en seront les conséquences dramatiques pour notre province? Comment pouvons-nous dès aujourd'hui jeter les bases nécessaires pour s'assurer que nous ne vivrons pas à l'avenir de telles conséquences dramatiques?
M. Mehta: Il est clair qu'un modèle différent s'impose pour l'agriculture dans la province de Saskatchewan. Le modèle qui est en place depuis des décennies est axé sur la production de denrées en grandes quantités et sur l'hypothèse que plus on produit, mieux c'est pour tout le monde. Bien sûr, nous savons tous qu'il y a eu des surplus pendant des décennies, et nous sommes conscients des inquiétudes actuelles dans le domaine commercial. Certains s'inquiètent vivement, par exemple, à l'idée d'exporter des cultures génétiquement modifiées et de perdre des marchés en conséquence.
L'un des mécanismes que je propose, et d'autres l'ont fait avec beaucoup plus d'insistance, est que nous envisagions de cultiver des plantes destinées aux biocarburants. J'ai travaillé avec une organisation appelée BIOCAP Canada à l'Université Queen's, qui s'intéresse beaucoup à la transition vers ce que l'on appelle une économie fondée sur les hydrates de carbone.
Le président: Vous évoquez là un sujet qui tient beaucoup à cœur au sénateur Wiebe. Il l'a soulevé à plusieurs occasions.
M. Mehta: Oh, formidable! Le passage à une économie fondée sur les hydrates de carbone représente un changement radical, pas seulement pour la production de biocarburants, mais aussi de bioplastiques, de polymères, de multiplicateurs, etc. Je pense que même si vous prenez avec un grain de sel et même un peu de scepticisme ma théorie de la cohésion sociale et de la capacité d'adaptation dynamique, il est assez clair qu'en se dirigeant vers la production régionale de biocarburants, nous avons l'occasion d'assurer la revitalisation des régions rurales, ce qui aurait l'avantage de créer une meilleure cohésion sociale et toutes sortes de réseaux, tout en inversant peut-être l'exode rural et en créant davantage de richesses dans la province.
Je pense que les mesures de ce genre peuvent être beaucoup plus sensibles à la variabilité climatique que de cultiver des plantes destinées exclusivement à l'alimentation. Il y a toute une gamme de cultures qui peuvent survivre dans toutes sortes de conditions climatiques et qui ne sont peut-être pas acceptables sur le marché des denrées alimentaires, mais qui ont une extraordinaire valeur pour d'autres applications.
Le sénateur Wiebe: Je suis très content d'entendre cette réponse.
Le sénateur Andreychuk: Ma question vise à obtenir un peu plus d'information. L'Institut de politique publique de la Saskatchewan et les deux universités ont fait énormément de travail sur la cohésion sociale en Saskatchewan. Vous étudiez maintenant l'adaptation au changement. Vos recherches déboucheront-elles sur des recommandations visant à aider les gouvernements à élaborer des politiques, ou bien s'agit-il plutôt d'aider les agriculteurs individuellement?
La cohésion sociale, si je comprends bien, a à voir avec la manière dont les particuliers au sein d'une collectivité, en particulier une collectivité rurale, peuvent maintenir une qualité de vie et une certaine indépendance leur permettant de vivre comme ils l'entendent.
Il me semble qu'en matière de capacité d'adaptation, ce qu'il faut, c'est leur donner les outils voulus pour leur permettre d'opérer les changements nécessaires. Cela aidera la société, mais appuiera aussi leurs propres perspectives quant à la manière dont ils souhaitent vivre au sein d'une collectivité.
Ce n'est pas la planification centrale qui me tracasse, mais plutôt de savoir sur quoi vous mettez l'accent: est-ce qu'il incombe aux gouvernements d'induire le changement, ou plutôt à l'individu?
M. Mehta: C'est une question très intéressante, parce qu'il y a eu une foule de mesures correctives de la part du gouvernement fédéral pour faciliter la cohésion sociale de diverses manières, par exemple les programmes de Patrimoine Canada, des campagnes publicitaires, etc. On semble poser comme hypothèse que l'on peut bâtir la cohésion sociale grâce à une meilleure compréhension de l'histoire.
Quant à savoir si cela fonctionne ou non, je ne saurais le dire. Quoi qu'il en soit, dans les collectivités agricoles, il faut favoriser, créer et renforcer la cohésion sociale au niveau individuel et collectif, mais il faut aussi qu'elle soit facilitée par des programmes de grande envergure. Je ne sais pas trop bien quelle est cette relation.
Je vais vous donner un exemple pour faire comprendre pourquoi il y a une certaine confusion. Quand j'ai interviewé des agriculteurs biologiques et conventionnels à Davidson, en Saskatchewan, je leur ai demandé explicitement s'ils pensaient avoir des chances égales et les mêmes encouragements pour s'adapter au changement climatique. Les agriculteurs conventionnels n'avaient aucun problème; ils estimaient qu'ils avaient une certaine protection, bien qu'insuffisante, bien sûr. Les agriculteurs biologiques croyaient que l'assurance-récolte et les autres programmes exerçaient une discrimination à leur égard. C'est parce qu'ils appliquent ce qu'ils considèrent des pratiques agricoles plus durables, comme le semis direct dans certains cas, ou d'autres pratiques exigeant des applications moins intensives d'herbicides et de pesticides. Ils s'estimaient victimes de discrimination de la part de l'assurance-récolte, et croyaient que c'était un obstacle pour eux.
Bien sûr, quand on met en place un programme d'aide de ce genre, à tort ou à raison, au niveau local, on crée un cadre favorisant la rupture de la cohésion sociale et c'est beaucoup plus difficile d'obtenir une action collective débouchant sur une capacité d'adaptation dynamique sur une plus grande échelle.
Le sénateur Gustafson: J'ai plusieurs questions. Vous avez dit qu'il y a des gagnants et des perdants. Je suis habituellement un optimiste, mais quand il s'agit de l'agriculture en Saskatchewan, je suis craintif. Comme le sénateur Wiebe l'a dit, nous avons perdu beaucoup d'agriculteurs et nous nous dirigeons vers une époque où nous pourrions en perdre beaucoup plus encore. Certains deviennent les patrons d'entreprises agricoles toujours plus grandes, non pas parce qu'ils le veulent, mais parce que c'est le seul moyen de survivre. Compte tenu du coût des intrants, on peut douter qu'ils puissent survivre à moins que quelque chose ne change.
Nous avons une politique de la nourriture bon marché au Canada. Les Canadiens s'alimentent à meilleur marché que probablement n'importe quel autre peuple au monde, à cause de la situation politique — je ne parle pas des libéraux, des conservateurs ou des néo-démocrates, mais bien de la situation qui existe dans notre pays. La population est concentrée dans les villes et, comme nous l'avons vu dans le dernier budget, ce sont les citadins qui reçoivent toute l'attention.
Ce n'est pas une question de produire de la nourriture bon marché. Dieu du ciel, nous produisons du pain à six cents pièce. Nous avons diversifié, nous avons adopté le semis direct et les agriculteurs se sont adaptés, comme le sénateur Wiebe l'a dit, de toutes les manières possibles. Cependant, à moins que le pays n'accepte la responsabilité de s'occuper de ces terres arables, si l'on veut, du point de vue environnemental et économique, nous serons dans le pétrin.
Il semble que nous n'ayons pas le début d'une véritable solution au problème. Les grandes compagnies qui font la transformation des aliments empochent beaucoup d'argent. Voyez qui détient les plus importants portefeuilles au Canada, ce sont des gens qui œuvrent dans le secteur de la production d'aliments, pas dans l'agriculture. Il y a donc des gagnants et des perdants.
M. Mehta: Voilà assurément une observation intéressante. Il est clair que l'une des tendances, comme vous l'avez dit et comme je l'ai dit moi-même tout à l'heure, est que l'on assiste à un exode rural; c'est évident. Les entreprises agricoles deviennent plus grandes. Tout cela entraîne la rupture de la cohésion sociale des collectivités agricoles et rend d'autant plus difficile de réaliser la capacité d'adaptation au niveau collectif.
Comment inverser la tendance? J'en reviens au dada du sénateur Wiebe et je pense que nous devons changer l'orientation actuelle de notre agriculture, axée sur la production de denrées en grandes quantités, pour nous tourner plutôt vers des produits à valeur ajoutée. Nous vivons dans un monde d'interaction planétaire et beaucoup de pays peuvent nous fournir les matières premières, les denrées alimentaires brutes, à un prix encore plus bas que celui que nous payons actuellement, dans certains cas.
Nous ne devrions pas gaspiller nos talents, nos compétences scientifiques, nos efforts agricoles ou nos terres pour produire des denrées en vrac. Je crois vraiment que nous devrions nous attacher à mettre au point de nouveaux produits pour l'économie fondée sur les hydrates de carbone.
Si nous le faisons et si nous savons nous y prendre, nous allons créer de nouveaux centres d'activités industrielles et sociales partout au Canada rural.
Le sénateur Gustafson: Une brève observation. Nous avions une usine biologique ici même à Regina; elle a fait faillite. Le Syndicat du blé de la Saskatchewan s'était diversifié dans divers secteurs d'activité; il est maintenant en difficulté. En Europe, par exemple, ils ont fait de l'environnement, du développement rural, du tiers monde, de l'agriculture et des forêts la responsabilité de la société dans son ensemble. Ici, nous disons que les agriculteurs doivent assumer seuls le fardeau. Ils ne le peuvent pas.
M. Mehta: Ce n'est pas particulier à l'agriculture; il y a beaucoup de secteurs de l'économie qui ont des préoccupations semblables. Je comprends votre argument.
Le président: Je souhaite la bienvenue à Mark Johnston, conseiller principal en recherche au Conseil de recherches de la Saskatchewan.
Monsieur Johnston, vous avez la parole.
M. Mark Johnston, conseiller principal en recherche, Research Council and Prairie Adaptation Research Collaborative: Monsieur le président, je me servirai du diaporama PowerPoint qui apparaît maintenant à l'écran. Avec un peu de chance, la technologie ne nous jouera pas de tours.
J'aimerais remercier le comité d'avoir entrepris cette étude portant sur les impacts et l'adaptation au changement climatique. Comme vous le savez, le Protocole de Kyoto ainsi que les communications s'y rapportant ont suscité beaucoup d'intérêt parmi la population canadienne. En outre, l'essentiel des crédits réservés à l'environnement dans le budget semble avoir été affecté aux recherches sur le changement climatique. Cela réjouit grandement ceux d'entre nous qui nous intéressons à cette question.
Permettez-moi de souligner que le Collectif des Prairies pour la recherche en adaptation, important centre de recherche sur les impacts et l'adaptation au changement climatique qui compte des bureaux ici à Regina ainsi qu'au Manitoba et en Alberta, mène actuellement une vaste gamme de travaux portant sur les impacts et l'adaptation, notamment dans les domaines de la foresterie, de l'agriculture et des ressources en eau. Je tiens à souligner la précieuse contribution du collectif dans ce domaine.
La diapositive suivante traite de sujets dont on vous a déjà parlé. Quelle forme prendra le changement climatique dans les Prairies? On peut s'attendre à une augmentation générale des températures bien que cette augmentation ne sera pas uniforme. Il ne fera pas toujours chaud, mais il fera, de façon générale, plus chaud qu'à l'heure actuelle. Le réchauffement des températures se constatera davantage en hiver qu'en été ainsi que davantage la nuit que le jour.
La situation en ce qui touche les précipitations est beaucoup moins claire. Comme il est très difficile d'établir des modèles prévisionnels relatifs aux précipitations, nous sommes beaucoup moins renseignés au sujet de l'impact qu'aura le changement climatique à cet égard. Il se peut que les précipitations augmentent légèrement ou diminuent même un peu pendant certaines périodes de l'année, mais nous nous attendons plutôt à ce que le niveau annuel des précipitations augmente.
Je vous signale que ce que je vais dire va surtout s'appliquer aux provinces des Prairies.
Nous nous attendons donc à une augmentation annuelle des précipitations, mais il est fort possible que le niveau des précipitations diminue dans certaines régions. La plus grande incertitude plane dans ce domaine.
Nous savons qu'il y aura augmentation de l'évaporation. Ce qui importe vraiment lorsqu'on parle des forêts et de l'agriculture, ce n'est pas tant le niveau des précipitations, mais plutôt la capacité de rétention d'eau du sol. Par conséquent, que le niveau des précipitations augmente légèrement ou qu'il demeure le même, l'évaporation devrait augmenter, ce qui signifie une perte d'humidité pour le sol. L'important, c'est de comprendre quel sera l'impact de la diminution des précipitations à divers endroits et selon les cultures.
Il est possible que l'humidité du sol diminue au moins pendant la période de croissance. Cette saison sera plus longue, ce qui signifie que la saison des feux de forêt le sera également. J'y reviendrai un peu plus tard.
Nous nous attendons à une augmentation de la concentration de CO2 atmosphérique, un phénomène que nous constatons évidemment déjà. J'ai fait des recherches sur le niveau de CO2 dans l'atmosphère. À l'échelle mondiale, les niveaux de CO2 dans l'atmosphère ont augmenté constamment depuis 1910, à tel point d'ailleurs qu'ils n'ont jamais été plus élevés au cours des 150 000 dernières années. Il importe de se rappeler que l'atmosphère se trouve depuis 1910 dans un état qu'elle n'a jamais connu auparavant.
On s'attend aussi à ce que le changement climatique entraîne une augmentation des manifestations climatiques inhabituelles: des pluies plus intenses et peut-être même des inondations ainsi que les phénomènes à court terme qui y sont associés. On constatera aussi des variations accrues dans le niveau de l'eau ainsi qu'une fonte des neiges hâtive et, par conséquent, un gonflement plus rapide des niveaux des cours d'eau au printemps.
Quelle influence ces divers facteurs environnementaux auront-ils sur les forêts? L'augmentation des températures revêt de l'importance pour les arbres parce que la température influe sur le rythme de croissance des plantes ainsi que sur la rapidité avec laquelle elles peuvent puiser des éléments nutritifs dans le sol. Tant la température de l'air que la température du sol revêt de l'importance pour le fonctionnement des forêts.
Le niveau d'humidité est évidemment important pour les arbres parce que les plantes ont besoin d'eau pour croître. La capacité de rétention de l'eau du sol constitue donc un facteur important. J'y reviendrai un peu plus tard.
Tout comme les cultures ont besoin d'engrais pour croître rapidement, les forêts ont aussi besoin d'éléments nutritifs pour se développer. Si nous n'épandons cependant pas d'engrais sur les forêts, c'est parce que cela ne serait pas rentable. La quantité d'éléments nutritifs que contient le sol revêt donc une grande importance. L'azote, en particulier, est essentiel à la croissance des forêts, et notamment à la croissance des forêts boréales. Nous nous attendons à ce que le changement climatique ait une incidence sur la quantité d'azote disponible. Je reviendrai aussi là-dessus dans un moment.
Parlons maintenant de la concentration de CO2 dans l'atmosphère. Les plantes absorbent le CO2 qui est libéré dans l'atmosphère. Elles emmagasinent le carbone dans leurs tissus et le libèrent ensuite dans le sol à mesure qu'elles se décomposent. C'est le niveau de CO2 atmosphérique qui détermine la quantité de carbone que les plantes vont absorber. D'autres facteurs influent également sur la concentration de CO2 ainsi que sur son effet sur la croissance des plantes.
Quelle est l'influence des facteurs environnementaux sur les forêts? Nous prévoyons des changements dans la productivité. Je dis «changements», et non pas «augmentation» ou «diminution» parce que cela n'entraîne pas les mêmes conséquences. J'y reviendrai un peu plus tard. Nous savons cependant que les taux de croissance sont susceptibles de changer, dans certains cas pour le mieux et dans d'autres, pour le pire.
Nous nous attendons à des changements assez importants dans les régimes de perturbations dans la forêt boréale. Certains témoins vous en ont peut-être déjà parlé. Les changements anticipés en ce qui touche les feux de forêt et les insectes revêtent une importance particulière pour cette partie du monde. Nous nous inquiétons notamment de l'amplitude de ces perturbations et leurs répercussions sur l'industrie forestière.
Nous nous attendons aussi à constater des changements dans les essences d'arbre qui composent les forêts, ce qui peut entraîner certaines conséquences au plan de l'adaptation. À titre d'exemple, si l'idée d'introduire de nouvelles essences dans une forêt comme nous l'avons fait jusqu'ici peut sembler bonne, il se peut que les politiques actuelles en matière de biodiversité l'interdisent. Le problème qui se pose est lié à la répartition des essences et aux changements naturels susceptibles de se produire à cet égard. Ainsi, une façon de gérer le changement climatique pourrait consister à modifier la composition des forêts.
Nous prévoyons également des changements en ce qui touche l'étendue des forêts. Ainsi, la limite de la forêt en Saskatchewan se situe actuellement au niveau de Meadow Lake, Prince Albert et de la Baie d'Hudson. Nous nous attendons à ce que cette limite change considérablement. Des travaux antérieurs ont permis d'établir que la limite de la forêt est liée à la quantité d'humidité disponible, ce qui signifie que cette limite changera sans doute à mesure que changera le niveau d'humidité du sol. Si une société forestière exploite une forêt quasiment à la limite de la forêt actuelle et que cette limite se situe désormais à La Ronge, soit 200 kilomètres plus au nord, cela aura une incidence sur la capacité de cette société à créer des emplois.
J'aimerais maintenant vous parler quelque peu de la question de la productivité. Nous avons mené près de Montreal Lake dans le centre-nord de la Saskatchewan des travaux visant à établir l'influence de l'humidité du sol sur la capacité des plantes à créer de la biomasse. L'indice de biomasse est un chiffre qui représente la capacité des plantes à produire de la biomasse. Plus le chiffre est élevé, plus la capacité de production de la biomasse est élevée. On voit au bas de la diapositive différents scénarios en matière de changement climatique: 1961 à 1990, scénario qui représente le climat normal ou actuel; et ensuite les scénarios pour 2020, 2050 et 2080. Il se peut que vous ayez déjà vu cette diapositive.
Voici la question qui se pose: quel changement constate-t-on en ce qui touche la production de la biomasse en fonction de ces différents scénarios et de ces différentes dates et quelle est l'incidence du niveau d'humidité dans le sol sur cette production?
Dans le diagramme que vous voyez, la mention «sols secs» désigne un sol sablonneux ayant une capacité de rétention de l'eau peu élevée, soit 50 millimètres.
Ce que je voudrais vous faire remarquer au sujet de ce diagramme est que la production de biomasse change au fil du temps. Elle diminue dans le cas des sols secs. Ces sols s'assèchent très rapidement, ce qui a une incidence presque immédiate sur la production de biomasse. Comme les sols moyens, c'est-à-dire les sols ayant une capacité moyenne de rétention de l'eau, deviennent de plus en plus humides, on constate une augmentation de la production de la biomasse pendant les deux premières décennies, suivie d'une diminution. Dans les sols ayant la capacité maximale de rétention de l'eau, soit les sols humides, la production de biomasse augmente dans l'ensemble des scénarios.
Ce qui est important ici, ce ne sont pas les chiffres, mais la tendance qui s'en dégage, laquelle permet de dire que l'augmentation ou la diminution de la production de biomasse dans l'avenir variera selon le site visé. Dans certains sites, la production de biomasse diminuera sans doute presque immédiatement. Ce sera le cas dans les sites secs. Dans d'autres sites, ce sera le contraire, et la production de biomasse augmentera probablement pour l'avenir prévisible parce que la nature du sol permet un approvisionnement en eau suffisant.
Comme on vous l'a déjà dit à plusieurs reprises, cette situation comporte des avantages et des inconvénients selon l'endroit où se situe la forêt qu'on souhaite exploiter et selon le type de sols qu'elle contient. Tout dépend aussi de votre capacité à mettre en œuvre des activités de gestion forestière sur certains sites de manière à conserver ou à accroître la production de biomasse.
Il se peut qu'une société forestière décide de ne pas exploiter une forêt qui se trouverait dans un endroit enclin à la sécheresse. Des régions comme Fort à la Corne dans le centre de la Saskatchewan viennent à l'esprit parce qu'elles se trouvent actuellement à la limite de démarcation entre la prairie et la forêt. Ces régions possèdent actuellement un couvert végétal, mais l'effort qu'il faudrait sans doute déployer à long terme pour le maintenir sera peut-être trop grand compte tenu de la rentabilité de ces forêts.
Les sociétés forestières voudront peut-être concentrer leurs efforts sur les sites dont la productivité peut être assurée à long terme. Nous disposons de moyens très limités pour ce qui est de l'ajout d'éléments nutritifs au sol, de l'irrigation et de la mise en œuvre d'autres méthodes agricoles. Nous devons plus ou moins nous en remettre à la nature et il s'agit de tirer parti le plus possible des avantages qu'elle offre. Nous constaterons peut-être un abandon progressif des sites pauvres en éléments nutritifs et enclins à la sécheresse au profit des sites plus riches et plus humides dont nous pourrons assurer la productivité à long terme.
Comme nous le savons, la foresterie est une industrie qui privilégie le long terme. Les décisions qui sont prises aujourd'hui dans ce secteur mettront de 50 à 75 ans à porter fruit. Nous devons donc commencer à réfléchir dès maintenant à l'endroit et au moment où nous planterons des arbres parce que nous ne devons pas oublier que ces décisions auront un effet déterminant sur la composition et la croissance des forêts dans l'avenir.
Qu'en est-il de l'impact du réchauffement du sol? De façon générale, le réchauffement du sol est bon parce qu'il permettra sans doute aux populations microbiennes de libérer l'azote dans le sol plus rapidement. Le réchauffement du sol devrait entraîner sans doute la libération d'une quantité accrue d'azote dans le sol, ce qui sera bénéfique aux arbres. La forêt boréale, en particulier, ne peut pas se développer autant qu'elle le pourrait parce qu'elle manque d'azote étant donné que le sol est, pendant la plupart de l'année, froid, humide et pauvre. Cette forêt manque donc d'azote.
Outre la température du sol et la disponibilité de l'azote, d'autres facteurs comme l'approvisionnement en eau influent sur le développement de la forêt. Même si un site enclin à la sécheresse disposait de plus d'azote, il est possible que les plantes ne puissent pas l'absorber. Il ne faut pas oublier que tous ces facteurs sont liés.
De façon générale, pourvu que l'humidité du sol soit suffisante, le réchauffement du sol présentera sans doute des avantages en permettant la libération de plus d'azote dans le sol.
Parlons maintenant des répercussions de l'augmentation du dioxyde de carbone. Le niveau de dioxyde de carbone s'élève actuellement à 370 parties par million alors qu'il était de 280 parties par million à l'époque préindustrielle. Il s'agit d'une augmentation d'environ 30 p. 100. Il y a quelques années, nous pensions que l'augmentation du niveau de CO2 favoriserait la croissance des forêts parce que les arbres n'auraient pas ainsi à travailler autant pour capter le dioxyde de carbone qui serait disponible en concentrations beaucoup plus élevées. C'est un peu comme si quelqu'un vous injectait de l'oxygène. Vous n'auriez pas à travailler aussi fort pour faire entrer de l'air dans vos poumons. La même chose vaut pour les arbres. Plus l'atmosphère contiendra de CO2, moins les arbres auront de mal à capter ce gaz.
Le problème qui se pose est encore une fois que d'autres facteurs, en particulier la disponibilité de l'azote, influent sur la capacité des arbres à absorber ce gaz. L'azote joue un rôle dans l'absorption du CO2. Comme nous l'avons déjà dit, si la quantité d'azote dans le sol diminue en raison d'une sécheresse ou d'une autre cause, les arbres ne pourront peut-être pas capter davantage de CO2 même si sa quantité augmente dans l'atmosphère. L'effet fertilisant du CO2 n'est pas automatique. Il peut se produire dans les bonnes circonstances, mais il n'est pas automatique.
Une expérience intéressante a été récemment menée dans le nord du Wisconsin. Les chercheurs ont exposé un peuplement de trembles à des concentrations plus élevées de CO2 ainsi que d'ozone. Ils ont constaté que l'augmentation du CO2 avait complètement été annulée par l'influence de l'ozone. Il faut donc en conclure que si les niveaux d'ozone étaient plus élevés, ce qui est certainement le cas autour des grandes villes, il est possible que l'effet fertilisant du CO2 soit annulé par la présence d'autres éléments dans l'atmosphère, c'est-à-dire essentiellement par la pollution aérienne. Nous ne pouvons pas simplement tenir pour acquis qu'une augmentation du CO2 sera bénéfique. Elle peut l'être dans certaines circonstances, mais contrairement à ce que certains pensaient autrefois, cette augmentation ne favorisera pas nécessairement la croissance des forêts.
Des études physiologiques ont également démontré que la réaction des plantes au CO2 est souvent de courte durée. L'augmentation des concentrations de CO2 favorise la croissance des plantes pendant une brève période; celles-ci parviennent ensuite à un nouvel équilibre et l'effet du CO2 diminue progressivement et peut même disparaître complètement. Il faut donc renoncer à l'idée que l'augmentation du CO2 sera nécessairement bonne parce qu'elle ne peut favoriser la croissance des plantes que dans certaines circonstances bien précises.
On vous a sans doute déjà parlé des feux de forêt. Quelqu'un a d'ailleurs effleuré la question il y a quelques minutes. J'essaierai de ne pas être aussi alarmiste que certains. Comme nous nous attendons à ce que le climat se réchauffe et s'assèche, il s'ensuit que les feux de forêt devraient être plus graves et plus fréquents. Il se peut aussi que les sources des feux de forêt comme la foudre augmentent. Nous nous attendons donc dans l'ensemble à une augmentation de l'amplitude et de l'étendue des feux de forêts. Il s'agit de questions qui sont liées, mais distinctes.
Le diagramme illustre des travaux effectués il y a quelques années par le Service canadien des forêts. Le Service prévoit une augmentation de 30 à 50 p. 100 de l'indice utilisé pour mesurer l'amplitude de la saison des feux de forêt. Il s'agit de l'Indice d'amplitude saisonnière. Cet indice tient compte de tous les feux de forêt qui ont lieu pendant une saison donnée. Le Service canadien des forêts prévoit donc une augmentation de 30 à 50 p. 100 de cet indice à long terme, soit au cours des 50 à 100 prochaines années si le niveau de CO2 dans l'atmosphère devait doubler.
Il est évidemment très difficile de prévoir avec exactitude les répercussions du changement climatique sur les feux de forêt. Je crois qu'on peut cependant raisonnablement s'attendre à ce qu'ils soient plus graves et plus fréquents. D'autres travaux menés par le SCF prévoient une augmentation de 50 à 75 p. 100 dans l'étendue des feux de forêt.
Il s'agit pour l'instant de simples spéculations sur lesquelles je ne pense pas que nous puissions fonder nos décisions. Nous devons cependant être conscients du fait que le nombre de feux de forêt augmentera.
En réaction à l'augmentation des feux de forêt, les provinces pourraient simplement décider de doubler les crédits affectés à la lutte contre ce fléau. J'ai travaillé pour le gouvernement provincial pendant de nombreuses années avant de me joindre au Conseil de recherches et je sais qu'il ne faut pas y compter. Les provinces ne disposent tout simplement pas des ressources voulues. Nous devrons simplement nous adapter à une augmentation des feux de forêt. Nous devrons choisir quels feux de forêt éteindre parce que nous ne pourrons pas les éteindre tous. Nous devrons établir les régions à la protection desquelles nous voulons accorder la priorité. La situation obligera la province à prêter davantage d'attention à la protection contre les feux de forêt.
Il y a aussi la question des perturbations causées par les insectes. Certains travaux révèlent que la sécheresse augmente la vulnérabilité des essences forestières aux insectes parce que le contenu en hydrate de carbone du feuillage augmente à mesure qu'il s'assèche, ce qui plaît beaucoup aux insectes.
Des travaux menés en Saskatchewan montrent que le nombre de tordeuses du pin de Banks augmente durant les sécheresses. D'autres travaux récents effectués autour de Meadow Lake, dans le nord-ouest de la Saskatchewan, font ressortir le fait que les populations de livrées des forêts, parasite des trembles, augmentent lorsque la sécheresse sévit dans les régions à la limite de la forêt. Des recherches très intéressantes effectuées en Alberta montrent aussi que les populations de livrées des forêts augmentent lorsque la forêt est morcelée.
Ces recherches soulèvent la question intéressante et difficile de savoir quelle est l'incidence du changement climatique sur les pratiques d'aménagement des forêts. Ainsi, le morcellement toujours plus grand des forêts continues en raison de la construction de routes ou du développement urbain pourrait à son tour favoriser les infestations de la livrée des forêts.
Le phénomène s'explique par le fait que dans une forêt continue, les prédateurs de la livrée des forêts sont plus nombreux. Les forêts morcelées sont les hôtes de la livrée des forêts, mais ses prédateurs y sont moins nombreux. Dans les forêts morcelées, les éléments de contrôle de ce parasite sont présents en nombre moins élevé.
L'incidence du changement climatique sur les pratiques d'aménagement du territoire constitue une question importante à laquelle, à mon avis, nous n'avons pas suffisamment consacré d'attention.
Parlons maintenant de la répartition des essences. Lorsque des changements environnementaux se produisent, les essences d'arbre s'y adaptent avec plus ou moins de facilité. Elles changent aussi souvent et se déplacent. C'est le processus de migration. Ainsi, lorsque les glaciers se sont retirés du continent il y a 10 000 ans, la dissémination des graines a permis aux arbres de se répandre. Le problème qui se pose à l'heure actuelle, c'est que le paysage est ponctué de terres agricoles, de routes et de villes, ce qui peut empêcher la dissémination des graines de se produire suffisamment rapidement pour entraîner des changements. En fait, le morcellement des forêts peut empêcher des essences de migrer pour s'adapter au changement climatique.
Le changement climatique surviendra beaucoup plus rapidement que par le passé. La capacité des espèces à s'y adapter sera limitée.
Je terminerai en vous décrivant un scénario futur possible. Il ne s'agit pas de prédictions, mais simplement d'un scénario possible qui se fonde sur les travaux de mon collègue Ted Hogg d'Edmonton dont on vous parlera peut-être davantage demain à Edmonton.
Dans ce scénario, la limite de la forêt boréale actuelle se déplacera vers La Ronge et la région avoisinante. Ce qui importe surtout, c'est que deux importantes portions de la forêt boréale sont divisées par une allée de peuplement de trembles qui longe la frontière de l'Alberta. Il sera peut-être difficile pour une espèce de migrer dans cette région afin de survivre parce qu'elle devra traverser un nouveau type d'habitat.
Des changements importants qui toucheront la forêt boréale et qu'illustre ce diagramme entraîneront de grandes conséquences non seulement pour les processus naturels comme la migration de la faune, mais aussi pour les entreprises forestières de Prince Albert. La forêt reculera effectivement de 200 kilomètres. Cette situation fera évidemment augmenter les coûts de transport des entreprises forestières avec les conséquences que nous pouvons imaginer.
Le sénateur Wiebe: Je vous remercie, monsieur Johnston d'avoir fait le point sur les recherches menées en Saskatchewan. Plusieurs scientifiques appartenant à des conseils de recherches nationaux ont témoigné devant nous à Ottawa. Ils nous ont présenté un tableau semblable au vôtre.
Votre dernière diapositive m'inquiète. Elle reflète une situation semblable à celle que nous a décrite le RCRICA et d'autres groupes. C'est la région en jaune, soit le Triangle de Pallier, qui me préoccupe. Pour que la pluie tombe, il faut d'abord que la chaleur cause l'évaporation de l'eau. Nous ne manquerons pas d'eau sur cette terre à moins que nous n'irriguions les sols à outrance. La question qui se pose est de savoir où la pluie tombera.
M. Johnston: Et également quand elle tombera.
Le sénateur Wiebe: Oui. Pourriez-vous nous dire ce qui se passera dans le Triangle de Palliser?
M. Johnston: Nous ne sommes pas tout à fait sûrs de ce qui va se produire en ce qui touche les précipitations. Nous nous attendons à une augmentation générale des précipitations, mais l'essentiel de celles-ci tombera en hiver. Nous nous attendons donc à des hivers plus humides au cours desquels il tombera plus de neige. Nous ne nous attendons pas à ce que la majeure partie des précipitations tombe en été. L'humidité des sols devrait plutôt diminuer pendant la saison de croissance. Comme vous le faites remarquer, le Triangle de Palliser est déjà une région passablement sèche.
Pour ce qui est des pratiques agricoles et autres pratiques qui exigent une certaine humidité dans le sol pendant la saison de croissance, il est probable que la productivité de la région du sud-ouest diminue et c'est ce qui constitue la plus grande préoccupation en ce qui touche l'agriculture.
Le sénateur Wiebe: Une façon de s'adapter à ce scénario serait d'entreposer l'humidité qui se trouve dans le sol pendant l'hiver pour pouvoir l'utiliser pendant l'été lorsque le sol est plus sec.
M. Johnston: Il sera tout particulièrement important d'essayer d'emmagasiner l'écoulement printanier qui sera plus important étant donné que c'est à ce moment que la majorité de l'eau sera disponible.
Le sénateur Gustafson: Lorsque j'étais jeune, j'avais l'habitude d'aller à la chasse dans le nord où les saules et la broussaille semblaient s'étendre sur des milles et des milles avant d'atteindre la ligne des arbres. Que se passe-t-il dans cette région et qu'est-ce qu'il va s'y passer? Le changement climatique va-t-il se traduire par une augmentation des terres agricoles? Certaines de ces terres sont très fertiles, mais on y trouve aussi des tourbières. L'agriculture sera-t-elle repoussée vers le nord?
M. Johnston: C'est une question très intéressante. Certaines personnes ont de façon simpliste dit que l'agriculture devrait se déplacer vers le nord. Comme c'est ce qui s'est produit dans les années 30, elles se demandent pourquoi cela ne se produirait pas de nouveau. Il faut se souvenir que l'agriculture et la foresterie ne réagissent pas en soi au changement climatique. Elles réagissent surtout aux circonstances locales, c'est-à-dire à ce qui se produit directement dans leur environnement.
Cela nous ramène à l'importance des sols et de la topographie, lesquels déterminent l'équilibre des rayonnements, la capacité d'absorption de l'eau du site, le moment de la fonte des neiges, c'est-à-dire toutes sortes de choses qui sont indirectement reliés au climat. Si nous examinons les conditions propres à chaque site, nous conclurons peut-être que l'agriculture est possible dans certaines régions situées au nord. Il ne faut pas cependant simplement présumer que la zone agricole se déplacera de 200 kilomètres parce que les sols ne sont pas nécessairement propices à l'agriculture dans le nord.
Il faut aussi comprendre que le régime du rayonnement solaire ne changera pas, c'est-à-dire que le changement climatique n'influera pas sur la longueur des jours.
Le sénateur Gustafson: Pouvez-vous nous indiquer quelle est l'étendue des terres qui sont récupérées à des fins agricoles, si je peux m'exprimer ainsi?
M. Johnston: Je n'ai pas de chiffres à vous donner. Je pense qu'il ne s'agit pas d'une très grande étendue de terres parce que la plupart des très bonnes terres agricoles sont déjà exploitées. Les terres restantes sont surtout des terres agricoles marginales. Je me suis aussi déjà intéressé de très près à l'agroforesterie et au reboisement. Nous essayons d'encourager les agriculteurs à reboiser des forêts qui existaient il y a 100 ans puisque c'est bénéfique pour l'agriculture.
Le président: Quelles essences recommandez-vous aux agriculteurs de planter?
M. Johnston: L'essence la plus populaire à l'heure actuelle est le peuplier hybride dont la croissance est rapide. Cette essence parvient à maturité en 20 ans.
Le président: C'est ce qu'on nous a dit à Ottawa. Vous ne recommandez certainement pas aux agriculteurs de planter des épinettes, des sapins ou des pins.
M. Johnston: Non, à moins qu'on ne puisse modifier ces essences pour qu'elles croissent plus rapidement.
Le sénateur Tkachuk: Sur quoi se fonde la carte de M. Hogg? Sur combien d'années portent les prévisions? Se fondent-elles sur les températures actuelles et sur la façon dont elles ont évolué depuis 100 ans ou sur les températures futures prévues?
M. Johnston: Il a en fait produit deux cartes. La carte que je ne vous ai pas montrée présente la distribution actuelle des types de forêts. C'est le scénario prévu jusqu'en 2050, si je ne m'abuse. Je n'en suis pas tout à fait sûr.
M. Hogg a analysé les conditions actuelles des forêts et a étudié l'indice d'humidité pour établir si le niveau d'humidité du sol est déficitaire ou excédentaire. La ligne qui sépare la région où il y a un déficit d'humidité dans les Prairies suit de près la frontière actuelle de la forêt. Cela signifie que pour qu'il y ait des arbres, il faut que l'humidité du sol soit excédentaire de façon annuelle; les intrants sont ainsi supérieurs aux extrants lors de l'évaporation.
Voici la situation actuelle. M. Hogg a ensuite établi un scénario du changement climatique à partir des modèles climatiques dont vous avez entendu parler. Il a appliqué le même indice d'humidité à cette aire. Autrement dit, il a tiré cette ligne une deuxième fois et a présumé qu'elle représentait toujours la ligne de démarcation entre la région où les arbres pourraient pousser et celle où ils ne pousseraient pas.
La ligne de démarcation sur cette carte entre la forêt et la prairie est établie en fonction de l'indice d'humidité prévu dans l'avenir.
Le sénateur Tkachuk: Est-ce que ce scénario est plus fiable que l'Almanach des cultivateurs?
M. Johnston: C'est Ted lui-même qui m'a dit qu'il ne s'agissait pas d'une prédiction, mais plutôt d'une projection. Il ne dit pas que c'est ce qui va se produire, mais plutôt que c'est un scénario possible.
Le sénateur Tkachuk: Tout est possible selon le niveau des précipitations et la température.
M. Johnston: Oui.
Le sénateur Tkachuk: À quoi donc sert cette carte?
M. Johnston: Je suis heureux que vous posiez cette question parce que c'est un point très important. Cette carte vise à donner un aperçu de l'avenir. Elle illustre ce qui pourrait se produire. Son objectif est de nous inciter à nous demander comment nous pourrions nous adapter à ce genre de situation.
Que signifie un changement comme celui-là pour les entreprises forestières? Il vaut mieux que ces entreprises se posent dès maintenant la question parce qu'il est possible qu'il ait une incidence sur les décisions qu'elles prennent aujourd'hui.
Cette question intéresse aussi beaucoup les gestionnaires de la faune qui suivent la migration des animaux. Il ne s'agit pas de savoir si le phénomène se manifestera à cet endroit précis, mais plutôt de commencer à réfléchir aux décisions qui entraîneront des conséquences à long terme.
Le sénateur Tkachuk: Il y a 25 ans, soit dans les années 70, les scientifiques prédisaient que le climat se refroidirait. Nous nous sommes mis à discuter de tous les changements que cela entraînerait. Nous ne discutons de tout cela que depuis 20 ans.
M. Johnston: Depuis peut-être un peu plus longtemps.
Le sénateur Tkachuk: Vous prévoyez un changement important et soudain dans la température, mais qu'adviendra- t-il si ces prévisions changent dans dix ans? Qui paiera pour tout ce gâchis? Qu'adviendra-t-il si les hivers continuent d'être aussi longs et si les étés sont moins chauds? Qui paiera pour tout cela dans dix ans? Qui sera responsable de cette erreur?
M. Johnston: Je crois que c'est l'argument qui milite en faveur de l'adaptation comme vous l'a dit le témoin précédent. Dans la mesure où nous pouvons nous adapter à ces changements, et en particulier dans la mesure où nous pouvons le faire assez tôt, les coûts qui découlent des mesures qui devront être prises seront moins élevés. Il sera beaucoup plus difficile de s'adapter à la situation si l'on attend que ces prévisions se réalisent.
La question ne tourne pas nécessairement autour du changement climatique, mais simplement du climat. Dans quelle mesure notre société peut-elle s'adapter aujourd'hui à des variations du climat?
La sécheresse nous a montré qu'elle n'est pas très en mesure de le faire. Oublions le changement climatique. Nos systèmes agricoles et forestiers peuvent certainement être mieux adaptés au climat actuel. Si nous favorisions cette adaptation, ils seraient bien mieux en mesure de faire face au phénomène du changement climatique s'il se produit.
Le sénateur Tkachuk: Dans les années 30, nous avons connu une sécheresse qui a duré dix ans. La température s'est réchauffée et nous nous sommes très bien adaptés à la situation. Nous avons beaucoup appris au cours de cette décennie. Serions-nous aujourd'hui prêts à faire face à une nouvelle sécheresse aussi longue?
M. Johnston: Bon nombre de personnes pensent que ce qui s'est produit pendant les années 30 ne pourrait pas se reproduire aujourd'hui parce que nous avons modifié nos pratiques culturales. L'expérience que nous avons acquise pendant cette période nous a incités à adopter de nombreuses autres pratiques culturales dont celle des semis directs. Nous avons beaucoup appris. Une sécheresse de dix ans entraînerait d'importantes répercussions, mais ne serait pas aussi grave que dans les années 30 parce que nous avons abandonné bon nombre des pratiques qui ont causé le phénomène du bol de poussière.
Le président: Nous accueillons maintenant M. Phil Adkins, d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, qui a participé à l'une de nos audiences à Ottawa.
M. Phil Adkins, gestionnaire intérimaire, Section de l'agroclimat des Prairies, Administration du rétablissement agricole des Prairies, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Comparaître devant le comité de nouveau est un privilège pour moi.
J'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui. Il s'agit de M. Gerry Steranko, gestionnaire intérimaire, Division de la planification opérationnelle, qui oeuvre à la conception et à la mise en œuvre des programmes et de M. Bill Harron, directeur de projet, Service national d'information sur la terre et les eaux (SNITE). Je vous parlerai un peu plus tard de ce service.
Je ne ferai pas un très long rappel historique puisque le comité est déjà au fait des manifestations du changement climatique ou de la modification du climat dans les Prairies. Depuis les débuts de l'agriculture dans cette région, le ministère de l'Agriculture s'efforce d'aider les agriculteurs à s'adapter au climat.
Comme on l'a fait remarquer au cours de la période des questions qui a suivi la présentation du dernier témoin, les Prairies ont connu une sécheresse sans pareil au cours des années 30. C'est de cette époque que date la création de l'Administration du rétablissement agricole des Prairies, l'ARAP, dont le mandat était alors d'aider les agriculteurs à faire face à cette sécheresse.
Le passage qui figure à l'écran est tiré directement de la Loi sur le rétablissement agricole des Prairies et il s'applique autant aujourd'hui qu'il y a 68 ans alors que nous nous préparons à faire face au changement climatique. Il ne fait aucun doute que ce phénomène nous oblige à accélérer le processus d'adaptation.
La diapositive numéro 3 présente un aperçu historique des sécheresses qu'ont connues les Prairies. Les cartes que vous voyez indiquent en pourcentage les précipitations moyennes en 1936, 1961 et 2002. Elles visent à faire ressortir que l'intensité comme l'étendue des sécheresses varient. Si l'on en juge par la partie en rouge sur la carte pertinente, c'est dans l'est de la Saskatchewan que la sécheresse a été la plus intense en 1961.
La diapositive numéro 4 montre l'étendue de la sécheresse de 2002 dans la région des Prairies. La partie en rouge indique les régions qui ont connu une sécheresse record. Le grand intérêt que présente l'année 2002, c'est qu'elle constitue un exemple unique de la variabilité du climat et une manifestation possible du changement climatique. Les régions en rouge sont les régions qui ont été touchées par une sécheresse record. Il s'agit des régions situées au sud des Prairies, soit les régions qui jusqu'ici n'étaient pas enclines à la sécheresse. La région du Triangle de Palliser, région encline à la sécheresse, a connu en 2002 des niveaux d'humidité extrêmement élevés qui constituent des records.
Nous lisons sur la diapositive numéro cinq que les simulations révèlent que le changement climatique aura une importante incidence dans les Prairies. De nombreux témoins l'ont déjà d'ailleurs fait remarquer. J'aimerais insister sur deux conséquences du changement climatique qui apparaissent en rouge sur la diapositive.
Premièrement, les sécheresses que nous connaissons changeront. Elles devraient être plus fréquentes et plus longues. Deuxièmement, nous nous attendons à ce qu'elles créent des débouchés en matière de nouvelles cultures ou de nouvelles zones agricoles.
La diapositive numéro six fait ressortir le fait que les défis et les possibilités que présente le changement climatique constituent une responsabilité de tous les paliers de gouvernement. Agriculture et Agroalimentaire Canada reconnaît qu'il a un rôle très important à jouer dans ce domaine. Le ministère est aussi conscient de la nécessité d'établir des partenariats avec le secteur privé.
Le nouveau Cadre stratégique pour l'agriculture mise sur l'expérience acquise par AAC dans les Prairies pour renforcer les mesures d'aide en place en matière d'adaptation à l'échelle nationale. Il propose de nouvelles initiatives et mesures de transition axées sur des résultats précis, et en particulier des mesures à la ferme qui s'inscrivent dans le cadre de la mise en œuvre de certains programmes, dont des programmes de recherche et de diffusion des connaissances.
La diapositive numéro huit résume essentiellement le contenu du reste de la présentation. Les initiatives du ministère renforceront les mesures d'aide en matière d'adaptation en place à l'échelle nationale grâce aux programmes sur les eaux, aux programmes du Centre d'aménagement de brise-vent, du développement et de la gestion des parcours, du programme de couverture végétale, de la planification agroalimentaire et des meilleures pratiques de gestion (MPG). Ces initiatives viseront aussi à appuyer le travail du Service national d'information sur la terre et les eaux ainsi que du Service d'information sur l'agroclimat.
Les programmes sur les eaux d'AAC favorisent l'adaptation de nombreuses façons. Le ministère mène des études stratégiques visant à cerner des ressources hydrauliques durables dans les régions agricoles. J'insiste sur le fait qu'il doit s'agit de ressources durables. Il élabore des propositions de projets individuels et de projets de grande envergure. Il appuie la recherche et les démonstrations sur l'efficacité de l'irrigation en examinant l'utilisation des ressources en eau et des ressources énergétiques ainsi que le recours aux éléments nutritifs. Le programme de l'aménagement hydraulique rural de l'ARAP existe depuis 1935 dans le but de développer les ressources hydrauliques durables dans les Prairies. Les aqueducs ruraux dans les Prairies constituent un bon exemple de moyen visant à s'adapter aux fluctuations du climat.
Le président: Avant de poursuivre, pourriez-vous nous expliquer comment fonctionnent ces aqueducs ruraux?
M. Adkins: Les aqueducs ruraux permettent d'acheminer de l'eau vers les fermes individuelles et, dans bien des cas, vers des collectivités rurales. Cette eau provient d'une source hydraulique sûre, résistante à la sécheresse et est directement acheminée au moyen d'un aqueduc.
Le président: Cette source peut-elle être un lac?
M. Adkins: Les sources d'approvisionnement en eau les plus sûres en Saskatchewan sont le bassin hydrographique de la Saskatchewan-Sud et de la Saskatchewan-Nord ou certaines eaux souterraines. La source de l'approvisionnement en eau est souvent une ville ou une collectivité qui dispose d'un bon approvisionnement et qui est prête à agrandir ces installations de traitement pour pouvoir partager son eau avec des régions rurales.
Ces aqueducs sont coûteux. Leur construction coûte environ 16 000 $ le mille, soit 10 000 $ le kilomètre. La longueur de l'aqueduc varie selon le nombre d'abonnés et le nombre de collectivités participant au projet. Les abonnés ou les agriculteurs sont éloignés les uns des autres d'environ un kilomètre et demi en moyenne.
Les aqueducs ruraux ne sont pas la solution dans toutes les régions. Dans le sud-ouest de la Saskatchewan où l'on trouve de très grands ranchs, l'agriculture ne se pratique pas de la même façon que dans la région de Regina, par exemple, et ce genre d'aqueduc peut être trop coûteux en raison des grandes distances qui séparent les fermes les unes des autres.
Le programme de l'aménagement hydraulique rural de l'ARAP constituera une transition vers un programme national d'expansion des sources d'approvisionnement en eau mis en œuvre en vertu du Cadre stratégique pour l'agriculture.
Passons maintenant à la diapositive numéro 10. Les principaux éléments du nouveau programme continueront d'être le développement des infrastructures individuelles et collectives. L'aqueduc rural est un bon exemple d'une infrastructure collective. La planification stratégique des ressources hydrauliques pour favoriser la croissance du secteur agricole constitue aussi un élément de ce programme. La variabilité du climat et le changement climatique sont des facteurs clés à prendre en compte dans la planification.
On peut donner en exemple l'élaboration d'un plan d'aménagement des sources d'approvisionnement en eau qui tient compte des changements climatiques dans les Prairies dans le bassin hydrographique de la Saskatchewan-Sud, projet mené par l'entremise du Fonds d'action pour le changement climatique qui est géré par le Collectif des Prairies pour la recherche en adaptation, basé à Regina. Je crois que ce groupe a déjà comparu devant le comité.
J'aimerais souligner le fait que le Programme national d'expansion des sources d'approvisionnement en eau constitue un investissement de 60 millions de dollars échelonné sur quatre ans.
Le ministère met aussi en œuvre depuis de nombreuses années un programme d'aménagement de brise-vent qui comporte plusieurs objectifs, notamment celui de l'adaptation au changement climatique. Les brise-vent visent à modifier le climat local et à protéger les récoltes. Nous parlons évidemment de microclimat.
Près de 5,5 millions de semis d'arbres, adaptés au climat des Prairies, sont distribués annuellement. Cette distribution se fait à partir du Centre d'aménagement des brise-vent de l'ARAP, situé à Indian Head, à l'est de Regina. Le Cadre stratégique pour l'agriculture prévoit de nouvelles initiatives en matière de brise-vent à l'échelle du Canada.
Voici maintenant la diapositive numéro 12. Pour ce qui est du développement et de la gestion des parcours, le meilleur exemple qu'on peut sans doute donner est celui de la création de 87 pâturages communautaires dans les Prairies. Ces pâturages appartiennent actuellement à l'ARAP et sont gérés par elle.
Les terres agricoles et les parcours qui ne pouvaient résister à la sécheresse ont été convertis ou adaptés en pâturages communautaires. Un ensemble de programmes a été mis en œuvre à l'issue de ces travaux et a abouti à la mise sur pied du Programme de couvert végétal en vertu du CSA.
Le Programme de couverture végétale appuie certainement l'adaptation de plusieurs façons. Dans le cadre de ce programme dont la pierre d'assise sera la conversion des terres écologiquement vulnérables en couverture végétale permanente 110 millions de dollars seront investis sur une période de cinq ans.
On favorisera aussi à l'échelle nationale la plantation de brise-vent grâce au Programme d'amélioration des brise- vent, lequel représente un investissement de 10 millions de dollars échelonné sur cinq ans. Cette somme provient du budget de 110 millions de dollars dont nous venons de parler.
En outre, une aide technique sera accordée pour améliorer la gestion des parcours et les zones riveraines.
En résumé, le Programme de couverture végétale contribuera à l'atteinte des objectifs environnementaux prioritaires du CSA, car il permettra d'améliorer la gestion de quelque 1,6 million d'hectares de terres au Canada. Nous estimons qu'environ 400 000 hectares de terres seront convertis en couverture végétale dans les Prairies.
Les efforts d'AAC au chapitre de l'environnement sont liés par l'entremise de nouvelles initiatives prises en vertu du Cadre stratégique pour l'agriculture. Nous misons sur les efforts déployés par le passé pour officialiser et mettre en œuvre des pratiques de gestion avantageuses ainsi que pour élaborer et réaliser des plans agro-environnementaux (PAE), fondés sur des principes nationaux reconnus. Il importe de faire remarquer que ces initiatives tiendront compte du fait que le secteur doit s'adapter au changement climatique et favorisera à cet égard la souplesse voulue.
Nous commençons aussi à mettre en œuvre la Stratégie nationale sur les eaux dans le secteur agricole qui proposera un contexte stratégique pour la planification des programmes nécessaires. Cette stratégie est toujours en cours d'élaboration, mais elle portera sur des questions liées à la quantité et à la qualité de l'eau dans le contexte du changement climatique.
Nous attachons aussi beaucoup d'importance à l'opérationnalisation du Service national d'information sur la terre et les eaux. Le Cadre stratégique pour l'agriculture réserve d'ailleurs 20 millions de dollars à cette fin. Les activités relatives à l'agroclimat constituent un aspect important de notre rôle en matière d'aide à l'adaptation.
La Section de l'agroclimat des Prairies, que je connais assez bien, prendra de l'expansion dans le contexte du CSA pour favoriser l'adaptation à l'échelle nationale.
L'amélioration des renseignements interprétés sur le climat est un élément essentiel de l'adaptation et il existe, à notre avis, trois domaines à privilégier à cet égard: la surveillance du climat et la production de rapports connexes notamment sur la sécheresse ou l'humidité excessive; l'élaboration d'un scénario pratique sur le changement climatique relativement aux activités agricoles; et la diffusion rapide de l'information concernant les risques et les possibilités liés au climat saisonnier dans le secteur agricole. Ces travaux exigeront l'établissement de partenariats solides entre AAC et des organismes comme le Service météorologique du Canada et Environnement Canada ainsi qu'avec des organismes américains.
La désertification constitue certainement une préoccupation liée au changement climatique. Vous parliez plutôt de la région du Triangle de Palliser qui est certainement une région en voie de désertification.
En vertu de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CNULD), le Canada joue un rôle clé à l'échelle internationale à la fois à titre de pays donateur et de pays touché. Notre section de l'ARAP est chargée de l'exécution d'activités techniques liées à l'application de la convention.
La diapositive numéro 18 illustre un nouveau projet très intéressant qui est mis en œuvre en vertu du Cadre stratégique pour l'agriculture sous la direction d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Le changement climatique s'étend certainement au-delà des frontières politiques. Le Mexique et les États-Unis sont intéressés à collaborer avec nous à la surveillance des sécheresses à l'échelle continentale. Cette activité constitue un élément important de l'adaptation parce que nous devons être conscients des changements qui se produisent et recueillir de l'information à leur égard.
En terminant, j'aimerais souligner le fait que grâce au Cadre stratégique pour l'agriculture, Agriculture et Agroalimentaire Canada sera en mesure d'aider le secteur agricole à s'adapter à l'incertitude sans cesse croissante des conditions météorologiques et du climat.
Je vous remercie de m'avoir permis de présenter cet exposé au comité. Nous répondrons maintenant volontiers à vos questions.
Le sénateur Tkachuk: Dans les années 80, le gouvernement provincial a mis sur pied SaskWater pour améliorer l'infrastructure hydraulique de la province parce que des régions comme Kindersley et Saltcoats connaissaient des problèmes d'approvisionnement en eau potable. Vous avez parlé de stratégies hydrauliques et d'aqueducs. S'agit-il de maintenir le statu quo ou d'améliorer la qualité de l'eau potable? Songez-vous à améliorer et à accroître la quantité d'eau disponible à des fins agricoles?
M. Adkins: Permettez-moi de me servir d'une illustration pour répondre à votre question.
La région de Kindersley-Kerrobert connaît depuis toujours des problèmes d'approvisionnement en eau liés soit à la mauvaise qualité de l'eau, soit à la pénurie d'eau. Des études sont actuellement en cours afin de mettre en œuvre un important système régional d'approvisionnement en eau à partir du bassin hydrographique de la Saskatchewan-Sud qui permettrait de répondre aux besoins à cet égard des collectivités ainsi que des agriculteurs et des producteurs. Ce programme ne permettra cependant pas d'avoir accès aux grandes quantités d'eau nécessaires pour irriguer une région aussi vaste, mais elle permettra certainement d'exploiter des fermes de bétail. Voilà le type de stratégie que nous examinons à l'heure actuelle. Nous songeons évidemment aux besoins futurs et notre objectif est d'améliorer tant la qualité que la quantité d'eau disponible.
Le sénateur Tkachuk: On voit toujours grand lorsqu'on parle de stratégie. Fait-on des recherches pour essayer d'établir les mesures modestes qui pourraient être prises pour améliorer la situation? À titre d'exemple, il existait autrefois dans la province un système de citernes qui permettait de recueillir l'eau de pluie provenant des toits. Cette eau servait d'eau potable et d'eau pour abreuver les animaux. Pourquoi ne recueillons-nous plus cette eau? Nous ne pouvons pas seulement nous en remettre à ces grands projets coûteux. Les agriculteurs voudront plus d'eau pour l'irrigation, laquelle ne constitue pas une bonne solution.
M. Adkins: Vous avez raison. Nous devons adopter une perspective équilibrée et nous pencher notamment sur des façons d'économiser de l'eau par l'entremise de la mise en œuvre de mesures de conservation.
Pour ce qui est de la collecte de l'eau, dans le cadre du Programme de l'aménagement hydraulique rural, nous avons contribué au financement d'un projet de collecte de l'eau de pluie au sud de la Saskatchewan. L'agriculteur qui participe au projet recueille de l'eau de pluie qui tombe sur une membrane de plastique. L'eau est ensuite emmagasinée dans un petit réservoir ouvert et elle sert à irriguer des amélanchiers.
Certains projets peuvent être mis en œuvre sans infrastructure imposante. Bon nombre des résidents de la région de Kindersley-Kerrobert-Rosetown, région qui souffre d'une pénurie chronique d'eau, participent activement aux études stratégiques en cours. Certains d'entre eux sont conscients qu'il n'existe pas de solutions peu coûteuses. Ces agriculteurs devront participer ensemble à la mise en œuvre d'un projet assez important qui répondra à leurs besoins à long terme.
Le président: Avez-vous fait des essais pour établir s'il restera suffisamment d'eau souterraine dans la région si l'on y creusait des puits?
M. Adkins: Il existe des études assez poussées sur les eaux souterraines de cette région.
Le président: Quels en ont été les résultats?
M. Adkins: Les études ont révélé que les approvisionnements en eau sont de très mauvaise qualité. Il s'agit ensuite d'établir s'il est rentable de traiter l'eau qu'on trouve dans la région ou s'il vaut mieux faire venir de l'eau de meilleure qualité d'ailleurs.
Le président: Ce serait très coûteux.
M. Adkins: Ce serait effectivement très coûteux. Le traitement de l'eau souterraine très saline qu'on trouve dans les Prairies est également très coûteux.
C'est une excellente question, monsieur le président, parce qu'on ne comprend pas aussi bien qu'on le devrait la question des ressources en eau souterraine dans les Prairies. On pourrait intensifier les travaux en vue d'établir l'étendue et la disponibilité de cette source d'eau.
Le sénateur Wiebe: Depuis un certain nombre d'années, l'ARAP est négligée par le ministère de l'Agriculture. Je suis donc très heureux que le CSA prévoit un rôle accru dans l'avenir pour l'ARAP, particulièrement dans l'Ouest canadien en ce qui touche le changement climatique. Je m'en réjouis beaucoup.
Le succès des efforts d'adaptation dépendra en grande partie des attitudes des producteurs et des agriculteurs individuels et de leur participation au processus le plus tôt possible. Pouvez-vous me dire comment vous, c'est-à-dire l'ARAP, et nous, les décisionnaires, pouvons inciter les agriculteurs à participer aux projets d'adaptation et aux recherches s'y rapportant?
M. Adkins: C'est surtout par l'entremise d'ententes avec les tierces parties que nous pourrons favoriser la participation des producteurs à la mise en œuvre de ces programmes. Il s'agit de faire en sorte que les organismes de producteurs participent directement à leur élaboration. Ils appuieront aussi peut-être l'organisme gouvernemental, qu'il s'agisse de l'ARAP ou d'un autre organisme, dans leur mise en œuvre. Il importe de faire participer les intervenants dès le départ à l'élaboration et à la réalisation des programmes.
Le sénateur Wiebe: La question que je vais vous poser ne relève peut-être pas de votre domaine de compétence. Vous parlez cependant, à la page 16 de votre exposé, de la surveillance du climat et de la production de rapports connexes. Nous sommes parvenus à obtenir qu'Environnement Canada reporte sa décision en ce qui touche la fermeture de certaines stations météorologiques de la province. Je parle d'un report parce que la décision n'a pas encore été renversée.
Je pense que le changement climatique se traduira par des conditions météorologiques extrêmes tant pour ce qui est des précipitations, de la neige que du froid. La surveillance des conditions météorologiques revêt beaucoup d'importance pour la survie des institutions agricoles et pour la population de la Saskatchewan. Au lieu d'augmenter le nombre de personnes qui font le travail sur le terrain, nous devrions accroître le nombre de stations météorologiques dans la province.
J'espère vraiment que l'ARAP, qui a fait preuve de leadership dans tant d'autres domaines, fera de même en ce qui touche la protection des stations météorologiques de l'Ouest canadien dont la fermeture pourrait être décrétée par Environnement Canada dans le but de faire des économies.
M. Adkins: Vous avez raison de souligner que la collecte de renseignements météorologiques qui, en bout de ligne, sont des renseignements sur le climat, revêt beaucoup d'importance pour l'agriculture dans ce pays. Comme le gouvernement veut réduire ses dépenses, nous devons trouver des façons économiques de recueillir cette information.
L'ARAP et Agriculture et Agroalimentaire Canada ont établi un partenariat avec le Service météorologique du Canada. Nous devons trouver des façons de continuer de répondre aux besoins de l'industrie agricole.
Le sénateur Wiebe: Votre réponse m'incite à croire que vous partagez mon point de vue. Puis-je vous compter parmi mes alliés?
M. Adkins: Oui.
Le sénateur Gustafson: Il ne fait aucun doute que l'ARAP a joué un rôle très important dans le domaine de l'agriculture en Saskatchewan.
J'ai une question à vous poser au sujet des nouvelles cultures. Je pratique l'agriculture dans le sud, le long de la frontière avec les États-Unis. Les agriculteurs de la région produisent maintenant de la canola, de la moutarde et du tournesol. Quelles sont les nouvelles cultures qui présentent de l'intérêt? Nous avons essayé de cultiver des légumineuses, mais sans grand succès.
M. Adkins: Je ne suis vraiment pas en mesure de répondre à cette question. Bill, pourriez-vous le faire?
M. Bill Harron, chef de projet, Service national d'information sur la terre et les eaux, Agriculture et Agroalimentaire Canada: De nouvelles cultures seront ensemencées dans cette région si les changements prévus par M. Johnston se réalisent. Le passage à une nouvelle culture s'imposera dans certains cas. La température permettra peut-être de cultiver du maïs si la région dispose de l'eau voulue. Voilà l'une des possibilités qui est envisagée dans le cadre de l'adaptation au changement climatique.
Le sénateur Gustafson: Que pensez-vous du blé de force roux du printemps? Nombreux sont ceux qui veulent que nous continuions à cultiver du blé de force roux de printemps et qui s'opposent à ce que nous cultivions les variétés tendres à rendement élevé qui sont cultivées aux États-Unis. En fait, je crois que la Commission canadienne du blé s'assure actuellement que les champs ne sont pas ensemencés avec la variété tendre cultivée aux États-Unis. Pensez- vous qu'il s'agit d'une culture possible?
M. Harron: Comme Phil le disait, je ne pense pas pouvoir répondre à cette question.
Le sénateur Gustafson: Ne vous défilez pas.
M. Harron: Je crois qu'il y aura toujours place pour le blé de force roux de printemps. Il s'agit de voir s'il sera possible de cultiver cette variété de blé si le climat change. Certains des travaux que nous avons effectués ainsi que certains travaux du SRC montrent que des changements seront nécessaires. Le blé de force roux du printemps conservera cependant toujours une place dans l'économie agricole canadienne.
Le sénateur Gustafson: Il sera difficile d'assurer la pureté de cette variété si d'autres variétés à rendement élevé sont cultivées.
M. Harron: Je ne peux pas me prononcer là-dessus.
Le président: Ma question a trait à ce qui figure à la page 18 de votre exposé. Je précise à l'intention de ceux qui liront le compte rendu de nos délibérations que cette diapositive montre une illustration tirée du North American Drought Monitor. Le code D3 est attribué à la couleur rouge. Ce code correspond à «sécheresse extrême». Je vois que les parties en rouge se trouvent surtout aux États-Unis. La région en rouge aux États-Unis s'étend du sud des Dakotas jusqu'à l'extrémité sud de la Californie. Il s'ensuivra de nouveaux débouchés pour les agriculteurs et les gens d'affaires canadiens. Si une sécheresse extrême sévit dans ces régions, les agriculteurs américains ne pourront plus cultiver leurs cultures traditionnelles comme le maïs, le blé, le canola et les grains. J'ai l'impression que cela créera de grands débouchés pour les agriculteurs canadiens.
Votre ministère étudie-t-il la question? Quelle recherche menez-vous à l'heure actuelle pour établir les débouchés qui s'offriront aux agriculteurs de l'Ouest canadien?
M. Adkins: Il s'agit d'une excellente observation. J'ajouterai que l'eau commence à manquer également dans cette partie des États-Unis. On connaît l'étendue des ressources en eaux souterraines dans ces régions. Elles sont en fait très limitées et elles commencent à s'épuiser. Cela créera certainement des occasions pour les agriculteurs canadiens.
Notre ministère étudie les cultures pratiquées dans ces régions pour voir si nous ne pourrions pas les cultiver ici, selon les divers scénarios portant sur le changement climatique. Nous commençons cependant à peine à explorer la question.
Le président: C'est tout ce que vous avez fait jusqu'ici?
M. Adkins: Oui. Il s'agit d'abord de faire prendre conscience aux producteurs des possibilités qui s'offrent à eux. Les agriculteurs canadiens sont suffisamment créateurs, expérimentés et motivés pour saisir ces occasions. Nous voulons les aider à prendre conscience des occasions qui s'offrent à eux et leur fournir les outils nécessaires pour en tirer parti. Il s'agit surtout de les aider en menant des recherches portant plus précisément sur les variétés qui pourraient être cultivées dans notre région.
Le président: Le grand cercle rouge qui correspond à la zone D3 sur votre carte, celle où il y aura une sécheresse extrême, ne se trouve pas en Saskatchewan. Cette zone se situe surtout en Alberta, n'est-ce pas?
M. Adkins: Oui. Je me permets de faire remarquer que cette carte n'est qu'une ébauche. Vous avez cependant raison. À la page 4, nous donnons un peu plus de précisions sur les régions ayant connu une sécheresse dans l'Ouest canadien. Nous voyons clairement que la région où il y a eu une sécheresse record en 2002 est une région qui n'a pas connu beaucoup de sécheresses. La majeure partie de cette région est située en Alberta.
Le président: S'il y a une région ou une province qui pourrait tirer parti de l'existence d'une sécheresse extrême dans l'ouest des États-Unis, c'est bien la Saskatchewan, n'est-ce pas?
M. Adkins: Je crois que c'est à peu près juste.
Le président: J'aimerais vous remercier ainsi que vos collaborateurs d'avoir comparu devant le comité. Nous étudierons votre présentation plus à fond. Je vous remercie de votre présence.
Le dernier témoin que nous entendrons avant le déjeuner représente la Saskatchewan Environmental Society et Nature Saskatchewan.
Mme Silvia Lac, bénévole, Nature Saskatchewan: Mesdames et messieurs les sénateurs, je suis experte-forestière de formation. Depuis deux ou trois ans, je fais des recherches sur le potentiel de séquestration du carbone des systèmes forestiers de la forêt boréale du sud de la Saskatchewan. Je vous entretiendrai aujourd'hui des répercussions du changement climatique sur la foresterie et l'agriculture de la Saskatchewan.
Permettez-moi de vous présenter Ann Coxworth, de la Saskatchewan Environmental Society, et Wayne Pepper, de Nature Saskatchewan. Je parlerai au nom de ces deux sociétés.
J'aimerais d'abord dire quelques mots sur les outils de prédiction du changement climatique. Les meilleurs outils dont nous disposons pour l'instant sont les modèles de circulation générale qui s'appliquent à l'échelle mondiale. Bien qu'on y ait apporté de grandes améliorations, ils comportent toujours des paramètres qui sont difficiles à prédire, notamment les précipitations. Les modèles de circulation générale ne peuvent pas représenter les biomes terrestres comme l'agriculture et la foresterie, en partie parce que la technologie informatique ne nous permet pas encore le faire.
Nous ne sommes pas encore en mesure de traduire l'information dont nous disposions dans toutes les échelles. Nous ne possédons pas certains renseignements de base sur le fonctionnement des écosystèmes et nous n'avons pas non plus les méthodes nous permettant de recueillir toute l'information que nous voudrions. Il s'ensuit qu'il est difficile d'estimer le niveau des émissions réelles à l'échelle régionale ou à l'échelle du biome, ce qui explique que nous ne savons pas quand et où le changement climatique se produira, ni à quel rythme, pas plus que les avantages qui peuvent en découler.
Les estimations à l'échelle régionale ou à l'échelle du biome ne sont pas établies en se reportant à des prévisions obtenues au moyen des modèles de circulation générale qui s'appuieraient sur des dossiers historiques ou des événements climatologiques antérieurs. Les événements climatologiques antérieurs n'ont clairement pas entraîné une augmentation de la concentration de dioxyde de carbone.
Quoi qu'il en soit, les modèles de circulation générale sont les meilleurs modèles dont nous disposons ainsi que les plus fiables. Ils permettent de conclure que la température augmentera au Canada. Elle augmentera d'ailleurs davantage en hiver qu'en été. Nous ne constaterons sans doute pas une augmentation continue de la température, mais les anomalies à cet égard changeront au fil du temps. Cette augmentation de température se traduira par une hausse des précipitations qui ne compensera cependant pas l'augmentation de l'évapotranspiration, entraînant des sécheresses se produiront.
On s'attend à ce que les écosystèmes migrent vers le nord. Or, il est prévu que la réaction biophysique soit plus lente que le rythme de la migration, ce qui signifie que les conditions climatologiques changeront plus rapidement que la capacité d'adaptation des écosystèmes. Nous pouvons nous attendre à constater un changement dans l'utilisation des terres et à ce qu'on commence à exploiter à des fins agricoles des terres aujourd'hui consacrées à la foresterie.
Certains prédisent que la forêt boréale de la Saskatchewan rétrécira parce que son extrémité sud se déplacera vers le nord plus rapidement que son extrémité nord. Le rétrécissement de la forêt entraînera une diminution de la bioforêt, de la biomasse et des réserves de carbone ainsi que l'apparition d'essences plus jeunes.
On s'attend à ce que la croissance et la productivité de la bioforêt augmentent à certains endroits propices, soit dans le nord et dans le centre de la forêt boréale. Elles augmenteront également dans la partie sud où les sécheresses devraient prendre de l'ampleur.
Qu'adviendra-t-il de la foresterie, de la faune et des collectivités? La foresterie se déplacera-t-elle vers le nord et la forêt rétrécira-t-elle au point qu'il ne sera plus rentable de l'exploiter? Comment la faune s'adaptera-t-elle à la fois au rétrécissement et à la modification de son habitat? Quels choix s'offriront aux collectivités? Iront-elles s'installer plus au nord, là où se trouveront les entreprises forestières?
Nous savons pour l'instant que la forêt présente une intolérance physiologique au changement climatique qui se constate dans les domaines suivants: floraison, pollinisation, grenaison, germination et survie compétitive. Certaines études démontrent que les conifères sont moins susceptibles de s'adapter aux deux extrémités de la forêt boréale, soit au nord et au sud, parce qu'ils ont du mal à produire des semences viables. À l'extrémité sud de la forêt boréale, on peut s'attendre à ce que plus de semis meurent.
Nous pouvons aussi escompter un changement dans la composition et la répartition des nouvelles essences.
Nous voyons cependant certains signes d'adaptation continue. Dans la forêt boréale du nord, nous avons constaté une accélération du développement physiologique des épinettes. Dans celle du sud, la floraison printanière des trembles se produit 26 jours plus tôt que par le passé.
Nous prédisons également que la fréquence, la durée et l'intensité des feux de forêt augmenteront. De nombreux scénarios existent quant aux étendues qui seront touchées par les feux de forêt. Certains prévoient une augmentation de la superficie de ces régions allant de 30 à 75 p. 100.
Nous constaterons sans doute aussi une augmentation des perturbations dues aux insectes. Nous nous inquiétons à cet égard tout particulièrement des effets des espèces étrangères. Les forêts nord-américaines sont particulièrement vulnérables aux espèces d'insectes venant d'Europe et d'Asie. Si 300 espèces d'insectes provenant d'Europe et d'Asie sont parvenues à s'implanter en Amérique du Nord, seulement 34 espèces ont fait le chemin inverse. Il est également difficile de savoir comment nous pourrons contrôler les nouvelles maladies étant donné que les insectes peuvent causer ici des dommages différents de ceux qu'ils causent dans leur pays d'origine.
Les cycles de perturbation sont aussi susceptibles d'être plus courts, ce qui nuira à la santé et à la résistance des forêts. Combien de feux de forêt peuvent subir une forêt et un écosystème avant de devenir improductifs et de ne plus pouvoir se reproduire?
Les résultats de la sécheresse de 1988 ont été souvent comparés aux répercussions du changement climatique. Cette sécheresse s'est traduite par une diminution du volume de croissance des forêts et par une augmentation de la mortalité des semis. Elle a aussi entraîné des perturbations accrues, en particulier des feux de forêt et des infestations de la livrée et de la tordeuse des bourgeons de l'épinette.
Nous pouvons aussi nous attendre à ce que les tourbières et les marécages s'assèchent, ce qui contribuera à augmenter les émissions de dioxyde de carbone et de méthane. Il s'ensuivra un rétrécissement de l'habitat faunique et un déclin de la santé générale des écosystèmes. De 1987 à 1988, l'étendue des marécages a diminué de 44 p. 100, la population de canards nicheurs a baissé de 16 p. 100 et la mortalité de la sauvagine a augmenté dans une proportion de cinq à dix fois.
Nous avons certaines stratégies en matière d'adaptation et d'atténuation à vous proposer pour la foresterie en Saskatchewan. Nous proposons d'empêcher la conversion en forêt secondaire ou forêt gérée des terres, et en particulier des marécages, des tourbières et des régions riveraines. Nous devrions aussi empêcher la conversion en forêt secondaire ou en forêt aménagée de terres comme les marécages, les tourbières et les régions riveraines. Il convient aussi de restaurer les régions dégradées et de leur redonner une partie de leur potentiel de séquestration du carbone.
Nous pouvons adapter nos politiques ainsi que les processus s'y rapportant afin de protéger l'habitat faunique et la qualité du sol et de l'eau. Nous pouvons aider l'industrie à adopter des technologies moins polluantes, et notamment à utiliser une machinerie consommant moins de carburant ou n'utilisant pas de combustibles fossiles. Nous pouvons également accroître l'efficacité de la séquestration de carbone de la foresterie commerciale et utiliser le bois pour fabriquer des produits ayant une longue durée utile comme les panneaux au lieu d'une courte durée utile comme le papier.
Nous pouvons également accroître l'efficacité de notre recyclage. Tant qu'il demeure dans un produit, le carbone n'est pas libéré dans l'atmosphère. Nous pouvons aussi accroître la durée des rotations pour favoriser une séquestration maximale du carbone dans les écosystèmes au lieu de permettre que son niveau atteigne des volumes maximaux au-dessus du sol comme c'est le cas à l'heure actuelle.
Nous pouvons aussi favoriser la régénération en pratiquant des semis et en optant pour des techniques de récolte et de préparation des sites qui perturbent le moins possible les sols pour préserver leur potentiel de séquestration du carbone. Nous pouvons aussi accroître notre protection à l'égard des perturbations en réduisant notre temps de réaction.
Il faut aussi prêter une attention spéciale à l'ouverture de nouvelles routes. Nous devrions le plus possible partager les routes qui existent actuellement. Lorsque nous ouvrons de nouvelles routes, nous compromettons encore davantage l'habitat faunique et les corridors utilisés par la faune.
Nous devrions accroître nos recherches tant sur l'adaptation des végétaux et de la faune que sur l'adaptation aux nouveaux régimes de perturbation.
Nous pouvons accroître notre participation aux efforts de surveillance internationaux comme nous l'avons fait dans le cas de la faune et des parasites étrangers. Nous pourrions aussi faire plus d'efforts pour recueillir les données voulues à l'échelle locale pour être en mesure d'établir de meilleurs modèles et pour pouvoir surveiller les activités dans ce domaine. Nous pourrions aussi chercher à améliorer les données que nous possédons sur la qualité du sol et de l'eau.
Nous devrions aussi améliorer notre compréhension du changement climatique et perfectionner les modèles permettant de faire des estimations régionales et des estimations relatives au biome. Ces modèles doivent prendre en compte les forêts.
Nous avons également certaines prévisions à vous présenter relativement à l'évolution de l'agriculture en Saskatchewan. Nous connaîtrons des saisons de croissance plus longues bien que ces saisons seront sans doute moins productives en raison de l'assèchement du sol. On s'attend à ce que les rendements des cultures diminuent de 10 à 30 p. 100 et que les cultures d'été soient plus affectées que les cultures de printemps. Il faudra sans doute irriguer davantage les terres bien que l'histoire nous enseigne que l'irrigation est nocive à long terme parce qu'elle cause souvent la salinisation et la dégradation des sols.
L'effet combiné des sécheresses et de l'irrigation nous obligera sans doute à faire des choix difficiles quant à la quantité d'eau de bonne qualité devant être réservée au bétail et aux humains.
Nous constaterons probablement aussi une augmentation des infestations d'insectes.
L'agriculture se déplacera-t-elle vers le nord à la recherche d'humidité? Combien de sols seront propices à l'agriculture? Le secteur agricole s'amenuisera-t-il de la même façon que le secteur forestier?
Nous avons certaines stratégies d'adaptation et d'atténuation à recommander en ce qui touche l'agriculture en Saskatchewan. Nous recommandons de prévenir la conversion à des fins agricoles de terres comme les marécages, les tourbières et les régions riveraines. Lorsque ces terres sont exploitées, elles perdent leur carbone. C'est en particulier vrai des tourbières et des marécages qui sont de grands réservoirs de carbone et qui mettent beaucoup plus de temps à le récupérer.
Nous pouvons aussi restaurer les terres marginales et les terres arables dégradées.
Nous pouvons améliorer nos politiques ainsi que les processus d'élaboration de ces politiques afin de protéger et de surveiller la faune ainsi que la qualité du sol et de l'eau.
Nous pouvons réduire notre utilisation des labours et de la jachère d'été. Moins nous exposons nos sols et moins nous les perturbons, plus ils demeureront productifs et plus ils maintiendront leur potentiel de séquestration de carbone. La culture sans labour a été mise à l'essai à Indian Head. Cette expérience a démontré que les rendements de blé ensemencé sans labour étaient supérieurs pendant la sécheresse au blé ensemencé avec des labours.
Nous pouvons également accroître la diversification de nos fermes. Plus les activités d'une ferme sont variées, moins elles sont susceptibles d'être toutes affectées de la même façon par des conditions climatiques extrêmes. Cette diversification aura des répercussions sur l'économie agricole. Nous pouvons favoriser la diversification des fermes en incitant les agriculteurs à pratiquer diverses activités comme l'élevage du bétail ou la foresterie. Permettez-moi de vous citer en exemple Star City, près de Melfort. La sécheresse de 2002 a retardé la pluie à tel point que la récolte de blé a été très mauvaise. Il a cependant suffisamment plu pour assurer de bons rendements de canola.
Nous pouvons également adopter une technologie propre en utilisant une machinerie consommant moins de carburant ou ne consommant pas de combustibles fossiles. Nous pouvons donner en exemple de ce genre de technologie le système de production électrique à partir de biogaz qui permet de transformer les émissions de méthane provenant du fumier en électricité et en chaleur. Cette technologie est utilisée en Europe depuis plus de 20 ans. Certaines collectivités en Alberta viennent tout juste d'en faire l'essai.
Nous devrions améliorer ou réduire notre utilisation de pesticides et nous devrions notamment choisir le meilleur moment pour les épandre, c'est-à-dire lorsque les mauvaises herbes peuvent causer le plus de tort à la culture. Les pulvérisateurs devraient être calibrés plus souvent, en particulier entre les pulvérisations de différents pesticides. Au lieu de recourir à des méthodes de contrôle chimique, il serait peut-être possible de recourir à des méthodes non chimiques comme la rotation des cultures, le contrôle biologique et l'adoption d'une approche intégrée fondée sur les meilleures pratiques de gestion.
La gestion du fumier pourrait également être améliorée en optant pour les meilleures méthodes d'épandage: l'injection dans le sol du purin et l'épandage en surface suivi de l'incorporation dans le sol du fumier solide. Nous pourrions aussi mieux choisir le moment de l'épandage des pesticides, le meilleur moment étant tout de suite après les semis. Il conviendrait également d'utiliser les meilleures méthodes d'entreposage, c'est-à-dire des réservoirs scellés pendant au moins 200 jours dans le cas du purin et des aires d'entreposage couvertes dans le cas du fumier solide.
Nous pourrions aussi améliorer notre utilisation d'engrais minéraux en optant pour la meilleure méthode d'épandage, à savoir l'injection dans le sol pour les engrais liquides et l'ammoniac et l'épandage en bandes pour les engrais secs. Le meilleur moment pour répandre ces types d'engrais est encore immédiatement après les semis. Il faudrait éviter d'épandre trop de fumier et de perdre ainsi certains éléments nutritifs. Si des terres disposent de trop d'éléments nutritifs, elles risquent de produire des émissions d'oxyde nitreux. Si des terres manquent d'éléments nutritifs, nous appauvrirons nos sols et nous réduirons leur rendement ainsi que leur potentiel de séquestration du carbone.
Il convient de procéder à des tests sur le sol au moins tous les trois ans. Plus ces tests seront fréquents, moins nous risquerons de donner trop ou pas assez d'éléments nutritifs. Nous pouvons améliorer notre compréhension du changement climatique et des modèles permettant d'établir des estimations régionales et des estimations des biomes pour tenir compte non seulement des rendements, mais aussi de tout ce qui concerne l'écosystème des terres arables.
En conclusion, le changement climatique exige une concertation des efforts de tous les intervenants, à savoir les chercheurs, l'industrie, les gouvernements et les organismes non gouvernementaux qui, avec différents outils cherchent tous à atteindre le même objectif qui est d'atténuer l'incidence du changement climatique et de s'y adapter.
Le grand public peut aussi prendre certaines mesures en ce sens. Nous pouvons améliorer nos choix en matière de consommation, réduire notre niveau de consommation et adopter un mode de vie durable. Les chercheurs peuvent évaluer les diverses options pouvant contribuer à un développement durable. L'industrie peut augmenter son efficacité en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre et en créant des puits de carbone et des puits de gaz à effet de serre au lieu de produire des émissions. Le gouvernement peut rassembler tous les intervenants, sensibiliser la population au problème et tenir compte des recherches menées par tous les organismes gouvernementaux et les organismes non gouvernementaux dans l'élaboration de ses politiques et dans ses activités quotidiennes. Le gouvernement peut aussi orienter les recherches pour qu'elles portent sur les options que tous les intervenants considèrent comme étant les plus propices au développement durable.
Le gouvernement peut également tirer parti de l'expérience internationale et chercher à établir les mesures qui ont donné de bons résultats, celles qui ont échoué et les raisons de leur échec.
Le gouvernement peut aussi favoriser les recherches portant sur la surveillance et la conservation de la biodiversité, des espèces, du bagage génétique, des écosystèmes et des habitats indigènes en offrant des allégements ou des stimulants fiscaux aux entreprises en vue de les inciter à importer de la technologie propre ou à adopter cette technologie. Il devrait exister davantage de programmes comme le Centre d'aménagement des brise-vent de l'ARAP et davantage d'essais et d'activités de surveillance devraient être menés à l'échelle locale. Les agriculteurs se demandent souvent le sens des chiffres qu'on cite. Il conviendrait qu'un plus grand nombre d'activités de surveillance soient mises en œuvre là où ils se trouvent pour les aider à comprendre l'importance de ces chiffres.
Enfin, nous devons améliorer notre compréhension du sujet à l'échelle communautaire. Cette compréhension doit aussi être améliorée au niveau mondial. Nous pouvons tirer parti de l'expérience internationale et favoriser les échanges portant sur la technologie, les politiques, les processus décisionnels et les modes de vie. Au Brésil, par exemple, les gens conduisent des voitures alimentées à l'éthanol depuis plus de 20 ans. Le Brésil a également adopté des lois protégeant les régions riveraines et interdisant qu'elles soient converties à d'autres fins.
Nous pouvons aussi citer l'exemple bien connu de Curitiba, ville qui a cherché à s'adapter de façon optimale au changement climatique en améliorant son réseau de transport vers le centre-ville où seuls les piétons sont admis. Les citoyens de cette ville n'ont pas besoin de voiture parce qu'ils utilisent surtout le transport public.
Nous pouvons aussi donner l'exemple de São Paulo, ville de 18 millions d'habitants, où les gens utilisent leur voiture à différents jours de la semaine selon le numéro apparaissant sur leur plaque d'immatriculation.
Voilà le message que je voulais vous transmettre aujourd'hui. J'espère maintenant être en mesure de répondre à certaines de vos questions.
Le président: Je vous remercie beaucoup de cet excellent exposé. Ce que j'ai surtout aimé, c'est qu'il contient un certain nombre de recommandations et de suggestions pratiques portant sur la façon dont nous pouvons nous adapter au changement climatique. Notre étude porte exactement sur ce concept.
Vous n'avez cependant pas beaucoup parlé du lien entre l'adaptation et les feux de forêt. Comme d'autres témoins, vous nous avez dit que le changement climatique est déjà une réalité qui entraînera d'importantes répercussions dont l'une est l'augmentation du nombre d'insectes et de maladies. La forêt boréale se déplace vers le nord et les feux de forêt seront plus nombreux. Personne ne nous a cependant expliqué comment nous devrions essayer de nous adapter à ce phénomène et comment tenter de prévenir les importants dommages qu'il causera.
Quelles sont les mesures de nature scientifique qui sont prises aujourd'hui à cet égard? Coupe-t-on, par exemple, des parties de la forêt pour empêcher que le feu ne se propage partout à la fois? Que fait-on aujourd'hui pour atténuer les dommages et les pertes qui résulteront d'une augmentation du nombre de feux de forêt. Il s'agit ici d'adaptation.
Mme Lac: Je n'en suis pas sûre. Je ne connais aucune mesure de ce genre. Je crois cependant qu'il existe des études sur le sujet. Je sais que certains pensent que la distribution géographique de nos moyens de lutte contre les feux de forêt changera sans doute. Ces moyens évolueront en fonction de la recherche. Je ne sais pas ce qu'on propose de faire à cet égard, mais je sais que des chercheurs se penchent sur la façon d'améliorer la répartition géographique de nos moyens de lutte contre les incendies de forêt pour que nous puissions y réagir plus rapidement.
Le président: Vous avez dit que si nous continuions à ne pas nous préoccuper de nos forêts et à les exploiter de façon trop intensive, elles finiront par ne plus pouvoir se régénérer. Pourriez-vous m'expliquer ce que cela signifie étant donné que la régénération se produit même après un feu de forêt? Dans quelles circonstances une forêt ne se régénérerait-elle pas?
Mme Lac: Comme vous le savez, les forêts se régénèrent par cycle, c'est-à-dire dans les périodes de retour à la normale que nous avons connues jusqu'à maintenant. Quand les feux de forêt se succéderont plus rapidement, elles ne pourront peut-être plus le faire.
Le président: Je comprends maintenant.
Le sénateur Tkachuk: Abstraction faite du changement climatique, je pense que les pratiques agricoles que vous proposez sont bonnes. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut réduire la quantité de pesticides que nous utilisons. De toute façon, ce sont des intrants agricoles dont nous voulons réduire le coût. Ce qu'il nous faut, ce ne sont pas davantage d'investissements gouvernementaux dans R-D. À mon avis, il faudrait investir davantage dans la recherche pure.
Vous avez mentionné le fait que l'éthanol est utilisé au Brésil. Je ne le savais pas. Le gouvernement de ce pays a-t-il décidé d'imposer l'utilisation de l'éthanol?
Mme Lac: Depuis 20 ans, le gouvernement met en œuvre un programme visant à favoriser la production d'éthanol à partir de plantations de cane à sucre. Les Brésiliens ont cependant toujours pu choisir le type de voiture qu'ils voulaient conduire. Ils peuvent décider d'acheter une voiture alimentée à l'éthanol ou une voiture alimentée à l'essence. Les voitures alimentées à l'éthanol ne sont pas les seules voitures sur le marché.
Le sénateur Tkachuk: Le gouvernement subventionne-t-il l'utilisation de l'éthanol?
Mme Lac: Oui, le programme est subventionné.
Le sénateur Tkachuk: Le Brésil ne coupe-t-il pas des forêts justement pour pouvoir cultiver davantage de cane à sucre?
Mme Lac: La culture de la cane à sucre a sa propre histoire. Certaines forêts ont été converties à cette culture il y a longtemps.
Le sénateur Tkachuk: J'ai entendu dire qu'on pratiquait maintenant de plus en plus l'agriculture sur des terres qui faisaient autrefois partie de la forêt pluviale justement parce qu'on veut cultiver davantage de canes à sucre.
Mme Lac: Je ne pense pas que ce soit exactement ce qui se passe. La déforestation est surtout causée par la construction de nouvelles routes. Lorsque de nouvelles régions sont développées, les gens doivent avoir accès à la forêt pour pouvoir pratiquer l'agriculture afin de subvenir à leurs besoins. Le gros problème, c'est l'ouverture de nouvelles routes dans la forêt.
Le sénateur Tkachuk: Vous pourriez peut-être examiner certaines idées qui pourraient être utiles aux Canadiens. Je ne dénigre pas ce que vous avez dit, mais il fait moins 30 aujourd'hui. La raison pour laquelle les gens de la Saskatchewan, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique utilisent des voitures, c'est pour se rendre d'un endroit à l'autre dans un climat aussi froid. Nous consommons aussi de l'énergie pour chauffer nos maisons afin de survivre. Nous vivons dans un pays très grand dont le climat est très froid. Les Canadiens sont répartis sur cet immense territoire. Nous utilisons l'énergie très efficacement, sans doute plus efficacement que la plupart des habitants du monde. Nous ne la gaspillons pas. Nous en avons besoin. Il ne faudrait pas l'oublier. La Russie consomme peut-être l'énergie de façon plus efficace que nous, mais j'en doute. Nous venons probablement en première place à cet égard.
Mme Lac: Je ne peux pas convenir avec vous que nous utilisons nos ressources efficacement. J'aimerais que Mme Coxworth dise quelques mots à ce sujet. Je pense qu'elle aimerait d'ailleurs le faire.
Mme Ann Coxworth, coordonnatrice du programme des bénévoles, Saskatchewan Environmental Society: Madame le sénateur, nous nous entendons sur cette question. Le principal objectif de la Saskatchewan Environmental Society, c'est d'améliorer l'efficacité de notre consommation énergétique. Je pense que nous savons tous qu'il serait possible de doubler l'efficacité énergétique des véhicules que nous conduisons. C'est vrai que nous ne pouvons pas nous passer de nos véhicules, mais nous savons maintenant comment construire des véhicules qui sont beaucoup moins énergivores que ceux que nous conduisons maintenant. Il faut mettre en œuvre des programmes qui rendront ces véhicules plus accessibles et plus attrayants.
Nous savons aussi comment chauffer nos maisons en consommant beaucoup moins de combustible que nous ne le faisons à l'heure actuelle. On trouve à Saskatoon la maison la plus éconoénergétique du Canada. Elle n'a même pas d'appareil de chauffage parce qu'elle n'en a pas besoin.
Le président: Comment est-elle chauffée?
Mme Coxworth: On fait circuler dans la maison de l'eau qui a été réchauffée par l'énergie solaire. L'énergie excédentaire provenant des appareils ménagers constitue l'autre source d'énergie. La maison est si bien isolée qu'elle conserve même la chaleur corporelle qui se dégage des personnes. Comme elle est munie d'un échangeur de chaleur air- air, il n'y a pas de perte de chaleur lorsqu'on l'aère.
Nous savons comment économiser de l'énergie. Il faudrait se donner comme priorité de diffuser cette information.
Le sénateur Tkachuk: Pensez-vous que les gens adopteront cette technologie pour des raisons économiques? Je sais que beaucoup d'habitants de la vallée de l'Okanagan chauffent maintenant leurs maisons avec un système à eau et que de plus en plus de gens chauffent également leurs maisons au moyen de l'énergie solaire en ayant recours à la biénergie. S'ils le font, c'est qu'ils peuvent ainsi chauffer leur maison à moindre coût qu'avec le gaz naturel, par exemple.
Mme Coxworth: L'adoption de cette technologie se fera plus rapidement si nous cessons de subventionner l'industrie des combustibles fossiles.
Le sénateur Tkachuk: Et comment le faire?
Mme Coxworth: Je ne connais pas à fond les subventions accordées aux entreprises d'exploration et de développement des combustibles fossiles, mais je sais qu'elles existent.
Le sénateur Tkachuk: Ces entreprises jouissent d'une déduction fiscale au titre de l'exploration tout comme toutes les entreprises qui font de la R-D. Il ne s'agit pas d'une subvention.
Le sénateur Gustafson: Vous avez fait allusion dans votre exposé au blé qui est cultivé malgré la sécheresse à Indian Head. S'agit-il d'une variété particulière? Vous avez parlé de blé Star City.
Mme Lac: Il ne s'agit pas de blé Star City, mais de blé qui est cultivé à Star City. C'est la région dans laquelle l'étude a été menée.
Le sénateur Gustafson: S'agit-il d'une variété de blé particulière? Pourquoi peut-on produire plus de blé à Indian Head qu'à Macoun?
Mme Lac: Je ne peux pas répondre à brûle-pourpoint à cette question, mais je consulterai mes documents.
Le sénateur Tkachuk: Les recherches effectuées à Star City ont-elles été menées par le gouvernement fédéral à la station de recherche agricole qui s'y trouve? Je crois qu'il y a deux stations de recherche, l'une à Indian Head et l'autre, à Melfort.
Le président: Vous avez parlé de la diversification agricole et vous avez comparé les rendements de blé et de canola en 2002, les seconds étant supérieurs.
Mme Lac: Oui. Je peux vous fournir plus de renseignements là-dessus.
Le président: Que pouvez-vous nous dire aujourd'hui au sujet des rendements?
Mme Lac: Le rendement moyen sur 12 ans sans labours s'est élevé à 32 boisseaux l'acre et à 10 boisseaux l'acre, durant l'année de la sécheresse. Le rendement a été de 30 boisseaux l'acre avec les labours normaux et de cinq boisseaux l'acre durant l'année de la sécheresse.
Le sénateur Gustafson: C'est intéressant. Je vous serais reconnaissant de nous fournir ces renseignements.
Mme Lac: J'essaierai de vous envoyer cette étude.
Le sénateur Wiebe: Au début de votre exposé, vous avez dit que la forêt boréale rétrécissait et vous avez dit craindre qu'elle finisse par servir à des fins agricoles. Le sol se prêterait-il à l'agriculture? Les agriculteurs ont toujours fait beaucoup de déboisement. Si le sol était bon et contenait suffisamment d'humidité, je crois qu'ils déboiseraient les terres et les ensemenceraient. À mesure que la forêt boréale rétrécira, les terres qui deviendront disponibles pourront- elles servir à la culture du blé ou du canola? Devrions-nous plutôt essayer de trouver de nouvelles essences qui prospéreront dans ce sol et dans ce climat?
Mme Lac: Nous ne pouvons pas repousser toujours plus au nord la forêt et les écosystèmes naturels. Nous pouvons cependant choisir des espèces qui s'adapteront à ce changement et essayer de récupérer la partie de la forêt boréale au sud qui se déplace. Nous pouvons planter davantage de trembles et l'industrie peut s'adapter à ce changement au lieu de devoir se déplacer vers le nord.
Le sénateur Wiebe: Comme le président, je pense que les recommandations que vous nous avez faites nous seront très utiles. Nous y réfléchirons une fois à Ottawa.
J'aimerais dire quelques mots au sujet de l'idée voulant qu'on demande aux gens de conduire leur voiture certains jours de la semaine seulement. Des membres de ma famille vivent au Mexique et ils me disent que pour contourner ce problème, certaines personnes achètent deux voitures qu'ils conduisent à tour de rôle. Comme il s'agit cependant de voitures neuves qui consomment moins d'énergie, l'environnement y gagne quand même. Il faut essayer d'éviter un système à deux plaques.
Mme Lac: Cela se produit aussi à São Paulo. C'est cependant une façon de favoriser un changement de mentalité. Si l'on prenait des moyens pour sensibiliser la population, les gens auraient honte de recourir à ce genre de stratagème. Cela favoriserait aussi le covoiturage.
Le sénateur Gustafson: Les gens aiment aujourd'hui conduire des véhicules à quatre roues motrices qui ne font que 20 milles au gallon. Je m'en sers sur ma ferme et dans des endroits où ils sont nécessaires. Les citadins conduisent cependant ces voitures parce qu'elles sont à la mode. Il est possible d'acheter une voiture qui fait 35 milles au gallon. Nous parlons beaucoup de l'adaptation, mais sommes-nous prêts à en payer le prix? C'est peut-être la vanité qui nous empêche de le faire.
Mme Lac: Je ne pense pas que les gens choisissent d'acheter de grosses voitures parce qu'elles consomment beaucoup d'essence. Si les gens veulent une grosse voiture, ils ne peuvent pas trouver une voiture qui utilise un autre carburant que l'essence. Je ne pense pas que les gens achètent de gros véhicules simplement pour consommer davantage de carburant.
Le sénateur Gustafson: Un véhicule à quatre roues motrices consomme beaucoup plus de carburant. Cela ne fait aucun doute. Je conduis des camions à quatre roues motrices sur ma ferme parce que c'est nécessaire. Beaucoup de gens se servent cependant de ces véhicules alors qu'une voiture, petite ou grosse, consommerait beaucoup moins d'essence au gallon.
Mme Lac: Je faisais simplement valoir que les gens ne choisissent pas ces véhicules simplement pour produire des émissions. Ils les choisissent pour d'autres raisons. C'est peut-être une question de goût et c'est peut-être aussi parce qu'ils veulent pouvoir transporter davantage d'enfants. Il est possible de sensibiliser les gens pour qu'ils songent à d'autres options. Je pense qu'il faut conserver certaines options ouvertes. Si je veux une grosse voiture ou une camionnette, quelles options s'offrent à moi pour ce qui est du carburant?
Le sénateur Tkachuk: À qui appartient la responsabilité? S'agit-il d'une responsabilité individuelle? Est-ce le gouvernement qui doit faire en sorte que des véhicules propres soient accessibles sur le marché aux personnes qui veulent acheter de grosses voitures? Comment prendre des décisions qui sont sensées au plan économique?
Mme Lac: Il ne s'agit pas de répartir les torts. La responsabilité n'incombe ni entièrement au gouvernement, ni entièrement aux citoyens. Il s'agit de décider ensemble des technologies dont nous voulons nous doter, des types de changements que nous sommes prêts à accepter et des compromis que nous sommes prêts à faire. Il faut mettre l'accent sur l'éducation du public. Nous devons nous réunir plus souvent pour discuter de ce qui est acceptable au public et des meilleurs choix qui s'offrent à nous. Nous ne pouvons pas simplement nous contenter d'accepter les recommandations qui sont faites par un secteur, qu'il s'agisse des chercheurs ou du gouvernement. Ce n'est pas une bonne façon de procéder. Il faut faire participer les principaux intervenants à la réflexion pour que les options qui sont envisagées soient des options qui reflètent un consensus dans la société. L'éducation du public revêt beaucoup d'importance.
Le sénateur Tkachuk: L'objectif est-il de réduire le dioxyde de carbone ou de réduire la consommation de combustibles fossiles simplement parce que c'est ce que nous pensons devoir faire?
Mme Lac: Ce n'est pas que c'est ce que nous pensons devoir faire. Notre climat ne change pas sans qu'il y ait une cause. Il change parce que nous avons fait de mauvais choix. Nous devons maintenant faire de bons choix dans le domaine énergétique et faire en sorte que toute la société vise le même but.
Le sénateur Tkachuk: Comme le but que poursuit la Chine, l'Inde et tous ces autres pays?
Mme Lac: Nous pouvons peut-être apprendre quelque chose de ces pays. Ils ont aussi quelque chose à apprendre de nous.
Le président: Madame Lac, comme vous le voyez, nous aurions encore beaucoup de questions à vous poser parce que votre exposé a suscité une discussion intéressante. Nous vous remercions beaucoup, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, pour cet excellent exposé.
La séance est levée.