Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 10 - Témoignages du 25 février 2003 - Séance de l'après-midi
EDMONTON, mardi 25 février 2003
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 13 h 32 pour étudier, en vue d'en faire rapport, l'impact du changement climatique sur l'agriculture, les forêts et les communautés rurales au Canada et les stratégies d'adaptation potentielles axées sur l'industrie primaire, les méthodes, les outils technologiques, les écosystèmes et d'autres éléments s'y rapportant.
Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Notre premier témoin est M. Bart Guyon, de l'Alberta Association of Municipal Districts and Counties.
M. Bart Guyon, vice-président, Alberta Association of Municipal Districts and Counties: Je vous remercie de votre invitation. Sur la scène politique, je suis préfet du comté de Brazeau, une communauté située à environ 80 milles au sud-ouest d'Edmonton. Je suis également vice-président de l'Alberta Association of Municipal Districts and Counties. Cette association représente à peu près 95 p. 100 du territoire de l'Alberta, mais seulement 16 p. 100 de sa population.
La diversité, en Alberta, est pour nous tout un défi. J'élève des bisons, des wapitis et des cerfs sur un ranch de 4 000 acres, en plein coeur des champs de pétrole et de gaz de Cardium, parmi les plus vastes au pays. Il y a donc deux univers qui cohabitent, deux industries très différentes, et je suis très conscient de ces deux aspects.
Les deux questions dont je voudrais vous parler aujourd'hui — d'abord les répercussions globales des changements climatiques et de ce qui s'en vient sur ce plan-là, et ensuite la propriété des crédits de carbone — représentent des enjeux pour ces deux industries et pourraient avoir une incidence sur elles.
Nous avons connu un certain nombre de catastrophes, depuis les tornades comme celle qui a dévasté Pine Lake en 1991 jusqu'aux orages qui s'abattent régulièrement sur l'Alberta. Nous avons l'habitude des variations climatiques, mais la sécheresse de l'été dernier a probablement été la catastrophe la plus étendue et la plus généralisée à frapper la province. Elle a eu des conséquences désastreuses, qui vont probablement se faire sentir un certain temps. Le dernier rapport, en décembre, indiquait que le niveau d'humidité dans le sol n'était pas suffisant pour permettre la germination des semences sur plus de 90 p. 100 du territoire de la province.
Pendant cette sécheresse, j'étais à Ottawa. J'ai téléphoné au bureau de Paul Tellier, au CN, pour savoir quelles étaient les conséquences de la situation. Les gens du CN m'ont dit que la sécheresse leur avait fait perdre plus de 100 millions de dollars, notamment au chapitre du transport des marchandises. La sécheresse est donc, et de loin, la pire catastrophe qu'aient connue les diverses régions du pays.
Votre comité pourrait aider en encourageant la tenue de nouvelles études visant à comprendre quels effets pourrait avoir toute cette question du changement climatique et à réfléchir aux programmes qui pourraient être utiles pour atténuer les conséquences dommageables de ce changement.
Il y a un programme très efficace à l'Administration du rétablissement agricole des Prairies, l'ARAP, qui a commencé à cartographier les réserves souterraines. Nous devons savoir quelles sont nos ressources, et quelles vont être nos réserves d'eau. L'ARAP s'est révélée un outil efficace à cette fin. Elle a apporté certains changements subtils.
En plus des pipelines et des projets d'envergure régionale que soutient l'ARAP, il y a aussi un programme qui a permis aux producteurs eux-mêmes de tirer parti d'un partenariat avec le gouvernement fédéral en forant des puits, en installant des fosses-réservoirs et en essayant de trouver des moyens de faire face aux catastrophes comme la sécheresse.
Pour une raison que j'ignore, le gouvernement fédéral s'est arrêté là. Le projet existe encore en Saskatchewan et au Manitoba, mais pas en Alberta. C'est peut-être en partie parce que le gouvernement de l'Alberta a conçu son propre programme pour lutter contre les conséquences de la sécheresse. Mais nous ne trouvons pas cela juste ou équitable que les agriculteurs albertains ne puissent pas profiter du même programme que les autres.
Nous vous encourageons donc à utiliser tous les moyens de pression à votre disposition pour faire en sorte que les agriculteurs de l'Alberta jouissent des mêmes possibilités que leurs homologues de la Saskatchewan et du Manitoba.
Le gouvernement fédéral devrait également faire de la recherche sur les différentes espèces végétales et animales. Si nous voulons produire de la nourriture, le gouvernement fédéral devrait faire de la recherche sur les types de plantes et d'animaux les plus appropriés à notre climat changeant. Cela aiderait les Canadiens de tout le pays.
Je voudrais vous parler également de la séquestration du carbone. Les producteurs craignent que le gouvernement fédéral s'approprie les crédits de carbone qui reviennent de droit aux producteurs, aux propriétaires fonciers — aux gens qui se trouvent sur le terrain.
L'agriculture est une industrie difficile. Les crédits de carbone pourraient lui garantir une certaine viabilité à long terme parce qu'ils apporteraient des revenus un peu plus élevés aux producteurs. La plupart des agriculteurs, dans le monde d'aujourd'hui, ont besoin d'un deuxième emploi simplement pour faire vivre leur ferme. Je me demande bien combien il y en a parmi vous qui ont besoin d'un deuxième emploi pour subventionner celui que vous occupez en ce moment. Je dirais probablement...
Le sénateur Wiebe: Moi. C'est ici, l'emploi qui fait vivre ma ferme.
M. Guyon: Vous comprenez ce que je veux dire.
Vous pouvez concevoir des programmes qui enverront les bons messages aux agriculteurs et qui les convaincront de modifier certaines de leurs pratiques agricoles pour y incorporer la séquestration du carbone. Ils pourraient intensifier leurs activités forestières, par exemple en s'occupant d'exploitation forestière, de terres à bois ou d'autres choses de ce genre. Si vous concevez les programmes de manière à ce que les agriculteurs puissent en profiter, ils devraient normalement s'en prévaloir parce que cela leur procurera des avantages économiques.
Autrement, je ne suis pas certain qu'ils ne décideront pas tout simplement de rentabiliser leurs terres au maximum et d'essayer de produire le plus possible, ce qui, dans la plupart des cas, n'est pas la façon la plus écologique de gérer des terres. On essaie de faire paître le plus d'animaux possible et de leur faire brouter le moindre brin d'herbe parce qu'on est payé au volume. S'il y avait une autre façon de faire qui serait plus conforme à tout ce que prône le mouvement écologiste, la séquestration du carbone pourrait être un outil utile en ce sens.
Je suis prêt à répondre à vos questions sur l'un ou l'autre de ces sujets, et je pourrai peut-être aborder d'autres sujets pendant la période de questions et réponses.
Le président: Je vous remercie de vos commentaires. Vous avez soulevé trois ou quatre questions majeures qui ont déjà été portées à l'attention de notre comité, tant hier, en Saskatchewan, qu'au cours de nos audiences à Ottawa.
Je sais que les membres du comité vont vouloir en savoir plus long sur les questions comme la séquestration du carbone et la propriété des crédits de carbone.
Le sénateur LaPierre: Vous avez dit que vous étiez préfet de votre communauté?
M. Guyon: Oui, en effet. C'est ce qu'on appelle dans votre province le président du conseil de comté. C'est la même idée.
Le sénateur LaPierre: Est-ce une grosse communauté?
M. Guyon: Elle compte environ 7 000 personnes. Et elle n'est pas très étendue; elle fait environ 60 milles sur 30.
Le sénateur LaPierre: Les gens qui y vivent travaillent dans l'agriculture, les forêts, le pétrole et l'élevage?
M. Guyon: Oui, dans tous ces domaines. C'est une communauté très diversifiée, où on pratique autant l'agriculture traditionnelle que l'élevage d'un nouveau genre, par exemple celui du wapiti, du cerf et du bison.
Le sénateur LaPierre: Vous avez une école secondaire?
M. Guyon: Nous avons des écoles.
Le sénateur LaPierre: Oui, mais avez-vous une école secondaire ou si vos jeunes doivent aller ailleurs pour faire leurs études secondaires?
M. Guyon: Les jeunes de nos zones rurales font probablement entre une heure et une heure et vingt minutes d'autobus en moyenne. C'est là que j'ai grandi et c'était déjà le cas quand j'étais jeune.
Le sénateur LaPierre: Quel est l'âge moyen?
M. Guyon: C'est une communauté relativement jeune. À Drayton Valley, la moyenne d'âge se situe probablement autour de 40 ans, surtout parce que le pétrole et le gaz ont attiré beaucoup de jeunes travailleurs dans ce secteur.
Le sénateur LaPierre: Quand on vit dans une petite communauté où les changements climatiques risquent d'avoir un effet, d'une manière ou d'une autre, sur chacun de ses 7 000 membres à cause des répercussions de ces changements et de l'adaptation qui sera nécessaire, quelle est l'humeur générale? Est-ce que les gens sont stressés? Est-ce qu'ils ont peur? Ou est-ce qu'ils se disent: «Voilà ce qui se passe; nous avons déjà vu pire et nous allons survivre.»
M. Guyon: Je dirais que tout le monde, en agriculture, a pas mal son voyage. Il n'y a pas vraiment moyen de rester dans le noir.
Le sénateur LaPierre: Excusez-moi. Que voulez-vous dire exactement quand vous dites que tout le monde «a son voyage» et qu'il est difficile de rester «dans le noir»?
M. Guyon: Je veux dire que les gens sont vraiment rendus au bout du rouleau. Ils ont épuisé toutes leurs réserves depuis quelques années. J'entends des gens d'affaires très intelligents, très avisés — de bons agriculteurs — dire que s'ils réussissent à s'en sortir cette fois-ci, ce sera pour de bon.
Il y a beaucoup de gens qui veulent se retirer de l'agriculture ces temps-ci. À cause du capital qu'ils ont investi et parce que les prix des produits de base sont actuellement dans le troisième sous-sol, il est difficile de se retirer actuellement parce que cela aggraverait encore les choses. Il y a des gens qui vont s'accrocher, mais en général, ils voudraient bien faire autre chose. Ils en ont assez.
Le sénateur LaPierre: Il y a donc beaucoup de stress dans votre communauté?
M. Guyon: Je dirais que les gens sont très stressés.
Le sénateur LaPierre: Parlez-moi un peu des jeunes. Est-ce qu'ils sont stressés eux aussi ou s'ils attendent tout simplement le jour où ils pourront s'en aller?
M. Guyon: Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de gens qui souhaitent se lancer dans l'agriculture. Si je cédais ma ferme à mes enfants, je serais probablement accusé de cruauté envers les enfants parce que cela ne les intéresse tout simplement pas.
J'ai travaillé aussi fort que j'ai pu, et je survis. J'ai planté 70 000 poteaux de clôture, j'ai utilisé 230 000 crampons, j'ai installé un demi-million de pieds de clôture, et j'ai travaillé sans relâche sur la ferme. Je pense que, quand j'en sortirai, je ne voudrai plus rien savoir de l'agriculture. C'est la même chose pour bien des gens. Ils sont vraiment frustrés, et le gouvernement fédéral ne semble pas leur accorder le même niveau de soutien qu'aux États-Unis et en Europe. Quand on n'a pas le soutien de son propre pays, c'est plutôt décourageant.
Le sénateur LaPierre: Ce sentiment de la futilité des choses est-il le résultat de la dégradation des conditions économiques entourant l'agriculture et les forêts, ou de la menace du réchauffement climatique?
M. Guyon: Il y a un peu des deux. Quand on fait de l'argent sur la ferme, c'est un mode de vie plutôt agréable, mais quand il faut constamment se battre contre le climat et contre les programmes, c'est très difficile. Il est généralement possible de s'adapter au climat et de changer graduellement ses habitudes, par exemple de produire des cultures fourragères plutôt que des céréales ou de vendre son bétail pour élever des bisons. Mais quand on se fait taper sur la tête un peu trop souvent, on finit par décider qu'assez, c'est assez.
Le sénateur LaPierre: Quand vous trouverez que «c'est assez», est-ce que vous allez quitter votre communauté? Et quand est-ce que ce sera «assez»?
M. Guyon: C'est déjà commencé. J'ai racheté une demi-douzaine de fermes à des gens qui s'en allaient, et pourtant je ne suis pas dans l'agriculture depuis tellement longtemps, ce qui veut dire qu'il y a des gens qui partent. Je vis d'espoir, et c'est la même chose pour bien des gens. Beaucoup d'agriculteurs ont dû s'agrandir constamment pour pouvoir produire de plus en plus avec de moins en moins, mais il y a des limites. En définitive, nous aurons une parcelle de terre que nous pourrons vendre comme fonds de retraite, en quelque sorte. Mais il y a une foule de gens qui ne peuvent tout simplement pas faire ce genre de chose. Il y en a qui vont rester, et d'autres qui vont partir.
Le sénateur LaPierre: Alors, avec le temps, votre communauté va mourir?
M. Guyon: Si elle dépendait uniquement de l'agriculture, je pense qu'elle subirait le même sort qu'en Saskatchewan. C'est l'exemple classique d'une province dont la population est partie graduellement. Dans notre communauté, nous avons du pétrole et du gaz, des forêts et d'autres ressources, ce qui fait que les gens peuvent passer d'une industrie à l'autre. Personnellement, j'aime la terre et l'agriculture. Je vais continuer le plus longtemps possible. Mais nous avons subi des coups très durs ces dernières années.
Le sénateur LaPierre: La majorité des 7 000 personnes de la communauté — du moins celles qui gagnent leur vie — vivent-elles de l'agriculture et des activités connexes, ou plutôt du pétrole et du gaz?
M. Guyon: Je ne voudrais pas m'attarder trop longuement sur ma communauté parce que je suis ici pour représenter l'ensemble de la province, mais je peux vous donner une idée de la situation. Il y a environ 550 agriculteurs dans notre municipalité. Les autres travaillent ailleurs. Et je dirais que la majorité des agriculteurs — probablement de 85 à 90 p. 100 — ont un deuxième emploi pour soutenir leurs activités agricoles.
Le sénateur LaPierre: Le réchauffement climatique entraîne une détérioration. Autrement dit, il crée des problèmes sociaux, des problèmes d'adaptabilité, de logement et de stress?
M. Guyon: Le changement climatique nous oblige à changer. Nous aimons bien le changement, mais pas de façon constante. Chez nous, la pluie commençait au printemps et durait jusqu'aux gels de l'automne. La vie était dure à Drayton Valley, et les gens travaillaient fort. Il pleuvait tout le temps. On s'embourbait même dans les rues principales. C'était à ce point-là.
Maintenant, je répare mon équipement avec une clé à tube de 24 pouces parce que c'est le seul outil que je peux retrouver dans les crevasses du sol. La situation a changé du tout au tout. La sécheresse a aussi amené des insectes et des maladies. Nous n'avions jamais eu de problème de sauterelles. Maintenant, nous nous demandons quoi faire avec les sauterelles parce qu'elles dévorent toute l'herbe à mesure qu'elle pousse.
Nous n'avions jamais à nous inquiéter de l'eau. Il y avait toujours des mares d'eau dans les champs. Or, j'ai foré deux puits et installé deux fosses-réservoirs l'été dernier parce que, quand on manque d'eau, l'effet s'en fait sentir immédiatement. On a environ quatre jours pour réagir. Si les animaux n'ont pas d'eau, ils meurent les uns après les autres.
Quand cela se produit et que les pâturages sont épuisés, on commence à paniquer et on prend des décisions dictées par la panique. S'il y avait des programmes en place pour les aider à faire face aux répercussions des changements climatiques, les gens pourraient peut-être s'accrocher un peu plus longtemps.
Dans le sud, par exemple, il y a toutes sortes de projets d'irrigation et d'autres choses du genre. La sécheresse y est à peu près constante depuis quatre ans. Il n'y a rien de bon dans la sécheresse, mais au moins, il y a maintenant une infrastructure en place pour permettre aux gens de pallier les effets de la sécheresse. Il y a des canaux d'irrigation et d'autres choses du genre.
Dans bien des régions de l'Alberta, il n'y a pas d'infrastructure. Vous savez, pour forer quatre puits quand tout le monde essayait de faire la même chose, j'ai dû attendre un mois simplement pour avoir une foreuse. En attendant, on pompe de l'eau et on fait tout ce qu'on peut en mode «panique».
Quand il y a des programmes en place, il est possible d'aider à faire face à certains de ces désastres. À Winnipeg, on a érigé des digues et des canaux pour prévenir les inondations; l'infrastructure est là. Mais ici, les choses se passent tellement vite que nous n'avons pas l'infrastructure nécessaire.
Nous espérons que le gouvernement fédéral pourra nous aider sur le plan de la R-D, et qu'il pourra aussi fournir une contribution monétaire pour nous aider à contrer ces effets, par exemple en payant le tiers des coûts relatifs aux puits et aux fosses-réservoirs dans le cadre de l'ARAP ou en prenant toute autre initiative qui nous aiderait à comprendre quels types de plantes et d'animaux nous pourrions cultiver ou élever.
Le sénateur LaPierre: Si je vous pose toutes ces questions, c'est parce que je suis parti en croisade pour savoir exactement comment les gens sont touchés par les changements climatiques. Nous recevons une foule d'information fort intéressante de scientifiques très savants, mais je pense que vous êtes le premier de nos témoins à qui je peux poser ces questions parce que vous vivez vraiment sur la ferme et que vous connaissez la situation.
Je vous remercie infiniment. Je ne cherchais pas à m'immiscer dans votre vie privée. Je voulais simplement connaître votre histoire parce que c'est seulement de cette façon que nous allons pouvoir vous aider, vous et vos concitoyens. Si nous ne savons pas ce qui se passe, nous ne pouvons rien faire.
Le président: Vous dites que vous avez creusé des puits pour pouvoir donner de l'eau à votre bétail l'an dernier. Mais qu'avez-vous fait pour votre foin et votre fourrage pendant la sécheresse?
M. Guyon: J'ai pleuré. J'ai vraiment paniqué. Je ne peux pas vous parler de ce que les autres ont vécu, mais c'était assez similaire. La majeure partie de mon foin venait du nord de la Colombie-Britannique et du nord de l'Alberta. Je le payais normalement de 30 $ à 40 $ la botte, mais j'ai dû payer 120 $ la botte à ce moment-là.
Nous avons manqué de fourrage à cause de la sécheresse, et les pâturages se sont épuisés; j'ai donc dû commencer à nourrir les bêtes en août. Normalement, je ne nourris pas mes bisons, mes wapitis et mes cerfs avant janvier ou février parce qu'il y a assez d'herbe sous la neige pour leur permettre de s'alimenter eux-mêmes.
Quand le prix de votre produit diminue de moitié, que le coût de votre fourrage triple et que l'hiver dure de 20 à 30 p. 100 plus longtemps, cela fait trois gros coups sur la tête. C'est très difficile. C'est comme si vous aviez un magasin et que, tout d'un coup, la moitié de vos stocks perdaient la moitié de leur valeur, que le tiers de vos clients disparaissaient et que les congélateurs étaient en panne.
Nous réussissons à survivre. La plupart des gens ont probablement réduit leur troupeau de moitié, en vendant leurs bêtes à perte, mais au moins, ils auront deux fois moins de bouches à nourrir l'an prochain. Certaines personnes ont commencé à mettre une infrastructure en place pour éviter de devoir investir dans la panique. Il y en a qui ont des réserves, mais une fois que ces réserves seront épuisées, ce sera fini.
Le sénateur Gustafson: Je me pose des questions sur la notion de «changements climatiques». Nous avons déjà eu des sécheresses; c'est en bonne partie cyclique. Les scientifiques nous disent qu'il s'agit d'un pourcentage d'un pourcentage sur un certain nombre d'années. Nous avons peut-être tort d'attribuer ce problème de sécheresse aux changements climatiques. Est-ce que c'est juste?
M. Guyon: Oui, tout à fait. Je ne suis pas un spécialiste des changements climatiques, mais je sais que la majeure partie de la province a connu sa pire sécheresse depuis la Confédération. Quelles qu'en aient été les raisons, c'était très sérieux. La sécheresse n'est qu'une des choses qui influe sur l'agriculture. Je pense que c'est la goutte qui a fait déborder le vase. Les prix des produits de base ne cessent de baisser. Mais la sécheresse a été le grand coup qui a vraiment mis les gens dans le pétrin.
Le sénateur Gustafson: Dans la région où vous vivez, vous avez connu la sécheresse des années 30?
M. Guyon: Je suis né en 1955, et nous nous sommes installés dans la région en 1959. Mes parents et mes grands- parents parlaient de la sécheresse des terribles années 30. Ils sont arrivés de la Saskatchewan et se sont installés tranquillement à Drayton Valley. En fait, je pense qu'ils ne se sont pas vraiment établis là; ils y sont simplement restés.
Il y a des cycles. Je comprends cela. Mais la sécheresse a eu d'énormes conséquences économiques. À chaque cycle, il y a d'énormes conséquences économiques. Quand les agriculteurs ferment boutique, les petites villes ferment aussi. Et quand les petites villes ferment, les compagnies ferroviaires perdent de l'argent. Quand les compagnies ferroviaires n'ont pas d'argent, les banques n'en ont pas non plus. Et quand les banques n'ont pas d'argent... Le problème fait boule de neige.
Le sénateur Gustafson: Don Mazankowski avait l'habitude de dire que chaque dollar dépensé pour l'agriculture se multipliait par 24. Avec tout le respect que je dois aux libéraux qui se trouvent autour de la table, j'ai l'impression que notre gouvernement l'a oublié. En fait, nous ne mettons pas d'argent dans l'agriculture.
Au cours des douze dernières années, les sommes consacrées au ministère de l'Agriculture ont diminué dans une forte proportion. Peut-être que nous ratons là une occasion d'assumer la responsabilité qu'a tout le Canada envers l'agriculture.
Vous élevez des wapitis. C'est plutôt exotique. Vous avez eu des problèmes avec cet élevage?
M. Guyon: Presque tous les efforts que j'ai faits pour diversifier mes activités se sont envolés en fumée. Je suis allé à une rencontre mondiale sur la production animale, ici à Edmonton, en 1991. C'était la première fois en 65 ans, ou à peu près, qu'elle avait lieu à Edmonton.
On nous a dit que, pour qu'un pays soit vraiment concurrentiel au niveau mondial, il fallait y élever des animaux indigènes. En Alberta, on nous a donné l'occasion d'élever des wapitis, des cerfs, des orignaux, des mouflons d'Amérique et d'autres espèces de ce genre. Je me suis lancé dans cet élevage pour diversifier mes activités et parce que c'était tout à fait logique. Pour élever des bovins, il faut une étable, des abris, du fourrage, et ainsi de suite. Mais, comme les wapitis, les cerfs et les bisons sont des espèces indigènes, qui viennent de notre région du monde, ce sont des animaux parfaits pour un éleveur.
Je suppose que, si je vivais au Mexique, j'élèverais des iguanes et des aras dans la forêt pluviale tout simplement parce que c'est ce qui serait le plus logique là-bas. C'est là-dedans que je me suis lancé. Il y a certains éléments politiques qui ont probablement été plus destructeurs que l'occasion qui nous avait été offerte, y compris les fermes de chasse et les endroits où on pêche par exemple dans des fosses-réservoirs.
Le sénateur Gustafson: Eh bien, la diversification est la grande question du jour depuis 20 ans. Nous avons parcouru tout le cycle, nous avons diversifié nos activités et nous nous sommes retrouvés au même point — et parfois plus mal en point — qu'avant.
Il y a maintenant un concept à la mode qui est extrêmement intéressant et qui veut dire que nous devons nous occuper de nos propres produits. Je cherche le mot. Vous voyez ce que je veux dire?
M. Guyon: La valeur ajoutée?
Le sénateur Gustafson: C'est très à la mode, cette idée de «valeur ajoutée», même s'il y a biens des endroits où on a essayé cela et où cela n'a pas marché. Ce qui est arrivé à l'usine de Regina en est l'exemple le plus récent.
Ce que je veux dire, c'est qu'il est probablement vrai que nous cherchons à droite et à gauche pour essayer de trouver des solutions, mais que nous n'avons pas de véritable programme en place, au niveau national, pour lutter contre les problèmes très graves comme la sécheresse.
Tant que nous n'aurons pas quelque chose de stable, un pays comme le Canada n'a aucune raison de laisser l'agriculture mourir à petit feu. Nous avons des terres arables; nous avons du potentiel. Quand j'étais petit, à l'école, on nous disait que nous habitions le grenier du monde. Des villes comme Big Beaver se targuaient de nourrir la planète. Nous pourrions difficilement dire la même chose de nos jours.
M. Guyon: Oui. C'est de plus en plus difficile. Nous nous dirigeons vers un modèle de grandes exploitations agricoles fondées sur le volume. Nous commençons à perdre certains aspects sociaux: les petites villes, les valeurs qu'elles apportent, la morale du travail, l'honnêteté et l'ouverture. Je ne sais pas; il me semble que le Canada rural, l'Alberta rurale, a une saveur particulière. Et je pense que cela va se perdre en partie.
Nous avons maintenant quelques générations qui ne connaissent pas grand-chose à la ferme. Vous vous souvenez probablement d'être allés à la ferme de grand-maman, ou alors vous avez eu vous-mêmes une ferme. Ce sont de beaux souvenirs.
Le sénateur Gustafson: Si vous mettiez votre terre en vente, arriveriez-vous à la vendre?
M. Guyon: Oui, nous pouvons le faire parce qu'il y a beaucoup d'agriculteurs qui exploitent des quarts de section. Nos grands-pères nous disaient que nous ne pouvions pas nous tromper en investissant dans la terre, et ils avaient raison. La valeur des terres ne diminuera pas tellement. Il y aura toujours des gens qui seront prêts à vivre d'espoir et qui passeront leurs jeunes années à essayer de réussir dans l'agriculture.
C'est possible en travaillant très fort. Le travail acharné permet de passer à travers à peu près n'importe quoi, mais cela ne fait qu'un temps. J'approche de la cinquantaine, et j'ai encore dix à quinze bonnes années devant moi. Mais je ne vois pas de jeunes se lancer dans l'agriculture. Cela exige beaucoup trop de travail, trop de risques, trop de capitaux, et trop de rien — énormément de rien.
Le sénateur LaPierre: Je ne peux pas vous dire à quel point votre témoignage nous a été utile.
Le sénateur Gustafson: Je vous remercie.
M. Guyon: Eh bien, merci de votre compréhension.
Le sénateur Wiebe: Je voudrais revenir à la première question que le sénateur Gustafson vous a posée; il voulait savoir si la sécheresse que vous avez vécue résulte des changements climatiques ou si c'est une sécheresse comme les autres.
Si je comprends bien vos commentaires, il y avait toujours eu suffisamment d'humidité à Drayton Valley depuis que vous vous êtes lancé dans l'agriculture, jusqu'à cette année à peu près.
Notre comité s'intéresse aux moyens d'adaptation. Je pense à ma propre ferme, dans le sud-ouest de la province. Depuis que j'ai commencé à y pratiquer l'agriculture, en 1959, nous avons connu six sécheresses; nous en avons donc vécu les effets et nous en avons tiré des leçons. Il y a des choses que nous allons devoir assimiler quand nous commencerons à parler des effets du réchauffement de la planète.
Par exemple, quand j'ai commencé dans l'agriculture, je produisais strictement des céréales. Puis, nous avons décidé dans les années 70 de nous lancer dans l'élevage. Mon grand-père m'a dit: «Écoute, si tu veux te lancer dans un élevage quelconque, n'oublie pas que ta ferme se trouve dans le triangle de Palliser. Assure-toi que tu as un puits profond et garde toujours du fourrage en réserve pour trois ans.»
Grâce à ce conseil, et malgré les sécheresses, nous n'avons jamais été obligés de payer le prix fort pour nourrir nos animaux. Nous avons simplement disposé du fourrage dans les fossés et à tous les endroits où c'était possible. Mais il est compréhensible que quelqu'un comme vous, qui n'avait jamais eu à se préoccuper de ces questions, soit tout à coup pris au dépourvu.
Notre comité veut examiner comment nous devons nous adapter et quels conseils nous pouvons donner aux gens des autres régions du Canada qui ne sont jamais passés par là, pour qu'ils puissent prendre des décisions avisées s'ils veulent se lancer dans l'élevage — pour qu'ils soient certains d'avoir des moyens de survie en place.
J'aimerais soulever la question des puits de carbone. Le président de la Saskatchewan Association of Rural Municipalities, la SARM, M. Neil Hardy, nous en a parlé hier. Les puits de carbone n'existent pas naturellement, mais les terres agricoles peuvent absorber le carbone. Ce qui compte, ce n'est pas ce qui est là, c'est la capacité d'avoir des puits de carbone.
M. Hardy nous a parlé de la vente ou de la location de puits de carbone. Ce qu'il faut se demander, c'est à qui ils seraient vendus et à quelles conditions. Par exemple, si l'Imperial Oil décide d'acheter certains de mes puits de carbone, combien de temps va-t-elle me demander de continuer à cultiver les parcelles visées sans travailler le sol? Je veux demeurer libre de prendre mes décisions en matière de gestion. S'il est avantageux pour moi de labourer la terre, je veux pouvoir le faire. Mais je ne veux pas être obligé de verser quelque chose à l'Imperial Oil pour bris de contrat.
Qu'il s'agisse d'un achat ou d'une location, la partie en cause — un autre pays ou une entreprise — énoncera ses conditions pour pouvoir obtenir une juste valeur en retour de l'argent qu'elle vous aura donné pour se sortir d'embarras. C'est ce que nous faisons, en réalité. Nous permettons à ces entreprises et à ces pays de se sortir d'embarras, d'éviter d'avoir à garantir qu'ils vont réduire leurs émissions de carbone. Avec ces ventes, ils remettent à plus tard ce qu'ils devront finir par faire un jour.
Nous nettoyons leurs dégâts. Personnellement, en tant qu'agriculteur, je me demande s'il vaut vraiment la peine de leur vendre des puits de carbone pour leur éviter tout cela? Pourquoi encourager d'autres pays qui ne se préoccupent pas de leurs émissions de carbone à venir au Canada pour acheter nos puits de carbone?
Ne serait-il pas préférable, de notre point de vue, que le gouvernement paie les raffineries de pétrole pour réduire leurs émissions de carbone? Ne serait-il pas tout aussi juste que le gouvernement du Canada me paie, moi, en tant qu'agriculteur, pour m'encourager à cultiver ma terre sans la travailler, afin d'absorber ce carbone? Le résultat net, pour l'agriculteur, serait le même. Nous en obtiendrions davantage pour le travail que nous faisons, mais nos titres fonciers ne seraient pas grevés par cette obligation d'une durée indéfinie.
M. Guyon: S'il s'agit de savoir si c'est le producteur ou le gouvernement qui devrait être propriétaire des puits de carbone, je trouve préférable que ce soit le producteur.
Le sénateur Wiebe: C'est évident, à mon avis. Le propriétaire de la terre est aussi le propriétaire des puits de carbone.
M. Guyon: Parce qu'ils n'ont jamais eu beaucoup d'argent, les agriculteurs prennent en général des décisions financièrement solides, avec les ressources limitées dont ils disposent. S'il faut prendre des décisions quant à savoir si les agriculteurs devraient louer, vendre ou échanger leurs puits de carbone, les habitants des régions rurales du Canada — ou de l'Alberta — vont aider à prendre les bonnes décisions.
Mais si les agriculteurs ne sont même pas propriétaires des puits de carbone et que le gouvernement décide de se les approprier, le producteur n'aura aucune incitation concernant la séquestration du carbone. Comme vous l'avez dit, il pourrait transformer une partie de sa production céréalière en production fourragère, ou alors se lancer dans la sylviculture, dans l'exploitation de terres à bois ou dans d'autres activités de ce genre pour essayer de capitaliser sur les avantages de la séquestration du carbone, ce qui aidera en définitive le Canada à respecter ses engagements en vertu de l'accord de Kyoto.
Le sénateur Wiebe: Pour ce qui est de savoir à qui appartiennent les puits de carbone, c'est au propriétaire de la terre qui a la capacité d'absorber le carbone. À moins d'avoir de l'herbe ou un terrain marécageux entouré de nombreux arbres, vous avez déjà le mécanisme nécessaire pour absorber le carbone, et cela vous appartient. Vous êtes propriétaire de la terre qui va faire vivre la plante qui va absorber le carbone. Il faut établir cela clairement au départ.
Les puits de carbone ne sont pas déjà là. Le sol est plein de carbone, et chaque fois que nous le travaillons, nous libérons un peu de carbone dans l'atmosphère. Mais il serait possible d'absorber ce carbone et, comme c'est moi le fermier, c'est à moi qu'appartient ce potentiel. Par conséquent, si la société veut que nous réduisions le niveau de carbone dans l'atmosphère, il n'est que juste qu'elle nous paie, vous et moi, en tant qu'agriculteurs, par l'intermédiaire du gouvernement fédéral, pour faire pousser les plantes nécessaires et pour gérer nos fermes de manière à permettre l'absorption du carbone.
M. Guyon: Tous ceux qui sont pour?
Le sénateur Wiebe: Je pense que nous sommes sur la même longueur d'onde.
M. Guyon: Mais nous craignons que ce ne soit pas ce qui se passe finalement.
Le sénateur Wiebe: Je ne veux pas que les agriculteurs qui essaient de trouver un peu d'argent pour survivre voient leurs terres grevées d'une opposition parce qu'ils auront été obligés de vendre un puits de carbone à quelqu'un.
Ce qui m'importe, dans cette histoire de vente et de location, c'est que nous n'ayons pas les mains liées, ce qui nous empêcherait de prendre des décisions de gestion plus tard. Ou alors, si nous prenions certaines décisions, c'est que nous nous exposions à une action en justice pour bris de contrat.
Le sénateur Tkachuk: C'est pourquoi la location est une bonne idée, parce que le paiement se ferait d'année en année, n'est-ce pas?
Le sénateur Wiebe: Mais il n'y a pas beaucoup d'entreprises prêtes à louer. Elles veulent des baux à long terme, voyez-vous.
Le sénateur Hubley: Vous vivez dans une petite communauté. L'agriculture y est probablement la principale industrie — ou est-ce le pétrole?
M. Guyon: Le pétrole, probablement.
Le sénateur Hubley: Où prenez-vous votre information sur les changements climatiques? Comment l'information provenant des centres de recherche et des scientifiques que nous entendons vous parvient-elle à vous, les agriculteurs? Comment cela se passe-t-il?
M. Guyon: Dans une large mesure, nous prenons notre information dans les nouvelles; nous recevons les énoncés de politique de la province, mais pour ce qui est du fédéral, nous nous informons à la télévision.
Il semble y avoir assez d'information dans les nouvelles. Mais il est difficile de trier tout cela pour savoir ce qui se passe vraiment. Tout le monde a ses propres priorités et sa propre vision des effets des changements climatiques.
Sur le plan politique, nous entendons les points de vue de différents intervenants. Nous pourrons avoir par exemple M. Tim Ball d'un côté, et Louise Comeau de l'autre. Nous essayons de présenter les deux côtés de la médaille et de laisser ensuite les gens faire leur tri.
L'information provient de différentes sources. Le gouvernement fédéral publie des brochures, et la province aussi. Il y a des groupes de discussion et des ateliers. Les gens semblent prendre conscience du problème des changements climatiques et des conséquences qu'ils pourraient avoir sur eux, personnellement.
Sur le terrain, nous avons toujours regardé le ciel de l'ouest pour savoir quel temps il ferait. Nous savons qu'il se passe quelque chose, et nous nous adaptons en conséquence. C'est pourquoi j'insiste sur le fait que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans la recherche; il doit examiner ce qui arrive au climat et ce que nous devons faire pour essayer d'en atténuer les effets.
Le sénateur Hubley: Donc, vous avez examiné les moyens de vous adapter? L'adaptabilité est un mot que vous connaissez certainement très bien dans la communauté agricole.
Vous faites l'élevage du bison, du wapiti et du cerf. Pensez-vous qu'il y aura des conséquences pour ces grands troupeaux, qui sont le plus souvent laissés en pâturage?
M. Guyon: Vous voulez parler des animaux sauvages?
Le sénateur Hubley: Non. Il y aurait des conséquences pour vous aussi, n'est-ce pas?
M. Guyon: Oui. Les nombres vont diminuer. Les bovins de reproduction ont été abattus, et beaucoup ont été envoyés hors de la province. Les gens ont abandonné leurs troupeaux de reproduction à la tonne. Cela prend beaucoup de temps à reconstruire. Il a fallu 35 ans à mon père pour élever une lignée de bovins Simmental. À cause d'une autre catastrophe, à l'époque, ils ont tous été décimés. Il faut du temps pour obtenir un bon cheptel reproducteur. L'Alberta en a un bon. Dans le nord, nous faisons paître tous les animaux destinés à la région de Joyce Fairbairn; c'est là qu'on les nourrit et qu'on les engraisse avant de leur faire faire leur dernier voyage.
Oui, il y aura des conséquences. Il y en a déjà. C'est déjà commencé. Les gens ont réduit leurs troupeaux. C'est une nécessité.
Le sénateur Fairbairn: J'aimerais vous poser quelques questions en votre capacité de vice-président de l'Alberta Association of Municipal Districts and Counties.
J'ai bien noté votre commentaire sur les avantages de l'irrigation dans le sud de l'Alberta. C'est bien vrai. Dans les années 30, mon père est un de ceux qu'on a trouvés complètement fous quand ils ont décidé qu'il fallait un système d'irrigation. Cela allait vraiment à l'encontre des pratiques habituelles. Mais ces choses existent.
Cependant, depuis vingt ans, nous nous sommes rendu compte que, tous comptes faits, quand la météo ne coopère pas et qu'il n'y a pas d'écoulement, il n'y a à peu près rien qui pousse. C'était particulièrement vrai il y a deux ans. Il y a eu beaucoup de stress dans la région. C'est une région que j'adore. Lethbridge est une petite ville magnifique, mais ce ne serait pas le cas si elle n'était pas entourée de petites villes tout aussi magnifiques: Magrath, Cardston, Raymond, Fort Macleod, Coaldale et j'en passe.
Pour essayer de mieux comprendre la question moi-même, j'ai passé beaucoup de temps dans ces petites villes et dans la région pour voir ce qui se passe. Il y a deux ans, j'ai constaté que le lac Chin — un très grand lac — avait disparu; on n'y trouvait plus que des pierres. Ce lac fournissait non seulement de l'eau pour les cultures, mais aussi pour la ville de Taber.
Je me suis demandé — et c'était plutôt décourageant — si nous nous apprêtions à vivre un changement qui allait entraîner le genre de situation que nous avons connue dans la majeure partie de l'Alberta l'été dernier. Combien de temps cela pourrait-il durer? À quel point les petites communautés sont-elles en difficulté, à quel point leur survie est- elle menacée par la situation que nous vivons plus régulièrement ces dernières années? Cela rappelle le milieu des années 80; il y avait alors beaucoup de sécheresse aussi.
Combien de temps cela va-t-il continuer sans que certaines de ces villes finissent par devoir fermer graduellement?
M. Guyon: La tendance est déjà amorcée; comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est ce qui s'est passé en Saskatchewan. Évidemment, la situation était plus dramatique en Saskatchewan parce qu'ici, nous avons d'autres industries qui aident à éponger les pertes.
Il y a toutefois déjà des municipalités qui ont disparu. Elles ont dû se dissoudre, perdre leur statut de personnes morales et s'intégrer à des municipalités rurales. Mais la fusion de deux municipalités pauvres ne les rend pas plus riches.
Dans certains cas, leur assiette fiscale est de quatre à cinq fois celle des municipalités rurales. Elles n'ont plus l'assiette de taxation ni les ressources nécessaires pour survivre parce qu'il n'y a plus d'entreprises qui s'y installent, pour la simple raison qu'il n'y a plus d'argent pour faire vivre ces entreprises.
Les zones rurales de l'Alberta sont vraiment la source de carburant pour les moteurs économiques des villes, par exemple. Nous leur fournissons toutes les matières premières et les choses essentielles dont elles ont besoin pour alimenter ces moteurs économiques.
Le sénateur Fairbairn: Et vous achetez des produits, en plus de vendre les vôtres dans les villes. Vous gardez en vie des endroits comme Lethbridge.
M. Guyon: Oui. Par conséquent, quand les zones rurales se mettent à mourir, ces petites communautés commencent naturellement à s'effondrer. Plus elles sont grosses, meilleures sont leurs chances de survie. Lethbridge va survivre tant que tout ne sera pas épuisé.
Mais, encore une fois, il y a eu des rapports selon lesquels le glacier Bow pourrait disparaître d'ici dix ans. C'est la principale source d'approvisionnement en eau pour la ville de Calgary. Ce sera la panique quand cela se produira. Où prendre l'eau? Faudra-t-il faire des échanges d'eau entre bassins? Faut-il commencer dès maintenant à préparer et à mettre en place l'infrastructure nécessaire parce que nous savons très bien que ces choses vont probablement se produire?
C'est ce que je trouve important. Il faut faire des études et de la recherche pour savoir où s'en va toute cette histoire de changement climatique et pour mieux comprendre ce que nous devons faire — que ce soit des échanges entre bassins, des pipelines ou de l'irrigation — pour essayer d'en atténuer les effets.
Le sénateur Fairbairn: Quand on fait des échanges d'eau, il faut tenir compte des traités internationaux et de tout le reste. Quand les gens vont décider de quitter lentement les zones agricoles, où vont-ils aller? Vont-ils rester dans la région? Vont-ils essayer de trouver autre chose à faire?
M. Guyon: Les gens ont tendance à graviter autour de la ruche. Ils s'en vont dans les villes. C'est visible. Les gens qui quittent la ferme vont s'installer soit dans une petite ville de la région, soit dans les grands centres plus éloignés.
Cette situation commence à entraîner toutes sortes de conséquences économiques et sociales. Il faut loger les sans- abri et répondre à tous les autres besoins qui commencent à se manifester. Si vous voulez en avoir le plus possible pour votre argent, investissez dans les zones rurales de l'Alberta, du Canada. Les retombées, comme l'a dit le sénateur Gustafson, sont 24, 50 ou 80 fois plus grandes.
Qui aurait cru qu'une sécheresse dans les provinces des Prairies entraînerait un manque à gagner de 100 millions de dollars pour les sociétés ferroviaires? C'est énorme. Moyennant un petit investissement initial — que ce soit pour savoir à qui appartiennent les crédits de carbone ou pour faire de la recherche sur des projets d'approvisionnement en eau, d'irrigation ou d'autres questions du genre —, c'est dans les zones rurales de l'Alberta — et de tout le Canada — que vous en aurez le plus pour votre argent.
Je m'intéresse surtout à l'Alberta, mais je parle souvent du reste du Canada rural de la même façon. Le problème est le même dans toutes les provinces des Prairies. Et l'Ontario a aussi ses catastrophes.
Le sénateur Fairbairn: On parle beaucoup de la technologie et de son importance primordiale dans nos vies quotidiennes. Je sais qu'il y a eu des efforts pour brancher les écoles et les bibliothèques de tout le Canada. Il y en a eu aussi pour se servir de la technologie et pour permettre aux Canadiens, quel que soit l'endroit où ils vivent, de s'en servir pour leurs transactions d'affaires partout au pays.
Pour quelqu'un comme vous, qui aime encore la terre, mais qui ne la travaillera plus, est-ce qu'il pourrait être intéressant de développer, comme cela se fait dans les villes mêmes, le concept des entreprises à domicile?
M. Guyon: Vous me faites penser que, dans les régions rurales du Canada, nous sommes bien branchés à Internet et que c'est une autre source d'information majeure pour nous. Je me sers du plus récent et du plus fantastique petit ordinateur à stylet, sur lequel je peux écrire et que je peux transformer en machine à écrire simplement en retournant ceci.
Les gens de la campagne se servent de la technologie. Le programme d'accès à large bande lancé par le gouvernement fédéral sera une excellente chose. Il aidera beaucoup le Canada rural parce que nous n'aurons pas besoin de nous rendre en ville. Je parle souvent à des gens, en ville, qui aimeraient bien mieux vivre à la campagne tout en poursuivant leurs activités.
Il y a autre chose que je dois mentionner, même si je m'écarte du sujet. Si vous avez une influence sur le transport de nos produits, je veux vous dire que nous avons besoin d'un programme routier national pour commencer à pouvoir échanger un dollar contre un dollar plutôt qu'un dollar contre 60 cents.
Les corridors nord-sud sont excellents, mais ce serait bien si nous commencions à commercer dans l'axe est-ouest. Nous parlons toujours d'unité, mais nous ne faisons rien pour la favoriser. Il y a une piste, en Ontario, où il faut une boussole pour se retrouver. Nous devons commencer à commercer d'est en ouest.
Je sais que cela n'a pas de rapport avec le sujet du jour, mais cela se rattache à ce que nous produisons.
Le sénateur Fairbairn: Nous devons chercher à supprimer les obstacles au commerce interprovincial.
M. Guyon: Absolument. Le Canada est un des rares pays industrialisés qui n'a pas de programme national de transport. L'Alberta paie environ 600 millions de dollars, seulement en taxes sur l'essence. Sur une période de dix ans, le gouvernement fédéral nous en a remis 60 millions. Il faut que quelque chose change.
Les Américains ont un programme de financement des autoroutes selon lequel le gouvernement fédéral finance les routes qui traversent plusieurs États. Il faut que le gouvernement fédéral subventionne notre route, ici, pour que nous puissions faire du commerce d'est en ouest et devenir un vrai pays.
Le président: Au nom du comité, je vous remercie beaucoup de votre temps. Notre étude porte sur trois choses — l'agriculture, les forêts et les communautés rurales —, ainsi que sur les effets du changement climatique et sur les mesures qu'il faudra prendre pour s'y adapter. Vous nous avez apporté aujourd'hui un témoignage très important sur les communautés rurales, et également sur l'agriculture.
Quand nous étions à Ottawa, aucun des témoins qui ont comparu devant nous ne nous a présenté une information aussi concrète, et nous vous en sommes reconnaissants. Merci.
M. Grant Meikle, vice-président, BioGem Power Systems: Honorables sénateurs, c'est un honneur de comparaître devant vous au nom de BioGem Power Systems. Mon partenaire, Larry Griesbrecht, et moi-même sommes très heureux d'être ici aujourd'hui.
Nous allons vous faire une brève présentation en PowerPoint, après quoi nous passerons aux questions et réponses.
BioGem est une société privée albertaine. C'est un des principaux fournisseurs de systèmes de production de biogaz, d'électricité et de chaleur pour les exploitations d'élevage intensif. Les solutions mises au point par BioGem permettent de transformer le fumier, qui est un passif, en produit commercialisable et en nouvelle source de revenus.
Nous avons la première usine de biogaz au Canada qui fonctionne sur le réseau public. Nous en sommes très fiers. Nos solutions de gestion des déchets agricoles ont fait leurs preuves grâce à un partenariat avec une entreprise européenne établie au Luxembourg. Nous avons 130 systèmes dans le monde entier, dont un en Alberta.
Depuis cent ans, la population des bovins et des porcs a augmenté de 50 p. 100 et, inversement, le nombre de fermes a diminué de 50 p. 100. Nous croyons que cette tendance va se maintenir. Et tous les déchets que produisent ces animaux entraînent de nouveaux défis pour les producteurs, en termes d'entreposage, de traitement et de coûts.
Le contrôle des odeurs et la contamination des eaux souterraines sont des préoccupations primordiales, non seulement pour les gouvernements et les communautés locales, mais également pour les producteurs. Il est évident que nous devons faire quelque chose pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, pour limiter les changements climatiques et pour appliquer le protocole de Kyoto. Nous pensons avoir une solution qui permettrait de réduire de beaucoup les émissions de méthane que dégagent actuellement les cuves à déjections à ciel ouvert.
Comme nous avons maintenant un marché international, les coûts croissants de l'électricité et des autres sources d'énergie en Amérique du Nord ont fait grimper les coûts pour les producteurs et réduit leurs marges bénéficiaires. Ils ont plus de mal à faire des profits.
Une unité de production porcine du naissage à la finition — en termes clairs, il s'agit de la mère et de tous ses rejetons — jusqu'au poids d'expédition produit 23 460 litres de lisier liquide par année. Une seule ferme porcine comptant 1 200 truies produira donc, du naissage à la finition, 28 millions de litres d'effluents par année. Les porcs d'engraissement en produisent 2 554 litres par année, et les vaches laitières, 32 736. Une seule ferme laitière de 600 têtes produit donc 19 millions de litres de fumier par année, soit 6 552 litres par unité d'engraissement en troupeau fermé.
Cette diapositive montre une carte du Canada. Chaque point représente 100 000 porcs et indique où ils sont élevés. Vous remarquerez que la population porcine se déplace vers l'ouest, avec l'introduction de nouveaux programmes en Saskatchewan, en Alberta et au Manitoba. Il y a 240 000 fermes d'élevage au Canada, d'après le recensement canadien de 2001. Il y a 14 millions de porcs au Canada, et 15 millions et demi de bovins — l'Alberta arrivant en tête de la production nationale de bovins.
Cette diapositive vous donne un aperçu de la quantité de fumier produit quotidiennement, en kilogrammes par hectare. Elle montre que l'intensité augmente dans certaines régions du pays. Toutes les sources combinées produisent 361 millions de kilos de fumier par jour, ou 132 milliards par année.
Chez BioGem Power Systems, nous pensons avoir trouvé la solution pour le producteur. Nous pouvons lui fournir la capacité de transformer un passif en actif et de trouver une nouvelle source de revenus dans son exploitation.
Le biogaz est une ressource renouvelable, contrairement à beaucoup d'autres de nos sources d'énergie. Nous créons notre propre électricité. Nous produisons notre propre chaleur pour chauffer les étables, tout en récupérant l'eau que nous avons utilisée dans nos installations et en créant de nouvelles sources de revenu. Et qui sont les bénéficiaires de ce scénario? Nous croyons qu'il y en a trois: le producteur, la communauté et l'environnement.
Comment faisons-nous pour créer du biogaz? À partir du fumier et des déchets organiques. Il peut provenir du fumier ou encore de plantes fourragères, de grain chauffé — de très nombreuses sources. Nous faisons subir au produit un cycle de digestion anaérobie. À partir de là, le biogaz est envoyé vers un moteur à combustion interne, qui est le principal moteur de la génératrice servant à produire de l'énergie qui sera utilisée à la ferme ou à l'usine. Cela élimine les coûts mensuels d'électricité et l'excédent peut être vendu sur le réseau public, ce qui procure des revenus. La chaleur est récupérée grâce à des échangeurs de chaleur, ce qui fait que nous pouvons chauffer les bâtiments adjacents et réduire encore davantage les coûts de chauffage.
À la fin du cycle, le produit est séparé, les solides et les liquides sont nettoyés, et l'eau est récupérée. Encore une fois, le producteur en bénéficie parce que ses coûts mensuels de chauffage et d'électricité sont réduits ou éliminés complètement. Les coûts de manutention du fumier sont également réduits parce que la quantité de fumier qu'il faut transporter sur le terrain passe de 100 à 14 p. 100; autrement dit, de 80 à 90 p. 100 de ce que nous retournons dans nos champs, c'est de l'eau. Le processus réduit ou élimine donc également les coûts de transport de l'eau.
Pour une ferme typique de naissage-finition de 1 200 truies, dans l'ouest du Canada, 21 p. 100 des coûts sont liés à l'électricité et au chauffage, et 14 p. 100 à la manutention du fumier. Par conséquent, il est possible de réduire considérablement ou d'éliminer complètement 35 p. 100 des coûts de fonctionnement totaux. Comme nous l'avons déjà dit, les ventes procurent également de nouvelles sources de revenus.
Lorsque l'environnement est déréglementé comme c'est le cas en Alberta et, d'après ce qu'on m'a dit, en Ontario également, l'électricité peut être vendue soit par l'intermédiaire du consortium d'électricité, soit directement aux utilisateurs ultimes, soit aux enchères aux prix qui se pratiquent dans le consortium à ce moment-là.
Il est possible également de vendre l'engrais organique excédentaire. L'eau a aussi une grande valeur. À l'avenir, nous pensons que les crédits pour émissions de gaz à effet de serre vont également apporter de nouveaux revenus à ces producteurs.
Nos solutions de production d'énergie à partir des déchets sont à la fois économiques et pratiques, contrairement à d'autres systèmes qui ont déjà été importés ou implantés en Amérique du Nord. Ces systèmes étaient encombrants et compliqués, et leur installation et leur entretien exigeaient beaucoup de main-d'oeuvre. Nous essayons pour notre part de concevoir chacun de nos systèmes en fonction du producteur.
En Alberta, nous pouvons également vendre notre énergie en périodes de pointe. De 7 heures à 10 heures, le matin, le réseau électrique est soumis à une forte demande. Nous pouvons nous raccorder au réseau et nous en débrancher à volonté, vendre aux heures de pointe et fermer pendant les périodes creuses. C'est une capacité de gestion qu'offre notre système.
Si nous pouvons enlever systématiquement le fumier, surtout dans les grosses étables, la santé des troupeaux s'en trouve également améliorée, et l'indice de consommation augmente. Et l'étable devient un lieu de travail plus agréable.
Les installations de BioGem fonctionnent à l'année. Dans le passé, les gens pensaient que les systèmes au biogaz ne pourraient pas fonctionner dans les régions nordiques parce que la température ambiante était trop basse pendant l'hiver. Mais, grâce à des commandes informatisées et à des mécanismes de régulation de la chaleur dans nos digesteurs, nos systèmes fonctionnent aussi bien en été qu'en hiver, même par temps très froid.
Nos solutions de transformation des déchets en énergie ont fait leurs preuves. Nous avons en Europe un groupe qui travaille avec nous et qui nous a beaucoup appuyés. Nous avons adapté le système au marché nord-américain. Chaque système est conçu sur mesure pour le producteur, selon une approche fondée sur le cycle de vie optimal. Nous cherchons à appliquer des solutions écologiques à long terme.
Nous offrons des services d'achat d'équipement, de conception et de construction des systèmes, de mise en service au démarrage et d'entretien à très long terme.
Le président: Merci beaucoup. Votre programme est excellent et très intéressant.
Le sénateur Gustafson: À mon avis, la première question que poserait un agriculteur serait la suivante: combien cela coûte-t-il?
M. Meikle: Je vais vous donner un exemple pour répondre à cette question. Le système que nous avons installé à Viking se trouve dans une exploitation de naissage-finition de 1 200 truies et l'investissement nécessaire est d'environ 2 millions de dollars. La période de remboursement de ce système est d'environ cinq ans et demi à six ans, selon la gestion ou la production d'énergie.
Le remboursement tient compte également de la vente d'énergie et de la récupération de la chaleur. Tous les autres avantages viennent s'ajouter à cela.
Le sénateur Gustafson: Les porcheries entraînent beaucoup de problèmes dans la collectivité. Est-ce que ce système permet de les éliminer?
M. Meikle: Il élimine beaucoup de problèmes. Le système élimine 80 à 90 p. 100 des odeurs qui sont causées la plupart du temps par le méthane. La récupération de l'eau permet de réduire l'écoulement de millions de gallons d'effluent par année. On peut donc dire que bon nombre de problèmes auxquels nous devons trouver une solution dans le processus d'émission de permis, peuvent être éliminés.
Le sénateur Gustafson: Est-ce qu'il n'existe qu'une exploitation de ce type au Canada?
M. Meikle: Il n'y en a qu'une seule en activité au Canada.
Le sénateur Gustafson: Combien en existe-t-il en Amérique du Nord?
M. Meikle: Il y a des installations de production de biogaz en Amérique du Nord. D'après ce que nous savons, la plupart de celles qu'on trouve dans les mid-states servent à l'élimination des odeurs. Certaines d'entre elles produisent de l'énergie. Mais je n'en connais aucune qui écoule ses surplus d'énergie dans le réseau public.
Le sénateur Fairbairn: Évidemment, ce serait intéressant dans ma région. Est-ce que les parcs d'engraissement s'intéressent à ce système?
M. Meikle: Oui, le système suscite énormément d'intérêt de la part des parcs d'engraissement. On obtient des résultats aussi bons, voire meilleurs avec le fumier des parcs d'engraissement — notre système fonctionne très bien avec ce type de déjections.
Le sénateur Fairbairn: Depuis combien de temps votre installation existe-t-elle à Viking?
M. Meikle: Cela fait maintenant 15 mois que le système fonctionne. Nous avons eu la chance d'installer le système vers le milieu de l'hiver, si bien que nous avons pu le mettre à l'essai la première année.
Le sénateur Fairbairn: Avez-vous rencontré des problèmes?
M. Meikle: Le système a très bien fonctionné. Notre principal obstacle a été d'obtenir l'autorisation de connecter le système au réseau public. Malgré la déréglementation, ce fut tout un travail d'obtenir l'autorisation. Mais nous l'avons obtenue et je suis certain que ce sera plus facile à l'avenir.
Nous avons connu des problèmes mineurs avec les thermopompes qui ont dû être remplacées parce qu'elles étaient construites en Europe — elles fonctionnaient en 50 hertz et 60 hertz. Sinon, nous n'avons rencontré aucun problème majeur.
Le sénateur Fairbairn: Avez-vous l'impression que les producteurs s'intéressent à votre système pour des raisons économiques ou afin de trouver des solutions environnementales dans le contexte du changement climatique et de ses diverses conséquences?
M. Larry Giesbrecht, président, BioGem Power Systems: Ils ont bien conscience du problème et de ses répercussions sur leur voisinage. Ils connaissent sans doute mieux que quiconque les répercussions sur les collectivités environnantes. C'est une grande préoccupation pour eux.
Dans la mesure où il existe une solution, ils sont tout à fait prêts à l'adopter. Les producteurs prennent leurs responsabilités et ils sont prêts à prendre les mesures nécessaires pour améliorer la situation dans la mesure du possible.
Le sénateur Fairbairn: Dans l'état actuel des choses, les producteurs qui décideraient de faire l'acquisition de ce système bénéficieraient-ils d'avantages immédiats?
M. Giesbrecht: Le système leur permet de maintenir leur encaisse et d'alléger leur passif. Par exemple, dans de nombreux cas, les producteurs se rendent compte que les méthodes d'élimination des déchets auxquelles ils ont recours depuis plusieurs années entraînent des problèmes d'écoulement, d'odeur, et cetera. Ils souhaitent régler ces problèmes de la meilleure manière possible, mais jusqu'à présent, il n'existait pas de solution. Nous leur en offrons une.
Cela fait quatre ans que nous y travaillons. Nous avons fait beaucoup de recherches et nous avons mis au point un système qui peut, d'après nous, donner au producteur la possibilité de résoudre ses propres problèmes et d'améliorer ses pratiques.
Le président: Merci. J'aimerais vous poser quelques questions touchant les aspects financiers. Je me pose des questions au sujet du remboursement. Vous avez dit que le producteur peut rembourser les 2 millions de dollars en cinq ans environ. Si je regarde la photo, je vois trois bâtiments qui semblent mesurer au moins 100 pieds de long.
Il faut prendre en compte tous les coûts de construction, ainsi que le logiciel et le matériel contenus dans ces bâtiments pour un coût d'environ 2 millions de dollars. Combien vous rapporte chaque mois la vente d'énergie électrique au réseau public?
M. Meikle: Ce que vous voyez dans la brochure est essentiellement la photo d'une exploitation — une porcherie. Cette photo nous montre une porcherie.
Le président: Et qu'est-ce qui coûte 2 millions de dollars?
M. Meikle: Les 2 millions de dollars permettent d'acheter les cuves de digestion anaérobie, les génératrices, le matériel de chauffage dont cette génératrice est équipée, ainsi que tous les systèmes de contrôle qui servent à la connexion et à la synchronisation avec le réseau public.
Le président: Combien d'électricité produisez-vous chaque mois dans une exploitation de 1 200 bêtes?
M. Meikle: Le système que nous avons installé en Alberta produit 350 kilowattheures. De cette quantité d'énergie, le producteur exporte ou peut probablement exporter, selon ce qu'il décide de faire, jusqu'à 200 kWh 24 heures sur 24.
Le président: À quoi cela correspond-il en dollars par jour ou par mois?
M. Meikle: Il faut tenir compte de la moyenne. Au cours des neuf derniers mois, le taux moyen de l'énergie était de quatre cents et demi du kilowattheure. C'est une moyenne qui tient compte des creux et des pointes.
Par exemple, leur note d'électricité était d'environ 200 000 $ par an et maintenant, ils ne payent rien du tout. Cela vous donne une idée de ce que le système permet de produire, sans compter les recettes provenant de la vente d'énergie.
Le président: Vous avez dit qu'il est très facile de traiter l'eau et la photo nous montre de l'eau très propre et pure. À combien revient la purification et la récupération de l'eau? Est-ce que c'est très coûteux? Est-ce que c'est une partie très coûteuse du processus?
M. Meikle: Non. Par rapport à l'ensemble des coûts du processus, cela représente environ 30 à 40 p. 100. L'installation de ce système coûte environ 400 000 $.
Le président: Comment cela fonctionne-t-il? Comment vous y prenez-vous pour récupérer et purifier cette eau?
M. Giesbrecht: J'aimerais ajouter quelques détails au sujet des coûts. Lorsqu'on achète de l'électricité du réseau public, on doit payer les frais d'approvisionnement, une majoration en période de pointe, des frais de transmission, et cetera. Par exemple, M. Meikle a dit que le coût de l'énergie était d'environ quatre cents et demi du kilowattheure. Or, on peut dire que les producteurs doivent plutôt débourser 12 cents. La purification de l'eau est encore plus économique si l'on tient compte du fait que l'exploitation produit sa propre électricité. C'est un ensemble.
Le sénateur Tkachuk: Vous ne payez pas 12 cents mais quatre cents et demi.
M. Giesbrecht: C'est exact.
La méthode consiste à utiliser un séparateur compresseur qui permet de séparer la majorité des solides. Ensuite, nous faisons passer les eaux à travers des filtres à débit constant dans trois sections différentes. On peut choisir le degré de purification voulu. On peut choisir un degré de purification de deux microns, ou la porter à 0,03 micron ou même 0,001 micron avec le système de l'osmose inverse.
Le sénateur Tkachuk: Est-ce que cela veut dire que c'est de l'eau potable?
M. Giesbrecht: Il faut bien peser ses mots. Oui.
Le sénateur Tkachuk: Je ne veux pas y penser, mais allez-y, expliquez-nous.
M. Giesbrecht: Nous ne voulons pas le garantir. Je dois être très prudent dans ma réponse. L'eau est plus propre — le processus élimine tous les minéraux et le reste. L'osmose inverse est la dernière étape du traitement. Elle permet d'atteindre un degré de 0,001 micron. À ma connaissance, l'eau que vous buvez est filtrée en moyenne jusqu'à cinq microns.
Le goût est exactement celui de l'eau distillée. C'est pratiquement la même chose.
Le sénateur Fairbairn: Est-elle plus distillée?
M. Giesbrecht: Oui.
Le sénateur Wiebe: Et à quoi sert cette eau dans cette exploitation?
M. Giesbrecht: Elle est utilisée dans la porcherie.
Le sénateur Gustafson: Elle sert à arroser ou laver?
M. Giesbrecht: Les deux.
Le sénateur Tkachuk: Il faut bien que les porcs boivent quelque chose.
J'aimerais prendre la suite du sénateur Oliver pour poser quelques questions concernant les aspects économiques. Vous avez dit que le remboursement du système peut se faire en six ans.
M. Meikle: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Quelle est la durée de vie de ce système?
M. Meikle: La durée de vie est d'environ 25 ans. Il y a des systèmes en Europe qui fonctionnent encore très bien depuis 19 ans.
Le sénateur Tkachuk: Est-ce que c'est très répandu en Europe?
M. Meikle: Oui, très répandu. Il y a beaucoup d'installations de ce type en Europe.
Le sénateur Tkachuk: Pensez-vous que tous les exploitants pourraient utiliser le système. En fait, il n'y a aucune raison de ne pas l'utiliser.
M. Meikle: Il faut faire l'investissement. Le système a été bien adopté en Europe parce que la plupart des gouvernements ont subventionné l'installation des systèmes de production de biogaz.
Le sénateur Tkachuk: En effet, la solution paraît évidente si le remboursement du système peut se faire en six ans et que l'économie d'énergie est de 200 000 $.
M. Meikle: Je suis tout à fait d'accord avec vous.
Le sénateur Tkachuk: Est-ce que les éleveurs ont de la difficulté à obtenir un financement d'une banque ou d'une institution financière?
M. Meikle: Le système est assez nouveau en Amérique du Nord et nous traversons une période de transition. La SCA a maintenant donné le feu vert et appuie le financement de ces installations. Cela s'est fait au cours des six ou huit derniers mois. Nous avons consacré pas mal de temps à informer leurs spécialistes de gestion des risques afin qu'ils comprennent bien comment fonctionne l'installation, ce que représente sa mise en place, la durée de vie des moteurs, et cetera.
Le président: La réponse que vous avez faite au sénateur Tkachuk lorsqu'il vous a dit que la solution paraissait évidente m'amène à penser que vous auriez pu être vice-président du marketing. Je suis tout à fait d'accord.
Le sénateur Tkachuk: J'ai bien hâte à la visite de cet après-midi.
Le sénateur LaPierre: Est-il possible de faire marcher une voiture avec l'énergie que vous produisez? Est-il possible de convertir l'énergie afin de faire fonctionner une voiture ou des machines agricoles?
M. Meikle: Tout à fait. Le biogaz peut être utilisé dans un moteur à combustion interne. Pour le moment, le coût de la compression et du stockage est plutôt prohibitif, mais c'est possible.
Le sénateur LaPierre: Ce sera possible un jour?
M. Meikle: Un jour, oui.
Le sénateur Wiebe: J'aimerais vous demander une idée des coûts et des raisons liés à ce processus de traitement du fumier dans votre exploitation, compte tenu de sa taille. Par exemple, c'est une colonie huttérienne. Ces Huttériens élèvent des porcs, mais également de la volaille et ce sont également des producteurs laitiers. Pourquoi ont-ils choisi ce système pour leur élevage de porcs?
Dans un élevage ou une exploitation laitière existante, quel est, à part le coût d'achat de ce système, le prix de revient de la conversion du système de manutention du fumier pour l'adapter à celui-ci?
M. Meikle: L'exploitation que nous allons visiter cet après-midi utilise du fumier de porc et du fumier sec provenant des élevages de volaille et de brebis. Notre installation accepte plusieurs types de fumier.
Le système fonctionne aussi bien avec divers types de déchets. On apporte quelques légers changements à la cuve de réception lorsqu'on utilise un produit très sec. Le fumier d'élevage est un bon exemple — il contient beaucoup de paille et de litière. On utilise un dispositif d'alimentation continu qui réduit au préalable les matières en petits morceaux. On en fait ensuite un purin avant de l'écouler vers les digesteurs.
Le président: Lorsque vous avez répondu au sénateur Fairbairn, vous avez dit que le fumier d'élevage serait excellent pour votre installation. Quelle est la différence entre le fumier d'élevage et les autres types de déjections de moutons et de porcs?
M. Meikle: Le fumier des exploitations porcines ou laitières contient déjà de l'eau. Il est déjà à l'état liquide. C'est la seule différence. Dans le cas du fumier provenant d'un parc d'engraissement, nous ajoutons de l'eau que nous récupérons à la fin du processus et que nous recyclons.
Le sénateur Wiebe: Dans le cas de ces trois types de fumier, est-il toujours nécessaire de les stocker au préalable dans une cuve à déjections?
M. Meikle: Non. Actuellement, le fumier vient directement des porcheries dans notre installation.
Le sénateur Wiebe: Mais alors, comment faites-vous pour acheminer le fumier sec?
M. Meikle: La cuve de réception est munie d'une glissière dans laquelle les exploitants peuvent décharger directement le fumier.
Le sénateur Wiebe: Est-ce que cela doit se faire manuellement?
M. Meikle: Pour le moment, oui. S'il s'agissait uniquement de fumier sec, les exploitants pourraient, lorsqu'ils nettoient les enclos, entasser le fumier dans un endroit équipé d'un dispositif d'acheminement automatique.
Le sénateur Wiebe: J'imagine qu'avec un tel système il serait avantageux, au moment de la construction des nouveaux bâtiments, d'installer un plancher à claire-voie.
M. Meikle: Pour pouvoir récolter le fumier.
Le sénateur Wiebe: De cette manière, l'éleveur n'aurait pas à installer des bassins d'entreposage et autres réservoirs de ce type, puisque le fumier coulerait automatiquement dans la cuve.
Je suppose que la taille de l'exploitation dépend du coût total? Quelle est la taille des exploitations dont nous parlons? Quelle est la plus grande exploitation à laquelle ce système peut s'appliquer et quelle est la taille limite pour que cette installation de 2 millions de dollars soit rentable? Prenez un exemple dans les porcheries.
M. Giesbrecht: C'est une excellente question. Nous avons pris comme exemple un élevage de 1 200 truies parce que c'est celui qui présente le meilleur potentiel sur le plan économique. Dans le cas d'un élevage plus petit, l'installation serait moins rentable puisque l'infrastructure ne change pas beaucoup même si l'élevage est plus grand. Le système est d'autant plus économique que l'élevage est plus grand et regroupe par exemple plus de 1 200 truies.
Pour répondre à votre question, le système serait sans doute toujours rentable pour une exploitation de naissage- engraissage de 700 truies environ. Pour une exploitation plus petite, le taux de rentabilité serait sans doute moindre et le remboursement se ferait en 12 ou 15 ans.
Le sénateur Wiebe: Supposons qu'un éleveur décide de construire une autre porcherie de 1 200 truies et de la relier à l'installation par une canalisation. Est-ce que le système pourrait traiter ce fumier supplémentaire ou est-ce que l'éleveur devrait investir dans d'autres équipements?
M. Giesbrecht: La production quotidienne de fumier d'un élevage est à peu près stable. Nous choisissons la dimension de l'installation en conséquence. L'infrastructure resterait la même, mais il faudrait rajouter des digesteurs, un élément qui ajouterait aux coûts et une plus grande capacité de production d'énergie.
Le sénateur Wiebe: Est-ce que les 2 millions de dollars comprennent les 400 000 $ nécessaires pour l'installation de purification de l'eau?
M. Meikle: Non.
Le sénateur Wiebe: Par conséquent, si on veut purifier l'eau, il faut compter des dépenses de 2,4 millions de dollars.
M. Meikle: C'est exact.
Le sénateur Gustafson: Est-ce que ce prix comprend les bâtiments?
M. Meikle: Non.
Le président: On suppose donc que l'élevage est déjà en activité et que les truies sont là. Il faut donc rajouter 2 400 000 $ pour l'installation.
M. Meikle: C'est exact.
Le président: Eh bien, nous irons visiter cette exploitation un peu plus tard aujourd'hui. Je suis certain que nous aurons alors beaucoup d'autres questions à vous poser. En attendant, merci beaucoup pour cet excellent exposé.
M. Meikle: Merci de nous avoir invités. Nous serons ravis de répondre à vos questions plus tard.
Le président: Merci.
Je souhaite maintenant la bienvenue à M. Islam qui est conseiller de secteur de la Metis Nation of Alberta.
M. Rafique Islam, conseiller de secteur, Metis Nation of Alberta: Tout d'abord, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à venir présenter un exposé. À ma gauche se trouve M. Trevor Gladue, vice-président provincial de la Metis Nation of Alberta — un poste élu. À ma droite se tient M. George Quintal. Il est président régional de la région 1 de la Metis Nation of Alberta, au Lac La Biche. Il est aussi ministre chargé de l'agriculture et du développement routier de la Metis Nation of Alberta. Mon collègue ici présent Myles Arfinson, est agent de développement économique de la région 1 de la Metis Nation of Alberta.
C'est à la demande de mon employeur, la Metis Nation of Alberta, et de mon ministre, que je présente mon exposé.
Je suis Albertain et citoyen canadien. Je suis membre des associations professionnelles suivantes: l'Alberta Institute of Agrologists, l'Institut agricole du Canada, l'Alberta (Municipal) Assessors Association, la Société canadienne de la science du sol, la Soil Science Society of America, l'International Union of Soil Science, l'American Society of Agronomy et la Crop Science Society of America.
Je travaille au siège social provincial de la Metis Nation of Alberta à Edmonton. La Metis Nation of Alberta est une organisation démocratiquement élue fondée il y a 70 ans. Elle représente les intérêts du peuple métis de l'Alberta dans l'ensemble des six régions, y compris les collectivités rurales, éloignées, isolées et urbaines.
La région 1 occupe le coin nord-ouest de l'Alberta. Chaque région occupe un territoire géographique et un secteur qui lui est propre. J'aimerais vous communiquer aujourd'hui des informations concernant l'agriculture, les forêts et d'autres secteurs.
Je suis un conseiller de secteur pour les élus métis chargés d'élaborer la politique publique et de prendre les décisions dans le domaine de l'agriculture, de l'environnement, des forêts, des ressources naturelles, du logement, des affaires municipales et du développement des collectivités rurales.
Je présente aujourd'hui un exposé au nom de la Metis Nation of Alberta et des Métis considérés comme peuple autochtone en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle canadienne de 1982.
Monsieur le président, nous sommes heureux que vous ayez décidé de tenir les présentes audiences dans l'Ouest canadien. Selon les historiens, les chefs et les anciens Métis, l'histoire du peuple métis est intimement liée à celle de l'Ouest canadien.
Les Métis ont joué un rôle de pionniers dans la mise en valeur de l'Ouest canadien et à titre d'intermédiaires entre les deux civilisations, adaptant la technologie européenne aux régions sauvages de l'Ouest. Aux colons européens, ils ont enseigné le mode de vie local et les techniques qui leur ont permis de survivre et de prospérer au Canada.
En 1870, à l'époque du transfert de la Terre de Rupert au Dominion du Canada, l'établissement de la rivière Rouge à Winnipeg regroupait la plus forte population de Métis.
Les agriculteurs et éleveurs métis que nous connaissons aujourd'hui sont des descendants de ces gens qui subvenaient à leurs propres besoins grâce à la pêche, au piégeage et à la chasse. En raison de la diminution des emplois de chasseurs et de trappeurs qu'offrait l'industrie de la fourrure dans l'établissement de la rivière Rouge, de nombreux Métis, forts de leurs connaissances de la terre et de l'éthique de la nature, se sont tout naturellement tournés vers l'agriculture pour subvenir à leurs besoins et devenir autosuffisants.
La dispersion des agriculteurs métis de la vallée de la rivière Rouge où se trouvaient les meilleures terres agricoles du Manitoba, vers différentes régions de la Saskatchewan — Batoche, Meadow Lake, Wood Mountain, Cypress Hills — et dans les régions du Lac La Biche, de St. Albert, d'Edmonton et de la rivière de la Paix en Alberta et en Colombie- Britannique témoigne de ces événements historiques.
Vous savez certainement monsieur le président qu'en 1934, la province de l'Alberta a chargé la Commission Ewing d'étudier l'établissement de la population métisse et l'amélioration de ses conditions socio-économiques en mettant l'accent sur le développement de l'agriculture. La commission a défini cinq critères appropriés pour le choix des établissements métis.
Ces cinq critères étaient les suivants: le secteur devait offrir une terre agricole raisonnablement fertile; il devait se situer près d'un ou plusieurs lacs poissonneux; il devait avoir accès à des réserves de bois suffisantes pour la construction d'abris pour les familles et le bétail — soit essentiellement un accès aux forêts; le secteur devait présenter au besoin des possibilités d'expansion; et l'endroit devait être à l'abri des interférences des colons européens.
Comme vous le savez, l'organisation métisse de l'époque avait proposé une douzaine de secteurs pour l'établissement permanent des Métis. Je me souviens que l'honorable sénateur Chalifoux était un des membres à l'époque. Le gouvernement a jugé que seulement huit emplacements convenaient aux établissements métis. Environ 10 p. 100 de la population métisse de l'Alberta vit dans ces établissements. Le reste vit à l'extérieur.
Monsieur le président, quatre des emplacements ne furent pas approuvés à l'époque, en raison des conditions climatiques ou peut-être parce qu'ils ne convenaient pas. Depuis, les techniques agricoles ont fait d'énormes progrès. C'est pourquoi, votre comité pourrait peut-être réexaminer ces secteurs si vous le jugez approprié.
Qu'entendons-nous par agriculture ou agroforesterie métisse en Alberta? L'agriculture métisse est fondamentalement un prolongement de la chasse, de la pêche et du piégeage dans le territoire traditionnel et dans l'arrière-pays des collectivités rurales isolées, éloignées et habitées. Par «agriculture», nous désignons la culture du sol et des plantes — y compris la culture hydroponique — la production de récoltes; l'élevage de bétail, de volaille et d'autres animaux, ainsi que la pêche et, à divers degrés, la préparation des produits pour l'alimentation humaine et animale, la production de fibres et toutes sortes d'autres utilisations durables, ainsi que leur élimination dans des conditions de sécurité. Par «agroforesterie», nous désignons la culture des arbres et d'autres plantes ligneuses permettant la récolte de fruits, ou l'entretien des pâturages.
Les agriculteurs et éleveurs métis œuvrent dans toutes les zones pédologiques, la tremblaie canadienne, la zone boréale et les régions montagneuses, dans toutes les zones agroclimatiques de l'Alberta.
Monsieur le président, les terres qui appartiennent à ces éleveurs ou agriculteurs métis, ou qu'ils louent, sont exploitées de la manière la plus traditionnelle. Vous aimeriez peut-être savoir ce qu'est «l'utilisation traditionnelle des sols»? Par «utilisation traditionnelle des sols», nous entendons les usages établis par les Métis et les autres peuples autochtones en fonction de la coutume, des croyances, de l'observation, des connaissances et de l'expérience transmises de génération en génération, oralement et par l'exemple.
L'Inventaire des terres du Canada définit plusieurs catégories d'utilisation des terres pour l'agriculture, les forêts, la faune et les loisirs. Il y a plusieurs catégories et l'agriculture en est une.
Dans notre cas, il s'agit des techniques traditionnelles d'agriculture, de jardinage, de pâturage et de récolte des foins pour l'élevage de veaux, de chevaux et d'autres bêtes; les espaces où poussent les baies sauvages, le riz sauvage, les céréales secondaires et les secteurs propices à l'agroforesterie; les terres où poussent les plantes médicinales, les herbes, les buissons, les épices et autres plantes fournissant des récoltes spéciales; les endroits où nous récoltons des baies, des œufs, des substances médicinales, et cetera.
Il ne faut pas oublier les secteurs d'utilisation traditionnelle tels que les secteurs de chasse et de récolte, ainsi que les habitats de l'orignal, du cerf, de l'élan, du caribou, et cetera, ainsi que les terres salines.
Troisièmement: les lignes et les cabanes de piégeage, les sentiers, les réseaux de communication entre les établissements/réserves.
La faune: les habitats des animaux à fourrure et des animaux aquatiques, les secteurs de récolte, d'observation et de nidification.
Les secteurs de pêche dans les cours d'eau, les rivières et les lacs; les frayères dans les ruisseaux, les rivières et les lacs; les habitats de poisson et les zones de pêche; les endroits où les pêcheurs font sécher le poisson.
Il faut inclure également les lieux de sépulture et les lieux sacrés, les camps de ressourcement spirituel et les sites de retraite, les sites archéologiques, les puits artésiens, et cetera.
Monsieur le président, voilà quelles sont les utilisations traditionnelles des terres qui signifient beaucoup pour les Métis et, je l'imagine, pour les autres peuples autochtones.
Ces utilisations sont synonymes d'économie forestière et encouragent également la bonne intendance de l'environnement. Elles signifient beaucoup de choses. Ces espaces sont des réserves de nourriture et d'autres fournitures essentielles, y compris des substances médicinales, indispensables pour l'autosuffisance, comparables aux grands centres commerciaux que nous connaissons aujourd'hui. Ils sont les dépositaires de la science des anciens Métis. Ces endroits, ces secteurs d'utilisation traditionnelle, ont été la source véritable de l'autosuffisance.
Ce sont aussi des moyens de subsistance et de survie, indispensables pour l'accès et le transport; porteurs du patrimoine culturel et des valeurs spirituelles; du sens de l'identité et de la fierté communautaires; et de l'agroécologie qui propose un ensemble de principes écologiques applicables à l'intérieur des régimes agricoles et des relations entre le régime agricole/agroforestier et la société dans laquelle il est implanté; d'une éthique de la terre et d'une bonne intendance de l'environnement fondée sur le principe de la pérennité des ressources naturelles.
Voilà quelles sont les utilisations traditionnelles des terres et leur signification pour les Métis de la province.
Passons maintenant au protocole de Kyoto. Penchons-nous sur l'impact du changement climatique sur l'agriculture, les forêts et les collectivités métisses.
Vous savez, monsieur le président, que le protocole formulé en 1997 à Kyoto visait la menace environnementale que représentait la production à grande échelle de gaz à effet de serre entraînant un changement climatique. Les scientifiques qui travaillent dans le secteur du changement climatique affirment que les coupables sont les gaz à effet de serre, en particulier le dioxyde de carbone. Ces gaz emprisonnent la chaleur du soleil et contribuent ainsi au réchauffement de la planète.
Le principal coupable est le dioxyde de carbone, un sous-produit. Nous savons qu'il s'agit d'un sous-produit de la combustion de combustibles fossiles, de la déforestation, de l'industrialisation et de la transformation des terres sauvages et boisées en exploitations pratiquant la culture intensive.
En 1992, lorsque le Canada et les États-Unis ont signé la Convention-cadre des Nations Unions sur les changements climatiques, la preuve était faite que nous faisions face à des changements climatiques graves. Par la suite, les rapports produits par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat et par d'autres scientifiques ont confirmé que le changement climatique était réel et causé par l'homme. Ils ont démontré que ces changements auraient des conséquences négatives sur notre environnement et nos écosystèmes.
Monsieur le président, la MNA respecte la sagesse traditionnelle, les connaissances et l'expérience de nos anciens et l'honorable sénateur Thelma Chalifoux sait de quoi je parle.
Nous avons fait des rapprochements entre les récentes découvertes scientifiques sur l'évolution du climat et les connaissances transmises oralement et par l'expérience vécue de nos anciens Métis. Nos anciens ont confirmé que les changements climatiques sont palpables et qu'ils risquent d'aggraver plus encore les dommages environnementaux infligés par les sociétés d'exploitation et de développement énergétique, forestier et minier aux secteurs d'utilisation traditionnelle qu'elles occupent.
Monsieur le président, je réside dans cette province depuis plus de 30 ans et j'ai pratiqué mon métier dans ces régions pour le gouvernement de l'Alberta et pour l'Université de l'Alberta. Aujourd'hui, certains de ces secteurs d'utilisation traditionnelle dont nous parlons ont été décimés ou sont à peine reconnaissables.
Les changements climatiques pourront entraîner des sécheresses plus fréquentes et prolongées. Je veux parler de tous ces phénomènes — violentes tempêtes, conditions climatiques extrêmes — que nous connaissons depuis quelques mois, augmentation des maladies touchant les récoltes et les animaux, infestation d'insectes, augmentation des maladies transportées par les moustiques, des maladies touchant les humains, des feux de forêt et des récoltes dévastées.
Monsieur le président, nous savons que la quantité et la qualité des récoltes agricoles et forestières sont tributaires de l'eau.
La pénurie d'eau peut avoir de nombreuses conséquences: diminution des réserves de produits alimentaires, de fourrage et de fibres et augmentation des coûts; la salubrité de l'eau et des produits alimentaires risque de poser de graves problèmes; et enfin, l'agriculture et le développement économique basés sur les ressources forestières risquent de subir des répercussions négatives, aggravant la situation économique déjà précaire des collectivités métisses et autochtones pauvres de l'Alberta et surtout du Nord.
Les changements climatiques risquent également de modifier les conditions agroclimatiques, affectant les forêts commerciales et repoussant plus au nord la limite des zones boisées; occasionnant des déséquilibres entre les écosystèmes terrestres, aériens, aquatiques, végétaux et animaux, c'est-à-dire un bouleversement de la biodiversité des écosystèmes; et des risques pour les zones d'utilisation traditionnelle dont il est question ici, pour les valeurs traditionnelles d'utilisation des terres dont nous avons parlé, et pour le mode de vie autosuffisant et le patrimoine culturel métis.
La qualité de l'eau pourrait également en être affectée, ce qui pourrait avoir des conséquences nocives sur la chaîne alimentaire et la santé humaine.
Comme vous le savez peut-être, monsieur le président, certaines collectivités métisses évitent de consommer du poisson qui était autrefois un aliment de base, en raison des effets négatifs des changements climatiques sur les rivières et les lacs.
On risque d'assister à une aggravation des problèmes et des conflits concernant l'utilisation des terres par les Métis en raison des diverses utilisations commerciales, industrielles, résidentielles, récréatives, institutionnelles et autres dans les terres d'utilisation traditionnelle de l'arrière-pays des collectivités métisses.
Je vais maintenant parler des techniques de production et de gestion agricoles des Métis. De nos jours, les agriculteurs métis ont généralement recours à la culture sans labour ou aux pratiques aratoires antiérosives, à l'agriculture à faibles intrants et à des méthodes de production, de récoltes et de gestion respectueuses de la capacité de charge des terres d'utilisation traditionnelle décrites un peu plus tôt.
Ces techniques sont respectueuses de l'environnement. Elles permettent aussi d'augmenter le contenu des matières organiques ou de carbone dans le sol, d'améliorer la qualité des ressources terrestres et aquatiques, l'écoulement des eaux, les habitats de poisson et de la faune, les valeurs récréatives et esthétiques et contribuent à protéger les ressources historiques et culturelles.
Ces pratiques nous permettront peut-être de trouver des moyens d'atténuer le réchauffement de la planète. Nous savons qu'en Alberta, les Métis se regroupent surtout dans le Nord, la ceinture de verdure et les forêts.
On peut lire maintenant à l'écran «Avantage vert et puits de carbone». De récentes découvertes au Canada et aux États-Unis révèlent que les méthodes de gestion des terres que pratiquent les Métis associées à la plantation d'arbres encourage une augmentation du transfert net de gaz carbonique atmosphérique dans les sols et son entreposage dans la terre, les plantes et les produits végétaux.
Ce processus de fixation du carbone contribue à enrichir la matière organique du sol. Par le fait même, il peut réduire l'émission de dioxydes de carbone dans l'atmosphère, augmenter la productivité agricole et enrichir les sols forestiers, améliorer la qualité de l'air et de l'eau, rendre plus sains les produits destinés à l'alimentation humaine et animale ainsi que les fibres et améliorer les conditions économiques et d'existence des collectivités rurales. Ces avantages permettront peut-être d'améliorer le bien-être des Métis albertains.
Et maintenant, monsieur le président, nous allons vous présenter une série de recommandations qui s'appuient sur nos observations, nos commentaires et l'expérience vécue des Métis et des autres Autochtones de la province. Je vais vous présenter ces recommandations.
Monsieur le président, nous estimons que notre approche est pratique et réaliste. Nous sommes convaincus qu'il faudrait adopter cette approche ainsi que les recommandations suivantes: Nous recommandons que le comité adopte une loi sur l'utilisation traditionnelle des terres en vue de la protection et de la conservation des terres et des ressources aquatiques d'utilisation traditionnelle dans les secteurs verts et blancs de l'Alberta — les secteurs «verts» étant les zones boisées et les secteurs «blancs» les zones agricoles — voisines des collectivités rurales éloignées et isolées des Métis et Autochtones, afin de favoriser l'autosuffisance et le bien-être des Métis.
Deuxième recommandation, monsieur le président: Mettre en place des protocoles de surveillance et de vérification du stockage du carbone — nous parlons de séquestration — dans les différents écosystèmes d'utilisation traditionnelle, en vue de pratiquer des analyses scientifiques, techniques, réglementaires, économiques et en lien avec les politiques publiques des Métis.
Troisième recommandation: Réduire la dépendance à l'égard des combustibles fossiles en privilégiant le développement d'autres sources d'énergie renouvelable, par exemple en ajoutant dans l'essence un plus grand pourcentage d'éthanol provenant de la biomasse. Cela permettrait de diminuer les émissions de dioxyde de carbone dans l'atmosphère et de créer de nouvelles sources de revenu. Ce pourrait être une nouvelle source de revenu pour les cultivateurs des collectivités rurales. Nous proposons également d'exploiter les énergies éolienne, solaire, géothermique, les piles à hydrogène et autres sources d'énergie.
Quatrième recommandation: Mettre en place des programmes d'agriculture et de foresterie propres aux Métis en vue d'adapter aux changements climatiques les pratiques agricoles, agroforestières, forestières et de gestion des terres avec un financement approprié pour les transferts de technologie, la cogestion et la gestion coopérative des terres et des ressources aquatiques d'utilisation traditionnelle.
Cinquième recommandation: Encourager, respecter et mettre en œuvre les connaissances et les compétences des Métis et des Autochtones en matière d'utilisation traditionnelle des terres et des ressources et les associer à celles des utilisations contemporaines des terres et des ressources afin de mettre en place une planification multiple des utilisations des terres, ainsi qu'à leur répartition, au développement, à la production, à la conservation, à la protection, à la gérance, à la pérennité environnementale, à l'éducation et à la conscientisation du public.
Enfin, monsieur le président, vous savez certainement que le gouvernement du Canada et la Metis Nation of Alberta, ainsi que la province de l'Alberta ont adopté de longue date un partenariat en vertu de l'Entente de consultation tripartite de la Metis Nation of Alberta, en vue de favoriser l'autosuffisance, l'autodétermination et l'autogestion des Métis.
En conformité de l'objectif de cette entente, nous demandons à votre comité d'insister auprès des ministères concernés du gouvernement du Canada afin de multiplier les informations et les incitatifs en vue d'encourager une participation significative des Métis à l'Initiative canadienne pour les collectivités rurales agricoles, au Partenariat rural canadien — Initiative de développement rural et à d'autres programmes en vue du financement de projets en harmonie avec les notions culturelles de renforcement des capacités propices à l'autosuffisance des Métis. Cela pourrait se concrétiser dans les processus de décision et de mise en œuvre de ces programmes.
Malheureusement, monsieur le président, il ne se passe rien de tout cela lorsque nous présentons des demandes dans le cadre de ces initiatives. La Metis Nation of Alberta est une organisation qui existe depuis 70 ans. Pourtant, certains fonctionnaires ne connaissent toujours pas son fonctionnement. Ils se moquent parfois de moi parce que nous n'avons pas suffisamment de ressources pour présenter des demandes en bonne et due forme.
Je suis celui que mon employeur dépêche aux différents paliers de gouvernement. Lorsque nous présentons des demandes, on me réplique parfois: «Qu'est-ce que la nation métisse et qu'est-ce qu'un Métis résidant en établissement et un Métis résidant hors établissement?»
Notre organisation vieille de 70 ans dispose d'une structure politique bien établie.
Nous avons un conseil local, un conseil régional et un conseil provincial. L'organe central provincial, la Metis Nation of Alberta présente une demande à un agent de programme de l'Alberta qui l'approuve. Cette demande parvient ensuite à Ottawa où elle est rejetée, peut-être parce qu'elle ne contient pas suffisamment de renseignements.
Il faut offrir des débouchés à la main-d'œuvre, à la jeunesse et aux familles métisses dans un environnement porteur qui encourage les Métis à briser le cycle de la pauvreté. Sans les appuis nécessaires par l'intermédiaire des programmes et des services tels que ceux que j'ai mentionnés plus tôt il sera difficile pour eux de surmonter les obstacles qui les empêcheront peut-être de réaliser leurs aspirations à l'autosuffisance ou à une existence sous le signe de la qualité de la vie.
J'aimerais préciser, monsieur le président, que si nos demandes sont incomplètes, nous sommes prêts à fournir les informations nécessaires. Cependant, nos demandes restent parfois sans suite et nous en sommes très mécontents. Notre chef aussi est mécontent. Nous faisons notre travail, mais nous avons besoin de soutien et, je pense, de compréhension. La nation métisse ne dispose pas de suffisamment de ressources.
Merci pour votre soutien.
Le président: Monsieur Islam, je vous remercie au nom du comité pour ce rapport et cet exposé des plus complets, détaillés et importants. Plusieurs sénateurs souhaiteraient poser des questions à vous et aux autres représentants assis autour de la table.
Le sénateur Chalifoux: Je suis très heureuse de réfléchir avec vous sur cette très importante question à laquelle nous sommes confrontés et que nous étudions ici au comité, en l'occurrence le réchauffement de la planète et les changements climatiques.
Vous êtes des Autochtones qui vivez des ressources de la nature depuis de nombreuses générations. J'aimerais demander à George en particulier — George est président de la zone 1 et vit dans le secteur de Lac La Biche, Fort McMurray — quelles observations vous avez faites au fil des années relativement aux changements intervenus en particulier dans les domaines de l'agriculture et de la pêche?
M. George Quintal, président, zone 1, Metis Nation of Alberta: D'après mes propres observations et les conversations que j'ai eues avec de nombreux membres de ma zone, nous assistons à une baisse du niveau des lacs et une diminution de la pêche et nous rencontrons de nombreux problèmes. Lorsque nous allons pêcher, il arrive souvent que nous soyons obligés de relâcher nos prises. Autrefois, on pouvait pêcher du poisson et le ramener chez soi pour le consommer.
J'ai parlé également aux anciens au sujet des changements météorologiques. J'ai demandé à un de nos anciens s'il avait déjà connu de telles conditions climatiques. Cet homme d'environ 82 ou 83 ans m'a répondu: «Non, je n'ai jamais rien vu de tel. On dirait que la situation s'aggrave. Le climat se réchauffe, il y a moins de neige en hiver et moins de pluie en été.»
Toutes nos régions sont touchées. Dans tout l'Alberta, les agriculteurs manquent d'eau et espèrent la pluie. Notre région a connu beaucoup de changements.
Aujourd'hui, même nos rivières sont asséchées. L'an dernier, j'ai pu traverser en camion la rivière où j'allais pêcher lorsque j'étais enfant. C'est aussi grave que cela. Il n'y a plus d'eau. Nos marécages sont secs et la situation continue à se détériorer.
Le sénateur Chalifoux: Dans quelle mesure le mode de vie des habitants des collectivités rurales est-il touché?
M. Quintal: Dans nos régions, le poisson était un aliment de base de notre régime alimentaire et, par ailleurs, les récoltes sont moins bonnes lorsque le temps est trop sec. Le foin, les pâturages sont secs. Beaucoup de gens sont touchés dans nos collectivités.
Le sénateur Chalifoux: Les agriculteurs et éleveurs métis ont-ils accès aux programmes d'aide et comment leurs demandes sont-elles traitées?
M. Islam: Voilà un sujet que j'ai abordé. J'ai fait une demande au nom de la Metis Nation of Alberta, dans le cadre du Partenariat rural canadien — l'Initiative de développement rural. C'était dans la région 1. Nous avions cité trois collectivités, Powell River, Imperial Mills et Elinor Lake. Vous les connaissez, madame le sénateur.
Ce sont trois régions d'utilisation traditionnelle des terres. On y pratique l'agriculture, la pêche et toutes sortes d'autres activités. La situation est très grave parce que les gens n'ont pas accès à ces programmes. Nous avions consacré beaucoup d'énergie à cette demande d'aide. Nous avions l'appui de la municipalité qui avait joint une lettre d'accompagnement. Nous avions fait une demande de programme intégré pour les trois collectivités.
L'objet principal de cette demande était de bénéficier de ces programmes pour former les gens, ouvrir des débouchés afin d'améliorer leurs conditions économiques, ainsi que la qualité de l'eau, la qualité de l'environnement et toutes sortes d'autres choses.
Notre demande était accompagnée d'une lettre d'appui. Je me suis rendu à Ottawa pour me faire dire que le comité n'avait pas retenu notre demande. Notre structure comprend un président régional et un vice-président. Ils donnaient leur appui dans une lettre. La municipalité avait joint également une lettre d'appui. Je pense que certains des ministères n'ont pas bien compris comment fonctionne la nation métisse.
La chose est grave, puisqu'il existe un programme destiné aux collectivités isolées. Ces collectivités ne disposent d'aucun service moderne d'approvisionnement en eau, ni de services municipaux. Et, madame le sénateur connaît très bien les conditions de logement, les conditions d'existence et le chômage — 50 p. 100 des gens sont chômeurs. Le gouvernement albertain les considère comme des collectivités éloignées.
Malgré tout cela, notre demande a été rejetée. Notre objectif était d'offrir, selon les besoins, des possibilités de formation professionnelle, de perfectionnement des compétences, d'éducation et d'autres solutions aux problèmes.
C'était un projet pilote que nous avions élaboré et pour lequel nous avions fait une demande. Il concernait plusieurs collectivité du Nord, notamment Imperial Mills, Janvier, Conklin, la région de Wabasca/Desmarais, Peerless Lake, Trout Lake, Fort Vermillion et Fort Chipewyan. Ces collectivités ne peuvent bénéficier des programmes.
Monsieur le président, nous faisons une autre demande par l'intermédiaire de l'Initiative canadienne pour les collectivités rurales agricoles. Je ne sais pas comment notre demande sera reçue mais nous nous donnons la peine de la présenter.
Nous n'avons aucune documentation. Nous avons obtenu nos informations verbalement ou par téléphone. Nous n'avons aucune documentation, parce que la Metis Nation of Alberta ne dispose d'aucun financement pour la produire.
Le sénateur Tkachuk: Vous avez mentionné, comme beaucoup de témoins, qu'il faudrait développer d'autres sources d'énergie et vous avez parlé de l'éthanol et de l'énergie éolienne, notamment. Comment devons-nous nous y prendre?
M. Islam: Une des possibilités est l'éthanol, la production d'énergie de la biomasse. D'autres recherches seront nécessaires. Le besoin existe, il suffit de mettre le programme au point.
Nous pouvons peut-être nous servir de notre dépendance à l'égard de ce qu'il est convenu d'appeler les puits traditionnels. Je ne sais pas exactement comment cela peut se faire. C'est lié d'une certaine manière à l'agriculture, puisqu'on utilise des céréales et d'autres produits. C'est une méthode.
Cependant, beaucoup de recherches sont nécessaires. Nous nous intéressons essentiellement à l'essence, au gaz naturel, au pétrole, et cetera. Il existe peut-être d'autres sources de production à partir des céréales agricoles. Ce sont les chercheurs qui peuvent nous dire comment procéder et Agriculture Canada peut peut-être mettre ses équipes de recherche à l'œuvre.
Le sénateur Tkachuk: Monsieur Quintal, est-ce que vous reliez la diminution des prises de poisson au réchauffement de la planète?
M. Quintal: Il ne s'agit pas seulement de la diminution des prises de poisson, le problème, c'est que les lacs et les rivières ont un niveau trop bas. Les frayères ne sont plus aussi poissonneuses. Les poissons ne descendent plus en aval pour frayer, à cause des niveaux d'eau trop bas. Nos régions sont vraiment touchées.
Le sénateur Tkachuk: Vous avez parlé de cette rivière que vous avez traversée. Depuis combien d'années est-elle dans cet état?
M. Quintal: Cela fait une dizaine d'années que le niveau de l'eau a commencé à diminuer petit à petit. Aujourd'hui, comme je l'ai dit, on peut la traverser en camion à peu près n'importe où, dans la mesure où le fond est stable. C'était une des grandes rivières pour le frai. Lorsque j'étais enfant, je me souviens que j'allais y pêcher au printemps.
Le sénateur Tkachuk: Je me souviens que dans les années 80, vous pouviez traverser à pied la Saskatchewan pour vous rendre à Saskatoon, mais ce n'est plus possible aujourd'hui.
M. Quintal: Mais c'est tout à fait différent, puisque la Saskatchewan prend sa source dans les montagnes et c'est...
Le sénateur Tkachuk: Pourtant, c'est l'absence de neige dans les montagnes qui avait causé cette baisse du niveau de la Saskatchewan.
J'ai grandi dans la région de la Saskatchewan Nord et on avait l'habitude de se rendre au nord jusqu'à Prince Albert. Je ne sais pas si vous connaissez cette région où se trouvent les lacs Emma et Candle. Nous avions l'habitude d'aller pêcher à l'embouchure des ruisseaux. Depuis, bien entendu, la pêche a été commercialisée et il n'y a plus de poisson. Il y en a, mais il est très difficile à attraper.
Ce n'est plus du tout la même chose qu'il y a 55 ans, lorsque j'étais enfant. Ne pensez-vous pas que la surpêche est à l'origine de la disparition du poisson? Est-ce simplement une question de...
M. Quintal: Bien sûr, il y a la pêche commerciale, mais je crois que les pêcheurs ne peuvent se rendre dans ces lacs qu'une fois par an. La pêche commerciale n'est pas aussi populaire qu'elle l'a été dans notre région, puisqu'elle n'est plus rentable en raison des coûts.
Le sénateur Fairbairn: Vous vivez une situation très difficile. Je me demande bien où vos collectivités peuvent s'approvisionner en eau puisqu'elles n'ont pas de système d'irrigation comme nous dans le Sud. Est-ce que vous devez transporter l'eau par camion-citerne?
M. Quintal: Dans certains endroits, les agriculteurs vont pomper l'eau directement dans les lacs et la déversent dans leurs fossés, dans leurs réservoirs. Cela ne s'était jamais vu autrefois.
Le sénateur Fairbairn: Non.
M. Quintal: Et c'est de pire en pire. Je ne sais pas si c'est à cause du réchauffement de la planète, mais j'ai vu ici à Edmonton des agriculteurs pomper de l'eau dans la Saskatchewan Nord pour la ramener dans leurs réservoirs et leurs bassins.
Le sénateur Fairbairn: Il est parfois très difficile d'expliquer aux gens de l'extérieur qu'il n'y a pas grand-chose à faire s'il n'y a pas suffisamment d'humidité. Je me souviens qu'il y a quelques années, la sécheresse était telle, même dans le sud de l'Alberta, dans le secteur de l'élevage, qu'il avait fallu, puisque tous les fossés étaient à sec, faire livrer de l'eau par camion, ce qui, bien entendu, est extrêmement coûteux.
J'essaie d'imaginer comment vous faites pour vous procurer de l'eau.
M. Quintal: Je crois que le problème est dû en grande partie à la disparition des arbres. Beaucoup d'arbres ont été abattus, pas seulement dans la zone 1, mais dans toute la région. À Fort Chipewyan, les gens se plaignent de la baisse du niveau de l'eau. Ils avaient l'habitude de piéger le rat musqué tous les ans dans le delta. C'était leur moyen d'existence, mais ils ne peuvent plus le faire, à cause des barrages.
Le barrage Bennett est accusé d'être à l'origine de la sécheresse dans la région.
Le sénateur Fairbairn: Et les chemins d'accès tracés pour l'exploitation des ressources naturelles? Le détournement des cours d'eau a sans doute nui aussi à votre approvisionnement.
M. Quintal: En effet. C'est pénible de voir combien le pays a changé depuis ma jeunesse. J'ai maintenant 51 ans et je me souviens d'être allé à Imperial Mills avec mon père lorsque j'avais dix ans. C'est une région qui a énormément changé.
Il y a encore une dizaine de familles qui habitent à Imperial Mills, mais elles doivent faire livrer leur eau potable et les camions doivent parcourir 45 kilomètres. Voilà la situation.
La municipalité a créé un puits communautaire, mais l'eau n'est pas potable. En plus, la population n'est pas suffisante pour installer une usine de traitement. Voilà la situation de cette région.
Le président: Est-ce que c'est de l'eau saumâtre? Quel est le problème? Pourquoi n'est-elle pas potable?
M. Quintal: Elle est trop riche en sels minéraux.
M. Islam: Elle a la couleur de la rouille et contient beaucoup trop de sels.
Le sénateur Fairbairn: Ils n'ont pas d'installations de traitement de l'eau.
M. Quintal: On ne peut même pas l'utiliser pour le lavage. Personne ne l'utilisait, alors on a fermé le puits.
M. Islam: C'est le projet dont je vous ai parlé concernant Imperial Mills, Elinor Lake et Powell River, trois collectivités situées à 50 kilomètres de distance. Le ministère n'a pas compris la situation. Nous demandions de l'aide. Les habitants de ces collectivités doivent aller chercher de l'eau par camion à 60 ou 80 kilomètres de là, au Lac La Biche. Il faudrait que les fonctionnaires de ces ministères viennent constater par eux-mêmes...
Le sénateur Fairbairn: C'était ma prochaine question. Est-ce que des gens viennent constater cette situation?
M. Islam: J'ai travaillé pour le gouvernement albertain pendant de nombreuses années. C'est très décourageant, parce que si les fonctionnaires n'essaient pas de comprendre, s'ils ne viennent pas sur place, tout ce qu'on pourra écrire sera peine perdue.
Comme on dit, nous n'avons pas suffisamment de ressources. Je suis le seul à m'occuper de cette question. Je dois franchir tous les paliers, de la base jusqu'aux hauts fonctionnaires. Mon employeur ne peut pas se permettre d'engager d'autres personnes. Il vous parlera de la situation et vous lui poserez peut-être des questions.
Monsieur le président, nous vous demandons instamment de venir en aide à la Metis Nation of Alberta.
Le sénateur Hubley: J'aimerais adresser ma question à M. Gladue. Vous avez tous décrit aujourd'hui la situation des régions rurales et plus isolées. C'est une situation que l'on ignorait ou peut-être que l'on connaissait mais qui ne nous avait pas été présentée comme une conséquence du réchauffement de la planète et comme liée à nos capacités à nous adapter aux nouvelles conditions.
Par ailleurs, votre mode de vie est tout à fait particulier et différent de celui des autres agriculteurs et pêcheurs — il est holistique. Vous utilisez la terre et les cours d'eau et vous êtes très proches de la nature.
La nation métisse a-t-elle pu obtenir des crédits qui lui permettrait d'effectuer des recherches sur la façon dont votre communauté peut s'adapter aux changements que vous avez constatés depuis quelques années, mais qui prendront probablement plus d'ampleur dans un proche avenir?
M. Trevor Gladue, vice-président provincial, Metis Nation of Alberta: J'aimerais tout d'abord préciser que c'est pour moi un grand honneur de me trouver pour la première fois à la même table que l'honorable Thelma Chalifoux, qui est membre de la nation métisse.
Le sénateur Fairbairn: Et aussi votre mère.
M. Gladue: En effet. C'est elle qui m'a guidé dans le mouvement métis depuis mon plus jeune âge — et je suis encore très jeune. Ce sont des leaders comme elle qui m'ont encouragé à porter le flambeau, aussi sombre que paraisse la situation.
J'apprécie vraiment tout ce que vous faites pour notre peuple au Canada. Merci. Je suis absolument émerveillé par tout le processus que le gouvernement canadien a lancé par l'intermédiaire du Sénat. Vous représentez une grande sagesse et beaucoup d'expérience de vie et en tant que jeune adulte et jeune chef né dans le Nord, j'ai connu moi-même beaucoup de ces choses décrites par mon collègue. J'ai 32 ans et j'ai été témoin toute ma vie des changements climatiques qui ont touché l'agriculture, les forêts et notre mode de vie.
Cependant, les Métis ont toujours eu une façon propre de s'adapter à tous les changements qui les ont touchés, parce qu'ils sont un peuple à nul autre pareil. Nous ne sommes ni Indiens, ni Blancs. Nous sommes les deux à la fois. Nous sommes les descendants des pionniers de l'Ouest canadien. Nos ancêtres ont peiné, se sont battus et sont morts pour la mise en valeur de l'Ouest canadien. Voilà notre histoire; vous la connaissez et je suis certain que le sénateur Chalifoux ne manque jamais l'occasion de vous la rappeler.
Le sénateur Chalifoux: En effet.
M. Gladue: Le mandat que vous avez d'examiner l'impact du changement climatique sur l'agriculture, les forêts et les collectivités rurales évoque chez moi plusieurs options d'adaptation. Je pense à toutes les propositions avancées par M. Islam en matière d'innovation et aux diverses façons dont nous pouvons contribuer, comme nous l'avons fait pendant des siècles, au développement de l'Ouest canadien.
Nous affirmons que nous contribuerons à poursuivre la mise en valeur du pays que nous appelons aujourd'hui le Canada. Nous pouvons faire preuve d'innovation pour mettre en place un processus inclusif offrant aux jeunes une formation en agriculture et en foresterie afin de les initier aux nouvelles façons de vivre dans une économie reposant sur l'harmonie avec la nature, parce que c'est de cela qu'il s'agit.
Cependant, il est très important, au moment de proposer des modes de vie innovateurs, de toujours garder à l'esprit les enseignements traditionnels. C'est une richesse que les Métis ne doivent jamais oublier. Nous possédons les connaissances traditionnelles et nous pouvons les combiner aux théories scientifiques occidentales. C'est le cas par exemple des enseignements wechi que nous pouvons appliquer à la société contemporaine.
J'ai beaucoup appris, malgré mon jeune âge, sur les nouvelles façons de protéger nos forêts, notre agriculture et notre climat. J'espère avoir un jour l'occasion de me rendre à Kyoto pour mieux comprendre ce que les leaders mondiaux avaient en tête lorsqu'ils ont proposé le protocole en 1997.
Cependant, je sais également que nos anciens y pensaient déjà il y a des centaines d'années, mais en voulant nous simplifier la vie, nous avons tout compliqué. Je pense qu'il faut tenir compte de cela lorsque nous nous rendons dans les collectivités.
Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de présenter les chants et danses de la nation métisse, car nous avons trop longtemps souffert d'exclusion. À défaut de quantité, nous proposons la qualité, comme avec M. Islam qui est un expert dans de nombreux domaines. Il nous aide beaucoup et j'ai apprécié l'exposé qu'il vous a présenté. Je vous demande de prendre sérieusement en considération l'exposé et les recommandations qu'il vous a présentés.
Le sénateur Fairbairn: Il aurait été dommage de venir ici et de ne pas vous entendre parler.
Le sénateur Chalifoux: Une question supplémentaire. Vous n'avez pas répondu à la question concernant la recherche.
M. Gladue: Ah oui, je vous prie de m'en excuser.
Je l'ai pris en note. Par exemple, je me suis renseigné au Conseil national de recherches du Canada. Il y a différents endroits où nous pourrions obtenir une formation pour nos membres. Il existe différents établissements où nous pourrions acquérir les connaissances nécessaires pour mettre en place différentes façons de nous adapter aux changements climatiques.
Cependant, il est très important de disposer des ressources nécessaires et je pense que nous n'avons pas ces ressources, comme l'a souligné M. Islam dans son exposé. Nous n'avons pas les moyens nécessaires pour donner des chances égales à notre population. La notion d'égalité chère à l'Alliance canadienne me vient à l'esprit.
Je ne suis pas un membre de l'Alliance canadienne, mais, pour parler franchement, j'aimerais que ce parti politique mette en œuvre ce qu'il prêche. À mon avis, il est indispensable que les Métis bénéficient de conditions égales grâce à une formation appropriée.
Le président: Merci beaucoup à tous. L'exposé était excellent. On ne vous oubliera pas. De fait, nous allons nous pencher sur tout ce que vous avez dit ainsi que sur tous les autres exposés qui nous ont été présentés.
La séance est levée.