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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 12 - Témoignages - 28 février 2003 - Séance du matin


VANCOUVER, le vendredi 28 février 2003

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 h 30 pour poursuivre l'étude sur l'impact du changement climatique sur l'agriculture, les forêts et les collectivités rurales au Canada et les stratégies d'adaptation à l'étude axées sur l'industrie primaire, les méthodes, les outils technologiques, les écosystèmes et d'autres éléments s'y rapportant et en faire rapport.

Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Notre étude a débuté à Ottawa il y a quelques mois, et nous avons entendu un certain nombre de témoins du gouvernement et d'ailleurs qui ont présenté des exposés concernant notre étude sur les effets du changement climatique sur l'agriculture, les forêts et les collectivités rurales au Canada. La question que nous soulevons est la suivante: quelles stratégies adopte-t-on pour aider les personnes de ces trois secteurs à s'adapter aux changements climatiques?

Je dois dire que notre périple dans l'Ouest, en particulier en Saskatchewan, a été vraiment très important pour nous parce que nous avons beaucoup appris au sujet des stratégies d'adaptation. Aujourd'hui, on nous entretiendra des stratégies dans le secteur forestier. Nous sommes impatients d'entendre ce que chacun a à dire puisqu'il s'agit d'un sujet qui revêt une incroyable importance.

J'invite notre premier groupe de témoins à prendre la parole. Paul Addison, auriez-vous l'obligeance de présenter les membres de votre groupe, s'il vous plaît?

M. Paul Addison, directeur général, Centre de foresterie du Pacifique, Service canadien des forêts, Ressources naturelles Canada: Je suis très heureux d'être ici. À mes côtés se trouvent Gary Hogan, directeur, Programme de biologie forestière, Caroline Preston, spécialiste de la décomposition du carbone dans les sols et processus pédologiques et, enfin, Ross Benton, qui parlera de la modélisation du climat, des surfaces climatiques ainsi que des impacts.

Je ne voudrais pas vous donner l'impression que nous menons seuls une bonne partie de nos activités. À titre d'organisation régionale, nous collaborons avec les partenaires régionaux comme les universités, les organismes du gouvernement provincial et d'autres instituts. Même si nous allons vous présenter le genre de travaux auxquels nous participons à titre d'organe du gouvernement du Canada dans le domaine des ressources naturelles, je pense qu'il importe que l'on comprenne qu'il s'agit pour une large part d'efforts de la communauté scientifique.

Vous avez déjà entendu le Service canadien des forêts à deux autres occasions. À Ottawa, Gordon Miller a présenté ce que le Service canadien des forêts fait sur le plan national. Plus récemment, à Edmonton, vous avez entendu Boyd Case. L'exposé de M. Case revêtait beaucoup d'importance parce que le Centre de foresterie du Nord dirige dans les faits le volet de nos programmes axé sur les impacts et les mesures d'adaptation.

Nous faisons partie d'un réseau de bureaux régionaux répartis aux quatre coins du Canada. Chacun assume la responsabilité de certains volets de notre programme. Le Centre de foresterie du Nord met l'accent sur les impacts et les mesures d'adaptation, et nous apportons notre contribution. De façon particulière, nous mettons l'accent sur le bilan et le cycle du carbone, et nous tentons de réunir les données scientifiques produites au Canada pour soutenir notre politique et nos négociations, par exemple l'accord de Kyoto et la Convention des NU. Nous effectuons une bonne part de nos travaux dans le cadre de relations fédérales-provinciales.

Nos travaux portent dans une large mesure sur une convention internationale, la compréhension de ce qu'est la séquestration du carbone et l'incidence de ce que nous faisons sur l'atmosphère et son interface terrestre. Une bonne part de ce travail repose sur la modélisation des cycles du carbone comme moyen de générer des projections. Mesurer, c'est bien, mais la réalité, c'est que nous devons agir maintenant pour préparer l'avenir au lieu de nous appesantir sur ce qui est arrivé. Nous avons orienté une bonne part de nos efforts vers l'avenir.

En ce qui concerne les impacts du changement climatique et l'adaptation, je crois savoir que Gordon Miller vous a entretenus de nos activités dans ce domaine, par exemple notre contribution à l'Initiative de faisabilité du boisement pour la séquestration du carbone, que finance le gouvernement du Canada. Nous sommes également associés à Forêt 2020, initiative qui comporte un volet axé sur le carbone et des stratégies de lutte contre les émissions de carbone dans le contexte du changement climatique.

Dès 2006, le Canada devra décider s'il entend ou non utiliser la gestion forestière comme moyen de répondre à ses objectifs en rapport avec l'accord de Kyoto. Une grave question se pose: à qui appartiennent les crédits d'émission de carbone? Ces crédits ont des limites. Nous avons conclu avec chacune des provinces et chacun des territoires des accords de coopération en vertu desquels nous leur fournirons des données scientifiques grâce auxquelles ils pourront prendre de sages décisions. L'un de nos rôles principaux consiste à réunir une équipe de scientifiques canadiens capable d'étayer les politiques du Canada et d'élaborer des approches de la foresterie et de la séquestration du carbone. Nous mettons la science au service de la politique pour faire en sorte que cette norme soit définie par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. D'ici 2005, nous comptons avoir mené à bien le premier rapport qui servira de cadre solide susceptible d'aider les gouvernements fédéral et provinciaux, l'industrie et les propriétaires de terrain à prendre des décisions concernant l'échange de droits d'émission de carbone.

Le Service canadien des forêts est également associé de très près à Fluxnet, réseau national de recherche réunissant des scientifiques du milieu universitaire et gouvernemental afin d'étudier l'influence du climat et des perturbations sur le cycle du carbone. En plus de traiter avec les chercheurs universitaires qui effectuent l'essentiel des travaux détaillés, notre rôle consiste à trouver de nouveaux moyens d'évaluer la séquestration du carbone. Les chercheurs se penchent sur l'effet sur la terre des échanges gazeux dans l'atmosphère. Nous utilisons ces données pour examiner les changements au fil du temps.

Nous étudions également avec le milieu universitaire les modalités d'auto-vérification puisque la vérification constituera un élément important de l'accord international.

Nous participons également à l'Expérience canadienne sur la décomposition interstationnelle (ECDI). Dans le cadre du projet, on suit l'évolution des bilans de carbone des forêts canadiennes. En collaboration avec des partenaires de partout au Canada, nous avons réalisé une série d'expériences normalisées dans un certain nombre d'écosystèmes du pays pour pouvoir mettre en commun nos connaissances scientifiques dans ce domaine. Le projet s'inspire d'un programme des États-Unis.

Nous participons également à des études internationales sur le carbone dans le sol, dans le cadre desquelles nous nous penchons sur la situation dans d'autres pays, par exemple la Russie, la Suède, les États-Unis et ailleurs. Caroline Preston pourra vous fournir plus de détails à ce sujet.

En ce qui concerne les impacts régionaux du changement climatique, l'un des défis que nous devons relever consiste à créer des modèles climatiques régionaux. À l'examen des impacts et des mesures d'adaptation, on se rend compte que l'une des principales questions qui se posent est: «Que ciblez-vous?» On consacre beaucoup d'efforts aux modèles climatiques régionaux, mais, dans une province comme la Colombie-Britannique, le territoire est beaucoup trop vaste pour que nous puissions définir les impacts dans le contexte de la forêt. Par conséquent, l'un des aspects de notre travail consiste à établir comment nous pouvons passer d'un modèle régional à un modèle détaillé pour déterminer ce qui arriverait à tel ou tel territoire ou à l'interaction avec les montagnes. Nous devons étudier chacune des interactions avec la forêt. Si nous ne parvenons pas à comprendre comment les choses se ventilent au niveau des peuplements individuels, nous ne serons jamais en mesure d'évoquer les répercussions pour le pays dans son ensemble.

Nous examinons également la distribution des espèces. Le genre de travaux que nous envisageons porte sur la distribution des espèces. Nous bénéficions d'un mécanisme de classification des territoires, de l'humidité, de la forêt et de l'assise territoriale dans le système bioenvironnemental, ce qui nous permet de classer la forêt à des fins opérationnelles. L'une des préoccupations vient du fait que les changements climatiques entraîneront des bouleversements dans ces écosystèmes. Comment le concevoir? Nous voulons savoir si les espèces existantes demeureront sur place ou changeront. La forêt de l'avenir pourrait avoir un visage tout à fait différent. Nous avons un écologiste qui étudie le genre de changements que nous allons peut-être observer dans le paysage de même que le genre d'espèces qui risquent de changer avec le temps.

La pullulation des ravageurs forestiers est un domaine sur lequel nous possédons de nombreux renseignements généraux. Sur ce plan, nos travaux complètent harmonieusement ceux du gouvernement provincial sur la productivité forestière. Dans une large mesure, les insectes fonctionnent comme les incendies. Les incendies réagissent davantage à la météorologie qu'au climat. Si un environnement donné conserve en moyenne un environnement humide pendant une période de 30 ans, une période de sécheresse, comme celle que nous avons connue par exemple, générera des feux de forêt. La variabilité du climat influe sur les variables liées aux feux de forêt. Il en va de même pour les insectes. Récemment, le gouvernement du Canada a fait l'annonce d'un programme d'une valeur de 40 millions de dollars — dont la moitié en R-D — portant sur le dendroctone du pin uniquement en raison de l'impact de l'insecte sur la Colombie-Britannique. À cause de ce seul parasite, des arbres correspondant à environ trois fois la possibilité de coupe annuelle de la Colombie-Britannique sont déjà morts. Jamais l'industrie ne sera en mesure de récolter tous les arbres agonisants. Les gains économiques que peuvent procurer ces arbres soulèvent une énorme question.

Pendant près de cent ans, nous avons recueilli de l'information sur les maladies et les insectes forestiers. Nous observons le dendroctone du pin dans des milieux où il n'a jamais été présent. Selon une hypothèse de travail, on aurait affaire à un exemple des effets du changement climatique sur le territoire. Nos scientifiques rédigent à ce propos des articles destinés à la communauté scientifique internationale.

Les insectes sont intimement liés à deux autres éléments: la forêt et l'environnement. Si l'environnement se transforme, on peut s'attendre à ce que les cycles de population subissent eux aussi des changements rapides.

La perte de mécanismes de défense naturelle est l'un des facteurs qui explique l'expansion de l'épidémie de dendroctones du pin. Nous n'avons pas bénéficié d'hivers froids qui auraient permis de limiter la croissance des populations. Nous avons également été témoins d'un élargissement de l'habitat de ces insectes. Il y a beaucoup de pins, surtout parce qu'on a protégé pendant des années les pinèdes contre les feux de forêt.

L'une de nos grandes inquiétudes, c'est que le dendroctone du pin gagne la forêt boréale. Dans la forêt boréale, le pin est une espèce qui revêt une très grande importance pour l'industrie. En Colombie-Britannique, en particulier dans le centre de la province, les pins tordus sont attaqués, et tout indique que l'insecte migre vers le Nord. Sans hivers froids qui limitent la population, l'insecte pourrait se répartir dans toute la forêt boréale. Le dendroctone du pin s'attaque aux pins de Banks. Ce sont les arbres les plus gros et les plus sains qui l'intéressent — ceux-là même qui ont de la valeur pour nous.

Certains insectes s'attaquent aux arbres affaiblis. Pas le dendroctone du pin. Il est relativement efficace. La Colombie-Britannique risque donc de subir des pertes considérables. La province dépense de 45 à 55 millions de dollars par année pour tenter de combattre cette seule épidémie, qui s'étend sur un territoire d'environ sept millions d'hectares. Le pin tordu compte pour environ 25 p. 100 des produits du bois en Colombie-Britannique. Si ces forêts ne sont plus exploitables et qu'il n'y a plus de bois pour approvisionner l'industrie, les conséquences économiques seront graves. Nous avons déjà prévenu des représentants de DRHC qu'une bonne part de la production forestière de la province risquait d'être gravement touchée.

En ce qui concerne les mesures d'adaptation, nous nous intéressons à un certain nombre de stratégies. La première consiste à trouver un moyen d'augmenter la tolérance aux sécheresses. L'un des problèmes que pose le changement climatique, c'est que nous ne savons pas quel est le niveau d'humidité dont nous avons vraiment besoin. On s'inquiète de la sécheresse, mais certains modèles indiquent que des endroits deviendront plus humides. En raison de l'interaction de l'océan et des montagnes, on observe d'énormes variations dans des environnements très rapprochés. À titre d'exemple, nous nous trouvons sur un territoire très aride, et pourtant la forêt côtière humide n'est qu'à 25 kilomètres d'ici. Il est donc important que la communauté scientifique — en particulier les modélisateurs — se donne une bonne compréhension de l'atmosphère, des systèmes terrestres et des systèmes océaniques pour déterminer les impacts les plus probables.

Nous avons tenté de réduire les menaces que présentent les feux de forêt et les parasites. Un programme nous a fourni des résultats plutôt heureux. Nous avons éclairci certains secteurs forestiers pour voir si nous pouvions altérer la manière dont les dendroctones du pin attaquent la forêt. Ce faisant, nous avons opté pour des intervalles de quatre mètres et constaté que cette répartition des arbres fait en sorte que ce qui aurait été un feu de cimes devient un feu de terre. Par conséquent, nous disposons d'une technique de gestion forestière capable de créer des milieux qui déjouent le feu.

Nous sommes confrontés à un problème de base. Les gens aiment vivre dans la forêt. Cependant, il n'est pas sage de bâtir une maison dans la forêt au cas où les environs feraient les frais d'un feu de forêt. La forêt canadienne est particulièrement reconnue pour ses incendies. À titre de scientifiques, nous devons donc trouver des moyens d'adapter nos méthodes de gestion de la forêt pour permettre aux humains d'utiliser l'environnement comme ils l'entendent.

Le moment venu d'élaborer des mesures d'adaptation, les stratégies de gestion font également partie de l'arsenal. Nous devons mettre au point des stratégies pour les types particuliers de forêts. On ne peut se contenter de déclarations générales concernant toute la forêt. À titre d'exemple, nous devons protéger la forêt contre les incendies au moment où le climat se fait chaud et où nous connaissons des épisodes de sécheresse. Dans les secteurs intérieurs centre-sud, le Douglas taxifolié envahit des pinèdes. Lorsqu'un feu se déclare dans un secteur protégé depuis un certain temps, les Douglas taxifoliés plus jeunes entraînent un déplacement du feu vers le haut: les cimes s'enflamment, et les pins meurent. Sans les Douglas taxifoliés, le feu restera au niveau des herbes et passera son chemin, ce qui permettra aux arbres de survivre. Voilà une situation où la plantation en sous-étages et l'invasion par des espèces font courir des risques à la forêt originale, en place depuis plus d'un siècle.

Par ailleurs, bon nombre de nos recherches portent sur des pinèdes où nous recourons effectivement à la plantation en sous-étages. Nous recourons à des épinettes et à d'autres espèces pour briser la continuité des pins et éviter la création d'une forêt de type contigu, où les incendies et les insectes peuvent se propager. On nous parle sans cesse des monocultures. En fait, les humains ne sont pas trop portés sur la monoculture, au contraire de la nature, comme la forêt boréale le montre bien.

Enfin, je voulais dire un mot des crédits d'émission de carbone et du lien qu'ils entretiennent avec la gestion forestière. Nous pensons que la notion même d'échange de droits d'émission de carbone incitera des gens à voir la forêt sous un œil tout à fait différent. De façon générale, nous assimilons la valeur d'une forêt au bois qu'elle renferme. Avec l'avènement du carbone comme produit forestier autre que le bois, nous nous attendons à ce qu'on évalue la forêt de façon différente. Cette situation sera alors avantageuse pour le pays dans la mesure où, me semble-t-il, elle constituera une incitation de plus à prêter davantage d'attention à la forêt et à la gestion forestière.

Le président: J'ai deux ou trois questions à poser au sujet des crédits d'émission de carbone. Comme vous l'avez indiqué dans vos propos, le comité en a abondamment entendu parler à Ottawa puis au cours de sa tournée qui l'a conduit en Saskatchewan et en Alberta. À mon avis, la mesure et la modélisation du carbone sont des données scientifiques très nouvelles et inexactes. Les personnes qui exploitent la forêt et la terre ont beaucoup d'inquiétudes et de préoccupations à l'idée qu'on puisse leur imposer des obligations relatives à la séquestration du carbone, à sa modélisation et à la reddition de comptes à son sujet. Vous avez dit que nous ne savons pas comment le carbone évolue et se transforme dans le sol. Prenons l'exemple d'un agriculteur qui a adopté les cultures sans labour; le carbone demeure relativement stable, et nous ne savons pas si le vent et d'autres facteurs risquent de modifier la situation. Selon votre modèle, comment effectuera-t-on les mesures? Mesurera-t-on tous les mètres ou tous les 10 mètres? À quelle fréquence les mesures seront-elles prises? Une fois par semaine, une fois par mois ou tous les six mois? Comment savoir quelle quantité de carbone est présente dans le sol et le crédit auquel l'agriculteur ou le forestier aura droit en contrepartie? Si, par inadvertance, la situation se transforme, l'agriculteur qui a touché de l'argent en contrepartie de ce crédit d'émission de carbone en raison de la séquestration va-t-il devenir responsable et assumer des obligations juridiques et monétaires considérables du fait des modifications sur lesquelles il n'a aucun contrôle?

Il s'agit, je crois, d'une préoccupation majeure, et les membres du comité aimeraient que vous les éclairiez à ce sujet.

M. Addison: Je suis loin d'être un spécialiste de l'agriculture. Cependant, nous avons des propriétaires de forêts qui se trouvent dans une situation très semblable. Il importe de se rendre compte à ce stade-ci qu'il y a une différence entre les régimes juridique et administratif qui entourent le carbone et les données scientifiques.

Bon nombre de questions demeurent sans réponse. À titre d'exemple, la question de savoir si la forêt canadienne est, au total, un puits ou une source de carbone suscite toujours de l'incertitude. La province tend à être le principal propriétaire. Les provinces doivent prendre des décisions en ce qui concerne le cadre qu'elles utiliseront. Pour le moment, nous ne pouvons fournir aucune garantie. Il est trop tôt pour laisser entendre qu'un agriculteur ou un propriétaire devrait faire pousser des arbres dans l'espoir d'obtenir des crédits d'émission de carbone. Aucune structure internationale n'est en place. Il n'y a pas encore d'économie dans ce domaine. Il n'y a que de petits éléments épars. Je sais que la Saskatchewan a fait un certain travail en ce sens. Des services publics et des sociétés forestières ont conclu des partenariats. On s'intéresse à ce dossier en Australie. Aux États-Unis, Hancock fait effectivement l'acquisition de crédits. Cependant, on y va toujours un peu au petit bonheur, comme on dit, puisqu'il n'y a toujours pas de cadre.

Nous nous y intéressons dans le contexte de la foresterie, et nous collaborons avec Agriculture et Agroalimentaire Canada pour faire en sorte que nos modèles soient compatibles. Pour le moment, nos modèles sont toujours à grande échelle. Ce n'est qu'en 2004 que nous disposerons d'un niveau satisfaisant de données scientifiques ou que nous serons en mesure d'aborder la question au niveau des peuplements. Il se trouve que je suis marié à une écologiste spécialisée dans le sol. Ma femme me rappelle que les humains ont tendance à s'occuper de ce qu'ils voient au-dessus du sol. Cependant, nous avons, à un grand nombre d'endroits, fait fi de ce qu'il y a sous le sol.

Le président: Vous allez devoir continuer de prélever des échantillons même dans la forêt pour déterminer s'il s'agit ou non d'un puits.

M. Addison: Oui.

Le président: Y a-t-il actuellement un modèle en vertu duquel certaines personnes sont dédommagées pour des puits forestiers?

M Addison: Je ne connais pas d'exemple d'entreprise privée au pays. Il existe, comme je l'ai dit, des partenariats conclus avec des services publics: des ressources sont acheminées vers une poignée d'entreprises forestières novatrices qui s'efforcent d'assurer la commercialisation de ce produit. Au Canada, un certain nombre de sociétés manifestent de l'intérêt, mais on se bute à certaines questions fondamentales, en particulier ici en Colombie-Britannique, touchant la question de savoir à qui appartiennent les crédits d'émission de carbone. Dans le domaine de la foresterie, le gouvernement du Canada soutient que c'est lui qui en est le propriétaire. Les provinces ne sont pas du même avis.

Le président: Les provinces et un grand nombre de particuliers et de propriétaires.

M. Addison: Oui.

Le sénateur Hubley: Je m'intéresse à Forêt 2020. Je pense qu'il est très important que les solutions que nous apporterons ou auxquelles nous réagirons s'inscrivent dans une perspective à long terme. Ce thème est revenu tout au long des audiences de cette semaine. En Colombie-Britannique, par exemple, recueillons-nous, lorsque nous sommes confrontés à des phénomènes extrêmes imputables au changement climatique, une quantité d'information suffisante pour pouvoir créer un modèle qui nous indiquera, au cours des années à venir — en particulier dans le domaine de la foresterie —, ce que nous devrions planter, les endroits où nous devrions le faire et les méthodes que nous devrions utiliser?

L'autre leçon que j'ai retenue, c'est que, pendant des années, la population a été aux commandes, et l'environnement a dû s'adapter. Je pense que nous assistons maintenant à un renversement de situation en vertu duquel l'environnement occupera le poste de conducteur pendant un moment, et ce sont nos capacités d'adaptation qui vont nous permettre de vivre au sein de cet environnement.

M. Addison: En réponse à votre première question, je préférerais m'en remettre à la province de la Colombie- Britannique, qui détient 90 p. 100 du territoire, mais je ne connais pas de mécanisme qui intègre le changement climatique à titre de variable précise dans nos pratiques sylvicoles. Nous nous intéressons toujours à ce qui vient de la terre. Les sociétés ont l'obligation d'y remettre ce qu'elles ont pris et — c'est l'approche qui semble se généraliser. Il s'agit d'un point de vue axé sur une intendance très forte, très solide, et les sociétés l'accueillent avec enthousiasme. Cependant, à ma connaissance, nous n'effectuons pas de plantations précises en tenant compte du changement climatique comme variables particulières.

En ce qui concerne le deuxième point que vous avez soulevé, je suis d'accord avec vous pour dire que l'écosystème ne se préoccupe pas vraiment du changement climatique. Les écosystèmes ne se font jamais de souci. Ils se contentent d'être. L'inquiétude, c'est l'apanage des humains. Vous avez raison; le problème, c'est que le changement bouleversera nos systèmes humains. La forêt sera toujours là, faute de quoi elle sera remplacée par des prairies ou des déserts — autant d'écosystèmes légitimes d'un point de vue écologique. Sur divers plans, ils ne sont tout simplement pas aussi précieux pour les êtres humains, en particulier lorsqu'on tient compte des infrastructures et du fait qu'il y a des vies et des industries à soutenir. Il s'agit pour une large part d'un problème humain, et ce sont les humains qui devront réagir. Sinon, nous allons être confrontés à certains des scénarios plus catastrophiques. Ne pas réagir tôt, ce serait se priver d'une occasion.

Le sénateur Tkachuk: Je me posais deux ou trois questions au sujet des études internationales sur le carbone dans le sol. Les pays en voie de développement hésitent à s'associer à la politique de Kyoto. En Inde, en Chine ou en Russie, par exemple, s'intéresse-t-on beaucoup aux changements climatiques et aux inquiétudes qui en découlent, ou fait-on fi de ces problèmes en raison de la politique gouvernementale? Que se passe-t-il là-bas?

M. Addison: Je vais peut-être demander à Caroline Preston, qui est allée en Russie et qui a travaillé avec des chercheurs de là-bas, de répondre à votre question.

Mme Caroline Preston, chercheuse principale, Centre de foresterie du Pacifique, Service canadien des forêts, Ressources naturelles Canada: On fait beaucoup de travail dans ce domaine. Je ne peux pas me prononcer sur la situation dans les tropiques, mais je sais qu'on fait beaucoup de travail en Chine et en Russie. Il existe un important projet euro-sibérien sur le flux de carbone. Il s'agit d'un partenariat. Les Russes, les Américains et nous collaborons beaucoup. J'ai été associée à certains de ces travaux. Je sais, pour avoir consulté la documentation scientifique, que beaucoup de travail se fait au niveau international. À titre d'exemple, je viens de voir un article sur le bilan du carbone des forêts de l'Inde.

Le sénateur Tkachuk: Le partage du travail est-il organisé ou les choses s'arrangent-elles au hasard?

Mme Preston: Il y a des revues scientifiques, des ateliers et des initiatives comme le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). Dans les revues scientifiques, on a également retrouvé un grand nombre d'articles de synthèse auxquels ont collaboré jusqu'à 20 auteurs issus de nombreux pays différents qui ont en quelque sorte fait le bilan des connaissances sur nos forêts (sont-elles un puits ou une source de carbone?) et tenté d'évaluer les puits dans les hémisphères nord ou sud. Il est certain que la situation évolue, qu'il s'agisse de particuliers qui se téléphonent entre eux ou de comités de grande taille?

Le sénateur Tkachuk: J'aimerais dire un mot du dendroctone du pin. Où faut-il qu'il fasse froid? Dans cette région du pays, il ne fait pas froid très souvent, mais où faut-il qu'il fasse froid pour que le dendroctone du pin soit éradiqué?

M. Addison: Il ne sera jamais éradiqué. C'est un élément naturel du système.

Le sénateur Tkachuk: D'accord. Pour qu'il soit contrôlé.

M. Addison: Ce serait bien s'ils étaient moins nombreux. Le pin tordu se retrouve principalement dans le centre de la Colombie-Britannique et vers le Nord. Normalement, il s'agit donc d'un climat subboréal. Cette année, il n'a pas fait froid. Si, au milieu de l'hiver, la température descend sous la barre des moins 40 degrés pendant une semaine environ, la population diminuera de façon radicale. Un froid hors saison peut aussi nous venir en aide. À l'Halloween, l'année dernière, nous avons connu une température de moins 30 degrés qui a mis un terme à la dernière infestation majeure.

C'est d'ailleurs un des aspects où le changement climatique, étant donné l'aspect «variabilité», pourrait nous être utile: je pense à une vague de froid hors saison, au début de l'automne ou au printemps, après que les insectes se sont habitués au climat plus doux. L'insecte est très bien conçu. Il est l'aboutissement d'une évolution qui s'est échelonnée sur quelques millions d'années. Il vit dans les arbres la plupart du temps: nous n'avons pas souvent l'occasion de l'attaquer. En fin de compte, nous avons besoin d'un hiver froid ou d'un froid hors saison pour stopper sa progression.

Le sénateur Tkachuk: Pourriez-vous nous donner une idée des régions de la province les plus durement touchées pour que nous puissions en faire état dans notre rapport?

M. Addison: Notre site Web indique l'emplacement du foyer actuel. On y trouve également une vidéo qui montre la progression du dendroctone du pin au cours des cinquante dernières années, jusqu'à la pullulation actuelle. Je me ferai un plaisir de mettre cette information à votre disposition, sur support électronique et sur support papier.

Pour répondre à votre question, je précise qu'il y a eu une infestation tout juste au sud de Prince George, jusqu'à Williams Lake. Cette fois-ci, l'épicentre principal a pris naissance à la frontière du parc Tweedsmuir — pas exclusivement dans le parc et en partie dans la forêt provinciale qui le jouxte. À ce state, on avait affaire à une forêt non industrielle; aucune route n'y conduisait. Lorsqu'on ne lui fait pas échec rapidement, le dendroctone du pin impose sa loi. En ce sens, il fait penser à un feu de forêt: une intervention précoce peut permettre d'en venir à bout, mais, une fois qu'il est en marche, les humains ne peuvent rien faire pour l'arrêter.

Le sénateur Carney: Il s'agit pour moi de toute une occasion d'apprentissage puisque je ne siège normalement pas au comité. J'en profite pour entendre des habitants de la Colombie-Britannique me parler des problèmes de la province.

J'ai une question très pragmatique à poser. Qu'est-il arrivé à votre budget au cours des dernières années? Étant donné que vous êtes confronté à ces problèmes qui s'aggravent et se transforment, votre budget a-t-il été accru ou réduit dans ces domaines?

M Addison: En ce qui concerne le dendroctone du pin, le ministre Dhaliwal a fait l'annonce d'un montant de 40 millions de dollars, la moitié pour la R-D, l'autre moitié pour les terres fédérales. Cependant, depuis 1995, notre budget est fixe. Le gouvernement du Canada a eu pour politique d'enrichir les activités de R-D. Depuis 1995, il a ajouté trois milliards de dollars en R-D au Canada, par l'intermédiaire des universités et d'autres instituts. Le principal investissement a été dans la Fondation canadienne pour l'innovation. Les organismes subventionnaires ont accordé d'autres subventions stratégiques. Depuis 1995, il y a eu une augmentation d'environ 60 p. 100 au titre de la R-D, mais pas au sein des ministères fédéraux.

C'est cette situation qui est à l'origine des partenariats que nous avons conclus avec des universités et d'autres organismes pour donner suite au programme du Canada en faisant appel à tous les Canadiens plutôt qu'aux seuls scientifiques du gouvernement.

Le sénateur Carney: Croyez-vous qu'il s'agisse d'un bon modèle? D'un modèle productif?

M. Addison: À titre de représentant de Ressources naturelles Canada, j'y vois la politique que le gouvernement a établie en 1995. Nous avons obtenu beaucoup de succès. Au sein du centre que je dirige, nos ressources ont doublé depuis l'année dernière. Une bonne partie des fonds ont trait au dendroctone du pin, mais nous avons également reçu des capitaux pour des programmes nationaux d'information. Nous avons dû nous battre d'une façon nouvelle pour ces fonds, et ça n'a pas été facile.

Le sénateur Carney: Je veux poser certaines questions sur les impacts communautaires associés au changement climatique que vous commencez à observer. Si un insecte comme le dendroctone du pin dévaste un territoire correspondant à trois fois la possibilité de coupe, on perd de toute évidence une importante réserve de bois. Y a-t-il d'autres effets sur les nouvelles utilisations du territoire? À titre d'exemple, vous avez fait allusion à une autre utilisation possible du terrain pour l'agriculture et l'élevage du bétail. Y a-t-il un impact sur la gestion du bétail et des pâturages et sur d'autres utilisations susceptibles d'avoir des effets sur les collectivités? Que se passe-t-il? Si les écosystèmes ne s'inquiètent pas, qu'en est-il des régimes d'utilisation du territoire?

M. Addison: Nous allons être témoin de certains changements à cet égard. Une partie de notre programme visant le dendroctone du pin est destinée aux propriétaires privés: nous voulons faire en sorte qu'ils aient les connaissances voulues et la possibilité d'attaquer le ravageur avant qu'il ne dévaste leurs terres.

Sur le plan social, la foresterie revêt une grande importance puisque des propriétaires de la région de Williams Lake et de Prince George tirent une partie de leurs revenus de la foresterie et une autre partie de l'élevage du bétail — on s'adonne là-bas à l'agriculture mixte. Nous sommes loin des grandes exploitations de la Saskatchewan.

Nos agriculteurs comptent sur des secteurs de la forêt comme complément à leurs activités. Sans cette ressource, ces exploitations agricoles risquent de ne pas être viables. Nous collaborons avec les associations de propriétaires pour les aider à faire face à ce problème.

Si nous montons une grande campagne contre le dendroctone du pin, nous savons que nous ne pouvons rien faire contre ce ravageur. C'est comme un important feu de forêt qui, après coup, exige un grand nettoyage. Dans de tels cas, la situation de notre bois d'œuvre devient problématique parce que nous n'avons pas accès à des marchés qui nous permettent de stimuler la consommation de ce bois.

Le sénateur Carney: Il s'agit d'un sujet fascinant, et nous pourrions continuer toute la matinée. Je vais consulter le site Web.

M. Addison: Si vous tapez les mots «dendroctone du pin» dans le moteur de recherche Google, c'est notre site qui arrive en tête de liste. Nous en sommes heureux parce que les sites gouvernementaux qui sortent en premier ne sont pas si nombreux. On utilise nos données scientifiques assez efficacement. Le site Web du Centre de foresterie du Pacifique a fait le bilan des connaissances sur le parasite. Nous avons également diffusé cette information dans toute la province ainsi qu'en Alberta.

Le sénateur Day: Ma question comporte deux volets. Premièrement, vous avez dit que, en Colombie-Britannique, on fera face à un grave problème d'approvisionnement en bois d'ici une décennie et que, de toute évidence, cette situation aura certains impacts sur l'industrie et les collectivités. Est-ce, pour reprendre les mots de Dickens — l'image de ce qui doit être, ou seulement de ce qui peut être?

Deuxièmement, consacre-t-on beaucoup de travaux à la reforestation et aux stratégies biotechnologiques et autres susceptibles de prévenir le problème, ou se pose-t-il du seul fait que des arbres correspondant à trois fois la possibilité de coupe annuelle sont déjà morts?

Consacrons-nous trop de temps et d'énergie au jeu que je juge pour ma part un peu superficiel des puits de carbone, des échanges de droits d'émission de carbone et de Kyoto au lieu de s'en tenir aux véritables valeurs humaines et à tout ce qui compte vraiment?

M Addison: En ce qui concerne votre première question, nous devons comprendre que le dendroctone du pin se répand — son impact et l'aire sur laquelle il s'étend doublent tous les ans. Il s'agit d'une créature d'une formidable efficacité. Nous savons également qu'il y a encore beaucoup de pins et que le dendroctone est loin d'être arrivé à ses limites. Par conséquent, tous les pronostics que nous avons en main — à moins de quelque phénomène climatique majeur — laissent entendre que la progression de l'insecte ne pourra être stoppée par des moyens humains.

On s'est beaucoup intéressé à des stratégies qui permettraient de tirer certains avantages économiques de la situation, ce qui nous amène au principal point que vous soulevez. Il y a des possibilités. Certaines sociétés font preuve d'une très grande innovation en se montrant capables d'utiliser du bois mort depuis dix ans. Habituellement, on récolte du bois vert parce qu'il se coupe bien et que le passage à la scierie est efficient. Cependant, une société de Lignum, dans le centre de la Colombie-Britannique, continue de récolter du pin tordu mord depuis dix ans et, ce faisant, d'engranger des profits. Voilà le genre d'innovation dont nous avons besoin. Si nous sommes aujourd'hui en mesure d'utiliser de la matière ligneuse morte depuis dix ans, peut-être pourra-t-on aller jusqu'à 20 ans. On pourra également commencer à s'intéresser à d'autres produits.

Dans le cadre du projet relatif au dendroctone du pin, on s'intéresse notamment aux utilisations possibles de la fibre et à sa durée. Les questions qui se posent sont les suivantes: comment tirer une valeur économique de cette matière? Est-elle utilisable? Pendant combien de temps les arbres demeureront-ils debout? Peut-on les déchiqueter et les utiliser dans nos usines de pâtes? On doit également tenir compte des études socio-économiques et économiques pour déterminer ce que sera la situation dans des endroits comme Prince George et si le dendroctone poursuit ses ravages comme aujourd'hui. La ville de Prince George a une production forestière supérieure à celle de Terre-Neuve et du Labrador: en Colombie-Britannique, une énorme partie des principales réserves de bois ne se trouve pas sur la côte. En fait, elles sont dans le secteur actuellement confronté au problème du dendroctone du pin.

En dernier recours, il s'agit d'un phénomène qui revêt une importance capitale pour la Colombie-Britannique et qui a des conséquences sur le plan social. À titre d'organisation, nous devons examiner les problèmes internationaux et nationaux, mais nous devons également nous attaquer aux problèmes liés à la gestion de la forêt en Colombie- Britannique et au Yukon. J'espère que ma réponse vous éclaire.

Le sénateur Day: Oui. J'aimerais m'assurer que la plupart de vos ressources ont trait aux questions touchant les stratégies, les collectivités économiques et les stratégies socio-économiques. Votre exposé nous a laissé l'impression que vous consacrez toute votre énergie à l'échange de droits d'émission en vertu de Kyoto, à la vérification et ainsi de suite.

M. Addison: Si nous avons été en mesure d'élargir notre programme, c'est en raison de l'intérêt qu'il suscite au niveau national, de notre expertise dans le domaine de la modélisation du carbone et de certaines des ressources humaines talentueuses sur lesquelles nous misions dans le domaine de la gestion d'information. Notre programme a une valeur de six millions de dollars, somme qui s'ajoute au programme de 13 à 14 millions de dollars davantage axé sur la biologie. Je ne voudrais pas vous donner l'impression que nous nous concentrons sur les aspects socio- économiques. Sur un effectif de 130 employés nommés pour une période indéterminée, j'emploie quatre économistes. C'est un aspect important, mais la plupart de nos travaux portent sur les sciences biologiques, la santé des forêts.

Le sénateur Day: Qui effectue les travaux socio-économiques?

M. Addison: Nous avons ici John Innes, de l'Université de la Colombie-Britannique, où on trouve un programme actif. L'University of Northern British Columbia a aussi un programme. L'Université de l'Alberta effectue beaucoup de travail, et nous avons une très forte section dans notre laboratoire du Nord à Edmonton. Nous ne faisons pas tout au même endroit. Nous travaillons en réseau et nous utilisons l'expertise qui s'offre à nous là où elle se trouve.

Le président: Monsieur Addison, je tiens à vous remercier beaucoup d'un exposé des plus intéressants et impressionnants. Votre témoignage est précieux, et nous l'apprécions au plus haut point.

M. Addison: Si vous avez besoin de renseignements de suivi, nous nous ferons un plaisir de vous fournir tout ce que nous avons en main.

M. Steve Thomson, directeur exécutif, British Columbia Agriculture Council: Bonjour et bienvenue en Colombie- Britannique. Je profite de l'occasion pour vous dire que nous sommes actuellement l'hôte de l'assemblée annuelle de la Fédération canadienne de l'agriculture, qui se tient en haut de la rue, à l'hôtel Hyatt Regency. Il y a là des leaders agricoles de tout le pays qui profitent du climat de la Colombie-Britannique. Le B.C. Agriculture Council est l'organisation provinciale qui représente l'agriculture générale. À mes côtés se trouve Allan Patton, membre du conseil d'administration et vice-président de la British Columbia Fruit Growers Association. M. Patton nous représente également au comité consultatif national qui élabore le chapitre sur l'environnement du cadre stratégique agricole auquel travaillent actuellement Agriculture Canada et les provinces.

Je vais vous faire une brève présentation et vous donner un aperçu de l'industrie. Ensuite, M. Patton passera en revue les points saillants de notre mémoire, et nous espérons qu'il restera du temps pour des questions.

L'agriculture est l'un des principaux secteurs des ressources naturelles en Colombie-Britannique. Nous produisons ici plus de 250 denrées: il s'agit donc d'une industrie très variée et diversifiée. Nos membres sont présents dans toutes les régions de la province, de la rivière de la Paix jusqu'au centre intérieur, dans les vallées de l'Okanagan et du Fraser et sur l'île de Vancouver, et ils font face à tout l'éventail et à toute la diversité des conditions agricoles dans des régions et des climats différents.

En Colombie-Britannique, l'agriculture est une industrie de 2,3 milliards de dollars dont l'importance va en grandissant. Du point de vue des ressources, nous sommes un secteur de croissance de la province: en effet, nous générons quelque 19 milliards de dollars d'activités économiques au total, et plus de 60 000 personnes travaillent dans l'agriculture primaire et dans le secteur de la transformation. L'agriculture apporte une contribution majeure à l'activité économique de la province. En Colombie-Britannique, une personne sur sept travaille dans un domaine lié de près ou de loin à l'agriculture. Par conséquent, nous estimons qu'elle représente un élément très positif de l'économie de la province.

Au sein d'un marché de plus en plus mondialisé, le secteur est confronté à des défis. Le changement climatique est un domaine dans lequel nous n'avons pas d'expertise et où beaucoup reste à faire. Les données scientifiques doivent en outre être clarifiées. À titre de conseil et d'industrie, nous commençons à nous intéresser à ce domaine stratégique. Cependant, nous en sommes au stade embryonnaire. Nous n'avons pas la prétention d'être des spécialistes de ce secteur.

M. Allan Patton, administrateur, British Columbia Agriculture Council: L'agriculture est l'une des rares industries à bénéficier de crédits en raison de la question du carbone. Nous aimerions que les crédits d'émission de carbone soient octroyés aux agriculteurs, en particulier à la ferme. Bien entendu, l'affirmation ne s'applique pas entièrement à toute l'agriculture. Il y a certains types d'agriculture qui génèrent du carbone et d'autres qui en séquestrent. Par conséquent, je ne parle pas de toute l'agriculture en affirmant qu'il y a là d'importants crédits d'émission de carbone que l'agriculture pourrait obtenir. Beaucoup reste à faire. Même pour les secteurs qui bénéficient de crédits d'émission de carbone, il y a encore place à amélioration en ce qui a trait à l'obtention de crédits et à la réduction du déficit.

Le British Columbia Agriculture Council (BCAC) est partisan de mesures d'atténuation et d'adaptation qui reposent sur de solides assises scientifiques et tiennent compte de la réalité économique à laquelle les exploitations agricoles sont confrontées. Nous voulons collaborer avec la communauté des chercheurs à l'élaboration d'outils de contrôle et de collecte de données ainsi qu'à celle des recherches s'y rapportant en utilisant les stations de recherche agricoles à notre disposition. Il existe des technologies capables de mesurer et de contrôler l'importance des émissions. La quantité de carbone séquestré risque d'être un peu plus problématique, mais on dispose de la technologie voulue pour commencer à travailler dans ce domaine. Nous allons mettre en œuvre des stratégies et continuer d'examiner toute la question de l'accord de Kyoto et de ce qu'il signifie pour notre industrie.

Nous croyons que l'agriculture apportera une contribution majeure aux objectifs fixés pour le Canada dans l'Accord de Kyoto. Cependant, nous tenons mordicus à ce que ces crédits soient retournés à la ferme. Nous ne voulons pas que le Canada déclare avoir droit à un crédit avant d'avoir indemnisé les agriculteurs pour les crédits qu'ils génèrent.

Le président: Qu'en est-il de la question de la responsabilité? Pouvez-vous nous en dire un mot également?

M. Patton: Nous pensons qu'une façon de contourner le problème de la responsabilité consisterait à louer plutôt qu'à vendre nos crédits. Le principe ne serait peut-être pas applicable dans la vallée du Bas-Fraser, où les sols contiennent déjà une quantité relativement importante de matière organique, mais il pourrait à coup sûr être utilisé ici dans la vallée de l'Okanagan et dans les Prairies, où la quantité de carbone ou de matière organique dans le sol est faible. Il s'ensuit qu'on pourrait accroître rapidement la quantité de carbone séquestré dans le sol. Nous arriverons au point où on assistera à un plafonnement — qui sait? à la lumière de certains phénomènes climatiques, le niveau pourrait même diminuer; cependant, nous pensons que la location constituerait un mécanisme plus approprié pour ce faire que l'achat ou la vente de crédits.

J'aimerais maintenant vous parler un peu de mon expérience d'agriculteur. Je cultive les pommes dans la vallée de l'Okanagan. Là, nous faisons face à un problème lié aux crédits d'émission de carbone. Cependant, de nombreux agriculteurs, moi le premier, considèrent la grêle comme un grave problème. Il y a 20 ou 30 ans, la grêle était un phénomène qui se produisait tous les huit ou dix ans. Au cours des dix dernières années, ma ferme a été touchée par la grêle à sept reprises. La grêle m'est tombée dessus sept années sur dix. C'est relativement typique. Le problème est assez grave. Pour moi, les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas synonymes de réchauffement planétaire. Tout ce que je vois, c'est que les phénomènes météorologiques s'intensifient et que leur fréquence augmente. Malheureusement, le problème se pose à une époque où — en particulier pour les arboriculteurs fruitiers — nos primes d'assurance-récolte viennent juste de doubler. Nous faisons face à un problème de taille puisque, avec l'augmentation du nombre de phénomènes météorologiques qui affectent nos récoltes et notre capacité de produire des récoltes de bonne qualité, nous tenons à une assurance-récolte abordable. Nous voyons dans les crédits d'émission de carbone un moyen de compenser l'augmentation du coût de l'assurance-récolte.

Dans l'Okanagan en particulier, les feux représentent une autre préoccupation. Tous les arboriculteurs fruitiers ont des tas de bois à brûler. Nous sommes dans une vallée de bordée de montagnes des deux côtés. Les particules de matières brûlées et les émissions de carbone représentent désormais un problème de santé. Replanter n'est pas simplement une bonne action. Il est devenu très important pour l'industrie de le faire: c'est le seul moyen de rester à l'abri des fluctuations économiques entre diverses variétés. Parce que nous reboisons beaucoup ici, il y a un roulement des terres utilisées pour la production de fruits, et des matières brûlent.

À titre d'association, nous ne voulons pas accroître les coûts auxquels font face les agriculteurs en les obligeant à transporter les matières en question. Nous sommes confrontés au prix d'une allumette, et nous voulons le remplacer par quelque chose qui évite aux agriculteurs ou aux arboriculteurs fruitiers d'être victimes d'incendie. Par conséquent, nous envisageons la possibilité d'utiliser les crédits d'émission de carbone pour faire l'achat d'une déchiqueteuse de grande taille, grâce à laquelle on pourrait réduire les tas de bois à brûler en copeaux, lesquels pourraient ensuite servir à enrichir le sol. Nous voyons dans les crédits de carbone un incitatif financier inhérent grâce auquel on pourra effectivement réduire l'importance du déficit auquel nous sommes confrontés.

Bien entendu, ce sont les déficits de carbone et l'émission de gaz à effet de serre qui influent sur notre climat. Nous avons toujours été confrontés à des conditions météorologiques difficiles, mais, si la fréquence et l'intensité de ces épisodes s'accroissent, on doit conclure que les émissions de gaz à effet de serre y sont pour quelque chose. Voilà pourquoi l'aide à l'assurance-récolte représente un enjeu.

Le président: Je pense que c'est extrêmement important. C'est l'une des informations les plus utiles qui nous ait été communiquée depuis longtemps.

M. Patton: Bien.

Le sénateur Carney: On cultive aussi les pommes en Nouvelle-Écosse.

M. Patton: Exactement. Le problème ne se pose pas que dans la vallée de l'Okanagan ou en Colombie-Britannique. Un jour que je me trouvais à l'Île-du-Prince-Édouard, de fortes pluies ont entraîné la mort de poissons. Il y a 20 ou 30 ans, de tels phénomènes n'existaient tout simplement pas. Aujourd'hui, on en observe presque tous les ans. C'est un peu comme pour la grêle dans l'Okanagan et la sécheresse dans les Prairies. Ces phénomènes s'expliquent en bonne partie par les émissions. Je pense qu'il est très approprié qu'on en parle.

J'aimerais maintenant dire un mot des plans environnementaux en agriculture, qui ont été mis au point par l'entremise d'un comité fédéral dont je suis membre. Le B.C. Agriculture Council s'occupe de l'élaboration, de la structure, du financement, de la distribution et de l'administration des plans environnementaux en agriculture. J'ai mis hier la dernière main à mon cahier de travail lié aux PEA.

Nous avons ici affaire à la biodiversité, c'est-à-dire la nature, la faune, la flore et les espèces animales, sans oublier l'air, le sol et l'eau, autant d'éléments nécessaires à une saine biodiversité. Le changement climatique a à voir avec tous ces aspects. On y touche dans les PEA, et le problème du changement climatique a un effet sur tous ces aspects. Le cahier de travail renferme 285 questions portant sur tous les aspects de l'agriculture. Bon nombre de questions et d'enjeux soulevés par ces questions ont trait à la réduction des émissions de carbone.

Le plan concerne tout le pays. L'Ontario et l'Île-du-Prince-Édouard font des plans environnementaux en agriculture depuis un certain temps. De nombreuses provinces leur ont maintenant emboîté le pas. Nous en sommes au point où des agriculteurs le font également. S'il en est ainsi, c'est parce que le Cadre stratégique pour l'agriculture (CSA) est attendu à la fin mars et que les agriculteurs auront droit à une certaine aide en vertu du principe du partage des coûts. Dans le cadre des PEA, les agriculteurs seront confrontés à toutes sortes de dépenses.

Nous faisons déjà quelque chose pour améliorer l'environnement et remédier au problème du changement climatique. Les stations météorologiques en font partie. On vient tout juste d'approuver l'octroi de certains fonds pour l'établissement de 27 stations météorologiques dans l'Okanagan. Nous pensons qu'il s'agit d'une initiative des plus importantes du point de vue de la collecte de données, et ces stations nous permettront peut-être aussi de suivre les émissions de carbone. Nous avons demandé à des météorologues s'il en serait ainsi — peut-être le ministère de l'Environnement pourrait-il nous aider à ce propos. Les agriculteurs assument une partie des coûts de tous ces programmes. Ils élaborent et inaugurent des programmes, en plus d'être à l'origine de la politique. Il importe de le mentionner.

Le président: Monsieur Thomson, souhaitiez-vous conclure avant que nous ne passions aux questions?

M. Thomson: Je veux simplement réitérer la conclusion de notre mémoire. Nous savons que le changement climatique, comme l'a indiqué M. Patton, va mettre au défi notre capacité de soutenir la concurrence au sein d'un marché mondialisé. À titre d'industrie, nous souhaitons continuer à travailler avec le gouvernement et avec la communauté scientifique de même qu'avec tous les organismes associés pour bénéficier des outils et des programmes qui non seulement aideront les producteurs à relever les défis, mais aussi contribueront considérablement à aider le Canada à atteindre ses objectifs. L'agriculture peut jouer un rôle très important en travaillant en coopération avec l'ensemble des organismes des groupes qui s'intéressent à cette question.

Le président: Le principal agriculteur qui siège au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des foresteries est son ancien président, Len Gustafson. C'est lui qui va vous poser la première question.

Le sénateur Gustafson: Merci d'un rapport bref, mais complet. Vous avez répondu à la plupart des questions que j'avais couchées sur papier. Cependant, les représentants de la communauté scientifique qui ont comparu devant nous ont indiqué que le changement climatique est extrêmement progressif et très difficile à mesurer. Sur ce point, les opinions varient. Les agriculteurs que vous représentez s'inquiètent-ils du changement climatique?

M. Patton: Oui, de ça, vous pouvez être assuré. Pour ma part, je n'hésiterai pas à soumettre des résolutions à notre congrès pour voir ce que nous pourrions faire pour atténuer le problème et ce que nous pourrions faire pour obtenir des crédits qui nous aideraient à atténuer le problème. La plupart des agriculteurs se rendent compte que ces phénomènes météorologiques deviennent plus fréquents et plus intenses. Cela nous paraît évident, et nous avons donc du mal à comprendre que le gouvernement nous revienne pour nous dire que nous avons perdu l'excédent du Programme d'assurance-récolte et que nos primes vont doubler en un an. À l'heure actuelle, l'incidence des phénomènes météorologiques augmente, et nos primes d'assurance augmentent, et pourtant nous ne recevons pas de crédit pour la séquestration du carbone. Nous avons l'impression d'être doublement pénalisés.

Le sénateur Gustafson: Les programmes de sécurité du revenu prévus par le gouvernement sont-ils suffisants? Je sais que ceux de la Colombie-Britannique sont relativement différents de ceux de la Saskatchewan, mais les filets de sécurité sont-ils aujourd'hui adéquats? Bougeons-nous assez rapidement dans ce dossier?

M. Patton: Ils seraient suffisants si la province investissait sa part de 40 p. 100. Cependant, la province n'injecte que le plus strict nécessaire. Si le gouvernement fédéral déclare que les coûts ne doivent pas nécessairement être partagés avec le gouvernement provincial, ce dernier n'investira pas sa part de 40 p. 100. Étant donné la réduction du budget provincial, nos programmes complémentaires et nos primes d'assurance-récolte augmentent. Le gouvernement dit que nous devons être partie à l'effort de réduction. Jusqu'ici, nous n'avons pas encore trop poussé les hauts cris ni trépigné. Nous voulons travailler avec le gouvernement pour trouver des moyens de résoudre les problèmes, les siens et les nôtres.

Le sénateur Gustafson: À mon avis, les problèmes diffèrent d'une province à l'autre. À titre d'exemple, la Saskatchewan ne dispose pas de l'assiette fiscale qui lui permettrait d'assumer sa part des programmes de contrepartie du gouvernement fédéral. En comparaison, l'agriculteur de l'Alberta, où les revenus pétroliers permettent de verser des fonds de contrepartie, sort gagnant. Par conséquent, je considère qu'on a besoin d'un programme véritablement national. Cependant, nous n'y sommes pas parvenus.

Vous semblez avoir la même préoccupation, mais du point de vue opposé: les gouvernements provinciaux n'investissent peut-être pas.

M. Thomson: Oui. La remarque me paraît juste. À l'heure actuelle, nous avons des consultations et des débats très importants avec le ministre fédéral au sujet du remaniement des programmes de sécurité du revenu. Nous nous demandons si le nouveau modèle que le gouvernement propose répond aux besoins des producteurs et à tous les autres problèmes. De façon générale, les producteurs ont l'impression qu'il n'est pas suffisant — particulièrement dans sa nouvelle mouture.

À l'occasion de l'assemblée de la FCA, nous avons clairement indiqué au ministre que les montants étaient suffisants. L'industrie ne demande pas plus d'argent. Il s'agit plutôt de faire en sorte que le programme soit conçu de manière à procurer les avantages déjà promis à l'industrie par le premier ministre et le ministre.

En ce qui concerne l'établissement d'un programme national, je pense qu'il faudrait définir des paramètres nationaux et ainsi de suite. L'agriculture varie d'une région à l'autre de la province, et on doit conserver une certaine marge de manœuvre régionale. L'approche uniformisée ne fonctionne pas. On doit continuer de permettre l'établissement de certains programmes complémentaires et le reste dans les provinces.

M. Patton: Cette situation soulève également le problème de la concurrence. Si le gouvernement de l'Ontario investit ses 40 p. 100, mais que celui de la Colombie-Britannique ne le fait pas, nous devons malgré tout soutenir la concurrence des pomiculteurs ontariens; de toute évidence, il s'agirait d'un désavantage concurrentiel.

Le sénateur Gustafson: Je suis d'accord avec ce que vous avez dit au sujet des crédits d'émission de carbone. Il faut que l'argent revienne à l'agriculteur, à la terre. Le débat auquel on a assisté dans diverses provinces me fait craindre le pire. On pourrait également se retrouver aux prises avec un véritable cauchemar bureaucratique. Je ne sais trop ce qu'il faut en penser, sinon que nous nous aventurons en terrain inconnu.

M. Patton: Notre association s'efforce de faire fi du gouvernement fédéral parce que nous sommes conscients du risque, pour reprendre votre expression, de cauchemar bureaucratique. Nous voulons que le système soit fondé sur le prix du carbone. Voilà ce qui sera la force motrice. Plus on se rapproche de 1 012, plus, supposons-nous, le prix du carbone sera élevé. C'est une autre des raisons qui font que nous ne voulons pas vendre des crédits. Nous préférerions les louer d'année en année. Il ne s'agit pas d'un paiement unique.

Le président: Monsieur Patton, vous avez dit avoir obtenu une série de nouvelles stations météorologiques. Qui en assume les coûts? De quel argent s'agit-il? Provincial, municipal, fédéral? D'où vient l'argent?

M. Patton: C'est le nôtre. La B.C. Fruit Growers Association investit les fonds d'amorçage, puis nous nous tournons vers Investment Agriculture, c'est-à-dire le financement de la Colombie-Britannique dans le cadre du FCADR.

M. Thomson: Il s'agit d'un programme exécuté en partenariat. Les gouvernements fédéral et provincial y participent par l'entremise du Fonds canadien d'adaptation et de développement rural et de certains fonds provinciaux dans ce que nous appelons nos fonds de fiducie Agri-Food Futures. Les coûts seront partagés avec l'industrie.

Le président: Vous allez utiliser cet argent pour assumer les coûts des stations?

M. Patton: Exactement.

Le sénateur Carney: Cette question me laisse quelque peu perplexe. Dans votre mémoire, vous dites — avec raison, en ce qui me concerne — que les services d'observation météorologique du ministère de l'Environnement ont subi des réductions et que des stations dotées de personnel avaient été fermées. J'ignore si Kelowna en a toujours une ou non.

Je ne comprends pas ce qui vous préoccupe au sujet des stations météorologiques ni ce que signifie ce projet de 27 stations — comment fonctionne-t-il, qu'apporte-t-il?

M. Thomson: Oui, je comprends la confusion que nous avons pu créer. La situation d'ensemble — et c'est ce que nous voulions dire dans notre mémoire —, c'est que nous avons de très graves inquiétudes au sujet des réductions subies par les systèmes et les stations d'observation météorologiques. Le projet auquel M. Patton a fait allusion est beaucoup plus localisé et vise à fournir aux producteurs des conseils directs touchant la production et l'expansion des activités.

Le sénateur Carney: Ces stations remplacent-elles celles qui ont fait l'objet de coupures?

M. Thomson: Non.

M. Patton: Non.

M. Thomson: En fait, l'une des choses qui nous préoccupent a trait à la question de savoir si la réduction des services météorologiques aura un impact sur la faisabilité et la viabilité du programme que nous créons au sein de l'industrie. Il s'agit d'une véritable préoccupation.

Le sénateur Carney: J'aimerais aborder la question de la grêle. Dans le contexte de ces phénomènes météorologiques, quel est le lien entre le service météorologique et le projet que vous créez? Que fera-t-il pour vous?

M. Patton: Les stations météorologiques répondent aux besoins des agriculteurs du point de vue de la surveillance des besoins en eau. Elles fournissent des renseignements sur les degrés-jours, ce qui nous permet de comprendre les différents stades auxquels se trouvent les insectes, voilà tout. Elles ne visent pas à remplacer les services d'information météorologique.

Le sénateur Carney: Vous parlez d'une petite boîte blanche installée quelque part dans la vallée?

M. Patton: Voilà. Exactement.

Le sénateur Carney: À la place d'un météorologue qui vous dit qu'une tempête de grêle est en vue.

M. Patton: Exactement. Voilà.

Le sénateur Carney: C'est ce que je voulais établir.

M. Patton: Nous avons affaire à deux choses distinctes.

Le sénateur Carney: Le bureau de Kelowna est-il toujours en service?

M. Patton: Non, sa fermeture est prévue. À l'occasion de l'assemblée de la FCA mardi, nous avons parlé au météorologue. Son raisonnement, c'est que nous allons bénéficier d'une technologie plus poussée, notamment des satellites, de l'imagerie et ainsi de suite. Le matériel utilisé à la station de Kelowna était quelque peu désuet sur le plan technologique, et c'est précisément pour cette raison qu'on envisageait de le remplacer. Cette situation nous pose de véritables problèmes parce que nous avons besoin de services météorologiques de base et que nous n'allons pas les avoir.

Le sénateur Carney: Sur la côte, on m'a dit que les services d'observation météorologiques de haute technologie sont fournis par des satellites contrôlés par les États-Unis. En cas de guerre, une partie de l'espace satellite sera détournée à des fins militaires.

Vous devriez simplement savoir que les services météorologiques réduits ne seront pas nécessairement remplacés en vertu de certains des scénarios proposés.

Le sénateur Day: Nous nous éloignons quelque peu du sujet.

Le sénateur LaPierre: Monsieur Patton, vous avez dit que ces phénomènes météorologiques sont plus intenses et plus fréquents.

M. Patton: Exactement.

Le sénateur LaPierre: Mes savants collègues vous poseront les questions à caractère scientifique. En tant que membre du comité, ce sont les impacts sur les gens qui me préoccupent. Quel est l'effet de la fréquence et de l'intensité accrue de ces phénomènes météorologiques sur la vie familiale des habitants de votre collectivité — vos êtres chers et en particulier vos enfants et vos jeunes?

M. Patton: C'est une très bonne question. Je peux facilement y répondre en vous disant que, lorsque vous avez travaillé pendant toute l'année pour produire vos récoltes et les mettre en marché et que, en 90 secondes, tout votre travail est effacé d'un coup, la situation a quelque chose de très troublant. Vous rentrez à la maison en courant, vous ravalez vos larmes et vous fermez tous les rideaux. C'est difficile, très difficile.

L'assurance-récolte est un moyen d'atténuer le problème. Cependant, l'assurance-récolte ne m'a pas aidé lorsque j'ai été victime de la grêle cette année parce que la moitié de ma production avait été récoltée, l'autre non. L'assurance- récolte se fonde sur la récolte totale. C'est très troublant. Ces événements se répètent. Que pouvons-nous faire? Comment, à titre d'agriculteur, puis-je me prémunir contre ce genre de chose?

La situation est très bizarre: au-dessus de vous, les nuages sont noirs, et vous voyez des pans de ciel bleu ici et là. Vos voisins ne sont pas touchés tandis que vous l'êtes, vous, ce qui pose aussi un problème. Il n'y a pas que la grêle. Il y a aussi d'autres phénomènes en cause. Nous sommes confrontés à des tempêtes de vent étranges, et parfois des serres sont arrachées du sol, tandis que la maison et la serre d'à côté ne sont pas touchées. C'est très bizarre. Les arbres que vous avez fait pousser et qui vous font vivre depuis 15 ans sont abattus. Les enfants sont témoins de notre réaction à ce genre d'événement, et c'est pour eux bouleversant. L'agriculture est une entreprise à vocation familiale, et les enfants, à la vue de ce genre de situation, se disent que ce n'est pas pour eux. Nous voulons que la génération suivante nous succède. C'est très important.

En ce qui me concerne, je considère les programmes de sécurité du revenu définis dans le CSA du point de vue de la génération suivante. L'âge moyen des agriculteurs se rapproche de 60 ans, et nous devons faire tout ce que nous pouvons pour encourager la génération montante à prendre la relève.

Le sénateur LaPierre: Les expressions «changement climatique» ou «réchauffement du climat» sont-elles en train de devenir des expressions sales qu'on souhaite bannir de son langage?

M. Patton: Non, il s'agit pour nous d'un fait concret, au même titre que s'asseoir à l'ordinateur pour faire sa comptabilité. Notre machinerie tombe en peine, et nous devons faire des réparations. Un phénomène lié au changement climatique se produit, et nous devons trouver le meilleur moyen d'y faire face. Nous ne pouvons pas nous mettre la tête dans le sable.

Le sénateur LaPierre: Monsieur Thomson, qu'aimeriez-vous avoir dans votre boîte à outils pour parvenir à vos fins?

M. Thomson: D'abord, je pense que nous devons miser sur les technologies et les méthodes de production adéquates qui devraient être utilisées pour contribuer à l'atteinte de ces objectifs — particulièrement en ce qui a trait à la réduction des émissions. Nous devons aussi compter sur un ensemble de programmes de gestion des risques commerciaux pour faire en sorte que les producteurs soient protégés lorsque de tels phénomènes se produisent. Nous devons nous fonder sur de solides données scientifiques.

Le sénateur LaPierre: Nous sommes d'accord.

M. Thomson: De plus, en réponse à la question du sénateur Gustafson, je précise qu'on note sur le terrain une saine dose de scepticisme. Même si nous savons que ces événements se produisent plus fréquemment, les producteurs s'interrogent toujours sur la nature de ce dont il s'agit vraiment — ils ne comprennent pas à fond toutes les données scientifiques du problème.

Avec l'évolution de la situation, nous devons veiller à ce que les régimes d'échange et le type de mécanismes et de processus que nous allons mettre en place soient les plus simples possible. On évitera ainsi les approches bureaucratiques lourdes. Nous devons également veiller à ce que les avantages reviennent clairement à la ferme et aux producteurs pour les aider à atteindre leurs objectifs. Les incitatifs financiers doivent être clairement ciblés et simples d'utilisation. Nous devons également nous attaquer au problème de la responsabilité à plus long terme pour éviter de créer un régime qui fait courir des risques aux agriculteurs à plus long terme.

Le sénateur LaPierre: Merci de votre réponse. Nous allons en prendre bonne note.

Je m'inquiète du transfert fédéral de 40 millions de dollars qui, avez-vous dit, a été retiré. Lorsque le gouvernement fédéral transfère des fonds — pour l'agriculture, par exemple ou, plus tôt cette année, pour la santé —, les fonds sont versés dans le trésor de la province, qui les utilise à sa guise. Les utilisera-t-elle pour la santé, le réseau routier ou Dieu sait quoi? C'est une autre question. En vertu de l'accord signé avec les provinces dans le domaine de la santé, la situation est maintenant différente. À propos de ces fonds, on peut maintenant parler de transparence et de reddition de comptes, dans la mesure où ils sont réservés.

Dans le cadre de notre mandat, nous allons formuler des recommandations au gouvernement fédéral. Vous semblerait-il utile que nous recommandions le recours à un modèle comme celui de la santé et que les fonds destinés à l'agriculture et aux forêts soient réservés? Les provinces devraient alors rendre compte de l'utilisation des fonds, et le processus serait transparent.

S'il s'agit d'une question à caractère politique et que vous ne souhaitiez pas y répondre, je ne vous en tiendrai pas rigueur.

M. Patton: C'est ce que nous voulons. Nous voulons de la transparence, et nous voulons de la reddition de comptes. Je pense que cela figure dans notre mémoire.

Le sénateur LaPierre: Oui.

M. Patton: La reddition de comptes est extrêmement importante. Nous voulons être en mesure de rendre compte de nos actes, et nous voulons que la province et le gouvernement fédéral fassent de même. Dans ce contexte, il devient beaucoup plus facile d'indiquer où les fonds sont allés et comment ils ont été répartis. Nous pouvons également les justifier au profit du public canadien. Les Canadiens ont le droit de savoir que leur argent est dépensé à bon escient. J'ai siégé à des comités s'intéressant aux plans environnementaux en agriculture et au volet environnemental, lesquels se sont employés à l'établissement de cibles qui nous obligent à indiquer que nous avons dépensé l'argent de manière à véritablement réduire les risques pour l'environnement. Les agriculteurs y tiennent tout autant que les Canadiens dans leur ensemble.

Le sénateur Carney: Je veux poser une question qui fait suite à celle du sénateur LaPierre. La prestation de services de base comme l'information météorologique fait-elle aussi partie de votre boîte à outils? Je ne sens pas que cette question fasse l'objet d'une priorité. Le comité s'intéresse au changement climatique. Tout a rapport au climat. L'agriculture, c'est d'abord et avant tout une affaire de climat.

Je vous demande de faire une déclaration claire. Vous avez parlé de reddition de comptes, de transparence et de justification. Le gouvernement du Canada doit-il vous fournir des informations de base sur le temps qu'il fait?

M. Thomson: Oui.

M. Patton: Oui.

M. Thomson: L'information météorologique est essentielle dans la mesure où elle nous aide à prendre des décisions éclairées. Nous devons savoir ce qui nous attend.

Le sénateur Carney: Je tenais simplement à le faire inscrire au compte rendu.

Le sénateur Hubley: Monsieur Thomson, vous avez déclaré qu'un congrès des leaders agricoles se déroule en ce moment à Vancouver. À votre avis, où le changement climatique se situe-t-il dans leur ordre de priorité? En discute-t- on? Avez-vous l'impression que les agriculteurs obtiennent des renseignements à ce sujet? Je pose aussi la question à M. Patton qui, de toute évidence, est un agriculteur qui a recueilli beaucoup d'information et est très bien éclairé — en ce sens, il est peut-être l'exception à la règle, mais peut-être pas, et j'aimerais savoir.

M. Thomson: Il en a certainement été question. C'est l'un des principaux points à l'ordre du jour du congrès. Comme M. Patton l'a indiqué, les services météorologiques ont même fait une présentation. La Fédération canadienne de l'agriculture nous a aussi présenté un mémoire à Ottawa. Cette question intéresse les organisations de producteurs partout au pays.

M. Patton: Le Comité des sciences et de l'environnement a déposé un rapport sur les plans environnementaux en agriculture. Notre conseil travaille dans le dossier du changement climatique. Je vous remercie.

Le président: Monsieur Patton et monsieur Thomson, les questions vous ont permis de constater que vous aviez stimulé notre réflexion. Nous vous savons gré de vos exposés. Merci beaucoup.

M. Thomson: Merci de votre attention, et merci d'être venus en Colombie-Britannique. J'aimerais faire une observation finale. En raison de la confusion qui entoure le programme relatif aux services météorologiques, nous allons fournir au comité des détails sur le programme, de façon que vous puissiez le situer dans un contexte plus général.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant: J'accueille à la table M. Petrus Rykes. La parole est à vous.

M. Petrus Rykes, vice-président, Land and Environment Portfolio, Council of Tourism Associations of British Columbia: Honorables sénateurs, le Council of Tourism Associations (COTA) of British Columbia représente plus de 17 000 entreprises de la province. Ce sont pour la plupart de petites entreprises. Nous avons des revenus de plus de neuf milliards de dollars, et un milliard de dollars retourne directement dans les coffres de la province. En Colombie- Britannique, le tourisme est la deuxième industrie de ressources en importance. Il s'agit également du secteur le plus diversifié et à la croissance la plus rapide de l'économie de la Colombie-Britannique. Sur le plan provincial, le tourisme connaît une croissance de 4 à 5 p. 100 par année, tandis que, dans le secteur de la nature, elle est de 9 à 10 p. 100.

La diversité est ce qui confère au tourisme sa croissance phénoménale à titre de plus importante industrie du monde à ce jour, soit une valeur de plus de 6,3 billions de dollars. Toutes les industries sont sujettes au changement. Le tourisme a joué un rôle vital dans la viabilité et la survie du territoire fondé sur les ressources. Dans l'ensemble, le tourisme est l'une des industries les plus viables et les plus respectueuses de l'environnement qui soit.

L'une des sociétés affiliées de la COTA est la Wilderness Tourism Association (WTA). Je suis le vice-président de cette organisation, qui a été créée il y a quelques années à peine, principalement parce que nous nous sommes rendu compte que le tourisme ne se limitait pas aux villes, en particulier en Colombie-Britannique, où il y a du super-naturel. C'est pour cette raison que les touristes viennent ici. On a créé la WTA comme bureau central permettant aux industries qui exploitent des débouchés liés à l'eau et à la terre de parler d'une voix unie et de se faire entendre. Pour répondre à certains de ces problèmes, la WTA s'est dotée d'un code de conduite lié aux programmes de déontologie et d'intendance du conseil mondial portant sur les exploitants et les modes d'utilisation du territoire.

En raison de sa croissance, le tourisme s'attire les foudres du mouvement environnementaliste. Les préoccupations sont donc nombreuses. Nous ne voulons pas être comme les industries minières et forestières où, en plus de vendre le bois, on vend les coupes à blanc. La seule chose, c'est qu'on ne les met pas en marché; les environnementalistes font campagne contre les coupes à blanc, et plus il y a de coupes à blanc, plus vous vous tirez dans le pied. C'est un monde changeant, et c'est ainsi que nous nous adaptons à l'environnement.

Permettez-moi de citer un exemple. Avec la diminution des prix du bœuf, les ranches, pour joindre les deux bouts, commencent à accueillir des invités. Imaginez que quelqu'un paie pour faire le travail qui vous revenait naguère et qui en plus y prend du plaisir. Des gens sont prêts à payer pour le facteur d'authenticité unique. Dans d'autres cas, les Premières nations, avec leur patrimoine culturel unique, commencent à prendre conscience de la correspondance naturelle entre le tourisme et leur culture et les avantages économiques qui en découlent. Voilà en quoi le tourisme diffère. Il assure un rendement économique et sensibilise le monde à la culture locale. C'est une situation qui ne fait que des gagnants.

Le changement climatique touche le tourisme directement et indirectement. Le gouvernement et les citoyens doivent être en mesure de se prévaloir des solutions que l'industrie touristique offre au monde et au changement climatique mondial. Je viens d'Anahim Lake. Là-bas, j'exploite un centre de villégiature au beau milieu de l'épidémie de dendroctones du pin qui déciment la région de Chilcotin-Cariboo. Dans la région de Quesnel, la région infestée par l'insecte est passée de 9 323 hectares en 1998 à plus de 369 000 hectares en 2002. Il s'agit uniquement de la région victime d'une attaque rouge. La région victime d'une attaque verte serait deux fois et demie plus grande.

Le sénateur Tkachuk: Que voulez-vous dire par attaques rouge et verte?

M. Rykes: On parle d'attaque rouge lorsque les dendroctones ont déjà infesté les arbres, qui sont devenus rouges et qui sont morts. L'attaque verte concerne les arbres qui sont présentement infestés et qui demeurent verts. En général, il faut compter environ un an ou une saison.

J'ai certaines données sur la région visée par des attaques vertes. Si on fait le total de la superficie victime d'attaques rouges dans la région de Cariboo-Chilcotin, on aboutit à 442 000 hectares. En ce qui concerne la région visée par des attaques vertes seulement, on a affaire à plus de un million d'hectares, total auquel s'ajoutent les superficies victimes d'attaques rouges. Ce sont des chiffres qui étaient à jour l'année dernière.

En ce qui concerne le volume de bois, on frôle les 15 millions de mètres cubes. Si l'on tient compte des attaques vertes, on aboutit à 37 millions de mètres cubes de plus. C'est considérable.

Dans notre région à l'ouest de Chilcotin, nous n'avons plus de véritables hivers. Quand l'hiver est enfin venu, nous étions fin mars. Les insectes transportent un glycol — l'antigel. Quand, en janvier et en février, les températures douces ont laissé croire à la venue du printemps, les dendroctones doivent avoir laissé tomber leur glycol. Après le grand gel du mois de mars — une semaine à des températures de moins 30 degrés —, le taux de mortalité chez les dendroctones de la région a été de 77,7 p. 100. Ça, c'était la bonne nouvelle. La mauvaise, c'est que, pour chaque dendroctone qui reste derrière, le ratio est de 1 à 4,8: pour chaque insecte qui reste, on se retrouve avec cinq de plus.

L'année dernière, les dendroctones sont venus jusqu'à un demi-kilomètre de notre centre de villégiature, l'Eagle's Nest Resort. Nous avons organisé des assemblées locales pour faire part de nos préoccupations au sujet de l'infestation. Au cours du mois suivant, nous avons décidé de procéder à une récolte hivernale avec des attelages de chevaux locaux. L'exploitation forestière à l'aide de chevaux de trait est une activité touristique en soi, de surcroît respectueuse de la nature. Ces régions sensibles ont été touchées. Une partie de la voie migratoire de l'intérieur de la région du Pacifique passant par ici a été touchée. Là-bas, l'ornithologie est très populaire. Nous avons des sentiers, des sentiers historiques. L'exploitation forestière faite à l'aide de chevaux de trait, dans le respect de l'environnement, crée des sentiers pour le tourisme — pour la randonnée pédestre et la randonnée à cheval, le ski de fond et d'autres activités de ce genre. La seule chose, c'est que l'exploitation forestière à l'aide de chevaux est plus coûteuse, en particulier si, pour faire sortir le bois, on emprunte des circuits plus longs. La scierie locale, conglomérat unique composé de Premières nations, d'une entreprise locale et l'industrie, a accepté d'absorber les coûts de cette forme d'exploitation forestière. Je ne dis pas qu'on peut procéder de la sorte dans tous les cas. Dans notre cas, nous y sommes parvenus en raison de la qualité des relations de travail et tout le reste que nous avons avec la scierie. Les sentiers qu'il y a là-bas se prêtent à merveille aux méthodes d'exploitation à l'aide de chevaux, et il y a de nombreux sites de nidification pour les hiboux gris, les aigles et les balbuzards pêcheurs et tout le reste. Voilà où intervient l'écotourisme.

Les stations de ski sont un autre secteur touristique touché par le changement climatique. Cette année, les exploitants de la région de Prince George n'ont pu ouvrir leurs portes pour la lucrative période de Noël, faute de neige. Jimmy Spencer, PDG de Canada West Ski Destinations, affirme: «La meilleure police d'assurance en cas d'absence de neige, ce sont des systèmes de fabrication de neige.» Malheureusement, la solution est relativement coûteuse pour les stations plus petites. Le coût des systèmes bas de gamme oscille entre un et trois millions de dollars; un système plus perfectionné coûte dix millions de dollars. À l'occasion des Jeux olympiques de Calgary, on bénéficiait d'un système de fabrication de neige de pointe assisté par ordinateur d'une valeur de 20 millions de dollars. Si, dans l'Ouest, les hivers demeurent comme ceux qu'on a connus pendant dix ou 15 ans, on ne pourra plus skier, dans certaines régions, que dans les stations équipées d'un matériel pour la fabrication de la neige. Il s'agit d'une illustration parfaite de l'utilisation de la technologie comme moyen de contrecarrer l'effet du changement climatique mondial. Nous avons commencé à compiler des données sur les niveaux de neige, et nous les ferons parvenir à votre comité.

L'intérêt que le tourisme porte au changement climatique ne date que de quelques années. Nous avons pris conscience du fait qu'il s'agit d'une industrie de ressources qui utilise le territoire et que nous sommes touchés.

La Colombie-Britannique est l'un des principaux terrains de jeu maritimes du Canada. En 2000, la Colombie- Britannique comptait plus de 1 100 établissements touristiques d'aventure exploitant plus de 27 000 ruisseaux et lacs. La pêche sportive génère des recettes de plus de 660 millions de dollars et emploie près de 7 000 personnes. Tom Bird, PDG du Sport Fishing Institute, s'inquiète lui aussi du peu de neige accumulée et des menaces à long terme contre les cours d'eau où fraient les saumons. De tous les salmonidés, le coho est le plus sensible: en effet, ces saumons fraient dans les cours d'eau les plus étroits et les plus petits. Le saumon quinnat passe les trois premiers mois de sa vie dans des eaux douces, tandis que le saumon rouge demeure jusqu'à un an dans les lacs d'eau douce.

Le réchauffement planétaire entraîne des températures plus élevées, lesquelles favorisent la recrudescence de maladies et de mycoses.

La semaine dernière, on a tenu une importante conférence touristique à Kamloops. En route, nous avons traversé la rivière Thompson. Elle est basse et si étroite. Ce qu'il y a de si inquiétant dans un tel contexte, c'est que l'eau est chaude et que des maladies peuvent se répandre comme elles le font dans les piscicultures. On s'inquiète aussi au plus haut point du retour des 10 millions de saumons rouges qui reviennent dans le Fraser cette année.

Le temps spectaculaire et sec que nous avons connu au cours de la dernière année inquiète au plus haut point les personnes qui vivent de l'industrie touristique. Je pense que la côte Est goûte à ce à quoi nous avons normalement droit. Les impacts ne manqueront pas d'être des plus intéressants.

Les guides de pêche de la région de Chilcotin à qui j'ai parlé s'inquiètent aussi de la situation de l'omble — le crabe à pois, qui figure sur la liste bleue. Ils aiment les eaux froides, lesquelles seront touchées. La truite arc-en-ciel est une autre espèce de l'intérieur très sensible à la température. J'ignore si nous possédons des données sur les petits ruisseaux éloignés, les montagnes et ainsi de suite. Nous avons recueilli des données et effectué des contrôles parce que nous ne voulons pas en venir au point où nous serons confrontés à un grave problème sans savoir ce qui se passe.

J'aimerais vous faire part de quelques-unes de mes observations personnelles. Là où je vis, nous avons connu pendant huit années consécutives des températures de moins 50 ou moins 60 degrés. Il n'a pas fait aussi froid de l'hiver — la vague n'a duré que quelques jours. Ces températures sont importantes pour notre région. L'auteur Rich Hobson a pas mal écrit au sujet de la région. Ses livres, The Grass Beyond the Mountains et Nothing Too Good for a Cowboy, ont assuré la célébrité de notre région. Ces températures permettent de contrôler les populations de dendroctone du pin.

Les incendies sont un autre sujet de préoccupation. Parce que des gens vivent maintenant là-bas, on combat les incendies. Les dendroctones du pin suivent la configuration des vents. Nous avons proposé que les sociétés forestières essaient d'imiter la nature en suivant la configuration des vents et les incendies, éléments qui permettent de lutter contre les dendroctones. En faisant en sorte que les coupes suivent la configuration des incendies, forme de perturbations naturelles, et la configuration des vents, on pourrait peut-être priver les dendroctones de leur source d'alimentation. Je me demande si la suggestion n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd.

Le parc Tweedsmuir, avec ses plus de deux millions d'acres, est l'un des plus importants de la province. Il y a environ 20 ans, le col Heckman recevait 40 pieds de neige. Je me souviens que les habitants de la région disaient devoir monter sur de gros semi-remorques pour mesurer l'accumulation de neige. On aboutissait à une profondeur de 20 à 22 pieds, ce qui signifiait la présence d'au moins 40 pieds de neige au total. Au cours des dernières années, nous avons eu de moins en moins de neige. Au cours de la période, les accumulations se sont habituellement situées entre 10 et 20 pieds. Cette année, il y a à peine quelques semaines encore, nous en avions reçu moins de deux. Il est agréable de ne pas avoir à pelleter tout le temps. Fait sans précédent, nous mesurons désormais la neige en pouces.

Dans notre région, la température se réchauffe aussi. Les premières années, nous nous en réjouissions parce que des températures de moins 50 degrés ne sont pas bonnes pour notre tourisme. Cependant, on a aussi noté une tendance au dessèchement. J'ai bavardé avec des ranchers qui habitent dans la région depuis longtemps. Ils se souvenaient que, dans les années 30, il arrivait qu'un hiver soit aride. Une année était aride, mais par la suite, la situation revenait à la normale pendant des années. Jamais on n'avait huit années de sécheresse consécutives. Nous avons maintenant eu huit années consécutives de réchauffement. Chaque année, je me dis qu'il est impossible qu'il fasse plus chaud, et pourtant c'est ce qui arrive.

Les ranchers s'inquiètent. Au cours de la dernière année, le phénomène semble s'être accéléré sensiblement. Les pâturages commencent à s'assécher et à se fissurer. On commence à remarquer que les puits sont bas ou commencent à se tarir. Les faibles niveaux d'eau dans les ruisseaux, les lacs et les secteurs riverains sensibles ont des effets négatifs sur les habitats d'oiseaux. À une certaine époque, le lac Pelican était un important site de nidification du pélican d'Amérique. Aujourd'hui, l'espèce figure sur la liste rouge. De vieux Autochtones me disent que, dans les années 60, il y avait plus de 1 000 pélicans dans le couloir de la rivière Dean. Aujourd'hui, il y en a moins d'une centaine. La sécheresse a aussi une incidence sur la pêche. Tout est intimement relié.

En conclusion, le réchauffement planétaire a un effet sur le tourisme, industrie qui, en raison de sa diversité, chevauche d'autres industries de ressources. On peut trouver des solutions grâce à l'aide des gouvernements. Nous devons agir maintenant pour aider l'industrie à faire face à ces temps changeants.

Nous avons tenté de fournir certaines pistes de réflexion pour l'industrie qu'on n'associe normalement pas au changement climatique. Tourisme est synonyme de parcs et territoires. Il est aussi synonyme de puits de carbone. Le tourisme et le climat sont très interreliés. Les gens aiment prendre le soleil.

Je veux vous faire part d'une dernière observation. Notre gouvernement provincial proposait de fermer le centre de contrôle des avalanches de Revelstoke. Nous avons lutté d'arrache-pied pour le préserver. C'est un des outils dont nous disposons pour les touristes. À titre d'exploitants touristiques, nous avons versé une somme de 40 000 $, et le gouvernement a injecté une somme équivalente. Un tel centre sauve des vies. Des études menées en Suisse ont montré que de telles installations, en définitive, font leurs frais.

Le président suppléant: Merci de votre excellent compte rendu.

Lorsque les dendroctones attaquent une région, détruisent-ils tous les arbres ou en laissent-ils quelques-uns?

M. Rykes: Le pic-bois est le prédateur naturel du dendroctone du pin. C'est un véritable festin, et ils ne suffisent tout simplement pas à la tâche. Les insectes ne s'attaquent qu'aux arbres matures, par poches réparties çà et là. On parle maintenant d'épidémie parce que les dendroctones du pin sont endémiques. Ils sont toujours là. Il nous faut environ une semaine à moins 40 ou à moins 50 degrés pour les contrôler, et les changements climatiques mondiaux ont eu un effet à cet égard.

L'une des plus graves infestations s'est déclenchée dans le parc. On n'est pas vraiment intervenu au cours des premières années. Or, c'est à ce moment qu'il faut frapper. Puis, les changements mondiaux et les régimes de temps ont commencé à se manifester, et le phénomène a fait boule de neige. Dans la région de Chilcotin, l'exploitation forestière n'a débuté qu'aux environs de 1985. C'est d'ailleurs à cause de l'infestation de dendroctones du pin. Ils obéissent à un cycle de 20 ans. L'exploitation forestière de notre région a débuté il y a environ 20 ans. J'ai moi-même constaté les impacts et les changements. J'ai survolé une partie de ce secteur. Il est énorme — c'est un océan de rouge, aussi loin que le regard peut porter. Si, habituellement, les insectes ne s'attaquent qu'aux arbres matures par poches réparties çà et là, ils s'en prennent maintenant aux arbres plus petits, à cause de l'importance de l'infestation. Je n'ai jamais rien vu de pareil.

Le président suppléant: L'une des principales orientations du comité a trait à l'adaptation. Y a-t-il des secteurs de l'industrie domestique pour qui la tendance au réchauffement est un avantage et qui en profitent?

M. Rykes: Eh bien, dans notre région, les températures plus douces sont une excellente affaire. Au cours des premières années, les chutes de neige étaient suffisantes. Cette année, nous n'avons pas reçu beaucoup de neige. Il y a eu de fortes accumulations la veille de Noël, ce qui nous a sauvés au cours de l'achalandage des fêtes. Cependant, nous n'avons pas eu de neige depuis, et les affaires sont au point mort. Nous tentons tous de nous diversifier et de faire autre chose.

Par conséquent, c'est une épée à double tranchant. La température s'est adoucie, et c'est très bien. Cependant, il n'y a pas de neige pour accompagner les températures plus douces, et cette situation commence à soulever des inquiétudes au sujet de l'accumulation de neige et des eaux de ruissellement pour les cours d'eau où vivent les poissons, le bétail et pratiquement tout le reste. À cause de tout le bois mort accumulé et de la sécheresse, les incendies constituent un autre sujet d'inquiétude.

Le sénateur Tkachuk: Que vous disent les météorologues? Dans les Prairies, cette année, il fait froid et il a beaucoup de neige, mais l'hiver a débuté tard. Nos hivers débutent plus tard, du moins par rapport à la dernière décennie. Débutent-ils plus tard chez vous aussi?

M. Rykes: Oui. Je dirais que nous gagnons au moins un mois à un mois et demi, ce qui, de mon point de vue, est excellent, mais, comme je l'ai indiqué, il y a l'autre côté de la médaille. Il y a le pour et le contre. C'est notre capacité de nous adapter à ces changements qui nous tirera d'affaire.

Le sénateur Tkachuk: Dispose-t-on de données qui prouvent la réalité du changement au cours d'une longue période? Je me méfie des données annuelles parce que je vis en Saskatchewan, où le climat est parfois erratique. Il l'a toujours été, et l'on ne sait jamais vraiment à quoi s'attendre. Y a-t-il des données qui permettent d'établir un profil chronologique de la situation? Par exemple, les années 80 ont été comme ceci, voici combien de neige nous avons reçu à la fin des années 50 ou dans les années 70.

M. Rykes: Je suis originaire de Pine Falls, au Manitoba, au milieu des Prairies, et le pays où je vis est très semblable. Nous avons des montagnes, et il suffit d'une heure de route pour retrouver le climat côtier. Nous avons le meilleur de deux mondes. Notre région est si isolée.

Il est possible qu'on tienne à jour des dossiers à ce propos. Mes informations proviennent principalement d'observations personnelles et des discussions avec des habitants de la région. Il n'y a que quelques mois que le tourisme s'intéresse aux impacts que le changement climatique mondial a sur lui en tant qu'industrie. On observe des tendances manifestes, et je suppose qu'il serait possible d'établir des dossiers officiels. Il ne s'agit pas que de fluctuations observées en hiver ni d'un hiver ou deux, après quoi tout revient à la normale. À la blague, nous disons que, au train où vont les choses, nous aurons bientôt des palmiers.

Le sénateur Tkachuk: Les étés sont donc plus chauds?

M. Rykes: Non. Les hivers étaient auparavant plus froids, et les étés, beaucoup plus chauds. Il arrivait parfois que le mercure grimpe à 100 degrés Fahrenheit. Le début de l'été est pluvieux — pour une raison ou pour une autre, juin est notre mois le plus pluvieux. Auparavant, c'était un des mois les plus secs. Les meilleurs mois sont août et septembre. Là-bas, nous connaissons l'été des Indiens. Les insectes sont partis, et le temps est habituellement assez clément.

Dans l'ensemble, le début de l'hiver est plus doux. Nous ne savons pas quand l'hiver va frapper. Nous n'avons pas encore eu d'hiver à proprement parler. L'année dernière, il n'a fait son apparition qu'à la fin mars, ce qui est très inhabituel. Normalement, décembre, janvier et février sont les mois les plus froids. Puis, vient le printemps qui peut être relativement agréable. Arrive enfin l'été qui, en fait, peut sembler plus froid que l'hiver. Le temps est misérable. Nous sommes à 4 000 pieds d'altitude. À tout moment et en tout jour de l'année, nous pouvons vivre l'une ou l'autre des quatre saisons.

Le sénateur Tkachuk: Dommage que nous ne puissions pousser vers l'Ouest un peu du froid que connaissent les Prairies.

Le sénateur Hubley: Notre étude sera axée sur le thème de l'adaptabilité. Il ne fait aucun doute que le tourisme devra lui aussi changer. L'idée de l'exploitation forestière à l'aide de chevaux de trait me plaît. C'est, me semble-t-il, un excellent exemple du genre de mesures que les représentants de l'industrie touristique vont devoir prendre. Si les poissons remontent vers le nord et qu'ils ne les accompagnent pas, les exploitants vont devoir se tourner vers les autres espèces qui vont arriver. Comment peut-on assurer la mise en marché d'un tel phénomène?

Pour poursuivre sa croissance, le tourisme, me semble-t-il, va probablement devoir continuer de faire preuve de beaucoup de créativité et d'innovation. Qu'en pensent les membres de votre organisation? Sont-ils inquiets? Ont-ils l'impression de pouvoir changer, notamment en ce sens?

M. Rykes: Bon nombre de ces préoccupations n'ont fait surface qu'au cours de la dernière année. Parce que la tendance a été en quelque sorte progressive, on a fait un peu plus d'observations chaque année. La dernière a été très spectaculaire. Mais je pense que les gens commencent à se réveiller. Nous n'avons vraiment commencé à parler que depuis quelques mois.

Dans la province, les endroits comme Tumbler Ridge, Gold River et Tahsis, historiquement tournés vers l'exploitation forestière ou minière, commencent maintenant à s'intéresser au tourisme afin de se diversifier. Pour survivre, nous avons besoin de toutes ces industries, et plus nous serons diversifiés, mieux nous nous tirerons d'affaire, et mieux nous pouvons nous adapter à ces changements.

En réalité, l'industrie touristique n'est organisée que depuis dix ans. Auparavant, nous nous concurrencions les uns les autres. Les exploitants prennent conscience du fait qu'ils forment une industrie, et c'est ce qui fait notre force. Cependant, par le passé, c'est notre incapacité de parler d'une voix unie qui a été notre principal point faible. Nous sommes les nouveaux arrivants. Le tourisme est l'industrie de l'heure. En Colombie-Britannique, nous voyons dans l'industrie de l'énergie et du gaz ainsi que dans le tourisme les deux principaux moteurs de l'avenir de la province. Nous allons devoir nous intégrer à toutes les autres industries.

Nous avons notre part de conflits avec le secteur forestier. La WTA a préparé une carte des ressources touristiques pour l'ensemble de la province de la Colombie-Britannique. Nous avons superposé cette carte et un diagramme des secteurs forestiers. Fait surprenant, nous avons constaté qu'il y a très peu d'endroits où les centres se chevauchent parce qu'ils sont différents. Le tourisme tend à se concentrer dans les zones plus élevées et plus accidentées, où le panorama est plus intéressant; les conditions de croissance sont moins favorables. Dans la région de Chilcotin, nous avons mis sur pied certains projets pilotes en vertu desquels nous nous efforçons de montrer que, dans les régions où nous sommes en conflit, les deux industries peuvent exploiter les ressources et demeurer économiquement viables. Depuis plus de dix ans, je suis associé à la planification de l'utilisation du territoire, et nous allons au cours de la prochaine année appliquer cette solution novatrice dans la province.

Le sénateur LaPierre: Bravo!

Le sénateur Hubley: Je voulais relater à notre témoin un des récits que nous avons entendus: certains exploitants touristiques devaient acheter ou réserver de l'eau pour leurs activités de descente en eau vive. Je me suis montrée incrédule à l'idée que nous puissions en arriver là. Vous avez parlé des machines qui servent à fabriquer de la neige et ainsi de suite, mais j'ignore jusqu'à quel point cela est viable. Je pense que l'avenir appartiendra aux petits exploitants touristiques qui, faisant le constat de la situation, profitent des débouchés qui se présentent.

M. Rykes: Je suis d'accord.

Le sénateur Carney: J'ai été intéressée par les renseignements ou les exemples positifs que vous nous avez fournis, par exemple le retour à l'exploitation forestière à l'aide de chevaux de trait — en fait, je suis assez vieille pour avoir des souvenirs de cette forme d'exploitation dans le comté de Skeena — comme solution respectueuse de l'environnement et intéressante pour les touristes. Il est formidable qu'on apporte ce genre de changement. Plus tôt, un scientifique nous a dit que l'écologie ne se fait pas de souci. Si les systèmes changent, l'écologie elle-même ne s'en soucie pas vraiment, au contraire des humains.

Pensez-vous que les conflits entourant l'utilisation de l'eau dans votre région pourraient devenir un grave problème? Accède-t-on à votre région par la route 16?

M. Rykes: En fait, on y accède par la route 20. Alexander Mackenzie a traversé la région. Il y a eu la guerre Chilcotin, et tout est rentré dans l'ordre. Le chemin de fer allait passer par là. On a plutôt choisi Burrard, qui est aujourd'hui devenu Vancouver.

Le sénateur Carney: Comptez-vous chanceux.

M. Rykes: Oui, sinon je ne vivrais pas en pleine nature. Il n'y a que deux ans que la route a été asphaltée jusqu'à Anahim Lake. L'endroit où je suis se trouve toujours sur une route de gravier, et c'est l'une des principales routes du Canada.

Le sénateur Carney: Pensez-vous que l'utilisation de l'eau pourrait donner lieu à des conflits dans votre région?

M. Rykes: Si la tendance se maintient, oui, c'est possible. Pour le moment, non. Nous sommes entourés par certains des glaciers les plus massifs du monde si loin au sud, et nous disposons donc de sources immédiates d'eau. Cependant, la nappe phréatique s'assèche, et il pourrait y avoir des problèmes en l'absence d'accumulation de neige. Sans l'eau, il est difficile de vendre la terre. Pour survivre et faire des affaires, on a besoin des deux. Si la tendance se maintient, oui, il y aura des conflits.

Le sénateur LaPierre: Puis-je poser une question supplémentaire?

Le sénateur Carney: Oui, certainement. Allez-y. Dans votre région, en Colombie-Britannique, on a toujours recours à des permis d'utilisation de l'eau. Oui, allez-y.

Le sénateur LaPierre: Les glaciers ne sont-ils pas en train de reculer?

M. Rykes: Oui, bien sûr.

Le sénateur LaPierre: Votre eau sera donc affectée?

M. Rykes: Oui, beaucoup.

Le sénateur Carney: À propos du besoin au titre de la collecte de données, vous écrivez dans votre mémoire, sous la rubrique consacrée à la pêche que des recherches prenant la forme de surveillance des cours d'eau et de collecte de données sont essentielles et doivent être reprises immédiatement. Puis, à la dernière ligne de votre mémoire, vous précisez que nous devons agir maintenant pour aider l'industrie à traverser cette époque de changement. Étant donné le point de vue selon lequel on ne peut pas faire grand-chose contre le climat, que proposez-vous exactement? Si vous ne le dites pas au comité, ce dernier ne pourra pas en parler dans son rapport.

M. Rykes: Oui. Tout ce dont j'ai parlé ici — j'ai tenté de me concentrer sur ce qui était possible. J'aurais pu soulever des enjeux bien plus nombreux, qui auraient exigé des investissements considérables, mais qui n'auraient pas été nécessairement réalisables.

En ce qui concerne la surveillance, prenons l'exemple du saumon coho. Ces derniers remontent le plus haut possible dans les secteurs les plus étroits des cours d'eau. Lorsque le lit de ces cours d'eaux s'assèche et que la température de l'eau augmente, les maladies commencent à se propager. Voilà le genre de détails qu'on doit contrôler dans les montagnes puisque c'est là que tout débute.

Le sénateur Carney: À quoi bon? Nous allons simplement apprendre que la production de saumons coho sera faible.

M. Rykes: Tout ce que je dis, c'est que nous savons que la planète se réchauffe et que nous devons nous donner une idée de la précision du phénomène. Est-il vraiment en train de se produire?

Le sénateur Carney: Vous soulevez un bon point. On doit savoir ce qui se passe avant de pouvoir s'adapter.

M. Rykes: Tout à fait. On veut éviter de réagir de façon instinctive: «Eh bien, voici qu'il y a un problème; adoptons ceci comme mesure.» Il est préférable de disposer de certaines données scientifiques qui puissent justifier la mesure envisagée.

Le vice-président: Nous ne disposons pas d'un temps illimité et nous voulons entendre tous les témoins qui viennent présenter un exposé ce matin. J'invite Dan Smith, de l'Université de Victoria et John Innes, de la Colombie- Britannique, à la table. Je vous demanderais aux deux de présenter votre exposé, puis nous allons voir à quel point ces universités s'entendent; ensuite, nous passerons à la période de questions.

M. John Innes, professeur, Department of Forest Resources Management, Université de la Colombie-Britannique: Merci beaucoup de nous inviter. Permettez-moi de vous présenter ma collègue, Mme Zoe Harkin, qui fait des études supérieures en évolution du climat et qui, récemment, a achevé un mémoire de maîtrise sur le marché du carbone. Son expertise est pertinente, et elle m'accompagne aujourd'hui pour me venir en aide si jamais vous me posez des questions difficiles. Je dois aussi signaler que nous ne sommes, ni l'un ni l'autre, Canadiens. Tout de même, nous payons des impôts au Canada, de sorte que les décisions que vous prenez nous intéressent beaucoup.

Comme vous le savez sans doute, l'évolution du climat est un processus de longue durée. D'après diverses sources, nous savons que les changements récents ont été rapides, comme en témoignent les arbres que nous avons étudiés du point de vue d'une dynamique à long terme. Un grand nombre des arbres que nous avons ici vivent 2 000 ou 3 000 ans. Cela situe le problème dans une perspective très différente de celle que peut préconiser, par exemple, un groupe qui s'occupe de questions agricoles, là où la durée dont il est question équivaut à une année, peut-être deux.

Nous savons que le climat évolue. Des lieux comme Fort St. James nous permettent d'établir des données assez solides à ce sujet. Si je ne m'abuse, le nombre de stations climatologiques bénéficiant de fonds fédéraux diminue en ce moment. Tout de même, nous disposons de bons dossiers dans certains cas. D'autres sources d'information nous permettent de compléter les données de ces dossiers. Par exemple, nous pouvons étudier les glaciers.

Le transparent que vous avez devant les yeux fait voir le lac Peyto, dans les Rocheuses canadiennes. Ce que nous savons de ce lieu, c'est que les glaciers reculent. Ce graphique-ci laisse voir les tendances relevées à cet égard depuis 100 ans. Nous voyons ici que certains des glaciers en question ont reculé de deux kilomètres. Ils vont disparaître plus ou moins à court terme, compte tenu de l'état actuel du climat. Sur le segment de terre exposé, nous pouvons retrouver des souches enterrées qui nous en disent encore plus au sujet de l'évolution du climat.

Le cœur des arbres représente une source importante d'information. Dan Smith vous donnera des précisions à ce sujet dans son exposé. C'est l'unité de recherche en climatologie de l'Université d'East Anglia qui a dessiné cette courbe, qui est une reconstitution de l'évolution du climat faite à partir de la dendrochronologie, pour les 2 000 dernières années. J'ai décidé d'employer ce transparent parce que les anneaux de croissance des arbres sont employés pour déterminer l'évolution du climat; cela laisse voir que les arbres, de fait, sont très sensibles au climat et à l'évolution de celui-ci. Or, les experts en forêts devraient considérer cette question comme étant très importante.

Que savons-nous du climat? Eh bien, nous savons que, dans la région du Nord-Ouest du Pacifique, d'importants changements ont été relevés. Les températures ont augmenté dans cette région. Dans l'État de Washington et dans ceux de l'Idaho et du Montana, les changements se sont révélés plus ou moins les mêmes été comme hiver. Si nous levons les yeux vers le nord, pour voir la Colombie-Britannique, nous constatons que cet équilibre ne vaut plus; et nous détectons un accroissement des températures l'hiver. C'est une des raisons pour lesquelles il y a eu l'infestation du dendroctone du pin. Autre facteur expliquant cette infestation particulière: les pratiques d'aménagement des terres. Ce que nous n'avons pas relevé très clairement, c'est une tendance précise en ce qui concerne les précipitations, et nous avons entendu dire à quel point la sécheresse peut devenir un problème important. La question de la sécheresse est tout aussi importante en gestion des forêts qu'en agriculture, et qui veut prédire les sécheresses qui séviront à l'avenir s'aventure dans une voie très incertaine.

À l'avenir, nous prévoyons que le sud de la Colombie-Britannique connaîtra une augmentation de la température variant entre 1,7 et 2,8 degrés, d'ici les années 2050. Cela se fera donc au cours des 50 prochaines années — période inférieure à celle d'une seule rotation en gestion des forêts. Nous croyons que les changements envisagés, de fait, seront d'autant plus accentués qu'on se déplacera vers le nord. D'après une série de graphiques que j'ai pu voir récemment, les différences de température pour le Grand Nord pourraient atteindre les 20 degrés. Voilà un changement énorme. Le cas des précipitations annuelles est beaucoup moins certain. Selon certains modèles, leur volume va diminuer; selon d'autres encore, il va augmenter. Pour moi-même, dans l'ensemble, je m'attends à ce qu'il y ait des hivers plus doux et plus humides, ainsi que des étés plus chauds et plus secs.

Qu'est-ce que cela veut dire du point de vue des forêts? D'après ce que nous savons, la tension hydrique représente une grande contrainte dans les forêts, l'été. Tout de même, ce que nous constatons dans les forêts va à l'encontre de cette idée. Le transparent que vous avez actuellement devant les yeux laisse voir l'empiétement des grands pâturages libres dans la région de Cariboo, en Colombie-Britannique. Les arbres gagnent le terrain des zones pastorales. De la façon dont est conçue l'évolution du climat, on s'attendrait à voir l'inverse, et ce que nous constatons est dû à l'interaction entre le changement climatique et l'utilisation des terres. Il y aurait normalement des incendies qui servent à enlever ces arbres. Or, nous luttons contre les incendies.

Un des grands facteurs d'incertitude avec lesquels nous devons composer pour prévoir l'évolution des forêts, c'est la réaction des arbres au stress hydrique. Nous savons qu'il y a interaction entre les arbres et le dioxyde de carbone, nous savons que le dioxyde de carbone peut avoir une incidence sur la vulnérabilité des arbres à la sécheresse. Le transparent que vous regardez en ce moment est une photo d'un peuplier prise au parc provincial de Cypress Park, dans le secteur de West Vancouver. Il souffre soit de la sécheresse, soit de l'ozone. Nous n'en sommes pas très certains.

Cette grande question est un défi lancé aux scientifiques. Nous ne savons pas en quoi cette courbe descendante — et je montre ici le modèle d'acclimatation aux concentrations accrues de dioxyde de carbone — aura vraiment une influence sur la croissance des arbres. Nous avons déjà étudié la question quelque peu, mais les conclusions demeurent très incertaines. Des connaissances que nous avons pu établir se dégagent certains signaux très complexes. Par exemple, les températures en hiver pourraient déboucher sur une croissance accrue des arbres dans la zone de l'Intérieur. Cela peut sembler être une bonne chose. Il y a plus de bois qui est ainsi produit. Par contre, si la croissance est plus rapide, le volume de bois est plus grand. Si notre volume de bois est plus grand, cela pourrait finir par faire chuter les prix, de sorte que l'exploitation forestière serait moins viable, économiquement, en Colombie-Britannique.

La pâte de bois est une autre question. La pâte que nous obtenons des arbres qui poussent autour de Prince George figure parmi les toutes premières qui soient dans le monde, sur le plan de la qualité. Si les arbres dont il est question ont une croissance plus rapide, la qualité de la pâte va diminuer, et l'exploitation forestière sera moins rentable, du fait des prix moins élevés que cela suppose. Nous entrevoyons la possibilité de changements majeurs.

Nous entrevoyons la possibilité de changements majeurs pour des écosystèmes entiers. Tout de même, selon la plupart des théories actuelles, cela est peu probable. Nous allons voir des espèces individuelles qui réagissent différemment les unes par rapport aux autres. Cela veut dire qu'il faudra peut-être, avec l'apparition de nouveaux concepts, modifier notre système de classification des écosystèmes, pierre d'assise de la gestion des forêts en Colombie- Britannique.

Quels sont les risques auxquels nous faisons face? La plantation d'arbres peut se solder par un échec, car les arbres que nous plantons aujourd'hui ne seront pas adaptés au climat dans lequel ils doivent croître. Il est probable que les problèmes liés aux insectes et aux maladies aussi s'accroissent. Nous avons déjà des éléments d'information qui permettent d'y croire. Il est probable que les incendies de forêt soient plus fréquents et plus graves. Il est probable que la mortalité, la diminution de la productivité et la diminution de la qualité du bois atteignent des niveaux inacceptables.

Ce sont toutes là des situations que nous allons probablement vivre. Y a-t-il quoi que ce soit qui se serait avéré jusqu'à maintenant? Nous avons constaté certains accroissements en ce qui concerne la productivité de nos forêts boréales. Nous avons aussi été témoins d'une accélération du développement saisonnier de certains insectes nuisibles comme le dendroctone du pin. La répartition des insectes en question se modifie. Nous sommes témoins de changements touchant le comportement d'organismes comme les écureuils qui habitent nos forêts. Nous constatons que les arbres provenant de zones un peu plus chaudes l'emportent sur les arbres «locaux».

À quel rythme la forêt va-t-elle évoluer? Une fois qu'une forêt est établie, elle résiste assez bien aux changements. Les arbres constituent un microclimat qui permet à la forêt de perdurer. Toutefois, dès qu'il y a une perturbation — que ce soit le fait du dendroctone du pin ou d'un incendie, par exemple —, le tableau est effacé. Au bout du compte, on peut avoir affaire à une forêt très différente.

Comment va réagir l'industrie forestière à cela? Elle a étudié ces éléments d'information et déterminé que, du fait de la résistance des peuplements, elle n'a pas à se soucier du climat. C'est une hypothèse très mal avisée. Les responsables de l'industrie sont d'avis que, dans certains cas, la rotation des zones destinées à l'exploitation du bois d'œuvre est telle qu'ils n'ont pas à se soucier de l'évolution à long terme du climat. Cependant, comme je l'ai signalé, il suffira d'une rotation pour que nous constations des changements importants. Ils ne se soucient pas particulièrement de l'évolution du climat parce que cela n'a pas d'incidence sur les possibilités de coupe annuelle actuellement autorisée. L'attribution des coupes autorisées en Colombie-Britannique ne tient pas compte de l'évolution du climat. Les responsables de l'industrie craignent que l'adoption d'une mesure quelconque pourrait accroître leurs coûts, et étant donné l'actuel différend sur la question du bois d'œuvre, ils ne souhaitent pas que les coûts augmentent. En fait, ils préféreraient voir des coûts à la baisse. De même, nous nous heurtons à une bonne part de résistance au changement, quel qu'il soit, de la part des établissements.

Nous devons réfléchir à un certain nombre de questions. Nous devons réfléchir à l'idée d'autoriser des transferts de semences plus longs, pour que nous puissions planter dans le nord des arbres du sud. Nous devons rajuster nos estimations à long terme en matière de croissance. Nous ne savons pas à quoi ressemblera la croissance de nos forêts, dans l'ouest du Canada, dans 100 ans. Nous devons rétablir dans une certaine mesure la structure et la composition de la forêt dans les zones ayant fait l'objet d'une exploitation intensive. Dans certains cas, nous devons réduire la densité de la forêt pour réduire la possibilité de stress de sécheresse. Enfin, nous devons employer des procédés nouveaux comme l'éclaircie précommerciale, le brûlage dirigé et d'autres techniques dans la mesure où cela peut atténuer l'effet des perturbations à grande échelle.

Voici un exemple des essais de provenance réalisés dans le contexte. Il y a du pin tordu qui pousse près de Prince George. La photo à gauche, où la légende dit «un peu au sud» — «slightly south» — , évoque le cas d'une semence d'arbre recueillie à 100 kilomètres au sud, puis plantée à 100 kilomètres au nord. On peut voir que ce sont arbres-là qui poussent le mieux.

Que peut-on faire d'autre? Plusieurs moyens existent pour faire en sorte que le processus d'adaptation s'accélère. Nous pouvons améliorer la diversité génétique en favorisant une plus grande variabilité des populations. Nous pouvons choisir des arbres qui présentent certaines caractéristiques adaptatives. Nous pouvons remanier les populations sur un territoire. De fait, nous pouvons faire beaucoup de choses.

En quoi les recherches visent-elles à régler concrètement certains de ces problèmes? Malheureusement, en Colombie- Britannique, le financement de la recherche en sciences forestières a pour déterminant les besoins actuels de l'industrie. Nous n'avons pas de politique de recherche à long terme. Nos politiques portent sur des projets de un an. De fait, l'approbation de la plupart de ces projets de un an survient à mi-parcours pendant l'exercice financier, de sorte que nous avons moins de un an pour agir. Nous devons produire des résultats durant l'exercice financier lui-même. Or, cela ne saurait se faire en recherche sur l'évolution du climat. Résultat: de par leur nature, la majeure partie des recherches réagissent à des problèmes particuliers et, souvent, se concrétisent trop tard, en fait, pour régler les problèmes en question. La recherche est associée à des attentes tout à fait irréalistes, et l'importance accordée aux gains de productivité à court terme, de fait, est à l'origine de pertes en ce qui concerne la recherche à long terme.

Pour ce qui est de la réaction des gestionnaires, selon la plupart des enquêtes, ceux-ci sont d'avis qu'il faudrait davantage d'informations scientifiques. Ils estiment que la recherche doit être adaptée aux échelles où ils travaillent. Ils croient qu'il faut des mécanismes meilleurs pour transférer les risques en jeu et que les experts en forêt devraient participer à la détermination des solutions. Dans une certaine mesure, ils le font; dans une grande mesure, ce n'est pas le cas.

Le climat évolue. Il y a certainement un réchauffement. Peu importe la cause. Les arbres ne se font pas trop de souci à cet égard. Ce qui importe, c'est que le climat évolue. À l'avenir, les forêts seront très différentes. Nous allons probablement voir des accroissements de productivité, et nous allons probablement voir aussi des baisses catastrophiques dans certaines situations. Il est très probable que la composition des forêts évoluera tout comme les rythmes et formes de perturbations, par exemple les incendies.

En Colombie-Britannique, les experts en forêt commencent à peine à réfléchir à ce problème particulier. Ils ont d'autres chats à fouetter. Ils ne se soucient pas de l'évolution du climat. La réglementation provinciale, en ce moment, peut, de fait, nuire à nos mécanismes d'adaptation: c'est le cas, par exemple, en ce qui concerne les transferts de semences. Les règles applicables sont parfois très strictes, et elles peuvent, de fait, nous empêcher de nous adapter.

Enfin, de ce fait, les chercheurs n'ont pu se concentrer sur certaines des questions qui sont importantes. D'autres pays prennent de l'avance sur le Canada à cet égard. Je terminerai mon exposé là-dessus.

Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Innes.

Monsieur Smith, vous avez la parole.

M. Dan Smith, professeur, Tree-Ring Laboratory, Université de Victoria: Bonjour. Mon exposé porte sur le déclin de la productivité de la forêt. Je dois donner crédit à Colin Laroque, un de mes étudiants au doctorat, qui a beaucoup contribué aux travaux dont il est question au sujet de l'île de Vancouver.

La première carte que vous allez voir est une carte de 1999 du Sierra Club qui illustre l'exploitation importante de l'environnement forestier sur l'île de Vancouver.

Le deuxième transparent laisse voir la forêt sur l'île de Vancouver, au moment où nous y sommes arrivés, et vous pouvez voir que vert y domine vraiment; c'est la zone côtière de la pruche de l'Ouest.

Quand on compare la carte du Sierra Club à la deuxième carte, on constate que la majeure partie de la zone côtière de la pruche de l'Ouest a été exploitée. Il y a eu une régénération importante, et des coupes de deuxième et de troisième générations sont faites dans certaines des zones en question, mais ce que cela veut dire, pour l'industrie forestière de l'île de Vancouver, c'est qu'il devient nécessaire de grimper jusque dans la zone de la forêt alpestre pour trouver d'autres pruches. L'industrie est en train de monter jusque dans une zone particulièrement sensible au climat; elle gagne les zones où survivent la pruche subalpine et le cèdre jaune.

Comme M. Innes l'a dit plus tôt, le passage à la zone alpine est très pertinent du point de vue de l'industrie forestière. Nous devrons situer notre réflexion dans une perspective très longue, afin de comprendre le temps qu'il faut pour faire pousser un arbre.

Au fur et à mesure que l'industrie gagne les hauteurs, la pruche subalpine et le cèdre jaune deviennent des éléments du terrain forestier productif, et ces arbres particuliers poussent au-delà du niveau de 1 000 mètres et prennent 500 ans pour arriver à maturité.

Le climat évolue en Colombie-Britannique. Sur l'île de Vancouver, l'évolution n'a pas été particulièrement importante jusqu'à maintenant. Le transparent que vous avez devant les yeux est un diagramme des températures dans la province.

Voici, sur l'île de Vancouver, l'exemple d'un pré qui se remplit — les arbres y grugent du terrain.

Ce que l'exploitation forestière dans la région du nord-ouest du Pacifique a d'intéressant, c'est que la température n'est pas le seul facteur qui entre en ligne de compte à cette haute altitude. Les auteurs d'études récentes se sont davantage souciés de la question des précipitations. Même si les précipitations évoluent bel et bien en Colombie- Britannique, il n'y a pas eu de changement substantiel sur l'île de Vancouver. Toutefois, au fil du temps, l'évolution des précipitations aura une incidence sur l'île.

L'étude que je vais décrire très brièvement portait sur des peuplements de haute altitude sur l'île de Vancouver.

Pour comprendre les facteurs climatiques en cause, il faut d'abord comprendre comment ces arbres ont réagi à l'évolution du climat par le passé; je me tourne donc vers la dendrochronologie. Il s'agit d'étudier les anneaux de croissance, qui sont merveilleux pour rendre compte de l'évolution du climat. Sur l'île de Vancouver, nous avons deux exemples de vieux arbres: un cèdre jaune de 1 800 ans et un Douglas taxifolié de 1 700 ans. Ces arbres sont situés sur le terrain de quelqu'un quelque part, mais ils donnent à penser qu'il existe encore probablement des arbres aussi vieux ailleurs en Colombie-Britannique. J'ai un grand instinct de protection quand il est question d'un arbre de 1 200 ans.

Les anneaux de croissance nous montrent que les arbres ont réagi à des signaux mixtes température-précipitations qui se sont échelonnés sur mille ou deux mille ans. Cette étude particulière portait sur 40 peuplements de haute altitude sur l'île de Vancouver. Nous avons enregistré les anneaux de croissance dans ces peuplements. Les diagrammes laissent voir des relations qui couvrent l'ensemble de l'île de Vancouver; il y a eu là des points de forte croissance et des points de faible croissance.

Nous avons noté des chronologies variables pour cinq espèces de haute altitude sur l'île de Vancouver: les chronologies les plus longues sont celles du cèdre jaune et de la pruche. Vient ensuite la pruche subalpine. Une étude attentive des anneaux de croissance peut nous dire ce à quoi ressemblait la température par le passé.

Cette étude nous a permis de conjuguer nos données scientifiques avec celles du modèle de climat du globe. Il y a un modèle de circulation générale que le groupe d'Environnement Canada à l'Université de Victoria emploie. Nous avons pris la grille du GCM2, qui rend compte de l'évolution des facteurs dans la région du nord-ouest du Pacifique et plus particulièrement sur l'île de Vancouver, et nous avons examiné les projections climatiques établies pour la région. Par simulation rétrospective, nous avons étudié le cas des espèces qui nous intéressent pour voir la réaction de la forêt et déterminer si les projections climatiques correspondent à l'état actuel du climat. Les dossiers établis en rapport avec la zone forestière productive de l'île de Vancouver n'existent que depuis 60 ans.

Malheureusement, il n'y a pas une seule station climatologique de haute altitude au Canada. La plus haute que nous ayons est celle du mont Sulphur à l'extérieur de Banff, et cela n'a rien à voir avec les besoins de notre étude.

Nous n'avons aucune idée de l'évolution du climat en haute altitude. Nous n'enregistrons pas de données à ce sujet. Nous sommes tellement loin derrière les Européens que c'en est gênant.

Le président: Que font les Américains?

M. Smith: Les Américains ont au Colorado des dossiers à long terme qui remontent à cent ou plus.

Le président: Votre exposé fait l'objet d'une interprétation et il est enregistré par nos sténographes. Vous parlez un peu trop vite pour eux. Auriez-vous l'obligeance de ralentir un peu, parce que nous voulons préserver vos paroles aux fins du compte rendu.

M. Smith: Mes étudiants s'en plaignent aussi. Ma discipline scientifique me stimule.

Le dernier transparent laisse voir les cinq espèces qui poussent à cette haute altitude. Les projections sont fondées sur des données du GCM relatives au climat à l'avenir. La ligne foncée du diagramme illustre la croissance de la pruche de l'Ouest au cours des 100 dernières années. Compte tenu de nos connaissances sur le climat et des anneaux de croissance, nous voyons qu'il y aura au cours des 100 prochaines années un déclin en ce qui concerne la croissance de la pruche de l'Ouest. Le déclin en question prendra la forme d'un accroissement radial, qui est une mesure de la biomasse. Ce n'est pas l'un des liens particulièrement importants. Le même phénomène se produira dans le cas du cèdre jaune.

Le déclin le plus important touchera la pruche subalpine. La croissance de la pruche subalpine va connaître une sorte d'effondrement, et l'espèce ne sera plus viable sur l'île de Vancouver. Elle sera peut-être remplacée par l'adaptation d'autres arbres, mais je crois que la pruche de l'Ouest va monter et couvrir les cimes, ce qui représentera un changement important de la structure de la forêt sur l'île.

Ce sont des prédictions qui ne sont nullement des certitudes; toutefois, ce sont des certitudes dans le contexte de ce que nous dit la modélisation climatique. Elles représentent une percée. Dans le cas des prédictions antérieures, la modélisation tentait de s'articuler autour de la réaction des arbres. Le modèle dont il est question ici va un peu plus loin et conjugue ses résultats à ceux d'une autre science.

La science est une série de briques, et il nous faut continuer à financer la science pour nous assurer que toutes les briques sont mises ensemble de manière à produire l'édifice. Cela nous permet d'échafauder des scénarios. Nous voulons que les experts en forêt prennent les renseignements tirés de cette recherche et l'appliquent à leurs travaux.

Le président: La communication est un thème qui est revenu tout au long de nos audiences dans l'ouest du Canada.

Les scientifiques s'installent dans leur tour d'ivoire et réalisent des recherches à l'aide de modèles. Il serait utile pour les experts en forêt et les agriculteurs de disposer des renseignements tirés de ces recherches. C'est l'accès aux renseignements qui pose un problème.

Comment croyez-vous que ces éléments d'information devraient être communiqués? Est-ce que nous devrions concevoir une sorte de stratégie de communication?

M. Smith: La tour d'ivoire commence à s'effondrer. Je crois que les scientifiques sont nombreux à essayer de communiquer les résultats de leur travail. Nos renseignements se trouvent dans des écrits scientifiques; de même, nous les présentons sur diverses tribunes.

M. Innes: Le Réseau canadien de recherche sur les impacts et l'adaptation au changement climatique compte parmi ses objectifs celui qui consiste à faire connaître les résultats de nos recherches aux praticiens. Récemment, nous avons tenu une réunion à ce sujet à Prince George.

Le président: Vous parlez du C-CIARN?

M. Innes: Oui. L'industrie forestière n'était pas très bien représentée à cette réunion; il n'y avait que trois représentants sur 150 participants. L'industrie n'y voit pas une question importante.

Je suis le président d'une société sans but lucratif qui s'occupe de rayonnement pour le secteur forestier. Nous y employons 26 praticiens. Les praticiens chargés du rayonnement au sein de notre société sont plus nombreux que ceux qui se trouvent ailleurs dans le pays entier. Grâce au réseau que nous avons établi, nous essayons de transmettre les informations voulues aux praticiens. Le réseau s'occupe de problèmes actuels, mais nous essayons de rejoindre les personnes intéressées et de leur dire ce qu'il faut faire au sujet du changement climatique.

Le sénateur Day: Le Sénat, sous la direction du sénateur Wilfred Moore, et grâce à sa relation avec l'Université St. Mary's à Halifax, essaie d'obtenir des fonds pour les infrastructures, dans les universités.

M. Smith: J'apprécie cela, mais mon observation visait mon gouvernement provincial.

Le sénateur Day: Notre président vous a demandé de ralentir car, techniquement, nous n'arrivons pas à vous suivre. En vérité, il vous demandait de ralentir pour que nous puissions digérer tout ce que vous étiez en train de dire.

Le jeu d'acétates que nous avons pour M. Smith n'est pas aussi clair que le vôtre. Il nous a probablement été transmis par Internet, puis imprimé. Pourriez-vous nous envoyer un jeu plus clair pour que nous puissions étudier les transparents?

M. Smith: Oui, et vous avez l'exposé en PowerPoint. Je vous laisserai cela.

Le sénateur Day: Ce serait très utile.

Monsieur Innes, je veux être sûr de bien comprendre le transparent où il est question des anneaux de croissance dans l'hémisphère nord. Les anneaux de croissance indiquent-ils que la température en ce moment est à peu près celle qu'il y avait il y a 1 000 ans?

M. Innes: Le graphique laisse voir la croissance des arbres et non pas la température.

Le sénateur Day: Est-ce la même chose que la croissance des arbres dans le cas de M. Smith?

M. Innes: La réaction des arbres est soumise à certaines limites biologiques. Les arbres peuvent manquer d'eau ou de nutriments.

Le sénateur Day: En utilisant ce transparent, vous souhaitiez nous montrer non pas la température, mais plutôt la croissance des arbres?

M. Innes: Oui.

Le sénateur Day: C'est utile de le savoir, car, autrement, j'aurais tiré une conclusion différente.

Le sénateur Tkachuk: Quelle est la signification de la croissance des arbres et en quoi celle-ci est-elle liée à la température?

M. Innes: Nous avons pu établir des liens entre la croissance des arbres et la température parce que, dans la majorité des cas, la température représente une limitation pour les arbres dans la partie nord de l'hémisphère nord.

Plus au sud, par exemple dans le sud-ouest des États-Unis, c'est beaucoup plus l'humidité qui devient une limite. M. Smith peut probablement vous renseigner de meilleure façon sur ce sujet.

M. Smith: Nous comparons les températures enregistrées aujourd'hui et étudions la croissance de la largeur des cernes sur une période de, disons, 100 ans. Nous pourrons ainsi voir la réaction des arbres et, ensuite, par simulation rétrospective, pour la période visée par la dendrochronologie, qui peut être 900 ans. Nous observons la réaction que les arbres ont aujourd'hui à la température, puis nous employons l'information ainsi recueillie pour faire une analyse rétrospective. Nous prenons la croissance de la largeur des cernes et présumons que le même comportement a eu lieu par le passé. Cette méthode nous permet d'en arriver à un bilan de température vérifiable.

Le sénateur Day: L'augmentation des températures que nous connaissons aujourd'hui est-elle semblable à ce qui est survenu il y a 1 000 ans.?

M. Innes: Il y a eu une augmentation très distincte de la température il y a 1 000 ans environ. Cette augmentation de la température a permis aux Vikings d'établir des peuplements au Canada. Nous constatons une augmentation semblable de la température aujourd'hui. Ce semble être une augmentation plus longue et plus importante que celle qui a caractérisé le petit optimum.

Le sénateur Day: Depuis 100 ans, la température dans le nord-ouest a augmenté de 0,6 à 1,7 degré Celsius.

Comment passer de cela à la prédiction selon laquelle, au cours des 50 prochaines années, la température va probablement continuer d'augmenter? Comment savons-nous qu'elle va augmenter encore plus qu'elle l'a fait depuis 100 ans? Auriez-vous l'obligeance de nous expliquer ce cheminement scientifique?

M. Innes: Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat dispose de tous les renseignements voulus sur les prédictions.

Les sept modèles de circulation générale qui ont été conçus dans le monde précisent des changements de température au fil du temps. La plupart ont pour référence une période de 100 ans et se fondent sur divers scénarios de développement. Par exemple, certains sont plus «verts» que d'autres. Quatre grands scénarios ont été adoptés, et chacune des organisations responsables fonde ses prédictions sur les scénarios échafaudés.

Si vous regardez mon troisième transparent, vous constaterez que la série de températures enregistrées pour Fort St. James fait voir une petite oscillation. L'oscillation indique que les températures ont augmenté, diminué, puis augmenté à nouveau. Nous croyons que la situation en question reflète la surimposition des changements naturels sur les changements anthropiques. Il y a très peu de temps encore, nos modèles ne parvenaient pas à reproduire ces changements.

Le sénateur Carney: Qu'est-ce que cela veut dire?

M. Innes: Par «changement anthropique», il faut entendre les changements attribuables aux être humains. Les modèles que nous avons maintenant parviennent à reproduire la fluctuation en question, parce qu'ils sont à même d'intégrer la variation naturelle.

Le GEIEC, dont les vues représentent le consensus de scientifiques oeuvrant partout dans le monde, est assez certain du fait que les prédictions de température pour l'avenir sont correctes. Tout de même, je devrais dire que ces prédictions sont associées à un certain écart type.

Nous éprouvons parfois de la difficulté à appliquer un tel écart à une situation locale. L'application de la méthode à petite échelle peut se révéler très difficile, de sorte qu'il est difficile de dire ce qui va se passer à Prince George ou sur l'île de Vancouver dans 100 ans.

Le sénateur Day: Plus la modélisation et les prédictions s'appliquent à une zone circonscrite, plus la tâche est difficile et plus les résultats sont inexacts?

M. Innes: Oui.

M. Smith: Nous devons nous rappeler le fait que le passé peut nous renseigner sur le présent. Au cours des cinq dernières années, j'ai visité 50 fronts glaciers en Colombie-Britannique. Les forêts qui étaient recouvertes il y a 4 000 ans sont maintenant exposées, devant les glaciers en question. La glace a régressé au point où elle était il y a 4 000 ans. Dans l'intervalle entre cette époque et la nôtre, il y a eu d'autres associations des fronts de glacier. Ce dont nous sommes témoins aujourd'hui, c'est quelque chose qui ne s'est tout simplement pas produit durant l'holocène, soit les 10 000 dernières années. C'est un événement important. Toutefois, il y a 4 000 ans, une avancée semblable des glaces se produisait.

Le sénateur Day: Votre transparent sur les risques du changement climatique fait état de ce qui est qualifié de perte en volume du bois. Le transparent suivant laisse voir un accroissement de la productivité de la forêt boréale. Est-ce dire que vous avez décidé de ne pas renoncer à vos options? Qu'est-ce que ces transparents peuvent nous dire?

M. Innes: Le facteur principal, c'est la situation géographique. Nous nous attendons à connaître une perte de productivité dans le sud de la Colombie-Britannique. Dans une zone limitée par la température comme celle des plaines du nord-est de la Colombie-Britannique, nous prévoyons un accroissement des taux de croissance. Il faut savoir si les forêts touchées sont limitées par la température ou par l'humidité.

M. Smith: Mes trois derniers diagrammes laissent voir une perte de productivité. Ils laissent voir un déclin en ce qui concerne l'accroissement radial.

Le sénateur Day: Vous parlez de l'île de Vancouver?

M. Smith: Oui.

Le sénateur Day: En sommes-nous au point où, du point de vue de la science et de la prédictibilité des phénomènes, nous pouvons dire à l'industrie forestière ce qu'elle devrait planter?

M. Innes: Oui, je crois que nous y sommes.

Le président: Il semble que vous ne soyez pas certain en ce qui concerne la pruche.

M. Innes: Non, nous ne savons pas très bien quoi faire de la pruche. Nous conseillons de planter un mélange d'essences de diverses provenances, un mélange de stocks génétiques, de délaisser la monoculture. Nous croyons qu'il est nécessaire de garder ouvertes toutes les possibilités.

L'aménagiste praticien doit décider de planter telle ou telle espèce, en tenant compte du fait que le climat d'aujourd'hui pourrait tuer les arbres en question. Par ailleurs, c'est le climat de l'avenir qui pourrait tuer les arbres en question. Nous encourageons les aménagistes à planter des arbres de diverses provenances et de diverses espèces.

Le sénateur Day: La réflexion de l'industrie forestière se situe dans une perspective annuelle et se soucie de rapports trimestriels à court terme. De ce fait, nous comptons sur les gouvernements et les universités pour avoir une perspective de plus longue durée.

M. Smith: Il est injuste de donner cette idée de l'industrie. Sur la partie nord de l'île de Vancouver, celle-ci prévoit des cycles de rotation des récoltes valables sur 500 ans. Ce qu'elle ne planifie pas, c'est l'évolution du climat qui est susceptible de se produire. Elle présume à tort que les mêmes conditions vont continuer de s'appliquer, mais elle reconnaît qu'elle doit avoir une perspective à long terme.

Le sénateur LaPierre: Monsieur Innes, vous dites qu'il faut s'attendre à une certaine mortalité. Est-il question ici de la mortalité des êtres humains?

M. Innes: Non, je parle des arbres.

Le sénateur LaPierre: Ah, les arbres. Qu'en est-il de ces foutus écureuils qui m'envahissent chez moi?

Le président: Voilà une bonne question.

M. Innes: Je crains de n'avoir pas de réponse à cela. Je ne connais pas votre situation particulière, sénateur.

Le sénateur LaPierre: Dites-moi simplement que les écureuils vont disparaître, et je vais sauver les arbres.

M. Innes: Si vous aviez une arme à feu, vous auriez là, je crois, la façon la plus efficace de vous débarrasser de ces créatures.

Le président: Je vous prie d'expliquer la dernière série de transparents, qui portent sur l'évolution du comportement de certaines espèces animales.

M. Innes: D'après les conclusions d'une étude récente portant sur la période d'hibernation des écureuils dans le nord canadien, les écureuils s'éveillent plus tôt qu'auparavant. Les données laissent croire à une modification génétique attribuable aux changements climatiques.

Le sénateur LaPierre: Eh bien, ils semblent toujours tourner autour de ma maison, ce qui irrite mon chat.

Je sens que les gens commencent à jouer à l'autruche et à avoir des idées anti-scientifiques. Votre crédibilité semble gravement touchée.

Combien de gens comprennent vraiment tout cela? Le gouvernement fédéral ne comprend pas le sujet, et les gouvernements provinciaux y semblent parfaitement indifférents.

Croyez-vous que cette mentalité antiscientifique deviendra un problème grave que nous allons devoir régler?

M. Innes: Ce dont vous parlez pourrait effectivement donner lieu à un problème très grave. Je ne suis pas au fait de quelque mouvement antiscientifique qui se préparerait. Cela doit être que je vis dans une tour d'ivoire. J'ai remarqué que, dans les cas où nous donnons des conseils à l'industrie, en règle générale, ils restent lettre morte. Nombre des problèmes d'aujourd'hui sont des problèmes que nous avons prédits dans le passé, et rien n'a été fait pour y remédier.

Il y a 30 ans, on a prédit que le dendroctone du pin allait causer des difficultés. Le problème en rapport avec cet insecte concerne non seulement l'évolution du climat, mais encore la répartition selon le stade biotique, soit la répartition selon l'âge et la classe des forêts du centre de la Colombie-Britannique. Nous éteignons des incendies depuis trop longtemps et, de ce fait, les forêts ont vieilli et sont devenues plus vulnérables au dendroctone.

Le sénateur LaPierre: Et rien n'a été fait?

M. Innes: Nous luttons toujours contre les incendies.

M. Innes: La crédibilité des scientifiques est remise en question; les conseils donnés par les scientifiques experts en forêts donnent lieu à des questions.

En Colombie-Britannique, le nombre d'inscriptions dans les programmes de sciences forestières est à la baisse; il y a trois ans, nous avions 120 étudiants dans le programme de quatre ans, cette année, il y en a 40; l'an prochain, il y en aura 20. L'avenir du programme lui-même est en péril. Cette tendance est relevée à l'Université du Nouveau-Brunswick et ailleurs. Pour ce qui est de régler les problèmes environnementaux, les aménagistes et les experts en forêt n'inspirent plus confiance.

Le sénateur LaPierre: Monsieur Smith, on a proposé que nous créions partout au pays des chaires de recherche sur les effets du réchauffement du climat sur l'agriculture, le milieu forestier et les collectivités rurales. On a recommandé que les chaires en question prévoient un élément de sensibilisation et un plan de communication. Nous devons éliminer les termes et les expressions que M. Innes a utilisés il y a un instant.

On nous a recommandé de faire en sorte que soit créé tout un ensemble de connaissances découlant des recherches dans le domaine ainsi que des activités de sensibilisation connexes, aux frais du gouvernement fédéral, conformément aux lignes directrices du Protocole de Kyoto. De cette façon, il n'y aura pas ingérence dans les sphères de compétence provinciales.

Il me semble qu'un projet de recherche financé par le gouvernement fédéral permettra d'adopter une perspective à long terme sur la situation. Êtes-vous d'accord pour dire que le gouvernement fédéral devrait assumer la responsabilité des recherches et des activités de sensibilisation en question?

M. Smith: Oui. Par contre, certaines des chaires de recherche existent déjà; ce qui leur manque, c'est le volet sensibilisation.

Le président: Parlez-vous du C-CIARN?

Le sénateur Carney: Monsieur Innes, de nos jours, l'aménagiste ne sait pas ce qu'il doit planter parce qu'il ne sait pas si les arbres d'aujourd'hui périront du fait du changement climatique. Je crois qu'il faut préciser la distinction à faire entre la période de rotation naturelle d'une forêt et la période de rotation commerciale. Il y a une différence importante entre la période de rotation naturel de 500 ans et la période de rotation commerciale de 90 ans.

Vous avez expliqué qu'on peut changer le stock génétique et qu'on peut mélanger les espèces. Quelles sont les espèces que les aménagistes devraient planter et quel est le mélange correct des espèces?

M. Innes: Il existe une réglementation très claire qui dit ce qu'un aménagiste peut ou ne peut pas planter. C'est écrit dans le Code d'exploitation forestière qui est toujours en vigueur. Tout de même, le code pourra changer d'ici quelques années, sous l'impulsion de la Forest and Range Practices Act, qui prévoit le passage à un code fondé sur les résultats. Il y aura probablement des modifications prescrivant une reforestation qui fait appel à des espèces ou à des mélanges d'espèces en particulier, et cela dépend beaucoup du genre de prescription sylvicole sur laquelle on réussira à s'entendre.

Une des grandes difficultés que pose l'actuel mode de tenure, c'est que les aménagistes ont intérêt à planter des espèces qui finiront par atteindre le stade de l'autonomie de croissance, autrement dit trois ou quatre mètres, dès que possible, et, après cela, la responsabilité revient à la province. L'industrie n'a plus de responsabilité à l'égard du milieu forestier dont il est question, à moins qu'il ne s'agisse d'un arrangement rattaché spécifiquement à une zone.

Le sénateur Carney: Cela revêt une importance capitale en ce moment; le gouvernement de la Colombie-Britannique est en train de modifier sa politique forestière pour plaire aux Américains. Il nous faut dire clairement qu'il importe d'avoir un lien entre ce qu'on fait pour le marché et ce qu'on fait pour l'avenir de la forêt.

M. Innes: Nous essayons de les convaincre, et nous travaillons ensemble à l'élaboration de nouvelles lignes directrices qui accompagneront le code fondé sur les résultats.

Le sénateur Carney: Est-ce la présence de têtes de bétail sur les grands pâturages libres qui, entre autres raisons, fait que nous ne pouvons employer des incendies ou qu'il n'est pas permis que les incendies jouent leur rôle traditionnel? Quelle est votre solution à ce problème?

M. Innes: Le recours au feu améliorerait la qualité du fourrage des grands pâturages libres. La meilleure parallèle qu'on puisse trouver, c'est aux États-Unis, où le feu a été réhabilité dans une bonne part des Cordillères pacifiques. Les gens là-bas estiment que l'interdiction de recourir au feu pose un problème de santé du point de vue des forêts; ils décrivent les forêts où des feux ont été éteints comme étant malsaines. Il y a là-bas tout un programme, maintenant, qui consiste à réintroduire le feu dans les forêts.

Le sénateur Carney: Vous dites que les changements de température au cours de la prochaine période de rotation, jusqu'à l'an 2050, pourraient atteindre les 20 degrés. C'est ce que vous avez dit durant votre exposé.

M. Innes: Oui.

Le sénateur Carney: Des gens de l'Arctique m'ont écrit pour me dire qu'ils connaissent des étés prolongés et que cela se produit depuis 20 ou 30 ans.

Quelles seraient les conséquences d'une augmentation de température de l'ordre de 20 degrés? Est-ce que cela veut dire que les zones forestières à croissance lente auraient une productivité meilleure, ou sinon que tout le muskeg autour du Mackenzie serait remplacé par une végétation tropicale?

M. Innes: Je ne peux répondre à cette question en me fondant sur des connaissances scientifiques. Pour conjecturer, je dirais que nous allons assister à une réduction massive de la quantité de pergélisol et que cela déstabiliserait le sol. Dans bien des cas, il y aurait une modification majeure de l'hydrologie ou des relations hydriques en surface. Il y aurait une évolution de la répartition des forêts et des animaux en réaction aux changements en question. Il y aurait une évolution de la durée de la saison de croissance, ce qui pourrait avoir toutes sortes de conséquences pour l'introduction d'espèces exotiques. Il y aurait probablement moins de glace de mer pendant l'hiver, dans le Grand Nord, et certainement une période de gel moins longue dans le cas des lacs. Cela comporterait des compétences majeures pour le transport.

La statistique dont j'ai parlé a été donnée durant une conférence à Prince George. Je ne saurais vous donner la référence exacte, mais je suis certain de pouvoir la retrouver.

Le président: Cette information-là se trouve dans nos dossiers.

Le sénateur Carney: Pour plus de certitude, voulez-vous porter officiellement au compte rendu l'interprétation que vous faites des trois transparents sur la pruche subalpine, le cèdre jaune et la pruche de l'Ouest? Il est difficile pour nous de comprendre les graphiques en question.

En quoi le changement d'espèces a-t-il une incidence sur les collectivités et sur les aménagistes forestiers, quand la pruche côtière sera remplacée par la pruche subalpine? Je peux comprendre que ce changement d'espèces soit important aux yeux d'un scientifique, mais qu'en est-il du point de vue des collectivités et de l'aménagement des forêts?

M. Smith: Le premier graphique laisse voir le déclin global du taux de croissance et du taux de croissance annuel des trois espèces, à des altitudes élevées. Quand nous parlons d'altitudes élevées, nous parlons d'espèces qui poussent à un niveau de 1 000 mètres ou plus. Toutes ces espèces, au fil du temps, deviendront moins productives.

La pruche de l'Ouest peut pousser au niveau de la mer, à bien des endroits. Toutefois, la pruche de l'Ouest qui pousse à altitude élevée subit le stress lié à un déficit de température et d'humidité.

La production à altitude élevée, dans les montagnes côtières, et dans la plupart des régions alpestres côtières est tributaire de l'enneigement. L'enneigement joue un rôle d'une importance incroyable parce qu'il sert à reporter jusqu'à plus tard dans la saison le dégel et l'humidification des sols. Cela vaut particulièrement pour l'île de Vancouver, où un climat fortement méditerranéen durant les mois d'été amène une pluie peu importante, sinon inexistante. Un enneigement persistant peut rendre le sol plus humide jusqu'en juillet et, de cette façon, permettre que l'arbre continue de produire, et la pruche de l'Ouest en tire parti.

Vraisemblablement, les enneigements cesseront d'exister. La précipitation tombera sous forme de pluie, puis disparaîtra très rapidement.

Le sénateur Carney: Madame Harkin, vos recherches vous ont-elles permis de quelque façon d'éclairer un élément de cette discussion?

Le sénateur Tkachuk: J'ai une question pour vous, madame Harkin.

Le sénateur Carney: Je renonce à ma question pour céder la parole à mon collègue des Prairies. Je souhaite signaler au sénateur LaPierre que, sur l'île Saturna, là où j'habite, il n'y a pas d'écureuils. Un scientifique pourrait peut-être m'expliquer pourquoi il n'y a pas d'écureuils sur l'île du Golfe la plus au sud.

Le sénateur Tkachuk: Je m'intéresse au petit sursaut qui a marqué la période de réchauffement il y a 1 000 ans. Ce changement climatique représente-t-il un phénomène naturel, est-ce que nos émissions de CO2 ont pour effet de faire accélérer un phénomène naturel ou sommes-nous en train de créer un phénomène nous-mêmes?

M. Innes: Le climat évolue de façon naturelle. Nous avons eu des périodes glaciaires. Quand j'ai entamé ma carrière de scientifique, nous pensions nous diriger vers la prochaine période glaciaire. C'était il y a 30 ans. Aujourd'hui, nous savons que ce n'est pas le cas. Selon le consensus des opinions, l'accroissement des températures que nous constatons depuis 100 ans est probablement attribuable aux activités des êtres humains à la surface de la planète.

Le sénateur Tkachuk: Êtes-vous en train de dire que nous avons créé cette situation?

M. Innes: Nous vivons une tendance naturelle au réchauffement. La petite période glaciaire s'est terminée il y a 250 ans environ. Durant ce siècle, nous avons connu un réchauffement naturel, mais nous croyons qu'un réchauffement attribuable à l'homme vient s'ajouter à cela; il représente tout au moins un demi-degré.

Le sénateur Tkachuk: Avez-vous quelque chose à ajouter à cela, monsieur Smith?

M. Smith: Les glaciers de la côte de la Colombie-Britannique ont conservé des positions avancées pendant le siècle, puis, à compter de 1924 environ, ils se sont mis à régresser rapidement.

Le sénateur Tkachuk: Madame Harkin, nous avons beaucoup entendu parler du piégeage du carbone. J'ai toujours cru que les forêts étaient des puits, mais nous nous sommes fait dire qu'elles ne le sont pas toujours. Je suis dérouté. Je ne sais pas très bien à quel moment une forêt est un puits et à quel moment elle ne l'est pas. Comment mesurons-nous cela? Comment les puits de carbone sont-ils créés?

En Saskatchewan, nous avons discuté de la propriété des puits. Quel est le climat politique actuel en ce qui concerne cet argument?

Mme Zoe Harkin, étudiante de troisième cycle, Université de la Colombie-Britannique: En ce moment, le gouvernement provincial possède les droits à l'égard du piégeage du carbone, mais, pour toute activité supplémentaire pouvant être entreprise conformément à l'article 3.4 du Protocole de Kyoto, il n'existe aucune loi pour l'instant. Selon une proposition qui est avancée, toutefois, les entreprises forestières pourraient faire des prétentions en rapport avec des activités supplémentaires, au-delà de ce qui est exigé.

Avant de faire un achat, GEMCo — le plus important acheteur de droits de compensation dans le monde — , réunit tous ses actionnaires. Quiconque a des prétentions à l'égard de la réduction des GES fait valoir son point de vue. Le résultat, en l'absence de loi à cet égard, est déterminé par contrat.

Vous voulez savoir à quel moment les forêts sont considérées comme des puits et à quel moment elles sont considérées comme des sources. Il importe de distinguer les forêts mûres et les vieilles forêts. Quand une vieille forêt est exploitée, une quantité massive de carbone gagne l'atmosphère, de sorte qu'il s'agit d'une source. Si une forêt jeune remplace la vieille, la jeune prend le dioxyde de carbone de l'atmosphère, et il s'agit alors d'un puits. Si vous remplacez un jeune peuplement par un vieux, il y a une émission «nette» de CO2 dans l'atmosphère qui ne peut être compensée pour 200 ou 300 ans.

Le sénateur Tkachuk: Si vous installez un peuplement là où il n'y en avait pas avant, est-ce un gain net ou une perte nette? J'essaie de comprendre.

Le sénateur Day: C'est tout simplement net.

Le sénateur Tkachuk: Avez-vous compris ma question?

Mme Harkin: Selon le Protocole de Kyoto, si vous plantez des arbres là où il n'y en avait pas avant, c'est un boisement ou un reboisement, ce qui donne alors un puits net. La nouvelle forêt absorbe le CO2 de l'atmosphère, et il est possible que vous puissiez réclamer une compensation de ce fait.

Suivant la définition donnée dans le Protocole de Kyoto, si vous faites des coupes, puis que vous remplacez immédiatement les arbres, ce n'est pas du déboisement. Ce n'est pas une forêt au sens du Protocole à moins que vous essayiez de réclamer une compensation conformément à l'article 3.4 du Protocole de Kyoto au chapitre des activités supplémentaires, auquel cas cela devient une forêt au sens du Protocole, et devez rendre compte du fait que l'émission de carbone représente une perte nette, car il s'agit alors d'une source.

Le sénateur Tkachuk: Comment les gens croient-ils pouvoir noter tout cela?

Mme Harkin: Un inventaire forestier est établi tous les cinq ans. Il permet de jauger le «volume» de la forêt. Une fois établies, certaines équations servent à calculer la quantité de carbone. Le propriétaire d'une forêt est censé réaliser son propre inventaire et, aux fins du Protocole, cela doit se faire tous les cinq ans.

Le sénateur Tkachuk: Avez-vous rédigé quelque chose là-dessus, madame Harkin?

Mme Harkin: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Je vous prie de signaler au greffier comment nous pourrons nous procurer un ou plusieurs exemplaires de vos communications.

Mme Harkin: L'Institut international pour l'analyse des systèmes appliqués a sur son site Web toutes mes communications.

Le sénateur Gustafson: À moins que je ne comprenne mal, vous me faites une peur bleue. Je n'ai pas l'habitude d'utiliser de tels termes, mais nous avons une culture continue depuis 20 ans. Nous avons des agriculteurs qui ont fait ce qu'il fallait, et nous avons des agriculteurs qui ont fait ce qu'il ne fallait pas. L'agriculteur qui a fait ce qu'il ne fallait pas va être récompensé, et l'agriculteur qui a fait ce qu'il fallait va être pénalisé.

Le sénateur Carney: Voilà comment fonctionne la confédération.

Le sénateur Gustafson: Nous avons donné une dispense à l'industrie de l'automobile dans l'Est; néanmoins, les champs de pétrole vont être pénalisés. Je vis dans un champ de pétrole. Il y a suffisamment de difficultés entre l'Est et l'Ouest, et je prédis que ce sera le sujet d'une terrible dispute au Canada, si ce n'est pas réglé équitablement.

Je suis un agriculteur de la Saskatchewan. Il y a moins d'un million de personnes dans notre province. Nous avons environ 40 p. 100 des terres arables du Canada; néanmoins, nous sommes considérés comme les grands perdants du pays. Pourquoi? La réponse, c'est que nous n'avons pas une population nombreuse. Il nous faut en arriver à des lois équitables qui tiennent compte des petites populations aussi bien que des grandes. Cela me tracasse de savoir que nous nous dirigeons vers quelque chose et que d'autres pays n'embarquent pas, et cela fait penser au débat sur la subvention du Nid-de-Corbeau. Vous savez que nous avons abandonné la subvention du Nid-de-Corbeau.

Le sénateur Carney: Je vous en prie, ne discutons pas du Nid-de-Corbeau.

Le sénateur Gustafson: Nous avons abandonné cette subvention, et cela a coûté un dollar le boisseau aux agriculteurs. Les autres pays ne l'ont pas fait, et ils subventionnent toujours l'agriculture, et je prédis que cela va continuer pendant 20 ans encore.

Le président: Madame Harkin, voulez-vous répondre à cela?

Le sénateur Tkachuk: C'est juste que je lâche un peu de CO2.

Le sénateur Day: Bon, voilà toute une source de carbone.

Le président: Madame Harkin, vous avez le dernier mot.

Mme Harkin: BP et Shell ont satisfait aux exigences du Protocole de Kyoto cinq ans à l'avance et ont fait des profits en le faisant.

Le sénateur Day: C'est l'industrie pétrolière.

Mme Harkin: Oui. Il y avait en Saskatchewan un programme appelé Prairie Forest Cover Program. On remettait à l'agriculteur un paiement unique, pour un contrat de dix ans, en vue de la conversion des pâturages en couverture végétale permanente. Le programme a remporté un très franc succès, et le nombre de demandes présentées a été tel que le financement prévu s'est révélé insuffisant. Les détenteurs de terres dans les Prairies ont très certainement intérêt à planter des arbres ou à opter pour des pâturages permanents ou passer à la culture sans labour.

Le président: Merci.

Le sénateur Hubley: Monsieur Innes, dans vos conclusions, vous dites:

La réglementation gouvernementale actuelle fait obstacle à certaines mesures d'adaptation.

Je vous prie de nous en dire plus là-dessus. Feriez-vous des recommandations quelconques pour aider le gouvernement à établir les mesures d'adaptation en question?

Dans votre dernière recommandation, on lit:

La recherche n'est pas parvenue à cerner certaines des questions importantes qui entrent en jeu.

Veuillez nous donner des exemples des questions importantes dont il s'agit. Je m'intéresse à la question des prévisions météorologiques en haute altitude et je voudrais savoir si, à votre avis, cela est important pour l'avenir.

M. Innes: Le milieu forestier relève de la compétence des provinces, plutôt que du gouvernement fédéral. La raison pour laquelle la réglementation nuit actuellement à certaines mesures d'adaptation, c'est qu'il y a des règles qui régissent, par exemple, le transfert des semences.

On est tenu de planter des semences d'une certaine provenance à un certain endroit. Si je plante près de Prince George, la semence doit provenir d'un lieu qui est près de Prince George. Ce lieu ne peut pas être beaucoup plus loin au sud. Il y a des règles à ce sujet, et elles sont très strictes. La réglementation a été quelque peu assouplie, à la lumière de la question du changement climatique, mais je crois qu'il faut l'assouplir encore plus.

Le mode de tenure empêche des entreprises individuelles d'explorer les diverses options à leur disposition et d'adopter une approche forestière à long terme.

Nous attendons de voir à quoi ressemblera exactement la nouvelle loi qui sera à l'origine d'autres changements. Le gouvernement provincial travaille à un nouveau projet de loi sur les forêts. Nous vivons une période où les changements se font assez rapidement, de fait, si bien que certains journalistes affirment qu'il s'agit de la plus importante évolution de la politique forestière que l'on ait connue en Colombie-Britannique.

Le législateur parviendra-t-il à introduire le plus grand nombre de changements possible afin de permettre l'adaptation aux paramètres climatiques de l'avenir? Je n'en suis pas sûre. Je ne suis pas convaincue du fait que les concepteurs de ces politiques sont bien conscients du nombre des questions qui entrent en jeu sur le plan du changement climatique. Je vais mettre beaucoup d'énergie à les informer au cours des quelques prochains mois, mais ce n'est que dans une certaine mesure qu'un universitaire peu influer sur la politique gouvernementale.

Le sénateur Tkachuk: C'est notre travail qui entre en jeu ici.

M. Innes: Vous avez parlé des questions liées à la recherche. Mme Harkin est la seule responsable de notre faculté, une des plus grandes facultés de sciences forestières du monde entier, qui travaille à la question du changement climatique. Nous avons 280 personnes inscrites aux études supérieures et 60 enseignants. Une personne seulement travaille à la question du changement climatique.

Le président: C'est scandaleux.

Le sénateur LaPierre: C'est incroyable.

Le sénateur Day: Est-ce parce que les spécialistes des forêts ne s'engagent pas dans le champ d'études en question?

M. Innes: Non, je crois qu'il y a plusieurs questions qui entrent en jeu, et bon nombre d'entre elles concernent le financement et l'obtention du financement de sources provinciales ou fédérales. Comme je l'ai dit auparavant, les mécanismes de financement provinciaux sont orientés vers la recherche à court terme, et non pas la recherche à long terme, ni, par exemple, l'embauche d'étudiants du deuxième ou du troisième cycle.

Le sénateur Day: Mme Harkin a-t-elle un baccalauréat en sciences forestières?

Mme Harkin: J'ai un baccalauréat en sciences forestières et une maîtrise en sciences forestières.

Le président: Sénateur Hubley, avez-vous obtenu des réponses satisfaisantes à vos questions?

Le sénateur Hubley: Les questions touchant la recherche sont très importantes, car nos recommandations vont peut- être servir à combler certaines des lacunes du système.

M. Innes: Quant à certaines des lacunes qui peuvent être relevées au chapitre de la recherche, nous devons étudier plus attentivement la manière dont les forêts se développeront à certains endroits précis au Canada, et la Colombie- Britannique est probablement l'endroit le plus complexe où on peut travailler en ce moment. Avec tout le respect que je vous dois, les Prairies ne connaissent pas l'influence des montagnes sur les systèmes météorologiques, ce qui rend nettement plus difficile l'application à petite échelle des modèles climatologiques mondiaux.

Nous ne savons absolument pas si un écosystème entier va être déplacé en tant qu'unité, tout en soupçonnant que cela ne sera pas le cas, ou si des espèces individuelles d'arbres vont être déplacées, et l'effet que cela aura sur la future composition de l'écosystème. Nous disposons des instruments voulus pour accomplir cette tâche dans une certaine mesure, mais cela ne se fait tout simplement pas en ce moment. Voilà un exemple. Je crois qu'il y a en beaucoup d'autres.

Nous avons fait beaucoup de recherches sur le dendroctone du pin, mais nous en avons fait beaucoup moins sur plusieurs autres insectes. Il existe certains champignons et certaines maladies qu'il nous faut étudier.

Nous ne comprenons pas vraiment les relations hydriques des arbres ni la façon dont les arbres réagissent à l'évolution des relations hydriques. Il nous faut répondre à de nombreuses questions sur la manière dont les forêts vont réagir au changement climatique.

Les travaux que nous effectuons sur les impacts socio-économiques de l'évolution du climat sont peu nombreux, si tant est qu'il y en a. On a effectué certaines études qui s'appliquent à la province dans son ensemble, mais pas particulièrement sur des collectivités qui dépendent de la forêt.

Le président: Les effets du réchauffement climatique sur l'agriculture, le milieu forestier et les collectivités rurales constituent la troisième partie de notre étude. Nous n'en avons pas entendu beaucoup là-dessus, car il y a peu de recherches qui se font sur le sujet.

M. Innes: C'est juste.

Le sénateur Tkachuk: Je crois que la seule personne qui fait des recherches concernant les effets du changement climatique sur les collectivités rurales vient de la Saskatchewan.

Le président: Oui, tout à fait. J'aimerais poser une question.

Le sénateur Carney: Je m'excuse, le sénateur Hubley a encore une question à poser au sujet des stations météorologiques.

M. Innes: Avant de déménager en Colombie-Britannique, j'ai travaillé en Suisse. Là, nous avions une station météorologique située à 4 000 mètres d'altitude; elle permettait d'obtenir une quantité énorme de renseignements sur le climat à très haute altitude. Il y a d'autres stations de météo situées entre 1 500 et 2 000 mètres d'altitude et qui permettent de mieux prévoir le climat et la météo à haute altitude. Ce genre de réseau n'existe tout simplement pas dans l'ouest du Canada. M. Smith pourra peut-être vous donner des précisions là-dessus.

M. Smith: La seule chose que je pourrais ajouter, c'est que les avalanches qui se sont produites en Colombie- Britannique entrent certainement en jeu ici. Il est difficile de prédire une avalanche quand personne ne recueille des renseignements sur la météo et l'accumulation de neige.

Le sénateur Tkachuk: Combien de stations météo faudrait-il pour nous permettre de recueillir ce genre d'information?

M. Innes: Le nombre dépendrait des objectifs visés.

Le sénateur Tkachuk: Supposons que les objectifs consisteraient à étudier le climat et la température en rapport avec les avalanches.

M. Innes: Il faudrait une certaine concentration de stations météo dans les zones récréatives. Le système suisse se rapproche beaucoup d'un système d'alerte en cas d'avalanche. L'institut où j'ai travaillé s'appelait l'institut fédéral de recherche sur la forêt, la neige et les avalanches, et nous étions responsables de nombreuses stations climatologiques. Il serait difficile d'avoir ici le même réseau qu'il y a en Suisse; la Suisse est à peu près de la taille de la vallée du Fraser, et elle compte une population de sept millions de personnes. Le Canada est énorme en comparaison avec cela. D'un point de vue pratique, il n'est pas possible d'établir des stations météo dans toute la province, mais on peut en établir dans les zones très fréquentées par les touristes.

Le président: Ma question porte sur le brûlage dirigé. Si on a affaire à une forêt de premier plan de 5 000 acres, quelle mesure pourrait-on prendre pour s'assurer que tout cela ne part pas en fumée si jamais la foudre l'atteint?

Je pose une question sur le brûlage dirigé parce que c'est un procédé qui existe et qui est utilisé aux États-Unis, et on nous dit que le seul endroit où le brûlage dirigé est employé au Canada, c'est dans certains parcs nationaux. Pourquoi?

Croyez-vous que les aménagistes devraient avoir le droit de recourir au brûlage dirigé?

Veuillez nous expliquer les diverses techniques sylvicoles comme l'utilisation de routes, les coupes contrôlées, les coupes en zigzag et ainsi de suite, procédés que l'on utilise pour essayer de contenir les incendies de forêt, une fois qu'ils font rage.

M. Innes: C'est tout un défi à relever. Pour ce qui est de penser à l'aménagement d'une forêt, il y a un mouvement, qui a pris naissance, je crois, en Ontario, qui vise à tenir compte des possibilités d'incendie. Les forêts de cette nature poussent de telle sorte, suivant le plan établi, que la configuration des arbres crée une zone de protection naturelle, et que l'ensemble résiste aux incendies à grande échelle. Je ne sais pas si cette politique a été mise en place en Colombie- Britannique. Peut-être que oui, peut-être que non. Je crains que je ne puisse tout simplement pas répondre à la question.

Le président: Recommandez-vous que nous étudiions plus à fond le sujet?

M. Innes: Oui. Le brûlage dirigé a été employé dans le parc national de Banff, où on essaie de préserver la santé de la forêt. Tout de même, le brûlage dirigé fait intervenir plusieurs questions.

Il y a la question de la qualité de l'air, quand un brûlage dirigé est effectué. Si vous mettez le feu dans une forêt, vous créez de la fumée, et la fumée est très toxique et très dangereuse. La fumée contient beaucoup de substances cancérigènes, de sorte que les gens, en règle générale, essaient d'éviter cela. Il y a aussi le brûlage de déchets forestiers où on brûle les débris de l'exploitation forestière.

Les Américains ont mis au point un logiciel très avancé pour gérer la fumée qui provient d'un brûlage dirigé. Ils peuvent prédire à quoi le temps va ressembler dans le système d'une vallée particulière, et ils essaient alors de déterminer ce qui arrivera à la fumée. Ils essaient d'éviter que la fumée passe au-dessus de zones résidentielles.

Quand on effectue un brûlage dirigé, on émet du carbone. Nous devrons alors nous demander si, en ce moment, nous voulons rejeter du carbone dans l'atmosphère.

D'après ce que j'en sais, le brûlage dirigé n'est pas employé en Colombie-Britannique, sauf dans les parcs nationaux. Je ne crois pas que ce soit employé dans les parcs provinciaux non plus, mais je ne suis pas parfaitement sûr de cela.

Quant aux techniques sylvicoles, je crains de ne pouvoir répondre à cette question. Je ne connais pas la réponse.

Le président: L'auteur du prochain exposé est Mme Sue Clark, de la North Central Municipal Association. Veuillez commencer.

Mme Sue Clark, coordonnatrice générale, North Central Municipal Association: Je m'appelle Sue Clark, et je suis la coordonnatrice générale et personne-ressource de la North Central Municipal Association. Mon président, Ted Armstrong, vous transmet ses excuses, car il ne pouvait venir ici aujourd'hui.

Notre association couvre un terrain à la fois vaste et varié en ce qui concerne la géographie, la population et les facteurs économiques. La NCMA se concentre sur les questions qu'ont en commun les habitants de la partie centre- nord de la Colombie-Britannique. C'est avec prudence que nous étudions les questions locales, car, souvent, la solution au problème de nos collectivités peut poser une difficulté pour une autre collectivité.

Nombre de nos collectivités membres sont petites et se situent en milieu rural, avec une population de moins de 5 000 habitants. Les petites collectivités rurales disposent de ressources humaines et financières limitées, ce qui fait que la planification à long terme face aux questions capitales comme l'évolution du climat, souvent, reste lettre morte.

Diverses études et divers rapports font ressortir la contribution économique considérable des régions rurales pour les Britanno-Colombiens des zones urbaines. J'ai pris la liberté de vous remettre un rapport de ce genre.

Les hauts fonctionnaires doivent adopter des mesures adéquates pour garantir la santé des régions rurales et, en dernière analyse, la viabilité à long terme de la société canadienne.

Le graphique que vous avez devant les yeux montre en quoi le changement climatique se fait déjà sentir dans la partie nord de la Colombie-Britannique, avec des tendances au réchauffement qui sont au-dessus de la moyenne mondiale, d'environ la moitié d'un degré.

Notre exposé vise à mettre à votre disposition des renseignements anecdotiques concernant les effets sur nos collectivités membres de l'évolution des configurations météorologiques. Nous laisserons aux scientifiques et aux chercheurs le soin d'expliquer les aspects techniques du phénomène. Nous cherchons seulement à présenter certains exemples d'expériences et d'observations vécues et recueillies en ce qui concerne les industries forestière et agricole de la région du nord de la Colombie-Britannique.

La plupart de nos collectivités vivent d'un seul secteur économique, et je vous prie de ne pas oublier que le phénomène météorologique dont il est question n'a pas qu'une incidence sur l'agriculture et les forêts. Nos collectivités dépendent des ressources naturelles, et toute industrie qui exploite de telles ressources doit relever des défis semblables aux nôtres.

On met beaucoup l'accent sur la nécessité pour les collectivités en question de diversifier leur économie. Il importe de souligner que le tourisme, la chasse et la pêche, les sports d'hiver et la culture autochtone subissent tous les effets de conditions météorologiques changeantes.

Un des effets les plus importants du changement climatique en ce qui concerne le milieu forestier, c'est l'accès réduit aux arbres dans les régions nordiques. Il y a dans les zones de pergélisol des arbres exploitables auxquels on ne peut accéder que par des routes gelées l'hiver. De même, l'industrie, pour accéder au bois, fait usage des routes, des lacs et des rivières qui ont gelé. De nos jours, la débâcle printanière vient plus tôt qu'auparavant et dure plus longtemps, de sorte que la période d'accès à la forêt productive s'en trouve réduite.

Cela donne une main-d'œuvre passagère et cela menace la santé des collectivités rurales. Dans la plupart des cas, le financement des collectivités correspond à une somme versée par habitant, et quand la main-d'œuvre n'habite pas au sein de la collectivité où elle travaille, la valeur des maisons baisse, les taxes et impôts ne sont pas perçus, et les écoles et installations médicales en souffrent, du fait d'un financement inadéquat.

Je suis sûr que vous avez entendu parler du problème du dendroctone du pin, et, à l'avenir, l'industrie forestière va peut-être planter diverses espèces qui, en ce moment, ne sont pas courantes dans la région. Ce n'est pas un impact négatif, mais il faut que de solides recherches viennent soutenir les futurs efforts de reboisement.

Nous avons vu les dégâts que peut causer une infestation d'insectes. Les zones ravagées par le dendroctone du pin dans le nord de la Colombie-Britannique souffrent directement du fait que les hivers dans le nord sont plus chauds. Il faut deux semaines de température inférieure à 30 degrés sous zéro pour que cesse la propagation du dendroctone du pin, et nous n'avons pas vu cela depuis près de dix ans.

Selon les prédictions, nous allons connaître des saisons plus longues et plus intenses en ce qui concerne les incendies, dans les années à venir. Les peuplements mûrs et les forêts qui souffrent déjà d'infestation d'insectes sont maintenant plus susceptibles aux incendies, et les précipitations et accumulations de neige amoindries ont un effet multiplicateur sur la menace.

Ces facteurs représentent des coûts importants pour les collectivités du Nord sur le plan social, économique et écologique. Souvent, le bois exploitable disparaît en fumée. Il y a aussi des coûts pour lutter contre l'incendie et la menace directe pour la faune. Les collectivités elles-mêmes, les terres des Premières nations, le tourisme sont affectés.

L'évolution du climat a à la fois des effets positifs et des effets négatifs sur l'industrie de l'agriculture. La saison de croissance peut être plus longue, mais les agriculteurs de la région constatent que l'intensité de la chaleur pendant les mois de l'été n'est pas la même. L'agriculteur de Prince George ne peut plus faire pousser du maïs parce qu'il y a moins de soleil et moins de pluie. Un autre agriculteur nous a dit qu'il était en mesure d'opter pour des récoltes qui lui étaient interdites auparavant en raison d'une saison de croissance courte. Dans la région de Dunster, un agriculteur fait maintenant pousser des légumes verts toute l'année durant en utilisant un châssis froid à l'intérieur d'une serre. Il y a peu de temps, cela aurait été impensable.

Les renseignements empiriques nous font conclure que l'industrie agricole compose bien avec l'évolution des conditions météorologiques, mais dans notre secteur, les agriculteurs devront s'efforcer de trouver des récoltes nouvelles et des systèmes nouveaux pour planter et récolter, afin de relever les défis qui se présenteront à l'avenir.

Le président: Nous savons où se trouve Prince George, mais certains d'entre nous ne savent pas où se trouve Dunster.

Mme Clark: Dunster se trouve dans la vallée de Bulkley, à mi-chemin entre Prince George et la côte.

Nous avons moins de pluie et moins de neige dans la partie nord de la Colombie-Britannique. Le phénomène est à l'origine de crues printanières, mais le niveau des rivières n'a jamais été aussi bas que l'an dernier. Nombre d'agriculteurs parlent de conditions météo extrêmes — de sécheresse et d'humidités extrêmes — depuis quelques années.

La fonte des glaciers alimente davantage les ruissellements au printemps. Si les glaciers continuent de régresser, nous allons avoir un déclin de la quantité d'eau à notre disposition.

Une agricultrice de Prince George que nous avons interviewée avait l'habitude d'arroser toutes les deux semaines; l'an dernier, elle n'a eu à arroser qu'une fois durant toute l'année. Dans la vallée de Bulkley, un autre agriculteur a dit que même s'il y a eu beaucoup de pluie l'été dernier, il a quand même dû irriguer le sol, parce que le sol n'avait pas réussi à maintenir son niveau d'humidité.

Si ces tendances se maintiennent, de multiples utilisateurs vont se battre pour la même ressource, et il y a réellement danger que la qualité de l'eau soit compromise. Or, un approvisionnement adéquat en eaux de qualité est essentiel au bétail, à l'irrigation, à l'habitat des poissons, à la consommation humaine et à diverses industries. Il faut absolument que tous les intervenants travaillent ensemble afin d'assurer la qualité à long terme de l'approvisionnement en eau partout au Canada.

Les collectivités rurales disposent de ressources limitées et vont avoir besoin d'aide pour planifier à long terme en fonction d'un climat changeant. Certains secteurs auront besoin de fonds de transition et de programmes de rajustement pour s'assurer que leur base économique et leur qualité de vie sont maintenues. Ils vont devoir composer avec la menace des incendies et avec une qualité d'air qui souffre de la présence de poussières et d'autres particules. La situation de la faune va peut-être changer, ce qui aura une incidence sur la chasse et la pêche et l'utilisation traditionnelle des terres. Les réseaux d'eau devront être refaits afin qu'il y ait un approvisionnement en eau qui soit adéquat et sans danger.

Le financement de la recherche grâce aux fonds publics doit continuer, voire s'accroître. Il semble souhaitable que les recherches effectuées par l'industrie et d'autres groupes d'intervenants deviennent facilement accessibles aux praticiens. La recherche doit se faire localement et régionalement. Les effets de l'évolution des conditions météo varient d'un endroit à l'autre dans la partie nord de la Colombie-Britannique; dans l'ensemble du Canada, les différences sont extrêmes, et nous ne pouvons adopter des hypothèses universelles à ce sujet.

Les sites et les stations de collecte de données sur le climat doivent être financés et maintenus. Des données exactes sont un élément essentiel aux recherches et à la prise de décisions par les autorités.

Il faut consacrer des ressources aux programmes de recherche et d'exécution. Les décideurs doivent prévoir une marge de manœuvre dans les plans d'utilisation des terres et prévoir la participation des intervenants communautaires à ce processus. Il faut une coopération entre tous les ordres de gouvernement.

Les parcs fédéraux et provinciaux doivent disposer d'un cadre de gestion qui traite de la sécheresse, de l'infestation d'insectes, de maladies et d'autres catastrophes naturelles. Il faut réviser les politiques d'extraction des ressources pour s'assurer qu'elles concordent avec les réalités sur le terrain. Un exemple: la politique forestière concernant les déchets de bois ou la récolte de billots.

Les deux derniers transparents laissent voir le glacier qui se trouve tout juste en périphérie de Smithers. On peut comparer le glacier tel qu'il se présentait il y a sept ans et le glacier tel qu'on le voit aujourd'hui. Les photographies permettent une comparaison phénoménale.

Merci de l'occasion que vous nous donnez de nous adresser à vous aujourd'hui.

Le sénateur LaPierre: Où vivez-vous?

Mme Clark: Je vis à Prince George.

Le sénateur LaPierre: Prince George est une localité qui compte combien d'habitants?

Mme Clark: Il y a 80 000 habitants à Prince George.

Le sénateur LaPierre: Est-ce un grand centre urbain?

Mme Clark: Oui. Je suis coordonnatrice pour l'ensemble des collectivités dans la zone qui se situe entre 100 Mile House et, au nord, la frontière du Yukon.

Le sénateur LaPierre: Et vous vous rendez dans la région dont vous êtes responsable?

Mme Clark: Oui.

Le sénateur LaPierre: Est-ce que les gens sont découragés?

Mme Clark: Oui, ils sont découragés, mais ils ne font pas de lien entre l'un quelconque de ces changements et l'évolution du climat.

Le sénateur LaPierre: Quel lien font-ils?

Mme Clark: Dans notre secteur, nous faisons de la gestion de crise et nous nous soucions des forêts en raison du bois d'œuvre et des modifications touchant la réforme du mode de tenure des forêts. Comme je l'ai dit au début de mon exposé, nos collectivités disposent de ressources humaines limitées; notre gestion a donc tendance à ressembler à une réaction instinctive. Nous n'avons pas le temps de regarder ce qui pourrait se passer à l'avenir.

Le sénateur LaPierre: Comment pouvez-vous préparer la vie e vos enfants, sinon croyez-vous qu'ils vont quitter le Nord et déménager à Vancouver et à Victoria?

Mme Clark: C'est l'une des raisons pour lesquelles je suis ici aujourd'hui. Les recherches m'ont montré que l'évolution du climat n'est pas une question importante aux yeux des habitants de mon secteur. Les gens refusent de croire que les mauvaises conditions météo qui existent sont attribuables aux changements climatiques. Ils ont tendance à croire que c'est un phénomène naturel.

Le président: C'est ce que nous ont dit les gens de l'Alberta.

Mme Clark: Mes commettants estiment qu'ils ont suffisamment de problèmes sans avoir à s'attaquer à la question des conséquences futures du changement climatique. Quand j'ai posé à un résident une question sur la qualité de l'eau, il a été étonné de constater le lien que je faisais avec le changement climatique.

Le sénateur LaPierre: Il me semble que les gens doivent se mobiliser et devenir conscients de leur environnement. Ils doivent apporter passion et émotion à ce sujet. Les gens sont à l'origine du changement climatique et ils doivent en prendre conscience.

Comment pouvons-nous vous aider à sensibiliser vos commettants?

Mme Clark: Nous devons discuter de ce qui s'est passé dans la collectivité et lier les changements en question aux changements climatiques. En ce moment, les gens ne font pas le lien. Ils estiment que ce qui se passe en ville n'a rien à voir avec eux.

Le sénateur Tkachuk: Et, d'une certaine façon, ils ont raison.

Le sénateur LaPierre: D'une certaine façon, ils ont raison, oui, mais cela veut dire qu'il faut des recherches sur la communication et les tendances sociales.

Mme Clark: Le COFI offre un programme d'éducation forestière qui permet d'enseigner aux jeunes l'importance de l'industrie forestière au sein de nos collectivités. Nous devons offrir des cours semblables sur l'évolution du climat. Nous devons enseigner cela aux jeunes. Nous devons faire le lien entre les phénomènes actuels et le changement climatique.

Le sénateur LaPierre: Croyez-vous que les jeunes vont demeurer dans la région ou encore dire simplement: Oh, et puis merde, je m'en vais?

Mme Clark: Je suis originaire de Victoria, mon fils et mes petits-enfants vivent là. Ils adoreraient y rester. Nous sommes chanceux: mon fils travaille dans une usine très moderne; une sorte d'optimisme prudent me permet donc de dire qu'il va demeurer à Victoria. Tout de même, de nombreuses collectivités éprouvent des difficultés, et les gens sont nombreux à avoir déménagé.

Le sénateur Carney: Vos recherches sont très bonnes.

Le dépeuplement de l'arrière-pays est un des problèmes que l'on éprouve encore en Colombie-Britannique. Je crois que 16 districts de recensement ont perdu une partie de la population. Le dernier recensement démontre que la population s'est déplacée vers trois centres: la vallée de l'Okanagan, le Lower Mainland et le secteur du Lower Victoria. L'évolution du climat va aggraver la crise de dépeuplement.

La compression du budget des transports et la fermeture des écoles, des hôpitaux et des usines ont tous pour effet de pousser les retraités et les jeunes familles à déménager. Une fois que l'assise économique est atteinte, l'industrie touristique en souffre. Cela donne une vague d'exilés qui se dirigent vers les zones urbaines.

Croyez-vous que l'évolution du climat aura pour effet d'aggraver la situation dans les centres urbains? Croyez-vous que la pollution représente un problème?

Mme Clark: Oui. Tout de même, j'espère que nous allons nous décider d'adopter les modifications nécessaires pour que ces collectivités recouvrent la santé. Il faut faire prendre conscience aux centres urbains du fait qu'il vaut la peine de rétablir la santé des collectivités rurales. Les centres urbains doivent prendre conscience du fait que les collectivités rurales sont à l'origine d'une croissance économique et ils doivent les soutenir, pour que les petites collectivités soient attrayantes aux yeux des habitants. Les résidents des régions rurales doivent avoir accès aux soins de santé et à des écoles. Si les services fondamentaux diminuent, il devient de plus en plus difficile d'attirer des professionnels dans les collectivités. Les médecins, enseignants, experts en forêt doivent savoir qu'ils peuvent emménager dans ces régions et, en même temps, être rassurés sur le fait qu'il y aura des écoles et des hôpitaux pour le bien-être de leurs enfants.

Le sénateur Carney: Vous travaillez dans un secteur qui couvre près de la moitié de la province. Comment faites- vous pour communiquer toute cette information à vos commettants?

Que pouvons-nous recommander pour vous prêter main-forte à cet égard? Comment pouvons-nous vous aider à faire en sorte que cette information rejoigne vos commettants?

Nous croyons savoir que ces collectivités ont appris à s'adapter à certaines des réalités liées à l'évolution du climat. Quels outils de communication employez-vous et de quoi avez-vous besoin?

Mme Clark: Les associations comme la nôtre ont les outils de travail nécessaires pour agir. Nous avons une organisation populaire qui travaille à l'intérieur même des collectivités. Il nous faut encourager la participation des administrations municipales aussi bien que locales. Des établissements comme l'University of Northern British Columbia et les collèges qui y sont rattachés font un travail important dans les collectivités.

Le sénateur Carney: Qu'en est-il d'Internet? Sur mon île, nous nous renseignons beaucoup grâce à Internet.

Mme Clark: De plus en plus, j'utilise Internet, et nous avons un site Web, qui est assez bien fréquenté par nos membres. Tout de même, nous n'avons pas l'infrastructure de télécommunications qu'il nous faut et, de ce fait, nous recourons à la bande large.

Le sénateur Carney: Voulez-vous me dire ce qu'il vous faut en ce qui concerne les services à bande large?

Mme Clark: La bande large est essentielle à chacune des collectivités. Les autorités fédérales et provinciales réduisent les services. Les petites collectivités doivent pouvoir communiquer dans les deux sens.

Le président: Les services de communications que vous avez sont-ils bons ou mauvais?

Mme Clark: Cela dépend du lieu où on se trouve. Les résidents de Burns Lake doivent utiliser une ligne partagée, alors que j'ai accès à Internet, mais seulement par l'entremise d'une ligne téléphonique. Il y a plusieurs de nos collectivités qui attendent d'avoir l'accès à Internet à haute vitesse, mais les entreprises de télécommunications ne semblent pas aussi motivées d'agir qu'à l'époque où elles avaient un monopole.

Le sénateur Carney: Que pouvons-nous faire pour que les services de télécommunications et les services Internet soient meilleurs?

Le président: Permettez-moi de répondre à cette question. Le comité vient tout juste de parachever une étude majeure intitulée «Les agriculteurs canadiens en danger»; nous avons formulé plusieurs recommandations à l'intention du gouvernement du Canada. La recommandation 18 se lit comme suit:

Que le gouvernement s'associe à des entreprises privées pour garantir que la totalité des Canadiens auront accès à des services Internet à haute vitesse en s'inspirant d'un plan comme celui de Supernet, en Alberta, et en branchant tous les établissements publics.

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts a adressé ces recommandations aux divers ministères intéressés.

Mme Clark: Il est merveilleux d'entendre dire cela.

Le sénateur Carney: Je tiens à vous féliciter du travail que vous accomplissez en tant que femme-orchestre pour votre association.

Mme Clark: Merci.

Le sénateur Carney: Je sais que vous accomplissez toute une somme de travail; si vous avez besoin d'une lettre de recommandation de notre part, de façon à pouvoir engager d'autres personnes, je vais vous en faire parvenir une personnellement.

Le sénateur Day: Ce qui lui faut, c'est plus d'argent.

Le sénateur Gustafson: Nous sommes en pays forestier, et qu'il s'agisse du milieu forestier, du milieu pétrolier et gazier, de l'agriculture, du bétail, des mines, tout cela nous vient des régions rurales du Canada.

Il y a longtemps que je le dis, il est grand temps que nous laissions dans les régions rurales une partie des richesses qui proviennent des régions rurales. Comment faire pour en arriver-là? Notre comité se débat avec cette question depuis dix ans.

Mme Clark: Je ne connais pas la réponse. Je vous ai remis une copie du rapport de David Baxter. Il y a un autre très bon rapport produit par le B.C. Progress Board, intitulé Area Code 250; une des recommandations qui s'y trouve consisterait à établir un fonds et à s'en servir pour soutenir les collectivités du Nord. Je serais heureuse de vous faire parvenir un exemplaire de ce rapport.

Le sénateur Carney: Oui. Je suis heureuse de savoir que vous avez attiré l'attention sur le rapport de David Baxter. Ce rapport indique que 70 p. 100 des produits exportés proviennent du district dont l'indicatif est le 250. Cela veut dire que la majeure partie de nos produits intérieurs y sont fabriqués, mais qu'ils n'y reviennent pas.

Le sénateur Gustafson: Il semble que ce soit la tendance naturelle chez les gouvernements: servir les zones urbaines, car c'est là que se trouvent les votes.

Mme Clark: Le gouvernement fédéral menace de perdre un autre siège dans le nord. Nous vous demandons de nous aider à garder les limites des circonscriptions telles qu'elles sont.

Le sénateur Carney: Le dépeuplement a été si grand qu'avec la prochaine répartition des sièges, Penticton figurera dans la même circonscription que West Kootenay. C'est impossible. La vallée de l'Okanagan représente un système tout à fait distinct, qui est tout à fait séparée de la zone économique de West Kootenay. Toutefois, cela va se faire en raison du dépeuplement.

Les villes elles-mêmes vont voir évoluer les circonscriptions électorales qui priveront des gens du droit d'être représentés par leur député. Dans ma vieille circonscription de Vancouver-Centre, la circonscription de Vancouver-Est va absorber le secteur de Kitsilano de Vancouver-Centre. Cela veut dire que les gens sont privés du droit d'être présentés au sujet des questions qui les intéressent.

Le commissaire devrait peut-être venir s'adresser au comité pour traiter des impacts électoraux de la nouvelle répartition des habitants dans ces circonscriptions. Nombre de Canadiens sont privés de l'occasion d'être représentés de façon démocratique.

Comment peut-on perdre une circonscription électorale? Vous avez la plus grande circonscription électorale qui soit au Canada.

Mme Clark: On perd une circonscription électorale quand il y a diminution de la population.

Le sénateur Carney: Je comprends ça, mais comment imaginer que vous ayez une circonscription encore plus grande que celle que vous avez déjà à Prince George?

Mme Clark: Je ne suis pas vraiment au courant de la question, mais je sais que les gens se soucient vraiment du fait que cela commence à Prince Rupert pour aller tout à fait, vers le sud, passé Bella Bella, puis, avec un petit arc, englobe Williams Lake et 100 Mile House. Il est absolument impossible qu'un représentant fédéral puisse couvrir tout ce territoire.

Le président: Madame Clark, l'observation que vous venez de formuler est le dernier mot de l'affaire. Nous allons faire une pause jusqu'à 13 h 30. Au nom du comité, je souhaite vous remercier sincèrement d'avoir préparé un excellent rapport. Il nous a aidés grandement, particulièrement en ce qui concerne l'aspect des collectivités rurales de notre étude.

La séance est levée.


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