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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 12 - Témoignages - 28 février 2003 - Séance de l'après-midi


VANCOUVER, le vendredi 28 février 2003

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 13 h 38 pour examiner l'impact du changement climatique sur l'agriculture, les forêts et les collectivités rurales au Canada et les stratégies d'adaptation à l'étude axées sur l'industrie primaire, les méthodes, les outils technologiques, les écosystèmes et d'autres éléments s'y rapportant.

Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Mesdames et messieurs, comme vous le savez, le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts a entamé il y a déjà plusieurs mois une étude sur l'impact du changement climatique sur l'agriculture, les forêts et les collectivités rurales. Nous avons commencé la semaine à Ottawa qui, lorsque nous sommes partis, était aux prises avec une énorme tempête et nous sommes allés à Regina où le temps était merveilleux et où nous avons beaucoup appris. Les témoins que nous avons entendus dans cette ville nous ont parlé des stratégies d'adaptation qui sont mises en oeuvre dans cette province dans le domaine de la foresterie et de l'agriculture. Nous avons ensuite passé une journée à Lethbridge, en Alberta, et nous sommes arrivés ici hier. Nous avons entendu des témoins fort intéressants ce matin. Monsieur Weaver, je vous invite à nous présenter les personnes qui vous accompagnent et à nous indiquer quels aspects de la question ils traiteront.

M. Andrew Weaver, Ph.D., professeur, École des sciences de la terre et de l'océan, Université de Victoria: Nous venons tous les quatre de l'Université de Victoria. Nous travaillons ensemble depuis plusieurs années sur divers aspects du changement climatique. Je vous présente, à ma gauche, Ned Djilali, qui travaille sur la question de la technologie et des stratégies d'atténuation. À ma droite, Steve Lonergan qui s'intéresse aux dimensions humaines du changement climatique. Cornelis van Kooten, pour sa part, est un spécialiste de l'économie du changement climatique. Quant à moi, je travaille sur les aspects scientifiques du changement climatique à l'échelle planétaire. Je ne vous parlerai pas du climat local, mais je vous brosserai plutôt un portrait d'ensemble du problème parce que je voudrais dissiper certaines fausses idées qui existent sur le changement climatique. Il importe, à mon avis, que vous connaissiez ces données de base parce qu'il n'est pas possible pour l'instant de tirer des conclusions fermes de bon nombre de projets scientifiques mis en œuvre sur une petite échelle.

J'aimerais vous parler des aspects scientifiques et politiques du changement climatique, mais j'ai sans doute trop de matière à vous communiquer. J'estime cependant qu'il vaut la peine de consacrer du temps à l'examen des questions de portée générale dans le cadre d'une discussion sur le changement climatique pour être en mesure de se faire une idée d'ensemble de la situation. Il importe aussi d'essayer de comprendre ce qui se passe dans les médias.

J'aimerais vous parler du rôle des médias dans le domaine de la science du climat. J'ai demandé s'il se trouvait ici des représentants des médias, mais je n'ai pas obtenu de réponse. Les médias jouent un rôle exceptionnellement important dans ce débat sur le climat et je dirais même qu'ils parviennent aussi de façon exceptionnelle à semer la confusion dans tous les esprits. Je vous ferai un bref historique des recherches scientifiques, du dioxyde de carbone atmosphérique, de la température de la terre et nous jetterons un rapide coup d'œil sur l'avenir et sur le rôle du Protocole de Kyoto. Je n'aurai pas suffisamment de temps pour discuter de certains des mythes entourant le changement climatique.

Voici un article qui est paru en première page du tabloïd américain The Sun. Il s'intitule: «Accroissement du niveau des océans de 150 pieds». L'article s'accompagne de cartes effrayantes et pose la question suivante «Votre ville survivra-t-elle?» C'est le genre de journaux qu'on voit au supermarché. Quelqu'un comme vous se dira peut-être qu'il ne faut pas trop se fier à ce qu'on lit dans ce genre de publication, mais je vous assure que certaines personnes prennent les articles semblables très au sérieux. Je vous ai montré cet article parce que je voulais que vous puissiez le comparer à un autre article paru il y a deux ou trois ans dans la section scientifique du Victoria Times Colonist, lequel portait le titre suivant: «Inondation des côtes à craindre». On y lit ceci: «Forte possibilité que le niveau de la mer augmente de cinq mètres d'ici Noël». On cite des «prétendus» spécialistes dans cet article qui peut, à première vue, sembler un peu plus crédible parce qu'il figure dans la section scientifique du journal. L'article, paru le 22 novembre, affirmait donc qu'on pouvait s'attendre à une augmentation du niveau de la mer de cinq mètres dans les 20 à 30 jours suivants. C'est évidemment de la pure foutaise. Beaucoup de raisons m'incitent à faire cette affirmation, mais le plus grave, c'est que les gens qui lisent ce genre d'article dans les pages scientifiques d'un journal et qui se rendent compte qu'on ne peut pas s'y fier ont tendance à douter ensuite de la valeur de la plupart des recherches faites sur le changement climatique, au grand dam de ceux qui travaillent dans le domaine.

Voici un autre exemple tiré d'une publication plus sérieuse qui s'appelle Discover. Il s'agit d'une revue américaine assez prestigieuse qui publiait ce reportage avant Noël. Il y est question d'une «nouvelle époque glaciaire» vers laquelle nous mènerait le réchauffement de la planète. C'est d'ailleurs une théorie qui est répandue dans les universités. Un article paraît donc dans une publication fiable et il est ensuite repris par d'autres journaux comme le National Post qui lui donne ensuite le titre suivant «Une nouvelle époque glaciaire s'annonce». Lorsque ce genre d'article paraît dans des journaux nationaux, les gens commencent à se demander ce qui se passe. Ils se disent aussi qu'ils ne comprennent pas comment le réchauffement de la planète pourrait causer une époque glaciaire et ils ont raison de ne pas le comprendre parce que c'est de la pure foutaise.

Voici un autre très bel exemple qui est, je crois, mon exemple favori du rôle que jouent les médias dans le débat sur le changement climatique. Il s'agit d'un autre article qui est paru dans la livraison du dimanche 14 janvier 2001 du Victoria Times Colonist et qui portait le titre suivant: «Une étude met fin au mythe du réchauffement de la planète.» On peut s'imaginer un lecteur qui prendrait son cappucino un dimanche matin et qui se dirait en lisant cet article: «Je savais bien que tous ces scientifiques divaguaient. Ils ne savent vraiment pas de quoi ils parlent — il n'y a pas de réchauffement de la planète.» Neuf jours plus tard, on lit ceci dans les journaux: «Le réchauffement de la planète s'accentue.» Le grand public a maintenant l'impression que la science du changement climatique est comme un balancier, qui va d'une extrémité à l'autre, selon ce qui paraît dans le dernier numéro de Nature. Ce n'est évidemment pas le cas. La science du climat a une longue histoire qui remonte à il y a 200 ans, époque à laquelle Jean-Baptiste- Joseph Fourier, mathématicien français, a été le premier à faire remarquer que la terre était chaude en raison de l'existence de gaz à effet de serre dans l'atmosphère au travers desquels passent les rayons solaires, gaz qui réchauffent la planète et qui emprisonnent les rayons solaires et les réfléchissent vers la terre. La physique du réchauffement planétaire remonte à 1824. Il y a plus de 100 ans, Svante Arrhenius, lauréat suédois du Prix Nobel, a calculé précisément le rôle que joue le dioxyde de carbone parmi tous les autres gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Il a ensuite formulé des prédictions qui se sont révélées assez justes comme on a pu le vérifier un siècle plus tard. Il ne s'agit donc pas d'une science nouvelle. Le problème est en partie dû au fait que lorsque les gens pensent au réchauffement de la planète, ils pensent aux changements qu'ils ont pu constater par rapport à l'année précédente. À l'heure actuelle, tous les scientifiques qui travaillent dans le domaine de la science du climat reçoivent des appels de ce genre des médias: «Il fait froid en Ontario cette année. Qu'est-ce que c'est que cette histoire de réchauffement de la planète?» Ils ne font pas la distinction entre le temps et le climat. Le climat se définit comme la statistique du temps. Le climat ne se forme pas en un jour, en un mois ou en une année. Le climat représente les statistiques sur le temps qui sont recueillies sur de nombreuses années. Ce qui se produit aujourd'hui au Canada est tout à fait normal compte tenu de l'influence de El Niño, c'est-à-dire qu'il fait chaud à l'ouest et froid au nord-est.

En 1814, ce que les gens considéraient comme un climat normal, c'était lorsque la Tamise gelait chaque année et qu'on pouvait tenir ce qu'on appelait la «Foire du froid.» Comme ceux qui vivaient en 1814 ne sont plus parmi nous, la plupart des gens ne considéreraient pas le gel de la Tamise comme une manifestation d'un «climat normal». Ce que la plupart des gens considèrent normal, c'est de pouvoir patiner sur le canal Rideau une année et pas l'autre. En réalité, la plupart des gens n'ont aucun sens de l'histoire du climat.

J'aimerais discuter brièvement des résultats des travaux du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat auquel j'ai siégé à deux reprises et auquel je siégerai de nouveau en 2007. En 1996, ce groupe concluait qu'«un faisceau d'éléments suggère qu'il y a une influence perceptible de l'homme sur le climat global». Cette affirmation figurait dans le «Résumé à l'intention des décideurs», ce qui signifie que chacun des mots qu'elle contient a dû être approuvé par tous les États membres des Nations Unies. Naturellement, deux pays l'ont cependant vivement réfutée. Il s'agit du Koweït et de l'Arabie saoudite, deux pays qui à l'époque ne se distinguaient pas par leurs recherches sur le climat et qui ont, peut-être pour d'autres raisons, un lien avec le changement climatique. Le Protocole de Kyoto, adopté en 1997, a d'abord suscité une vive controverse parce que c'est que c'était la première fois qu'un organisme des Nations Unies déclarait constater une influence perceptible de l'homme sur le climat global. Même si le groupe d'experts aurait pu choisir une formulation beaucoup plus forte, il n'en demeure pas mois que ce constat établit un lien entre les activités anthropiques et le climat. En 2001, le groupe d'experts a fait une affirmation allant beaucoup plus loin, laquelle a cependant suscité bien moins d'opposition parce qu'entre-temps le Protocole de Kyoto avait été adopté, remplaçant les travaux des scientifiques comme principale cible des critiques. Voici ce qu'on lit dans le rapport de 2001 du groupe d'experts: «Il existe des preuves nouvelles et encore plus solides que l'essentiel du réchauffement observé ces 50 dernières années est imputable à l'activité humaine.»

Je n'aurai pas le temps de vous brosser un tableau de l'évolution du climat au cours des 400 000 dernières années. Le domaine qui s'appelle «paléoclimat» est mon domaine de spécialisation. Le tableau suivant indique cependant les concentrations de dioxyde de carbone et de méthane dans l'atmosphère qui ont été constatées au cours des 400 000 dernières années dans des noyaux de glace dans l'Antarctique. Il est possible de mesurer ces concentrations dans l'air ancien emprisonné dans la neige qui tombe chaque année et qui se transforme éventuellement en glace dans l'Antarctique. Au cours des 400 000 dernières années, le climat et la température sont allés de pair avec les concentrations de ces gaz. Lorsque les niveaux de gaz à effet de serre sont élevés, le climat est chaud. Lorsque les concentrations sont faibles, le climat est froid. Fourier avait déjà expliqué le phénomène en 1824, faisant remarquer que les gaz à effet de serre permettent aux rayons solaires de passer et bloquent le rayonnement de grandes longueurs d'ondes. Ce qui est intéressant de constater à cet égard — et il s'agit ici de données qui datent de deux ou trois ans —, c'est que les niveaux de dioxyde de carbone actuels s'élèvent à 370 parties par million, concentration qui est plus élevée qu'à n'importe quel autre moment au cours des 400 000 dernières années, et sans doute plus élevée qu'au cours des 20 millions dernières années. La différence entre aujourd'hui et cette époque-là, c'est que ce changement s'est évidemment produit sur quelques décennies, un siècle au plus, et que la terre ne s'est pas encore adaptée à de tels niveaux de gaz à effet de serre. Le climat ne s'adapte pas immédiatement à ce genre de situation. Il met des siècles à s'adapter à des concentrations de gaz à effet de serre aussi élevées. C'est exactement pour cette raison que le Protocole de Kyoto n'aura aucune influence sur les températures qui seront enregistrées au cours de ce siècle.

Quelles devraient être les concentrations de gaz à effet de serre dans l'avenir? D'ici l'an 2100, ces concentrations, des records par rapport aux 400 000 dernières années, seront dépassées de beaucoup. On prévoit, en effet, que les concentrations de dioxyde de carbone au cours de ce siècle atteindront de 480 à 1 240 parties par million, concentrations qui sont semblables à celles qui existaient lorsque les dinosaures régnaient en maîtres sur la terre pendant l'époque du Crétacé, soit il y a environ 60 millions d'années.

La température de la terre s'est réchauffée. Nous ne manquons pas de preuves qui permettent de l'affirmer et dont la meilleure est sans doute le registre des températures à la surface du globe constitué par NOAA et qui est reproduit sur ce tableau. On voit que la température de la terre et de l'océan et ensuite la température de l'océan seulement a augmenté de 1860 à 2001, les dix années où cette température a été la plus élevée à partir d'aujourd'hui étant 1998, 2002, 2001, 1997, 1995, 1990, et ainsi de suite. La température n'a pas atteint un record au cours de quelques années de la dernière décennie en raison de l'éruption du mont Pinatubo. Lorsque les volcans font éruption, ils ont tendance à refroidir la planète pendant une courte période en libérant des aérosols dans l'atmosphère.

Le réchauffement constaté au cours de ce siècle a eu tendance à se produire en hiver comme le montre ce diagramme. Il s'agit de l'hiver. Voici l'automne, le printemps et l'été. Le réchauffement tend à se constater davantage sur la terre que sur l'océan et davantage dans les latitudes élevées que dans les latitudes basses. Ce sont les intérieurs des continents qui se réchauffent le plus. Je signale au comité que cela signifie que ce sont les régions des Prairies et le Nord qui se réchauffent le plus. L'océan atténue l'effet du changement comme il est facile de le constater quand on compare la température à Victoria et à Vancouver à celle à Winnipeg.

On a aussi constaté un réchauffement deux fois plus rapide la nuit que le jour dans la plupart des régions situées dans des latitudes moyennes et nous comprenons assez bien les raisons qui expliquent ce phénomène.

Parce que le temps nous manque, je ne parlerai pas de la validation des modèles. C'est une opération qui consiste à simuler les climats passés pour établir si ces modèles nous permettent de faire des prévisions. Qu'il me suffise de dire qu'on ne peut pas expliquer les changements climatiques records qui ont été constatés au XXe siècle à moins de tenir compte de l'effet des gaz à effet de serre — comme le font les scientifiques — de même que l'effet de facteurs comme les changements dans les émissions solaires et les émissions volcaniques.

Le GIEC, c'est-à-dire le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, a proposé un certain nombre de scénarios portant sur les émissions futures. La moitié de l'incertitude qui existe en ce qui touche le changement climatique est liée aux hypothèses sur lesquelles se fondent les estimations des émissions futures de gaz à effet de serre. Ces hypothèses reposent d'ailleurs sur d'autres hypothèses portant notamment sur la croissance démographique, l'utilisation de l'énergie et les progrès technologiques, sujets dont vous parleront mes collègues. L'autre moitié de l'incertitude est attribuable à ce que nous appelons «l'incertitude des modèles» ou l'incertitude relativement au paramétrage des nuages, par exemple.

Quoi qu'il en soit, tous les modèles qui sont utilisés dans le monde ont été intégrés à divers scénarios portant sur la croissance future des émissions, lesquels prévoient au cours de ce siècle une augmentation de la température moyenne globale oscillant entre 1,4 et 5,8 degrés et une hausse du niveau de la mer allant de 9 à 88 centimètres. Du point de vue scientifique, on peut dire que l'incertitude en ce qui touche l'estimation la plus basse est très faible et qu'elle est très élevée pour ce qui est de l'estimation la plus haute. Il est très improbable que le changement se situe en deçà de l'estimation la plus basse, mais il est possible qu'il dépasse celle-ci. L'estimation la plus fiable est que la température augmentera d'environ deux degrés d'ici 2100 et que le niveau de la mer montera d'environ 30 centimètres. Tout comme par le passé, ces changements seront plus marqués en raison d'un phénomène qu'on appelle la rétroaction neige ou glace — albédo. Lorsque la surface de la terre passe du blanc à une couleur foncée, elle absorbe plus de rayonnement solaire et se réchauffe plus vite. Ce phénomène se constatera davantage dans l'intérieur que l'extérieur des continents, c'est-à-dire dans les régions éloignées de l'océan. Il se produira aussi davantage en hiver qu'en été et davantage la nuit que le jour.

J'aimerais discuter brièvement des conséquences du Protocole de Kyoto puisqu'il s'agit du seul énoncé de politique qui existe sur le changement climatique à l'échelle internationale. Je dis sans blaguer qu'on ne peut pas affirmer que le Protocole de Kyoto repose sur des données scientifiques. Ces données n'existent pas. Le Protocole de Kyoto est une politique qui a été énoncée dans un vide scientifique. Il se fonde sur des chiffres qui ont été arbitrairement choisis par les négociateurs. Leur seul véritable intérêt, c'est que ce sont les premiers sur lesquels les pays du monde se sont entendus. Selon un certain scénario et modèle, la température moyenne globale augmenterait de deux degrés et le niveau de la mer monterait de 50 centimètres au cours des 100 prochaines années, soit d'ici 2100. En fait, c'est plutôt 2,08 degrés et 50 centimètres. Supposons que nous ne fassions rien. Ce sont les données de référence. Quelle serait l'incidence sur le changement climatique du fait que tous les pays, y compris les États-Unis, atteignent les objectifs fixés dans le Protocole de Kyoto? La température augmenterait de deux degrés et le niveau de la mer, de 48,5 centimètres. Supposons maintenant que tous les pays, et pas seulement le Canada, décident d'aller au-delà des objectifs fixés dans le Protocole de Kyoto et réduisent de 1 p. 100 de plus leurs émissions entre 2010 et la fin du siècle. La température augmenterait dans ce cas de 1,8 degré, et ce parce que le climat mettra des siècles avant de réagir aux niveaux des gaz à effet de serre qui existent à l'heure actuelle. J'aime dire lors de conférences publiques que nous n'avons donc pas le choix et que nous devons nous adapter et utiliser des techniques et des méthodes d'adaptation parce que le changement climatique est déjà une réalité. L'atténuation de l'effet de ce changement suppose qu'on cherche à établir quel niveau serait acceptable. Supposons que le niveau de changement climatique que nous jugions acceptable corresponde à des niveaux de dioxyde de carbone dans l'atmosphère qui seraient quatre fois plus élevés qu'à l'époque préindustrielle. Je vous rappelle que la terre n'a pas connu de tels niveaux depuis 60 millions d'années, c'est-à-dire depuis l'époque des dinosaures. Dans ce cas — voici de l'an 2000 à 2300 —, les niveaux d'émissions finiraient par représenter 50 p. 100 des niveaux de 1990. Ce tableau ne comprend pas seulement les émissions des pays industrialisés, mais aussi de tous les autres pays dont la Chine et l'Inde. Les émissions globales de gaz à effet de serre devraient être ramenées à la moitié de ce qu'elles étaient en 1990 pour qu'elles ne soient que quatre fois plus élevées qu'elles ne l'étaient à l'époque préindustrielle.

Nous pouvons parler d'autres aspects du changement climatique si vous avez des questions à me poser à cet égard. Pour ce qui est du Protocole de Kyoto, vous savez que si la Fédération russe le ratifie, elle atteindra ses objectifs.

J'aimerais vous rappeler que le Protocole de Montréal a été signé en 1987, a été modifié par la suite et est entré en vigueur en 1990. Voici un tableau qui montre la concentration de CFC ou de chlorofluorocarbure à différents moments. Cette concentration a diminué. Il s'agit de la réponse directe de l'atmosphère à la politique internationale. Au lieu d'augmenter, ce niveau s'est mis à descendre. Les CFC sont des produits chimiques qui mettent plusieurs décennies à se décomposer. La concentration de CFC diminuera plus rapidement dans l'avenir. Avant l'adoption du Protocole de Montréal en 1987, personne ne croyait vraiment à l'épuisement de la couche d'ozone. Ceux qui contestent aujourd'hui la valeur de la science du climat sont ceux qui disaient autrefois que les données scientifiques portant sur l'épuisement de la couche d'ozone n'étaient pas crédibles. Devinez ce qui s'est passé? Lorsque le moment est venu de signer le protocole, ceux qui s'y opposaient jusque-là ont réclamé l'interdiction immédiate des CFC. Ils étaient tout d'un coup en faveur de cette mesure. Qu'est-ce qui expliquait ce revirement? Des entreprises avaient entre-temps breveté des produits de substitution. On constate le même phénomène en ce qui touche le changement climatique. Le scepticisme a soudainement disparu. Pourquoi? Ce n'est pas tant que les sceptiques ont changé d'idée, mais le Protocole de Kyoto est maintenant un fait accompli.

Je terminerai en disant que la science du climat repose sur des assises solides. Les faits qui vous ont été présentés par des témoins de tout le Canada, dont des gens comme Gordon McBean, se fondent sur des données scientifiques solides connues depuis des siècles. On ne pourra pas régler du jour au lendemain le problème du réchauffement de la planète malgré le Protocole de Kyoto. Il sera nécessaire pour cela d'adopter des politiques de portée beaucoup plus vaste.

M. Steve Lonergan, Ph.D., professeur, Département de géographie, Université de Victoria: Monsieur le président, pendant qu'Andrew parlait, j'ai songé à un ouvrage qui vous serait sans doute utile. Il s'agit d'un recueil d'articles choisis par Andrew et Harold Coward qui paraîtra cet automne sous le titre de Climate Change in Canada. Andrew signe le premier chapitre d'introduction et je signe le deuxième. L'ouvrage comporte ensuite d'autres articles, et notamment un article de Cornelis, assis derrière moi, qui porte sur divers aspects du changement climatique au Canada. Je crois que cet ouvrage vous serait très utile.

Le président: Nous vous saurions gré de nous le faire parvenir par l'entremise du greffier ou de l'attaché de recherche.

M. Lonergan: Nous y veillerons. L'idée de vous le faire parvenir nous était déjà venue. Nous aurions déjà dû y donner suite.

J'ai aussi un diaporama PowerPoint à vous présenter. Comme je l'ai expliqué au greffier lorsqu'il m'a invité à comparaître devant le comité, mon domaine de spécialisation n'est pas non plus vraiment l'agriculture ou la foresterie. Je m'intéresse plutôt de façon beaucoup plus générale aux dimensions humaines du changement climatique. J'ai pensé vous donner un aperçu non pas de l'état de nos connaissances scientifiques comme Andrew l'a fait, mais des dimensions humaines du phénomène. Il s'agit d'un domaine extrêmement vaste. Je tâcherai de traiter des éléments que je juge les plus importants pour vos travaux. Comme je sais que la technologie nous joue parfois des tours, je vous ai distribué une copie papier des diapositives que je vais vous présenter. Celles que vous voyez à l'écran sont simplement beaucoup plus jolies.

J'aimerais traiter brièvement aujourd'hui de cinq sujets qui vont des sujets dont on vous a déjà passablement parlé, soit les conséquences socio-économiques du réchauffement du climat, à un sujet qui m'apparaît être le plus important en ce qui touche les dimensions humaines de ce phénomène, soit celui de la vulnérabilité. Quels sont les régions et les États les plus vulnérables? J'aborderai brièvement la question des politiques et je reviendrai sur le Protocole de Kyoto dont vous a parlé Andrew. J'aimerais aborder la question de la justice sociale que je considère très importante dans le contexte des dimensions humaines du changement climatique. La question de la justice sociale est surtout soulevée par les pays en développement et je crois que c'est une question à laquelle il faut trouver une solution pour que la communauté internationale toute entière souscrive au processus qui fera suite au Protocole de Kyoto. Enfin, je proposerai certaines mesures constructives pour faire face au changement climatique.

Je pourrais presque résumer tout mon exposé en citant la phrase suivante tirée du rapport de 2001 du GIEC: «Les effets de l'évolution climatique s'exerceront de façon disproportionnée sur les pays en voie de développement et les populations déshéritées dans tous les pays, renforçant ainsi les inégalités en matière de santé et d'accès à une alimentation adéquate, à l'eau potable et à d'autres ressources». Ce sera le thème de mon exposé sur les dimensions humaines du changement climatique, c'est-à-dire que de tous les groupes et de tous les particuliers, ce seront les pauvres de tous les pays et pas seulement ceux des pays en développement qui ressentiront le plus les effets du changement climatique.

Parlons d'abord un peu des répercussions socio-économiques du phénomène. Je vais avancer ici quelque chose qui va peut-être à l'encontre de ce que d'autres vous ont dit à ce sujet, à savoir que nous ne savons pas vraiment quelle forme prendront ces répercussions. Comme Andrew vous l'a montré, les variations possibles dans les projections sur la température et les précipitations signifient que nous ne savons pas vraiment quelles seront les répercussions du changement. On peut donner en exemple la dernière étude par pays pour le Canada qui, en se fondant sur les modèles de circulation générale et le modèle de la dynamique géophysique des fluides et en les appliquant à l'agriculture dans les Prairies, montre que les rendements en Alberta diminueraient de 7 p. 100. Si l'on s'appuie sur un modèle légèrement différent, le modèle de l'Institut Goddard, et qu'on applique la même méthodologie, on conclut que les rendements agricoles en Alberta augmenteront de 7 p. 100. Lorsque quelqu'un me demande donc quelles seront les répercussions du changement climatique sur l'agriculture, la foresterie, les systèmes sociaux ou le ski au Québec, je dois répondre que je ne le sais pas. Comme il existe de l'incertitude au sujet de certaines données scientifiques, il existe aussi de l'incertitude au sujet des répercussions du changement climatique. L'incertitude est d'ailleurs plus grande à mesure que progresse notre étude des répercussions socio-économiques. C'est la première chose que je voulais vous faire remarquer.

Deuxièmement, j'aimerais dire que de nombreux travaux ont cherché à établir les répercussions directes du changement climatique sur l'agriculture dans les Prairies ainsi que sur les Grands lacs. J'ai passé passablement de temps avec Stuart Cohen à étudier les répercussions du changement climatique sur le fleuve Mackenzie dans le Nord. Les recherches portant sur les répercussions indirectes du changement climatique ne sont cependant pas nombreuses. Qu'est-ce qui se passera plus en aval? C'est un peu comme si l'on essayait d'établir les ramifications indirectes et à long terme de l'invasion de l'Iraq par les États-Unis. Il n'est pas plus facile d'établir les répercussions socio-économiques du changement climatique. Nous ne savons pas quelles seront les répercussions à long terme ou les répercussions indirectes du changement sur les prix mondiaux des céréales ou les prix mondiaux du pétrole. À mon avis, les répercussions indirectes seront plus grandes que les répercussions directes. Étant donné que nous ne savons pas exactement quels seront les impacts directs de ce phénomène, il est évident que nous ne pouvons pas être plus sûrs de ses répercussions indirectes.

Il a été beaucoup question des répercussions du changement, et notamment de l'augmentation des prétendus «réfugiés environnementaux» ainsi que des répercussions du phénomène sur des collectivités données, sur les transports et sur les immeubles, par exemple. Comme Andrew l'a cependant mentionné, il est cependant très difficile de recueillir des données de petite échelle et même de moyenne échelle portant sur les changements qui se constateront dans le climat et dans les systèmes météorologiques. Par conséquent, il est impossible de dire quelles seront les répercussions de ces changements pour des collectivités données. Le mieux que je puisse faire c'est de vous donner un aperçu général de ces répercussions. Je ne peux pas vous dire exactement comment le phénomène se manifestera à Wrigley aux Territoires du Nord-Ouest. C'est tout simplement impossible.

La question des dimensions humaines du changement climatique comporte trois volets. Nous avons une certaine idée des conséquences environnementales du réchauffement du climat et d'autres phénomènes comme la dégradation de l'environnement et la détérioration de la qualité de l'eau. Il ne nous est pas facile d'établir ce qui constitue des conditions normales. Andrew vous a parlé des conditions climatiques qui étaient normales il y a 200 ans. Nos connaissances sur la question ne sont pas très étendues. Nous ne savons pas très bien comment définir la normalité et nous ne savons pas non plus trop bien ce que sont les conditions de référence. Troisièmement, et c'est ce qui importe surtout, c'est que nous ne connaissons pas vraiment l'étendue de la capacité d'adaptation des êtres humains et leur degré de résistance. Nous savons que les êtres humains et d'autres animaux sont très résistants aux changements environnementaux, mais nous ne savons pas comment ils réagiront aux types de changements prévus. Il s'agit d'un domaine de recherche très intéressant pour nous tous, mais il est très difficile de parvenir à des conclusions précises.

J'ai déjà parlé des répercussions indirectes. Comme je l'ai dit, ces répercussions seront parmi les répercussions les plus importantes du changement climatique, des répercussions aussi visibles que l'augmentation du prix du pétrole et des céréales. Je m'intéresse aussi de très près aux répercussions du changement climatique sur la sécurité nationale et la sécurité humaine. Cela peut sembler étrange à première vue, mais des changements dans le permafrost auront une incidence sur certains de nos systèmes de défense dans le Nord où ont lieu des exercices d'entraînement.

Le président: Un autre comité sénatorial aimerait certainement que vous comparaissiez devant lui. Le sénateur Day en fait partie. Le comité cherche dans tout le Canada des témoins pouvant l'éclairer sur les répercussions du changement climatique dans le domaine de la sécurité.

M. Lonergan: Mon domaine de spécialisation est en fait les répercussions sur la sécurité nationale du changement climatique au Moyen-Orient. J'ai commencé à travailler sur cette question pour le ministère de la Défense nationale il y a 12 ou 15 ans. C'est une question que je trouve fascinante et il me ferait plaisir d'en discuter plus à fond.

Je voulais aussi aborder la question de la vulnérabilité des populations et des systèmes. C'est une autre question qui m'apparaît d'importance capitale dans le contexte de l'examen des dimensions humaines du changement climatique. J'aimerais faire ressortir trois points à ce sujet. Premièrement, nous devons envisager la vulnérabilité à deux égards. Il y a d'abord la vulnérabilité biophysique des systèmes à l'étude, lesquels comprennent notamment les forêts et les terres agricoles. Il y a aussi la vulnérabilité socio-économique. À mon avis, il importe de cerner les populations vulnérables; je crois d'ailleurs que c'est plus important que de s'inquiéter de la forme exacte que prendront les répercussions du changement climatique. Ces répercussions se produiront, et il importe de cerner les collectivités vulnérables pour que nous puissions établir comment elles y réagiront.

La question de la vulnérabilité doit être examinée dans son contexte. Certains d'entre nous parlent de double exposition ou d'expositions multiples. Le changement climatique n'est pas seul en cause. Il ne se produit pas dans un vide. Les facteurs de stress sont multiples. Il y a d'abord la mondialisation. Nous faisons face aussi à d'autres changements économiques, sociaux et environnementaux. Il importe de comprendre quelle est leur interrelation et de saisir qu'il ne s'agit pas simplement d'une relation de cause à effet. Le réchauffement de la température signifiera que la saison de ski sera plus courte au Québec, mais la société est aussi confrontée à d'autres types de changements qui exacerberont l'influence négative du changement climatique ou la contreront. Cette question n'a pas encore été suffisamment étudiée.

Le troisième point dont je voulais vous parler et sur lequel j'insisterai davantage un peu plus tard est la distribution des répercussions négatives du changement climatique. La ratification du Protocole de Kyoto au Canada a suscité au cours des derniers mois un débat très animé. Il a été beaucoup question du fait que c'est l'Alberta qui assumerait la majeure partie des coûts associés au respect de nos engagements en vertu du protocole. La question de la distribution des répercussions du changement climatique est de portée vraiment mondiale et il importe d'en tenir compte.

Permettez-moi maintenant de vous dire quelques mots au sujet des systèmes les plus vulnérables.

Premièrement, les changements dans l'agriculture qui se produiront risquent évidemment d'avoir des conséquences négatives pour les régions qui connaissent la disette.

Deuxièmement, nous constaterons des changements dans l'approvisionnement en nourriture à l'échelle mondiale. Je n'essaierai pas de prédire quels seront ces changements, mais ils auront une incidence. J'aimerais ajouter que la malnutrition, l'un des plus grands problèmes de santé auxquels le monde est confronté, est davantage attribuable à la pauvreté qu'à la pénurie de nourriture à l'échelle mondiale.

Troisièmement, mes travaux sur le Moyen-Orient montrent que c'est le secteur agricole qui consomme 70 p. 100 de l'eau utilisée dans le monde. De très importants projets sont en cours de réalisation au Moyen-Orient. Ces projets, comme celui mis en oeuvre en Turquie, visent à créer d'énormes réservoirs d'eau de surface. L'Égypte construit actuellement une nouvelle vallée du Nil ou Toshka, dans le but de redistribuer la population dans le désert occidental. Ces projets comportent tous la construction de canaux d'irrigation de surface. Malgré l'importance du changement climatique ou du réchauffement du climat pour la conception future des systèmes d'irrigation, ces projets n'en tiennent presque pas compte.

Voici une carte tirée de l'un des documents de politique portant sur la malnutrition chronique que j'ai publiés à l'Université de Victoria. Jetez-y un bon coup d'œil parce qu'elle fait ressortir une tendance en ce qui touche les régions les plus vulnérables au monde, tendance qui se dégage de toutes les cartes que je vais vous montrer. Je ne vous apprends cependant sans doute rien de nouveau à cet égard.

Les régions où l'eau est rare — et c'est sur ces régions que portent la majorité de mes travaux — connaîtront une croissance démographique phénoménale. Cette croissance ne fait aucun doute. Nous savons que le réchauffement du climat réduira la quantité d'eau disponible, mais dans des proportions variables selon les pays. Le ruissellement sera plus important dans de nombreuses régions, mais la demande en eau augmentera également. L'un des faits les plus révélateurs, c'est que la population dans les pays où l'eau est rare augmentera très rapidement au cours des 20 prochaines années, et encore davantage d'ici 2050.

Les écosystèmes marins seront affectés par la perte de terres, l'augmentation des tempêtes et la salinisation des aquifères, phénomène que l'on constate déjà dans un certain nombre de régions du monde, et notamment dans le sud- est des États-Unis et au Moyen-Orient. Les sociétés qui consomment beaucoup de poisson subiront les effets d'une détérioration des écosystèmes marins. Même les plus petits changements climatiques auront une incidence sur ces systèmes vulnérables. Andrew vous a montré des cartes indiquant les endroits où l'on s'attend à ce que les changements climatiques soient les plus évidents, mais cela ne signifie pas que les répercussions de ces changements seront les plus marquées dans ces mêmes régions. C'est là où les populations sont les plus vulnérables que les changements auront la plus grande incidence. Ils entraîneront des menaces pour la santé humaine. J'espère qu'un témoin vous parlera de cette question parce qu'on s'attend à ce que le réchauffement du climat mondial se traduise par une augmentation des cas de malaria, de dengue, en particulier, et d'autres maladies infectieuses. Les petits États insulaires comme les Maldives posent un problème particulier parce qu'ils seront inondés en raison de l'augmentation du niveau de la mer.

La question est cependant de savoir quelles seront les populations les plus vulnérables, question à laquelle il n'y a pas encore de réponse.

L'Université de Victoria établit un indice de l'insécurité humaine qui comporte 16 indicateurs de portée économique, sociale, politique et environnementale. Cet indice va dans le même sens que l'indice du développement humain mis au point par le PNUD, sauf pour ce qui est des pays les plus pauvres. La vulnérabilité de ces pays est très grande et beaucoup plus grande que ce que ne l'indique l'indice du développement humain.

Pour ce qui est de l'élaboration des politiques, Andrew vous a un peu parlé du Protocole de Kyoto qui soulève un certain nombre de questions qui influent évidemment sur les systèmes humains et qui revêtent beaucoup d'importance en ce qui touche les dimensions humaines du changement climatique. Je ne m'étendrai pas trop longtemps sur celles-ci. Le Mécanisme pour un développement propre ou MDP a un lien avec un certain nombre de ces questions dont M. Djilali vous parlera dans quelques minutes dans le contexte de la technologie.

La quatrième question dont je voudrais vous entretenir est celle de la justice sociale. Le Protocole de Kyoto ainsi que la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques reconnaissent explicitement la nécessité de prendre en compte l'équité dans l'examen des politiques relatives au réchauffement du climat. En fait, le mécanisme pour un développement propre vise deux objectifs. Le premier est de réduire les émissions mondiales de dioxyde de carbone et le second, de promouvoir explicitement le développement durable dans le sud. L'équité constitue évidemment la pierre angulaire du développement durable. L'un des aspects du Protocole de Kyoto qui me plaît le plus c'est qu'en y souscrivant, les Canadiens ont explicitement montré leur intérêt pour le sort des générations futures. Nous n'avons pas adopté beaucoup de politiques à long terme qui reflètent cet intérêt et c'est l'une des principales raisons pour lesquelles je suis un ardent partisan du protocole. Il ne fait aucun doute que les politiques que nous élaborons à l'heure actuelle constituent d'importants jalons vers l'équité à l'égard des générations futures. D'autres questions en matière d'équité se posent cependant, en particulier en ce qui touche les pays en voie de développement. J'en ai soulevé quatre ou cinq. Qui est responsable du problème? Je crois que c'est assez évident que ce sont les pays industrialisés. Cinq pays sont à eux seuls responsables de 50 p. 100 des émissions de CO2 produites au cours des 50 dernières années.

Il y a aussi la question de la distribution des répercussions du problème. Comme je l'ai dit, c'est principalement dans les pays pauvres que se trouvent les régions et les populations les plus vulnérables.

Des pays comme le Canada sont beaucoup mieux en mesure d'assumer les coûts des mesures d'atténuation ou d'adaptation au changement climatique que des pays comme l'Angola et le Nigeria.

Quatrièmement, quelles sont les options qui s'offrent à nous en ce qui touche la mise en oeuvre des changements nécessaires? C'est une question intéressante. D'énormes occasions de réduire les gaz à effet de serre s'offrent à la Chine et à l'Inde dont les industries et les systèmes de transport sont très inefficaces et le Protocole de Kyoto les incite à saisir ces occasions.

La dernière question qui est à l'occasion abordée est celle de la répartition des avantages découlant de l'accord. Les pays industrialisés semblent croire que comme les pays en développement tireront davantage parti qu'eux du Protocole de Kyoto, ils devraient contribuer davantage à sa mise en oeuvre. C'est un argument intéressant.

La dernière question que j'aimerais soulever en ce qui touche l'équité est celle de savoir si l'on devrait fixer à l'échelle internationale le même plafond par habitant en matière d'émissions de CO2. Ce sont les pays en développement qui le réclament. Est-ce que vous et moi et tous les autres habitants du monde devrions nous voir attribuer le même quota en matière d'émissions de CO2 et est-ce que c'est un objectif qui devrait se refléter dans les politiques que nous adopterons au cours des 50 ou 60 prochaines années? Cet engagement s'inscrirait dans le cadre d'une politique de contraction. Nous réduirions nos propres émissions et les pays en développement augmenteraient les leurs jusqu'à ce que nous atteignions un équilibre. Cet enjeu est celui de la contraction-conversion et je crois que c'est l'un des principaux enjeux sur lequel reposeront les discussions qui auront lieu au cours des prochaines années afin d'amener les pays en développement à souscrire au Protocole de Kyoto ou aux accords qui en découleront.

J'aimerais terminer en faisant quelques recommandations que j'ai préparées un peu à la dernière minute. Je vous ai déjà présenté l'une d'entre elles, à savoir que nous devons consacrer plus de temps à cerner les sociétés vulnérables. J'ai fait certains travaux dans ce domaine et je vous ai donné certains exemples. Nous pouvons faire œuvre utile à l'échelle nationale en établissant quelles sont les régions les plus vulnérables, par exemple, et à l'échelle internationale, en examinant notre capacité à nous adapter au changement climatique. Je participe actuellement à un important projet en Afrique de l'Ouest qui porte sur les mécanismes d'adaptation auxquels ont eu recours les collectivités locales pour faire face à des variations extrêmes dans le climat durant les 30 dernières années. On peut ensuite se reporter à ces mécanismes pour élaborer des politiques.

Ma deuxième recommandation est d'élargir les programmes de lutte contre la pauvreté, ce qui aurait un impact direct sur bon nombre des dimensions humaines dont je vous ai parlé aujourd'hui.

Il s'agit d'élargir les choix en matière de technologie qui s'offrent aux pays en développement et d'accroître les transferts de technologie vers ces pays. M. Djilali abordera cette question avec vous dans quelques minutes.

Il convient aussi de renforcer les institutions locales, ce qui est sans doute le meilleur moyen de réduire la vulnérabilité au changement climatique.

Enfin, je recommande des transferts de connaissance. Bon nombre des négociateurs africains avec lesquels je traite cherchent à renforcer les capacités dans le domaine des négociations. Ils savent tous très bien comment mener des négociations. La difficulté, c'est qu'ils ne disposent pas du savoir nécessaire sur lequel fonder ces négociations. Il importe d'accroître le transfert de savoir dans ce domaine ainsi que l'information portant sur le processus de négociation lui-même.

Je terminerai en vous présentant ce montage de photos qui me plaît beaucoup. Je vous demande de m'excuser si j'ai dépassé le temps qui m'était accordé.

Le président: Vous ne l'avez pas fait et votre exposé était d'ailleurs très utile.

J'aurai une question à vous poser le moment venu. Un comité parlementaire a notamment pour mandat d'entendre des témoignages, de faire des recherches et de proposer ensuite des politiques publiques innovatrices. Vous avez insisté à plusieurs reprises dans votre exposé sur le fait que nous ne savions pas quelles seraient les répercussions du changement climatique. Vous avez dit que cela nous empêchait de faire ceci ou cela. Puisque notre tâche consiste à formuler des politiques publiques, je vais d'abord vous demander, compte tenu du fait que nous ne savons pas quelles seront les répercussions du changement climatique, de nous faire des suggestions quant aux mesures dont nous devrions recommander la mise en oeuvre.

M. Ned Djilali, directeur, Institut des systèmes énergétiques intégrés, Université de Victoria: Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir invités à vous présenter nos vues sur ces questions complexes.

J'appartiens à l'Institut des systèmes énergétiques intégrés et les membres de cet institut sont fermement convaincus qu'afin d'élaborer des solutions technologiques efficaces permettant de créer de l'énergie propre et d'atténuer l'impact des émissions de gaz à effet de serre, il faut adopter une approche intégrée qui prend en compte tous les aspects de la question, c'est-à-dire tant les aspects techniques qu'économiques. Ainsi, on s'entend maintenant pour reconnaître que si l'on veut évaluer l'impact d'une technologie des transports donnée, il faut faire une analyse complète qui remonte jusqu'au puits, soit une analyse qui tient compte de tous les éléments en aval. Il ne suffit pas de simplement tenir compte des émissions provenant des pots d'échappement des véhicules. Il faut notamment tenir compte des émissions produites pour amener le combustible jusqu'au véhicule ainsi que des émissions attribuables à l'extraction du combustible. Ce n'est que de cette façon qu'on peut vraiment évaluer les mesures d'atténuation de l'impact des gaz à effet de serre et des gains d'efficacité, par exemple. Nous mettons aussi au point des technologies permettant de produire de l'énergie propre dont le potentiel de commercialisation est élevé.

J'aimerais vous donner un aperçu de quelques questions. Je commencerai par vous parler des sources d'énergie. Je vous présenterai ensuite une conception assez inhabituelle de l'architecture du système énergétique parce qu'il importe de comprendre le lien entre tous les éléments du système. Nous parlerons ensuite des conditions propices à l'introduction de nouvelles technologies dans ce système énergétique. Enfin, je vous dirai quelques mots au sujet du système énergétique que nous sommes nombreux à considérer comme celui de l'avenir, système qui est susceptible d'avoir une grande incidence sur nos gains en efficacité et nos émissions et qui pourrait aboutir à des mesures d'atténuation soutenues et à long terme des répercussions des gaz à effet de serre au XXIe siècle. Je parle évidemment de l'émergence de l'économie de l'hydrogène.

Il bon de d'abord examiner d'où proviennent nos combustibles étant donné que les sources de combustibles ont un lien étroit avec les systèmes énergétiques. L'examen des sources de combustibles utilisées au cours des deux ou trois derniers siècles ainsi que des combustibles fossiles révèle que dans les années 1700, le bois constituait la source d'énergie primaire. À mesure que la révolution industrielle qui est née en Angleterre s'est répandue dans le reste de l'Europe et dans le monde entier, le charbon a remplacé le bois comme source d'énergie primaire. Au tournant du siècle, le pétrole a évincé graduellement le charbon et est devenu la principale source d'énergie au cours de ce siècle. Les 15 à 20 dernières années ont vu l'apparition du gaz naturel. Au Canada, le gaz naturel a en fait supplanté le pétrole comme principal carburant fossile. On voit donc que nous sommes passés non seulement des combustibles solides aux combustibles gazeux, mais ce qui est encore plus important et plus intéressant pour nous qui examinons la question des émissions de gaz à effet de serre, c'est que nous sommes passés de combustibles à forte teneur en carbone à des combustibles à teneur peu élevée en carbone. J'appelle «décarbonisation» du système énergétique cette tendance vers des solutions durables à long terme.

Voyons un peu quels sont les divers composés chimiques de ces combustibles. Prenons d'abord le cas du charbon. La proportion d'atomes de carbone par rapport aux atomes d'hydrogène est de 2 dans le cas de ce combustible. On peut aussi dire que le rapport entre le nombre d'atomes d'hydrogène et le nombre d'atomes de carbone est de 0,5. Pour décarboniser un combustible, il faut réduire le nombre d'atomes de carbone et augmenter le nombre d'atomes d'hydrogène qu'il contient. Il est intéressant de constater que notre société s'est naturellement engagée dans cette voie. Lorsqu'on passe du charbon au méthane, le rapport est de 0,5 à 4 et c'est le genre d'évolution qu'on souhaite. Le méthane, du moins lorsqu'il est brûlé, émet beaucoup moins d'émissions qu'un combustible contenant davantage de carbone.

L'objectif à viser est d'utiliser l'hydrogène pur comme combustible. L'adoption de l'hydrogène comme combustible mènerait à ce qu'on appelle l'économie de l'hydrogène. Au cours des 50 prochaines années, l'hydrogène, combustible qui n'émet aucune émission, devrait progressivement remplacer les combustibles fossiles.

Ressources naturelles Canada donne une ventilation des émissions de CO2 directement produites par les principaux secteurs économiques au pays. Nous voyons que les principaux émetteurs sont les industries et les transports. En fait, une bonne part des émissions produites par le secteur industriel comprend les émissions secondaires associées à l'agriculture, au transport et à la consommation d'énergie des ménages. Si l'on tient compte de l'extraction et du traitement des combustibles, on voit que le tiers des émissions peuvent être attribuées au transport. Au Canada, par exemple, les sables bitumineux en Alberta sont l'un des plus importants émetteurs de gaz à effet de serre parce que la transformation du bitume exige beaucoup d'énergie.

Le président: Cette diapositive date de 1997. N'avez-vous rien de plus récent à nous présenter?

M. Djilali: Je ne dispose pas de données plus récentes.

Le président: Cette diapositive indique que la part des émissions attribuable à l'agriculture est 3 p. 100. Ce chiffre est- il demeuré constant?

M. Djilali: Le niveau d'émissions attribuable à l'agriculture est demeuré à peu près le même. On prévoit cependant que compte tenu des mesures qui ont été proposées, et s'il n'y a pas de changement de cap, le secteur agricole émettra un pourcentage plus important des émissions globales dans 20 ans, situation qui s'explique parce que nous n'avons pas fait ce qu'il fallait dans ce domaine. Ressources naturelles Canada prévoit que ce pourcentage atteindra 8 à 10 p. 100 des émissions totales.

Le plan du Canada sur les changements climatiques qui a été déposé récemment comporte un certain nombre de mesures montrées dans cette diapositive. Les quatre ou cinq premières puces présentent les mesures qui sont mises en oeuvre actuellement ainsi que les mesures qui seront mises en oeuvre au cours des cinq ou six prochaines années. Malgré ces mesures, nous voyons que le secteur des transports ne réduira ses émissions que 20 p. 100, ce qui est totalement insuffisant étant donné que la demande pour les transports augmentera et que ce secteur émet déjà le tiers des émissions globales.

Pour vraiment améliorer nos systèmes énergétiques et réduire nos émissions de gaz à effet de serre, nous devons adopter des mesures beaucoup plus rigoureuses que celles que nous avons mis en oeuvre jusqu'ici. Dans la plupart des cas, il s'agit essentiellement d'une amélioration des technologies existantes. À ce problème s'ajoute le fait que le Protocole de Kyoto lui-même ne fixe pas des objectifs très ambitieux en matière de réduction des émissions. C'est la principale conclusion à retenir.

La mise en oeuvre de mesures plus musclées en vue de réduire nos émissions exige que nous changions notre façon de concevoir notre système énergétique et que nous modifions sa structure. Nous pensons souvent que les gens se préoccupent de l'énergie en soi, mais ce n'est pas le cas. À titre d'exemple, les agriculteurs ne se préoccupent pas de la quantité d'électricité ou de pétrole qu'ils utilisent, mais se demandent plutôt s'ils pourront conduire leur tracteur, s'ils pourront chauffer leur maison et s'ils disposeront de la quantité d'engrais voulue. Je parle de «services énergétiques». Tant qu'on peut se procurer ces services, lesquels sont les services de base que demande la société, on ne se préoccupe pas trop de la provenance de l'énergie. Cette diapositive illustre le type de services qui nous semblent normaux dans une société moderne. Les transports, l'éclairage, la nourriture et l'eau potable; voilà ce que les gens veulent. Ce sont sur ces éléments que repose la prospérité économique de la plupart des pays occidentaux ainsi que la qualité de vie de leurs citoyens. Tant qu'ils peuvent s'éclairer, la plupart des gens ne se demandent pas si l'énergie nécessaire à cette fin provient d'une centrale alimentée au charbon, d'une centrale nucléaire ou d'une centrale hydroélectrique. Elle peut aussi provenir d'une combinaison de ces sources d'énergie. Ce que les gens veulent, c'est d'avoir accès à de l'énergie.

Nous avons conçu toute une gamme de technologies pour pouvoir avoir accès à ces services énergétiques. Voici des technologies de transformation. Le téléphone sert aux communications, le méthane est une devise énergétique et nous disposons de divers moyens pour produire cette électricité. L'électricité provient évidemment de sources énergétiques. Nous pouvons offrir aux consommateurs les services qu'ils désirent. Nous avons les devises et les technologies permettant de produire les services. Voici ce que les concepteurs du système énergétique ont créé. Il y a aussi les sources d'énergie naturelle. Nous devrons essayer de nous libérer du joug que constituent actuellement ces sources énergétiques.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples. Voyons deux ou trois services énergétiques dont a besoin l'agriculteur type des Prairies. Afin de récolter une culture, il faut une moissonneuse-batteuse. D'ordinaire, cette machine est alimentée au diesel, combustible qui est obtenu après avoir extrait et raffiné du pétrole.

Voici une diapositive qui illustre la production d'eau potable. Nous savons qu'il faut consommer de l'énergie pour produire de l'eau potable et que les approvisionnements en eau poseront des problèmes dans l'avenir. De plus en plus d'endroits au monde commencent à manquer d'eau de bonne qualité. La purification et le traitement de l'eau sont des processus à forte intensité énergétique qui ont un lien avec nos systèmes énergétiques. Il y a diverses façons d'alimenter en énergie une usine de traitement de l'eau. Cette énergie peut lui être fournie par un combustible comme le diesel ou par l'électricité. Voici quelques options qui s'offrent. J'ai surligné en orange que la seule source d'énergie possible est le pétrole brut. C'est un système énergétique qui a beaucoup de mal à se passer des combustibles fossiles et de la technologie qui émet des gaz à effet de serre. Par ailleurs, un certain nombre d'options s'offrent quant à l'eau potable. J'ai surligné ici les diverses options: combustibles fossiles, diesel, électricité, charbon ou gaz naturel. Il existe cependant une option plus écologique, celle de la production de l'énergie au moyen de sources d'énergie renouvelable comme les aérogénérateurs et les centrales de production de l'électricité alimentée à l'énergie géothermique ou à l'énergie nucléaire. Diverses options s'offrent à nous. Cette diapositive fait ressortir un fait très important, à savoir que dans le secteur des systèmes énergétiques, le secteur stationnaire, nous disposons de technologies nous permettant de produire de l'électricité sans émettre d'émissions. Nous ne disposons pas actuellement de ce moyen dans le secteur mobile et plusieurs raisons structurelles l'expliquent.

En résumé, il existe deux secteurs. À l'heure actuelle, le secteur stationnaire est essentiellement alimenté par le réseau d'électricité. Ce réseau produit l'électricité à partir de diverses sources dont des sources d'énergie renouvelable, des sources d'énergie qui n'émettent pas d'émissions et des sources d'énergie non renouvelable selon l'endroit où l'on se trouve. L'électricité produite au moyen de sources d'énergie renouvelable est presque négligeable à l'heure actuelle. Il y a ensuite un secteur de technologies mobiles, comprenant notamment les transports, qui est distinct de ce réseau principal et qui est complètement sous le joug des combustibles fossiles.

Dans quelle direction devons-nous maintenant nous diriger? Le nouveau système énergétique devrait être un système qui nous permettra de puiser à plusieurs sources d'énergie, un système hybride qui fera appel à la nature et qui nous permettra de mettre au service du secteur des transports des sources d'énergie renouvelable, l'énergie nucléaire ainsi que plusieurs autres types d'énergie. La production d'énergie est un système reposant sur des cycles. Les centrales de production de l'électricité fonctionnent à plein régime pendant les périodes de pointe et seulement à 60 ou 70 p. 100 de leur capacité le reste du temps. Pour répondre à la demande en période de pointe, il faut construire davantage de centrales électriques et l'on se retrouve avec beaucoup d'énergie non utilisée. On pourrait cependant produire de l'électricité à partir des sources d'énergie renouvelable. Ces sources d'énergie ne sont pas toujours disponibles en raison des fluctuations dans le niveau du rayonnement solaire, des vents ou des marées, mais cette énergie peut s'ajouter à l'énergie produite au moyen de l'hydrogène. Cette énergie supplémentaire peut être emmagasinée ou être utilisée pour produire des piles à combustible. Nous aurions alors une source d'énergie stable qui s'ajouterait à l'énergie produite grâce aux systèmes de production d'énergie globale. Il est possible d'utiliser des sources d'énergie renouvelable ne créant pas d'émissions dans le secteur mobile et l'on pourrait aussi recourir à une combinaison de technologies selon les conditions locales.

L'essentiel, c'est de se diriger vers la technologie de l'hydrogène et vers les technologies qui nous permettent de produire de l'électricité surtout à partir de l'hydrogène, d'entreposer l'hydrogène et de créer des piles à combustible. Le gaz naturel peut aussi être intégré au système de transmission.

Comment parvenir à cet objectif? Plusieurs technologies sont nécessaires pour nous permettre de passer au système d'énergie fondée sur l'hydrogène. Il s'agit des technologies permettant de capter l'énergie naturelle n'émettant pas d'émissions provenant des aérogénérateurs, des micro-centrales hydroélectriques et des centrales nucléaires. Nous devons nous diriger vers les technologies qui produisent de l'hydrogène et qui permettent d'en faire l'électrolyse. Nous avons aussi besoin des technologies pour emmagasiner et transformer l'hydrogène. J'aimerais insister sur le fait que toutes ces technologies existent déjà et fonctionnent très bien. Les principaux problèmes qui se posent à leur égard sont de nature économique et sont liés aux économies d'échelle. J'aimerais aussi souligner le fait que le Canada est un chef de file mondial dans bon nombre de ces technologies et nous disposons donc des connaissances et des ressources voulues pour les mettre en oeuvre. Le coût des technologies ainsi que l'infrastructure sur laquelle elles reposent revêt une grande importance pour leur succès.

Un certain nombre d'initiatives sont mises en oeuvre dans le monde. Nous ne sommes pas les seuls à nous être rendus compte qu'il s'agit du seul moyen possible de vraiment réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Des initiatives sont en cours de réalisation en Californie qui est évidemment à l'avant-garde dans ce domaine. Les Européens ont aussi beaucoup accru leurs investissements dans ce secteur de même que le Japon. Le PNUD, par exemple, a lancé un programme visant à diffuser la technologie des piles à combustible dans les pays en développement. Les travaux dans ce domaine sont donc nombreux.

On a dit que le Protocole de Kyoto constituait un grand pas en avant. Ce qu'il propose n'est peut-être pas suffisant, mais c'est au moins une manifestation d'une volonté politique. Cette volonté politique ainsi que les possibilités technologiques et économiques qu'offrent l'hydrogène et les piles à combustible ainsi que le savoir que nous possédons peuvent se traduire par d'énormes avantages environnementaux et économiques. Il s'agit de saisir résolument ces occasions.

En terminant, j'aimerais faire remarquer que nous sommes à l'aube d'une révolution dans le domaine énergétique. Pour s'en convaincre, voyons l'évolution dans un service énergétique, celui des transports.

Il est peut-être inhabituel de dire que le foin est un combustible, mais c'était bien un combustible pour ceux qui se déplaçaient en carriole dans les années 1700. Au moment de la révolution industrielle, le charbon a remplacé le foin et la mécanisation des transports a débuté avec l'apparition de la locomotive à vapeur. La lumière du jour constituait la source ultime de foin. La vapeur était produite à partir du charbon extrait de gisements de charbon. Au XXe siècle, nous sommes passés aux automobiles alimentées à l'essence, produit provenant du pétrole brut. Nous assistons maintenant à l'émergence de l'économie de l'hydrogène qui mettra fin à notre dépendance à l'égard d'une seule source d'énergie. L'hydrogène offre de nombreuses possibilités. On peut extraire l'hydrogène du gaz naturel au moyen d'un processus appelé «reformage du méthane à la vapeur». On peut aussi l'extraire de diverses ressources naturelles renouvelables et il est possible d'adapter cette solution aux circonstances locales qu'on vive en Alberta, en Thaïlande ou en Afrique.

Voici les trois points que j'aimerais que vous reteniez de cet exposé. Premièrement, le succès des mesures d'atténuation repose sur la décarbonisation totale de notre système énergétique. Deuxièmement, la meilleure façon d'atteindre cet objectif est de passer à un système fondé sur l'hydrogène parce qu'il s'agit d'une stratégie souple qui convient dans tous les cas. Cette stratégie peut être adoptée en fonction des circonstances locales. Enfin, ce système nous permettrait de mettre complètement fin à notre dépendance à l'égard d'une seule source d'énergie.

Le président: Je vous remercie beaucoup de nous avoir présenté cette approche innovatrice qui se distingue de celles qui nous ont été présentées jusqu'ici. Le moment venu, je vous demanderai de nous indiquer quels sont les inconvénients d'une économie reposant entièrement sur l'hydrogène.

J'aimerais vous signaler la présence dans notre auditoire du professeur Greg McKinnon, du RCRICA-Foresterie. Il a comparu devant nous lorsque nous étions en Alberta et je suis heureux de constater qu'il continue de s'intéresser à nos délibérations. Bienvenue.

M. G. Cornelis van Kooten, professeur, Faculté d'économie, Université de Victoria: Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à comparaître devant vous. J'aimerais vous faire remarquer que je ne suis pas seulement le seul économiste que vous entendrez, du moins aujourd'hui, mais aussi sans doute l'économiste qui compte le plus d'expérience dans le domaine de l'agriculture et de la foresterie. J'ai débuté ma carrière à l'Université de la Saskatchewan où pendant huit ans j'ai étudié la conservation des sols, la rotation des jachères d'été et la gestion agricole de façon générale. Je suis ensuite passé à l'Université de la Colombie-Britannique où j'ai fait partie entre 10 et 12 ans de la faculté de l'économie agricole. J'occupais aussi un poste au sein de la faculté de la foresterie où j'ai travaillé en économie forestière. J'étudie le changement climatique depuis environ 1985 et j'ai fait partie d'une équipe de scientifiques, de météorologues, de climatologues, d'économistes et d'autres chercheurs provenant du Conseil de recherches de la Saskatchewan, de l'Université du Manitoba, de l'ARAP et de l'Université de Calgary. Malheureusement, autour du milieu des années 80, on a cessé au Canada d'étudier le changement climatique et on n'a recommencé à le faire qu'au début des années 90.

J'aimerais vous entretenir aujourd'hui des questions économiques fondamentales liées aux puits de carbone. Voici d'abord une diapositive portant sur le Protocole de Kyoto. Je vous parlerai ensuite brièvement de ce que les économistes appellent les «structures de gouvernance». J'aimerais dire quelques mots au sujet du plan de mise en oeuvre du Canada au sujet duquel j'ai fait certains calculs. Je le mentionne parce que ce plan se fonde lourdement sur les puits de carbone terrestres, les forêts et les puits agricoles. J'aimerais en particulier vous parler de l'utilisation des puits de carbone terrestres et de leurs coûts. Je n'ai pas de diapositive sur l'adaptation à vous présenter, mais j'en traiterai brièvement. Je crois qu'on vous a distribué un document assez long qui compte environ 80 pages. Comme vous pouvez le constater, ce travail n'est pas terminé et nous continuons de l'enrichir. Je terminerai en vous présentant quelques brèves conclusions.

Comme M. Weaver l'a fait remarquer, le Protocole de Kyoto ne réglera pas le problème du changement climatique même s'il était pleinement respecté. Il aura un effet presque négligeable sur le réchauffement de la planète et c'est pourquoi il ne présente pas de véritables avantages économiques. Ce qui est intéressant de constater à son sujet, c'est qu'il repose lourdement sur ces puits de carbone terrestres qui sont éphémères ou de courte durée. J'ai beaucoup étudié les puits de carbone terrestres. Je suis parvenu à la conclusion que ces puits ne constituent pas une solution valable. En fait, s'y intéresser constitue un gaspillage de temps.

Il est beaucoup question des échanges de droits d'émission. Ce système n'existe pas à l'heure actuelle et je crois qu'il ne pourrait fonctionner qu'entre les pays industrialisés. Il serait très difficile d'amener de nombreux pays à souscrire à cette idée simplement parce que les institutions qui régiraient ce système n'existent pas. Je vous parlerai brièvement de l'échange des droits d'émissions parce qu'il faut faire un lien avec les puits de carbone qui visent à compenser pour ces émissions.

J'aimerais aussi souligner que la plupart des pays qui ont ratifié le protocole, dont le Canada et le Japon, ne respecteront pas leurs obligations parce qu'ils ne s'exposent à aucune sanction s'ils ne le font pas.

Parlons maintenant des structures de gouvernance, c'est-à-dire des moyens par lesquels les économistes proposeraient de concrétiser le protocole. Ce que nous voulons éviter, c'est ce qu'on appelle une structure de «commandement et de contrôle» ou autrement dit la réglementation. Dans ce contexte, le gouvernement imposerait à toutes les sociétés et à tous les secteurs économiques l'obligation de se conformer à une réglementation et appliquerait des sanctions en cas de non-observation. La deuxième option serait de faire appel à des valeurs et à des normes communes, ce qui supposerait des mesures volontaires et le recours à la persuasion morale. Enfin, il y a les mécanismes de marché comme la taxe sur les combustibles fossiles et l'échange des droits d'émissions, mécanismes qui plaisent évidemment aux économistes.

Le diagramme suivant montre une courbe de demande à pente orientée vers le bas faisant ressortir les avantages accessoires que présente la libération de CO2 dans l'atmosphère. L'axe vertical indique des dollars, des prix et des coûts. Ces chiffres valent pour le Canada. On s'attend à ce que le Canada émette 811 mégatonnes de dioxyde de carbone. Je vous signale que je vais aller d'une diapositive à l'autre et qu'il faut prêter très attention. Il s'agit ici de CO2, mais dans d'autres cas les chiffres représentent des dollars par tonne de carbone; il y a un lien entre ces deux éléments. Pour convertir le CO2 en carbone, il faut multiplier le chiffre par 44 et le diviser par 12. L'objectif du Canada, ce que je vous montrerai un peu plus tard, est 571. La différence équivaut à ce chiffre tant cité de 240 mégatonnes de dioxyde de carbone par année. Si le gouvernement optait pour la réglementation, il fixerait l'objectif de 571 et il obligerait les entreprises et les particuliers à respecter cet objectif d'une façon ou d'une autre et notamment en appliquant des sanctions au besoin. L'autre option qui s'offre à lui est soit d'établir le prix en imposant une taxe sur les combustibles fossiles, soit de fixer la quantité d'émissions à 571. Il répartira ensuite les émissions en fonction de cet objectif de 571 mégatonnes de CO2. La difficulté, c'est qu'on ne peut pas être sûr à 100 p. 100 — bien que le diagramme donne l'impression contraire — qu'il sera possible de respecter ce prix. On ne peut pas être assuré que ce prix permettra d'atteindre l'objectif de 571 mégatonnes. Or, le fait pour la société de ne pas atteindre cet objectif ou de ne pas respecter ce prix comporte un coût. Autrement dit, si vous fixez l'objectif de 517 et que le coût est beaucoup plus élevé que ce que vous aviez prévu, il s'ensuivra un coût, mais ce serait la même chose si vous fixiez une taxe et qu'elle ne permettait pas non plus d'atteindre l'objectif visé. L'une ou l'autre option peut poser des difficultés. Il s'agit évidemment de décider quelle est la meilleure. Les économistes se sont prononcés en faveur de l'imposition d'une taxe. Dans le cas des émissions de CO2, il vaudrait mieux restreindre la quantité des émissions. Autrement dit, il vaudrait mieux dans ce cas émettre des permis d'émissions. C'est cependant le contraire dans le cas du CO2.

Voyons brièvement ce qu'il en est. L'approche fondée sur le commandement et le contrôle, comme je le disais, consiste à fixer le niveau des émissions. C'est le mécanisme le plus efficace parce qu'on contraint ainsi l'industrie ou une entreprise à réduire ses émissions de 10 p. 100, par exemple, et l'on ne tire pas parti du fait que d'autres entreprises pourraient réduire les leurs de 25 p. 100. Il serait plus efficace de faire en sorte que l'entreprise qui peut réduire ses émissions facilement le fasse au lieu d'exiger la même chose d'une entreprise qui aura beaucoup de difficulté à atteindre l'objectif fixé. Cela vaut non seulement pour les entreprises, mais pour les industries également.

On peut donner en exemple de l'approche fondée sur les valeurs et les normes communes le plan de mise en oeuvre du gouvernement qui prévoit que chaque personne réduira son niveau d'émissions de CO2 d'une tonne. Je ne pense pas que qui que ce soit sache ce que cela signifie. Étant donné que cela représente 20 p. 100 ou un cinquième des émissions que produisent les Canadiens en moyenne, j'ai entendu des gens dire qu'il suffisait de ne pas conduire sa voiture une journée par semaine. Oui, mais cela signifie aussi bien davantage et notamment qu'il faut moins chauffer nos maisons. Je participais l'autre jour à une conférence à laquelle participait également l'économiste le plus connu au Japon. Cet homme faisait remarquer que malgré le fait que le Japon traverse une récession depuis maintenant 10 ans, le niveau des émissions par personne a augmenté dans ce pays.

Les initiatives volontaires constituent une façon très incertaine d'atteindre l'objectif fixé en matière de réduction d'émissions. On a mené il y a un certain nombre d'années une étude auprès des entreprises canadiennes qui participaient au registre volontaire sur le climat ou qui connaissaient celui-ci. Nous avons constaté que même les entreprises qui avaient souscrit à cette initiative n'atteindraient pas l'objectif fixé en vertu du Protocole de Kyoto. Les entreprises qui n'avaient pas souscrit à l'initiative s'attendaient à ce que leurs émissions augmentent de 2 p. 100 malgré certains des stimulants proposés dans le plan de mise en oeuvre. Le gouvernement fédéral compte beaucoup — et je vous montrerai un peu plus tard une diapositive portant sur les subventions en vue de favoriser l'observation — sur des initiatives volontaires que prendront l'industrie, les particuliers et les collectivités. Il est intéressant de constater que lorsqu'il comparaît il y a quelques années le rendement des économies allemande et néerlandaise, le Bureau de planification central des Pays-Bas a fait remarquer que les valeurs et les normes communes fonctionneraient bien dans un pays homogène comme les Pays-Bas, mais pas dans un pays hétérogène comme l'Allemagne. D'après cet organisme, l'Allemagne devrait compter davantage sur les mécanismes de marché dont je vais maintenant vous parler.

Comme je le disais, les économistes se sont prononcés en faveur des taxes sur le carbone plutôt que de l'échange des droits émissions. Plusieurs raisons l'expliquent. Premièrement, les taxes sur le carbone sont moins coûteuses. Elles pourraient être en fait beaucoup moins coûteuses que l'échange des droits d'émissions. L'avantage que présentent les taxes, c'est qu'elles créent ce qu'on appelle un «double dividende» qui découle du fait que les recettes fiscales sont maintenues au même niveau et que l'on se sert des recettes provenant de la taxe sur les combustibles fossiles pour réduire l'impôt sur le revenu, ce qui permet d'atténuer réduire les distorsions qui peuvent se produire dans le reste de l'économie. Il est cependant possible de favoriser le recyclage si l'on vent aux enchères des permis au lieu de maintenir ceux-ci en vertu d'une clause d'antériorité. Si une telle clause s'appliquait, ces permis ne rapporteraient rien au gouvernement et il n'y aurait pas de recyclage, et donc pas de double dividende. Le diagramme contient une case qui représente ce que nous appelons le «loyer».

Bien qu'il est beaucoup question de l'échange de crédits d'émissions, la taxe sur les combustibles fossiles présente un grand avantage en ce qui touche la contrepartie de la fixation du carbone. La taxe sur les combustibles fossiles convient bien davantage lorsqu'on crée des puits de carbone terrestres. Si l'on opte pour l'échange de crédits d'émissions, par exemple, il faut fixer non seulement le niveau des émissions, mais aussi le niveau de contrepartie de la fixation du carbone. S'il existe une différence entre les coûts marginaux de la taxe et de la contrepartie, on risque de créer un écart entre le prix de la contrepartie de la fixation du carbone et le prix des émissions, ce qui donne lieu à un loyer. La question est ensuite de savoir qui doit percevoir ce loyer et à qui il doit être distribué.

Le plan de mise en oeuvre du Canada prévoit une réduction de 240 mégatonnes d'équivalents de CO2, ce qui, d'après mes calculs, correspond à 65,45 mégatonnes de carbone. De tous les pays industrialisés, le Canada a connu la plus forte augmentation de ses émissions en 1990 et 2000. Les Japonais m'ont demandé pourquoi le Canada avait ratifié le Protocole de Kyoto. Le Japon se demandait s'il devait ou non le ratifier parce que les seuls autres pays dont les émissions ont augmenté sont les États-Unis, l'Australie et le Japon. Ce sont cependant les émissions du Canada qui ont augmenté le plus au cours de cette année-là comme le montre cette ligne verticale.

Le plan de mise en oeuvre canadien prévoit que près du tiers de la réduction des émissions totales se fera par l'entremise de puits forestiers et de puits agricoles. Or, environ 38 mégatonnes de CO2 représentent les projections des émissions selon le statu quo. La difficulté avec cette approche, c'est qu'elle ne permet pas du tout de réduire le changement climatique. Elle ne fait qu'aider le Canada à atteindre son objectif, mais c'est comme si nous achetions de l'air chaud russe; cela nous aiderait en rien à réduire les émissions globales. Les Russes ont déjà atteint leur objectif de réduction en matière d'émissions. Peu importe si un pays achète ou non leurs droits d'émissions, la réduction des émissions est déjà un fait accompli. C'est la même chose dans ce cas-ci. En ce qui touche les pratiques de gestion forestière actuelles, nous disons essentiellement que si nous soustrayons de la récolte d'arbres les arbres qui poussent dans une forêt, nous pouvons réclamer la différence, soit 20. C'est l'un de mes étudiants qui est parvenu à ce chiffre. Il travaille maintenant pour Forêts Canada. Il craignait un peu de prendre le chiffre total de 44 pour la simple raison que si l'on prend une région plus grande et qu'il y a un feu de forêt, on se retrouve avec un chiffre négatif. Il n'y a cependant rien à faire pour arriver à ce chiffre. Il suffit de montrer que l'on fait pousser plus d'arbres qu'on en récolte, ce qui est le cas dans une bonne partie des forêts gérées du Canada.

Les activités en vue de créer des puits de carbone agricoles depuis 1991 comprennent la réduction des labours et la jachère d'été. Il y a aussi ce que nous appelons les labours de conservation ou l'absence de labours — dont je vous parlerai un peu plus — ainsi que la culture de plus de foin et les rotations des cultures. Il s'agit d'un vaste domaine dont on vous a déjà parlé et qui n'aide en rien le Protocole de Kyoto. Enfin, ces mesures contribuent à permettre au Canada de respecter ses engagements, mais elles n'aident pas le monde à atténuer le changement climatique.

Les programmes de subventions dans le domaine des transports, du logement et des secteurs industriels constituent une grande partie de notre engagement, soit 85 mégatonnes de CO2. Les initiatives volontaires représentent environ 50 mégatonnes d'émissions de CO2. Avec les émissions et la contrepartie de la compensation de la fixation du carbone, nous revenons encore une fois aux puits du carbone terrestres qui devraient surtout prendre la forme de programmes de plantation d'arbres sur des terres agricoles marginales. Comme je le montrerai dans quelques minutes, je ne pense pas que ces programmes vont être mis en oeuvre parce qu'ils sont trop coûteux.

Le président: Les agriculteurs ne planteront pas d'arbres ou ils ne financeront tout simplement pas ces programmes?

M. van Kooten: Ils ne planteront pas d'arbres à moins qu'on ne les subventionne lourdement pour le faire. En fait, nous avons mené une étude il y a quelques années et nous avons demandé aux agriculteurs de remplir un questionnaire. Nous avons constaté que les agriculteurs qui vivaient dans les régions où il serait possible de planter des arbres n'étaient pas favorables à cette idée. Il s'agit de régions de transition entre la ceinture de céréales et la forêt boréale au nord, près de Peace River, par exemple. Ces agriculteurs se souviennent d'avoir vu leurs pères et leurs grands-pères déboiser ces terres et on leur demande maintenant de les reboiser. Ils rejettent cette idée.

Le président: Ils l'ont fait en Nouvelle-Zélande. J'y suis allé et j'ai vu pour moi-même ce que cela a donné.

M. van Kooten: Oui, ces mesures donnent certains résultats.

Les crédits pour les exportations d'énergie propre constituent une solution qui n'en est pas vraiment une, mais à laquelle le gouvernement compte recourir s'il ne peut pas respecter ses engagements.

Passons maintenant à la diapositive suivante. Il s'agit de calculs que j'ai faits pour établir le coût d'un programme de mise en oeuvre. Je pense que ce sont les seuls chiffres là-dessus que vous aurez vus jusqu'ici. Je ne pense pas que qui que ce soit d'autre ait fait ces estimations de coûts. Vous voyez qu'il y a un point d'interrogation à côté des puits forestiers.

Dans le cas des puits agricoles et des autres types de puits, les chiffres qui figurent sur la diapositive correspondent aux coûts de leur création qui va de 630 millions de dollars à 1,8 milliard de dollars.

Les programmes de subventions dans le domaine des transports, du logement et de l'industrie coûteront au gouvernement environ 850 millions de dollars d'après ses propres estimations.

Je présume que les initiatives bénévoles ne coûteront rien bien qu'elles entraîneront des dépenses pour ceux qui les prendront.

Les droits d'émissions et la contrepartie de la teneur en carbone coûteront entre 1,3 et 3,5 milliards de dollars. Ce grand écart dans les chiffres s'explique parce que nous ne savons pas exactement quel sera le coût de ces mesures, coût qui va de l'estimation la plus basse à mes propres estimations.

Le coût total du plan de mise en oeuvre du gouvernement fédéral s'élèvera à entre 2,8 et 6,1 milliards de dollars par année.

J'ai essayé de comparer ces chiffres aux chiffres produits par divers chercheurs avant la ratification du protocole. J'ai calculé que si nous réduisions du quart nos émissions en achetant des crédits à l'étranger, cela nous coûterait entre 1,6 et 3 milliards de dollars par année. C'est donc une économie importante. L'estimation de mon collègue Peter Kennedy se situe juste au milieu de cette fourchette et est inférieure de 1,3 à 3,2 milliards de dollars à ma propre estimation. Qu'est-ce qui explique cette différence? Le plan fédéral accorde beaucoup d'importance aux puits agricoles et forestiers très coûteux ainsi qu'à la réglementation dont l'application entraîne évidemment des coûts élevés.

Je mentionnerai brièvement quelques autres problèmes que pose le plan du Canada et qui découlent du fait que le gouvernement doit prendre certaines mesures d'apaisement parce que si l'on fixe un plafond de 15 $ la tonne de CO2, cela coûtera aux contribuables entre 825 millions et 1,38 milliard de dollars par année. Qu'est-il advenu du principe du «pollueur payeur»? Nous savons que le secteur automobile de l'Ontario n'aura pas à participer à l'effort de réduction et que la limite fixée pour toutes les industries sera de 15 p. 100. Si elles réduisent d'ici 2010 de 15 p. 100 les émissions qui auraient été produites dans le scénario du statu quo, on considérera qu'elles ont fait leur part.

Voyons un peu ce que coûteront les puits de carbone terrestres. Le grand problème avec ces puits, c'est qu'ils sont de courte durée et qu'en 2012, ils auront libéré presque tout leur contenu de CO2. Les économistes et le GIEC examinent des façons de composer avec la perte potentielle de carbone emmagasiné, et étudient notamment la possibilité que nous devions acheter de l'assurance contre la libération, qu'il soit nécessaire d'acheter d'autres mesures de compensation ou des permis au moment de la libération ou qu'il faille prévoir des zones-tampons. Autrement dit, lorsqu'on plante un arbre sur une terre agricole, on ne peut compter que le carbone qui est emprisonné pendant cette année-là, la quantité de carbone étant mesurée par tonne par année. On applique ensuite un facteur de conversion qui permet d'établir que tant de tonnes par année équivalent à une tonne de séquestration permanente. Il y a ensuite la subvention fiscale que j'ai proposée dans un autre document et qui viserait les puits agricoles et forestiers.

Mes recherches font ressortir le fait que les puits sont plus coûteux que ce que nous avions envisagé jusqu'ici. Je vous en parlerai brièvement. Prenons d'abord le cas des puits forestiers.

Il faudrait tenir compte des pratiques de gestion forestière qui favorisent les puits ainsi que l'utilisation d'engrais, en particulier, mais non les pratiques de gestion forestière fondées sur l'approche du statu quo. Le reboisement des terres déboisées ne constitue pas une contribution additionnelle et ne devrait pas être pris en compte. Par ailleurs, la plantation d'arbres sur les terres agricoles devrait l'être, mais c'est une solution très coûteuse. Nous avons examiné 28 études et plus de 600 calculs du coût de ces puits par tonne de carbone dans diverses régions et dans des conditions variables. Voici ces estimations. À l'avant-dernière ligne du bas, vous voyez que pour les Grandes plaines — cette étude prenait en compte tant les Grandes plaines des États-Unis et du Canada — le coût du reboisement s'élèverait entre 43 et 47 $ la tonne de carbone. Il s'agit de carbone et non pas de CO2. Il faut multiplier par 12 et diviser par 44 pour obtenir le nombre de tonnes de CO2.

Si l'on examine ce qu'il en est par région, on voit qu'on peut emprisonner entre six et demie et sept tonnes de carbone de façon assez peu coûteuse sur ces terres pour une certaine période, mais les coûts commencent ensuite à augmenter assez rapidement. Il est moins coûteux de le faire dans les régions autres que les Grandes plaines ou les Tropiques. Si l'on ne prend en compte que les Grandes plaines, y compris l'Ouest canadien, tout dépend de ce qu'on fait du bois une fois qu'il est récolté. Le coût le moins élevé est le coût de référence et si l'on tient compte du coût de renonciation, on voit que les coûts augmentent. Si l'on prend en compte le véritable coût des terres, les coûts augmentent de beaucoup. On obtient le coût le plus bas si l'on peut utiliser des puits de produits. On voit cependant encore une fois qu'au-delà de six tonnes et demie de carbone par hectare, les coûts augmentent de façon phénoménale.

Les puits agricoles auxquels s'intéressent un grand nombre de personnes durent moins longtemps que les puits forestiers. De nombreuses études concluent que le simple fait de passer des labours traditionnels à l'absence de labours ou de réduire la jachère d'été permet d'accroître la capacité de séquestration. Dans les études que nous avons examinées, les pédologues ont constaté que c'était bien le cas, mais pas dans les Prairies ni dans les régions froides. Nous avons procédé à une analyse approfondie de 52 études ou 544 observations portant sur la capacité d'absorption du carbone établie par les pédologues ainsi qu'une analyse approfondie de 24 études économiques comptant 213 observations dans le but de comparer les pratiques agricoles reposant sur des labours traditionnels aux pratiques ne comportant pas de labours. Nos résultats confirment ce que certains pédologues de Swift Current ont dit. Vous constaterez que le coût de séquestration du carbone dans les puits agricoles est très élevé dans les Prairies et va de 100 à plus de 200 $ par tonne de carbone. Quel est donc le problème? Plus les mesures dans le sol sont profondes, plus la variation est grande. Les labours traditionnels permettent d'emmagasiner plus de carbone dans le sol que les pratiques culturales sans labours si l'on mesure à plus de 30 centimètres de profondeur et la raison devrait en être évidente. Lorsque l'on laisse les résidus de culture à la surface du sol, une partie de ceux-ci pénètrent dans la première couche du sol, mais une grande partie se décompose et est libérée dans l'atmosphère. Lorsque ces résidus sont enfouis au moment des labours, ils pénètrent plus profondément dans le sol où ils demeurent et se transforment en carbone. Ce n'est pas exactement ce qui se passe dans la ceinture de maïs et au sud des États-Unis. Nous avons constaté ce phénomène dans les Prairies et dans ce que nous appelons «l'autre» région, soit celle sur laquelle porte les études menées à l'extérieur des trois régions dont il est question ici. Nous avons constaté que dans ces régions, il n'est pas bon de passer à des pratiques culturales sans labours.

Pendant que cette diapositive est toujours à l'écran, permettez-moi de dire quelques mots au sujet de l'adaptation.

Le président: Je pense qu'on vous posera beaucoup de questions au sujet de votre analyse de l'absence de labours.

M. van Kooten: Les études canadiennes et américaines semblent maintenant confirmer ce point. Si l'on permet aux agriculteurs de s'adapter, autrement dit si on leur permet de réagir aux prix, le Canada sera un bénéficiaire net du changement climatique tant dans le domaine agricole que dans le domaine forestier. Le changement climatique peut bénéficier ou non aux États-Unis. La dernière étude provenant de l'Université de Berkeley conclut que le changement climatique pourrait entraîner des pertes nettes pour les États-Unis du côté agricole alors qu'il entraînera des gains nets pour le Canada. Le changement climatique sera favorable au Canada si l'on permet aux agriculteurs de s'adapter et si les marchés les amènent à changer leurs systèmes de culture.

Permettez-moi maintenant de conclure.

Premièrement, mes études démontrent que les coûts des puits de carbone terrestres, en particulier les puits agricoles, sont beaucoup plus élevés que ce que nous pensions. Les puits terrestres ne sont pas la solution à long terme et peut- être même pas à court terme. Nous devons régler le problème des émissions et l'accent doit être mis sur l'énergie. À mon avis, et peut-être contrairement à ce que Ned dit, l'énergie nucléaire permettra peut-être de combler l'écart à court terme. Je ne pense absolument pas que le Canada pourra respecter ses obligations aux termes du Protocole de Kyoto. Nous parviendrons peut-être cependant à donner l'illusion que nous le faisons. La bonne nouvelle, c'est que d'autres pays ne parviendront pas non plus à respecter les leurs. Le délégué japonais que j'ai rencontré dernièrement a dit que le Japon ne pourrait pas le faire à moins qu'il ne construise 20 nouvelles centrales nucléaires, ce que je ne pense pas qu'il fera.

M. Lonergan: Pourquoi est-ce une bonne nouvelle?

M. van Kooten: En fait ce n'est pas une bonne nouvelle. On ne peut pas trop espérer des accords futurs si nous ne pouvons même pas parvenir à respecter nos engagements en vertu du Protocole de Kyoto. Je vous remercie beaucoup.

Le président: Je vous remercie. Tous les sénateurs ont des questions à poser. Je vais faire quelque chose que je ne fais pas habituellement et je vais commencer moi-même par poser quelques questions. J'ai déjà donné une indication à M. Djilali du type de questions que j'allais lui poser et c'est donc d'abord à lui que je vais m'adresser. Monsieur Djilali, quelles conséquences négatives pouvons-nous anticiper si nous ne passons pas à l'économie de l'hydrogène? Quels risques cela présente-t-il notamment pour la santé, la production alimentaire et l'environnement?

Monsieur Weaver, vous avez dit que le «climat», c'était l'étude statistique du temps et que le GIEC a constaté une influence humaine perceptible sur le climat mondial. Vous avez dit que le changement climatique n'était pas simplement attribuable aux humains, mais aussi aux émissions volcaniques et à d'autres phénomènes semblables. J'aimerais que vous nous disiez quel est l'effet des émissions volcaniques sur le changement climatique par rapport aux activités humaines.

Monsieur Lonergan, je vous ai déjà fait remarquer que vous aviez dit à plusieurs reprises que nous ne savions pas quelles seraient les répercussions du changement climatique et qu'on n'avait pas suffisamment étudié la question. D'autres témoins ont aussi dit au comité que les scientifiques devaient poursuivre leurs études sur les répercussions du changement climatique pour être en mesure de donner des conseils valables à l'industrie forestière et aux agriculteurs, et notamment des conseils portant sur les cultures et la technologie à adopter. Qui devrait être chargé de mener ces recherches? Le gouvernement, les universités ou l'industrie? Quelles politiques ou programmes le gouvernement devrait-il mettre en oeuvre pour favoriser ces recherches? Un témoin a recommandé à tout le moins la création d'une chaire de recherche dans chacune des six régions du Canada. Est-ce que ce serait une bonne façon de favoriser la recherche sur les répercussions du changement climatique? On a aussi dit au comité que la résolution des modèles actuels est trop élevée pour que nous puissions vraiment nous y reporter pour formuler des options en matière d'adaptation et pour donner des conseils précis. Autrement dit, les modèles ne nous permettent pas d'établir quelles seront les répercussions du changement climatique à l'échelle locale. Qui est le mieux en mesure d'établir des modèles sur les répercussions régionales, les exigences en matière d'adaptation ainsi que les stratégies à cet égard? Est-ce que ce sont les ministères fédéraux, les universités ou les gouvernements provinciaux? Les témoignages que nous avons entendus ne concordent pas quant à la nécessité d'accroître les investissements dans le domaine de la recherche, lesquels permettraient notamment à des diplômés d'étudier les questions liées à l'adaptation au changement climatique. Quel est votre avis là-dessus?

M. Djilali: Je répondrai directement à votre première question qui porte sur les inconvénients d'un passage à l'économie à l'hydrogène. L'introduction de l'économie à l'hydrogène pose des difficultés. Les inconvénients sont très petits si l'on procède à une évaluation adéquate des risques. Permettez-moi de préciser ce que j'entends par cela. Afin d'assurer un passage réussi à l'économie de l'hydrogène, d'importants problèmes doivent d'abord être réglés et des progrès majeurs doivent aussi être faits dans deux ou trois domaines en particulier. Il faut d'abord qu'il y ait diminution du coût de la technologie liée à l'économie de l'hydrogène. Cela signifie qu'il faut que diminuent le coût de la production de l'hydrogène et de sa conversion en électricité au besoin par l'entremise de la technologie des cellules à combustible ainsi que le coût de la distribution et de l'entreposage de l'hydrogène. Il s'agit de questions importantes. On soulève aussi souvent le problème de l'infrastructure et l'on fait valoir à cet égard que cette infrastructure ne se développera pas avant qu'il y ait une demande pour l'hydrogène; l'existence de cette demande repose évidemment sur la mise sur pied de l'infrastructure voulue. Il s'agit d'un cercle vicieux.

Je crois que certaines options s'offrent à nous pour briser ce cercle vicieux et bon nombre d'entre elles sont liées aux politiques et aux mesures qui doivent être prises et sur lesquelles portait votre dernière question. Il n'existe pas d'importants obstacles dans ce domaine. Tous les obstacles sont surmontables pourvu que l'objectif visé soit clair. Je pense que c'est le point essentiel. La construction il y a deux siècles d'un chemin de fer reliant les Maritimes à la côte ouest a joué un rôle de catalyseur dans le développement de ce pays. Il nous faut une vision de ce genre dans le domaine de l'énergie. Nous devons réfléchir à l'impact que nous voulons avoir dans le monde et saisir les occasions qui s'offrent à nous tant au point de vue environnemental qu'au point de vue économique. Il est très rare qu'on ait l'occasion de s'enrichir tout en faisant le bien.

Nous devons cependant reconnaître que la seule voie vers une véritable économie de l'hydrogène, dans laquelle de 80 à 90 p. 100 de nos besoins en énergie seraient comblés par cette source d'énergie, est le développement sur une large échelle des centrales nucléaires. Il faut bien le comprendre parce que cela comporte certaines conséquences. En particulier, je pense qu'il nous appartient d'examiner le rôle de l'énergie nucléaire. Il importe clairement d'évaluer cette énergie dans son contexte et d'en examiner les risques. Le gros problème, c'est que le débat sur l'énergie nucléaire n'est pas toujours rationnel. Je me permets de vous donner un exemple précis. Il y a quelques années, la B.C. Ferries Corporation a eu un accident. C'était le premier accident fatal dans toute l'histoire de la société qui exploite la plus importante flotte de traversiers au monde. Un traversier a quitté le quai une demi-minute plus tôt qu'à l'habitude et un camion est tombé dans l'eau. Trois personnes ont péri dans cet accident. Les représentants de la B.C. Ferries Corporation ont failli être lynchés pour leur incompétence. Personne n'a replacé cet accident dans son contexte et personne ne s'est demandé, par exemple, combien d'accidents mortels auraient eu lieu si un pont avait été construit pour relier l'île de Vancouver à Victoria. Cela revient à dire que les gens sont prêts à prendre des risques considérables en conduisant une voiture, mais ne sont pas prêts à accepter des risques perçus dans d'autres domaines. La question qui se pose est de savoir si l'on va s'attaquer à la perception qu'on se fait du problème que posera la gestion des déchets nucléaires dans 50 ou 100 ans ou va-t-on régler le problème de l'incertitude qui existe au sujet de l'impact direct du changement climatique alors qu'on sait que ce changement aura des répercussions? Il est bien évident que le changement climatique comporte des répercussions qui sont négatives. Nous ne savons tout simplement pas exactement quand et où ces répercussions se manifesteront.

M. Weaver: J'ai une diapositive qui porte sur les volcans. À long terme, l'impact des volcans est insignifiant. Seuls les volcans qui libèrent des aérosols dans la stratosphère ont une incidence mesurable sur le climat. Je dis «mesurable» parce qu'un aérosol, qui est une particule solide dans l'atmosphère, disparaît lorsqu'il pleut. Si cet aérosol se trouve dans la stratosphère, où il ne pleut pas, il y demeure jusqu'à ce que la gravité le fasse tomber dans la troposphère, les dix derniers kilomètres de l'atmosphère, et il disparaît ensuite lorsqu'il pleut. Le cas de l'éruption du Pinatubo en 1991 est un bon exemple. Le globe s'est refroidi légèrement pendant environ 18 mois à l'issue de l'irruption du volcan, mais la température s'est réchauffée dès que les aérosols se sont dissipés. Bon nombre de groupes de scientifiques, dont le groupe britannique dont il est question sur la diapositive, ont examiné l'effet des changements dans l'activité volcanique sur le réchauffement de la planète pendant le XXe siècle. Le siècle dernier a connu des périodes au cours desquelles l'activité volcanique a été élevée et d'autres où elle a été faible. En fait, le nombre d'années pendant lesquelles on a constaté un refroidissement est supérieur au nombre d'années où il y a eu réchauffement. Le tiers du réchauffement constaté au cours des 150 dernières années est attribuable aux changements dans l'activité solaire. Or, au cours des dix dernières années, le soleil s'est en fait refroidi légèrement. On peut attribuer aux volcans certaines fluctuations dans les températures, mais pas de façon systématique. Voici un modèle qu'on a utilisé au Royaume-Uni. La courbe rouge représente les observations. La partie ombragée en gris représente un certain nombre d'intégrations se fondant sur le même modèle. Dans le coin gauche supérieur, on voit les changements dans les seules activités volcaniques et solaires. Dans le coin droit supérieur, on voit les seuls changements dans les gaz à effet de serre et les aérosols. Dans le bas, on voit tous ces facteurs mis ensemble. D'autres personnes ont fait des études semblables. Elles démontrent qu'on peut expliquer une bonne part des fluctuations dans la température lorsqu'on tient compte de tous ces facteurs, mais on ne peut pas expliquer le réchauffement de ces dernières années seulement par l'activité solaire et volcanique.

Vous vouliez poser une question à M. Lonergan au sujet de la résolution et de la modélisation ainsi que des domaines dans lesquels devraient porter les recherches scientifiques. Les cheveux me sont dressés sur la tête lorsque je vous ai entendu dire que quelqu'un recommandait la création d'une chaire de recherche dans chaque région. C'est absolument la pire chose qu'on pourrait faire. Vouloir répartir l'argent entre toutes les régions est cependant typiquement canadien. Or, cette méthode donne de très mauvais résultats. Voilà pourquoi la recherche de grande portée sur le climat ne progresse pas aux États-Unis parce que les efforts sont trop dispersés. La Grande-Bretagne est incontestablement le leader dans le domaine de l'évaluation des impacts du changement climatique et de l'adaptation à ce changement. Pourquoi? C'est parce que le gouvernement de Margaret Thatcher était très conservateur et qu'elle est elle-même une scientifique. Je fais parfois une blague à ce sujet parce que certains, du moins les sceptiques, ont fait une analogie entre le conservatisme et l'opposition à la recherche scientifique sur le climat, mais cette analogie ne tient pas. La personne qui a lancé cette recherche en Grande-Bretagne peut être considérée comme étant à la droite du centre sur le spectre politique, mais elle était une scientifique et comprenait la question du changement climatique. Elle a créé le centre Hadley, institut national voué à la recherche sur le climat et à l'évaluation intégrée dans ce domaine.

Ce n'est pas une bonne chose que des gens à Regina prennent le modèle climatique établi à Victoria et essaient d'en prédire les impacts parce que cela ne donne souvent rien de bon et c'est parce que les scientifiques qui ont créé le modèle savent à quelles fins il peut vraiment servir. Si ces scientifiques ne sont pas continuellement en contact, certaines personnes se servent de ces résultats de façon inappropriée et commencent à dire qu'un arbre va mourir dans 50 ans parce que c'est ce que prévoit le modèle canadien. On ne peut pas faire cela. On ne peut même pas prévoir un changement climatique régional à l'échelle d'une province. Ce qu'on peut cependant affirmer — et il est aussi possible d'élaborer des politiques à cet égard —, c'est que le climat de l'Arctique va beaucoup se réchauffer, que le permafrost va fondre dans d'énormes régions et que d'ici la fin de ce siècle, on peut s'attendre à ce qu'il n'y ait pas de glace en été dans l'Arctique, mais ce ne sera sans doute pas la même chose sur la côte canadienne. En raison de la façon dont le vent souffle, c'est autour de la Russie que se créera un corridor libre de glace. On peut aussi s'attendre à une augmentation des précipitations dans l'ensemble du Canada, mais on ne peut pas prédire où et quand elles tomberont. Nous savons aussi que les sécheresses augmenteront, mais nous ne pouvons pas dire où elles se produiront, ni quand. Nous ne pouvons que faire des prévisions à l'échelle continentale. L'état de nos connaissances scientifiques ne nous permet pas de faire des prévisions sur une autre échelle. On ne peut pas dire que l'on constatera des changements dans la fréquence des événements extrêmes à Thunder Bay parce que les précipitations notamment sont des processus sur une très petite échelle qui dépendent de phénomènes qui se produisent sur une très grande échelle. Si l'on se sert de cette modélisation prospective avec exactement les mêmes intrants sauf la condition initiale, on obtiendra des changements dans les projections climatiques à l'échelle régionale. Il est dangereux d'essayer d'élaborer des politiques en matière d'adaptation qui s'appliqueraient à des localités individuelles aussi petites que le sud de l'Alberta. Je pense qu'il est aussi très dangereux d'étaler les ressources parce que le Canada a besoin d'un centre où les sociologues, les économistes, les spécialistes de l'économie de l'hydrogène et des piles au combustible ainsi que les scientifiques de tous les domaines visés peuvent concerter leurs efforts pour étudier le changement climatique.

Le président: Je vous remercie de cette excellente réponse.

Le sénateur LaPierre: Je trouve ce que vous dites étrange. Qu'est-ce que nous sommes censés faire, vous envoyer dans une navette spatiale pour faire le tour du globe? Autrement dit, vous dites que nos ressources sont limitées.

M. Lonergan: Oui.

Le sénateur LaPierre: Ce pays est immense.

M. Lonergan: Oui.

Le sénateur LaPierre: Vous parlez rarement les uns avec les autres. Vous parlez aussi rarement de façon à ce que les gens vous comprennent. Notre diversité exige que quelqu'un nous étudie là où nous vivons et non pas dans un royaume mythique. Par conséquent, si vous n'êtes pas d'accord pour qu'on crée des chaires de recherche dans tout le pays et que les gens se parlent les uns aux autres...

M. Weaver: Ce n'est pas ce qui se passe

Le sénateur LaPierre: Je le sais, mais c'est votre faute. Ce n'est pas la faute des politiciens. Vous devriez vous parler entre vous.

M. Weaver: Non, c'est la faute de la nature humaine.

Le sénateur LaPierre: Les libéraux se parlent toujours les uns aux autres.

M. Weaver: Non, je pense que vous comprenez vraiment mal la recherche scientifique. La recherche scientifique est l'enfant du hasard. On ne peut pas planifier la recherche scientifique et personne ne peut nous dire comment s'y adonner. La recherche scientifique c'est quelqu'un qui rencontre quelqu'un d'autre dans un couloir et qui dit: «Je viens de voir quelque chose de bizarre» et l'autre personne lui répond: «Moi aussi.» La science progresse de façon spontanée. La science n'est pas planifiée et voilà pourquoi on ne peut pas la faire progresser par l'entremise du régionalisme canadien. Si l'on crée des centres d'excellence dans les universités, c'est pour faire en sorte que les gens se rencontrent. Ils se rencontreront à la cafétéria. Ils se rencontreront aussi dans les couloirs. Voilà comment la science progresse. On ne peut pas favoriser la science en étalant les ressources.

Le sénateur LaPierre: Dans ce cas, nous pouvons créer six centres dans le pays.

M. Weaver: Mais quelles sont les six questions auxquelles vous voudriez trouver réponse? Si vous voulez favoriser une approche intégrée à l'examen du changement climatique, vous ne le ferez pas en créant six centres. Vous étalerez ainsi beaucoup trop les ressources. Ce sera six fois moins efficace que si un seul centre fait ce travail. C'est de cette façon qu'on procède en France et en Allemagne. Aux États-Unis, on étale aussi les ressources et voilà pourquoi le pays est en retard par rapport au reste du monde dans le domaine de l'élaboration de modèles sur le changement climatique et des recherches scientifiques s'y rapportant.

Le sénateur LaPierre: Je vous remercie.

Le président: Monsieur Lonergan, vouliez-vous ajouter quelque chose?

M. Lonergan: Oui, et je serai bref.

Lorsque j'ai dit qu'il était très difficile de faire des projections ou des estimations sur les répercussions du changement climatique, je ne voulais pas donner l'impression que nous ne pouvions rien faire. M. Weaver a parlé de l'élaboration de modèles et j'aimerais faire remarquer que la plupart des travaux portant sur les répercussions du changement climatique se sont fondés sur des modèles établissant un lien de cause à effet. Nous avons une température générale, des projections relatives aux précipitations sur une région très vaste et nous essayons de voir quelles seront les répercussions sur une pente de ski au Québec. Ce n'est pas la façon dont nous devrions procéder.

Nous pouvons plutôt examiner le problème du point de vue des régions et des populations les plus vulnérables. Je pense que c'est essentiel. Au lieu d'appliquer les modèles climatiques au hasard, nous devons les examiner à partir d'une autre perspective et essayer de cerner les ressources vulnérables.

Le président: Nous sommes un comité parlementaire canadien qui dépense l'argent des contribuables canadiens et votre carte indique que la région la plus vulnérable au monde est l'Afrique. Notre comité ne peut pas recommander beaucoup de mesures qui pourraient aider les régions les plus pauvres comme l'Afrique. Nous devons nous intéresser au sort du Canada. Nous devons proposer une politique publique nationale pour ce pays.

M. Lonergan: Le GIEC que j'ai cité au début de mon exposé fait remarquer que ce ne sont pas seulement les pays pauvres, mais aussi les pauvres des pays industrialisés qui sont les plus vulnérables de façon générale. Notre société compte aussi des secteurs vulnérables. De quelle façon sont-ils vulnérables? Ils sont vulnérables en raison des répercussions biophysiques comme celles qui se manifestent dans le secteur agricole ou ils sont vulnérables parce que peu de choix s'offrent à eux, et dans ce cas, c'est parce que les occasions à saisir sont limitées ou parce qu'on leur a imposé des approches de commandement et de contrôle qui limitent leur capacité d'adaptation.

Je donne des exemples internationaux parce que c'est mon domaine de compétence, mais je ne voudrais pas donner l'impression qu'il n'existe pas des secteurs, ni des populations vulnérables dans notre propre pays. Il en existe certainement.

La question qui se pose alors est de savoir quel est le lien entre leur vulnérabilité et le changement climatique. Les enfants de la rue à Victoria sont certainement vulnérables. Existe-t-il cependant un lien entre leur vulnérabilité et le changement climatique? Ce lien est sans doute très limité. C'est la façon dont je conçois les choses.

Étant donné que nous ne connaissons pas l'étendue des répercussions du changement climatique, nous devons élaborer divers scénarios pour y faire face. C'est ce que font actuellement de nombreux scientifiques — ils examinent, par exemple, les scénarios prévoyant divers prix pour les céréales — au lieu d'adopter une approche fondée sur la cause et l'effet. C'est tout ce que je voulais laisser entendre.

Pour ce qui est de l'argument de M. Weaver au sujet des investissements et quant aux groupes qui sont les mieux placés pour entreprendre les recherches sur le climat ainsi que les régions où elles devraient avoir lieu, nous avons constaté que le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial, les ONG, les instituts de recherche et les universités possèdent tous d'énormes capacités et forces dans ce domaine. Nous n'allons pas dire que ce sont les universités qui sont les mieux placées pour faire ces recherches. En fait, il existe d'importantes capacités de recherche dans tous les secteurs.

Deux éléments importent ici. Premièrement, nous devons adopter une approche plus intégrée. Autrement dit, les quatre d'entre nous devons nous réunir pour discuter ensemble. Des discussions comme celles-ci sont très riches et fructueuses. Il nous faut adopter des approches intégrées. Je ne dirais pas que le financement de la recherche sur le climat est insuffisant. Je pense que le financement est adéquat. Il est cependant extrêmement difficile d'obtenir des fonds pour la mise en oeuvre d'approches intégrées. Moi, je suis un spécialiste des répercussions socio-économiques, M. van Kooten, du coût économique des puits de carbone et M. Weaver, de la modélisation. Malheureusement, nous parvenons mal au Canada à intégrer nos connaissances. Les études d'évaluation intégrée sont rares.

Nous devons aussi établir davantage de partenariats. Nous avons essayé d'établir des partenariats avec les organismes fédéraux, le CCMAC, c'est-à-dire le Centre canadien de modélisation et d'analyse climatiques et l'Institut national de recherche sur les eaux dans le domaine du changement climatique afin de profiter de l'expérience d'autres chercheurs que les chercheurs universitaires. L'adoption d'une approche intégrée et l'établissement de partenariats sont certainement les investissements les plus rentables que nous puissions faire.

Le président: C'est ce que fait le RCRICA.

M. Lonergan: Le RCRICA oeuvre à l'échelle communautaire et il appartient aussi à des réseaux de recherche plus vastes comme le Réseau canadien des recherches climatiques. Les efforts du réseau ont connu un succès limité. Pour ce qui est de la recherche de base, elle doit être menée dans les universités ainsi que dans les centres fédéraux et doit faire appel à la participation d'autres groupes.

Le sénateur Day: Comment vous êtes vous tous retrouvés à l'Université de Victoria?

M. van Kooten: J'ai été recruté à partir des États-Unis. Je suis un Canadien qui est allé enseigner aux États-Unis et j'ai été recruté dans le cadre du Programme des chaires de recherche du Canada. L'initiative est surtout venue de l'administration de l'université.

Le sénateur Day: L'université s'est donc dit qu'elle voulait favoriser une approche intégrée dans le domaine du changement climatique.

M. Lonergan: M. van Kooten a été recruté après qu'un groupe d'entre nous ait présenté une importante proposition en vue d'une évaluation intégrée des recherches sur le changement climatique. Nous avons décidé qu'il nous fallait un économiste et nous l'avons recruté.

Je suis arrivé à l'université à mi-chemin dans ma carrière il y a environ 12 ans. Je venais de l'Université McMaster. Je ne suis pas venu ici pour faire de la recherche sur le changement climatique, ce que je faisais déjà à l'époque, mais parce qu'on créait à l'université de nouveaux centres de recherche. J'ai créé un centre dans le domaine du développement durable. L'Université de Victoria faisait la promotion d'un type d'entrepreneuriat et c'est la raison pour laquelle j'y suis venu. Un certain nombre de chercheurs de niveau intermédiaire et de niveau supérieur sont aussi arrivés à l'université à ce moment pour étudier les sciences de la terre et de l'océan ainsi que le changement climatique. La mise sur pied du laboratoire fédéral de modélisation climatique à Victoria au milieu des années 90 a aussi beaucoup contribué à augmenter nos connaissances dans le domaine du changement climatique. Au fil du temps, des chercheurs extrêmement talentueux se sont joints au groupe étudiant le changement climatique.

M. Weaver: Je suis né à Victoria et c'est la famille qui compte le plus pour moi. Je voulais des enfants. Je venais du Québec et j'enseignais à l'Université McGill. Comme ma femme, je souhaitais que mes enfants grandissent près de leurs grands-parents. Voilà pourquoi je suis ici.

Environnement Canada comptait des bureaux à Downsview, près de Toronto. Il s'agissait en fait d'une superbe initiative du ministère de l'Environnement. Le ministère voulait créer la nouvelle génération de modèle couplé, mais il n'est pas parvenu à attirer des océanographes comme moi-même à Toronto. Aucun océanographe ne voudrait aller à Toronto pour faire de la recherche océanographique parce que cette ville n'est pas située près d'un océan. On a donc décidé avec grande sagesse qu'il fallait créer un centre où se trouvaient les océanographes. Le ministère a donc progressivement déménagé son laboratoire ici pour créer la nouvelle génération de modèle couplé. Tout le laboratoire gouvernemental se trouve dans le même couloir que mon groupe et moi-même.

M. Djilali: C'est en fait le résultat d'une stratégie qu'a mise en oeuvre l'université au cours des trois ou quatre dernières années seulement. D'importantes synergies se sont produites en raison de la convergence des intérêts entre les divers chercheurs et leurs facultés. J'ai commencé ma carrière comme ingénieur aérospatial. Je ne travaille dans le domaine des systèmes énergétiques que depuis environ sept ans.

M. Weaver: Cela revient presqu'à ce que je disais au sujet des discussions dans les couloirs. Nous avons appris à nous connaître simplement parce que nous nous rencontrons dans les couloirs et lors de réunions.

Le sénateur Day: Je suis convaincu que ce genre d'intégration est nécessaire dans une vaste gamme de domaines. Je me demande si nous ne pourrions pas formuler des recommandations afin de favoriser cette intégration dans divers secteurs comme l'agriculture et la foresterie. Il faudrait que vous puissiez aussi profiter des connaissances de spécialistes de ces domaines.

M. Djilali: Il faut disposer des moyens voulus pour que cela soit possible. À l'heure actuelle, les centres de recherche universitaire et les instituts nationaux ne disposent sans doute pas de crédits suffisants. La structure actuelle ne favorise pas la constitution d'une masse critique. Une bonne partie des fonds part en frais généraux. Par conséquent, les investissements consentis ne sont pas aussi productifs qu'ils pourraient l'être.

L'autre point important — et je voudrais que le comité retienne ce message lorsqu'il établira des stratégies de financement —, c'est que les décisionnaires doivent se rendre compte qu'il est impossible de proposer une approche adaptée à toutes les circonstances. Il existe donc des cadres de financement qui conviennent aux recherches dans le secteur des communications ou dans le secteur forestier, mais qui ne conviennent pas dans d'autres domaines. De nombreux investissements ont été consentis au cours des trois ou quatre dernières années dans le domaine des technologies énergétiques propres. Dans bien des cas, ces investissements reposent sur des partenariats, lesquels sont bons en principe, mais les chercheurs sont souvent contraints d'établir des partenariats avec un laboratoire gouvernemental, avec l'université ou avec un partenaire industriel. Pour montrer que le partenaire industriel est un vrai partenaire, on exige souvent qu'il contribue 30 p. 100 des fonds.

Dans un secteur où les capitaux à risque sont tellement importants, il n'est pas possible de s'attendre à ce qu'un partenaire fournisse 30 p. 100 des fonds de démarrage. C'est une formule qui convient bien à un secteur qui produit et vend des biens, mais qui n'est pas adapté à ce secteur-ci. Les fonds existent cependant.

Je me permets de donner en exemple le Fonds d'appui technologique au développement durable. Il est sous-utilisé. Le fonds compte 100 millions de dollars. Au cours de la première année, seulement 10 p. 100 des fonds ont été attribués parce que les cadres de financement sont inadéquats.

Le sénateur Day: Nous pourrions discuter de cette question tout l'après-midi et j'aimerais que nous puissions le faire, mais nous manquons malheureusement de temps. J'aimerais vous poser deux ou trois questions portant sur d'autres domaines.

Au Canada, existe-t-il d'autres centres d'excellence comme celui de l'Université de Victoria?

M. Weaver: Le projet Ouranos au Québec est une tentative en ce sens qui en est à ses débuts. Hydro-Québec participe à ce projet parce que c'est une société qui doit vraiment mieux comprendre le phénomène du changement climatique, lequel peut influer sur la quantité d'eau disponible. Hydro-Québec est un partenaire évident. Il y en a très peu d'autres. Le Service de la faune possède un centre qui n'étudie pas vraiment le changement climatique. Il existe donc le centre Ouranos et celui de l'Université de Victoria.

Moi, je refuserais d'établir un partenariat avec une industrie dans mon secteur de recherche. Ce serait impossible. Si j'établissais un partenariat avec une société pétrolière, je ne serais plus crédible. Ce serait la même chose si j'établissais un partenariat avec la Fondation Suzuki. Je ne peux pas m'associer avec des organismes auxquels on attribue un parti pris. Je ne peux pas leur demander de fonds et je ne peux pas non plus m'adresser à des fondations comme la FCI.

Il y a aussi un problème de locaux qui se pose en ce qui touche les partenariats. Les universités sont financées par les provinces et il existe des formules de financement en fonction desquelles on calcule les locaux dont peut disposer une université. Cette formule se fonde sur le nombre d'étudiants et de professeurs, tous les professeurs étant sur le même pied d'égalité. Nous ne pourrions pas obtenir de l'université qu'elle finance la construction d'un immeuble où nous pourrions faire nos travaux. Il faudrait que nous nous adressions ailleurs pour obtenir ces fonds, mais il n'existe pas d'organisme qui finance ce genre de projet.

Le sénateur Day: Pensez-vous que l'Internet et les publications scientifiques favorisent le transfert de connaissances technologiques des spécialistes de votre domaine vers ceux des technologies de recherche appliquée?

M. Weaver: Tout à fait. Presque toutes les publications contiennent des articles sur la science du climat. Moi, j'ai donné des centaines d'entrevues aux médias au cours des dernières années et j'ai publié des articles dans de nombreux journaux scientifiques. Ces journaux constituent notre moyen de communication et les médias se chargent ensuite de diffuser cette information auprès du public. Ce n'est que de cette façon qu'on peut aborder les questions qui revêtent de l'importance pour la société. Nous devons cependant nous assurer que le message qui est transmis par les médias soit exact et qu'il ne soit pas déformé.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant: J'oublie si vous avez parlé de l'établissement de partenariats avec le gouvernement.

M. Weaver: Ces partenariats sont nombreux. Le laboratoire du gouvernement fédéral en est un très bon exemple. Le Réseau canadien des recherches climatiques qui existait autrefois était un parfait exemple de ce genre de partenariat. En fait, c'est le modèle dont on s'est inspiré pour créer le Réseau canadien de recherche sur les impacts climatiques et l'adaptation.

Le président suppléant: Vous vous souviendrez peut-être que des scientifiques ont témoigné sous serment devant le comité que les seuls scientifiques indépendants étaient ceux qui étaient à la retraite parce qu'ils ne travaillaient ni pour le gouvernement, ni pour l'industrie.

M. Weaver: Vous m'avez entendu parler. Je puis vous assurer que je suis indépendant. Personne ne me dira jamais ce que je dois dire. Ce n'est tout simplement pas la vérité.

Le président suppléant: Très bien.

Le sénateur Tkachuk: Nous avons discuté ce matin des causes du changement climatique. Je vais vous poser la même question que j'ai posée à nos témoins de ce matin. La crête sur le graphique est-elle attribuable à des événements naturels ou est-elle exacerbée par les émissions de CO2? Est-elle complètement attribuable à ces émissions?

M. Weaver: On peut prouver au-delà de tout doute raisonnable qu'elle est attribuable au dioxyde de carbone dans l'atmosphère et qu'elle est liée aux émissions produites par l'homme. Tout à fait. Le problème, c'est que la plupart des gens tirent leur information des médias. Nous ne connaissons aucun mécanisme qui aurait pu causer le réchauffement.

Le sénateur Tkachuk: Il s'agit d'une augmentation de un degré en 100 ans.

M. Weaver: C'est juste, mais c'est énorme. C'est une moyenne globale de un degré. La différence entre la dernière époque glaciaire et l'époque actuelle est seulement de 3,5 degrés à l'échelle mondiale. Au cours des 10 000 dernières années, soit depuis l'apparition de la civilisation, la température n'a augmenté que d'un demi-degré à l'échelle mondiale. C'est l'augmentation mondiale maximale.

On entend dire que la civilisation en Europe du Nord s'est adaptée aux fluctuations du climat. On donne en exemple les Vikings et le Groenland. Il s'agit d'un climat local et non pas du climat mondial. Un changement dans le climat mondial est un changement dans la température moyenne à l'échelle mondiale et nous pouvons affirmer que ce changement est incontestablement dû à l'augmentation des gaz à effet de serre.

C'est de la physique très simple qui remonte à Svante Arrhenius. Vous pouvez vous demander comment nous savons d'où proviennent ces émissions? Il suffit de se demander d'où sont venus les combustibles fossiles? Ils sont d'abord venus de l'atmosphère. Les dinosaures régnaient sur terre à l'époque du Crétacé, du Jurassique et de l'âge triasique. Le pétrole ce n'est pas tout à fait des dinosaures morts, mais c'est du matériel biologique mort. Ce processus a pris des millions et des millions d'années. Le climat était beaucoup plus chaud à cette époque en raison de l'existence de gaz à effet de serre. Nous libérons maintenant le carbone séquestré au cours de millions d'années. Voilà la différence. Le climat met cependant beaucoup de temps à se réchauffer.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez cité des exemples d'articles qui paraissent dans les journaux. Il semblerait qu'il y ait des scientifiques qui ne sont pas d'accord avec vous. Le réchauffement de la planète et les émissions de CO2 font les manchettes. Une grande campagne de propagande est en cours. Le moindre petit changement dans le climat et la moindre catastrophe sont attribués au changement climatique.

M. Weaver: Vous avez raison.

Le sénateur Tkachuk: Les gens finissent par en avoir assez. Vous ne pouvez vous en prendre qu'à vous-même et à d'autres comme vous pour cela.

M. Weaver: Vous avez absolument raison. Ainsi, on fera un lien entre la tempête de verglas au Québec et le réchauffement de la planète. On attribuera aussi au réchauffement global le déversement de la rivière Badger.

Les journaux nationaux ont fait paraître des articles dont je suis l'auteur et dans lesquels je faisais valoir qu'on ne pouvait pas attribuer au réchauffement de la planète des phénomènes climatiques qui se produisent. C'est impossible de le faire parce que le climat est par définition l'établissement de statistiques sur le temps. C'est la distribution de la fréquence de ces phénomènes. Il y a des possibilités de précipitations. Le climat est la répartition des possibilités de précipitations et la façon dont ces précipitations changent à mesure que le climat change. Le climat n'est pas un phénomène individuel. Toute personne qui attribue au changement climatique un phénomène individuel comme une inondation se trompe parce que c'est impossible à prouver.

Le sénateur Tkachuk: Donc, vous n'admettez même pas la possibilité que les changements que nous vivons à notre époque précise de l'histoire soient partiellement associés à des événements naturels, le changement étant peut-être accéléré par les émissions de gaz carbonique?

M. Weaver: Non.

Le sénateur Tkachuk: Vous n'acceptez absolument pas cette possibilité?

M. Weaver: Non. Si vous examinez la concentration de dioxyde de carbone atmosphérique depuis 20 millions d'années — laissons de côté l'échelle historique de la dérive des continents, et disons plutôt depuis 400 000 ans —, le taux n'a jamais dépassé 300 parties par million. Jamais. Aujourd'hui, nous en sommes à 370 parties par million.

Ce dont il est question ici, c'est d'un problème planétaire. Je ne peux pas vous donner d'information sur un événement à l'échelle d'une province. Je peux vous parler d'un problème planétaire.

Je voudrais confronter les sceptiques. Le National Post a publié un article sur le changement climatique, un long article prétendant démolir dix mythes sur le changement climatique. Je vais l'afficher sur l'écran ici. La raison pour laquelle je vous montre cela, c'est que la stratégie adoptée ressemble beaucoup à celle que l'on avait adoptée dans le débat sur l'amincissement de la couche d'ozone. On utilise l'approche du fusil de chasse pour enrayer l'élaboration des politiques. On tire sans discernement sur tout ce qui bouge, en espérant que l'un des plombs atteindra une cible. Cela me fait penser à l'avocat de la défense qui sait qu'il a perdu sa cause et qui lance toutes sortes d'arguments sans aucun lien les uns avec les autres, en espérant qu'un argument retiendra l'attention et suscitera un doute.

Le sénateur Tkachuk: Est-il possible que ce soit tout simplement un débat franc et ouvert, ou bien à votre opinion, n'y a-t-il pas de place pour cela?

M. Weaver: Non, parce qu'un débat franc et ouvert au sein de la communauté scientifique ne se passe pas dans les pages d'opinion des grands journaux. Un débat franc et ouvert au sein de la communauté scientifique se passe dans les pages des revues scientifiques. Or nous n'avons pas un tel débat dans nos revues et journaux scientifiques. Les scientifiques, pour la plupart, ne prennent pas la parole en public pour discuter de leur discipline scientifique. En général, ils sont plutôt timides.

Le sénateur Tkachuk: Vous affirmez qu'il n'y a pas de débat au sein de la communauté scientifique au sujet de cette question, que c'est un sujet qui est mort et enterré?

M. Weaver: Non. En fait...

Le sénateur Tkachuk: Je n'accepte pas cela.

M. Weaver: Vous devriez. Dans les milieux scientifiques, le débat s'articule autour des répercussions régionales du changement climatique, des rétroactions. Quelle est la rétroaction des nuages? Le débat ne tourne pas autour de la question de savoir si le réchauffement de la planète est en cours, ou si le dioxyde de carbone continue d'altérer la température.

Permettez-moi de vous donner un autre exemple. On a voulu m'inviter à l'émission Canada AM pour participer à un débat au sujet de la climatologie. J'ai accepté l'invitation, tout en précisant que je ne participerais pas à un débat avec n'importe quel scientifique. J'ai posé comme condition d'affronter un expert des sciences atmosphériques. Vous savez quoi? Ils n'ont pas pu en trouver un.

La seule fois où cela s'est produit, je me suis entretenu avec Dick Lindzen, scientifique éminent au MIT. Le compte rendu de notre discussion a été publié dans le L.A. Times; tout cela est du domaine public. Au cours de ce débat, nous nous sommes pratiquement entendus sur toute la ligne.

Pour en revenir à l'article de journal dont je parlais, on y affirmait, entre autres: le dioxyde de carbone «empêche la Terre d'être enfermée dans un âge de glace perpétuel.» Voilà l'argument qui est avancé ici pour faire croire qu'il ne s'agit pas de polluants et expliquer son importance. À cela, j'ai répondu: «Pourquoi en est-il ainsi?» Parce qu'il s'agit d'un gaz à effet de serre. Cela n'a aucun sens. En guise de contre-argument, on fait valoir que le dioxyde de carbone a intrinsèquement un bon côté puisqu'«il empêche la Terre d'être enfermée dans un âge de glace perpétuel». Ils torpillent leur propre argument en reconnaissant que le dioxyde de carbone réchauffe la planète. C'est précisément pourquoi c'est un gaz à effet de serre. Voilà le niveau de cohérence de l'argumentation propre à l'approche du fusil de chasse. Cinq mythes plus tard, ils réitèrent que le dioxyde de carbone joue un rôle important puisqu'il empêche le retour à une ère glacière. Et pourquoi? Parce qu'il s'agit d'un gaz à effet de serre. C'est absolument ridicule!

Le sénateur LaPierre: La morale de l'histoire, c'est qu'il ne faut jamais lire le National Post. Comme j'en ai toujours été convaincu, je vous remercie beaucoup.

Le sénateur Tkachuk: Je pense que c'était sans doute l'une des meilleures émissions du pays à laquelle vous avez participé.

M. Weaver: Savez-vous pourquoi je refuse de participer, c'est parce qu'il y a — qui sont les sceptiques? Parmi eux, parmi les Canadiens, il n'y avait pas de spécialistes de l'atmosphère. Nous avons des paléontologistes, des géographes.

Le sénateur Tkachuk: Des géologues. Vous êtes un mathématicien.

M. Weaver: Par définition, la physique est un sujet mathématique.

Le sénateur Tkachuk: Je sais cela.

M. Weaver: La géologie n'est pas un sujet mathématique. Je ne vais pas vous parler de la formation de roches. Devrais-je discuter avec vous de la politique du libre-échange? Non. J'ai peut-être des opinions, mais elles ne seront pas rapportées dans les journaux nationaux. Cependant, dans ce dossier aux résonances profondes, des opinions comme celles-là s'y retrouvent car les médias cherchent toujours des opinions dissidentes pour présenter dans leurs reportages les deux côtés de la médaille. C'est du pur média 101.

Le sénateur Tkachuk: Je sais. Le même argument vaut aussi en politique.

Monsieur van Kooten, vous avez évoqué l'idée d'une taxe sur le carbone. Si le Canada devait imposer une telle taxe, sans que le reste du monde lui emboîte le pas, comment cela fonctionnerait-il?

M. van Kooten: Il s'agirait simplement d'une politique canadienne. Les Pays-Bas ont imposé une taxe sur le carbone. Pourquoi serait-ce différent?

Le sénateur Tkachuk: Disons que les pays qui ont imposé une taxe sur le carbone — je ne suis ni pour ni contre. En fait, je suis d'accord avec vous pour dire qu'on ne devrait pas employer des méthodes répressives pour réaliser les objectifs de Kyoto. Je ne suis pas un partisan de Kyoto.

M. van Kooten: Moi non plus, et je lis le National Post.

Le sénateur Tkachuk: Si nous imposions une taxe sur le carbone et si les pays signataires de l'accord en imposaient une également, en supposant que l'on réduise les quantités de combustibles fossiles que nous utilisons, cela n'aurait-il pas pour effet d'en diminuer le prix pour ceux qui n'ont pas signé Kyoto?

M. van Kooten: Absolument.

Le sénateur Tkachuk: Cela ne les inciterait-il pas à utiliser davantage de combustibles fossiles? Il me semble que c'est ce qui se passerait.

M. van Kooten: Bien sûr. Et c'est la même chose dans le cas des échanges d'émissions. Si l'on impose un plafond aux émissions, on réduit la demande au Canada, ce qui augmente l'offre de combustibles fossiles ailleurs. RCRICA 101.

Le sénateur Tkachuk: Mais maintenant que nous avons adhéré à Kyoto, quel est votre argument?

M. van Kooten: Je soutiens que pour respecter ses obligations, le Canada doit imposer une taxe sur le carbone. C'est la façon de faire la moins coûteuse. Ensuite, il nous faudra recycler les recettes de la taxe pour obtenir un double dividende. Il nous faut d'une façon ou d'une autre trouver le moyen d'obtenir des crédits au titre du carbone, des compensations découlant des puits de carbone terrestre. Pour y arriver, il faut utiliser les recettes de la taxe pour subventionner et d'une façon quelconque accréditer les gens qui emmagasinent le carbone dans ces puits. Une fois que ce carbone est rejeté dans l'atmosphère, il faut imposer les mêmes personnes qui ont obtenu la subvention.

Le sénateur Tkachuk: Monsieur Lonergan, vous avez mentionné les cinq pays responsables au premier chef des émissions de CO2. Quels étaient-ils?

M. Lonergan: Les États-Unis, la Grande-Bretagne.

Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.

Le président: La Chine.

M. Lonergan: Non, il s'agissait de pays industrialisés, entre 1950 et 2000. Les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, je crois, l'Allemagne.

M. van Kooten: Le Japon

M. Lonergan: Peut-être le Japon, oui. C'était ces cinq pays.

Le sénateur Tkachuk: Là où la plupart des gens dans le monde souhaitent vivre, en somme.

Le sénateur Day: Le Canada ne figurait pas sur cette liste.

Le sénateur Tkachuk: Non, mais le Canada est un important producteur par habitant.

M. Lonergan: Oui, par habitant.

Le sénateur Tkachuk: Et l'un des pourcentages les plus élevés dans le monde, n'est-ce pas?

M. Lonergan: Je parlais des émissions totales. C'était une simple constatation, la reconnaissance du fait que la plupart des émissions de CO2 survenues au cours du siècle dernier émanaient des pays industrialisés. C'est une simple admission de ce fait.

Le sénateur Tkachuk: Je vois.

M. Lonergan: Par conséquent, la cause du problème se trouve fondamentalement dans les pays développés.

Le sénateur Tkachuk: Les pays en voie de développement se trouvent-ils pour autant blanchis?

M. Lonergan: Non, pas du tout. En fait, les économies de l'Inde et de la Chine connaissent une croissance rapide, de même que leur quantité d'émissions de CO2. À l'heure actuelle, si je ne m'abuse, la Chine vient au deuxième rang des pays sources d'émissions de CO2 dans le monde. Dans les pays industrialisés, on s'inquiète énormément de la croissance de ces économies et de la possibilité qu'elles contribuent au problème du réchauffement de la planète. Ces pays sont extrêmement réticents à adhérer à un accord international car ils ne veulent pas freiner la marche de leurs économies.

Dans le champ des sciences sociales, l'un des plus grands défis qui se posera au cours des deux prochaines décennies environ sera d'intégrer la Chine, l'Inde et les autres économies en rapide expansion à la Convention-cadre internationale sur l'évolution du climat.

Le sénateur Tkachuk: Les partisans de Kyoto font souvent valoir que l'accord aura une incidence économique positive en raison de tous les efforts de recherche qu'il suscitera, etc. Par contre, bon nombre de ses détracteurs affirment qu'il ralentira notre économie qui se porte fort bien à l'heure actuelle.

M. Lonergan: Je n'aime pas réduire la discussion à des arguments strictement économiques, et c'est ce qui s'est passé dans le débat au Canada depuis six mois. C'est beaucoup plus qu'un débat économique.

Premièrement, Kyoto offre des occasions de développement énorme aux entreprises canadiennes du secteur privé dans le domaine de l'acquisition et du transfert de la technologie propre. Il y a des avantages associés à Kyoto qui ne sont pas de nature économique et qu'on passe sous licence. Je songe aux avantages liés aux autres écosystèmes, outre les systèmes humains. Tout le débat sur le nombre d'emplois qui seraient gagnés ou perdus dans une région particulière d'une province a vraiment rabaissé le niveau de la discussion sur le réchauffement du climat, et j'estime que ce fut très malheureux.

Je préférerais qu'on ne limite pas le champ de la discussion à l'aspect économique car c'est beaucoup plus vaste que cela.

M. van Kooten: Tout dépend de la façon dont on mesure les avantages économiques. En tant qu'économistes, nous les mesurons sous la forme d'un surplus qui revient aux consommateurs ou aux producteurs. Par conséquent, les chiffres que j'ai cités concernaient les coûts véritables pour les consommateurs ou les producteurs, et cela tient compte de l'évolution des technologies. Nous prenons cela en compte. À un moment donné, j'ai entendu le ministre déclarer que la tempête de verglas avait été une bénédiction puisqu'elle avait créé des emplois, etc. qui avaient fouetté la croissance au Québec. D'un point de vue économique, ce sont là des sornettes. Cette tempête de verglas a assurément engendré des coûts. Ce n'est pas parce que tout à coup une activité économique est générée qu'il faut en conclure qu'une tempête de verglas est un avantage.

Et la même chose vaut pour le réchauffement de la planète. La mise en œuvre de l'accord de Kyoto entraînera des coûts. C'est incontournable.

M. Lonergan: Il y a une chose à laquelle vous êtes beaucoup plus sensibilisés que nous, du milieu académique. On ne saurait trop insister sur l'importance de forger un accord international...

M. Weaver: C'est tout ce que c'est.

M. Lonergan: ... sur une question environnementale comme celle-ci. Mis à part toutes les considérations strictement économiques, pour moi cela représente une réalisation absolument incroyable. Ceux d'entre vous qui se collettent avec ces problèmes constamment — et ce depuis longtemps — comprennent certainement ma réaction. Ceux d'entre nous qui n'ont qu'un bref aperçu des discussions de politique internationale et de l'élaboration des politiques et qui après dix minutes de discussion sont frustrés et quittent la salle sont aussi absolument ébahis par la tournure des événements. Je pense que Kyoto est un grand pas en avant, même si son influence sur le climat sera vraiment minime, comme Andrew l'a fait remarquer.

Le sénateur Tkachuk: Je crains que c'est ce qu'on prétexte pour ne pas faire le travail qui doit être fait.

M. Weaver: Tout à fait.

Le sénateur Tkachuk: J'accepte mal que les pays émergents nous reprochent d'avoir pollué, c'est-à-dire d'avoir eu le droit de polluer et de s'enrichir — ce qui les amène à conclure que la seule façon de s'enrichir est de continuer à polluer. C'est un argument ridicule qu'ils avancent impunément.

Je pense que l'accord de Kyoto risque de s'avérer une mauvaise chose, mais le temps le dira.

M. van Kooten: C'était aussi mon avis. J'estime que nous n'aurions jamais dû le ratifier et que la communauté internationale en fera un désastre.

Le sénateur LaPierre: Monsieur le président, essentiellement, je n'ai que quelques commentaires à faire. Je suis scandalisé par ce qui s'est dit aujourd'hui, cet après-midi, dans cette salle. Je ne ferai pas mes commentaires maintenant, je les ferai à huis clos.

Le sénateur Hubley: Monsieur Weaver, êtes-vous aussi versé dans le domaine des océans?

M. Weaver: Oui. J'ai une formation en mathématique, en météorologie et en dynamique atmosphérique. La plupart des gens diraient que mon expertise concerne le rôle des océans dans l'évolution du climat. Par conséquent, la réponse est oui.

Le sénateur Hubley: Vous n'avez guère parlé des océans dans votre exposé aujourd'hui. Je me demande toutefois si vous ne voudriez pas ajouter quelque chose au sujet des océans et de leur rôle dans nos discussions.

M. Weaver: Cela revient à votre question au sujet de Kyoto. Kyoto est une occasion ratée pour le Canada. Les discussions concernant les puits terrestres, etc. représentent une goutte d'eau dans l'océan. La biosphère terrestre et ses puits de carbone sont insignifiants comparativement au potentiel de carbone que peut absorber et émettre l'océan. Il y a une différence immense en termes d'ordre de grandeur. En ce qui me concerne, il est tout à fait non pertinent d'envisager une politique visant à atténuer les changements en modifiant les puits de carbone terrestre. La véritable question aurait été de savoir comment nous pouvons tirer parti des puits potentiels qui peuvent exister dans l'océan pour favoriser l'absorption du gaz carbonique. Cela aurait été une bonne stratégie d'atténuation car c'est là que le phénomène d'absorption peut se produire. Il ne peut se produire sur la terre. À mon avis, c'est une politique ridicule.

Le sénateur Hubley: Monsieur Lonergan, vous avez beaucoup parlé de vulnérabilité. Entendez-vous par là l'incapacité de s'adapter?

M. Lonergan: L'adaptation est une composante de la vulnérabilité. Une fois qu'on a identifié une population vulnérable, on peut examiner les diverses stratégies d'adaptation qui ont été utilisées.

Je regrette de reprendre encore une fois un exemple d'Afrique, mais c'est là que j'ai puisé une partie de mon expérience. En présence de collectivités qui ont connu d'importantes sécheresses depuis 20 ou 30 ans, nous pouvons étudier comment elles s'en sont tirées. En prenant note de ces stratégies d'adaptation, nous pouvons élaborer des politiques qui aideront d'autres communautés qui risquent de faire face au même stress environnemental.

Le sénateur Hubley: Y a-t-il en Afrique des modèles qui pourraient s'appliquer à la situation canadienne?

M. Lonergan: Je ne dirais pas qu'il existe un modèle. Toutefois, dans le cadre de l'une de nos études d'impact sur le Bassin du Mackenzie — je pense que Stuart Cohen vous en a parlé il y a quelques semaines — nous avons pris une collectivité septentrionale des Territoires du Nord-Ouest en bordure du Mackenzie et nous avons examiné dans quelle mesure elle avait été touchée par le changement climatique. Nous avons adopté au départ la notion qu'Andrew vient de critiquer, soit qu'on ne peut pas vraiment étudier une collectivité précise pour voir dans quelle mesure elle a été touchée par le changement climatique. Nous avons constaté que ces gens-là n'avaient jamais entendu parler du changement du climat, et qu'ils ne s'en souciaient pas. C'était il y a environ six ou sept ans. Par conséquent, il nous a fallu aborder le problème sous un autre angle.

Nous avons discuté avec les résidents des questions environnementales qui les préoccupaient vraiment. Il va de soi que tout changement dans l'utilisation du territoire les touchait de près. Ensuite, nous leur avons parlé de l'année où les précipitations ont été abondantes, ou de l'année au cours de laquelle les températures ont atteint des sommets, il n'y a pas si longtemps. Nous nous sommes intéressés à l'histoire orale, ce qui nous a appris comment ces collectivités s'étaient adaptées et quels types de changements au niveau de l'utilisation du territoire s'étaient produits dans les circonstances. En bout de ligne, nous nous sommes rendu compte que cette idée d'examiner directement les causes du changement climatique et ses effets sur les collectivités était ridicule.

En fait, nous avons pris un modèle canadien, une idée que nous avions élaborée, et nous l'avons appliqué à l'Afrique. Autrement dit, nous avons fait l'inverse. Nous avons utilisé cette approche dans deux ou trois collectivités autochtones. Nous avons découvert quels enjeux liés à la terre ou aux ressources étaient importants pour elles. Ensuite, nous avons cherché à savoir quels effets des événements climatiques ou climatologiques extrêmes avaient eus sur leur évolution dans le passé. Pour ce faire, nous avons fouillé dans l'histoire orale, nous avons enregistré des relations orales, ce qui nous a donné une idée de la façon dont ces collectivités se sont adaptées aux changements météorologiques et climatiques qui nous attendent peut-être à l'avenir.

Ce fut certainement une façon à la fois intéressante et efficace de procéder. D'ailleurs, le fait que nous enregistrions leurs histoires orales a été fort bien accueilli par un grand nombre de communautés autochtones.

Le sénateur Hubley: Je vais vous présenter un petit modèle que nous avons eu l'occasion de voir. Il s'agit d'un projet concret, d'une exploitation agricole comportant un vaste élevage de porcs, de poules et de moutons. Les propriétaires ont un système qui leur permet d'acheminer le fumier dans un réservoir couvert. Le méthane en est extrait et acheminé dans un moteur qui, à son tour, fournit l'énergie pour toute l'exploitation. Le reste est vendu au réseau. Avec l'argent qu'ils font, ils pensent pouvoir rentabiliser leur système d'ici cinq ou six ans. Ils ont fait un investissement de 2,4 millions de dollars et ils songent à prendre de l'expansion.

Je relate cela parce que je veux que M. van Kooten commente les facteurs économiques qui sont en jeu ici. La voie vers la décarbonisation passe par le gaz méthane, et non l'hydrogène; en terme d'acceptabilité, c'était ce qui venait juste après.

M. van Kooten: Où est située cette ferme?

Le sénateur Hubley: En Alberta.

M. van Kooten: En Alberta?

M. Weaver: C'est la seule province où l'on est autorisé à vendre au réseau.

Le président: Non, c'est aussi possible en Nouvelle-Écosse.

M. van Kooten: En Colombie-Britannique, à une époque, on brûlait les résidus des scieries. Les propriétaires n'étaient pas autorisés à produire de l'électricité et à la vendre au réseau. Dès lors que c'est autorisé, les gens sont encouragés à le faire. Advenant qu'il y ait une taxe sur le carbone, ce qui rendra l'énergie encore plus précieuse, il deviendra même plus rentable pour les gens de générer leur propre électricité.

C'est un très bon exemple et c'est le genre de chose que nous voulons encourager en tant qu'économistes.

Le sénateur Hubley: Oui, j'ai trouvé que c'était un petit projet formidable.

Le président: L'un des bons côtés, c'est qu'on utilise le fumier. L'élimination du fumier est un problème. Or, ces gens-là ne l'évacuaient pas; ils s'en servaient pour fabriquer de l'électricité.

M. van Kooten: L'Alberta n'a pas de problème d'élimination des déchets comparativement aux Pays-Bas, par exemple. Les Pays-Bas sont de taille comparable à l'île de Vancouver, et ils ont 30 millions de porcs, 16 millions d'habitants et qui sait combien de poulets.

Le sénateur Hubley: Cela montre qu'il y a des modèles, des réussites.

M. van Kooten: Aux Pays-Bas, on utilise un mégamodèle, un système de comptabilisation du minerai qui permet de garder la trace de tout minerai qui entre dans leur secteur agricole. Les Hollandais n'ont pas le choix de faire cela s'ils veulent prévenir la pollution. Maintenant, ils en sont à faire du commerce: ils achètent et vendent la capacité d'introduire de l'azote dans le sol.

Le sénateur Hubley: Monsieur van Kooten, vous avez dit qu'il fallait éviter la réglementation. Pouvez-vous nous en dire plus long à ce sujet?

M. van Kooten: Dans le contexte où j'ai mentionné cela, je voulais dire qu'il faudrait éviter de se lancer dans une économie de contrôle et de commandement où l'on applique une réglementation, où l'on dit à l'entreprise A qu'elle doit réduire ses émissions de 10 p. 100 et à l'entreprise B de les réduire de 10 p. 100. Il y aurait peut-être lieu de faire des économies en demandant à l'entreprise B de réduire ses émissions de 20 p. 100 et à l'entreprise A de ne pas les réduire du tout, mais de payer B pour qu'elle les réduise. Il est plus efficient et moins coûteux de fonctionner ainsi. Nous devons instaurer un mécanisme gouvernemental qui permette cela.

Le sénateur Hubley: Oui, un mécanisme souple.

Le sénateur Gustafson: J'ai une question au sujet de l'énergie nucléaire. Pourquoi sommes-nous tellement lents à comprendre que c'est peut-être la voie à suivre?

M. Weaver: Bon nombre d'entre nous l'affirment depuis longtemps déjà. S'agissant d'énergie nucléaire, deux voies technologiques existent. La première est celle de la guerre froide, dont le sous-produit est la bombe au plutonium — par exemple, la Corée à l'heure actuelle. L'autre est la voie du CANDU, qui n'engendre pas ce type de sous-produit.

Dans le cas de catastrophes comme celle de Tchernobyl, les gens ont peur de ce qu'ils ne peuvent pas voir. L'hystérie s'installe. En général, les scientifiques ne mènent pas la charge. Au sujet du changement climatique, ce sont les scientifiques qui prennent la parole, ce qui n'est pas le cas au sujet de l'énergie nucléaire. Ce sont des groupes représentant divers éléments de la société qui s'en inquiètent. Le problème de l'énergie nucléaire, c'est que les pressions populaires ont entravé le développement technologique de cette source d'énergie.

Les déchets nucléaires ne sont rien de plus que des déchets énergétiques. On aurait dû avoir une technologie permettant d'extraire cette énergie à faible rendement thermique et de l'exploiter.

Le sénateur Day: Je suis tout à fait d'accord.

Le président: Mais la catastrophe de Tchernobyl a bel et bien eu lieu.

M. Weaver: Effectivement, mais elle est survenue dans un réacteur totalement différent du réacteur CANDU. Elle n'aurait pas pu se produire dans un réacteur comme le CANDU. C'est un réacteur de l'ère de la guerre froide qui est en cause.

M. van Kooten: Le mari de l'une de mes étudiantes de troisième cycle se trouvait à Tchernobyl comme pompier le lendemain du jour où s'est arrivé.

Le sénateur Gustafson: En passant, l'un de vous connaît-il Ian Thorson?

M. Weaver: Non.

Le sénateur Gustafson: Nous avons grandi ensemble. Il a travaillé à Chalk River pendant des années. C'est sans doute l'une des personnes les plus brillantes que j'ai jamais rencontrées. Il y a 20 ans, il me disait déjà que nous devrions utiliser cette énergie.

Je me souviens d'avoir téléphoné au gouvernement de la Saskatchewan. Cette province a d'importants dépôts d'uranium.

Le sénateur Tkachuk: On peut en faire l'extraction, mais pas s'en servir. Vendez-le à la Corée du Nord.

Le sénateur Gustafson: Le ministre m'a dit que lorsque cette option deviendrait politiquement vendable, elle se concrétiserait. Il me semble qu'elle est en train de devenir politiquement viable.

M. Lonergan: J'ajouterais un bref commentaire: c'est simplement qu'il s'agit d'une forme de production d'énergie socialement inacceptable à l'heure actuelle.

Le sénateur Gustafson: À tort ou à raison.

M. Lonergan: C'est juste. M. van Kooten a avancé de bons arguments en faveur de l'imposition d'une taxe sur le carbone, mais cela ne sera pas intégré au plan du Canada car c'est tout simplement inacceptable au plan social. C'est entièrement une question sociale.

Le président: Je demanderais à chacun d'entre vous de nous dire brièvement ce que vous souhaitez voir dans notre rapport, notamment pour ce qui est de ses recommandations de politiques gouvernementales pour l'avenir en ce qui concerne notre sujet d'étude, et non Kyoto.

M. van Kooten: Il est très difficile de répondre. Je me demande souvent pourquoi la jachère est devenue tellement populaire après les études qui ont été faites à Indian Head. Il y a un maillon manquant entre la recherche et la vraie vie. À cet égard, les Américains ont une longueur d'avance, du moins en agriculture, car ils ont des agents de vulgarisation agricole. Il n'y a pas d'agents de vulgarisation rattachés à nos universités.

À mon avis, il faudrait calmer le jeu dans les médias et investir davantage de temps et d'énergie simplement à faire de la recherche et à laisser les chercheurs effectuer leur travail.

M. Lonergan: Le Canada compte certains des meilleurs chercheurs au monde en climatologie, et pourtant leur influence est diffuse car on ne fait pas d'efforts concertés pour les réunir grâce à des partenariats de financement et à des travaux de recherche intégrée dans ce domaine. Cela dit, il est indéniable que les meilleurs scientifiques du monde se trouvent ici, au Canada.

M. Weaver: Trois brefs commentaires. Premièrement: c'est un problème national qui exige un institut national avec un point de mire national et une équipe de chercheurs multidisciplinaire.

Deuxièmement: il faut cesser de prétendre qu'on peut régler le problème du changement climatique en manipulant la biosphère terrestre. C'est inutile. Cela ne va pas régler le problème, mais bien en retarder la solution. C'est un leurre. Je pense que c'est une mauvaise politique et qu'on manipule tout simplement les agriculteurs. En ce qui me concerne, ils ont déjà suffisamment de problèmes.

Troisièmement: la seule façon de progresser dans le dossier du changement climatique, c'est d'emprunter la voie qui nous mènera à l'ère de l'hydrogène, comme le propose M. Djilali. Et cela se fera uniquement si le gouvernement fédéral fait preuve de leadership et s'il investit dans la R-D les sommes nécessaires pour réaliser cette percée. Le président Bush vient d'annoncer que son gouvernement allait injecter 1,5 milliard de dollars dans la recherche sur la pile à hydrogène. À l'heure actuelle, le Canada est un chef de file dans ce domaine, mais l'élan va se déplacer au sud de la frontière ou encore au Japon ou en Europe. En bout de ligne, nous allons nous retrouver à acheter cette énergie de quelqu'un d'autre au lieu de la mettre au point ici. Le marché est planétaire. Tout le monde consomme de l'énergie. Nous sommes les chefs de file dans le domaine des énergies de remplacement.

Le président: Nous avons Ballard Power.

M. Weaver: Nous n'en avons que la moitié. Nous ne possédons plus qu'une mince partie de Ballard Power. Ford et d'autres compagnies américaines en possèdent la majorité. Si Ballard Power part en grande, je suis prêt à parier beaucoup que l'entreprise déménagera dans l'Illinois ou dans un autre État. Ballard Power va se relocaliser ailleurs.

Le président: Merci à tous de cette excellente présentation.

Nos témoins suivants sont M. Smith et Mme Neilsen. Vous avez la parole.

Mme Denise Neilsen, chercheuse, Centre de recherches en agroalimentaire du Pacifique, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Merci, monsieur le président, de nous donner l'occasion de participer à ce processus très stimulant. Il a été fort intéressant d'écouter les présentateurs et d'entendre vos réactions.

Contrairement au groupe qui nous a précédés, nous allons examiner les techniques d'évaluation des incidences du changement climatique à l'échelle locale. En l'occurrence, nous allons étudier les répercussions potentielles du changement climatique sur la gestion des ressources en eau à des fins agricoles dans le bassin de l'Okanagan. Pour ce faire, nous vous présenterons un diaporama PowerPoint.

Comme vous pouvez le voir, les terres agricoles du bassin de l'Okanagan sont majoritairement situées dans le fond de la vallée. Il s'agit des réserves de terres agricoles du bassin hydrographique de l'Okanagan.

L'approvisionnement en eau du bassin provient de plusieurs sources. L'eau vient surtout des réservoirs de retenue situés en amont des rivières qui alimentent le bras principal de la vallée de l'Okanagan. Nous avons ici le lac Okanagan. Il y a également des pompes installées dans certains affluents, et de l'eau est pompée à même la décharge principale du lac et dans la rivière. C'est important d'en prendre note compte tenu de ce que je vais dire à la fin de mon exposé.

Au sujet de l'utilisation de l'eau dans la vallée de l'Okanagan, nous verrons que l'eau détournée à des fins d'irrigation et d'utilisation domestique représente à peu près la moitié des précipitations qui tombent dans la vallée.

La vulnérabilité du secteur agricole dans le bassin de l'Okanagan n'est pas seulement attribuable aux questions climatiques. Nous avons la variabilité climatique, ce qui est un problème. Comme c'est une région semi-aride, pour que l'agriculture puisse exister, nous avons absolument besoin de l'irrigation. Les orages sont problématiques, en particulier s'ils s'accompagnent de grêle, parce que l'on produit dans la région des fruits et denrées de grande qualité. Ces denrées sont facilement endommagées par la grêle. De plus, il y a des problèmes de température. Par exemple, le froid peut endommager les arbres fruitiers et les vignes. Nous nous situons à la limite septentrionale pour la culture de beaucoup de ces fruits à chair tendre. Il y a le problème de la gelée qui peut endommager les fleurs et les fruits au printemps. À l'occasion, notre température devient trop chaude pour la production de vin de glace. Je vais vous montrer tout à l'heure des données à l'appui de cette affirmation. En été, les fruits peuvent également être endommagés par la chaleur pendant la canicule.

L'un de nos plus grands problèmes est la concurrence pour l'obtention de ressources. Comme l'Okanagan est un magnifique endroit où vivre, bien des gens veulent y habiter. La terre y coûte cher; pour que l'agriculture soit rentable, nous devons donc produire des cultures de grande valeur, et non pas des cultures de faible valeur. Il y a aussi concurrence pour l'eau, parce que l'agriculture, comme on l'a dit plusieurs fois, utilise une grande proportion de l'eau et de la capacité d'irrigation. L'Okanagan ne fait pas exception à la règle. Environ 70 p. 100 de l'eau qui est détournée sert à des fins agricoles.

Le changement climatique est également un aspect de la vulnérabilité du secteur agricole dans le bassin de l'Okanagan. Il y a l'incertitude que divers intervenants ont décrite à propos de la modélisation du changement climatique, et il y a la possibilité d'événements plus extrêmes, susceptibles de nuire à l'agriculture.

En termes de variabilité climatique, j'ai ici les dates de floraison d'une variété de pommier, soit la variété McIntosh, au Centre Summerland. Nous avons les données de manière continue pour la période allant de 1937 à 2000. La ligne que j'indique ici représente la date moyenne de la floraison. Lorsque la courbe tombe sous la ligne, la floraison est plus précoce; lorsque la courbe passe au-dessus de la ligne, la floraison a lieu plus tard. Il y a de grands écarts, mais il est manifeste que vers la fin du siècle, il y a eu une série d'années où la floraison a été très précoce. Donc, pour ce qui est de la variabilité du climat, à mesure que le siècle avançait, nous avions des dates de floraison de plus en plus précoces.

Un autre type de variabilité met en cause les températures en hiver. Nous connaissons maintenant des hivers au cours desquels les températures minimums ne sont pas les mêmes qu'au cours des hivers précédents. Le vin de glace exige une température minimum de moins 11 degrés Celsius. Comme on peut le voir ici, la date de récolte du vin de glace varie énormément, mais en moyenne, elle se situe de plus en plus tard. Si la tendance se maintient, nous ne serons peut-être plus en mesure de produire du vin de glace. Cette année, les vendanges ont eu lieu tout juste cette semaine. Par conséquent, la tendance se maintient.

J'insiste de nouveau sur la vulnérabilité en termes de concurrence pour l'obtention des terres et de l'eau. Voici le lac Osoyoos. Ici, c'est la localité d'Osoyoos. La frontière américaine est ici. Il y a de l'étalement urbain et les exigences transfrontalières en matière d'eau doivent être prises en compte dans l'équation. Nous avons un réseau fortement contrôlé pour lutter contre les inondations et encadrer la pêche. L'approvisionnement en eau pour l'agriculture, comme on l'a dit tout à l'heure, prend environ 70 à 80 p. 100 de l'eau détournée. Nous avons aussi d'autres besoins en eau pour les loisirs et aussi pour l'approvisionnement en eau domestique.

Nous sommes intéressés à étudier ce qui va se passer entre aujourd'hui et la deuxième moitié du siècle, c'est-à-dire jusqu'aux alentours de 2050. Si l'on examine ce qui s'est passé dans un passé récent, on constate qu'il y a eu beaucoup de variabilité. Ce graphique montre la tendance en termes de températures maximales dans le nord de l'Okanagan, à Vernon. Il y a une tendance à la hausse tout au long du siècle. Il y a donc beaucoup de variations, mais on constate aussi cette tendance à la hausse.

Par conséquent, comment pouvons-nous évaluer les besoins en eau en tenant compte des futurs changements climatiques? Nous avons utilisé un outil que nous avons mis au point pour la gestion de l'irrigation, à savoir une évaluation de la demande en eau agricole ou en eau d'irrigation à partir de certaines données sur le climat ou la température. En l'occurrence, nous examinons l'évapotranspiration, ce qui est tout simplement les besoins en eau de l'arbre, c'est-à-dire la transpiration de l'arbre, et l'évaporation qui se produit à partir du sol aux alentours de l'arbre. Pris ensemble, cela représente le besoin en eau des cultures. Le besoin en eau est dicté par la température et par le vent. Nous avons mis au point un modèle qui repose sur les données relatives à la température. À partir des données sur la température, nous pouvons obtenir une estimation des besoins en eau des cultures.

Nous devons aussi prendre des estimations du climat à partir d'un modèle de circulation planétaire, un modèle de circulation générale de l'atmosphère, comme ceux dont on discutait tout à l'heure. Quand nous avons créé cet outil pour la première fois, à cause de la complexité de la topographie du secteur, nous l'avons élaboré en fonction d'un modèle de circulation générale, à savoir le Modèle canadien de circulation générale no 1. Étant donné la très grande superficie des étendues quadrillées, nous avons dû ramener le tout à une échelle beaucoup plus petite, et nous l'avons fait en utilisant un modèle dont le sigle anglais est PRISM, ce qui veut dire parameter-elevation regressions on independant slopes model, ce qui nous a permis d'obtenir un quadrillage de quatre kilomètres sur quatre kilomètres.

Le troisième facteur dans notre processus de modélisation consiste à superposer ces données et d'autres données relatives à la répartition spéciale des cultures. Nous avons ici une carte très détaillée de l'utilisation des sols dans l'Okanagan. Nous avons des cartes semblables pour la totalité de l'Okanagan, qui est divisée en unités relativement petites portant des cultures différentes et qui ont toutes des exigences différentes et un modèle différent pour l'estimation des besoins en eau des cultures. Ainsi, le modèle que nous avons mis au point conjugue la température et le climat, la mise à l'échelle grâce à ce quadrillage obtenu par PRISM, la répartition spatiale des cultures et le niveau des besoins en eau des cultures. Grâce à cet outil, nous sommes en mesure d'évaluer les besoins en eau, à la fois dans l'espace et dans le temps.

Voici des données qui n'auraient pas l'heure de plaire à M. Weaver, parce qu'on dirait que nous faisons une prédiction, mais dans ce cas-ci, nous ne prédisons rien du tout. Nous vérifions tout simplement notre modèle. Nous allons le mettre en application à l'avenir, ce qui nous donnera un peu plus d'information sur la variabilité et les écarts, ce dont nous avons besoin pour tirer des applications concrètes de ce genre d'information.

Je veux toutefois attirer votre attention sur le fait que ces données sont fondées sur les normales pour la période entre 1961 et 1990. Ce sont les conditions climatiques moyennes qui existaient au cours de cette période. Nous avons ici la date moyenne de début de la saison de croissance, qui se situait aux alentours du 26 mars, et la date moyenne de la fin de la saison de croissance, qui est autour du 30 octobre. Si l'on y intègre des données tirées du modèle que nous avons évoqué, nous constatons que l'on prolonge la saison de croissance de trois semaines au début et d'une semaine à la fin. Ainsi, nous avons maintenant une saison de croissance qui dure quatre semaines de plus. Pour les cultures vivaces par irrigation, ces quatre semaines supplémentaires deviennent problématiques. Ce n'est pas comme une culture annuelle qui peut avoir une courte saison de croissance ou une durée spécifique. Il ne faut pas perdre cela de vue quand on a affaire à des cultures pérennes, par opposition aux cultures annuelles, dont il a peut-être été question auparavant durant vos audiences.

Par conséquent, notre modèle nous permet de créer des cartes comme celles que je vous montre ici, où l'on compare les besoins en eau durant la période 1961-1990 — le besoin était assez faible, d'après notre échelle, ce sont les teintes vertes — à ce qui pourrait se passer d'ici le milieu du siècle. Pour cet exercice particulier, nous obtenons une augmentation de 28 p. 100.

En même temps, nous étudions — je vous montre ici des travaux effectués par le groupe de Stuart Cohen — les changements hydrologiques possibles du bassin. Dans ce graphique particulier, nous avons l'hydrographie d'un ruisseau au débit non contrôlé tributaire du bassin de l'Okanagan. On constate que, si l'on applique des données tirées des modèles de circulation générale, on aura une arrivée plus précoce du débit maximal, qui sera peut-être aussi plus faible, et l'on aura aussi moins d'eau disponible vers la fin de la saison de croissance. Ce sont donc tous des facteurs qui se conjuguent pour exercer un impact potentiel sur la disponibilité de l'eau pour l'agriculture. Grâce au modèle que nous avons mis au point, comme nous avons une répartition dans l'espace, nous avons maintenant la possibilité d'appliquer les données que nous possédons au district d'irrigation.

Ainsi, dans ce cas-ci, on est confronté à des changements potentiels dans les besoins en eau des cultures par rapport à la période 1961-1990, vers la fin du présent siècle, et l'on peut voir que les besoins vont augmenter. Dans certains cas, si l'on examine l'allocation, ce n'est pas important. Pour ce syndicat d'arrosants, par exemple, on est loin d'atteindre la quantité qui avait été allouée. Cependant, d'autres syndicats d'arrosants se rapprochent déjà tout près de leur allocation et, en fait, d'ici la fin du siècle et probablement même dès le milieu du siècle, ils seront probablement confrontés à de graves difficultés.

Voilà donc le genre de données que l'on peut obtenir à partir de notre modèle, en essayant de le mettre à l'épreuve sur le plan de la variabilité et des écarts dans nos techniques de prévisions et en termes de la variabilité générale du climat constatée d'après les données historiques. Nous participons à un projet avec le groupe de Stuart Cohen d'Environnement Canada. Dans notre cas, nous examinons le risque potentiel pour le besoin en eau des cultures dans l'Okanagan. Nos travaux s'intègrent dans un cadre plus étendu dans lequel l'autre groupe examine d'autres questions relatives aux besoins en eau et à l'approvisionnement en eau. Les trois risques ou incertitudes dont nous devons commencer à tenir compte sont l'incertitude qui est associée aux prédictions tirées des modèles de circulation générale, la variabilité qui existe d'après les données historiques, et le besoin de définir un quelconque seuil d'incidence pour les syndicats d'arrosants ou pour les agriculteurs pris individuellement.

Il y a beaucoup de données comme celles-ci que nous pouvons étudier, mais nous avons ici trois modèles différents de circulation générale, les modèles canadien, allemand et britannique, et trois scénarios pour étudier le changement saisonnier des températures maximales. Comme vous pouvez le voir, il y a variabilité dans les résultats obtenus à l'aide de ces modèles.

Il y a aussi variabilité du climat selon les données observées historiquement, et nous l'avons vu dans nos données sur la floraison et la température. Il y a divers types de variabilité. Il y a la variabilité d'une saison à l'autre. Par ailleurs, il y a des tendances à la hausse avec le temps. De plus, nous avons ce que l'on appelle des oscillations à décalage, qui sont associées à la fois aux événements climatiques et à la variabilité du climat.

Alors quel est l'impact potentiel de tout cela sur le besoin en eau des cultures? Si l'on examine le modèle que nous avons mis au point, on voit ici l'éventail de la distribution statistique du besoin en eau des cultures entre 1916 et 2002. Le graphique illustre une mesure de la variation du besoin en eau des cultures par tranches de 100 ans. C'est un besoin en eau des cultures qui est très bas. Cela arrive peut-être deux ans par siècle. Si l'on va à l'autre extrême, cela pourrait arriver peut-être une année par siècle, mais telles sont pourtant les variations que l'on observe dans les données climatiques actuelles, et c'est l'impact que l'on observerait sur le besoin en eau pour l'irrigation.

Qu'arrivera-t-il à l'avenir? Si les températures augmentent, si la saison de croissance est plus longue, faut-il tout déplacer vers la droite, de telle manière que nous aurions maintenant la possibilité d'un besoin en eau des cultures beaucoup plus élevé? Cela n'arrive pas très souvent, mais peut-être assez souvent pour être inquiétant.

Comment quantifier cette préoccupation? Eh bien, on voit ici un seuil pour l'imposition de restrictions à l'arrosage dans l'un de nos syndicats d'arrosants. Ce district d'irrigation est situé sur un cours d'eau affluent, et les arrosants dépendent donc d'un réservoir situé en amont pour s'approvisionner en eau. On peut voir qu'en 2001, ils ont presque atteint ce seuil. En 2002, ils l'ont bel et bien atteint, même s'ils étaient au départ tout près de leur capacité maximale. Si l'on mesure le besoin en eau des cultures ou le besoin en eau pour l'irrigation dans le secteur de ce syndicat d'arrosants et si nous pouvons établir un modèle hydrologique, que les gens de l'Université de la Colombie-Britannique sont actuellement en train d'élaborer, un modèle montrant l'arrivée d'eau dans ce réservoir aujourd'hui et dans un avenir rapproché, peut-être que nous pourrons alors établir la probabilité que le seuil de ce réservoir soit dépassé.

Voyons maintenant quel est notre rôle à Agriculture et Agroalimentaire Canada. Nous étudions également des stratégies d'adaptation. Comment pouvons-nous aider les agriculteurs à s'adapter? Quels outils de gestion pouvons- nous leur donner pour qu'ils s'adaptent? Parfois, la réponse est évidente: par exemple, augmenter la superficie ensemencée des cultures qui sont mieux adaptées au nouveau climat, des variétés de pommes ayant une saison plus longue, un accroissement de la superficie en raisins. Par exemple, la vigne a besoin d'un peu moins d'eau que les autres arbres fruitiers pour donner une bonne production. Un autre exemple serait la mise au point de variétés résistantes à la sécheresse et de nouvelles cultures.

D'autres stratégies possibles seraient une plus grande élévation et l'expansion vers le nord des cultures agricoles. Dans certains cas, nous avons peut-être certains avantages sur ce plan. Nous pourrions être en mesure de déplacer vers le nord la culture de certains fruits à chair tendre, cultivés sur de plus grandes superficies. C'est une possibilité que nous n'avons pas encore réussi à étudier.

À l'heure actuelle, je travaille beaucoup sur le dossier des pratiques de conservation de l'eau. Comment pouvons- nous adapter nos systèmes de production pour utiliser l'eau de façon beaucoup plus efficiente? Pouvons-nous imposer des pratiques consistant à réduire l'apport en eau tout en maintenant la production nécessaire?

Le président: Pourriez-vous expliquer le tube blanc que nous avons vu? Est-ce une forme d'arrosage direct?

Je suis contente que vous me posiez la question. Il s'agit d'un évapomètre électronique. C'est un appareil qui mesure l'évaporation. Une plaque de céramique poreuse est branchée sur un réservoir d'eau et permet de mesurer directement l'évaporation. Ce qui est merveilleux dans ce système, c'est qu'il est électronique, de sorte qu'on peut l'utiliser comme interrupteur pour brancher le système d'irrigation en fonction de la quantité d'évaporation un jour donné. C'est un système très précis pour essayer de faire correspondre l'approvisionnement en eau au besoin en eau.

Ce système d'arrosage par aspersion sur frondaison est un modèle d'irrigation déjà ancien, dont nous voulons nous débarrasser. C'est très inefficace. Ceci est un système d'irrigation par microaspersion, un nouveau type d'irrigation qui permet de diffuser l'eau sur une superficie restreinte du sol. Ici, nous avons du paillis que l'on répand pour prévenir l'évaporation de l'eau du sol.

Le président: Pouvez-vous me dire ce que c'est que ce paillis?

Mme Neilsen: C'est un paillis constitué de papier déchiqueté. Comme nous travaillons au gouvernement, nous pensons que c'est une très bonne utilisation du papier déchiqueté.

Je vais maintenant aborder d'autres stratégies d'adaptation. Nous escomptons actuellement une quelconque adaptation de l'infrastructure de la part des syndicats d'arrosants. Nous espérons leur fournir de l'information. Nous envisageons aussi diverses stratégies d'adaptation dans le domaine de la gestion agricole. Dans notre étude actuelle de concert avec le groupe de Stuart Cohen, afin d'obtenir de l'information utile, nous demandons aux intervenants de nous faire part de leurs points de vue.

Nous sommes également intégrés avec deux syndicats d'arrosants avec lesquels nous nous livrons à des études détaillées. Il est important pour nous d'intégrer certaines de ces études sur le risque et l'adaptation au changement climatique avec la planification régionale, en réponse aux besoins de changements d'infrastructure. Manifestement, il y aura des répercussions sur les structures régionales de gouvernance. Dans notre région en particulier, nous avons une structure fort complexe de gouvernance locale qui se penche sur toute cette question assez vaste de l'approvisionnement en eau et du besoin en eau.

En matière de changements d'infrastructure, les ingénieurs doivent se conformer aux exigences pour apporter les changements voulus à l'infrastructure en réponse aux besoins actuels. Sur quelles données fondent-ils la conception de leur nouveau modèle? S'inspirent-ils du climat normal de 1961 à 1990, qui ne s'appliquera peut-être plus sur les 20 prochaines années? Comment peuvent-ils intégrer l'information sur le changement climatique à leur processus décisionnel? Donc, même si, sur le plan scientifique, nous n'avons pas de réponses précises aux questions dans le domaine du changement climatique, nous devons tenir compte de la variabilité et des changements potentiels qui peuvent accompagner le changement climatique afin d'aider ces organisations à prendre leurs décisions.

En résumé, le secteur agricole du bassin de l'Okanagan est vulnérable, ce en quoi il n'est pas différent d'autres régions agricoles. Nous sommes vulnérables à l'actuelle variabilité climatique et nous sommes particulièrement vulnérables à la concurrence pour l'obtention des ressources. Nous sommes déjà témoins de l'impact du changement climatique observé depuis 50 ans. Nous pensons que les études sur le changement climatique indiquent une hausse potentielle du besoin en eau des cultures et une baisse potentielle de l'approvisionnement. Nous pensons pouvoir nous rendre utiles, grâce aux études que nous faisons sur le changement climatique, en aidant à déterminer la possibilité accrue d'effondrement du système dans ce cas particulier que nous examinons, à savoir l'insuffisance de la capacité du réservoir.

Le président: Merci beaucoup pour cet exposé historique et statistique intéressant. À titre de comité national, de comité du Sénat du Canada, nous devons être en mesure de formuler des recommandations et de faire des propositions applicables au pays tout entier, pas seulement à une région.

Vous avez mis l'accent sur un petit secteur d'une petite région délimitée dans une des provinces du Canada pour nous parler des tests et de l'analyse que l'on a effectués là-bas. Vous nous avez dit qu'il y avait beaucoup de variabilité dans les données que vous avez reçues et qu'il était très difficile pour vous de définir les seuils d'incidence à cause de cette variabilité. Or s'il y a une telle variabilité à l'intérieur de cette petite région de Colombie-Britannique, quel serait à votre avis le résultat si l'on prenait une région semblable, disons en Ontario, une autre au Québec et une autre au Manitoba? Qu'est-ce que cela donnerait, d'après vous?

Ma question est celle-ci: quels conseils pouvez-vous donner à notre comité pour ce qui est de prendre des données comme celles que vous nous avez présentées aujourd'hui et de les appliquer à l'ensemble du Canada?

Mme Neilsen: Il est vrai que l'information que je vous ai présentée aujourd'hui est très spécifique à cette région. Cependant, l'approche que nous avons utilisée peut être appliquée localement et régionalement ailleurs au Canada. Voilà l'importance de ce que j'espère vous avoir fait comprendre. Les données précises s'appliquent particulièrement à notre région, comme vous le dites; cependant, je pense que l'on peut procéder de la même manière pour tenir compte dans d'autres régions de la variation climatique et de la variabilité du climat. Chaque région a ses propres particularités climatiques. Par exemple, je sais que vous avez étudié la sécheresse dans les Prairies, et ils ont là-bas des préoccupations différentes des nôtres, mais je pense que l'approche est applicable à d'autres régions.

Le président: Prenons la culture de la vigne. L'une de vos stratégies était de déplacer la production vers le nord, n'est- ce pas?

Mme Neilsen: C'est possible, oui.

Le président: Des scientifiques nous ont dit, autant en Saskatchewan qu'en Alberta, que l'on n'a pas fait d'études poussées de la topographie, de la terre et des sols qui nous permettraient de dire si les territoires en question seraient effectivement propices à la production des denrées que l'on cultive actuellement dans l'Okanagan.

Avez-vous fait une série de tests pédologiques dans les secteurs plus au nord où l'on pourrait déplacer la production, en conséquence du changement climatique, pour déterminer si les sols en question conviendraient, par exemple, à la culture de la vigne?

Mme Neilsen: Non, nous n'avons pas fait cela. Je vais demander à Scott Smith de répondre à cette question. M. Smith est l'expert en utilisation des sols.

M. C.A. Scott Smith, chef, Équipe des ressources en terres, Centre de recherche en agroalimentaire du Pacifique, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Mon travail consiste à évaluer la terre quant à son potentiel agricole. Je sais à quoi ces messieurs font allusion pour ce qui est des Prairies, où, même si la température peut se réchauffer, il peut y avoir des limites quant au déplacement des cultures vers le nord, à cause de la présence du Bouclier canadien. Dès qu'on arrive sur le Bouclier canadien, le substrat rocheux affleure à la surface. Par conséquent, même s'il fait plus chaud, il n'y a pas une couche de sol suffisante pour cultiver la terre.

Dans une certaine mesure, c'est la même chose dans la vallée de l'Okanagan, parce que dès que l'on sort du fond de la vallée, même s'il fait peut-être plus chaud de plus en plus haut, on se retrouve sur le flanc des montagnes. Donc, même si le climat peut être plus favorable à l'agriculture à une altitude supérieure, il y a absence de sol. C'est ce qui limite l'extension de l'agriculture en dehors des vallées dans la région de la Cordillère. Cette observation s'applique à n'importe quelle vallée. On peut aller plus haut là où il y a un plateau, c'est-à-dire un terrain relativement horizontal à un niveau plus élevé. Ces secteurs auraient assurément un potentiel agricole en application des scénarios quant au climat futur.

Mme Neilsen: La culture des arbres fruitiers, par exemple, a commencé dans la région de Kamloops de Colombie- Britannique, mais on n'en fait plus là-bas. Il y a d'assez vastes superficies qui pourraient probablement être mises en culture à l'avenir, au besoin, pour la production de fruits tendres.

Le président: J'ai trouvé intéressant votre témoignage sur le raisin et le vin de glace. Vous nous avez parlé des températures soutenues qu'il faut pour que le raisin gèle et produise le sucre nécessaire à cette variété de vin. Vous nous avez montré un graphique indiquant qu'à chaque année, la date à laquelle le raisin est exposé à la température voulue pour produire le sucre qu'il faut survient de plus en plus tard. En France, en Bourgogne et dans le Bordelais, si le raisin mûrit trop tard et que les viticulteurs commencent à craindre le gel, ils installent des chaufferettes entre les rangées de vignes pour éloigner le gel. Je me demande si vous avez trouvé quelque stratégie d'adaptation novatrice pour favoriser les températures plus froides? Est-ce que quelqu'un dans le domaine scientifique travaille à mettre au point une manière novatrice d'abaisser la température?

Mme Neilsen: Pas à ma connaissance.

M. Smith: Je voudrais préciser que le graphique en question illustrait la récolte pour la production de vin de glace.

Le président: Oui.

M. Smith: Les vendanges sont faites lorsqu'il fait plus froid que moins 10 degrés Celsius. Les raisins doivent être récoltés gelés et mis au pressoir quand ils sont gelés. La température ne peut pas être plus chaude que moins 10 degrés Celsius.

Ce qui se passe, c'est que les raisins poussent pendant la saison de croissance et on les laisse geler sur la vigne. Autrefois, on avait des journées où il faisait moins 10 Celsius au début novembre; plus tard, il fallait attendre en décembre pour atteindre le moins 10, puis en janvier. Cette année, ce n'est qu'à la dernière semaine de février que la température est tombée à moins 10 Celsius. Nous connaissons suffisamment bien le climat de la vallée pour savoir qu'une fois que mars est arrivé, il y a très peu de chances que la température baisse à moins 10 degrés Celsius. Donc, si le réchauffement se poursuit le moindrement, nous ne produirons plus de vin de glace dans la vallée de l'Okanagan. Ce ne sera plus possible parce qu'il ne fera plus assez froid en hiver pour que les raisins gèlent.

Le président: Vous devrez vous adapter en trouvant quelque chose d'autre à faire avec ces raisins laissés sur la vigne.

M. Smith: Oui. Nous ne les laisserons plus sur la vigne pour attendre qu'ils gèlent. Il faudra les récolter à l'automne, comme on le fait dans la plupart des régions du monde où l'on produit du vin. Le Canada est l'une des rares régions capables de produire régulièrement du vin de glace.

Le sénateur LaPierre: Vous pourriez envoyer les raisins à l'état congelé en Ontario. L'Ontario pourrait produire le vin de glace et vous autres, vous produiriez autre chose. Est-ce possible?

Mme Neilsen: L'Ontario produit déjà la plus grande partie du vin de glace du Canada.

Le sénateur LaPierre: Oui, et je suppose que la concurrence n'est pas très bonne.

Le sénateur Hubley: Je vous remercie pour votre exposé. Je trouve assurément encourageant que vous ayez trouvé des stratégies d'adaptation. Vous avez identifié certaines questions importantes dans le dossier de l'eau dont votre industrie a un besoin essentiel.

Dans un autre exposé que nous avons entendu aujourd'hui, on nous a dit qu'il n'y a pas de service de prévisions météorologiques en haute altitude. S'il y en avait, en quoi cela avantagerait-il votre industrie?

Mme Neilsen: Je suis vraiment contente que vous posiez cette question, parce que nous espérions aborder la question. Comme notre secteur est concentré dans le fond des vallées, des stations météo en haute altitude ne seraient pas nécessairement utiles, comme telles. Cependant, dans tout le domaine de la modélisation climatologique et des prévisions météorologiques, il est important que nous commencions à mettre en place des stations météo en haute altitude pour observer le climat, tout en continuant à exploiter les stations météo qui existent déjà. On craint en certains milieux que celles-ci disparaissent, et de même pour les études hydrologiques, qui sont tellement importantes, nous devons continuer de contrôler le débit des rivières. Je répète que toutes ces activités de contrôle sont actuellement menacées. Il y a un mouvement visant à réduire le nombre des emplacements d'observation un peu partout dans notre pays. Cela nous préoccupe énormément.

Le sénateur Tkachuk: Qui est derrière ce mouvement?

Mme Neilsen: Il y a un manque de fonds pour l'exploitation continue de ces stations. À l'heure actuelle, elles sont principalement entretenues par Environnement Canada.

Le sénateur Hubley: Constatez-vous qu'il y a plus d'orages violents dans votre région? Peut-être que c'est moins fréquent dans votre coin de pays qu'ailleurs. Y a-t-il des changements de température spectaculaires dans la vallée de l'Okanagan?

Mme Neilsen: Je ne dirais pas qu'il y a des changements spectaculaires. Les changements se font en douceur. La hausse des températures minimums en hiver que nous observons est l'un des principaux résultats de la variabilité climatique en ce moment.

Le sénateur Day: Dans votre modélisation, vous n'avez pas tenu compte de l'une ou l'autre de ces stratégies d'adaptation, sinon pour montrer le changement potentiel dû à la hausse des températures.

Mme Neilsen: C'est bien cela.

Le sénateur Day: Vous n'avez pas intégré dans le graphique des questions comme la biotechnologie, ou encore le semis direct ou le paillis dont vous avez parlé.

Mme Neilsen: Nous n'en sommes pas à cette étape. Nous faisons des travaux expérimentaux pour examiner les économies d'eau que permettraient potentiellement toutes ces techniques. Il n'y aurait eu aucune difficulté à intégrer tout cela dans le modèle, parce que la base de notre besoin en eau des cultures est exactement la même que celle que nous utilisons pour la gestion de l'irrigation. Nous avons par contre un lien direct avec les économies potentielles d'eau découlant de ces stratégies qui pourraient être appliquées au modèle, mais nous ne l'avons pas fait pour l'instant.

Le sénateur Day: Est-ce que votre modélisation est entièrement fondée sur la même espèce et, par conséquent, sur le même besoin en eau typique, la même espèce de plante, sans prévoir aucune augmentation de la superficie des vignobles ou d'autres cultures?

Mme Neilsen: Notre modèle actuel n'est pas basé sur une seule et même espèce. Il est fondé sur toutes nos récoltes. Cependant, en termes d'utilisation des sols, nous conservons la même utilisation des sols. Nous n'avons pas apporté de retouches pour modifier la superficie des différentes cultures, rien de tel. Cependant, il y a possibilité de le faire.

Le sénateur Day: Seriez-vous alors en mesure, grâce à ce modèle, de dire à un agriculteur qu'il devrait utiliser la biotechnologie, disons, parce qu'il n'y aura pas dans dix ans la même quantité d'eau qu'il y avait dans le passé, êtes- vous en mesure de lui dire que s'il fait la rotation des cultures ou s'il plante de nouvelles espèces, de nouvelles variétés de raisins, il devrait planter quelque chose d'autre? Est-ce que votre modèle a atteint ce degré de perfectionnement?

Mme Neilsen: Je ne pense pas que nous ayons à l'heure actuelle dans une espèce donnée des variétés qui sont plus résistantes à la sécheresse. Je veux dire pour les arbres fruitiers et les raisins. Je ne pense pas que cette information existe, et je ne pense pas non plus que quelqu'un ait fait des recherches pour trouver de telles caractéristiques dans ces plantes particulières. Dans notre cas, les techniques de conservation de l'eau, tout au moins à court terme, seront plus importantes que de chercher des variétés résistantes à la sécheresse.

Le sénateur Day: Cela ne revient-il pas à s'attaquer à un seul élément de l'équation?

Mme Neilsen: C'est en effet un élément de l'équation, et rien n'empêche de chercher des variétés résistantes à la sécheresse. Les diverses mesures de conservation de l'eau, que ce soit l'irrigation, l'échelonnage, l'adoption de pratiques d'irrigation très économes en eau, l'utilisation du paillis ou un ensemble de diverses mesures, tout cela peut se faire à relativement brève échéance tout en permettant de réaliser naturellement d'importantes économies d'eau.

Le sénateur Day: Où fait-on des études, s'il s'en fait, sur les dossiers à plus long terme que j'ai évoqués?

Mme Neilsen: Personne, à ma connaissance, ne cherche des variétés tolérantes à la sécheresse dans ce type de plantes pérennes, je veux dire les arbres fruitiers à valeur élevée et la vigne. Certains étudient des techniques comme la compensation du déficit en eau et le sous-approvisionnement en eau, tout en tentant de maintenir la qualité des récoltes.

Le sénateur Day: Si nous introduisions un programme aux termes duquel les agriculteurs qui économiseraient l'eau, en comparaison de la consommation historique, recevraient un crédit quelconque, est-ce que cela encouragerait les agriculteurs individuels à commencer à chercher de nouvelles biotechnologies, de nouvelles données scientifiques qui leur permettraient d'économiser l'eau?

Mme Neilsen: Je pense que ce serait probablement le cas, oui.

Le sénateur Day: Y a-t-il actuellement en place de quelconques incitatifs financiers de ce genre?

Mme Neilsen: Chose certaine, il n'y en a pas dans notre région, à ma connaissance.

M. Smith: Je voudrais ajouter une observation au sujet de l'utilisation de l'eau. L'une des manières les plus efficaces d'encourager la conservation de l'eau, c'est de faire payer l'usager au volume, de contrôler la quantité consommée. Dans l'Okanagan, cela n'a pas été fait. Un agriculteur a simplement une certaine quantité d'eau qui lui est allouée; personne ne mesure vraiment la quantité utilisée. Il est évident qu'il n'y a aucun encouragement à l'efficience.

Si les producteurs devaient payer au volume, cela créerait évidemment un encouragement à adopter de nouvelles technologies, par exemple l'irrigation par microaspersion, le paillis, etc.

Le sénateur Day: C'est le même encouragement économique dont je parlais.

M. Smith: Cela s'en vient dans notre région.

Le sénateur Day: Vraiment?

M. Smith: Nous commençons à contrôler l'eau. Je pense qu'en fin de compte, ce sera le principal outil pour inciter les producteurs à faire preuve d'efficience.

Le sénateur Day: On peut supposer que le premier pas, pour contrôler le volume d'eau utilisé, c'est de faire payer toute quantité en sus de l'allocation. Autrement dit, dès qu'un producteur utilise plus que la quantité qui lui est allouée, il devrait payer l'amende.

En Californie, on coupe tout simplement l'eau quand la quantité allouée est atteinte. On n'impose aucune amende; le producteur n'a tout simplement plus d'eau.

Le président: Je sais que vous avez entendu beaucoup de témoignages aujourd'hui, avant de faire votre propre exposé. Comme vous êtes les derniers témoins, je suis curieux de savoir si vous avez entendu aujourd'hui, de la part de l'un des autres témoins, quelque chose qui vous a étonnés. Deuxièmement, êtes-vous en désaccord avec quelque chose que vous auriez entendu et voudriez-vous exprimer publiquement votre désaccord?

Mme Neilsen: Non, je ne pense pas avoir entendu quoi que ce soit qui m'ait vraiment étonnée; pas plus que je n'ai entendu quelque chose que je tiens vraiment à réfuter.

M. Smith: Je voudrais commenter la position d'Andrew Weaver, selon qui il ne sert à rien d'essayer de faire des prédictions quant à ce qui se passera au niveau local. Essentiellement, nous travaillons au niveau local. En bout de ligne, tel est le défi pour des scientifiques comme Denise et moi-même qui travaillons dans une région donnée, dans un établissement de recherche. Nous devons, d'une manière ou d'une autre, être capables de prendre les résultats obtenus grâce aux modèles de circulation générale et de les appliquer aux dossiers locaux, parce qu'en fin de compte, c'est là que tout se passe.

Cela pose d'immenses défis, mais il existe des techniques qui deviennent quasiment des travaux de recherche en soi, par exemple comment réduire l'échelle des résultats obtenus par le groupe de modélisation canadien à l'Université de Victoria et les appliquer à un dossier localisé comme l'eau d'irrigation dans l'Okanagan. Nous utilisons de multiples modèles, et pas seulement le modèle canadien. Vous verrez que nous avons également pris en compte le modèle Hadley, dont M. Weaver a dit que c'était le meilleur établissement de recherche.

Le président: Bien des gens nous ont cité le modèle de Hadley.

M. Smith: C'est pourquoi nous utilisons de multiples modèles et ensuite de multiples scénarios, par exemple des scénarios de maintien du statu quo, entre autres. Nous n'utilisons pas nécessairement les chiffres absolus obtenus à l'aide de leur modèle. Nous pouvons appliquer un changement de température à notre station climatologique locale et ensuite appliquer nos modèles de cette manière. Nous ne nous dérobons pas devant le défi qui est d'essayer d'une manière ou d'une autre de réduire l'échelle pour appliquer nos travaux aux dossiers locaux. Pour faire de la recherche sur le changement climatique, nous dépendons complètement du groupe du laboratoire fédéral à l'Université de Victoria qui produit les résultats obtenus à l'aide du modèle canadien.

Il a été question de créer un groupe qui prendrait les données brutes produites par les modélisateurs et qui les prépareraient à l'intention de gens comme nous qui s'en serviraient dans le cadre de projets de recherche régionaux sur le changement climatique. Quant à savoir si ce groupe devrait être situé à Regina ou s'il faudrait centraliser tout le monde à Victoria, je suppose qu'idéalement, la masse critique est importante, mais notre recommandation, c'est qu'il faut certainement continuer d'appuyer le groupe de modélisation utilisant le modèle climatologique canadien. Ces gens-là sont à la fine pointe de la recherche mondiale. Cela veut dire que nous, en tant que Canadiens, avons la possibilité de travailler avec nos propres scientifiques pour établir des données et des scénarios que nous pouvons ensuite appliquer à nos propres problèmes, ce qui nous évite d'avoir à nous adresser aux Allemands ou aux Japonais pour obtenir des données sur le changement climatique. Il y a des difficultés particulières en Colombie-Britannique à cause du terrain montagneux; de plus, nos climats varient à quelques kilomètres de distance à cause du rideau de pluie en montagne et d'autres facteurs.

Le président: Je tiens à vous remercier tous les deux d'avoir témoigné devant le comité.

Le sénateur Tkachuk: Ils ont par ailleurs d'excellentes installations à Summerland. C'est très joli.

Mme Neilsen: Je vous invite à venir nous rendre visite.

La séance est levée.


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