Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 16 - Témoignages du 8 mai 2003
OTTAWA, le jeudi 8 mai 2003
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 35, pour procéder à l'étude sur l'impact du changement climatique sur l'agriculture, les forêts et les collectivités rurales au Canada et les stratégies d'adaptation à l'étude axées sur l'industrie primaire, les méthodes, les outils technologiques, les écosystèmes et d'autres éléments s'y rapportant.
Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. À titre d'information, le 22 octobre 2002, le comité a été autorisé à procéder à l'étude sur l'impact du changement climatique sur l'agriculture, les forêts et les collectivités rurales au Canada et les stratégies d'adaptation à l'étude axées sur l'industrie primaire, les méthodes, les outils technologiques, les écosystèmes et d'autres éléments s'y rapportant.
Depuis le 21 octobre, notre comité a tenu 30 séances sur le sujet du changement climatique, tout en prêtant une attention particulière aux impacts et aux stratégies d'adaptation axées sur l'agriculture et les forêts ainsi que sur les collectivités rurales. Jusqu'à présent, le comité a entendu 106 témoins et siégé 67 heures. Agriculteurs, forestiers, fonctionnaires municipaux, scientifiques, agents du tourisme, universitaires et autres ont fait part au comité de leur expérience personnelle à l'égard du changement climatique et de la façon dont ils réagissent aux problèmes et opportunités qui en découlent.
Aujourd'hui, nous avons l'honneur de conclure nos audiences initiales sur le changement climatique en accueillant deux représentants du Hadley Centre for Climate Prediction and Research, du Royaume-Uni. Le Centre Hadley se consacre aux prédictions et à la recherche sur les changements climatiques.
Il relève du Bureau météorologique, qui joue le rôle de service météorologique national depuis 140 ans. Aujourd'hui, le Bureau météorologique offre aussi des services à d'autres ministères du gouvernement, aux médias ainsi qu'à une vaste gamme d'entreprises commerciales et industrielles.
Permettez-moi de présenter les membres du groupe de discussion, M. Richard Betts, scientifique principal (écosystèmes), et M. Peter Cox, directeur, chimie du climat et écosystèmes.
Bienvenue au comité, messieurs. Je vous cède la parole.
M. Peter Cox, directeur, Chimie du climat et écosystèmes, Bureau météorologique, Hadley Centre for Climate Prediction and Research: Je vais faire une introduction générale sur le travail du Centre Hadley, son organisation et ses relations avec l'extérieur. M. Betts va parler des impacts sur les écosystèmes et de la rétroaction de ceux-ci, tout en faisant état de la situation du Canada à cet égard.
Pour mon introduction sur le travail du centre, je vais utiliser des diapositives. La première donne des renseignements sur le rôle fondamental du centre ainsi que sur les domaines de recherche scientifique, que vous connaissez peut-être. La deuxième diapositive donne quelques définitions du centre: il s'agit du centre de recherche britannique qui se consacre à la recherche sur les changements climatiques et qui est, à ce titre, l'institut de recherche du Bureau météorologique dans ce domaine. Le Bureau météorologique est chargé des prévisions météorologiques, ce qui est très utile pour nous. Il y a en effet synergie entre ce que nous faisons et les prévisions météo, sujet sur lequel je vais revenir un peu plus tard.
Depuis son ouverture en 1990, le centre a pris de l'ampleur. Nous comptons maintenant près de 110 employés, dont près des trois-quarts sont des scientifiques, le reste représentant le personnel de soutien technologique de l'information nécessaire pour les grands systèmes informatiques du centre.
Le Centre Hadley s'intéresse aux questions politiques. La troisième diapositive dresse la liste des domaines de recherche scientifique. Nous voulons essayer de comprendre les processus qui déterminent le climat et qui sont représentés sous forme de modèles informatiques avec beaucoup de réalisme. Il s'agit de simuler et de prédire les changements climatiques.
Nous voulons également surveiller la façon dont les changements climatiques se produisent. De toute évidence, nous devons vérifier nos prévisions. Nous souhaitons également poser le diagnostic de la cause de ces changements, ce que nous appelons «attribution». Je passe maintenant à la quatrième diapositive. Pour poser le diagnostic de ces changements, nous nous appuyons sur le Bureau météorologique si bien que nous sommes intégrés à cet organisme au plan de la recherche, tout en mettant cependant l'accent sur les activités propres à notre organisation. Ces travaux portent sur les prévisions océaniques, les observations, l'appui informatique, la construction de modèles de pollution et la recherche atmosphérique fondamentale. Nous avons également des programmes de recherche externes et sommes reliés aux programmes de recherche universitaires par l'entremise du Natural Environment Research Council du Royaume-Uni, même si nous ne bénéficions pas du même financement. Nous sommes également reliés à l'Association météorologique mondiale qui organise diverses comparaisons entre divers modèles climatiques.
Nous sommes principalement financés par le Department for Environment, Food and Rural Affairs — le DEFRA — du Royaume-Uni, dont nous recevons quelque huit millions de livres par année. La plupart de ces fonds sont affectés aux ressources humaines ainsi qu'aux super-ordinateurs. Le ministère de la Défense, dont fait partie le Bureau météorologique, finance également le DEFRA à coups de 3,5 millions de livres par année et nous avons un groupe client au Bureau météorologique dont la contribution s'élève à un million de livres environ. Nous recevons également des fonds de la Commission européenne sous forme de projets, qui équivalent actuellement à près de 0,5 million de livres, somme qui prend de l'ampleur. Au total, le programme reçoit près de 13 millions de livres par année et ce financement ne cesse d'augmenter. Ces prévisions et ces analyses représentent des recherches scientifiques d'importance.
La septième diapositive est un graphique représentant les liens entre le Centre Hadley et l'extérieur. Nous faisons essentiellement de la prévision, mais nous dépendons de la politique, ce qui a un effet sur nos travaux. Même si nous produisons des prévisions climatiques, nous avons des relations étroites avec le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC, qui s'occupe entre autres des impacts et de l'adaptation, ainsi que de l'évolution du climat. Nous sommes également reliés au Climate Impact Program du Royaume-Uni, l'UKCIP, qui est distinct du Centre Hadley, mais qui dépend fortement de ce que nous produisons. L'UKCIP, le GIEC et le DEFRA sont nos principaux clients.
Je vais maintenant parler brièvement des domaines de recherche scientifique définis sous forme de quatre questions intéressantes. La première — comment le climat a-t-il changé? — s'appuie sur les observations visant à déterminer si le climat a évolué de façon significative. La deuxième question — pourquoi le climat a-t-il changé? — est en fait le problème d'attribution des causes du changement climatique. La troisième question — dans quelle mesure le climat va- t-il évoluer dans l'avenir? — est traitée à l'aide de modèles. M. Betts va vous parler des conséquences du changement climatique.
Comment le climat a-t-il changé? En collaboration avec l'une des universités du Royaume-Uni, nous sommes chargés de tenir à jour la banque mondiale des températures terrestres et océaniques. Vous avez peut-être vu que la courbe des températures mondiales a monté d'environ 0,6 degré au cours du XXe siècle. Nous ne cessons de recevoir des faits relatifs aux températures extrêmes. Par exemple, les années 90 représentent la décennie la plus chaude jamais enregistrée, l'année 1998 étant l'année la plus chaude, même si, autant que je sache, cette année sera probablement plus chaude à cause d'El Niño. Le climat a certainement changé au cours du XXe siècle. Cela peut également être placé dans le contexte de l'évolution à plus long terme du climat de la terre, puisque des reconstructions d'éléments comme les cercles des arbres indiquent en fait une tendance à la baisse ces 1 000 dernières années, puis un réchauffement abrupt au cours du siècle dernier. C'est le contexte que nous examinons. Les changements ont été certainement importants. La question clé est la suivante: Pourquoi? Pour des raisons naturelles ou pour des raisons humaines?
Les raisons du changement climatique sont bien sûr nombreuses. Le climat varie naturellement pour des raisons telles que le cycle glaciaire, qui est un exemple classique; la variabilité décennale et séculaire, sans compter les changements des éléments volcaniques. Il faut citer également les raisons humaines, qui intéressent principalement le Centre Hadley. Les émissions de gaz à effet de serre sont les principaux responsables, mais il faut également citer les aérosols de sulfate, qui ont tendance à refroidir le climat; les augmentations de l'ozone troposphérique, qui ont un effet sur le climat ainsi que sur les écosystèmes et la santé humaine; et enfin le changement d'affectation des sols.
Ces dernières années, le domaine de la modélisation climatique a connu un changement fort important. Un des problèmes essentiels, c'était que l'on ne pouvait pas reproduire exactement les tendances du réchauffement constatées dans les observations. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, car il est reconnu que le changement climatique observé au XXe siècle est en partie attribuable aux processus naturels. Par exemple, on a remarqué un refroidissement du système climatique au milieu du siècle qui ne semble pas cadrer avec l'effet de serre, mais qui s'explique en fin de compte par les éruptions volcaniques, d'une part, et par le changement des autres données de sortie, d'autre part. Pour être honnête, je dirais que dans le passé, les modèles climatiques les auraient rejetés en raison de leur insignifiance, mais ils ont eu de l'importance à certaines époques du XXesiècle.
Le problème des forces naturelles, c'est qu'elles ne peuvent pas expliquer le réchauffement, or, c'est seulement grâce aux forces naturelles, notamment l'effet de serre, qu'il est possible d'expliquer le réchauffement récent. Lorsque nous prenons les deux en compte, nous arrivons à comprendre le phénomène temporel assez complexe du réchauffement intervenu au XXe siècle. Initialement, le climat a tendance à se réchauffer, puis au milieu du siècle, il se refroidit, avant de se réchauffer assez rapidement. Ce qui s'est passé au milieu du siècle est une conséquence des forces naturelles, mais il semble de plus en plus que le réchauffement ultérieur soit attribuable à l'effet de serre.
Nous pouvons aujourd'hui attribuer, dans une certaine mesure, les causes du changement climatique observé. Il faut ensuite se demander ce qui va se passer à l'avenir, ce qui est essentiel en matière de politique.
Pour ce faire, nous avons un processus en plusieurs étapes. Tous les centres de modélisation procèdent de la sorte actuellement. Nous demandons à un groupe socio-économique d'experts de nous présenter des scénarios des futures émissions et du futur changement d'affectation des sols. Nous utilisons cette information pour le modèle. Nous transmettons alors les impacts du changement climatique à un autre groupe qui traite de l'impact.
C'est un processus disciplinaire. Le GIEC se compose de groupes distincts qui traitent des aspects différents du problème. Nous nous dirigeons de plus en plus vers une association complète.
D'après les diapositives, vous pouvez voir que même à partir d'un seul modèle comme le nôtre, il s'offre tout un éventail de possibilités qui s'appuient essentiellement sur le scénario futur des émissions dont le facteur de variation est de l'ordre de deux ou trois. Cela se traduit par de grands écarts en matière de changement climatique, et, par conséquent, de grandes différences en matière d'impacts.
Le système complexe de modélisation que nous utilisons ajoute une autre incertitude en raison de la sensibilité du climat au dioxyde de carbone, par exemple. Une certaine marge d'erreur est prévue.
Nous en arrivons maintenant au stade où les spécialistes de la modélisation climatique reconnaissent qu'une seule estimation ne suffit pas. Il faut donc élaborer des théories à partir d'un ensemble de simulations, au lieu de faire une seule simulation basée sur la meilleure hypothèse. Nous ne pouvons jamais savoir quelle est la meilleure hypothèse.
Nous prévoyons faire des centaines de simulations en utilisant des hypothèses de modèle interne, y compris la variation des nuages dont la concentration de gouttelettes reste inconnue. Nous examinons toutes les possibilités. Ce n'est que lorsque nous arrivons au stade où nous obtenons une fonction de distribution d'avenirs possibles que nous pouvons vraiment songer à évaluer les risques et, par conséquent, à donner des conseils en matière politique.
Au Centre Hadley, nous sommes passés d'une simulation à 50 ou 100 simulations avec un modèle semblable, mais des paramètres internes différents; toutes sont réalisables et nous obtenons un éventail de possibilités. Il s'agit de pondérer ces avenirs en fonction de la façon dont ils reproduisent les données climatiques historiques et actuelles. Certains de ces paramètres ou variantes internes risquent de ne pas être très réalistes étant donné que le modèle actuel ne leur convient pas. Toutefois, bien des variantes vont l'être, éventuellement.
Il s'agit de l'une de nos priorités en matière de recherche. Je ne vais pas parler des autres graphiques. Peut-être pourrons-nous y revenir. Je vais maintenant répondre aux questions si vous le souhaitez ou céder ma place à M. Betts qui va vous parler des impacts.
Le président: Peut-être vaudrait-il mieux entendre M. Betts avant de poser nos questions. Je vous cède la parole.
M. Richard Betts, scientifique principal (écosystèmes), Bureau météorologique, Hadley Centre for Climate Prediction and Research: Monsieur le président, j'aimerais confirmer le fait que vous n'avez pas les chiffres que nous vous avons envoyés.
Le président: Nous avons en main le document intitulé «Effects of Climate Change on the Biosphere». À la première page, «1. Impacts of climate change, 2. Climate-carbon cycle feedbacks».
M. Betts: C'est parfait. La première ligne résume ce dont je vais parler, soit les impacts du climat sur la biosphère. Je décrirai ensuite comment certains des changements dans la biosphère subissant un changement climatique peuvent rétroagir sur un changement climatique et avoir un autre effet sur chaque changement climatique. Je parlerai ensuite plus précisément des effets des forêts sur le climat et de la pertinence que cela peut avoir pour les propositions d'interprétation du changement climatique.
Passons à la diapositive suivante. Nous pouvons envisager deux impacts du changement climatique. Tout d'abord, les impacts sur l'environnement, comme les changements de la glace de mer, les écosystèmes naturels, le débit fluvial et l'élévation du niveau de la mer. Il faut aussi prendre en compte les impacts importants pour l'homme, comme le rendement des cultures, les ressources en eau potable, les changements dans la propagation des maladies, qui peuvent réagir au climat et, également, les effets des inondations, de la sécheresse, et cetera.
La troisième diapositive indique deux façons différentes d'envisager l'impact climatique. À gauche, nous avons peut- être la méthode plus traditionnelle d'examen des impacts du climat. M. Cox a indiqué que la science des changements climatiques varie souvent en fonction des groupes. Un groupe peut présenter un scénario relatif aux émissions, tandis qu'un autre groupe, comme le nôtre, se chargera de la modélisation de type physique. Un troisième groupe se servira de notre modèle pour examiner les impacts relatifs aux changements des écosystèmes, des ressources en eau, et cetera.
Certains de ces impacts peuvent en fait avoir d'autres effets de rétroaction sur le climat. À droite, vous pouvez voir la rétroaction des impacts sur le changement climatique. À l'avenir, le changement intervenant dans les écosystèmes peut influer encore davantage le changement climatique.
Nous utilisons ces deux approches dans notre travail. L'approche unidirectionnelle est techniquement plus facile et plus rapide. Souvent, nous allons y avoir recours pour voir si des impacts significatifs dans un domaine particulier se produisent lorsque les impacts sont importants. Si nous concluons qu'ils sont importants, nous mettons davantage l'accent sur le volet plus technique du travail, en les faisant figurer dans notre modèle de système climatique comme des effets de rétroaction, pour que notre modèle physique du système terrestre inclue les changements. Je vais en faire la description un peu plus tard.
Je vais tout d'abord vous parler de la méthode d'étude accélérée des impacts financée par le DEFRA, le Department for Environment, Food and Rural Affairs, qui utilise l'approche unidirectionnelle; en d'autres termes, nous prenons les données de sortie du modèle physique pour les appliquer à d'autres modèles sans les effets de rétroaction.
J'ai quelques exemples de ces études. La carte du changement des débits fluviaux se fait à partir d'un modèle hydrologique découlant des changements des précipitations, d'après notre modèle climatique. En ce qui concerne le Canada en particulier, vous pouvez voir que le débit fluvial annuel va augmenter d'ici les années 2080.
Une autre étude porte sur les changements dans les besoins de cultures. Le modèle que nous en avons élaboré donne le graphique des changements de température, de l'humidité, et cetera. Là encore, dans le cas du Canada, le rendement des cultures devrait augmenter d'ici la fin du XXIe siècle.
Toutefois, je dois dire que ces chiffres sont loin d'être sûrs. C'est notre meilleure hypothèse pour l'instant, mais nous ne pouvons pas prédire que c'est effectivement ce qui va se passer.
Le président: Votre document est en noir et blanc, sans couleur. Vous parlez d'un changement du rendement des cultures d'ici 2080. Comment l'interpréter dans le cas de la production céréalière au Canada, par exemple?
M. Betts: Désolé, je n'ai pas entendu la dernière partie de votre question.
Le président: Du côté gauche de la diapositive, il est question du changement potentiel des rendements céréaliers. Comment pouvons-nous l'interpréter? Le rendement des cultures céréalières va-t-il changer au Canada?
M. Betts: Il s'agit du trosième rectangle à partir du haut et ce changement serait en fait une augmentation du rendement des cultures au Canada, de 0 à 2,5 p. 100. Par comparaison, aux États-Unis, ce changement est de 0 à -2,5 p. 100. Par conséquent, cette étude semble indiquer une diminution du rendement des cultures aux États-Unis, mais une augmentation au Canada.
Le président: Y a-t-il un pays dans le monde qui aurait de meilleurs rendements céréaliers que le Canada pendant cette période?
M. Betts: Nous n'avons pas le rendement céréalier en chiffres absolus. On indique la variation du rendement. Pour certains pays, cette variation est plus importante.
Le nord de la Chine et l'Argentine enregistrent des augmentations de rendement céréalier d'environ 10 p. 100. Bien sûr, il faudrait connaître le rendement actuel pour savoir quel pays aurait le meilleur rendement. Nous ne l'avons pas déterminé. C'est seulement la variation du rendement.
L'autre étude dont je vais parler brièvement traite des répercussions sur la santé humaine. Nous avons examiné entre autres l'effet du changement climatique sur la transmission de la malaria, qui dépend beaucoup de la température.
La carte que vous voyez ici montre une variation dans la durée de la saison de transmission de la malaria. Il n'y a pas beaucoup de différences là mais, pour de grandes régions situées dans les latitudes moyennes, la saison de transmission de la malaria se prolonge, passant souvent de zéro à deux et à cinq mois. Par conséquent, le risque de propagation de la malaria est potentiellement plus grand quand le climat est plus chaud.
Pour ce qui est des rétroactions, pour commencer, le graphique intitulé «Atmospheric CO2 Concentration (Mauna Loa Record)» est le relevé de la quantité de CO2 présent dans l'atmosphère depuis les années 50 jusqu'à aujourd'hui. On sait bien que, depuis quelques décennies, le CO2 augmente, mais il y a aussi des fluctuations annuelles qui sont causées par l'absorption du dioxyde de carbone par les végétaux dans l'hémisphère nord pendant l'été et son rejet pendant l'hiver. Comme la superficie de la terre émergée est plus importante dans l'hémisphère nord, il y a donc plus de végétation qui pousse dans cet hémisphère que dans l'hémisphère sud. Le dioxyde de carbone est absorbé et rejeté par la végétation chaque année, et on constate que la végétation dans le monde peut avoir une incidence importante sur le CO2 dans l'atmosphère.
Pour examiner les rétroactions possibles des écosystèmes sur le changement climatique, nous avons indiqué les boucles de rétroaction entre les écosystèmes et le climat physique. Au centre du graphique intitulé «Hadley Centre Coupled Climate-Carbon Cycle Model», on retrouve le modèle de climat conventionnel, qui tient compte de l'atmosphère et des océans. On a ajouté un modèle pour le cycle du carbone dans les océans et le cycle du carbone sur la terre, ce qui veut dire que la végétation peut absorber le dioxyde de carbone qui se trouve dans l'atmosphère et le transférer dans le sol pour augmenter la réserve de carbone. Le carbone est ensuite rejeté dans l'atmosphère avec la décomposition des matières organiques.
S'il y avait équilibre, le carbone de l'écosystème mondial serait égal au carbone dégagé. Cependant, nous modifions l'équilibre parce que le climat se réchauffe et qu'il y a plus de CO2 dans l'atmosphère. Notre modèle indique les rejets possibles de carbone dans l'atmosphère par les écosystèmes. Nous pouvons inclure l'augmentation réelle de CO2 dans le modèle de carbone, plutôt que de la prévoir à partir de scénarios élaborés dans une étude externe. Comme M. Cox l'a dit plus tôt, c'est l'approche habituelle. Maintenant, nous pouvons calculer notre augmentation de CO2 dans le modèle, en tenant compte des variations des systèmes.
La diapositive intitulée «Changes in Tree Cover» indique l'intégration des changements dans le couvert végétal partout dans le monde d'aujourd'hui à 2050 et à 2080. Vous ne verrez pas les couleurs, mais ces données indiquent que les forêts boréales s'étendent vers le nord et deviennent aussi plus denses en raison du réchauffement climatique et de l'augmentation du CO2. La végétation sera plus abondante.
Notre modèle indique que l'Amazonie va s'assécher amenant la forêt à disparaître, et il y aura donc rejet de carbone par la forêt amazonienne. Même si la forêt boréale absorbe plus de carbone, la forêt amazonienne en rejette davantage d'après cette simulation.
La diapositive intitulée «Change in Global Soil and Vegetation Carbon» indique les variations concernant le carbone stocké dans le sol depuis 1850 jusqu'à aujourd'hui, et on simule les variations jusqu'en 2010. La courbe du dessus indique la variation pour ce qui est du carbone végétal. Il y a d'abord une augmentation du carbone végétal parce qu'il y a plus de CO2 dans l'atmosphère, ce qui favorise la croissance des plantes et la photosynthèse, et la végétation absorbe plus de carbone. Cependant, après 2050 environ, la disparition du couvert végétal en Amazonie fera en sorte qu'une grande partie du carbone végétal mondial retournera dans l'atmosphère et, par conséquent, le carbone végétal total va diminuer de nouveau.
L'autre courbe indique les changements concernant le carbone dans le sol. Encore une fois, il y a une augmentation au départ parce qu'une végétation plus dense produit plus de feuilles mortes, ce qui augmente l'absorption du carbone dans le sol. Cependant, le modèle tient compte des effets de la température et de l'humidité sur le processus de décomposition dans le sol. Des températures plus élevées augmentent la décomposition dans le sol et la quantité de carbone rejetée dans l'atmosphère — donc le sol perd beaucoup de carbone avec le réchauffement climatique.
La diapositive intitulée «Atmospheric CO2 Concentrations» présente deux projections de l'augmentation du CO2 en fonction de scénarios simples sans changement dans les émissions. La courbe du dessous ne tient pas compte des rétroactions dans le système, et respecte autrement dit l'approche officielle du GIEC. On s'attend à ce que les concentrations de CO2 atteignent environ 750 parties par million d'ici la fin du XXIe siècle. L'autre courbe tient compte des autres rétroactions selon lesquelles les forêts dans le monde se transforment et les réserves mondiales de carbone diminuent, de sorte que les concentrations de CO2 dans l'atmosphère augmentent plus rapidement, en réaction aux écosystèmes.
La diapositive suivante, intitulée «Temperature Rise Over Land» montre que l'augmentation de CO2 entraîne le réchauffement de la planète. Encore une fois, la courbe du dessous indique, sans tenir compte des rétroactions, ce qui est prévu, soit une augmentation d'environ 5 degrés Celsius en moyenne au cours des 100 prochaines années sur la surface émergée du globe. L'autre courbe tient compte des rétroactions du cycle de carbone et prévoit un réchauffement plus rapide, d'environ 8 degrés Celsius d'ici la fin du XXIe siècle.
Il y a d'autres rétroactions physiques en plus de celles du cycle du carbone. La variation de la réflexion du soleil à la surface de la terre et des océans en est une qui est importante. Par exemple, la neige et la glace sont brillantes et réfléchissantes. Elles réfléchissent la lumière du soleil dans l'air, ce qui a un effet refroidissant. Cependant, si un climat plus chaud fait fondre la glace dans l'Arctique, par exemple, comme on le voit sur cette diapositive qui indique que la glace de mer pourrait bien avoir disparu en septembre d'ici 2080, la surface de la mer sera plus sombre. Par conséquent, la carte des variations de températures de la planète montre — mais vous ne pouvez probablement pas voir très bien sans la couleur — des couleurs plus sombres dans la latitude élevée près du pôle Nord, en particulier. C'est donc dire que la température augmente davantage dans les hautes latitudes. S'il y a moins de glace de mer, la mer est plus sombre et absorbe plus la lumière du soleil, et le réchauffement est plus marqué parce qu'il n'est pas seulement causé par les gaz à effet de serre. L'augmentation des températures est plus rapide dans les hautes latitudes.
La végétation joue aussi un rôle important dans l'assombrissement de la surface du sol. La photo a été prise par notre avion de recherche au-dessus du nord de la Finlande. Vous pouvez voir des zones sombres de forêt qui contrastent avec des zones blanches sans arbre et déboisées. Les zones sombres couvertes d'arbres absorbent plus les rayons du soleil, alors que les zones blanches sans arbre qui sont couvertes de neige les réfléchissent dans l'air. La forêt a donc un effet de réchauffement en absorbant la lumière du soleil.
Cela a des répercussions importantes quant à l'utilisation des plantations forestières pour atténuer les changements climatiques dans le cadre du Protocole de Kyoto. Nous avons comparé l'effet d'absorption du carbone des plantations, qui contribuent à la séquestration du carbone, et la variation de la réflexion terrestre par le reboisement.
La diapositive intitulée «Carbon Sink Plantations» évalue le potentiel de séquestration du carbone, en partant de l'hypothèse qu'il y a une zone de reboisement utile. On peut déterminer combien de carbone serait absorbé par les sols si des terres dénudées étaient reboisées. On n'indique pas le potentiel réel de reboisement, mais le potentiel de séquestration si la reconstitution forestière était possible. Ce scénario aurait des répercussions sur la réflexion de la surface de la planète, ou albédo. Si des forêts recouvraient les terres dénudées, la surface de la planète serait plus sombre et donc moins réfléchissante, ce qui accentuerait le réchauffement climatique.
À la diapositive suivante, on compare quantitativement l'absorption du carbone et la réflexion de la surface de la planète pour obtenir ce qu'on appelle le «forçage radiatif», ou la perturbation dans le bilan radiatif de la terre — la quantité d'énergie absorbée et émise par la Terre. La carte du haut illustre la variation dans le forçage radiatif dû aux gaz à effet de serre, qui serait attribuable à la séquestration du carbone par les présumées plantations forestières. La carte du bas illustre le forçage radiatif dans le rayonnement des longueurs d'onde d'origine solaire attribuable à l'assombrissement de la surface terrestre.
La prochaine diapositive montre un forçage radiatif négatif, c'est-à-dire un effet de refroidissement. Le carbone est absorbé par la végétation et la hausse des niveaux de dioxyde de carbone, ou CO2, est moindre, ce qui réduit l'effet de serre. Cependant, le forçage radiatif positif, qu'on voit plus bas, a un effet de réchauffement accru. Il est donc important de se demander quel est le forçage radiatif global. On peut simplement additionner les données des deux cartes pour obtenir l'effet net des plantations servant de «puits de carbone». Dans les régions de plus basse latitude, comme les États-Unis ou l'Europe de l'Ouest, l'effet net global est toujours négatif. L'absorption du carbone, qui a une incidence prépondérante sur le climat, aurait un effet de refroidissement. Dans d'autres régions, comme en Sibérie de l'Est et dans l'est du Canada, il y a effet global de réchauffement, ce qui veut dire que l'effet de l'assombrissement de la surface terrestre est plus important sur le climat que l'absorption du CO2. On ne peut pas simplement présumer que les fluctuations dans les réserves de carbone reflètent le changement climatique. Si on veut vraiment connaître l'effet sur le climat, il faut tenir compte des variations de la réflexion de la surface terrestre qui constituent un problème pour les forêts nordiques là où il y a changement climatique.
D'après les études des incidences sur le climat, il y aurait augmentation du débit des cours d'eau, accroissement des rendements de culture et expansion des forêts au Canada, mais il faut se rappeler qu'il y a beaucoup d'incertitude à ce sujet. Les variations quant à la végétation sur la planète et le carbone dans le sol peuvent avoir un effet positif sur le climat et accélérer le réchauffement climatique. Mais, encore une fois, il y a beaucoup d'inconnues à ce sujet.
Si la réflexion de la surface terrestre et de la mer change avec la fonte de la neige et de la glace, le climat pourrait se réchauffer dans les hautes latitudes. Les activités forestières qui modifient la réflexion de surface terrestre et permettent la séquestration du carbone pourraient également avoir des effets sur le climat.
Le président: Je vais demander au vice-président du comité, le sénateur Wiebe, de poser les premières questions.
Le sénateur Wiebe: Est-ce que vos prévisions, surtout celles qui se trouvent aux pages 11 et 12 de votre exposé, considèrent que la population de la terre va simplement continuer de rejeter du CO2 dans l'atmosphère? Tiennent-elles compte d'un ralentissement de l'activité humaine? Sont-elles fondées sur les objectifs fixés par le Protocole de Kyoto pour nous ramener aux niveaux de 1990?
M. Betts: La plupart de ces prévisions se fondent sur ce qu'on appelle le «scénario du statu quo» du GIEC, et n'envisagent essentiellement aucune intervention par voie de politique.
Le sénateur Wiebe: On pourrait dire que c'est le pire des scénarios, si on ne faisait rien, n'est-ce pas?
M. Betts: Avec le statu quo, on peut présumer que les choses ne pourraient pas être pires que ce qu'elles sont.
M. Cox: Je pourrais peut-être ajouter quelque chose. C'était un assez vieux scénario. Le dernier scénario s'inspire du plus récent rapport du GIEC, qui prévoit un changement plus vaste. Il y a des prévisions beaucoup plus pessimistes dans le cas des émissions constantes. C'est une évaluation médiane, si vous voulez.
Le sénateur Wiebe: Pour ma gouverne personnelle, pourriez-vous expliquer comment nos océans absorbent, conservent et rejettent le carbone?
M. Cox: Je pourrais peut-être vous l'expliquer. Essentiellement, il y a deux phénomènes. D'abord, le CO2 se dissout dans les eaux froides. Le dioxyde de carbone est absorbé dans les latitudes élevées, comme dans l'Atlantique Nord, où il plonge avec l'eau froide dans les fonds marins. Normalement, il remonte à la surface à l'équateur, de sorte qu'il circule dans les océans. Le deuxième phénomène touche la biologie marine. Les organismes à la base de la chaîne alimentaire absorbent le dioxyde de carbone et le phytoplancton. Ils sont consommés ce qui produit des débris qui sont rejetés dans les profondeurs, c'est ce qu'on appelle la pompe biologique. Les deux phénomènes semblent être importants pour les changements climatiques futurs, qui ont un impact sur eux. Par exemple, quand le climat réchauffe la surface des océans, l'océan a tendance à rester stable de sorte qu'il y a moins de mélanges. Il y a deux effets possibles. Il y aura tendance à y avoir moins de CO2 dans les profondeurs et, par conséquent, moins de nutriments pour les organismes marins. En général, l'océan absorbe moins de dioxyde de carbone quand il y a un changement climatique.
Le sénateur Day: Je n'ai pas trop bien compris l'effet du reboisement et l'assombrissement de la surface terrestre au Canada. Il semble que les effets sont différents dans l'est et dans l'ouest du Canada. Pourriez-vous nous expliquer ces effets?
M. Betts: C'est exact. L'assombrissement du sol dépend beaucoup de la durée de l'enneigement. Quand le sol est couvert de neige, son assombrissement est plus important. Dans les régions plus chaudes, comme en Colombie- Britannique, l'assombrissement du sol est moindre parce qu'il n'y a pas autant de neige. Dans les régions plus froides du pays, la neige recouvre le sol plus longtemps et la surface est beaucoup plus sombre. Il y a donc un effet net de réchauffement dans l'est du Canada et un effet net de refroidissement dans l'ouest du Canada.
Le sénateur Day: Il y a deux ou trois autres sujets que j'aimerais faire éclaircir. Un sol réchauffé par le changement climatique va-t-il rejeter du dioxyde de carbone? Est-ce un phénomène naturel attribuable au réchauffement ou est-ce une activité chimique ou physique qui entraîne le rejet de CO2?
M. Betts: C'est l'activité des microorganismes dans le sol qui change. Il y a beaucoup d'incertitude à ce sujet. Une grande controverse entoure le lien entre les rejets de carbone et les changements de température. On s'entend en général pour dire que le taux de rejet doublerait chaque fois que la température augmente de 10 degrés.
Le sénateur Day: Vous avez parlé de la forêt amazonienne et de l'effet négatif net de la forêt qui disparaît avec l'augmentation de la température. Il y aurait un effet positif sur le réchauffement. Pourriez-vous me dire si c'est parce qu'il n'y a pas d'arbres pour absorber le dioxyde de carbone qui se trouve dans l'air ou si c'est en raison du rejet du carbone par les arbres en décomposition?
M. Betts: C'est attribuable aux deux, en fait. On a besoin de forêts pour absorber le carbone, mais il y en a aussi qui est rejeté dans l'air.
M. Cox: C'est attribuable aux deux. C'est surtout qu'il y a beaucoup de carbone stocké qui est rejeté. Il y a non seulement moins de carbone absorbé par la végétation, mais aussi moins de carbone dans le sol. Évidemment, quand il n'y a plus de feuilles mortes qui se déposent au sol, le sol se décompose et est transformé en CO2 par les microorganismes. Il y a moins de puits de carbone mais, surtout, le carbone stocké est rejeté dans l'air.
Le sénateur Gustafson: Je m'interroge sur l'impact de ce qui se passe. Le comité s'est fait dire que les glaciers fondent et que le pôle Nord se réchauffe. On pense que, d'ici 10 ans, les brise-glace pourront frayer un passage aux bateaux par le Nord toute l'année, et qu'il ne sera plus nécessaire de passer par le canal de Panama.
Je pense que les gens s'intéressent aux répercussions que cela va avoir sur eux. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
M. Betts: Nous ne nous sommes pas précisément penchés là-dessus. Ce que vous dites est juste. Les modèles indiquent qu'il y aura moins de glace de mer et qu'il sera plus facile de circuler par le Nord.
M. Cox: C'est vrai. Une des diapositives que vous avez probablement indique l'étendue de la glace de mer. Elle se trouve à peu près au milieu de l'exposé de M. Betts. On peut voir que les couloirs de navigation autrefois gelés sont dégagés, mais beaucoup d'autres phénomènes se produisent, comme la disparition du pergélisol, qui a d'autres répercussions dans les latitudes Nord et des effets sur l'écosystème. Une partie du problème, c'est que les changements risquent de se produire tellement rapidement que les écosystèmes auront du mal à s'adapter.
Le sénateur Gustafson: Qu'en est-il du niveau de la mer?
M. Cox: Pour le niveau de la mer, c'est un phénomène à long terme parce que la chaleur prend du temps à pénétrer dans l'océan. Elle doit circuler dans tous les océans. Même si on arrêtait les émissions, on verrait une hausse du niveau pendant des centaines d'années.
Il y a des aspects du système climatique auxquels il faut s'adapter. On ne peut pas empêcher une certaine hausse importante du niveau de la mer, mais on peut en déterminer à la longue le rythme et la portée.
D'autres phénomènes du système climatique qui se produisent plus rapidement peuvent être atténués. Vous n'êtes pas forcés de vous y adapter dans ce cas. La hausse du niveau de la mer est un élément auquel nous ne pouvons pas échapper dans une large mesure.
Le sénateur Gustafson: Je crois comprendre de ce que vous nous avez dit que le Canada va profiter en fin de compte du réchauffement de la planète. Ai-je raison de penser cela?
M. Cox: C'est difficile à dire. Certaines ressources naturelles vont probablement augmenter. Si les latitudes élevées se réchauffent, ce qui sera le cas, on peut s'attendre à ce que les saisons de croissance se prolongent, et à ce que le cycle hydrologique — d'évaporation de l'eau et de précipitations — augmente, ce qui veut dire qu'il va pleuvoir davantage.
Des problèmes associés à cela pourraient se poser. Ce sera la même chose au Royaume-Uni. Il pourrait y avoir plus d'inondations ou de phénomènes climatiques extrêmes. C'est vrai pour le Canada. Je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas le cas. La disponibilité moyenne des ressources va augmenter, mais il y aura plus de phénomènes climatiques extrêmes, je dirais.
M. Betts: Nos modèles ne donnent pas encore une idée complète du système terrestre. Il y a beaucoup de phénomènes que nous n'avons pas étudiés. Par exemple, nous ne connaissons pas les changements qui vont toucher les dégâts causés par les insectes aux cultures et aux forêts, ou les incendies de forêts. Nos modèles indiquent que les forêts boréales vont prendre de l'expansion, mais ils ne tiennent pas compte des incendies de forêts.
C'est là où nous en sommes. Nous avons encore beaucoup à faire avant de vraiment savoir tout ce qui peut se produire dans le système climatique.
Le sénateur Gustafson: Vous avez dit que le Canada peut connaître l'année la plus chaude jamais enregistrée. Apparemment, nous avons eu le mois de février le plus froid.
M. Cox: C'est possible. Plus vous limitez la région, plus les variations climatiques sont marquées. Il est possible qu'une région ait connu la saison la plus froide, mais que ce soit toujours l'année la plus chaude à l'échelle de la planète. Ces chiffres s'appliquent à l'ensemble du globe. Sur le plan régional, les fluctuations sont grandes. C'est toujours difficile.
Le sénateur Gustafson: Votre exposé était intéressant, et je vous en remercie.
Le sénateur Lapointe: Messieurs, je suis venu aujourd'hui remplacer un membre du comité et j'en suis heureux parce que j'ai appris beaucoup de choses que j'ignorais.
Ma question peut vous paraître absurde. Il n'y a pas si longtemps, j'ai lu un article dans lequel on indiquait que la forêt amazonienne était les poumons de la Terre. Que s'est-il passé? Pourquoi ce n'est plus le cas?
M. Cox: Ça l'est toujours dans une certaine mesure. Pour ce qui est du cycle hydrologique, la forêt amazonienne est cruciale. Elle est aussi importante dans le cycle du carbone. C'est peut-être la région la plus importante de la Terre, mais c'est seulement une région.
Notre modèle indique l'effet de la disparition de la forêt amazonienne sur la planète. La forêt amazonienne est cruciale autant pour le cycle hydrologique que pour le cycle du carbone, et c'est ce que nos prévisions indiquent. Ce serait absolument désastreux que le changement climatique perturbe la forêt amazonienne autant que les modèles le prévoient. C'est très inquiétant.
Le président: Nous vous rencontrons aujourd'hui parce que les 106 témoins que nous avons entendus ont fait référence à vos modèles. Vos modèles sont considérés dans le monde entier comme étant assez exceptionnels.
Pourquoi pensez-vous qu'il en est ainsi? En quoi vos modèles sont-ils différents de d'autres qui essaient de déterminer tout ce qui explique le changement climatique?
Collaborez-vous avec d'autres établissements de recherche et universités? D'après certains professeurs que nous avons rencontrés au Canada, pour maîtriser les stratégies d'adaptation concernant le changement climatique, il faut qu'il y ait des échanges entre les différentes disciplines. Collaborez-vous avec d'autres établissements de recherche et universités?
Enfin, j'ai une question d'ordre technique à poser au sujet de vos modèles. Les témoins nous ont dit que les modèles sont trop généraux pour bien indiquer les effets du changement climatique sur l'agriculture et les forêts et nous aider à conseiller ces secteurs d'activités. Quelle serait la bonne échelle d'un modèle pour comprendre les mesures que les secteurs de l'agriculture et des forêts devraient prendre pour s'adapter à la situation?
M. Cox: Je vais répondre à vos deux premières questions et laisser M. Betts répondre à la troisième.
C'est vraiment agréable de savoir que les gens apprécient notre travail sur les prévisions et les modèles climatiques. Il y a deux raisons qui peuvent l'expliquer. D'abord, le financement à long terme que nous recevons du gouvernement britannique est assez stable.
Le président: Comme c'est intéressant!
M. Cox: Cela dit, notre programme existe depuis plus de 10 ans.
Pour créer de toutes pièces un modèle de ce genre — ce que nous avons fait, même si nous nous sommes servis de travaux antérieurs — il faut de la patience et du financement à long terme. C'est notre cas et ce n'est pas fini. Pour élaborer les modèles que M. Betts a présentés, il y a eu une période de cinq ans pendant laquelle nous n'avons rien produit. En règle générale, même au Royaume-Uni, les subventions versées aux universités pour des études sur le climat durent seulement deux ou trois ans peut-être. Ce n'est pas suffisant. C'est le premier aspect.
Ensuite, nous avons tendance à utiliser une approche interdisciplinaire.
Il est vrai qu'il faut de plus en plus échanger avec l'extérieur. Nous avons des gens, dans le même immeuble, qui étudient les éléments de la biosphère, les aérosols atmosphériques et les nuages, tous des aspects du système climatique. Dans beaucoup d'autres pays, il y a d'abord plus de concurrence; il n'y a pas un centre unique. Ensuite, beaucoup d'experts n'appartiennent pas au centre, ce qui peut parfois entraîner des problèmes de communication.
Pour ce qui est de votre deuxième question, comment échanger avec l'extérieur, dans un sens, cela devient de plus en plus important pour nous. À mesure que le système de modélisation du climat physique s'élargit, la chimie et la biologie entrent en ligne de compte, et il n'est plus possible de regrouper toutes les spécialités dans le centre Hadley. Nos échanges avec les universités au Royaume-Uni et ailleurs dans le monde sont donc déterminants.
J'ai l'impression que la conception de modèles climatiques deviendra une science d'envergure. Le réseau de personnes qui se servira de vos modèles deviendra critique. Ce sone les modèles le mieux conçus qui seront le plus utilisés. Nous sommes à mettre au point à l'heure actuelle des projets en collaboration avec les universités du Royaume-Uni. Elles assurent le financement à partir de leurs propres sources de financement alors que nous finançons à partir des nôtres, mais nous avons des projets de collaboration qui nous profitent mutuellement. Nous procédons de la même manière en Europe.
M. Betts: En ce qui a trait à votre troisième question concernant la définition des modèles climatiques, la définition des modèles planétaires, comme ceux qui sont représentés ici, suffit pour vous donner une idée à grande échelle. Si vous voulez examiner des échelles plus petites, par exemple à l'intérieur de l'Europe ou du Royaume-Uni, il vous faudrait alors utiliser un modèle haute-définition.
Pour ce faire, nous prendrions une version de notre modèle planétaire et à partir d'une version haute-définition qui couvre, par exemple, l'Europe, nous l'intégrerions aux modèles planétaires de sorte que tout ce qui se trouve à l'extérieur du modèle haute-définition soit contraint par les résultats du modèle planétaire. Nous obtenons alors plus de précisions à l'échelle du Royaume-Uni, par exemple, et nous pouvons utiliser ces données pour des études des incidences sur le climat.
Quant à la réponse à l'autre question concernant les prédictions réelles relatives à l'échelle régionale, vous êtes souvent freinés par votre capacité de prouver la vérité de votre modèle par des données historiques. Il y a beaucoup de fluctuations quand vous examinez la variabilité interne du système climatique. Le climat changera de toute manière d'une année à l'autre. Cette variabilité peut être très importante à petite échelle.
Jusqu'à maintenant, nous n'avons pu utiliser une très grande échelle pour reproduire le changement dans les précipitations du XXe siècle dans ce genre de modèle. Nous ne pouvons pas avoir confiance encore aux prédictions relatives sur une échelle régionale pour les 100 prochaines années.
Le sénateur Wiebe: Une partie des efforts qui ont été déployés par les universitaires, les centres de recherche et différents paliers gouvernementaux ont surtout porté sur l'incidence de ce qui arrive et l'atténuation de ces problèmes. Pour revenir à la question du sénateur Lapointe, j'ai l'impression que nous ne consacrons pas suffisamment du temps et d'argent aux travaux de recherche sur l'adaptation. Qu'arrive-t-il alors si nous perdons les forêts amazoniennes, par exemple? Comment nous adapterons-nous? Selon vous, quels sont les écarts à combler en matière d'adaptations et qui doit fournir les dollars et la recherche à moyen et long termes pour régler certains de ces problèmes d'adaptation?
Du point de vue de l'agriculteur, les changements climatiques — le réchauffement de la planète — ne cesseront d'être un sujet de préoccupation et il est possible de s'adapter au fur et à mesure. Quant à certains de ces autres domaines, c'est de loin plus difficile. Pouvez-vous nous dire si cela deviendra un problème préoccupant?
M. Cox: Un des problèmes c'est que, à part certaines choses, par exemple l'élévation du niveau de la mer dont j'ai parlé plus tôt — les stratégies optimales, à savoir si l'on s'adapte ou si l'on atténue la menace, ne sont pas claires. Avec le dépérissement des forêts amazoniennes, si nous pouvions dire catégoriquement — et nous ne le pouvons pas pour l'instant — si vous évitez un niveau de dioxyde de carbone de 500 parties par million, les forêts résistent. Dans le cas contraire, elles meurent. Le décisionnaire aurait alors la capacité de dire que c'est plus que probable. Nous sommes toujours en train d'évaluer ces changements climatiques dangereux.
Comment le définissons-nous? Où se produit-il? Si nous savions où se trouvent ces points critiques, nous pourrions faire des évaluations quant aux mesures qu'il faut absolument prendre pour les tempérer. Cependant, vous avez raison; l'adaptation s'imposera à plusieurs égards parce que nous sommes impliqués, par l'entremise de choses comme l'élévation du niveau de la mer, dans un certain changement.
Au Royaume-Uni, nous confions cette tâche à un organisme distinct, le Centre Tyndall, qui est financé par les universités et qui s'occupe des questions comme les mesures d'atténuation et d'adaptation. Nous lui fournissons les données qui proviennent de nos modèles. Nous constatons de plus en plus que ces choses sont assez étroitement reliées entre elles.
Par le passé les scénarios relatifs au changement, les scénarios relatifs aux émissions ne relevaient pas de la politique; et au bout du compte la politique devrait tenir compte de l'obligation de s'adapter et d'atténuer. Nous ne sommes pas encore arrivés là. Il reste encore des choses à couvrir dans le système.
Est-ce que cela répond à votre question?
Le sénateur Wiebe: Non, mais presque.
Le sénateur Gustafson: Avez-vous effectué des études sur les répercussions des changements climatiques sur les réserves alimentaires mondiales?
M. Betts: Pas dans l'ensemble. Les recherches que nous avons effectuées à l'égard des rendements des cultures était une première à cet égard, mais il faudrait aussi examiner les diverses cultures et les différents animaux d'élevage. Nous en sommes aux premières étapes à cet égard.
M. Cox: L'un des problèmes c'est que les répercussions des changements climatiques sont très inégales. Si vous pouviez voir ces cartes en couleur vous constateriez que certaines régions en profitent tandis que d'autres y perdent au change. La tendance dans les latitudes moyennes et élevées est que le réchauffement n'aura pas d'effet néfaste sur la saison de croissance. Vous constatez vraiment des répercussions importantes dans les pays en développement où il fait déjà assez chaud et sec. Il semble que les choses pourraient empirer. Un des plus grands problèmes en ce qui a trait aux changements climatiques, c'est l'inconstance. Les régions qui sont sans doute les moins responsables sont celles qui sont le plus frappées. Il faut s'intéresser à ce problème.
Le président: Pour terminer, vous êtes les derniers témoins que nous entendons dans le cadre de cette étude sur l'adaptation aux changements climatiques. Les attachés de recherche ont déjà commencé à rédiger le rapport.
J'aimerais obtenir votre point de vue sur une question. Lorsque vous élaborez un concept de modélisation, que vous effectuez et arrivez à des conclusions, comment vous y prenez-vous pour communiquer vos résultats aux décisionnaires, aux groupes industriels, aux agriculteurs, aux forestiers et aux autres établissements de recherche? Comment diffusez-vous les résultats de vos modèles?
M. Cox: Comme notre financement nous parvient en grande partie du gouvernement du Royaume-Uni, nous produisons des rapports fondés sur nos engagements contractuels qui contiennent de l'information pertinente à la politique. Ils seront en partie responsables de diffuser cette information. Cependant, nous avons d'autres activités comme des conférences publiques. Nous répondons à toutes les demandes en ce qui a trait à la question des changements climatiques.
Nous faisons souvent des exposés à des conventions; le Centre Hadley montera un kiosque, donnera en général un exposé ou fera une activité d'action directe. Nous essayons le plus possible d'établir un lien avec les milieux de recherche extérieurs et la population en général pour toutes sortes de choses. Dès qu'une possibilité se présente d'informer au sujet des changements climatiques, nous y sommes.
Le président: Merci beaucoup. Votre témoignage a été très utile. Nous sommes conscients de vos efforts.
La séance est levée.