Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 22 - Témoignages du 6 novembre 2003


OTTAWA, le jeudi 6 novembre 2003

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 20 h 35 pour étudier les questions se rattachant au développement et à la mise en marché, au Canada et à l'étranger, de produits agricoles, agroalimentaires et forestiers à valeur ajoutée.

Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Je souhaite la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui, M. Perry MacKenzie et M. Allan Brigden.

Notre comité a publié antérieurement un rapport intitulé «Les agriculteurs canadiens en danger». Dans ce rapport, nous nous sommes penchés sur les conséquences éventuelles du changement climatique pour les agriculteurs et les mesures que ceux-ci devraient prendre pour s'adapter. Aujourd'hui, nous allons déposer au Sénat notre rapport sur le changement climatique et ses répercussions sur l'agriculture et les forêts.

Notre prochaine grande étude, qui fait suite à ces dernières, consiste à examiner quelles mesures notre comité peut recommander au gouvernement du Canada de prendre pour ajouter de la valeur dans l'agriculture et augmenter les profits des producteurs agricoles, afin de voir s'il y aurait moyen, par des produits à valeur ajoutée, d'injecter davantage de richesse dans l'ensemble du secteur agricole.

C'est dans ce contexte que le comité se penche maintenant sur les questions se rattachant au développement et à la mise en marché, au Canada et à l'étranger, de produits agricoles, agroalimentaires et forestiers à valeur ajoutée. Nous accueillons aujourd'hui M. MacKenzie et M. Brigden, qui représentent l'organisation appelée Prairie Pasta Producers.

Avant de commencer, je voudrais dire que c'est aujourd'hui une journée très spéciale pour notre comité, car c'est l'anniversaire de l'un de nos membres les plus anciens, le sénateur Fairbairn. Le sénateur Fairbairn est membre de notre comité depuis longtemps et j'aimerais lui souhaiter un joyeux anniversaire.

Le sénateur Fairbairn: Merci beaucoup.

M. Perry MacKenzie, président, Prairie Pasta Producers: Au nom des membres de la coopérative Prairie Pasta Producers, je vous remercie de nous donner l'occasion de vous expliquer les principales étapes qui ont, depuis six ans, jalonné nos efforts pour entrer dans le marché à valeur ajoutée de la production de pâtes alimentaires. Je suis président du conseil d'administration de la coopérative, qui compte neuf membres. Ma femme et moi-même exploitons une ferme à North Portal, en Saskatchewan, depuis 25 ans. Je suis accompagné aujourd'hui par M. Brigden, qui est vice-président du conseil de Prairie Pasta Producers.

La coopérative Prairie Pasta Producers fait partie du mouvement des coopératives de nouvelle génération. Notre objectif est de susciter la participation du plus grand nombre de fermes possible dans la région productrice de blé dur de l'Amérique du Nord. Notre énoncé de mission est le suivant: Prairie Pasta Producers mettra sur pied et exploitera une usine de transformation de blé dur à caractère international, qui donnera à ses propriétaires les moyens de mieux soutenir la concurrence sur le marché mondial et de revitaliser leur communauté rurale.

Le conseil international de Prairie Pasta Producers a commandé une étude de faisabilité sur le marché nord- américain des pâtes alimentaires. Les résultats de cette étude montraient qu'il y avait de la place pour nous, et il était recommandé que nous cherchions à établir une alliance stratégique avec l'industrie. Forts de cet encouragement, nous avons donné suite à notre plan d'entreprise.

Il nous est apparu que nous avions accompli ce qui n'avait jamais été fait auparavant. Nous étions un groupe de producteurs de blé dur canadiens et américains qui avaient décidé de concilier des différences considérables et d'entrer sur le marché des pâtes d'une façon nouvelle et originale.

Avoir une usine en commun, livrer notre grain au même endroit et partager les recettes également en fonction de notre niveau de participation est la conclusion à laquelle nous sommes arrivés. Nous avons toutefois réalisé qu'en tant que Canadiens, nous avions un important problème à régler.

Le prix que le membre canadien recevrait pour son grain n'allait pas être égal au prix que le membre américain recevrait. Le membre américain ne serait pas obligé de payer les frais de mise en silo au terminal portuaire et les frais administratifs ni de voir son grain mis en commun avec du grain vendu hors frontière au prix mondial le plus bas.

Prairie Pasta Producers s'est adressée à la Commission canadienne du blé pour lui expliquer sa situation. La Commission nous a demandé ce qu'elle pouvait faire pour nous. Nous lui avons dit que nous voulions être capables de livrer notre grain directement à notre usine en recevant le même prix par boisseau que nos membres américains. La Commission a rejeté notre demande au motif que cela ne serait pas juste pour les autres meuniers et transformateurs qui sont ses clients. Nous avons fait d'autres suggestions à la Commission canadienne du blé, comme d'établir des comptes distincts de mise en commun pour les coopératives de la nouvelle génération, ou de nous accorder l'exemption applicable aux petits meuniers pour une coopérative de la nouvelle génération qui a une minoterie commune à ses membres.

La Commission a rejeté nos demandes en disant que ces mesures nous donneraient un avantage que l'industrie céréalière actuelle n'a pas.

Je pose ces questions à chacun d'entre vous: Serait-il déraisonnable qu'une partie de l'industrie céréalière du Canada soit la propriété des cultivateurs qui produisent le grain à moudre? Serait-il déraisonnable que les profits tirés de ce que la Commission canadienne du blé qualifie d'«industrie prospère» demeurent au Canada? Quel pourcentage de cette industrie est réellement la propriété des Canadiens de nos jours? Quel pourcentage de l'industrie céréalière a véritablement ses activités dans les Prairies, où pousse le grain?

À ma grande surprise, ce qui semblait si évident pour les membres du conseil de Prairie Pasta ne l'était pas pour le ministre fédéral de l'Agriculture et le ministre responsable de la Commission canadienne du blé. À ce moment-là, Prairie Pasta Producers avait accompli ce qui n'avait jamais été fait en Amérique du Nord. Nous avions comme membres plus d'un millier de cultivateurs du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta, du Montana et du Dakota du Nord, qui représentaient toute la région productrice de blé dur de l'Amérique du Nord. C'était l'occasion d'amener les céréaliculteurs à collaborer et à se sensibiliser aux problèmes de chacun dans un climat de compréhension.

Aujourd'hui, nous voyons ce que donne l'absence de climat de compréhension: contestations commerciales au sujet des exportations de blé et de blé dur, tarifs douaniers en place et millions de dollars dépensés par les cultivateurs en frais d'avocat pour se défendre.

En donnant suite à notre plan d'entreprise, nous avons réalisé qu'en achetant une usine existante avec une part du marché et en cherchant à établir les alliances stratégiques comme le suggérait notre étude de faisabilité, nous pourrions réussir à nous intégrer à ce marché.

Nous avons réalisé une autre première pour le Canada, soit une initiative de dépôt entre les mains d'un tiers. Cette initiative a permis de réunir 2,8 millions de dollars, ce qui représentait 1,4 millions de boisseaux de blé dur. La cible minimale était de 5 millions de dollars. Tout l'argent a été retourné aux participants en vertu de la réglementation applicable sur les garanties.

Notre gouvernement a édicté des lois qui ressemblent de près à celles des États-Unis pour la constitution des coopératives de la nouvelle génération. Malheureusement, il n'a pas fait plus pour suivre l'exemple de son voisin. Aux États-Unis, les parts des coopératives de nouvelle génération peuvent faire l'objet d'un prêt à faible intérêt garanti par le gouvernement, de sorte que le cultivateur n'a pas à donner d'autres garanties pour acheter ses parts. On a reconnu, semble-t-il, qu'un cultivateur n'a pas les capitaux nécessaires pour soutenir la concurrence des multinationales dans le secteur de la transformation des aliments.

Prairie Pasta Producers continue d'aller de l'avant, convaincu qu'un lien direct entre le cultivateur et l'usine de transformation est une nécessité pour survivre dans un contexte où les tarifs de transport, depuis l'abolition des subventions du Nid-de-corbeau, et les tarifs de mise en silo continuent de grimper, ce qui signifie des recettes moindres pour le cultivateur des Prairies dont le grain est exporté sur le continent nord-américain. Le cultivateur des Prairies a besoin d'être propriétaire d'une usine de transformation à valeur ajoutée tirée des profits non seulement de la vente de son grain, mais aussi de la vente du produit fini.

Nous avons une entente stratégique avec le troisième producteur de pâtes en importance de l'Amérique du Nord, qui nous donne l'option d'acheter 3 millions de parts représentant le quart de la capacité de mouture. Malheureusement, à cause des contestations commerciales et du fait que le blé dur n'est pas transporté aux États-Unis, l'exécution de cette entente stratégique a été retardée et nous n'avons pas pu ajouter de la valeur au blé dur de nos membres en utilisant une partie du blé dur livré pour acheter les parts. Il nous faut encore une fois expliquer à nos membres qu'ils doivent puiser l'argent pour les parts dans leurs poches si nous voulons exercer l'option que nous avons avec l'entreprise avant la date d'expiration de l'entente.

Il s'agit d'une occasion exceptionnelle pour les cultivateurs de blé dur de l'Ouest canadien, car nous avons pu former une alliance stratégique avec le troisième producteur de pâtes en importance de l'Amérique du Nord. Nous pourrions non seulement bénéficier du nouveau marché pour le blé dur canadien, mais participer aussi aux profits de l'industrie à valeur ajoutée.

L'instauration réussie d'une industrie de la transformation à valeur ajoutée dans les Prairies n'a pas été une tâche facile et continue de présenter un défi à cause des obstacles rencontrés. Aucun de ces obstacles n'a été créé par le marché; ils viennent tous de la réglementation gouvernementale et des restrictions commerciales. Il faudra y faire face sans tarder si nous voulons voir aboutir nos efforts et ceux de Prairie Pasta Producers pour ajouter de la valeur au blé dur de nos membres et contribuer à la revitalisation de l'agriculture dans l'Ouest canadien.

Le président: Je vous remercie pour cet excellent exposé. J'ai trouvé intéressant d'entendre ce qui a été fait aux États- Unis pour aider les agriculteurs à financer des activités à valeur ajoutée. Dans votre document, vous parlez de coopératives de nouvelle génération. Vous dites qu'aux États-Unis, ils vont jusqu'à rendre l'achat des parts admissible à des prêts à faible taux d'intérêt. Dites-vous que ce n'est pas le cas au Canada? Vous ne pouvez pas donner en garantie vos parts de ces coopératives de nouvelle génération pour obtenir des prêts à faible intérêt garantis par le gouvernement? Sinon, cela devrait-il être possible?

M. MacKenzie: C'est bien cela. Quand nous avons traité avec des institutions comme la Société du crédit agricole, nous avons dû prouver que nous possédions un avoir propre dans nos entreprises agricoles qui était l'équivalent de la valeur des parts que nous voulions acheter. En conséquence, le montant que l'on consentait à nous prêter était fondé sur l'avoir propre que nous possédions dans nos entreprises agricoles. Bien sûr, si la Société du crédit agricole se comporte ainsi, les banques vont en faire autant.

Aux États-Unis, non seulement le prêt est-il accordé à un taux d'intérêt subventionné, mais l'agriculteur n'a pas besoin d'avancer une garantie supplémentaire pour obtenir l'argent nécessaire à l'achat des parts convoitées.

Le président: C'est un avantage immense que vous n'avez pas au Canada.

M. MacKenzie: Exactement.

Le président: Dans une récente présentation devant notre comité, la Commission canadienne du blé a cité un sondage effectué par le groupe Earnscliffe dans lequel plus de la moitié des agriculteurs interrogés ont dit qu'ils ne seraient pas disposés à investir dans des usines de transformation pour la valeur ajoutée si cela devait se traduire par une baisse du rendement sur les ventes de céréales. Quelle est votre opinion sur les résultats de ce sondage? Cela vous a- t-il étonné autant que moi?

M. MacKenzie: Personnellement, si l'on posait la question à n'importe lequel d'entre nous ici présents, aucun d'entre nous ne serait d'accord avec cela. N'ayant pas participé à ce sondage, j'ignore comment la question était formulée. De la manière dont vous avez formulé la question, monsieur le président, aucun homme d'affaires ne voudrait investir dans un projet qui aurait pour résultat de faire baisser le rendement. Ainsi, la réponse évidente est non.

Vous pourriez poser plutôt la question de cette manière: Si vous aviez la possibilité d'investir dans la valeur ajoutée, le feriez-vous si vous aviez le sentiment qu'il y aurait possibilité d'augmenter les revenus de votre entreprise agricole? À ce moment-là, la réponse est nécessairement oui. C'est ce que tout le monde répondrait à cette question.

Le sénateur Wiebe: Premièrement, je veux vous féliciter d'avoir compris la valeur extraordinaire des coopératives de nouvelle génération.

Cet instrument permettra certainement aux agriculteurs de compenser certaines pertes qu'ils semblent subir sur le marché. En se regroupant, ils peuvent gravir quelques échelons le long de la chaîne de la valeur ajoutée.

C'est un immense pas en avant. C'est un mécanisme que les Américains utilisaient bien longtemps avant que nous nous soyons éveillés à cette idée chez nous. Je vous encourage en ce sens.

J'ai remarqué que vous avez évoqué à la fin de votre allocution les obstacles que vous avez rencontrés. Vous avez dit qu'aucun de ces obstacles n'a été créé par le marché, mais plutôt par la réglementation gouvernementale et les restrictions au commerce.

Vous avez passé pas mal de temps à décrire les problèmes que vous avez eus avec la Commission canadienne du blé. Ce sont les contraintes commerciales qui sont en cause. Si je comprends bien, vous aviez prévu à l'origine construire une usine de transformation au Canada. Vous vous êtes butés à des problèmes et vous cherchez maintenant à vous joindre à un conglomérat du Dakota du Nord pour aller de l'avant.

Pourquoi ne pas construire cette usine de transformation ici au Canada?

M. MacKenzie: Nous agissons conformément aux conclusions non seulement de notre étude de faisabilité, mais aussi de notre plan d'affaires. Notre partenaire fonctionne tout près de sa capacité maximale de mouture. Ils devront très bientôt agrandir leurs installations. Nous devons voir notre marché comme un marché nord-américain et pas seulement canadien. Nous devons avoir accès à la population américaine.

Cette alliance nous donne la possibilité d'établir un partenariat avec quelqu'un qui a déjà accès à ce marché et qui y vend son produit. Le fait qu'ils fonctionnent quasiment à capacité signifie que s'ils veulent étendre leur part du marché, nous avons alors l'occasion d'offrir d'étendre leur marché dans notre direction.

Le sénateur Wiebe: Cela augure-t-il mal pour l'établissement d'usines de transformation d'une denrée quelconque à l'endroit où cette denrée est produite? Je veux dire la Saskatchewan. Je crois comprendre qu'une nouvelle usine de pâtes est actuellement en construction en Colombie-Britannique. Il y aura donc capacité excédentaire.

J'ai pris le temps hier soir de consulter votre site Web. J'ai remarqué que vous y posez la question: «Pourquoi ne pas construire une usine de pâtes?» J'ai trouvé intéressantes certaines réponses que vous donnez sur votre site Web. Je parle de la Saskatchewan parce que c'est la province que je représente.

Vous dites ici qu'après des études de marché approfondies, suivies d'une étude de faisabilité détaillée, il vous est apparu qu'il y avait et qu'il y a encore une importante capacité de fabrication de pâtes en Amérique du Nord. La conclusion de votre étude est que de construire une usine dans cet environnement ferait courir un niveau de risque inacceptable pour le capital de vos membres. C'est particulièrement vrai si l'usine en question n'est pas située de manière à tirer le plus grand profit possible de la logistique du transport, qui est aujourd'hui un facteur critique dans l'industrie des pâtes qui est extrêmement compétitive.

Il y a deux semaines, nous avons reçu les représentants de la Commission du blé. Je leur ai demandé: «Quel pourcentage des pâtes produites au Canada sont fabriquées dans des usines appartenant à des Canadiens?» La réponse m'a renversé. C'est seulement 5 p. 100. Le reste appartient à des étrangers.

Je leur ai demandé quels étaient les problèmes. Ils ont dit que le plus grand problème, c'est que nous sommes trop loin du marché. Ce n'est pas le coût du transport pour amener la matière première jusqu'à l'usine de transformation; c'est plutôt ce qu'il en coûte, en frais de transport et autres complications, pour amener le produit fini jusqu'aux marchés.

Votre réponse reflète le véritable problème qui se pose. Ai-je fidèlement décrit la situation?

M. Allan Brigden, vice-président, Prairie Pasta Producers: Pourrais-je répondre à cela, sénateur? Étant donné les tarifs de transport, il en coûte très cher pour transporter la matière première jusqu'aux ports. Comme vous le savez, et je pense que je n'ai pas besoin de le rappeler à quiconque, nous n'avons pas accès à la mer en Saskatchewan. Quand on expédie des pâtes, on se trouve à transporter beaucoup d'air. Ce produit est endommagé pendant le transport, et le coût du transport depuis une usine de la Saskatchewan jusqu'aux marchés est l'un des obstacles que l'on doit surmonter. Nous avons compris cela très rapidement.

L'autre problème qui fait obstacle à la construction d'une usine de pâtes à partir de zéro, c'est la part de marché. Vous comprendrez tous qu'il faut lutter férocement pour obtenir de l'espace pour mettre des produits sur les tablettes des magasins. Les poids lourds vont mettre votre produit derrière une colonne, ou tout au bas des tablettes, ou bien très haut, là où les femmes ne peuvent pas le voir. C'est impossible d'obtenir une part du marché.

Au sujet des obstacles, nous en avons rencontré beaucoup, comme M. MacKenzie l'a dit dans son exposé. Je faisais partie du groupe qui a rencontré les gens de la CCB, probablement six fois ou plus. À chaque fois que nous avions une idée, on nous disait que ce n'était pas faisable. Je le dis ouvertement, la CCB a peur que nous mettions le pied dans la porte.

Je suis peut-être un peu comme le sénateur Wiebe. Je viens de Saskatchewan et j'ai beaucoup de questions et je fais beaucoup de vent. Nous nous connaissons.

L'industrie céréalière est en difficulté depuis bon nombre d'années. Comme je l'ai dit ce matin au sénateur Gustafson, j'ai derrière moi 42 récoltes, strictement dans le secteur des céréales. Nous discutons de valeur ajoutée. Nos deux sénateurs se rappelleront qu'en 1968, la Commission du blé avait un quota de livraison de 4 boisseaux l'acre pour le blé de printemps. Si vous aviez 500 acres ensemencées en blé de printemps, vous pouviez livrer 2 000 boisseaux.

En 1968, je me suis lancé dans la commercialisation mixte et dans le secteur des semences sélectionnées. C'est un élément de mon exploitation depuis 35 ans, et nous ajoutons de la valeur. Je peux vous en parler, de la valeur ajoutée dans l'agriculture.

L'industrie céréalière est en difficulté depuis longtemps. En mai dernier, nous avons eu la maladie de la vache folle. Avant cela, nous avions eu l'encéphalopathie des cervidés, qui a ruiné le secteur de l'élevage du wapiti. Il y a deux semaines, les activités de PMU ont été réduites de 40 p. 100. Nos producteurs sont au bord du gouffre.

Vous avez dit que l'étude de la Commission du blé a conclu que les producteurs ne sont pas disposés à investir. Les producteurs n'ont pas d'argent.

Nous perdons des producteurs. Je suis préfet de ma municipalité depuis 21 ans. Je peux voir ce que nous réserve la dépopulation de la Saskatchewan rurale.

Dans ma municipalité, il y a six jeunes gens de moins de 25 ans qui travaillent à plein temps dans l'agriculture; trois d'entre eux sont chez moi. Voilà notre problème. Tout va mal et personne n'a d'argent à investir. Les 60 p. 100 qui disent qu'ils ne veulent pas investir disent probablement tout simplement qu'ils vont se contenter de survivre parce qu'ils sont trop vieux pour se lancer là-dedans.

Le président: Je suppose que les autres jeunes gens de moins de 25 ans sont allés en ville, où ils peuvent gagner plus d'argent.

M. Brigden: Non, certains d'entre eux ont des emplois à l'extérieur de la ferme et ils subventionnent celle-ci. Comme je le dis toujours, le dépôt direct fait plus mal à l'agriculture que n'importe quoi d'autre: on peut se trouver un emploi et avoir son chèque de paye déposé directement dans son compte le 1er et le 15 du mois.

Le sénateur Wiebe: J'ai une autre question sur le même sujet. Vous avez assurément fait ressortir le problème qui se pose pour nos jeunes gens. Notre comité est allé en Europe pour examiner les subventions payées aux agriculteurs là- bas. J'ai été personnellement scandalisé d'apprendre que l'Union européenne est la région du monde la plus fortement subventionnée. Les États-Unis viennent au deuxième rang. En dépit des subventions énormes, ils continuent de perdre des agriculteurs au rythme de 3 p. 100 par année, tout comme au Canada, et ils ont le même problème avec leurs jeunes, qui deviennent mieux instruits et qui ne veulent pas rester à la ferme. Ils veulent plutôt s'en aller vivre en ville.

C'est un grave problème auquel nous devons nous attaquer d'une manière quelconque si nous voulons transmettre nos fermes de génération en génération.

Je viens de Saskatchewan, où j'ai passé plus de temps que je ne l'aurais voulu à m'entretenir avec des représentants de la Commission canadienne du blé au sujet de cette situation et de la nécessité de faire davantage de transformation dans les Prairies. Je sais que la CCB a des difficultés, mais comme vous l'avez dit dans votre allocution, il faut des encouragements économiques quelconques pour réussir à lancer quelques-unes de ces coopératives de nouvelle génération. Je constate que la Commission du blé leur a accordé une certaine latitude en les autorisant à effectuer des livraisons là où ils le souhaitent, à faire l'échange comptable de stocks, et cetera. Ce sont des programmes de ce genre qui ne sont pas accessibles aux autres usines de transformation qui n'appartiennent pas aux producteurs.

La Commission du blé n'a pas pour tâche de donner des encouragements, contrairement aux gouvernements, et elle n'a pas le mandat de le faire ni dans sa charte constitutive ni de la part de ses membres. Par conséquent, n'est-ce pas le rôle des gouvernements fédéral et provinciaux de donner des encouragements pour favoriser l'émergence de ces CNG, au lieu de compter sur la Commission canadienne du blé pour le faire? Les gouvernements adoptent des lois et prennent des règlements, et ils ont accès à de l'argent provenant de l'ensemble du Canada, c'est-à-dire les recettes fiscales, qu'ils pourraient utiliser à cette fin. Ce serait préférable que si nous, en tant que comité, communiquions avec la Commission du blé pour lui dire qu'elle doit dépenser une partie de son argent pour donner des encouragements. Ne sommes-nous pas mieux de dire que la responsabilité en incombe aux gouvernements fédéral et provinciaux? Ne devrions-nous pas exercer de plus fortes pressions sur les gouvernements pour qu'ils le fassent?

M. MacKenzie: Sénateur, pour répondre à votre deuxième question en premier, la Commission canadienne du blé a mis en place des mesures dont j'ai parlé dans mon mémoire. Deux ressortent relativement à la manutention du grain. La première est les frais d'ensilage dams les silos portuaires. À titre d'agriculteur de Saskatchewan, vous investissez 50 000 $ dans notre coopérative de nouvelle génération et vous vendez vos 5 000 boisseaux de blé dur à notre usine. Vous vous rendez compte que pour chaque tonne métrique de blé dur que vous livrez, vous dépensez entre 10 $ et 15 $ par tonne métrique pour l'ensilage dans le silo portuaire. Pourtant, votre grain n'a jamais été stocké dans ce silo. Cet argent a été utilisé pour abaisser le coût de l'ensilage du grain de quelqu'un d'autre, ou bien il a été dépensé autrement. De notre point de vue, il semble juste, puisque vous étiez prêt à prendre ce risque et à faire cet investissement, que votre grain soit livré à votre usine sans que vous soyez tenu de payer certains de ces frais qui n'ont aucun rapport avec votre grain. Cela n'est pas juste pour vous en tant qu'investisseur. Voilà le contentieux entre Prairie Pasta Producers et la Commission canadienne du blé.

Au sujet des encouragements du gouvernement, je suis entièrement d'accord. J'ai fait allusion aux politiques américaines relativement aux coopératives de nouvelle génération et j'ai dit que les Américains vont plus loin que nous au Canada. Ils permettent à l'agriculteur de tirer profit de la valeur ajoutée, des avantages de la coopérative de nouvelle génération, au moyen d'encouragements à l'investissement et à la commercialisation. Il y a encore autre chose qu'ils permettent. Si nous avions deux usines de pâte de nouvelle génération, celles-ci pourraient s'entendre sur le prix de vente sans se retrouver en cour. Les coopératives sont exemptées de cette contrainte. Ils ont permis aux coopératives appartenant à des agriculteurs d'agir de manière à permettre que les profits se retrouvent dans les localités. Il a fallu un certain temps à Prairie Pasta Producers pour se rendre compte que nous ne pouvions pas implanter des usines à Estevan, Weyburn et Swift Current pour revitaliser nos collectivités. Au lieu de cela, il n'y aurait qu'une seule usine, dans une localité. Les autres qui auraient investi dans des usines de pâte n'en auraient pas dans leur propre localité.

Pour revitaliser l'économie rurale, il faut que les profits provenant de l'investissement retournent dans la collectivité. Si l'on peut revitaliser l'économie de la localité et si tous vos voisins peuvent faire des profits raisonnables, alors ils vont rester chez eux; acheter leurs fournitures dans leurs magasins locaux et demeurer des clients de leur concessionnaire automobile, atelier de pneus et supermarché. La collectivité sera solide et en santé parce que l'économie locale sera florissante.

Revitaliser nos localités rurales par la valeur ajoutée, c'est possible. En réalité, notre position était que nous voulions construire une installation qui ne se limiterait pas à transformer les produits d'une seule ferme. Nous voulions englober un grand nombre de fermes pour répartir les avantages sur une grande région. Nous voulions faire concurrence dans le secteur des pâtes alimentaires d'Amérique du Nord et pour ce faire, il fallait une minoterie de grande capacité. Nous avions prévu une usine d'une capacité de 5 millions de boisseaux. C'est une énorme quantité de grains et donc de pâtes.

Pour revenir à votre première question, nous pouvons maintenant expédier des pâtes par train parce qu'on a mis au point un matériau d'emballage spécial dans lequel on injecte de l'air pour servir de coussin. De cette manière, quand le train est secoué par des chocs, des heurts et des secousses, les pâtes ne rebondissent pas sur les parois des wagons et se rendent à destination en bon état. Certains progrès ont été réalisés, et notre partenaire stratégique est probablement le seul fabricant de pâtes dans la région de Great Plains, au Dakota du nord. L'usine a été construite par une CNG appartenant à 1 100 agriculteurs de cet État. Il semblait logique pour nous de chercher à conclure une alliance stratégique avec une compagnie de pâte appartenant à des agriculteurs parce qu'ils possèdent déjà une part importante de ce marché.

Le sénateur Gustafson: Premièrement, je voudrais souhaiter la bienvenue à mes voisins à notre Comité de l'agriculture.

Nous avons entendu dire à notre comité que les coopératives de nouvelle génération pourraient être la solution à certains problèmes auxquels nous sommes confrontés dans le Canada rural. Je pense qu'il était vital que vous veniez faire part de cette information au comité. Combien d'agriculteurs participent à votre projet?

M. MacKenzie: Après notre campagne initiale de dépôt fiduciaire dont j'ai parlé, et après avoir remboursé les fonds aux agriculteurs, nous avons offert un investissement dans notre partenaire au sein de notre alliance stratégique. Pour l'instant, nous avons tout juste plus de 200 agriculteurs canadiens. Le rythme des adhésions a faibli. Nous n'avons pas d'entité américaine pour l'instant. C'est seulement une entité canadienne.

Le sénateur Gustafson: Avez-vous des chiffres sur la production canadienne de blé dur en comparaison de la production américaine?

M. MacKenzie: Eh bien, nous en produisons certainement beaucoup plus. Je pense que le Dakota du Nord en produit environ trois millions de tonnes métriques, et nous environ cinq millions.

Le sénateur Gustafson: Avez-vous des renseignements sur les variétés et les catégories de blé dur que nous produisons au Canada?

M. MacKenzie: Il est notoire que nous produisons un blé dur de très grande qualité qui permet de produire de bonnes pâtes. Nous avons envoyé à notre partenaire stratégique environ quatre cargaisons de blé dur et ils ont été très impressionnés. Ils ont constaté que ce blé produit des pâtes de très grande qualité. Nous envisageons de mettre au point un logiciel qui permettrait de retracer le produit jusqu'à la ferme où le blé a été cultivé, et de commercialiser les pâtes selon cette formule. Notre partenaire s'est efforcé d'acquérir des parts du marché au Canada, en se fondant sur le fait que nous pourrions vendre au Canada des pâtes qu'on pourrait présenter et étiqueter comme étant faites avec du blé dur canadien.

Le président: C'est bien.

Le sénateur Gustafson: Est-ce seulement une question de logistique? C'est un programme qui va fonctionner. Nous avons un bon produit, probablement le meilleur au monde. Nous disons qu'il l'est. Il semble que les minotiers et les producteurs de pâtes en soient convaincus. Il s'agit seulement de mettre cela sur pied et de trouver le moyen de le faire fonctionner.

S'il est effectivement prouvé que les coopératives fonctionnent, permettant de renforcer les collectivités rurales et de retourner une partie des profits aux producteurs primaires, il me semble que c'est là une réalisation importante. Je n'ai pas tellement d'autres questions à poser, sinon celle-ci: que faut-il faire pour y arriver? Quels sont les principaux obstacles que nous devons surmonter pour réussir?

Il est certain que cela peut se faire. Il a été prouvé que les coopératives fonctionnent. C'est probablement le seul espoir que les agriculteurs ont de faire concurrence aux grandes entreprises multinationales. Autrement, nous ne pouvons pas rivaliser avec elles. C'est entendu.

La coopérative de nouvelle génération est probablement le seul rayon d'espoir que nous ayons perçu ici au comité pour ce qui est de revitaliser l'agriculture et les groupes agricoles. Il faut absolument trouver le moyen pour que ce projet soit couronné de succès.

Le président: Pourrais-je ajouter une question supplémentaire? Dans votre exposé, vous avez dit: «Nous avons une entente stratégique avec le troisième producteur de pâtes en importance de l'Amérique du Nord, qui nous donne l'option d'acheter trois millions d'actions représentant le quart de la capacité de mouture». Premièrement, pouvez-vous trouver l'argent pour acheter les actions? Deuxièmement, vous avez fait une curieuse déclaration quand vous avez dit: «Malheureusement, à cause des contestations commerciales et du fait que le blé dur n'est pas transporté aux États- Unis, l'exécution de cette entente stratégique a été retardée.» Qu'est-ce qui a provoqué le retard et comment peut-on régler le problème? Que peut-on faire pour saisir cette magnifique occasion financière?

M. MacKenzie: Il y a un an, nous avons pris une option avec les actionnaires de la Dakota Growers Pasta Company, du Dakota du Nord, et tous leurs actionnaires ont reçu l'option d'offrir une partie de leurs actions. Nous avons fait une offre à hauteur de trois millions d'actions, et ils nous en ont offert plus que trois millions. Nous avons une option sur ces trois millions d'actions jusqu'au 25 novembre 2003. Oui, c'est un peu serré.

Les contestations commerciales ont essentiellement bloqué le transport du blé dur et nous ont mis dans une position telle que le cours du marché aurait fait en sorte qu'il nous aurait été difficile de réaliser l'option que nous avons prise à cause de la manière dont elle a été conçue. Quand nous avons commencé à livrer des céréales au printemps 2003, notre entente stipulait qu'une partie du paiement pour les céréales livrées servirait à payer ces actions-là. En conséquence, les agriculteurs n'avaient pas besoin de puiser de l'argent dans leur portefeuille pour acheter les actions qu'ils voulaient. Celles-ci seraient payées à même le grain livré. Cela nous semblait brillant, mais nous approchons maintenant de l'échéance.

À l'heure actuelle, nous avons envoyé une lettre à la Commission des valeurs mobilières de Saskatchewan. Nous voulons offrir à nos membres la possibilité d'acheter ces actions, et il leur faudrait en financer l'achat de la manière qui leur conviendrait.

Le président: Est-il réaliste de penser que vous pourrez faire cela en deux semaines?

M. MacKenzie: Nous avons une option en vue d'une prolongation.

Le président: De six mois?

M. MacKenzie: Notre avocat nous dit que l'on pourrait peut-être obtenir un délai de trois mois.

Si les membres sont d'accord pour prendre l'option sur les actions, nous allons demander un report de l'échéance.

Évidemment, comme l'entente expire le 25 novembre, les actionnaires visés ne sont pas tenus d'accorder un délai. Ils peuvent retirer leurs actions de l'offre. Il se pourrait donc que nous en perdions une partie à cause de ce qui s'est passé, ou bien ils peuvent décider de continuer à les offrir. C'est un impondérable. Cependant, c'est ainsi que cela fonctionne. Ils ont l'option de retirer leurs actions, ou bien ils peuvent maintenir l'offre et accorder un délai.

Le président: J'espère que l'on pourra faire quelque chose pour s'assurer que cela se réalise, parce que c'est une merveilleuse manière d'ajouter de la valeur. Je vous souhaite le meilleur succès dans votre entreprise et j'espère que vous obtiendrez le délai.

Le sénateur Fairbairn: Je vous remercie d'être venus. Vous écouter est à la fois une source d'inspiration et de frustration. Vous témoignez ici le jour même où nous déposons notre rapport final sur le changement climatique auquel nous travaillons depuis plus d'un an, dans un effort pour attirer l'attention sur le débat qui a cours au Canada à propos de Kyoto et sur les défis que nous devrons relever, en particulier parmi notre communauté agricole.

Tous les témoignages que nous avons entendus pendant ces discussions nous ont amenés à croire que notre industrie se verra imposer un avenir très différent à cause des changements qui continuent de se produire, peut-être à un rythme encore plus rapide que prévu. Cela fait ressortir encore davantage l'importance de ce dont vous nous parlez, alors que les attentes traditionnelles dans le secteur agricole sont en train de changer. En fait, vous êtes coincés.

M. MacKenzie: Nous le sommes toujours.

Le sénateur Fairbairn: Je le sais. Vous êtes coincés entre ce que les gens vous demandent de faire, c'est-à-dire d'être innovateurs et d'ajouter de la valeur et tout cela, et un système dans lequel vous semblez pris et qui ne vous aide nullement à faire démarrer cette innovation que vous êtes tout à fait disposés à faire de votre propre initiative une fois que le coup de pouce aura été donné.

Vous êtes donc venus ici à Ottawa pour témoigner devant notre comité. Ma première question est celle-ci: allez-vous profiter de votre séjour ici pour discuter avec des fonctionnaires du ministère de l'Agriculture, et peut-être aussi du ministère de l'Industrie?

M. MacKenzie: En bref, la réponse est non. Nous avons été invités à venir témoigner devant le comité et c'est avec grand plaisir que nous avons accepté. Nous y voyons un grand honneur. Le temps qui nous a été accordé pour nous préparer ne nous a pas permis de faire autre chose. Le sénateur Gustafson nous a posé un peu la même question avant le début de la séance. Nous aurions bien aimé pouvoir faire tout ce que vous et le sénateur Gustafson avez suggéré. Nous n'avons rien prévu de tout cela pendant notre séjour ici, ce qui est regrettable parce que nous aurions certainement bien aimé le faire.

Le sénateur Fairbairn: Je pense que vous devriez revenir. Toutes les personnes autour de la table pourraient vous aider à organiser des rencontres de ce genre.

Je voudrais faire une observation. Je songe à une petite compagnie de Lethbridge. Je viens de l'extrême sud de l'Alberta. J'ai beaucoup de questions, et je fais peut-être encore plus de vent que vous. C'est une compagnie qui s'appelle Let's Pasta. Ils ont décidé de se lancer à la fois dans la vente de leurs produits au Canada et, si possible, dans l'exportation leurs produits. Je n'ai pas été payé pour dire cela, mais c'est un excellent restaurant. Ils ont réussi à faire cela après avoir surmonté d'incroyables difficultés. On aurait presque dit que le système avait été conçu pour les empêcher de réussir, et pourtant ils ont obtenu un succès considérable en allant vendre leurs produits aux États-Unis et dans l'ouest du Canada.

On ressent une certaine frustration, étant donné que notre produit est probablement l'un des meilleurs au monde, et avec l'évolution dans notre industrie, les perspectives changent par suite de problèmes tels que les sécheresses, les invasions de sauterelles, les incendies, les crues, les dégâts des vents, et cetera; la situation ne s'améliorera pas. Il est capital que vous réussissiez dans la voie que vous vous êtes tracée.

La plupart de vos liens se trouvent-ils à la ferme, en bout de ligne du système de production? Combien de liens avez- vous établis avec des petites entreprises comme celle de Lethbridge?

M. MacKenzie: Nous avons essayé de délimiter plus clairement notre objectif. D'abord de susciter la participation du plus grand nombre de fermes possible afin de répartir les bénéfices sur une grande région en espérant toujours pouvoir produire suffisamment de grain pour alimenter une usine de la taille que nous voulions. Nous ne cherchons pas à faire concurrence à des petites usines, comme celle de Lethbridge dont vous avez parlé, ou même à les faire participer car elles ont déjà un créneau. Ces usines fonctionnent très bien et je crois qu'il y en a beaucoup comme elles.

Notre objectif était de susciter la participation d'un nombre de fermes en vertu de la loi sur les coopératives de la nouvelle génération. Nous pourrions livrer concurrence aux grandes compagnies nord-américaines, cette situation modifierait la dynamique commerciale. Vu l'objectif du mouvement des coopératives de la nouvelle génération et les objectifs que nous avions fixés pour le groupe, nous nous sommes efforcés de ne pas nous en éloigner afin d'offrir cette perspective au plus grand nombre possible de cultivateurs. Nous nous y sommes tenus et je crois que nous continuerons. Tous ceux qui veulent participer peuvent le faire. La coopérative a une limite au nombre de ses membres mais elle n'est pas fermée à la participation. La volonté de participation est la caractéristique des coopératives ayant une limite au nombre des membres. Il n'y a pas de profiteurs. Vous ne pouvez pas être membre sans participer. La participation est un impératif et nous l'encourageons bien évidemment. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.

Le sénateur Fairbairn: Il est évident que vous faites exactement ce que les gouvernements et les prétendus experts demandent aux cultivateurs et aux entreprises agricoles au Canada de faire. Si le comité peut vous aider, il le fera. Nous avons pu éliminer les obstacles qui, comme vous l'avez souligné, finiraient par mettre en péril l'existence même de nos communautés rurales, car les activités sur lesquelles nous avons toujours compté, d'une manière ou d'une autre, ne peuvent pas donner les mêmes résultats qu'auparavant.

Vous représentez exactement le genre de personne à valeur ajoutée que nous devons écouter, mais j'ajoute que le gouvernement devrait entendre. Je vous encourage à revenir et voir si nous arrivons à vous aider à vous faire écouter par les autorités concernées.

M. MacKenzie: Merci, sénateur. Je suis entièrement d'accord. Je ne crois pas que le gouvernement devrait craindre de nous aider sous prétexte de refuser d'aider les entreprises. En nous aidant à faire concurrence aux grandes entreprises, la situation économique finira par...

Le président: Nous parlons d'activités commerciales. L'agriculture en est une aujourd'hui.

M. MacKenzie: Exactement, mais il paraît qu'il y a une hésitation à aider une coopérative, à permettre aux cultivateurs de s'unir et à les aider à se lancer dans les affaires afin de ne pas nuire au secteur privé.

Ce qui nous empêche surtout d'avancer, comme M. Brigden l'a souligné ici, c'est le manque d'argent ou la valeur nette de la ferme, que les cultivateurs auraient pu utiliser en garantie d'emprunt, suite aux nombreux problèmes du secteur agricole de l'Ouest canadien. Étant donné les risques posés par des événements imprévisibles, les effets catastrophiques de la sécheresse, les incendies, les invasions de sauterelles, et cetera, le cultivateur hésite à risquer la dernière partie du capital s'il ne peut pas avoir un contrôle direct. Il peut être disposé à investir s'il pense qu'il peut avoir un contrôle direct. Il achètera une autre parcelle de terre ou un nouveau tracteur s'il juge qu'ils sont nécessaires pour terminer son travail à temps. Il peut contrôler cet investissement directement. Le contrôle de l'investissement n'est pas le même dans une coopérative. S'il dispose de capital, il examinera d'abord ces autres choses. La mesure législative visant à aider les coopératives de la nouvelle génération est bonne, mais pour créer la valeur ajoutée, elle doit aller au- delà de la législation. Ces autres facteurs doivent être mis en place pour nous aider à replacer ces projets de valeur ajoutée dans leur contexte et à les appliquer efficacement.

Le sénateur Fairbairn: Vos arguments sont très convaincants et je vous en remercie.

M. Brigden: J'ajouterai que vous êtes vraiment à l'écoute de ce qui se passe. Nous avons parlé de ces obstacles et des producteurs qui ne peuvent et ne veulent pas livrer. Si on pouvait assurer aux producteurs une livraison directe de leur blé dur à une usine de pâtes alimentaires, sans que personne d'autre ne tire un profit, ils feraient la queue depuis Lethbridge pour se joindre à cette coopérative de la nouvelle génération et ils réuniraient les fonds pour la faire marcher. Je ne peux être plus affirmatif. Je fais partie du conseil d'administration de Weyburn Inland Terminal, le plus grand silo terminal intérieur, qui appartient entièrement à des cultivateurs canadiens. S'il est possible de livrer du blé dur directement à votre usine, nous le ferons, autrement, il y a trop d'inconnues. Trop de débours risquent d'être en jeu avant même que je n'aie encaissé mon chèque.

Le sénateur Fairbairn: C'est exactement la réponse que j'attendais de vous, parce que c'est la réalité.

M. Brigden: C'est la réalité.

Le sénateur Hubley: Je vous souhaite la bienvenue à tous les deux.

J'ai aimé votre énoncé de mission. Il énumère très clairement vos objectifs. Il vise à donner aux cultivateurs les moyens de mieux soutenir la concurrence sur le marché mondial.

Je voudrais que vous nous parliez de vos tentatives de pénétration des marchés étrangers. Présentent-ils des défis différents des marchés nord-américains?

Avez-vous réussi à identifier des marchés à créneaux pour vos produits?

M. MacKenzie: Lorsque nous avons fixé notre premier objectif, nous avons vu la possibilité de faire participer les cultivateurs de toute la région productrice de blé dur en Amérique du Nord, y compris le Montana et le Dakota du Nord, puisque le triangle du blé dur s'étend à ces États et que nous y comptions déjà beaucoup de membres avant notre initiative de dépôt entre les mains d'un tiers.

Le fait que la région productrice compte un nombre élevé de membres qui produisent 15 p. 100 du blé dur constitue un facteur déterminant pour augmenter la rentabilité du produit.

La pâte est un aliment peu cher. Elle est très concurrentielle dans la préparation des aliments bon marché. Il est possible donc de l'augmenter de 0,10 $ par boîte chez les détaillants; cette augmentation a un effet significatif sur le prix du blé dur à la production.

L'industrie mondiale des pâtes alimentaires compte très peu de concurrents. Il est presque effrayant de découvrir leur si petit nombre. Ce nombre ne cesse de diminuer et de moins en moins de concurrents contrôlent le marché. Notre objectif est de regrouper ces producteurs.

Le blé dur est plutôt une denrée mineure. Il ne se situe pas au même niveau de concurrence que le blé de printemps dans le marché international parce qu'il ne sert qu'à fabriquer des pâtes alimentaires. Il serait possible de regrouper les cultivateurs d'autres pays, comme l'Australie, qui comme nous essaient de se tailler une place dans le marché mondial de l'exportation. Eux aussi pourraient tirer profit d'un projet comme le nôtre puisque tous les grains servent à fabriquer des pâtes alimentaires. Y a-t-il une raison pour laquelle les producteurs ne devraient pas recevoir une partie des bénéfices tirés de la valeur ajoutée si les choses sont faites correctement?

Le sénateur Hubley: Quelle est l'importance de votre industrie? Où se situe le triangle du blé dur à l'échelle mondiale? Par exemple, sommes-nous au premier ou au cinquième rang?

M. MacKenzie: Nous ne sommes pas les premiers producteurs, mais nous sommes les plus gros exportateurs de blé dur au monde en raison de l'étendue de la région productrice et au fait que notre faible population n'est pas un grand consommateur de ce produit.

Nous cultivons l'un des meilleurs blés durs au monde. Le sénateur Gustafson a mentionné sa très bonne qualité. Les pâtes italiennes sont réputées être les meilleures au monde, mais celles fabriquées avec notre blé dur sont tout aussi bonnes.

Le président: La consommation des pâtes alimentaires a-t-elle diminué par suite des nouvelles attitudes du consommateur envers les aliments à base de céréales?

De nos jours, beaucoup de régimes alimentaires déconseillent les aliments riches en glucides, comme les pâtes. Pensez-vous que cela aura un effet important sur les producteurs de blé dur de l'Ouest canadien?

M. MacKenzie: L'an dernier, il y a eu une diminution de 5 p. 100 des ventes des grandes marques de pâtes alimentaires en Amérique du Nord. Notre partenaire prépare une stratégie de commercialisation qui cible les consommateurs de pâtes.

Mais si les tendances changent, les cultivateurs eux produiront toujours du blé dur. Ils doivent s'allier à l'industrie des pâtes alimentaires. La coopération entre le cultivateur et le transformateur est nécessaire. Nous n'allons pas renoncer à pénétrer l'industrie des pâtes alimentaires uniquement parce que les ventes fléchissent aujourd'hui. Nous y avons fait face en commençant par nous allier à un industriel qui a une part du marché, des contacts et un coût de production acceptable. L'usine est neuve et les frais généraux raisonnables, en plus le marché est en place. Par conséquent, il y a un profit et l'investissement est solide. Il y a une possibilité de croissance dans l'industrie et avec notre partenaire nous pourrons y réagir.

Le sénateur Wiebe: Tout à l'heure, vous avez répondu à une question en que disant que vous deviez établir une alliance avec des grandes usines de transformation établies à cause du problème d'étalage des produits des petites usines de transformation et des producteurs ayant un créneau. Le comité reconnaît que ce problème d'étalage est assez courant dans ce type de situation.

Il a été suggéré, sans que cela soit nécessairement le point de vue du comité, que le gouvernement du Canada et les provinces adoptent des mesures législatives visant à encourager les détaillants à réserver une partie de leur espace d'étalage aux produits transformés localement et au Canada.

Qu'en pensez-vous?

M. MacKenzie: C'est la première fois que j'en entends parler. Vous parlez de l'espace d'étalage gratuit. Il me semble que le coût d'étalage est fonction de l'emplacement du produit, c'est-à-dire à la hauteur des yeux, au niveau du sol ou au bout de l'allée. Lorsque j'ai commencé, ce qui m'avait frappé le plus au début c'était d'apprendre que les entreprises devaient payer pour mettre leurs produits à l'étalage dans une épicerie. Pourtant, c'est la réalité.

Nous ne pouvons pas vous dire ce que nous pensons de votre suggestion car c'est la première fois que nous en entendons parler. L'idée d'obtenir quelque chose gratuitement est certainement intéressante.

M. Brigden: D'un côté, on demande moins de contrôle, je veux dire de la Commission canadienne du blé, et de l'autre, on demande de choisir l'espace d'étalage. Que veut-on choisir?

Le sénateur Wiebe: C'est la raison pour laquelle j'ai posé la question.

M. Brigden: Je vois ce que vous voulez dire, sénateur, mais c'est une épée à double tranchant, un choix difficile. Vous risquez de voir les autres producteurs demander ce que sont devenus le libre-échange et la justice. Ce serait ouvrir une véritable boîte de Pandore.

Mes enfants et moi voulons mener notre barque. Nous ne souhaitons pas d'intervention. Si nous ne pouvons pas produire des pâtes qui se vendront, resterons-nous dans cette industrie?

Le sénateur Wiebe: Pour ne pas quitter ce sujet, supposons que les restrictions présentes de la Commission canadienne du blé soient éliminées et que les gouvernements fédéral et provinciaux vous offrent des incitatifs pour augmenter votre capital social. Supposons que votre entreprise est entièrement canadienne et n'est pas alliée à une multinationale établie. Pour obtenir un espace d'étalage, il vous faudra vous lancer dans une guerre de soumissions. C'est très concurrentiel et...

M. Brigden: Cruel.

Le sénateur Wiebe: ... une façon très cruelle de procéder. Vous obtiendrez un espace d'étalage dans une petite ville d'une population de 1 000 habitants ou moins. Vos coûts deviendront considérables pour l'étalage dans les grandes villes et pour exporter ce produit. Je crois que c'est l'un des plus grands problèmes des entreprises locales. Cette analyse vous paraît-elle juste?

M. MacKenzie: Oui, votre analyse est très juste. Le coût de l'espace d'étalage doit être calculé dans notre plan d'action. Il faut avoir une idée des coûts liés soit à un détaillant, soit à une procédure de conditionnement à forfait. Cela peut être extrêmement coûteux.

Le sénateur Wiebe: Peut-être pourriez-vous y penser un peu plus?

M. MacKenzie: Nous le ferons certainement.

Le sénateur Wiebe: Vous pourrez en parler avec vos actionnaires, quelques cultivateurs et représentants de l'industrie. Si vous arrivez à une conclusion, nous serions heureux de recevoir une lettre nous en informant.

Cette idée nous a été présentée plusieurs fois. Tout comme vous, nous nous demandons s'il faut procéder par voie législative. Nous avons le sentiment que les réponses proviendront de gens tels que vous.

Nous vous remercions de bien vouloir y penser et envoyer un mot à notre greffier pour dire que l'idée a du mérite, mais c'est une catastrophe dans certaines régions.

Le sénateur Hubley: Faites-vous aussi votre propre conditionnement?

M. MacKenzie: Malheureusement, nous n'en sommes pas encore là.

Le sénateur Hubley: Je continue sur la question du sénateur Wiebe concernant l'espace à l'étalage, et cetera. Toutes les pâtes que vous fabriquez sont expédiées en vrac à quelque autre...

M. MacKenzie: Nous nous sommes peut-être mal expliqué. Nous ne fabriquons pas de pâtes pour l'instant. Nous sommes encore en train d'essayer de pénétrer ce secteur. Si nous arrivons à remplir nos engagements et notre option d'achat d'actions, notre grain sera pris et transformé. À son retour au pays, une certaine partie pourra être identifiée comme étant produite au Canada.

Le sénateur Hubley: Je vois. Je suis allé trop vite.

Le sénateur Gustafson: Le sénateur Fairbairn me dit qu'elle doit partir. Elle a présenté quelque chose de très important.

Vous n'en êtes qu'aux premières étapes. Il est important que vous reveniez afin de rencontrer non seulement le comité sénatorial, mais aussi les comités de l'agriculture et les intervenants du gouvernement. À moins que vous ne puissiez tirer les ficelles du gouvernement, vous êtes en difficulté.

Nous devons être pragmatiques ici. Le sénateur Fairbairn l'a bien dit. Tout le monde semble dire que lorsque les choses reviendront à la normale à Ottawa, vous devriez y revenir et contacter ceux qui tirent les ficelles afin que ce projet puisse se concrétiser.

Sinon, nous ne faisons que perdre du temps. Je voulais dire cela avant que le sénateur Fairbairn ne nous quitte parce que je crois qu'elle peut tirer plus de ficelles que moi.

M. MacKenzie: Merci beaucoup, sénateur Gustafson. Comme je l'ai indiqué dans notre exposé, nous avons fait ce travail au nom de Prairie Pasta Producers pendant six ans. En fait, depuis beaucoup plus longtemps que cela car nous avons dû organiser ce qui est devenu la coopérative Prairie Pasta Producers. Nous ne sommes pas encore arrivés au niveau d'entrée, mais nous sommes près.

La tâche n'a pas été facile pour arriver où nous sommes aujourd'hui. Nous avons été continuellement entravés par des événements catastrophiques.

Le sénateur Wiebe: Je connais les sentiments de frustration. Il y a 30 ans que je m'emploie à certaines choses et ça commence à peine à bouger. Il y a toujours une lumière au bout du tunnel. Vous devez persister.

Le sénateur Ringuette: C'est la première fois que j'entends parler de votre projet. Je suis originaire de la côte Est, mais je suis un fervent partisan des coopératives et des cultivateurs qui veulent avoir une plus grande part de la valeur ajoutée à la phase de la transformation.

Qu'est-ce que le Dakota produit? Je sais que ce sont des pâtes.

M. MacKenzie: Des pâtes alimentaires séchées.

Le sénateur Ringuette: Est-ce qu'ils les livrent aux grossistes pour une transformation ultérieure?

M. MacKenzie: Ils font le conditionnement à forfait pour plusieurs compagnies. L'une d'elles, dont vous connaissez peut-être le nom, se trouve ici au Canada, c'est Unico. La marque Unico est conditionnée par Dakota Growers. Ils font le conditionnement à forfait pour plusieurs entreprises de l'industrie alimentaire et des services d'alimentation.

M. Brigden: Elles travaillent beaucoup avec l'industrie institutionnelle.

Le sénateur Ringuette: Ce marché est énorme.

Avez-vous parlé avec l'entreprise du Dakota de cette portion de pâtes alimentaires séchées qu'elle garde pour le marché institutionnel et de vos efforts pour mettre sur le marché des pâtes répondant mieux à la tendance actuelle?

M. Brigden: La première étape de notre association avec Dakota Growers est de livrer du blé dur canadien. La transformation, le conditionnement, la commercialisation et le reste sont la responsabilité de Dakota Growers. Nous espérons que la croissance permettra de rapporter peut-être quelque chose au nord du 49e parallèle.

La première étape vise à assurer aux producteurs de l'Ouest canadien une valeur ajoutée au blé dur. Voilà ce à quoi nous nous employons.

M. Brigden: Une usine de pâtes alimentaires d'une capacité de 5 millions de boisseaux coûterait plus de 100 millions de dollars et prendrait cinq ans à construire. Lorsque vous décidez de construire une usine de pâtes alimentaires, vous devez commander l'équipement d'Italie parce que c'est le meilleur et on le constate quatre ans plus tard. Comme le disait le sénateur Wiebe, cela ne se fait pas du jour au lendemain. Il y a 10 ans, j'étais invité à la première réunion sur une usine de pâtes alimentaires au sud du 49e parallèle.

Le sénateur Ringuette: Je comprends. Vous en êtes encore aux premiers stades du projet. Je suis d'accord avec mes collègues, c'est prometteur et j'aimerais que vous reveniez voir le comité afin que nous puissions vous aider du mieux que nous le pourrons.

M. MacKenzie: Merci, sénateur.

Le président: J'ai une petite question. On considère que le marché des grains biologiques en est à ses débuts. Les ventes sont modestes, mais il y a de nouveaux débouchés et un excellent potentiel de croissance. Les Prairie Pasta Producers participent-ils à l'industrie des grains biologiques?

M. MacKenzie: Nous sommes heureux d'annoncer que notre partenaire stratégique a une usine biologique homologuée et que notre coopérative est ouverte aux producteurs biologiques. Il y a une demande de blé dur biologique à l'usine de notre partenaire.

Le président: Est-ce que votre coopérative compte des producteurs de blé biologique?

M. MacKenzie: Non, pas à ma connaissance.

Le président: Pourquoi?

M. MacKenzie: Peut-être qu'ils commercialisent leur blé dur ailleurs. Ils ne sont peut-être pas au courant de nos alliances avec l'industrie de transformation. Nous projetons de mieux faire connaître l'installation à l'industrie biologique dès que nous pourrons transporter le grain. L'usine de notre partenaire a récemment été homologuée par le système biologique canadien afin de pouvoir y transformer le grain biologique canadien. Ils ont pris la peine de faire toutes les démarches pour obtenir la certification canadienne pour leur usine.

Le président: Monsieur Brigden, vous et vos enfants êtes dans l'industrie céréalière depuis 43 ans. Pourquoi n'avez- vous pas songé à cultiver des céréales biologiques?

M. Brigden: L'agriculture biologique est un créneau. Lorsque vous avez 12 000 acres, vous utilisez des produits et des engrais chimiques afin de pouvoir ensemencer 600 acres par jour. Ce n'est pas le même type d'exploitation que chez un cultivateur biologique qui a une demi-section et qui peut prendre le pouls des produits biologiques pendant que sa famille arrache les mauvaises herbes. Ils sont mécontents quand nous pulvérisons 1 400 acres par jour. C'est une opération totalement différente. Ce n'est pas ma conception de l'agriculture. Les cultivateurs biologiques installés autour de ma ferme avaient utilisé mes semences. Aujourd'hui, ils sont au point où ils doivent utiliser des semences biologiques. Je ne dirige pas une entreprise agricole biologique, mais j'ai un contrat avec un producteur biologique et, pour la première fois, il faudra que je transforme 9 000 boisseaux de souche biologique certifiée pour les lui vendre au printemps prochain.

Le président: Tout à l'heure, nous avons parlé de rentrée d'argent et de profit sur l'investissement. L'agriculture biologique n'est-elle pas plus rentable que l'agriculture classique? N'est-ce pas là un incitatif à considérer sérieusement?

M. Brigden: Je me suis toujours posé des questions sur ces chiffres. On entend dire 18 $ le boisseau de leur lin et 12 $ le boisseau de leur blé. Je ne veux pas critiquer les producteurs biologiques parce que certains sont très bons et qu'ils gagnent leur vie. La semaine dernière, j'ai lu qu'il y a 20 ans, le revenu d'un cultivateur devait être de 150 000 $ pour avoir des conditions de vie raisonnables, autrement les enfants iraient travailler dans un champ de pétrole ou en ville. Aujourd'hui, 20 ans plus tard, une exploitation agricole gérée par un seul cultivateur doit avoir un chiffre d'affaires de 300 000 $ pour des conditions de vie raisonnables. Nous ne nous sommes jamais intéressés à la production biologique en raison du type de gestion de notre ferme. Certains d'entre eux s'en tirent assez bien, mais comme nous ils doivent travailler fort.

Vous avez parlé de prix de denrée peu élevés. C'est le cas de l'industrie céréalière de l'Ouest canadien. Des producteurs ont pris des avances de fonds pour leur récolte et ils seront remboursés à la livraison à la Commission du blé en automne. Quand un producteur livre un chargement de blé à la CCB, le prix payé par la Commission à la ferme est égal au remboursement de l'avance de fonds. Le producteur n'a plus rien quand il rentre chez lui. Voilà à quel point les choses sont difficiles.

Puis, nous avons eu l'ESB et le prix des vaches a diminué. Il leur est difficile de commercialiser leurs bovins. L'Ouest canadien est en difficulté.

Le sénateur Wiebe: Cela dépend de la qualité du grain. Certains peuvent encore avoir des dettes après avoir livré leur chargement de blé à la CCB.

M. Brigden: Je leur donnais le bénéfice du doute. En 2003, nous avons récolté l'une des meilleures productions du point de vue de la qualité que j'ai jamais vue dans ma carrière. Le blé rouge du printemps est no 1 — 14 p. 100 et plus en protéines. Le blé dur est no 1 — 14 à 14,5 p. 100 en protéines. Cela pose un problème pour l'industrie des pâtes alimentaires car le pourcentage de protéines est jugé trop élevé. L'orge a également une haute teneur en protéines mais les malteurs n'en veulent pas.

Si vous avez un blé dur de 3 ou 4 p. 100, vous ne rembourserez pas ce que vous devrez payer par boisseau. Pourtant, nos homologues américains sont payés différemment. Ils sont payés à l'avance et plus que nous. Nous attendons de voir ce que nous recevrons.

Le président: Au nom du comité, je vous remercie de votre un excellent témoignage. Je crois que la qualité des questions posées par le comité témoigne du vif intérêt que nous avons sur ce sujet. Les commentaires que vous avez faits aujourd'hui ajoutent de la valeur à notre étude sur la valeur ajoutée.

Il nous fait toujours plaisir d'avoir des nouvelles des cultivateurs — de gens qui travaillent à la base.

La séance est levée.


Haut de page