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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 8 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 5 décembre 2002

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie auquel ont été renvoyés le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, ainsi que le projet de loi C-8, Loi visant à protéger la santé et la sécurité et la santé humaines et l'environnement en réglementant les produits utilisés pour la lutte antiparasitaire, se réunit aujourd'hui à 11 h 05 pour en faire l'examen.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Mesdames et messieurs les sénateurs, le premier point de notre ordre du jour est l'examen du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur. L'emploi du temps que vous avez sous les yeux est assez chargé. Comme il s'agit de la dernière séance du comité avant Noël et vu qu'à l'exception d'un seul témoin, qui ne recommande aucun amendement et uniquement de reporter la mise en oeuvre du texte, et qu'il n'y a donc aucune objection au projet de loi, j'inviterais les témoins à être le plus bref possible.

Cela dit, je sais que je demande sans doute l'impossible puisque plusieurs d'entre eux sont des avocats. N'étant pas moi-même avocat — une de mes plus grandes qualités qui sauve tout le reste — j'ai toute liberté pour faire des observations de ce genre.

Nous entendrons d'abord les représentants d'Industrie Canada et de Patrimoine canadien.

M. Bruce Stockfish, directeur général, Politique du droit d'auteur, Patrimoine canadien: Permettez-moi de vous présenter les collègues qui m'accompagnent aujourd'hui: M. Jeff Richstone, avocat général aux services juridiques; M. Bruce Couchman, analyste principal de la politique, Politique de la propriété intellectuelle, Industrie Canada, ainsi que Mme Christine Hudon, Services juridiques, Industrie Canada.

Le projet de loi C-11 est un texte court qui porte toutefois sur une grande question et qui porte beaucoup à conséquence pour un grand nombre d'intéressés, comme le montre l'importance de l'assistance ici.

Tout l'art dans ce projet de loi, comme pour toute question relative au droit d'auteur, est de trouver le juste équilibre entre les droits du créateur, du détenteur des droits et de l'intérêt de l'usager. La difficulté ici est Internet. C'est la question de la retransmission par Internet qui a poussé le gouvernement à clarifier l'article 31 et l'application de la licence obligatoire en application de cette disposition.

La retransmission des signaux de télévision et de radio est un élément fondamental de la politique de radiodiffusion canadienne. Le Canada est ainsi fait que celle-ci est essentielle si l'on tient à ce que les émissions de télévision et de radio soient captées partout au pays.

L'important ici est que la retransmission est assujettie au droit d'auteur. Celui-ci comporte un certain nombre de droits. Le propriétaire du droit d'auteur a le droit exclusif d'empêcher la reproduction ou — ce qui est pertinent ici — la communication de son contenu. Dans le cas présent, il s'agit d'émissions de télévision et de radio. Ce qui est important ici, c'est que le droit d'auteur doit être clarifié en ce qui concerne le contenu d'émissions de télévision. Cela se fait normalement au moyen d'une autorisation provenant du détenteur de droits. Il faut parfois des exceptions à l'obligation d'obtenir l'autorisation de ces droits pour servir l'intérêt public. La licence obligatoire est l'une de ces limites. C'est le cas ici.

La retransmission fait problème depuis un certain temps déjà dans le domaine de la radiodiffusion et de la politique de droit d'auteur au Canada. Le premier litige est apparu dans les années 60 et 70 et concernait la légalité de la retransmission et l'obligation de verser des redevances de retransmission. Comme il s'agit d'une communication, la retransmission est assujettie à l'obligation d'obtenir le droit d'auteur. Ce n'est devenu le cas que dans les années 80 lorsque a été invoqué l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. À la suite de ces négociations, le Canada a instauré un droit à rémunération. La licence obligatoire est le mécanisme employé pour permettre au détenteur de droits d'être indemnisé.

La licence obligatoire signifie qu'il n'est pas nécessaire d'obtenir l'autorisation du titulaire des droits; il faut en revanche l'indemniser. La Commission du droit d'auteur établit même un tarif à cet effet. En moyenne, quelque 50 millions de dollars par année sont perçus et versés en droits de retransmission.

Tout allait bien en ce qui concernait la retransmission par câble et même la retransmission par satellite, mais voilà qu'est arrivé Internet il y a quelques années, qui a permis la retransmission par ce moyen. Le phénomène a créé des difficultés particulières pour l'application de la licence obligatoire en vertu de l'article 31. En 2000, iCrave TV a vu le jour et, peu après, JumpTV. JumpTV a demandé à la Commission un tarif et soutenu qu'elle pouvait exercer son activité tout comme le câble ou le satellite.

Les producteurs d'émissions de télévision et les titulaires de droits d'auteur ainsi que les radiodiffuseurs ont contesté cette position. Pour eux, l'article 31 ne leur accordait pas le bénéfice de cette licence obligatoire. Il y a eu menace de poursuites juridiques et des mesures de protection accordées par les tribunaux. Estimant que la situation devait être corrigée, le gouvernement a décidé de faire diligence et de modifier l'article 31 afin de clarifier l'application à Internet de la licence obligatoire.

En quoi Internet crée-t-il un problème particulier? À cause de sa portée mondiale. Le câble et, pour l'essentiel, le satellite ne franchissent pas les frontières du Canada; il n'en va pas de même pour Internet. Comme la communication peut être captée partout dans le monde, cela a des conséquences majeures pour la capacité du titulaire des droits de les céder et de négocier leur prix selon les marchés. L'activité d'un retransmetteur Internet a donc des conséquences importantes pour le radiodiffuseur et le titulaire.

L'État a décidé d'intervenir. Nous avons diffusé un document de consultation et déposé rapidement le projet de loi C-48 il y a un an. Essentiellement, dans le document de consultation et lors des discussions avec les intéressés, deux options ont été envisagées: ou bien soustraire Internet à l'application de la licence obligatoire ou bien donner le feu vert à Internet et aux autres nouvelles technologies en les assujettissant à des conditions particulières. Le gouvernement a choisi la deuxième voie, en partie parce qu'Internet résiste à la définition et aussi parce que la technologie d'Internet est telle que d'autres, y compris les retransmetteurs actuels, voudront peut-être s'en prévaloir dans l'avenir.

Dans le projet de loi C-48, le gouvernement a décidé de tracer un cadre en vertu duquel il serait précisé que les retransmetteurs par câble et par satellite continuent à bénéficier de la licence mais qui permet dans le règlement aux retransmetteurs de nouvelles technologies comme Internet de jouir de la licence mais à des conditions particulières.

Au cours de l'élaboration de ce règlement, d'aucuns ont craint que nous nous mêlions de questions qui relevaient davantage du CRTC, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, en raison du fait qu'elles appartenaient davantage à la politique de la radiodiffusion. Pour être certains d'avoir le bon dosage de conditions reliées au droit d'auteur et de conditions reliées à la radiodiffusion, nous avons jugé bon de faire appel au CRTC. Pour cette raison, en juin dernier, le gouvernement lui a demandé de participer au processus et de revoir l'application de l'ordonnance d'exemption relative aux entreprises de radiodiffusion de nouveaux médias — adoptée en 1999 — qui exemptait de la réglementation les entreprises Internet exploitées au Canada.

Lorsque le projet de loi C-48 a été déposé à la Chambre des communes, des inquiétudes ont été exprimées au Comité du patrimoine au sujet de l'application du projet de loi et du règlement. Un amendement a été apporté pour que soit précisée l'application de la licence à Internet, autrement dit que soit mieux limitée l'application de la licence.

Une exemption complète a même été envisagée. Toutefois, vu les problèmes de définition d'Internet, on a choisi à l'article 2 du projet de loi C-11 de définir «retransmetteur» en excluant les retransmetteurs assujettis à l'ordonnance d'exemption relative aux entreprises de radiodiffusion de nouveaux médias du CRTC. Dans les faits, cela crée une exemption pour les retransmetteurs Internet actuels parce que tous les exploitants Internet tombent sous le coup de l'ordonnance.

Pour nous régulateurs, cela signifie que si le projet de loi est adopté, l'issue dépendra pour beaucoup de la position du CRTC. Conformément à la demande du gouvernement, le Conseil déposera son rapport le 17 janvier. Plusieurs choix s'offrent au CRTC. D'abord, il pourrait décider de laisser l'ordonnance telle quelle, auquel cas les dispositions du projet de loi auraient pour effet d'exclure de l'application de la licence tous les retransmetteurs Internet actuels. Le CRTC pourrait décider d'accorder une licence ou de publier une nouvelle ordonnance applicable aux retransmetteurs Internet — probablement en l'assortissant de conditions. Immédiatement ou plus tard, comme il le jugera bon. S'il décide de revoir l'ordonnance d'exemption pour que la licence soit applicable en vertu de l'article 31, le gouvernement pourra toujours imposer des conditions à la retransmission Internet au moyen de sa propre réglementation. C'est l'éventualité prévue à l'alinéa 31(2)e) de la loi énoncée au paragraphe 2(3) du projet de loi.

Nous avons élaboré ce règlement aux fins de la consultation du printemps dernier. Il est en suspens. Nous-mêmes attendons la décision du CRTC avant de décider quelles conditions seraient appropriées. Comme je l'ai dit, si le CRTC décide de ne rien faire pour le moment, rien ne nous pousse à instaurer une réglementation. Nous nous contenterons de suivre la situation.

En résumé, les modifications de l'article 31 exposées dans le projet de loi C-11 sont un compromis qui clarifie l'article 31 d'une manière qui protège les titulaires de droits et les radiodiffuseurs des effets négatifs de la licence obligatoire dans le monde d'Internet. Toutefois, la porte reste ouverte pour Internet ou d'autres nouvelles technologies, ainsi qu'en décidera le CRTC, sous le régime de la réglementation que l'État pourra adopter pour pouvoir jouir du bénéfice de la licence.

Nous estimons qu'il s'agit d'une solution juste pour tous les intéressés et pour l'intérêt public.

Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le sénateur Callbeck: Monsieur Stockfish, vous avez soulevé le cas de iCrave. Ça n'a jamais démarré. JumpTV a cherché à obtenir une licence. L'a-t-elle eue? A-t-elle réussi à démarrer?

M. Stockfish: iCraveTV a fonctionné brièvement. Elle a été poursuivie au Canada et aux États-Unis. À cause de ces poursuites, elle a fini par fermer ses portes.

JumpTV n'a pas essayé d'obtenir une licence parce qu'elle estimait être protégée par la licence obligatoire prévue à l'article 31 tout comme les retransmetteurs par câble et par satellite.

JumpTV a essayé d'obtenir un tarif de la Commission du droit d'auteur, comme le font les câblodistributeurs et les autres. Dans l'intervalle, elle ne s'est pas prévalue de la licence obligatoire. La licence obligatoire ne s'applique qu'aux signaux hertziens comme CTV ou Radio-Canada ou CBS. Pour pouvoir les retransmettre, il aurait fallu obtenir un tarif et verser les redevances appropriées aux propriétaires du contenu.

JumpTV était en activité et l'est toujours à ce que je sache mais uniquement pour les chaînes thématiques. Elle a acquis le droit d'auteur normalement. Elle n'a jamais obtenu de licence. Elle ne s'est jamais prévalue de la licence obligatoire pour les signaux hertziens.

Le sénateur Callbeck: Elle n'a jamais demandé de licence obligatoire?

M. Stockfish: Elle a demandé confirmation que la licence visée à l'article 31 s'appliquait à elle.

À son avis, l'article 31 sous sa forme actuelle s'applique à elle. D'autres ne sont pas de cet avis et c'est pourquoi le gouvernement est intervenu pour clarifier l'article 31 à l'aide de ces modifications.

Le sénateur Callbeck: Facturent-ils JumpTV ou tirent-ils leurs recettes des annonceurs? Comment est-ce que ça marche?

M. Stockfish: Jusqu'à tout récemment, son modèle d'entreprise reposait sur les bandeaux publicitaires sur le site. Elle envisageait de recourir aux abonnements pour réunir des fonds. Je crois savoir qu'elle a cependant abandonné ce modèle.

Le président: Merci à vous tous d'être venus.

Mesdames et messieurs les sénateurs, le prochain groupe de témoins est composé de représentants de l'Association canadienne des radiodiffuseurs, de l'Association canadienne de production de films et de télévision et de l'Association canadienne des distributeurs de films.

Mme Erica Redler, avocate générale et vice-présidente principale, Politiques et affaires juridiques, Association canadienne des radiodiffuseurs: Mesdames et messieurs les membres du comité, je vais demander à M. Stohn de vous présenter les membres de la délégation.

M. Stephen Stohn, président, Comité des droits d'auteur et de la politique internationale, Association canadienne de production de films et de télévision: Nous sommes ici en tant que membres de la Media Content Coalition pour effectuer un exposé dans le cadre de votre examen du projet de loi C-11. Notre coalition est composée de l'Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR), de l'Association canadienne de production de films et de télévision (ACPFT) et de l'Association canadienne des distributeurs de films (ACDF). Je suis accompagné de Mme Susan Peacock, vice- présidente de l'ACDF, et de Mme Redler, avocate générale et vice-présidente, Politiques et affaires juridiques de l'ACR.

Le projet de loi C-11 concerne la diffusion des signaux de télévision en direct par Internet sans l'autorisation des détenteurs de signaux ou des émissions. Cela signifie que même s'il y a plusieurs parties intéressées, les membres de nos associations sont, à titre de propriétaires des signaux et des émissions, les premiers intéressés.

Vos collègues du Comité permanent du patrimoine canadien ont appuyé à l'unanimité ce projet de loi — le C-48 à l'époque — et, lors de la troisième lecture, le texte a reçu l'appui quasi sans précédent des cinq partis.

Nous sommes ici aujourd'hui pour vous demander de renvoyer le projet de loi à vos collègues du Sénat, sans plus attendre ni y apporter d'autres modifications et de leur recommander de l'adopter sans tarder.

Mme Redler: J'avais l'intention de faire un bref rappel historique, mais M. Stockfish a déjà planté le décor.

La ministre Copps a reconnu pour la première fois le problème en octobre 2001 lorsqu'elle a pris la parole devant les radiodiffuseurs lors du congrès de l'ACR. Je cite:

La Loi sur le droit d'auteur sera prochainement actualisée à la lumière des nouvelles réalités technologiques, et l'échappatoire que constitue l'article 31, qui permet aux fournisseurs de services Internet de s'approprier vos produits, sera corrigée.

Il faut que les Canadiens comprennent que lorsqu'il s'agit de propriété intellectuelle cela est important, tout autant pour les radiodiffuseurs que pour tout autre secteur, et que nous ne pouvons pas autoriser qu'une échappatoire permette à des pirates de voler votre produit.

Nous félicitons la ministre de sa position dans cette affaire.

Lorsque le projet de loi C-48 a été déposé par la ministre Copps, celui-ci a ouvert la possibilité — mais non établi la certitude — que la réglementation allait établir des conditions supplémentaires à l'application du régime de licence obligatoire. La ministre Copps et le ministre de l'Industrie, M. Allan Rock, ont proposé une solution commune. Leurs collaborateurs ont déclaré au Comité permanent du patrimoine canadien que le CRTC serait appelé à mener un examen de son ordonnance d'exemption relative aux nouveaux médias, mais avant que le comité ait terminé ses travaux et ait adopté un projet de loi considérablement modifié.

À la suite des travaux du comité, de longs débats et de nombreux témoignages de dizaines de témoins, le projet de loi C-48 a été amendé de manière à ce que les retransmetteurs Internet ne puissent pas jouir de la licence obligatoire si leurs activités étaient légales, uniquement parce qu'ils tombent sous le coup de l'ordonnance d'exemption relative aux nouveaux médias du CRTC.

Un exemple rare de collaboration entre les partis menée par le vice-président du Comité du patrimoine, M. Jim Abbott, a ouvert la voie à l'adoption par tous les partis du projet de loi amendé. Il y a eu prorogation du Parlement mais un projet de loi identique, le projet de loi C-11 a été déposé, adopté par la Chambre, et maintenant renvoyé au comité.

Au cours des trois dernières années, la position de la Coalition est restée la même et est simple. Nous ne nous opposons pas à de nouvelles formes consensuelles de distribution. Elles sont importantes pour notre croissance. Ce qui nous inquiète, c'est la retransmission non consensuelle par Internet.

Un régime de licence obligatoire pour la retransmission par Internet n'avait pas été envisagé ou prévu lorsque le Parlement a adopté l'article 31 de la Loi sur le droit d'auteur en 1989.

Le contenu occupe une place primordiale dans le programme d'innovation du gouvernement. Toutefois, le contenu doit être fourni volontairement et non exproprié au profit de modèles commerciaux qui n'offrent aucun avantage social important.

L'adoption du projet de loi C-11 enverra un message clair: comme le reste du monde industrialisé, le Canada protégera le droit d'auteur, y compris les droits exclusifs de diffusion que les télédiffuseurs hertziens obtiennent au moyen d'ententes négociées.

Nous aimerions discuter des implications pour l'intérêt public et des conséquences de l'inaction ou d'un retard. Je vais demander à M. Stohn, qui représente les intérêts des producteurs d'émissions canadiennes, de vous en parler.

M. Stohn: Nous partons du principe que c'est aux créateurs et aux autres détenteurs de droits de décider qui peut utiliser leurs oeuvres protégées par le droit d'auteur et à quelles conditions. Le régime de la licence obligatoire déroge à ce droit puisqu'il exproprie les oeuvres au profit du retransmetteur. Celle-ci ne devrait donc pas être accordée faute d'indemnisation adéquate des titulaires de droits et en l'absence de bienfaits importants pour la société au moins équivalents et impossibles à réaliser autrement.

La retransmission par Internet n'est pas la même chose que la retransmission par câble et satellite. Elle peut causer des torts plus considérables; et l'indemnisation qu'on peut en retirer est insuffisante en regard du préjudice potentiel et de l'absence d'avantages importants pour la société.

Premièrement, en ce qui concerne le préjudice potentiel, aucune technologie n'a su repérer l'emplacement des destinataires de la retransmission par Internet ou limiter la réception à une région géographique donnée.

La portée mondiale d'Internet pourrait mettre en péril le système canadien de radiodiffusion. Sans les amendements au projet de loi C-11, la retransmission par Internet enverrait des signaux hertziens vers des marchés qu'on n'atteindrait pas autrement. Les radiodiffuseurs dans ces marchés verraient donc se dissiper la valeur de leurs droits de diffusion parce que leurs revenus diminueraient avec la perte de leur part d'écoute. Ils deviendraient ainsi moins enclins à acheter des droits de diffusion parce qu'ils cesseraient d'être la source exclusive de retransmission de leurs émissions sur leur marché.

Cela encouragerait les propriétaires de séries canadiennes et étrangères comme Blue Murder, Histoire de filles, la Soirée du hockey, The West Wing, ER et Friends à préférer des chaînes comme les services spécialisés ou la télévision payante aux diffuseurs traditionnels. Seuls ces diffuseurs traditionnels sont assujettis à cette licence obligatoire.

Il faut bien comprendre le préjudice qui pourrait être causé aux radiodiffuseurs et aux Canadiens qui comptent sur eux pour s'informer et se divertir.

Mme Susan Peacock, vice-présidente principale, Politiques et affaires juridiques, Association canadienne des distributeurs de films: Le U.S. Register of Copyright a reconnu le préjudice que peut causer la retransmission par Internet et fait savoir au gouvernement américain qu'il ne pouvait pas autoriser de retransmission par Internet sans consentement réciproque sans contrevenir aux traités internationaux — traités dont le Canada est également signataire. L'Australie, l'Union européenne et les États-Unis ont tous explicitement interdit la transmission par Internet sans consentement réciproque. Nous ne connaissons aucun pays développé qui l'autorise.

En ce qui concerne l'indemnisation, même si les retransmetteurs doivent verser des redevances qui sont définies par la Commission du droit d'auteur, celle-ci n'établirait pas de redevances pour les retransmetteurs par Internet à un taux qui approcherait même un taux équitable pour une licence mondiale. La Commission tient compte de la valeur que ces redevances représentent pour les retransmetteurs ainsi que leur capacité de payer, mais elle ne tient pas compte de la valeur marchande ou du préjudice qui peut être causé aux détenteurs de droit d'auteur.

En ce qui concerne les avantages potentiels, les retransmetteurs par Internet ne présentent aucune valeur du point de vue des objectifs gouvernementaux. Les retransmetteurs par Internet n'investiront pas massivement dans les infrastructures ou le développement de technologies. Ils vont se servir des infrastructures et des technologies qui ont été développées par d'autres en vue d'applications différentes. Ils ne vont pas non plus accroître l'accès aux signaux hertziens étant donné que tous les Canadiens ont déjà accès à ces signaux aujourd'hui. On a déjà cet accès à l'écran de l'ordinateur en se servant des logiciels qui existent.

Ils ne pourront pas non plus fournir tous les services spécialisés ou à la carte qu'offrent les systèmes traditionnels de distribution étant donné que ces services ne sont pas visés par la licence obligatoire.

Quelles seront les conséquences si l'on ne fait rien ou si l'on tarde à agir? Si le projet de loi C-11 n'entre pas en vigueur, la combinaison de l'ordonnance d'exemption pour les nouveaux médias et le libellé incertain de l'article 31 invite les retransmetteurs par Internet à lancer leurs services au détriment des détenteurs de droits d'auteur.

Certains intervenants auprès du CRTC lui ont demandé d'orienter son étude de l'exemption pour les nouveaux médias en fonction de l'adoption du projet de loi C-11. Il est donc essentiel que le projet de loi C-11 entre en vigueur avant le 17 janvier — soit la date à laquelle le Conseil doit produire son rapport — pour qu'il puisse prendre sa décision dans un contexte stable et offrant la certitude voulue aux détenteurs de droits d'auteur.

En conclusion, mentionnons que les travaux du Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes démontrent que ce projet de loi a été étudié et débattu à fond. Les amendements au projet de loi C-48 ont reçu l'appui de tous les partis au comité de la Chambre. Le projet de loi modifié a été adopté à l'unanimité par la Chambre en troisième lecture.

Le projet de loi C-11 permettra de contrer la retransmission par Internet. Il refuse le privilège de la licence obligatoire aux retransmetteurs par Internet dont les activités sont légales en vertu de la Loi sur la radiodiffusion seulement du fait qu'ils profitent de l'exemption pour les nouveaux médias.

Le projet de loi C-11 n'interdit pas la retransmission par Internet avec consentement réciproque. La plupart des signaux transmis par le câble et le SRD ne sont pas assujettis à la licence obligatoire. Les distributeurs de signaux concluent des accords avec les propriétaires des signaux qui négocient ensuite l'achat de droits avec les propriétaires de contenu.

Le projet de loi C-11 n'exclut pas la retransmission par Internet réglementée des avantages de la licence obligatoire. Il laisse plutôt au CRTC le soin de régler cette question. Le CRTC a plusieurs options, comme on vous l'a déjà dit, dont certaines permettraient aux retransmetteurs par Internet réglementés de profiter des avantages de l'article 31, sous réserve des règlements qui pourraient être pris en vertu de la Loi sur le droit d'auteur, mais ces règlements ne peuvent être pris qu'une fois que le projet de loi C-11 sera entré en vigueur.

Nous prions instamment les membres du comité de faire rapport du projet de loi sans y apporter d'amendement ou sans retarder les choses, et de demander à vos collègues du Sénat de l'adopter au plus vite. Nous répondrons à vos questions avec plaisir.

Le président: Madame Redler, je comprends que vous soyez surprise de voir qu'un comité de la Chambre des communes soit parvenu à un accord unanime. Cependant, les choses sont quelque peu différentes ici. Notre rapport sur la santé a fait l'objet d'un accord unanime, et il s'agit pourtant d'une question beaucoup plus controversée que celle-ci. Nous faisons les choses un peu différemment ici.

Ayant lu la documentation et vous ayant écoutée, je crois comprendre qu'aucun membre de notre comité ne s'oppose à ce projet de loi. Cependant, je suis curieux de savoir si l'on a exprimé des objections de taille au comité de la Chambre des communes? Nous sommes manifestement en présence d'une échappatoire que la technologie a créée par inadvertance et que nous devons supprimer. Pouvez-vous me dire qui s'y est opposé?

Mme Redler: Les procès-verbaux du comité de la Chambre font état des instances de Jump TV, le retransmetteur par Internet qu'a mentionné M. Stockfish plus tôt. Cette entreprise a témoigné devant le comité, et Aliant peut-être aussi. Ce sont des acteurs qui ont intérêt à mettre au point le modèle d'affaires qui leur permettrait de profiter de la licence obligatoire.

Le président: Comme vous dites, il n'y a pas eu de controverse même au comité de la Chambre. Mes collègues ont-ils des questions?

Le sénateur Léger: Auriez-vous l'obligeance de m'expliquer pourquoi ce projet de loi doit être adopté avant le 17 janvier parce que le rapport du CRTC sera publié à ce moment-là? Je croyais que nous étions du même côté, non?

Mme Peacock: Le problème, c'est que la Loi sur le droit d'auteur prévoit déjà des conditions pour les retransmetteurs par Internet qui sont admissibles. L'une de ces conditions, c'est que la retransmission doit être légale en vertu de la Loi sur la radiodiffusion. En ajoutant cette mention, nous lions inextricablement les deux processus. Jump TV et iCrave TV croyaient que ce qu'ils faisaient ou voulaient faire était légal puisque ce sont des entreprises licites en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, et ce, grâce à l'ordonnance d'exemption. S'il s'agit d'entreprises licites en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, elles le sont pour l'application de la licence obligatoire de la Loi sur le droit d'auteur et, par conséquent, elles n'ont pas besoin de consentement.

En ce qui concerne l'urgence que présente l'étude du CRTC, c'est que le Conseil va décider ce qui est légal en vertu de la Loi sur la radiodiffusion et si ce l'est en vertu de l'exemption ou pour une autre raison. À notre avis, il est important que le Conseil prenne connaissance du contenu de la Loi sur le droit d'auteur modifiée avant qu'il ne prenne sa décision. Certains intervenants leur ont dit: «Si le projet de loi C-11 est adopté, ne faites rien. Ne touchez pas à l'exemption. Si le projet de loi C-11 n'est pas adopté, nous vous prions de modifier l'exemption de manière à ce qu'elle ne s'applique pas à la retransmission par Internet.» Voilà les deux résultats différents qu'on demande, selon ce qui adviendra du projet de loi C-11.

Le sénateur Léger: Le CRTC n'est pas de notre côté?

Mme Peacock: Nous ne savons pas de quel côté est le CRTC, madame.

Le sénateur Léger: Prenons alors deux entités qui ne peuvent pas être du même côté: iCrave TV et le CRTC.

Mme Peacock: Je ne plaisantais pas quand je disais cela, mais il faut se rappeler que le CRTC ne se préoccupe que de politique en matière de radiodiffusion. Le CRTC ne se préoccupe pas de détenteurs de droit ou des intérêts des titulaires de droits d'auteur. Il se préoccupe strictement de la réglementation du système de radiodiffusion et laisse aux administrateurs de la Loi sur le droit d'auteur le soin de régler les problèmes relatifs au droit d'auteur.

Le sénateur Léger: Le projet de loi C-11 porte sur le droit d'auteur, n'est-ce pas?

Mme Peacock: En effet.

Le sénateur Léger: Il faudra faire vite, dans ce cas.

Le président: Y a-t-il d'autres questions? Dans ce cas, je remercie nos témoins d'avoir comparu.

Il y a une autre question que nous devons aborder aujourd'hui, et c'est celle du projet de loi C-8, sur les produits antiparasitaires. J'ai parlé aux sénateurs LeBreton et Morin, qui présidaient les séances où vous en avez discuté pendant que j'étais hors de la ville. Si j'ai bien compris, le comité a l'intention d'adopter le projet de loi C-8, sous réserve de certaines observations. Ai-je bien compris? Que je sache, on devait rédiger des observations, mais l'ébauche originale devait être peaufinée.

Si le comité en convient, nous pourrions adopter le projet de loi C-8, dans la mesure où moi-même ainsi que le sénateur Cook, qui est l'un de ceux qui ont proposé que nous émettions des observations, acceptons le texte définitif des observations. D'accord?

Le sénateur Callbeck: Sur quoi porteront les observations?

Le président: J'inclurai avec plaisir au demandeur des observations le sénateur Callbeck.

Ce sont les fonctionnaires qui ont préparé une première ébauche qui ne me plaisait pas vraiment, car les observations n'étaient pas très claires. Nous sommes donc en train de la récrire. Je vous demande donc de déléguer à deux ou à trois d'entre nous le pouvoir de mettre la dernière main aux observations. Nous ne déposerons le projet de loi que lundi, ce qui nous permettra entre-temps de peaufiner les observations.

Le sénateur Callbeck: Je pourrais vous faire part de deux ou trois choses.

Le président: Par écrit? Dans ce cas, le sénateur Cook et moi-même pourrons apporter la touche finale à l'ébauche. Cela convient-il à tous?

Le sénateur Morin: Je ne détesterais pas pouvoir jeter un coup d'oeil aux observations, surtout s'il est question de modifier considérablement ce sur quoi nous nous sommes entendus hier soir. Nous avions rédigé des observations.

Le président: Je le sais, mais elles devaient être retravaillées.

Si j'ai bien compris votre sentiment, nous déposerons le projet de loi à notre retour lundi prochain. D'ici la fin de la journée, nous devrions avoir une autre ébauche d'observations que nous distribuerons aux sénateurs.

Si vous pouviez les lire et renvoyer vos commentaires au greffier du comité, cela nous permettrait de préparer pour lundi une ébauche finale. Peut-on considérer que vous en faites la motion? Bien.

Poursuivons. Lorsque Mme Yale arrivera, peut-elle s'asseoir à la table? Je tiens à entendre ce qu'ont à dire les représentants d'Aliant, puisque ce sont les seuls ce matin à nous présenter une demande; ils ne veulent pas voir le projet de loi modifié, mais demandent plutôt que l'article sur la mise en vigueur ne soit déclenchée qu'au début de juin.

Mme Susan Harley, directrice, Intégration du marché, Aliant Telecom Inc.: Je suis ravie que vous m'ayez invitée à commenter officiellement les conséquences que pourrait avoir le projet de loi pour Aliant Telecom.

Aliant Telecom est une grande entreprise de télécommunications qui dessert le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle- Écosse, Terre-Neuve et le Labrador, ainsi que l'Île-du-Prince-Édouard. Aliant, comme ses prédécesseurs, NBTel, MTT, NewTel et Island Tel, offre des services téléphoniques aux Canadiens des régions de l'Atlantique depuis plus d'un siècle. Notre entreprise est actuellement à l'avant-plan des services de communications novateurs qui incluent le téléphone, le cellulaire, Internet et les communications à distance.

J'ai mené à bien l'expansion de toute une gamme de services sur large bande, notamment un nouveau service offert actuellement sur le marché sur une base limitée à nos clients, service qui sera touché par le projet de loi. En effet, il y a trois ans, nous avons lancé à Saint John, Nouveau-Brunswick, où je suis installée, un service sur Internet que nous appelons «la télé sur mon OP».

Avec la participation des radiodiffuseurs et sur leur avis, nous avons créé un service sur ordinateur qui offre 10 chaînes de télévision — c'est-à-dire six signaux de radiodiffusion par ondes hertziennes qui sont retransmis et quatre services spécialisés pour lesquels nous avons négocié la transmission. Ces 10 chaînes ne sont disponibles qu'aux abonnés d'Internet à haute vitesse d'Aliant, qui peuvent s'abonner moyennant des frais mensuels, ce qui leur permet de voir à l'ordinateur ces chaînes de télévision tandis qu'ils travaillent en direct, utilisent le traitement de texte ou d'autres applications.

Il y a trois ans, le CRTC rendait sa nouvelle décision sur les médias et décidait de ne pas réglementer Internet. Nous avons discuté avec le Conseil du service «la télé sur mon OP» que nous proposions d'offrir, et on nous a confirmé par écrit que nous pouvions l'exploiter conformément à l'ordonnance d'exemption relative aux entreprises de radiodiffusion de nouveaux médias. Nous avons donc consacré les deux années suivantes à élaborer le service avec nos employés et à investir dans la technologie pour pouvoir offrir ces services techniques dans la région de l'Atlantique. Depuis le lancement de «la télé sur mon OP» en août dernier, Aliant Telecom verse donc le tarif de retransmission qui indemnise les titulaires de droits pour l'utilisation des signaux hertziens et le contenu.

Que nous sachions, notre entreprise de l'Atlantique est la première en Amérique du Nord, voire au monde, à avoir élaboré et à offrir un service de chaînes télévisées sur Internet aussi sûr et offert uniquement à ses abonnés en continu sur un système fermé d'utilisateurs. Il faut comprendre — et la distinction est importante — que ce service ne correspond pas à la toile. En effet, nous ne fournissons pas des signaux au-delà de la région que nous desservons. Nous y sommes parvenus en tenant compte des préoccupations des titulaires de droits au sujet du contrôle des frontières et en respectant les lois sur le droit d'auteur et sur la radiodiffusion au Canada. Nous offrons donc un nouveau service à créneau spécialisé qui vient compléter les services actuels de câble et de télévision par satellite, sans se substituer à eux. C'est ce que nous avons appris de nos clients.

«Le télé sur mon OP» est un service circonscrit géographiquement, puisqu'il ne peut être offert que là où Aliant offre de l'accès haute vitesse Internet dans les régions de l'Atlantique et là où Aliant contrôle l'utilisation de son service par ses abonnés. Le service n'est donc pas offert publiquement sur la toile, application qui réside sur Internet, contrairement aux autres services proposés de retransmission par Internet que les titulaires de droits de souscription ciblaient.

Nous voulons vous faire connaître ce service étant donné que vous êtes actuellement saisis du projet de loi C-11 qui se propose de changer la situation et qui a été déposé en juin dernier à la Chambre. Une fois que le projet de loi entrera en vigueur, et que vous aurez donc modifié la définition du «retransmetteur de nouveaux médias», notre nouveau service ne pourra avoir accès au régime de retransmission obligatoire prévu dans la Loi sur le droit d'auteur permettant aux retransmetteurs de verser le tarif de retransmission qui indemnise les titulaires de droits. Aliant risque donc désormais de devoir retirer son nouveau service du marché et de mettre un terme à ses investissements dans ce secteur novateur, à moins qu'il ne trouve une solution d'ordre réglementaire avec le CRTC. En ce moment même, mesdames et messieurs du Sénat, Aliant risque de voir la viabilité de son service compromise.

J'admets que nous vous demandons votre aide pour sortir de cette impasse, même à ce moment tardif du processus législatif. Soyons clairs. Aliant ne vous demande pas d'amender le projet de loi. Toutefois, les autres intéressés semblent comprendre les circonstances uniques dans lesquelles le service d'Aliant est offert. À la lumière de nos discussions, nous croyons que les intéressés de même que les milieux de la radiodiffusion et de la production sont intéressés par la vision d'Aliant. Mais le projet de loi est rédigé de façon que le temps joue contre nous.

Nous avons tout simplement besoin d'un peu plus de temps pour que notre service puisse se conformer à la loi amendée sur le droit d'auteur, et pour nous permettre de trouver une solution d'ordre réglementaire auprès du CRTC pour régler les problèmes soulevés par les titulaires de droits.

Je demande donc aux honorables sénateurs d'appuyer notre demande d'adopter comme date d'entrée en vigueur le 1er juin 2003 pour les raisons qui suivent:

D'abord, en demandant que l'entrée en vigueur du projet de loi soit fixée au 1er juin 2003, tous les intéressés seront assurés que la loi entrera en vigueur à une date précise, empêchant ainsi la retransmission sans condition par Internet des signaux hertziens.

En second lieu, vous permettriez ainsi à Aliant Telecom de trouver une solution réglementaire à son problème auprès du CRTC pour répondre aux préoccupations des titulaires de droits, tout en permettant à ces derniers de suivre de près la démarche du CRTC.

Enfin, en appuyant cette date d'entrée en vigueur, vous feriez beaucoup pour qu'Aliant soit capable de conserver le service «la télé sur mon OP» dans le marché des régions de l'Atlantique.

Je répondrai avec plaisir à leurs questions.

Le président: Mesdames et messieurs, Aliant nous a livré un témoignage bien différent de ce que nous avons entendu: quelqu'un aurait-il des questions à poser à sa représentante?

Le sénateur Léger: Oui, puisque je viens de l'Atlantique.

[Français]

Le sénateur Léger: Offrez-vous également le service en français?

[Traduction]

Mme Harley: Puis-je répondre en anglais?

Le sénateur Léger: Bien sûr.

Mme Harley: Oui, nous offrons des services en français. Nous offrons la SRC parmi toutes nos chaînes.

Il faut que les honorables sénateurs comprennent que ce sont les clients de la région de l'Atlantique qui ont mis au point ce service. Lorsque nous avons au départ conçu le service, nous avions l'impression qu'ils ne souhaiteraient même pas recevoir des signaux hertziens et qu'ils souhaiteraient uniquement recevoir de nouveaux services spécialisés accessibles uniquement par abonnement au câble et pour lesquels il fallait un convertisseur.

Toutefois, nous avons proposé à nos abonnés toute la série télé et nous leur avons expliqué quelles étaient les chaînes qui pouvaient être distribuées au Canada sur le service télé. Lorsque nous leur avons demandé ce qu'ils voulaient regarder, ils ont choisi leur série de chaînes parmi lesquelles se trouvaient certaines chaînes francophones.

Le sénateur Léger: Vous avez répondu à tous les critères en matière de droit d'auteur?

Mme Harley: Nous le croyons.

Le sénateur Léger: Si le projet de loi entre en vigueur avant le 17 janvier, Aliant peut-elle s'ajuster a posteriori aux nouvelles règles? Elles devraient aussi vous favoriser.

Mme Harley: Si le projet de loi est adopté avant le 17 janvier 2003, nous contreviendrions à la loi actuelle. Nous avons décidé au départ de ne rien faire qui pourrait enfreindre la loi ou le règlement.

Par conséquent, nous serions obligés de retirer notre service, ce qui sera très difficile. En effet, cela pourrait miner la crédibilité de notre entreprise et nos abonnés pourraient se demander si nous sommes bel et bien en mesure de livrer les services que nous promettons d'offrir.

Le sénateur Léger: Nous devrons y réfléchir.

Le sénateur Callbeck: Le CRTC vous a confirmé par écrit que vous pouviez offrir votre service? Combien d'argent avez-vous investi?

Mme Harley: Je n'ai pas le chiffre exact, mais cela représente quelques millions en termes de temps consacré à la mise au point, des tests effectués, des communications avec nos clients et des essais de technologie.

Le sénateur Callbeck: Quelques millions?

Mme Harley: En effet.

Le président: Combien d'abonnés avez-vous?

Mme Harley: Nous en avons actuellement 100. Nous avons décidé d'être modestes et de ne pas faire une promotion trop active de notre marché, à l'heure qu'il est. Nous y allons discrètement, pour l'instant.

Nous agissons ainsi pour plusieurs raisons. Nous voulons d'abord être sûrs de notre technologie avant de la fournir aux clients. Nous ne voulons pas offrir un service qui présente des défaillances. Jusqu'à maintenant, les tests ont été excellents et tout fonctionne bien. Lorsque nous chargerons les réseaux de nos milliers d'abonnés, nous voulons pouvoir croître en même temps que le service.

Le sénateur Callbeck: Combien cela coûte-t-il?

Mme Harley: Nous demandons 9,95 $ par mois qui viennent s'ajouter à l'abonnement à Internet haute vitesse.

Le sénateur Callbeck: Vous ne savez pas si cela représente quelques millions ou plusieurs?

Mme Harley: Quelques. C'est à peine quelques millions, et certainement pas des centaines de millions. Mais c'est important comme investissement, du point de vue d'Aliant Telecom.

Le sénateur Losier-Cool: Vos clients sont-ils dans les régions rurales ou urbaines? Qui sont-ils?

Mme Harley: Il y a un peu de tout. La seule exigence, c'est d'être déjà abonné à Internet à haute vitesse. Nous offrons actuellement l'abonnement haute vitesse à environ 60 p. 100 de notre clientèle dans la région de l'Atlantique. Or, dans ces provinces, la population rurale est importante.

Le sénateur Losier-Cool: Je suis originaire du Nouveau-Brunswick.

Mme Harley: Tous les habitants ne vivent pas à Saint John ou à Fredericton; ils sont disséminés dans toute la province.

Le sénateur Callbeck: Vous voulez un délai pour vous permettre de trouver une solution par voie réglementaire. Si le projet de loi entre en vigueur immédiatement, cela ne vous sera pas possible. Quel genre de scénario de réglementation envisagez-vous?

Mme Harley: Nous aimerions avoir une licence expérimentale qui nous permettrait de poursuivre nos essais jusqu'à ce que nous trouvions une solution permanente avec le CRTC. Nous croyons que c'est la façon la plus rapide de faire et que nous pourrions y parvenir en six mois.

À vrai dire, nous cherchons à gagner du temps. Nous avons été complètement pris par surprise. C'est parce que le projet de loi a été adopté par la Chambre très rapidement. Pendant tout le temps où la Chambre étudiait le projet de loi, nous étions à réfléchir avec les titulaires de droits, les radiodiffuseurs et plusieurs autres intéressés. Mais nous avons été pris par surprise, de sorte que nous cherchons aujourd'hui à gagner du temps pour trouver une solution avec le CRTC.

Le président: Je comprends parfaitement que vous souhaitiez trouver un compromis. C'est une façon de faire très classique chez les Canadiens, mais j'ai l'impression qu'un compromis dans ce domaine est sans doute irréalisable. Ou bien il y a un droit, ou bien il n'y en a pas. Il ne peut pas y avoir une moitié de droit.

Je ne sais trop quel type de compromis le CRTC pourrait proposer sur le plan de la réglementation. Votre deuxième recommandation laisse croire que vous souhaitez une stratégie de réglementation destinée à répondre aux préoccupations des titulaires de droits. Par «titulaires de droits», j'imagine que vous entendez les propriétaires de l'émission originale, n'est-ce pas?

Mme Harley: En effet, ceux auprès de qui ils obtiendraient le contenu.

Le président: En même temps, cela donnerait aux titulaires de droits la possibilité de vérifier la démarche du CRTC. Qu'entendez-vous par là?

Mme Harley: Cela leur permet d'intervenir en cours de route et d'avoir voix au chapitre. Cela permet de gagner du temps.

Le président: Mais les intéressés ont certainement eu voix au chapitre lors de l'étude du projet de loi par la Chambre.

Mme Harley: Il y a deux questions distinctes et qu'il importe de garder distinctes. D'abord, il y a la question du droit d'auteur. Nous payons aujourd'hui un droit d'auteur parce que nous profitons de l'exemption relative aux nouveaux médias. Si nous devions ne plus y avoir droit à cause de l'exemption qui s'applique aux nouveaux médias, il nous faudrait néanmoins être reconnus et dédommager les titulaires de droits pour la transmission du signal. Nous demandons au CRTC de reconnaître qu'il nous accordera la licence et légitimera notre existence.

Le président: Pourquoi cela ne serait-il pas possible? Après tout, vous étiez prêts à payer les droits. Pourquoi cela ne serait-il plus possible une fois la loi adoptée? Une fois la loi promulguée, je ne vois pas pourquoi vous ne pourriez pas négocier avec chacun des intéressés. Si vous pouviez conclure une affaire, vous auriez alors le feu vert.

Mme Harley: À notre avis, c'est impossible, parce qu'il y a un si grand nombre de titulaires de droits derrière chaque radiodiffuseur qu'il nous faudrait des centaines d'employés pour y parvenir.

Le président: Dans ce cas, allons à rebours: si votre argument se justifie, le Conseil ne trouvera aucune solution qui puisse vous satisfaire. Si vous voulez conclure une affaire, avec qui le ferez-vous?

Vous dites vouloir gagner du temps pour pouvoir vous organiser. Je vous dis, pour ma part, que vous pouvez conclure des ententes même si la loi est en vigueur. Vous répliquez à cela que cela vous est impossible à cause du trop grand nombre d'intéressés. Si vous ne pouvez le faire après l'entrée en vigueur de la loi, vous ne pouvez pas plus le faire avant.

Mme Harley: Nous avons besoin de temps pour nous conformer à une loi qui nous permette de continuer à profiter de l'article 31 de la Loi sur le droit d'auteur jusqu'à ce que le CRTC, qui réglemente la radiodiffusion, rende notre situation légale.

Le président: Si le Conseil décide que ce que vous faites est légal.

Mme Harley: C'est exact. Nous assumons ce risque.

Le président: Merci beaucoup. Madame Yale, vous avez la parole.

Mme Janet Yale, présidente et chef de direction, Association canadienne de télévision par câble: Merci, monsieur le président. Comme bon nombre d'entre vous le savent déjà, l'ACTC représente plus de 800 systèmes de câblodistribution répartis dans l'ensemble du Canada. Nos membres fournissent conjointement des services de divertissement, d'information et de télécommunication à environ 6,1 millions de foyers canadiens, ce qui comprend plus de 1,7 million d'abonnés aux services d'accès à Internet à haute vitesse par câble.

[Français]

Pour la majorité des foyers canadiens, c'est leur câblodistributeur local qui fournit toute leur programmation télévisée, y compris les signaux de télévision locaux et éloignés. De plus en plus, les services de pointe de la câblodistribution reflèteront la convergence entre la radiodiffusion, les télécommunications et les technologies informatiques.

L'ACTC est bien consciente que l'émergence de diffuseurs Web comme iCrave TV et Jump TV soulèvent des questions de politique importantes qui ont un impact non seulement sur le régime du droit d'auteur au Canada mais aussi sur la réglementation du système de radiodiffusion, basée sur la Loi sur la radiodiffusion.

Pour résoudre ces questions, le gouvernement doit peser les droits des radiodiffuseurs, ceux des détenteurs de droits, mais aussi ceux des consommateurs, des exploitants de SRD et des câblodistributeurs, et les applications potentiellement infinies que peut offrir la nouvelle technologie sous forme de services offerts aux Canadiennes et aux Canadiens.

[Traduction]

Nous sommes tout à fait conscients des inquiétudes exprimées par les détenteurs de droits et par les radiodiffuseurs, et nous sommes d'avis qu'il est nécessaire, en effet, de fournir une protection légale équitable aux émissions acheminées par les signaux locaux et éloignés.

Nous croyons fermement, toutefois, que quelles que soient les mesures adoptées par le gouvernement pour résoudre les problèmes soulevés par la retransmission sur le Web, elles ne devraient pas entraver la capacité des entreprises de distribution de radiodiffusion à profiter des avantages des progrès technologiques. Les entreprises canadiennes de communications ne devraient pas être entravées dans le développement et le déploiement de nouvelles technologies innovatrices, comme par exemple l'utilisation d'Internet dans l'acheminement des services intégrés aux consommateurs.

L'ACTC est d'avis que le projet de loi C-11 établit un juste équilibre entre les intérêts des différentes parties intéressées. Nous appuyons fortement la décision de définir «retransmetteur» à l'article 31 de la Loi sur le droit d'auteur en faisant référence au statut réglementaire du retransmetteur tel qu'il est établi dans la Loi sur la radiodiffusion. Cela permettra aux câblodistributeurs et aux distributeurs de SRD, qui retransmettent des signaux éloignés et locaux en vertu de la licence mentionnée à l'article 31 de continuer à le faire, tandis que les problèmes soulevés par la retransmission sur le Web pourront être réglés, soit par le CRTC, soit par l'intermédiaire de négociations directes avec les détenteurs de droits.

Nous sommes également tout à fait d'accord avec la décision de demander au CRTC de considérer la question de savoir si l'ordonnance d'exemption des nouveaux médias devrait effectivement couvrir la retransmission des signaux télévisés sur le Web. Dans son mémoire, l'ACTC a recommandé au CRTC d'octroyer des licences aux retransmetteurs Internet, au cas par cas, pour s'assurer que les conditions appropriées leur seront imposées, et que les inquiétudes exprimées par les détenteurs de droits et les autres parties intéressées trouvent leur résolution.

[Français]

Le projet de loi C-11 n'interdit pas la retransmission Internet, mais stipule que si un retransmetteur Internet opère en dehors du système réglementaire en vertu de l'ordonnance d'exemption des nouveaux médias, il ne peut le faire qu'avec l'accord des détenteurs de droits. Seuls les retransmetteurs régis par les conditions imposées par le CRTC auront accès à la licence légale établie par le paragraphe 31.

[Traduction]

Cette approche, à notre avis, maintient le statu quo pour les détenteurs de droits tout en laissant une marge de manoeuvre au progrès technologique, assurant ainsi au câblodistributeurs et aux autres joueurs de l'industrie des communications l'accès aux technologies de pointe qui leur permettra de fournir un large éventail de services novateurs aux Canadiennes et aux Canadiens.

Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de comparaître aujourd'hui.

M. Paul Spurgeon, vice-président, Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique: Aujourd'hui, j'aimerais faire trois choses: tout d'abord, je tiens à vous faire comprendre qui nous sommes et ce que nous faisons; deuxièmement, je vais vous décrire la position de la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, la SOCAN, en ce qui concerne le fond du projet de loi C-11; et troisièmement, je vais vous décrire nos préoccupations en ce qui concerne tout le processus qui entoure ce projet de loi.

La SOCAN est un organisme à but non lucratif qui appartient à des Canadiens et qui est géré par des Canadiens. Elle représente partout dans le monde les compositeurs, les paroliers, les auteurs- compositeurs et leurs éditeurs d'oeuvres musicales de tout le Canada. Au nom de nos 20 000 membres canadiens actifs et membres affiliés, des sociétés semblables ailleurs au monde, la SOCAN gère collectivement les droits d'auteur en musique et en paroles — les oeuvres musicales. Le droit d'exécution est cette partie du droit d'auteur qui donne aux propriétaires d'une oeuvre musicale le droit exclusif de présenter cette oeuvre en public, ou de diffuser leurs oeuvres ou d'en autoriser d'autres à le faire en retour de redevances. Au nom de ses membres, la SOCAN accorde des licences générales aux utilisateurs de musique qui lui versent des redevances conformément au tarif prévu par la Commission du droit d'auteur du Canada. Ensuite, nous redistribuons cet argent à nos membres, créateurs et éditeurs. La réalité c'est que la SOCAN, comme coopérative de droits d'auteur, est assujettie à une forme de licence obligatoire depuis plus de 60 ans.

La SOCAN ne croit pas que les licences obligatoires doivent être étendues à la retransmission par Internet parce que, à notre avis, ce faisant, on violerait le droit de propriété exclusive des détenteurs de droits d'auteur et on découragerait la création de contenu canadien. Nous pensons plutôt que les détenteurs de droits d'auteur touchés par le projet de loi C-11 devraient continuer à jouir du droit exclusif de décider avec qui ils souhaitent faire affaire et s'entendre sur les conditions de cette relation d'affaires. À cet égard, je partage l'avis de mes collègues de la CFPTA, de l'ACDF et de l'ACR. Je dois dire qu'il est rare que nous soyons d'accord avec l'ACR, mais cette fois-ci, c'est le cas.

J'aimerais terminer en parlant de la méthode. C'est ce que nous reprochons au texte. Le projet de loi C-11 propose de modifier le régime de licence obligatoire prévu à l'article 31 de la Loi sur le droit d'auteur en créant cinq conditions qui doivent être réunies pour que le retransmetteur par Internet puisse se servir du droit d'auteur d'autrui sans avoir obtenu au préalable leur autorisation.

Les cinq révisions proposées du paragraphe 31(2) figurent au paragraphe 2(3) du projet de loi C-11. Trois de ces cinq conditions sont nettes. En revanche, les conditions b) et e) nous inquiètent.

Comme l'actuelle loi, l'alinéa 31(2)b) exige que la retransmission soit «licite en vertu de la Loi sur la radiodiffusion». Toutefois, la version révisée du paragraphe 31(1) qui figure au paragraphe 2(2) du projet de loi C-11 disqualifie dans les faits le retransmetteur par Internet «dont la retransmission est légale selon les dispositions de la Loi sur la radiodiffusion uniquement en raison de l'Ordonnance d'exemption relative aux entreprises de radiodiffusion de nouveaux médias rendue par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes» il y a trois ans, le 19 décembre 1999. Mon collègue a évoqué la question plus tôt quand il parlait au nom des autres industries de contenu.

Si le projet de loi C-11 est adopté et promulgué, la condition b) du paragraphe proposé 31(2) interdira dans les faits aux retransmetteurs par Internet d'obtenir une licence obligatoire. Nous sommes pour. Toutefois, l'avenir de la condition b) est incertain parce que le Cabinet a demandé au CRTC de revoir son ordonnance d'exemption; or, celui-ci n'est pas tenu de déposer un rapport avant six semaines, le 17 janvier 2003. Comme on l'a dit tout à l'heure, on ignore toujours de quel côté le CRTC penchera. Nous pensons le savoir, mais rien n'est certain.

Rien ne garantit que la condition b) ne changera pas dans six semaines ou dans quelques années lorsque le CRTC effectuera l'examen quinquennal de l'ordonnance d'exemption. Comme le sénateur Day l'a déclaré au Sénat le 22 octobre: «Avec l'évolution du réseau Internet, il pourrait devenir pertinent que le CRTC revoie la décision qu'il a prise en 1999 de ne pas réglementer l'Internet».

Si le CRTC décide d'autoriser les retransmetteurs par Internet à satisfaire à la condition b) en modifiant son ordonnance d'exemption et en leur accordant une licence en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, le règlement envisagé à la condition e) prend toute son importance.

C'est ici que nous trouvons à redire avec la méthode employée dès les origines du projet de loi C-11. Il ne nous semble pas que celui-ci doit être adopté tant que les sénateurs ne connaîtront pas la substantifique moelle de la loi proposée. Pour illustrer et conclure mon propos, permettez-moi de citer l'intervention du sénateur Oliver au Sénat le 22 octobre dernier:

La réglementation constitue la méthode permettant aux gouvernements d'éviter que leurs lois fassent l'objet d'un examen de la part du Parlement. Nous avons en main un très important projet de loi traitant de la protection du droit d'auteur lorsque des signaux de diffusion sont retransmis par l'entremise de nouveaux genres de centres de distribution, y compris l'Internet. Toutefois, comme c'est souvent le cas maintenant, les modalités réelles de protection du droit d'auteur seront précisées dans la réglementation.

Je prie les sénateurs de penser à quel point il sera important pour l'industrie des communications et les consommateurs canadiens de faire en sorte que les règlements pris en vertu de ce projet de loi soient soumis pour examen au Sénat ou à la Chambre des communes avant leur entrée en vigueur. En notre qualité de parlementaires, nous devons reprendre la place qui nous revient au sein du processus législatif. Nous ne devons pas permettre au gouvernement de contourner l'examen en faisant appel au pouvoir de réglementation. Le Sénat doit adopter comme pratique de présenter des modifications à tous les projets de loi-cadre qui leur sont soumis afin de prévoir un rôle utile pour le Sénat dans le processus de réglementation.

Monsieur le président, comme vos récents travaux sur les soins de santé l'ont illustré à nouveau, le comité a la réputation bien méritée de prendre le temps de faire les choses comme il faut. Le projet de loi C-11 est trop important pour être adopté à la va-vite au Sénat pendant la ruée du temps des fêtes.

La SOCAN estime que vous ne devriez pas adopter le projet de loi sans en reconnaître la substantifique moelle dans le texte lui-même. Au lieu de figurer après coup dans le règlement, les éléments essentiels du texte devraient être dans la loi pour assurer la certitude et la transparence de la méthode.

La SOCAN espère que vous ferez les choses comme il faut parce que nous tenons à ce que soit mis fin à la pratique de la retransmission par Internet. Toutefois, nous voulons nous assurer que le projet de loi ne soit pas adopté précipitamment et qu'il revienne nous hanter plus tard.

Le président: Merci.

Le sénateur Léger: En ce qui concerne le dernier point, vous affirmez que l'alinéa 31(2)e) est vague et qu'il faut faire très attention. Avez-vous une recommandation précise à faire?

M. Spurgeon: D'abord, il dépend d'une décision du CRTC que nous connaîtrons dans six semaines. Nous ne pouvons que présumer qu'il maintiendra le statu quo.

Deuxièmement, le comité ne dispose pas du règlement; celui-ci pourrait changer. Nous voulons que ce régime soit assorti de conditions rigoureuses pour interdire les retransmissions par Internet. Comme vous le savez tous, la réforme du droit d'auteur suppose que l'on aura beaucoup de pain sur la planche. Il sera largement question des obligations du fournisseur de service Internet et de sa responsabilité pour les transmissions et retransmissions par Internet. L'affaire est d'ailleurs actuellement entre les mains de la Cour suprême du Canada.

Nous voulons nous assurer que les choses sont faites comme il faut et que le libellé ainsi que les conditions soient les bons.

Le sénateur Léger: Internet change toutes les demi-heures. Dès que l'on achète un ordinateur, il est périmé. Oui, je veux une loi solide, mais il faudrait l'adapter constamment en fonction des progrès rapides de la technologie.

M. Spurgeon: C'est sans doute vrai, mais ce qui compte pour les titulaires de droits d'auteur, ce sont les principes. Ici, nous disons que la retransmission par Internet ne devrait pas être autorisée autrement que sur consensus. Cela doit être rigoureusement clair, sans la moindre possibilité de doute ou de changement dans six semaines ou six mois. Nous préférerions que cela figure dans le texte de loi, que l'on sache que c'est bien interdit.

Le président: J'ai quelques observations à faire à propos de votre position. D'abord, quantité de lois sont adoptées avant que l'on connaisse le règlement. Ce n'est pas une nouveauté.

Deuxièmement, on peut difficilement imaginer un processus plus accaparant, lourd et imprévisible que la fonction législative. Un des dangers lorsque l'on inscrit quelque chose dans la loi plutôt que dans le règlement c'est qu'il est très difficile d'y apporter un changement si l'on a fait une erreur. Loin de moi l'idée que nous puissions faire des erreurs.

Je comprends votre inquiétude, vous estimez que nous devrions savoir de quoi sera fait le règlement. Vous voudriez aussi avoir l'occasion de le commenter. Je vais vous suggérer une solution.

Pour moi, la grande majorité de vos sujets d'inquiétude peuvent être apaisés de la façon suivante. Adoptons le projet de loi, mais faisons en sorte que le projet de règlement soit déposé devant le comité et prévoyons 30 ou 60 jours pour permettre la réception par écrit d'observations. C'est une façon utile de procéder. Nous l'avons employée lorsque j'étais président du Comité des banques. Nous l'avons fait pour toute la réglementation concernant les institutions financières et il est étonnant de voir combien de changements que nous avons recommandés ont fini par être adoptés.

Cette façon de procéder corrige ce qui vous inquiète le plus, à savoir adopter un projet de loi d'une grande portée pour se retrouver avec un règlement qui, selon vous, va à l'encontre de l'objectif recherché. Cela vous paraît-il raisonnable?

M. Spurgeon: C'est une bonne évaluation. C'est transparent et permet aux parties intéressées d'en discuter. Il y a une certaine ouverture. Je crois que ce serait très utile.

Le président: Si le comité est d'accord, je me propose d'envoyer une lettre au ministre lui disant que nous aimerions étudier l'ébauche de règlement et que nous serions heureux de convoquer des témoins, y compris M. Spurgeon, à ce moment-là.

Merci à tous d'être venus.

Honorables sénateurs, après vous avoir consultés et étant donné ce qu'ont dit les témoins, je crois que nous devrions faire plusieurs choses. D'abord, recommander que le projet de loi soit adopté sans amendement. Ensuite, je vais écrire une lettre au ministre au sujet de la question réglementaire, qui pose problème. Je me méfie toujours de donner au gouvernement toute latitude concernant les règlements. Troisièmement, pour ce qui est du point soulevé par Aliant, je vais m'assurer que le ministre soit mis au courant des préoccupations d'Aliant, mais étant donné tout ce que nous ont dit les témoins, retarder les choses à ce moment-ci n'a pas de sens.

Ça va? Je vais donc faire rapport du projet de loi à la Chambre sans amendement. D'accord? Merci.

Il nous reste une dernière question à discuter aujourd'hui et nous allons le faire à huis clos.

La séance se poursuit à huis clos.


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