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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 12 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 9 avril 2003

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été déféré le projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi sur la statistique, se réunit aujourd'hui, à 15 h 30, dans le but d'examiner le projet de loi.

Le sénateur Marjory Le Breton (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente: Nous entendons aujourd'hui sur le projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi sur la statistique, un témoin qui n'a guère besoin de présentation. On le voit souvent à la télévision ces jours-ci. J'invite le Commissaire à la protection de la vie privée, M.Radwanski, à faire une déclaration.

M. George Radwanski, Commissaire à la protection de la vie privée, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada: Merci de m'avoir invité à comparaître devant ce comité. C'est toujours un plaisir pour moi de le faire.

Je dirai tout de suite que, de tous les problèmes de protection de la vie privée dont nous sommes saisis ces jours-ci, celui-ci n'est pas le plus pressant ni le plus fondamental. Toutefois, il soulève une question fort troublante, soit celle de savoir si les Canadiens peuvent se fier à la parole de leur gouvernement.

S'il est adopté, ce projet de loi violera une promesse que des gouvernements successifs ont faite aux Canadiens et annulera de façon rétroactive les droits existants en matière de protection des renseignements personnels.

On peut lire ceci dans le sommaire du projet de loi:

Le texte dissipe une ambiguïté juridique relative à l'examen des relevés des recensements faits au cours des années 1910 à 2003.

À mon sens, cet énoncé n'est pas exact. Il est vrai que le règlement régissant les recensements faits entre 1910 et 1918 était équivoque. Conformément au règlement, les fonctionnaires du recensement étaient tenus de garder le secret sur l'information recueillie. Le Règlement prévoyait par ailleurs que les données des recensements seraient versées dans les Archives nationales.

Ce qui est encore plus révélateur, c'est que le règlement interdisait que les données et les statistiques des recensements servent à autre chose qu'à l'établissement de statistiques et prévoyait qu'on rassure à cet égard toute personne qui craindrait qu'on les utilise à des fins fiscales ou autres.

Certes, le fait que le gouvernement de l'époque ait pu se contredire ne signifie pas que l'ordre de confidentialité était ambigu. Il n'y a rien d'ambigu dans ce que je viens de vous lire. On n'a aucune raison de supposer que le gouvernement prenait moins au sérieux sa promesse de confidentialité que son intention de verser les données des recensements dans les archives.

Il est plus grave de violer la promesse de confidentialité que celle de verser les données dans les archives.

Pour les recensements faits après 1918, il n'existe aucune ambiguïté ni incohérence. La Loi de 1918 sur la statistique stipule que les données doivent rester confidentielles. Cette précision est reprise depuis dans toutes les lois sur la statistique. Le Comité d'experts sur l'accès aux dossiers historiques du recensement le reconnaît lui-même.

Depuis que Statistique Canada a commencé, en 1971, à envoyer des formulaires directement aux recensés au lieu de recourir aux services de recenseurs, les recensés se font promettre par écrit que les renseignements fournis par eux demeureront confidentiels. Ce projet de loi viole donc une promesse de confidentialité faite aux Canadiens.

Les Canadiens ont été appelés à révéler des renseignements personnels aux recenseurs et ont été amenés à croire que ces renseignements demeureraient confidentiels. Voici que, après coup, le gouvernement s'apprête à remettre sa promesse en question.

La violation de la promesse de confidentialité faite aux Canadiens pourrait miner sérieusement la confiance de la population dans les engagements pris par le gouvernement fédéral. Certains pourront dire que la promesse de confidentialité tient quand même durant 92 ans après le recensement. Toutefois, le reste d'entre nous en doutera peut- être. Si un engagement pris pour toujours risque d'être rompu après 92 ans, qu'est-ce qui empêche qu'il le soit avant 92 ans? Un gouvernement futur ne pourra-t-il pas un jour rompre des promesses après 50, 25 ou 10 ans?

Il ne faut pas oublier que les renseignements du recensement sont recueillis sous la contrainte. Le défaut de répondre aux questions importunes des recenseurs est un délit punissable d'une amende ou d'emprisonnement. La promesse que l'information demeurerait confidentielle atténuait cette contrainte et la rendait plus acceptable aux yeux des Canadiens.

Le projet de loi semble partir du principe que, dans ce conflit entre la protection des renseignements personnels et les recherches, il ne saurait y avoir qu'un seul vainqueur et ce ne sera pas la protection des renseignements personnels. Il ne doit pas forcément en être ainsi.

Mon prédécesseur et statisticien en chef, M.Phillips, a mis au point un compromis raisonnable. Le mandat de Statistique Canada serait étendu au soutien des recherches généalogiques et historiques. L'accès serait réservé aux personnes qui mènent des recherches historiques jugées par les pairs ou qui désirent mener des recherches généalogiques sur leur famille. L'accès aux données historiques des recensements serait ouvert à toute personne autorisée, mais se limiterait à l'information de base. C'est ainsi que les nom, adresse, situation de famille et lieu de naissance pourraient être tirés des relevés des recensements et être rendus publics. J'ai appuyé ce compromis.

Ce qu'il faut remarquer aussi, c'est que ce projet de loi conditionne l'accès aux relevés de tout recensement fait en 2006 ou par la suite au consentement de «la personne visée par les renseignements». C'est certes ce que le projet de loi prévoit de mieux, mais cela risque aussi, à mon sens, d'être sérieusement insuffisant.

Les recensés fournissent habituellement des renseignements sur leur ménage. Je m'attendrais à ce que tout membre du ménage ait le droit de donner ou de refuser son consentement. Il n'y a plus lieu, au XXIe siècle, de réserver le droit à la vie privée au prétendu «chef du ménage». En effet, pour des raisons de génétique, par exemple, il conviendrait d'élargir le consentement, car de l'information sur soi-même risque d'être aussi de l'information sur ses enfants, ses frères et sœurs et ses parents éloignés.

Je viens d'apprendre qu'on est à examiner un amendement voulant que le projet de loi exige seulement un consentement passif, ce qui est évidemment encore pire. Certes, dans toutes les questions délicates de protection des renseignements personnels, mes collaborateurs et moi-même sommes depuis longtemps d'avis que seul un consentement explicite est valable. Je ne voudrais pas trop m'étendre là-dessus, toutefois, car je nourris beaucoup de réserves à l'égard du projet de loi dans son ensemble.

Mes collaborateurs et moi-même appuyons le travail de Statistique Canada. Beaucoup de Canadiens inquiets nous ont souvent demandé s'ils devaient répondre et ce qu'ils devaient répondre aux questions importunes des recensements et autres enquêtes de Statistique Canada. Nous avons toujours été en mesure de leur assurer que le gouvernement s'était engagé à respecter la confidentialité de leurs réponses et que Statistique Canada avait toujours su protéger l'information confidentielle.

Nous ne pourrons plus donner cette assurance si ce projet de loi est adopté tel quel.

Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le sénateur Morin: Merci, monsieurRadwanski, pour des observations extrêmement pertinentes.

Avez-vous été consulté sur ce projet de loi avant aujourd'hui? Avez-vous déjà eu l'occasion auparavant d'exposer ces points très importants?

M. Radwanski: Avons-nous été consultés officiellement? Pas que je me souvienne, mais mon opinion a certes été rendue publique dès le départ. Il y a eu des discussions.

Je ne me souviens pas d'avoir été consulté, mais tout le monde savait que j'appuyais la position de compromis et que je contesterais toute loi qui ouvrirait un accès illimité à cette information.

Le sénateur Morin: On nous a dit que le projet de loi est en soi un compromis. Appuyez-vous le projet de loi comme compromis?

M. Radwanski: Non, j'appuie la position de compromis qui a été mise au point par mon prédécesseur et par Statistique Canada— et les Archives, je suppose— position qui veut qu'on mette les données des recensements à la disposition des personnes qui souhaitent mener des recherches généalogiques sur leur famille, de même qu'aux historiens sérieux qui mènent des recherches historiques jugées par les pairs.

L'information devait essentiellement rester sous la garde de Statistique Canada. Les personnes autorisées seraient considérées à cette fin comme des employés de Statistique Canada, et seraient tenues d'observer les règles de confidentialité.

Le sénateur Morin: Par conséquent, cette information ne pourrait pas être publiée ni rendue publique, ni même mise à la disposition des autres membres de la famille. Elle serait réservée à l'usage personnel.

M. Radwanski: On aurait pu la faire circuler au sein de la famille, mais pas l'utiliser à d'autres fins.

Le sénateur Morin: On n'aurait pas pu publier l'information dans un document scientifique, par exemple, si elle était identifiée.

M. Radwanski: C'était la seconde catégorie. Des historiens sérieux pourraient publier une partie de cette information dans le cadre de recherches jugées par les pairs.

Le sénateur Morin: Même si elle était identifiée?

M. Radwanski: Oui.

Le sénateur Morin: Pourrait-elle être publiée si les personnes en cause n'y avaient pas consenti à l'époque? Il avait été clairement entendu au recensement de 1911 que l'information allait demeurer secrète. On avait promis à la population, en fait, qu'elle servirait uniquement à des compilations statistiques. C'est dans le recensement de 1911. Croyez-vous qu'elle aurait quand même pu être rendue accessible et publiée? Par exemple, le recensement de 1911 et celui de 1916 signalent que des membres de la famille sont sourds. Cela pourrait être communiqué à un historien en train d'écrire une étude savante sur un politicien célèbre qui serait devenu sourd en bas âge.

M. Radwanski: Si vous voulez me faire dire que j'aimais aussi cette formule, je peux simplement vous dire que ce n'est pas le cas. Cela relevait déjà du compromis que de reconnaître deux intérêts particuliers, soit celui de l'histoire et des historiens dans le cadre bien précis de recherches historiques sérieuses et le droit des familles à connaître leur histoire. Cela aurait constitué une violation d'engagement.

Le sénateur Morin: En effet.

M. Radwanski: Je ne vais pas revenir sur la valeur du compromis. Il avait été mis au point et j'étais disposé à l'appuyer. La solution de rechange aurait été de nous amener à un projet de loi du genre de celui dont le comité est maintenant saisi, qui est beaucoup plus vague, beaucoup moins restreint et bien pire.

Toutes les questions de protection des renseignements personnels sont affaire d'équilibre. Mes prédécesseurs et moi- même sommes des ombudsmen. Nous n'avons pas le pouvoir de faire ni d'empêcher que quelque chose se produise. Nous nous efforçons de trouver la meilleure solution possible entre des intérêts opposés et d'assurer la protection des renseignements personnels dans toute la mesure du possible.

Ceci va, à mon sens, bien au-delà de ce qui est nécessaire ou même justifié.

Le sénateur Morin: Si ce projet de loi va de l'avant et est adopté à la Chambre des communes, quelles en seront les conséquences, d'après vous?

M. Radwanski: Comme je l'ai dit dans ma déclaration, sénateur, cela aura pour conséquence, je crois, d'amener les gens à douter sérieusement de la parole officielle du gouvernement fédéral en matière de protection des renseignements personnels et de confidentialité.

Au prochain recensement ou au prochain questionnaire vraiment importun de Santé Canada, comme le sont certaines des enquêtes sanitaires de ce ministère, des gens téléphoneront à mon bureau pour savoir s'il est risqué, du point de vue de la protection des renseignements personnels, de répondre aux questions, pourquoi on leur pose ces questions, et ainsi de suite. Dans le cas d'un recensement, nous leur disons qu'ils sont légalement tenus de répondre, mais qu'on leur assure la confidentialité. Nous pouvons leur dire que Statistique Canada a toujours su protéger l'information et que si on leur assure la confidentialité, ils l'auront.

En toute franchise, je ne pourrai plus dire cela aux gens. S'ils me le demandent, je devrai leur répondre ceci: Écoutez, il existe une promesse de confidentialité, mais elle a été modifiée une fois et elle pourrait l'être encore d'une façon ou d'une autre. Vous devez décider par vous-mêmes si vous êtes disposés ou non à fournir certains renseignements.

Le sénateur Morin: Croyez-vous que cela risque de nuire aux futurs recensements?

M. Radwanski: Sans aucun doute. Si l'on ne peut pas être sûr que de l'information confidentielle demeurera confidentielle, on mentira. N'est-ce pas ce que vous feriez vous-même? C'est une question de bon sens.

Le sénateur Morin: Je voudrais savoir ce que vous pensez des deux amendements, dont un concerne les recensements de 1911 et de 1916. Comme je vous le disais tout à l'heure, une information a été fournie aux recenseurs...

La vice-présidente: Nous avions les amendements à la dernière séance du comité, mais nous ne les avons pas distribués aujourd'hui. Je voudrais qu'on les distribue maintenant.

Le sénateur Morin: Je croyais que nous les avions. On en a certes discuté.

La vice-présidente: C'était à la dernière séance. Nous allons les distribuer à nouveau aujourd'hui. Pendant que j'y suis, je vous signale que le statisticien en chef, M.Ivan Fellegi, est ici présent et qu'il est disposé à répondre aux questions des sénateurs.

Le sénateur Morin: Dès que vous aurez les amendements, monsieurRadwanski, je voudrais que vous me disiez ce que vous en pensez.

M. Radwanski: Je vais faire mon possible, mais je n'ai pas l'habitude de commenter un projet de loi que mes collaborateurs et moi-même n'avons pas encore eu la chance d'analyser ni d'examiner.

Le sénateur Morin: Oublions les amendements. Permettez-moi plutôt de vous poser deux questions. Les recensements faits en 1911 et en 1916 devraient-ils être traités autrement que celui fait en 1906, dont les données ont déjà été publiées? Si un traitement spécial leur est réservé dans la loi, c'est que des instructions avaient été données, comme je vous le disais tout à l'heure, pour que cette information demeure secrète et qu'on avait promis à la population qu'elle servirait uniquement à des compilations statistiques. C'est pour cette raison que la loi ne les traite pas de la même façon que le recensement de 1906. C'est ma première question.

Ma deuxième question concerne le fait que vous vous opposez à ce qu'une seule personne puisse donner son consentement au nom de toute la famille. Je comprends que c'est une sérieuse objection. Que pensez-vous de la disposition relative au consentement passif? Si rien n'était écrit dans le formulaire, cela voudrait dire que toute la famille était consentante. Que pensez-vous de cela? Je sais que vous êtes contre, mais peut-être pourriez-vous expliquer au comité ce que vous pensez du consentement passif.

M. Radwanski: Avec plaisir. Commençons d'abord par cela.

En principe, tout expert en protection des renseignements personnels ou tout champion de la protection des renseignements personnels vous dira que, pour plusieurs raisons, le consentement passif est une très piètre façon de protéger des renseignements personnels de nature le moindrement délicate. D'abord, on ne lit pas nécessairement tout ce que contient un formulaire et il arrive qu'on n'y fasse même pas attention. Ensuite, si vous partez du principe que vos renseignements personnels vous appartiennent, vous devez donner votre consentement explicite avant qu'on s'en serve à d'autres fins que celles déjà prévues.

Lorsqu'on dit que si vous n'avez pas d'objection, on pourra les utiliser, c'est un peu comme si l'on disait que si vous ne m'interdisez pas d'emprunter votre voiture, je peux partir avec. Les choses ne fonctionnent pas de cette façon en principe. Par conséquent, je crois que le consentement passif est absolument contre-indiqué à l'égard de tout renseignement personnel autre que le plus banal et le moins délicat. Pour répondre à votre première question, je n'ai pas fait une étude approfondie des différents recensements, mais je serais étonné d'apprendre que des participants à quelque recensement que ce fut aient cru que l'information qu'ils fournissaient ne resterait pas confidentielle. Il faudrait me convaincre qu'on aurait bel et bien dit à ces gens que cette information serait un jour largement diffusée.

Tant qu'on ne l'aura pas fait, je dirai que, mis à part les points de détail, les figures de style et les documents qu'ils n'ont jamais vus, les gens croient qu'il s'agit d'une information statistique qui ne servira jamais à les identifier. Je crois que les distinctions entre les divers recensements sont subtiles et artificielles.

Le sénateur Milne: Je crois que le sénateur Kirby vient de recevoir une lettre qui devrait être lue officiellement ici. On me la remet à l'instant. Elle est du Commissaire à l'information du Canada.

Comme personne ne l'a lue, je crois, je vais le faire ici. Ensuite, le greffier pourra en faire des copies pour tout le monde.

La vice-présidente: Puis-je voir la lettre? Peut-être devrions-nous la déposer, mais peut-être n'est-ce pas opportun.

Le sénateur Morin: Posez-vous la question à M.Radwanski?

Le sénateur Milne: J'ai toutes sortes de questions à lui poser.

Le sénateur Morin: Non, voulez-vous poser une question à M.Radwanski au sujet de la lettre? Nous avons un témoin.

La vice-présidente: Vouliez-vous lire la lettre pour avoir la réaction du témoin?

Le sénateur Milne: Oui.

Voici:

Monsieur,

Comme vous le savez, je n'ai pas pu comparaître devant votre comité le 27 février 2003 parce que j'étais alors à l'étranger. Le sous-commissaire, Alan Leadbeater, a témoigné devant votre comité sur le projet de loi S-13 en même temps que le Statisticien en chef et l'Archiviste national, notamment.

Je tenais à bien vous faire valoir ceci: si la disposition relative au consentement proposée est le prix à payer pour ouvrir les relevés d'anciens recensements à des fins de recherches, c'est trop cher.

La base de données historique que représentent les réponses des recensés est en constante évolution et présente un intérêt vital pour le Canada. Il serait inouï et inacceptable de réduire son utilité pour les générations futures du fait qu'elle serait inévitablement incomplète si un pourcentage, aussi petit soit-il, des Canadiens refusait son consentement.

Le fait qu'on soit légalement tenu de participer au recensement témoigne de l'importance de cette base de données pour le Canada. Si les Canadiens ne peuvent pas ne pas remplir le formulaire de recensement, ils ne devraient pas pouvoir, en refusant leur consentement, compromettre à jamais un usage public légitime des données des recensements futurs. Je ne peux pas accepter que les relevés de tous les recensements antérieurs à 2006 deviennent publics, mais pas ceux des recensements qui seront faits par la suite.

J'exhorte donc votre comité à rejeter la disposition relative au consentement pour les relevés des recensements qui seront faits après 2006 et de traiter les relevés des recensements futurs de la même manière que le projet de loiS-13 propose de traiter les relevés des recensements passés.

Nous devrions faire des copies de cette lettre et nous assurer que M.Radwanski en ait une. Si vous vous souvenez de ma question, monsieurRadwanski, pourriez-vous y répondre?

M. Radwanski: Je saisis le sens général. Ce ne sera pas la première ni la dernière fois que le Commissaire à l'information et moi-même différons d'opinion sur la signification ou l'importance du droit à la vie privée au Canada.

Le sénateur Murray: Ou son existence.

M. Radwanski: Oui, ou sur l'existence du droit à la vie privée au Canada. Il part du principe qu'un recensement vise à recueillir des données personnelles sur les Canadiens. Un recensement vise à recueillir des données statistiques sur les Canadiens.

Le sénateur Milne: Les deux.

M. Radwanski: Il n'a jamais été question pour les recensés que cette information serve à autre chose qu'à la compilation de statistiques. Je ne tiens pas à en débattre éternellement, mais c'est mon opinion. Cela reste un problème accessoire, toutefois, car je conteste de toute façon ce projet de loi dans son ensemble. Je ne voudrais pas avoir l'air d'avoir changé d'idée à son égard en m'enlisant dans des questions de consentement.

Le présent comité arrivera peut-être à expliquer au Commissaire à l'information que ces renseignements personnels nous appartiennent. C'est un principe fondamental du droit à la vie privée et du droit relatif au respect de la vie privée, reconnu dans tout pays civilisé, que l'information nous concernant ne devrait être recueillie, utilisée ou divulguée qu'avec notre consentement et seulement aux fins visées par le consentement. La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques prévoit que, même avec le consentement, on peut recueillir, utiliser ou communiquer des renseignements personnels seulement à des fins qu'une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances.

Il s'en trouve peut-être au Canada qui ne comprennent pas que la protection des renseignements personnels est un droit humain fondamental, reconnu non seulement dans la législation canadienne mais aussi dans la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies, et que ce droit n'a aucun sens en l'absence de la notion de consentement. Je ne suis pas de ceux-là; pour moi, le consentement est crucial.

J'ajouterai que ce problème d'obstacle aux recherches, etc., n'en serait pas un si au lieu d'aller dans cette direction, nous options pour la solution de compromis.

Le sénateur Milne: MonsieurRadwanski, vous n'ignorez sans doute pas, car je vous l'ai déjà dit, que la solution de compromis à laquelle en est arrivé votre prédécesseur est le fruit d'une lente évolution de sa propre position. Dans les premiers temps que je siégeais au Sénat, il préconisait d'adopter une politique de la terre brûlée à l'égard du recensement du Canada.

Il a fait beaucoup de chemin avant d'en arriver à la solution de compromis. J'avais cru comprendre que vous étiez d'accord avec lui et que vous appuyiez alors sa position.

M. Radwanski: Je n'étais pas d'accord avec lui.

Le sénateur Milne: Contrairement à sa position, la vôtre n'a pas évolué. Je crois que vous devriez y songer.

M. Radwanski: C'est juste, sénateur, et si vous voulez attendre, je serai heureux de vous faire savoir dans cinq ans si ma position a évolué comme la sienne.

Le sénateur Milne: C'est avec plaisir que je vous interrogerai alors sur votre rapport.

M. Radwanski: Si le présent comité veut repousser de cinq ans l'étude de ce projet de loi, nous pourrons alors en reparler.

Le sénateur Milne: Je vous demande pardon, mais il importe, je crois, que les sénateurs comprennent que les instructions relatives au recensement de 1901 interdisaient aux recenseurs de montrer les résultats du recensement à qui que ce soit, d'en faire ou d'en garder une copie, et de répondre à toute autre question. Un autre article de ces mêmes instructions à l'intention des recenseurs indique que le recensement était censé être un document d'archives et que ses résultats seraient gardés dans les archives du Dominion. À cette époque, je crois tout ce qui était dans les archives du Dominion était éventuellement rendu public.

Les résultats du recensement de 1901 sont publics depuis 1993 et cela n'a suscité aucune plainte d'invasion de la vie privée.

Je ne crois pas que cela ait diminué le moindrement la confiance des Canadiens dans Statistique Canada. Pour ce qui est de l'établissement de statistiques, la réputation de Statistique Canada est une des meilleures au monde et elle n'a aucunement souffert de la publication, après 92ans, des résultats du recensement de 1901, pas plus que de la publication des résultats de tous les recensements antérieurs, d'ailleurs.

Le recensement de 1906, dont les résultats sont désormais publics, prévoyait exactement les deux mêmes instructions aux recenseurs. Les instructions aux agents et aux commissaires du recensement de 1911, dont les résultats n'ont pas encore été publiés, sont formulées exactement de la même façon. En 1918, bien sûr, la loi a été modifiée et la situation a donc changé.

Il faut comprendre que la réputation de Statistique Canada est inattaquable. La publication des résultats, 92 ans après coup, n'a jamais semblé avoir d'effet sur le déroulement d'un recensement, et je ne crois pas qu'elle en aura jamais.

M. Radwanski: Est-ce une question?

Le sénateur Milne: Les sénateurs ont le droit de faire des déclarations.

M. Radwanski: Voyons à quoi je devrais essayer de répondre dans tout cela.

D'abord, l'information recherchée est toujours plus détaillée d'un recensement à l'autre, ce qui fait que son degré de sensibilité s'accroît évidemment de façon exponentielle. Les premiers recensements se limitaient à une information de base.

Ensuite, si j'en juge par mon expérience de journaliste, à l'époque où je dirigeais un journal, les centenaires n'écrivaient pas souvent au rédacteur en chef pour se plaindre de ceci ou de cela. Par conséquent, je ne suis pas sûr que l'absence de plaintes de la part des personnes de plus de 90 ans ou des centenaires soit une preuve d'acceptation. Je ne suis pas sûr non plus qu'il soit correct que le gouvernement fédéral manque à sa parole tant que personne ne s'en plaint.

Lorsque je parle du risque de perdre sa crédibilité, je ne parle pas seulement de la crédibilité de Statistique Canada, quoique celle-ci en prendrait un coup— d'ailleurs, personne ne sait mieux que le Statisticien en chef ce qui risque de nuire à Statistique Canada, et le Statisticien en chef est très préoccupé. Par conséquent, je n'accepte pas d'emblée que cela n'aurait aucun effet sur la crédibilité de Statistique Canada, mais ce que je veux faire valoir de façon plus générale, c'est que cela nuirait à la crédibilité du gouvernement fédéral dans son ensemble. Si le gouvernement peut revenir sur ses engagements de confidentialité, nous avons un réel problème.

On revient toujours à la question des instructions aux recenseurs, notamment. Il me faudrait une preuve que les gens qui ont répondu aux questions savaient ou avaient été informés que cette information pourrait un jour être rendue publique. Je n'ai pas cette preuve. On me dit que rien, dans les journaux de l'époque, ne laisse entendre qu'on avait dit aux gens que l'information serait confidentielle pendant un certain temps, puis qu'elle serait éventuellement rendue publique. Cela aiderait. Soit dit en toute déférence, sénateur, les ambiguïtés que présentent les instructions aux recenseurs et les autres points de détail ne constituent pas le cœur du problème.

Vous et moi ne sommes pas d'accord là-dessus. Je ne tiens pas à me quereller avec vous à ce propos.

Le sénateur Milne: Nous ne serons jamais d'accord là-dessus, monsieurRadwanski.

Je ferai remarquer aux sénateurs que ce projet de loi est un projet de loi ministériel qui a l'appui du gouvernement. Le président de Statistique Canada, qui appuie aussi le projet de loi, en a parlé. J'en resterai là.

La vice-présidente: Le président de Statistique Canada est ici présent. Il pourra demander la parole à un moment donné s'il veut présenter une observation.

Le sénateur Murray: M.Radwanski n'ignore pas, je crois, que je partage entièrement ses préoccupations. Il est vrai qu'il n'y a pas d'ambiguïté dans la formulation des divers règlements et statuts pertinents. La contradiction existe dans deux ou trois avis juridiques clés qu'a produits le ministère de la Justice. Il est effectivement juste de dire qu'on a réalisé à un moment donné une complète volte-face. Il est également juste de dire que cette volte-face dans les avis juridiques a lancé la démarche qui a débouché sur ce projet de loi de compromis.

Ce n'est pas à moi de dire ce qu'en a pensé le gouvernement, mais il semblait évident qu'il voyait peut-être dans un projet de loi de ce genre un moindre mal, ou une meilleure solution de rechange, à un litige prolongé dont il ne saurait prédire l'issue.

Comme l'a fait remarquer le sénateur Milne, c'est le résultat d'un compromis très prudent entre l'Archiviste national et le Statisticien en chef, notamment— qui ont tous deux pris la parole ici à notre dernière séance. Votre propre rôle dans cette affaire, soit dit en passant, est couvert dans les questions et réponses que le gouvernement a publiées avec ce projet de loi. La question no6 est la suivante: le Commissaire à la protection de la vie privée appuie-t-il la modification de la loi? La réponse était la suivante: le Commissaire à la protection de la vie privée a été consulté sur la question de la publication des données historiques des recensements et nous lui sommes reconnaissants de ses précieux conseils sur la protection des renseignements personnels.

Il m'est arrivé autrefois de rédiger des non-réponses comme celle-là, et j'en ai même commis quelques-unes. J'espère que vous êtes content d'apprendre qu'on vous est reconnaissant de vos précieux conseils.

M. Radwanski: On me l'avait déjà dit.

Le sénateur Murray: Je suis plutôt sensible au dilemme devant lequel se sont trouvés sur cette question non seulement le gouvernement, mais aussi Statistique Canada et l'Archiviste national, notamment, une fois qu'ils eurent reçu un autre avis juridique, et ce projet de loi est ce qu'ils ont produit. C'est ce qui m'a amené à appuyer le projet de loi comme compromis honorable à l'étape de la deuxième lecture, et je l'appuierais encore. Je n'ai pas examiné récemment l'autre position de compromis mise au point par vous ou votre prédécesseur, quoique je l'avais fais à l'époque. Je tiens pour acquis qu'elle a été abandonnée à un moment donné au cours des négociations.

Je n'ai pas vraiment de question à poser là-dessus. Je veux tout simplement dire que j'ai appuyé et appuie toujours le projet de loi parce que les diverses parties, qui, à mon sens, avaient un intérêt indiqué et légitime dans cette affaire, en étaient venues à un accord qui tenait compte de ce qu'elles considéraient comme leurs principes essentiels et parce que j'étais sensible à leur désir d'éviter le pire, à savoir un litige.

M. Radwanski: D'abord, sénateur, je ne suis pas d'accord pour dire que toutes les parties ayant un intérêt dans l'affaire en sont venues à un accord. Les institutions, peut-être, mais je ne crois pas que l'autre partie touchée, soit la population canadienne en général, ait eu la chance de donner son accord. C'est une première préoccupation.

Je ne savais pas, ou j'ai oublié, que le Statisticien en chef appuyait ce projet de loi. Cela me déçoit parce que cela fait justement resurgir le spectre de son inquiétude passée à ce sujet.

Je continue à me demander pourquoi on nous présente ce projet de loi. Si je ne m'abuse, deux problèmes se posent. Il y a celui des recherches généalogiques

Le sénateur Milne: Et historiques et juridiques.

M. Radwanski: Oui, et celui des recherches historiques.

À mon sens, la position de compromis, que toutes les parties en cause semblaient appuyer à l'époque et qui allait beaucoup moins loin que cela, résolvait les deux d'une façon très raisonnable.

Le sénateur Morin: Pourriez-vous rappeler quel était le compromis?

M. Radwanski: Oui. J'en ai une copie pour le greffier, s'il le veut.

Le sénateur Morin: Pouvons-nous l'avoir tout de suite?

M. Radwanski: Voulez-vous que je lise tout le document?

Le sénateur Morin: Non, nous allons le faire photocopier.

M. Radwanski: Je ne voudrais pas en donner une mauvaise idée en le présentant de façon trop superficielle. Il prévoyait fondamentalement que les personnes souhaitant mener des recherches généalogiques sur leur famille puissent le faire. L'information demeurerait essentiellement sous la garde de Statistique Canada, quoique déposée aux Archives nationales. On pourrait s'enregistrer pour mener des recherches généalogiques sur sa famille. On devrait pour ce faire signer un engagement de non-divulgation. En fait, on serait considéré comme un employé de Statistique Canada et, par conséquent, on serait assujetti à la Loi sur la statistique en matière de confidentialité. On pourrait mener des recherches généalogiques sur sa famille autant qu'on le voudrait.

De la même manière, l'information serait mise à la disposition des historiens menant des recherches historiques sérieuses jugées par les pairs. Le compromis prévoyait diverses garanties et dispositions de protection.

Le sénateur Morin: Après combien d'années pouvait-on avoir accès à l'information?

M. Radwanski: Pour être franc, il faudrait que je vérifie, mais je crois que c'était 92 ans.

Le sénateur Milne: C'était bien après 92 ans.

M. Radwanski: Cela me paraissait juste et raisonnable...

Le sénateur Morin: Y compris après 2006?

M. Radwanski: C'était prévu pour de bon.

Cela me paraissait juste et raisonnable comme compromis. Il résolvait les problèmes qui nous préoccupent manifestement, à savoir la généalogie et l'histoire.

Je ne comprends tout simplement pas pourquoi nous devrions opter pour quelque chose de beaucoup plus radical, quelque chose qui offre beaucoup moins de garanties. Voilà ce que je réponds à l'observation du sénateur Murray voulant qu'on soit en quelque sorte obligé d'appuyer ce projet de loi.

Le projet de loi aurait pu être construit autour du compromis; il aurait ainsi atteint l'objectif voulu tout en protégeant bien mieux les renseignements personnels de nature délicate.

Le sénateur Roche: Mes questions portent sur les amendements. Je trouve injuste d'interroger M.Radwanski à leur égard, car il a déjà fait savoir qu'il hésite à donner un avis autorisé sur ces amendements, même s'il est ici en sa qualité d'autorité en la matière.

Je voudrais trouver le moyen de fondre ensemble le projet de loi, dans sa forme actuelle, et le compromis que M.Radwanski vient de nous exposer et que je n'ai pas lu. MonsieurRadwanski, y a-t-il moyen de fondre ensemble le projet de loi, dans sa forme actuelle, et ce compromis que vous avez décrit et qui n'a pas été adopté? Ces amendements y arrivent-ils? Si vous ne voulez pas répondre à la question de savoir si les amendements y arrivent, pourriez-vous nous dire, monsieur, comment on pourrait fondre ensemble le projet de loi, dans sa forme actuelle, et le compromis qui vous paraît acceptable?

M. Radwanski: Il me faudrait pour cela étudier très attentivement le projet de loi dans ses moindres détails.

Je ne crois pas que cela soit facile à faire avec des amendements. Par exemple, lorsqu'on dit que, à partir de 112 ans après le recensement, n'importe qui pourrait avoir un accès illimité aux relevés des recensements, comme le prévoit ce projet de loi, comment peut-on concilier un accès illimité avec une promesse de confidentialité perpétuelle? Je ne crois pas que ce soit possible. Franchement, cela ouvre cette information à une exploration de données et à Dieu sait quoi d'autre. Je ne crois pas qu'on puisse concilier les deux.

Ils sont fondés sur des notions différentes. L'un est fondé sur une notion restrictive, l'autre sur une notion expansive. Ce n'est pas du tout la même idéologie. De la même manière, ouvrir à tout le monde les relevés des recensements postérieurs à 2006, 92 ans après coup, dénature le processus du recensement.

Le sénateur Roche: Ma deuxième question porte sur les amendements.

M. Radwanski: Vous pourriez m'interroger sur leur portée générale, mais je n'ai pas le temps de les examiner suffisamment pour vous fournir une réponse détaillée.

Le sénateur Roche: Je comprends. Madame la présidente, je réserve mes autres observations pour le moment où nous discuterons du projet de loi.

Le sénateur Kinsella: Commissaire, ce qui vient d'être dit m'inquiète vraiment car, quand on commence à vouloir négocier ou transiger sur un droit humain, je crains toujours que le droit fondamental n'y perde.

Je veux revenir au principe fondamental. N'est-il pas vrai que, conformément à la Loi sur la statistique, les citoyens sont tenus, dans l'intérêt public, de céder à l'État certains renseignements personnels et certains éléments de leur vie privée? L'engagement sacré est qu'ils demeureront confidentiels. Ces renseignements sont recueillis par l'État, et les citoyens sont tenus de les fournir parce que l'État ou le Parlement en est arrivé à la conclusion que c'était dans l'intérêt public des Canadiens.

Ce projet de loi vise non pas l'intérêt public, mais plutôt l'intérêt personnel. Par conséquent, du point de vue du droit à la vie privée, comment voyez-vous l'équilibre entre ce qui est fait et les limites?

L'article premier de la Charte limite le droit à la vie privée dans une société libre et démocratique lorsque l'intérêt public l'exige, alors qu'on propose ici de limiter ce droit au nom de l'intérêt personnel.

M. Radwanski: C'est une excellente question. Certes, il est sans aucun doute raisonnable en général de recueillir dans l'intérêt public, grâce au recensement, des renseignements qui serviront à des fins statistiques.

Pris ensemble, certains intérêts personnels peuvent aussi constituer un intérêt social. Il est bon d'en tenir compte. Par exemple, on pourrait certes faire valoir que l'histoire est un intérêt social, un intérêt public. On pourrait faire valoir que le droit de connaître l'histoire de sa famille constitue à certains égards un intérêt social et un intérêt public. Je le répète, le fait qu'on puisse connaître ses origines peut constituer dans certains cas un intérêt de santé publique. Cela peut aider de savoir certaines choses à propos de sa famille.

On dit toujours que le droit à la vie privée est un droit fondamental, un droit crucial. Ce n'est pas un droit absolu. Il n'est pas déraisonnable d'essayer de l'interpréter pour en arriver à de bonnes fins sans pour autant nuire à son exercice.

Je n'ai aucune objection à ce que des historiens sérieux, assujettis à certaines limites claires, aient accès à cette information après 92ans. Ils ne vont laisser couler aucun renseignement personnel détaillé sur l'homme de la rue. Ils ne feront pas des recherches à des fins bassement commerciales ni pour faire chanter qui que ce soit. Ce la ne me pose aucun problème.

Je sais qu'on s'intéresse de plus en plus à la généalogie. Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de mal à ce qu'on fasse des recherches sur sa propre famille après un certain temps, après 92 ans, en autant qu'il y ait des limites à ce qu'on peut faire avec les renseignements accessoires que l'on recueille.

Cela me rend extrêmement mal à l'aise au plan idéologique. Je suis mal à l'aise lorsque ces deux intérêts, pour des raisons que je ne comprends pas très bien, sont étendus ou utilisés comme un cheval de Troie pour une loi beaucoup plus générale que je ne trouve pas nécessaire. Voilà où j'établirais l'équilibre.

Le sénateur Kinsella: Estimez-vous que, au départ, le projet de loi S-13 pourrait satisfaire aux principes généraux du test que vous décrivez, mais que, dans le détail, il va au-delà de ce qui serait raisonnable?

M. Radwanski: Ou de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs visés.

Le sénateur Kinsella: Vous avez fait allusion tout à l'heure à la façon dont le droit à la vie privée est articulé dans la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies. Je crois que le droit à la vie privée figure également dans les conventions internationales relatives aux droits de l'homme. Même si beaucoup soutiendraient que la Déclaration universelle fait partie intégrante du droit international coutumier en matière des droits de la personne, il ne fait absolument aucun doute que les conventions font partie du droit conventionnel auquel est assujetti le Canada. Depuis 1976, le Canada a ratifié ces conventions. Par conséquent, croyez-vous que, s'il était adopté, le projet de loi S- 13 placerait le Canada dans la situation embarrassante où une communication serait déposée conformément au Pacte international relatif aux droits civils et politiques par l'intermédiaire du protocole de signature facultative, et que le Canada se trouverait en violation de l'obligation de protéger le droit à la vie privée?

M. Radwanski: C'est une excellente question, sénateur. Toutefois, en dépit de tout le respect que je vous dois, je refuse d'y répondre, tout simplement parce que je ne veux pas donner un avis juridique sur quelque chose que mes collaborateurs et moi-même n'avons pas examiné. La question est certes très légitime, mais je parlerais sans véritable connaissance de cause si j'essayais d'y répondre.

Le sénateur Kinsella: Depuis que vous êtes Commissaire à la protection de la vie privée, avez-vous reçu de très nombreuses plaintes de nature générale à cet égard?

M. Radwanski: Je n'ai reçu aucune plainte officielle qui exigeait que je fasse une enquête. J'ai reçu, comme tous les membres du comité, je suppose, énormément de lettres de généalogistes furieux qui estimaient que mon poste et moi- même menacions leur droit de connaître l'histoire de leur famille. Ces lettres se ressemblaient étrangement les unes les autres. J'ai reçu des appels et des lettres de gens que préoccupe le fait que le gouvernement ait pour principe de manquer à sa parole; mais je ne dirais pas que j'en ai reçu beaucoup en dehors de la campagne orchestrée par les généalogistes.

Le sénateur Kinsella: Beaucoup de Canadiens se sont-ils plaints auprès de vous de ce que, par exemple, on ait violé leur vie privée en les obligeant à fournir de l'information conformément à la Loi sur l'assurance-emploi, ou de ce que le gouvernement ait violé leur vie privée en leur demandant l'information qu'il est légalement tenu de leur demander avant de leur délivrer un passeport?

M. Radwanski: L'essentiel de notre travail consiste à examiner des plaintes voulant qu'on ait en quelque sorte mal utilisé ou divulgué de l'information. Je dois dire que, tout compte fait, le gouvernement réussit en général de mieux en mieux à ne pas divulguer à mauvais escient l'information dont il dispose. Toutefois, cela arrive; et lorsque cela arrive, c'est très grave.

Il arrive aussi très souvent que des gens aient l'impression qu'on a mal utilisé ou qu'on a divulgué leur information alors que, en fait, on n'a rien fait d'illégal. La Loi sur la protection des renseignements personnels est très générale pour ce qui concerne ce que les ministères peuvent faire dans le cadre de leurs programmes, et elle contient des dispositions très générales sur l'échange d'information. Toutefois, si la question est de savoir s'il arrive souvent que des gens soient insultés par la façon dont leur information est utilisée ou divulguée, la réponse est oui et cela, en très grand nombre.

Le sénateur Léger: Les projets de loi que nous étudions à l'heure actuelle— ou toute autre décision du gouvernement, j'imagine— visent le présent et l'avenir, et non le passé. Au rythme où vont les choses en 2003, on aura l'impression en 2095 que 920 ans se seront écoulés au lieu de 92, tellement cela va vite.

Ma question: cela s'applique-t-il seulement aux recensements? De nos jours, on recueille des renseignements sur tout. Radio Shack veut tout savoir à mon sujet. Les hôpitaux savent comment ma mère ou mon père est décédé même si, moi, je l'ignore. Cela s'applique-t-il uniquement aux données de recensement, ou sur une plus grande échelle?

M. Radwanski: Non. Vous parlez de Radio Shack; vous savez certainement qu'on procède actuellement à la mise en oeuvre graduelle d'une nouvelle loi de protection des renseignements personnels qui vise le secteur privé. Il s'agit de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, qui est en vigueur depuis 2001. Pour l'instant, elle vise les ouvrages et entreprises fédéraux, les opérations bancaires, les transports, la télédiffusion et les télécommunications. Dès janvier prochain, elle s'appliquera à l'ensemble du secteur privé canadien, sauf là où les provinces appliquent déjà des lois substantiellement similaires à la loi fédérale; le cas échéant, c'est la loi provinciale qui s'appliquera.

Comme je le disais, cette loi repose sur des principes très clairs en matière de protection des renseignements personnels. Ces principes prévoient notamment que nul, dans le secteur privé, dans le secteur commercial, ne peut recueillir, utiliser ou divulguer des renseignements personnels sans le consentement de la personne concernée. Ces renseignements ne pourront être recueillis, utilisés ou divulgués que pour les fins auxquelles cette personne aura donné son consentement. Et même si elle donne son consentement, ces renseignements pourront seulement être recueillis, utilisés ou divulgués à des fins qu'une personne raisonnable jugerait appropriées dans les circonstances, de façon à éviter que son consentement ne soit obtenu par contrainte. Vous aurez le droit de vérifier les renseignements tenus à votre sujet et de corriger les erreurs. D'autre part, les citoyens disposent de moyens de surveillance et de recours auprès de mon bureau.

Lorsque ce projet de loi s'appliquera intégralement — et il existe déjà des lois provinciales similaires qui s'appliquent dans les champs de compétence provinciale, comme la santé — il ne sera plus aussi aisé pour le secteur privé de divulguer des renseignements à votre sujet sans votre permission. En fait, ce sera très difficile.

Le sénateur Léger: Est-ce que ce sera illégal?

M. Radwanski: Ce serait illégal si les renseignements étaient divulgués sans votre consentement. Ce serait une infraction à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Toute infraction fera l'objet d'une surveillance de ma part et de la part de mon bureau, et des sanctions sont prévues.

Le sénateur Léger: Vous disiez que vous avez déjà été journaliste. Évidemment, personne n'écrivait au rédacteur en chef d'un journal du temps de mon grand-père, vers 1901. De fait, mon grand-père était illettré, comme bien d'autres à cette époque. Je ne peux m'empêcher d'imaginer à quel point il doit être difficile, sinon impossible de conserver le contrôle de nos jours. Je ne dis pas que nous ne devons rien faire, mais nous avons parfois une conception très limitée des choses.

M. Radwanski: Si j'ai bien compris ce que vous dites, sous cet angle je suis d'accord avec vous. Depuis que j'occupe mon poste, je soutiens que la protection des renseignements personnels sera la question déterminante de cette décennie. Je le disais d'ailleurs avant même les événements du 11 septembre, parce qu'aussi longtemps que l'information à notre sujet a été conservée un peu partout sur des documents papier, il était difficile de recueillir beaucoup de renseignements sur quelqu'un et d'empiéter sur sa vie privée.

Depuis l'avènement de la technologie de l'information, des technologies de surveillance, etc., la situation s'est inversée. Les particuliers et la société doivent maintenant se donner beaucoup de mal pour assurer la protection des renseignements personnels. C'est un peu ce dont il est question ici aujourd'hui.

Le sénateur Milne: Puisque M. Radwanski a souligné que le gouvernement ne devrait jamais rompre une promesse, même une non-promesse vieille de 92 ans, je crois qu'il doit aussi s'abstenir de rompre l'engagement qui a été pris en vertu de la réglementation, relativement à la tenue de ces recensements. Cette information devra être conservée dans les Archives du Dominion, pour fins de consultation future. En 1931 et 1941, on parlait explicitement de consultation future. Le gouvernement du Canada a toujours voulu que ces dossiers soient rendus publics un jour ou l'autre. C'est ce que ce projet de loi vise à faire, et j'exhorte les sénateurs à l'appuyer.

M. Radwanski: Je ne sais pas si je devrais répondre à une exhortation plutôt qu'à une question. J'aurais dit que la proposition relative à la position de compromis aurait plutôt bien répondu aux exigences de la situation. Les renseignements auraient été déposés physiquement aux Archives nationales, et conservés pour fins de consultation future par les personnes qui font des recherches généalogiques sur leurs familles et par les historiens. Mis à part l'autre engagement, je ne vois dans cette formulation rien qui exige que les renseignements soient systématiquement divulgués. Même si quelqu'un voulait satisfaire à cette exigence, il y aurait des façons de le faire sans aller aussi loin que ce que dit ce texte législatif.

Permettez-moi de faire une brève digression. Elle est très intéressante. Je constate une excellente participation à cette table, honorables sénateurs. Nous discutons, dans une salle pratiquement comble, de la divulgation de données de recensement et d'un important précédent.

Je réfléchis aux très importantes questions que j'ai soulevées dans mon rapport annuel cette année, en particulier certaines des mesures de sécurité qui ont été prises depuis le 11 septembre et l'atmosphère qui prévaut actuellement. J'ai diffusé, aujourd'hui, un communiqué sur l'une de ces mesures. Heureusement, nous avons pu résoudre de façon satisfaisante la question de la banque de données de l'ADRC avec l'agence elle-même.

Je souhaite que nous accordions autant d'attention aux importantes questions touchant la vie privée auxquelles nous sommes actuellement confrontés et qui transformeront toute notre société si nous n'y prenons pas garde. Ce faisant, nous éviterons de nous enliser dans une situation qui, je crois, pourrait être résolue de la même façon. Si nous digressons un peu dans les questions, je puis me permettre d'en faire autant en ce qui concerne la réponse.

Le vice-président: Je vous l'accorde, monsieur Radwanski.

Le sénateur Murray: Avant de poursuivre, je ne puis m'empêcher de faire un court commentaire au sujet de ce que disait le sénateur Léger sur l'information commerciale.

Au cours d'une précédente législature, nous avons adopté un projet de loi concernant les renseignements personnels recueillis à des fins commerciales. Ce n'était pas un mauvais projet de loi, mais il contenait une disposition permettant de divulguer, 20 ans après la mort d'une personne, des renseignements personnels recueillis à son sujet à des fins commerciales dans le secteur privé. Cela me paraît inacceptable et même si c'est la dernière chose que je dois faire, je ferai modifier cette loi un jour ou l'autre.

Nous avons déjà discuté, et nous devrions en discuter de nouveau lorsque vous reviendrez au Sénat, de l'opportunité d'enchâsser le droit à la vie privée dans la Charte des droits et libertés. Je sais que c'est une commande plus exigeante. Votre prédécesseur, et peut-être vous aussi, étiez en faveur d'une telle mesure. Je crois que nous devrions l'envisager très sérieusement.

M. Radwanski: Je n'étais pas en faveur de cela, sénateur. Mon souci est d'éviter d'avoir un système de protection de la vie privée à deux vitesses au Canada. Je crois que la Loi sur la protection des renseignements personnels et la loi touchant le secteur privé permettront d'assurer une bonne protection des renseignements personnels. Si, en plus de ces lois, nous avions une protection générale en vertu de la Charte, je craindrais tout d'abord, comme nous l'avons déjà constaté au sujet de certaines questions touchant la protection de la vie privée, que seules les personnes disposant de ressources considérables puissent se prévaloir de cette protection, les autres devant se contenter d'avoir recours aux autres lois dont je parlais. Il risquerait d'en résulter des écarts considérables entre les jugements des tribunaux, d'une part, et l'application de leurs jugements, d'autre part. Ce ne serait pas forcément le cas, mais je ne suis pas convaincu que le résultat serait une meilleure protection des renseignements personnels dans la vie de tous les jours.

Je m'intéresse aux décisions que rendent les tribunaux relativement à la protection de la vie privée. Je lisais dans le Toronto Star, aujourd'hui, que le juge en chef a parlé, au cours d'une émission diffusée sur les ondes de la CBC, de l'importance de ne pas trop sacrifier les libertés au nom de la sécurité, dans la foulée des attentats du 11 septembre. Il est permis de croire que, dans l'état actuel des choses, les tribunaux verront de plus en plus le droit à la protection de la vie privée comme un droit reconnu par la Charte.

Le sénateur Murray: L'une des choses que nous n'aurions pas eues à faire si le droit à la protection de la vie privée était enchâssé dans la Charte, c'est de soustraire l'activité journalistique au projet de loi sur la protection de la vie privée que nous avons adopté dans le passé. En plus des droits reconnus par la Charte, les journalistes pourraient invoquer les droits relatifs à la liberté d'expression.

Quoi qu'il en soit, monsieur Radwanski, pourriez-vous indiquer au comité quelles sont les principales différences entre le compromis précédent, qui semble avoir été laissé de côté, et ce que propose le projet de loi S-13? Nous avons le texte du projet de loi, mais aussi une très bonne description du projet de règlement du projet de loi. J'ai ici une copie de ce qu'on appelle un avant-projet pour fins de consultation. Toutefois, une personne serait autorisée à effectuer une recherche historique en faisant une demande ou en obtenant la permission des personnes habilitées à autoriser ce type de recherche. Ce genre de chose est accessible au comité et, sans doute, au public.

Pourriez-vous nous expliquer les principales différences entre cette proposition et le projet de loi S-13?

M. Radwanski: De façon générale, la grande différence est la disparition des restrictions après 102 ans. Il n'y a rien de tel ici. La différence est considérable. La proposition comporte beaucoup plus de restrictions et de sauvegardes. M. Fellegi me dit qu'il pourrait résumer les différences. Comme il connaît mieux cette question que moi, il pourrait peut- être vous l'expliquer.

Les engagements relatifs à la portée, aux sauvegardes et à la confidentialité sont différents. De façon générale, je crois que les dispositions importantes touchant les droits devraient faire partie de la loi elle-même plutôt que de son règlement d'application. Il est très facile de modifier un règlement, sans avoir à tenir le genre de débat qui a cours actuellement.

Le sénateur Murray: Je suis d'accord. Toutefois, le fait de disposer d'un avant-projet de règlement avant que le projet de loi ne soit adopté est un avantage.

M. Radwanski: C'est un avantage seulement si on ne modifie pas le règlement six mois plus tard à la faveur d'un débat semblable.

Le sénateur Morin: Monsieur le commissaire, je voudrais revenir au parallèle entre le compromis d'août 2002 et le projet de loi. En fait, les deux mesures sont des compromis. La mesure adoptée en août 2000 a l'avantage d'être simple, car seule l'information touchant la généalogie familiale ou une recherche historique approuvée après examen des pairs sera divulguée après 92 ans. C'est très simple.

Le projet de loi dont nous sommes saisis est extrêmement complexe, notamment en ce qui concerne la règle des 92 ans et des 112 ans applicables à la divulgation de renseignements à la famille et au public. Il y a, comme vous le disiez, un formulaire de consentement très imparfait qui n'existe pas en vertu du compromis d'août 2000.

Les deux mesures sont des compromis, et je crois que vous l'avez admis lorsque vous avez dit que certains renseignements d'identification pourront être divulgués à la faveur d'une recherche historique. Je crois que cette mesure a un avantage, celui de la simplicité.

Pourquoi diffuser de l'information au grand public si seulement la recherche généalogique et la recherche historique sont en cause?

M. Radwanski: Je suis entièrement d'accord avec vous sur ce dernier point. Ce n'est pas qu'une question de degré. Le fait de divulguer de l'information au grand public est tout à fait différent que de divulguer de l'information à deux fins limitées, toutes deux rigoureusement encadrées de façon à prévenir des utilisations inappropriées, surtout par des moyens électroniques. Si toute cette information devient accessible d'une façon ou de l'autre par voie électronique, cela risque de compromettre la confidentialité, bien que je ne vois pas à quelles fins cette information pourrait être utilisée. Ce que je sais, c'est que les renseignements personnels de ce genre ne devraient pas être accessibles à tout le monde parce que, justement, nous ne savons pas quelle utilisation on pourrait en faire.

Franchement, je n'aimais pas particulièrement l'approche que j'ai endossée précédemment. Je n'aime pas particulièrement toute cette question. Je ne voulais pas rouvrir un dossier que mon prédécesseur et d'autres avaient mis beaucoup d'efforts à régler. Il m'a paru préférable, après toutes les réflexions et le travail dont la question a fait l'objet, de ne pas le rouvrir et de risquer un résultat encore pire, quelque chose comme ce projet de loi. C'est pourquoi j'ai accordé mon appui, quoique sans enthousiasme, afin de mettre la question de côté. Je crois que la meilleure approche à adopter serait d'avoir une mesure qui soit la moins intrusive et la plus limitée possible. C'était une approche minimaliste. Cette approche-ci est maximaliste, et je préfère la précédente.

Ceux d'entre vous qui s'intéressent à ces questions savent qu'il y a des dossiers que j'ai examinés en profondeur et au sujet desquels je me suis senti l'obligation de lancer une campagne de sensibilisation, de diriger le débat et de recueillir tous les appuis possibles. Je ne place pas cette question-ci dans cette catégorie, non pas parce qu'elle n'est pas importante, mais parce qu'il faut choisir ses combats et qu'il y a d'autres questions — que celle de la parole du gouvernement, qui me paraît néanmoins importante — qui affecteront nos vies de façon beaucoup plus intense et directe que celle-ci. Je n'engagerai donc pas de croisade à ce sujet, bien que la question me préoccupe beaucoup.

Le sénateur Cordy: Je voudrais revenir sur quelque chose qui n'est pas clair dans mon esprit, à savoir les différences entre la loi qui régissait les recensements en 1906 et la loi qui régissait les recensements de 1911 et de 1916. Comme vous le disiez, nous avons tous reçu beaucoup d'information sur ce projet de loi de la part des diverses parties prenantes.

J'ai reçu une lettre du coprésident du Comité des recensements du Canada. Il y écrit notamment ce qui suit:

[...] les relevés de 1911 et 1916 établis en vertu de la même loi et conformément à des directives similaires aux recenseurs, que le recensement de 1906, dont les relevés ont été rendus accessibles sans aucune restriction ou condition. En divulguant les dossiers de 1906 sans restriction, le gouvernement a reconnu que la loi l'autorisait à le faire. Il n'y a aucune raison valable d'agir différemment en ce qui concerne les recensements de 1911 et 1916.

Quelles sont les différences? Si les directives données aux recenseurs étaient semblables en 1906, 1911 et 1916, et que les recensements ont été effectués en vertu de la même loi, pourquoi les recensements de 1911 et ne sont-ils pas traités de la même façon?

M. Radwanski: Cela présuppose que le gouvernement a eu raison de divulguer les données du recensement de 1906, ce qui n'est pas nécessairement mon point de vue, ni le point de vue de ceux qui se préoccupent des répercussions possibles sur la protection des renseignements personnels.

Je n'ai pas jugé utile de m'intéresser de trop près aux nuances de langage dans l'un et l'autre cas. Quel que soit le recensement, les gens ont cru donner des renseignements confidentiels destinés à des fins de recensement statistique limitées, et croyaient que cette information servirait uniquement à ces fins.

Indépendamment des nuances de langage, personne ne m'a jamais convaincu que le recensement n'a jamais été présenté aux Canadiens autrement que comme un exercice statistique, non préjudiciable à confidentialité des renseignements personnels qu'ils communiquaient. S'il en avait été autrement, les questions posées aux gens auraient aussitôt soulevé une controverse. L'absence de controverse m'amène à penser que les gens ont toujours cru que la communication de renseignements personnels serait à peu près sans conséquence et n'aurait aucune incidence.

Je crains de ne pouvoir vous être utile en ce qui concerne les nuances juridiques, car je ne les ai pas étudiées.

Le vice-président: Si les sénateurs y consentent, le statisticien en chef voudrait venir à la table pour commenter brièvement certaines des réponses aux questions qui ont été posées.

Merci, monsieur Radwanski, de votre présence parmi nous.

Le vice-président: Monsieur Fellegi, je vous demanderai d'être aussi bref que possible.

M. Ivan P. Fellegi, statisticien en chef, Statistique Canada: J'ai voulu commenter ce qui a été dit et, peut-être, apporter des éclaircissements sur certains aspects qui ont été soulevés.

Je parlerai tout d'abord de la différence entre le compromis que le commissaire à la protection de la vie privée a appuyé avec réserve, et le compromis que constitue le projet de loi S-13.

Le compromis initial auquel sont parvenus le commissaire à la protection de la vie privée et Statistique Canada, compromis auquel ne participait cependant pas l'archiviste national, consistait à permettre à une personne d'accéder après 92 ans, à des fins de recherche généalogique, à des renseignements touchant un membre de sa famille, l'information obtenue ne devant être divulguée qu'aux membres de cette famille. En ce qui concerne les recherches historiques, le compromis prévoyait également l'accès à l'information après 92 ans, sous réserve d'un examen des pairs.

D'une certaine façon, le projet de loi S-13 va au-delà du compromis à deux directions. Tout compromis comporte du donnant, donnant. Un compromis ne peut aller dans une seule direction; il doit conserver un certain équilibre.

Le second compromis a permis d'assouplir les règles relatives à la divulgation, dans la mesure où il est possible, après 112 ans, d'avoir un accès illimité à des renseignements à des fins de recherche historique, sans que le projet de recherche ne fasse l'objet d'un examen intégral des pairs. Il suffit qu'une personne de référence crédible reconnaisse l'intérêt public du projet. Le règlement définit les personnes de référence qui peuvent se prononcer à cet égard. Ce n'est pas ce que les universitaires appelleraient un examen des pairs intégral. C'est la concession qui a été faite relativement à la divulgation.

Toutefois, l'autre aspect concerne les recensements futurs — en tant que statisticien en chef, cet aspect me préoccupe tout particulièrement, car je tiens à préserver la coopération de la population canadienne — et la nécessité d'obtenir un consentement éclairé significatif. Franchement, je ne considère pas le retrait comme un consentement significatif, en particulier si l'on tient compte des conditions dans lesquelles les familles répondent aux questions du recensement. Elles ne lisent pas forcément les petits caractères, et si les gens ne répondent pas, cela ne signifie pas nécessairement qu'ils sont d'accord.

Si jamais le sujet soulevait un débat public important, et n'importe quel journal peut en faire une question importante, la capacité de Statistique Canada de préserver la confidentialité des renseignements pourrait être remise en question. Je fais ce travail depuis 36 ans et j'ai participé à de nombreux recensements. Je sais que le recensement est un instrument unique. J'y reviendrai.

C'est la différence entre les deux compromis. On a assoupli les règles relatives à l'accès et à la protection. Au plan de la protection, la règle prévoit un consentement éclairé pour ce qui est des recensements futurs. En ce qui concerne la divulgation des renseignements, on prévoit un accès illimité après 112 ans. En ce qui concerne la période entre 98 ans et 112 ans, les projets de recherche historique ne font pas l'objet d'un examen par les pairs, mais reposent plutôt sur l'endossement d'une personne compétente. C'est ce qui caractérise les deux compromis.

Mon principal argument est que le recensement est un instrument unique. Il est unique parce qu'obligatoire. Il est obligatoire de répondre aux questions. Par ailleurs, les renseignements qui y sont contenus sont différents de tout autre type d'information personnelle. Lorsque les Canadiens communiquent des renseignements personnels à leur médecin, c'est dans leur intérêt qu'ils le font. Ils en retirent personnellement quelque chose: un traitement. S'il s'agit de communiquer des renseignements à une compagnie d'information, les Canadiens sont libres de décider de communiquer des renseignements à la compagnie en vue d'obtenir une police d'assurance. Dans le cas contraire, ils ne communiqueront pas l'information personnelle.

Il en va autrement dans le cas du recensement. La personne n'obtient rien en échange de ses réponses. La seule chose que nous pouvons leur offrir est la confidentialité. N'allons pas gâcher cette information. Elle est sacrée. Elle constitue le fondement du contrat social. D'un autre côté, les gens sont obligés de répondre, sans obtenir rien en échange, sinon une promesse de confidentialité.

Troisièmement, on a beaucoup parlé de l'excellente réputation de Statistique Canada. J'en suis très fier, et j'ai travaillé toute ma vie à parfaire cette réputation. J'y ai consacré ma vie.

Je vous implore de me croire quand je vous dis que nous pouvons perdre la confiance des gens. Nous ne perdrons peut-être pas notre réputation de compétence professionnelle, mais si les gens ne nous font plus confiance en ce qui concerne l'utilisation de renseignements personnels qui les concernent, nous perdrons notre travail, ce qui n'est pas important en soi. L'important, c'est que nous n'aurons plus d'information à communiquer.

Finalement, il est très facile de débattre d'une question en invoquant des principes. Je pourrais facilement justifier de ne faire aucune concession relativement à la confidentialité et de la protéger de façon permanente. C'est un argument facile à défendre sur le plan intellectuel. Mais il est beaucoup plus difficile, intellectuellement parlant, de défendre un compromis. Quoi qu'il en soit, j'appuie pleinement ce compromis, car je suis conscient de l'importance d'équilibrer les divers éléments de l'intérêt public, quoique je ne sois responsable que d'un de ces deux éléments, à savoir l'information statistique. Je ne suis pas responsable de l'autre élément, mais je suis un fonctionnaire et je comprends l'importance d'équilibrer les intérêts publics. J'appuie pleinement ce compromis.

Les amendements que vous étudiez violent fondamentalement ce compromis, et je vous demande instamment de les rejeter.

Le sénateur Roche: Merci de votre déclaration, monsieurFellegi.

À plusieurs égards, la question se résume à une affaire de confiance. Le témoin qui vous a précédé, cet après-midi, disait craindre que le projet de loi ne jette un doute sur l'engagement du gouvernement à l'égard de la protection des renseignements personnels. Il craignait que cela n'ait des répercussions sur les recensements futurs.

Avez-vous des craintes au sujet de l'intégrité des recensements futurs si le projet de loi est adopté?

M. Fellegi: En tant que statisticien en chef, est-ce que je préférerais que la confidentialité soit protégée à tout jamais? Oui, bien sûr.

Le compromis va jusque là où on est prêt à aller. Personne ne sait comment la population va réagir. Ce que je sais, cependant, c'est que la confiance est une chose très fragile. Je n'ose pas aller plus loin. Suis-je inquiet? Oui, je le suis.

Le sénateur Roche: J'ai l'impression que vous hésitez à aller aussi loin en ce qui concerne la question de la confiance.

M. Fellegi: J'appuie le projet de loi. Je me suis convaincu qu'il était...

Le sénateur Murray: Il était nécessaire. Parlez-nous de cet aspect. Le compromis a été rendu nécessaire en raison de l'évolution de l'opinion juridique du gouvernement.

M. Fellegi: Il y a des opinions juridiques contradictoires au sujet des recensements passés. Cet aspect me préoccupe évidemment, mais ce qui me préoccupe bien davantage, c'est la façon dont les Canadiens réagiront à ce que nous ferons. Je crois que ce projet de loi assure un juste équilibre.

Le vice-président: Vous n'appuyez pas les amendements?

M. Fellegi: Je ne les appuie certainement pas. En fait, je plaide en faveur de leur rejet.

Le sénateur Roche: Face au projet de loi lui-même, sans les amendements, aurais-je raison, en tant que citoyen canadien obligé de participer au prochain recensement, de ne pas faire confiance au gouvernement canadien quant à la protection de la confidentialité des renseignements que je lui donnerais?

M. Fellegi: Non. Je parle du recensement et non pas de la question plus large de la confiance générale envers le gouvernement. Les recensements futurs comporteraient une question demandant à la personne qui remplit le formulaire si elle accepte que les renseignements du recensement soient rendus publics 92 ans après la date de ce recensement. Si la réponse est oui, l'information serait rendue publique. Si la réponse est non, l'information ne serait pas rendue publique. C'est un message simple à faire accepter, au cours des 20 secondes dont nous disposons, pour nous assurer ou perdre la coopération d'un ménage à l'occasion d'un recensement.

Le sénateur Roche: En tant que citoyen canadien, je n'aurais aucune raison valable de dire que je ne fais pas confiance au gouvernement canadien parce qu'il a invoqué le projet de loi S-13.

M. Fellegi: En effet.

Le sénateur Kinsella: Pour que cela soit bien clair dans mon esprit, préféreriez-vous, en tant que statisticien en chef, qu'il n'y ait pas de projet de loi? Votre position de repli consisterait-elle à dire que vous ne voulez pas de ces amendements mais que, pour des raisons pratiques, compte tenu de toutes les circonstances et des rouages gouvernementaux, vous pouvez appuyer le projet de loi S-13?

M. Fellegi: Non, c'est plus que cela. Nous devons avoir des éclaircissements, car les opinions juridiques se contredisent. Comme je le disais, il ne s'agit pas, dans mon esprit, d'une question juridique. La véritable question est de faire ce qui doit être fait et de protéger les recensements futurs qui auront lieu au Canada.

Par ailleurs, on ne peut passer sous silence le fait qu'il y a des opinions juridiques contradictoires. En fait, nous pourrions très bien avoir une opinion juridique qui dirait que, tout compte fait, les données de recensement devraient être divulguées sans restriction après 92 ans. Ce pourrait très bien être la conclusion à laquelle en arriveront les tribunaux.

D'après la dernière opinion juridique provenant du ministère de la Justice, cette solution est la meilleure. Comme le disait le sénateur Murray, ils ont fait volte-face. En fait, je ne devrais pas parler de volte-face; je devrais plutôt dire qu'ils ont changé d'idée. Face aux renseignements nouveaux qui leur parviennent, les gens changent d'idée. Quoi qu'il en soit, d'après l'opinion la plus récente, dans l'état actuel des choses et d'un point de vue purement juridique, les données de recensement ne seront peut-être pas pleinement protégées après 92 ans. Il faudra obtenir certains éclaircissements.

Le sénateur Kinsella: Ce n'est pas le genre de proposition qui aurait émané de Statistique Canada, mais est-ce que vous pouvez vous accommoder de ce modèle particulier?

M. Fellegi: Si j'avais mis des oeillères et n'avais tenu compte que de ce qui convient à Statistique Canada, ce n'est pas le genre de projet de loi que j'aurais proposé. Je m'empresse cependant d'ajouter que je suis conscient de vivre dans le vrai monde. Il existe d'autres intérêts que la confidentialité statistique, et ces autres intérêts, les recherches généalogiques et historiques, sont valables. Je n'appuie donc pas le projet de loi que du bout des lèvres; je l'appuie pleinement tel quel, car j'y vois un compromis raisonnable.

Le vice-président: Merci, monsieur Fellegi, de votre déposition.

Le sénateur Murray: J'invite ceux d'entre vous qui ne sont pas, comme moi, des lecteurs avides du Cape Breton Post, à consulter son site Web. On y trouvait, ce matin, un article rapportant qu'un citoyen canadien vivant à Cap-Breton a été mis à l'amende par un tribunal pour avoir refusé de remplir le formulaire de recensement abrégé. Lorsque le juge lui a demandé pourquoi il avait refusé de remplir le formulaire, tout en lui rappelant qu'il enfreignait la loi, l'homme a répondu que le gouvernement possédait déjà cette information. Il a ajouté que divers organismes gouvernementaux lui demandaient constamment ces renseignements, qu'il les leur avait communiqués, qu'il en avait maintenant assez et avait refusé de remplir le formulaire abrégé. Sur ce, le juge lui a infligé une amende de quelques centaines de dollars et l'individu est parti.

Permettez-moi de récapituler brièvement la situation. Deux projets de loi d'initiative parlementaire, qui n'ont pas fonctionné, ont été parrainés par le sénateur Milne. Cinq ans se sont écoulés depuis, comme le sénateur il nous le rappelait à l'étape de la deuxième lecture. Il y a eu sept mois de négociation, un compromis dont nous avons entendu parler aujourd'hui, obtenu grâce aux bons offices du ministère de l'Industrie et du gouvernement. Participaient à ce compromis le sénateur Milne, intervenant au nom des nombreuses personnes qui partagent ses préoccupations sur cette question, le statisticien en chef et Statistique Canada, les Archives nationales et peut-être d'autres membres du gouvernement. Le projet de loi a été présenté.

J'ai appuyé le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture et je l'appuie toujours. Une fois le compromis annoncé et le projet de loi rendu public, diverses personnes sont venues participer à l'exercice et proposer des améliorations au projet de loi. Il n'y a là rien de surprenant ni de répréhensible.

Il n'y a pas non plus quoi que ce soit de répréhensible dans le fait qu'un honorable sénateur propose des amendements au projet de loi. C'est son droit. Je crois cependant que tout amendement doit respecter le compromis et l'accord entre ses parties. Je ne puis concevoir que le gouvernement ou l'un de ses ministres de premier plan accepte, après avoir appuyé un accord, un changement auquel se serait opposée l'une ou l'autre des parties à cet accord.

Ce n'est pas ainsi qu'on fait les choses. Je pense que le gouvernement le sait.

Vous voyez à quoi je veux en venir. Je sais que deux amendements sont proposés. Il nous faudrait à tout le moins plus de temps pour réfléchir, si nous sommes obligés d'étudier ces amendements. Par ailleurs, je suis disposé à ce qu'il soit fait rapport du projet de loi sans amendement. Il s'agit d'un projet de loi ministériel, que le sénateur Milne a parrainé au Sénat au nom du gouvernement. Je serais disposé à ce qu'il soit fait rapport du projet de loi sans amendement, à ce que nous passions à l'étape de la troisième lecture, puis à la sanction royale le plus rapidement possible. Je mettrai mes sentiments à l'épreuve en présentant une motion en ce sens. Si, par ailleurs, des amendements sont présentés, il y aura, en définitive, une lutte ici. Ils donneront certainement lieu à un affrontement au Sénat.

Nous serons de retour à la case départ, car le consensus se sera effondré. Je mettrai donc ma conviction à l'épreuve en proposant, ce qui est inhabituel de la part d'un sénateur de l'opposition, qu'il soit fait rapport du projet de loi S-13 sans amendement.

Le sénateur Morin: Puis-je l'appuyer?

Le vice-président: Ce n'est pas nécessaire.

Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Murray propose que le comité ne passe pas à l'étape de l'étude article par article du projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi sur la statistique, mais le renvoie sans amendement au Sénat. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Nous pouvons maintenant discuter.

Le sénateur Morin: J'appuie sans réserve ce que le sénateur Murray vient de dire. Le gouvernement n'appuie pas ces amendements. Le projet de loi lui-même est le fruit d'un compromis. Il n'est pas parfait, et j'ai de nombreuses réserves à son égard, mais comme il est le résultat d'un compromis auquel sont parvenus tous les partis, je l'appuie pleinement.

Comme ce projet de loi est le résultat d'un compromis auquel ont adhéré tous les partis, je ne pense pas non plus qu'il devrait faire l'objet d'amendements.

Le vice-président: Merci, sénateur Morin.

Le sénateur Kinsella: Je n'aime pas ce projet de loi. Il contient beaucoup de choses qui ne me plaisent pas. Je n'aime pas l'idée de faire un compromis au sujet du droit à la protection de la vie privée, mais j'ai écouté le commissaire à la protection de la vie privée très attentivement et, surtout, le témoignage que nous a livré cet après-midi le statisticien en chef. J'ai retenu de son témoignage que le projet de loi S-13, sans amendement, ne porterait pas préjudice à l'intérêt public du point de vue de ce que fait Statistique Canada. Par conséquent, j'appuie la motion du sénateur Murray.

Le sénateur Roche: J'ai des réserves au sujet de ce projet de loi. Je crois que l'éloquent récapitulatif que le sénateur Murray nous a fait de la situation a été très utile. Il a exprimé en grande partie ce que je pense moi-même. Je ne répéterai donc pas les arguments qui ont été formulés, sauf pour dire que j'approuve ce qu'a dit le sénateur Murray. Il m'est difficile d'adhérer au consensus en faveur de l'adoption du projet de loi sans amendement, mais je le ferai néanmoins. Toutefois, je suis tout à fait contre les amendements dont j'ai vu le texte, et j'espère ardemment que la motion du sénateur Murray sera adoptée.

Le sénateur Fraser: J'aurais deux choses à dire. Premièrement, je crois que si un sénateur désire présenter un amendement, il devrait pouvoir le faire. J'appuierais ce droit, même si j'étais tout à fait opposé aux amendements présentés et que je prévoyais voter contre. Si nous votons sur les amendements qui nous ont été communiqués, je les appuierai parce que je crois qu'ils reflètent bien ce qui, d'après ce que j'ai compris, correspond à l'intention du gouvernement et de ce projet de loi.

Les membres du comité savent que même si je n'étais pas membre de ce comité, j'ai suivi la question. Le premier véritable discours que j'ai prononcé au Sénat traitait de ce sujet. Ma seule réserve à l'égard du projet de loi, tel qu'il serait amendé, est qu'il n'irait pas suffisamment loin. Je préconiserais une approche beaucoup plus radicale en ce qui concerne l'accès aux dossiers, mais comme cette question ne figure pas à l'ordre du jour, je ne me permettrais pas de m'ingérer dans les affaires du comité en présentant un tel amendement. Ce ne serait pas bien.

Je crois cependant que si un sénateur désire présenter un amendement, il devrait pouvoir le faire.

Le sénateur Murray: Non seulement ne suis-je pas en désaccord avec cela, mais je pense que ma motion ne devrait pas empêcher un sénateur de proposer un amendement, s'il le désire. D'ailleurs, lorsque j'occupe le fauteuil de président, j'ai pour politique qu'il faut obtenir le consentement pour passer outre à l'étape de l'étude article par article. Je tenais néanmoins à mettre mon opinion à l'épreuve, à savoir que nous devrions faire rapport du projet de loi sans amendement.

Le sénateur Cordy: Ayant entendu un ancien leader du gouvernement au Sénat, maintenant dans l'opposition, proposer l'adoption immédiate du projet de loi, je trouve très tentant de dire: oublions les amendements. Mais je ne le ferai pas, pour un certain nombre de raisons.

J'ai demandé au commissaire à la protection de la vie privée, aujourd'hui, de m'expliquer la différence entre le recensement de 1906 et ceux de 1911 et 1916. Madame le sénateur Milne avait soulevé la question plus tôt, et je n'avais pas compris. Le commissaire à la protection de la vie privée m'a répondu qu'il ne s'intéressait pas à ces aspects et qu'il n'aime pas donner plus d'information. La question m'intéresse. Il était ici pour nous parler du projet de loi. Il n'était peut-être pas au courant de l'amendement, mais il sait certainement ce qui s'est passé dans le cas du recensement de 1906, et s'il y avait des différences entre l'un et l'autre. J'ai conclu de ce qu'il m'a dit qu'il ne s'intéressait pas à ces choses parce qu'il n'y a pas de différence; c'est d'ailleurs ce que m'indique la correspondance que j'ai reçue de personnes qui sont très intéressées à recevoir de l'information généalogique.

En ce qui concerne le second amendement, qui portait sur l'acceptation par opposition au refus, je préférerais qu'on se borne à indiquer que l'information sera divulguée au public dans 92 ans. Je crois que ce serait suffisant mais, dans un esprit de compromis, j'opterais pour une disposition d'acceptation plutôt que pour une disposition de refus.

Le sénateur Murray: Madame le sénateur Cordy pourrait-elle me donner l'assurance, et donner l'assurance au comité qu'elle ne parle pas au nom du gouvernement à ce sujet?

Le sénateur Cordy: Je parle en mon propre nom.

Le sénateur Murray: Merci. Pour ce qui est du gouvernement, il honore le compromis auquel nous sommes parvenus et que reflète le projet de loi S-13.

Le sénateur Cordy: Les amendements sont mes amendements.

Le sénateur Murray: Merci. J'en prends bonne note.

Le sénateur Léger: Je crois comprendre que les intérêts privés sont protégés et que les intérêts publics n'auront pas un droit d'accès à l'information. Je n'ai pas examiné les amendements. Le sénateur Murray a dit qu'il y aurait un affrontement. J'en ai assez des affrontements.

Il m'est très difficile de savoir ce qu'il faut faire. Je crois comprendre que le projet de loi S-13 est complet. Je n'ai pas étudié les amendements, ce que j'aurais peut-être dû faire. Quoi qu'il en soit, ne pouvons-nous pas simplifier les choses?

Le vice-président: Le sénateur Murray a proposé d'adopter le projet de loi sans amendement.

Le sénateur Cook: Le sénateur Milne désire prendre la parole à ce sujet. Je siège au Sénat depuis cinq ans et pendant toutes ces années, madame le sénateur a fidèlement défendu cette vision. On a dit que ce projet de loi est le fruit d'un compromis. Le sénateur Murray a déclaré que tout ce compromis s'effondrera si nous passons à l'étape suivante.

Le sénateur Milne: C'est moi qui ai parrainé le projet de loi et, à ce titre, il m'incombe d'appuyer la position du gouvernement à ce sujet. Or, sa position actuelle est de n'accepter aucun amendement.

Le vice-président: Je vais répéter la motion sur laquelle nous sommes maintenant appeler à voter.

Le sénateur Murray propose que le comité passe outre à l'étude article par article du projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi sur la statistique.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Que ceux qui sont en faveur de la motion du sénateur Murray veuillent bien lever la main?

Le sénateur Milne: Le sénateur Kinsella fait-il partie du comité? Je n'en suis pas membre.

Le vice-président: Le sénateur Kinsella siège au comité.

Que ceux qui sont contre la motion veuillent bien lever la main?

La motion du sénateur Murray est adoptée.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, que je fasse rapport du projet de loi S-13 à la prochaine séance du Sénat?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: La motion est adoptée.

La séance est levée.


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