Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 2 - Témoignages du 12 décembre 2002
OTTAWA, le jeudi 12 décembre 2002
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi S-8, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion, se réunit aujourd'hui à 10 h 53.
Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Chers collègues, bonjour. Nous allons maintenant étudier le projet de loi S-8, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion.
[Français]
Il s'agit d'un projet de loi identique au projet de loi S-7, présenté lors de la dernière session. Le projet de loi S-7 avait été présenté par l'honorable sénateur Sheila Finestone. Le parrain du projet de loi S-8, est le sénateur Noël Kinsella.
[Traduction]
Notre comité a étudié le projet de loi S-8 le 30 octobre. Nous avons entendu à ce moment-là l'actuel parrain et les anciens parrains de ce projet de loi, ainsi qu'un certain nombre de groupes. Nous avons ensuite entrepris l'étude article par article. Cependant, il est devenu évident que des collègues voulaient prendre plus de temps pour réfléchir au projet de loi; nous avons donc suspendu notre étude. Tout récemment, le comité s'est entendu pour suspendre l'étude article par article afin d'entendre d'autres témoins, ce que nous allons faire aujourd'hui.
[Français]
Nous accueillons aujourd'hui M. Michael Janigan, directeur général du Centre pour la défense de l'intérêt public, et M. Andrew Reddick, directeur de la recherche. Ils seront suivis de M. Jean Sébastien, de l'Union des consommateurs. Nous entendrons d'autres témoins au retour du congé des Fêtes.
[Traduction]
Je vous remercie d'être des nôtres aujourd'hui; nous vous écouterons avec attention, après quoi nous discuterons du projet de loi. Normalement, nous demandons aux témoins de limiter leur allocution liminaire à une vingtaine de minutes afin de nous donner le temps de leur poser des questions.
M. Michael Janigan, directeur général, Centre pour la défense de l'intérêt public: Merci, madame la présidente, membres du comité, de nous avoir invités aujourd'hui à vous parler de ce projet de loi. Je vais faire quelques observations générales au sujet du projet de loi, après quoi mon collègue, M. Reddick, traitera de certains aspects relatifs au fond du projet de loi ainsi que des amendements qui y sont proposés.
Nous avons discuté de cela entre nous, et nous avons décidé de ne pas pécher par excès de zèle dans la défense de ce projet de loi devant le comité. Ce projet de loi contient des modifications mineures d'ordre administratif qui permettront au Conseil de profiter d'une participation publique mieux informée, ce qui nous rapprochera de la procédure qui existe déjà pour les télécommunications. Ce projet de loi n'a rien de révolutionnaire. La pratique qu'on y propose est déjà celle d'un grand nombre de commissions et de tribunaux au Canada et aux États-Unis.
Lorsque nous traitons aujourd'hui des questions qui touchent tant la radiodiffusion que les télécommunications, nombreux sont les citoyens informés qui veulent faire entendre leur voix, particulièrement lorsque le Conseil se penche sur les questions relatives à la radiodiffusion. Il serait par conséquent utile d'employer dans le domaine de la radiodiffusion un outil que nous utilisons déjà dans les télécommunications et qui favorise une participation publique informée.
Si ce projet de loi n'est pas si important que cela, pourquoi alors en avons-nous besoin maintenant? Je vais vous donner un exemple. Le CRTC a tenu une audience il y a quelques années sur la réglementation des entreprises de distribution de radiodiffusion pour les câblodistributeurs. En particulier, le CRTC voulait savoir à quel moment il devrait cesser de réglementer les tarifs de base pour le câble. Le Conseil a alors proposé une norme selon laquelle la protection des consommateurs relativement aux tarifs de base pour le câble devrait cesser dès que le câblodistributeur perdrait 5 p. 100 de sa part du marché au profit d'un concurrent comme une entreprise de satellite. Il s'est ensuivi un tollé considérable auquel se mêlaient le ridicule et des questions sur la manière dont le CRTC pouvait parvenir à une norme qui serait déterminée par la perte d'une part du marché. Les seuls témoignages d'experts qu'avait entendus alors le CRTC étaient ceux des représentants des câblodistributeurs, qui avaient expliqué à quel moment il serait souhaitable pour les câblodistributeurs d'échapper à la réglementation. Le Conseil n'a pas entendu d'autres témoignages. Nous n'avions pas les 30 000 $ qu'il fallait pour accumuler une preuve spécialisée à partir de laquelle nous aurions pu proposer au Conseil un critère plus conforme à la pensée économique traditionnelle. Le Conseil devait rendre sa décision à partir de la preuve dont il disposait.
Les tarifs de base pour le câble sont maintenant déréglementés à toutes fins utiles. Comme vous pouvez le penser, on s'est empressé d'augmenter les tarifs après la levée des règlements. En conséquence, tous les abonnés du câble sont obligés maintenant de payer des millions de dollars pour les frais supplémentaires qu'on ajoute au câble de base parce qu'aucun groupe d'intérêt public ou de consommateurs n'avaient les moyens financiers d'opposer les preuves voulues aux câblodistributeurs.
Nous étions là, nous. Nous avons soumis un mémoire qui nous avait demandé une longue réflexion. Cependant, ce n'est pas la même chose. Lorsqu'une commission ou un tribunal évalue des preuves qui font intervenir des questions économiques complexes, il doit entendre toute la preuve. Sans système d'attribution des dépens, aucun groupe d'intérêt public ou sans but lucratif qui défend le consommateur n'a les moyens financiers voulus pour soumettre une preuve spécialisée comme celle que les câblodistributeurs avaient pu fournir au CRTC. Les câblodistributeurs refilent la facture aux abonnés du câble. Ce sont les abonnés du câble qui ont contribué à financer la preuve à partir de laquelle on a supprimé la protection que leur donnaient les tarifs de base pour le câble. Ce projet de loi corrigera cette anomalie.
Comme le montre cet exemple, les montants de ces dépens sont bien peu de choses, même pour les titulaires de licence les plus modestes. S'il y a abus, le Conseil peut y porter remède soit en refusant d'accorder les dépens, en refusant de verser le moindre sou ou en prenant d'autres mesures qui épargneront tout préjudice au titulaire de licence. Le Conseil dispose de ce pouvoir, et dans le domaine des télécommunications, il l'exerce depuis des années.
Ce projet de loi propose une mesure mineure. Elle aura une incidence financière modeste, mais elle pourrait venir grandement en aide à ces groupes ou éléments de l'intérêt public qui veulent témoigner devant le CRTC et présenter le genre de preuve qui permettra d'infléchir la décision.
Les objections à ce projet de loi sont fondées essentiellement sur la crainte d'instances éloquentes et informées devant le Conseil, qui s'opposeraient aux visées des titulaires de licence. Ceux-ci veulent en effet limiter les moyens qu'ont les groupes d'intérêt public et de défense des consommateurs, ils veulent limiter leurs objections à l'expression d'inquiétudes et ils ne veulent pas que ces groupes puissent investir le temps et les ressources voulus dans la formulation raisonnée d'un point de vue opposé.
Dans votre étude de ce projet de loi, s'il vous plaît, ne les laissez pas vous faire croire qu'ils sont motivés par autre chose que leur intérêt. Je peux me tromper, mais le Conseil a toujours le pouvoir de corriger tout abus qui serait commis par des particuliers ou des organisations qui auront décidé de se prévaloir de la mesure que propose ce projet de loi.
Je vais demander à M. Reddick de traiter du fond du projet de loi.
M. Andrew Reddick, directeur de la recherche, Centre pour la défense de l'intérêt public: Je vais commencer par répéter que ce projet de loi a pour objet de favoriser la participation équitable et efficace du grand public aux procédures du CRTC concernant la radiodiffusion. Le principe sous-jacent de ce projet de loi est le principe démocratique essentiel selon lequel tous les citoyens doivent pouvoir participer équitablement et efficacement à la prise des décisions gouvernementales et réglementaires qui influent sur leur vie.
À l'heure actuelle, la Loi sur la radiodiffusion ne permet pas cela. La Loi sur les télécommunications le permet, mais non la Loi sur la radiodiffusion.
Comme l'a dit M. Janigan, de nombreux changements se sont opérés dans l'industrie au cours des dernières années: la concurrence, le déréglementation, la convergence et la complexité des procédures. Tout cela a changé le monde de la radiodiffusion au cours des dix dernières années. Il est plus difficile d'être efficace si l'on n'a pas les ressources voulues pour faire des recherches.
Il convient de rappeler que, l'an dernier, lorsque le projet de loi S-7 a été étudié par le Sénat, il a reçu l'aval du CRTC et du ministère du Patrimoine canadien. Ces instances ont appuyé le projet de loi. Elles comprennent les problèmes que nous avons.
Les opposants au projet de loi ne s'opposent pas aux principes démocratiques sous-jacents au projet de loi ou aux principes de la participation. Pour eux, ce qui semble le plus important, c'est qu'ils ne veulent pas payer les dépens, et ils ne veulent pas non plus que nous soyons efficaces. Ils ne veulent pas non plus que les consommateurs soient en mesure de contester leurs propositions.
La question de savoir qui doit payer les dépens et comment est valide. C'est le CRTC qui doit y répondre. Le CRTC entend chaque année près de 1 500 enquêtes sur des questions relatives à la radiodiffusion. Le CRTC tient peut-être 2 500 audiences, ce qui comprend les demandes de licence, des examens de licence et des décisions relatives aux télécommunications chaque année, et plus de 1 500 ont trait à la radiodiffusion.
Il faut au CRTC des pouvoirs discrétionnaires vastes pour traiter les diverses parties et les divers types de preuves présentées au cours de toutes ces délibérations. Le CRTC doit se prononcer au cas par cas. Chaque cas, chaque réclamation sont différents. Il serait très difficile de faire la microgestion des méthodes par lesquelles le CRTC pourrait procéder à l'attribution des coûts selon le type de cause, de preuve ou de demande. Il est presque impossible de deviner comment le CRTC pourrait établir les diverses règles et variations sur les thèmes en ce qui concerne les délibérations de tous genres au fil des ans.
Pourtant, dans le cadre de la Loi sur les télécommunications, le CRTC fait cela depuis des années. Il dispose de règles et de procédures qui sont appliquées. Il a rendu des décisions concernant l'attribution des dépens. Il a eu la discrétion nécessaire lorsque certaines personnes ont demandé d'être exemptées des frais à engager. Il dispose d'un processus rigoureux d'examen des réclamations. Le Conseil et les parties au litige peuvent tous contester certaines réclamations. On tient compte des avis favorables et défavorables. Rien ne garantit qu'un groupe obtienne l'attribution des dépens. Il est déjà arrivé que cela soit refusé. Le Conseil a fait la preuve qu'il est compétent et capable de traiter de ces questions de façon juste et équilibrée.
Je voudrais faire quelques observations quant au témoignage des représentants de l'Association canadienne des radiodiffuseurs et de la SRC. À certains égards, il vous ont induits en erreur par leur façon d'envisager l'attribution des dépens et du fait qu'ils ont affirmé que cela aurait une incidence négative sur leur secteur. Nous soutenons que c'est le contraire qui est vrai. Le CRTC recevrait, de la part des consommateurs, des témoignages de meilleure qualité et aptes à prendre de meilleures décisions et, donc, à fournir de meilleurs services à tous les Canadiens. Cela répondrait aux besoins des Canadiens.
L'attribution des dépens aurait un impact, mais il sera bénéfique au CRTC. Le Conseil comprendra mieux les besoins des consommateurs et verra comment la programmation est différente au Canada selon l'emplacement et le groupe social des Canadiens concernés. L'amélioration de la preuve présentée aidera le Conseil à rendre des meilleures décisions. L'idée n'est pas de nuire au secteur de la radiodiffusion, mais bien d'améliorer la qualité de la programmation pour tous les Canadiens.
M. Colville, président par intérim du CRTC, a confirmé cela l'an dernier, lorsqu'il a comparu devant ce comité. Il a appuyé ce point de vue et en a fait une démonstration claire. Cela est inclus dans notre mémoire. Nous avons inclus des extraits de son témoignage à l'arrière.
Je voudrais traiter brièvement de certaines préoccupations tenaces exprimées par le secteur, par la ministre du Patrimoine et certains députés et sénateurs. Nous avons proposé certaines modifications au projet de loi, modifications que l'on retrouvera dans notre mémoire.
Ces modifications visent à assurer que l'on règle de façon équitable toutes les questions touchant les exemptions, l'identité des payeurs, l'incidence des attributions de dépens et le problème qu'éprouve le secteur relativement aux frais de permis de la partie II. Il faudrait également ajouter une autre modification, sous la forme d'un article d'entrée en vigueur, article que l'on trouve couramment dans les projets de loi. Cela donnerait à chacun le temps de s'adapter au projet de loi.
Nous avons tâché de proposer des modifications qui ne viendraient pas émasculer le projet de loi. Les radiodiffuseurs ont déjà présenté cette année des propositions de modification à la Chambre, lesquelles auraient pour conséquence d'empêcher bon nombre de Canadiens d'intervenir dans les délibérations du CRTC relativement à certains radiodiffuseurs. C'est un déni du droit fondamental d'intervenir pour traiter des questions de principe et de réglementation.
Si l'on exclut certains radiodiffuseurs du processus, on nie aux Canadiens le droit de participer. Les modifications que nous proposons répondent à ce problème.
On en arrive à ceci: Faites-vous suffisamment confiance au CRTC pour croire qu'il fera son travail? Depuis des décennies, le CRTC a prouvé qu'il sait s'acquitter de ses responsabilités en matière d'attribution des dépens au titre de la Loi sur les télécommunications. Si vous croyez le CRTC capable de faire son travail dans le domaine de la radiodiffusion comme il l'a fait dans celui des télécommunications, adoptez le projet de loi. Si vous ne lui faites pas confiance, rejetez-le. Nous avons investi trois ans et demi d'efforts dans cette entreprise, mais, pour nous, il s'agit d'une question simple.
Le sénateur LaPierre: Je fais un rappel au Règlement pour signaler que ce mémoire n'est présenté qu'en anglais.
La présidente: Il est en cours de traduction.
Le sénateur LaPierre: Le comité accepte-t-il d'habitude des documents rédigés dans une seule langue officielle?
Le présidente: Oui. En vertu de la Constitution, les citoyens du Canada ont le droit de s'adresser au Parlement du Canada dans la langue de leur choix.
Le sénateur LaPierre: Je comprends cela, mais les mémoires pourraient-ils nous parvenir plus tôt afin d'être traduits?
La présidente: Nous sommes en train de faire traduire ce mémoire le plus rapidement possible. Si vous préférez nous renvoyer la version anglaise, nous vous ferons rapidement parvenir la version française.
Le sénateur LaPierre: Le problème n'est pas là. Le problème, c'est qu'il peut y avoir des sénateurs qui ne lisent pas l'anglais assez bien pour comprendre ce document et participer à la discussion de façon aussi avisée que ceux qui sont marginalement bilingues.
J'en fais mention, madame la présidente, pour fins de considération ultérieure. Nous pourrions peut-être demander aux témoins d'envoyer leurs mémoires plus tôt afin qu'ils puissent être traduits.
La présidente: Effectivement. Dans ce cas-ci, l'avis de convocation ne leur a été envoyé que peu de jours avant leur comparution. Il s'agit d'un groupe à but non lucratif, et cela limite ce que nous pouvons exiger de lui.
M. Reddick: Je vous en fais mes excuses, mais ce n'est que vendredi après-midi que nous avons appris que nous devions comparaître ici aujourd'hui. Nous n'avons pas les ressources nécessaires pour assurer la traduction nous- mêmes.
Le sénateur LaPierre: Très bien.
Le sénateur Gustafson: En Saskatchewan, l'opposition à ce projet de loi est exprimée par de petites entreprises radiophoniques qui disent ne pas avoir les moyens de livrer concurrence si le gouvernement va payer des avocats qui s'occuperont de chaque cause. Elles indiquent également qu'il y a un certain nombre de causes devant le CRTC tous les ans et que cela va finir par devenir un véritable cauchemar. Les petites entreprises ne pourront pas livrer concurrence.
Qu'est-ce que cela va coûter aux contribuables? On ouvre la porte à tous ceux qui veulent s'exprimer. Nous venons de voir ce que cela coûte dans le cadre de l'enregistrement des armes à feu: des milliards de dollars. Il semble que les activités gouvernementales deviennent de plus en plus compliquées et coûteuses.
M. Reddick: Il est important de comprendre qu'il y a peu de causes du CRTC qui justifieront l'attribution de dépens. Les groupes de consommateurs ou les consommateurs à titre personnel interviennent lorsqu'il s'agit d'une question qu'ils jugent importante. Le Conseil suit un processus extrêmement rigoureux pour décider d'attribuer des dépens; cela ne se fait pas de façon automatique. En fait, en 1997-1998, il y a eu 2 124 demandes touchant les télécommunications au CRTC, dont seulement 15 ont fait l'objet d'une attribution des dépens. Il s'ensuit que les consommateurs n'interviennent pas pour chaque cause. Toutefois, lorsqu'ils prennent la peine de le faire, il y a des critères qui doivent être respectés et acceptés. Il y a des contestations qui sont présentées par le CRTC et par le secteur concerné. En outre, le CRTC sera toujours prêt à écouter un radiodiffuseur qui demandera une exemption dans le cadre de ce programme. Le CRTC n'acculera pas une entreprise à la faillite pour une question d'attribution des dépens. Il n'est pas là pour cela. Il pourrait même refuser entièrement d'attribuer des dépens dans ces circonstances. C'est là que le détenteur d'un permis de radiodiffusion doit justifier son point de vue relativement aux dépens attribués.
La deuxième question portait sur l'argent du contribuable. Ces dépens ne seront pas payés en puisant dans les fonds publics. Ce sera plutôt à la partie concernée, l'entreprise de câblodistribution par exemple, de payer les dépens s'il s'agit d'une cause touchant la câblodistribution dans son secteur. Cela ne proviendra donc pas des fonds publics, mais des recettes des entreprises concernées.
M. Janigan: À ce sujet, je précise qu'il s'agit de la solution de rechange proposée au financement gouvernemental. Il s'agit d'une théorie complètement différente quant à la façon dont les choses devraient être financées. En fait, les dépens sont imposés à l'utilisateur. Si, par exemple, un câblodistributeur demande une augmentation de ses tarifs, les coûts de ce câblodistributeur sont en fait assumés par les abonnés. Lorsque la cause est présentée au CRTC, celui-ci doit pouvoir bénéficier de toutes les vues opposées qui sont exprimées et de la présence de tous les témoins nécessaires, et le coût en et assumé par les abonnés. Les coûts de participation et des délibérations font partie du processus de réglementation. C'est différent de ce que serait un financement assuré par le gouvernement.
Nous tenons à le souligner. L'attribution des dépens a été conçue de façon que les coûts de participation et d'audience soient assumés par l'industrie, et non pour que le gouvernement finance la participation de divers groupes.
Le sénateur Gustafson: Supposons que j'aie une plainte ou que je veuille voir une certaine situation changer, et que j'amorce ce processus. Toutefois, je n'ai pas l'argent qu'il faut pour ces démarches. Qui paie?
M. Janigan: Au départ, vous devez répondre aux critères établis par le CRTC pour amorcer le processus. Tout d'abord, il se peut que vos réclamations reflètent les opinions d'un certain nombre d'abonnés, et non seulement les vôtres. Deuxièmement, il faut que votre intervention soit utile au Conseil, qu'elle l'aide dans ses délibérations; elle ne soit pas exprimer un point de vue qui n'intéresse que vous. Troisièmement, il faut que le CRTC puisse se dire que votre participation a été faite de façon responsable. Dans le passé, ce troisième critère a été difficile à respecter. Comme l'a dit M. Reddick, sur 2 000 causes traitées par le CRTC en un an, il y en eues 15 qui ont fait l'objet d'une attribution des dépens. Cela montre bien que ces causes incluent une participation du public qui est bien plus exigeante qu'une simple expression d'opinion. D'habitude, il s'agit de questions complexes de réglementation des télécommunications. En outre, les porte-parole représentent un groupe de personnes plus nombreux et ne comparaissent pas à titre individuel.
M. Reddick: Il nous est déjà arrivé de nous faire refuser le paiement des frais. Nous avons beaucoup d'expérience de tout ce processus. Il nous est déjà arrivé que des représentants du secteur concerné ou que le CRTC conteste notre demande d'attribution des dépens. Il est peu probable que les personnes qui présentent des lettres ou de petits mémoires se fassent payer les frais correspondant à leur démarche. Ces dispositions n'existent pas pour cela. L'idée, c'est plutôt de rembourser les frais si la preuve produite est importante, représentative et utile au CRTC pour rendre une décision. Elle ne peut pas se limiter à une simple opinion.
Combien cela coûtera-t-il par année? Cela dépend de l'année. Parfois, le CRTC a beaucoup de causes et d'audiences. Par exemple, il peut conduire une étude de la politique en matière de télévision, ce qui représente généralement une entreprise énorme, à laquelle participent des intervenants de tous les horizons et où les témoignages obtenus sont très nombreux. Il peut y avoir des audiences concernant des entreprises de distribution de radiodiffusion, c'est-à-dire des câblodistributeurs, et l'on peut décider de revoir toute la réglementation relative à cela. Là aussi, il s'agit d'audiences énormes. D'autres années, c'est tranquille. Il peut y avoir des renouvellements de permis ou l'arrivée de nouveaux médias. Il y a des années très occupées et d'autres plus légères. En général, les années sont plutôt légères.
Pour ce qui est des coûts, les meilleurs exemples proviennent du secteur des télécommunications. Compte tenu des critères du CRTC et des interventions que les citoyens sont susceptibles de faire en ce qui concerne les télécommunications, les attributions de dépens pour l'ensemble des causes s'échelonnent de 130 000 $ à 500 000 $. Elles peuvent être plus élevées, ou moins, mais c'est la gamme prévisible. Il s'agit d'un secteur dont le chiffre d'affaires est de 20 milliards de dollars, et les attributions de dépens sont étalées sur l'ensemble du pays.
En matière de radiodiffusion, je crois les chiffres seraient du même ordre. La limite inférieure de la gamme se situe probablement à 100 000 $ par année, pour l'ensemble des groupes intervenants, la moyenne s'établissant à 500 000 $ ou 600 000 $. Il peut y avoir des années exceptionnelles où il y a de très nombreuses audiences, où la SRC est concernée; dans ces cas-là, ça peut atteindre un million de dollars, répartis sur l'ensemble des groupes.
Si l'on compare ce chiffre aux recettes du secteur, on constate qu'il représente un dixième de un pour cent. Il s'agit d'entreprises dont le chiffre d'affaires représente des milliards de dollars. Le revenu annuel moyen des groupes de consommateurs qui interviennent est d'un tout autre ordre: 400 000 $ pour l'Organisation nationale anti-pauvreté, 700 000 $ pour le Centre pour la défense de l'intérêt public de Colombie-Britannique, 500 000 $ pour nous en 1999. Cela représente nos recettes totales pour l'année, et nous devons tout payer avec cela, le personnel et tout le reste. Les frais engagés par ces groupes de consommateurs ne vont certainement pas ruiner l'industrie. Chose plus importante encore, cela va aider les consommateurs à être plus efficaces. Lorsque l'on compare cela aux centaines de milliers de dollars que les consommateurs versent à l'industrie, ce que nous réclamons est bien mince.
Le sénateur Maheu: Vous avez parlé des avocats qui interviennent au nom des câblodistributeurs lorsqu'ils sont appelés à comparaître. D'une part, M. Janigan parle des avocats qui interviennent au nom des câblodistributeurs lorsque ces derniers comparaissent; d'autre part, M. Reddick parle d'obtenir des informations qui soient de meilleure qualité. Lorsque vous avez d'un côté des avocats qui représentent les plaignants et présentent des témoignages de meilleure qualité et, d'un autre côté, à une entreprise qui ne peut se permettre de dépenser autant que le gouvernement et les groupes publiquement subventionnés, ce sont les avocats qui vont finir par être les seuls à s'enrichir.
Je voudrais également aborder une autre question, celle des deniers publics. Au bout du compte, c'est le consommateur, le public, qui paie. Nous finançons déjà le CRTC. Nous finançons tous ces groupes qui vont payer des avocats pour intervenir. Nous finançons les juristes, et c'est encore le public qui doit payer par l'entremise des impôts. Pouvez-vous me dire en quoi cela est justifié?
M. Janigan: Votre première question portait sur les frais de représentation des organismes de consommateurs ou de l'intérêt public à une audience donnée. Vous vous demandiez si le montant élevé de ces dépenses ne risquait pas d'occulter les intérêts en cause, n'est-ce pas?
Le sénateur Maheu: Je n'ai pas utilisé le mot «occulter». Je dis simplement que je sais ce que coûte un avocat. S'il faut que des avocats interviennent au nom d'un groupe de consommateurs, ce sont eux qui vont s'enrichir. Les groupes de consommateurs ne bénéficieront pas tant de leur aide. Au bout du compte, c'est le public qui va payer.
M. Janigan: En général, ce ne sont pas les avocats qui préparent la preuve spécialisée dont je parlais tout à l'heure, celle qui faut présenter au CRTC. Bien sûr, ils apportent leur concours pour la présentation de la preuve, surtout pour les audiences qui nécessitent des compétences juridiques ou la préparation d'arguments. Toutefois, les honoraires d'un avocat doivent être conformes aux tarifs du CRTC et leurs factures sont assujetties à un processus d'évaluation.
Dans le cas des dépens attribués par le CRTC et par d'autres tribunaux administratifs tels que l'Office national de l'énergie, les factures présentées par les avocats sont généralement ramenées à de plus modestes proportions par le Conseil si elles sont jugées excessives. Il faut que les honoraires soient jugés acceptables.
Je voudrais maintenant répondre à la question de savoir «qui paie?» Le processus d'attribution des dépens est proposé pour essayer un peu de rendre la partie plus égale. Les honoraires de tous les avocats qui représentent les câblodistributeurs et les grandes entreprises sont payés par les abonnés des câblodistributeurs.
Le sénateur Maheu: C'est le consommateur qui paie.
M. Janigan: Les entreprises que représentent les avocats demandent généralement au Conseil une chose qui est contraire aux intérêts financiers de la plupart des clients, à savoir des augmentations du prix d'abonnement. Pour s'opposer efficacement à cela, il faut pouvoir intervenir de façon efficace. Il est vrai que cela coûte de l'argent et qu'au bout du compte ce sont les consommateurs de l'industrie concernée qui en font les frais. Cela est vrai.
Cependant, tant que les intérêts de l'entreprise et que les coûts de réglementation liés à la défense des intérêts des actionnaires ne sont pas éliminés de l'équation, puisque c'est l'abonné qui paie pour cela, il n'est que juste que l'avis du public soit sérieusement entendu pour répondre à ce que disent l'entreprise et ses avocats.
Dans l'ensemble, la feuille de route du CRTC est généralement positive lorsqu'il s'agit d'assurer que ce processus d'attribution des dépens ne soit pas abusif et qu'il ne pénalise pas indûment les petites entreprises. Dans l'exemple de la Saskatchewan, j'ai de la difficulté à envisager de longues procédures qui pourraient être nuisibles aux intérêts des entreprises de la province. Cela dit, je suis sûr que le CRTC aurait la sagesse de prendre les moyens qui s'imposent pour que la participation aux audiences se fasse à un coût qui corresponde aux enjeux.
M. Reddick: Il est important de rappeler que l'argent versé pour indemniser les intervenants de leurs frais provient lui-même des consommateurs. C'est le même argent dont se servent les entreprises pour défendre leur point de vue devant le CRTC. Elles prennent l'argent des abonnés de la télévision distribuée par câble et dépensent des centaines de milliers de dollars pendant les audiences pour défendre leur point de vue. Nous disons qu'il est juste et raisonnable que les groupes de consommateurs qui représentent les abonnés puissent accéder à une partie de ce même argent pour présenter un autre point de vue.
En ce qui concerne les honoraires des avocats, les montants réels des dépens attribués incluent beaucoup de dépenses de types différents. Il peut s'agir d'une analyse économique, d'une analyse d'ingénierie, d'opinions d'experts, d'enquêtes auprès des membres, d'analyses des coûts de transport, et ainsi de suite. Il y a divers types de preuves qui sont préparées. Ces dépenses ne sont pas toutes assumées par l'organisme. Il y a beaucoup de dépenses externes que les groupes de consommateurs assument eux-mêmes.
Il faut se souvenir que ces groupes n'ont pas d'autres moyens de subsistance. Nous ne sommes pas subventionnés pour témoigner devant le CRTC sur ces questions. Le financement de base du gouvernement pour les groupes a disparu il y a 10 ans. Nous n'avons pas reçu un sou pour témoigner devant votre comité. C'était le cas autrefois, mais cette époque est révolue.
À titre d'exemple, à Winnipeg, il y a eu un certain nombre d'audiences sur les télécommunications au cours des dernières années. Ce ne sont pas seulement des experts et des avocats qui témoignent. Le Conseil de planification sociale de Winnipeg, le Conseil des femmes de Winnipeg, l'Association des consommateurs du Canada, la Société des aînés du Manitoba, le Réseau des femmes handicapées de Winnipeg et la Société canadienne du cancer comptent parmi les organisations qui ont témoigné. Ces organisations pourraient profiter du processus d'attribution des dépens. Elles ont du personnel. Elles pourraient produire des preuves. Certains de ces groupes pourraient être dédommagés s'ils répondent aux critères. Cela signifierait qu'ils pourraient préparer de meilleurs mémoires, et ils seraient encouragés à le faire.
Il faut leur donner la possibilité de faire des instances, si cela répond aux intérêts des personnes qu'ils représentent. Il n'y a pas que les avocats et les experts, il y a aussi des groupes de tout le pays aux niveaux national, provincial et local qui peuvent profiter d'une telle mesure parce que les besoins des groupes sont divers. Les dépens pourraient se chiffrer à 500 $ ou à 100 000 $. Il est difficile de préciser cela dans le texte. Cela devrait être laissé à la discrétion du CRTC.
Le sénateur LaPierre: Vous constituez une association?
Le sénateur Janigan: C'est cela.
Le sénateur LaPierre: Combien de membres comptez-vous?
M. Janigan: Nous avons deux catégories de membres: les particuliers et les groupes. Dans la 2e catégorie, nous avons des associations qui représentent environ 1,5 million de Canadiens.
Le président suppléant: Pouvez-vous nous envoyer des informations à ce sujet?
M. Janigan: Oui. Étant donné que notre centre se spécialise dans la défense et la recherche, nous sommes amenés à représenter d'autres groupes devant le CRTC, par exemple l'Association des consommateurs du Canada, l'Organisation nationale antipauvreté ou le Ontario Council of Senior Citizens.
Le sénateur LaPierre: Ce sont vos clients?
M. Janigan: Oui.
Le sénateur LaPierre: Vous leur demandez des honoraires.
M. Janigan: Nous ne demandons rien à nos clients. Notre organisation est sans but lucratif. C'est notre métier que de faire des recherches et de défendre les gens. Quand il nous est possible de recouvrer nos frais, nous tâchons de le faire.
Le sénateur LaPierre: Qui sont les autres membres de votre organisation?
M. Janigan: Il s'agit des membres à titre individuel. Nous en avons entre 20 et 50. Ce sont les membres du conseil d'administration et d'anciens membres.
Le sénateur LaPierre: Pouvons-nous obtenir la liste des membres de votre conseil d'administration?
M. Janigan: Bien sûr.
Le sénateur LaPierre: Vous avez un budget de 500 000 $?
M. Janigan: Oui.
Le sénateur LaPierre: Qui vient d'où?
M. Janigan: De diverses sources. Nous rédigeons des documents de réflexion pour le compte de divers ministères du gouvernement fédéral. Les dépens que nous obtenons sont versés dans la caisse commune. Nous nous présentons devant le CRTC ainsi que devant d'autres tribunaux, par exemple, la Commission de l'énergie de l'Ontario.
Le sénateur LaPierre: Disons que je suis la Société canadienne du cancer et que je veux retenir vos services pour que vous interveniez dans des procédures. Je parle seulement de radiodiffusion; je ne m'intéresse pas aux télécommunications. Mon groupe veut intervenir. Je peux vous engager?
M. Janigan: Nous analysons la situation avant d'accepter de vous représenter.
Le sénateur LaPierre: Si vous acceptez de me représenter, combien allez-vous me demander?
M. Janigan: Nous ne demandons rien aux organisations, à moins que nous pensions pouvoir obtenir des dépens. Dans un tel cas, nous nous entendons avec la Société canadienne du cancer, par exemple, pour demander les dépens en son nom. Si notre démarche échoue, elle ne nous verse pas un sou.
Le sénateur LaPierre: Mais ce que vous dites ne s'applique pas aux particuliers, n'est-ce pas?
M. Janigan: Non, seulement aux organisations.
Le sénateur LaPierre: J'ai vécu à Britannia Beach, en Colombie-Britannique, pendant 15 ans. C'est une petite ville de 900 habitants située sur la magnifique baie Howe. Il y a une entreprise de câblodistribution à Britannia Beach. Nous voulions un meilleur service. Nous avons réuni l'argent parce que personne n'était disposé à nous défendre. En ce temps-là, le CRTC voyageait, et nous avons pu faire valoir notre point de vue au moment du renouvellement de la licence.
À mon avis, mon petit groupe d'hommes, de femmes et d'enfants dont la vie quotidienne était touchée avait autant le droit d'être représenté que la Société canadienne du cancer ou les autres groupes que vous représentez. J'aimerais donc savoir pourquoi une personne de la Saskatchewan qui est plus touchée par la télévision aurait le droit de toucher des dépens.
M. Janigan: Je suis d'accord avec vous. Dans les circonstances que vous dites, la Société canadienne du cancer n'aurait pas droit aux dépens, mais vous oui, parce que vous représentez un certain nombre d'abonnés, à la condition que votre intervention vise le problème dont il est question.
Le sénateur LaPierre: Je comprends les règles. Ce à quoi je veux revenir, c'est que si ce projet de loi est adopté, il devra s'appliquer à tout le monde, qu'il s'agisse d'associations ou de particuliers; autrement, il ne servira à rien.
M. Janigan: Il servira à quelque chose.
Le sénateur LaPierre: Vous êtes d'accord avec cela.
M. Janigan: Il servira à quelque chose, mais il faut respecter les règles du CRTC régissant les dépens.
Le sénateur Callbeck: Le projet de loi aura pour effet de financer les intervenants, mais les intervenants ne savent pas avant la fin des procédures s'ils toucheront les dépens ou non. Vous dites qu'on a refusé d'accorder les dépens en vertu de la Loi sur les télécommunications dans certains cas. Vous dites qu'avec cette loi-ci, très peu de groupes de consommateurs toucheraient les dépens. Vous avez dit que les dépens ne pourraient se chiffrer qu'à 500 $ à peine. Vous devez penser que de très petits groupes vont intervenir.
Si j'étais la présidente d'un groupe qui veut intervenir, et que je savais qu'il en coûterait 30 000 $ sans toutefois être sûre d'obtenir l'aide financière réservée aux intervenants, j'hésiterais sûrement beaucoup à aller de l'avant.
M. Janigan: Vous parlez de l'aide financière aux intervenants. Nous qualifions ce que nous faisons maintenant de financement des dépens. Certaines lois provinciales autorisent l'aide financière aux intervenants. Par exemple, un groupe se présente devant le conseil et fait valoir que son intervention doit être financée et on lui accorde, par exemple, 50 000 $ pour ce faire, et aux termes des procédures, on examine ses dépenses. Cette procédure a donné d'assez bons résultats dans certaines provinces; dans d'autres, non.
Ce n'est pas le système que nous préconisons. Dans notre cas, on ne sait pas avant la fin des procédures si l'on obtiendra un sou. Vous avez raison de le dire, pour certains, cela a pour effet d'inhiber les groupes ou les organisations qui voudraient faire valoir leur point de vue parce qu'ils ne sont pas certains de recouvrer leurs frais.
Je n'ai pas de réponse à cette question, si ce n'est que l'on peut recourir au système de l'aide financière aux intervenants, mais franchement, nous avons déjà les bras pleins en ce moment avec ce projet de loi-ci et je préfère ne pas m'aventurer sur ce terrain.
C'est une question qu'il faut examiner également dans le contexte de la Loi sur les télécommunications. Ce projet de loi-ci vise à mettre la Loi sur la radiodiffusion sur le même pied que la Loi sur les télécommunications. Si l'aide financière aux intervenants se révèle nécessaire un jour, le conseil voudra peut-être étudier la question.
M. Reddick: Il faut se souvenir que, dans ce dossier, le CRTC est très ouvert à l'égard des groupes et organisations. Comme d'autres, nous nous sommes présentés devant le CRTC et avons dit que nous songions à mettre au point un argumentaire dans le cadre d'une procédure en particulier, et nous lui avons demandé s'il accepterait de rembourser nos dépenses pour ce genre d'activités. Le CRTC nous dit alors si nos frais sont acceptables ou non et nous dit quelles sont nos chances d'obtenir les dépens. Il ne garantit jamais l'attribution des dépens, mais il nous dira si nous avons des chances d'obtenir gain de cause. Cependant, il y a toujours un risque qui subsiste.
Pour ce qui est de savoir si une organisation jugera bon d'aller de l'avant, nous étions nous-mêmes dans cette situation lorsqu'ont eu lieu les procédures sur les nouveaux médias il y a environ deux ans. Il s'agissait de procédures communes portant sur les télécommunications et la radiodiffusion. Les deux lois s'appliquaient. Nous représentions l'Organisation nationale antipauvreté, un groupe de consommateurs du Québec et notre propre organisation, et nous savions parfaitement bien qu'il nous en coûterait environ 3 000 $ en frais administratifs. Nous avons demandé les dépens parce que la Loi sur les télécommunications s'appliquait et nous avons pensé que nous pourrions recouvrer une partie de nos frais. Cependant, nous n'avons recouvert qu'environ 500 $ en tout.
Néanmoins, cette question était suffisamment importante à nos yeux pour risquer une perte parce que nos membres et nos clients y tenaient. Il faut parfois accepter d'assumer les frais.
Nous avons fait cela avec la politique sur la télévision. Nous nous sommes préparés et nous avons témoigné. Nous avons fait cela pour le règlement sur la radiodiffusion concernant la télévision par câble. Nous avons consacré beaucoup de temps à la préparation de notre témoignage sur cette question, et nous avons absorbé l'essentiel des frais.
La plupart des groupes ne peuvent pas se le permettre pas plus que les particuliers. Nous ne sommes pas rentrés dans nos frais. Nous avons puisé l'argent dans les autres ressources que nous avions. Cependant, nous ne faisons cela qu'à titre sélectif. Franchement, nous avons consacré tellement de temps à ce projet de loi-ci que je n'ai pas témoigné devant le CRTC et je ne lui ai pas soumis quoi que ce soit sur la radiodiffusion depuis trois ans. Nous devons choisir où nous investirons notre temps et nos efforts. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire les deux.
Le sénateur Callbeck: Croyez-vous que ce genre de financement a un effet dissuasif sur les petits groupes qui voudraient intervenir dans le cadre de la Loi sur les télécommunications, ou le monde des télécommunications est-il tellement compliqué qu'il n'a rien à voir avec la radiodiffusion?
M. Janigan: Les petits groupes sont généralement en mesure de faire valoir leurs intérêts par des groupes plus importants et d'être représentés sous une seule bannière. Dans les procédures concernant les télécommunications, un certain nombre de coalitions se réunissent sous une seule bannière parce qu'elles ont des intérêts communs dans le dossier qui est en jeu.
M. Reddick: Le CRTC encourage parfois les particuliers et les groupes à former des coalitions lorsque leurs arguments se rejoignent. Le conseil entend ainsi moins de monde. Il y a des particuliers qui interviennent dans les procédures sur les télécommunications aussi bien que sur la radiodiffusion. Il n'y a pas seulement des groupes. Des particuliers d'horizons très divers interviennent aussi. Tout dépend des procédures et de l'enjeu.
Le sénateur Eyton: Je vous sais gré de votre témoignage. Je voudrais comprendre mieux le précédent auquel vous avez fait allusion concernant les télécommunications: vous dites que c'était rassurant, que cette procédure existe depuis longtemps, que les dépens se chiffrent entre 500 000 $ et 1 million de dollars, que tout le monde est touché et que seule une petite minorité touche quelque chose. J'aimerais mieux comprendre comment ça marche devant le CRTC lorsqu'il s'agit de télécommunications. On a répondu en partie aux questions que j'avais. À quel moment l'intervenant sait-il qu'il aura de l'aide? À combien pouvez-vous vous attendre? Ma question et les autres portent sur les types de personnes qui sont en présence: les requérants, les consommateurs, les concurrents, les défenseurs de l'intérêt public, et cetera. J'ai témoigné devant le CRTC à diverses reprises, mais toujours du côté de la radiodiffusion. Ce qui veut dire que l'instance que je représentais payait les honoraires. Je ne me suis jamais préoccupé de ce genre de choses.
Transposons cela du côté des télécommunications. Comment le CRTC a-t-il pu entendre des instances si diverses et limiter quand même son coût annuel à 500 000 $ ou 1 million de dollars à peine? Il se passe beaucoup de choses dans ce domaine et l'on sait que la radiodiffusion est un sujet qui suscite davantage d'émotions et, par conséquent, une plus grande participation. Pouvez-vous nous expliquer comment le CRTC a pu entendre tous ces gens et ainsi établir la formule de financement annuel dont vous parlez?
M. Janigan: Un groupe ou une société a droit aux dépens, mais l'attribution des frais vise à financer l'aide spécialisée qui peut être nécessaire pour monter une intervention. Par exemple, la tenue d'une rencontre de votre organisation pour discuter de votre témoignage devant le CRTC ne sera pas financée. On ne finance pas non plus la participation des membres à titre individuel qui discutent de ces questions et qui donnent des instructions à l'avocat ou aux experts ou analystes.
En règle générale, les dépens servent à rémunérer l'expert-conseil qui a piloté le dossier et qui réunit essentiellement les éléments de preuve de la plaidoirie ainsi que l'avocat, s'il y en a un; d'ailleurs, toutes ces tarifications sont tarifées.
Le sénateur Eyton: La somme dont vous parlez est si modeste que rares sont ceux qui touchent ces dépens. De qui s'agit-il?
M. Janigan: Dans le domaine des télécommunications, les dépens sont généralement établis selon les normes de la province. Par exemple, au Manitoba, le Centre pour la défense de l'intérêt public représente habituellement les intérêts de l'aide manitobaine de l'Association des consommateurs, les groupes de pensionnés du Manitoba et diverses coalitions. Dans tous les cas concernant Manitoba Tel, l'aide manitobaine de l'Association des consommateurs du Canada intervient, et on lui verse les dépens. En Colombie-Britannique, les organisations forment une coalition dirigée par la B.C. Old Age Pensioners Organization, et celle-ci est représentée par des groupes du British Columbia Public Interest Advocacy Centre, le BC PIAC.
Le sénateur Eyton: Ce sont toujours les avocats qui représentent ces groupes. Il en coûte environ 10 000 $ ou 15 000 $ au maximum. Ce ne peut pas être plus que ça.
M. Janigan: Ce n'est pas si élevé que ça. Je serai évidemment heureux de discuter de toute recommandation visant à augmenter ce chiffre, mais nous sommes limités par le nombre de jours que durent les débats et la préparation qui y est associée. Le personnel du CRTC sait ce qui intervient dans la préparation d'un dossier.
Le sénateur Eyton: Le CRTC doit faire preuve d'un grand discernement lorsqu'on lui demande de rembourser les dépens, et cela vous concerne bien sûr.
C'est, par exemple, un montant minuscule comparativement aux dépens que l'on accorde dans le cas de poursuites judiciaires. Votre intervention n'exige peut-être qu'une semaine de travail.
M. Reddick: Nous parlons de dépens et non de profit.
M. Janigan: C'est peu de chose, mais ça fait toute la différence. Si nous avions eu les 25 000 $ ou 30 000 $ voulus pour engager un professeur d'économie qui aurait préparé notre témoignage sur la question de la rémunération, cela aura fait une grande différence. Franchement, nous ne sommes pas le genre d'organisation qui dispose de 25 000 $.
M. Reddick: Lorsque nous demandons les dépens, par exemple, nous nommons ceux qui, à notre avis, au sein de l'entreprise, devraient payer les dépens. Nous devons soumettre la liste de nos frais. Les compagnies peuvent contester le fait qu'elles sont nommées et elles peuvent plaider leur cause devant le CRTC. Elles contestent tous les coûts qui apparaissent sur notre liste; le CRTC fait la même chose; nous avons ensuite l'occasion de répondre. C'est un processus très rigoureux, mais qui peut faire l'objet de contestations. Les payeurs sont les compagnies ou les associations que nous avons nommées, par exemple, dans notre demande de dépens.
Par exemple, on peut nommer toutes les entreprises de téléphonie, mais il se peut qu'une seule entreprise de téléphonie se présentera devant le CRTC, s'il n'y en a qu'une qui est visée.
Le sénateur Eyton: Est-ce que des pénalités sont imposées si vous obtenez gain de cause? Est-ce qu'un requérant qui obtient gain de cause peut toucher davantage?
M. Janigan: Non. Tout est fondé sur la responsabilité et la participation. Si vous avez soulevé des questions, mais que vous n'avez pas eu gain de cause, on peut quand même vous rembourser les dépens, si le CRTC pense qu'on aurait dû faire valoir ces intérêts dans le contexte de la décision.
En fait, nous avons fait un sondage parce que nous recevons à l'occasion des plaintes des entreprises. La Commission de l'énergie de l'Ontario est généreuse dans l'attribution des frais; elle rembourse le dépens aussi bien aux intervenants commerciaux qu'aux intervenants sans but lucratif. Nous nous sommes penchés sur les frais qui ont été attribués aux entreprises de distribution de gaz pendant une période de cinq ou six ans et avons remarqué que le coût total des débours, y compris pour les intervenants commerciaux, s'élevait à moins de 5 p. 100 du montant qui avait été exigé des entreprises au commencement de la procédure. Même si nous ne sommes responsables que de 10 p. 100 de ces réductions, le système des dépens est très profitable pour les contribuables, particulièrement dans les procédures relatives à la tarification qui permettent aux contribuables de faire des économies.
Le sénateur Eyton: Seriez-vous favorable à l'imposition du même genre de limite sur les dépens qui peuvent être accordés? Le précédent des télécommunications est très bien. Cela dit, je ne voudrais pas d'une pratique généralisée.
M. Janigan: Je crois que c'est l'objet d'un tarif: s'assurer qu'il est imposé sur la base d'un montant en particulier assorti de maximums. J'imagine que l'agent taxateur du CRTC sait combien de jours la procédure a duré et il accorde les dépens en conséquence. Je ne crois pas qu'on ait accordé des dépens excessifs bien souvent.
M. Reddick: J'ignore si l'on peut les plafonner cela parce qu'il est difficile de prédire ce qui va se passer. Va-t-on aussi limiter la preuve? Faudra-t-il ensuite plafonner les entreprises? Par exemple, serait-il artificiel de dire que les entreprises ne peuvent pas consacrer plus de 100 000 $ à chaque procédure? Gérer cela, c'est le cauchemar garanti.
[Français]
Le sénateur Biron: Monsieur Reddick, dans votre témoignage vous avez indiqué que les coûts pourraient être d'environ 500 000 $ par année. Dans le cadre des audiences tenues par la SRC, celle-ci a visité 11 municipalités, et plus de 2 000 personnes sont venues faire des représentations. Vous avez alors indiqué que pour cette année les coûts pourraient s'élever à 1 million $. Ceci signifie en définitive qu'il pourrait en coûter 500 000 $ à la SRC, car vous et d'autres compagnies risquent de faire des représentations.
[Traduction]
M. Reddick: Si je fais une estimation éclairée, je dirais que cela se situe en moyenne entre 150 000 $ et 500 000 $ par année. Lorsque Radio-Canada a demandé le renouvellement de sa licence, il était possible que ce chiffre était plus élevé, mais cela ne dépassait peut-être pas les 500 000 $. C'est ce que je présume, parce que je veux être généreux envers Radio-Canada. Dans le pire des scénarios, les dépens pourraient atteindre 500 000 $. Mais cela me surprendrait beaucoup.
Le cas de Radio-Canada illustre parfaitement que l'argument le plus important, c'est le fait que les dépens facilitent la participation des citoyens. C'est tellement important pour les Canadiens. Si les Canadiens peuvent produire davantage de preuves qui obligeront Radio-Canada à combler les besoins de toutes les régions du pays, c'est de l'argent très bien dépensé.
Radio-Canada touche le gros de ses recettes de ses services commerciaux, de la publicité et des droits provenant du système de câblodiffusion. Les droits de câblodistribution lui rapportent presque 100 millions de dollars par année; son excédent budgétaire lui vient de là. C'est une entreprise milliardaire. Sa programmation n'en souffrira pas. Sa programmation sera même améliorée parce que les Canadiens seront mieux à même de lui dire le genre de programmation qu'ils veulent. Cela ne lui causera aucun tort. Elle peut fort bien se le permettre, et cela devrait hausser la qualité générale de la programmation.
[Français]
Le sénateur Biron: Monsieur Janigan, en ce qui a trait à la câblodistribution vous avez mentionné que des coûts sont facturés aux usagers. Le mandat du CRTC est de représenter les consommateurs, de défendre leurs intérêts et ceux du public en général. Dans le cas où le CRTC manque de personnel pour lui permettre de faire une juste évaluation, ne serait-il pas indiqué d'augmenter son budget afin de garantir le personnel et les compétences nécessaires pour déterminer les coûts devant être facturés aux usagers ?
[Traduction]
M. Janigan: Sénateur, vous posez une question intéressante qui a fait l'objet d'un long débat concernant le fonctionnement des tribunaux, non seulement au Canada mais aussi partout aux États-Unis. C'est la question de savoir si le tribunal lui-même a le mandat de protéger le consommateur ou l'intérêt public et d'offrir un contrepoids à l'industrie devant le tribunal, et en ayant recours à son propre personnel, d'une manière ou d'une autre, de s'assurer que la preuve soumise par l'industrie est examinée, ou contredite lorsque cela s'impose.
Ce n'est pas tout à fait le mandat qu'on a donné au CRTC. Celui-ci joue davantage un rôle d'arbitre. Il doit arbitrer dans l'intérêt public, mais son rôle ne consiste pas nécessairement à offrir un contrepoids aux intérêts de l'industrie. Il n'est pas obligé de s'assurer que la bataille est égale en offrant les services de son personnel ou en retenant les services d'un défenseur de l'intérêt public.
Aux États-Unis, les tribunaux ont parfois des défenseurs de l'intérêt public attitrés. Le procureur général de l'État retient parfois les services d'un défenseur de l'intérêt public qui représente la population devant les tribunaux chargés d'arrêter les tarifs des services publics. Ils ont parfois des tribunaux avec des effectifs distincts: l'un qui représente l'intérêt public et l'autre qui conseille la commission.
On parle toujours de cela dans le milieu des services publics. Dans le système que nous avons, le CRTC arbitre dans l'intérêt public mais il n'est pas chargé, particulièrement dans le domaine de la radiodiffusion, de s'assurer que l'intérêt du consommateur soit bien représenté.
Le président: Merci beaucoup. Cette séance a été extrêmement intéressante. En fait, nous pourrions discuter encore pendant une heure ou deux, mais vous serez sûrement heureux d'apprendre que nous avons un autre témoin qui attend patiemment son tour.
M. Reddick: Merci beaucoup. Nous allons vous faire parvenir l'information demandée.
[Français]
La présidente: J'invite donc M. Jean Sébastien, de l'Union des consommateurs, à se joindre à nous.
M. Jean Sébastien, délégué, Union des consommateurs: Madame la présidente, je m'appelle Jean Sébastien. Je suis analyste en télécommunication pour l'Union des consommateurs. Nous sommes une fédération de groupes de consommateurs ayant des assises dans différentes régions du Québec, dont la région de Rouyn et de Rivière-du-Loup. Nous avons des membres individuels dans chacune de ces associations, tant en région que dans les grandes villes de la province telles Montréal et Québec.
Parmi nos nombreux champs d'intervention, les questions réglementaires de services publics sont celles qui nous intéressent au plus haut point, notamment en ce qui a trait à la radiodiffusion et la téléphonie. Ces domaines comportent des considérations démocratiques importantes pour le public et pour nos commettants.
L'accès à la justice est un principe important auquel nous sommes tous sensibles. Il nous apparaît que l'accès aux instances réglementaires s'apparente de près au droit d'accès à la justice. Dans les instances réglementaires se jouent des questions touchant des parties pouvant s'opposer. Il s'avère que devant les instances réglementaires de grandes entreprises interviennent régulièrement à l'aide de moyens importants. Je ne reprendrai pas les propos de mes collègues du Centre de la défense de l'intérêt public, mais j'aimerais adresser certains points.
Tout d'abord, lors des instances du CRTC, la question importante qui anime aujourd'hui les débats est à savoir qui paie. Bien sûr, une partie des argents en circulation dans une telle instance viennent des payeurs de taxes. Le personnel du CRTC et les conseillers sont payés à partir des taxes. Une autre partie de l'argent qui circule dans ces instances ne vient pas des payeurs de taxes. Cet argent provient des sommes payées par les consommateurs individuels à travers, notamment, leur abonnement au câble, à la télévision par satellite et au téléphone. Les frais engagés par les entreprises pour leurs affaires au CRTC sont défrayés exclusivement à partir des sommes payées par les consommateurs.
Afin de permettre un accès équitable aux instances réglementaires, nous croyons qu'il serait raisonnable que les groupes représentant les consommateurs voient leurs frais remboursés à partir des montants que paient les consommateurs pour l'achat du service, de la même façon que c'est l'achat du service qui permet aux entreprises d'intervenir.
J'aimerais profiter de mon passage ici pour vous rassurer. Les sommes que nous recevons lorsque nous intervenons en matière de télécommunication nous permettent, dans certains dossiers ciblés, de préparer des interventions et de faire préparer des expertises au besoin. Combien cela coûte-t-il aux consommateurs? Rien qui ne fasse vaciller l'industrie de la téléphonie. Si l'on compare les 18 000 $, qui nous ont été versés pour notre année financière 2001-2002, aux milliards que brasse l'industrie, c'est très peu.
Par ailleurs, chaque dollar qui nous a été remboursé l'a été au taux établi par le CRTC pour les analystes, les experts ou les avocats impliqués, sur présentation de factures lorsque des frais spécifiques étaient engagés.
Autoriser dans la loi de tels remboursements de frais n'entraînera pas une flambée des dépenses pour les entreprises du secteur de la radiodiffusion, de même qu'elle n'a pas entraîné une flambée des dépenses en télécommunication.
Le Conseil ordonne avec diligence le paiement de sommes aux groupes qui interviennent devant lui. Il le fait pour des groupes qui représentent une catégorie d'abonnés qui ne pourraient autrement intervenir, et dont l'intervention a été utile aux délibérations. À cet effet, le Conseil a de larges pouvoirs discrétionnaires.
Le Conseil a établi, à la suite d'une instance où l'industrie et les groupes étaient présents, les critères qui sont utilisés pour autoriser les remboursements de frais.
Dans la mesure où un projet de loi modifierait la Loi sur la radiodiffusion dans le même sens, le Conseil évaluerait les critères adéquats. C'est sur représentation à la fois des groupes et de l'industrie qu'on évaluera dans quel domaine il pourrait être pertinent de rembourser, et quels types d'interventions sont attendues pour qu'un remboursement soit autorisé.
J'aimerais aussi vous mentionner les types d'interventions dans lesquelles nous avons été impliqués dans le passé dans le domaine des télécommunications et de la radiodiffusion. Ce sont des domaines qui touchent à la structure de l'industrie et qui nous appellent à avoir des expertises dans différents domaines; économie, ingénierie. Par exemple, dans le domaine des télécommunications, récemment le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications du Canada a été appelé à évaluer les tarifs pour les consommateurs sur une base de cinq ans. Pour établir ces tarifs sur une plus longue base, il demande aux entreprises d'évaluer le rendement que les actionnaires ordinaires devraient avoir au début du nouveau régime. Ils font préparer des expertises par des économistes. Dans le passé, nous avons fait préparer des contre expertises et ce type de dépenses n'avait pas été autorisé par le Conseil.
Forts de cette expérience, nous avons plutôt demandé à un expert d'assister à la présentation de la compagnie de téléphone pour contester, devant le Conseil, certains éléments de la présentation. Donc, pouvoir profiter d'une expertise dans les balises que le Conseil nous fixe est utile, car cela permet au Conseil d'évaluer deux positions d'économistes différentes.
De la même façon, le Conseil étudie aujourd'hui — et donc dans la première année — l'enjeu de laisser la câblodistribution ouverte à d'autres entreprises qui voudront offrir le modem haute vitesse sur leurs installations; ce qui pose des questions d'ingénierie. Si des concurrents installent des modems sur le système de câblodistribution risque- t-on que des abonnés au câble perdent la télévision chez eux parce que leurs voisins utilisent un modem sur leur câble? Il y avait des questions d'ingénierie importantes.
À l'heure actuelle, le Conseil a reçu des informations de l'industrie du câble: des informations venant d'ingénieurs, bien sûr, mais des informations intéressées.
Le Conseil peut-il prendre des décisions sur une question importante pour la structure de l'industrie, importante pour l'évolution de la concurrence, dans un domaine névralgique comme celui de Internet, en n'ayant pour toute expertise que celle des ingénieurs des compagnies des téléphone? Nous ne le pensons pas.
Il y a aussi des questions de politique citoyenne sur lesquelles nous intervenons. Notamment, dans la dernière année, le Conseil a révisé la politique relative au câble et au canal communautaire. Nous sommes intervenus dans cette instance pour défendre le financement des télévisions communautaires autonomes dans un contexte où les entreprises de câble n'ont plus, depuis quelques années, l'obligation de financer le câble communautaire.
À nos yeux il est important, aujourd'hui encore plus qu'hier, de nous doter des mécanismes facilitant la présentation au CRTC de points de vue de citoyens en matière de radiodiffusion. D'une part, le développement de la propriété croisée permet aux entreprises de développer des stratégies de présentation auprès du Conseil où les demandes d'une filiale servent les intérêts d'une autre filiale. Devant le Conseil, c'est toujours l'une ou l'autre des branches de Bell, de Rogers ou de Québécor qui est présente. D'autre part, le développement des technologies numériques, à tous les points de la chaîne de production en télé et en radio, peut modifier la répartition des coûts entre les différents maillons de la chaîne de production et de diffusion au pays. En modifiant les coûts, soit au niveau de la production, soit au niveau de la distribution, éventuellement il y aura des effets sur les gens qui paient en bout de piste; les consommateurs qui s'abonnent soit à la télévision par satellite, ou à la télévision par câble, ou l'achat d'équipement de poste de réception.
Nous pensons que, compte tenu de cette modification importante de l'industrie, il est important que nous, les gens qui payons pour l'accès et à ces produits et à ces services, puissions faire entendre notre voix au CRTC.
Honorables sénateurs, nous espérons que vous trouverez important de développer des mécanismes qui permettraient aux consommateurs de faire entendre leurs préoccupations, alors que se redessine complètement l'industrie de la radiodiffusion.
Il ne fait aucun doute à notre esprit que l'intervention soutenue des groupes de défense des consommateurs devient un enjeu démocratique afin d'assurer l'expression d'opinions et le développement d'expertises indépendantes de l'industrie.
La présidente: Avant de passer aux questions, j'avais l'impression que vous lisiez à partir d'un texte ou des notes. Pourrions-nous avoir une copie de votre document parce que cela aide à notre documentation?
M. Sébastien: Je vais vous faire parvenir ce document.
Le sénateur LaPierre: Merci d'être venu. Où sont vos bureaux?
M. Sébastien: Les bureaux de l'Union des consommateurs sont à Montréal. La fédération a ses bureaux dans la métropole.
Le sénateur LaPierre: D'où provient votre budget?
M. Sébastien: Nous avons trois types de financement: premièrement, une portion de financement de base provient de différents ministères, principalement du gouvernement du Québec. Pour l'ensemble de nos activités, en additionnant les sommes de ces trois ministères, cette somme est de l'ordre de 150 000 $.
Deuxièmement, nous recevons du financement, par projet suite à des contrats avec des ministères et des organismes, tant au fédéral qu'au provincial. Ce financement est à peu près du même ordre. Par ailleurs, certains frais nous sont remboursés lorsque nous intervenons à la Régie de l'énergie au Québec et au CRTC.
Le sénateur LaPierre: Vous comprenez que la télécommunication de Bell et la télé-radiodiffusion, c'est complètement différent.
M. Sébasbien: Oui, bien sûr.
Le sénateur LaPierre: L'approche et les instruments sont complètement différents. Les intervenants sont nombreux et ce n'est pas la même chose du tout pour la télédiffusion. Nous avons 600 détenteurs de licence de télédiffusion, dont peut-être 100 — quand j'étais président de Téléfilm, on m'avait dit 150 à 200 — sont essentiellement de petites entreprises.
Souvent, ces entreprises n'ont pas les fonds nécessaires. Je parle d'institutions communautaires, ethniques. Ces institutions n'ont pas les moyens de se payer de grandes comparutions devant le CRTC. Ces gens n'auraient pas accès aux dispositions de cette loi, si j'ai bien compris. La société communautaire du poste de télévision d'Ottawa va être obligée de payer ses frais pour se représenter devant le CRTC.
M. Sébastien: Nous pensons que l'enjeux pour les groupes de consommateurs est au niveau de la structure de l'industrie et non pas au niveau de l'attribution d'une licence à l'une ou l'autre entreprise de radiodiffusion communautaire. Nos enjeux ne sont pas de savoir si telle ou telle entreprise a une licence et si nous interviendrons contre ou pour le propriétaire d'une entreprise ou d'une organisation communautaire qui veut une licence pour un territoire donné.
Dans les instances au CRTC où de petites entreprises sont impliquées de même que de grandes entreprises qui s'y joignent fréquemment, les petites entreprises peuvent être impliquées dans des instances où participent aussi de plus grandes entreprises. On a une situation tout à fait semblable en téléphonie, même si le nombre de petites entreprises est plus faible qu'en radiodiffusion. Le Conseil établi que ce ne sont pas que les grandes entreprises qui paient pour les frais. Par exemple, Sogetel, qui desserre la région de Trois-Rivières, n'est pas sollicitée pour le remboursement de frais pour des enjeux qui ont trait à la structure de l'industrie, même si elle est impliquée par la décision. Ce seront d'autres entreprises, par exemple, Bell et Télus, qui paieront pour les frais des intervenants.
Le sénateur LaPierre: Il y a toujours des chicanes, surtout dans les communautés rurales, à savoir si une compagnie en particulier les représentera pour une licence. Vous n'intervenez pas dans cela parce que c'est trop petit, n'est-ce pas?
M. Sébastien: Non. Le propriétaire de la licence n'est pas un enjeux pour la structure de l'industrie. L'enjeux est que les gens puissent être desservis dans leur communauté en ayant accès à plusieurs diffuseurs et non de savoir si la licence devrait être distribuée.
Le sénateur LaPierre: Vous êtes intéressé seulement à la structure de l'industrie?
M. Sébastien: Ce n'est pas cela que j'ai dit.
Le sénateur LaPierre: J'avais compris le contraire, mais passons à autre chose. Pourquoi donnerais-je au CRTC, qui sera représenté avec certains frais, le droit de déterminer la radiodiffusion? Pourquoi le CRTC aurait-il ce pouvoir?
M. Sébastien: La loi ne prévoit pas de contre-indication à l'effet que des individus puissent être représentés ou qu'ils représentent un groupe d'abandonnés. C'est le cas dans la Loi sur les télécommunications et cela pourrait être la même chose dans la Loi sur la radiodiffusion.
Le sénateur LaPierre: Vous ne faites aucune différence.
Le sénateur Fraser: D'après les critères de télécommunications, j'ai l'impression que les coûts sont compensés pour des frais d'experts ou parfois pour des coûts de transports, si je comprends bien. La qualité de l'intervenant ne justifie pas le fait qu'on lui verse de l'argent ou non. Il faudrait aussi que l'intervenant donne de l'information nécessaire au Conseil afin d'éclairer son jugement.
Le sénateur LaPierre: En radiodiffusion, il faudrait que le CRTC détermine si telle ou telle personne a quelque chose d'intelligent à lui apporter. Pourquoi donnerais-je ce pouvoir au CRTC, que j'admire beaucoup mais auquel je ne fais pas confiance?
M. Sébastien: Il me semble raisonnable que le CRTC évalue la pertinence des interventions. C'est le cas actuellement en télécommunications.
Le sénateur LaPierre: Je ne veux pas entendre parler de télécommunications, je n'aime pas cela. Le CRTC n'est pas constitué d'une gang de fous. Le CRTC a plusieurs montants d'argent. Quand Bell envoie un mémoire préparé par ses experts au CRTC, les experts du CRTC étudient ce que les experts de Bell pensent. Le CRTC est un service public payé à partir des fonds publics. Il est aussi défendeur des droits des consommateurs. Il a lui aussi des connaissances dans ce domaine pour déterminer si les changements qui doivent être faits sont valables ou non.
M. Sébastien: Le CRTC a dans la loi des objectifs qui sont et peuvent être contradictoires du point de vue de l'évaluation des mémoires qui lui sont présentés. Le CRTC doit à la fois protéger l'industrie et la concurrence dans l'industrie et protéger l'accès au réseau. Les décisions ne sont pas toutes claires lors de la présentation d'un mémoire pour une entreprise. Cela peut avoir des effets qui nuiront au public ou, dans le cas contraire, sera utile à l'industrie, mais pas pour le public. Parfois, ce sont des questions où il y a un effet mitigé et le Conseil doit, dans ces cas, gérer les deux objectifs de la loi au meilleur de sa connaissance. C'est dans ces cas que le CRTC trouve utile d'avoir des opinions opposées.
[Traduction]
Le sénateur LaPierre: Je sais que les décisions du CRTC peuvent être portées en appel devant le Cabinet à certaines conditions. Le Bureau de la concurrence peut-il être saisi des décisions du CRTC? Quelqu'un pourrait-il me trouver la réponse?
Le président: Certainement, c'est ce qui m'amène à une chose dont je voulais discuter à la fin de cette réunion. On devrait inclure le CRTC sur la liste des témoins à venir. Ce serait une bonne question à leur poser.
Le sénateur LaPierre: Peut-être aussi au Tribunal de la concurrence.
[Français]
Je demanderais aux témoins de nous fournir une simple feuille qui décrit qui vous êtes, combien de membres vous accompagnent, quelles sont vos sources de financement et quel est votre mandat. C'est le genre de questions que le sénateur LaPierre pose et elles sont très pertinentes. Cela éviterait d'utiliser votre temps d'audience pour établir ces faits. Si vous pouviez nous faire parvenir ces informations, je l'apprécierais. Monsieur Sébastien, je vous remercie pour votre témoignage fort intéressant.
[Traduction]
Sénateurs, nous allons entendre d'autres témoins, y compris le CRTC, à nos prochaines réunions. Nous allons probablement également faire venir des fonctionnaires du ministère ainsi que des représentants du Telecommunications Workers Union.
La séance est levée.