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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 5 - Témoignages du 31 mars 2004


OTTAWA, le mercredi 31 mars 2004

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui à 16 h 34 pour étudier le projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois; le projet de loi C-17, Loi modifiant certaines lois, et le projet de loi C-20, Loi visant à modifier le nom de certaines circonscriptions électorales.

Le sénateur George J. Furey (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président: Aujourd'hui, nous allons étudier trois projets de loi. Nous commencerons avec le projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois.

[Traduction]

Nous entreprendrons ensuite l'étude du projet de loi C-17. Nous entendrons l'honorable Jacques Saada et ses hauts fonctionnaires.

En dernier lieu, nous entendrons à nouveau le ministre au sujet du projet de loi C-20.

Plaît-il aux honorables sénateurs que nous entamions l'étude article par article du projet de loi C-14?

Des voix: Adopté.

Le sénateur Nolin: Je veux bien qu'on entame l'étude article par article aujourd'hui. Cependant, à la dernière réunion du comité, en réponse à une question du sénateur Joyal, le ministère avait accepté de déposer les directives auprès du comité? Les avons-nous obtenues?

Le président: Mme d'Auray est présente. Elle pourrait peut-être venir nous joindre à la table un instant pour que nous puissions lui poser la question.

Sénateur Joyal, avez-vous reçu quelque chose?

Le sénateur Joyal: Non.

Mme Michelle d'Auray, dirigeante principale de l'information, Secrétariat du Conseil du Trésor: Monsieur le président, les directives sont en cours de rédaction. Nous nous ferons un plaisir de les fournir au comité dès qu'elles seront prêtes.

Comme elles sont toujours en cours de rédaction, je ne pensais pas que nous avions à les fournir dans la semaine suivant immédiatement la réunion. Ce devrait être une affaire de quelques jours. Je me ferai alors un plaisir de vous les faire parvenir.

Le sénateur Joyal: Si ce n'est qu'une affaire de quelques jours, je veux bien qu'on entame aujourd'hui l'étude article par article. Toutefois, je dirais aux membres du comité que nous pourrions souhaiter les avoir en main avant d'aborder la troisième lecture du projet de loi. Au cours de notre dernière réunion, des membres du comité ont soulevé certains aspects d'une préoccupation qu'ils ont. Par conséquent, il serait bon que nous les ayons.

Le président: Madame d'Auray, dans combien de temps pensez-vous que le comité pourrait obtenir les lignes directrices?

Mme d'Auray: Il faudra que je vérifie. Je m'engage à vous les faire parvenir d'ici vendredi, même avant si je le peux.

Le président: Plaît-il aux membres du comité de reporter la présentation du rapport sur le projet de loi au Sénat?

Le sénateur Nolin: Nous pouvons faire rapport du projet de loi. Cependant, vous reconnaîtrez avec moi que nous n'allons pas procéder à l'adoption du projet de loi à la troisième lecture sans avoir au moins eu l'occasion de prendre connaissance de ces règlements. Cela concerne une question de protection de la vie privée. Par conséquent, il ne serait que normal que nous voyons quel type des lignes directrices le gouvernement appuiera. Il s'agit simplement de nous assurer que nous ne cédons pas trop de choses.

Mme d'Auray: Monsieur le président, pour répondre à la question du sénateur Nolin, nous les présentons aussi à la commissaire à la protection de la vie privée. Donc, nous allons aussi recevoir les garanties de la commissaire à la protection de la vie privée.

Le sénateur Joyal: Peut-être que la commissaire à la protection de la vie privée pourrait par écrit confirmer qu'elle les a reçues et qu'elle est satisfaite des dispositions. Il nous serait utile d'avoir cette confirmation de la commissaire. L'examen que nous ferons pourrait en être faciliter d'autant.

Le sénateur Nolin: Il pourrait bien y avoir un problème de traduction, puisqu'elles seront tout probablement rédigées en anglais. Nous serions rassurés si vous pouviez nous faire parvenir cette lettre.

Le président: Merci.

Honorables sénateurs, nous allons procéder à l'étude article par article du projet de loi C-14.

Le titre est-il réservé?

Des voix: D'accord.

Le président: Les articles 1 à 10 sont-ils adoptés?

Des voix: Adoptés.

Le président: Les articles 11 à 20 sont-ils adoptés?

Des voix: Adoptés.

Le président: Les articles 21 à 24 sont-ils adoptés?

Des voix: Adoptés.

Le président: Le titre est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter le projet de loi sans amendement?

Des voix: Adopté.

Le président: Le comité souhaite-t-il annexer des observations au rapport?

Des voix: Non.

Le président: Plaît-il au comité que je fasse rapport au Sénat de ce projet de loi sans observation à la prochaine séance?

Des voix: Adopté.

Le président: J'informerai alors le Sénat que nous souhaitons attendre d'avoir les lignes directrices avant de procéder à la troisième lecture.

Honorables sénateurs, nous sommes prêts à entamer l'étude du projet de loi C-17. Nous accueillons l'honorable Jacques Saada, leader du gouvernement à la Chambre des communes et ministre responsable de la réforme démocratique.

Comme ce projet de loi comporte des amendements à diverses lois portant sur différents domaines, le ministre est accompagné par un assez grand nombre de fonctionnaires, dont les qualifications et le savoir-faire concernent ces différents domaines. Vu leur nombre, je ne vais pas les présenter tous. Leurs noms figurent à l'ordre du jour. Quand ils seront invités à venir répondre à une question, j'inviterai les hauts fonctionnaires à décliner leur nom, leur titre et leur ministère aux fins du compte rendu.

Avant que nous entendions la déclaration de l'honorable Jacques Saada, le sénateur Nolin aimerait prendre la parole.

Le sénateur Nolin: Merci, monsieur le président.

J'aimerais vous informer que je ne resterai pas pour l'étude de ce projet de loi. Je tiens à déclarer l'existence d'un conflit d'intérêts. Ce projet de loi contient un article qui porte sur une responsabilité que j'ai exercée dans le passé et je pense qu'il convient que je n'assiste pas à cette discussion ni que j'y participe.

Je tiens à le déclarer officiellement.

Le président: Merci beaucoup, sénateur Nolin.

Monsieur Saada, voulez-vous faire une déclaration avant que nous passions aux questions?

[Français]

L'honorable Jacques Saada, c.p., député, leader du gouvernement à la Chambre des communes et ministre responsable de la réforme démocratique: Je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui pour examiner le projet de loi C-17, la Loi modificative et rectificative ainsi que le projet de loi C-20, la Loi visant à modifier le nom de certaines circonscriptions électorales. Je suis accompagné de représentants des ministères qui m'aideront à répondre à vos questions.

Je vais commencer par le projet de loi C-17, une initiative de nature administrative visant à faire en sorte qu'une loi soit aussi précise et actuelle que possible. Il s'agit du deuxième projet de loi concernant des corrections d'ordre technique à être examiné par le présent comité. Le Parlement a adopté le premier projet de loi de ce genre en 2002.

[Traduction]

M. Saada: Plusieurs dispositions concernent les nominations. Elles visent à corriger le libellé en français, à préciser les définitions et à assurer l'uniformité des termes utilisés avec ceux contenus dans d'autres dispositions semblables.

Le projet de loi actualise les dispositions relatives à l'invalidité pour les lieutenants-gouverneurs, conformément à des changements effectués récemment pour les parlementaires.

L'article 25 modifie la Loi sur les traitements afin d'actualiser les prestations d'invalidité offertes aux lieutenants- gouverneurs âgés de 65 ans ou plus, conformément aux modifications apportées en 2001 pour les parlementaires.

Les dispositions 10 à 17 modifient la Loi sur la pension de retraite des lieutenants-gouverneurs afin que ces derniers puissent continuer de contribuer à leurs pensions dans le cas où ils deviendraient invalides et qu'ils recevraient des prestations d'invalidité. Ces modifications sont semblables à celles effectuées en 2001 pour les parlementaires.

Le projet de loi C-17 apporte aussi des modifications mineures à la législation relative aux douanes, à savoir la Loi sur la mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada-Costa Rica et la Loi sur l'importation des boissons enivrantes.

[Français]

L'article 28 du projet de loi confère l'autorité nécessaire pour confirmer la perception des montants imposés pour les services consulaires fournis entre le 1er avril 1998 et le 22 janvier 2003. Depuis 1958, le Canada impose des droits pour les services consulaires spécialisés qu'il offre. Le gouverneur en conseil a approuvé un projet de règlement concernant une augmentation du tarif des services consulaires aux fins de la consultation publique en 1997.

À la suite de la période de consultation, le règlement a été mis en application dès le 1er avril 1998, mais sans que le gouverneur en conseil ne l'approuve. Cette étape était cependant obligatoire. Après que cette erreur de procédure a été découverte en décembre 2002, des mesures correctives ont été prises. On a demandé l'approbation du gouverneur en conseil pour le règlement concernant les droits exigés après janvier 2003, et on a obtenu le pouvoir nécessaire pour les droits exigés entre avril 1998 et janvier 2003 au moyen du projet de loi C-17.

[Traduction]

L'année dernière, le Parlement a adopté le projet de loi C-39 qui modifiait la rémunération des parlementaires, afin de fournir aux présidents et aux vice-présidents des comités spéciaux la même rémunération qu'aux présidents et aux vice-présidents des comités permanents.

Cette modification n'était pas rétroactive. Depuis que le projet de loi C-39 a été adopté, on a suggéré que la nouvelle rémunération des présidents et des vice-présidents des comités spéciaux soit rétroactive à partir du 1er janvier 2001 — date à laquelle la rémunération des présidents et des vice-présidents des comités permanents entrait en application.

Le projet de loi établit une rémunération pour les comités spéciaux sénatoriaux conforme au principe du traitement parallèle des deux chambres lorsque cela est possible.

J'aimerais maintenant vous parler du projet de loi C-20.

Le président: Monsieur Saada, si je peux vous interrompre, le comité préférerait que nous ne traitions maintenant que du projet de loi C-17 quitte à poser certaines questions, puis nous pourrions ensuite entendre votre exposé sur le projet de loi C-20. Qu'en pensez-vous?

M. Saada: Je veux bien.

Le sénateur Beaudoin: Je lisais le document que j'ai devant moi. On y traite notamment du prix des services consulaires, de la rétroactivité, et d'autres choses encore. Cela fait-il partie du projet de loi C-17 ou cela concerne-t-il une autre loi?

M. Saada: Cela fait partie du projet de loi C-17.

Le sénateur Beaudoin: Il nous arrive très souvent d'étudier des projets de loi de ce genre qui comportent des corrections, par exemple. Cependant, il arrive parfois que ce soit plus qu'une correction; ce peut être une question de fond et je veux m'en assurer. Par exemple, on avait découvert une erreur en 2002 et on l'avait corrigée en demandant au gouverneur en conseil d'approuver des droits perçus après 2003, et en demandant l'autorisation nécessaire pour les droits perçus en janvier 2003. Pourriez-vous m'expliquer un peu mieux de quoi il s'agit?

M. Saada: J'aimerais faire appel à ceux qui connaissent le dossier mieux que moi.

[Français]

M. Michel Voghel, conseiller juridique, ministère des Affaires étrangères: Comme l'expliquait le ministre tantôt, un projet de règlement a été prépublié dans la Gazette du Canada, partie I, qui malheureusement n'a pas été confirmé par le gouverneur en conseil. Le ministère a commencé à charger des frais — ce dont on parle ici, ce sont des augmentations de frais. Le règlement comme tel faisait qu'il y avait des frais qui avaient déjà été chargés, mais le règlement en question dont on parle ici, qui devait entrer en vigueur le 1er avril 1998, augmentait ces frais compte tenu des coûts additionnels encourus par le ministère pour offrir les services. Les services dont on parle ici sont des services de notariat à l'étranger occasionnés par des missions canadiennes à l'étranger: traduction de documents, authentification de documents — le genre de choses qui sont offertes à l'étranger par les missions.

Le sénateur Beaudoin: Est-ce que vous avez employé le mot «notariat»?

M. Voghel: Oui, quand vous êtes à l'étranger et que vous avez besoin d'un document juridique qui servira à l'étranger, vous devez aller à l'ambassade. Un consul ou un vice-consul le signera et le présentera aux autorités locales. Elles vont l'admettre comme faisant foi du document et de son contenu, comme un notaire au Québec. Ces dispositions légales le prévoient.

Le sénateur Beaudoin: Est-ce rétroactif?

M. Voghel: Non, les règlements ne sont jamais rétroactifs. À cause de cette erreur, le ministère a récolté des frais du premier avril 1998 jusqu'en janvier 2003. J'ai découvert l'erreur en 2002. C'est la raison du projet de loi pour corriger l'erreur rétroactivement. Pour ce qui est du 23 janvier 2003 jusqu'à maintenant et pour la suite, il n'y a pas de problème. Il y a un nouveau règlement, enfin le même règlement a été adopté, mais le 23 janvier 2003.

Le projet de loi vise simplement à corriger l'erreur, c'est-à-dire de rendre légaux les frais qui ont été facturés à tous ces clients à l'étranger entre le premier avril 1998 et le 22 janvier 2003.

Le sénateur Beaudoin: Quel était le problème avec les lieutenants-gouverneurs? Cela m'apparaît simple, mais quand même.

M. Voghel: Ce sera quelqu'un d'autre qui répondra.

[Traduction]

Le sénateur Beaudoin: Vous avez parlé de changements effectués récemment pour les parlementaires. En quoi cela concerne-t-il la rémunération des lieutenants-gouverneurs?

Mme Joan Arnold, directrice, Élaboration de la législation sur les pensions, Division des pensions, Secrétariat du Conseil du Trésor: Il faut que cela figure dans la Loi sur les traitements. Cette allocation d'invalidité est semblable à celle qui a été adoptée par voie législative pour les parlementaires en 2001. Par souci d'équité, on a décidé que le même type d'allocation devait être versé aux lieutenants-gouverneurs. Il fallait pour cela modifier la loi sur la pension de retraite des lieutenants-gouverneurs.

Le sénateur Beaudoin: La rémunération est-elle versée par le gouvernement fédéral?

Mme Arnold: Oui.

Le sénateur Beaudoin: Veut-on établir une comparaison entre les parlementaires et les lieutenants-gouverneurs?

Mme Arnold: Je ne vois pas bien ce que vous entendez par «comparaison».

Le sénateur Beaudoin: Une comparaison des montants.

Mme Arnold: Non, il s'agit d'avoir une disposition sur les allocations d'invalidité qui permettent aux lieutenants- gouverneurs de bénéficier de ce genre d'allocation à l'âge de 65 ans ou après, de la même manière qu'on a adopté une mesure législative en ce sens pour les parlementaires en 2001.

Le sénateur Beaudoin: C'est pour les traiter de la même manière.

Mme Arnold: Oui.

Le sénateur Beaudoin: Je vois. On parle ici de la pension.

Mme Arnold: Oui, monsieur.

Le sénateur Beaudoin: Quel problème soulevait la Loi sur la mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada-Costa Rica?

M. Matthew Lynch, agent du Conseil privé: Je pourrais peut-être tenter de répondre. Nous avons ici un conseiller de l'ADRC.

Au moment de l'adoption de la Loi relative à l'accord de libre-échange avec le Costa Rica, la version française d'une disposition était inexacte. L'amendement que nous proposons ici corrigerait la version française de cette loi.

Le sénateur Beaudoin: C'est une différence entre les deux versions. C'est tout.

M. Lynch: Oui.

Le sénateur Joyal: Je veux revenir à cette question du prix des services consulaires. Je ne sais pas si M. Voghel reviendra à la table. J'ai aussi une question pour Mme Arnold.

[Français]

Dans votre réponse au sénateur Beaudoin, vous dites qu'il y a eu, en somme, une omission administrative qui a fait que le processus juridique qui devait amener la promulgation du nouveau tarif pour un certain nombre de frais n'a jamais été adopté par décret du gouverneur en conseil. Ils avaient été publiés dans la Gazette du Canada mais ils n'avaient pas fait l'objet d'un décret du gouverneur général en conseil.

M. Voghel: Le processus complet fait que normalement les règlements sont prépubliés dans la Gazette du Canada à des fins de consultation des gens touchés par le règlement. Dans ce cas, cette étape a été suivie: mais pour une erreur administrative, le ministère n'a pas, une fois qu'il a reçu les résultats des consultations minimes, ce genre de frais ne touche une clientèle identifiée que si vous parlez de médicaments ou d'autres choses, des gens qui ont des licences pour la pêche ou des choses comme cela. Dans ce cas, il y a de nombreux clients et le règlement n'a pas été pris en fait, techniquement. Pour corriger l'erreur rétroactivement, cela nous prenait cette disposition dans un texte de loi pour remédier à la situation.

Le sénateur Joyal: Mais entre nous — si je peux utiliser l'expression puisque les caméras sont là, nous ne sommes pas beaucoup entre nous, nous sommes entre plusieurs — comment une telle situation peut-elle se produire? Il me semble qu'il y a suffisamment de conseillers juridiques au ministère. Il y a certainement une personne — je vais utiliser le terme le plus diplomatique possible — qui ne veillait pas au grain pour que la personne, le lendemain prenne le tarif et se mette à l'appliquer sans avoir l'autorisation requise. C'est une faute professionnelle sérieuse. Je n'ai pas d'objection à ce qu'on vienne par la suite demander aux parlementaires de valider les tarifs parce qu'on ne veut pas remettre aux gens, qui auront payé en surplus, l'argent et se mettre à courir après. Je peux comprendre cela mais ce n'est pas suffisant, pour nous, d'approuver simplement ce que vous nous demandez sans que nous ayons la conviction raisonnable que pour la personne qui a commis cette erreur, il y a eu un certain suivi administratif pour s'assurer qu'il y ait un réveille-matin sur son bureau pour qu'elle se rende compte qu'elle commet des gestes professionnels qui ont des conséquences juridiques importantes. Quelles mesures ont été prises dans le service concerné pour s'assurer que cette personne ait des comptes à rendre et qu'elle ait rendu des comptes et qu'il y ait eu des mesures disciplinaires s'il y avait lieu de le faire.

M. Voghel: Vous parlez d'une personne. Dans le processus gouvernemental, le problème vient du fait qu'il y a plusieurs personnes impliquées. Dans le processus réglementaire, vous avez le ministère client, les gens qui travaillent auprès du ministre et il y a aussi le Conseil privé et plein de gens qui sont impliqués dans un truc comme cela. En 1998, c'était l'avènement de l'informatique et la personne qui était en autorité à ce moment, qui maintenant est à la retraite, croyait de bonne foi que le règlement avait été adopté par le gouverneur en conseil et que c'était le temps de le mettre en vigueur. C'est un règlement qui est appliqué par les missions à l'étranger, les ambassades et les consulats. Ils avaient déjà envoyé toute l'information à tout le monde.

Nous avons constaté l'erreur parce que quelqu'un a posé une question sur le règlement en question. Nous avons constaté que le règlement n'avait pas été pris.

Le sénateur Joyal: Je vous suis reconnaissant, au nom des contribuables canadiens, de l'avoir constaté. Mon propos ne vous vise pas personnellement. On devrait vous donner une médaille pour avoir trouvé cela. Ma préoccupation est que voilà une omission importante et sérieuse parce que cela implique l'argent des contribuables.

Avant de dire que ce n'est pas grave, que c'est arrivé une fois et que cela n'arrivera plus, il faut quand même dire que si c'était quelqu'un dans l'entreprise privée qui avait commis une telle omission, il y aurait des responsabilités et des conséquences.

Dans l'autre endroit, ils font une enquête actuellement pour savoir qui a donné des autorisations et qui n'en a pas donné. Nous ne pouvons pas, par la suite, adopter simplement une loi en disant ce n'est pas très grave car dans deux ans nous adopterons une loi et nous validerons tout cela. Ce n'est pas de cette façon que le Parlement canadien fonctionne. Nous sommes responsables de tenir l'administration responsable autant de ses bons coups que de ses moins bons coups.

Vous n'êtes peut-être pas le responsable du service en question, mais cela ne me satisfait pas complètement d'avoir fait mon travail, si je n'ai pas la conviction que l'erreur commise ne se reproduira pas et/ou que les personnes responsables ont eu à faire face à leurs responsabilités.

M. Saada: En 1997, le Bureau du Conseil privé a établi, effectivement, un Secrétariat à la réglementation de façon à centraliser les coordonnés de ce genre de questions. Nous parlons de 1998 et il s'agit probablement de la période de transition entre la mise sur pied du secrétariat et son fonctionnement courant.

Ce secrétariat est chargé de mieux surveiller le processus de prépublication et d'approbation définitive des règlements. Votre préoccupation est extrêmement légitime et je crois que la situation a été corrigée. Nous corrigeons maintenant des choses qu'il aurait fallu voir tout de suite. Je crois toutefois relativement rassurant de voir que nous corrigeons le plan des mécanismes par l'établissement du secrétariat, et par voie législative pour corriger l'erreur administrative commise à l'époque.

Le sénateur Joyal: Je n'ai pas de problèmes avec l'approche suivie sur le plan législatif pour corriger l'erreur qui n'est pas administrative, à mon avis. L'adoption d'un règlement est un processus légal; c'est une erreur légale, une erreur dans le processus de l'adoption légale d'un règlement. Ce n'est pas quelqu'un qui s'est trompé dans un calcul, c'est quelqu'un qui, en pratique, a omis de poser un geste professionnel important qui était celui de s'assurer que le règlement soit rédigé, envoyé à votre division, qu'il ait figuré à l'ordre du jour du Cabinet, qu'il revienne avec le tampon conséquent et, qu'ensuite, il soit retourné au ministère concerné.

Ce n'est pas un geste anodin, c'est un processus juridique, précis et rigoureux. Quand la machine démontre une faille, il faut essayer de voir si c'est le système lui-même ou simplement l'acte d'une personne qui, pour toutes sortes de raisons, a été inattentive.

Si vous me dites que c'est le système qui a été modifié et que l'on en a échappé entre les fentes de la table à cause d'un nouveau système informatique, il faut de notre côté nous satisfaire que ces lacunes ont été comblées.

M. Saada: Oui, sénateur. La création de ce secrétariat nous donne des assurances très pertinentes selon lesquelles ce genre de problèmes est beaucoup mieux contrôlé et, par conséquent, ne risque pas de se reproduire.

Le sénateur Joyal: Est-il possible d'avoir la liste des frais qui ont fait l'objet de l'augmentation?

M. Voghel: Ils sont publiés dans le règlement, si vous voulez les voir.

Le sénateur Joyal: Vous pourriez peut-être en donner une copie au greffier afin que nous regardions de quoi il s'agit.

[Traduction]

Le président: L'avez-vous, monsieur Voghel? Peut-être que nous pourrions demander à quelqu'un de le distribuer aux membres du comité.

Le sénateur Pearson: J'aimerais donner suite à la question du sénateur Joyal. À mon arrivée au Sénat, j'ai passé un an environ au Comité d'examen de la réglementation. Il me semble que cette question aurait dû être confiée à ce comité parce que c'est le genre de choses que nous y examinions, les aspects inconstitutionnels, mais quelqu'un devait le porter à l'attention du comité. Le Comité d'examen de la réglementation a-t-il examiné cette question?

M. Voghel: Je ne peux pas répondre, mais le règlement était en vigueur et les mêmes services ont été facturés au tarif le plus bas. C'est ainsi depuis...

Le sénateur Pearson: C'était simplement une augmentation?

M. Voghel: Oui. La liste est exactement la même. C'est parce que les coûts des services avaient augmenté et que le ministère ne voulait pas en financer la prestation et concurrencer ainsi le secteur privé en offrant des services à moindre coût que ceux qu'exigent les notaires.

Le sénateur Pearson: Je me demandais comment on s'en était finalement rendu compte. Vous n'avez pas à répondre à cette question; ce n'est sans doute pas possible. Toutefois, je pense que l'un des rôles du Comité d'examen de la réglementation est de continuer d'examiner ces choses pour s'assurer que la loi en vigueur étaye bien les règlements. Je suppose que c'est le cas au secrétariat dont vous avez parlé?

M. Saada: Oui.

Le sénateur Andreychuk: Pour être juste envers le Comité d'examen de la réglementation, on y étudie les règlements des ministères et les membres vérifient qu'ils sont conformes à la loi, qu'ils sont constitutionnels et conformes au mandat, et cetera. Je ne pense pas qu'ils seraient en mesure d'aller dépister les règlements qui posent problème à moins de disposer de beaucoup plus de personnel.

Est-ce un cas isolé? Il existe beaucoup de règlements et dans les comités on déplore souvent le trop grand recours à la voie réglementaire. Naturellement, ce genre de chose risque de se produire plus fréquemment quand les fonctionnaires tâchent de faire face à un si grand nombre de règlements, surtout ceux qui ont trait à des hausses prédéterminées.

J'aimerais poser des questions au ministre en ce qui concerne sa responsabilité en matière de réforme démocratique. C'est un titre fascinant, et je pense que les Canadiens souhaitent peut-être une réforme démocratique. Monsieur le ministre, vous ne serez pas étonné par ma question parce que je suis sûre que votre personnel vous tient bien informé. Le sénateur Lynch-Staunton est notre porte-parole sur cette question et il a fait valoir cet aspect essentiel que le Parlement adopte des lois qui confèrent des pouvoirs. Il semble que le Conseil privé prenne maintenant des libertés à cet égard qui sont intéressantes et fascinantes. Le Conseil privé s'est mis à employer l'expression «avoir le titre de» pour arbitrairement changer les titres employés dans la loi. L'actuelle directrice exécutive de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie porte le titre qui lui a été correctement conféré au moment de sa nomination. Cependant, son prédécesseur avait d'abord été nommé directeur exécutif pour faire ensuite l'objet d'une nouvelle nomination où l'on a employé la formule magique «avoir le titre de» après quoi il s'est fait appelé «président».

Pourriez-vous expliquer pourquoi on change ainsi tous les titres, semble-t-il, pour ceux de «président» aux articles 19 à 24 du projet de loi C-17?

J'ai déjà travaillé dans un pays où personne sauf le président de ce pays ne pouvait employer ce titre. Il est fascinant de voir que nous faisons tout à fait le contraire et appelons tout un chacun «président». Il est difficile de comprendre ce qu'ils font véritablement. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la réforme démocratique et de ce qu'il faudrait faire de mieux, afin que les citoyens puissent comprendre l'importance de certains postes au sein du gouvernement.

Ensuite, va-t-on cesser au Conseil privé de prendre ces libertés et d'employer cette très curieuse tournure «avoir le titre de».

M. Saada: C'est certainement une question fort intéressante. Je m'attendais à de nombreuses questions, mais pas sur la réforme démocratique. Voici ce que je comprends de ce sujet: les fonctions effectivement remplies par le titulaire doivent dicter son titre. Je crois savoir — et reprenez-moi si je fais erreur — qu'en français, le rôle ici décrit correspond en fait au rôle de président et non pas de directeur exécutif. Dans des agences similaires, par exemple, les titulaires de ce poste se feraient appeler «président» et non pas «directeur exécutif». Ce n'est pas vraiment une question de politique; c'est une question de cohérence et de conformité.

Le sénateur Andreychuk: Si on adopte une loi désignant un président, c'est le titre de «président» qu'il faudrait employer. Si la loi parle d'un directeur exécutif, c'est le titre de «directeur exécutif» qu'il faudrait employer. Il me semble que le Conseil privé a pris des libertés qu'il ne convient pas de prendre dans un régime démocratique.

Comme je l'ai dit — et si j'ai employé le mot «président», je veux me reprendre — l'article 13 de la Loi sur le Centre canadien de gestion précise que le premier dirigeant du centre porte le titre de «directeur» du centre et a rang et statut de sous-ministre. Cependant, dans le décret de nomination de Janice Cochrane en date du 6 juin 2003, il est dit qu'elle occupera ce poste et «aura le titre de présidente». Je veux savoir quelle orientation le gouvernement est en train de prendre. Si l'on essaie de régulariser les choses, pourquoi ne pas avoir proposé un amendement au projet de loi C-17 pour apporter des changements à la Loi sur le Centre canadien de gestion?

M. Saada: Puis-je demander à mes hauts fonctionnaires de m'aider?

M. Wayne McCutcheon, sous-secrétaire intérimaire du Cabinet, Bureau du Conseil privé: Honorables sénateurs, je suis sous-secrétaire intérimaire du Cabinet au Bureau du Conseil privé pour le personnel supérieur. Je vais tenter de répondre à votre question.

Je ne suis pas sûr de ce qu'il en est exactement au sujet du «directeur» du Centre canadien de gestion. L'ancien projet de loi C-25, la Loi sur la modernisation de la fonction publique, crée une nouvelle école pour la fonction publique. Je pense que c'est peut-être dans cette loi que le titre est officiellement changé de «directeur» à «président».

Le sénateur Andreychuk: Je veux avoir l'assurance que quoi que la loi dise on s'y tienne. Il ne devrait pas y avoir de changement à ce statut ailleurs. Les parlementaires ont le droit de savoir ce qu'ils adoptent. Si nous adoptons une mesure législative précisant que le rang en question est celui de président ou de directeur exécutif, il ne devrait pas être changé unilatéralement au Bureau du Conseil privé. Pour moi, c'est le signe d'un manque d'égard, si je peux dire, à l'endroit du processus démocratique. Je veux qu'on me donne l'assurance qu'il ne continuera pas d'en être ainsi et que si le gouvernement a adopté un nouveau système et veut en quelque sorte le régulariser, il doit y avoir un certain examen de toutes les lois. Nous devons être en mesure d'expliquer aux gens ce qui se passe.

M. McCutcheon: Je suis d'accord. Il est rare que des gens portent un titre différent de celui qui leur est conféré dans la loi. Cela arrive quand on réorganise l'appareil gouvernemental. À la création d'un nouveau ministère, par exemple, par décret, comme cela s'est produit récemment et auparavant, le titulaire peut être nommé en vertu d'une loi existante. Pour plus de clarté quant à la nomination, le titulaire peut avoir à porter le titre créé par décret.

Le sénateur Andreychuk: Monsieur le ministre, c'est justement ce que j'essaie de faire valoir. Si nous parlons de réforme démocratique, nous voulons alors conforter le rôle légitime du Parlement. Les décrets ne devraient pas servir à contourner les lois légitimement adoptées par le Parlement, pour quelques raisons que ce soient, même si vous pensez que c'est pour améliorer la gestion ou je ne sais quoi. Si vous avons adopté une loi qui désignait un certain rôle, il y avait des raisons pour évaluer les responsabilités dans ce contexte et cela ne devrait pas être changé par décret. La tournure qui m'irrite c'est «avoir le titre de». Ce n'est pas une expression à laquelle je suis habituée en tant que parlementaire, et le public n'y est pas habitué non plus. On est soit «désigné» et on nous «confie les fonctions de». Qu'est-ce que cette expression «avoir le titre de» signifie? La question est peut-être un peu théorique, mais vous pouvez répondre si vous le pouvez.

M. Saada: Malheureusement, je ne suis pas en mesure de vous donner une réponse complète. Je tiens à vous dire que j'ai été étonné moi aussi quand j'ai entendu employer à propos de mon poste l'expression «avoir le titre de» et je me suis demandé ce que cela signifiait.

C'est donc noté. Si j'apprends autre chose, je me ferai un plaisir de vous en faire part. Cependant, je dois consulter avant de répondre et je ne vais donc pas me livrer à des spéculations.

Le sénateur Andreychuk: C'est tout aussi vrai pour certains autres changements que vous proposez à la version française. Il y a une certaine confusion à propos de l'emploi de «commissaire adjoint» et «commissaire délégué». J'espère que le gouvernement va régulariser les titres appropriés et s'assurer que cela ne se produise pas ailleurs. Il en résulte un malentendu quant aux fonctions désignées en anglais et en français. La question a été soulevée au Sénat. Je la soulève à nouveau parce que le projet de loi C-17, aux articles 2 à 5, propose d'apporter des modifications à la loi, parce que la traduction du titre serait fautive.

A-t-on procédé à une vérification systématique pour s'assurer que nous voulions employer les mots «adjoint» et «délégué» comme il est dit ici? Il y a eu confusion. Sommes-nous en train d'apporter des changements pêle-mêle ou a-t- on effectué un examen systématique pour régulariser les titres.

M. McCutcheon: Je répondrai que oui. La rédaction du projet de loi est uniformisée. On emploie maintenant couramment les mots «député» et «délégué», pour cette organisation-ci ou pour la nouvelle agence de services frontaliers.

Je reconnais, madame le sénateur, que l'uniformisation et la cohérence sont importantes, afin que les gens sachent, quand il est question d'un poste donné, à quel rang se situe le titulaire dans la hiérarchie de l'organisation.

Le sénateur Andreychuk: J'ai posé certaines de ces questions à l'instar de notre porte-parole sur ce projet de loi.

Nous proposons une rémunération rétroactive pour les présidents et vice-présidents de comités spéciaux. En tant que nouveau ministre chargé de la réforme démocratique, êtes-vous d'accord pour qu'on rémunère les présidents et vice-présidents pour faire leur travail? Pensez-vous que ce soit une bonne idée? Pensez-vous que cela aille à l'encontre de ce que j'appelle le «service» et les responsabilités qu'on assume en tant que parlementaires.

M. Saada: Je suis tout à fait en faveur de cette rémunération.

Il ne s'agit pas de faire plaisir à la personne qui assure la présidence. Il s'agit plutôt de reconnaître que cette personne doit effectuer un travail supplémentaire. Il est tout à fait indiqué, à mon avis, que ceux qui assument des responsabilités dépassant leur fonction normale voient leur dévouement reconnu, tout comme c'est le cas des whips de tous les partis qui gagnent davantage que les députés qui n'ont pas d'autre titre et les leaders de l'opposition à la Chambre, qui sont davantage rémunérés. C'est, de façon générale, une façon bien acceptée de reconnaître l'existence de certaines hiérarchies du régime parlementaire.

Le sénateur Andreychuk: Une dernière chose: Votre raisonnement tiendrait si nous avions un régime démocratique où l'on pouvait procéder librement et en toute transparence à l'élection des présidents et des vice-présidents des deux Chambres.

M. Saada: Si vous permettez, nous entrons là dans un domaine où je m'y connais un peu mieux. Comme vous le savez, à la Chambre des communes — et vous me pardonnerez de ne pas savoir exactement comment le système du Sénat fonctionne — nous avons adopté un système par lequel les présidents de comité sont élus par les membres du comité par scrutin secret. Le système est mis en oeuvre de façon provisoire. Dans le plan de réforme démocratique que j'ai déposé à la Chambres des communes en février, nous proposons que cette mesure devienne permanente. Les présidents et les vice-présidents des comités sont élus par tous les membres du comité par scrutin secret.

Le sénateur Andreychuk: C'est vraiment trop regrettable que vous ne puissiez vous prononcer sur le cas du Sénat. Votre réponse nous intéresserait.

Le président: Il nous reste environ 10 minutes pour traiter de ce projet de loi et j'aimerais redonner la parole au sénateur Joyal et au sénateur Beaudoin, mais auparavant, le sénateur Jaffer voudrait poser une courte question.

Le sénateur Jaffer: À l'article 28, est-ce à propos de la légitimité des droits consulaires perçus d'avril 1998 à 2000? Les droits ont été perçus et c'est donc rétroactif?

M. Voghel: Oui, c'est juste, les droits ont été perçus et, naturellement, ils dépassaient le pouvoir conféré dans le Règlement.

Le sénateur Joyal: J'aimerais dire quelque chose à la suite de la question et des observations du sénateur Andreychuk.

Personnellement, je ne pense pas qu'il faille rémunérer le président et le vice-président. Je pense que cela revient essentiellement à ajouter un élément de récompense au système. Je pense que cela compromet l'indépendance des membres, parce qu'il est bien certain que l'argent présente plus d'attraits que tout autre chose. À mes yeux, parler d'argent c'est remettre directement en question l'indépendance des parlementaires, un des éléments inhérents à ce qu'on appelle le déficit démocratique. Si les parlementaires, du Sénat ou de la Chambre des communes, ne sont motivés par rien d'autre que l'expression, s'ils sont députés à l'autre endroit, des attentes de leurs électeurs, et s'ils siègent au Sénat, par la volonté d'agir selon leur conscience et leur savoir, je pense que le système est sauf. Cependant, quand on introduit toutes sortes d'éléments de distorsion en parlant de récompense et davantage, on change la nature fondamentale du rôle.

C'est ce que j'ai déclaré quand un projet de loi sur la rémunération a été déposé. Je l'ai réaffirmé hier, dans le débat sur le commissaire à l'éthique, notamment. Monsieur le ministre, j'attire votre attention sur ce sujet. C'est toujours visible, quand on vérifie comment ont voté les présidents et les vice-présidents de comités, ou l'inverse. On étudie le résultat du vote et on en tire des conclusions.

Quant à la position et à l'indépendance des membres, cela compromet le principe de la transparence. Si ce qu'on veut essentiellement, c'est libérer le parlementaire, suivant l'objectif de lutte contre le déficit démocratique, il faut éliminer ces éléments qui causent des distorsions. C'est ma position. Je suis ravi de l'affirmer de nouveau publiquement, particulièrement devant vous, parce que je ne suis pas seul à penser ainsi. Nous avons vu le fonctionnement actuel et nous avons pu analyser ce qui s'est produit et en tirer des conclusions.

Sans vouloir vous contredire, je crois juste d'affirmer que les membres des comités consacrent autant de temps que le président à la lecture du projet de loi et à la compréhension de ce qui doit être fait. Bien entendu, certains d'entre eux arrivent au comité, leur serviette sous le bras et la déballe comme on le fait à l'école, devant son professeur, et il y en a d'autres, qui se préparent soigneusement. C'est à chacun de nous de s'acquitter de sa tâche, mais les présidents, eux, n'ont pas le choix, parce qu'ils président et parce qu'ils ne peuvent pas jeter un premier coup d'oeil sur le dossier en arrivant ici. Certains membres de comités peuvent le faire, mais pas tous. On préserve ce genre d'attitude en accordant des privilèges au président. Il en découle toutes sortes de conséquences indésirables et je suis contre le principe d'une récompense accordée au président et au vice-président. Si des gens s'intéressent beaucoup à une question et veulent nous faire profiter de leur expertise, c'est à eux, à titre de parlementaires, de convaincre leurs collègues de leur confier la responsabilité de la présidence d'un comité, qu'il s'agisse d'un comité spécial ou d'un comité permanent. C'est ma position.

M. Saada: Monsieur le président, puis-je répondre? Mon expérience est limitée mais j'ai tout de même passé quelques années au Parlement pendant lesquelles je ne me souviens pas d'avoir rencontré un parlementaire qui visait la présidence d'un comité uniquement pour le revenu supplémentaire. C'était plutôt parce qu'ils voulaient pouvoir changer les choses, en travaillant à ce comité. Je comprends les arguments présentés par l'honorable sénateur. Sauf le respect que je lui dois, je ne suis pas d'accord avec lui. Quand on préside un comité, on a beaucoup plus de travail que les autres membres. Je ne dis pas que les membres de comités ne travaillent pas; ce n'est pas mon argument. Là, où je veux en venir, c'est qu'il y a des fonctions de coordination et de liaison avec d'autres comités, parfois, ainsi qu'avec le gouvernement, du travail législatif et du travail pour organiser l'ordre des travaux du comité. Cela ne fait pas nécessairement partie du travail quotidien des autres membres d'un comité.

Comme vous le savez, les présidents ne votent pas, ils n'exercent donc pas d'influence directe sur le travail du comité. Ils ne votent qu'en des circonstances particulières.

Il me semble que la mesure que nous avons prise, du point de vue de la réforme démocratique, répond à certaines de vos préoccupations. Quand un groupe de parlementaires, réunis en une salle, désignent leur président par scrutin secret, c'est comme un groupe de personnes qui choisissent qui dirigera le travail à faire. Je vous rappelle aussi que des lois différentes traitent de ces questions de façon différente.

Ainsi, au Québec — je peux me tromper sur les détails, mais le principe est bien celui-là — le député de l'Assemblée nationale reçoit un salaire de base. Une rémunération supplémentaire lui est accordée s'il siège à des comités et une autre rémunération supplémentaire, s'il est président.

[Français]

Chaque parlement dispose de ces questions d'une façon qui lui est propre. Sur le plan du principe fondamental, en appliquant le principe que vous soulevez, honorable sénateur, cela voudrait dire que tout ceux qui sont au Parlement — et je parle de la Chambre des communes en particulier, sans parler du Sénat — sont tous des parlementaires élus.

Donc, au départ, ils font la même chose. Faut-il appliquer le même principe aux secrétaires parlementaires, aux whips ou aux leaders de parti? En fait, il existe une batterie de gens qui évoluent avec la prémisse de base qu'ils sont élus à la Chambre des Communes pour faire un travail de parlementaire. Nous avons pour tradition de reconnaître que plus les responsabilités augmentent, plus il est normal qu'un parallèle se fasse sur le plan de la rémunération.

[Traduction]

Le sénateur Joyal: Je ne veux pas contredire le ministre, mais le Parlement existe depuis 130 ans sans qu'on ait rémunéré davantage le président et le vice-président. Le système n'était pas inefficace auparavant, et il n'est pas plus efficace depuis qu'on a commencé à rémunérer le président et le vice-président, il y a cinq ans. Si la nécessité de les rémunérer avait été si évidente, une législature antérieure en serait venue à cette conclusion.

Le sénateur Beaudoin: Au sujet du président et du vice-président, je suis en général d'accord avec le sénateur Andreychuk et le sénateur Joyal.

Revenons au projet de loi C-17. Je dis que nous avons toujours procédé par règlement pour changer les chiffres et les sommes versées. Était-ce un projet de loi portant affectation de crédits? Vous dites que lorsque l'erreur a été constatée, le gouverneur en conseil a pris des mesures correctives. A-t-il agi par voie de règlement, par décret ou autrement?

M. Voghel: Par règlement. Les frais ont été augmentés par règlement.

Le sénateur Beaudoin: Aviez-vous le pouvoir de les majorer?

M. Voghel: Oui, en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Le sénateur Beaudoin: Est-ce par simple règlement?

M. Voghel: Oui, en vertu de l'article 19.

Le sénateur Beaudoin: Était-ce rétroactif?

M. Voghel: Non. Ce projet de loi porte précisément sur la rétroactivité pour la période qui n'était pas assujettie au règlement.

Le sénateur Beaudoin: Je comprends. Comme le disait mon collègue, depuis des années, depuis une trentaine d'années peut-être, nous légiférons de plus en plus par règlement. Nous allons trop loin. Les lois sont très générales et imprécises et tout ce qui compte vraiment est fait par voie de règlement. Il faudrait que ce soit le contraire, et que les mesures législatives subordonnées fassent partie de la loi, contrairement à ce qu'on voit maintenant.

Je le dis pour que ce soit du domaine public: on s'en remet trop aux règlements. Si la tendance est à modifier les sommes prévues par voie de règlement, et que la loi le permet, je n'ai pas d'objection, mais je veux m'assurer que c'est bien ce qui se passe en pratique.

M. Voghel: En pratique, il y a l'article 19 de la Loi sur la gestion des finances publiques. Cet article permet au gouverneur en conseil de prendre des règlements visant le recouvrement des coûts des services offerts aux Canadiens à l'étranger.

Ce règlement ne sert qu'au recouvrement des coûts pour ces services offerts par le gouvernement. On ne peut pas prévoir dans les lois tous les types de services offerts, parce qu'ils sont trop nombreux. Cela fait partie de l'annexe des règlements. En vertu de l'article 19 de la Loi sur la gestion des finances publiques, si le gouvernement doit débourser de l'argent pour offrir un service, comme pour l'authentification de documents, des services que nous offrons à quiconque, à l'étranger, il faut récupérer les coûts. C'est tout ce que nous faisons.

Le sénateur Beaudoin: Quand vous changez la pension des lieutenants-gouverneurs, et que vous faites une comparaison avec les salaires versés à d'autres groupes, est-ce que vous le faites uniquement par voie de règlement?

Mme Arnold: Je ne suis pas certaine d'avoir compris la question. Les détails relatifs à la prestation d'invalidité seront fixés par voie de règlement, c'est exact.

Le sénateur Beaudoin: C'est dans les règlements. Quand vous décidez, pour une très bonne raison, de traiter le lieutenant-gouverneur de la même façon que tout autre fonctionnaire, le faites-vous uniquement par voie de règlement?

M. Saada: Vous avez posé deux questions. Je vais donner plus de détails en réponse à la première et je laisserai Mme Bougie répondre à la deuxième. Au sujet de l'examen parlementaire des frais d'utilisateurs, comme vous le savez, la Chambre des communes et le Sénat ont tous deux adopté le projet de loi C-212, qui accroît la surveillance parlementaire de la fixation de ces frais. C'est tout nouveau. On l'a adopté très récemment.

Pour la deuxième question, je cède la parole à Mme Bougie.

[Français]

Mme Ginette Bougie, directrice, Rémunération et classification, Bureau du Conseil privé: Les lieutenants-gouverneurs sont souvent nommés à un âge plus avancé. Tout comme les membres du Parlement, ils sont couverts par un régime d'assurance invalidité lorsqu'ils n'ont pas atteint l'âge de 65 ans.

Si un lieutenant-gouverneur quitte ses fonctions avant d'avoir complété son mandat de cinq ans et qu'il est âgé de plus de 65 ans, il se retrouve sans salaire, sans assurance. Il n'est pas non plus admissible à une pension puisqu'en vertu de la Loi sur les lieutenants-gouverneurs, un minimum de cinq ans est nécessaire pour y être admissible.

Par ailleurs, les parlementaires qui ont plus de 65 ans et qui se retrouvent dans la même situation bénéficient, selon la Loi sur les salaires des parlementaires, d'une allocation qui représente 70 p.100 de leur traitement.

La même chose s'applique en vertu de la Loi sur les salaires des lieutenants-gouverneurs. Cela leur permet d'obtenir une allocation équivalente au montant qu'ils recevraient s'ils étaient encore en fonction ou s'ils avaient moins de 65 ans. Ils peuvent continuer à contribuer au régime de pension et au bout de cinq ans, ils bénéficient d'une pension. Cela leur assure un certain financement pour l'époux ou l'épouse advenant le décès du lieutenant-gouverneur.

[Traduction]

Le président: M. Saada est ici pour nous parler d'un autre projet de loi et si nous voulons reparler du projet de loi C- 17, nous pouvons faire revenir les fonctionnaires.

Le sénateur Joyal: J'espère que Mme Bougie et M. Arnold reviendront pour nous en parler. Il y a un élément très complexe, au bas de la page 6 du projet de loi C-17.

Le président: Nous poursuivons avec le deuxième projet de loi, et prenons en considération votre suggestion.

Nous invitons maintenant M. Saada à nous parler du projet de loi C-20, visant à modifier le nom de certaines circonscriptions électorales. Je crois que M. Perreault accompagne le ministre, pour cet exposé.

[Français]

M. Saada: Le projet de loi C-20 fait suite aux préoccupations soulevées par des députés de trois des quatre partis concernant les noms choisis pour leur circonscription, conformément à la nouvelle carte électorale.

En vertu du décret de représentation de 2003, promulgué le 25 août, les limites et le nom de nombreuses circonscriptions ont été changées suivant les rapports des commissions de délimitation des circonscriptions électorales. Ces rapports ont été précédés de consultations publiques et parlementaires en vertu de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales.

Le projet de loi C-20 modifie le nom de 38 circonscriptions électorales visées par le nouveau décret de représentation. Mis à part un ajout dont je parlerai dans quelques instants, le projet de loi est identique au projet de loi C-53, déposé au cours de la dernière session du Parlement. Le projet de loi C-53 a été adopté par la Chambre des communes en octobre dernier avec l'accord unanime des parties. Il a été approuvé en deuxième lecture, puis renvoyé à ce comité juste avant que le Parlement ne soit prorogé en novembre dernier.

Le gouvernement a déposé le projet de loi C-20, le 23 février 2004, date à laquelle il a été approuvé à l'unanimité à chacune des étapes du processus.

Comme dans le cas du projet de loi C-53, le gouvernement a clairement indiqué que la loi proposée ne serait pas adoptée sans l'approbation de tous les partis. Cette unanimité a été atteinte dans les deux cas, pour le projet de loi C-53 et maintenant pour le projet de loi C-20.

[Traduction]

Le projet de loi C-20 est identique à son prédécesseur, sauf pour une chose. Il comporte une disposition prévoyant une date d'entrée en vigueur en vertu de laquelle les modifications portées au nom des circonscriptions prendront effet le 1er septembre 2004. Cette mesure vise à répondre aux préoccupations d'Élections Canada concernant la mise en application des modifications portées au nom des circonscriptions. Comme l'a mentionné M. Kingsley lors de son témoignage devant ce comité, Élections Canada fait actuellement face à d'importantes pressions opérationnelles, notamment en raison de l'entrée en vigueur le 1er janvier 2004 du projet de loi C-24, de la mise en oeuvre de la nouvelle carte électorale et des préparatifs en vue de l'élection générale. Cette date d'entrée en vigueur différée donnera à Élections Canada un certain délai pour s'ajuster et mettre en application les nouveaux noms des circonscriptions, tout en continuant de gérer les pressions actuelles.

Le gouvernement reconnaît bien entendu que le nom attribué à une circonscription est très important pour les députés et leurs électeurs. Les changements proposés au nom des 38 circonscriptions visent à mieux refléter la géographie, l'histoire et d'autres caractéristiques particulières de ces circonscriptions. Le principal problème découle du fait que les limites et le nom des circonscriptions électorales sont déterminés en même temps par les commissions de délimitation des circonscriptions électorales. Cela signifie qu'il n'est déjà plus possible de commenter les noms proposés aux circonscriptions avant même que les limites elles-mêmes soient définitivement fixées.

Dans certains cas, il peut être difficile d'attribuer à une circonscription un nom qui saura tenir compte de ses caractéristiques géographiques particulières et autres avant que ces limites ne soient définies. Le projet de loi C-20 répondra à ces inquiétudes en se basant sur les conseils des députés concernés et sur le consensus des partis.

[Français]

Monsieur le président, j'aimerais vous signaler que ce projet de loi n'est pas le premier de ce genre. Plusieurs fois le Parlement est intervenu pour modifier le nom des circonscriptions.

En fait, depuis la promulgation du décret de représentation de 1996, 57 modifications au nom de circonscriptions ont été effectuées, en vertu de quatre lois différentes. Cela illustre bien l'importance des noms attribués aux circonscriptions pour les membres de la Chambre des communes.

[Traduction]

J'aimerais vous remercier de m'avoir donné l'occasion de vous parler des deux projets de loi le même jour. Il me fera maintenant plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Saada.

Le sénateur Beaudoin: Monsieur le président, je voudrais tout de suite savoir si vous avez l'intention d'adopter ce projet de loi ce soir parce qu'il semble...

Des voix: Non.

Le président: Non.

Le sénateur Beaudoin: Je voulais m'en assurer. Cette question du changement de description est assez étrange. Elle ne semble reposer sur aucun principe clair, il n'y a pas d'argument pour changer le nom d'une circonscription. Pourquoi accepter cela en principe, dans nos lois?

M. Saada: Il nous faut un cadre législatif pour donner ces noms. Nous sommes assujettis à des contraintes contradictoires. D'abord, les commissions de délimitation des circonscriptions qui s'occupent aussi des noms de circonscriptions sont indépendantes de tout parti politique, de même que du gouvernement. Elles prennent donc leurs décisions en se fondant sur leur jugement. Par ailleurs, bon nombre de députés ne sont pas nécessairement satisfaits des noms choisis par la commission.

Le sénateur Beaudoin: On le comprend.

M. Saada: Le principe adopté par mon prédécesseur, à l'époque du projet de loi C-53, et que j'ai fait mien, c'est qu'on ne peut se lancer dans des changements de noms de circonscriptions uniquement pour des raisons politiques. La seule façon d'agir en respectant la logique et l'esprit d'indépendance des commissions, c'était d'établir un consensus et l'unanimité entre les partis politiques, afin qu'aucun parti ne puisse être accusé de faire de la petite politique avec cette question.

En cours de route, des changements ont été proposés par divers partis et n'ont pas été acceptés pour des raisons qui se rapportent à la géographie ou d'autres considérations valables. Bien entendu, pour respecter le principe établi par mon prédécesseur dans le cadre de cette discussion, j'ai dû refuser, malheureusement, des demandes faites par mon propre parti, afin de ne pas nuire au processus.

Ma circonscription ne fait pas partie de cette liste et je peux donc en parler librement et vous dire pourquoi parfois nous jugeons nécessaire de demander un changement, pour d'excellentes raisons. Ma circonscription est celle de Brossard-La Prairie. La commission avait d'abord proposé d'en changer le nom en laissant tomber La Prairie. Nous avons eu l'occasion d'expliquer pourquoi il fallait garder cette partie du nom: C'est là qu'est née la circonscription. Ce nom avait aussi une valeur historique, puisque c'est là qu'on a posé les premiers rails de chemin de fer au Canada et qu'on a mis en place le télégraphe. Avant la division, tout le secteur s'appelait La Prairie. Nous avons eu l'occasion de présenter ces arguments à la commission, qui nous a écoutés et qui a rendu sa décision. Dans mon cas, j'étais content que la commission reconnaisse le besoin exprimé.

Le processus exige un examen parlementaire. Le Parlement examinera les propositions et formulera d'autres recommandations.

Au bout du compte, c'est la commission qui décidera. Les députés de tous les partis peuvent avoir des raisons légitimes d'estimer qu'une erreur a été commise et qu'il faut la corriger. C'est ainsi que le processus s'est déroulé.

Le sénateur Beaudoin: Ils n'étaient pas satisfaits des propositions de la commission?

M. Saada: Ou bien les nouveaux noms ne correspondaient pas à la géographie, ou bien ils ne répondaient pas aux préoccupations exprimées par les collectivités locales. Très souvent, ils étaient mandatés par les collectivités, pour défendre le nouveau nom.

Le sénateur Beaudoin: Quels recours prévoit la loi?

M. Saada: Je répète que la seule façon d'agir légitimement, c'est de proposer uniquement des noms de circonscriptions qu'acceptent unanimement les partis politiques. C'est ce qui a donné lieu au projet de loi C-20.

Le sénateur Beaudoin: C'est le seul recours?

M. Saada: Il y a aussi la loi. Nous aurions pu proposer 38 projets de loi différents, mais nous les avons regroupés en un seul. Ce projet de loi a l'aval de tous les partis politiques.

Le sénateur Smith: Vous pourriez peut-être formuler un commentaire sur ceci. D'après mes chiffres, ce sont surtout des conservateurs qui ont demandé des changements. Ils l'ont fait pour neuf circonscriptions, soit près de la moitié des circonscriptions où ils ont été élus. Vient ensuite le Bloc, qui en a demandé 11, soit 30 p. 100 de ses circonscriptions. Les libéraux n'en ont demandé que neuf, environ 6 p. 100 de leurs circonscriptions. L'Alliance en a demandé neuf, environ 15 p. 100 de ses circonscriptions. Les néo-démocrates n'en ont demandé aucun, mais ont exprimé leur veto pour deux ou trois. Un député de Toronto m'a exhorté à trouver une solution. J'ai dit: «Vous aviez une entente. Le processus nécessitait l'unanimité et sans cela, il n'y aurait pas de problème» d'après ce que j'ai compris, après la première lecture, ce projet de loi a été adopté en une journée, à toutes les étapes.

M. Saada: C'est exact. L'un des partis d'opposition a demandé que nous ne refassions pas tout le travail déjà effectué en comité. Ils craignaient — et je ne leur attribue pas d'intentions, c'est ce qu'ils m'ont dit — que si le projet de loi était renvoyé en comité, la majorité s'imposerait, à l'encontre de l'esprit de l'entente. Vous avez raison. C'est dans cet esprit que le processus a été suivi.

Le sénateur Smith: Si la Chambre des communes a jugé bon d'adopter en une journée le projet de loi, je pense que nous pourrions au moins garder l'esprit ouvert.

Le sénateur Andreychuk: La Chambre des communes n'a pas l'esprit ouvert. Son intérêt est clair: il s'agit de ses circonscriptions. Nous sommes plus neutres, je tiens à le dire.

J'ai trouvé cet exercice assez inhabituel, du point de vue de la réforme démocratique. On ajoute constamment des noms. Puis on change leur ordre. Pour moi, ce qui compte, c'est que les gens se déplacent pour voter. À mesure que les noms s'allongent, le processus se complexifie. Je sais que ce problème n'est pas exclusif au Canada, et qu'on le constate dans d'autres démocraties.

Un certain groupe de gens, les élus, qui veulent être élus, tiennent à ce que soit mis en évidence un secteur d'une circonscription. Ils doivent croire que cela les avantage. J'aimerais croire qu'ils agissent en fonction de la géographie et de l'équilibre entre les régions. Mais je suis de plus en plus sceptique. Ne devrait-il pas y avoir d'autres discussions, à ce sujet? Il faudrait des noms plus simples.

À Regina, nous ne changeons pas beaucoup; notre population n'augmente pas. Des noms ont changé, toutefois. La première chose que je dois faire, même comme parlementaire, c'est essayer de trouver le nom de ma circonscription. Il faut que j'essaie de trouver dans quelle partie de Regina je vis, alors que les délimitations changent, de même que le nom. Je crois parfois que cela nuit aux électeurs, le jour du scrutin.

C'est un exercice intéressant. Je ne sais pas si cela sonne bien, si je dis que je représente «Brown—Smith—Jones—quelque chose» mais c'est certainement très étrange. J'aimerais que le processus soit neutre mais je crains qu'il suive certains intérêts.

M. Saada: Sénateur, si vous le permettez, je serai ravi de m'employer à résoudre votre scepticisme. Vous parlez de réforme démocratique et de la façon dont les élus peuvent augmenter le plus possible la représentation des électeurs de leur circonscription. Cet exercice résulte justement de ce processus.

Je ne vais pas vous donner de chiffres pour chaque changement de nom de circonscription, mais pour asseoir mon argument, je vais parler de la présentation que j'ai faite à la commission. Les quatre conseils municipaux en cause endossaient la proposition. Trente huit organisations communautaires de la circonscription l'avaient fait aussi, de même que tous les maires de la plus grande ville de ma circonscription depuis 1970. Le Bloc québécois et les conservateurs appuyaient aussi ma proposition. C'est un modèle de démocratie.

À mon avis, c'est une preuve évidente de la vraie représentation des collectivités.

Permettez-moi quelques suppositions. Si vous voulez être élu dans une circonscription et que vous ne connaissez pas bien ses aspirations, ses besoins et ses voeux, vous êtes désavantagé. Je ne connais personne qui voudrait, de sa propre initiative, demander un changement de nom, si ce n'est pour répondre aux sentiments et aux aspirations de sa communauté. Ce serait du suicide.

À mon avis, ce n'est pas une question d'intérêt personnel. Il s'agit plutôt de se donner les meilleures chances d'être élu, soit parce qu'on est le meilleur candidat, soit parce qu'on se présente comme le meilleur candidat pour représenter la collectivité. C'est ce que doit faire un candidat au Parlement. Il doit se montrer comme le meilleur représentant possible de la collectivité.

Je m'arrête ici, monsieur le président, et c'est dommage, parce que c'est une discussion passionnante et enthousiasmante et une question à laquelle je crois beaucoup. La question des changements de délimitation n'est pas propice à la participation électorale. C'est une question d'équilibre. Comme vous le savez, dans la version actuelle, la population est évaluée par recensement, province par province. Une moyenne est établie. D'après la loi, il y a une marge de manoeuvre de plus ou moins 25 p. 100, à quelques exceptions près, afin qu'on ait la représentation la plus juste possible du point de vue démographique. D'autres facteurs sont pris en comptes. L'histoire, la communauté d'intérêt, et cetera. La modification des délimitations de circonscriptions vise une meilleure représentation.

Comme défenseur de la réforme démocratique, de la mobilisation et de la responsabilisation des citoyens, nous devons faire ces changements. Si ces changements nuisent à la participation au scrutin, il faudra revoir notre façon d'inciter les gens à voter. Nous devons les renseigner. Nous ne devons pas lutter contre la représentation qui est associée aux changements de limites des circonscriptions.

Le sénateur Andreychuk: Je ne veux pas parler des changements aux limites des circonscriptions. Je pense qu'il y aurait des choses à dire là-dessus, mais je reste sceptique quant aux changements de noms. Je sais l'importance de l'image. Si le nom et l'histoire s'inscrivent dans la continuité, les gens sont rassurés lorsqu'ils votent. J'ai présenté mes arguments et vous, les vôtres. Merci.

[Français]

Le sénateur Joyal: Il y a trois ans, ce comité avait produit un rapport faisant des recommandations très précises concernant l'approche devant être prise pour toutes ces questions de changement de nom de circonscription. Est-ce que ce rapport a été porté à votre attention avant que vous vous présentiez devant nous avec ce projet de loi?

M. Saada: Non.

Le sénateur Joyal: Avez-vous pris connaissance des commentaires que le Directeur général des élections avait fait au moment où le comité a étudié cette question et a fait des recommandations accompagnant le projet de loi qui nous avait été référé et qui portait essentiellement sur le même type de changement de nom?

Pour vous resituer dans le contexte, le Directeur général des élections avait fait des recommandations très précises sur le système à mettre en place pour remplacer ces demandes à répétition de changement de nom pour chaque élection et chaque recensement.

Après les prochaines élections, il y aura un député qui sera élu quelque part et qui voudra lui aussi faire changer le nom, ainsi de suite. Le Directeur général des élections avait développé une approche beaucoup plus rigoureuse que celle qu'on suit présentement, c'est-à-dire celle de simplement convaincre ses collègues des autres partis politiques, qui n'ont pas d'intérêt contradictoire avec le député qui demande le changement, et ensuite procéder par voie législative.

M. Saada: Pouvez-vous me faire parvenir ces critères plus rigoureux du Directeur général des élections?

Le sénateur Joyal: Je ne veux pas parler pour lui, mais je me souviens qu'il limitait entre autres le nombre de mots sur le bulletin de vote. Lorsqu'il est question d'imprimer un bulletin de vote, si vous avez quatre lignes pour décrire la circonscription en question, cela devenait une limite technique dans le système informatique à être développé. Il y en avait d'autres également.

Nous voudrons certainement entendre son témoignage à cet égard parce que ce que vous nous décrivez aujourd'hui est une demande qui vient dans la suite du processus de redécoupage électoral. On vise à corriger une décision de la Commission de délimitation des circonscriptions qui n'aurait pas, en soi, satisfait les représentations des députés ou des personnes intéressées dans le processus de l'adoption d'une nouvelle carte électorale.

Vous avez assez bien déterminé les séquences, mais il y a «un processus» et «un processus». Si on doit ajouter une autre étape à la mise en vigueur d'une nouvelle carte électorale, qui sera celle pour les députés d'avoir une dernière fois une autre chance de revenir avec leur demande, on est aussi bien de modifier la loi en conséquence. Ceci pour faire en sorte que cela se produise naturellement dans la loi, afin que l'on n'ait pas à revenir toujours devant le Parlement pour corriger des représentations qui, en pratique, n'auraient pas à être refaites devant le Parlement si on reconnaissait cette étape additionnelle dans la suite du processus de redécoupage électoral.

C'est une question de savoir comment le système fonctionne. Je vous réfère encore à ce rapport que nous avions produit à notre comité, il y a quelques années, suite aux représentations faites par le Directeur général des élections qui était le même qu'aujourd'hui.

M. Saada: D'abord, je vais me faire un plaisir de lire ce document. J'aimerais, bien sûr sous réserve de lire le document pour le comprendre et en connaître les détails, mentionner deux choses; la première concerne la limitation du nombre de mots dans le nom d'un comté. Il y a des sensibilités régionales qui font que de vouloir limiter, pour des raisons administratives, le nom du comté, finit par porter atteinte à l'identité même du comté, en agressant une partie de sa composition. Prenons, par exemple, Argenteuil—Mirabel. Nous savons très bien à quel point les sensibilités régionales de l'un et de l'autre sont présentes. Concernant le fait de vouloir avoir un nom plus court, autrement dit d'avoir un objectif administrativement justifiable, au détriment d'une réalité locale extrêmement importante, j'aurai certaines réserves.

Je vais lire le document plus à fond pour être sûr de bien comprendre ce qu'il veut dire, mais j'aurai certaines réserves pour cet argument. L'autre chose problématique est la chose suivante; — et j'avoue que je suis tout à fait ouvert aux suggestions à cet égard — dans le processus qui mène à la révision de la carte électorale, puis au nom et ainsi de suite, une fois que la Commission a établi sa première évaluation, il y a des consultations publiques qui mènent à un deuxième rapport. Ce rapport est soumis au Parlement.

Une fois cela fait, il y a la contribution des parlementaires et la Commission prend sa décision définitive. Comme vous le savez, par décret, cela se met en place automatiquement. Si, dans la décision définitive de la Commission, il y a un changement qui affecte une circonscription qui ne l'était pas auparavant, il n'y a aucun recours possible, aucune façon d'intervenir.

Prenons l'exemple de Brossard—La Prairie; imaginons qu'il n'y a pas eu de changement proposé. On arrive à la dernière étape du processus. La Commission prend sa décision et elle devient exécutoire. Mais dans sa dernière décision, à la suite de représentations faites, on vient changer le comté chez moi. Je n'ai aucun mécanisme d'appel. Si, par hasard, on change le nom parce qu'on me change la délimitation géographique, je ne peux pas intervenir. C'est pourquoi il faut un mécanisme qui permette une certaine flexibilité à cet égard.

S'agit-il d'un mécanisme législatif comme celui-ci ou d'un mécanisme autre? Je suis sincèrement tout à fait ouvert à cela, mais je pense qu'il y a effectivement un problème qui préoccupe les députés de façon générale. Je n'ai toutefois pas de réponse pour régler le problème pour l'instant. Je sais qu'il existe et je suis ouvert à vos recommandations.

[Traduction]

Le sénateur Joyal: Le ministre comprend bien le problème et il faudrait maintenant corriger les choses de manière à ce qu'on ne soit pas saisi à répétition de projets de loi semblables.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: Il y a longtemps que je considère des projets de loi comme celui-ci. Vous dites que c'est basé sur l'histoire. C'est bien étrange. Quelle histoire? Si, par exemple, c'est le comté de Laurier—Macdonald—Mackenzie King, cela va. Il y a toutefois des comtés qui ont quelquefois des noms affreux. Cela ne veut pas dire que ce n'est pas historique, mais quand même. Qui décide? Qui se prononce sur le plan historique? C'est important et cela ne tient pas debout quelquefois. Y a-t-il un système pour l'histoire ? Parce qu'il me semble que ce n'est pas notre histoire.

M. Saada: Je ne veux pas être mal interprété. Si vous me permettez, l'histoire est un des facteurs qui faisait en sorte qu'on pouvait avoir des problèmes sur le plan de la nomenclature. Pour répondre à votre question spécifiquement, sur le plan technique, la décision revient à la Commission qui décide des noms à employer ou non.

Il faut comprendre la définition de l'histoire au plan régional. Ce sont les communautés qui ont la meilleure perception de ce que s'est. Si vous prenez une circonscription et que les gens de cette circonscription disent qu'il s'est passé telle ou telle chose ici et cela fait partie de ce que nous sommes. Cela n'apparaît pas forcément dans les livres d'histoire, ce n'est pas dans les archives au sens historique du terme, mais c'est une partie de l'histoire intrinsèque de la circonscription. Ce sont eux qui sont le mieux placés pour le savoir et pour faire des représentations à ce sujet.

En dernier ressort, la Commission prend cela en considération et décide s'il y a matière à en tenir compte. La seule façon d'aller à l'encontre de cela, si une décision n'est pas satisfaisante, c'est justement la question soulevée par le sénateur Joyal et que j'accueille avec beaucoup de plaisir, à savoir s'il faut continuer avec ce processus ou en utiliser un différent qui va éviter que l'on en arrive à ces conditions.

Le sénateur Beaudoin: De quelle façon y arriverons-nous?

M. Saada: J'ai demandé la collaboration de tous ceux qui auraient à m'aider à comprendre les autres options pour y arriver. Il est évident que j'en ai peut-être d'autres en tête pour lesquelles je ne suis pas prêt à me prononcer car nous en sommes à un stade préliminaire pour l'instant.

Je sais par contre que vous avez mis le doigt sur un problème sur lequel nous avons aussi mis le doigt. En travaillant ensemble, on va trouver la meilleure solution. La seule solution que nous avons présentement, c'est la voie législative que nous avons prise. S'il y en a d'autres, j'aimerais entendre les inconvénients et les avantages de chacune.

[Traduction]

Le président: Monsieur Saada, je vous remercie, ainsi que vos collaborateurs, pour votre comparution ce soir. Nous avons appris des choses et cela nous sera utile dans nos délibérations.

Honorables sénateurs, nous tiendrons une séance demain matin à 11 h 45. Nous accueillerons alors le directeur général des élections, M. Kingsley. Sénateur Joyal, vous voulez intervenir?

Le sénateur Joyal: Comme suite au témoignage du ministre et en vue du témoignage du directeur général des élections, la greffière pourrait-elle produire le rapport que notre comité avait publié il y a quelques années sur les modifications à la loi électorale, au sujet des changements relatifs aux circonscriptions?

Le président: Certainement, c'est une excellente suggestion.

Le sénateur Joyal: Nous l'aurons donc en main quand nous recevrons le directeur général des élections.

Le président: Excellente suggestion, merci.

La séance est levée.


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