Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 8 - Le huitième rapport du comité
Le jeudi 6 mai 2004
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son
HUITIÈME RAPPORT
Votre Comité, auquel a été déféré le projet de loi C-20, Loi visant à modifier le nom de certaines circonscriptions électorales, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 9 mars 2004, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.
Respectueusement soumis,
Le président,
GEORGE FUREY
OBSERVATIONS
annexées au 8e rapport
du Comité sénatorial permanent
des Affaires juridiques et constitutionnelles
Le projet de loi C-20 modifie le nom de 38 circonscriptions électorales, qui ont toutes été créées par l'Ordonnance de représentation de 2003 prise en application de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales. Ce n'est pas la première fois qu'un projet de loi modifiant des noms de circonscriptions nous est soumis pour étude; ce n'est pas la première fois non plus que nous formulons d'importantes observations à ce sujet.
Depuis le début de la deuxième session de la 35e législature, le 27 février 1996, 15 projets de loi visant à modifier le nom de circonscriptions électorales ont été présentés, dont six ont été adoptés.
La Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales fixe le processus indépendant par lequel les limites des circonscriptions électorales et leur nom sont choisis après chaque recensement décennal. Une commission de trois personnes constituée dans chaque province prépare un rapport à cet égard, après quoi il peut y avoir des audiences publiques et des présentations. Une fois que sont terminés les rapports des commissions sur les nouvelles frontières et appellations, ils sont déposés à la Chambre des communes, où les députés peuvent formuler des oppositions. Le Comité de la Chambre qui étudie ces rapports rend compte de ses travaux aux commissions, auxquelles incombe la décision finale.
Toutefois, les députés sont souvent insatisfaits des décisions finales des commissions et peuvent déposer des projets de loi pour modifier de nouveau les noms des circonscriptions. Les députés peuvent aussi déposer de tels projets de loi à un moment autre qu'à celui de l'Ordonnance de représentation. Ainsi, en juin 2000, lorsqu'il étudiait un projet de loi similaire, à savoir le projet de loi C-473, votre Comité s'est opposé au changement des noms de circonscription. Le processus n'était pas aussi ouvert et transparent que celui qui est décrit ci-dessus. Nous avions alors fait remarquer que les changements semaient la confusion et étaient coûteux et que les noms de circonscription devraient avoir un certain degré de permanence:
8. De nombreuses raisons valables peuvent être avancées pour demander de modifier les noms des circonscriptions, mais votre Comité estime qu'il faut décourager les gens d'avoir recours fréquemment à de tels changements ponctuels. Une telle démarche entraîne de la confusion et des coûts. Il faut assurer une certaine permanence aux noms des circonscriptions: ils ne devraient pas être changés chaque fois qu'un nouveau député est élu ou qu'une nouvelle partie est ajoutée à une circonscription. La Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales établit une procédure claire à ce sujet, et elle devrait être suivie. Elle présente l'avantage que la décision est prise par une commission neutre formée de trois personnes qui est chargée d'informer le public des projets et de le consulter. Comme ce redécoupage est effectué à tous les 10 ans, il conviendrait tout à fait que les changements de nom ne soient apportés qu'à cette occasion.
9. Votre Comité est conscient que des situations extraordinaires peuvent parfois se présenter et exiger des changements dans les noms des circonscriptions. Votre Comité croit également que le processus suivi dans ces cas doit être plus clair et plus transparent. Votre Comité a reçu des interventions qui confirment la nécessité d'une consultation du public, et de sa participation, compte tenu du fait que les citoyens s'identifient fortement au nom de leur circonscription. Il faudrait exiger que des avis publics soient diffusés dans la circonscription et que la population soit consultée. Des lignes directrices dans ce sens pourraient être établies à partir de la procédure prévue dans la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales.
Ces observations sont aussi pertinentes qu'elles l'étaient il y a quatre ans.
En ce qui concerne les coûts associés aux changements de nom de circonscription, le 2 avril 2004, M. Jean-Pierre Kingsley, directeur général des élections, et Mme Diane Davidson, directrice générale adjointe des élections et première conseillère juridique, ont témoigné devant votre Comité au sujet du projet de loi C-20. Ils ont déclaré à votre Comité que si le projet de loi était adopté et que des élections étaient déclenchées après le 1er septembre 2004 (le jour de l'entrée en vigueur du projet de loi), les coûts découlant des changements de noms s'élèveraient à environ 500 000 $. Même si des élections sont déclenchées avant cette date, le projet de loi entraînera des coûts substantiels. Nous ne disons pas que ces coûts sont inacceptables, mais nous soulignons simplement leur existence.
Votre Comité note que le 2 avril 2004, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes a déposé son 16e rapport devant la Chambre. Le rapport porte sur le processus de révision des limites des circonscriptions électorales et l'expérience du Sous-comité chargé d'étudier l'objet des oppositions faites par les députés aux rapports des commissions de délimitation des circonscriptions électorales. Le rapport aborde également les noms des circonscriptions et, à l'instar de votre Comité, exprime la réticence que soulève l'étude des projets de loi proposant des changements de nom. Le rapport indique ce qui suit:
45. Un dernier point. Comme les commissions elles-mêmes l'ont noté, si le nom d'une circonscription n'est pas modifié en dépit d'une opposition, un député peut toujours déposer un projet de loi pour y parvenir. Il nous semble futile d'employer inutilement le temps de la Chambre à modifier les noms choisis par les commissions. Les changements a posteriori entraînent également des coûts et du travail supplémentaire pour Élections Canada. Par conséquent, il serait préférable de modifier le pouvoir des commissions pour ce qui est de la désignation des circonscriptions: lorsque le comité parlementaire compétent accueille à l'unanimité une opposition à un changement de nom, la recommandation de ce comité devrait lier la commission.
Recommandation 9
Le Comité recommande ce qui suit:
que l'article 23 de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales soit modifié afin que, dans le cas d'une opposition à une proposition de nom de circonscription, et lorsqu'il y a une recommandation unanime du comité de la Chambre qui considère l'opposition, la commission de délimitation des circonscriptions électorales suive la recommandation du comité. Cela simplifierait les activités de la Chambre des communes et du Sénat, qui a déjà exprimé son opposition aux projets de loi visant à changer le nom d'une circonscription.
Votre Comité juge qu'il s'agit là d'une bonne recommandation et appuie la modification de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales proposée par le Comité de la Chambre des communes.
Votre Comité réaffirme qu'il faudrait adopter un processus révisé qui tienne compte des lignes directrices fournies par le directeur général des élections et s'applique aux situations particulières où des changements de nom pourraient s'imposer.