Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 8 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 29 avril 2004
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 10 h 48 pour faire l'étude du projet de loi S-2, Loi visant à empêcher la diffusion sur l'Internet de messages non sollicités.
L'honorable Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente: Nous commençons aujourd'hui notre étude du projet de loi S-2, Loi visant à empêcher la diffusion sur l'Internet de messages non sollicités. Son titre abrégé est très succinct, Loi antipourriel.
[Traduction]
Ce projet de loi est le fruit de l'initiative de notre collègue, l'honorable Donald H. Oliver, et c'est avec beaucoup de plaisir que je souhaite à nouveau la bienvenue au sénateur Oliver. Je dis «à nouveau» parce qu'il a déjà été président et vice-président de ce comité; il nous connaît donc bien, ainsi que notre façon de travailler. Nous n'avons pas à le lui expliquer. Nous sommes impatients d'entendre ses remarques préliminaires à propos du projet de loi, puis nous lui poserons des questions.
L'honorable Donald H. Oliver, parrain du projet de loi: Merci beaucoup. J'avoue que c'est un privilège particulier de témoigner devant vous. Vous avez fait de l'excellent travail en tant que présidente de ce comité. Je suis très heureux de ce que vous accomplissez, et je m'intéresse vivement à votre étude actuelle des médias.
Honorables sénateurs, la raison pour laquelle je suis ici c'est qu'il y a un certain temps, mon épouse, après s'être absentée de son bureau pendant une dizaine de jours, m'a dit qu'il lui avait fallu presque une heure et demie pour supprimer tout le pourriel de son ordinateur avant de pouvoir commencer à travailler. Il lui a fallu beaucoup de temps.
J'y ai donc réfléchi, et j'ai commencé à examiner ce que je recevais à mon bureau, au Sénat. J'ai examiné les types de messages non sollicités que je recevais, et je me suis dit que j'allais examiner la loi canadienne et voir ce que je pouvais faire pour régler ce problème. J'ai été renversé par la quantité de courriels commerciaux non sollicités que je recevais.
Avant de rédiger un projet de loi, j'ai interviewé beaucoup de gens et j'ai discuté avec eux. Pour vous donner un aperçu, j'ai parlé à quelques avocats, ici et dans d'autres régions du Canada, à des consommateurs, à des utilisateurs d'Internet et à des politiciens provinciaux et fédéraux, à des gens des médias, surtout au Québec, où ce problème est sérieux; j'ai parlé à une association de fournisseurs d'accès à Internet, à son président et à des administrateurs, ainsi qu'à des clients et propriétaires de fournisseurs d'accès Internet; je me suis adressé à Microsoft.
Je me suis aussi adressé à Industrie Canada. M. Binder, d'Industrie Canada, est venu me présenter de l'information à mon bureau. J'ai parlé avec M. Simpson, qui est une sommité mondiale dans le domaine du pourriel. J'ai eu une rencontre privée avec la ministre de l'Industrie, Mme Robillard, et avec son chef de cabinet et beaucoup d'autres personnes. Je n'ai donc pas rédigé ce projet de loi à la légère, sans y avoir bien réfléchi.
Après toutes ces démarches, j'ai constaté, notamment, que le Canada n'a pas de loi conçue expressément pour réduire la diffusion sur Internet de messages non sollicités ou pour remonter à leur source. Tous ceux à qui j'ai parlé m'ont dit qu'il n'y avait pas de solution unique à ce problème. Il ne suffit pas d'adopter une loi et il n'existe pas de filtre entièrement efficace à mettre dans un ordinateur. Il faut vraiment une stratégie à volets multiples.
Il faut faire intervenir divers individus et divers groupes. Dans le cadre de cette stratégie à volets multiples, il faut faire participer les fournisseurs d'accès Internet, les fournisseurs de services de courriel, les agents de commercialisation par courriel, les entreprises, les organismes antipourriel, les associations de protection des consommateurs et les fournisseurs de produits antipourriel, et il faut examiner une stratégie juridique et réglementaire. Il faut envisager l'information et la sensibilisation, les solutions techniques et ainsi de suite.
Je vous signale que je me rendrai à Redmond, au siège social de Microsoft, dans moins d'un mois. L'une des personnes que j'y rencontrerai est le chercheur principal, qui travaille à des filtres antipourriel perfectionnés. C'est une tâche continue, mais je peux vous affirmer que nulle part dans le monde il n'existe un filtre entièrement efficace contre le pourriel. Nous n'avons pas encore atteint ce degré de perfectionnement.
Au Canada, nous n'avons pas de loi expressément conçue pour réduire la diffusion de messages non sollicités ou pour en trouver la source. Nous avons besoin d'une stratégie à volets multiples. Cependant, nous avons certaines lois. Ainsi, nous avons un code criminel et, de fait, nous pouvons porter des accusations contre ceux qui diffusent de forts volumes de pourriels mettant en danger la sécurité publique. Notre droit pénal nous le permet. Toutefois, beaucoup de courriels illicites proviennent de l'étranger, et il est alors difficile d'entamer des poursuites.
En août 1999, un groupe de travail sur la consommation et le commerce électronique a été formé dans le but d'énoncer les principes de la protection des consommateurs dans le commerce électronique. Le principe 7 stipulait ceci: «Les commerçants ne devraient pas transmettre de courrier électronique commercial sans le consentement du consommateur à moins d'être déjà en relation avec ce dernier.» Le problème avec cet énoncé, c'est qu'il n'est pas obligatoire, donc pas exécutoire; par conséquent, il n'est pas très utile.
Le 1er janvier 2003, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques est entrée en vigueur. C'est une nouvelle loi au Canada. Les adresses de courriel sont des renseignements personnels, mais cela ne s'applique qu'au Canada, de sorte qu'encore une fois, les envois massifs de messages électroniques non sollicités qui proviennent de l'étranger échappent à cette loi.
Pour permettre aux fournisseurs d'accès Internet, aux organismes d'application de la loi et aux individus d'exiger que les expéditeurs de pourriels cessent d'envoyer de l'information tout en ayant le droit d'intenter des poursuites, j'en suis venu à la conclusion qu'il nous fallait une loi. Nous devons adopter cette loi, en plus d'utiliser des logiciels de filtrage, d'informer les consommateurs et d'appliquer des codes d'autoréglementation.
De quels types de pourriel parlons-nous, et quelle ampleur le problème est-il en train de prendre? Selon un rapport, le Canadien moyen reçoit environ 150 courriels par semaine. Nous savons que plus de la moitié de ces courriels — en fait, c'est presque 60 p. 100 — sont des pourriels. C'est la moyenne actuelle par ménage au Canada. Quelle forme ces pourriels prennent-ils?
D'après certaines données — et il y a beaucoup de données, selon les pays —, le tiers des pourriels concerne des produits comme des cartouches d'encre bon marché, des stylos, et d'autres choses de ce genre, dont personne ne veut. Environ 24 p. 100 offrent des services financiers — voulez-vous refinancer votre maison et obtenir une hypothèque à taux réduit, ou avez-vous soudainement besoin d'argent comptant ou d'une forme de financement? — et 18 p. 100 contiennent de la pornographie ou de l'information sur des sites à contenu sexuel. Cinq pour cent sont franchement frauduleux. Je pense au type de lettres que l'on peut recevoir, certaines en provenance d'Afrique, du genre: «J'ai besoin de votre numéro de compte bancaire. Quelqu'un m'a volé de l'argent et vous recevrez 20 millions de dollars si vous me donnez votre numéro de compte de banque et y déposez l'argent.» Nous en recevons presque tous les jours; il s'agit de fraude pure et simple.
Quand j'ai commencé à recevoir ces messages il y a des années, je les transférais automatiquement à la GRC. On a fini par me téléphoner pour me dire de ne plus les envoyer, que la GRC en recevait une multitude chaque jour et que je n'avais qu'à ne pas en tenir compte.
Le sénateur Corbin: Vous les inondiez de messages non sollicités.
Le sénateur Oliver: Exactement.
Ensuite, 20 p. 100 de ces messages contiennent de la publicité diverse que nous n'avons pas demandée et que nous ne voulons pas, et ces messages n'appartiennent à aucune des autres catégories. Voilà ce qui compose le pourriel.
Quel est le rôle d'Internet et du pourriel dans notre vie, et pourquoi est-ce que cela devrait être si important pour nous? À mesure que le nombre d'utilisateurs augmente, Internet devient graduellement une partie intégrante du quotidien de la plupart des Canadiens. On s'attend à ce que l'utilisation continue d'augmenter. Le nombre d'utilisateurs d'Internet dans les pays de l'OCDE était de 231 millions en 2001 et, dans le monde entier, de 591 millions en 2002. On s'attend à ce que, d'ici la fin de 2004, le nombre d'utilisateurs dans le monde entier se situe entre 709 et 945 millions.
De nombreux analystes de marchés considèrent que le courriel freine la croissance d'Internet. Il rattrape rapidement le téléphone en tant qu'outil de communication essentiel sur les plans commercial et social. Le courriel est devenu un outil puissant, non seulement pour la diffusion d'idées et d'information, mais aussi pour le commerce électronique, y compris le marketing direct.
Je sors d'une séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Un témoin nous a dit que les gens peuvent maintenant acheter du vin directement dans Internet. Le problème, c'est qu'au Canada, il existe des barrières commerciales interprovinciales, de telle sorte qu'il est difficile d'acheter du vin de la Colombie-Britannique à partir de la Nouvelle-Écosse.
Parce que c'est un moyen de communication rapide et relativement peu coûteux, le courriel est devenu l'un des principaux outils de communication à des fins personnelles et professionnelles, tant au Canada qu'à l'étranger.
La International Data Corporation, IDC, estime qu'à l'heure actuelle, il y a environ 700 millions de boîtes de courriel dans le monde et que ce nombre passera à 1,2 milliard d'ici 2005. C'est une augmentation très rapide. IDC prévoit que le volume du courriel continuera d'augmenter rapidement. D'après les estimations, quelque 31 milliards de messages ont été transmis dans Internet en 2002, et ce nombre atteindra au moins 60 milliards d'ici 2006.
Parallèlement à la croissance d'Internet et du courriel, le nombre de messages électroniques non sollicités, ou pourriels, envoyés en lot a connu une croissance spectaculaire depuis quelques années. Le pourriel peut provenir de n'importe quel point du globe, car Internet est accessible dans plus de 200 pays. La facilité avec laquelle les polluposteurs peuvent changer le serveur d'origine de leurs messages signifie que même si les pratiques locales en matière de marketing électronique découragent le pourriel ou s'il existe des restrictions sur le plan légal, le pourriel peut facilement être envoyé à partir d'un autre endroit. Malgré l'essor des services et technologies antipourriel, le nombre de messages non sollicités poursuit une croissance rapide.
Nous pourrions nous demander pourquoi. Qui est-ce qui télécharge et utilise de la documentation sur le Viagra ou l'augmentation du volume des seins? Cela n'a pas d'importance. Il y a tellement de pourriels envoyés que si 0,001 p. 100 des gens achetaient le produit proposé, l'expéditeur ferait 1 500 $ par semaine. Les profits réalisés sont énormes. Toutefois, il faut se rendre compte du nombre de messages qu'un seul polluposteur peut envoyer en une journée. Il peut envoyer des dizaines de millions de messages. Il suffit d'une poignée de gens autour de la planète, disons 29, qui cliquent et achètent un produit pour que le polluposteur réalise un profit.
La difficulté à repérer les polluposteurs constitue l'un des autres grands problèmes. M. Richard Simpson, d'Industrie Canada, est allé à Genève en février dernier pour assister à un congrès international sur la lutte contre le pourriel. Il m'a transmis des documents qui ont été distribués à l'occasion de ce congrès organisé par l'OCDE. L'un d'eux est cette brochure que j'ai ici. Je vais en lire un paragraphe qui décrit la difficulté à repérer les polluposteurs. Il expose la raison pour laquelle nous avons besoin d'une démarche à volets multiples pour régler ce problème. Je cite un extrait du paragraphe 29 de la brochure.
Il est difficile de repérer les polluposteurs. Ils emploient diverses méthodes pour cacher leur identité. Les adresses d'origine sont choisies au hasard de manière à ne pas être facilement repérées. Des programmes de production de pourriels génèrent automatiquement de faux en-têtes et de fausses adresses d'expéditeur.
Si je recevais un courriel de mon épouse, l'expéditeur serait «L. Oliver». Je saurais d'où vient le message. Toutefois, l'expéditeur d'un courriel pourrait être «L. M. Oliver». Le nom serait modifié légèrement. Le message pourrait proposer un produit de soins corporels.
Les polluposteurs sont rusés. Ils falsifient les en-têtes de manière à éviter qu'on les identifie. Ils sont passés maîtres dans cet art. Ils modifient sans cesse les données sur l'expéditeur. Ils peuvent les changer chaque heure ou plusieurs fois par heure. Ils changent d'identité et ils sont difficiles à dépister.
Les faux en-têtes permettent aux polluposteurs de ne pas tenir compte des demandes des destinataires qui veulent que leur adresse soit retirée des listes d'envoi, et de cacher leur identité en la rendant impossible à dépister. D'autres polluposteurs sondent Internet pour utiliser les relais ouverts dans d'autres pays, afin qu'il soit impossible de remonter à la source de leurs messages. Selon Spamhaus, les sources directes représentent la moitié du pourriel transmis par des relais de courriel à l'échelle mondiale. L'autre moitié est transmise par l'intermédiaire de tiers, comme des serveurs mandataires ou des relais ouverts. Autrement dit, les expéditeurs sondent le réseau et tentent de mettre la main sur des noms et des identificateurs libres pour éviter d'être repérés.
Certains polluposteurs ouvrent des comptes de courriel gratuits et les abandonnent avant d'être pris. Ces comptes peuvent être en service pendant 15 minutes et être ensuite abandonnés.
Les polluposteurs rédigent aussi des programmes qui se chargent dans plusieurs comptes, de telle sorte que quand un compte devient inactif, un autre prend automatiquement la relève. Beaucoup de polluposteurs passent simplement à un autre fournisseur d'accès Internet quand leurs comptes sont fermés parce qu'ils se sont fait prendre à diffuser du pourriel.
Les polluposteurs appliquent de nombreuses méthodes pour cacher leur identité et, par conséquent, il est très difficile de les repérer.
J'ai parlé à beaucoup de gens, y compris des avocats, des directeurs de fournisseurs d'accès Internet et des organismes; ils ont dit qu'il était très important de faire participer tous les intervenants. Honorables sénateurs, je précise que lorsque j'ai rencontré Mme Robillard, je lui ai dit que j'avais déposé le projet de loi S-2 devant le Sénat et qu'il serait transmis à ce comité, qui allait entendre des témoins. Je lui ai dit qu'à mon avis, il y avait d'autres mesures que le gouvernement du Canada devait prendre en même temps. Elle m'a demandé lesquelles. J'ai répondu que selon moi, elle devrait bientôt tenir une table ronde à laquelle participeraient de nombreux intervenants, car après le dépôt du projet de loi S-2, j'ai reçu beaucoup de courriels légitimes m'encourageant à aller de l'avant. Les gens estiment qu'il est grand temps d'agir. Ils craignent que leurs enfants reçoivent du matériel pornographique. Ils ne peuvent pas se procurer de filtres contre ce type de contenu. On m'a félicité d'avoir agi.
J'ai dit à la ministre qu'à mon avis, elle devrait tenir une table ronde avec de nombreux intervenants, y compris les fournisseurs d'accès Internet comme Rogers et Microsoft. D'autres individus m'ont dit qu'ils aimeraient participer à une table ronde organisée par la ministre afin de formuler une stratégie canadienne à volets multiples. La discussion réunirait des fournisseurs d'accès Internet et de service de courriel, des agents de commercialisation par courriel, des entreprises, des organismes antipourriel, des associations de protection des consommateurs — il y en a beaucoup au Canada — des fournisseurs de produits antipourriel et bien d'autres encore. La ministre m'a dit qu'elle était intéressée à emprunter cette voie parallèlement à l'examen du projet de loi par un comité du Sénat.
La ministre annoncera bientôt la formation d'un tel groupe de travail. Nous examinerons beaucoup de nouveaux moyens de régler ce problème.
M. Michael Binder m'a rendu visite à mon bureau. Il travaille à Industrie Canada et il est chargé des questions technologiques, comme les problèmes liés au téléphone, au téléphone sans fil et au pourriel. L'une des premières choses qu'il m'a dites est que ses collègues avaient lu mon projet de loi. Ils ne sont pas d'accord avec tous ses éléments, mais ils sont ravis de son existence. La principale raison de leur satisfaction est que ce projet de loi sensibilisera les Canadiens au fait que le problème est important. La sensibilisation est un bon moyen de mettre fin au pourriel.
Qu'est-ce que je veux dire par là? Il serait utile que plus de Canadiens sachent ce qu'ils peuvent faire ou ne pas faire pour décourager la diffusion de pourriels. Il y a des gens qui ne savent pas que quand ils cliquent pour regarder le contenu du pourriel, leur adresse de courriel est transmise à d'autres polluposteurs. Les gens ne devraient pas ouvrir ce genre de messages.
Il y a d'autres choses que le Canadien moyen devrait savoir. Il pourrait y avoir un programme d'information, et la ministre est intéressée à contribuer à la promotion d'une telle mesure.
La sensibilisation permettrait également d'informer les gens qu'il existe certaines solutions technologiques. Il se vend des filtres peu coûteux. Il y a d'autres mesures que nous devrions prendre au bureau pour protéger nos réseaux et essayer de mettre un frein aux pourriels.
Je vous parlerai des conclusions de l'étude de l'OCDE de février dernier. Par la suite, je vous préciserai le motif et l'importance de trois ou quatre articles du projet de loi.
Selon la conclusion de l'étude de l'OCDE, les courriels et les autres messages électroniques sont devenus un moyen de communication extrêmement important et populaire en raison de leur faible coût et de leur envergure planétaire. Cependant, la prolifération des pourriels menace la convivialité et l'efficacité des messages électroniques. Plus généralement, elle mine la confiance des utilisateurs. Diverses mesures et initiatives ont été prises par les pays de l'OCDE pour s'attaquer à la prolifération récente des pourriels et raffermir la confiance des utilisateurs. Néanmoins, il ne semble pas que ces mesures techniques et ces initiatives d'autoréglementation aient encore réussi à ralentir la croissance des pourriels. Dans nos efforts accrus pour s'attaquer au problème, il faudra tenir compte qu'aucune solution unique ne réussira vraisemblablement à mettre un frein aux pourriels et qu'il faudra recourir à la coordination internationale face à un problème qui ignore les frontières nationales.
Toutes les solutions adoptées actuellement comportent leurs limites. Les solutions juridiques se heurtent à une difficulté: les expéditeurs de pourriels réussissent souvent à dissimuler leur identité et à étendre leurs activités au-delà des frontières. On conteste les solutions d'autoréglementation pour s'assurer que les polluposteurs offrent une participation volontaire et respectent les codes de déontologie de l'industrie. La sensibilisation et l'éducation du public sont nécessaires afin de favoriser l'adoption de pratiques informatiques plus sûres. À cet égard, les stratégies de lutte contre les pourriels pourraient s'intégrer aux campagnes générales de sécurité sur Internet. Sur le plan technique, il faut déployer des efforts soutenus pour mettre au point et utiliser des outils techniques afin de combattre les pourriels, de sorte que ceux-ci ne puissent déjouer les filtres des FSI et des autres fournisseurs.
Quels sont les aspects de ce projet de loi qui, selon moi, peuvent aider à surmonter quelques-uns des problèmes cernés par Industrie Canada, l'OCDE et plusieurs autres groupes?
La question qui m'est le plus souvent posée par les journalistes est la suivante: «Étant donné que vous reconnaissez que la plupart des pourriels proviennent de l'extérieur du Canada, quelle est l'utilité de votre projet de loi? Peut-être émanent-ils de l'Asie ou de l'Afrique. Nous ignorons leur provenance. Que pouvez-vous donc faire à Ottawa, qui est au Canada, pour mettre fin à ce problème?»
Il y a deux ans, la Cour suprême de l'Australie a tranché dans l'affaire mettant en cause une personne qui avait envoyé un pourriel émanant du New Jersey aux États-Unis et ouvert en Australie. L'affaire s'est rendue jusqu'à la Cour suprême qui a statué que l'endroit où le courriel est téléchargé ou ouvert possède la compétence pour instruire l'affaire. Par conséquent, une instance en Australie possédait la compétence et les pouvoirs nécessaires pour intenter une action contre la personne qui a envoyé le pourriel du New Jersey, aux États-Unis.
Aux termes d'un article du projet de loi S-2, l'expéditeur d'un pourriel peut faire l'objet d'une poursuite criminelle et civile, si son pourriel est diffamatoire, frauduleux ou préjudiciable, et s'il est ouvert au Canada. Ainsi, le projet de loi est très différent de toutes les mesures législatives qui, selon moi, ont été présentées par un état américain ou par le gouvernement américain ou encore par un autre pays.
La face intérieure du plat supérieur contient le sommaire des principaux articles et l'explication de leur sens. Sans les lire intégralement, je dois dire que l'un de mes principaux objectifs consistent à prendre des mesures immédiates pour protéger les jeunes enfants qui utilisent les courriels contre les sites à caractère sexuel ou pornographique, la fraude et les autres aspects répréhensibles dans les pourriels. Pour ce faire, j'ai proposé une infraction très grave dont l'auteur est passible d'une amende de 5 000 $ s'il est démontré que le pourriel est destiné à une adresse qui avait été désignée par les parents comme une adresse d'enfants. Des poursuites pourraient être intentées si le projet de loi était adopté.
Honorables sénateurs, j'ai parlé longtemps. Je vous remercie infiniment de m'avoir donné l'occasion de vous faire part d'une solution possible à un problème multiple. J'aimerais que le Canada prenne l'initiative en adoptant une mesure législative. Comme vous le savez, la Nouvelle-Zélande, l'Australie, la Communauté européenne et les États- Unis ont adopté, en fait, des lois à cet égard, tant au gouvernement fédéral que dans de nombreux états. Certains des grands FSI, y compris America Online, Microsoft et les autres, se servent de ces lois pour entamer des poursuites judiciaires importantes contre des polluposteurs bien connus aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Ces lois servent. Je suis sûr que vous avez tous lu, il y a deux ou trois mois, les importantes poursuites judiciaires qui ont été intentées contre des polluposteurs à l'aide des lois maintenant en vigueur.
Je vous remercie, honorables sénateurs.
La présidente: Je vous remercie sénateur Oliver.
Le sénateur Phalen: Je pense que vous méritez des félicitations pour le travail que vous avez accompli avec ce projet de loi. Il y a plusieurs questions que j'aimerais poser pour m'éclairer, et je ne voudrais pas qu'on croit à tort que je m'oppose au projet de loi.
À titre de sénateurs, nous devons tenir compte des opinions de tous les Canadiens. Croyez-vous qu'il y ait du publipostage légitime et, le cas échéant, que proposeriez-vous pour le protéger?
Le sénateur Oliver: C'est une excellente question. En fait, il y a bien des exemples de publipostage légitime. De nombreux filtres posent un problème. Ils bloquent les bons courriels comme les mauvais. Aucun filtre actuellement sur le marché ne bloquera que les mauvais courriels pour ne garder que les bons. C'est pourquoi je ne pense pas que les filtres constituent la solution à adopter. En fait, je parlais l'autre jour à un de mes amis à Toronto, et celui-ci m'a demandé: «Pourquoi te fais-tu tant de souci pour les pourriels? Je n'en reçois pas.» Je lui ai alors répliqué: «As-tu reçu le courriel de l'un de nos amis l'autre jour?» Il m'a répondu: «Non, mon filtre l'a probablement bloqué.»
Il y a plusieurs courriels commerciaux légitimes qui doivent être autorisés parce que, comme je l'ai mentionné, il s'agit d'une façon moderne de faire du marketing direct qui est peu coûteuse et qui est préférable au téléphone, au télécopieur ou au vendeur se rendant chez vous ou à votre bureau. Il s'agit de publipostage légitime. La solution ne consiste pas, sénateur, à installer un filtre susceptible de bloquer ces courriels valables.
Dans mon projet de loi, j'ai essayé de montrer cette différence en utilisant ce que nous appelons des listes d'inclusion et d'exclusion. Les FSI, les fournisseurs de services Internet, disposeraient de la liste des personnes que vous autorisez à vous faire parvenir de l'information. Selon des documents que j'ai lus, plusieurs Canadiens reçoivent de l'information portant la mention Victoria's Secret. Les Canadiens souhaitent acheter les produits de plusieurs autres entreprises. Ces entreprises envoient régulièrement des courriels commerciaux pour annoncer les produits que vous pouvez acheter: parfums, vêtements, et cetera. Si nous disposions d'une liste d'inclusion ou d'une liste d'exclusion, vous pourriez préciser si vous souhaitez ou ne souhaitez pas recevoir de l'information de ces entreprises, ce qui protégerait les courriels commerciaux légitimes que nous souhaitons tous recevoir.
Le sénateur Phalen: L'article 7 du projet de loi porte sur les membres obligatoires, tandis que le paragraphe 4(5) traite des droits d'adhésion. Cela signifie-t-il qu'aucun fournisseur de services Internet ne serait autorisé à offrir ses services à la population canadienne, à moins d'être membre de cette organisation et d'avoir acquitté les droits d'adhésion?
Le sénateur Oliver: C'est effectivement le cas. Lorsque j'ai rédigé la disposition, je savais qu'il y avait déjà une association canadienne des fournisseurs de services Internet. Il aurait été facile de lui dire: «Écoutez, nous songeons à rédiger un projet de loi. Souhaiteriez-vous être l'organisation qui régira les fournisseurs de services Internet?» Après avoir discuté de la question avec certains avocats et rédacteurs, nous avons décidé qu'il ne serait pas pertinent de lui imposer cette responsabilité parce que la solution devrait être nationale et que le gouvernement devrait avoir la possibilité de créer sa propre organisation.
Par contre, le gouvernement pourrait dire aux fournisseurs actuels de services Internet: «Voilà ce que nous souhaitons faire. Voilà quel sera le coût. Voilà comment nous financerons le tout. Êtes-vous prêts à collaborer avec nous?» Je voulais donner au gouvernement actuel l'alternative d'utiliser l'organisation actuelle ou de constituer la sienne. Il aurait ainsi le droit de négocier avec les fournisseurs.
Je suis conscient qu'il y a des fournisseurs de services Internet importants et secondaires. Soit dit en passant, America Online bloque plus de trois millions de messages quotidiennement. Certains fournisseurs de Terre-Neuve et de Colombie-Britannique n'ont que quelques douzaines d'abonnés. Des entreprises comme AOL et Microsoft ont probablement les moyens de payer les droits d'adhésion, ce que ne pourrait pas se permettre un fournisseur n'ayant que quelques douzaines d'abonnés. Pour répondre à votre question, sénateur, le gouvernement devrait négocier des tarifs dégressifs en fonction de la taille du fournisseur.
Le sénateur Phalen: Je pense que vous avez abordé cette question dans votre déclaration. L'Association canadienne des fournisseurs Internet appuie les initiatives d'autoréglementation. Selon elle, un règlement ou une loi ne pourrait pas être suffisamment souple pour s'adapter au rythme rapide des changements technologiques sur Internet. Que proposez- vous pour résoudre ce problème?
Le sénateur Olivier: Premièrement, j'ai rencontré les dirigeants de l'organisation dans mon bureau. Je leur ai parlé au téléphone et nous avons échangé de la correspondance. J'ai également saisi Industrie Canada de cette question. L'Association canadienne des fournisseurs Internet, l'ACFI, ainsi que des FSI souhaiteraient participer à la table ronde de concert avec la ministre afin d'aborder ces questions avec tous les intervenants, y compris les groupes représentant les consommateurs.
Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, la ministre a consenti à organiser une telle table ronde. J'espère que cette initiative permettra de résoudre bon nombre des problèmes concernant les droits d'adhésion ainsi que la portée de la législation et de la réglementation.
Le sénateur Phalen: Je voudrais dire au sénateur Oliver de continuer son bon travail.
Le sénateur Oliver: Je vous remercie, sénateur.
[Français]
Le sénateur Corbin: Je tiens à vous féliciter chaleureusement pour votre initiative. J'ai l'impression que nous allons tous acquérir une bonne éducation et une bonne formation eu égard à ce domaine complexe et cette question spécifique qui afflige Internet.
[Traduction]
Sénateur Oliver, beaucoup de questions vous seront posées. M. Michael Binder a fait connaître les aspects de votre projet de loi sur lesquels il n'est pas d'accord. J'aimerais savoir quels sont ces quelques aspects.
Le sénateur Oliver: La dernière question du sénateur Phalen portait sur un de ces aspects. Le gouvernement veut-il vraiment prendre les mesures pour régir les fournisseurs de services Internet lorsque ceux-ci affirment que la technologie change si rapidement qu'on peut se demander si le gouvernement pourrait s'adapter à un tel rythme? Existe-t-il une autre une autre solution qui nous permettrait de nous attaquer au problème des pourriels sans engager le gouvernement à essayer de régir directement ou indirectement les fournisseurs de services Internet? C'est un problème.
La deuxième préoccupation de M. Binder et des autres fonctionnaires du ministère est la suivante: pourquoi n'avez- vous pas essayé d'augmenter la portée des lois actuelles, notamment la Loi sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la concurrence et le Code criminel? M. Binder se demandait pourquoi nous n'avons pas essayé d'intégrer à ces lois des articles portant sur les pourriels plutôt que de proposer une nouvelle mesure législative. Un professeur d'Ottawa a écrit abondamment sur cette question. Il a fait savoir indirectement qu'un projet de loi n'est pas nécessaire et que nous devrions augmenter la portée des lois actuelles. Il y a eu un congrès d'avocats auquel ont participé Microsoft et d'autres entreprises, la semaine dernière. Selon le quotidien The Ottawa Citizen, le professeur Geist aurait dit qu'un nouveau projet de loi n'est pas nécessaire. Microsoft et les autres entreprises ont ajouté qu'une approche unique ne fonctionnerait pas et qu'il faut s'attaquer au problème sous tous les angles et avec l'aide de tous les intervenants.
Le sénateur Corbin: De plus, la solution adoptée devrait probablement être multinationale.
Le sénateur Oliver: Oui.
Le sénateur Corbin: Je suppose que la solution pertinente serait la conclusion d'une entente, d'un accord ou d'un traité international dans lequel les différentes instances pourraient échanger des renseignements et agir légalement sur le plan international. Vous avez parlé d'une affaire dont a été saisi un tribunal australien. C'est très bien, sauf que je vous demande si, compte tenu de la complexité de la technologie en cause et du dédale juridique à l'échelle internationale, vous ne croyez pas qu'il serait préférable que les gouvernements s'emploient à établir un accord international pour ensuite mettre en place la technologie et le cadre juridique pertinents. Je me rends compte que ces mesures initiales sont nécessaires avant que nous lancions des efforts internationaux. Cependant, il me semble que vous pourriez en arriver à un libellé très simple au niveau international pour pouvoir amener tous les pays à s'attaquer de front aux subtilités, si je peux m'exprimer ainsi.
Le sénateur Oliver: Je suis d'accord avec vous, sénateur. Dans sa lettre du 16 janvier 2004, M. Richard Simpson tient les propos suivants:
À la suite de notre réunion de décembre, vous trouverez ci-joint le résumé des activités internationales d'Industrie Canada pour lutter contre le problème des pourriels. Nous serons heureux de vous fournir de plus amples détails, si vous le souhaitez. Nous vous faisons parvenir également un exemplaire du document d'information rédigé en vue de l'atelier de l'OCDE-UE qui a eu lieu les 2 et 3 février 2004.
Par l'intermédiaire du ministère de l'Industrie, le Canada participe déjà à une initiative internationale favorisant la coopération à cette échelle. Vous avez tout à fait raison: il s'agit de la solution pertinente.
J'ai ajouté à mon projet de loi un article régissant les pourriels émanant de l'extérieur du Canada, parce que notre pays a conclu de nombreux accords de réciprocité. Par exemple, si le tribunal ordonne à quelqu'un de verser une pension alimentaire en Nouvelle-Écosse, un tel jugement serait également applicable si cette personne déménageait en Colombie-Britannique. Si elle s'établissait aux États-Unis, en Australie ou en Nouvelle-Zélande, nous pourrions également mettre à exécution un tel jugement.
Nous avons conclu des accords de réciprocité à cet égard et à de nombreux autres égards. Si le projet de loi visait la Nouvelle-Écosse, l'Ontario ou le Nouveau-Brunswick, nous pourrions recourir aux accords de réciprocité existants pour mettre à exécution un jugement rendu contre les polluposteurs.
Le sénateur Corbin: Ne craindriez-vous pas que certains pourraient invoquer les dispositions de la Charte, notamment celle sur la liberté d'expression, pour tuer de telles initiatives?
Le sénateur Oliver: Nous possédons déjà une loi sur la protection des renseignements personnels dans les documents. Dans la Loi canadienne sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, les adresses de courriel constituent des renseignements personnels. Nous pourrions recourir à cette loi, qui respecte la Charte, et en augmenter la portée. Nous pourrions certes nous en servir pour mettre un frein aux pourriels, sans contrevenir à la Charte des droits et libertés.
Le sénateur Corbin: Je voudrais éclaircir, en passant, un aspect à propos du professeur universitaire auquel vous avez fait allusion. Quel est son nom et à quelle université travaille-t-il?
Le sénateur Oliver: Je pense qu'il s'agit de M. Geist.
La présidente: Sénateur Oliver, vous pourriez peut-être le préciser au greffier lorsque vous aurez vérifié le tout.
Le sénateur Corbin: Serait-il utile d'établir un parallèle avec les nombreux arguments que nous avons entendus récemment au sujet des gestes haineux et des homosexuels? On nous a fait valoir qu'il n'était pas nécessaire de modifier le Code criminel, les lois actuelles offrant suffisamment de protection à ce chapitre. Le parallèle est assez pertinent, selon moi. C'est ce que j'ai compris du débat, mais naturellement, cette question a été résolue.
Le cas échéant, je pense que nous devrions faire comparaître cette personne devant notre comité.
La présidente: Je pense que nous avons trouvé son nom et ses coordonnées. Cette personne a été ajoutée à notre liste. Il s'agit du professeur Michael Geist, qui est professeur de droit à l'Université d'Ottawa.
Lors du douzième congrès national du Barreau du Haut-Canada, M. Geist, de la Chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique, a signalé qu'il s'agissait vraiment de se demander ce que nous sommes vraiment préparés à faire pour nous attaquer au problème des pourriels.
Puisque j'ai l'article devant moi — et je vais en laisser un exemplaire au bureau —, je vais vous citer ce que le représentant de Microsoft a dit à la conférence. M. Michael Eisen, directeur administratif des affaires juridiques et générales chez Microsoft Canada, a affirmé qu'une nouvelle technologie pourrait bloquer jusqu'à 90 p. 100 du pourriel ou en ralentir la livraison au point de lui enlever toute rentabilité. Ainsi, il a dit:
Je crois que, pour la première fois, nous voyons la lumière au bout du tunnel, en raison en grande partie du succès obtenu dans la mise au point d'outils technologiques de plus en plus perfectionnés, de l'adoption envisagée ou réelle de lois au Canada et ailleurs et des poursuites entamées contre les principaux polluposteurs.
À nouveau, je signale que, d'après Microsoft, il faut s'attaquer au problème sur plusieurs fronts à la fois, y compris par voie législative.
Le sénateur Corbin: J'hésite à cliquer sur les messages antipourriels. Je me contente simplement de supprimer ce qui s'affiche à l'écran. Mon épouse m'a dit que nous avions reçu cinq messages portant sur la pornographie ce matin. Nous nous contentons de les supprimer. Je n'ose pas suivre les instructions données pour aviser l'expéditeur que je ne souhaite plus recevoir ces courriels parce que je crains de m'attirer de la sorte encore plus d'ennuis.
Pouvez-vous, cher collègue, me donner l'assurance que, si je suis les instructions pour faire retrancher mon nom de la liste d'envoi, je ne tomberai pas de Charybde en Scylla?
Le sénateur Oliver: Je ne puis vous donner cette assurance. D'après plusieurs articles que j'ai lus, certains polluposteurs emploient des méthodes si perfectionnées qu'ils sont capables d'accéder à certaines de ces listes et de les bloquer. On n'a pas encore réussi à mettre au point la technologie permettant de surmonter cet obstacle.
Le sénateur Corbin: Je vous remercie.
Le sénateur Graham: Cher collègue, je vous souhaite la bienvenue et je me joins aux autres pour vous féliciter de cette initiative fort louable. Dans une de ses questions, le sénateur Phalen a parlé — et elle ne vous était pas directement adressée, sénateur Oliver — d'«essayer de faire une différence». Je tiens à souligner que, du simple fait que vous avez pris la peine de venir ici, vous avez effectivement essayé de faire une différence, d'améliorer la société.
Mes questions sont fort simples — je n'en ai que quelques-unes. Y a-t-il quoi que ce soit dans le projet de loi qui pourrait nuire à une activité commerciale légitime?
Le sénateur Oliver: Non. En fait, nous encourageons le recours à l'Internet et au cybercommerce comme un moyen bon marché et sensé de brasser des affaires au Canada.
Le sénateur Graham: Ma question suivante concerne le coût associé à la mesure envisagée. Pouvez-vous nous donner une petite idée de ce qu'il serait et de qui l'assumerait? Serait-ce l'industrie et le gouvernement ensemble? Je suis sûr que vous y avez réfléchi.
Le sénateur Oliver: Je me suis d'abord demandé si le projet de loi à l'étude pouvait être vu comme un projet de loi de finances. D'après les conseils que j'ai reçus et la conclusion à laquelle nous en sommes arrivés, il ne s'agit pas d'un projet de loi portant affectation de crédits et j'ai donc pu le déposer.
Le sénateur Graham: S'il avait porté affectation de crédits, il aurait fallu le déposer dans l'autre endroit auparavant.
Le sénateur Oliver: Justement.
Ensuite, les FSI investissent actuellement beaucoup dans les filtres. Un FSI est comme une autoroute — nous sommes les passagers à bord des autos qui empruntent cette route. Pour aller du point A au point B sur cette autoroute électronique, il faut faire en sorte de pouvoir circuler en toute sécurité et de ne pas rencontrer d'obstacles comme du pourriel. Nos FSI offrent actuellement le service et ils en assument le coût. Ils sont disposés à continuer de le faire, mais si le gouvernement n'agit pas pour mettre fin aux pourriels et en assumer le coût, ils devront acheter plus de largeur de bande pour accueillir toute cette circulation supplémentaire sur leur autoroute. En d'autres mots, ils vont devoir élargir la route à leurs frais, ce qui réduira leurs marges, au demeurant fort minces. Ce n'est pas un commerce très rentable.
S'il leur faut utiliser des bandes plus larges pour acheminer cette charge supplémentaire — des millions et des millions de courriels empruntent l'autoroute —, ils devront engager des dépenses. C'est une autre raison pour laquelle ils aimeraient rencontrer des porte-parole du gouvernement à la table ronde. Ce serait-là un des sujets abordés: «Si, en fait, nous devons dépenser beaucoup d'argent à l'achat de plus de filtres et à l'embauchage de plus de personnel pour aider à stopper l'envoi de ces pourriels, il nous faut de l'aide du gouvernement. Nous sommes disposés à envisager un partage égal des coûts.»
Je ne peux pas parler au nom des FSI, mais je suis sûr qu'il en serait question à la table ronde.
Le sénateur Graham: Je vous remercie.
[Français]
Le sénateur Comeau: Je voudrais féliciter le sénateur Oliver pour l'excellent travail qu'il a fait dans ce domaine.
Certaines expressions françaises sont parfois supérieures à certaines expressions en anglais et le contraire est aussi vrai. Dans ce cas-ci le mot «spam»...
[Traduction]
Nous en ignorons le sens au juste.
Le mot «pourriel» en français est tout ce qu'il a de plus élégant. On pourrait presque le rendre littéralement par «rotten mail». L'expression est plus imagée que «spam», une viande transformée qui est vendue en conserve. Le mot français est beaucoup plus élégant.
Sénateur Oliver, le service de courrier électronique est incontestablement bien moins bon maintenant à cause des pourriels. Mon adjointe pourrait vous dire combien elle doit en supprimer tous les jours. Nous recevons beaucoup de courrier de Canadiens qui tiennent à faire connaître leurs vues sur certains sujets. Il est pénible de faire le tri entre le courriel et les pourriels. Cela coûte énormément cher à tous, non pas simplement aux commerces ou au milieu des affaires, et ce n'est pas mieux à la maison.
Comme l'a dit le sénateur Corbin, parfois, on hésite quant à ce qu'il faut faire. Manifestement, le temps est venu d'agir, et je me réjouis de vous voir le faire.
Vous avez mentionné la création d'un conseil des fournisseurs de services de courrier électronique. Ne faudrait-il pas craindre que le conseil élargisse son mandat et tente de se construire un empire, comme c'est souvent le cas des organes gouvernementaux? Si d'autres sont membres du conseil, pourrait-il devenir beaucoup plus que ce qui est envisagé ici?
Le sénateur Oliver: C'est une crainte constante. Comme vous le savez, vous ne pouvez lui imposer des limites définies au moyen des termes employés dans une loi, dans une règle ou un règlement. Il me semble que la meilleure solution est une surveillance parlementaire. Il faudrait qu'il y ait un comité parlementaire, comme le vôtre, auquel le conseil pourrait faire rapport. On pourrait alors l'interroger directement pour savoir s'il ne tente pas d'élargir son mandat de manière indirecte.
Le sénateur Comeau: Le fait que, si elle n'est pas satisfaite du travail du conseil, la ministre peut nommer ses propres administrateurs et que ceux-ci peuvent à leur tour lancer des initiatives ou adopter des règles internes visant à accélérer le processus souhaité par la ministre, me préoccupe. C'est toujours pour moi une source d'inquiétude dans un projet de loi. Toutefois, l'objectif final mérite qu'on en courre le risque.
Le sénateur Oliver: Sénateur Comeau, vous faites valoir un excellent point, et je suis d'accord. Toutefois, j'ose espérer que le pouvoir de surveillance du Parlement permettrait de surmonter le problème.
Le sénateur Comeau: Avez-vous déjà décidé du comité qui assurerait la surveillance?
Le sénateur Oliver: Non.
Le sénateur Comeau: Inclurait-il des représentants du Sénat et de la Chambre des communes?
Le sénateur Oliver: Oui.
Le sénateur Comeau: Depuis quelque temps, de plus en plus de projets de loi sont soumis au Parlement, ce qui signifie que la Chambre des communes sera intéressée à y participer, tout comme le Sénat.
Le sénateur Oliver: Oui.
Le sénateur Comeau: Envisagez-vous la signature d'un protocole international quelconque avec d'autres pays de manière à pouvoir poursuivre les polluposteurs étrangers? Ils pourraient déménager leurs pénates à l'étranger, dans un pays qui n'est pas signataire du protocole. Si tous ces polluposteurs réussissent à trouver refuge ailleurs, existe-t-il une technologie pour bloquer les pourriels?
Le sénateur Oliver: Actuellement, plus de 200 pays participent à des travaux visant à en arriver à un protocole, et vous savez à quel point il est difficile de convaincre 200 pays de s'entendre sur ce genre de chose. Je suis donc obligé de vous répondre qu'à mon sens, nous n'aurons jamais de protocole universel.
Par contre, Microsoft affirme qu'une certaine technologie dont elle dispose actuellement et que je pourrai observer dans moins d'un mois permettra de bloquer 90 p. 100 environ des pourriels. On se rapproche de plus en plus d'une solution.
Il faudrait avoir une approche polyvalente et combiner à l'installation de pare-feu la création d'un organisme international et l'adoption d'une loi nationale permettant d'entamer des poursuites tant en droit criminel qu'en droit civil, ainsi qu'un volet éducatif. Le recours à tous ces moyens aidera à surmonter le problème. Au fil du temps, il perdra de l'ampleur.
Le Canada joue également un important rôle dans la constitution du tribunal international dont vous avez parlé, vous et le sénateur Corbin. Je ne devrais pas vraiment parler de «tribunal». Nous travaillerions en collaboration avec plusieurs autres États à négocier un protocole qui permettrait de résoudre la question.
Le sénateur Adams: Sénateur Oliver, je vous remercie d'être venu rencontrer le comité ce matin.
J'ai quelques questions à vous poser. Ma belle-soeur reçoit des courriels tous les jours. Moi, je me tiens loin des ordis. Quelle est la différence entre un courriel et l'Internet?
Le sénateur Oliver: L'Internet est le système que nous utilisons pour faire plusieurs choses, dont échanger du courrier électronique. On peut aussi faire des appels téléphoniques sur l'Internet, envoyer des photographies. C'est un peu comme une autoroute qui nous permet de communiquer partout dans le monde.
Le sénateur Adams: Rogers fait la publicité d'Internet haute vitesse. Son prix est-il différent? Y a-t-il de la concurrence?
Parfois, je vais acheter du vin et j'utilise ma carte bancaire. En deux secondes, la transaction est approuvée. Même chose à la station d'essence. En vingt secondes, tout est réglé. Je m'interrogeais au sujet de la vitesse. Les fournisseurs du service de courrier électronique se font-ils concurrence? Comment cela fonctionne-t-il?
Le sénateur Oliver: Vous avez répondu à votre propre question. L'Internet haute vitesse signifie que les connexions se font beaucoup plus rapidement. Dans les régions rurales et éloignées, il n'y a pas de bande large permettant d'offrir le service haute vitesse. Plusieurs protocoles se penchent sur la question actuellement.
En fait, la prestation de ce service dans les régions rurales coûtera plus, probablement, à moins que le gouvernement ne fasse pour l'Internet et le courrier électronique ce qu'il a fait pour le service téléphonique. En effet, le gouvernement avait décidé que l'accès serait universel. C'est pourquoi les Canadiens utilisent tant le téléphone.
Le sénateur Adams: Voilà qui est bon. Si j'utilise ma carte chez Rankin, par contre, il faut parfois plus de cinq minutes avant que la transaction ne soit approuvée.
Une seule personne pourrait m'envoyer 150 courriels pour me laisser croire que de nombreuses personnes sont opposées à l'adoption du projet de loi au Sénat. Il est déjà arrivé que je reçoive 1 500 courriels en 15 minutes peut-être.
Êtes-vous capable d'identifier l'expéditeur des 100 courriels? Le projet de loi réglerait-il ce problème? Pourrez-vous interdire à cette personne d'envoyer plus d'un courriel? Comment s'y prendra-t-on?
Le sénateur Oliver: Voilà une bonne question. J'ai littéralement une collection de dossiers aussi large que cela regorgeant d'information que des gens m'ont envoyée et que j'ai lue sur l'Internet. Un article que j'ai lu il y a quelque temps déjà affirmait qu'il n'existe que 10 à 15 grands polluposteurs environ dans le monde. Ils envoient des dizaines de millions de courriels tous les jours. Puis, il existe toute une multitude d'autres plus petits qui n'en envoient que quelques millions. Les principaux polluposteurs sont connus d'America Online, de Microsoft, de IBM et de Motorola, mais ils passent leur temps à déménager, à changer d'adresse et de ville. C'est pourquoi America Online et Microsoft ont entamé ces énormes poursuites aux États-Unis. Ils envoient ainsi aux polluposteurs le message qu'ils connaissent leur identité et qu'ils vont maintenant leur régler leur compte. Ils n'ont pas réussi à le faire jusqu'ici parce qu'il n'y avait pas de loi leur permettant de le faire. La petite poignée de gens qui font des envois massifs de courriels pornographiques et frauduleux font tant d'argent qu'ils peuvent se permettre de déménager toutes les heures, comme de véritables petits Oussama ben Laden.
Le sénateur Adams: Je sais que les courriels sont utiles à la population locale pour communiquer avec des entreprises privées. Cependant, actuellement, il y a tant de courriels qu'elle n'est plus capable d'établir la communication, et la situation risque de durer. Est-ce que seulement les organismes peuvent le faire désormais? Là où j'habite, étant donné notre culture, nos langues, ce que nous appelons l'écriture syllabique et tout le reste, réussiront-ils à l'avenir à envoyer des courriels en inuktitut, plutôt qu'en anglais ou en français?
Le sénateur Oliver: Je le crois. Je vais vous envoyer un article d'après lequel certains polluposteurs ont fait de hautes études en mathématiques. Dans un des articles rangés dans mes dossiers, il est question du genre de système alphabétique et numérique qu'ils utilisent pour dissimuler leur identité. C'est un article très complexe, parce qu'il traite des symboles qu'ils utilisent pour cacher leur identité et attaquer les autres. Je ne connais qu'un moyen d'y mettre fin, soit les pare-feu perfectionnés d'entreprises comme Motorola, IBM et Microsoft. C'est le seul espoir, parce que ces systèmes sont si perfectionnés et mathématiquement évolués.
Le sénateur Day: Je me joins au sénateur Corbin pour vous féliciter de ce travail vraiment fantastique.
Pourrions-nous en venir à une compréhension commune du problème? Êtes-vous d'accord pour dire que 90 p. 100 environ des pourriels qui inondent les boîtes de courriel canadiennes viennent de l'extérieur? Avez-vous vu ce pourcentage quelque part?
Le sénateur Oliver: Non. Je m'étonne que 90 p. 100 des pourriels viennent de l'étranger.
Le sénateur Day: Je l'ai lu dans plusieurs articles. On évalue à 90 p. 100 le nombre de pourriels qui viennent de l'extérieur du Canada.
Le sénateur Oliver: Quelque 10 à 15 importants polluposteurs sont des Canadiens.
Le sénateur Day: Comme vous le faites remarquer, ils se déplacent la nuit, de sorte qu'il est vraiment difficile de les repérer.
Également en vue de définir l'ampleur du problème, quel pourcentage environ du trafic, ces pourriels dont vous parlez, sur l'Internet est, d'après vous, non sollicité et non désiré?
Le sénateur Oliver: Il y a deux ans, le pourcentage était de 30 p. 100 environ. Il y a un an, il avait grimpé à 40 p. 100 à peu près. Il dépasse maintenant largement les 50 p. 100. Plus de la moitié des courriels qui nous sont livrés aujourd'hui sont des pourriels.
Le sénateur Day: Comme vous l'avez souligné, un volume aussi élevé affecte la confiance des utilisateurs. On ne se donnera tout simplement plus la peine d'utiliser l'Internet et l'ordinateur, si tout ce qu'on y trouve, c'est ce genre de bêtise.
Le sénateur Oliver: Voilà une des principales composantes du problème.
Le sénateur Day: Un volume aussi élevé peut aussi mettre à l'épreuve l'efficacité et l'efficience du système.
Le sénateur Oliver: Vous avez tout à fait raison.
Le sénateur Day: Voilà qui permet de mieux cerner le problème. Pourrions-nous passer maintenant à votre définition du «pourriel», donnée à la page 3 du projet de loi S-2, dans l'article d'interprétation?
On y lit que le pourriel désigne un ou plusieurs messages non sollicités. Je dois bien avoir reçu entre 1 500 et 2 000 messages non sollicités à l'égard du projet de loi C-250, à l'étude actuellement. Ces messages cadreraient-ils avec votre définition du «pourriel»?
Le sénateur Oliver: Oui. Me permettez-vous d'en dire un peu plus à ce sujet?
Le sénateur Day: Faites, je vous en prie.
Le sénateur Oliver: Un des documents dont je suis très fier et dont j'aimerais laisser copie à votre comité est celui de l'OCDE. L'organisme a passé des semaines entières avec des experts juridiques et d'autres spécialistes pour en arriver à une définition convenable du «pourriel», c'est-à-dire à une énumération de ses principales caractéristiques. J'aimerais vous en préciser huit ou neuf. Ainsi, on peut lire qu'à partir de débats tenus en Europe et ailleurs, les caractéristiques qui suivent peuvent être associées au pourriel: tout d'abord, ce sont des messages électroniques; les pourriels sont envoyés par voie électronique.
Ensuite, ce sont des envois en vrac: les pourriels typiques sont envoyés en vrac. Ensuite, ils sont non sollicités, c'est- à-dire qu'ils sont envoyés au destinataire sans qu'il l'ait demandé ou qu'il y ait consenti. Il peut s'avérer difficile de décider si un message est non sollicité quand il existe déjà des relations entre l'expéditeur et le destinataire, mais quoi qu'il en soit, le pourriel typique est commercial, c'est-à-dire qu'il a une fin commerciale, soit de vendre ou de faire la promotion d'un produit ou d'un service. Le pourriel utilise aussi des adresses réunies ou vendues sans le consentement de leur propriétaire. Par ailleurs, le pourriel est habituellement considéré comme étant non désiré, voire inutile, par son destinataire. Ensuite, le pourriel typique est envoyé sans discrimination, sans rien savoir du destinataire autre que son adresse de courrier électronique. Le message est aussi répétitif — ce qui nous ramène à ce que disait le sénateur Adams —, il est le double exact de messages antérieurs ou comporte de très légères variations. Le pourriel sert souvent à des messages qui renferment un contenu illégal, offensant, frauduleux ou trompeur. En effet, d'autres pourriels incluent des messages pour adultes ou un contenu offensant... ce qui pourrait être illégal dans certains pays. Ensuite, il n'y a pas moyen d'arrêter le pourriel. En effet, le destinataire typique du pourriel est incapable de mettre fin à la réception des messages.
Je dois dire que c'est possible avec certains filtres; en effet, à l'époque du projet de loi C-250 que vous avez évoqué, à un moment donné, cela arrivait tellement vite qu'il s'écoulait à peine deux secondes avant que je reçoive un nouveau message, et j'ai donc fait installer un filtre qui a espacé les messages au rythme d'environ un par demi-heure.
Ensuite, on dit: «anonyme ou déguisé: les messages pourriels sont souvent envoyés de manière à déguiser l'identité de l'envoyeur en utilisant une fausse adresse ou de faux renseignements dans l'en-tête. Les expéditeurs de pourriels utilisent fréquemment, sans autorisation, des serveurs de courriels de tierces parties».
Ce ne sont là que quelques-uns des ingrédients, et l'on peut donc dire que partout dans le monde, on se débat pour trouver une définition de «pourriel», mais la définition habituelle est la plus simple que j'ai donnée ici, à savoir un courriel commercial non sollicité qui peut être frauduleux, offensant et pornographique.
Le sénateur Day: Je vous remercie de ces précisions. Si vous pouviez remettre au greffier une copie du document de l'OCDE, je crois qu'il nous serait très utile comme document de référence.
Le sénateur Oliver: C'est un excellent document.
Le sénateur Day: Envisagez-vous de modifier votre définition de «pourriel» pour suivre la définition de l'OCDE?
Le sénateur Oliver: Je suis ouvert à l'idée d'étoffer la définition, mais j'aimerais bien entendre ce que des témoins comme le professeur Michael Geist et d'autres, qui étudient la question depuis des années, auront à dire au sujet de la définition. Si l'on pouvait l'améliorer de manière à donner une meilleure protection aux Canadiens, alors je suis assurément pour.
Le sénateur Day: Je suis content de vous l'entendre dire. Je ne suis pas prêt aujourd'hui à proposer un amendement, mais à mes yeux, cette ébauche de projet de loi soulève une question très importante. Nous vous félicitons tous de l'avoir soulevée. Je suis content d'entendre que, à mesure que nous en apprendrons davantage sur la question, vous serez disposés à faire preuve de souplesse relativement à divers aspects de l'approche proposée.
Je pense qu'une attaque généralisée contre le pourriel, comme vous le comprendrez sûrement, toucherait certaines activités que nous ne souhaitons peut-être pas interdire. Par contre, si nous incluons toutes ces caractéristiques, alors on n'empêcherait pas grand-chose et la loi existante serait satisfaisante. Dans le cas d'un message illégal ou trompeur, nous avons la Loi sur la concurrence et le Code criminel. Nous avons aussi des lois en vigueur comme la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, qui est très utile, surtout pour empêcher ce que vous évoquez, la cueillette d'adresses électroniques sans permission, ce qui est une infraction aux termes de la loi. Il est extrêmement important de ne pas perdre cela de vue.
Si l'on se tourne maintenant vers des messages non sollicités du genre: «Voulez-vous acheter telle ou telle action», il se peut que ce soit une très bonne occasion d'affaire, ou encore: «Voulez-vous aller à la chasse au faisan au Nouveau- Brunswick», à quoi on pourrait répondre: «Seigneur, j'ignorais que l'on pouvait aller à la chasse au faisan au Nouveau- Brunswick.» C'est de la publicité non sollicitée qui pourrait correspondre à votre définition mais que certains destinataires pourraient juger très désirable. Ce sont donc là quelques-unes des questions que je me pose.
La dernière question est celle-ci: pourquoi avez-vous décidé d'utiliser l'approche que les États-Unis ont adoptée, consistant à dire que le pourriel est acceptable à moins que les destinataires, pris individuellement, s'inscrivent et disent qu'ils n'en veulent pas, au lieu d'adopter l'approche consistant à dire qu'il est interdit d'envoyer du pourriel à moins qu'on ait la permission du destinataire, comme l'ont fait la Communauté européenne et la Californie. Pourquoi avez- vous opté pour l'approche américaine?
Le sénateur Oliver: Les pays de l'OCDE sont divisés entre l'adhésion positive ou négative. Franchement, un certain nombre de litiges en Europe, en Australie et en Nouvelle-Zélande permettront de mettre le régime à l'épreuve et de voir lequel fonctionne le mieux. Je suis également ouvert à cela, mais après avoir demandé des conseils juridiques, on a estimé que l'on devrait avoir le droit de consentir parce que cela semble davantage conforme à la manière canadienne. Cependant, si les litiges en instance devant les tribunaux en Australie, en Nouvelle-Zélande et dans divers pays d'Europe montrent que cela ne fonctionne pas, alors je serais disposé à changer de système pour en adopter un meilleur. Pour répondre à votre question, nous avons fait ce choix après avoir écouté des conseils juridiques et examiné ce qui se fait dans d'autres pays.
Le sénateur Day: L'aspect international est flagrant quand on considère que les compagnies qui envoient du pourriel sont généralement nord-américaines, parce que l'Europe a légiféré en la matière. Je crois savoir que la plupart des messages reçus en Europe proviennent d'Amérique du Nord.
Le sénateur Oliver: Les États-Unis ont maintenant une importante loi fédérale antipourriel.
Le sénateur Day: L'aspect international semble très important. Dans le cours de vos discussions avec Mme Robillard et Industrie Canada, si nous avons raison de dire que 90 p. 100 des pourriels qui arrivent dans notre pays sont d'origine internationale, ou une proportion semblable, alors l'aspect international de ce problème doit être examiné très sérieusement de concert avec les autorités d'autres pays.
Le sénateur Oliver: Ne reconnaissez-vous pas que nous avons actuellement au Canada de nombreuses lois d'application réciproque que l'on pourrait invoquer dans un jugement rendu au Canada relativement à un message originaire de l'Inde, d'Afghanistan ou d'Asie? Pourvu que les personnes incriminées possèdent là-bas des actifs permettant d'exécuter les jugements, c'est sûrement un recours viable. Je dis cela parce que vous êtes avocat spécialisé en propriété intellectuelle.
Le sénateur Day: J'ai entendu et apprécié vos commentaires de tout à l'heure au sujet de l'application réciproque des décisions judiciaires. Vous n'êtes pas sans savoir que cela pose une foule de difficultés. Il faut toujours s'assurer que notre pays possède les mêmes règles de base que le pays dans lequel on veut faire appliquer la décision.
Je voudrais par ailleurs soulever une réserve dans un autre domaine. Au sujet de la discussion que vous avez eue avec le sénateur Adams sur l'Internet à haute vitesse et la bande passante, on constate qu'il y a de plus en plus d'appels téléphoniques qui se font électroniquement, numériquement, sur l'Internet. Dans votre définition de «message», englobez-vous les messages imprimés et les documents sur ordinateur, de même que les signaux numériques transformés en signaux audio à l'autre bout?
Le sénateur Oliver: Tout à fait.
Le sénateur Day: Vous engloberiez donc à la fois le téléphone et l'ordinateur?
Le sénateur Oliver: On peut envoyer par courriel une image pornographique. C'est du pourriel. Comme vous le savez, vous pouvez aussi recevoir une voix. Vous pouvez entendre sur votre ordinateur une voix enregistrée disant: «J'aimerais vous inviter à faire telle ou telle activité frauduleuse». Ce sont deux exemples de pourriels.
Le sénateur Day: Nous recevons beaucoup d'appels téléphoniques non sollicités de nos jours. La plupart ne viennent pas par l'Internet, mais il y en a de plus en plus.
Le sénateur Oliver: C'est le CRTC qui s'occupe de cela. Vous empiétez sur leurs compétences. Vous avez tout à fait raison de dire que quand nous aurons complété le protocole pour les messages audio sur Internet, et nous y sommes presque, il nous faudra peut-être alors étendre les pouvoirs du CRTC pour s'en occuper. Au cours d'une audience, il y a un an et demi, ils ont dit: «Nous ne pouvons pas réglementer ni contrôler Internet.»
Le sénateur Day: Nous nous sommes penchés là-dessus dans un autre domaine, et nous devrions mettre le CRTC sur la liste. La semaine dernière, le CRTC a déclaré qu'il s'intéressera à la téléphonie sur Internet. Ils ont dit qu'ils vont commencer à réglementer ce domaine. Merci beaucoup de vos commentaires.
Le sénateur Corbin: J'invoque le Règlement. Pourrions-nous demander au sénateur Oliver de nous remettre une liste des sigles utilisés dans ce domaine précis? Le sénateur Day et vous-même avez utilisé des sigles dans votre conversation.
Le sénateur Day: Désolé, j'ai essayé de l'éviter. Lesquels?
Le sénateur Corbin: Je voudrais une liste des sigles et de leur signification. Puis-je l'obtenir?
La présidente: Peut-être que la Bibliothèque du Parlement pourrait s'en charger, en consultant le sénateur Oliver au besoin. Il y en a quelques-uns dans le document de la Bibliothèque du Parlement. Je l'ai parcouru à plusieurs reprises et cela m'a beaucoup renseigné, mais il serait certainement très utile d'avoir une courte liste de sigles. Je ne suis pas sûr que ce soit un rappel au Règlement, mais c'est une observation valable.
Le sénateur Corbin: Une demande de précision.
Le sénateur Merchant: Sénateur Oliver, je vous remercie moi aussi d'avoir pris sur vous de faire tout ce travail et de nous renseigner. Mes observations ne diminuent en rien le plaisir que je ressens de vous voir vous charger de ce travail, mais j'ai quelques questions et peut-être pourrez-vous atténuer mes réserves. Plus je me renseigne là-dessus et plus je comprends le dossier, plus je trouve facile d'accepter certains compromis que je dois consentir.
Le courrier poubelle existe chez nous sous diverses formes depuis longtemps, parce que nous vivons dans un pays où nous encourageons la liberté du commerce. Cela donne à chacun, le consommateur et le fournisseur, un éventail de choix et la possibilité de faire des choix. Je peux comprendre que les fournisseurs de services Internet aimeraient que nous prenions un règlement quelconque parce qu'ils perdent des occasions d'affaires à cause des expéditeurs de pourriels, mais tout le monde s'efforce de prendre pied sur ce marché. Quand nous entendrons des témoins, j'espère que nous en aurons un éventail diversifié, pas seulement des gens qui proposent de régimenter ce secteur d'activité.
Nous ajoutons des expressions comme «pornographie non sollicitée» qui sonnent toujours la sonnette d'alarme, parce que bien sûr, la plupart des gens ne veulent pas que des documents de ce genre soient envoyés dans leur ordinateur. Cependant, il y a un aspect positif aux pourriels en ce sens qu'ils donnent aux gens l'occasion de faire du commerce.
Je reçois beaucoup d'appels et beaucoup de courrier en tout genre que je ne souhaite pas recevoir, mais cela fait partie de l'environnement commercial dans lequel nous choisissons de vivre, même si ce n'est pas tout le monde qui le souhaite. Nous voulons pouvoir faire librement du commerce, mais j'ignore comment définir cela. Ces mots ont tellement de sens différents et je ne les comprends pas tous.
Le titre abrégé de la loi américaine CAN-SPAM Act de 2003, à laquelle le sénateur Day a fait allusion, est Controlling the Assault of Non-solicited Pornography and Marketing Act of 2003 (Loi de 2003 pour enrayer l'avalanche de pornographie non sollicitée et Loi sur la commercialisation). Elle est entrée en vigueur aux États-Unis en janvier 2004. Peut-être pourriez-vous répondre à cette question: d'après de récentes analyses du phénomène des pourriels, la nouvelle loi n'aurait pas eu d'incidence immédiate sur le nombre de pourriels aux États-Unis. D'après trois vendeurs de filtres contre les pourriels, une faible proportion, entre 1 p. 100 et 10 p. 100, des pourriels envoyés à des adresses aux États-Unis au cours de la semaine suivant l'introduction de la loi en janvier 2004 était conforme aux exigences de la loi en matière d'étiquetage. De plus, un vendeur a dit que le volume de pourriels envoyés au cours de cette période a en fait augmenté. Les analyses indiquent que l'application stricte de la loi est essentielle si elle doit avoir le moindre effet.
Ce sera extrêmement difficile de faire appliquer des lois de ce genre. Serions-nous capables de faire appliquer efficacement une telle loi?
Le sénateur Oliver: Dans l'exemple que vous donnez, le délai est très court. Après l'adoption d'une nouvelle loi et d'un nouveau règlement, il faut élaborer de nouvelles manières de faire et identifier les phénomènes, et il faut donc du temps avant que tout cela parvienne jusqu'à ceux qui doivent respecter la loi. Au cours des quelques brèves semaines de votre exemple, les gens n'ont pas eu le temps d'apprendre et les agents d'application de la loi n'ont pas eu le temps de se mettre au travail.
Il faut laisser faire le temps dans un cas comme celui-là. On dirait que vous vous demandez essentiellement si je suis certain que le pourriel est mauvais, parce que la société est telle que nous voulons pouvoir communiquer commercialement par courriel et recevoir des messages sur de nouveaux produits, sur l'achat et la vente et sur tout ce qui se passe quotidiennement. Pourquoi appeler cela du pourriel? Je n'appelle pas cela du pourriel. Ce qui m'inquiète, ce sont les messages pourriels qui comprennent des annonces de Viagra, d'implants mammaires et d'autres renforts d'organes corporels. Nous savons maintenant que plus de 50 p. 100 des courriels que je reçois et plus de 50 p. 100 de ceux que vous recevez sont des messages qu'aucun Canadien, à mon avis, ne veut vraiment recevoir. Chose certaine, nous ne voudrions pas que nos enfants et nos petits-enfants les reçoivent.
Toutes les statistiques montrent qu'à moins que nous ne prenions des mesures, que ce soit à l'échelle internationale ou par la loi ou par l'éducation, la situation va empirer. Au lieu de se situer à 50 p. 100, à la même date l'année prochaine, ce sera 70 p. 100 ou 80 p. 100. Bientôt, l'Internet sera tellement engorgé qu'il faudra le fermer. Nous ne pourrons même plus envoyer le moindre message ordinaire. C'est pourquoi il faut agir maintenant.
Je suis en faveur de l'utilisation de l'Internet; je m'en sers constamment, à des fins commerciales légitimes et à d'autres fins. Cependant, nous avons tout lieu de craindre l'amplification du phénomène du pourriel, je veux dire les courriels non sollicités, illégaux, frauduleux, pornographiques, qui accaparent tout l'espace. Comme vous le savez, l'espace utilisé pour l'Internet est une large bande passante que les fournisseurs de services Internet doivent payer. Ils ont des sommes limitées pour absorber ce coût. Si nous voulons tous continuer à utiliser l'Internet, si nous voulons que sa croissance se poursuive de manière utile, alors nous devons faire quelque chose pour enrayer le fléau du pourriel.
Comme vous me l'avez entendu dire à maintes reprises, je ne tiens pas mordicus et de façon exclusive à cette petite mesure législative et je ne dis pas que c'est la solution absolue, ni une panacée, parce que ce n'est pas le cas. Nous devons toutefois adopter face à ce problème une approche concertée, multipartite, multi-intervenants.
Le sénateur Merchant: Je comprends cela et je vous remercie d'avoir soulevé cette problématique. Il y a toujours un auditoire pour ces messages. Nous pouvons toujours dire que nous ne voulons pas que de tels messages soient reçus par nos enfants et nos petits-enfants, et je suis d'accord. Cependant, ce n'est pas nécessairement tout le monde qui est de cet avis; il est évident qu'il y a des gens qui mordent à ces publicités. Il y a un marché pour ce genre de choses et je ne sais vraiment pas dans quelle mesure nous pouvons contrôler ce que les autres pensent, font et veulent.
Le sénateur Oliver: Nous pouvons faire leur éducation. On m'a dit qu'il y a des gens qui ouvrent ces messages et qui acceptent l'invitation provenant d'un pays étranger et leur demandant de divulguer leur numéro de compte en banque pour qu'on puisse y déposer des millions de dollars afin d'aider quelqu'un. Il y a des gens qui ont donné leur numéro de compte en banque et qui ont envoyé des chèques personnels au montant de 50 000 $. Ils ont perdu leur argent.
Le sénateur Merchant: C'est un problème.
La présidente: Sénateur Oliver, je vais me limiter à trois questions, dont deux sur la définition de «pourriel». Je vais essayer d'expliquer ma première question.
Vous avez convenu tout à l'heure en répondant au sénateur Day que dans sa forme actuelle, votre définition de «pourriel» engloberait des messages comme ceux que nous avons reçus en grand nombre sur le projet de loi C-250 et d'autres projets de loi. Beaucoup de ces messages, d'après mon expérience, sont envoyés à tous les parlementaires, tous les députés et sénateurs, et la majorité sont envoyés par des particuliers, même si ce sont des lettres types. J'ignore si nous pouvons escompter que des particuliers vont respecter tous les critères établis dans ce projet de loi pour l'envoi de pourriels, par exemple le fait d'identifier le message et de vérifier que le destinataire ne figure pas sur une liste d'interdiction du pourriel. Une chose me frappe: peut-être que nous érigerions une barrière empêchant les citoyens de communiquer avec leur représentant au Parlement.
Cela vous inquiète-t-il? Pensez-vous que cela pourrait-être contesté en invoquant la Charte?
Le sénateur Oliver: Ma réponse est non et non. La définition de la page 2 précise que cela n'inclut pas un message envoyé par une personne à une autre personne avec laquelle elle a une relation commerciale ou personnelle existante.
La présidente: Quelle relation commerciale ai-je avec les gens qui m'écrivent au sujet du projet de loi C-250?
Le sénateur Oliver: Voulez-vous faire bloquer ces messages?
La présidente: Non. Je veux bloquer tout le courrier poubelle dont nous avons parlé toute la matinée, ou tout au moins l'enrayer.
Le sénateur Oliver: Vous ne voulez pas faire bloquer le courrier sur le projet de loi C-250.
La présidente: Je veux que les citoyens soient libres de communiquer avec moi de la même manière que nous recevons des envois postaux et des pétitions.
Le sénateur Oliver: Voulez-vous cela, même si vous pourriez recevoir le même courriel 1 000 fois le même jour?
La présidente: Oui.
Le sénateur Oliver: Eh bien, cela m'étonne.
La présidente: Cela fait partie de ma responsabilité en tant que sénateur.
Le sénateur Oliver: Vous dites que vous voulez recevoir le même courriel 1 000 fois en une seule matinée.
La présidente: Si les gens envoyaient 1 000 cartes postales, essaieront-nous de contrôler ce flot?
Le sénateur Oliver: Mille cartes postales reçues, cela frôlerait le pourriel.
La présidente: Je crois que nous avons des points de vue différents sur ce projet de loi. J'ai clarifié ce que vous essayez de faire. Je vous pose une autre question qui porte aussi sur la définition du mot «pourriel» soit un ou plusieurs messages non sollicités qui sont envoyés et reçus. Je me demande si cette définition n'a pas des conséquences inattendues. Je vous donne un exemple dont vous êtes bien au fait, en tant que président de comités, qui connaît bien les règles. Par exemple, le comité se réunit pour étudier une question, on demande au greffier du comité de contacter des témoins potentiels. Le greffier/la greffière envoie un message non sollicité à un étranger, peut-être au professeur Geist, que nous ne connaissons pas nécessairement, pour lui demander s'il vient témoigner devant le comité.
Est-ce que cela entre dans la définition du pourriel? Il s'agit de message non sollicité.
Le sénateur Oliver: Non, pas du tout. Il faudrait revoir certains des termes utilisés par l'OCDE. Le pourriel ne définit pas seulement les messages non sollicités, publicitaires et non désirés. Les pourriels renferment un contenu illégal ou vulgaire. Qu'est-ce qui serait illégal ou vulgaire dans un message adressé à un professeur pour lui demander s'il peut se présenter devant un comité?
Ce n'est aucunement différent des lettres que m'adressent des écoles pour me demander de venir leur parler du Sénat du Canada. Ces lettres ne sont pas sollicitées, mais elles ne sont pas vulgaires.
La présidente: Au paragraphe 9(1), page 7, il est dit que quiconque autorise un agent à envoyer un courriel en son nom doit aviser le ministre sans délai du nom de l'agent autorisé.
Voulez-vous dire qui autorise un agent à envoyer du pourriel ou n'importe quel courriel? Tous nos assistants envoient régulièrement du courriel en notre nom.
Le sénateur Oliver: Oui. Le courriel est un message qu'un expéditeur envoie par l'Internet à une ou plusieurs personnes. Cela se rapporte à un FSI. Permettez-moi de consulter la définition du FSI.
Un fournisseur de services Internet est défini comme la personne qui fournit un service permettant au public d'avoir accès à l'Internet. Cela visait à donner au ministre une certaine autorité sur le portier, pour ainsi dire.
La présidente: N'est-ce pas pour mettre dans le même panier tous ceux qui sont autorisés à communiquer au nom de quelqu'un d'autre?
Le sénateur Oliver: Non.
Le sénateur Phalen: Que se passerait-il si nous recevions des courriels contenant le mot «sexe» ou «drogue», et cetera, envoyés au nom d'une organisation communautaire ou d'une église. Seraient-ils filtrés?
Le sénateur Oliver: Cela dépend du filtre. Vous pouvez installer dans votre ordinateur un filtre pour tout filtre. Les scientifiques travaillent sur un filtre qui ne filtrera que ce que vous avez déjà désigné au programme comme étant frauduleux, pornographique, sexiste ou raciste — tout ce que vous voulez bloquer.
Comme je l'ai dit plus tôt, aucune compagnie au monde, même pas Microsoft, ne possède un filtre capable de faire cela. Il n'y a pas, à ce jour, de filtre vraiment efficace.
La plupart des fournisseurs de services Internet ont large éventail de filtres comme portiers pour filtrer tous les courriels qui entrent dans leur système. Cependant, les filtres utilisés aujourd'hui ne sont pas assez sophistiqués pour faire la distinction dont vous parlez. Il n'existe pas, sénateur.
Le sénateur Corbin: Je voulais parler du même sujet.
Quand je m'abonne à un service Internet, est-ce que le FSI se dégage de toute responsabilité si je reçois du pourriel? Quel type de contrat existe entre moi, en tant qu'abonné, et le fournisseur de services Internet? Ne doit-il pas me protéger de cette pollution non désirée?
Le sénateur Oliver: La réponse est oui, mais les polluposteurs sont tellement sophistiqués qu'ils peuvent le contourner. Ils changent continuellement leur code et leur méthode.
Avant de le présenter au Parlement, j'ai demandé à quelques avocats très chevronnés et à des FSI d'examiner le projet de loi. Ils m'ont recommandé une chose, entre autres, que l'on retrouve dans le projet de loi, c'est de ne pas avoir une ligne aussi dure envers les fournisseurs de services Internet en les tenant responsables au bout du compte, car il doit y avoir une disposition de non-responsabilité. Ils voulaient dire par là qu'un FSI devrait prendre toutes les précautions nécessaires pour s'assurer qu'aucun contenu pornographique n'est envoyé à l'adresse électronique de votre petit-fils. Les FSI devraient pouvoir prouver qu'ils ont pris toutes les précautions raisonnables en achetant le filtre de technologie de pointe, en recrutant quelqu'un pour faire les vérifications, en contrôlant les identités et ainsi de suite. Si du pourriel continue à passer, le projet de loi a une disposition qui énonce qu'en dépit de cela, les FSI ne peuvent pas être poursuivis en justice. Il s'agit d'une disposition de non-responsabilité.
Les FSI sont les portiers, mais il y a des limites à ce qu'ils peuvent faire. Aujourd'hui, l'expertise des polluposteurs leur permet de contourner n'importe quel filtre. Nous ne pouvons pas vraiment attaquer les FSI quand ils font de leur mieux.
Le sénateur Corbin: À votre connaissance, est-ce qu'un FSI a été poursuivi en justice à ce sujet?
Le sénateur Oliver: Je ne sais pas s'ils ont été poursuivis en justice, mais beaucoup de gens ils ont reçu beaucoup de plaintes d'individus. J'ai rencontré une association de FSI et quelques FSI. Mais, je ne peux pas répondre à votre question.
Le sénateur Corbin: D'accord. Adoptons un point de vue plus extrême au sujet de votre projet de loi. Nous espérons tous que les progrès permanents de la technologie permettront de résoudre tôt ou tard ce problème. Dans ce cas, votre projet de loi deviendrait inutile. Cela est-il possible?
Est-ce un point de vue crédible? Est-ce une confiance en la technologie? Cette initiative n'aurait plus de raison d'être?
Le sénateur Oliver: Tout à l'heure, j'ai cité Michael Eisen de Microsoft. Je vais vous relire ce qu'il a écrit:
Je crois que, pour la première fois, nous apercevons la lumière au bout du tunnel, en grande partie, grâce à la fabrication d'outils technologiques de plus en plus perfectionnés, grâce aux lois élaborées où mises en vigueur au Canada et ailleurs et grâce aux procès intentés contre les plus grands polluposteurs au monde.
Il écrit que leur technologie s'améliore. Son article signale que la technologie actuelle leur permet de filtrer 90 p. 100 du pourriel. Selon lui, nous avons encore besoin de mesures législatives, car, une fois qu'elles seront adoptées, nous pourrons poursuivre, au plan civil et pénal, les polluposteurs afin de garder le contrôle.
C'est comme un barrage, les eaux de crue arrivent. Vous avez le meilleur barrage au monde. La pression augmente, et finalement, il y aura une petite fuite. Dès qu'il y a une fuite, il y a en aura d'autres. Dès que vous détectez cette fuite, vous utilisez une loi une boucher immédiatement. S'il n'y a pas de loi, que pouvez-vous faire? Il faudrait attendre une année avant de pouvoir boucher le dernier trou grâce à la technologie.
Une bonne mesure législative adéquate est un excellent filet de sécurité.
La présidente: Sénateur Oliver, cette question ne se rapporte pas à votre projet de loi, mais elle nous permettra de mieux comprendre.
Je suis un peu confuse, car je n'ai reçu que très peu de pourriels à mon adresse électronique à la maison. Quelques- uns arrivent à s'afficher, certains sont assez répugnants.
Pourquoi? Est-ce parce que mon FSI a un très bon filtre? Parce que je n'achète jamais rien sur Internet, donc mon nom est inconnu? Quelle en est la raison?
Le sénateur Oliver: Premièrement, les fournisseurs de services Internet, chez vous et ici, sont peut-être différents. Deuxièmement, vu que vous ne l'utilisez pas pour acheter beaucoup — et cela revient à la question de l'éducation — vous ne cliquez pas beaucoup dans ces messages pour les afficher.
La présidente: Jamais.
Le sénateur Oliver: Cependant, cela dépend du fournisseur de service Internet et de son filtre.
La présidente: D'accord. Ce que je veux vraiment dire c'est que ça ne ressemble pas à Sisyphus; au moins vous pouvez monter un peu la colline, alors ce n'est pas complètement inutile.
Le sénateur Oliver: J'espère que vous demanderez à M. Binder d'Industrie Canada de se présenter devant le comité. Il m'a dit, dans mon bureau, que plus de 50 p. 100 des messages qu'il reçoit dans son bureau sont des pourriels et ils ont beaucoup de filtres. En vérité, le pourcentage est beaucoup plus élevé.
La présidente: Je ne réfute pas toutes ces statistiques. Peut-être n'aurais-je pas vous dire que je reçois si peu de courriels.
Le sénateur Oliver: Attendez de revenir ce soir à la maison.
Le sénateur Corbin: Je ne peux m'empêcher de penser à notre étude sur les médias et à certains éléments conflictuels dans la réglementation de ce domaine particulier. Je voudrais demander au sénateur Oliver, qui au Canada et au niveau fédéral — dans les divers services, les organismes, les commissions, appelez-les comme vous voulez — aurait la responsabilité ultime d'appliquer la loi dans ce secteur et de régler le problème? Je suis porté à croire que cette responsabilité s'étend à plusieurs groupes. Ne devrait-il pas y avoir une seule entité habilité à traiter tous les aspects de ce problème?
Le sénateur Oliver: Vous avez tout à fait raison. Je pense qu'il faudrait un organisme. Aujourd'hui, comme vous le savez, nous disposons du Code criminel, du Bureau de la Concurrence et d'Industrie Canada — nous avons plusieurs lois, règlements et réglementations parsemés dans divers services. Franchement, il faut une approche coordonnée à l'intérieur du Canada — c'est une excellente idée.
Le sénateur Merchant: Il est dit ici que, le 31 janvier 2001, des fournisseurs de service Internet ont évalué que le pourriel coûtait environ 2 à 3 $ par mois aux consommateurs. Les consommateurs reçoivent des factures plus élevées de la part des fournisseurs de service Internet qui doivent investir dans les ressources pour améliorer l'équipement en vue de gérer le grand volume de messages électroniques, de traiter les plaintes des clients et de poursuivre en justice les polluposteurs.
Savez-vous ce qu'il en coûte aux clients aujourd'hui? Ces chiffres étaient ceux de 2001.
Le sénateur Oliver: Les coûts sont encore plus élevés.
Le sénateur Merchant: Quel est le taux d'augmentation? Quelles sont les prévisions dans cinq ou dix ans?
Le sénateur Oliver: Ils augmentent. En 2002, le pourriel publicitaire coûtait plus de huit milliards de dollars américains aux États-Unis. Au Canada, le pourriel publicitaire a coûté plus d'un milliard de dollars l'an dernier et, pour cette année, on s'attend à environ trois milliards de dollars. Cela est dû à la perte de productivité, le coût des filtres, du personnel additionnel, des bandes passantes — ces coûts sont transférés aux clients et ne cessent d'augmenter.
Le sénateur Merchant: Bien sûr, les FSI assument certains de ces coûts, et ils en sont mécontents. Cependant, vous estimez que le client paie trop pour cela.
Le sénateur Oliver: Certains de ces coûts sont transférés aux clients.
Le sénateur Merchant: Il serait bon d'avoir un chiffre, ainsi le public se fera une idée puisque que nous essayons de lui expliquer les raisons pour lesquelles nous proposons cette réglementation. Ainsi que je l'ai dit, il y a un certain groupe — et j'en fais partie — qui se préoccupe toujours de trop de lois dans nos vies. Certains d'entre nous estiment que ce n'est pas la meilleure voie à suivre.
Aussi, madame la présidente, et peut-être le sénateur Oliver peut nous en parler, il y a un groupe appelé Direct Marketing Association, DMA. Je ne sais pas s'il existe au Canada, mais apparemment il espère montrer que l'autoréglementation peut fonctionner. Il offre un nouveau service, appelé «e-mail preference service» aux clients qui désirent bloquer le pourriel qu'ils reçoivent; ils peuvent s'inscrire sur le site Internet de l'association. Le DMA pense qu'au lieu d'interdire le courriel publicitaire non sollicité, les individus devraient avoir la possibilité de demander au centre de les supprimer de sa liste d'envoi. C'est une option de non-participation. Je crois que les États-Unis ont un registre concernant les appels téléphoniques non sollicités. Je ne sais pas si cela a fonctionné. Je ne crois pas.
Le sénateur Oliver: Non, cela n'a pas fonctionné. À mon avis, la proposition est irréaliste et les polluposteurs sont trop sophistiqués. Ça ne fonctionnera pas.
Le sénateur Merchant: Est-ce qu'on pourrait entendre les témoignages des personnes de ce groupe?
Le sénateur Oliver: Je crois que vous devriez.
La présidente: Ça à l'air d'être une excellente idée. Au sujet de votre question de tout à l'heure sur les coûts, je pense que c'est un sujet que nous devrions approfondir avec des témoins. Sénateur Oliver, tous les renseignements que vous pouvez fournir seront très appréciés. Non seulement il y va de notre intérêt, mais aussi de notre devoir de continuer à examiner cette question avec d'autres témoins qui comparaîtront.
Le sénateur Oliver: Je voudrais dire que l'autoréglementation, l'enseignement, la loi, la coopération internationale et la réglementation en font toute partie. La réglementation et l'autoréglementation ne sont que des composants de ce puzzle; ces deux composants seuls ne régleront pas le problème, de même que ce projet de loi tout seul ne résoudra pas le problème. Il faut une coordination, mais je crois personnellement qu'une loi canadienne fait partie de la solution.
Je ne souhaite pas que chaque province et territoire promulgue sa propre loi antipourrielle. Si cela arrivait, on serait de nouveau dans le pétrin. Si nous devons avoir une loi, il serait préférable qu'elle soit loi fédérale. Pour continuer dans la lignée que ce que disait le sénateur Day tout à l'heure, nous devrions peut-être même considérer avoir une coordination avec certains autres facteurs afin d'avoir une loi principale.
La documentation que l'on nous a remise pour préparer la séance d'aujourd'hui indique la publication par Industrie Canada d'un document de travail intitulé «Multipostage, document de discussion» en janvier 2003. Cela faisait-il partie de votre discussion et est-ce que les résultats de cette discussion ont été communiqués aux divers intervenants de l'industrie?
Le sénateur Oliver: Non, même si j'ai le document et que je l'ai lu. Mes discussions avec le ministre concernant une table ronde ont eu lieu il y a juste quelques semaines; la table ronde n'a pas encore eu lieu.
Le sénateur Day: Quand les témoins d'Industrie Canada comparaîtront, nous devrons savoir s'ils ont reçu des commentaires sur ce document de discussion publié il y a un an.
Le sénateur Oliver: Ils en ont reçu quelques-uns.
Le sénateur Day: Nous y reviendrons.
À des fins de clarification. Vous ai-je entendu dire que le pourriel était un problème important au Québec?
Le sénateur Oliver: Je l'ai bien dit. Quelques Québécois, surtout les médias, m'ont posé des questions concernant le projet de loi. J'ai accordé quelques interviews à des grands et petits journaux et des périodiques de la province du Québec. Ce projet de loi a suscité plus d'intérêt dans la province du Québec que dans toute autre province. J'ai eu des appels des Territoires du Nord-Ouest et de la Colombie-Britannique, mais la plupart étaient de la province du Québec.
Le sénateur Day: Pensez-vous que cela est dû au fait qu'il y a plus de pourriels au Québec ou parce que les utilisateurs n'en veulent pas sur leurs écrans?
Le sénateur Oliver: Je ne sais pas; mais les médias m'ont dit, au cours d'interviews, que c'était un sujet de préoccupation. Le sénateur Fraser peut avoir une meilleure réponse à ce sujet.
La présidente: Je viens de vous le dire, je n'en reçois pas.
Le sénateur Corbin: Le sénateur Oliver est bilingue, alors cela va de soi.
La présidente: Je n'ai aucune idée de ce que peut-être la raison, il serait toutefois bon de vérifier. Ce pourrait-être dû en partie, comme le sénateur Comeau l'a fait remarquer tout à l'heure, au fait que le mot pour «spam» en français, c'est-à-dire «pourriel» est plus dénigrant, plus à même de signaler aux gens qu'ils ont affaire à quelque chose de plutôt négatif.
Sénateur Oliver, je vous remercie beaucoup, non seulement d'être venu mais aussi de tout le travail que vous avez fait pour présenter cette question. C'est toujours un plaisir de voir un seul sénateur s'occuper d'une question comme vous l'avez fait. Je vous en suis reconnaissant, en tant que sénateur, mais aussi au nom du comité, je vous remercie des délibérations d'aujourd'hui qui ont été extrêmement intéressantes et instructives.
La séance est levée.