Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 1 - Témoignages du 23 avril 2009


OTTAWA, le jeudi 23 avril 2009

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 4, pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

Je suis le sénateur Percy Mockler. Je viens du Nouveau-Brunswick et je suis le président de ce comité. Je voudrais commencer par vous présenter les membres du comité. Je demanderais donc à chacun de se présenter en commençant par le vice-président.

Le sénateur Fairbairn : Sénateur Fairbairn, de Lethbridge, Alberta

Le sénateur Eaton : Sénateur Eaton, de l'Ontario

Le sénateur Rivard : Sénateur Rivard, du Québec

Le sénateur Housakos : Sénateur Housakos, de Montréal

Le sénateur Duffy : Sénateur Duffy, de l'Île-du-Prince-Édouard

Le sénateur Cordy : Sénateur Cordy, de la Nouvelle-Écosse

Le sénateur Mercer : Sénateur Mercer, de la Nouvelle-Écosse

[Français]

C'est notre deuxième réunion en ce qui concerne l'étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier.

[Traduction]

Afin d'avoir un aperçu de l'industrie forestière, il faut commencer par recueillir plus d'information générale. Nous avons parmi nous aujourd'hui des représentants des groupes nationaux suivants : M. Avrim Lazar, président et chef de la direction de l'Association des produits forestiers du Canada; M. Bill Love, président du conseil d'administration du Conseil canadien du bois; et M. Peter deMarsh, président de la Fédération canadienne des propriétaires de lots boisés.

[Français]

Nous recevons aussi M. Jean-Pierre Dansereau, directeur général de la Fédération des producteurs de bois du Québec. Merci de votre présence.

[Traduction]

Le comité remercie les témoins d'être venus aujourd'hui. Je vous invite maintenant à prendre la parole. Je voudrais commencer par M. Lazar. Nous passerons ensuite à MM. Love, deMarsh et Dansereau.

Avrim Lazar, président et chef de la direction, Association des produits forestiers du Canada : Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie le comité d'avoir choisi d'entreprendre cette étude. Bien que nous puissions parler de l'avenir de l'industrie forestière, il s'agit en fait de l'avenir des collectivités rurales du Canada. D'un bout à l'autre du pays, 300 villes dépendent de cette industrie. Même après toutes les pertes d'emplois, l'industrie assure aujourd'hui 275 000 emplois directs. Trois fois plus de personnes dépendent de ce secteur d'activité pour leur emploi, ce qui porte à près d'un million le nombre total de personnes qui sont concernées par le secteur.

Ce qui est peut-être plus important, c'est que dans les villes où l'industrie forestière est présente, il y a très peu d'autres perspectives d'emploi, surtout pour des postes bien rémunérés, de haute technologie et de grande qualité, comme ceux que nous offrons. Sauver cette industrie équivaut à sauver la base même de notre société rurale.

Comme vous le savez, nous avons vécu des périodes difficiles au cours des dernières années. Le marché de l'habitation s'est effondré tout comme le marché du crédit. Ce qui est terrible, c'est que l'industrie forestière a été la première, et une des plus durement touchées par la récession. Au cours des deux dernières années, 50 000 personnes ont perdu leur emploi. La plupart ne veulent pas travailler dans le tourisme, changer des draps ou travailler comme infirmières auxiliaires. Ces personnes aiment travailler dans l'industrie forestière où elles touchent de bons salaires et ont un bon travail.

Y a-t-il de l'espoir? Que pouvons-nous faire, et quel est le rôle du gouvernement? Je voudrais répondre à chacune de ces questions.

Il y a plus que de l'espoir. Il y a la certitude que les marchés reprendront. Ils ne monteront jamais aussi hauts qu'ils étaient dans le cas du papier journal; le monde évolue à l'heure d'Internet. Toutefois, en ce qui concerne la pâte, d'autres types de papier et le bois, non seulement le marché reprendra, mais compte tenu de l'augmentation de la population mondiale, de la croissance de l'économie et de la rareté des ressources naturelles dans le monde, ces marchés seront plus forts que jamais, et le Canada sera bien placé pour répondre à la demande. Le vieux modèle, selon lequel il faut développer les plantations dans des pays comme le Brésil et l'Indonésie lorsque la demande augmente, ne tiendra plus. Ce modèle ne tiendra plus parce que les bonnes terres agricoles serviront aux biocombustibles comme la canne à sucre au Brésil ou encore aux cultures servant à nourrir une population mondiale en croissance.

La fibre nécessaire à l'industrie forestière viendra des forêts boréales, à savoir du Canada, des pays scandinaves et de la Russie. Les Russes ont élargi leur industrie rapidement, mais ils ont eu recours à beaucoup d'emprunts, et la crise financière les a affaiblis. Même les Européens ont souffert autant que nous.

Par conséquent, un marché se développera, et nous serons bien placés pour en profiter. Il faut cependant se demander comment y arriver. Comment pouvons-nous survivre à ce ralentissement et nous préparer à la reprise?

Il ne faut pas oublier que ces deux questions — pas juste la survie, mais aussi la préparation à la reprise — méritent toute notre attention.

Trois facteurs déterminent le sort des emplois de l'industrie forestière, à savoir les marchés qui sont actuellement en baisse mais reprendront, les stratégies commerciales spécifiques des entreprises, dont certaines ont misé juste et d'autres pas. C'est la nature de la libre entreprise. Si vous avez vu juste, vous êtes récompensé et autrement, les conséquences sont claires. Le troisième facteur est la politique du gouvernement qui influe sur chaque facteur de coût de l'industrie : le transport, l'énergie, les arbres, la main-d'œuvre et l'accès aux marchés. Le gouvernement y joue un rôle de premier plan.

Nous espérons que vous vous concentrerez sur le rôle du gouvernement et ce qu'il peut faire pour créer des conditions d'affaires plus concurrentielles.

Quel est le rôle du gouvernement?

Nous devons accepter que les provinces et le gouvernement fédéral ne disposent pas d'assez d'argent pour sauver une industrie qui n'est pas concurrentielle. Nous devons aussi reconnaître que les ministères des Finances n'ont pas assez de pouvoir financier. Cependant, on peut établir des conditions d'affaires concurrentielles et, plus tard, lorsque les marchés reprendront, l'industrie elle-même renouera avec la prospérité.

Pour le moment, nous savons tous qu'il nous faut des filets de sécurité. Les initiatives que les gouvernements ont prises, avec la bonification de l'assurance-emploi, des programmes de partage d'emploi et d'adaptation des collectivités, constituent de bonnes mesures pour nous aider jusqu'à la reprise.

Le gouvernement a aussi un rôle immédiat à jouer pour stimuler l'activité économique générale. Les programmes de dépenses et les politiques macroéconomiques vont dans le bon sens. Certains peuvent douter des programmes de stimulation et de ce qui a été fait sur le plan des politiques macroéconomiques. Mais soyons honnêtes, nous sommes en terrain vierge. Nous devons respecter le courage du gouverneur de la Banque du Canada et son approche novatrice. Il y a beaucoup de bonne volonté et l'approche prise pour nous aider est impressionnante.

On a constaté que le gouvernement tardait à améliorer les conditions d'affaires. Je voudrais formuler quelques recommandations qui pourraient être mises en place rapidement pour améliorer ces conditions.

Premièrement, il faut s'attaquer au monopole du transport ferroviaire. Quatre-vingt pour cent de nos usines dépendent d'un seul chemin de fer. Les frais de transport représentent 40 p. 100 de notre structure de coût. Les chemins de fer demandent trop cher. Les prix ne baissent pas pendant la récession. Les prix augmentent lorsque le prix du carburant augmente. Ils ne baissent jamais lorsque le prix du carburant baisse.

Ils font ce que tout homme d'affaires intelligent avec un monopole ferait : ils tirent tout ce qu'ils peuvent de leurs clients. Les collectivités rurales du Canada qui dépendent d'un moyen de transport bon marché en sont les victimes.

Le sénateur Duffy : Vous dites 40 p. 100?

M. Lazar : C'est 80 p. 100. Ce n'est pas que les compagnies de chemins de fer ne sont pas bonnes. Nous avons le plus grand respect pour elles. Elles sont intelligentes, efficaces et bien gérées. C'est qu'elles jouissent d'un monopole sanctionné par le gouvernement. Elles s'en servent afin de faire des profits pour leurs actionnaires aux frais des Canadiens qui habitent les collectivités rurales. Ce n'est pas que nous ne voulons pas qu'elles fassent de l'argent. Cependant, elles ne devraient pas être les seules, dans la chaîne d'approvisionnement, à en faire.

C'est quelque chose que le gouvernement peut faire. Ce serait bon pour la concurrence. Il ne faut pas s'inquiéter de l'Accord sur le bois d'œuvre résineux. L'accord ne précise pas que les chemins de fer doivent avoir le monopole; cela aurait un effet sur les résultats nets.

Deuxièmement, si on investit dans la recherche et l'innovation, on obtient un crédit d'impôt, mais seulement si on déclare un bénéfice. Pour quelle raison proposerait-on des crédits d'impôt à ceux qui font des profits et les retiendrait- on pendant une récession alors que presque personne ne fait de profit et qu'on veut justement que les entreprises trouvent des moyens novateurs pour sortir de la crise?

Ces entreprises ne demandent pas la charité. Elles disent qu'elles vont investir dans la recherche pour essayer de trouver un moyen de régler le problème; elles cherchent de nouvelles solutions. Le gouvernement approuve; si ces entreprises redeviennent profitables, elles auront des crédits d'impôt. Cependant, entre-temps, l'argent reste dans les coffres du gouvernement fédéral. Je ne comprends pas.

Troisièmement, il y a l'amortissement accéléré. Le gouvernement a des initiatives sur deux ans. Les grands projets d'immobilisations ne se réalisent pas en deux ans. D'ailleurs certains prétendent que personne n'investit. C'est exactement le problème. On ne doit pas seulement penser à la situation actuelle. On doit penser à la reprise et faire en sorte d'être vraiment prêts. Après la récession, le monde sera sans pitié et la concurrence sera vive. Si on est prêt, on pourra obtenir une grande part du marché. Les États-Unis, la France et plusieurs autres pays orientés vers le long terme sont en train de modifier leurs règles fiscales maintenant pour être les premiers sur la ligne de départ au moment de la reprise.

Quatrièmement, on doit mieux soutenir notre transformation vers une industrie verte et le recours à l'énergie verte. Les stimulants pour l'utilisation de l'énergie renouvelable ont tendance à viser seulement l'énergie éolienne et l'énergie solaire. Le Canada dispose de grandes réserves de biomasses. Si vous nous aidez, non seulement ce sera plus rentable, mais cela améliorera aussi notre rendement en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. C'est facile à faire.

Cinquièmement, il y a les marchés du crédit. Nous en avons fait notre principale demande dans le dernier budget. Le gouvernement y a acquiescé. Je dois dire que c'est tout à l'honneur d'Exportation et développement Canada, EDC. Cet organisme n'a pas seulement accordé plus de fonds, il a aussi fait preuve de plus de courage et d'imagination que dans le passé. À notre avis, le gouvernement comprend le besoin de faire fonctionner les marchés du crédit. Nous comprenons qu'il ne peut pas remplacer tout le système financier mondial. Cependant, tout ce que le gouvernement peut faire en termes d'agressivité, d'urgence et de pouvoir expansif pour aider les marchés du crédit à fonctionner sauvera des emplois.

Enfin, quelque chose d'étrange s'est produit aux États-Unis. Ce qui devait être une subvention pour le biodiésel, c'est-à-dire que l'on touche 50 cents le gallon si on ajoute du biocarburant au diésel, est en fait une très grosse subvention pour les marchés de la pâte. Les gens qui utilisent de la liqueur résiduaire, produit naturel provenant des arbres, ont compris que si on ajoute une petite quantité de diésel à la liqueur résiduaire, on peut l'appeler biodiésel. Pour être considéré comme du biodiésel, le diésel doit contenir une quantité minimale de biocarburant. Ce n'était absolument pas du carburant diésel mais seulement de l'énergie verte. Cependant, ils y ont ajouté un peu de diésel et ils ont obtenu une subvention de 200 à 300 $ la tonne de pâte qui, elle, se vend entre 400 et 500 $ la tonne. Donc, cela nous tuera. Pour régler le problème, le gouvernement doit trouver rapidement un moyen de neutraliser cela.

Le président : Merci, monsieur Lazar. Nous passerons aux questions après les autres exposés. Je demanderais à M. Love de prendre la parole maintenant.

Bill Love, président du conseil d'administration, Conseil canadien du bois : Merci, monsieur le président. Je remercie le comité de m'avoir invité. Il n'y a rien de plus important aujourd'hui que d'aborder les problèmes auxquels notre industrie fait face actuellement. Je suis vraiment reconnaissant d'être ici.

J'ai un petit document à remettre, qui sera utile à moi et à vous. Je ne suis pas un lobbyiste rémunéré. Je ne suis pas un professionnel. Je travaille dans l'industrie. Je suis un simple forestier. Je ne fais pas souvent des exposés comme celui-ci.

Je crois être bien qualifié pour parler de ce sujet. Je travaille actuellement à Tembec. Nous sommes une entreprise canadienne de produits forestiers avec un chiffre d'affaires d'environ 2 milliards de dollars. Nous vendons de la pâte, du papier, du bois de sciage, des produits chimiques et des revêtements de sol. Je vis la crise tous les jours.

Tembec est presque morte l'an dernier. L'entreprise a pu se reconstituer un capital et éviter le sort d'AbitibiBowater, qui est sous la protection de la loi sur les faillites. Les problèmes continuent; j'ai licencié 10 personnes dans mon groupe. Les effectifs de Tembec sont passés de 10 047 personnes en 2004 à 6 727 personnes en 2008. Et ils baissent encore. Nous avons licencié 1 400 autres personnes cette année. Notre assiette salariale et le budget des avantages sociaux se chiffraient à 771 millions de dollars en 2004, contre 508 millions de dollars en 2008. Cela représente une réduction d'un quart de milliard de dollars en salaires et avantages sociaux.

Comme M. Lazar l'a dit, ces emplois se trouvent dans des collectivités rurales qui ne comptent qu'une seule industrie. J'ai parlé à mon frère ce week-end; il travaille également dans l'industrie et il a reçu son préavis. Je vis cette situation tous les jours.

Je m'adresse au comité en ma qualité de président du conseil d'administration du Conseil canadien du bois. C'est un poste bénévole que je suis fier d'occuper. Cependant, je ne prétends pas être expert en codes et normes. Je ne fais que travailler dans l'industrie. Le Conseil canadien du bois existe depuis plus de 50 ans. Les énoncés sur sa raison d'être et valeur se trouvent aux pages 1 et 2 du document. Il s'agit du seul organisme national qui maintient et élargit l'accès au marché pour les produits de bois massif en Amérique du Nord. Je m'intéresse aujourd'hui au secteur des produits de bois massif. Notre organisme a été touché par les problèmes de l'industrie. Notre personnel est passé de 22 à 14 employés au cours des trois dernières années.

Il n'est pas facile de traiter de la crise de l'industrie en 10 minutes. Je n'ai donc que quelques messages simples à vous communiquer aujourd'hui. D'abord, si les forêts et l'utilisation du bois étaient gérées de manière viable, le Canada en verrait des avantages économiques incroyables. M. Lazar vous a donné des chiffres, à l'échelle locale, provinciale et nationale. Si nous gérons ces ressources de manière viable, nous permettrons aux générations futures de continuer à utiliser la même ressource renforcée.

Le Canada est un chef de file dans le domaine des zones protégées. Nous avons le plus grand nombre de forêts gérées qui soient certifiées par des tiers indépendants. Le bois constitue le seul matériau de construction renouvelable et durable. Les arbres absorbent le dioxyde de carbone. Ils libèrent de l'oxygène et fixent le carbone. Le carbone, qu'il se trouve dans le bois, les revêtements de sol ou le papier, est fixé pour toute la durée de vie du produit. Une maison normale de 2 400 pieds carrés à charpente de bois fixe environ 29 tonnes de carbone. Cela neutralise les émissions de gaz carbonique d'une voiture pendant environ cinq ans.

On trouvera à la page 3 du document d'autres avantages liés à l'utilisation du bois par rapport au béton et à l'acier. Le bois est le seul matériau de construction neutre en carbone qui existe.

Nos pratiques forestières sont reconnues dans le monde entier, et notre produit est bon pour l'environnement, alors où est le problème? Comme on le voit à la page 4, c'est l'évidence même. Si on n'a pas de client, on ne fait pas d'affaires. Si on ne fait pas d'affaires, on n'a pas d'employés.

Voilà la crise actuelle. J'ai inclus quelques graphiques pour montrer l'ampleur du problème. La page 5 montre la chute abrupte de la demande. Nous sommes passés d'un sommet de 2,2 millions de mises en chantiers à 600 000 mises en chantier. Cela représente une baisse de la demande de 75 p. 100.

À la page 6, on peut en voir l'effet sur nos prix. Ils sont passés de plus de 400 $ l'unité à 190 $ l'unité, ce qui représente une baisse de 50 p. 100. De simples calculs permettent de conclure qu'une baisse de 50 p. 100 du volume et une baisse de 50 p. 100 du prix signifient qu'il reste seulement 25 p. 100 des affaires. Il n'y a pas beaucoup d'entreprises qui peuvent survivre dans ces conditions; c'est pourquoi il y a des licenciements d'employés à la fois permanents et temporaires ainsi que des fermetures.

Quelle est la solution et de quelle manière le gouvernement peut-il aider? La page 7 présente quelques statistiques fort simples. L'industrie du bois de sciage peut produire plus de 30 milliards de pieds-planche chaque année à partir de forêts gérées de manière viable. En 2008, nous n'avons produit que 24 milliards de pieds-planche. Nous expédions environ 10 p. 100 de ce volume, soit 2,4 milliards de pieds-planche, à l'étranger. Le Canada utilise entre 9 et 10 milliards de pieds-planche. Cela signifie qu'il reste entre 10 et 20 milliards de pieds-planche qu'il faut utiliser.

Où est-ce que cela ira? Nous devons développer et diversifier les marchés. Nous devons en tous les cas moins dépendre de la construction résidentielle et du marché américain. À l'heure actuelle, on n'a pas besoin d'autre recherche et développement pour développer de nouveaux marchés. Il nous faut des marchés pour les produits que nous avons déjà. C'est une question de survie. S'il n'y a pas de client, il n'y aura pas d'affaires et pas d'employés.

Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle de premier plan pour aider l'industrie à diversifier ses marchés dans quatre secteurs : les marchés hors-frontières, les marchés que nous avons traditionnellement appelés non résidentiels ou commerciaux, le marché émergent des immeubles à étages multiples et les politiques fédérales internes relatives au bois.

En ce qui concerne les marchés hors-frontières, le Programme canadien d'exportation des produits de bois, aussi appelé Produits de bois canadien, est actif. L'effort pourrait être accéléré et être mieux ciblé avec des objectifs clairs. Je voudrais que l'objectif soit d'augmenter les exportations de 10 p. 100 par année pendant 10 ans. Nous devons penser à plus long terme que ce nous avons fait jusqu'à présent. Cela pourrait se traduire par des exportations de 5 milliards de pieds-planche.

À la page 8, on trouve quelque chose dont nous sommes assez fiers. C'est un exemple d'une application non résidentielle. On y voit l'anneau olympique de 2010, construit en bois. Il s'agit du plus grand toit à portée libre en Amérique du Nord. C'est un système novateur. Le design peut être réutilisé pour d'autres toits commerciaux. Ce qui est important, c'est que nous n'avons inventé aucun nouveau produit. On a utilisé ici du bois de sciage et du contreplaqué, soit 2 millions de pieds-planche de bois de sciage et 19 000 feuilles de contreplaqué.

Imaginez une salade de fruits. Personne n'a inventé la salade de fruits. On a pris des produits existants et on les a assemblés différemment. L'anneau olympique est un exemple de ce que l'on peut faire à partir de produits de base en les assemblant différemment avec un peu d'ingéniosité. Je ne crois pas que l'on ait besoin de plus de recherche et développement à ce moment-ci. On doit trouver des moyens d'utiliser les produits que nous avons.

Le marché non résidentiel nord-américain représente de 6 à 8 milliards de pieds-planche. À l'heure actuelle, les efforts visant le marché nord-américain ne sont pas admissibles au financement accordé dans le cadre du programme Produits de bois canadien. Le programme vise essentiellement les marchés d'outre-mer. Il est beaucoup plus difficile de réunir du financement et un engagement à long terme pour faire des choses en Amérique du Nord.

À la page 9, on peut voir un exemple de bâtiment à étages multiples. Je voudrais que le gouvernement fédéral encourage et soutienne l'utilisation du bois dans ce genre de construction, soit les immeubles de zéro à dix étages. Cette technologie a été développée en Europe et en Scandinavie et y est commercialisée. Voici un édifice de neuf étages, en Angleterre, construit entièrement en bois, bien qu'une fois terminé, personne ne saurait dire que c'est du bois. Pour cet immeuble, on a utilisé environ 1 million de pieds-planche et absolument aucun acier. La structure de l'édifice est entièrement en bois. Sa performance est égale ou supérieure à celle du béton. De plus, l'impact sur la réduction des gaz à effet de serre est très positif. Chaque tranche de 1000 pieds-planche de bois utilisée pour remplacer le béton permet de fixer 3,6 tonnes métriques de carbone dans le bois ou d'éviter que ce même volume de CO2 soit produit par la fabrication de béton.

Le marché non résidentiel nord-américain représente de 5 à 15 milliards de pieds-planche. À l'heure actuelle, les efforts sur le marché nord-américain ne sont pas admissibles au financement accordé dans le cadre du programme Produits de bois canadien. Cela ne veut pas dire que le gouvernement fédéral n'aide pas, mais aucune somme n'a été engagée à long terme relativement à ce marché.

Enfin, en ce qui concerne la politique fédérale sur l'utilisation du bois, nous avons une industrie forestière de calibre mondial, un produit environnemental et le désir d'être plus vert. Cependant, nous ne semblons pas savoir comment utiliser le bois de manière efficace et comment utiliser davantage de bois. Le gouvernement fédéral devrait adopter une politique exigeant une option de construction en bois pour tous ses édifices, les projets d'infrastructure et les projets conjoints qu'il finance, et faire preuve ainsi de leadership.

À la page 10, on peut voir ce que le leadership peut faire. En Finlande, le gouvernement a décidé qu'il avait besoin d'un programme pour utiliser davantage de bois. Ce programme était motivé par le désir de réduire les émissions de CO2. Le gouvernement a mis en place un programme qui permet d'unir les efforts de l'industrie et des associations de fournisseurs de recherche à un solide leadership du gouvernement et à la participation de tous. La consommation de bois par tête a doublé en cinq ans. Cela veut dire que c'est possible.

En conclusion, nous avons une industrie forestière viable et de calibre mondial et le meilleur produit renouvelable de construction qui soit. Mais il faut trouver de nouveaux marchés pour ce produit. Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle important en nous aidant à développer des marchés et en encourageant une plus grande utilisation de bois. Il peut soutenir les avantages économiques incroyables que notre industrie, à l'échelle locale, provinciale et nationale, fournit tout en faisant des contributions positives à l'environnement.

L'Union européenne l'a compris. Elle a publié un livre en 2005 intitulé Tackle Climate Change, Use Wood. J'ai l'édition canadienne de cette publication que je peux vous remettre.

Luttez contre les changements climatiques : utilisez du bois.

[Français]

Peter deMarsh, président, Fédération canadienne des propriétaires de lots boisés : Je vous remercie de l'invitation à comparaître devant vous aujourd'hui. Nous nous excusons de ne pas avoir présenté notre document dans les deux langues officielles.

[Traduction]

Je voudrais souligner trois solutions qui, à notre avis, aideront les propriétaires de lots boisés partout au pays et l'industrie forestière dans son ensemble.

Je suis un propriétaire de lots boisés au Nouveau-Brunswick et je représente la Fédération canadienne des propriétaires de lots boisés. Nous sommes 450 000 familles, réparties dans toutes les provinces, ce qui représente à peu près 2 millions de Canadiens. Nous possédons une toute petite partie des forêts canadiennes, environ 9 p. 100, et pourtant, si ces 9 p. 100 constituaient l'ensemble de nos forêts, nous nous situerions quelque part entre la Finlande et la France en termes de superficie des forêts. Par conséquent, bien que nous possédions une petite partie des forêts canadiennes, elle représente une partie considérable des forêts du monde entier.

Nous sommes aussi un important fournisseur de matières premières à l'industrie forestière, que les deux messieurs à ma gauche représentent. En temps normal, nous fournissons environ 14 p. 100 des matières premières utilisées dans ce pays, ce qui représente plus de 1,5 milliard de dollars pour les collectivités rurales. La dernière année normale, de notre point de vue, était 2004-2005.

Nous sommes au courant des effets dévastateurs sur l'industrie, les entreprises et les usines. Ce sont des répercussions très visibles au sein de l'ensemble de l'économie canadienne. La partie moins visible est la perte de revenus que nous, les propriétaires de lots boisés, avons subie. Cela a été dévastateur pour nous aussi. Nous vous avons donné des chiffres pour le Québec et le Nouveau-Brunswick. Le Québec estime qu'au cours des trois dernières années, les propriétaires de lots boisés et les communautés rurales ont perdu plus d'un demi-milliard de dollars en ventes. Chez moi, au Nouveau-Brunswick, les pertes pour cette année s'élèveront à presque 100 millions de dollars. Nos ventes au Nouveau-Brunswick ont chuté de 80 p. 100 par rapport à 2004. Nous vivons tous la crise.

Ceux qui ont fait des exposés avant nous ont bien expliqué les causes de cette crise, et il n'est pas nécessaire de s'y attarder. Nous aimerions cependant insister sur un point. Dans l'état où elles se trouvent actuellement d'un bout à l'autre du pays, nos forêts ne sont pas une ressource pouvant permettre à l'industrie de surmonter la période difficile que nous vivons tous. Nous comparons notre situation à celle des pays nordiques, qui ont bâti une industrie très compétitive et très moderne grâce à, dans une grande mesure, des forêts très productives, accessibles et bien gérées. Nous croyons qu'il s'agit-là d'une clé à la reconstruction au Canada d'une industrie qui a un avenir en tant qu'acteur compétitif sur les marchés mondiaux.

Dans la mesure où on peut prévoir l'avenir, nous nous attendons à ce que notre industrie soit différente dans cinq ans de ce qu'elle était il y a cinq ans. Elle sera peut-être plus petite ou aura moins de grandes entreprises. Deux autres tendances pourraient cependant renforcer à la fois l'industrie existante et l'économie rurale partout au pays. Nous croyons que le nombre de petites entreprises de produits forestiers à valeur ajoutée desservant les marchés locaux et régionaux va augmenter. Nous pensons aussi que de nouvelles industries se développeront, tout particulièrement dans le domaine de l'énergie. Il est important de souligner que ces tendances éventuelles ne nuiront pas à l'industrie traditionnelle des produits forestiers, qui sera rétablie; elles seront un ajout.

Dans le domaine de l'énergie, il est essentiel que les entreprises énergétiques aient accès à des marchés pour les billots de sciage de grande qualité. Il n'est pas possible de faire de l'argent en vendant du bois uniquement pour produire de l'énergie. De plus, il faudra de bons marchés pour le bois de qualité inférieure destiné aux usines énergétiques; cela viendra compléter les besoins en bois de l'industrie du bois de sciage. Ces deux types d'activité se complèteront.

Je voudrais revenir aux trois points clés. D'abord la sylviculture. Nous avons eu de graves problèmes fiscaux en raison d'une série de désastres naturels qui ont eu une incidence autant sur les propriétaires de lots boisés que d'autres forêts dans tout le pays. Le tout dernier désastre est la dévastation causée par le dendroctone du pin en Colombie- Britannique. Avant cela, il y a eu l'ouragan Juan à l'Île-du-Prince-Édouard et en Nouvelle-Écosse. Et avant cela, il y a eu la tempête de verglas dans l'est de l'Ontario et le sud-ouest du Québec.

Lorsqu'un lot boisé est dévasté par un désastre, les propriétaires subissent une énorme hausse de leur revenu pendant un an ou deux en raison de la nécessité de récupérer autant de bois endommagé que possible. C'est pour cela que nos impôts sont plus élevés que ce qu'ils devraient être. Puis, trois ou cinq ans plus tard, lorsque vient le temps de reboiser, nous n'avons pas de revenus pour couvrir les dépenses. Ce sont deux coups durs.

Nous avons proposé au gouvernement fédéral de créer un régime d'épargne et d'investissement dans la sylviculture. Les détails sont donnés dans le texte de la présentation. Nous croyons qu'un tel régime corrigerait l'injustice causée par des situations comme le dendroctone du pin en Colombie-Britannique et en Alberta. Ce serait aussi un outil vraiment bon pour encourager les propriétaires de tout le pays à investir davantage dans la sylviculture. Enfin, un plan d'action comme celui-ci nous aiderait beaucoup en termes de confiance et d'optimisme.

La deuxième recommandation spécifique concerne les marchés pour l'énergie tirée du bois. Deux types de produits nous intéressent : les granules de bois et les systèmes de chauffage centralisé de petite et moyenne taille pour les collectivités.

Je participe au démarrage d'une petite entreprise dans le centre du Nouveau-Brunswick qui commencera à produire des granules de bois dans deux ou trois mois. Nous sommes une petite entreprise. Pour notre part de 3 millions de dollars du coût d'investissement dans l'entreprise, nous avons mobilisé quelque 125 actionnaires dans un rayon d'une vingtaine de kilomètres de l'usine. L'usine créera 12 emplois. Pour nous, c'est un modèle que l'on pourrait répéter ailleurs au pays.

En ce qui concerne les systèmes de chauffage centralisé de petite et moyenne taille, il en existe des centaines dans de petites collectivités en Europe, surtout dans le nord de l'Europe. La Finlande à elle seule en compte 200. Ces systèmes remplacent ceux qui fonctionnaient anciennement au pétrole provenant de l'Arabie Saoudite. Ils sont alimentés par des coopératives de propriétaires de lots boisés qui se trouvent à 10 ou 20 kilomètres de la communauté.

Quand je pense à ma province, celle du Nouveau-Brunswick, j'imagine 25, 30 ou 40 communautés qui pourraient bénéficier d'un tel système de chauffage à long terme, autonome et sûr. Il conviendrait aux édifices publics au centre de la communauté. On pourrait en ajouter des centaines à travers le pays. Ce genre de granules de bois ou système de chauffage représente une bonne occasion aussi pour les propriétaires de lots boisés, les groupes de consommateurs et les communautés d'investir dans l'industrie qui répond à leurs propres besoins et de garder dans leur économie locale l'argent dépensé pour l'énergie.

Il y a plusieurs choses que le gouvernement fédéral pourrait faire pour encourager ce développement. Les régimes réglementaires provinciaux en place au pays constituent un sérieux problème qui décourage ce type de développement. Des détails sont donnés. Pour ajouter au commentaire de M. Love, nous pensons qu'il faudrait utiliser davantage de bois dans les édifices fédéraux ainsi que du chauffage au bois. Ce serait une occasion incroyable de démontrer la viabilité du chauffage au bois et de montrer la technologie de pointe qui existe, surtout celle venant d'Europe.

Nous aimerions travailler avec le gouvernement pour développer un modèle de fonds d'investissement local supportant l'effort des communautés et des propriétaires de lots boisés pour construire des usines de granules et des système de chauffage dans leurs collectivités.

J'ai parlé du projet auquel je participe dans le centre du Nouveau-Brunswick. Si nous voulions essayer de recueillir les fonds nécessaires à ce projet en vertu des conditions actuelles, nous n'aurions aucune chance d'aller de l'avant. Le financement est l'un des principaux obstacles dans ce qui nous apparaît comme une occasion très prometteuse pour les communautés rurales du Canada.

Le dernier point concerne le carbone. Un marché est en train d'émerger, surtout maintenant que le processus politique s'ouvre aux États-Unis et que le Canada cherche à travailler avec le nouveau système américain. Nous voulons participer aux processus qui établissent les règles d'échange d'émissions de carbone au sein de l'industrie forestière. Nous croyons que c'est une source de revenu pour les propriétaires de lots boisés qui permettra d'améliorer l'effort autour de la gestion viable des lots boisés et de continuer à fournir des matières premières aux industries du bois et du papier.

Nous devons participer au développement des règles pour nous assurer qu'elles ne conviennent pas seulement aux gros acteurs, mais aussi aux propriétaires de lots boisés. Nous avons déjà dit que nous avions besoin d'aide pour couvrir le coût de cette participation, qui est considérable.

Nous travaillons aussi avec le Réseau canadien de forêts modèles pour des projets pilotes relatifs à l'essai de méthodes que nous, propriétaires de lots boisés, utiliserons pour réunir un grand nombre de personnes. Par exemple, pour se lancer sur le marché du carbone, il faut regrouper de plusieurs centaines à plusieurs milliers de propriétaires pour être en mesure de participer à ce marché de manière pratique et réaliste. Nous pensons savoir comment le faire. Nous avons déjà fait cela dans d'autres domaines, mais nous devons essayer ces méthodes dans des projets pilotes sans délai. Nous aimerions que le gouvernement fédéral soit un partenaire dans ces projets.

Ma dernière observation concerne l'assistance à court terme. Nous répétons que l'industrie forestière, si elle doit avoir un avenir, aura besoin de forêts mieux gérées et produisant du bois de meilleure qualité. Nous insistons aussi sur le fait que pour que l'industrie forestière ait un avenir, les gens qui en dépendent pour travailler doivent continuer à travailler pendant que l'industrie se transforme. Nous vous assurons qu'il y a un grand nombre de bonnes occasions au pays d'investir dans la sylviculture. C'est le cas dans toutes les provinces. Certes, la plantation d'arbres et les autres formes de sylviculture présentent beaucoup d'avantages à long terme pour l'approvisionnement en bois et pour l'environnement en plus de créer des emplois à court terme.

Nous savons que le gouvernement fédéral est en train d'envisager un fonds d'adaptation des collectivités à cette fin. Nous voulons que vous sachiez que nos associations feront tout ce qu'elles peuvent pour travailler avec le gouvernement fédéral et participer à ce programme. Notre principale préoccupation est que les règles doivent nous permettre de participer.

Je voudrais terminer en demandant au comité d'appuyer les efforts visant à faire en sorte que les règles en vertu desquelles l'argent du fonds d'adaptation des collectivités sera alloué incluent les propriétaires de lots boisés au nombre des participants.

Le sénateur Mercer : Je vous remercie, messieurs, d'être venus. Vous avez commencé à donner de la substance à notre étude pour saisir ce que nous faisons.

Nous passons maintenant aux industries plus petites. Nous nous concentrons parfois sur les AbitibiBowater de ce monde. Comme vous l'avez dit, la santé des communautés rurales du Canada est en jeu. Le comité vient de terminer une étude détaillée sur la pauvreté rurale. Dans notre étude, nous avons découvert l'importance des lots boisés, en particulier, dans de nombreuses régions du monde. Je viens de la Nouvelle-Écosse et je connais l'importance des lots boisés. Je comprends l'importance d'utiliser le bois comme source d'énergie. Ma maison en Nouvelle-Écosse est en partie chauffée au bois.

Monsieur deMarsh, vous pouvez me corriger si je fais erreur, mais si je comprends bien, pour beaucoup de propriétaires de lots boisés, surtout dans l'est du Canada, ces terres ne représentent pas nécessairement la principale ou la seule source de revenus. Beaucoup de propriétaires sont des agriculteurs ou ont plusieurs activités, et l'exploitation de lots boisés est un à-côté. Avez-vous des chiffres pour le prouver?

M. deMarsh : Un lot boisé moyen couvre environ 45 hectares, ou un peu plus de 100 acres. Il représente un revenu additionnel pour la majorité d'entre nous. Quand les temps sont difficiles, ce revenu additionnel peut être particulièrement important. Vous avez tout à fait raison. C'est un revenu à temps partiel pour la vaste majorité d'entre nous. Cependant, si on rassemble les avantages qu'en tirent les communautés, les régions et les provinces, on peut voir l'importance économique des communautés rurales.

Le sénateur Mercer : Aussi, un lot boisé moyen de 100 acres représenterait une part importante du revenu global d'une ferme familiale. Le revenu tiré d'un lot boisé varierait d'une ferme à l'autre, mais ça représente une part importante du revenu. De plus, c'est un revenu qui est mieux protégé des catastrophes environnementales comme des sécheresses, des inondations ou des tempêtes de grêle pouvant affecter d'autres récoltes. À moins qu'un ouragan de la force de l'ouragan Juan ne frappe, les arbres résistent généralement mieux aux intempéries.

M. deMarsh : En effet.

Le sénateur Mercer : J'ai pris connaissance d'un nouveau produit qui commence à faire son apparition en Nouvelle- Écosse. Si j'ai bien compris, ce produit contribuerait à créer un nouveau marché pour les appareils extérieurs de chauffage au bois. Je n'ai pas tous les détails, mais ce sont des appareils de chauffage qui fonctionnent au bois. Cependant, au lieu d'être installé à l'intérieur de la maison, l'appareil est placé à l'extérieur. Est-ce que ce type d'appareil risque de faire son apparition dans les régions rurales du pays?

M. deMarsh : C'est un de plusieurs développements qui s'en viennent. J'aimerais revenir aux granules de bois.

Le sénateur Mercer : J'aimerais aussi revenir sur ce sujet.

M. deMarsh : L'année dernière, la demande de granules a monté en flèche à l'automne et au début de l'hiver. En fait, le marché a été pris d'assaut en quelque sorte. Les gens continuent d'acheter des poêles et des appareils de chauffage fonctionnant aux granules de bois, faisant le pari que la baisse des prix du pétrole n'est que temporaire. Ils reconnaissent l'importance pour les familles et les collectivités de ne plus dépendre de sources étrangères pour répondre à leurs besoins en énergie. L'utilisation du bois pour le chauffage offre une foule de possibilités, dont l'installation de l'appareil à l'extérieur, comme vous l'avez mentionné.

Le sénateur Mercer : Dans l'Est du Canada, certains détaillants ont installé des affiches annonçant qu'ils avaient épuisé leurs stocks de granules de bois. Dans certains cas, les ruptures de stocks ont duré des semaines ou des mois en plein milieu de l'hiver. Les gens que vous représentez ont-ils pu réagir assez rapidement?

Vous avez fait mention de votre participation à une entreprise de production de granules de bois. Je crains qu'on avance trop rapidement, mais je crains aussi qu'on n'avance pas assez rapidement parce que nous créons de plus en plus de demande au fur et à mesure que les gens s'achètent des poêles et des appareils de chauffage fonctionnant aux granules de bois.

Le gouvernement ne devrait-il pas intervenir pour inciter les gens à passer aux granules de bois, mais d'une manière contrôlée, pour prévenir de futures ruptures de stocks?

M. deMarsh : Aujourd'hui, les gouvernements font des pieds et des mains pour sauver des entreprises devenues tellement grandes qu'elles sont devenues essentielles pour la société. Nous aimerions voir plus d'argent alloué pour aider de petites entreprises qui démarrent. Bien sûr, certaines de ces entreprises échoueront, mais d'autres se lanceront dans des secteurs prometteurs comme la production de granules de bois. À notre avis, il s'agit d'une occasion très prometteuse à saisir.

Le marché des granules ne se développe pas aussi rapidement qu'il le pourrait, du moins dans les Maritimes, pour répondre à la demande qui monte en flèche. Nous avons démarré notre projet il y a trois ans et, pour les cinq premières années, notre plan d'entreprise prévoyait au départ la vente de la majorité de notre production par l'entremise de courtiers en Europe. Nous envisageons maintenant vendre la totalité de ce que nous produisons au Nouveau- Brunswick ou, tout au plus, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Angleterre. C'est ainsi que le marché a évolué en si peu de temps.

Notre usine sera petite, et notre agence régionale de développement de même que le gouvernement provincial nous ont indiqué que nous étions trop petits pour devenir concurrentiels dans le marché international. Nous, au contraire, croyons que nous pouvons devenir concurrentiels parce que nous nous approvisionnerons en bois très localement et vendrons notre produit fini à un marché très proche sur le plan géographique. Étant donné la forte probabilité que les coûts d'énergie continueront d'augmenter, cela nous donnera un avantage concurrentiel que n'auront pas les grands producteurs.

Le sénateur Mercer : Mes deux dernières questions s'adressent à M. Lazar.

Je partage votre crainte de voir des Canadiens tenus en otage par des monopoles ferroviaires. Des gens vous diront qu'il s'agit d'un système concurrentiel, ce qui n'est toutefois pas le cas dans bien des régions du pays. Dans mon coin de pays, nous sommes les otages de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN), alors que c'est le Chemin de fer Canadien Pacifique (le CP) qui domine ailleurs au pays. Je ne sais pas trop comment résoudre cette situation. Vous avez affirmé que 80 p. 100 des gens dans votre industrie sont à la merci d'un chemin de fer. Je présume qu'il s'agit du CN.

M. Lazar : Pas tout à fait. Du CN dans la majorité des cas, mais parfois du CP.

Le sénateur Mercer : Vous avez parlé de la liqueur résiduaire et de la subvention relative à la liqueur résiduaire que nous avons abordée ici. Vous avez affirmé que les Américains touchent une subvention relative aux biocarburants qui varie de 200 $ à 300 $ la tonne. Il s'agit d'un montant d'argent considérable.

M. Lazar : On parle de milliards de dollars. De mémoire, le dernier montant porté à ma connaissance était de sept milliards de dollars.

Le sénateur Mercer : Puisque la production de papier journal évolue, existe-t-il un marché commercial pour les producteurs de liqueur résiduaire à l'extérieur de l'actuel marché de la production du papier?

M. Lazar : La liqueur résiduaire est une source d'énergie pour les papetières. C'est l'usage qu'en font les Américains et nous l'utilisons aux mêmes fins.

Nous avons émis l'hypothèse, un peu pince-sans-rire, que nous pourrions faire en Colombie-Britannique ce qu'on nomme « splash and dash » en anglais, c'est-à-dire charger la liqueur résiduaire dans un camion, y ajouter du diesel de l'autre côté de la frontière, passer à la caisse pour collecter nos 200 $ à 300 $ la tonne, revenir au Canada et utiliser ce mélange pour alimenter la chaudière. Nous avons calculé qu'il nous serait assez économique de le faire, surtout sur la côte Ouest, où nous pourrions charger le mélange sur des barges. Nous avons lancé cette idée aux États-Unis pour sonder le terrain.

Essentiellement, il s'agit d'un accident de parcours en matière de politique publique. Un type dans une usine de pâte a lu la réglementation concernant le biodiesel et s'est dit : « Ça alors! Si j'ajoute du diesel dans mon biocarburant, les Américains devront me payer! »

Cette situation ne peut perdurer, sinon de nouvelles usines improductives verront le jour aux États-Unis. Si les usines américaines reçoivent de 200 $ à 300 $ la tonne, ce montant couvrira les trois quarts des coûts de production. Des usines canadiennes fermeront tandis que de nouvelles usines ouvriront aux États-Unis.

Au regard des granules, vous avez demandé si les gouvernements pouvaient intervenir. Nous sommes de grands champions de la bio-énergie. La bio-énergie représente 60 p. 100 de l'énergie qui alimente nos usines, et les granules représentent un excellent moyen d'utiliser du bois qui n'est autrement pas commercialisable. Nous sommes prudents quant aux mesures incitatives du gouvernement qui visent à augmenter l'utilisation du bois à une fin quelconque parce qu'en Europe, les mesures incitatives relatives à la bio-énergie ont mené à la faillite d'entreprises de pâtes et papiers. De concert avec le gouvernement fédéral et les provinces, nous avons entrepris une étude pour déterminer les répercussions sociales, environnementales et économiques de l'utilisation d'une tonne de fibres sous diverses formes, dont granules, pâte et bois d'œuvre.

Si le gouvernement pousse trop pour orienter le dossier dans une direction ou une autre, les mesures incitatives risquent de produire des effets pervers. L'utilisation de fibres dans la fabrication de produits forestiers crée sept fois plus d'emplois que si le bois est destiné au chauffage.

Il est beaucoup plus avantageux de brûler le bois pour en tirer l'énergie et ainsi créer un marché que d'en faire rien.

Le sénateur Mercer : Des entreprises de pâtes et papiers ne font-elles pas faillite à l'heure où l'on se parle? Vous prétendez que cette mesure les acculerait à la faillite, mais elles font déjà faillite. Cette mesure ne permettrait-elle donc pas de sauver une partie de l'industrie?

M. Lazar : Certainement, cette mesure pourrait contribuer à sauver une partie du bois des forêts qui ne servirait autrement à rien. Cependant, nous ne voulons pas imposer trop de mesures dans le marché naturel du bois pour éviter de déformer les résultats.

Nous devons envisager les grandes et les petites entreprises comme formant un écosystème économique. Ces entreprises sont interdépendantes. Nous avons besoin des propriétaires de lots boisés, et eux ont besoin des grandes entreprises. Et comme M. deMarsh l'a dit, nous avons besoin de nombreuses autres petites entreprises à valeur ajoutée; des entreprises fortes dans certains créneaux, des acteurs agiles et des poids lourds de calibre mondial. Si tout le monde fait son travail correctement, tout le monde prospérera. Si une seule pièce de l'écosystème économique est retirée, l'écosystème tout entier en est affaibli.

Le sénateur Eaton : Merci beaucoup. Ce fut très intéressant de vous entendre.

Monsieur Lazar, éclairez-moi. Ma question pourrait vous sembler procéder d'une grande méconnaissance. Les Américains nous ont causé beaucoup de trouble pendant longtemps à propos de notre bois d'œuvre, prétendant que les producteurs canadiens touchaient des subventions. Serait-il donc raisonnable de prétendre que la liqueur résiduaire est une forme de subvention pour leurs usines?

M. Lazar : Certainement, mais les pays sont autorisés à verser des subventions pourvu qu'ils ne le fassent pas dans le but d'en tirer un avantage commercial. Lorsque nous vendons au marché américain, les Américains peuvent prendre des mesures commerciales contre nous, mais nous n'avons aucun recours contre eux s'ils vendent à leur propre marché.

L'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, offre peut-être certains recours, mais ils sont assortis d'un délai d'au moins un an, et il serait alors trop tard. Et il est difficile d'assurer l'application des recours. Les États-Unis pourraient nous donner raison et présenter des excuses, mais les dommages auraient alors déjà été faits.

Si les Américains interviennent, ce ne sera pas pour plaire aux Canadiens. Ce sera plutôt parce que des sénateurs américains auront déclaré qu'ils n'ont jamais eu l'intention de verser à l'industrie américaine des pâtes et papiers sept milliards de dollars en subventions publiques. Ils clameront haut et fort qu'il s'agissait d'une erreur d'administration publique et colmateront eux-mêmes la brèche.

Le sénateur Eaton : Vous devriez peut-être devenir lobbyiste à Washington.

M. Lazar : Nous y avons pensé, mais notre crainte est qu'ils pensent que la situation n'est pas si grave si nous leur expliquons que ce sont des Canadiens qui sont en train de perdre leurs emplois.

Le sénateur Eaton : Pour aller plus loin au sujet de la question du sénateur Mercer sur le monopole ferroviaire, pouvez-vous me dire s'il serait illégal que quelques-uns d'entre vous s'unissent pour créer votre propre ligne de chemin de fer, si cela pouvait s'avérer moins coûteux, ou encore passent par l'industrie du camionnage? Devez-vous absolument avoir recours aux transporteurs ferroviaires?

M. Lazar : Non, nous ne sommes pas tenus d'avoir recours au chemin de fer. Cependant, étant donné notre emplacement géographique, le transport ferroviaire représente la seule option raisonnable. Les chemins de fer sont propriétaires des voies et, en vertu de la Loi sur les transports au Canada, ils sont investis d'un pouvoir de monopole de les exploiter.

Le sénateur Eaton : Pouvez-vous construire vos propres lignes de chemin de fer?

M. Lazar : Non, et je ne pense pas que ce soit avantageux pour quiconque. Nous voulons que les concurrents puissent utiliser les lignes de chemin de fer davantage moyennant le versement d'une compensation équitable au propriétaire desdites lignes.

C'est similaire à ce qui s'est passé dans l'industrie des télécommunications. Lorsque Bell détenait le monopole, les gens se sont mis à réclamer de la concurrence. Bell a répondu par la menace qu'il n'y aurait plus de lignes téléphoniques jusqu'à l'Île-du-Prince-Édouard. Toutes les lignes seraient concentrées à Toronto. Les gens devraient communiquer entre eux par signaux de fumée si Bell perdait son monopole. C'est le contraire qui s'est produit en réalité. Lorsque la concurrence a été autorisée dans l'industrie des télécommunications, les prix ont chuté et la qualité du service a augmenté.

La même chose se produira dans l'industrie ferroviaire, pourvu que ce soit fait équitablement. Les compagnies de chemin de fer investissent dans l'infrastructure et le matériel, et elles ont droit d'être indemnisées en conséquence.

Le sénateur Eaton : Monsieur Love, je ne sais pas s'il s'agit d'un phénomène canadien, mais les activités de marketing dans cette industrie sont minimes. Je suis un visuel et je regarde presque autant de publicités que de programmes ces jours-ci. Avez-vous déjà envisagé la possibilité de mener un programme de marketing d'envergure?

C'est parfois moi, le consommateur, qui dis à mon entrepreneur que je préférerais une construction en bois à une construction en béton. Au lieu d'approcher l'industrie, avez-vous déjà songé à vous adresser au grand public dans le cadre d'une campagne de sensibilisation à la nature durable et écologique du bois? Vous auriez tout le monde de votre côté aujourd'hui, car tout le monde prône les vertus de l'écologisme.

Par contre, personne ne connaît votre histoire. Je ne l'ai jamais entendue. Savez-vous à quel point c'est une industrie verte et connaissez-vous ses récentes innovations?

M. Love : Je ne peux qu'être en accord avec vous, sénateur Eaton. Il s'agit du meilleur récit jamais raconté. Je n'ai aucune bonne justification pour cela, sauf que l'industrie s'est carrément laissée aller lorsque la conjoncture était bonne. Il y a des hauts et des bas. Nous traversons de bonnes périodes et de moins bonnes périodes. Quand les choses vont mal, nous n'avons aucun argent à dépenser sur quoi que ce soit.

L'Union européenne a trouvé la solution. On y trouve des installations de chauffage centralisé et des granules et y adopte de nouveaux carburants et matériaux. Les Européens font tout cela uniquement pour des considérations environnementales. Donc, oui, nous devons apprendre à mieux raconter notre histoire, mais je ne peux vous répondre quant aux moyens que nous pouvons prendre pour le faire.

Le sénateur Eaton : Le gouvernement fédéral et les provinces pourraient vous aider à cet égard.

M. Lazar : Permettez-moi de préciser que le gouvernement fédéral nous a alloué de nouveaux fonds pour nous aider à sensibiliser le public à nos réalisations valables en matière d'environnement. Il ne suffit pas de mener une campagne publique de grande envergure, alors nous approchons des architectes, des ingénieurs et des centres de rénovation pour leur exposer notre bilan.

Le sénateur Eaton : Par exemple, avez-vous un programme dans les écoles d'architecture ou de métier pour expliquer les vertus du bois, un matériau plus résistant que l'acier et plus léger que l'aluminium?

M. Love : Nous avions une personne au Conseil canadien du bois dont c'était le travail. Ce poste est maintenant vacant en conséquence de la réduction des fonds alloués à l'industrie.

Le sénateur Fairbairn : Revenons à la question des chemins de fer. Dans l'Ouest canadien, d'où je viens, nous sommes constamment préoccupés par les chemins de fer. Dans le passé, les agriculteurs ont vécu beaucoup de difficultés.

N'y a-t-il vraiment aucun moyen pour notre gouvernement de réintégrer les gens de l'industrie ferroviaire dans le portrait à ce moment où la question devient aussi importante pour notre pays? Nous perdons gros en ne pouvant pas compter sur notre gouvernement à cet égard. Exercez-vous suffisamment de pression à l'heure actuelle pour le convaincre d'intervenir? C'est au cœur de ce que cette industrie peut faire pour ce pays.

M. Lazar : La question à laquelle nous faisons face est à savoir si nous voulons plus de réglementation gouvernementale ou plus de concurrence dans l'industrie des chemins de fer. Instinctivement, nous prônons plus de concurrence parce que malgré les bonnes intentions du gouvernement en choisissant la voie de la réglementation, rien ne change. Même si la politique économique du gouvernement est sans faille, l'économie évolue alors que la politique demeure la même.

Nous ne tenons absolument pas à faire une telle demande.

Au cours de la dernière session, le gouvernement a adopté le projet de loi C-8, qui autorise des groupes à soumettre à l'arbitrage des coûts réclamés par les chemins de fer, et c'est utile dans une certaine mesure. Il s'agit d'un arbitrage de l'offre finale. Donc, la partie la plus raisonnable a gain de cause et nous sommes plutôt persuadés d'être plus raisonnables qu'eux, et nous en sommes très satisfaits. La raison pour laquelle nous n'avons pas eu recours à l'arbitrage dans le passé est qu'il nous en coûtait environ un million de dollars chaque fois, et nous n'avons pas des millions à dépenser en frais d'arbitrage.

Le sénateur Fairbairn : Mais est-ce que ça produit des résultats?

M. Lazar : Notre première demande d'arbitrage sera entendue prochainement. C'est donc à surveiller.

C'est un pas dans la bonne direction. La prochaine étape sera d'étendre les zones tarifaires d'interconnexion. La règle est la suivante : si vous êtes à moins de tant de kilomètres d'une interconnexion où convergent deux voies, le concurrent peut s'avancer, obtenir ce qu'il veut et payer pour l'utilisation des voies. Ce serait relativement simple — je dis « relativement simple », car rien n'est simple en matière de réglementation ferroviaire — d'accroître les zones tarifaires d'interconnexion, ce qui favoriserait la concurrence. Donc, même si nous clamons haut et fort que nous avons besoin d'une « révolution », la mesure la plus pratique consiste à modifier la réglementation, et c'est ce que nous cherchons à faire.

Le sénateur Fairbairn : C'est relativement ardu.

M. Lazar : Nous croyons avoir quelque chose qui intéresserait la majorité des expéditeurs tenus en otage. D'ici quelques semaines, nous lancerons probablement une campagne pour inciter les gens à rester aux aguets.

Le sénateur Fairbairn : C'est également à leur avantage.

M. Lazar : En effet.

Le sénateur Fairbairn : Souhaitons-le.

J'ai une autre question pour M. deMarsh. Quant aux propriétaires de lots boisés et ainsi de suite, prenons l'exemple du dendroctone du pin, qui fait des ravages. Mon collègue l'a mentionné : dans le cadre de la préparation de notre rapport sur la pauvreté rurale, nous nous sommes rendus à Prince George, dans le nord-est de la Colombie- Britannique. La dévastation était telle que nous ne voulions pas regarder par les hublots de l'avion.

Après les audiences tenues à Prince George, notre groupe avait le moral plutôt à plat. À notre insu, nous avions été invités à un petit village à proximité. Quelques personnes avaient eu l'idée de fabriquer des articles pour la maison — des tables, des chaises, peu importe — à partir de ce bois rosé.

Ils ont réussi. Les meubles étaient très attrayants et très bien fabriqués. Les gens venaient de Vancouver et d'ailleurs pour se les procurer. Ensuite, parce qu'il s'agissait justement d'une petite collectivité et d'une petite entreprise n'ayant pas des moyens financiers adéquats, l'entreprise a dû malheureusement fermer ses portes.

Je suis d'une région, celle du pas du Nid-de-Corbeau, que le dendroctone du pin a envahi ou est sur le point d'envahir, et c'est troublant parce qu'il se déplace de région en région. C'est très difficile parce que des collectivités qui ne se trouvent même pas à proximité du foyer initial finissent par être infestées.

Par exemple, je sais que plusieurs personnes, surtout de jeunes gens, travaillent en foresterie entre autres. Je les rencontre sur des vols en provenance du Nouveau-Brunswick et d'ailleurs à destination du pas du Nid-de-Corbeau. Ces gens se préparent à régler le problème.

Maintenant que nous savons comment et à quel rythme l'infestation gagne du terrain, la science et la physique contribuent-elles à de nouveaux efforts pour enrayer le phénomène? Nos associations scientifiques savent-elles comment enrayer ces ravageurs avant qu'ils ne dévastent tout le territoire comme ils ont fait en Colombie-Britannique?

Dans le Nord de l'Ontario, nous avons constaté divers problèmes qui touchent l'industrie forestière ailleurs au Canada. Cependant, ce qui les dérange plus que toute autre chose est la possibilité que l'infestation traverse le Canada, ce qui est une réelle possibilité.

M. deMarsh : Je comprends que la situation en Colombie-Britannique est telle qu'on ne pourra rien faire pour prévenir de futurs dommages. Les dommages ont été faits.

Le sénateur Fairbairn : Oui, c'est exact. Nous espérons que l'Alberta puisse intervenir efficacement pour stopper la progression.

M. Love : Au début de l'infestation du dendroctone du pin, nous ne disposions pas d'une grande quantité d'information. Les gens pensaient que le dendroctone ne parcourrait pas plus de cinq milles. Des fonds ont été investis et nous savons maintenant que le dendroctone peut parcourir des centaines de milles, car il est transporté par le vent.

La stratégie initiale de lutte locale a échoué. C'est la raison pour laquelle la Colombie-Britannique s'est trouvée aux prises avec son problème actuel. Nous nous attaquons à l'infestation du dendroctone dans la région de Kootenay-Sud. En présence d'une infestation, nous abattons tous les arbres. Cependant, en l'absence d'un marché auquel vendre le bois, nous ne pouvons nous permettre de simplement couper les arbres. Le présent ralentissement économique ne facilite aucunement l'utilisation de cette ressource, compliquée par l'absence d'un marché pour les granules, les billots de sciage ou la pâte.

[Français]

Le sénateur Rivard : Nous avons eu le plaisir, hier soir, au Comité des finances nationales, de recevoir M. Lazar, qui a fait, comme ce matin, une très bonne présentation. On s'inquiétait des coûts élevés de transport. On parle d'un monopole possible entre le CP et le CN. On avait établi, avec le Projet de loi C-8 sur la compétitivité, que ce problème pouvait être réglé. Si on a raisons de croire qu'il s'agit d'un cartel et qu'on s'entend sur des tarifs, le législateur, grâce au projet de loi C-8, pourra régler la question.

Mes questions touchent l'industrie des papiers journal. Évidemment, le papier journal est fabriqué à partir du bois. Avez-vous une idée du pourcentage annuel qui va à la production de papier journal?

M. Avrim : Je n'ai pas le chiffre exact

Le sénateur Rivard : Avez-vous un chiffre approximatif?

M. Avrim : Il s'agit d'une industrie intégrée. Le papier journal est fait d'une pâte dont les composantes proviennent de l'industrie du bois d'œuvre. On prend un arbre, on en fait du bois d'œuvre. Les copeaux, extrant de ce processus, sont utilisés pour faire la pâte à papier. En réalité, cette industrie ne produit aucun déchet, car même la sciure et l'écorce sont utilisées comme source d'énergie. Tout intégré.

Je trouverai le chiffre exact et vous le ferai parvenir.

Le sénateur Rivard : Vous n'avez aucune d'idée si on parle de 5 ou 10 p. 100? La proportion est-elle minime?

M. Avrim : Non, elle n'est pas minime.

M. Love : L'usine AbitibiBowater, située à Iroquois Falls, est une usine de pâte à papier journal. Les scieries de Cochrane, Kirkland Lake et La Sarre au Québec dépendent de cette usine d'Iroquois Falls. Les copeaux représentent environ 50 p. 100 de la production de ces scieries. L'industrie est tout intégrée. La perte de l'usine de papier d'Iroquois Falls aurait donc de sérieuses conséquences pour ces trois scieries.

[Traduction]

M. Lazar : C'est pour cette raison que nous utilisons le concept d'un écosystème économique. Les gens affirment que celui-ci est dévasté mais que l'autre sera épargné, alors qu'en réalité, nous sommes tous interdépendants. Concernant le papier journal, la bonne nouvelle est que cette ressource peut être utilisée pour fabriquer d'autres types de papier malgré le fait que de plus en plus de gens délaissent à jamais les petites annonces pour le site Web Craigslist. La demande mondiale de toutes sortes de papiers et de produits ligneux augmente de deux pour cent par année. Il ne s'agit donc pas d'une fin; le marché s'adapte.

[Français]

Le sénateur Rivard : Ma question touchait surtout le papier journal. Avec la crise économique, on publie beaucoup moins de publicité. D'ailleurs, aux États-Unis, plusieurs grands journaux ont cessé de paraître. Ce phénomène est attribuable à la crise économique, mais aussi à Internet, qui a de plus en plus d'adeptes. Les espoirs sont donc minces que la demande pour le papier, et par conséquent pour les copeaux de bois, ira en grandissant. Au contraire, elle risque de demeurer à la baisse.

Ma prochaine question s'adresse à M. DeMarsh. La décision d'ériger l'ovale olympique de Vancouver à partir d'une structure de bois était sûrement politique. Peut-être était-ce à cause de la dimension.

Le projet de construction du nouveau Colisée de Québec a capté l'intérêt de l'ancien ministre Guy Chevrette. Jadis très actif au sein du gouvernement, il a toujours une certaine influence. M. Chevrette avance l'idée que le prochain Colisée soit construit en bois. Tout d'abord, l'utilisation du bois, plutôt que l'acier ou le béton, pour la construction d'un tel édifice coûterait entre 20 et 25 p. 100 de plus.

D'autre part, des problèmes liés aux systèmes mécaniques, à la ventilation, à la climatisation et à l'équipement de sonorisation suspendu à la structure lors de spectacles surgissent. Ces problèmes feront en sorte qu'on devra favoriser l'usage de matériaux traditionnels plutôt que le bois pour la construction de cet édifice. Que pensez-vous de cette hypothèse?

M. deMarsh : L'exemple que M. Love a soulevé me fait chaud au cœur, car, pour plusieurs raisons, c'est la voie de l'avenir.

M. Love : Le matériel utilisé pour la construction de l'ovale coûtera moins cher que si on utilisait le béton ou acier. Il y aura de gros avantages au niveau acoustique et la durée de vie sera plus longue. Voilà un bon exemple d'utilisation de nos produits pour un rendement plus écologique et moins dispendieux. Tout cela est possible si on a une stratégie pour le faire à travers le pays.

Le sénateur Rivard : Soyez assuré que nous ferons preuve de diligence et de prudence. Si le projet va de l'avant et que les promoteurs sollicitent l'aide fédérale et provinciale, nous aurons un préjugé favorable pour le bois. Et s'il s'avère que les coûts sont comparables, je crois que nous essaierons d'utiliser notre poids politique pour que ce nouveau Colisée soit fait de bois.

Jean-Pierre Dansereau, directeur général, Fédération des producteurs de bois du Québec, Fédération canadienne des propriétaires de lots boisés : Il me fait plaisir de commenter le sujet. On se pose la question autour de cette table sur le rôle du gouvernement. Vous avez là un exemple idéal du rôle que le gouvernement peut jouer. Même dans le cas d'une patinoire de l'ampleur du Colisée de Québec, des gens identifient des problèmes techniques et de coût. Il faut mettre l'épaule à la roue. Il faut lancer le mouvement.

S'il y a des coûts supplémentaires, c'est le genre de projet qui ne se fera qu'avec le soutien gouvernemental; cela peut être le rôle du gouvernement, particulièrement fédéral, de donner un coup de main pour que l'expertise se développe, pour qu'on commence à développer les connaissances et les techniques.

Par la suite, ces techniques de construction vont se développer et être connues et devenir très compétitives, si elles ne le sont pas déjà. N'hésitez pas à insister pour que cela se fasse.

Le sénateur Rivard : Comptez sur nous. On parlait de statistiques. Je ne demanderai pas quel est le pourcentage de bois qui va pour les cure-dents.

[Traduction]

Le sénateur Cordy : Merci beaucoup de comparaître devant nous ce matin pour éclairer notre étude.

Dans le dernier budget, un montant de 10 millions de dollars a été alloué à la promotion du bois auprès de marchés extérieurs.

Monsieur Lazar, il me semble vous avoir entendu dire que ces fonds ne peuvent pas être utilisés pour développer des marchés en Amérique du Nord.

M. Lazar : Le programme Produits de bois canadien est réservé aux marchés d'outre-mer, en partie parce que nous ne voulons pas créer de tensions avec les États-Unis concernant le financement du bois d'œuvre en Amérique du Nord.

Dans le cadre de l'entente sur le bois d'œuvre résineux, les gouvernements ont créé le conseil nord-américain du bois pour promouvoir l'utilisation de bois dans la construction de bâtiments commerciaux partout en Amérique du Nord. Ce conseil nous permet de le faire.

Il offre plusieurs avantages. Une des solutions clés au litige sur le bois d'œuvre est d'assurer la croissance du marché. Dans un marché nord-américain plus important, le risque de litiges diminue. De plus, le fait de réunir des PDG de l'industrie forestière autour d'une table pour trouver des moyens d'assurer la croissance de leur marché crée un esprit de communauté et le sentiment de participer à une cause commune.

Quant au succès remporté par ce conseil, je le qualifierais au mieux de modeste puisque notre marché actuel est très petit. Tout le monde est très tendu. Alors que les ressources se font de plus en plus rares, il devient très difficile de créer une communauté.

Le sénateur Cordy : Hier, un des témoins que nous avons entendus a affirmé que l'offre est abondante, mais que la demande a diminué de façon marquée au cours des dernières années.

M. Lazar : La demande se rétablira. Le marché du papier journal ne reviendra jamais à ce qu'il était, sauf outre-mer, mais le marché du bois est principalement un marché nord-américain. Nous avons mené des études sur les achats de tentes, et ce ne sont pas les Américains qui achètent des tentes. Ils continueront d'habiter des maisons. La population est en croissance, et la demande de maisons se rétablira.

Sur les marchés extérieurs, la demande de bois se rétablira également. En fait, à notre avis, l'avenir de l'économie canadienne passera par l'industrie du bois, l'industrie du papier, qui apportera un certain soutien économique à l'industrie du bois, et l'industrie de la pâte. Nous vendrons de la pâte partout dans le monde. La demande mondiale de ces deux produits de base augmentera année après année.

Le sénateur Cordy : Concernant la recherche et le développement, je ne me souviens plus si c'est vous, monsieur Lazar, ou bien M. Love, qui avez expliqué qu'aucune déduction ne peut être demandée pour les projets de recherche qui n'aboutissent pas.

M. Lazar : Le gouvernement fédéral offre un crédit d'impôt sur les montants investis en innovation et en recherche, mais il ne peut être demandé que si un bénéfice imposable est déclaré. Donc, en l'absence d'un bénéfice imposable, on n'a pas droit au crédit. Qu'arrive-t-il si la récession dure trois ans? Le gouvernement garde les fonds, pratiquement convaincu que votre projet n'aboutira pas. Il nous doit cet argent. Dès que nous déclarerons un bénéfice, il nous le versera. D'ici là, nous continuerons de naviguer en eaux troubles. Lorsque la conjoncture est mauvaise, le gouvernement demande à l'industrie d'investir dans l'innovation, mais il élimine l'incitatif.

Le sénateur Cordy : Suggérez-vous qu'on modifie les lois fiscales?

M. Lazar : Oui, pour en faire un crédit remboursable.

Le sénateur Cordy : Quelles autres modifications devons-nous apporter aux lois fiscales au regard des investissements dans l'industrie dans son ensemble? Nous avons perdu 100 000 emplois en une courte période de temps.

M. Lazar : Nous avons suggéré trois modifications aux lois fiscales. Premièrement, les crédits d'impôt pour la recherche doivent être remboursables. Deuxièmement, l'amortissement accéléré doit être prolongé sur une période d'au moins cinq ans. Les capitaux sont là, les gens investissent et l'argent coulera à flot une fois que les marchés se seront rétablis. Le nationalisme n'a pas sa place lorsqu'il est question d'argent. Les investisseurs cherchent à obtenir du rendement sur leur capital le plus rapidement possible. Immédiatement après une récession, ils voudront rentabiliser leurs investissements. L'amortissement accéléré ferait en sorte que des fonds seraient investis dans des usines canadiennes. Sinon, l'argent sera investi au Brésil ou en Europe. C'est un puissant incitatif qui, en outre, ne coûte pas un sou au gouvernement à moins que quelqu'un n'investisse dans une usine canadienne, ce qui est exactement le but recherché.

Troisièmement, nous suggérons de rehausser la règle rétrospective pour les pertes reportées. L'industrie canadienne du bois a bénéficié d'une très importante arrivée d'argent sous la forme de remboursements dans le dossier du bois d'œuvre. Si nous pouvions la reporter plus en avant durant cette période de pertes, cela nous donnerait un important coup de pouce. Il pourrait s'agir d'une modification fiscale d'application générale, mais c'est l'industrie du bois qui en sortirait la grande gagnante. Donc, ça protégerait le bois d'œuvre et ce serait de l'argent en banque pour nous.

Nous faisons la promotion de ces trois modifications. Aucune ne requiert des modifications fondamentales au régime fiscal ou encore un changement dans la philosophie économique, mais les trois seraient déterminantes pour conserver des emplois ici au Canada.

M. Dansereau : J'aimerais ajouter une quatrième suggestion : des incitatifs pour la sylviculture et les lots boisés.

Le sénateur Cordy : Monsieur deMarsh, je trouve vos commentaires sur l'utilisation de granules de bois très intéressants. Je n'en connais pas autant à ce sujet que je le devrais. J'ai toujours pensé que les granules de bois représentaient une forme de chauffage d'appoint des maisons. Nous avons un poêle à granules de bois dans notre salle familiale qui complémente notre système de chauffage central.

Vous suggérez au gouvernement d'utiliser le bois pour chauffer ses immeubles. J'aimerais pouvoir visualiser comment cela pourrait fonctionner. Serait-ce une grande salle où un surveillant serait continuellement en poste? Comment serait-ce faisable?

M. deMarsh : En Europe du Nord, certaines sociétés sont passées massivement au chauffage au bois en général, particulièrement aux granules de bois. En Suède, les granules de bois représentent le principal combustible utilisé pour le chauffage par 50 p. 100 des ménages. Les Suédois ont mis en place des systèmes de livraison en vrac. Tout comme l'huile à chauffage nous est livrée dans nos réservoirs domestiques, là-bas, un camion passe de maison à maison, deux ou trois fois par année, pour remplir les soutes de granules de bois à l'aide d'un tuyau sous pression.

Ce principe est applicable aux petites, moyennes et grandes institutions. La fournaise est alimentée par un système automatisé. Vous n'avez pas à constamment remplir le poêle de granules comme vous devez le faire avec le poêle dans votre salon ou votre sous-sol. La conversion est déjà amorcée. Je remplacerai ma fournaise à l'huile par un appareil fonctionnant aux granules de bois dès que mon fabricant de granules de bois, situé à sept milles de distance de ma maison, aura commencé sa production. À mon avis, beaucoup de gens feront cette conversion et ils la feront rapidement.

Le sénateur Cordy : C'est un combustible renouvelable et écologique. Aussi, le fait que le fabricant se trouve à une distance de seulement sept milles est un avantage. Comment ferons-nous pour vendre ce produit au gouvernement et même individuellement aux Canadiens qui utilisent actuellement des granules de bois comme combustible d'appoint, pour en faire leur principale source de combustible comme en Suède?

M. deMarsh : Nous devrons certainement en faire la promotion, mais il est difficile de promouvoir un produit qui n'est pas encore disponible. Dans mon cas personnel, notre entreprise lancera une campagne de promotion d'envergure dans la région de Fredericton, notre principal marché, dès que nous aurons des stocks à vendre.

J'aimerais ajouter un autre point sur le bois comme source d'énergie. Comme l'a fait valoir M. Lazar, nous voulons absolument éviter d'encourager une nouvelle industrie au détriment d'une industrie déjà établie. Il est très important de souligner que le bois utilisé pour fabriquer des granules ou alimenter des installations de chauffage centralisé n'est pas le même que celui qui aboutit aux usines de pâte ou de papier ou encore aux scieries. Ce sont des parties différentes de l'arbre.

Nous soutenons que ces industries sont entièrement complémentaires. Vraisemblablement, le produit de plus grande valeur de l'arbre se vendra plus cher sur le marché en tant que matière première. Cependant, pour faire de la gestion forestière une entreprise rentable, nous avons besoin des trois niveaux de qualité et de prix du produit. Je demanderais à mon collègue, M. Dansereau, de préciser ces points, s'il a quelque chose à y ajouter.

[Français]

M. Dansereau : On parlait tout à l'heure des difficultés que rencontre l'industrie des pâtes et papiers particulièrement pour les producteurs de ressources tels les propriétaires de forêts privées. Cela signifie la disparition des marchés pour les bois de faible qualité, les bois de trituration.

Cela crée des problèmes importants dans notre capacité de cultiver les forêts pour produire des bois de haute qualité qui permettent une diversification des marchés au plan des produits transformés. Il est aussi important de développer de nouveaux marchés pour des bois de faible qualité afin d'entretenir toute la chaîne. L'industrie forestière du futur sera bâtie sur des forêts cultivées. Le temps des forêts naturelles est passé maintenant.

On doit cultiver nos forêts, avoir des forêts plus productives, plus proches des communautés et des usines. Pour ce faire, on a besoin de marchés pour toutes les qualités de fibre tout au long de la chaîne. Pendant des années, le marché pour les bois de trituration était l'industrie des pâtes et papiers. Au Québec, les producteurs de bois ont perdu accès à ces marchés pratiquement. Il reste quelques usines qui achètent du bois rond. Les autres fournissent le bois en copeaux. Où seront les débouchés pour ces bois de qualité? C'est important de travailler là-dessus.

[Traduction]

M. Lazar : Certainement, je suis aussi d'avis que de réserver certaines parties du bois à la fabrication de granules s'inscrit dans une approche sans gaspillage. Ainsi, un plus grand nombre d'emplois sont créés.

Je suis inquiet parce qu'en Europe, les subventions mises en place pour encourager le chauffage au bois sont si élevées qu'on brûle maintenant du bois qui pourrait être utilisé dans la fabrication de pâte, de papier ou de bois d'œuvre. En conséquence, l'industrie de la transformation du bois a perdu énormément d'emplois qui auraient pu être protégés.

C'est cette distorsion du marché, par opposition à l'utilisation de bois de différentes valeurs à différentes fins, qui m'inquiète.

Le sénateur Housakos : J'ai quelques commentaires à formuler ainsi que quelques questions à poser.

En ce qui a trait aux chemins de fer, j'aimerais ajouter ma voix à celle des gens qui appuient la mesure.

Il y a quelques années, lorsque le gouvernement a décidé de privatiser le CN, c'était une initiative fort louable. Cependant, lorsque le gouvernement a simultanément octroyé au CN un droit de monopole pur sur une de nos infrastructures les plus importantes, les voies de chemin de fer qui avaient été laborieusement installées d'un bout à l'autre du pays, il a créé un gâchis dans bien d'autres secteurs, dont votre industrie. J'ai siégé au conseil d'administration de VIA Rail Canada pendant un an, et vous n'avez pas idée des difficultés auxquelles une société d'État fait face pour obtenir l'accès à des voies payées à même les deniers publics. C'est incroyable. Il est à espérer que le gouvernement trouve une solution au problème.

Aussi, j'ai une perspective générale de l'industrie. Évidemment, l'industrie a connu de très bonnes années et j'espère que le meilleur soit encore à venir. Il y a cinq ou six ans, j'ai participé à une table ronde à Montréal. Des membres de la haute direction de plusieurs entreprises y étaient. De mémoire, il y avait, entre autres, les présidents de Tembec et de Cascades.

À l'époque, ils m'apparaissaient comme les dirigeants les plus heureux au pays. J'ai siégé à la table et je les ai écoutés, même si je n'étais aucunement expert de l'industrie des pâtes et papiers. Je n'ai posé que quelques questions pour ensuite dire : « Écoutez. Il est évident que l'industrie, à l'instar de toutes les industries canadiennes, dépend en grande partie de la prospérité du marché américain, le plus important marché dans le monde. Lorsque les Américains achètent, nous vendons. Lorsqu'ils n'achètent pas, nous en subissons les contrecoups. Nous connaissons actuellement le plus important boom économique de l'histoire de l'humanité. » De mémoire, le dollar valait 68 ou 69 cents à l'époque.

J'ai posé de simples questions comme un profane qui ne connaît rien de l'industrie des pâtes et papiers. « Lorsque le dollar commencera à remonter et que le marché américain se mettra à ralentir, quelles mesures comptez-vous prendre? Gérez-vous vos activités en conséquence? Comptez-vous réinvestir? Allouez-vous un pourcentage adéquat aux activités de recherche et développement? Est-ce que vous diversifiez ou rationalisez vos activités? Évitez-vous de vous endetter simplement en réaction au boom du marché américain? »

J'ai été frappé par les réponses fournies par ces personnes très intelligentes. D'abord, ils m'ont carrément indiqué que le dollar canadien n'allait pas se redresser. Ensuite, ils m'ont affirmé que l'économie américaine poursuivrait indéfiniment sa croissance et que les Américains continueraient d'acheter. Ça recoupe un peu ce que M. Lazar a dit lorsqu'il a affirmé qu'il existerait toujours un marché pour le produit. Oui, il existera toujours un marché, mais encore faut-il tenter de déterminer stratégiquement dans quelle mesure l'on doit faire une promotion agressive auprès de ce marché, en tenant compte de la conjoncture.

C'est mon commentaire, et vous pouvez le commenter à votre tour si vous le jugez bon. Il m'apparaît que l'industrie n'était aucunement préparée au ralentissement. Elle n'avait aucune planification stratégique pour se préparer à ce qui nous arrive en ce moment. En conséquence, personne n'est surpris d'apprendre que c'est cette industrie qui a été frappée la première et le plus durement par le ralentissement du marché américain.

Quant aux impacts des changements climatiques sur l'industrie forestière du Canada, quelles sont les prévisions pour les quelques prochaines années? Comment l'industrie envisage-t-elle la situation? Y a-t-il des aspects positifs et négatifs?

L'autre question que je me pose concerne le chauffage au bois et sa rentabilité par rapport à l'électricité et à d'autres formes de chauffage. Quels autres coûts d'infrastructure devraient être assumés pour faire la transition au chauffage au bois des bâtiments gouvernementaux ou des résidences?

Quant aux bâtiments de huit étages ou plus entièrement faits de bois, quelle est leur vie moyenne par rapport aux structures construites en acier et en béton?

À Montréal, l'administration municipale a annoncé il y a quelques semaines qu'elle songeait à interdire les poêles à bois. L'industrie des poêles à bois a monté aux barricades et manifesté devant l'hôtel de ville. Je me demande si l'industrie a vraiment repoussé ces commentaires.

M. Lazar : Il y a quelques années, j'étais sur une ferme en Saskatchewan et le type avec qui je m'entretenais m'a dit ceci : « Lorsque les pluies sont abondantes, une récolte exceptionnelle devient un droit acquis. En cas de sécheresse, on est convaincu que la situation ne s'améliorera jamais. »

Une raison pour laquelle je vous rappelle que les marchés rebondiront est que nous traversons actuellement une période de sécheresse, mais elle ne sera pas éternelle. L'industrie s'est-elle laissée aller, comme l'a prétendu M. Love?

C'est en partie vrai. Certaines entreprises se sont diversifiées discrètement. Quelques-unes ont acheté des actifs aux États-Unis pour se protéger contre le dollar américain. Les gens ont leurs propres stratégies, mais les gouvernements — et je serai très critique ici — ont empêché l'évolution du modèle industriel. Je fais surtout référence aux gouvernements provinciaux. Ils ont empêché le progrès en insistant pour qu'on maintienne la même structure industrielle que nous avons toujours utilisée.

Donc, si vous exploitez trois petites usines dans trois municipalités différentes, que le dollar est faible et que la concurrence n'est pas intense, vous conservez des emplois dans les trois municipalités. Les propriétaires du bois retirent de leur produit un avantage social qu'ils distribuent dans le Canada rural. En même temps, une entreprise pourrait vouloir construire une grande usine au lieu de trois petites. Ce serait une usine d'une efficacité de calibre mondial qui réaliserait des profits grâce à un dollar au pair. Cette entreprise qui informerait le gouvernement provincial de son intention d'investir dans une grande usine se ferait répondre qu'elle ne pourrait exploiter le bois parce que le modèle social consiste à répartir le bois entre les collectivités pour garder toutes les petites usines ouvertes. Le but est de plaire à tout le monde.

Cette politique sociale est très efficace à court terme, mais s'avérera désastreuse à long terme. Il s'agit de politiques « de pertinence », encore utilisées au Québec et en Ontario. En conséquence de ces politiques, la modernisation, le regroupement et la rationalisation de l'industrie ont stagné. Il y a quelque temps, le litige entourant le bois d'œuvre a rappelé la Colombie-Britannique et l'Alberta à l'ordre et ces provinces se sont alors rendu compte qu'elles devaient modifier leurs politiques.

C'est le même point que je tentais de faire valoir plus tôt en ce qui concerne la réglementation gouvernementale. Lorsque le gouvernement s'immisce dans l'économie de façon directive, il fait souvent exactement ce qui doit être fait. Le problème est que le monde évolue et que les politiques gouvernementales sont très difficiles à modifier. Une politique jugée intelligente il y a cinq ans produit aujourd'hui des effets désastreux. Il est très difficile de faire évoluer la politique aussi rapidement que l'économie.

Oui, nous aurions pu nous adapter davantage. Oui, quelques entreprises ont « compris » mieux que d'autres. Cependant, c'est principalement le gouvernement qui faisait entrave à la rationalisation de l'industrie.

Quant à notre dépendance du marché américain, nous avons été l'exportateur canadien ayant connu les meilleurs résultats en Asie, en Europe et en Amérique du Sud. Nous figurons parmi les trois premiers pays exportateurs dans ces marchés. Nous avons aussi pénétré les marchés indien et chinois de la pâte, du papier et du bois. Je ne pense pas que nous présenterons des excuses pour avoir desservi le plus important marché de la planète. D'ailleurs, ces marchés éprouvent aussi des difficultés en ce moment. Si nous avions dépendu totalement de ces marchés au lieu du marché américain, nous serions aujourd'hui dépendants de marchés aux prises avec la même récession mondiale.

Les changements climatiques sont-ils bénéfiques ou néfastes? Ils sont néfastes. Certains diront que le réchauffement du climat accélérera la croissance des arbres. Ce n'est pas ainsi que fonctionnent les écosystèmes. Ils fonctionnent comme des horloges. Les gens considèrent les changements climatiques sous l'angle de la géosphère : inondations, tempêtes de grêle, et cetera. La biosphère et la géosphère sont interconnectées sur tous les plans. Si le climat change, l'horloge biologique change aussi. L'invasion du dendroctone du pin en est une manifestation concrète. C'est le premier de nombreux fléaux avec lesquels nous devrons composer.

Ce n'est pas comme si, soudainement, le climat se réchauffait ou se refroidissait de quelques degrés et que nous conservions les forêts auxquelles nous étions habitués. L'écosystème est perturbé, et il est ainsi très peu probable que la production en bénéficie à court terme.

L'industrie a néanmoins le mérite d'avoir été une des premières à agir pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous utilisons aujourd'hui 60 p. 100 de combustibles renouvelables. Nous avons dépassé de huit fois les cibles fixées dans le Protocole de Kyoto et pris l'engagement d'avoir une production de carbone neutre sans recourir à l'achat de crédits d'émission de carbone d'autres pays. Notre expérience personnelle figure parmi les raisons pour lesquelles nous avons si rapidement agi contre les changements climatiques. Lorsque notre gagne-pain dépend de la nature, il est facile de comprendre qu'une menace pour la nature est une menace pour notre subsistance.

M. Love : Je suis tout à fait d'accord. Lorsque les choses vont bien, nous oublions tous que des temps plus difficiles sont à venir.

Je fais suite aux commentaires de M. Lazar. Une partie de notre problème est que nos produits forestiers, et surtout notre industrie du bois, sont fragmentés au Canada. En Europe ou ailleurs dans le monde, les PDG se déplacent en taxi. Ici, ils doivent voyager en train.

Comment pouvons-nous doter notre secteur d'une stratégie? Nous n'en avons aucune, en partie parce que nous n'avons pas réussi à consolider et à rationaliser nos activités au point où nous nous adressons à 200 personnes. Nous nous adressons à 10 personnes. Nous ne disposons pas d'une stratégie sectorielle efficace. Nous avons toujours expédié toute notre production aux États-Unis et au marché résidentiel. Notre système nous expose aux hauts et aux bas du marché. Lorsque le marché connaît un boom, nous prospérons. Lorsque ce même marché pique du nez, nous piquons aussi du nez.

Nous devons diversifier nos marchés. Il y a des possibilités à saisir dans les marchés de la construction de bâtiments non résidentiels et de hauteur moyenne. Nous pouvons vendre notre produit au Canada. Je n'aimerais rien de plus que de vendre 30 milliards de pieds-planche au Canada et de devoir informer les Américains qu'il ne reste plus rien pour eux. C'est parfois au gouvernement de marquer le pas. Notre industrie n'est pas assez futée pour réaliser que c'est la vision que nous devons mettre en place.

C'est sur ce plan que je reconnais l'efficacité des modèles européens et scandinaves. Eux, ils ont compris. Ils veulent compter sur une industrie forestière solide. Ils veulent récolter les fruits verts des biocarburants et des biomatériaux. Ils ont laissé entendre que c'est la direction qu'ils ont choisi d'emprunter. Ils ont parfois dû traîner l'industrie de force derrière eux, mais c'est la direction dans laquelle ils avancent.

Quant à la vie moyenne des bâtiments, quelqu'un a récemment conclu une étude comparative portant sur les bâtiments à structure en bois, en acier ou en béton. En règle générale, les bâtiments sont démolis lorsqu'ils deviennent obsolètes. Les bâtiments sont remplacés au fil du temps parce qu'on ne les aime plus. La durabilité du bois est égale ou supérieure à celle des autres matériaux de construction. L'étude a montré que c'est le béton qui a la durée de vie la moins longue. Les bâtiments à structure de béton sont démolis avant ceux dont la structure est en bois ou en acier.

M. Lazar : Le béton est beaucoup moins esthétique que le bois.

M. Love : Entre autres problèmes, il est très difficile de moderniser un immeuble en béton.

Le sénateur Housakos : Il serait difficile de mener une telle étude puisque les vieux immeubles en bois sont rares sur le marché.

M. Love : Il y a 50 ou 60 ans, nous savions comment bâtir de grands immeubles en bois.

Le sénateur Housakos : Comptant six, sept ou huit étages?

M. Love : Je dirais plutôt quatre ou cinq étages, des arénas et ainsi de suite. L'étude a porté sur le secteur commercial sur une période de 50 ans, et c'est ce qui en ressort.

Quant aux changements climatiques, M. Lazar a indiqué qu'ils nuiront probablement à l'industrie et à notre ressource. Nous devrons adapter la gestion de l'industrie forestière en conséquence. Tout indique que nous pouvons prendre des mesures pour protéger les espèces, les plantations, et cetera.

À mes yeux, le principal enjeu est que l'industrie du bois a la capacité de faire du Canada un pays plus vert. Nous avons discuté du concept de « neutre en carbone ». Nous avons récemment terminé une étude qui démontre que le bois qui est récolté, transporté à l'usine, transformé et vendu retient plus de carbone que la quantité de carbone libéré par la fabrication de produits à partir de ce bois.

Ce sont des produits ayant un effet négatif sur les émissions de carbone. Si vous voulez réduire les gaz à effet de serre et atténuer les changements climatiques, une partie de la solution passe par le bois.

M. deMarsh : Concernant le coût du bois comme source d'énergie pour le chauffage comparativement à d'autres sources, le bois représente la source d'énergie la plus efficace et la moins coûteuse pour le chauffage. Cependant, au- delà d'une échelle relativement faible, les cadres réglementaires en place dans les provinces font en sorte qu'il devienne impossible d'utiliser le bois efficacement pour chauffer de plus grands bâtiments. Nous aimerions voir le gouvernement fédéral faire preuve de leadership à cet égard. C'est la réglementation provinciale qui s'applique, mais il y aurait lieu de réunir les ministres provinciaux de l'Énergie et leur faire voir la nécessité de moderniser cette réglementation du XVIIIe siècle. C'est tout simplement incompréhensible.

Nous estimons qu'il y a un écart de 1, 2 ou 3 cents le kilowattheure, dans la majorité des provinces, entre le coût de l'électricité produite à partir du bois et le coût de l'électricité produite à partir des sources existantes. Est-il logique que nous attendions que la prochaine crise énergétique nous frappe avant de mettre des solutions de rechange en place?

Nous devons nous mettre à l'ouvrage dès maintenant, car c'est faisable. En Europe, la technologie de pointe est utilisée à grande échelle. Cette technologie n'a rien d'expérimental. Nous devons faire la même chose ici au Canada. Vaut mieux commencer dès maintenant à exploiter cette technologie que d'attendre d'être acculés au mur.

[Français]

M. Dansereau : J'aimerais intervenir, je crois même important d'intervenir par rapport à un commentaire que M. Lazar a fait sur le rôle que jouent les gouvernements provinciaux dans le développement de l'industrie. Je pense qu'il y a vraiment un équilibre à trouver. Est-ce aller trop loin d'un côté, c'est possible. Mais la grande consolidation aussi comporte ces dangers. Actuellement au Québec, la compagnie AbitibiBowater traverse de très grandes difficultés. Au Québec, c'est une industrie qui consomme 30 p. 100 du bois dans la province.

Un géant fragile crée des problèmes quand il tombe. Lorsqu'ils ont des difficultés, les petits en subissent les conséquences.

Je vous donne un autre exemple des problèmes que cela peut apporter. Nos collègues en Colombie-Britannique, où le gouvernement provincial a permis une consolidation et l'a favorisée, ont mentionné que l'industrie en santé, ça va aider, elle sera capable de payer des prix intéressants pour vos produits. Ce à quoi ils font face aujourd'hui, ce sont des monopoles régionaux qui ont une position de marché dominant très importante et qui s'en sert allègrement.

Nos collègues qui étaient habitués à avoir une place sur le marché font maintenant place à des difficultés très grandes. Il y a donc une certaine prudence à exercer pour laisser l'industrie se développer à sa guise et comme elle le souhaite. C'est nécessaire d'avoir d'importants joueurs mondiaux, on le reconnaît volontiers, ce sont des gens à qui on désire vendre nos produits. Mais je vous invite quand même à faire preuve d'une certaine prudence pour des recommandations en ce sens.

Quant à Montréal, les vieux foyers, les poêles à bois de vieille génération sont des appareils polluants qui libèrent des particules fines qui créent des problèmes. Il faut des programmes pour permettre le remplacement de ces unités. La ville de Montréal a empêché l'installation de nouvelles unités performantes dans les nouvelles constructions. Ce n'est pas ce qu'il faut faire. Il faut permettre la mise en place de nouvelles unités performantes et s'assurer que les anciennes qui créent des problèmes soient retirées. Il faut aider les consommateurs à faire des changements dans leur demande.

[Traduction]

Le sénateur Duffy : Je crois m'exprimer au nom de tous mes collègues ce matin lorsque j'affirme que nous sommes très impressionnés par l'étendue de vos connaissances et en particulier par votre approche, qui est ouverte sur l'avenir. Vous ne vous contentez pas de dire que vous traversez une période difficile. Nous le savons tous, et nous compatissons avec vous. Nous savons tous combien important est le rôle que vous jouez dans nos collectivités rurales et agglomérations moins populeuses où vous êtes souvent le principal employeur. Comme M. Lazar et moi-même l'affirmions souvent à la télévision jadis, cette industrie est présente jusque dans les moindres recoins de notre pays.

Monsieur deMarsh, vous avez suggéré quelques modifications à notre régime fiscal qui seraient avantageuses pour les propriétaires de lots boisés. Pouvez-vous nous préciser l'accueil que vous a réservé le ministère canadien des Finances et où vous en êtes dans vos propositions? Je veux poser la même question à M. Lazar pour ce qui est du régime élargi et de la concurrence dans le transport ferroviaire.

Monsieur deMarsh, comment vous a-t-on reçu au cours des dernières semaines et des derniers mois lorsque vous avez fait valoir qu'il fallait éliminer certaines anomalies du régime fiscal pour rendre votre industrie plus viable?

M. deMarsh : Nous avons d'abord mis l'accent sur la question de l'iniquité. Nous avons demandé une disposition qui nous permettrait d'étaler nos revenus sur un certain nombre d'années. Le ministère des Finances est très peu ouvert à cette proposition. D'autres groupes revendiqueraient le même traitement, et le ministère ne veut pas ouvrir toute grande la porte. Nous nous demandons comment le ministère peut nous considérer au même titre que les éleveurs de chevaux de course, par exemple.

Le sénateur Duffy : Certaines années, leurs chevaux gagnent des courses et n'en gagnent aucune d'autres années. Les éleveurs aimeraient donc eux aussi pouvoir étaler leurs revenus.

M. deMarsh : C'est en fait la réponse officielle que le ministère a donnée à notre question visant à connaître l'identité de ces autres groupes qui revendiqueraient le même traitement que nous demandons.

Cependant, l'approche du régime d'épargne semble avoir été beaucoup mieux accueillie. Nous tentons maintenant de vendre cette approche comme non seulement un moyen de corriger l'iniquité, mais aussi et surtout un moyen d'encourager le développement futur de la sylviculture.

Le sénateur Duffy : Une telle mesure vous permettrait-elle de mettre de l'argent de côté pendant les bonnes années afin de compenser les années de vache maigre?

M. deMarsh : Notre proposition est la suivante : les fonds retirés du régime devront être dépensés en sylviculture.

Le sénateur Duffy : Monsieur Lazar, quel accueil a-t-on réservé à vos demandes comme l'amortissement accéléré? La réponse est-elle favorable?

M. Lazar : Nous avons eu droit à une réponse positive et, dans le dernier budget, nous avons obtenu la majorité de ce que nous revendiquions en matière de recherche, de développement de marchés et de problèmes d'endettement. Le gouvernement n'a pas acquiescé à nos demandes concernant nos conditions d'affaires, par exemple, les modifications au régime fiscal et au système ferroviaire.

Bien entendu, il est impossible d'acquiescer à toutes les demandes dans un seul budget, mais le rythme normal d'évolution de la politique économique n'est plus acceptable. Nous devons agir sans tarder, non pas en tentant de maintenir l'industrie en vie, mais en modifiant les règles de base afin que l'industrie apporte elle-même les changements qui s'imposent. Pour ce qui est de créer des conditions idéales à l'établissement d'entreprises au Canada, nous devons aller au-delà de la spéculation et des belles paroles et agir sans tarder, car lorsque viendra la reprise, tout le monde se mettra à jouer du coude pour être le premier à s'accaparer de nouvelles parts de marché. Nous ne voulons pas attendre; nous voulons améliorer nos conditions d'affaires dès maintenant.

Le sénateur Duffy : Je ne sais pas si vous le savez, mais une conférence est en cours aujourd'hui à Truro, en Nouvelle-Écosse. Cette conférence, intitulée « Growing Grass for Fuel Pellets — A New Industry » est une initiative du ministère du Développement économique et rural de la province, de McFetridge Farms et de Pulsifer Associations Limited. À mon avis, le marché des granules est un marché concurrentiel, et nous n'avons aucun temps à perdre. Merci à vous tous pour votre participation.

Le sénateur Eaton : En plus des usines de fabrication de granules de bois, vous êtes-vous penchés sur les camions de livraison et les systèmes de chauffage? Est-ce qu'ils font partie de l'ensemble? Si je souhaite convertir ma maison au chauffage aux granules de bois fabriqués par un producteur de ma région, avez-vous l'appareil, les camions et le réseau de distribution qui me permettront de le faire?

M. deMarsh : Il y a plusieurs fabricants de poêles et d'appareils de chauffage en Amérique du Nord. L'automne dernier, les délais de livraison d'une fournaise ou d'un poêle étaient de quatre ou cinq mois, mais la capacité de production existe. Quant aux camions, ce sont essentiellement les mêmes qu'on utilise pour livrer les aliments pour le bétail. Aucune nouvelle technologie n'est requise.

Le sénateur Eaton : Proposerez-vous tout cela à vos clients?

M. deMarsh : Nous en ferons la promotion et veillerons à être en mesure de livrer tout cela. Nous nous en chargerons nous-mêmes ou nous assurerons que d'autres entreprises sont établies afin de fournir ces services.

Le président : J'ai quelques questions. Si vous n'avez pas le temps d'y répondre, vous pourrez nous acheminer vos réponses par écrit.

Monsieur Lazar, vous avez mentionné les coûts du transport ferroviaire. Un autre facteur qui joue dans la livraison de nos produits à des marchés nord-américains est l'industrie du camionnage. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Concernant la liqueur résiduaire, j'ai eu vent que la subvention varie entre 125 $ et 175 $ la tonne. Vous avez mentionné ce matin qu'elle pouvait atteindre 300 $ la tonne.

Sans engager un débat sur les responsabilités provinciales et fédérales, puisque la foresterie relève de la compétence des provinces, quel rôle peuvent jouer les intervenants de l'industrie afin d'encourager de meilleures relations entre le fédéral et les provinces en ce qui a trait à la foresterie? Il y a dix ans, il aurait été très difficile de poser cette question; aujourd'hui, la débâcle actuelle nous en donne l'occasion.

Messieurs Dansereau, deMarsh, Love et Lazar, nous vous remercions beaucoup d'avoir accepté notre invitation aujourd'hui.

(La séance est levée.)


Haut de page