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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 1 - Témoignages du 25 mars 2010


OTTAWA, le jeudi 25 mars 2010

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 h 5 pour étudier la situation courante et future du secteur forestier au Canada.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, sénateurs. Je vous souhaite la bienvenue à la réunion de ce matin. Je suis désolé d'être cinq minutes en retard. J'ai été invité à participer au Forum pour jeunes Canadiens à l'édifice du Centre. Je suis revenu ici rapidement pour la réunion de notre comité.

[Français]

Je souhaite la bienvenue à M. Gilles Huot au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

[Traduction]

Je suis le sénateur Mockler. Je viens du Nouveau-Brunswick et je suis président du comité. Pour commencer, j'aimerais inviter les sénateurs à se présenter.

Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Je suis le sénateur Fernand Robichaud, aussi du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Fairbairn : Je suis le sénateur Joyce Fairbairn, de Lethbridge, en Alberta.

Le sénateur Plett : Je suis le sénateur Don Plett. Je suis fier de venir du Manitoba.

Le sénateur Ogilvie : Je suis le sénateur Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Rivard : Je suis le sénateur Michel Rivard, de la ville de Québec au Québec.

Le sénateur Eaton : Je suis le sénateur Nicole Eaton, de l'Ontario.

[Traduction]

Le président : Le comité poursuit son étude de la situation courante et future du secteur forestier au Canada.

[Français]

Aujourd'hui, l'ordre du jour de la réunion porte sur l'utilisation du bois dans la construction non résidentielle; et on me dit que votre présentation sera très intéressante.

[Traduction]

Aujourd'hui, nous accueillons un architecte qui a piloté un projet de construction non résidentielle en bois, d'un type différent. Je vais vous en montrer des photographies. C'est M. Gilles Huot qui était chargé du projet de construction de l'édifice FondAction, à Québec.

[Français]

Nous vous remercions, monsieur Huot, d'avoir accepté notre invitation à comparaître. Je vous invite maintenant à prendre la parole. Votre présentation sera suivie d'une période de questions et de réponses de la part des sénateurs.

La parole est à vous.

Gilles Huot, architecte, GHA Architecture et développement durable, à titre personnel : Je vous remercie de votre invitation et de votre intérêt dans le projet de FondAction Québec.

FondAction, le Fonds de développement de la CSN pour la coopération et l'emploi, est une institution financière socialement responsable issue du mouvement CSN et qui partage l'ensemble des valeurs communes.

C'est le 15e anniversaire de FondAction de la CSN. C'est essentiellement un fonds de travailleurs qui a la volonté d'intégrer des pratiques de développement durable à sa culture d'entreprise. C'est aussi une institution qui n'a jamais hésité à prendre les devants et à innover.

Je crois que le projet dont je vais vous faire part est effectivement une innovation, car c'est une première en Amérique du Nord; il s'agit du premier bâtiment commercial de plus de quatre étages construit à partir d'une structure de bois.

Lorsqu'il a été question à la fin de 2007-2008 pour le FondAction de la CSN de construire un nouveau bâtiment à Québec pour reloger son personnel, il était entendu que le bâtiment se devait d'être écologique et certifié LEED puisqu'un des objectifs du FondAction est de développement durable.

Au départ, l'idée d'une structure de bois n'était pas nécessairement considérée. C'était souhaité, parce que la CSN voulait envoyer un message positif à l'Institut forestier du Québec et en utilisant du bois pour apporter une plus value écologique au projet.

En 2008, au moment où l'on a commencé la conception du projet, des facteurs favorables ont été mis en place. Ils sont très importants. Sans eux, il est probable que le projet ne se serait jamais réalisé.

On avait d'abord planifié le projet avec une structure de béton, mais on avait un plan B pour le faire avec une structure de bois. Un des facteurs favorables à la réalisation du projet a été le décret du gouvernement du Québec qui favorisait l'utilisation du bois dans les édifices publics au début de l'année 2008; il y a eu ensuite l'adoption par le gouvernement du Québec du Code national du bâtiment en 2005, qui en même temps conservait les paramètres normatifs du Code qui permettait à des professionnels de la construction de présenter ce qu'on appelle des mesures différentes permettant de travailler à viser les objectifs du code; puis il y a eu au Québec l'ouverture de la Régie du bâtiment, pour analyser justement ces mesures différentes. Il y a eu également, la stratégie d'utilisation du bois dans la construction au Québec en mai 2008 du ministère des Ressources naturelles et de la Faune.

De plus, le ministère du Développement durable et de l'Environnement avait pour objectif la réduction des gaz à effet de serre. Il y a eu, en même temps, la mise sur pied de la Coalition bois Québec. Tous ces facteurs ont fait que l'on a pu réaliser le projet.

Ce projet est un édifice à bureaux d'une superficie de 6 000 pieds carrés répartis sur six niveaux hors sol et de trois niveaux de stationnement intérieur au sous-sol.

L'immeuble a été construit strictement pour créer des aires de bureau pour des besoins de FondAction Québec et des organismes apparentés ou oeuvrant principalement dans le domaine du développement durable tel que Fonds d'action québécois pour le développement durable (FAQDD), Filaction, qui a été mis sur pied par FondAction, qui est du capital de risque pour la petite entreprise et la Caisse d'économie solidaire de Québec qui s'appelle CECOSOL.

Le Code national du bâtiment a toujours limité la hauteur des bâtiments de bois de quatre étages jusqu'au code de 2005, et encore dans le code qui est en vigueur, les bâtiments qui dépassent quatre étages doivent nécessairement être en matériaux incombustibles. Sauf qu'ils ont fait une ouverture dans le code en fixant des objectifs.

L'objectif est d'assurer la sécurité des usagers du bâtiment, leur santé, leur évacuation dans des délais raisonnables sans mettre en péril leur sécurité et de s'assurer que les éléments structuraux de l'édifice, avec la résistance au feu exigée pour une période donnée. Dans le cas d'un édifice à bureaux, c'est une heure par plancher. Il faut qu'au bout d'une heure l'intégrité structurale du bâtiment ne soit pas compromise. Voilà les objectifs du code.

Plus particulièrement pour le projet de Québec, on retrouve une superficie très en deçà des limites maximales permises par le code. On a une superficie de plancher de 1 000 mètres carrés.

Cela veut dire que la population de cet édifice est réduite par rapport à un autre où on pourrait obtenir une superficie allant jusqu'à 75 000 pieds carrés pour un bâtiment de ce type. À 1 000 mètres carrés, la population du bâtiment est inférieure au maximum et c'est donc plus facile à évacuer parce qu'il y a moins de monde au mètre carré. Ce sont les prescriptions du code puisque l'accès aux issues est réduit, les distances permises réduites, ainsi de suite.

En travaillant avec des objectifs, les professionnels de la construction doivent faire la démonstration que la sécurité des usagers et des biens n'est pas mise en péril. L'objectif est de le démontrer à la Régie du bâtiment du Québec. On a réussi à le faire essentiellement sans entrer dans des détails trop techniques à l'aide d'un consultant en protection d'incendie, Paul Lhotsky. On a réussi à démontrer à la régie deux choses : on a surdimensionné la structure du bâtiment, parce que l'on sait que le bois brûle à un rythme de 6/10 de millimètre par minute, donc en l'espace d'une heure, il y a un peu plus que 36 000 millimètres, un pouce et quart ou 3/8 qui peuvent brûler dans une heure.

On a mis une couverture sur les poutres qui portent les charges complètes de l'édifice de telle façon qu'au bout d'une heure, elles n'ont pas été endommagées.

Deuxièmement, pour s'assurer aussi que c'est davantage protégé, on opère de façon active. Le code demande que tout bâtiment de cette dimension soit équipé de gicleurs, alors on a augmenté la capacité des gicleurs entre 25 et 30 p. 100.

Avec ces deux mesures, on a fait la preuve auprès de la Régie du bâtiment qu'on pouvait assurer la sécurité des biens et des usagers à l'intérieur du bâtiment.

Pour la Régie du bâtiment, avec le nouveau code, un bâtiment de six étages FondAction est un bâtiment incombustible. Ce n'est pas un bâtiment combustible, mais un bâtiment incombustible dans lequel on a introduit des éléments combustibles qui ne compromettent pas la sécurité des usagers. C'est ce qu'il faut comprendre.

Quelle sorte de bois avons-nous utilisé dans ce projet? On a utilisé un total de 980 mètres cubes de bois lamellé et collé. On a utilisé 500 mètres cubes pour les poutres et les colonnes et 480 mètres cubes pour le platelage, les planchers, qui sont également en lamellé croisé. Je vais revenir sur ce type de bois plus tard.

On a aussi utilisé pour les plafonds extérieurs et les murs d'accès du bois torréfié, essentiellement du tremble, qui n'est normalement pas utilisé en construction, mais avec la torréfaction la teneur en humidité du bois baisse considérablement et nous pouvons l'utiliser. C'est un bois qui n'est habituellement pas coupé ni récupéré.

Pour les aménagements d'intérieur, on a utilisé des cadres de bois, des portes et du platelage mural en érable du Québec au lieu d'utiliser l'acier.

Il y a un élément intéressant avec l'utilisation du bois. Au départ, on avait considéré que cet édifice aurait une structure en béton. Si on avait utilisé du béton, cela aurait nécessité 1 800 mètres cubes de béton.

Selon le logiciel qu'on utilise pour calculer l'impact environnemental de l'utilisation d'un matériau plutôt qu'un autre, on aurait ainsi généré dans l'atmosphère 600 tonnes de CO2. En utilisant du bois, on évite cette émission de 600 tonnes. L'épinette séquestre 900 tonnes de CO2 — la quantité de bois qu'on a eue dans le projet —, ce qui fait un total de 1500 tonnes de CO2 de bénéfice carbone ou l'équivalent de 300 autos pendant un an. Ce n'est pas un facteur négligeable quand on veut faire la promotion de ce type de construction.

FondAction est très orienté dans le développement durable. C'est un élément qu'on veut mettre de l'avant. Évidemment, le bâtiment qu'on a construit est un bâtiment LEED. On a pris plusieurs mesures pour arriver à une certification et cette certification est en cours. Il faut attendre que le projet soit complètement fini pour déposer la certification.

Sur le terrain, il y avait deux bâtiments. On a détruit ces bâtiments et on a récupéré et recyclé 94 p. 100 des matériaux de démolition. Le sol était contaminé et on l'a décontaminé. On a fait une enveloppe de bâtiment extrêmement performante où, par rapport au Code modèle national de l'énergie pour les bâtiments, on fait une économie d'énergie de 40 p. 100. On a réduit la consommation en eau potable de plus de 40 p. 100 également.

Pour les usagés de l'édifice, il y a 95 p. 100 de tous les espaces qui ont une vue extérieure. Tous les postes de travail ont une vue sur l'extérieur.

On a une réduction des aires d'absorption de chaleur. La toiture est une membrane blanche qui reflète la chaleur.

On a des stationnements pour 22 vélos avec possibilité de douches et de toilettes.

Le bois utilisé est certifié SFC et on a utilisé pour l'aménagement intérieur des matériaux à faible émissivité de COV.

Le bois utilisé essentiellement pour les poutres et les colonnes, entre autres, est du sapin et de l'épinette. La compagnie qui nous a fourni le bois est Nordic Structures Bois, une filière de Chantiers Chibougamau. Cette entreprise récupère les têtes d'épinettes dans les coupes de bois. Normalement, ces têtes sont laissées dans les lieux d'abattage. Elles ne sont pas utilisées parce qu'elles n'ont pas les dimensions suffisantes pour faire du 2 x 3 ou du 2 x 2. Eux le récupèrent pour en faire de la baguette de 1 pouce par 2 pouces. Ce sont ces baguettes qui sont laminées et utilisées pour les poutres et les colonnes. C'est une valeur ajoutée à la récupération. Ces têtes d'épinettes ont la particularité d'être des fibres de bois très jeunes, donc très denses, qui ont des propriétés structurales fort intéressantes. C'est comme cela que l'on peut utiliser et de l'épinette et du sapin.

Il ne faut pas oublier que dans les coupes de bois, maintenant, on va de plus en plus au nord. Les arbres sont de plus en plus petits. Ces arbres prennent un temps énorme à croître. Donc on peut éviter le gaspillage en récupérant ces pièces de bois pour la construction.

On m'a aussi demandé de vous mentionner quelles sont les difficultés rencontrées quand on essaie de réaliser ce genre de projet.

Le principal problème vient des codes. Il manque énormément d'informations dans les codes pour concevoir ce type de projet. Il y a très peu de professionnels qualifiés pour concevoir ce type de projet.

La première tentative que j'ai faite, en 2007, pour faire un petit bâtiment de quatre étages, un édifice à bureau de 75 000 pieds carrés, le client avait engagé un bureau d'ingénieurs — que je ne vous nommerai pas, évidemment —, et j'ai demandé à examiner la possibilité d'avoir une structure de bois en lamellé-collé. La réponse a été non. J'ai demandé pourquoi et on m'a répondu : « Nous, on fait du béton et de l'acier. Le bois, on ne connaît pas cela, on ne sait pas comment cela fonctionne. » Trouver des professionnels qui vont accepter de faire un effort d'imagination pour créer ce genre de projet, ça ne court pas les rues. Il y en a quelques-uns, mais pas beaucoup.

Dans le code de conception, ce qu'on appelle le Code O86 pour le design des structures de bois, il n'y a pas d'information sur le comportement ou la résistance au feu d'un placage de bois. Cela n'existe pas dans le code. On utilise le Code 086 de 2001; On est en 2011, le 2009 est sorti, mais il n'est pas intégré à celui de 2005. Il y a toujours un décalage de trois ans, quatre ans ou huit ans entre ce qui est expertisé dans les codes et ce qui est mis en application. On est toujours en retard. Je n'ai pas la solution à ce problème, mais je vous le mentionne.

Il n'y a pas d'information dans le code sur le calcul de déformation dû au retrait ou au fluage du bois, particulièrement aux fibres. On n'a pas d'information là-dessus. Pour le béton, on demande des chargements en période d'incendie, à savoir comment la structure va se comporter au bout d'une heure. Pour le bois, il n'y a pas d'information. Il n'y a pas non plus de méthode de calcul pour évaluer la capacité d'un diaphragme en bois de panneaux lamellés-collés comme on a utilisés.

On a donc utilisé ce qu'on appelle des « technical reports » de l'American Wood Council. On va chercher l'information à l'extérieur, aussi en Europe où il y a énormément d'informations, même si le bois n'est pas une ressource très importante. Ce qui se fait en Europe par rapport à ce qui se fait ici, c'est nettement plus avancé, principalement en France, en Autriche et dans les pays scandinaves. En Europe, on construit des bâtiments de huit, neuf, dix, 12 étages en bois, ce qu'on ne fait pas ici.

Ici, on a très peu de fournisseurs de bois pour des édifices non commerciaux. On en connaît trois jusqu'à présent; peut-être que d'autres viendront sur le marché prochainement.

Les éléments de structures qu'ils nous fournissent sur le plan dimensionnel et sur le plan comportement mécanique varient avec chaque fournisseur selon les essences de bois utilisées, selon la méthode utilisée, et cetera. Il n'y a donc pas de standards. Dans la construction résidentielle, presque tout est standardisé dans le code. Les essences sont identifiées, les dimensions des pièces, 2 x 4, 2 x 6, 2 x 10, et cetera, sont identifiées. On sait que pour un 2 x 12 en épinette, d'une telle longueur, on est capable de mettre telle charge pour l'utiliser sur telle portée. Dans la construction commerciale, on n'a aucune référence. Tout est à calculer et à vérifier.

Lorsqu'on présente un projet devant la Régie du bâtiment, avec toutes ces zones grises, tous ces éléments non standards, ils sont bien ouverts, mais le résultat est que c'est analysé projet par projet. Notre projet, ce n'est pas un cas de jurisprudence, c'est un cas qu'ils ont accepté. Cependant, un autre pourrait venir avec un autre projet et être refusé, justement parce qu'il n'y a pas de références, pas de standards. J'imagine qu'il y a beaucoup de subjectivité là-dedans.

L'autre problème c'est qu'il y a peu de fournisseurs sur le marché. Ce n'est pas utilisé, c'est la première fois que l'on utilise le bois pour une construction commerciale de plus de six étages. Il n'y a donc pas d'antécédents.

Il y a énormément de promotions à faire pour intéresser les producteurs à fournir ces services. Les prix varient énormément. Au Québec, pour le projet de FondAction, on est allé en soumission et on a reçu trois montants avec des variations de 30 p. 100. La soumission la moins chère, c'est du bois de la Colombie-Britannique, laminé au Manitoba, livré au Québec; il est 30 p. 100 moins cher que le produit de Nordic. Cherchez l'erreur.

Ce que l'on a imaginé, c'est peut-être parce que Nordic récupère de plus petites pièces alors qu'en Colombie- Britannique, les pièces sont plus grandes et c'est plus facile à laminer, c'est des 2 X 4 ou des 2 X 6. Il reste que le coût du transport compte beaucoup. Et comme on avait un bâtiment certifié LEED, on ne peut pas aller s'approvisionner à une distance supérieure à 800 kilomètres. Une des raisons, c'est que le transport génère des gaz à effet de serre. C'est un des principes de la certification LEED.

FondAction, avec sa politique d'achat, au Québec, en plus, a décidé de payer près de 30 p. 100 plus cher pour s'approvisionner au Québec et favoriser l'industrie québécoise. Trente pour cent plus cher, c'est aussi 30 p. 100 plus cher qu'une structure de béton. C'est un autre facteur qui influence un promoteur qui se demande si le bois coûte moins cher; non, ça ne coûte pas moins cher, ça coûte plus cher. Au moment où l'on se parle, ça coûte plus cher. Si l'industrie se développe, cela risque de baisser les prix, mais en ce moment, ça coûte nettement plus cher.

Lorsqu'on dit 25 à 30 p. 100 plus cher qu'une structure de béton, cela peut paraître énorme au départ, mais il faut calculer que dans le coût total d'un projet, c'est 30 p. 100 plus cher pour la structure de béton qui représente, elle, entre 20 à 25 p. 100 du coût du projet. Donc c'est autour de sept ou huit p. 100. Mais sept ou huit p. 100 de plus, pour un promoteur, c'est encore beaucoup d'argent.

Donc ce sont les difficultés que l'on rencontre dans la réalisation d'un projet de ce genre.

Actuellement, des ressources sont mises en place. Le ministère des Ressources naturelles et de la Faune a mis en place un programme d'accompagnement pour les professionnels, pour les intéresser à ce genre de construction.

Le programme est dirigé par FPInnovations et l'objectif est de construire le maximum de projets multiétagés en bois, avec le centre d'expertise sur la construction commerciale en bois, qui s'appelle Cecobois. Et, à mon avis, cela devrait passablement aider la réalisation d'autres projets.

Suite à l'adoption du projet de FondAction, je ne sais pas si c'est une conséquence directe ou si c'était déjà en gestation, mais le code provincial de la Colombie-Britannique a augmenté ses limites, et permet jusqu'à maintenant des bâtiments en bois de six étages, mais aux fins d'habitation seulement, pas pour les édifices commerciaux. Un des objectifs du projet du Fonds du Québec est éventuellement que les codes s'adaptent et que cela fasse objet de jurisprudence pour qu'on puisse avancer dans ce dossier.

Le président : Je vous remercie de votre présentation, monsieur Huot. On va maintenant demander aux sénateurs de vous poser des questions. On va commencer par le sénateur Robichaud.

Le sénateur Robichaud : Merci pour votre présentation, monsieur Huot. C'est très intéressant de voir vos réalisations. Si je comprends bien, dans tout projet qui voudrait aller de l'avant en utilisant le bois au maximum, c'est l'étape d'acceptation du projet, c'est-à-dire de prouver aux gens de la construction que vous répondez aux objectifs du code.

Combien de temps cela peut-il prendre?

M. Huot : Dans le cadre de FondAction, cela a pris un an. On a fait deux projets. On a fait le plan B, mais on avait aussi un plan A avec une structure de béton. Parce que si cela n'avait pas été accepté par la Régie du bâtiment du Québec, on aurait pu procéder de toute façon avec le projet. Mais ce sont de longues démarches. Et peut-être que dans ce cas-ci, cela a été un peu plus long parce que c'était une première.

J'imagine que maintenant, puisque la Régie du bâtiment est au courant de la procédure, cela peut possiblement aller plus vite, mais je ne suis pas en mesure d'évaluer cela.

Le sénateur Robichaud : Suite à votre première expérience, y a-t-il eu d'autres bâtiments de ce genre, qui ont pu être construits et qui ont pris moins de temps dans le stade de la préparation?

M. Huot : Je sais qu'il y a des projets en gestation, mais aucun autre n'a été approuvé, à ce que je sache.

Le sénateur Robichaud : Et l'approbation relève de qui?

M. Huot : Au Québec, lorsque je dis qu'il y a des retards dans l'acceptation des codes, à la Ville de Québec, lorsque nous faisons une demande de permis, ils viennent à peine, depuis un an, d'adopter le Code national du bâtiment, de 1995.

Durant la période dont il fait l'objet, le Code national du bâtiment 2005 a été accepté par le gouvernement du Québec. On a donc demandé à la Ville de Québec ce qu'on devait faire. Ils ont répondu que si nous concevions notre bâtiment avec le code de 2005 et que la Régie du bâtiment accepte le projet, qu'ils étaient pour nous donner le permis de construire.

Et cela a pris un an avant d'obtenir cette approbation. Donc au Québec, c'est la Régie du bâtiment.

Le sénateur Robichaud : C'est la Régie du bâtiment qui a incorporé le Code national du bâtiment?

M. Huot : Non, ils ne font que vérifier que les professionnels ont bien suivi le code national pour la conception des bâtiments.

Le sénateur Robichaud : Vous parlez de professionnels. Vous avez aussi dit que c'est un problème puisqu'il y a un manque de professionnels expérimentés connaissant les propriétés du bois.

M. Huot : Oui.

Le sénateur Robichaud : Est-ce que cela s'améliore? Y a-t-il des efforts qui sont faits en ce sens?

M. Huot : Des efforts importants sont faits actuellement, principalement par Cecobois, le bureau de promotion du bois, au Québec en tout cas. Ailleurs au Canada, je ne le sais pas. Mais au Québec, ils ont un site en ligne dans lequel il y a beaucoup d'informations, des outils de travail, des projets qui sont donnés à titre d'exemple. Les gens qui ont un intérêt peuvent consulter ce site qui contient énormément d'informations. Et ils vont aussi accompagner un professionnel dans sa démarche sur le plan technique et sur le plan du code afin que le projet puisse se réaliser.

Le sénateur Robichaud : Vous disiez que beaucoup d'informations techniques sont disponibles en Europe.

M. Huot : Oui.

Le sénateur Robichaud : Est-ce que cette information technique fait partie de leur code de construction?

M. Huot : Bonne question. Je ne sais pas.

Le sénateur Robichaud : On pourrait récupérer cette information.

M. Huot : On pourrait assurément la récupérer, oui. Il y a de l'information à aller chercher là parce qu'il s'en fait des projets. J'ai vu des projets qui sont drôlement intéressants et techniquement très avancés, qu'on ne voit pas du tout ici.

Et pourtant, leur ressource ce n'est pas le bois, mais il y a énormément d'informations à aller chercher.

Le sénateur Robichaud : Est-ce qu'ils ont réussi à diminuer les prix pour être comparables aux constructions de béton d'ici?

M. Huot : Pas encore.

Le sénateur Robichaud : Donc il y a encore une marge?

M. Huot : Oui. Comme je vous dis, avant le projet de FondAction, il n'y avait aucun marché dans le secteur des bâtiments commerciaux. Il s'agit du premier et s'il y en a d'autres à venir, la concurrence va possiblement s'installer.

Par exemple, le Groupe Canam Manac inc., qui fabrique des poutrelles d'acier est sur le point de développer un département pour faire du platelage de bois. C'est quelque chose de nouveau. À savoir si d'autres compagnies vont suivre, je ne sais pas.

[Traduction]

Le sénateur Ogilvie : J'ai deux questions qui requièrent une réponse brève et j'en ai une qui nécessite quelques précisions.

[Français]

En Europe, les règles permettent des bâtiments non résidentiels de sept étages. Quelle est la hauteur permise pour le secteur résidentiel en Europe?

M. Huot : En Scandinavie, en Angleterre et en Allemagne, il y a des projets de neuf et dix étages. En Autriche ou en Allemagne — je ne me souviens pas de l'endroit exact — il y a un projet sur les planches à dessin qui comporte 20 étages en bois. Techniquement, on peut aller très loin avec le bois. C'est sûr qu'il y a des problèmes de retrait et des problèmes de fluage.

À Québec par exemple, on sait que la structure va s'affaisser de 13,2 centimètres sur six étages. Quand on accroche un mur-rideau sur la structure, il faut prévoir des joints d'expansion sur chaque étage pour prévenir l'affaissement du bâtiment. Depuis trois ou quatre mois, on mesure l'affaissement progressif du bâtiment et les paramètres qu'on a obtenus sont tout à fait « right on », comme on dit.

[Traduction]

Le sénateur Ogilvie : Connaissez-vous l'hôtel del Coronado, près de San Diego?

[Français]

M. Huot : Oui, je l'ai déjà visité.

[Traduction]

Le sénateur Ogilvie : C'est toute une structure; elle existe depuis assez longtemps. Savez-vous s'il s'agit d'une construction à poteaux et à poutres?

M. Huot : Désolé, je ne le sais pas.

[Français]

Le sénateur Ogilvie : Vous avez aussi touché des aspects très importants, mais pour être certain d'avoir bien compris, j'aimerais concentrer mes questions sur ces aspects.

[Traduction]

Nous avons entendu dire — et vous avez effleuré le sujet — que, lorsque le bois lamellé est exposé au feu et à une chaleur intense, les lamelles ont tendance à se séparer, exposant les colles. Ces colles sont des matières organiques très inflammables. La séparation accroît l'étendue de la surface du bois, ce qui manifestement accélère la progression de l'incendie. Pourriez-vous nous en dire plus sur cet aspect du bois lamellé?

[Français]

M. Huot : Dans le code il n'y a pas de références à la résistance au feu. La seule référence c'est 45 minutes. Quand on veut aller à plus de 45 minutes, il faut extrapoler des règles issues de rapports techniques du Conseil américain du bois. On a donc extrapolé. Aussi, on s'est mis une marge sécuritaire. Si jamais il y a un incendie, il y a une partie du platelage qui peut brûler sans compromettre l'intégrité structurale du plancher. Je ne pense pas que les colles qu'on utilise actuellement soient inflammables. Ce sont des colles à base de latex et sans éléments volatiles. C'est un problème qui est réglé.

[Traduction]

Le sénateur Ogilvie : Ma dernière question sur la stabilité se rapporte au stress physique. Il y a dans la région de Québec une certaine activité sismique. Je présume qu'il en est question dans les codes. Comment le bois se compare-t-il à l'acier, selon les exigences des codes, en ce qui a trait au degré d'activité sismique?

[Français]

M. Huot : Je vais vous donner l'exemple de Québec parce que c'est le seul que je connais. On a utilisé des cages d'ascenseur et d'escaliers en béton pour prendre des secousses sismiques du bâtiment. En fait, ce que l'on a c'est un système hybride. On aurait pu les faire en bois, mais étant donné qu'il y avait trop d'inconnus, on a utilisé du béton pour prendre les secousses sismiques.

On utilise le platelage également pour contrer les efforts de torsion du bâtiment en cas de secousses sismiques. On n'a pas beaucoup de données là-dessus, on ne sait pas comment cela se comporte. C'est pourquoi on est allés avec un système hybride avec des cages d'escaliers et d'ascenseurs en béton et on a amarré la structure aux cages.

Le sénateur Ogilvie : Je vous remercie pour votre présentation.

Le président : Je dois dire que le sénateur Ogilvie maîtrise bien la deuxième langue.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Pour faire suite à la question de mon collègue néo-écossais, dans votre réponse, vous avez dit qu'en Scandinavie, en Angleterre et en Allemagne, il y a des édifices de 9 ou 10 étages. Ont-ils été construits avec des panneaux structurels contrecollés?

M. Huot : Non.

Le sénateur Mercer : S'ils ont été construits avec des panneaux structurels contrecollés, y a-t-il une différence dans l'assemblage des panneaux structurels contrecollés que vous avez utilisés à Québec et, plus particulièrement, existe-t-il une analyse de l'utilisation des colles et quel type de colle est utilisé dans chaque cas?

[Français]

M. Huot : À Québec, le platelage n'est pas du lamellé croisé. C'est du platelage dans une seule direction, dans la direction des fibres. On a utilisé des panneaux de lamellé croisé uniquement pour l'entrée principale. C'est une marquise en bois, en lamellé croisé. C'est pour faire un essai parce qu'au Québec, le lamellé croisé n'existe pas.

Nordic nous a fait cette marquise en lamellé croisé parce qu'en principe, comme les fibres travaillent dans deux directions, cela devrait être beaucoup plus rigide qu'un lamellé dans une seule direction. On n'avait pas de données. Comme je vous disais, au Canada on n'a pas de données. Il faudrait possiblement aller en Europe pour trouver l'information supplémentaire, mais personnellement, je n'ai pas eu l'occasion de le faire.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Au sujet du processus d'approbation d'un an, si vous n'aviez pas voulu utiliser du bois dans l'environnement de la ville de Québec, quel aurait été le processus d'approbation normal?

[Français]

M. Huot : Cela dépend des municipalités. Ce sont des délais très courts, un ou deux mois. Quand on construit en béton ou en acier, ce sont tous des assemblages qui sont connus. On connaît leur comportement mécanique et leur résistance au feu, tout cela est connu.

Le lamellé-collé s'appelle un assemblage. Pour que ce soit introduit dans le code, il faut que ce soit testé. Pour cela, il faut faire plusieurs types d'essais en laboratoire. Ce sont des institutions gouvernementales qui doivent commander ces tests, le Conseil national de la recherche ou je ne sais qui d'autre. Cela coûte de l'argent, cela prend un investissement important pour avancer dans ce domaine. Si ces assemblages étaient connus et intégrés au code, il est certain que les délais seraient plus courts.

Le sénateur Robichaud : Pouvez-vous expliquer ce qu'est le lamellé croisé, pour mon bénéfice et pour celui des auditeurs?

M. Huot : Pour les poutres ayant servi pour les colonnes, on utilise des baguettes d'un pouce par deux pouces. Elles sont toutes assemblées parallèlement aux fibres. Les fibres sont dans une seule direction et on assemble cela. Pour le lamellé croisé, on fait un rang dans un sens et un rang dans l'autre sens. C'est comme un contreplaqué. C'est le même principe, on met les fibres dans deux sens. Cela donne plus de rigidité.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Pour compléter ma question sur le délai d'approbation, vous dites que, dans la plupart des municipalités, il faudrait normalement un ou deux mois pour obtenir une approbation. Il a fallu un an pour obtenir celle-ci. Pouvons-nous présumer que, si vous vouliez bâtir un immeuble similaire dans la même municipalité, le délai d'approbation serait beaucoup plus court que la première fois?

M. Huot : Je ne le sais pas.

[Français]

À la Régie du bâtiment du Québec, ils vont analyser cela au cas par cas. Cela dépend de la dimension du bâtiment, du nombre d'étages, des distances à parcourir, des éléments combustibles que vous allez introduire; il n'y a pas de règle, à l'heure actuelle. Pour la Régie du bâtiment du Québec, c'est au cas par cas. Je ne peux pas deviner, j'espère juste que cela pourrait aller plus vite que si j'y vais avec un autre projet. Ils savent que j'ai l'expertise d'un premier projet, mais dans le cas de quelqu'un d'autre, je ne sais pas, je n'en ai aucune idée.

Le sénateur Eaton : Quelles seraient vos recommandations pour promouvoir la construction en bois à travers le Canada? On a eu des témoins, plus tôt cette semaine, qui représentaient les fabricants d'acier au Canada; Mme Sylvie Boulanger de Montréal a témoigné en disant qu'ils allaient dans les écoles, les universités; ils sont commanditaires de cours en construction, en béton, mais surtout en acier. Si vous aviez des recommandations à nous faire, comment est-ce qu'on peut encourager la construction en bois d'une façon pratique?

M. Huot : Justement, il s'agit de donner des programmes de formation. Les ordres professionnels au Québec sont tous obligés d'avoir une formation continue. Il y a déjà une première formation continue en architecture qui s'est donnée à l'Ordre des architectes du Québec, que j'ai suivi d'ailleurs.

Le sénateur Eaton : Vous comme architecte, avez-vous eu des cours spécialement pour la construction en bois?

M. Huot : À l'école d'architecture, non. Il faut comprendre que, dans le secteur résidentiel, tous les éléments pour composer un projet sont connus. On prend le code, on regarde les éléments on les assemble et c'est strictement une question d'imagination. Mais quand on tombe dans le commercial, pour ce qui est des connaissances mécaniques du bois, on n'a pas de formation.

Le sénateur Eaton : Alors, c'est un manque d'éducation; les préjugés sont là parce qu'il y a un manque d'éducation.

M. Huot : Je pense que les Ordres de professionnels devraient intervenir. Au niveau des universités, également, on devrait donner cette formation aux professionnels éventuellement. C'est une question de formation. Donc, parlant d'apprendre quelque chose pour des fins qui n'existent pas, on comprend facilement que cette information n'existe pas au moment où on se parle. Mais si on a vraiment l'intention de faire la promotion du bois et de son utilisation dans les édifices commerciaux, il faut en faire la promotion et cela implique de la formation; cela implique des laboratoires qui font des tests sur des pièces, et qu'on divulgue cette information et qu'on l'intègre dans les codes.

Le sénateur Eaton : Ce sont toutes des choses que les fabricants d'acier font.

M. Huot : Oui, c'est la même démarche, ce n'est pas bien différent. C'est juste le matériau qui change.

Le sénateur Eaton : Une autre question : au Québec, nous avons une tradition de construction et d'architecture qui nous vient de la France. En France, souvent, les murs ne sont pas en plâtre, mais en bois peint. On n'a pas suivi cette tradition au Québec. Est-ce que les murs en plâtre sont plus avantageux que les murs peints en bois?

M. Huot : Cela coûte moins cher. C'est une question de marché. Cela coûte moins cher de poser une planche de gypse qu'un revêtement de bois. Si vous prenez un contreplaqué d'érable ou de cerisier, cela coûte infiniment plus cher que du gypse. C'est strictement une question économique.

Le sénateur Eaton : C'est ironique, quand vous pensez que nous sommes le pays qui a le plus de forêts au monde.

M. Huot : J'ai travaillé pendant sept ans au Moyen-Orient, à Dubaï, à construire des édifices en acier inoxydable, en aluminium et en verre, en plein désert, à 50 Co. On n'utilisait aucune ressource locale. C'est une aberration de faire des projets de ce type. Chaque fois que je revenais au Québec, quand on arrive au Canada on arrive par le Labrador : c'est un pays vert; du bois, il y en a. Et tout ce qu'on réussit à faire avec du bois c'est des 2 x 3, des 2 x 4, des copeaux de bois et de la pâte à papier. Il me semble qu'il y a d'autres choses à faire avec cela.

Le sénateur Eaton : C'est quand même ironique.

M. Huot : Ici, paradoxalement, pour faire le parallèle avec Dubaï, on continue à construire en béton, en acier, en acier inoxydable, en aluminium et en verre. Et la ressource, on l'utilise très peu. Vous parlez à un croyant, là.

Le sénateur Eaton : On va changer cela. Merci.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Merci pour votre merveilleuse présentation. J'étais l'un de ceux qui ont eu la chance de visiter votre charmant édifice au Québec. Ce fut très agréable. Merci de la visite que vous nous en avez fait faire.

Il semble que nous avons trois problèmes avec le bois. Le premier est le coût. Un grand nombre d'entrepreneurs de ma connaissance me disent que, si le prix baissait, tout le monde choisirait le bois pour se construire, mais tant que les fonds viendront du privé, les investisseurs privés choisiront l'option la plus économique.

Le deuxième problème est le manque d'information, auquel le sénateur Eaton a fait allusion, et le troisième problème est le manque de visionnaires qui décident de sortir un peu des sentiers battus. Encore une fois, je vous félicite pour votre vision et votre initiative.

J'aimerais aborder la question du coût. Il y a quelques mois, nous avons entendu un témoin qui a parlé de construire une aréna à Abbotsford. L'entrepreneur qui a effectué les travaux n'était pas de la Colombie-Britannique et a fait économiser 600 000 $ aux habitants d'Abbotsford.

Vous avez laissé entendre que, si vous aviez acheté votre bois au Manitoba — et je pense que vous avez peut-être dit aussi en Colombie-Britannique — vous auriez économisé plus de 30 p. 100. Si vous aviez fait cela, de combien auriez- vous pu rapprocher le prix de celui du béton ou de l'acier si vous aviez simplement pris le plus bas soumissionnaire?

[Français]

M. Huot : Une structure de béton dans un bâtiment de cette envergure, soit environ 60 000 pieds carrés, coûte de 26 à 28 $ le pied carré. Nos estimés préliminaires pour une structure en bois si on s'approvisionnait en Colombie-Britannique, tournaient autour d'un montant de 28 à 29 $ le pied carré. La différence n'est pas énorme, mais s'il y avait plus de concurrence et de projets sur le marché, nous réussirions peut-être à obtenir un prix inférieur au béton.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Avec le prix du Manitoba, auriez-vous été proche du prix du béton?

[Français]

M. Huot : Cela aurait été similaire; autour de 2 $ à 3 $ du pied carré brut de construction. L'investissement en bois pour le projet de FondAction est un projet total de 14,5 millions de dollars en incluant le stationnement intérieur.

Pour la structure de bois, le platelage, le revêtement extérieur en bois, il s'agit d'un investissement de 2,3 millions de dollars. Si nous nous étions approvisionnés le bois en Colombie-Britannique, nous aurions probablement économisé 300 000 $ sur ce projet, pour une économie finale de 5 $ le pied carré pour la structure.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Par curiosité, maintenant que les travaux sont presque terminés, le coût de l'édifice correspond-il plus ou moins au budget soumis?

M. Huot : Non.

Le sénateur Duffy : Ce serait vraiment une première.

[Français]

M. Huot : On dit qu'un bon architecte c'est quelqu'un qui défonce le budget, qui ne respecte pas les échéanciers et que la toiture coule.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Je veux parler de sensibilisation ou de la possibilité de créer plus de visionnaires.

Que faudrait-il faire pour intéresser plus de gens? Des architectes et des ingénieurs nous ont dit que tout ce que veulent les diplômés universitaires — je ne pourrais dire s'ils les taxent nécessairement de paresse — c'est se trouver un emploi pour commencer à gagner de l'argent. C'est l'un des problèmes.

À votre avis, que pourrions-nous faire pour susciter un plus grand intérêt? Faudrait-il que le gouvernement déclare qu'un certain pourcentage de ses immeubles doivent être construits en bois ou faudrait-il que les universités prennent simplement l'initiative?

[Français]

M. Huot : Les gouvernements ont un rôle extrêmement important à jouer. Si nous voulons promouvoir cette industrie, ce ne doit pas être fait sur une base volontaire, mais bien plutôt imposer des règles à long terme.

Dans un projet gouvernemental, qu'il soit au fédéral, provincial ou municipal, un pourcentage X de bois devrait être présent. Ils l'ont fait, par exemple, pour l'Orchestre symphonique de Montréal. Le gouvernement du Québec a imposé un revêtement intérieur en bois, pour en faire la promotion. Il faut partir de là. Nous savons que cela va coûter un peu plus cher, mais il faut une implication de la part des gouvernements pour établir un pourcentage X de bois contenu dans les projets. C'est la meilleure promotion que l'on peut faire. À partir du moment où c'est imposé, les professionnels vont se procurer l'information nécessaire pour la réalisation. Sinon, ils ne seront pas qualifiés pour faire ce genre de projets.

C'est une possibilité. Ensuite, il faut faire la promotion de ce matériau pour des utilisations commerciales, à l'intérieur de la formation universitaire. Comment faire cela? Je ne sais pas.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Les personnes responsables du Code national du bâtiment au Conseil national de recherches du Canada semblent attendre que l'industrie et les provinces fassent pression pour que des modifications soient apportées au code. Est-ce que les provinces et l'industrie font pression pour que ces modifications soient apportées?

[Français]

M. Huot : Actuellement, au Québec, oui; parce que le gouvernement a décidé de se doter d'une politique afin de faire la promotion du bois. Il y a donc des gens qui seront intéressés à devenir des fournisseurs de ce matériau. Pour faire certifier leurs produits, ils devront faire appel à des laboratoires pour tester des assemblages, et cetera. Cela peut se faire au Conseil national de recherche ou dans un laboratoire privé; cela peut être fait à bien des endroits ou être fait de telle façon que ces tests, une fois effectués, soient introduits dans les codes de construction des provinces ou dans le Code national du bâtiment.

[Traduction]

Le sénateur Duffy : Monsieur Huot, le coût est manifestement un facteur dans tous ces projets. Vous nous avez parlé de divers aspects des coûts dans votre magnifique édifice à Québec. Qu'en est-il des assurances? Nous avons eu un débat. Des représentants de l'industrie sidérurgique sont venus ici. Ils ont des craintes relativement aux incendies. Qu'est-ce que votre client a obtenu de son assureur quant au coût pour votre structure au Québec?

[Français]

M. Huot : Pour le projet de Québec, les assureurs de FondAction n'ont fait aucun commentaire puisqu'à partir du moment où l'édifice est approuvé par la Régie du bâtiment du Québec, il est conforme au code de construction; qu'il s'agisse de bois ou de béton n'a donc pas d'impact pour les assurances. Par exemple, le giclage de l'édifice est obligatoire, que ce soit en bois ou en béton et cela doit être conforme à certaines normes spécifiques.

Cette question a été soulevée dans le cas du projet de Québec, à savoir si les compagnies d'assurances allaient réagir à cela, mais il n'y a pas eu de réaction de leur part. Le bâtiment est assuré.

Le sénateur Duffy : Le tarif est le même pour le béton, l'acier ou le bois?

M. Huot : Oui.

[Traduction]

Senator Duffy : Vous recommandez que les gouvernements rendent obligatoire l'utilisation de bois dans la construction des édifices publics. Quelle aide sera offerte? Vous nous parlez d'un processus d'approbation qui dure un an. Il est certain qu'une chose que le gouvernement pourrait faire presque immédiatement, c'est d'accélérer le processus d'approbation pour que les gens ne soient pas confrontés à ce genre d'obstacle

M. Huot : C'est vrai.

Le sénateur Duffy : Les responsables de la réglementation vous ont-ils expliqué pourquoi il a fallu un an? Réinventaient-ils la roue chaque jour?

[Français]

M. Huot : C'est presque cela. Dans le Code national du bâtiment, très peu d'informations sont disponibles et il n'y a pas de standards, contrairement aux constructions résidentielles de bois pour lesquelles existent des standards telles les essences de bois identifiées, et cetera.

Une fois que vous êtes conforme aux standards prévus dans le code, la question de l'approbation est purement circonstancielle. Vous déposez vos plans et, selon l'achalandage que la municipalité ou la ville peut avoir, le plan est approuvé et le permis est livré en dedans d'un délai très raisonnable.

Le problème qu'on a eu, c'est qu'avant d'aller chercher le permis de construction à la Ville de Québec, on a dû passer à la Régie du bâtiment. C'est une étude cas par cas. Il n'y avait pas de précédents, c'est une première en Amérique du Nord cet édifice. Très souvent, les fonctionnaires sont frileux. Ils veulent s'assurer que tout est correct.

Le sénateur Duffy : Incroyable.

M. Huot : C'est à vous de faire la démonstration que vous avez raison, pas à eux, que la sécurité n'est pas compromise.

Le défi qu'on a à relever est que ce n'est pas parce que l'on introduit des éléments combustibles dans un bâtiment qui doit être incombustible que l'on met en péril la sécurité des gens. La seule chose qui est importante dans un bâtiment, c'est la sécurité des gens, il n'y a pas autre chose que cela. Quand cela est assuré, le reste va bien.

[Traduction]

Le sénateur Duffy : Il me semble que le point de départ devrait être dans les universités, là où les architectes sont formés.

M. Huot : On y forme aussi des ingénieurs de structures.

Le sénateur Duffy : Oui, je parle de toute la cohorte. Les bureaucrates se rendront alors compte qu'il existe une expertise et que ces idées et ces concepts ont été testés et se sont révélés efficaces.

Enfin, sur la question de la promotion, plutôt qu'un décret gouvernemental, il me semble que les qualités esthétiques et environnementales évidentes des édifices en bois devraient être très attrayantes, surtout pour la jeune génération et les jeunes créatifs désireux de s'orienter vers l'architecture et le génie.

[Français]

M. Huot : La nouvelle génération de professionnels est beaucoup plus consciente des changements climatiques que ceux de ma génération. Dans un bâtiment comme FondAction, on évite d'ajouter 1 500 tonnes d'émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, ce qui est l'équivalent de 300 voitures qui roulent pendant un an. Si on multiplie ce type de projet par 100, cela commence à faire beaucoup de voitures et beaucoup d'émission de gaz à effet de serre en moins.

[Traduction]

Le sénateur Duffy : Enfin, acheter à proximité, ce n'est pas du protectionnisme. C'est éviter l'empreinte carbone associée au transport de produits sur de longues distances. C'est aussi une préoccupation environnementale plutôt que du protectionnisme entre provinces.

[Français]

Le sénateur Rivard : Monsieur Huot, vous êtes de Montréal. Ce n'est pas un défaut.

M. Huot : De Montréal, oui.

Le sénateur Rivard : Est-ce le premier projet important que vous avez fait à Québec?

M. Huot : Oui.

Le sénateur Rivard : Permettez-moi de faire un peu le témoin afin d'expliquer le contexte spécial de la ville de Québec où j'ai passé ma vie et où j'ai eu le plaisir d'être entrepreneur en mécanique pendant 35 ans. Le centre historique de la ville, le Vieux-Québec, a été reconnu patrimoine mondial par l'UNESCO.

Cela veut dire qu'il y a plusieurs murs à franchir avant de pouvoir faire quoi que ce soit. On commence d'abord par déposer un projet. Les fonctionnaires le scrutent et c'est référé à un comité d'urbanisme sur lequel siègent des élus et des citoyens experts ayant des connaissances en urbanisme. Ensuite, cela prend l'approbation du ministère de la Culture du Québec. Puis cela revient à la Ville de Québec. Alors, un projet qui aurait pris trois mois à Lévis, la ville en face de Québec, peut prendre presque un an. Cela explique le contexte spécial de la ville de Québec. Le maire actuel, M. Labeaume, a promis de raccourcir les délais pour que les projets aillent plus vite.

Il y a eu aussi à Québec un tremblement de terre, pour répondre à la question du sénateur Ogilvie, le 25 novembre 1988, avec une secousse de plus de six sur l'échelle de Richter, ce qui est comparable à ce qui est arrivé à Haïti. À part de vitre et de vaisselle cassées, les dommages ont été minimes, et cela inclut les bâtisses à structure d'acier et des résidences unifamiliales en bois.

Vous avez dit que sur le projet de 14 millions et demi, 2,3 millions étaient réservés pour le bois et qu'en excluant la compétition cela aurait pu coûter 30 p. 100 de moins, mais si la compétition avait été le seul critère, on aurait pris le bois de la Colombie-Britannique. Cependant, si on comparait avec l'acier et le béton, on épargnait 30 p. 100 sur le coût des matériaux.

L'automne dernier, nous avons entendu le témoignage du doyen de la faculté de foresterie de l'Université Laval. Nous avons eu le privilège de voir le pavillon construit entièrement de bois. Il a souligné que quand on investissait, on le faisait une fois, mais qu'après il fallait tenir compte de tous les autres coûts récurrents qui suivraient, tel le chauffage. Il nous a parlé d'une économie annuelle pour le chauffage de l'ordre de 25 à 30 p. 100 par rapport à celui d'une structure conventionnelle en béton ou en acier. Est-ce possible de dire que malgré le montant additionnel investi dans la structure de bois, que grâce à des économies de chauffage, par exemple, cette différence de prix pourrait être recouvrée dans un délai de sept à huit ans un peu comme lorsqu'on installe la géothermie plutôt que de la climatisation conventionnelle?

M. Huot : C'est un excellent point. Vous avez absolument raison. Dans une structure de bois, des ponts thermiques cela n'existe pas ou pratiquement pas. Une structure d'acier ou de béton doit être isolée contre le froid ou le chaud à l'extérieur. Cela coûte plus cher. Mais on n'arrive jamais à isoler à 100 p. 100.

Le bois a des performances d'isolation thermique très intéressantes. Effectivement, à long terme, vous parlez du pavillon Kruger, je ne suis pas surpris de voir des économies d'énergie de cet ordre de grandeur.

C'est à l'usage, grâce au bâtiment de FondAction, qu'on pourra vérifier cette hypothèse. Je dois vous dire qu'on a développé pour le bâtiment une enveloppe extrêmement performante. La résistance thermique des murs extérieurs est de R-30 et de la toiture de R-40. C'est énorme.

On verra après trois ou quatre ans, en regardant les factures d'électricité, mais les simulations nous donnent, par rapport au Code modèle national de l'énergie, une économie de l'ordre de 40 p. 100.

Le sénateur Rivard : C'est excellent.

M. Huot : C'est un facteur important à mentionner. Lorsqu'un promoteur veut regarder cette option, c'est un facteur important de mentionner qu'il y a une possibilité. On ne le sait pas encore, cela reste à vérifier, mais il y a une possibilité énorme d'économie d'énergie.

Le sénateur Rivard : L'université l'a vécu et le doyen était présent lorsque nous lui avons rendu visite. L'économie importante du coût d'énergie m'avait frappé.

Lorsque nous avons visité votre immeuble en construction, nous avions été à l'Université Laval et nous avions fini la journée au nouveau centre de soccer intérieur Chauveau.

Les gens qui ont contribué à la construction nous mettaient en garde; ils sont enchantés de l'immeuble sauf qu'ils nous disaient que s'il y avait un engouement spontané, on aurait de la difficulté à Québec à avoir deux projets comme le vôtre en même temps à cause de la main-d'œuvre. Cela prend une habileté différente et le fournisseur unique de l'industrie, Chantiers Chibougamau, ne pourrait peut-être pas fournir.

M. Huot : Il ne réussit pas à le faire présentement.

Le sénateur Rivard : Il ne pourrait pas le faire, il faut en tenir compte. C'est certain que l'offre et la demande jouent. Plus les employés en feront, plus ils seront habiles et d'autres pourront l'apprendre.

Mardi on a parlé avec les gens de l'acier, il faut toujours éduquer les gens. L'argument du bois qui coûte plus cher à l'installation et à l'achat, mais à l'opération, à cause de l'économie d'énergie très importante, il ne faut pas penser uniquement au prix d'achat, mais à un prix échelonné sur 10 ou 15 ans.

Je vous souhaite d'avoir d'autres projets dans ce domaine.

M. Huot : Merci.

Le président : Avez-vous des commentaires à faire sur l'énoncé du sénateur Rivard?

M. Huot : À Québec, sur la question du délai, ce que le sénateur Rivard a mentionné est vrai. Il y a une commission d'urbanisme non consultative à Québec, elle est décisionnelle. Si la commission d'urbanisme avait dit non au projet, il n'y a pas d'appel à Québec. C'est une commission formée par le gouvernement du Québec parce que c'est la capitale de la province. Il y a sept architectes qui siègent à la commission de Québec. Ils sont de Québec. Lorsque vous êtes de Montréal et que vous allez présenter un projet, on dit : « pourquoi un architecte de Montréal, il n'y a personne à Québec pour le faire? »

Le sénateur Rivard : C'est la raison pour laquelle je vous ai demandé si vous étiez de Montréal.

Le sénateur Robichaud : Pour enchaîner aux propos du sénateur Rivard que l'on ne pourrait pas fournir à la demande, vous dites que le fournisseur du bois utilisé ne fournit pas actuellement. Cela veut dire qu'il y a une demande.

M. Huot : Oui, il y a beaucoup de projets en gestation. Plusieurs projets sont sortis dernièrement et je sais qu'ils ont de la difficulté à livrer. Je pourrais chercher de l'information sur le projet.

Le sénateur Robichaud : Mais la demande augmente quand même?

M. Huot : Il y a une tendance importante à faire des projets, c'est dans l'air du temps de faire des projets en bois à cause du décret du gouvernement du Québec disant qu'ils vont favoriser l'utilisation du bois dans tous les édifices publics gouvernementaux. Si cela se faisait au gouvernement fédéral, cela aiderait.

À partir du moment où il y aura une demande, des gens seront intéressés à fournir les matériaux. Au Québec, il y en a un. J'ai appris que le Groupe Canam Manac inc., un fabricant de poutrelles d'acier, étudie sérieusement la possibilité de faire un département pour les faire en bois. La demande est là. La ressource est là elle ne manque pas. Il faut qu'elle soit bien gérée, mais elle est là.

En plus, maintenant, on ne peut pas écouler nos produits sur le marché américain. C'est un facteur énorme. Cela peut influencer la demande. Nous devons trouver des débouchés pour notre ressource au Québec et au Canada. Comme le marché américain est fermé ou très difficile à exploiter, il faut s'arranger avec nos problèmes.

Le sénateur Robichaud : Cela nous oblige à trouver d'autres façons d'utiliser notre matière.

Dans votre projet vous avez parlé de développement durable. Quel poids a ce facteur pour le design de l'utilisation du bois dans votre bâtiment?

M. Huot : Il faut tenir compte que FondAction représente des gens intéressés à faire du développement durable, cela fait partie de la culture de l'entreprise. À partir du moment où l'on dit : « on fait un projet écologique certifié LEED », on va contribuer à combattre les gaz à effet de serre, ils sont prêts à s'impliquer et à le comptabiliser pour eux.

Le sénateur Robichaud : Alors, c'est vraiment une considération dont on devrait tenir compte à l'avenir, n'est-ce pas? On parle de changement climatique.

M. Huot : La capacité de séquestration du bois est permanente. Une fois que c'est intégré dans une construction, c'est pour la durée de l'édifice, c'est ce que l'on sauve, plutôt que de le brûler ou faire de la biomasse avec cela.

Le sénateur Robichaud : Ou le laisser pourrir.

M. Huot : Et les gaz se dégagent à long terme, si on peut l'utiliser et le séquestrer de façon permanente, c'est mieux.

Le sénateur Robichaud : Chez nous, à Richibouctou, il y a un manufacturier de fermes de toitures. Lorsque je suis allé les visiter, il nous faisait une démonstration, à savoir comment le design pour les fermes fonctionnait, c'était tout sur un ordinateur. Alors, dépendant de la maison, les toits entrecroisés, superposés, ce n'était pas un problème, on entrait l'information dans l'ordinateur.

Je lui ai demandé qui fournissait le programme, les fournisseurs de bois? Il a dit non, ce sont les fabricants de plaques à clous d'acier qui fournissent tout le programme. Cela n'a rien à voir avec le bois. Ils veulent vendre leur produit, alors ils trouvent une façon de l'utiliser dans la construction.

M. Huot : La performance des éléments de bois et des plaques est connue, pour tenir tous ces éléments en place, il faut que ce soit calculé.

Le sénateur Robichaud : C'est l'industrie de l'acier qui fournit tout le programme, cela n'a rien à faire avec le bois. J'aurais cru que c'était l'industrie du bois qui fournissait les programmes d'ordinateur, mais c'était celle des plaques d'acier.

M. Huot : Nécessité oblige.

Le sénateur Robichaud : Il y a aussi les solives de bois qui sont ouvertes et que l'on utilise de plus en plus.

M. Huot : Qui sont ajourées.

Le sénateur Robichaud : Oui, il y a certainement eu de la recherche.

M. Huot : C'est connu, on a émis tous les manuels pour les différents types de poutrelles ajourées avec les portées, et cetera, ce sont des éléments connus, les plaques d'ancrage, c'est fait, il n'y a pas de problèmes avec cela.

C'est lorsqu'on utilise du bois lamellé-collé ou d'autres assemblages de bois, que l'on a des problèmes.

Même si les poutrelles ajourées sont en bois de dix pieds de haut, à partir du moment où l'on introduit cela dans un bâtiment commercial de plus de quatre étages, cela devient problématique.

Le sénateur Robichaud : D'accord.

M. Huot : Encore là, il faut faire la démonstration que si on utilise cela, on ne met pas en péril la sécurité des usagers. C'est toujours la même problématique qui revient. Ce sont des éléments connus. Il faut quand même en faire la démonstration. Il faut prouver que c'est bon.

Le sénateur Eaton : Je n'ai malheureusement pas eu l'occasion de voyager avec les sénateurs Plett et Mercer et voir votre édifice. Quel âge a votre édifice maintenant?

M. Huot : Il est très jeune, il n'est pas fini. Il approche de ses neuf mois, et l'ouverture officielle sera le 11 mai.

Le sénateur Eaton : Est-ce que vous avez constaté ou observé des dommages climatiques non prévus jusqu'alors?

M. Huot : On a constaté des dommages mineurs. On a été chanceux parce que l'érection de la structure s'est faite en période hivernale, mais l'hiver n'a pas été très difficile. On n'a pas eu de tempêtes de neige énormes. Une partie du platelage a été inondé par un orage un moment donné. Une partie seulement. Le platelage a travaillé. C'est normal.

Lorsque le bois arrive sur le chantier, il y a moins de 13 p. 100 d'humidité. Si vous l'arrosez, il perd ses capacités, puis, le temps de sécher, bien, il gondole. C'est mineur.

Au niveau de la structure, cela n'a pas mis le projet en péril. C'est vraiment mineur. Il a fallu raboter, sabler les planchers pour les remettre à niveau, mais c'est sans dommage.

Aussi, comme on utilise du sapin et de l'épinette, même si le bois est séché, il finit toujours par travailler. Il fissure, mais ce n'est pas... esthétiquement, du bois c'est du bois, on ne s'attend pas à ce que le matériau se comporte comme une colonne de béton. Les fissures font partie de l'esthétique du matériau.

Le sénateur Eaton : Parce que c'est une première en Amérique du Nord, avec une hauteur de 22 mètres, l'édifice a-t-il suscité de l'intérêt de la part du Canada ou des États-Unis?

M. Huot : Il y a un mois et demi environ, un groupe de sept architectes sont venus visiter l'édifice. Il y a trois mois, nous avons eu la visite d'un groupe d'architectes de la Scandinavie. Le projet fait parler de lui.

Le sénateur Eaton : Cela fait des vagues.

M. Huot : Cela fait des vagues. Des gens de l'Europe s'y intéressent — ils sont venus nous rencontrer — et des gens des États-Unis.

C'est encore en chantier. On a des demandes de visite de façon très régulière, de la part d'écoles d'architecture, de professeurs d'université.

Le sénateur Eaton : L'intérêt est-il suscité du fait qu'il s'agit d'un produit considéré vert?

M. Huot : Oui. Principalement, oui. Un produit écologique.

[Traduction]

Le sénateur Plett : J'ai quelques brèves questions simples, encore au sujet des panneaux structurels contrecollés.

Est-ce que toutes les poutres en bois lamellé-collé sont faites de panneaux structurels contrecollés?

M. Huot : Non.

Le sénateur Plett : Pourriez-vous expliquer la différence? S'agit-il dans les deux cas de bois d'ingénierie?

M. Huot : Dans les deux cas, c'est du bois d'ingénierie.

[Français]

Les fibres du lamellé-collé ne peuvent être que dans une seule direction. C'est une question purement technique. Les fibres de bois en compression ont d'excellentes propriétés. Les colonnes de l'édifice ont été faites d'un seul morceau sur deux étages, afin d'avoir un taux d'affaissement le plus minime possible. Il y a trois sections de deux étages pour les colonnes, ce qui va nous donner un affaissement de 13,2 centimètres à la longue. Comme les fibres sont en compression, le lamellé se fait dans une seule direction, dans le sens des fibres.

Si on faisait cela avec du lamellé-croisé, je ne suis pas sûr qu'on obtiendrait le même résultat. Parce qu'on aurait 50 p. 100 des fibres qui seraient parallèles à la compression et 50 p. 100 dans l'autre sens. Je ne suis pas certain que ce serait aussi bon.

Par contre, lorsqu'on utilise un diaphragme de façon horizontale, cela a des propriétés intéressantes.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Est-ce que l'édifice repose sur des piliers de béton ou des pilots ou avez-vous creusé jusqu'au sous- sol rocheux?

[Français]

M. Huot : On a trois étages en sous-sol. On a construit des murs berlinois. On a coulé des fondations en béton. Lorsqu'on a commencé la construction de l'édifice, c'était toujours une structure de béton, lorsqu'on a commencé les fondations. Les fondations sont faites pour supporter une structure de béton.

Ce n'est pas impossible, mais ce serait difficile de faire trois étages souterrains en bois. On n'a pas regardé cette hypothèse. À mon avis, ce serait inapproprié à cause de l'humidité. La nappe phréatique du sol était extrêmement haute.

On a des poussées latérales importantes, parce qu'on est construit, à la limite, sur trois faces du terrain, plus l'autre limite sur le terrain du voisin. Il a fallu faire des travaux de sous-œuvre, soutenir adéquatement l'édifice voisin. En bois, c'est courir après les problèmes. La décision a été prise de le faire en béton. Tout ce qui est hors sol est en bois.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Vous laissez entendre, dans votre présentation, qu'il n'y a pas assez d'information sur la capacité d'un édifice en bois de résister à toutes les difficultés que peut causer le climat et d'autres facteurs. Cela vous préoccupe- t-il d'une manière ou d'une autre à ce stade-ci ou estimez-vous que c'est un édifice capable de tenir debout 100 ans comme un grand nombre d'autres immeubles en bois?

[Français]

M. Huot : J'ai eu la chance de travailler avec un ingénieur en structure qui n'avait pas une grosse organisation. Il était prêt à faire l'effort de recherche pour trouver les paramètres nécessaires pour le design de la structure de cet édifice. Dans ce sens, cela a très bien fonctionné.

Puis, comme je vous l'ai dit, on a mis des coussins dans le design de la structure. Si on avait seulement calculé les dimensions minimales pour cette structure, cela aurait fonctionné quand même, mais on a prévu un coussin de distance au feu d'une heure de plus. C'est ce qu'on a soumis à la Régie. On n'a pas pris de chance, on a mis une heure de plus. Le code demande une heure, mais on a mis une heure de plus. Donc, en cas d'incendie, la structure ne s'effondrera pas. L'intégrité structurale de l'édifice va être constante. Si on a un feu de trois heures, aucun édifice ne va résister.

[Traduction]

Le sénateur Plett : La semaine dernière, un chef de service d'incendie venu témoigner ici a exprimé ses craintes relativement à l'inflammabilité des colles présentes dans les produits de bois d'ingénierie. Il a dit qu'on peut neutraliser le risque et assurer la sécurité en installant un système d'extincteurs automatiques à eau, mais il s'inquiétait de l'inflammabilité des colles. Que répondez-vous à cette préoccupation?

[Français]

M. Huot : Il faudrait que je vérifie. Cela a déjà été soulevé lorsque j'ai visité l'usine Nordic à Chibougamau. Les colles qu'ils utilisent maintenant sont ininflammables. Ce sont des colles à base d'eau, ce ne sont plus des colles à base de solvant. Ce problème est réglé, je crois. Il faudrait peut-être le revérifier et vous envoyer cette information.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Merci. Je vous en serais reconnaissant.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Je crois comprendre que les données techniques sont disponibles — ou certaines le sont — en Europe, n'est-ce pas?

M. Huot : En Europe et aux États-Unis.

Le sénateur Robichaud : Quelles démarches suggérez-vous que notre comité entreprenne pour inviter les gens responsables du code à tenir compte de ces données techniques et à les intégrer dans notre code?

M. Huot : Il faudrait probablement mandater quelqu'un pour colliger l'information. L'information existe, il s'agit d'aller la chercher et la transmettre aux gens qui font les amendements et la mise à jour au code. L'information est disponible.

Aux États-Unis, il y a énormément d'informations. Le conseil du bois américain en possède énormément. On ne l'utilise pas ici, mais cette information est disponible. Il s'agit juste de dire à quelqu'un d'aller la chercher, là colliger et la transmettre aux autorités qui décident des modifications au code. L'information est là. Il y en a beaucoup.

Il reste à tester les assemblages en laboratoire, le conseil national de la recherche ou autres pour les intégrer au code, mais beaucoup d'informations est disponible. Malheureusement, personne n'est allé la chercher.

Le sénateur Robichaud : Il n'y a pas de firmes d'ingénierie qui serait intéressée à aller chercher cette information? La demande n'est pas là?

M. Huot : Il n'y a pas de mandat qui a été donné à une firme d'ingénierie pour aller la chercher. Si les projets existent, s'il y a des moyens pour les réaliser, les professionnels qui vont le faire vont aller chercher l'information. Ils ne se gêneront pas. Il y a aussi cet aspect. Pour faire le projet de FondAction, on est allé chercher l'information.

Le sénateur Robichaud : Mais elle est restée chez vous.

M. Huot : Pour le moment, oui. On vous la transmet un peu.

Le président : Monsieur Huot, avant de clore la réunion, j'aimerais en profiter pour vous remercier parce que vous avez apporté beaucoup d'informations. Vous avez apporté aussi beaucoup de professionnalisme et étant donné que c'est le seul et unique bâtiment en Amérique du Nord, on veut vous féliciter. J'aurais quelques questions avant qu'on se quitte et si on peut s'entendre pour bénéficier de votre expérience, vous êtes le premier, le comité aimerait communiquer avec vous sous forme de lettre pour des questions plus précises, est-ce que vous seriez prêt à partager votre professionnalisme avec nous?

M. Huot : Avec plaisir.

Le président : Le bois utilisé présentement est le « spruce and fir ».

M. Huot : Oui.

Le président : Vous avez parlé du tremble et une autre espèce de bois présent dans nos forêts, à l'est et à l'ouest, c'est le mélèze.

Le sénateur Robichaud : Le violon.

Le président : Par chez nous, on dit l'épinette rouge. Lorsqu'on parle de bois torréfié dans l'industrie de la construction, si on peut réussir avec le volume de mélèze et de tremble que nous avons dans nos forêts à le torréfier afin de l'utiliser dans la construction non résidentielle, ce serait un marché incroyable. Que pensez-vous à ce sujet?

M. Huot : Le bois torréfié est une technologie française. Le bois est mis dans des autoclaves pendant un certain temps. Il est torréfié pendant un certain temps. On élimine toute l'humidité du bois. On en vient à moins de 13 p. 100. Cette technique stabilise les fibres de bois. On peut l'utiliser pour du revêtement intérieur ou extérieur.

À Québec, on a fait une expérience, on a pris du bois « perdure » et on a fait des plafonds extérieurs, des soffites, en bois « perdure » et on a mis, si vous regardez les photos, il y a un mur d'accès qui monte au toit et qui descend qui est fait aussi en bois « perdure ». Avec le temps, on va voir le comportement de ce bois à l'extérieur. À l'intérieur, cela se passe très bien. C'est un bois très stable. Cela grisonne un peu avec le temps, cela prend une patine intéressante. À l'extérieur, il n'y a pas eu beaucoup d'usage jusqu'à maintenant. On verra les résultats avec le temps.

Je pense qu'effectivement c'est un produit intéressant et un marché intéressant, car on utilise du bois qu'on n'utilise pas normalement en construction. Du tremble ou du mélèze, à moins de faire des charpentes apparentes en mélèze, celui-ci bouge énormément.

Le président : En le torréfiant ou en utilisant la technologie « perdure » sur le tremble, on lui donne un autre mandat.

M. Huot : On lui donne une autre vocation.

Le président : J'aurais une question sur le pin de l'Ouest canadien. Si on utilisait la même technologie « perdure » sur le pin canadien, est-ce qu'on ne pourrait pas aussi l'utiliser à l'intérieur de la construction non résidentielle?

M. Huot : J'imagine. C'est une technologie qui peut s'appliquer. Je ne suis pas un expert en bois « perdure ». J'imagine qu'on peut utiliser n'importe quelle essence.

Le président : Advenant qu'on veuille utiliser davantage de technologie « perdure », est-ce qu'il y a des compagnies qui existent présentement au Canada?

M. Huot : Oui, au Québec. Je pourrais vous fournir les gens qui le produisent.

Le président : J'aimerais, monsieur Huot, vous dire merci beaucoup.

M. Huot : Cela me fait plaisir.

Le président : Je vous remercie de votre présence. On va vous présenter le premier rapport intérimaire sur le secteur forestier canadien passé, présent et futur avec le nouveau mandat. Le nouveau mandat est précisément dans l'objectif de votre présence ce matin, soit d'examiner et promouvoir le développement et la commercialisation de produits de bois à valeur ajoutée et aussi hybride, en plus d'examiner des changements possibles au Code national du bâtiment pour Canada 2005 afin d'accroître l'utilisation du bois.

Jamais dans notre histoire, en raison de la situation forestière actuelle nord-américaine pour ne pas dire mondiale, cela nous permet d'avoir les joueurs et les intervenants de tous les niveaux — que ce soit dans la formation, du monde de l'éducation et de l'environnement ou de ceux qui encouragent la valeur ajoutée du produit — à la même table pour permettre aux gouvernements municipal, provincial et fédéral afin de mettre en place des mécanismes pour l'utilisation du bois qui permettent d'avoir un meilleur impact sur l'environnement, le développement durable et aussi la création d'emplois.

Avant de vous remercier, avez-vous d'autres commentaires?

M. Huot : Non. Je vous remercie infiniment de votre invitation. Il m'a fait plaisir d'être ici et merci de votre intérêt en notre projet.

[Traduction]

Le président : Au nom du comité, je vous remercie sincèrement, monsieur Huot, de votre professionnalisme et de l'information que vous avez donnée au comité.

(La séance est levée.)


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