Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 4 - Témoignages du 6 mai 2010
OTTAWA, le jeudi 6 mai 2010
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 5, afin d'étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, chers collègues et invités. Le comité poursuit son étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier du Canada. Ce matin, nous entendrons deux témoins.
M. Robert Glowinski est notre premier témoin. Merci d'avoir accepté notre invitation. C'est un honneur pour nous de vous recevoir. Robert Glowinski est le président des produits de la forêt et du bois à l'American Wood Council. Il nous fera connaître le point de vue des Américains sur les produits du bois et du bois d'ingénierie.
Avant de donner la parole à M. Glowinski, j'aimerais signaler la présence, dans la tribune du public, de Mme Diana Blenkhorn, du Bureau des bois de sciage des Maritimes. Merci d'être ici en tant qu'observatrice et invitée spéciale.
[Français]
J'aurai l'occasion de présenter M. Arsenault un peu plus tard.
[Traduction]
Monsieur Glowinski, nous vous invitons à donner votre exposé, lequel sera suivi d'une série de questions et réponses. Nous vous écoutons.
Robert Glowinski, président, Forestries et produits du bois, American Wood Council : Bonjour. Je remercie le comité de m'avoir invité. Je me ferai un plaisir de vous faire part de mes observations et de mes réflexions sur l'industrie dans laquelle je travaille depuis 32 ans, et sur les liens solides que nous entretenons avec nos homologues canadiens.
Vous m'avez demandé de parler du marché américain sous divers aspects : les perspectives de la construction résidentielle, les débouchés des produits du bois et du bois d'ingénierie, ainsi que la collaboration technique entre nos deux pays. Comme vous me l'avez demandé, je vous parlerai aussi des normes et des codes américains qui régissent l'utilisation du bois dans la construction d'immeubles non résidentiels.
L'American Wood Council, ou AWC, est à la fois une organisation ancienne et nouvelle. Nous faisons partie depuis 15 ans de l'American Forest and Paper Association, l'association commerciale américaine qui représente l'industrie des produits forestiers dans son ensemble. Auparavant, nous faisions partie de la National Forest Products Association, qui n'englobe pas le segment « papier » de l'industrie. Le segment « produits du bois » de l'industrie a décidé récemment de revenir à ses racines et de créer une association distincte pour les produits du bois, un peu comme c'est le cas au Canada avec le Conseil canadien du bois. L'AWC indépendante est née le 1er janvier 2010. Nous nous attendons à ce qu'elle devienne une entité distincte d'ici la fin de juin.
L'AWC est en même temps une très vieille institution. Dans sa première version, l'AWC a été établie aux États-Unis en 1902 sous l'impulsion de l'industrie.
L'AWC a toujours été le bras technique de l'industrie américaine des produits du bois. Notre mission consiste à intensifier l'utilisation du bois tout en assurant un large appui au règlement concernant le bois, en élaborant des outils de conception et des lignes directrices pour la construction en bois, et en influençant l'élaboration de politiques publiques sur l'utilisation et la fabrication des produits du bois. Pour cette raison, nos activités se concentrent sur les codes et les règlements de la construction, le soutien en matière d'ingénierie et de normes, ainsi que le transfert de technologie. De cette façon, nous pouvons nous assurer que les principaux représentants du domaine de la construction, les architectes et les ingénieurs, qui forment notre public cible, connaissent les possibilités et les exigences relatives à une plus grande utilisation du bois. Notre mandat n'est pas de commercialiser ou de promouvoir certains produits du bois, mais plutôt d'accroître les perspectives liées à tous les produits du bois, et ce, grâce à la défense des intérêts de l'industrie et de la représentation technique.
Les changements qui ont touché récemment notre organisation conféreront cependant des responsabilités nouvelles à l'American Wood Council. L'industrie nous a aussi demandé d'assurer le leadership dans les domaines des règlements sur la construction écologique et la protection de l'environnement qui touchent les fabricants de produits du bois aux États-Unis. Ces deux enjeux ne sont en aucun cas nouveaux pour nous. En fait, notre organisme a commencé à s'intéresser à la construction écologique dès 1992, époque où ce secteur faisait ses premiers pas. En outre, nous participons activement à l'élaboration de politiques et de stratégies depuis 2005 environ, lorsque les systèmes de cotation de la construction écologique ont commencé à se répandre.
Notre industrie est liée étroitement au logement. Les États-Unis commencent à peine à se remettre du pire ralentissement que le secteur du logement a vécu depuis la Deuxième Guerre mondiale. Nos données montrent que, au cours du premier trimestre de 2010, le nombre de mises en chantier de logements neufs et privés a atteint le rythme annuel de 617 000 logements. Pour le premier trimestre de 2009, ce chiffre était de 527 000. Il faut comparer ces chiffres avec le chiffre record de plus de 2 millions de logements mis en chantier en 2004 et 2005, et de 1,8 million pas plus tard qu'en 2006. À titre de comparaison, 1,6 million mises en chantier ont été enregistrées en moyenne chaque année entre 1970 et 2006.
Nous nous attendons à ce que plusieurs facteurs aient un effet, à court terme, sur le nombre de mises en chantier aux États-Unis. Certains seront positifs, et d'autres, négatifs. Parmi les facteurs positifs, on compte une bien meilleure accessibilité à la propriété, en raison de la baisse des prix et des taux hypothécaires. De plus, le nombre de maisons non vendues a grandement diminué. Par contre, les taux de chômage et de forclusion demeurent élevés, et les mesures gouvernementales destinées à stimuler l'achat de maisons sont arrivées à échéance à la fin d'avril.
Les économistes s'accordent pour dire que les mises en chantier atteindront les 690 000 logements cette année et 970 000 logements en 2011. À long terme, les chiffres semblent raisonnablement bons : on prévoit 1,75 million de logements par année de 2011 à 2020.
Bref, notre industrie a vécu des temps difficiles et devra probablement s'armer de patience à court terme. Cependant, les perspectives en matière de logement pour les dix prochaines années sont bonnes. On ne sait quand même pas combien de temps il faudra pour se rétablir complètement de la récession.
Quel a été l'impact sur les produits du bois? Globalement, la fabrication américaine de produits du bois — principalement le bois d'œuvre, le contreplaqué, les produits du bois d'ingénierie, les panneaux OSB, les panneaux de particules et les panneaux MDF — a chuté de 44 p. 100 entre le début de 2006 et le milieu de 2009, période où le principal marché d'utilisation finale de l'industrie, la construction domiciliaire, s'est effondré.
Toutefois, il suffirait que les États-Unis réussissent à maintenir une moyenne de 1,35 million de maisons unifamiliales et de 130 000 maisons préfabriquées par année de 2012 à 2020 pour que, selon les économistes de l'industrie, les perspectives pour les produits du bois soient très bonnes.
Comme on me l'a demandé, j'aimerais maintenant parler de la coopération technique avec le Canada. Depuis de nombreuses années, l'American Wood Council entretient une relation solide avec l'industrie canadienne. En fait, par l'entremise du Conseil canadien du bois, le CCB, le Canada est membre depuis longtemps de l'American Wood Council. Une représentante canadienne, Diana Blenkhorn, siège régulièrement aux comités directeurs de l'AWC, et les règlements qui gouvernent le nouveau American Wood Council devraient également réserver un siège du conseil d'administration au Canada. Par le biais du CCB, le Canada contribue activement à notre programme.
Comme vous pouvez l'imaginer, le Canada ne représente pas un monde étranger pour un organisme comme le nôtre, qui s'occupe surtout de questions techniques et d'ingénierie. Par exemple, la conception technique du bois d'œuvre est essentiellement la même des deux côtés de la frontière, et cela nous procure de nombreuses possibilités de collaboration technique. Nos points communs se reflètent aussi dans nos approches réglementaires à la construction, et ce, même si les deux pays adoptent des règlements différents.
Cette situation crée également des possibilités. Par exemple, il nous arrive de partager des pratiques exemplaires en matière de conception technique et de réglementation. En fait, je crois que, si vous comparez le personnel et les structures organisationnelles du Conseil canadien du bois et de l'American Wood Council, vous trouveriez plus de points communs que de différences.
En plus de ce lien direct, l'AWC et le CCB collaborent à différentes initiatives touchant toute l'industrie. Je mentionne notamment WoodWorks, le programme vedette du Wood Products Council, qui fait la promotion de la construction non résidentielle. Les ingénieurs, les architectes et les anciens représentants du monde de la construction qui font partie de l'AWC fournissent du soutien technique à ce programme.
La grande collaboration entre nos deux pays ne se limite pas aux ressources humaines. Comme je l'ai indiqué, des représentants de l'industrie canadienne siègent depuis longtemps à notre conseil d'administration. Je participerai d'ailleurs, plus tard aujourd'hui, à la réunion annuelle du Conseil canadien du bois, une réunion à laquelle je participe deux fois par année depuis presque 32 ans. Bref, la relation entre nos deux pays a toujours été et continue d'être très saine.
Enfin, j'aimerais parler brièvement des codes et des normes qui s'appliquent à la construction non résidentielle aux États-Unis. Nous n'avons pas de Code du bâtiment unique comme c'est le cas du Code national du bâtiment au Canada, mais notre Code international du bâtiment, ou IBC, s'en approche. L'IBC est un code modèle élaboré par l'International Code Council, un organisme privé et sans but lucratif qui est composé de bénévoles provenant de l'ensemble du secteur de la construction. On compte, parmi les membres, non seulement des représentants du monde de la construction, mais aussi des ingénieurs, des architectes, des spécialistes de l'énergie, des représentants de l'industrie et de nombreuses autres parties concernées. L'organisme ne produit pas seulement une nouvelle version de l'IBC tous les trois ans, mais aussi 12 autres codes, comme ceux concernant la plomberie, la protection contre les incendies, la mécanique et la conservation de l'énergie, pour n'en nommer que quelques-uns. Je dois aussi mentionner le code le plus récent, celui sur la construction écologique, qui vient d'être diffusé.
Selon l'IBC, les bâtiments en bois doivent avoir au maximum cinq étages s'ils n'ont pas de gicleurs, et six étages s'ils en ont. Par ailleurs, il n'y a pas de limite fixée pour la surface dans le cas des constructions de bois qui ont un étage seulement. Certaines restrictions s'appliquent lorsqu'une construction en bois compte une densité élevée d'occupants ou qu'elle accueille des occupants ayant des besoins particuliers. C'est le cas notamment des prisons et des établissements de santé.
L'industrie américaine croit qu'on devrait utiliser davantage le bois. Dans certaines régions du pays, on utilise depuis longtemps le béton, la brique ou l'acier parce que ces matériaux sont faciles à obtenir à l'échelle locale. De même, certaines régions ont accès à du bois d'œuvre de haute qualité. L'objectif de notre industrie consiste à abattre les barrières géographiques traditionnelles et à faire du bois le premier choix des concepteurs d'immeubles, peu importe où ils se trouvent.
Comme je l'ai noté, l'IBC est un code modèle qui n'est pas exécutoire à moins d'être adopté par une autorité chargée d'appliquer la loi. Cette adoption se fait souvent par les États et, dans certains cas, par des autorités locales. Au cours du processus d'adoption, la plupart d'entre eux modifient le code d'une manière ou d'une autre afin de l'adapter aux réalités locales.
Depuis longtemps, certains États, comme la Floride, tentent de restreindre davantage l'utilisation du bois à l'échelle locale. Les représentants du secteur de la construction de la Floride appuient cependant de moins en moins de telles restrictions. La politique de l'AWC consiste à remettre en question toute modification du code modèle à l'échelle locale, surtout si ces modifications rendent le code plus contraignant.
Comme notre code modèle résulte de la volonté des secteurs publics et privés de collaborer à l'établissement d'un code du bâtiment raisonnable et fondé sur le risque, les modifications destinées à rendre le code plus contraignant à l'échelle locale ne sont habituellement pas motivées par la réduction prévue du risque, mais par des intérêts particuliers dans la région concernée. Tandis que, dans certains endroits, on pourrait rendre le code plus contraignant, dans certaines villes, comme à Seattle (Washington), on autorise la construction d'habitations multifamiliales plus élevées que celles permises par le code modèle.
Bien entendu, nous ne croyons pas que les codes soient un obstacle à l'utilisation du bois. Notre dernière étude de la question révèle que, aux États-Unis, environ 11 p. 100 seulement des immeubles qui, selon le code, pouvaient être construits en bois, le sont réellement. Nous cherchons à savoir pourquoi les 89 p. 100 restants ne le sont pas.
À notre avis, cette situation s'explique notamment par le fait que les propriétaires et les concepteurs ne sont pas conscients de la valeur qu'ils peuvent obtenir d'une construction en bois, que ce soit sur le plan environnemental et sur le plan économique. Dans certains cas, le bois ne représente tout simplement pas le matériau le plus pratique, mais nous croyons qu'il s'agit là de l'exception et non de la règle. Nous cherchons sans relâche des occasions de montrer aux autorités chargées de réglementer le bâtiment comment on peut améliorer et élargir les codes pour permettre une utilisation accrue du bois de façon adéquate, sûre et rapide.
En conclusion, sachez que notre industrie a un avenir prometteur. Le recentrage opéré par l'American Wood Council, nos liens étroits avec nos homologues canadiens et le soutien que ceux-ci nous offrent, les signes qui indiquent qu'une longue période d'incertitude économique prendra bientôt fin et l'effet de ce nouveau dynamisme sur le secteur de la construction, et surtout les possibilités qui découlent de la grand utilité que le bois peut avoir pour ce secteur dans la lutte contre le réchauffement climatique nous remplissent d'espoir pour l'avenir. Nous avons pu bénéficier de l'aide de notre gouvernement et du vôtre pour arriver jusqu'ici, et il se peut que nous ayons encore besoin d'aide pour franchir les dernières difficultés, mais je suis très optimiste pour la suite des choses.
Merci encore de m'avoir invité. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Le sénateur Robichaud : Vous avez dit que les gens ne connaissaient pas vraiment la valeur environnementale du bois. A-t-on lancé une campagne de sensibilisation publique à ce sujet?
M. Glowinski : Aucune campagne ne porte exclusivement sur les qualités environnementales du bois. On remarque cependant, aux États-Unis, un certain nombre de campagnes qui expliquent de façon plus générale pourquoi le bois est un choix sensé et économique en construction. J'ai déjà mentionné le programme WoodWorks, qui est un programme pilote mis en œuvre dans trois régions des États-Unis; il s'adresse aux architectes et aux concepteurs locaux et il met en lumière la valeur, les caractéristiques et les avantages environnementaux véritables des produits du bois. Il s'inscrit cependant dans le cadre d'un programme plus vaste ciblant la construction non résidentielle.
Je crois que notre industrie tarde à vraiment mettre en valeur le rendement environnemental du bois, surtout en ce qui concerne le carbone. Nous pouvons parler de séquestration du carbone, mais il faut aussi souligner que le bois a la capacité de stocker le carbone et d'enlever des gaz à effet de serre de l'atmosphère. Nous n'avons pas suffisamment mis l'accent sur cette qualité.
Le sénateur Robichaud : L'industrie va-t-elle rectifier le tir?
M. Glowinski : Je l'espère. À l'heure actuelle, la promotion et la commercialisation ne font pas partie du mandat du nouveau American Wood Council. Toutefois, dans la mesure où cette question est perçue comme une question technique, nous aurions avantage à faire appel à la communication ou au transfert de technologie concernant le rendement environnemental du bois. J'espère que nous intensifierons nos efforts dans ce domaine. D'une certaine façon, nous tentons toujours de donner une forme précise à l'American Wood Council.
Le sénateur Eaton : Pouvez-vous nous en dire plus sur le programme WoodWorks? Au Canada, les différents secteurs ont tendance à travailler de façon isolée. Les représentants des secteurs du béton et de l'acier nous ont dit qu'ils donnent des séminaires et des symposiums dans les facultés d'ingénierie et d'architecture. Pour sa part, l'observatrice nous a dit que, dans sa région, la promotion du bois se faisait en réunissant les municipalités. Prenez-vous des mesures du genre ou d'autres mesures?
M. Glowinski : Notre programme WoodWorks est en fait modelé sur le programme canadien, de sorte qu'il y a de nombreuses ressemblances avec ce que nous faisons. Malheureusement, notre programme est peut-être limité par sa portée géographique. Nous avons des programmes en cours en Californie, dans le sud-ouest des États-Unis qui couvre la Géorgie, la Caroline du Sud et la Caroline du Nord et nous avons également des programmes dans le Midwest central, c'est-à-dire une région entourant le Wisconsin, l'Illinois et le Minnesota.
L'objectif consistait à faire en sorte que l'industrie, étant donné ses ressources limitées il y a trois ans, lance un certain nombre de programmes pilotes, qui nous l'espérions allaient prendre de l'expansion à l'échelle nationale, afin de faire valoir la valeur du bois en tant que matériau de construction. En raison du ralentissement économique, nous n'avons pas eu accès aux ressources nécessaires pour la mise en œuvre d'un véritable programme national, mais je pense que les programmes régionaux, c'est-à-dire les trois programmes pilotes, sont très solides, dynamiques et efficaces.
Je ne sais pas si quelqu'un a déjà fait un exposé à ce sujet, mais les paramètres utilisés dans des bâtiments qui devaient initialement être construits avec des matériaux autres que le bois sont assez impressionnants pour une nouvelle organisation.
Je dois vous dire qu'il y a une chose qui me fait envie au Canada. J'aimerais que notre programme soit comme le vôtre et qu'il nous permette d'aller dans les collectivités pour solliciter l'adhésion des gens et leur faire voir que le bois fait vraiment partie de leur patrimoine; j'aimerais que l'on puisse faire ça aux États-Unis. Malheureusement, nous n'avons pas cerné ce genre de collectivité.
Dans les collectivités les plus ouvertes à l'égard du bois, des endroits comme Portland et Seattle, nous avons des problèmes avec des groupes environnementaux qui, pour des raisons liées au volet foresterie de nos activités, empêchent l'industrie du bois d'intensifier ses activités et de jouer un rôle principal. Je pense que certains de ces groupes auront des débats intéressants entre leurs propres membres au fur et à mesure que les qualités du bois commencent à être connues comme ayant une incidence positive sur l'émission de gaz à effet de serre. Les principaux matériaux qui font concurrence au bois sont le béton et l'acier, et il n'y a aucune comparaison entre ces matériaux et le bois en ce qui a trait à la séquestration du carbone ou à la production de carbone. Les occasions existent, mais encore une fois, je suis jaloux de ce que vous pouvez faire au Canada.
Le sénateur Eaton : J'ai une brève question complémentaire. Faites-vous des exposés dans des écoles d'architecture ou d'ingénierie? Donnez-vous des séminaires dans des établissements postsecondaires sur l'utilisation du bois dans les immeubles?
M. Glowinski : Je suis désolé, ça faisait partie de votre question. Oui tout à fait. Le programme WoodWorks se trouve dans des universités aux États-Unis. En outre, l'American Wood Council ou l'AWC offre des programmes d'éducation permanente pour les ingénieurs et les concepteurs. Nous avons environ une quarantaine de programmes pour lesquels les concepteurs, les ingénieurs et les architectes peuvent recevoir des crédits en matière d'éducation permanente, et il s'agit de cours axés sur le Web. Nous sommes un fournisseur accrédité de cours d'éducation permanente qui est reconnue par l'American Institute of Architects et l'American Institute of Building Design, de sorte que nous pouvons offrir des crédits d'unité d'éducation permanente au moyen de ces cours. Les étudiants passent leur examen à partir de notre site Web.
Il y a eu une époque où l'AWC participait davantage aux activités de promotion et de marketing. À cette époque, nous avions des programmes qui étaient directement établis en collaboration avec l'Association of Collegiate Schools of Architecture, et nous avions l'habitude de mener un concours de conception annuel pour tous les étudiants dans des écoles d'architecture aux États-Unis, et nous nous offrions un prix pour le concept gagnant. Il ne s'agissait pas uniquement de conceptions fantaisistes, mais bien de concepts de bâtiments pratiques qui devaient pouvoir être réalisés.
Le dernier concours que nous avons réalisé portait sur une gare ferroviaire pour la Southeastern Pennsylvania Transportation Authority. Cette organisation voulait construire une nouvelle gare en banlieue et nous a demandé si nous voulions collaborer avec elle pour ce concours architectural. Je me souviens que nous avons eu environ 200 soumissions. C'est l'organisation qui jugeait les soumissions, qui choisissait le gagnant, qui s'est occupée de toute la promotion et qui en fin de compte a construit la gare en bois.
Ce genre de possibilité existe. Et nous en sommes conscients, mais je pense que nous avons dû faire face à des contraintes en matière de ressources qui nous ont obligés à faire des choix difficiles entre certaines priorités au cours des deux dernières années.
Le sénateur Mercer : Le principal volet de ma question portait sur l'éducation. Qui n'avance pas recule. Le sénateur Eaton a essentiellement couvert cet élément. Je vais tant bien que mal essayer de donner un suivi.
Vous avez dit, et c'est intéressant, que les environnementalistes, et surtout ceux de l'Oregon et de l'État de Washington, ne semblent pas s'être faits à l'idée que l'utilisation du bois est une pratique écologique et environnementalement saine. Quelle est la distinction entre les groupes d'environnementalistes et la perception du public en Oregon, dans l'État de Washington et en Colombie-Britannique qui, selon moi ont une ligne de pensée semblable en matière de développement? Un groupe de personnes s'est constamment opposé au développement et à l'abattage d'une grande quantité d'arbres dans ces deux États et dans cette province.
Toutefois, cela ne se produit plus en Colombie-Britannique comme c'était le cas autrefois. C'est tout le contraire qui se produit maintenant en Colombie-Britannique. Les gens disent maintenant que l'abattage d'arbres et évidemment la plantation d'arbres sont de bonnes choses pour l'environnement plutôt que le contraire. C'est ce que j'observe.
Avez-vous remarqué cette différence d'attitudes entre les environnementalistes de la côte ouest du Canada et ceux du nord-ouest des États-Unis?
M. Glowinski : Je ne suis pas bien placé pour vous parler de la Colombie-Britannique, mais je n'ai pas perçu en Oregon et dans l'État de Washington ce genre de changement soudain d'attitude de la part des groupes environnementalistes.
Jusqu'à maintenant, j'ai pu vous présenter de l'information concrète. Mais maintenant, je vais vous dire ce que je pense. Les groupes environnementaux des États-Unis mettent l'accent sur le concept de la foresterie. Ils estiment que la coupe d'arbres est problématique. Lorsqu'on parle avec eux de produits du bois et qu'on ne s'attarde pas sur la forêt en tant que telle, nous avons un dialogue tout à fait différent que celui que nous aurions si nous parlions de la forêt. C'est un peu comme si le volet forêt, qui est la source de nos produits, faisait partie du non-dit. Tout va très bien alors, mais dès qu'on commence à parler d'un cycle de vie et de l'exploitation des forêts, alors le dialogue change. C'est quelque chose que je n'ai jamais comprise parce qu'évidemment ces groupes sont composés de personnes intelligentes qui connaissent la source de notre matériau, mais lorsque cet élément est absent du dialogue nous avons une bien meilleure conversation.
En tant qu'industrie, nous avons parlé de cette question. Nous avons dit que nous sommes une industrie des produits du bois et c'est peut-être là qu'il faudrait axer nos efforts pour faire en sorte que le dialogue commence à partir du produit — ce que ce produit peut apporter de positif d'un point de vue environnementaliste? — et faire en sorte que le dialogue se poursuive à ce niveau.
C'est un concept assez nouveau, parce que pour nous, qui œuvrons dans cette industrie, le fait de devoir se rendre dans les forêts est très naturel. Le concept consistant à ignorer ce volet est très intéressant, et je pense que nous devrons l'essayer. Nous allons commencer par mettre davantage l'accent sur les aspects du produit, et ce qu'il peut contribuer — c'est-à-dire les avantages environnementaux découlant des produits du bois — et laisser les autres débattre de l'exploitation des forêts. Je ne sais pas si ça réussira. Il me semble que c'est une approche qui consiste à faire l'autruche, mais j'ai l'impression que ça nous permettra d'entamer des dialogues avec des groupes environnementaux qui n'étaient pas prêts à discuter avec nous auparavant.
Le sénateur Mercer : C'est intéressant. On ne veut pas surprendre ces gens en leur disant que le bois provient des arbres.
Ce que vous dites est semblable à ce qu'on a pu constater dans certains témoignages portant sur le produit final et la construction de maisons. À ce moment là, quand on parle des avantages environnementaux de l'utilisation du bois, les gens nous disent oui, mais leur esprit s'embrouille lorsqu'on essaie de faire des liens avec l'abattage des arbres dans la forêt.
L'autre enjeu, pour poursuivre avec le type de questions posées par le sénateur Eaton, porte sur la réussite en matière de sensibilisation et du concours que vous avez mené, comme celui de la gare ferroviaire en Pennsylvanie. Est- ce que ça c'est transposé à l'échelle nationale ou bien est-ce seulement dans le Nord-Est étant donné que c'était en Pennsylvanie?
M. Glowinski : Je vais répondre au deuxième volet de votre question avant de passer au premier. L'exemple de la gare portait essentiellement sur ce qui s'est produit l'an dernier. Les projets qui ont été assignés aux étudiants en architecture ont eu lieu à l'échelle nationale. Il fallait bien que cela soit réalisé à quelque part parce que nous voulions donner aux étudiants de l'expérience concrète. Nous ne voulions pas tout simplement leur dire de concevoir une maison qui serait construite quelque part. Nous essayons toujours de faire en sorte que les étudiants se concentrent sur un projet réel afin qu'un an plus tard ils puissent se rendre sur les lieux et voir le bâtiment qu'ils ont conçu et qui a été construit. Par conséquent, non, le concours n'était pas restreint au nord-est. En fait, la plus grande concentration de constructions en bois aux États-Unis se situe maintenant dans les trois régions où le programme WoodWorks est mis en œuvre, mais les concours ne comprenaient aucune restriction géographique.
Pour revenir à la question environnementale, j'aimerais vous parler un peu du système de cotation des édifices verts que nous avons aux États-Unis. Le système LEED est le plus important. Il a été importé au Canada récemment de sorte qu'il existe ici également. Le système de cotation LEED ne conçoit pas le bois comme un produit. Le seul élément dont tient compte ce système lorsqu'il s'agit de produits du bois, c'est le volet forêt. Contrairement au béton et à l'acier, le système LEED nous oblige, et il le fait uniquement avec l'industrie des produits du bois, à certifier son origine. Aux États-Unis, le système ne reconnaît que la certification émise par un des trois ou quatre programmes de certification qui existent.
Qu'il s'agisse du Sustainable Forestry Initiative, de l'American Tree Farm System ou de l'Association canadienne de normalisation, aucun de ces trois programmes de certification ne sont reconnus aux États-Unis par le prééminent système de construction durable. En tant qu'industrie, nous avons soutenu des systèmes de cotation des édifices verts de rechange pour essayer de faire en sorte que le débat ne porte pas uniquement sur le système LEED.
Nous avons réussi jusqu'à un certain point, mais le système LEED fait l'objet de promotion de la part des groupes environnementaux, et ils ont fait un travail exceptionnel pour répandre la bonne nouvelle. Il y a bien des gens qui croient fermement au système LEED aux États-Unis même si ce système ne met pas l'accent sur ce qu'il devrait, ce qui est selon moi le rendement énergétique. Il met plutôt l'accent sur le fait que les installations soient dotées de supports à bicyclette ou non. Si vous installez des supports à bicyclette, ça équivaut en points à l'installation d'un système de contrôle d'énergie de plusieurs millions de dollars dans votre bâtiment.
Je pense que le système LEED vise des objectifs louables et je suis en faveur du concept de cotation des bâtiments verts, toutefois je pense que le système prédominant aux États-Unis est peu judicieux. Nous faisons beaucoup de travail pour changer cette situation. Notre programme de défense des droits — les activités de lobbying que nous faisons, si on peut mentionner ça dans cette enceinte — vise essentiellement à faire en sorte que le U.S. Green Building Council reconnaisse qu'il faut apporter des changements. Le système est déphasé. Il doit modifier son attitude envers le bois. Le conseil ne peut pas exiger de notre part une certification axée sur la chaîne de possession tout en laissant l'industrie de l'acier affirmer qu'elle utilise de l'acier recyclé et qu'il ne faut pas s'en faire. Elle obtient ainsi deux points, ce qui est deux fois plus qu'on peut en obtenir pour le bois.
J'ose espérer que les démarches que nous entreprenons auprès du U.S. Green Building Council porteront leurs fruits cette année. Nous avons eu des discussions avec le conseil pour qu'il change son concept de restrictions prescriptives, c'est-à-dire des choses ayant trait par exemple aux supports à bicyclettes, pour qu'il tienne compte du concept de l'analyse du cycle de vie. Encore une fois, j'ai bon espoir, mais il faut dire que le système LEED compte je pense près de 2 millions de membres et 100 000 professionnels LEED accrédités. C'est un géant auprès duquel notre industrie devra continuer à faire valoir son point de vue.
Le sénateur Mercer : Ce serait intéressant si vous aviez un catalogue des personnes qui ont remporté le concours, afin que vous puissiez présenter le succès de ce concours et vous en servir pour faire la promotion du bois dans divers endroits. Avez-vous un tel catalogue?
M. Glowinski : Nous en avions un. Nous avons mis fin à ce programme en 1995. Il a existé pendant 18 années consécutives, mais l'industrie a eu des problèmes financiers. Un groupe aux États-Unis, la Wood Products Council, a repris le concept du concours. La WPC organise un concours annuel pour les architectes en exercice, mais pas pour les étudiants en architecture. Nous organisions les deux types de concours. Un visait les étudiants et l'autre les architectes en exercice. L'American Wood Council a dû laisser tomber les deux concours. Un d'entre eux a été repris par la WPC, et je pense que le Conseil canadien du bois est à la tête de ce concours qui se poursuit. Je serais heureux de vous envoyer un ancien livre des gagnants, mais je n'ai rien de récent.
Le sénateur Eaton : Vous avez dit qu'il y avait un système aux États-Unis qui ne reconnaît pas le certificat canadien. Pourquoi?
M. Glowinski : J'en reviens à vous présenter mon opinion plutôt que des faits.
Il s'agit du système LEED, qui a des préjugés à l'égard d'un certain nombre de programmes de certification. Ce système a été fondé par la Natural Resources Defense Council et le Sierra Club, c'est-à-dire deux puissantes organisations environnementales qui pendant des années avant l'établissement du système LEED ont combattu l'industrie relativement à la coupe des arbres.
Le sénateur Eaton : Je pense que vous en avez suffisamment dit. Dès que vous avez mentionné le Sierra Club, je savais ce que vous alliez dire. Merci.
Le sénateur Plett : Je veux également commencer, à l'instar de mon ami le sénateur Mercer, par une observation ayant trait à ce que le sénateur Eaton a dit plus tôt, il s'agit en fait d'éducation. Je crois fermement que l'éducation dans ce cas particulier vaut plus que les lois, si c'est possible. Des témoins qui ont comparu devant notre comité — des architectes, des ingénieurs, et des représentants de l'industrie du bois — nous ont dit qu'on n'agit pas suffisamment dans les écoles d'architecture et d'ingénierie.
Je sais qu'on passe un certain nombre d'heures sur différents types de produits, comme dans toutes les autres écoles de métier. J'inciterais les universités à faire en sorte que les architectes et les ingénieurs passent davantage de temps à étudier les avantages que procure le bois. Des architectes nous ont dit que lorsque ces jeunes hommes et ces jeunes femmes terminent leurs études, ils ne songent qu'à faire de l'argent rapidement, parce qu'ils ont dû étudier pendant très longtemps. C'est un des inconvénients. J'inciterais beaucoup les universités et les collèges à passer davantage de temps à enseigner aux architectes les avantages du bois. Je pense que ça résoudrait bon nombre de nos problèmes dans ce secteur. Il s'agit d'une observation, et vous n'êtes pas obligé d'y répondre.
J'ai quelques questions sur les codes du bâtiment, mais, auparavant, j'aimerais en savoir davantage sur ce que vous avez dit dans votre exposé relativement aux incitatifs lors d'achats de maisons aux États-Unis. Je pense que vous avez dit qu'un programme d'incitatifs prendra fin en avril. S'agissait-il d'incitatifs pour les nouvelles maisons ou les maisons existantes? Pourriez-vous m'en dire davantage sur ce programme d'incitatifs aux États-Unis?
M. Glowinski : Je ne suis pas un expert en la matière, mais je vous dirai ce que je sais. Il y avait deux programmes d'incitatifs fiscaux, un crédit d'impôt de 6 500 $ et un autre de 8 000 $, qui ont tous deux pris fin le dernier jour d'avril. L'un s'appliquait aux nouvelles maisons et l'autre, aux maisons existantes. Il y a eu une légère montée des ventes de maisons aux États-Unis en avril, les gens s'étant rendu compte que ces programmes allaient disparaître. Je n'en sais pas plus sur les mécanismes du fisc.
Le sénateur Plett : Ce n'est pas ce qui m'intéresse. Ces crédits d'impôt s'appliquaient à la fois aux nouvelles maisons et aux maisons déjà construites?
M. Glowinski : Oui.
Le sénateur Plett : L'augmentation des ventes a-t-elle touché les nouvelles maisons ou celles qui existaient déjà?
M. Glowinski : Sauf erreur, les maisons déjà bâties.
Le sénateur Plett : Vous avez mentionné la hauteur des immeubles permise par les codes du bâtiment. Avez-vous dit que les gicleurs ne sont pas obligatoires pour les immeubles de cinq étages?
M. Glowinski : Oui. On peut construire certains logements sans mettre en place de gicleurs aux États-Unis. Si le bâtiment est muni de gicleurs, on peut ajouter un étage. C'est là la hauteur maximale.
Le sénateur Plett : Les règles relatives aux gicleurs se fondent-elles sur la superficie de l'immeuble ou seulement sur sa hauteur?
M. Glowinski : Elles dépendent d'une combinaison de facteurs : la hauteur, la surface et la fonction de l'immeuble.
Le sénateur Plett : Je trouve étranger que le code permettrait la construction d'immeubles de cinq étages sans gicleurs.
M. Glowinski : Pourquoi?
Le sénateur Plett : Pour des raisons de sécurité. Je crois qu'au Canada on ne peut construire d'immeuble de deux étages ou plus sans y installer de gicleurs.
M. Glowinski : J'ai l'impression que ce qui vous inquiète, c'est qu'un immeuble à cinq étages à charpente de bois ne soit pas muni de gicleurs. Seriez-vous plus rassuré si le bâtiment avait une charpente d'acier?
Le sénateur Plett : Je trouverais inquiétant que n'importe quel immeuble à cinq étages soit dépourvu de gicleurs.
M. Glowinski : Excellente réponse.
Le sénateur Plett : Merci. Je peux changer de place avec vous, si vous voulez.
M. Glowinski : Les gens ont parfois de fausses idées au sujet de la sécurité. Certains pensent qu'un immeuble résistera moins aux incendies simplement parce qu'il est fait en bois, et non dans d'autres matériaux. En réalité, le bois est supérieur sur ce plan, par exemple, à l'acier léger, le produit comparable utilisé en construction, parce que l'acier perd sa résistance à la traction à environ 600 degrés.
Je comprends et je respecte le point de vue des gens qui ne veulent pas se loger dans un immeuble non muni de gicleurs.
Le sénateur Plett : Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites au sujet de l'acier. Je me sentirais plus en sécurité dans un immeuble à étages fait de béton, mais même ces constructions-là ne sont pas exemptes de problèmes. D'après ce que nous ont dit certains témoins, et je suis d'accord avec eux, plus de gens meurent dans les incendies parce que leur appartement se remplit de fumée que parce que l'immeuble brûle. Je le comprends parfaitement. Les gicleurs ne sont pas nécessaires seulement dans les constructions à charpente de bois.
Y a-t-il des hôpitaux construits en bois aux États-Unis? Je crois savoir qu'au Canada, on ne peut utiliser de matériaux combustibles pour la construction d'hôpitaux.
M. Glowinski : Je n'en suis pas sûr. On peut construire de petits centres de soins actifs de deux étages en bois, mais il faut y installer des gicleurs. Je ne sais pas jusqu'à quelle superficie on peut le faire, mais il est interdit de construire des hôpitaux de six étages ou plus en bois.
Les gens reconnaissent qu'il y a des constructions pour lesquelles le bois convient, et d'autres où le bois n'est pas un matériau approprié. Aux États-Unis, nous voulons veiller à ce qu'il soit permis d'utiliser du bois lorsque c'est approprié de le faire. C'est le principe à la base du code du bâtiment.
Le sénateur Ogilvie : J'ai trouvé intéressant que vous pensiez qu'au Canada, l'attitude des gens envers l'industrie forestière est beaucoup plus favorable. Et pourtant, la situation que vous décrivez dans votre région est identique à celle que je vois dans la mienne : il est presque immoral d'abattre un arbre et il est certainement dommageable pour l'environnement de le sortir de la forêt. Mais ceux qui tiennent de tels propos veulent avoir accès à une très grande diversité de produits du bois lorsqu'ils vont au magasin local pour acheter le nécessaire pour faire des rénovations. Il y a là une contradiction, du moins dans certaines régions du pays. Ce n'est pas partout que les gens ont une attitude favorable envers l'industrie forestière.
Vous avez dit au début de votre déclaration que votre association voudrait étudier toutes les utilisations possibles du bois dans le secteur commercial. Je sais que différentes fibres de bois peuvent avoir des usages et des applications différents. Votre association s'intéresse-t-elle aussi à la R-D dans la production de fibres, c'est-à-dire aux efforts déployés pour déterminer et produire ce qu'on appelle dans l'industrie les essences de bois très recherchées dont la fibre a des qualités particulières qui, au plan de la construction, renforcent des capacités ou améliorent des propriétés du bois?
M. Glowinski : Je vais vous répondre en deux parties.
Premièrement, en ce qui concerne la perception du bois, Mme Blenkhorn et d'autres me rappellent souvent des réussites qu'ont connues certaines de vos provinces grâce à l'initiative Le bois nord-américain d'abord. Quand je dis à nos lobbyistes à Washington que j'aimerais qu'on adopte une loi semblable, ils me regardent comme si je venais d'une autre planète. Quand je leur demande pourquoi on ne pourrait pas avoir un programme analogue, on évoque les jeux politiques qui se jouent aux États-Unis et la puissance des groupes écologistes pour expliquer que c'est impossible. Je réplique qu'il faudrait qu'on m'explique pourquoi c'est impossible, mais ces gens connaissent notre système politique, puisque c'est leur travail.
Même si vous avez dû composer avec la même résistance des groupes environnementaux au Canada, vous avez tout de même réussi à adopter des dispositions privilégiant l'option bois. S'il fallait envisager l'utilisation du bois d'abord dans la multitude d'immeubles que nous construisons aux États-Unis, nous ne serions sans doute pas ici à participer à cette audience. Nous serions tous en train de fêter.
Deuxièmement, au sujet de l'utilisation à grande échelle du bois et de la R-D sur les essences très recherchées, j'aimerais souligner que notre association ne privilégie aucune espèce particulière de bois, pas même les essences recherchées. Nous voulons augmenter notre part du marché au profit de tous. C'est aux organisations de décider ensuite comment se répartir cette part du marché. Nous voulons faire en sorte que ces organisations puissent livrer concurrence ouvertement et librement. Jamais nous ne préconiserions ou, du moins je l'espère, n'adopterions une loi qui favoriserait une essence de bois américaine aux dépens d'une essence canadienne, ou l'inverse. Il y a de la place pour tous dans le marché des États-Unis. Ce qui importe avant tout, c'est de favoriser l'utilisation du bois dans la construction.
En ce qui concerne le lancement de nouveaux produits sur le marché — vous avez peut-être entendu parler du bois de charpente laminé, les perspectives sont telles que notre association doit veiller à ce que ces produits soient reconnus et autorisés. On a récemment construit à Londres un immeuble de neuf étages en bois lamellé croisé. Pour rassurer le sénateur Plett, je suis sûr que cet édifice est muni de gicleurs. Il capte une quantité de carbone probablement sans précédent dans le monde, par rapport à d'autres édifices de neuf étages. Voilà le nouveau produit qui exploite les qualités de la fibre de bois.
Il existe aussi des composés de fibre de bois et de plastique, et des composés de fibre de bois et de ciment qui peuvent être utilisés.
Le sénateur Duffy : Monsieur Glowinski, vous avez indiqué que l'on semblait s'opposer à l'utilisation du bois en Floride et que l'État ou des conseils municipaux avaient mis en œuvre des mesures pour en restreindre son usage. Veuillez nous en parler davantage. J'aimerais en savoir plus à propos des entraves non tarifaires ou réglementaires à l'utilisation du bois.
M. Glowinski : Je pense que ces barrières sont en train de s'effondrer. Dans le passé, l'ancien code du bâtiment du sud de la Floride pour les comtés de Dade et de Broward, qui était utilisé dans les deux comtés les plus au sud de la Floride, était très restrictif. Il était centré sur l'utilisation du béton. La Floride adopte maintenant le Code international du bâtiment. J'en ai parlé tout à l'heure. Ce code permet une utilisation bien plus vaste du bois que ne le permettait le code du bâtiment du sud de la Floride. Ainsi, du point de vue réglementaire, nous commençons à avoir un changement radical en Floride qui permet la construction d'édifices en bois.
C'est plutôt la mentalité des constructeurs qui pose problème en Floride. Ils ont été habitués à faire des constructions en béton. Ils disent que la Floride est une région où les vents sont violents et qu'ils préfèrent tout simplement des édifices lourds et massifs, construits en béton. Bien que je ne veuille pas dénigrer l'industrie du béton, les édifices en Floride sont chers et ne sont pas particulièrement beaux. Mais c'est ce que les constructeurs connaissent et ce qu'ils construisent.
Il faut donc non pas changer les restrictions réglementaires en Floride, — la mise en œuvre du Code international du bâtiment à l'échelle de l'État a été couronnée de succès — mais changer la mentalité des concepteurs d'édifices qui ne connaissent qu'un seul matériel de construction. Ce changement est bien plus difficile à faire que celui de modifier les règlements.
Le sénateur Duffy : Vous avez parlé des laminés. On nous avisait au cours de nos audiences que certains produits finis importés de l'Asie, tels que les armoires de cuisine, dégageaient des gaz assez facilement. Qu'en est-il de votre expérience vis-à-vis des importations qui ne se conforment pas aux règlements standards de sécurité? Y a-t-il un écart entre les règles américaines et canadiennes dans ce domaine?
M. Glowinski : Je ne sais pas si cela s'applique au Canada. Mais il existe un écart dans ce domaine aux États-Unis. Et nous travaillons très fort pour le combler.
La California Air Resources Board, la CARB, a assorti une limite de formaldéhyde pour les panneaux non structurels, tels que les panneaux de particule ou de fibre à densité moyenne, qui sont utilisés pour créer des produits comme les armoires. La CARB établit une limite sur la quantité de formaldéhyde que l'on peut utiliser. Je n'ai malheureusement pas les chiffres avec moi.
Notre industrie reconnaît qu'il s'agit d'un problème qui ternit notre réputation. Nous avons demandé au Congrès d'adopter une loi qui restreindrait la quantité de formaldéhyde qui s'échappe des produits du bois. Cela appliquerait la réglementation de CARB à l'échelle du pays. Nous demeurons optimistes, mais le projet de loi n'a pas encore été adopté au Congrès.
Le sénateur Duffy : Est-ce que les produits nationaux ont des problèmes similaires? Est-ce que cela ne touche que les produits importés?
M. Glowinski : Le problème ne concerne que les produits importés. Les produits canadiens et américains se conforment déjà aux restrictions très sévères de la Californie.
Le sénateur Duffy : Pouvez-vous nous expliquer l'acronyme LEED?
M. Glowinski : Cela veut dire Leadership and Energy and Environmental Design. Mme Blenkhorn m'a demandé de vous indiquer que la certification LEED a également été adoptée au Canada. Mais le Canada ne reconnaît pas le CSA comme une norme qui permet de certifier le bois. Votre propre système ne reconnaît pas ce qu'il propose.
Le sénateur Duffy : Est-ce que la certification LEED a été adoptée par le gouvernement fédéral du Canada?
M. Glowinski : Puis-je céder la parole à ma collègue?
Diana Blenkhorn, présidente et PDG, Bureau du bois de sciage des Maritimes : La certification LEED a été promue par le gouvernement fédéral dans bon nombre de circonstances. Elle a également été promue par bon nombre de provinces et de municipalités au Canada.
Le sénateur Duffy : Environnement Canada et Ressources naturelles Canada devront résoudre le problème de ces règlements qui semblent être contradictoires.
M. Glowinski : Vous devriez leur demander de comparaître.
Le sénateur Duffy : Tout est possible avec un nouveau gouvernement.
Le président : Le comité a un mandat.
Le sénateur Robichaud : Monsieur Glowinski, vous vous préoccupez surtout de la promotion et de l'utilisation du bois en tant que matériel de construction. Est-ce exact?
M. Glowinski : Je n'utiliserais pas forcément le mot « promotion ». Mais, oui, je suis pour l'utilisation du bois en tant que matériel de construction.
Le sénateur Robichaud : Avez-vous examiné les autres utilisations possibles du bois, telles que, par exemple, la production énergétique? Avez-vous songé à comment tout cela pouvait s'agencer?
M. Glowinski : American Wood Council n'y a pas pensé. American Forest & Paper Association a plusieurs programmes importants qui militent en faveur de la biomasse. C'est leur position, mais ce n'est pas celle d'American Wood Council.
Il y a un an, l'industrie du bois des États-Unis a créé une autre association, National Alliance of Forest Owners, NAFO, qui examine des enjeux tels que la biomasse dans le cadre des produits de bois. AF&PA fait à la fois du papier et du bois. Puisqu'il risque d'y avoir des points de vue divergents entre les deux industries, NAFO prône le point de vue des propriétaires de bois en ce qui concerne la biomasse.
Le sénateur Robichaud : On nous a dit qu'un pays en Europe — je ne me rappelle plus duquel — a construit un édifice de démonstration fait presque entièrement à partir du bois afin de promouvoir le côté écologique de l'utilisation du bois. Même l'isolement des murs était fait à partir de fibre de bois. Comment est-ce que votre organisation perçoit un tel projet?
M. Glowinski : On a besoin de plus d'édifices de ce genre. Je pense que vous parlez de l'édifice de neuf étages CLT à Londres et dont l'isolation est en fibre de cellulose. De plus, la masse du bois agit également comme isolant.
Je pense qu'un tel projet serait formidable. Nous avons discuté avec nos homologues canadiens sur la façon dont on pourrait s'y prendre pour commencer à construire de tels édifices aux États-Unis. La hauteur de neuf étages est considérablement plus élevée que ce que nous permet de faire notre code du bâtiment. Mais nous avons d'autres stratégies. Je pense qu'on pourrait essayer de construire un ou deux édifices de ce genre pour montrer au monde ce qu'on peut faire.
Le sénateur Robichaud : On pourrait donc montrer aux écologistes ce que l'on peut faire à partir du bois et à quel point le bois est écologique.
M. Glowinski : Nous avons appris qu'il fallait parler du bois en tant que produit et ne pas leur dire d'où provenait le bois.
Le président : Monsieur Glowinski, souhaitez-vous faire des observations supplémentaires avant de conclure?
M. Glowinski : Merci de m'avoir permis de comparaître. Cette rencontre a été fantastique.
Je dois vous dire que je n'aime pas le système de cotation des édifices écologiques LEED. Quand ce régime de cotation des édifices écologiques est paru pour la première fois dans les années 1990, nous pensions que cela serait absolument fantastique. On se demandait quelles industries pourraient plus profiter que la nôtre de ce système de cotation des édifices écologiques? L'industrie du bois semblait avoir des produits qui se prêtaient parfaitement à un tel système. Nous n'étions peut-être tout simplement pas assez attentifs. Ces programmes ont été dominés par les groupes écologiques qui avaient une idée bien en tête, comme nous tous d'ailleurs. Ils ont milité en faveur de leurs idées et ont eu beaucoup de succès à limiter plutôt que d'augmenter l'utilisation du bois. Nous devons maintenant nous rattraper.
Je pense que nous avons du succès dans ce domaine. Mais puisque votre groupe a l'occasion maintenant de faire quelque chose pour son pays, je vous exhorte à examiner de près ce système de cotation des édifices écologiques. Il devrait faire bien davantage pour le bois. Si vous voulez réellement être écologique, si vous voulez vraiment réduire les gaz à effet de serre — je pense à la Conférence de Copenhague, à Kyoto, à tout cela — alors sachez que le bois vous donne la chance d'y parvenir. Il faut en utiliser plus pas moins, car c'est le matériel qui effectuera le captage de CO2.
Le président : Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts vous remercie. Il ne fait aucun doute que vous aurez avec Mme Diana Blenkhorn un véritable partenariat. Il ne fait aucun doute que vous allez être à la tête de bon nombre de solutions innovatrices en ce qui concerne l'utilisation du bois à l'avenir.
[Français]
Nous allons prendre deux minutes de pause, après quoi nous entendrons la présentation de M. John Arsenault.
(La séance est suspendue.)
(La séance reprend.)
Le président : Honorables sénateurs, accueillons notre deuxième témoin qui est M. John Arsenault, directeur de Wood Pellet Association of Canada et vice-président des opérations pour le Québec chez Granules Combustibles Energex Inc.
[Traduction]
Il vient nous parler de la biomasse et des nouveaux produits. Merci, monsieur Arsenault, d'avoir accepté notre invitation.
[Français]
Monsieur Arsenault, je vous invite maintenant à faire votre présentation qui sera suivie d'une période de questions.
John Arsenault, directeur, vice-président des opérations pour le Québec, Granules Combustibles Energex Inc., Wood Pellet Association of Canada : Monsieur le président, je vais commencer par faire circuler un échantillon de granules de bois pour vous montrer le produit que notre association représente. Je suis ici en tant que représentant de la Wood Pellet Association of Canada, qui est le porte-parole de l'industrie pancanadienne du granule de bois.
Il y a plusieurs producteurs de granules de bois situés dans l'Est et dans l'Ouest du pays tandis qu'en Ontario, au Manitoba et en Saskatchewan il n'y a pas beaucoup de producteurs malgré le fait que la ressource est disponible.
WPAC a pour objectif de promouvoir l'industrie du granule de bois et d'agir en son nom vis-à-vis les parties prenantes, les marchés et le gouvernement. L'association a aussi un mandat de recherche pour la sécurité et le développement technique du produit.
Les granules de bois, que je fais circuler, constituent un biocombustible solide de qualité contrôlée à faible taux d'humidité. Elles ont une densité énergétique élevée et elles sont de forme et de dimension homogènes. La densité énergétique est comparable au charbon bitumineux, un combustible fossile.
Les granules sont fabriquées à partir de bois qui a été mis aux rebuts ou qui a été brûlé dans des tipis utilisés autrefois dans les scieries. Il y a aussi plusieurs sites d'enfouissement de biomasse un peu partout près des anciennes scieries. On utilise l'écorce et les résidus de coupe, et maintenant on utilise aussi le bois infesté, le bois malade et le bois mort provenant des feux de forêt.
De par leurs achats de résidus de scieries, les producteurs de granules fournissent de nouveaux revenus aux scieries et soutiennent les emplois manufacturiers en bois d'œuvre. Le granule de bois a connu une croissance régulière au cours des deux dernières décennies et c'est le seul marché en croissance dans le domaine de la foresterie.
La fibre de bois est séchée et comprimée. Le lignine, qui est la colle naturelle du bois, sert de liant pour la fibre et remplace les combustibles fossiles dans la production thermique et électrique.
Les bénéfices environnementaux du granule de bois sont nombreux. Contrairement aux combustibles fossiles, les granules de bois sont une source renouvelable neutre en carbone. Le CO2 émis lors de la combustion est compensé par le CO2 absorbé lors de la croissance de flore par photosynthèse.
Après considération pour les énergies fossiles utilisées dans la récolte et la production, on utilise des camions pour transporter le matériel jusqu'aux usines et pour le distribuer aux clients, il y a consommation d'énergie fossile dans le transport.
Les granules de bois réduisent de 91 p. 100 les émissions de gaz à effet de serre par rapport à la combustion de charbon. Il y a des réductions d'émission additionnelles, si l'on tient compte de l'énergie utilisée dans l'extraction minière et pour le transport aux centrales. De plus, il y a une réduction significative d'émission d'oxyde nitreux, de dioxyde de souffre, de particules en suspension, de mercure, de gaz carbonique, d'arsenic, de cadmium, de chrome, de nickel et de plusieurs autres produits toxiques issus de la combustion du charbon. Il est reconnu que les centrales au charbon émettent dans l'atmosphère plusieurs contaminants.
La consommation mondiale de granule de bois se chiffre actuellement à 10 millions de tonnes par année et selon certaines prédictions, la consommation mondiale en 2020 pourrait s'élever à 140 millions de tonnes par année. L'Europe consomme 8 millions de tonnes pour le chauffage résidentiel et commercial, mais surtout pour la production d'électricité en remplacement du charbon.
Les États-Unis et le Japon consomment à eux deux environ 1,9 million de tonnes. Le marché canadien est quant à lui presque inexistant; il y a possiblement 100 000 tonnes de consommation locale au Canada cette année. Il y a un peu de consommation dans l'Est du Canada où les réseaux de distribution de gaz sont absents et où les granules de bois servent à remplacer l'huile à chauffage.
Près de 90 p. 100 de la production du Canada est exportée, principalement aux centrales européennes pour la combustion mixte avec le charbon. C'est le cas de la production principale de l'Ouest canadien où il n'y a vraiment pas de marché local et ils ont donc développé un marché basé sur l'exportation. Les centrales européennes l'utilisent pour la combustion mixte avec le charbon comme moyen très efficace de réduction des gaz à effet de serre.
L'industrie du bois s'est développée graduellement depuis maintenant près de 30 ans. Mon usine à Lac-Mégantic a été construite en 1982. Les gens ici se rappellent des crises du pétrole des années 1970; nous sommes un enfant des crises du pétrole. L'industrie est venue au monde au début des années 1980, mais est presque morte dans l'attente d'une troisième crise du pétrole qui n'est pas arrivée dans les années 1980 ni dans les années 1990, mais qu'on a probablement vécue voilà deux ans. L'industrie est pratiquement disparue en Amérique du Nord alors, mais elle a connu un regain dans les années 1990.
La croissance de l'industrie atteint aujourd'hui 280 millions de dollars de chiffre d'affaires au Canada. Il y a maintenant 30 usines de granules au Canada, surtout de chaque côté du pays.
Une usine typique embauchera de 30 à 40 employés. L'industrie canadienne compte donc environ 1 000 emplois directs. Il y a plusieurs emplois indirects dans la récolte, le broyage, le transport, les fournisseurs d'équipement, et cetera; et en soutien aux industries de sciage qui fournissent le gros de la matière première pour l'industrie.
La capacité de production canadienne est d'environ deux millions de tonnes par an, alors que la production s'élève à 1,3 million de tonnes. Nous sommes donc en surcapacité au Canada, particulièrement cette année. On sort cette année d'une récession qui nous a aussi affectés. La plupart des usines fonctionnent au ralenti ou ont fermé temporairement leurs portes, le temps d'une reprise.
Ce fut le cas de mon usine à Lac-Mégantic où nous avons dû fermer les portes pour une partie de l'hiver. L'enjeu principal auquel nous faisons face pour essayer de vendre notre produit, en tant qu'exportateur, est actuellement un dollar canadien trop fort face au dollar américain mais aussi face à l'euro. Ce sont certainement des éléments qu'on ne peut pas contrôler. La force du dollar canadien est hors de notre contrôle.
Il y a aussi un problème pour nous en termes de prix dépressifs des énergies fossiles; en particulier, le gaz naturel. Je ne vous cacherai pas que, pour notre industrie, un baril de pétrole à 140 $ est un stimulus. Un baril à 60 $ ne l'est plus et le gaz naturel au prix qu'on le voit actuellement, c'est un produit avec lequel on ne peut pas compétitionner de façon économique.
Il y a aussi eu récemment des subventions américaines pour la biomasse. Le programme Biomass Crop Assistance Program offrait jusqu'à 45 $ la tonne en subventions pour la récolte de biomasse forestière destinée à l'énergie. Cela faisait partie du programme américain pour le développement des énergies renouvelables, mais cela nous a affectés directement en permettant à nos compétiteurs américains, sur le marché duquel nous tentons de faire compétition, d'avoir une subvention à laquelle nous n'avions pas droit. La frontière a donc été fermée pour nos ventes cet hiver et cela a même renversé la vapeur. Pour la première fois cette année, on a vu du granule américain être vendu sur le marché canadien, sans doute en profitant de cette subvention.
Il y a aussi de nouvelles installations à grand volume dans le sud des États-Unis qui inondent le marché européen des centrales thermiques. La récolte forestière du sud des États-Unis peut se faire à des prix avantageux. Et encore là, grâce aux subventions aussi, des unités de production énormes se sont installées dans le sud des États-Unis pour faire l'exportation des granules sur les marchés qu'on avait développés depuis 20 ans. D'autres installations sont également annoncées un peu partout à travers le monde; la Russie vient d'annoncer de gros programmes.
Il y a aussi un manque de volonté des centrales électriques canadiennes pour la combustion mixte des granules de bois. On voit les marchés européens se convertir graduellement vers l'utilisation du bois comme source d'énergie thermique pour faire de l'électricité en remplacement du charbon, alors qu'au Canada, jusqu'à tout récemment, il n'y avait aucun intérêt pour la chose.
Les avantages du granule de bois sur les autres formes d'énergie renouvelable sont les suivants. L'énergie issue des granules de bois est moins dispendieuse que toutes les autres formes d'énergie renouvelable, telles les énergies éolienne et solaire. Ceci est démontré par des achats de granules canadiens par les centrales européennes depuis plus de 20 ans. Les premières exportations de granules vers l'Europe pour remplacer le charbon datent de 1991.
Malgré le fait que l'hydroélectricité soit propre, il est difficile de construire de nouveaux barrages sans impacts environnementaux importants. L'énergie du granule de bois est répartissable en temps opportun. Le terme pour l'industrie électrique est « dispatchable ». On peut utiliser l'énergie quand on a besoin et on n'est pas à la merci des intempéries. Si on veut de l'électricité à 7 heures le matin pour avoir de l'eau chaude dans les maisons, on peut démarrer la centrale avec de l'énergie thermique issue de la biomasse et on en obtiendra beau temps, mauvais temps.
Une énergie fiable permet la croissance des industries et la stabilité du Canada. Le granule permet aussi l'utilisation du réseau existant. Remplacer le charbon par du granule ne nécessite pas d'investissements dans le réseau de distribution car les centrales de production sont déjà en place. On n'a pas besoin de rajouter des lignes de raccord dans des endroits plus ou moins discrets pour cette forme d'énergie.
La construction de projets éoliens par contre, en milieu urbain, est difficile à cause de l'objection des populations à la présence et au bruit des éoliennes.
Les granules de bois peuvent être utilisés à la fois pour les demandes de base et de pointe. Dans l'industrie électrique, il y a bien sûr un problème d'approvisionnement quotidien. La demande électrique peut varier; d'un niveau plus intense le matin ou le soir comparativement au milieu de la journée. L'utilisation du granule de bois permet d'accommoder le réseau dans ses demandes, ce que ne fait pas la plupart des autres formes d'énergie, y compris l'énergie nucléaire.
La situation sur les centrales au charbon au Canada : récemment, le Canada s'est donné comme cible une réduction de 17 p. 100 des gaz à effet de serre en 2020, par rapport à 1995. Selon Statistique Canada, notre pays consomme environ 60 millions de tonnes de charbon par an, surtout pour la production d'électricité. À peine 11 p. 100 du charbon canadien sert à la fabrication d'acier, de ciment ou d'autres industries.
Depuis 1990, la consommation canadienne de charbon a augmenté de 10 millions de tonnes, soit 20 p. 100 d'augmentation depuis 1990 et continue sa progression en suivant la croissance économique. Plus l'économie est active, plus on a besoin d'électricité; plus on a besoin d'électricité, plus on a besoin de charbon pour la produire. Une proportion de 18 p. 100 de l'électricité du Canada provient de 21 centrales de charbon d'un bout à l'autre du pays. C'est quand même une grande partie de l'électricité du Canada. Les gens du Québec ne s'en rendent pas compte; il y a très peu de charbon consommé dans la province du Québec. La plupart des autres provinces utilisent des centrales fonctionnant soit au charbon ou à d'autres formes d'énergie fossile; exception faite peut-être de la Colombie- Britannique.
Les centrales au charbon sont les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre. Les émissions atmosphériques les plus importantes sont celles que j'ai mentionné auparavant, composées d'oxyde nitreux, de dioxyde de souffre et de matières en suspension; y compris des métaux toxiques.
Les principaux enjeux environnementaux de la combustion du charbon sont les pluies acides, le smog, les produits toxiques et les gaz à effet de serre qui sont maintenant reliés aux changements climatiques.
Le ministre de l'Environnement, M. Prentice, a récemment averti les producteurs houillers de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, sinon ils devraient possiblement fermer d'ici 10 à 15 ans. Sa principale suggestion pour le changement est d'effectuer la conversion au gaz naturel, ce qui, à notre avis, n'est qu'un déplacement du problème; le gaz naturel étant lui aussi une énergie fossile.
La combustion mixte de 10 p. 100 de granules de bois avec le charbon réduirait immédiatement les gaz à effet de serre de 9 p. 100 pour cent. Certaines centrales européennes en utilisent jusqu'à 50 p. 100. Les coûts augmenteraient peu comparativement à 100 p. 100 de charbon. L'Ontario a fait des analyses de conversion de ses centrales récemment et a conclu qu'elle pouvait convertir, par exemple l'une de ses centrales, l'usine d'Atikokan dans l'ouest ontarien, à 100 p. 100 d'utilisation de granules. Les granules de bois peuvent être brûlées directement dans les centrales au charbon, dans les infrastructures existantes. C'est ce qui se passe en Europe et cela pourrait se faire au Canada également. Cependant, pour provoquer ce changement, une intervention du gouvernement est requise. Les centrales, laissées à elles-mêmes, ne choisiront pas cette option.
[Traduction]
Pour conclure, l'industrie du granule de bois a connu une croissance rapide durant la décennie pour atteindre 280 millions de dollars par an et employer 1 000 personnes. Les granules de bois sont un combustible renouvelable et écologique. La plupart des gens ne le savent même pas. Les enjeux commerciaux de l'industrie canadienne comprennent des taux de change défavorables, les subventions américaines, les énergies fossiles à bas prix et une offre surabondante sur les marchés européens. Le gouvernement du Canada devrait encourager la conversion des centrales thermiques au charbon vers les granules de bois. Ceci créerait immédiatement une réduction importante des GES et des autres émissions de contaminants à un faible coût, et éviterait la fermeture potentielle des centrales au charbon.
[Français]
Le sénateur Rivard : Merci de votre présence, monsieur Arsenault. Vous m'avez appris beaucoup de choses aujourd'hui.
On comprend que les États-Unis ont subventionné la production de la biomasse forestière; dans un dossier parallèle ou comparable, considérant que les pertes sur le bois d'œuvre ont coûté environ un milliard de dollars au gouvernement, votre industrie n'a-t-elle pas cru bon se plaindre auprès des dirigeants de l'ALENA pour faire respecter les règles de commerce?
M. Arsenault : En mars, on a eu une rencontre avec les conseillers du ministre des Affaires internationales et du ministre des Ressources naturelles, qui est aussi mon député de comté, pour leur soumettre nos doléances à cet effet. Nous attendons toujours une réponse.
Entre-temps, aux États-Unis, leur industrie a déclenché un certain tollé; certains n'étaient pas contents des subventions de cette nature. Ils en sont donc à réviser leur politique. Un lobby intense est en cours, soit pour soit contre, et on est vraiment incertains quant au résultat de ces démarches. Pour le moment, le paiement est suspendu temporairement. Le gouvernement américain a été surpris par une demande beaucoup plus forte qu'il ne l'avait prévu. À l'origine, on pensait pouvoir financer ce programme avec quelque 50 millions de dollars par année, alors qu'après six mois d'exploitation, il avait coûté 500 millions de dollars. Voilà un autre programme de milliards de dollars par année de subventions déloyales pour nous et, franchement, on est surpris que le gouvernement n'ait pas réagi de façon plus intense contre ce phénomène. Comme association, nous avons déposé des commentaires à la USDA américaine pour leur souligner notre opposition au projet. On s'attend à ce que le gouvernement en fasse autant, mais aucune confirmation n'a été fournie à ce jour.
Le sénateur Rivard : Soyez assuré que nous ferons un suivi auprès du ministre Paradis qui, par hasard, est votre député. Maintenant, qu'attendez-vous exactement du gouvernement canadien pour vous aider à mieux valoriser la biomasse forestière? S'agit-il d'une méconnaissance? Suggérez-vous un programme de publicité conjoint? Des mesures fiscales? Que suggérez-vous au gouvernement fédéral pour aider votre industrie?
M. Arsenault : L'exemple que je peux vous donner, c'est celui de la Suède. Au début des années 1990, elle avait entrepris un virage pour réduire ses gaz à effet de serre de façon significative et cherchait des opportunités. Des essais avec du granule ont été effectués pour remplacer le charbon et lorsqu'ils se sont rendu compte que c'était concluant, ils ont mis en place différentes politiques pour favoriser la conversion.
Aujourd'hui, la Suède consomme plus de granules qu'on en fabrique au Canada. Ils sont l'un des plus gros producteurs de granules. Ils ont maintenant un taux de pénétration enviable. Dans une proportion de 85 p. 100, les nouvelles constructions de maisons seront équipées d'un système de chauffage aux granules de bois. Les centrales électriques sont maintenant converties, plusieurs sont 100 p. 100 converties à l'utilisation des granules. Un marché interne a été créé.
À l'origine, ils ne fabriquaient pas de granules. Au début des années 1990, ils se sont tournés vers leur industrie et leur ont demandé s'ils étaient capables de fournir le produit. L'industrie a répondu de façon intéressée et le marché s'est développé au courant des 20 dernières années. En 1991, le premier voyage de granules est parti de Lac-Mégantic pour la Suède, et l'on cherche encore des marchés à développer. Là-bas, le gouvernement a provoqué le remplacement du charbon, créant un marché d'abord industriel, ensuite résidentiel, pour le chauffage domestique.
Le sénateur Rivest : En fait, vous suggérez que des projets pilotes soient mis de l'avant plutôt que, comme les Américains, offrir des subventions aux producteurs.
M. Arsenault : Ou des obligations de réduction de gaz à effet de serre.
Le sénateur Robichaud : Monsieur Arsenault, je vous remercie de votre présentation. C'est bien d'avoir fait circuler les granules.
Au Nouveau-Brunswick, tout près de chez nous, à Saint-Paul de Kent, un produit semblable est manufacturé, utilisant aussi les résidus de bois, mais il a plutôt la forme d'un billot très compact. Cette entreprise fait-elle partie de votre association?
M. Arsenault : Non. La production de bûches écologiques — les bûches de bois comprimé — est une industrie à part qui ne fait pas partie de notre association. Il faut comprendre que ce marché en est un de luxe, si je peux dire, ou d'apparence; la bûche écologique n'est pas économique pour la combustion, mais pour un feu de foyer le samedi soir, elle est intéressante. Un consommateur de bûches écologiques consommera quelques kilos de bûches par année, alors qu'un consommateur de granules en consommera plusieurs tonnes.
J'entendais le comité parler avec intérêt de séquestrer du carbone dans les constructions résidentielles. Personnellement, j'ai peut-être quelques tonnes de carbone séquestré dans ma construction en bois, cependant, avec mon poêle à granules, j'évite probablement près de 10 tonnes d'émission de gaz à effet de serre par année.
Il y a beaucoup plus de potentiel à utiliser le bois en remplacement de combustible pour réduire les gaz à effet de serre. Sans vouloir négliger l'impact important de la séquestration, il y a plus de potentiel en déplacement de combustible fossile qu'en séquestration pour le bois. Ressources naturelles Canada a calculé que le Canada produisait assez de biomasses pour remplacer tous nos besoins énergétiques au Canada. Je dois admettre que la biomasse produite au Nunavut est probablement difficile d'accès et qu'elle a un cycle de vie relativement long, ce qui la rend plus ou moins accessible, mais il y a une importante source d'énergie renouvelable disponible au Canada qui est malheureusement très peu utilisée.
Le sénateur Robichaud : Plusieurs de mes amis utilisent les granules pour le poêle, pour le chauffage de la maison. Au Nouveau-Brunswick, on envisage la fermeture de quelques centrales au charbon. Comment se fait-il qu'on ait manqué le bateau, en fait? Quand je dis qu'on a manqué le bateau, je comprends que votre production ne sert pas le marché industriel, actuellement, mais plutôt le marché résidentiel.
M. Arsenault : Au Canada, notre seul marché, à toutes fins utiles, c'est le marché résidentiel.
Le sénateur Robichaud : Je m'étonne de voir que tout ce potentiel n'ait pas été mieux exploité, surtout au Nouveau- Brunswick, où on trouve du bois en quantité. Comment se fait-il qu'on n'ait pas pu influencer les autorités mieux que cela?
M. Arsenault : Le principal obstacle est le bas prix pour le charbon. Le coût de fabrication du granule en est un, le coût d'exploitation de la forêt et de la transformation d'une fibre pour son utilisation finale est actuellement plus dispendieux que la simple extraction du charbon, si on ne considère pas les effets néfastes des gaz à effet de serre. C'est un coût strictement économique. S'il n'y a pas d'obligation de remplacement, même en Europe, les centrales se traînent les pieds jusqu'à un certain point et leur conversion est principalement orientée vers leurs obligations de réduction de gaz à effet de serre.
Le sénateur Robichaud : La conversion coûte-t-elle vraiment cher?
M. Arsenault : Le granule peut être utilisé dans les mêmes centrales. Il y a des frais de conversion mineurs pour la réception et la manutention du granule mais les bouilloires, le réseau électrique et le système de broyage peuvent tous êtres utilisés pour la combustion comme le charbon. On travaille à faire un produit plus performant, un granule qui pourrait remplacer plus directement le charbon, un granule torréfié qui minimiserait davantage les frais de conversion. C'est un produit qui devrait être sur le marché d'ici un an.
Le sénateur Robichaud : Je pense qu'on a manqué une belle occasion, Monsieur le président, lorsqu'une chaudière qui fournit toute la chaleur aux édifices de la Colline du Parlement a explosé, on a installé un tout nouveau système. Si on avait été au courant, on aurait pu s'y prendre bien avant. On aurait pu faire de ce projet une démonstration où on aurait pu utiliser les granules de bois.
M. Arsenault : Malheureusement, l'information sur ce produit n'est pas transmise par les bureaux techniques. Les ingénieurs conseils qui voient à la conception des chaudières ne sont pas encore très familiers avec le produit. C'est pourquoi on cherche à servir les grands utilisateurs qui en feraient la démonstration de façon impeccable et pour lesquels les frais de conversion seraient moins dispendieux. De là on s'attendrait à ce que les chaudières institutionnelles ou industrielles puissent être converties.
Plusieurs fabricants de chaudières sont intéressés. Un des obstacles est le coût de conversion de ces chaudières. La plupart ou plusieurs provinces commencent à envisager des programmes de subventions pour la conversion vers ces produits. Je connais, à l'Île-du-Prince-Édouard, la commission scolaire Évangéline qui a installé une chaudière aux granules depuis un an ou un an et demi et fait la démonstration que ce produit peut être utilisé de façon institutionnelle. On a un marché à développer. Les conversions sont relativement longues. Changer des bouilloires, c'est une à la fois, mais cela ne crée pas une industrie du jour au lendemain. Par contre, convertir des centrales électriques crée une énorme demande du jour au lendemain.
Par exemple, l'Ontario est en train de préparer la conversion de ses centrales au charbon, en partie, à la biomasse. L'Ontario va créer une industrie qui va consommer deux millions de tonnes de granules dans une province où actuellement, il n'y a aucun producteur. Ils ont déterminé qu'il y avait au moins deux millions de tonnes de biomasse disponible annuellement sans entrer en compétition avec les autres fibres utilisées. Elle songe à faire la conversion. Elle réalise que cela a un coût et elle semble, du moins si les politiciens ne reculent pas, prête à faire le pas vers cette conversion. Elle va créer une industrie intéressante. On a des objections à ce projet car cela semble réservé pour des granules fabriqués en Ontario, de source ontarienne pour la fibre. N'empêche qu'elle va potentiellement doubler le marché, la production du Canada, et multiplier par 20 la consommation interne d'ici deux ou trois ans. Cela va se faire seulement si le gouvernement continue son choix politique de remplacer le charbon en Ontario. On encourage les autres provinces à en faire autant.
Le sénateur Robichaud : Si on avait fait autant d'efforts à la promotion des granules qu'à celle de l'énergie éolienne, cela aurait été bien. À l'Île-du-Prince-Édouard, on a installé des parcs d'éoliennes. On les voit de chez nous lorsqu'on arrive au détroit de Northumberland. C'est beau, mais je ne crois pas qu'elles soient construites à l'Île-du-Prince- Édouard ni au Nouveau-Brunswick. Il y a aussi beaucoup de fibres non utilisées à l'Île-du-Prince-Édouard, qui probablement pourrissent dans le fond de la forêt.
M. Arsenault : L'Île-du-Prince-Édouard s'est donné pour objectif d'être 100 p. 100 énergies renouvelables dans un avenir relativement court et la biomasse peut certainement être un élément important de cette recette. On est une des seules industries capables de produire de l'énergie renouvelable à coût compétitif. Le kilowattheure d'énergie dans les granules peut se rendre chez le client pour six cents le kilowattheure. C'est certainement moins cher que l'éolien ou le solaire. Pour une application thermique, remplacer l'huile à chauffage, le charbon dans la production d'électricité, c'est une des meilleures formes d'énergie. Par contre, c'est plus cher que du charbon.
Le sénateur Ogilvie : Merci, monsieur, de votre présentation qui a été très claire et très utile.
[Traduction]
Monsieur le président, ce document devrait être utilisé comme un exemple d'une référence très informative, bien organisée et exceptionnellement utile.
Je viens de la Nouvelle-Écosse. J'aimerais faire quelques observations et vous posez une question. Vous nous avez donné un excellent aperçu d'une industrie en plein développement, qui fait face aux difficultés de toute industrie qui se développe. Cela est particulièrement vrai lorsqu'on remplace une technologie existante par une nouvelle technologie.
Dans notre marché national, l'utilisation du poêle à granules de bois a été ralentie en raison d'un manque d'approvisionnement de granules dans notre région. Cela a eu lieu lors d'un des moments les plus difficiles d'un printemps qui était déjà difficile. Les gens ont du mal à avoir accès à ces granules.
En ce qui concerne le marché commercial de notre région, vous savez sans doute qu'en Nouvelle-Écosse, à l'heure actuelle, l'on tente de remplacer une partie importante de l'énergie hydroélectrique de la province par des granules de bois ou des déchets de biomasse produits par l'industrie forestière. Cet effort se heurte à une opposition écologique et publique véhémente. Ils pensent que les déchets peuvent rester sur la couverture morte et se décomposer. Autrement, nous retirerons à la couverture morte des nutriments extrêmement utiles.
Il s'agit de toute évidence de problèmes d'actualité, et je pense qu'on peut y remédier par le biais de la sensibilisation qui pourrait se faire au fur et à mesure que l'industrie se développe.
Vous travaillez surtout avec les déchets de biomasse et leur utilisation. Nous avons commencé à voir, surtout au Canada Atlantique, que l'on développe des granulés à partir du foin — l'on utilise les déchets du foin et des herbes qui poussent sur des terres marginales. Il s'agit donc de biomasse en provenance de ressources renouvelables. Comment pensez-vous que la production de granulés à partir de sources de biomasse évoluera au cours de la prochaine décennie?
M. Arsenault : Sénateur Ogilvie, vous représentez une région qui comporte des contrastes fort intéressants. La Nouvelle-Écosse a deux usines de production de granules. L'une d'entre elles était, auparavant, consacrée entièrement à l'exportation de granulés vers les centrales européennes qui les transformaient en énergie. En même temps, les gens veulent créer des nouvelles installations électriques sans tenir compte de l'approvisionnement local.
Pour répondre à votre première question, qui porte sur le marché national et l'irrégularité de l'approvisionnement, sachez que, à l'heure actuelle, notre marché résidentiel est surtout composé d'appareils de chauffage secondaires. Ce marché est assujetti aux fluctuations des prix de l'énergie, et je songe, notamment au prix du pétrole. Il y a deux ans, lorsque le prix du baril de pétrole avait atteint la barre de 140 $, les gens se sont rués pour acheter des granulés.
La plupart des usines en production à l'heure actuelle utilisent une biomasse qui a déjà été transformée et qui provient des scieries. Il y a deux ans, avec le ralentissement économique, bon nombre de scieries ont fait faillite. La plupart d'entre vous êtes originaires de ces régions et vous savez très bien que l'industrie forestière a également connu un ralentissement. Ce que vous appelez « déchet » n'est plus un déchet lorsqu'il disparaît.
Il y a 30 ans, au tout début de mon usine, nous brûlions de la sciure dans des ruches. Nous pouvions obtenir cette sciure gratuitement; au départ, au Québec, nous obtenions une subvention pour transporter la biomasse à nos installations parce que le ministère de l'Environnement voulait se débarrasser des ruches.
Depuis quelques années, l'industrie des scieries me dit que leur profit, c'était l'argent que je leur ai donné pour la sciure. De plus, les compagnies de camionnage m'imposent un supplément pour le carburant, et je n'ai plus de subvention. Ils n'appellent plus cela les déchets de sciure, ils appellent cela un produit secondaire.
La plupart des producteurs dans l'Est commencent avec des stocks relativement petits issus de transformation secondaire. Les usines les plus importantes qui exportent ne peuvent pas se fier à cette fibre, et nous sommes équipés pour utiliser tout type de fibre, y compris celle qui provient directement de la forêt. Les exploitations familiales qui, au départ, desservent le marché ne peuvent plus le faire après la tempête qui a frappé il y a deux ans.
Toutefois, l'industrie se stabilise. En fait, la tendance s'est complètement renversée cet hiver. Nous avons tous enregistré des surplus parce que lorsque le prix du pétrole augmente, les gens activent leurs appareils; lorsque le prix du pétrole chute, ils les éteignent.
Nous devons cesser de dépendre de ce segment du marché et nous tourner vers un marché plus stable fondé sur l'industrie et qui nous permet de produire toute l'année. Ma situation est ridicule : je possède cette grande usine capable de produire beaucoup d'énergie et je ferme les portes au milieu de l'hiver parce que nous avons un hiver doux cette année et que le prix du pétrole n'étant pas le même que celui de l'an dernier ne nous aidait pas. Le développement de cette industrie à long terme doit se fonder sur les utilisateurs commerciaux.
Pendant ce temps, beaucoup de nouvelles usines apparaissent. Il y a trop d'offres. Au Nouveau-Brunswick, on a créé ou annoncé la mise en service de quatre ou cinq nouvelles machines à agglomérer, d'une capacité totale de plus de quelques centaines de milliers de tonnes. À ma connaissance, la province consomme environ de 10 000 à 15 000 tonnes. Ils devront exporter et seront assujettis aux fluctuations du taux de change ou au taux d'expédition des produits vers l'Europe. Ce marché ne peut être fondé seulement sur l'exportation. Il faut susciter une demande interne.
Le sénateur Mercer : C'est fascinant et nous avons appris beaucoup. Je suis d'accord avec le sénateur Ogilvie. Votre exposé était concis et nous servira de référence. Quand nous terminerons cette étude, nous formulerons des recommandations. Je peux penser à deux recommandations qui découleraient de l'exposé de ce matin.
Partout au monde, on a tendance à se détourner des centrales au charbon parce qu'elles polluent beaucoup. L'Alberta est la province canadienne qui produit le plus de charbon. Elle en utilise une bonne partie, ce qui en étonne toujours certains.
À mon avis, l'un des rôles du gouvernement, comme vous l'avez dit, serait de confier des mandats à l'industrie des centrales au charbon et de dire aux entreprises qui veulent continuer leurs opérations, ce qui permettra d'épargner des emplois dans ces collectivités, dans les mines et dans certaines communautés éloignées du Canada. Une des façons d'y arriver serait de passer à l'utilisation de granulés ou d'une forme quelconque de carburant renouvelable qui répond à certaines demandes environnementales.
Combien d'emplois supplémentaires pourraient être créés si les gouvernements acceptaient votre suggestion selon laquelle on mandaterait les centrales au charbon et utiliserait un certain pourcentage des granulés pour la production d'électricité?
M. Arsenault : La production canadienne actuelle se situe à environ 2 millions de tonnes, et nous avons créé 1 000 emplois directs. Selon les différents ratios, nous avons aussi créé deux ou trois fois plus d'emplois indirects. Rendre obligatoire la conversion de 10 p. 100 de 60 millions de tonnes consommées actuellement au Canada nous permettrait de tripler ou de quadrupler ces nombres. On parle de 3 000 ou 4 000 emplois additionnels.
Le sénateur Mercer : De ceux-ci, je dirais que 90 p. 100 seraient dans les zones rurales.
M. Arsenault : Oui. Pratiquement toute notre industrie est située dans les régions boisées.
Le sénateur Mercer : Elle est aussi principalement établie dans l'est du Canada, n'est-ce pas?
M. Arsenault : À l'heure actuelle, c'est la Colombie-Britannique qui dispose des capacités de production les plus imposantes.
Le sénateur Mercer : Est-ce qu'on utilise le bois détruit par le dendroctone du pin?
M. Arsenault : On finira par en utiliser d'importantes quantités. À l'heure actuelle, ce bois est très peu utilisé parce qu'ils ont accès à des fibres à moindre coût en utilisant la sciure. L'industrie de la sciure est prépondérante en Colombie- Britannique, où on produit d'énormes quantités de sciure. À l'heure actuelle, c'est le matériau brut de choix. Toutefois, si vous multipliez la taille de l'industrie par 10, il y a beaucoup de fibres au Canada, telles que celle qui résulte de l'activité du dendroctone du pin, qui peut être utilisée comme matériel de façon durable.
Le sénateur Mercer : Parfois c'est très logique, mais très compliqué. Ça me semble tout à fait aller de soi.
M. Arsenault : C'est la même chose au Québec. Nous n'avons pas le dendroctone du pin, mais nous avons les arbres sur pied qui résultent d'incendies, et c'est une bonne façon d'utiliser de tels produits.
Le sénateur Mercer : Vous avez utilisé le terme « subvention » à plusieurs reprises lorsque vous parliez de l'industrie américaine. Je suis intrigué par le fait que cette subvention ne soit pas assujettie à certaines des restrictions en vertu de l'ALENA. Vous avez abordé le sujet, mais j'aimerais creuser davantage parce que je suis certain que si c'était le contraire, nos amis américains contesteraient le fait que nous subventionnons une industrie alors que ce n'est pas leur cas.
M. Arsenault : Je suis étonné de l'absence de réaction de notre gouvernement. Je crains qu'il ne comprenne pas l'effet insidieux de cette mesure sur l'industrie forestière dans son ensemble. Nous avons présenté nos arguments. Je continuerai de le faire, tout comme l'association qui prendra la parole bientôt.
Le sénateur Mercer : Voilà pourquoi j'ai posé des questions sur les emplois, pas seulement les quelque 3 000 qui seraient créés. Je veux aussi parler des emplois que l'on sauverait dans les centrales au charbon en n'obligeant pas celles-ci à fermer leurs portes. Je suis en quelque sorte en train de vous aider à faire du lobbying. Je l'ai fait publiquement, alors tout le monde est au courant.
Le sénateur Duffy : Êtes-vous enregistré?
Le sénateur Mercer : Oui, je suis membre du Sénat du Canada.
Il est important de parler des emplois, mais il est également important de parler de l'endroit où ils se trouvent, soit dans les régions rurales du Canada.
M. Arsenault : Oui.
Le sénateur Mercer : Le comité a produit un rapport sur la pauvreté rurale il y a un certain nombre d'années. Institutionnellement, nous comprenons les problèmes du Canada rural. Il ne s'agit pas d'une solution miracle, mais c'est un pas dans la bonne direction pour aider le Canada rural.
M. Arsenault : Ça l'est. À ce titre, j'aimerais revenir sur un sujet abordé dans une question posée par le sénateur Ogilvie : le foin. Les productions agricoles constituent une source potentielle de biomasse au Canada. À l'échelle du pays, on effectue divers tests pour déterminer l'utilisation potentielle du foin.
Un des problèmes, c'est que, à l'heure actuelle, le foin ne peut être utilisé que dans les applications industrielles, mais les centrales électriques aimeraient pouvoir l'utiliser davantage. Encore une fois, il y a un lien avec les régions rurales. Plusieurs terres agricoles pourraient être utilisées et ne livreraient pas concurrence aux productions alimentaires. Les terres marginales abandonnées et qui ne servent à rien pourraient être utilisées pour cultiver des plantes produisant de l'énergie, ce qui créerait des emplois durables dans les collectivités rurales. Toutefois, on doit disposer d'applications industrielles pour ce marché.
Le sénateur Mercer : Il est intéressant de voir que dans ce comité les sujets d'étude reviennent périodiquement. Quand nous avons étudié la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), nous avons parlé du panic raide, particulièrement en Saskatchewan et dans certaines régions de l'Alberta. L'avantage que présente le panic raide c'est qu'il suffit de le planter une fois tous les 10 ans et il continue de produire. Pour un agriculteur, c'est très intéressant d'avoir une culture qu'il suffit de planter tous les 10 ans plutôt que tous les ans. Utilisons-nous maintenant le panic raide?
M. Arsenault : Il n'existe pas actuellement au Canada de marché pour le panic raide ou pour les boulettes d'herbe. L'Ontario envisage d'en créer un. Il est question de conversion au profit de sources agricoles, mais étant donné la nature inhérente des graminées, la différence entre les granules d'herbe et les granules de bois tient à leur teneur en cendre. L'herbe a une plus forte teneur en cendre que le bois. À l'heure actuelle, il n'existe qu'un créneau sur les marchés canadiens constitué d'utilisateurs résidentiels qui souhaitent la plus faible teneur en cendre possible dans leurs appareils. Les appareils eux-mêmes ne sont pas adaptés à une forte teneur en cendre, mais les consommateurs industriels pourraient s'en accommoder.
Le charbon à faible teneur en cendre contient entre 5 ou 6 p. 100 de cendre. La biomasse à forte teneur en cendre en contient entre 3 et 4 p. 100. La conversion de la biomasse dans les centrales au charbon donne de bons résultats à cet égard.
Le sénateur Plett : Merci de votre excellent exposé. Ce que vous nous avez dit m'intéresse énormément. J'ai passé ma vie dans le secteur du chauffage et j'ai vu, dans le cadre de mon travail, de nombreuses chaudières au charbon, au bois, au pétrole, au gaz, et quoi encore, mais je n'ai jamais installé de chaudière alimentée aux granulés de bois. La première fois que j'ai vu des granulés de bois, c'est quand je me suis rendu au Québec il y a quelques mois et cette technologie m'intrigue.
J'aurai quelques questions concernant les coûts. Vous avez dit, il me semble, que vous chauffez votre maison avec des granulés de bois. Ai-je bien compris?
M. Arsenault : Oui.
Le sénateur Plett : Pour les profanes, pouvez-vous nous dire combien de sacs de ces granulés il vous faudrait pour chauffer votre maison pendant les grands froids de l'hiver au Québec? Je suppose que vous habitez au Québec.
M. Arsenault : Oui. Il faut environ deux sacs par jour au Québec. En règle générale, il faut 2 kilogrammes de granulés pour remplacer un litre de mazout. Une tonne de granulés remplace 500 litres de mazout.
Le sénateur Plett : Combien de sacs faut-il pour remplacer une corde de rondins?
M. Arsenault : De 16 pouces ou de 4 pieds? Après le gaz naturel, la combustion de granulés est la façon la plus économique de réaliser des économies, et de réduire les gaz à effet de serre, mais il faut acheter un poêle.
Le sénateur Plett : Économiser. C'est bien triste, mais je ne crois pas que le Canada soit le seul à faire ce calcul, mais la plupart des Canadiens demanderont combien d'argent ils pourront économiser. Le gouvernement ne doit pas tenir compte uniquement des économies; il devrait aussi tenir compte des émissions de gaz à effet de serre.
Nous avons installé de nombreux appareils de chauffage mixte au bois et à l'électricité. Si j'ai un poêle à bois ou une chaudière à bois, il ne faudrait pas une grande transformation pour s'en servir comme appareil de chauffage, ai-je raison?
M. Arsenault : Malheureusement, non. Il s'agit d'un combustible façonné et il faut un appareil spécial pour assurer une combustion parfaite. Certaines conversions ont été offertes pour remplacer les brûleurs à mazout, par exemple, où les granulés sont brûlés directement dans la chaudière, mais ce n'est pas la façon idéale d'utiliser le produit. Il doit être brûlé dans des poêles. Nous recommandons qu'il soit brûlé dans des poêles conçus à cette fin. Toutefois, il en existe plusieurs modèles dont certains fabriqués au Canada.
Le sénateur Plett : Votre maison est chauffée par une chaudière habituelle?
M. Arsenault : Chez moi, j'ai un poêle à granulés qui est un appareil de chauffage secondaire et autonome et il remplace à lui tout seul environ 85 ou 90 p. 100 des autres sources de chauffage.
Le sénateur Plett : Sans ventilateur.
M. Arsenault : Non.
Le sénateur Plett : Y a-t-il des appareils qui pourraient être munis de ventilateur?
M. Arsenault : Oui. Un système de chauffage central avec chaudières et appareils de chauffage à air et il y a aussi des appareils fabriqués au Canada.
Le sénateur Plett : Nous avons parlé de foin et de paille. Il y a quelques années, j'ai participé à la conversion d'une importante exploitation agricole qui comptait environ une douzaine de granges et nous avons installé des tuyaux souterrains et une chaudière à paille. C'était censé être un appareil à la fine pointe de la technologie. Je sais que l'agriculteur ne l'aurait jamais fait intentionnellement, mais malheureusement pour lui, le tout a pris feu et il a pu réinstaller un système de chauffage classique parce que l'autre système n'a jamais fonctionné adéquatement.
Quel est le taux de réussite de ce système? Certains appareils sont installés pour chauffer le fumier et certains utilisent de la paille et d'autres des granulés de bois. Quel est le taux de réussite? Si c'est un bon système, le problème est-il dû à un manque d'éducation ou de publicité de sorte que la méconnaissance du produit l'empêche d'être vendu dans d'autres provinces du Canada? J'ai travaillé dans le secteur et je ne le connais pas.
M. Arsenault : La vente sur le marché résidentiel au Canada se fait actuellement sans subvention et sans incitatif et sans beaucoup de marketing de sorte que le choix est fondé strictement sur sa valeur économique. Le produit lui-même a un coût inhérent, un coût d'extraction. Que le substrat provienne de l'agriculture ou des forêts, il y a un coût pour l'extraction de la fibre, son utilisation et sa transformation. Comme le coût du gaz naturel est faible et que le prix du pétrole évolue en dents de scie, les gens hésitent à engager des dépenses additionnelles pour faire l'acquisition d'un appareil conçu pour la combustion du produit.
S'agissant de la conversion de la biomasse en granulés, vous pouvez avoir un appareil qui ne serait pas détruit par le feu parce qu'il y a des contrôles automatiques et toutes les fanfreluches voulues pour que l'appareil fonctionne de façon optimale. Toutefois, il y a un coût et un coût de conversion lorsque l'on installe un système de chauffage alimenté à la biomasse. Les gens ont besoin d'un incitatif financier pour le faire. Nous recevons énormément de demandes pour ces granulés quand le prix du baril de pétrole atteint les 140 $. Nous recevons peu de demandes quand arrive l'automne et que le prix du baril est de 60 $, comme l'automne dernier, cela pourrait changer si le gouvernement offrait des incitatifs ou du soutien pour ces conversions.
À titre d'exemple, comme l'a dit le sénateur Robichaud, gagner le Parlement à la cause de la biomasse serait un excellent exemple pour le reste du Canada. À moins que des mesures importantes ne soient prises à cet égard, nous dépendons de la situation économique, et cela dure depuis longtemps. Nous continuons d'exister, nous poursuivons nos efforts, mais la lutte est ardue.
Le sénateur Plett : Ces granulés sont essentiellement de la sciure de bois comprimé, n'est-ce pas?
M. Arsenault : Oui. C'est tout ce qu'il faut.
Le sénateur Plett : Je vous signale en passant que le produit met environ une demi-heure à se briser.
M. Arsenault : Oui, mais je peux vous donner un échantillon d'un granulé torréfié qui ne se défait pas dans l'eau. Je n'en ai pas apporté.
Le sénateur Eaton : Merci, monsieur Arsenault. J'aimerais vous poser rapidement une question. Après avoir écouté des témoignages pendant un an, j'en suis venu à la conclusion que le grand problème du secteur forestier en est un de marketing. Avez-vous songé au Québec à vous adresser, peut-être avec l'appui de l'Association des produits du bois ou encore FPInnovations, au promoteur d'un projet domiciliaire pour lui proposer des maisons vertes dans une communauté résidentielle modèle où tout le chauffage se ferait grâce aux granulés de bois?
M. Arsenault : Certains exemples sont mis en ligne. À Québec, il y a le projet Cité Verte de chaudière centrale alimentée aux granules de bois et on pourrait commencer à utiliser les granulés à l'automne. D'après ce que j'ai compris, le projet a reçu de l'aide dans le cadre de programmes provinciaux. C'est un bon pas en avant.
L'un des obstacles à l'expansion du marché, c'est que la demande se crée lentement. Ce projet de développement consommera probablement 2 500 tonnes de granulés par année. Pour assurer sa viabilité, notre industrie aurait besoin de plusieurs milliers de tonnes.
Le sénateur Eaton : C'est exact, mais vous pourriez commencer à l'échelle du pays.
M. Arsenault : Je suis d'accord pour lancer l'industrie, mais nous devons mettre les choses en branle. Toutefois, il n'y a pas assez d'installateurs et de fabricants de chaudières pour que cela en vaille la peine.
Le sénateur Eaton : C'est le cas typique de l'œuf ou la poule : il n'y a ni infrastructure ni moyen de créer l'infrastructure.
M. Arsenault : Nous devons commencer à montrer l'exemple, tant dans les projets institutionnels que résidentiels, mais ce sont là les marchés à moyen terme qui prendront de l'expansion. À court terme, la seule façon de faire sa marque dans le marché, c'est de lancer une production industrielle à large échelle. Notre industrie au Canada s'apprête à prendre d'assaut ce type de marché.
L'industrie doit passer d'un marché local de 100 000 tonnes à un marché local de 2 millions de tonnes, ce qui correspond à sa capacité, et cet objectif ne sera pas atteint du jour au lendemain, à l'exception du secteur industriel.
Le sénateur Duffy : J'aimerais poursuivre, monsieur Arsenault. Je vous remercie d'avoir mentionné Miscouche à l'Île-du-Prince-Édouard. Nous, les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard, sommes fiers d'être des innovateurs. Comme vous le savez, nous avons à Charlottetown un certain nombre d'immeubles publics qui sont chauffés grâce à des systèmes actionnés à la vapeur et alimentés par des déchets recyclés. Nous avons certaines possibilités là-bas et je serais intéressé à étudier les options en ce qui a trait au projet de granulés de bois.
D'après ce que j'ai compris, toutes les centrales de la Nouvelle-Écosse sont alimentées au charbon. D'après vous, est-ce que quelqu'un en a parlé au gouvernement de la Nouvelle-Écosse? Est-ce que la province a montré un intérêt, à la manière d'Ontario Hydro, pour la conversion de certaines centrales au charbon? Il est tragique que la Nouvelle-Écosse importe son charbon du Venezuela.
Le sénateur Robichaud : C'est la même chose au Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Duffy : Cela ne crée pas d'emplois dans le secteur minier du Cap-Breton ou d'une autre région du Canada Atlantique. Savez-vous s'il y a des pourparlers avec Nova Scotia Power?
M. Arsenault : Nous avons un membre de longue date de l'association à Middle Musquodoboit.
Le sénateur Mercer : C'est le test qui est administré à quiconque met les pieds en Nouvelle-Écosse. Si vous arrivez à prononcer ce nom, vous pouvez rester.
M. Arsenault : Je vous présente des excuses publiques pour avoir mal prononcé le nom de cette région.
On y produit et exporte des granulés depuis 10 ans et on essaie de susciter d'y faire participer le gouvernement local. En ce moment, le gouvernement est pour l'utilisation de la biomasse verte, ce qui requiert l'installation de nouvelles chaudières. Ce gouvernement n'a pas encore été convaincu par les avantages de garder les anciennes chaudières et d'utiliser plutôt des granulés, mais nous œuvrons très fort pour le convaincre.
Il y a plusieurs autres exemples de la sorte. À Belledune, l'une des centrales importe son charbon, alors qu'on vient de construire une nouvelle usine de granulés en vue de l'exportation. Cette usine a de la difficulté à trouver des marchés d'exportation. Les deux installations sont l'une à côté de l'autre et s'entrecroisent physiquement.
Le sénateur Mercer : La bonne vieille méthode canadienne.
Le sénateur Duffy : Monsieur Arsenautl, je vous remercie de votre excellent exposé et de nous avoir mis en contexte. Je vous remercie d'avoir tiré la sonnette d'alarme à l'égard de ce qui semble être du dumping de la part des Américains au Canada et en Europe. Je vous en suis reconnaissant.
Le sénateur Fairbairn : C'est en fait une très bonne idée ce que vous dites au sujet de ce changement. Je viens du sud de l'Alberta, et par le passé il y a eu énormément de charbon. C'est encourageant que vous songiez à cette nouvelle aventure. Cela permettra à ces régions de continuer de prospérer, créera de l'emploi, ce qui est extrêmement important. C'est bon que vous nous en parliez. Merci.
M. Arsenault : Merci.
Le président : Avant de conclure, ai-je bien entendu, monsieur Arsenault que vous avez dit qu'il n'y avait pas d'atelier de fabrication de granulés au Manitoba?
M. Arsenault : Je crois qu'il n'y a pas d'atelier de fabrication de granules de bois au Manitoba à l'heure actuelle. Il y a peut-être des ateliers de fabrication de granules d'herbe, mais je n'en suis pas certain.
Le sénateur Plett : Oui, il y en a.
Le président : Pourriez-vous communiquer au comité, par écrit, les emplacements géographiques de ces ateliers de fabrication de granulés au Canada?
M. Arsenault : J'ai une carte ici.
Le sénateur Mercer : Pourquoi avez-vous attendu aussi longtemps?
[Français]
Le président : Je vous remercie, monsieur Arsenault, d'avoir fait une bonne présentation qui nous permettra de faire des recommandations aux différents paliers de gouvernement. Au nom du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation.
(La séance est levée.)