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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES ET DU COMMERCE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 21 novembre 2018

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd’hui, à 12 heures, pour examiner la teneur des éléments des sections 3, 4, 6, 7 et 10 de la partie 4 du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.

Le sénateur Douglas Black (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, chers collègues et membres du public qui suivent la réunion d’aujourd’hui du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, ici même dans la salle ou par Internet. Je m’appelle Douglas Black, je suis un sénateur de l’Alberta et je suis président du comité. Je vais demander à mes collègues de se présenter, à commencer par la vice-présidente.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, de la Nouvelle-Écosse

Le sénateur Duffy : Mike Duffy, de l’île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.

La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, de la Saskatchewan.

Le sénateur Wetston : Howard Wetston, de l’Ontario.

Le président : C’est très bien.

Nous poursuivons notre étude de la teneur des éléments des cinq sections de la partie 4 du projet de loi C-86, Loi no 2 d’exécution du budget de 2018. Nous devons faire rapport au Sénat au plus tard le 4 décembre prochain. Aujourd’hui, nous allons nous concentrer sur la section 7 de la partie 4, qui porte sur divers éléments de la Loi sur les brevets.

Notre premier groupe de témoins est composé de fonctionnaires qui nous donneront un aperçu de cette section. Je suis heureux d’accueillir, du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, Mark Schaan, directeur général, Direction générale des politiques-cadres du marché, Secteur des stratégies et politiques d’innovation; Martin Simard, directeur, Direction de la politique du droit d’auteur et des marques de commerce, Secteur des stratégies et politiques d’innovation; Patrick Blanar, analyste principal de politiques, Direction de la politique des brevets, Secteur des stratégies et politiques d’innovation.

Nous recevons également, de Patrimoine canadien, Kelly Beaton, directrice générale par intérim, Direction générale du Marché créatif et innovation; et Khalil Cappuccino, directeur, Politique du droit d’auteur, Direction générale du Marché créatif et innovation.

Nous accueillons également, du Conseil national de recherches du Canada, Christopher Johnstone, directeur général, Programmes nationaux et services commerciaux.

Je vous remercie tous de votre présence aujourd’hui. Nous allons passer aux exposés. La parole sera d’abord au ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, et ensuite, à Patrimoine canadien. Je crois savoir que le représentant du Conseil national de recherches du Canada n’a pas d’exposé à faire. Après les exposés, nous allons passer aux questions.

Mark Schaan, directeur général, Direction générale des politiques-cadres du marché, Secteur des stratégies et politiques d’innovation, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Je vais vous parler de cette section au nom de Patrimoine canadien et du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique. Je crois que mon collègue du Conseil national de recherches aura un bref mot à dire. Voilà ce que nous ferons pour l’instant.

[Français]

Monsieur le président, je vous remercie de votre invitation. Je suis heureux de présenter le pilier législatif de la toute première Stratégie en matière de propriété intellectuelle du Canada. Comme vous le savez peut-être, le budget de 2018 propose un investissement de 85,3 millions de dollars sur cinq ans et de 10,1 millions annuellement par la suite pour financer des mesures qui visent la sensibilisation, l’éducation, et les conseils en matière de propriété intellectuelle, ainsi que l’offre d’outils stratégiques de croissance pour les entreprises en matière de propriété intellectuelle.

Le projet de loi C-86 complète ces efforts en proposant des modifications aux principales lois sur la propriété intellectuelle, notamment la Loi sur les brevets, la Loi sur le droit d’auteur et la Loi sur les marques de commerce. Ces modifications visent à encourager la création et l’innovation en clarifiant les comportements acceptables ou en décourageant les actions qui pourraient avoir des conséquences négatives.

[Traduction]

Les modifications proposées à la Loi sur les brevets visent à établir des exigences et des normes minimales pour l’utilisation des lettres de demande de brevet afin de décourager l’envoi de lettres de demande trompeuses ou non justifiées. Les entreprises qui reçoivent une lettre de demande vague ou trompeuse qui ne répond pas aux exigences minimales pourraient intenter une action en dommages-intérêts devant les tribunaux canadiens et demander des dommages-intérêts à l’expéditeur de la lettre. La loi rendrait les déclarations faites par le déposant au cours de l’examen du brevet recevables comme éléments de preuve afin d’empêcher les titulaires de brevets de faire des déclarations incohérentes dans des affaires judiciaires. La loi clarifierait la portée de la recherche qui est exempte de contrefaçon de brevet et modifierait les droits d’utilisation antérieurs pour les brevets afin qu’une entreprise ne soit pas tenue de cesser ses activités en raison d’un brevet ultérieur couvrant ses activités existantes. La loi veillera également à ce que les propriétaires subséquents d’un brevet essentiel standard respectent les engagements de licence pris par les propriétaires antérieurs du même brevet. Enfin, elle assurera un traitement cohérent des licences de propriété intellectuelle et permettra aux titulaires de licences de continuer à utiliser leurs licences dans les procédures de liquidation.

[Français]

Les modifications proposées à la Loi sur les marques de commerce visent à empêcher l’utilisation abusive du régime des marques, par exemple en demandant l’enregistrement dans le seul but d’obtenir une rémunération du propriétaire légitime de la marque, en créant un nouveau motif d’opposition à l’enregistrement de mauvaise foi et en exigeant l’utilisation pour faire respecter une marque dans les trois premières années suivant son enregistrement.

Les modifications amélioreraient aussi l’efficience et l’efficacité des procédures d’enregistrement en autorisant le registraire à allouer des dépens pour pratiques abusives au cours des procédures et en n’admettant plus automatiquement des preuves supplémentaires en appel des décisions du registraire, un changement qui serait contrebalancé par la possibilité pour les parties d’obtenir une ordonnance de confidentialité lorsqu’elles produisent une preuve commerciale sensible.

Enfin, le projet de loi autoriserait le registraire à retirer les marques officielles de la base de données afin d’empêcher que des marques officielles appartenant à des entités qui n’existent plus ou qui ne sont pas des autorités publiques ne créent pas d’obstacles à l’enregistrement des marques.

[Traduction]

Les modifications proposées à la Loi sur le droit d’auteur visent à protéger les consommateurs en précisant que les avis qui comprennent des offres de règlement ou des demandes de paiement ne sont pas conformes au régime canadien des avis et avis de droit d’auteur.

Les modifications à la Loi sur le droit d’auteur réduiraient les retards à la Commission du droit d’auteur, notamment en définissant un mandat global et des critères pour la prise de décisions, en facilitant la gestion des instances, en exigeant que les tarifs soient déposés plus tôt et définis pour de plus longues périodes, en créant un pouvoir réglementaire d’établir des délais ou des échéances concernant la prise de décisions et en permettant à davantage de sociétés de gestion et d’utilisateurs de conclure des ententes directes et à n’avoir recours à la commission qu’en cas de besoin.

[Français]

Enfin, pour assurer le maintien des normes professionnelles et éthiques des agents de propriété intellectuelle, un Collège des agents de brevets et des agents de marques de commerce serait créé. Ce collège serait responsable de l’officialisation d’un code de conduite et d’un processus disciplinaire. Il serait auto-réglementé et régi par les membres de la profession et le public.

C’est avec plaisir que je répondrai à toute question que vous pourriez avoir au sujet de ces propositions législatives. Merci.

[Traduction]

Le président : Je vous remercie beaucoup.

Christopher Johnstone, directeur général, Programmes nationaux et services commerciaux, Conseil national de recherches du Canada : Nous sommes ravis d’avoir l’occasion de décrire les modifications à la Loi sur le Conseil national de recherches du Canada concernant la propriété intellectuelle et les pouvoirs du CNRC liés aux biens immobiliers.

À titre d’information, sachez que le CNRC compte quelque 3 700 chercheurs et employés répartis dans 14 centres de recherche, qui exercent leurs activités dans 22 emplacements situés un peu partout sur le territoire canadien. Le CNRC assure également la prestation du Programme d’aide à la recherche industrielle, le PARI, un programme de réputation nationale.

Le budget de 2018 faisait état de la possibilité de repenser le CNRC pour en faire une plateforme de collaboration afin de favoriser l’excellence en sciences, de réunir les meilleurs cerveaux du pays pour trouver des solutions et faire des percées qui sont importantes pour les Canadiens. Les amendements proposés à la Loi sur le CNRC permettront à ce dernier d’être mieux à même de gérer la propriété intellectuelle et les biens immobiliers.

L’article 278 du projet de loi précise que le CNRC a la capacité d’aliéner des biens immobiliers. Ce changement permettra au CNRC d’avoir la marge de manœuvre nécessaire pour gérer plus efficacement son portefeuille immobilier grâce à des décisions bien fondées en matière d’investissements dans des biens immobiliers.

L’article 279 propose des modifications aux dispositions sur la propriété intellectuelle de la Loi sur le CNRC. Il y a deux modifications.

La première vise à élargir le droit du CNRC de disposer de sa propriété intellectuelle afin d’inclure tous les types de propriété intellectuelle et les droits futurs de propriété industrielle en vertu de contrats. Auparavant, la loi ne précisait pas clairement qu’elle couvrait certains types de droits de propriété intellectuelle, comme le droit d’auteur.

La deuxième modification consiste à moderniser la loi en transférant au CNRC lui-même les fonctions d’administration et de contrôle des inventions mises au point par des employés du CNRC, fonctions qui étaient assumées par le ministre responsable du CNRC. Elle vise également à clarifier que tout brevet associé à ces inventions appartiendra au CNRC lui-même. L’ajout de cet article fait en sorte d’harmoniser la Loi sur le CNRC avec les lois d’organismes gouvernementaux similaires.

Nous serons heureux de répondre à vos questions sur le sujet.

Le président : Je vous remercie beaucoup. Est-ce que les représentants de Patrimoine canadien ont un exposé à faire ?

Kelly Beaton, directrice générale par intérim, Direction générale du Marché créatif et innovation, Patrimoine canadien : Non.

Le président : C’est très bien. Passons aux questions.

La sénatrice Stewart Olsen : J’ai une brève question au sujet du coût associé au Collège des agents de brevets et des agents de marques de commerce. Est-ce qu’il existe dans le projet de loi une disposition concernant le financement de ce collège? Qui s’occupera de le mettre sur pied, de le financer et d’embaucher le personnel?

M. Schaan : Actuellement, le système de réglementation des agents de brevets et des agents de marques de commerce est incomplet et il n’est pas transparent. Les agents de brevets sont actuellement gérés par le commissaire aux brevets, et les agents de marques de commerce sont gérés par le registraire des marques de commerce, qui est à la tête de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada.

On a opté pour l’auto-réglementation, car, actuellement, le commissaire dispose de très peu de pouvoirs en matière de gestion des agents et il existe très peu de procédures établies. En ce moment, le commissaire a uniquement la capacité d’inscrire le nom d’une personne dans le registre des agents titulaires d’une licence et de le supprimer.

En outre, si une plainte est déposée au sujet du comportement d’un agent en particulier, il n’existe aucune procédure établie pour traiter cette plainte et le processus n’est aucunement transparent.

Enfin, il y a une autre raison pour laquelle on a opté pour l’auto-réglementation. Lorsque des agents comparaissent devant l’Office de la propriété intellectuelle du Canada, ils en appellent souvent des décisions de l’Office. Certains considèrent donc qu’il y a apparence de conflit d’intérêts lorsque le dirigeant de l’Office est aussi la personne qui décide au bout du compte des mesures disciplinaires à prendre.

Actuellement, les agents versent des droits d’enregistrement à l’Office pour l’inscription dans le registre. Le collège sera financé grâce aux droits que doivent acquitter ses membres. Nous transférons simplement une fonction de l’Office au nouveau collège, qui utilisera les droits versés par ses membres pour financer ses activités.

La sénatrice Stewart Olsen : Selon vous, ces amendements dont vous avez parlé vont contribuer à accroître grandement la transparence au sein de toutes les entités. On entend beaucoup parler de propriété intellectuelle dans les médias, mais on ne sait pas vraiment ce qui se passe, alors, à votre avis, est-ce que ces amendements permettront de répondre à certaines des questions?

M. Schaan : Oui. Il s’agit du troisième pilier de la stratégie nationale en matière de propriété intellectuelle. Les deux autres piliers ne sont pas de nature législative. Le premier concerne l’éducation, la sensibilisation et la communication. Un élément important est d’améliorer l’ensemble de l’écosystème dont fait partie la propriété intellectuelle, pour qu’elle soit utilisée comme un outil stratégique. Deuxièmement, des mesures précises touchant les programmes ont été présentées dans le budget de 2018 en vue d’aider les innovateurs à mieux comprendre et à mieux utiliser la propriété intellectuelle. Ces changements législatifs contribuent à la fois à uniformiser les règles du jeu en ce qui a trait à l’utilisation et à la gestion de la propriété intellectuelle et à accroître la transparence relativement à la gestion, particulièrement pour ceux qui sont les plus concernés par les droits de propriété intellectuelle, c’est-à-dire les agents de marques de commerce et les agents de brevets.

La sénatrice Stewart Olsen : Je vous remercie.

Le sénateur Wetston : J’examine votre document, et je m’interroge un peu au sujet du budget que vous avez prévu pour une période de cinq ans. De toute évidence, les 83 millions de dollars constituent une somme importante, mais ce n’est peut-être pas une somme suffisante compte tenu de ce que vous voulez accomplir.

Pouvez-vous m’expliquer — et je crois que c’est plus ou moins ce que cherchait à savoir la sénatrice Stewart Olsen il y a quelques instants — le lien entre ces amendements? Je les ai examinés, et je ne dirais pas qu’il s’agit de modifications d’ordre administratif, mais je ne dirais pas non plus qu’ils contribueront nécessairement à modifier fondamentalement le régime de brevets actuellement en vigueur au Canada.

Comme vous le savez, un certain nombre de domaines ont souvent fait l’objet de commentaires, notamment les brevets, en particulier la contrefaçon de brevets et l’accessibilité. Pouvez-vous expliquer le lien, le cas échéant, entre ces amendements et les dispositions sur la propriété intellectuelle du nouvel accord conclu récemment entre les États-Unis, le Mexique et le Canada?

M. Schaan : Je vais commencer par répondre à votre importante question au sujet du budget. C’est une très bonne question. Bien que les 85,3 millions de dollars visent précisément la propriété intellectuelle, ils font partie des efforts globaux destinés à favoriser l’innovation. Cette somme servira à financer une initiative importante, à savoir la mise sur pied d’un groupe d’experts en matière de propriété intellectuelle dans le cadre de nos programmes en matière d’innovation dans les entreprises, afin de s’assurer que la propriété intellectuelle figure parmi les priorités lorsqu’il est question de soutenir l’innovation au sein des entreprises. La somme de 85,3 millions de dollars vise précisément la propriété intellectuelle, mais elle contribue à la réalisation de l’objectif global de la stratégie en matière d’innovation.

Pour ce qui est du lien avec les amendements, je peux vous dire qu’ils s’inscrivent dans les efforts déployés en général pour créer un régime de propriété intellectuelle qui encourage l’innovation. Les amendements visent à uniformiser les règles du jeu et à s’assurer que les petits et les grands innovateurs puissent utiliser également les droits de propriété intellectuelle d’une manière stratégique.

Enfin, en ce qui concerne l’AEUMC, je peux dire que le Canada a continuellement modernisé son régime de propriété intellectuelle au cours de la dernière décennie, à commencer par les changements qu’il a apportés en ce qui concerne l’adhésion aux traités de l’OMPI grâce à l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne et, plus récemment, l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste.

L’AEUMC intègre davantage les droits de propriété intellectuelle et nous oblige à apporter certains changements à l’entente. Les modifications proposées constituent une initiative distincte, car, selon nous, il s’agit d’amendements logiques qui visent l’innovation et que nous apportons pour améliorer notre propre régime, qui a un lien avec le commerce international. Les amendements visent précisément à uniformiser les règles du jeu et à favoriser l’utilisation de la propriété intellectuelle en tant qu’actif stratégique.

Le sénateur Wetston : Je veux m’en tenir aux brevets pour l’instant, si vous me le permettez, monsieur Schaan. Pendant la deuxième série de questions, j’aborderai peut-être la marque de commerce et le droit d’auteur.

Avec votre stratégie d’innovation, je sais que le ministre et le ministère ont beaucoup parlé de ce domaine et des objectifs stratégiques très importants que vous essayez d’atteindre. Vous couvrez beaucoup de territoire, du droit de la concurrence et de la propriété intellectuelle au droit des sociétés, qui s’inscrivent dans un cadre législatif primordial pour le pays. Pouvez-vous me donner des détails sur le lien avec la stratégie d’innovation et la façon dont vous abordez la question à la grandeur du pays?

Je vais vous donner un exemple. Je sais que c’est une question vaste, mais les universités sont vraiment importantes dans ce secteur, tout comme le Conseil national de recherches du Canada, le CNRC. Si je prends la stratégie — je veux être certain d’avoir bien compris — je constate que vous avez, en quelque sorte, choisi cinq pôles. Je les appelle des pôles.

M. Schaan : Les supergrappes, oui.

Le sénateur Wetston : Dites-moi comment vous envisageriez ces amendements, par exemple, la nature des choix de grappes ainsi que la relation. Je vois ce que vous faites avec le CNRC, mais avec les universités, où se déroule une bonne partie des discussions sur la propriété intellectuelle, pouvez-vous les intégrer dans le contexte de ce que vous essayez de faire? Je sais que c’est une vaste question, mais je pense que du point de vue de ce que vous essayez de réaliser en général, j’aimerais entendre vos commentaires à cet égard.

M. Schaan : Je vais aborder la question sous deux angles. D’un côté, vous parlez du vaste mandat des cadres du marché. Nous sommes dans la position heureuse — malheureuse selon certains — d’être responsables de la gouvernance de toutes nos lois d’application économique générale : celles sur la concurrence, la gouvernance des entreprises, la faillite et l’insolvabilité, l’ensemble des lois sur la propriété intellectuelle ainsi que sur la protection des renseignements personnels et des données. Je dirais que nous essayons de privilégier une approche cohérente et constante à l’égard de ces mesures législatives pour veiller à utiliser chacun de ces leviers pour obtenir les résultats les plus efficaces possibles et aussi assurer la cohérence entre nos diverses approches dans le cadre de chacune.

De l’autre côté, sur la question de la stratégie d’innovation au sens large, je pense que la relation ici est que nous avons manifestement opté pour un certain nombre d’approches axées sur les programmes, qu’il s’agisse de Solutions innovatrices Canada côté approvisionnement, de l’Initiative des supergrappes pour essayer de faciliter de meilleurs partenariats entre les écosystèmes pour engendrer des retombées et des avantages importants pour des secteurs particuliers de l’économie, ou des tables de stratégies économiques. La relation de ces amendements, en partie, avec cette question est que nous tentons d’opter pour une approche globale sophistiquée à l’égard de l’innovation à la grandeur de l’écosystème. Ensuite, ces amendements essaient vraiment d’intégrer la propriété intellectuelle et d’en faire une considération fondamentale d’importance stratégique à l’économie de l’innovation.

C’est la première stratégie nationale en matière de propriété intellectuelle, et ce qu’elle tente vraiment de faire, c’est d’intégrer le caractère crucial et l’importance croissante de la propriété intellectuelle pour l’économie à nos programmes, nos politiques et nos lois. Il s’agit d’un élément qui s’inscrit dans un mouvement beaucoup plus vaste qui fait valoir que la propriété intellectuelle est importante, primordiale, si bien qu’il faut s’assurer qu’elle se trouve là où il faut, que ce soient dans des politiques, des programmes ou des lois.

La sénatrice Wallin : Dans vos remarques et vos notes, vous faites une déclaration audacieuse : ces amendements vous permettront d’empêcher l’utilisation abusive du régime des marques, par exemple celle de demander l’enregistrement dans le seul but d’obtenir une rémunération. Comment vous y prendrez-vous, exactement?

M. Schaan : Le régime de marque compte déjà un système de freins et de contrepoids, y compris les exigences relatives à une marque de commerce devant être utilisée ou destinée à être utilisée dans le cadre de ce processus. La crainte que nous traitons, ou la préoccupation potentielle, est qu’il existe des acteurs qui, même lorsque l’utilisation est en place, pourraient chercher à squatter les rôles des marques et à les remplir avec une série complète de marques qu’ils n’ont aucune intention d’utiliser.

Nous avons essayé d’aborder la question en tenant compte de toute une gamme d’éléments, qu’il s’agisse d’une nouvelle opposition de mauvaise foi, de la capacité de la Commission des oppositions des marques de commerce d’accorder les dépens en cas de pratiques frivoles ou déloyales, la capacité d’exiger l’utilisation pour pouvoir imposer des sanctions ou pouvoir essentiellement accéder aux recours en cas d’utilisation abusive des marques. Ces divers éléments au sein du régime des marques tentent de faire en sorte que les utilisateurs légitimes des marques puissent avoir accès au régime, mais qu’il y ait une série d’outils — pas seulement pour les autres titulaires de marques, mais pour la Commission des oppositions des marques de commerce, entre autres — afin de pouvoir lutter contre les personnes qui essaient d’utiliser le régime de façon déloyale.

La sénatrice Wallin : D’accord, mais les mesures visent à décourager les comportements répréhensibles au lieu de permettre de prédire l’intention de quelqu’un. Il est difficile de prévoir ce que les gens vont faire. Qui sait, ils ont peut-être été sérieux à un moment donné.

M. Schaan : Je pense que le type de comportement que nous essayons d’empêcher est celui dans lequel la mauvaise foi peut devenir relativement évidente. Lorsque vous déposez des milliers de demandes d’enregistrement de marques de commerce qui sont très proches de marques qui existent déjà avec l’intention de les squatter, de leur faire rendre des comptes et de les siphonner pour obtenir de l’argent, il est relativement évident que vous faites preuve de mauvaise foi.

La sénatrice Wallin : Je suppose que je veux savoir ce qui arrive à l’homme qui a réinventé la roue dans son garage. Vous savez ce que je veux dire. Il veut suivre le processus pour ne pas se retrouver pris au filet avec les méchants.

M. Schaan : Ce qu’il y a de bien, c’est que cela s’inscrit dans l’initiative de modernisation des marques beaucoup plus vaste qui est en cours. Avec son accession au Protocole de Madrid, le Canada fera partie d’un réseau mondial de dépôt de demandes de marque de commerce. Une fois que la réglementation de ce protocole sera appliquée l’an prochain, les demandeurs de marque de commerce canadiens seront en mesure de présenter des demandes dans le monde depuis le Canada. En gros, vous serez en mesure de déposer vos demandes de marque de commerce à l’Office de la propriété intellectuelle du Canada et de préciser les autres lieux géographiques où vous voulez aussi déposer cette marque de commerce.

Dans le cadre du système de Madrid, nous aurons accès aux registres mondiaux. De plus, vous commencerez à payer par catégorie pour le nombre de catégorisations pour lesquelles vous voulez demander votre marque de commerce. S’il existe quelqu’un qui réinvente vraiment la roue et qui veut utiliser un nom que quelqu’un utilise pour un chariot à fourche, cela devrait aller en théorie; il pourra le faire parce qu’il lui faudra présenter une demande par catégorie et préciser le type de produit et de catégorie pour lequel il demande une marque de commerce.

Le sénateur Tannas : Je voulais poser une question concernant le collège parce que je me rappelle que quelqu’un s’est dit préoccupé que pareil collège devienne, en quelque sorte, un cartel qui exclurait les autres. Je me demande dans quelle mesure vous avez songé à offrir des clauses de droits acquis aux gens, des droits d’accès ou des choses du genre. S’agissait-il simplement d’un risque qui, à votre sens, en valait la peine? Le remettre à l’industrie avec la possibilité qu’il devienne un cartel? Pouvez-vous en parler?

M. Schaan : L’avantage d’établir une profession autoréglementée après que tant d’autres professions l’ont fait signifie que nous avons la possibilité de leur emprunter toutes leurs pratiques exemplaires et de tirer des leçons des défis qu’elles ont dû surmonter en cours de route.

Nous avons mené une étude assez importante de nombre de professions, allant des arpenteurs-géomètres aux conseillers en immigration en passant par les avocats et les médecins — pour essayer de nous assurer de vraiment mettre en place un collège qui permette le summum de la professionnalisation de cette importante profession, tout en assurant la protection de l’intérêt du public.

Voici un exemple de freins et de contrepoids qui ont été mis en place : il est interdit pour les directeurs du collège d’être membres d’une association professionnelle ayant pour seul mandat de faire du lobbying ou de faire avancer les objectifs de la profession. Ces personnes seraient tenues de suspendre leurs activités au sein de l’association professionnelle pendant qu’ils sont directeurs du collège. Une période d’attente a été prévue pour déterminer quand les membres d’un poste de direction important — donc d’un comité directeur ou du conseil d’administration d’une association professionnelle — peuvent devenir directeurs; elle est de 12 mois. La loi permet à la majorité des directeurs de ne pas, en fait, être élus par la profession, mais nommés par le ministre pour assurer que ces freins et contrepoids soient appliqués au fonctionnement du collège. Le ministre est expressément autorisé à demander au collège de présenter des renseignements précis dans son rapport annuel.

On se préoccupe notamment de l’accès à la profession et de la mesure dans laquelle cela pourrait devenir un obstacle à l’innovation. Si vous étouffez l’offre d’agents de brevets et de marques de commerce, cela les rend désirables, mais cela pourrait aussi hausser les coûts que devront payer les utilisateurs. Un des éléments de cette présentation de rapport annuel peut se rapporter à des choses comme les taux de réussite aux examens et la mesure dans laquelle on a accès à la profession.

Dans presque chaque élément du collège, nous avons essayé de nous assurer d’avoir vraiment pensé à l’intérêt du public et à la façon dont nous allons faire en sorte d’éviter qu’il étouffe l’innovation ou qu’il ait le potentiel de la faire déraper.

Le sénateur Tannas : Merci.

Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup pour les commentaires que vous avez formulés jusqu’à présent.

Je veux vous poser une question concernant les conditions des modifications à la Loi sur le Conseil national de recherches.

Aux fins de clarification, de la valeur est consommée ou investie dans le processus de découverte et de protection de la propriété intellectuelle. Elle n’est libérée et créée que lorsque vous l’appliquez. Il semblerait que l’intention ici soit de préciser le rôle visant à permettre aux entreprises privées de libérer la valeur et de s’y attacher. Je souhaite simplement comprendre comment cela peut se répercuter sur la façon dont le CNRC modifie ses activités ou sa relation avec ses sous-traitants, les débouchés qui sont créés et comment vous pensez procéder, alors comment utiliserez-vous ces changements d’un point de vue pratique pour permettre la création de valeur supplémentaire?

M. Johnstone : Merci d’avoir posé la question.

Voici l’approche du CNRC à l’égard de la propriété intellectuelle : globalement, le CNRC est le principal titulaire de propriété intellectuelle au gouvernement fédéral; il détient plus de 1 700 brevets. Le principal mécanisme de diffusion de cette propriété intellectuelle à l’industrie est celui des contrats de licence. Environ 756 de ces brevets sont actuellement octroyés par licence à des entités, soit juste un peu moins de la moitié.

Ces changements se rapportent à la cession. Ils concernent les cas où le CNRC céderait les droits de propriété intellectuelle — il ne délivrerait pas de licence, il céderait les droits — à une entité précise. Vous pourriez vous demander pourquoi le CNRC ferait une chose pareille. Il a toujours eu la capacité d’octroyer des brevets et des inventions, mais ce pouvoir n’a jamais clairement été lié à d’autres types de propriété intellectuelle comme le droit d’auteur, par exemple. Dans le cas où le CRNC fait du travail pour une entreprise qui génère de la propriété intellectuelle qui s’applique de façon très précise à son produit à elle et qui ne serait d’aucune utilité au CNRC en tant que tel ou à d’autres sociétés canadiennes — c’est-à-dire que le CNRC ne voudrait pas octroyer de licences à d’autres pour en faciliter la diffusion — le CNRC pourrait décider qu’en cédant les droits de propriété intellectuelle directement à l’entreprise, il accroîtrait la valeur du produit. Les modifications dans ce cas se rapportent vraiment à l’élargissement de cette capacité de céder les droits à d’autres types de propriété intellectuelle.

Le sénateur C. Deacon : Merci.

Le président : Ma question s’adresse aux trois représentants et aux trois organismes. Merci de dire aux membres du comité ce que vous pensez de ce qui a motivé ces changements. Pourquoi les apporte-t-on? Pourquoi envisage-t-on de les apporter, selon vous? Nous allons commencer par le Conseil national de recherches Canada, et ensuite, je veux connaître le point de vue de Patrimoine canadien et le vôtre, monsieur Schaan.

M. Johnstone : Dans le contexte du Plan pour l’innovation et les compétences, la Loi d’exécution du budget et la Stratégie générale en matière de propriété intellectuelle que les représentants d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada ont décrites, le CNRC est un titulaire important de propriété intellectuelle, comme je l’ai mentionné. Ces modifications sont une bonne occasion d’apporter des clarifications qui rehaussent la capacité du CNRC de gérer efficacement sa propriété intellectuelle au profit des Canadiens.

Le président : Alors vous croyez que cela vous aide à honorer votre mandat, c’est ce que vous dites?

M. Johnstone : Oui, et je tiens à souligner ce qui a été dit et ce que certains membres ont fait remarquer : que cette attention rehaussée, qu’on accorde à la propriété intellectuelle et à une vision plus sophistiquée de la question pour s’assurer que le CNRC dispose de cette marge de manœuvre, est plus importante que jamais alors que nous donnons suite au Plan pour l’innovation et les compétences et à la Stratégie en matière de propriété intellectuelle en général.

Le président : Pour reprendre une question que le sénateur C. Deacon a posée aux groupes hier, croyez-vous que ces modifications vous outillent pour composer avec l’environnement en si rapide évolution dans lequel nous sommes?

M. Johnstone : Ces modifications rehaussent la marge de manœuvre du CNRC pour céder les droits de propriété intellectuelle — tous les types de propriété intellectuelle, pas que les brevets. La loi précédente n’avait pas cette clarté. Ces modifications précisent que la loi vise tous les types de propriété intellectuelle.

Le président : Merci beaucoup. Patrimoine canadien?

Kahlil Cappuccino, directeur, Politique du droit d’auteur, Direction générale du Marché créatif et innovation, Patrimoine canadien : Dans ce cas, nous pouvons parler de la réforme de la Commission du droit d’auteur à laquelle nous participons et que nous dirigeons conjointement avec ISDE. Comme nous l’avons appris, il faut prendre des mesures pour moderniser la façon dont la Commission du droit d’auteur traite les affaires ainsi que les taux et les tarifs de redevances.

Du côté de Patrimoine canadien, l’idée est que nous voulons trouver un bon équilibre entre les créateurs et les utilisateurs. Du point de vue de la politique culturelle, nous voulons pouvoir nous assurer que les Canadiens aient accès à du contenu canadien créatif et de qualité, mais nous voulons aussi créer un marché créatif dans lequel on est incité à investir, contrairement à maintenant. Lorsqu’on vous regarde la façon dont certaines décisions sont prises, il y a de la rétroactivité. En conséquence, cela décourage un artiste ou une entreprise d’investir.

De notre point de vue, l’idée est que c’est une façon de promouvoir la politique culturelle pour le Canada et les Canadiens et de créer un marché créatif où les créateurs peuvent être rémunérés équitablement, mais dans lequel les gens peuvent avoir accès à leurs œuvres.

Le président : Pensez-vous que ces modifications aident les artistes canadiens?

M. Cappuccino : Je crois qu’elles le feront. Dans ce cas, nos changements en ce qui touche la Commission du droit d’auteur sont d’apporter des modifications qui accéléreront le processus. Pour quiconque a accès, dans ce cas, à des dépôts de tarifs de plus longue durée, la gestion des cas ne peut qu’aider les artistes.

Le président : Merci beaucoup. Quel est le point de vue d’Innovation Canada?

M. Schaan : Je peux vous toucher quelques mots sur ce qui motive ces changements et où ils interviendront. D’abord, ils s’inscrivent dans le contexte général des faibles résultats en matière d’innovation au Canada, où il y a tout un paradoxe à ce chapitre, puisque nous avons énormément de ressources et de bonnes assises, mais nous arrivons mal à commercialiser nos produits.

Ces faibles résultats en matière d’innovation se répercutent sur la propriété intellectuelle. Seulement 9 p. 100 des petites et moyennes entreprises ont une stratégie officielle de gestion de la propriété intellectuelle, et seulement 10 p. 100 des petites et moyennes entreprises détiennent officiellement des droits de propriété intellectuelle. Nous savons pourtant que les entreprises à forte intensité de PI, soit les entreprises qui détiennent des droits de propriété intellectuelle, offrent habituellement des salaires plus élevés et qu’elles sont plus susceptibles que les autres d’exporter leurs produits et de connaître une forte croissance, et de loin. La raison d’être de cette stratégie consiste donc à améliorer notre régime de base de propriété intellectuelle dans l’écosystème d’innovation global.

La deuxième motivation, c’est que nous reconnaissons qu’il y a des pratiques injustes et une utilisation malveillante de la propriété intellectuelle dans le système, qui corrompent le système dans son ensemble et ternissent sa réputation au point où d’autres pourraient hésiter à l’utiliser, donc nous reconnaissons devoir veiller à assurer des règles équitables pour tous.

Troisièmement, pour renchérir sur ce que disaient mes collègues de Patrimoine canadien, le but est aussi d’assurer le bon fonctionnement, la santé et la vitalité des marchés de la PI pour éviter la captivité du capital et les longs délais. On veut que personne ne se trouve pris à négocier avec quelqu’un qui peut exercer des leviers injustes quand il essaie d’exercer sa propriété intellectuelle sur le marché. Cela vaut à la fois pour le droit d’auteur, les marques de commerce et les brevets. C’est la motivation de base.

Le président : Nous espérons donc et croyons que les modifications que vous êtes en train d’apporter inciteront les innovateurs canadiens à protéger leurs produits et à réaliser leurs projets au Canada. Est-ce votre espoir?

M. Schaan : L’objectif de la stratégie de protection de la propriété intellectuelle (qui comprend des volets éducation, sensibilisation, communication, création de nouveaux outils stratégiques et l’adoption de ces mesures législatives) est d’établir un cadre détaillé qui suscite l’adhésion de toute l’économie de l’innovation.

Le président : Merci.

Le sénateur Duffy : Je vous remercie tous et toutes d’être ici.

Presque tous les jours, nous lisons des nouvelles sur des organisations créatives qui réduisent leurs effectifs, qui disparaissent et sur la fragilité du travail. Monsieur Cappuccino, y a-t-il une politique au gouvernement fédéral sur le respect du droit d’auteur? Il me semble que le gouvernement du Canada devrait prêcher par l’exemple, mais on entend parler de poursuites par lesquelles on accuse des ministères d’avoir floué des créateurs. Y a-t-il un cadre pangouvernemental selon lequel les ministères doivent suivre les règles, payer leurs redevances et faire en sorte que les créateurs touchent une rémunération juste?

M. Cappuccino : Quand vous dites que les ministères doivent payer, qu’entendez-vous par « ministères »?

Le sénateur Duffy : Certains ministères fédéraux sont actuellement poursuivis pour avoir diffusé ou exploité du contenu frappé du droit d’auteur sans payer ou l’avoir fait circuler. Pour moi, c’est comme si l’on achetait la suite Microsoft Office pour un poste de travail, puis qu’on la réutilisait sur tous les ordinateurs du ministère parce qu’on a acheté une licence. C’est ce qui semble se produire. Il y a des affaires qui traînent depuis des années, et des créateurs s’échinent à essayer de recevoir un traitement juste du gouvernement. Personnellement, je m’attendrais à ce que le gouvernement fasse figure de chef de file dans le respect des règles et à ce qu’il ne gaspille pas des milliers de dollars de l’argent des contribuables à se battre contre les créateurs pour éviter de payer ses droits de licence en bonne et due forme.

M. Cappuccino : Je vois deux aspects à cela. Quand vous parlez d’outils Microsoft ou de TI, cela relève de la politique de GI-TI qu’il y a au gouvernement et qui prescrit, de manière générale, qu’on utilise le mécanisme d’approvisionnement pour acheter les licences nécessaires pour les outils nécessaires. Je n’ai pas vraiment entendu parler de cas où l’on aurait acheté une licence pour ensuite l’utiliser à répétition. Cependant, si cela arrivait, le gouvernement a effectivement une politique, et l’on s’attend à ce qu’il prêche par l’exemple en exerçant le droit d’auteur et en le respectant. Encore une fois, les règles à cet égard découlent en partie de la Loi sur le droit d’auteur. Je pense qu’au fur et à mesure que progressera notre examen de la Loi sur le droit d’auteur, quand nous nous pencherons sur le droit d’auteur de la Couronne, nous pourrons décider de réfléchir à la façon dont nous voulons encadrer le droit d’auteur de la Couronne et notre comportement quant au respect du droit d’auteur en vue de la révision de la loi.

Le sénateur Duffy : Je tiens à préciser une chose : je ne laisse pas entendre que les gens volent délibérément Microsoft, mais on les accuse, dans des poursuites, de voler les auteurs et d’autres créateurs de petites entreprises plutôt que de grandes entreprises. Il me semble que si l’on ne volerait pas Microsoft, il n’y aurait aucune raison de voler la petite boîte de publicité, d’édition, de traduction, n’importe quelle petite entreprise de service qui n’a pas les mêmes moyens que les grands créateurs.

M. Schaan : Je vous remercie de cette question, sénateur. Je connais bien l’affaire à laquelle vous faites allusion. Comme elle est toujours en instance et qu’elle présente des circonstances très particulières, je ne me prononcerai pas à ce propos.

De manière générale, je peux vous dire que le gouvernement prend ses responsabilités à l’égard de la propriété intellectuelle très au sérieux. Nous utilisons abondamment du contenu protégé par le droit d’auteur, et comme vous le diront nos collègues de la Commission du droit d’auteur du Canada qui témoigneront après nous, nous avons un tarif en place qui nous donne accès aux documents frappés de droits d’auteur. En ce qui concerne la propriété intellectuelle, plus particulièrement, nous prenons toute atteinte au droit d’auteur extrêmement au sérieux, et nous avons des politiques et mécanismes en place pour essayer de les prévenir en tout temps.

En fait, de par notre façon d’aborder l’innovation, par le truchement de Solutions novatrices Canada ou autrement, nous travaillons de plus en plus en partenariat avec un nombre croissant de partenaires du secteur de l’innovation pour nous inspirer des meilleures pratiques en matière de propriété intellectuelle et permettre aux meilleurs produits de croître et de percer sur le marché.

Le sénateur Duffy : Merci.

Le sénateur Wetston : J’aimerais vous poser une question sur la réforme du droit d’auteur. Lorsque vous réfléchissez à la réforme du droit d’auteur — et je sais que M. Blair et d’autres témoins comparaîtront sous peu —, pouvez-vous faire le lien entre cette réforme et la nature des activités commerciales? D’après ce que je comprends, les activités commerciales visant des produits frappés du droit d’auteur souffrent beaucoup du régime canadien sur le droit d’auteur. Je n’ai pas étudié la question en profondeur, mais je sais, par expérience, qu’il y a beaucoup de poursuites devant les tribunaux sur le droit d’auteur. Il y a invariablement beaucoup de litiges sur le droit d’auteur dans toutes sortes de domaines. Il me vient tout de suite à l’esprit des exemples de sculptures, de plans architecturaux, de films et d’œuvres musicales, donc ce sont des activités commerciales importantes. Parlez-moi un peu des consultations menées en amont de cette réforme, parce que nous en sommes à l’étape de l’étude préliminaire. Parlez-nous un peu de la façon dont cette réforme pourrait stimuler l’activité commerciale et la croissance économique, selon vous.

M. Schaan : Concernant les consultations sur le droit d’auteur, tout dépend de ce qu’on considère comme le point de départ. Si l’on veut remonter à la Loi sur la modernisation du droit d’auteur de 2012, il y a eu des consultations pendant des années avant les réformes de 2012.

Si l’on s’en tient à la réforme de la Commission du droit d’auteur qu’on trouve dans ce projet de loi, on peut observer qu’il y a eu diverses études universitaires et activités de mobilisation au fil du temps. Il y a eu des conférences sur le sujet. En fait, ce comité lui-même a fait des recommandations très claires afin de sommer le gouvernement de prendre des mesures de toute urgence pour améliorer l’état général de la Commission du droit d’auteur.

Il y a véritablement trois volets. Nous avons modifié le mode d’affectation du budget de la Commission du droit d’auteur, si bien que son budget total a augmenté de 30 p. 100, qu’il y a eu de nouvelles nominations à la commission et que ce projet de loi propose la véritable réforme législative qui permettra d’améliorer et de moderniser les façons de faire tant à la commission elle-même que dans les ministères responsables, parallèlement, pour favoriser un marché vigoureux.

La cible est véritablement l’activité commerciale. Ce sont les utilisations du droit d’auteur. Nous avons besoin de règles claires et prévisibles sur les montants à payer, à quel moment, pour pouvoir utiliser du contenu protégé par le droit d’auteur sur le marché. Je doute que la plupart des Canadiens comprennent bien à quel point ils consomment du contenu frappé du droit d’auteur visé par un tarif homologué par la commission chaque jour. Quand on se promène dans un centre d’achats et qu’on entend de la musique de fond, quand un enfant va patiner à l’aréna et qu’il y a de la musique qui joue, quand on se connecte à Spotify, on se trouve systématiquement à consommer du contenu protégé par le droit d’auteur visé par un tarif homologué par la commission.

Le marché est gigantesque, et il est important. Cet effort de modernisation vise à nous délester d’un régime dans lequel nous avons une longue histoire de tarifs rétroactifs. On peut saisir l’ampleur des tarifs rétroactifs et de leur impact sur le marché quand on se rend compte de ce qu’on doit payer quatre ans plus tard. Il y a un décalage, ce qui signifie qu’il y a du capital gelé et de l’incertitude, donc on veut plutôt d’un régime dans lequel il y aurait moins de tarifs rétroactifs et les règles seraient claires pour tout le monde. On vise en fait à établir un marché du droit d’auteur vigoureux. C’était la nature des consultations.

Il y a également des consultations qui ont été menées tout l’été par le ministère, dans le cadre desquels il a reçu plus de 60 mémoires de toutes les entités concernées par la question du droit d’auteur : les utilisateurs, les entreprises et le milieu créatif. Il en est ressorti ce projet de réforme.

Le sénateur C. Deacon : Personnellement, j’ai dépensé beaucoup d’argent en brevets, et je constate que les marques de commerce, les marques en général et le droit d’auteur durent tant et aussi longtemps que leur titulaire les possède, alors que la durée d’un brevet est très limitée. Dans le cas des produits pharmaceutiques, elle est même extrêmement limitée après qu’on ait reçu l’approbation voulue. Je me demande comment nous pouvons assurer une meilleure coordination internationale pour que non seulement nos brevets, mais aussi nos droits d’auteur et nos marques de commerce soient protégés dans certaines grandes économies qui n’ont pas si bonne réputation pour ce qui est de la protection du contenu protégé et du respect des conventions internationales. À quel point croyez-vous que nous réaliserons de véritables progrès sur ces vastes enjeux étant donné la croissance de ces économies en taille et en importance?

M. Schaan : J’ai quelques observations à faire.

Concernant la longévité de ces protections, nous avons au fil du temps modifié à maintes reprises le régime de protection de la propriété intellectuelle au Canada, en modifiant presque chacune de nos lois sur la PI, de diverses façons, particulièrement celle sur les brevets, surtout sur les brevets pharmaceutiques, afin de créer de nouvelles mesures pour prolonger la période de protection des brevets.

L’Accord économique et commercial global Canada-UE prévoit l’octroi d’un certificat de protection supplémentaire, qui confère une période de protection sui generis pour renforcer le brevet général. Ensuite, il y a d’autres dispositions dans l’accord commercial entre le Canada, les États-Unis et le Mexique qui pourraient influencer le paysage de la propriété intellectuelle dans le domaine pharmaceutique.

Pour répondre à votre question générale sur la coordination internationale, nous menons de plus en plus de négociations commerciales pour améliorer ces protections. Nous avons des dialogues approfondis sur la propriété intellectuelle, nous parlons notamment de coopération concernant la qualité des brevets et veillons à ce qu’il y ait des accords de coopération dans ces zones. Nous sommes des membres actifs de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, où il y a un dialogue sain sur diverses choses, comme l’amélioration de la qualité des brevets et l’octroi de droits de propriété intellectuelle uniformes dans tous les pays membres de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, qui est une organisation de l’ONU et qui comprend donc beaucoup de pays. Nous participons également à des conversations plus ciblées. Évidemment, la zone visée par l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste comprend des pays qui pourraient devoir modifier considérablement leur régime de propriété intellectuelle afin d’assurer la continuité du commerce et le respect des protections.

De manière générale, si je comprends bien ce que vous dites, nous participons activement à divers dialogues internationaux avec des pays en émergence qui ont un rôle croissant à jouer en matière de propriété intellectuelle, et nous poursuivons nos pourparlers pour nous assurer d’avoir un accès réciproque à des régimes de protection de la propriété intellectuelle qui inspirent autant de certitude et de confiance que le régime de protection de la propriété intellectuelle canadien.

Le sénateur C. Deacon : Vous estimez donc constater suffisamment de progrès pour croire à l’efficacité des régimes de protection actuellement en place?

M. Schaan : Beaucoup vous diraient que dans certaines de ces zones, le régime classique se résumerait à un accord commercial, et bien souvent, nous créons des dialogues sur la propriété intellectuelle propres à nous et à quelques autres pays. Nous avons des accords dans quelques zones. Nous sommes en train de susciter un dialogue dans le contexte de l’accord entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, exclusivement sur la propriété intellectuelle, un dialogue qui portera notamment sur des enjeux importants comme l’instance où seront jugés les différends concernant les brevets, une question qui nous tient très à cœur. Nous essayons toutes sortes d’outils, bilatéralement et multilatéralement, pour entretenir une vaste conversation sur ces enjeux.

Le président : Je remercie infiniment tous nos témoins de leurs témoignages. Ils nous seront très utiles. Merci beaucoup. Nous serons heureux de vous revoir en temps opportun.

Nous poursuivons notre étude sur la teneur des éléments du projet de loi C-86, Loi numéro 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures. Nous étudierons particulièrement, maintenant, la section 7 de la partie 4, qui modifie la Loi sur les brevets. Nous examinerons plus particulièrement avec ce groupe de témoins la sous-section H, qui porte sur la Commission du droit d’auteur.

C’est avec plaisir que je souhaite la bienvenue aux témoins de notre deuxième groupe, qui proviennent de la Commission du droit d’auteur du Canada. Accueillons l’honorable Robert A. Blair, C.R., président; Nathalie Théberge, vice-présidente et première dirigeante; Gilles McDougall, secrétaire général, et Sylvain Audet, avocat général.

Je vous remercie d’être parmi nous. Nous avons bien hâte d’entendre votre exposé, qui sera suivi d’une période de questions.

Robert A. Blair, président, Commission du droit d’auteur du Canada : Merci beaucoup, monsieur le président et honorables sénateurs. Nous sommes très reconnaissants au comité de nous fournir l’occasion de venir discuter de ces questions avec vous. Avec votre permission, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, c’est notre toute nouvelle vice-présidente qui présentera l’exposé au nom de la commission.

[Français]

Nathalie Théberge, vice-présidente et première dirigeante, Commission du droit d’auteur du Canada : Je suis heureuse de comparaître devant votre comité aujourd’hui.

En vertu de son mandat, la Commission du droit d’auteur du Canada joue un rôle fondamental dans l’écosystème de la propriété intellectuelle du Canada. Plus avant, elle est l’instrument par lequel un bon nombre de créateurs canadiens sont rémunérés pour leur art.

La Commission du droit d’auteur du Canada est un tribunal quasi judiciaire indépendant, créé par la Loi sur le droit d’auteur. Cette caractéristique est soulignée par le fait que la loi exige que le président soit juge d’une cour supérieure, de comté ou de district, siégeant ou retraité. La commission est chargée d’établir les redevances relatives à l’utilisation d’œuvres et autres objets protégés par le droit d’auteur, lorsque l’administration de ces droits a été confiée à une société de gestion collective.

Les sociétés de gestion collective sont des entités qui regroupent les droits d’auteur afin d’en rendre leur administration plus efficace. Dans les années 1980, il y avait cinq sociétés de gestion collective, alors qu’il y en a plus de 35 aujourd’hui. La valeur directe des redevances homologuées par la commission est estimée à près de 500 millions de dollars par année.

Puisque la commission agit comme un régulateur économique, ses décisions doivent se fonder sur de solides principes juridiques et économiques, et tenir compte de l’évolution constante des modèles d’affaires et des technologies comme la diffusion de la musique en flux continu. Les décisions de la commission doivent aussi être justes et équitables, tant à l’égard des ayants droit que des utilisateurs.

La commission a les caractéristiques d’un tribunal de première instance pour tout ce qui a trait aux questions dont elle est saisie. En particulier, elle traite des questions de faits et de preuve émanant de témoignages et de rapports d’experts. La commission est souvent la première à interpréter de nouvelles dispositions législatives ou à appliquer des principes de droit établis par la Cour suprême du Canada. L’exposé des motifs des décisions de la commission doit être fiable, compréhensible et convaincant, et puiser fortement dans les ressources de la commission et dans le talent et l’expertise de ses commissaires et de son personnel.

[Traduction]

La commission est aujourd’hui à l’aube d’une réforme majeure qui résultera des changements proposés à la Loi sur le droit d’auteur dans le projet de loi C-86. Il s’agit d’une réforme souhaitée à la fois par les intervenants et par la commission elle-même, et ce depuis plusieurs années. Il s’agit également d’une réforme recommandée par ce comité du Sénat dans son rapport de novembre 2016 intitulé Commission du droit d’auteur — argumentaire pour la tenue d’un examen de toute urgence. Dans leur rapport, les membres du comité ont mis en lumière les défis auxquels faisait face la commission, notamment de longs délais dans l’homologation des tarifs, résultant en partie d’un fardeau de travail de plus en plus lourd, de ressources manifestement insuffisantes, d’un mandat devant être mieux adapté aux réalités du marché et de l’intérêt public et des embûches procédurales attribuables à la fois à la commission et aux parties.

La commission croit que les propositions incluses dans le projet de loi C-86 ciblent directement ce défi, bien qu’il faudra faire preuve de prudence dans l’élaboration des règlements visant leur mise en œuvre pour ne pas porter atteinte à l’indépendance de la commission. Je reviendrai sur cette question un peu plus tard.

Le projet de loi C-86 est le résultat de vastes consultations des intervenants, comme l’ont mentionné les représentants des ministères qui composaient le groupe précédent. La commission a elle aussi mené des consultations. Conséquemment, ce projet de loi reflète le point de vue général de la commission.

Plus précisément, la commission appuie la décision du gouvernement de codifier dans son mandat le critère de l’intérêt public. Il s’agit d’un critère dont la commission tenait déjà compte, mais sa codification apportera plus de clarté et de prévisibilité à ses décisions.

À l’égard du régime obligatoire pour l’industrie de la musique, le gouvernement a également mis de l’avant des propositions qui favoriseront, lorsque les parties s’entendent entre elles, l’émergence de solutions fondées sur les marchés lorsque celles-ci sont pertinentes et conformes à l’intérêt public. D’autres tribunaux du droit d’auteur à l’étranger opèrent de manière similaire, intervenant seulement lorsque les marchés ne fonctionnent pas et que l’arbitrage est nécessaire. Nous croyons qu’il s’agit là d’une proposition utile et tournée vers l’avenir, quoiqu’il soit difficile de prévoir son effet sur la charge de travail de la commission.

Nous remercions également le gouvernement de reconnaître que toute réforme importante exige que des ressources additionnelles soient allouées à la commission, en nous accordant dans le cadre du budget 2018 une augmentation de 30 p. 100. Nous nous en réjouissons. Tel que ce comité l’a reconnu dans son rapport de 2016, le manque de ressources handicape la commission depuis des années. La commission utilisera ces ressources judicieusement pour augmenter l’efficacité de son processus décisionnel, optimiser ses pratiques internes et réduire sa fragilité du point de vue des ressources humaines. Je vous rappelle que la commission ne compte en ce moment que 16 employés.

Si les modifications législatives proposées dans le projet de loi C-86 sont adoptées, la commission participera de manière active à leur mise en œuvre, en particulier en publiant des règles et des procédures visant à instiller plus de discipline chez les parties touchées et en élaborant au cours des prochains mois des règlements visant la gestion des échéances. Ces règlements devront tenir compte de l’indépendance de la commission en tant que tribunal quasi judiciaire et contenir des règles de procédures modernes et transparentes. Ces règlements devront également tenir compte du besoin de flexibilité de la commission pour conduire des processus menant à des décisions justes et équitables qui tiennent compte de l’intérêt public. Il s’agit là d’une question fondamentale, et nous exhortons le gouvernement à maintenir ce principe clé d’une modernisation efficace de la commission.

À cette fin, nous encourageons le comité sénatorial à examiner avec précaution les modifications proposées à l’article 66.91 de la Loi sur le droit d’auteur afin de s’assurer que la portée du pouvoir réglementaire du gouverneur en conseil n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire et protège la capacité de la commission à réglementer les processus qui mènent à la prise de décisions.

[Français]

Un rappel que la commission ne peut faire fi des règles de l’équité procédurale, telles que l’obtention des observations de toutes les parties sur des questions spécifiques qui prennent naissance en cours de dossier. En dépit de la souplesse accordée à la procédure de droit administratif, la commission est aussi liée par le fait que les tarifs qu’elle homologue sont de portée générale, contrairement aux décisions qui ne concernent que les parties en cause.

Ces balises procédurales et juridiques peuvent certes ralentir de façon significative le processus. Pourtant, elles ne peuvent être court-circuitées et sont essentielles au respect de l’intérêt public. La mise en œuvre du projet de loi C-86 devra composer avec ces particularités du travail et du mandat de la commission.

Je vous remercie de votre attention. Mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup de votre exposé. Nous passons maintenant aux questions.

Le sénateur Wetston : Je crois que vous m’avez peut-être entendu dire au dernier groupe de témoins que nous menons une étude préliminaire. Nous venons tout juste de recevoir ce projet de loi. Après examen du projet de loi, il y a quelques points dont j’aimerais discuter avec vous.

Vous m’avez peut-être entendu dire que je pense que le droit d’auteur est une partie importante des activités commerciales du Canada. Votre commission est relativement petite. Vous obtiendrez une augmentation de 30 p. 100. Que serez-vous en mesure d’accomplir, grâce aux ressources supplémentaires, en ce qui concerne le travail qu’on vous demande de faire — et pas seulement en ce qui concerne le travail qui découlera des modifications? C’est ma première question.

J’aimerais faire suite à votre commentaire sur votre indépendance et le rôle du gouverneur en conseil et vous demander quelles sont vos préoccupations à cet égard. Je n’ai pas étudié la disposition, mais vous l’avez manifestement fait. Pouvez-vous nous dire ce qui vous préoccupe en ce qui a trait au gouverneur en conseil? Est-ce le processus d’élaboration de la réglementation? Êtes-vous inquiets au sujet de votre indépendance? Craignez-vous une intervention politique?

M. Blair : Merci beaucoup, sénateur...

Le sénateur Wetston : Et je suis heureux que le juge Blair réponde à la question, car il connaît très bien ce secteur d’activité.

M. Blair : D’autres personnes peuvent parler des enjeux liés à l’augmentation du budget, qui nous permettra certainement d’améliorer nos ressources et de mieux utiliser les outils qui nous seront fournis par ce projet de loi, par exemple les outils liés à la gestion de cas.

Permettez-moi de répondre à votre deuxième question, c’est-à-dire les répercussions de ces modifications sur l’indépendance et le rôle de la commission et du gouverneur en conseil. C’est un sujet qui nous préoccupe dans une certaine mesure. Je dois dire dès le départ que nous avons travaillé très étroitement avec les intervenants d’ISDE et de Patrimoine canadien pour formuler une proposition sur laquelle nous sommes tous d’accord. Nous n’avons aucun problème avec les objectifs des ministères, car selon ce que nous comprenons dans le contexte dont je souhaite parler maintenant, ils souhaitent essentiellement établir des paramètres sur les processus de prises de décisions de la commission, afin de veiller à ce que ces décisions soient prises plus rapidement dans les affaires contestées et dans les affaires qui ne sont pas contestées au bout du compte.

À cette fin, le projet de loi contient une disposition qui accorde un pouvoir d’élaboration de règlements au gouverneur en conseil. En ce qui me concerne, je suis un peu préoccupé au sujet de la portée de cette disposition, car elle permet au gouverneur en conseil, par règlement, de régir chaque étape du processus suivi par la commission, du début à la fin. Cela laisse entrevoir quelques conséquences qui me préoccupent. Tout d’abord, c’est irréaliste. En effet, il est irréaliste pour les membres du Cabinet ou les membres de leurs ministères de déterminer le temps approprié pour les différentes étapes dans ce qui est un processus administratif très complexe.

L’autre problème, c’est qu’un tribunal administratif doit contrôler son propre processus s’il souhaite rester indépendant. Il ne doit pas être assujetti à la tendance politique la plus influente du moment. C’est un peu préoccupant, car même si nous sommes tout à fait d’accord avec les objectifs des ministères, nous craignons que le pouvoir réglementaire soit décrit d’une façon qui lui donne une portée un peu trop vaste. C’est ce qui nous préoccupe.

Le sénateur Wetston : Je ne vous demanderai pas de nous décrire une approche qui serait plus appropriée selon vous, car ce serait un peu injuste.

J’examine la disposition en question. Pendant que je l’examine, il me vient une question. Je conviens qu’il semble que cette disposition a un effet inhérent sur l’indépendance du tribunal dans la gestion de ses procédures, et que c’est bien l’effet auquel on peut s’attendre. Quel est le raisonnement utilisé? Vous avez participé à la consultation. Pourquoi croyez-vous que le gouvernement a été aussi loin et ajouté une disposition qui établit des échéanciers — selon mon interprétation, juge Blair — pour les procédures de la commission qui auraient préséance sur tout règlement pris par la Commission du droit d’auteur?

Je crois que vous avez indiqué ce que vous croyiez être les objectifs, mais pourquoi ajouterait-on une disposition comme celle-là? Quel serait le raisonnement? Est-ce en raison des consultations? Est-ce parce que selon les participants, le travail de la commission s’effectue trop lentement? Qu’il prend trop de temps? Quelle pourrait être la raison invoquée?

Mme Théberge : Je vous remercie de votre question, sénateur. Je crois qu’il serait inapproprié que j’interprète ces raisons.

Le sénateur Wetston : Quelqu’un doit le faire.

Mme Théberge : Tout d’abord, j’aimerais réitérer ce que le juge Blair a dit, c’est-à-dire que nous comprenons tout à fait l’intention générale de cette disposition et que nous nous sommes engagés à la respecter, car il s’agit d’établir, par voie législative, des échéanciers pour la prise des décisions. J’ai entendu — et nous l’avons entendu à de nombreuses reprises au cours des consultations — que la commission prend trop de temps à rendre une décision. Je suis probablement d’accord avec cette affirmation, mais je tiens également à souligner que l’ensemble du processus est composé d’interactions avec les parties et que parfois, les retards sont attribuables à la nécessité d’adapter les procédures à une situation particulière, notamment à la demande d’une des parties. C’est la nature d’un processus mené par la Commission du droit d’auteur. Dans le contexte de votre propre rapport, des parties ont dit exactement la même chose.

Nous comprenons également que le ministère de la Justice a indiqué aux ministères qu’il devait y avoir une disposition et un fondement réglementaires. Il fallait établir, dans le libellé, un fondement précis qui permet d’exercer le pouvoir du gouverneur en conseil qu’on tente d’exercer dans ce cas-ci. Il se peut que nous soyons d’avis que ce n’est pas le meilleur libellé ou qu’il va plus loin que ce qu’on tente d’accomplir, et c’est pourquoi vous avez entendu ce commentaire selon lequel nous sommes mal à l’aise et nous ne sommes pas certains que ce soit le libellé approprié et nous craignons que ce libellé trop général crée un problème qui n’existait pas auparavant.

Encore une fois, comme le juge l’a mentionné, nous voulons éviter de créer une ouverture qui permettrait à un nouveau gouvernement, à un nouveau processus décisionnel, d’intervenir dans les dossiers relevant de la commission, et il faut donc définir ses processus internes de façon à créer et à appuyer un pouvoir décisionnel efficace.

Le sénateur Wetston : Merci.

Le sénateur Tannas : Je suis désolé, je fais plusieurs choses à la fois. J’ai un peu perdu le fil, mais j’aimerais poursuivre cette discussion.

J’ai participé aux audiences de surveillance que nous avons tenues sur la Commission du droit d’auteur. Certains d’entre vous étaient présents. Vous avez peut-être lu les transcriptions. Il était assez évident que votre système était défaillant. Il ne fonctionnait dans l’intérêt de personne. Nous avons obtenu des réponses complètement insatisfaisantes des gens que vous avez envoyés à cette audience pour défendre votre commission. C’est le travail préparatoire. C’est la raison pour laquelle, selon ce que nous avons entendu dire, il y aura de grands changements au sein de la commission.

Pouvez-vous me dire, de façon claire, que vous établirez des échéanciers, que vous les accepterez et que vous produirez des rapports sur la façon dont vous les respectez? Je crois que c’est ce que nous avons entendu. De plus, des artistes, des créateurs et des utilisateurs nous ont dit qu’ils accepteraient des décisions satisfaisantes plutôt que des décisions parfaites si vous les rendiez plus rapidement. Je me demande donc si ce message a été compris. Est-ce ce dont nous parlons ici, c’est-à-dire des échéanciers très clairs et un rapport sur vos progrès relatifs aux échéanciers? Pourriez-vous répondre de façon concise pour les personnes qui, comme moi, ont une capacité d’attention limitée?

M. Blair : Merci, sénateur.

Comme vous le savez, nous produisons un rapport chaque année, et c’est ce que nous continuerons de faire. Mais comme je l’ai indiqué dans ma réponse aux questions du sénateur Wetston, nous avons travaillé fort avec les deux ministères et nous sommes tout à fait d’accord avec leur objectif consistant à établir des limites de temps dans lesquelles la commission rendra ses décisions dans des affaires contestées et dans des affaires non contestées. Ce qui nous permettra surtout d’y arriver, c’est l’augmentation du budget que nous avons reçue. Un autre élément très important, ce sont les outils que le processus de gestion de cas proposé dans le projet de loi nous fournira. Cela nous aidera à harmoniser le processus et à travailler plus rapidement. Nous sommes déterminés, monsieur, à suivre ces processus.

Gilles McDougall, secrétaire général, Commission du droit d’auteur du Canada : J’aimerais apporter une petite précision: il y a également l’approche plus rapide que les ressources supplémentaires nous permettront de mettre en œuvre. Cela concerne une grande partie de nos tarifs qui sont proposés chaque année. Nous pourrons homologuer tous ceux auxquels l’approche s’applique, même avant l’année à laquelle elle commence à s’appliquer. Il y aura déjà une amélioration substantielle à cet égard, et ce sont les ressources supplémentaires que nous avons été en mesure d’obtenir qui rendent cela possible.

Le sénateur Tannas : Parfait. Une autre...

Mme Théberge : C’est la première étape. La deuxième étape, c’est le processus réglementaire. Nous collaborerons avec les deux ministères, à savoir Patrimoine canadien et ISDE, afin d’appuyer l’élaboration de règlements qui, selon moi, offriront la certitude et le niveau de détail que vous recherchez. Ensuite, la commission doit élaborer ses propres règlements qui permettront de mettre par écrit tous ces échéanciers, les étapes nécessaires, la façon dont la gestion de cas sera mise en œuvre et le type de décisions qui seront prises dans le contexte de la gestion de cas. Ce n’est donc pas fini. Cela apportera des changements au cadre législatif qui nous permettront de progresser dans la mise en œuvre de ces changements; nous sommes certainement déterminés à y arriver et nous croyons que nous verrons des changements.

Comme le président l’a mentionné, nous avons l’obligation de produire un rapport annuel. Cela ne changera certainement pas.

Le sénateur Tannas : J’ai deux autres questions. La première est désagréable, et j’espère que l’autre permettra de terminer sur une note positive.

Tout d’abord, des changements importants ont-ils été apportés au niveau du personnel de la commission après l’examen ou le personnel demeurera-t-il inchangé?

Deuxièmement, nous entendons beaucoup de comparaisons entre le système du Canada et celui des États-Unis et on nous dit que le système des États-Unis fonctionne beaucoup mieux. Si nous communiquons avec vous dans deux ou trois ans et que nous vous parlons des résultats du système des États-Unis ou si nous communiquons avec les intervenants d’une industrie qui mènent leurs activités dans les deux endroits, nous dira-t-on que vous êtes presque aussi bons que les Américains? Nous dira-t-on plutôt que votre commission est maintenant meilleure que celle des États-Unis? Est-ce la plateforme qui nous permettra d’avoir le meilleur rendement? J’aimerais avoir de bonnes nouvelles et un objectif qui nous permettra de mesurer vos progrès dans quelques années.

Mme Théberge : Je crois que nous serons en mesure de vous donner de bonnes nouvelles, mais adaptées au contexte canadien. Je crois qu’il est très injuste de comparer la Commission du droit d’auteur au Copyright Royalty Tribunal des États-Unis. J’aimerais vous donner des statistiques à cet égard. Chaque année, le Copyright Royalty Tribunal des États-Unis homologue environ cinq tarifs. L’an dernier, nous avons traité 50 tarifs. On compare donc des pommes et des oranges. Je ne sais pas si cette réponse est satisfaisante, mais je crois qu’une comparaison internationale, surtout avec le modèle américain, est peut-être un peu désagréable et ce n’est peut-être pas la meilleure comparaison.

Le sénateur Tannas : À quel organisme aimeriez-vous vous comparer?

Mme Théberge : Nous ressemblons plus au Copyright Council de l’Australie — ou nous sommes équivalents —, avec certainement quelques différences. Si vous tenez absolument à comparer la commission à un autre organisme...

Le sénateur Tannas : Lorsqu’il s’agit de la mesure du rendement, tous les organismes qui m’ont déjà dit qu’ils ne peuvent pas être comparés à aucun autre éveillent mes soupçons .

Mme Théberge : Je comprends parfaitement.

En ce qui concerne les changements au sein du personnel, eh bien, je suis nouvelle. La commission a maintenant un effectif complet pour la première fois depuis longtemps. Le gouvernement a annoncé trois membres à temps partiel à la commission, et c’est donc une toute nouvelle chose. En ce qui concerne le reste du personnel, ce sont des employés de la fonction publique fédérale. Actuellement, nous n’avons embauché aucun nouvel employé, car même si de nouveaux fonds ont été annoncés dans le budget de 2018, nous n’avons pas encore eu accès à ces fonds. Toutefois, au cours des prochains mois, lorsque nous aurons eu accès à ces fonds pour accélérer l’embauche, nous accorderons certainement la priorité à ce dossier. Nous renforcerons notre capacité, ce qui nous permettra de respecter nos engagements, notamment ceux en matière de gestion de cas.

Le sénateur Tannas : Je vous remercie beaucoup de vos réponses sincères. Je vous en suis très reconnaissant.

Le président : J’ai quelques commentaires à ajouter à cet égard, car j’ai aussi eu l’occasion de participer à l’audience sur votre commission. Même si c’était très sévère, notre intention était de vous aider. Nous avons entendu une histoire de malheurs et de dysfonctionnement qui ne servait manifestement pas les intérêts de notre pays, et nous avons donc formulé plusieurs recommandations, même si je conviens qu’elles étaient assez strictes, sur ce que vous deviez faire. Toujours dans l’intention de vous aider, nous aimerions maintenant savoir si, à votre avis, vous avez les outils dont vous avez besoin pour faire le travail qu’on attend de vous. Croyez-vous que les obstacles qui vous empêchaient de faire votre travail ont été éliminés ou peuvent être éliminés?

M. Blair : Sénateur Black, je crois que nous avons maintenant les outils qui nous permettront de progresser. Nous avons discuté de quelques-uns de ces outils. L’augmentation budgétaire est certainement extrêmement importante, tout comme les outils liés à la gestion de cas, à l’accélération du processus, et cetera. Ces outils nous permettront de progresser plus rapidement.

Pardonnez-moi, mais je ne peux pas m’empêcher de formuler le commentaire suivant, monsieur. La commission a elle-même tenté de progresser par l’entremise de réformes des processus pendant plusieurs années. Nous avions notre propre groupe de travail. Nous avons réagi aux études menées par le professeur de Beer et le professeur Daly. Nous avons présenté notre propre proposition aux ministères il y a plus d’un an, et cette proposition visait un grand nombre des notions dont nous avons discuté ici aujourd’hui et qui se trouvent maintenant dans le projet de loi. On nous a demandé de retenir nos propres propositions afin que nous puissions collaborer avec les ministères à l’atteinte de ces objectifs communs. C’est le processus que nous avons suivi. Ce n’est pas comme si nous n’avions rien fait, monsieur, ou comme si nous n’avions pas répondu aux préoccupations. Nous connaissons bien les préoccupations. Nous croyons que les outils dont nous disposons maintenant nous permettront d’agir plus rapidement à l’avenir.

Le président : C’est merveilleux. C’était l’intention de tous. Toute réussite a de nombreux pères et mères.

Le sénateur C. Deacon : J’ai beaucoup aimé cette conversation jusqu’ici, et je vous en suis donc très reconnaissant.

Vous avez décrit votre intention de mettre en œuvre des pratiques beaucoup plus simples à l’avenir. En général, je crois réellement qu’il faut encourager et permettre l’autoréglementation plutôt que l’application de règlements. Je cherche également des occasions d’utiliser la technologie comme un outil efficace. Je reconnais également que traditionnellement, le gouvernement n’a pas été un chef de file dans la mise au point ou l’utilisation des technologies efficaces.

Comment voyez-vous votre avenir? Je pense que votre objectif est extrêmement important — c’est-à-dire adopter des pratiques plus simples qui vous permettent d’accomplir une grande quantité de travail en mobilisant d’autres intervenants et en leur fournissant les outils nécessaires. Veuillez décrire comment vous avez l’intention de mettre en œuvre ces changements, car je crois qu’il est essentiel de voir comment vous vous sentez prêts à agir dans un monde soumis à d’énormes changements technologiques. D’énormes changements sont apportés aux modèles d’affaires existants et vous et ceux que vous servez devez travailler dans ce contexte.

Mme Théberge : Merci de la question.

Nous avons déjà commencé. Nous avons actuellement des discussions avec des spécialistes de la gestion minimaliste pour qu’ils nous aident à examiner ou à mieux comprendre nos processus d’organisation du travail. Dans un tribunal ayant un mandat d’intérêt public, il est difficile de déterminer quelles étapes peuvent être abandonnées. Il faut veiller à ce que la rationalisation ne crée pas par inadvertance des problèmes d’équité procédurale. Cela fait partie des difficultés auxquelles nous sommes confrontés, et nous en sommes conscients.

Nous miserons évidemment sur l’utilisation de la technologie, en particulier sur le site web. C’est dommage que le sénateur soit parti, parce que je voulais faire une comparaison avec le tribunal des droits d’auteur des États-Unis, qui a un système de dépôt électronique très intéressant. Nous examinerons cette solution. Il reste à voir si ce sera entièrement applicable dans notre cas, mais nous y consacrerons certainement des efforts dans les prochains mois. Nous devons aussi étudier l’applicabilité ou l’utilité d’autres types de technologies, comme l’intelligence artificielle.

La différence, c’est que nous avons maintenant la possibilité de consacrer des ressources à ces évaluations, ce qui n’était pas le cas auparavant. Les ressources de la Commission du droit d’auteur étaient si imitées qu’il lui était très difficile de prendre du recul pour examiner ses propres processus afin de distinguer les éléments cruciaux ou requis de ceux qui pourraient être écartés ou accélérés dans un souci d’efficacité accrue. Je pense que vous avez raison de dire que la commission a maintenant de nombreuses occasions. Nous avons maintenant les moyens de déterminer si ces technologies et ces processus peuvent être utilisés dans notre contexte.

Il y a toutefois quelque chose qui ne changera jamais : c’est un secteur très complexe, pour diverses raisons. Premièrement, comme vous le savez, le domaine du droit d’auteur est très complexe. Avant d’occuper ce poste, j’étais de l’autre côté; j’étais directrice générale de la politique du droit d’auteur à Patrimoine canadien. Je peux vous dire que c’est très complexe, certainement du point de vue des politiques. Les modèles d’affaires changent toutes les semaines. Nous avons affaire, chaque semaine, à de nouveaux intervenants, à de nouveaux groupes d’intervenants et à de nouvelles formes d’œuvres protégeables par le droit d’auteur. Cela ne changera pas, pas plus que notre mandat d’intérêt public. L’important est de trouver l’équilibre parfait entre l’efficacité et le respect de l’intérêt public. Ce n’est pas facile, mais je pense que nous avons maintenant les moyens d’y arriver.

Le sénateur C. Deacon : Me voilà maintenant quelque peu préoccupé, car d’après ce que j’ai compris, vous examinez vos processus seulement en fonction de l’état actuel des choses au lieu de penser aux besoins futurs d’une économie en évolution. Je pense que le monde a beaucoup changé ces cinq dernières années. Les technologies et les pratiques commerciales évoluent à un rythme effarant. Cherchez-vous à modifier vos pratiques de communication? Il ne s’agit pas uniquement d’adopter des méthodes pour la transmission de documents en ligne, notamment. Je parle de vos méthodes d’interaction avec la communauté en général et des occasions d’apporter des changements inspirés de ceux que vous voulez servir, de votre clientèle, c’est-à-dire la communauté et les intervenants que vous servez. Vous inspirez-vous d’eux? Discutez-vous avec eux, de façon proactive, des changements à apporter à vos processus et à la prestation des services au public, qui relèvent de votre mandat?

Mme Théberge : Je pense que le fait que nous sommes un tribunal a une incidence sur nos interactions avec les parties.

Le sénateur C. Deacon : Absolument. Je comprends.

Mme Théberge : Nous ne faisons pas les politiques. Nous fonctionnons dans un cadre de politique établi par le gouvernement et non par la Commission du droit d’auteur. Je ne sais pas vraiment comment répondre à votre question.

Nous sommes conscients, dans notre secteur, des difficultés associées au manque de données. L’accès aux données est un aspect essentiel de nos activités, car nos décisions sont fondées sur ces données. Je parle ici de données vérifiables, pas seulement des données fournies par des parties intéressées. Vous savez comment cela fonctionne. Il y a un processus. Les parties en cause fournissent leurs données. Parce que nous sommes un tribunal, mais aussi en raison de notre mandat d’intérêt public, nous devons veiller à la fiabilité des données sur lesquelles les membres de la commission fondent leurs décisions. Cela fait partie de notre travail.

À titre d’exemple, un des problèmes découle du manque de données économiques. Nous avons déjà commencé à discuter avec diverses facultés d’économie du pays afin de tirer parti de leur expertise sur l’économie du droit d’auteur. Nous sommes conscients qu’il n’y a pas une masse critique d’expertise sur le sujet au Canada. Nous avons donc lancé un projet de collaboration avec diverses universités. Notre but est de faciliter les recherches et d’inciter les facultés d’économie à axer leurs travaux sur l’économie du droit d’auteur, car nous savons que cela facilitera notre travail par la suite.

Je ne sais pas si j’ai répondu à votre question. Je ne sais pas si mes collègues voudraient ajouter quelque chose.

Le sénateur C. Deacon : Vous semblez avoir commencé à travailler avec des groupes extérieurs qui sont touchés par les décisions et les processus qui relèvent de vous pour trouver des façons de les simplifier.

Mme Théberge : Absolument.

Le sénateur C. Deacon : Je laisse entendre beaucoup de choses. Je veux seulement vous encourager à en faire davantage, car les discussions avec les groupes de clients, de manière générale, sont riches en enseignements.

Mme Théberge : Absolument. Nous communiquons régulièrement, en gardant l’esprit que nous sommes un tribunal. Au Canada, ce milieu est petit. Nous participons aux consultations. Nous avons appuyé et participé activement aux consultations dirigées par les facultés l’an dernier. Nous sommes au courant des divers points de vue. Pour parler franchement, il y avait beaucoup d’opinions, mais peu d’intervenants ont proposé des solutions. Cela dit, cela ne pose pas problème. Nous en sommes conscients. Vous pouvez être assuré...

Le sénateur C. Deacon : Une bonne compréhension des problèmes peut être très utile.

Mme Théberge : Absolument.

Nous sommes conscients de la nécessité de consulter les intervenants clés concernant certaines des améliorations à mesure que nous progressons dans l’élaboration des règlements, car concrètement, ces règlements énonceront les étapes à suivre ou non pour déposer un projet de tarif auprès de la Commission du droit d’auteur.

Le sénateur C. Deacon : Je commence à entendre des choses qui me redonnent confiance.

Mme Théberge : C’est bien.

Le président : Chers invités, merci beaucoup d’être venus. Comme vous le savez, d’après nos discussions antérieures, nous sommes conscients du rôle important de la commission dans le milieu économique du pays. Nous vous souhaitons la meilleure des chances. Nous sommes prêts à vous appuyer dans vos travaux, si jamais notre aide pouvait vous être utile, car vous faites un travail important pour ce pays. Merci beaucoup d’être venus au comité.

(La séance est levée.)

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