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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 28 novembre 2018

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 h 15, pour examiner la teneur des éléments des sections 8, 15, 16 et 21 de la partie 4 du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures; et, à huis clos, pour étudier une ébauche de rapport.

La sénatrice Chantal Petitclerc (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour et bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Français]

Mon nom est Chantal Petitclerc, sénatrice du Québec. C’est un grand plaisir pour moi de présider cette réunion.

[Traduction]

J’aimerais maintenant inviter mes collègues à se présenter.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec, vice-présidente du comité.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de Toronto.

[Français]

La sénatrice Forest-Niesing : Josée Forest-Niesing, du Nord de l’Ontario.

[Traduction]

Le sénateur Ravalia : Bienvenue. Je m’appelle Mohamed Ravalia, de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, Ontario.

La sénatrice Omidvar : Ratna Omidvar, Ontario

[Français]

La présidente : J’aimerais aussi profiter de l’occasion pour souhaiter la bienvenue à deux nouveaux membres du comité : la sénatrice Deacon et la sénatrice Forest-Niesing.

Aujourd’hui, nous terminons notre étude de la teneur des éléments des sections 8, 15, 16, et 21 de la partie 4 du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.

[Traduction]

Nous examinerons aujourd’hui la section 21. Sans plus tarder, je vous présente notre témoin, qui représente Emploi et Développement social Canada. Nous sommes ravis d’accueillir M. Colin Spencer James, directeur principal de Politique développement social à la Direction générale des politiques stratégiques et de service.

[Français]

Monsieur James, bienvenue parmi nous.

[Traduction]

Je crois que vous avez une déclaration préliminaire à nous présenter.

Colin Spencer James, directeur principal, Politique développement social, Direction générale des politiques stratégiques et de service, Emploi et Développement social Canada : Sénateurs, comme vous le savez peut-être, le 21 août 2018, le gouvernement a publié Une chance pour tous : la première Stratégie canadienne de réduction de la pauvreté. La stratégie énonce des cibles concrètes pour la réduction de la pauvreté : d’ici 2020, réduire le taux de la pauvreté de 20 p. 100 comparativement aux niveaux de 2015; et d’ici 2030, le réduire de 50 p. 100 comparativement aux niveaux de 2015. L’atteinte de ces cibles entraînera le taux de pauvreté le plus bas jamais vu dans l’histoire du Canada : en 2020, environ 1 Canadien sur 10 vivra dans la pauvreté, ou 10 p. 100 des Canadiens; et en 2030, ce ne sera plus le cas que de 1 Canadien sur 17, soit un objectif de 6 p. 100. Cela signifie qu’il faudra sortir de la pauvreté environ 2,1 millions de Canadiens par rapport à 2015.

Il est proposé que les cibles de réduction de la pauvreté soient enchâssées dans une loi afin de renforcer l’engagement du gouvernement fédéral à réduire la pauvreté. Ce sont les cibles qui figurent dans la section dont vous êtes saisis aujourd’hui.

La présidente : Merci. C’est la vice-présidente qui posera les premières questions.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup. C’était un exposé court et bon, tout comme le projet de loi — très court.

La Chambre des communes a déposé le projet de loi C-87, qui édicte la Loi sur la réduction de la pauvreté et qui établit des cibles similaires à celles de la section 21 que vous venez de présenter. Pourquoi inclut-on cette section dans le projet de loi si des mesures législatives appuyant la réduction de la pauvreté existent déjà?

M. James : Il y a deux raisons. Le projet de loi C-86, la Loi no 2 d’exécution du budget de 2018, a été présenté avant le projet de loi C-87. La mise en œuvre de ce projet de loi a été établie avant. Si cette section a été incluse dans la Loi d’exécution du budget, c’est parce que le budget de 2018 a réaffirmé les engagements du gouvernement à l’égard des objectifs de développement durable des Nations Unies, dont le premier est l’élimination de la pauvreté, et les cibles correspondent à cet objectif. Voilà pourquoi c’est inclus dans le projet de loi C-86.

En ce qui concerne le moment où le projet de loi C-87 a été présenté, le gouvernement demeure déterminé à enchâsser les autres volets de la stratégie de réduction de la pauvreté dans une loi : la création d’un conseil consultatif national sur la pauvreté et l’établissement d’un seuil officiel de la pauvreté au Canada.

Malheureusement, je ne peux pas expliquer pourquoi il a été présenté à la Chambre aussi rapidement. Cela ne relève pas de notre ministère.

La sénatrice Seidman : J’ai encore du mal à comprendre. Si un projet de loi porte en partie là-dessus, et qu’un autre, le projet de loi C-87, porte maintenant là-dessus, je ne comprends pas pourquoi cette mise à jour budgétaire comprend la section 21. On y établit des cibles, mais sans indiquer comment elles seront atteintes. Pour l’essentiel, on ne fait qu’établir des cibles. Il n’y a pas de budget ou de demande de fonds à cet égard. Rien n’est mentionné sur la façon dont on prévoit atteindre les cibles ou déterminer si elles sont atteintes.

M. James : Vous avez raison. Le projet de loi énonce des cibles. Il n’inscrit pas dans la loi comment elles seront atteintes exactement. La pauvreté a de nombreuses dimensions et il existe de nombreux moyens différents de la réduire.

Depuis 2015, le gouvernement a augmenté ses investissements de plus de 22 milliards de dollars pour aider les Canadiens à sortir de la pauvreté. Il y a aussi entre autres l’Allocation canadienne pour enfants et l’Allocation canadienne pour les travailleurs, qui entrera en vigueur en 2019. Il y a également des mesures comme la Stratégie nationale sur le logement ainsi que des investissements dans les compétences et la formation.

Le gouvernement investit, mais il ne légifère pas sur la façon dont les prochains gouvernements devront s’y prendre et continuer le travail exactement.

La sénatrice Seidman : D’accord. Je vais m’arrêter ici. Merci.

La sénatrice Eaton : Les cibles ont été établies. Savez-vous quel en sera le coût? Ces idées prospectives sont charmantes. J’aimerais beaucoup éliminer la pauvreté dès demain. Je suis certaine que lorsque vous avez établi les cibles, vous aviez une idée des programmes qu’il faudrait mettre en place ou des coûts engendrés, non?

M. James : En établissant les cibles, le ministère a effectué une modélisation sur ce qui serait réalisable. Comme je l’ai dit, le gouvernement a investi pas mal d’argent — environ 22 milliards de dollars —, ce qui sera utile.

La sénatrice Eaton : Lorsque vous dites qu’il a « investi 22 millions de dollars », pouvez-vous me dire dans quoi il les a investis?

M. James : Oui, si vous me le permettez...

La sénatrice Eaton : Je suis sérieuse. Je comprends que les nouveaux codes du travail aideront beaucoup de gens. L’équité salariale sera utile, mais comment...

M. James : Je comprends. Veuillez patienter un instant.

La sénatrice Eaton : Vous pourriez peut-être envoyer l’information au greffier.

M. James : J’en serai ravi.

La sénatrice Eaton : Ce serait bien. Aucune analyse des coûts n’a été réalisée quant à ce que l’atteinte de cette cible en 2020, par exemple, pourrait coûter au gouvernement fédéral?

M. James : Au ministère, nous avions réalisé une modélisation pour savoir combien de gens sortiraient de la pauvreté à la suite des investissements gouvernementaux existants, comme ceux sur lesquels portera l’information que j’enverrai au greffier, qui sont liés, par exemple, à l’Allocation canadienne pour enfants, aux améliorations apportées au Supplément de revenu garanti et à la création de l’Allocation canadienne pour les travailleurs.

D’ici à 2019, ces mesures devraient permettre à environ 650 000 Canadiens de sortir de la pauvreté. Nous savons combien de personnes nous prévoyons sortir de la pauvreté dans le cadre des investissements existants, mais les mesures législatives proposées ne précisent pas comment un prochain gouvernement devrait viser à atteindre ces cibles. Par conséquent, il serait difficile pour le ministère d’établir un modèle à cet égard. On peut dire qu’il y a diverses options stratégiques pour sortir des gens de la pauvreté; cela peut prendre la forme de paiements directs à des particuliers ou d’investissements visant à aider les gens à se trouver un emploi, par exemple.

La sénatrice Eaton : Je trouve qu’il est plutôt étrange qu’on propose cette bonne et valable idée de fixer des cibles, mais qu’en même temps, on n’en évalue pas le coût pour le budget. Vous n’avez pas dit « alors, en 2020, cela nous coûtera 5 milliards de dollars supplémentaires, et en 2030, 10 milliards de dollars de plus », comme nous le faisons pour les achats militaires. Nous avons une idée de ce qu’il faut dépenser.

C’est tout. Il s’agit d’une idée prospective, et c’est charmant, mais si aucune somme n’y est rattachée, pourquoi est-ce intégré au budget?

M. James : Comme je l’ai dit, le budget de 2018 a reconfirmé l’engagement que le gouvernement a pris à l’égard des objectifs de développement durable des Nations Unies. Il ne s’agit que de cela — des objectifs; des objectifs...

La sénatrice Eaton : C’est un bel argument, merci. Je comprends que vous ne pouvez pas me le dire.

Le sénateur Ravalia : Merci, monsieur James.

Pourriez-vous me donner une analyse des taux de pauvreté par province? Le taux varie-t-il d’une province ou d’un territoire à l’autre? Est-ce que certaines collectivités sont plus vulnérables que d’autres, et le cas échéant, a-t-on pris des mesures proactives pour aider les populations à échapper à la pauvreté? Le gouvernement se penche-t-il sur l’un ou l’autre de ces aspects?

M. James : Vous me demandez de vous donner des renseignements assez détaillés quant aux taux de pauvreté dans certaines régions et collectivités du pays. Je serai ravi de fournir au greffier une analyse des taux de pauvreté au Canada.

La stratégie fait appel à la mesure du panier de consommation pour le seuil officiel de pauvreté au Canada, qui est le coût d’un ensemble de biens et de services permettant aux Canadiens de vivre modestement. Nous avons une analyse pour 50 différentes régions et 19 villes du pays. Nous pouvons fournir le taux de pauvreté de chacune d’entre elles.

Bien entendu, les investissements du gouvernement dans des mesures comme l’Allocation canadienne pour enfants visent des gens ayant un revenu allant de modeste à faible. Les collectivités qui comptent un plus grand nombre de familles à faible revenu que d’autres en bénéficieront un peu plus. Les investissements ne sont pas répartis de façon égale au pays.

Le sénateur Ravalia : Merci.

La sénatrice Omidvar : Puisque mes collègues ont posé de bonnes questions, je ne vais pas trop insister, car je pense que vous avez bien soulevé la question. Pour ma part, je suis également un peu perplexe, mais je resterai positive et considérerai ceci comme un aperçu de ce que nous donnera le projet de loi C-87.

La nouvelle mesure axée sur le marché utilisée pour évaluer la pauvreté me plaît beaucoup. Vous avez dit que 650 000 Canadiens sortiront de la pauvreté. Les choses ont-elles été analysées sous l’angle de l’équité entre les sexes?

M. James : Je n’ai pas l’information en tête; j’en suis désolé. Je serais heureux de fournir au greffier l’analyse exacte.

Nous savons que certains groupes de gens vivent avec un faible revenu et qu’il y a un fossé saisissant entre les sexes. Par exemple, si l’on prend les parents seuls, 90 p. 100 sont des femmes. Si l’on regarde des investissements comme l’Allocation canadienne pour enfants, qui aide des Canadiens à élever leurs enfants, cela touche les mères seules de façon disproportionnée, par exemple. Nous avons donc examiné la ventilation des investissements qui ont été faits jusqu’à maintenant à cet égard.

La sénatrice Omidvar : Et pourrez-vous nous donner l’information?

M. James : Certainement.

La sénatrice Omidvar : Vous obtiendrez de plus amples renseignements sur les répercussions régionales, les sexes et toute autre information que vous pouvez nous fournir concernant vos investissements pour les 650 000 Canadiens. Qu’en est-il des communautés autochtones? Si vous pouvez nous donner de l’information sur la composition de ce groupe de 650 000 personnes, ce serait utile.

M. James : Certainement. Cette information figure dans la stratégie de réduction de la pauvreté, dans le document. Je vais la fournir au greffier.

La présidente : Nous vous en serions reconnaissants.

[Français]

La sénatrice Mégie : Pour commencer, personne ne peut être contre la vertu. Tout ce que le gouvernement va mettre en place pour contrer la pauvreté est très bien. Toutefois, ma question en est une de base. Il me semble que plus on augmente le pouvoir d’achat, plus le consommateur dépense. Y a-t-il des mesures qui pourraient être mises en place, par les économistes ou autres, pour essayer de briser ce cercle vicieux et de faire en sorte que ceux qui gagnent un meilleur salaire puissent mieux consommer, sans vivre au-dessus de leurs moyens, ce qui les garde au même niveau de pauvreté qu’ils avaient avant? Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire. Plus on a d’argent, plus on dépense. Si on me donne 10 $ et que j’en dépense 11 $, je reste pauvre. Vous comprenez?

Parmi les mesures prévues pour augmenter le pouvoir d’achat de chaque Canadien, y en a-t-il qui pourraient aider à freiner ce retour en arrière?

[Traduction]

M. James : Je décrirais la Stratégie canadienne de réduction de la pauvreté comme un cadre pangouvernemental de réduction de la pauvreté qui se fonde sur trois piliers. Il s’agit d’aider les Canadiens à combler leurs besoins de base et de veiller à ce qu’ils se sentent inclus et sentent qu’ils bénéficient de chances égales. Le troisième pilier est un concept de sécurité financière et de résilience.

C’est ce troisième pilier qui répondrait à la question que vous soulevez.

Évidemment, dans une stratégie pangouvernementale, divers ministères contribuent à aider des Canadiens à sortir de la pauvreté. Malheureusement, ce volet ne relève pas de mon ministère. Il relève probablement de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada ou peut-être du ministère des Finances. Il conviendrait mieux de leur poser la question.

La présidente : Puisqu’il n’y a pas d’autres questions, je vous remercie.

[Français]

Merci d’avoir été là pour répondre à nos questions sur cette courte section qui nous laisse un peu perplexes, comme vous l’avez constaté. Nous vous sommes reconnaissants du temps que vous avez consacré à répondre à nos questions.

[Traduction]

Je demanderais à mes collègues de rester. Nous allons poursuivre la séance à huis clos pour étudier une ébauche de rapport.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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