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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 4 décembre 2018

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi C-64, Loi concernant les épaves, les bâtiments délabrés, abandonnés ou dangereux et les opérations d’assistance, se réunit aujourd’hui, à 9 h 30, pour examiner ce projet de loi.

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, nous poursuivons aujourd’hui notre étude du projet de loi C-64, Loi concernant les épaves, les bâtiments délabrés, abandonnés ou dangereux et les opérations d’assistance.

Nous sommes heureux d’accueillir le capitaine à la retraite Paul L. Bender, de l’Organisation canadienne des vétérans de l’OTAN; M. Patrick White, fondateur et directeur exécutif du Projet Distinction Navale; et M. Brad Caldwell, avocat et président du Comité des sauvetages et des sinistres maritimes, de l’Association canadienne de droit maritime.

Merci, messieurs, de participer à la réunion. Je cède d’abord la parole au capitaine Bender, qui sera suivi par M. White et par M. Caldwell.

Paul L. Bender, capitaine (à la retraite), Organisation canadienne des vétérans de l’OTAN : Bonjour, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Je vous remercie de l’invitation à participer aux audiences sur le projet de loi C-64.

Je suis le capitaine Paul L. Bender. Je suis un vétéran de la Deuxième Guerre mondiale qui a servi pendant 10 ans dans la marine marchande, puis 11 ans dans la Réserve navale des Forces armées canadiennes. J’ai pris ma retraite de la fonction publique canadienne en 1984.

Je représente l’Organisation canadienne des vétérans de l’OTAN, dont les membres sont des vétérans et dont la mission est d’être le porte-parole de tous les vétérans des Forces armées canadiennes.

Même s’il est évident que l’élaboration du projet de loi C-64 a donné lieu à beaucoup de travail utile, j’en déduis que ce n’est pas le projet de loi que le Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes avait à l’esprit au moment de la publication de son rapport Les sépultures de guerre marines du Canada. La première recommandation du comité est la suivante:

Que le gouvernement du Canada rédige une nouvelle législation similaire à la Protection of Military Remains Act du Royaume-Uni afin de protéger les sépultures de guerre marines du Canada.

Ce n’est pas ce que fait le projet de loi C-64. La loi du Royaume-Uni a été adoptée expressément pour répondre au besoin de protéger des intrusions non autorisées les épaves de navires militaires qui ont fait naufrage avec leur équipage, tandis que le projet de loi C-64 vise, entre autres, à « favoriser la protection du public ». Je pense que le public n’a rien à craindre des sépultures de guerre marines.

La loi du Royaume-Uni ne parle pas de protéger une épave en tant que sépulture, et l’expression « sépulture de guerre » n’est jamais utilisée dans la loi. L’objet de la loi est le suivant :

... assurer la protection des restes des avions et des navires qui se sont écrasés, ont fait naufrage ou ont été abandonnés et les restes humains qu’ils contiennent des intrusions non autorisées...

La loi du Royaume-Uni fait en outre, et surtout, de l’intrusion dans une épave, de quelque manière que ce soit, une infraction, et elle interdit expressément les opérations de plongée ou de sauvetage. Il s’agit incontestablement de l’exemple le plus étoffé de loi nationale qui protégerait les sépultures de guerre marines du Canada. Il est donc recommandé que la loi du Royaume-Uni soit réputée s’appliquer au Canada et en devienne la loi, mutatis mutandis. La procédure a déjà été utilisée, par exemple, dans l’article 5(2) de la Loi canadienne sur les prises.

En 2002, l’Allemagne a approché le Royaume-Uni pour demander que sa Protection of Military Remains Act de 1986 s’applique à toutes les épaves d’U-boats se trouvant dans ses eaux territoriales, et le Royaume-Uni a accepté. Il y a deux ans, à la demande pressante de la ville de Quinte, j’ai approché le Royaume-Uni avec une demande similaire au sujet des épaves de trois corvettes canadiennes, les NCSM Regina, Trentonian et Alberni. Quatre-vingt-quinze marins ont perdu la vie lors du naufrage de ces navires qui, tout comme les U-boats qui les ont torpillés, gisent dans les eaux territoriales du Royaume-Uni.

Malheureusement, le gouvernement du Canada, mis au fait de ce que je voulais faire, s’est empressé d’informer le gouvernement du Royaume-Uni qu’il n’appuyait pas mon initiative.

En dépit du fait que le concept de sépulture de guerre marine ne fait pas partie du droit français, et qu’on n’y reconnaisse pas une épave comme mémorial, j’ai communiqué, il y a cinq ans, avec une relation à l’Ambassade de France à Ottawa dans le but de faire protéger des intrusions non autorisées les NCSM Athabaskan et Guysborough. À bord de ces navires, 179 marins ont perdu la vie. Ils reposent dans les eaux territoriales de la France.

La réponse de la France m’est parvenue à peine quatre mois plus tard. Ainsi, les épaves de ces deux navires de guerre sont placées sous la protection de la République de France, conformément à son code patrimonial.

Tout comme le droit français protège les navires de guerre canadiens, la Royal Commission on the Ancient and Historical Monuments of Scotland protège le navire marchand immatriculé au Canada Avondale Park, qui a été torpillé et s’est échoué avec son équipage à bord au large des côtes de l’Écosse, à peine une heure avant la fin des hostilités en Europe.

Les épaves de neuf navires de guerre, avec à leur bord 263 marins, et de 10 navires marchands immatriculés au Canada, avec à leur bord 217 marins, reposent dans les eaux territoriales canadiennes à la suite de la bataille de l’Atlantique, qui a duré six longues années et qui est considérée avec raison comme un « événement historique national » depuis trois quarts de siècle. Ces 19 épaves, comme, en fait, des milliers d’autres, reposent dans les eaux séparant l’Amérique de l’Europe et sont les lieux de dernier repos d’un trop grand nombre de marins qui ont péri à bord de leur navire.

Malheureusement, le projet de loi C-64 ne tient pas compte du fait qu’une sépulture de guerre marine n’est pas le type d’épave auquel on fait allusion. Une sépulture de guerre est la conséquence d’un navire qui repose au fond de l’océan, parfois à des profondeurs incroyables, après avoir affronté l’ennemi ou les périls de la mer pendant une bataille. Le navire peut avoir été torpillé ou bombardé ou pilonné, ou avoir frappé une mine, comme cela a été le cas de mon navire, dont les dommages ont été aggravés par l’explosion des chaudières ou des munitions.

Les restes humains des marins qui n’ont pas réussi à s’échapper sur des radeaux ou des bateaux de sauvetage ou qui n’ont pas eu la chance d’être rescapés par un navire ami, comme cela a été mon cas, ne se trouvent pas dans des cimetières distincts, mais bien quelque part dans les épaves déformées du navire à bord duquel ils ont servi, peut-être éparpillés dans tout le navire, peut-être regroupés dans un ou deux compartiments, sans espoir d’en sortir. Il n’y a de pierre tombale entourée de fleurs pour ceux qui ont péri en mer.

Les épaves sont à la merci des forces naturelles et des intrusions humaines. Ce sont les intrusions intentionnelles dans ces épaves qui sont les plus préoccupantes. Dans une lettre rédigée il y a cinq ans, la Commission des sépultures de guerre du Commonwealth disait s’inquiéter des avancées technologiques qui permettent à un nombre toujours plus grand de plongeurs amateurs et récréatifs d’effectuer des plongées plus profondes et de demeurer plus longtemps sous l’eau qu’auparavant.

Sauf dans de rares cas, les pays propriétaires de ces épaves — le Canada est propriétaire de ses navires de guerre à perpétuité, à moins d’en décider autrement officiellement — ne semblent pas, toutefois, s’être opposés à ces activités. On ne semble pas s’inquiéter du fait que ces épaves contiennent les restes humains de ceux qui y ont péri.

L’Institut de droit international déclare sans ambages que les pays signataires ont l’obligation de traiter avec le respect qui leur est dû les restes humains de toute personne qui se trouve dans une épave, notamment en déclarant l’épave cimetière de guerre. En dépit du caractère opportun du projet de loi C-64, le fait qu’il vise principalement à protéger le public, même si cela est admirable et méritoire en soi, ne contribue en rien, dans sa forme actuelle, à protéger les sépultures de guerre marines du Canada.

Honorer la mémoire de nos disparus est une activité si fréquente dans les cultures qu’elle en est venue à nous définir comme êtres humains. Il y a à peine trois semaines, des milliers de gens au Canada et ailleurs dans le monde ont observé une minute de silence à la mémoire de ceux qui ont fait le sacrifice suprême. Les mots « sépultures de guerre marines » n’ont pas été prononcés.

N’oublions jamais.

Le président : Merci beaucoup, capitaine Bender. Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier d’avoir servi notre pays. Monsieur Patrick White.

Patrick White, fondateur et directeur exécutif, Projet Distinction Navale : Monsieur le président et honorables sénateurs, je vous remercie de votre invitation à participer à l’étude du projet de loi C-64, Loi concernant les épaves, les bâtiments délabrés, abandonnés ou dangereux et les opérations d’assistance, et ayant comme objet particulier de protéger les sépultures de guerre marines.

Je suis heureux d’être ici de concert avec...

Le président : Pourriez-vous ralentir un peu pour aider les interprètes?

M. White : Bien sûr. Je suis heureux d’être ici de concert avec le capitaine de la marine marchande à la retraite et vétéran de la Deuxième Guerre mondiale Paul Bender, qui a lancé et mène depuis plusieurs années la bataille pour protéger les sépultures de guerre marines. Je m’appelle Patrick White, fondateur et directeur exécutif du Projet Distinction Navale.

Le Projet Distinction Navale est une initiative citoyenne indépendante qui vise à s’assurer que toutes les branches des Forces armées canadiennes reçoivent la reconnaissance qu’elles méritent partout au Canada. Comme il est difficile pour la Marine royale canadienne de joindre les Canadiens au-delà des collectivités côtières, phénomène naturel associé à son manque de visibilité, notre travail consiste principalement à veiller à ce que les marins de la Marine royale canadienne reçoivent la reconnaissance qui leur est due aux côtés des aviateurs de l’Aviation royale canadienne et des soldats de l’Armée canadienne.

Notre plus importante réalisation à ce jour a été de voir le NCSM Haida, le navire « le plus combatif » de l’histoire canadienne, être nommé navire amiral de la région de la capitale nationale lors d’une cérémonie en mai dernier. Nous espérons que le statut qui lui est accordé amènera les Canadiens à découvrir l’incroyable épopée d’une icône souvent oubliée de notre histoire.

L’hiver dernier, nous avons comparu devant le Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes pour l’encourager à amender le projet de loi C-64 en y ajoutant des mesures de protection provisoires pour les sépultures de guerre marines du Canada. Au lieu d’endosser les amendements, le comité a plutôt opté pour mettre la touche finale à un rapport distinct, Les sépultures de guerre marines du Canada, en adoptant bon nombre de nos recommandations.

Nous sommes heureux de constater que dans leurs réponses au rapport du comité de la Chambre, les ministres des Transports, de la Défense nationale et de Parcs Canada ont confirmé que le gouvernement était ouvert à l’idée d’amender le projet de loi C-64 pour protéger les sépultures de guerre marines du Canada. Nous sommes heureux, en outre, que le ministre Garneau ait discuté des amendements à ce sujet lors de sa comparution devant votre comité en novembre.

Il existe un besoin réel et urgent de légiférer pour protéger les lieux du dernier repos de nombreux marins et marins marchands du Canada. Le rapport de la Chambre étant le fruit d’efforts importants et très appréciés, je ne répéterai pas l’information qui s’y trouve. Je me contenterai plutôt de faire valoir que votre comité a ici une occasion en or d’honorer la vie de ceux qui ont fait le sacrifice suprême pour le Canada, un geste important autant pour les vivants que pour les disparus.

Nous sommes fiers de souligner que depuis la publication du rapport du comité de la Chambre, nous nous sommes affairés à rallier le soutien de la population à la cause et que deux pétitions demandant la protection des sépultures de guerre marines, signées par des centaines de Canadiens dans toutes les provinces, ont été présentées à la Chambre des communes.

Ayant en tête les objectifs généraux suivants, nous demandons respectueusement au comité de veiller à ce que le projet de loi C-64 : premièrement, contienne une définition de sépulture de guerre marine; deuxièmement, prévoit un mécanisme d’élaboration des règlements pour protéger ces sépultures; troisièmement, prévoit que les règlements s’appliqueront, peu importe le lieu où se trouve la sépulture, c’est-à-dire, dans les eaux nationales, internationales ou étrangères; et, quatrièmement, prévoit, dans la mesure du possible, que les sanctions imposées pour la profanation des sépultures de guerre marines soient du même ordre que celles des sépultures de guerre terrestres.

Pour atteindre ces objectifs, nous demandons au comité de prendre en considération les éléments suivants : premièrement, à l’article 2, ajouter la définition suivante de sépulture de guerre marine :

L’épave d’un navire marchand, d’un navire de guerre, d’un aéronef ou d’un autre bâtiment perdu en service dans le cadre d’une opération militaire et qui renferme, ou devrait renfermer, les restes de l’effectif, y compris leur tenue et autres effets personnels, affecté à ce bâtiment.

La définition est rédigée de sorte à inclure la possibilité que les sépultures de guerre marines au Canada et à l’étranger puissent être désignées et protégées et qu’aucune confirmation qu’elles renferment des restes humains n’est nécessaire avant qu’une telle désignation soit accordée.

Deuxièmement, mettre à jour les paragraphes 5(3) et 131(1), afin de permettre aux ministres de prendre aussi des règlements relatifs aux sépultures de guerre marines, tout en faisant la distinction entre sépultures de guerre marines et « épaves ayant une valeur patrimoniale ». Le but de cette distinction est de s’assurer que les sépultures de guerre marines sont reconnues en tant que lieu de repos final méritant le respect et des protections supplémentaires à celles des biens patrimoniaux.

Troisièmement, mettre à jour le paragraphe 110(5), afin d’inclure la possibilité de l’application des sanctions prévues pour la profanation des sépultures de guerre terrestres, telles que des sanctions du Code criminel, en cas d’infraction aux règlements protégeant les sépultures de guerre marines.

J’aimerais terminer par une dernière observation cruciale : même après avoir amendé le projet de loi C-64, il restera encore à légiférer pour assurer une protection juridique entière aux sépultures de guerre marines et punir ceux qui les profanent. Le Parlement devrait adopter une loi distincte, similaire à la Protection of Military Remains Act de 1986 du Royaume-Uni. De plus, il faudrait procéder à des demandes officielles auprès de gouvernements comme celui du Royaume-Uni pour faire en sorte que leurs lois nationales s’appliquent, en plus des lois canadiennes, pour protéger les sépultures de guerre marines qui se trouvent dans leurs eaux territoriales.

Pour reprendre les mots du regretté lieutenant-colonel John McCrae dans son poème célèbre :

À vous de porter l’oriflamme

et de garder au fond de l’âme le goût de vivre en liberté.

Les marins du Canada qui sont tombés au combat ont besoin de quelqu’un au Parlement prêt à porter l’oriflamme jusqu’à ce qu’on puisse dire « mission accomplie ».

Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Brad Caldwell, avocat et président du Comité des sauvetages et des sinistres maritimes, Association canadienne de droit maritime : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs, d’avoir invité l’Association canadienne de droit maritime à vous présenter un exposé.

Avant de commencer, j’aimerais dire quelques mots au sujet des sépultures de guerre, pendant que nous discutons du sujet. L’initiative du capitaine Bender recueille beaucoup d’appuis au sein de l’Association canadienne de droit de la mer. Malheureusement, nous n’avons pas été en mesure d’en discuter avec le conseil de direction, car notre prochaine réunion n’est prévue que le 18 janvier. Je ne sais pas quel est l’échéancier du Sénat pour l’étude du projet de loi et s’il sera trop tard pour ajouter quoi que ce soit.

Le président : Monsieur Caldwell, nous allons laisser cela entre les mains du gouvernement. Nous n’avons pas grand-chose à dire à ce sujet. Nous espérons terminer notre étude d’ici demain, et nous verrons par la suite. Il se pourrait qu’il ne soit adopté qu’après cette date.

M. Caldwell : Comme il a été mentionné, je suis président du comité des sauvetages et des sinistres de l’Association canadienne de droit maritime, une société à but non lucratif composée d’avocats du droit maritime et de diverses autres organisations maritimes. L’association a pour mandat de promouvoir l’élaboration d’un droit maritime commercial efficace et moderne au Canada, et à ce titre, l’un de ses rôles est de travailler activement à l’élaboration de lois nationales et internationales concernant l’enlèvement des épaves et l’assistance aux bâtiments problématiques.

Nous appuyons pleinement la mise en œuvre par le Canada de la Convention internationale de Nairobi sur l’enlèvement des épaves, ainsi que la majorité des mesures à l’égard des bâtiments et épaves préoccupants énoncées à la partie 2. C’est un problème évident qui sévit dans nos ports depuis longtemps, et je pense que ce projet de loi fournira de bons outils au gouvernement pour régler le problème.

Notre exposé se concentre sur un aspect assez petit du projet de loi, soit la criminalisation des non-propriétaires. Cela concerne trois dispositions de la mesure législative, et je constate que peu d’entre vous ont le projet de loi devant eux, mais je peux essayer de paraphraser le tout. Il y a un exemple de l’une de ces trois dispositions au paragraphe 30(1) à la page 14, et cela touche les interdictions. En gros, il est interdit au propriétaire d’un bâtiment délabré de le laisser à un endroit pendant plus de 60 jours. À l’alinéa 30(3)a), qui est la disposition qui nous importe, si quelqu’un laisse un bâtiment à un endroit pendant plus de 60 jours, le ministre peut prendre ces mesures. Il est important de les lire attentivement parce que ces mesures sont assez considérables. Le ministre peut ordonner que le bâtiment soit notamment réparé, sécurisé, déplacé, enlevé, démantelé ou détruit.

Ce n’est pas une mince affaire. Il n’est pas seulement question ici de venir sauver des passagers d’un bâtiment en train de couler. Cela consiste à renflouer une épave, à la détruire et à la démanteler; cela représente beaucoup de travail et de dépenses. L’alinéa c) prévoit que, si le ou la ministre ne veut pas le faire, il ou elle peut ordonner à toute personne ou à tout bâtiment de le faire, que cette personne soit propriétaire ou non du bâtiment. Cela peut devenir un problème.

L’autre disposition est l’alinéa 36c), qui a trait aux bâtiments qui sont considérés comme un danger. Nous avons ensuite l’alinéa 37(3)c) qui concerne les bâtiments délabrés qui sont situés dans ce cas-ci en un lieu appartenant au gouvernement. Dans l’une ou l’autre de ces trois situations, le ministre peut ordonner une telle chose. C’est une bonne disposition parce que cela permet à la Garde côtière ou au ministère des Transports de déléguer la capacité de s’occuper de ces bâtiments aux personnes qui doivent vraiment s’en occuper, soit les administrations portuaires et les municipalités. Elle prévoit même une indemnisation pour les frais engagés pour s’occuper de ces bâtiments préoccupants. Ce sont donc de bonnes dispositions et des dispositions utiles.

Toutefois, nous croyons que ces dispositions vont un peu trop loin dans les parties du projet de loi qui portent sur les sanctions et les peines. Nous avons l’article 90, qui vise les sanctions administratives pécuniaires, et l’autre est l’article 110, qui traite des peines ordinaires.

C’est l’endroit problématique; l’article 110 dresse la liste de toutes les infractions que prévoit la mesure législative, et la liste est longue. Toutefois, dans cette longue liste, nous retrouvons les trois dispositions dont je viens de parler, et le projet de loi prévoit qu’une personne est passible d’une peine si elle est non-propriétaire, qu’elle reçoit l’ordre de faire l’une de ces nombreuses choses et qu’elle ne le fait pas. Même si vous ne le faites pas de la manière dont les autorités le veulent, vous risquez de vous retrouver en violation de la loi, et c’est une infraction criminelle. Qui plus est, les dispositions ayant trait aux infractions sont sévères. Il en est question dans notre mémoire. Toutefois, si l’entité visée n’est pas une personne physique — ce ne sera pas une personne physique dans la majorité des cas; ce sera une entreprise ou une administration portuaire —, les peines vont de 100 000 à 6 millions de dollars.

Le projet de loi prévoit des infractions continues, ce qui signifie qu’une infraction distincte est comptée pour chacun des jours au cours desquels l’infraction se continue. L’enlèvement de bâtiments peut prendre des jours. Bref, l’entreprise qui est propriétaire d’un bateau pourrait se voir imposer chaque jour la peine minimale de 100 000 $. Dans le cas des personnes physiques accusées d’un acte criminel, elles peuvent être passibles d’une peine d’emprisonnement, ce qui est assez radical. Cela dépend de la situation, mais vous pourriez être personnellement passible de ces peines si vous êtes directeur d’une administration portuaire et que vous ne respectez pas l’ordre de renflouer un bateau. Je crois comprendre qu’un représentant de l’Association des administrations portuaires de la Colombie-Britannique témoignera ici demain. Je vais donc le laisser vous expliquer ce qu’il en pense.

Des représentants de l’Association canadienne de droit maritime et du gouvernement se rencontrent annuellement. En mars ou en avril dernier, nous avons soulevé ce problème avec les représentants du gouvernement, qui nous ont indiqué que le projet de loi contenait une disposition d’immunité à l’article 128. C’est une disposition dont la formulation est très alambiquée et difficile à comprendre. Si nous en dégageons le sens, voici ce que l’article semble prévoir : la personne, autre que le propriétaire, qui, en application d’un ordre donné en vertu de ces trois alinéas, prend ou s’abstient de prendre des mesures est dégagée de toute responsabilité pénale, sauf s’il est établi que sa conduite n’était pas raisonnable en l’occurrence.

Bref, nous avons une double ou une triple négation. En gros, la personne doit avoir une conduite raisonnable, et cela ressemble passablement à une défense de diligence raisonnable. La majorité des lois de réglementation, comme la Loi sur les pêches ou la Loi sur la marine marchande du Canada, ont des dispositions sur la défense de diligence raisonnable. C’est une défense normale qui se trouve dans la majorité des lois de ce genre. Cela ressemble passablement à une défense de diligence raisonnable, mais ce n’est pas gagné d’avance. Il n’est pas très facile d’établir que vous avez eu une conduite raisonnable. À mon avis, dans ce cas précis, le gouvernement doit établir que l’autre a été déraisonnable, mais il n’arrive pas très souvent que le fardeau de la preuve soit renversé.

Lorsqu’une administration portuaire doit décider si elle obéit ou non à un ordre de la Garde côtière, que de telles peines pendent au-dessus de sa tête et qu’elle en sera passible selon le caractère raisonnable ou déraisonnable de sa décision de ne pas donner suite à l’ordre donné, elle subira alors d’énormes pressions pour donner suite à l’ordre compte tenu de ces peines et du vague concept de caractère raisonnable qui se dresse entre elle et ces peines.

Selon notre association, il n’est pas juste ou raisonnable d’imposer de telles sanctions ou peines à des non-propriétaires. Lorsque le ministre des Transports a comparu devant votre comité, j’ai remarqué qu’il a beaucoup mis l’accent sur l’objectif du projet de loi qui est d’imposer la responsabilité aux propriétaires des bâtiments. C’était son principal objectif, et il n’a rien dit au sujet de cet aspect, mais cela concerne des non-propriétaires qui sont passibles de sanctions pénales.

Voilà la très petite partie du projet de loi que notre association considère qu’il faut modifier. Nous sommes conscients qu’il est difficile d’amender un projet de loi qui a déjà été adopté par le Parlement, et nous avons cerné l’élément important que nous considérons comme un problème.

Dans notre mémoire, nous recommandons d’amender l’article 90 sur les sanctions administratives pécuniaires et l’article 110 pour tout simplement supprimer toutes les références à ces trois alinéas du projet de loi. Ce serait simple à faire. Il y aura peut-être quelques changements mineurs à apporter. Par exemple, pour ce qui est des définitions à l’article 89, il faudrait supprimer les références aux alinéas 36c) et 37(3)c).

Dans le mémoire, nous affirmons qu’il se peut qu’ils soient nécessaires de modifier l’article 128, mais j’ai revérifié et je ne crois pas que ce soit le cas. Il y aura peut-être d’autres modifications corrélatives. Il y aura peut-être une ou deux autres choses à modifier dans le projet de loi, mais il s’agirait d’amendements assez simples. C’est tout ce que j’ai à dire.

Le président : Dans le cas de l’enlèvement d’une épave, les sanctions s’appliquent-elles si les responsables n’ont pas terminé les travaux après 60 jours ou s’appliquent-elles même s’ils n’ont pas commencé les travaux? Que se passe-t-il lorsqu’un ordre est donné?

M. Caldwell : La limite de 60 jours ne concerne pas un ordre donné par les autorités. Dans le cas d’un bâtiment délabré, c’est une infraction de le laisser à un endroit pendant plus de 60 jours. C’est différent.

En ce qui concerne un ordre donné par les autorités, je n’en suis pas certain. Je présume que le ministère donnerait aux intervenants une date limite, mais je n’en suis pas certain.

Le président : Je vais poser une autre question avant de passer à la liste. Vous avez mentionné avoir des rencontres annuelles avec le gouvernement.

Vous trois, vous représentez trois organismes différents. Le gouvernement vous a-t-il consultés au moment de la rédaction du projet de loi?

M. Caldwell : Nous avons été consultés avant la rédaction du projet de loi, ce qui est la procédure normale. Nous avons présenté un mémoire, mais nous n’avons pas traité de cet enjeu. Il n’en était probablement pas question dans le document de discussion. Normalement, en raison du secret ministériel, nous ne recevons pas l’ébauche.

Le président : Et vous, monsieur Bender?

Capv Bender : Non. Nous n’avons pas été consultés.

Le président : Avez-vous fait des représentations au sujet de ces enjeux par le passé? Évidemment que oui.

Capv Bender : Eh bien, c’était devant le comité de la Chambre des communes. Oui.

Le président : Après la rédaction du projet de loi ou à d’autres occasions?

Capv Bender : C’était avant que le projet de loi soit terminé.

M. White : Je dirais simplement que je ne suis pas suffisamment important pour que le gouvernement me consulte avant de rédiger une mesure législative.

Le président : Merci.

[Français]

Le sénateur Cormier : Ma première question s’adresse à M. Caldwell. Merci d’avoir apporté cet éclairage sur ce projet de loi qui, effectivement, pose certains défis, notamment pour les petites régions et municipalités, et je songe par exemple aux petites installations portuaires. Vous suggérez d’apporter un amendement pour retirer cette question de pénalités. Avez-vous eu des discussions avec certaines administrations municipales concernant ce projet de loi? Quelles mesures alternatives proposez-vous pour assurer que les directives du ministère soient mises en œuvre, que ce soit pour des questions environnementales ou d’autres?

[Traduction]

M. Caldwell : En ce qui concerne les municipalités, nous ne les avons pas consultées. Pour ce qui est des solutions de rechange, nous ne voyons pas vraiment l’utilité d’imposer des peines. Une administration portuaire est le principal organisme qui en fera les frais. Il y a de nombreuses administrations portuaires partout au Canada, et ce sont des organismes bénévoles qui sont dirigés par des directeurs. Il y a une mesure législative dont j’oublie le nom qui prévoit que le gouvernement du Canada est chargé de l’administration de ces ports de pêche. Le gouvernement du Canada délègue ensuite cette responsabilité à l’administration portuaire, et c’est l’administration portuaire qui fait en gros le travail du gouvernement du Canada relativement à la gestion de ces ports de pêche.

Je ne pense pas qu’il est nécessaire de punir ces personnes qui rendent en gros service au gouvernement du Canada en s’occupant des administrations portuaires pour lui. Il ne devrait pas être nécessaire de leur imposer des peines pour que ces gens fassent leur travail. Je crois que c’est suffisant de les indemniser si ces personnes le font et de leur demander de s’en occuper. C’est leur travail et leur mandat de gérer un port de pêche dans l’intérêt des Canadiens. Je ne crois pas qu’il est nécessaire d’imposer des peines. Il en va de même pour les autorités portuaires et les municipalités. Je ne crois pas qu’il est nécessaire de leur imposer des peines si ces groupes ne s’en occupent pas.

[Français]

Le sénateur Cormier : Monsieur Bender, je veux vous remercier pour votre travail, pour votre contribution au Canada et pour ce projet que vous menez sur les sépultures océaniques. Avez-vous eu des réactions d’environnementalistes sur le fait de maintenir des épaves, ce qui pourrait avoir un impact sur l’environnement? Avez-vous eu des réactions de la part d’environnementalistes par rapport à votre projet?

[Traduction]

Capv Bender : Non. Absolument aucune réaction de ces groupes. Pas des environnementalistes; non.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Monsieur Caldwell, j’essaie de suivre votre raisonnement. En même temps, si on ne demande pas aux autorités portuaires d’agir rapidement, s’il n’y a pas de pression — et, dans ce cas-ci, c’est une pression qui dit que, si vous n’agissez pas, il y aura une punition —, est-ce qu’on ne risque pas de se retrouver dans la même situation qu’aujourd’hui, où les épaves vont demeurer longtemps dans les ports sans que personne s’en occupe? J’aimerais vous entendre à ce sujet. Lorsque vous parlez des non-propriétaires de bateaux, à part les autorités portuaires, qui, croyez-vous, sera le plus touché par ce projet de loi?

[Traduction]

M. Caldwell : Je vais répondre en premier à votre dernière question concernant les autres. Les municipalités ont beaucoup de problèmes avec des épaves préoccupantes. Il y aurait peut-être aussi les administrations portuaires, mais je n’en suis pas certain. La loi qui encadre les administrations portuaires prévoit certains outils. Il pourrait aussi s’agir tout simplement de propriétaires riverains qui aimeraient s’occuper des épaves présentes sur leur propriété.

Je ne veux pas ravir la vedette au représentant de l’Association des administrations portuaires qui témoignera demain, mais il vous en dira davantage sur les budgets limités des administrations portuaires et il vous expliquera qu’elles n’ont souvent pas la capacité d’intervenir en raison principalement de ressources insuffisantes. Je pourrais continuer, mais je ne veux pas ravir la vedette à la personne qui viendra vous parler demain. Je vous invite à demander au représentant de l’Association des administrations portuaires de la Colombie-Britannique de vous parler des problèmes que vivent les administrations portuaires quand vient le temps de renflouer des épaves et de prendre des mesures.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je cherchais davantage par ma question à vous demander la manière d’arriver à établir un équilibre. Si nous n’exerçons aucune pression sur les administrations portuaires, la situation risque de s’éterniser.

M. Caldwell : Je vous réponds en demandant pourquoi ce serait aux administrations portuaires de le faire. Il ne s’agit pas de leur bateau. Une autre personne a ancré ce bâtiment à cet endroit. Les travaux pour s’occuper de ces épaves coûtent des centaines de milliers dollars. Les administrations portuaires ont un budget très limité. C’est un problème, mais je ne crois pas que nous devrions forcer les administrations portuaires à prendre des mesures.

La sénatrice Galvez : Bonjour. Je vous remercie énormément de votre présence et de vos commentaires.

J’ai deux questions. Je suis très sensible et très réceptive au problème que M. Bender a soulevé aujourd’hui concernant les sépultures. J’essaie de comprendre si vous nous proposez de l’inclure dans ce projet de loi ou si vous nous proposez de rédiger un projet de loi distinct en vue de protéger les sépultures de guerre marines. C’est ma première question.

Capv Bender : Non. Je crois que l’adoption d’un projet de loi distinct prendra trop de temps. Pas moins de 75 ans se sont déjà écoulés, et les sépultures de guerre marines et les restes des marins qui se trouvent à bord ont sombré dans l’oubli depuis trop longtemps. C’est plus simple d’adopter la U.K. Protection of Military Remains Act. Elle a déjà servi à protéger des U-boats allemands. C’est une mesure législative éprouvée qui serait bien utile pour le Canada. Elle contribuerait certainement beaucoup à la réalisation de mes objectifs.

La sénatrice Galvez : Croyez-vous que nous pouvons amender le projet de loi pour incorporer par renvoi la loi du Royaume-Uni?

Capv Bender : Je ne tiens pas à parler de la manière de le faire. J’ai la conviction qu’il faut le faire, et des lois britanniques ont déjà été incorporées par renvoi dans le droit canadien, comme je l’ai mentionné dans mon exposé.

L’autre élément est que, quand je collaborais avec la marine royale pour que la loi du Royaume-Uni s’applique aux trois corvettes canadiennes étant donné que les épaves se trouvent en eaux territoriales britanniques, le gouvernement du Canada est intervenu et qu’il a dit qu’il n’appuyait pas mes démarches. Si le gouvernement canadien n’était pas intervenu, la loi britannique s’appliquerait actuellement aux trois corvettes canadiennes qui se trouvent en eaux territoriales britanniques.

La sénatrice Gagné : Monsieur Bender, merci beaucoup des services que vous avez rendus au Canada; nous vous en sommes très reconnaissants. J’espère que nous pourrons donner suite à votre suggestion. Nous verrons la manière dont se dérouleront les discussions.

Je présume que vous êtes favorable aux amendements qui sont proposés par le Projet Distinction Navale et M. White, n’est-ce pas?

Capv Bender : Je n’étais pas au courant de ces propositions avant de les entendre ce matin.

[Français]

La sénatrice Gagné : Monsieur Caldwell, j’essaie moi aussi de démêler ce que vous proposez. Ce que je comprends, c’est que, à toutes fins utiles, les administrations portuaires, les municipalités, les entreprises de bâtiments et de sauvetage seront indemnisées pour le travail qui sera fait pour une urgence et pour les épaves. Dans la mesure où ces organisations seront indemnisées pour ces travaux, elles feront partie de la solution. Maintenant, lorsqu’un ordre est émis, comment fait-on pour s’assurer qu’il est respecté, surtout lors de situations d’urgence, s’il n’y a pas de sanction au bout?

[Traduction]

M. Caldwell : Cette question comporte deux aspects. Premièrement, il y a l’indemnisation. Même s’il n’y a pas encore de mesures réglementaires et que nous n’en connaissons donc pas exactement le fonctionnement, j’ai l’impression que l’organisme devra effectuer les travaux et présenter ensuite une demande d’indemnisation. C’est semblable à ce qui se passe actuellement avec la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires. C’est une procédure similaire, mais il faut présenter votre demande d’indemnisation aux autorités qui ne l’acceptent pas toujours. Cela dépend du caractère raisonnable des frais engagés, et les autorités ne remboursent pas toujours tous les frais que vous avez engagés. Vous devez normalement payer vous-même les travaux et attendre longtemps pour recevoir un chèque. À mon avis, ce sera très difficile à faire en particulier pour les administrations portuaires qui ont des budgets serrés.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu’il s’agit de non-propriétaires. Demander à un propriétaire d’effectuer une telle tâche sur-le-champ me paraît juste. Mais de là à demander à un non-propriétaire de le faire, c’est différent; il pourrait s’agir d’une entreprise de remorqueurs qui vient apporter un secours immédiat pour empêcher qu’un navire s’échoue sur le rivage. On parvient donc à le retenir et à l’empêcher de percuter la terre ferme, mais cela nécessite beaucoup de travail. Or, il se peut que cette entreprise utilise ses bateaux à d’autres fins. Elle s’est engagée à s’en servir pour toutes sortes d’autres usages. Peut-elle ainsi rompre tous ses contrats avec ses autres clients pour aller passer peut-être trois mois à renflouer un bateau qui se trouve au fond de l’eau ou à le démanteler ou quelque chose de ce genre? Si le gouvernement veut confier cette tâche à quelqu’un, il devrait lancer un appel d’offres et trouver les gens disposés à faire le travail, retenir les services d’une entreprise de sauvetage pour renflouer le bateau, au lieu d’obliger les entreprises à accomplir ce travail, sous la menace de conséquences pénales. Il s’agit de non-propriétaires. D’un point de vue commercial, nous ne trouvons pas que c’est juste.

Le président : Ce sont presque des employés contractuels, n’est-ce pas?

M. Caldwell : Qui donc?

Le président : L’administration portuaire fait le travail au nom du gouvernement, pas vrai? N’est-ce pas ce que vous avez dit tout à l’heure? Ce sont des employés de l’administration portuaire, mais l’administration portuaire est une autre entité?

M. Caldwell : Le témoin de demain pourra peut-être donner une meilleure explication, mais en gros, ils ont un bail. On appelle cela un bail, mais ce n’en est pas vraiment un. Ils paient 1 $ ou 10 $ ou peu importe, et ils ont le mandat d’exploiter et de gérer l’administration portuaire ou les quais du gouvernement. Toutefois, il s’agit de conseils d’administration constitués de bénévoles. Cela varie d’une administration portuaire à l’autre, mais il y a d’habitude un employé à temps plein qui s’occupe de la gestion, en collaboration avec les conseils d’administration. Voilà grosso modo la situation.

La sénatrice Gagné : Êtes-vous au courant de problèmes actuels mettant en cause des administrations portuaires ou des municipalités qui refusent d’exécuter ce genre de travail?

M. Caldwell : Comme il n’y a pas actuellement de régime de directives, les administrations portuaires n’ont pas reçu d’instructions à cet égard, mais elles sont aux prises avec de nombreux bâtiments problématiques qu’elles n’ont pas encore enlevés, faute d’argent.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Capitaine Bender, je tiens à vous transmettre toute notre reconnaissance pour les services rendus à votre pays. Je me sens vraiment mal à l’aise, en tant que sénateur, d’être saisi d’un projet de loi qui manque une occasion de reconnaître le sacrifice de centaines de vies et de reconnaître ces lieux où des navires, aussi bien civils que militaires, ont coulé. À mon avis, nous manquons une chance unique. Je me sens surtout mal à l’aise parce que d’autres pays ont reconnu des navires canadiens sur leur territoire, alors que nous, grâce à ce projet de loi, aurions pu reconnaître ces sacrifices humains.

Monsieur White, comment expliquez-vous cette occasion manquée?

M. White : Merci de votre question, monsieur le sénateur.

[Traduction]

Nous n’avons pas vraiment eu l’occasion de braquer les projecteurs sur le problème. C’est grâce à l’initiative, aux recherches et aux efforts du capitaine Bender et grâce à une certaine couverture médiatique qu’il a reçue au début de 2018 que je me suis empressé d’appuyer tout ce qu’il a accompli. Le travail que je suis venu présenter au comité aujourd’hui repose indéniablement sur ses recherches. Tout le mérite revient au capitaine Bender.

Sans vouloir émettre des conjectures sur les raisons pour lesquelles le Canada a manqué ici une occasion, je dirais que c’est, en partie, parce que nos épaves se trouvent actuellement dans des endroits qui ne permettent pas trop d’importantes opérations d’assistance ou qui sont à l’abri de risques de profanation, même si des informations révélées dans la presse laissent entendre que certaines de nos épaves sont à risque. Si vous examiniez ce qui se passe aux navires de la marine royale ou à certains navires hollandais dans la mer de Java, au large de l’Indonésie, vous verriez des fosses communes, des ossements placés pêle-mêle dans des sacs en plastique et laissés dans des conditions tout à fait horribles, sans aucun respect. J’espère que le comité saisira l’occasion de proposer, à tout le moins, une mesure à cet égard.

Le sénateur Manning : Si je peux me le permettre, dans une autre vie, j’ai fait partie de l’administration portuaire de ma ville, à Terre-Neuve-et-Labrador, et ce, de façon entièrement bénévole. Comme M. Caldwell l’a expliqué, nous avions un employé à temps partiel pour la saison de pêche, qui s’occupait de nettoyer les quais et de ramasser les déchets, mais en gros, c’est fondé entièrement sur le bénévolat.

Le budget annuel de notre administration portuaire ne couvrirait pas les coûts de notre réunion d’aujourd’hui. Le budget reposait sur la perception de frais auprès des utilisateurs du port et tout le reste. Certains ports étaient grands alors que d’autres étaient petits, mais on aurait tort de rejeter la responsabilité sur ces bénévoles.

Je vais garder mes questions pour les représentants des administrations portuaires qui témoigneront demain.

J’aimerais également renchérir sur les propos de mes collègues : capitaine Bender, merci des services que vous avez rendus à notre pays, et il en va certainement de même pour vos compagnons d’armes. N’oublions jamais.

Je travaille actuellement à l’élaboration d’un amendement au projet de loi C-64 pour donner suite à certaines des préoccupations soulevées par le capitaine Bender. Je voudrais simplement obtenir quelques précisions. Il y a des discussions sur les navires patrimoniaux et sur la définition possible de ce concept. Voyez-vous une différence entre un « navire patrimonial » et un navire militaire qui constitue une sépulture de guerre?

Capv Bender : Il est difficile de répondre à cette question. En raison de mon service, je souscris à l’idée que les navires de guerre et les navires marchands sont des sépultures de guerre marines. Quant à la question de savoir s’ils ont une valeur patrimoniale, c’est là une décision émotive, voire politique. Je m’inquiète du sort des centaines de marins canadiens dont les restes gisent dans ces sépultures de guerre marines et qui ont été négligés pendant trois quarts de siècle.

Si vous voulez les appeler des sites patrimoniaux, je n’y vois pas d’inconvénient. Pour ma part, je préfère m’en tenir à l’expression « sépultures de guerre marines », sans plus.

M. White : Pour enchaîner sur ce que le capitaine Bender vient de dire, l’importance de son idée de sépulture de guerre marine tient au fait qu’un bien patrimonial engloberait les aspects matériels — par exemple, l’acier, les navires —, un peu comme si on disait qu’un cercueil est une caisse en bois ou en métal. Or, la présence de restes humains revêt une importance particulière. Voilà l’aspect qui, selon moi — et le capitaine Bender serait peut-être du même avis —, ne serait pas pris en compte dans les lois sur le patrimoine. C’est pourquoi nous préconisons des sanctions supplémentaires liées à la perturbation de restes humains ou de lieux de sépulture.

Le sénateur Manning : Merci.

Capitaine Bender, dans votre exposé, vous avez dit que le gouvernement du Canada pourrait rédiger une nouvelle législation semblable à la Protection of Military Remains Act de 1986 du Royaume-Uni afin de protéger les sépultures de guerre marines du Canada. Cependant, dans cette loi, on ne les appelle pas « sépultures de guerre marines ».

Capv Bender : En effet, cette expression n’y est pas utilisée.

Le sénateur Manning : Il n’empêche que cela désigne la même chose et, au bout du compte, vous estimez que ce projet de loi, à l’instar de la loi britannique, englobera ce concept?

Capv Bender : Oui.

Le sénateur MacDonald : Je vous remercie tous les trois de vos témoignages aujourd’hui. Mes questions s’adressent au capitaine Bender. Avant de vous les poser, je suis curieux de savoir une chose : sur quelle côte avez-vous servi dans la Marine — à Halifax, au Cap-Breton ou en Grande-Bretagne?

Capv Bender : J’ai servi sur les deux côtes. J’ai servi à bord de sous-marins, de contre-torpilleurs et de frégates sur la côte Est, et j’ai pris un navire de Halifax jusqu’à Esquimalt pour aller servir sur la côte Ouest.

Je me suis enrôlé dans la Réserve navale des Forces canadiennes sur le NCSM Hunter à Windsor, en Ontario.

Le sénateur MacDonald : Mon père et son frère aîné ont tous deux servi dans la marine marchande, et j’avais trois autres oncles dans la Marine durant la Seconde Guerre mondiale. J’ai toujours été frappé par le fait — et, à mon avis, c’est là une partie du problème — que la marine marchande n’a jamais été appréciée à sa juste valeur, que ce soit, bien franchement, par la Légion pendant les premières années ou par les autorités en général. Mon père et son frère ont passé de longs mois dangereux en mer; ils sont partis de Louisbourg sur la côte Est du Cap-Breton durant la guerre pour aller livrer des fournitures. Le frère cadet de mon père, qui a servi à Terre-Neuve, était dans l’armée et il a été réputé avoir servi à l’étranger. Il était membre à part entière de la Légion. Par contre, mon père et son frère ne pouvaient jamais être légionnaires. Ils avaient seulement le droit d’être membres du club, même si leur travail était beaucoup plus dangereux à l’époque.

Pourquoi le gouvernement aurait-il parlé aux autorités britanniques pour leur dire qu’il n’appuierait pas cette mesure? Quelle était son objection?

Capv Bender : Je ne sais vraiment pas pourquoi le gouvernement s’y est opposé. J’ai une copie d’un courriel que j’ai reçu, dans lequel on me dit ce que le gouvernement du Canada a fait. Je peux vous lire une phrase, si vous voulez.

Le sénateur MacDonald : Oui, s’il vous plaît.

Capv Bender : La voici :

Je vous écris afin de donner suite à la demande de notre bureau pour envoyer une lettre au haut-commissariat britannique au sujet des épaves de navires de guerre. Le gouvernement du Canada ne fournira pas de lettre à l’appui de ce projet.

Le sénateur MacDonald : Est-ce qu’on précise la section du gouvernement ou l’autorité qui en est à l’origine?

Capv Bender : Ce courriel vient du bureau de la députée Karen McCrimmon.

M. White : Je sais que les fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada viendront témoigner après nous, mais si j’ai bien compris la préoccupation exprimée, le gouvernement estimait que le droit international aurait suffi à assurer une protection, d’où l’inutilité d’adopter une loi nationale limitée ou de faire une demande officielle à ce sujet. Le comité aurait peut-être intérêt à faire un suivi là-dessus.

Le sénateur MacDonald : Mais, bien entendu, le droit international n’aurait aucun effet sur les épaves en eaux intérieures. Je pense au SS Rose Castle, qui a coulé après avoir été attaqué par un navire allemand et au bord duquel deux personnes de ma ville ont perdu la vie. Pourquoi ces préoccupations ne s’appliqueraient-elles pas?

M. White : C’est quelque chose sur lequel j’aimerais obtenir de plus amples renseignements. À notre avis, les pays les mieux placés pour appliquer des mesures de protection seraient ceux qui ont des épaves dans leurs eaux territoriales.

Le sénateur MacDonald : J’en conviens. Merci.

Le président : Les représentants d’Affaires mondiales ont annulé leur comparution. Ils ont envoyé un courriel, que je demanderai à la greffière de distribuer à tout le monde.

La sénatrice Simons : Le sénateur MacDonald m’a volé ma première question. Je dirai que même si je viens de l’Alberta et que je souffre parfois de cécité face aux enjeux océaniques, mon regretté beau-père, qui a grandi sur une ferme en Saskatchewan, avait également servi dans la marine marchande à la fin de la guerre. Les gens des Prairies sont donc conscients, eux aussi, que notre pays est bordé d’océans.

J’ai des questions à poser au capitaine Bender et à M. White.

Je comprends parfaitement ce que vous dites au sujet des sépultures de guerre marines, à savoir qu’elles constituent une question délicate qui suscite des émotions, mais d’après vous, y a-t-il un moment où il serait justifié, sur le plan historique ou scientifique, de permettre l’exploration d’une épave? Je ne parle pas d’une émission de téléréalité où des plongeurs vont chercher des ossements, mais pensez-vous qu’il serait un jour justifié de mener un projet de recherche universitaire? Au fur et à mesure que l’histoire s’éloigne du présent, à quel moment une telle intervention devient-elle une recherche archéologique valable plutôt qu’une profanation?

Capv Bender : Je n’aurais aucune objection aux examens archéologiques de ces navires. Ce qui m’inquiète, c’est que les équipements de plongée sportive sont tellement perfectionnés de nos jours que des gens peuvent plonger en profondeur jusqu’à l’emplacement de ces navires et ramasser des choses, y compris des restes humains. Voilà ce qui me préoccupe.

Manifestement, certains de ces navires revêtent une importance archéologique. Je ne pense pas que ce soit le cas pour les navires canadiens parce qu’ils sont trop petits et relativement anodins. Les navires britanniques, hollandais et américains qui ont coulé dans la mer de Java, par exemple, sont des cuirassés et, en tant que tels, ils sont importants.

Le problème, c’est qu’il ne reste aucun vestige de ces navires, comme l’attestent les faits, parce que des plongeurs sont allés récupérer tous les morceaux. La seule preuve, c’est la présence d’un creux au fond de l’océan.

La sénatrice Simons : Y a-t-il une disposition quelconque dans la loi britannique qui permet la tenue d’une recherche légitime?

Capv Bender : Oui, il y en a. Je ne connais pas particulièrement bien cette loi. Sachez toutefois que des fouilles archéologiques sont constamment menées au Royaume-Uni.

La sénatrice Simons : Nous parlons de navires qui ont sombré durant la Seconde Guerre mondiale. Qu’arriverait-il si un navire militaire coulait aujourd’hui à cause d’un accident, et non à cause d’une attaque ennemie, ou que se passerait-il si, dans 20 ans, il y avait un naufrage à cause d’une opération de l’ennemi? Cette mesure législative s’appliquerait-elle comme vous l’imaginez, sachant que le projet de loi vise strictement les navires perdus entre 1939 et 1945, ou entrevoyez-vous une mesure législative qui pourrait être utilisée à l’avenir, même si le naufrage du navire n’a pas eu lieu en situation de combat?

Capv Bender : Ma définition de sépulture de guerre marine se limite aux navires qui ont été perdus durant la bataille de l’Atlantique, de 1939 à 1945. Cela dit, ce ne sont pas tous les navires qui ont été perdus en raison d’interventions ennemies. Certains navires ont fait naufrage à cause de mauvaises conditions météorologiques. J’ai le dossier d’un navire qui a été détruit lorsqu’il est entré en collision avec quelqu’un. L’essentiel, c’est que chacune de ces sépultures de guerre marines contient les restes de marins; il faudrait donc faire une distinction.

La sénatrice Simons : Monsieur White, que pensez-vous des tragédies plus contemporaines? La protection devrait-elle s’appliquer, selon vous?

M. White : Sénatrice, je souscris aux observations du capitaine Bender. La loi britannique comporte un double avantage. Premièrement, l’accès aux épaves serait limité à la discrétion du ministre responsable. Il serait donc permis d’effectuer des études ou des recherches ayant une valeur archéologique ou de réaliser des documentaires si une demande était présentée au ministre et qu’elle était acceptée. Il y a donc, à tout le moins, un mécanisme de contrôle.

Deuxièmement, la loi en vigueur au Royaume-Uni peut être prospective. Notre préoccupation, comme nous l’avons déjà dit au comité de la Chambre, c’est que les dispositions en matière de patrimoine qui relèvent de Parcs Canada s’appliqueraient aux épaves qui datent d’au moins 50 ans. Par conséquent, si quelque chose arrivait demain ou à l’avenir, ce ne serait pas nécessairement couvert. C’est pourquoi nous considérons un amendement au projet de loi C-64 comme une mesure intérimaire, dans l’espoir que le tout soit suivi d’une loi distincte à l’avenir.

Le président : Merci beaucoup, chers témoins.

Avant de passer à nos prochains témoins, j’aimerais vous présenter la sénatrice Donna Dasko qui sera une nouvelle membre permanente du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Bienvenue.

Voici notre deuxième groupe de témoins : Mme Ellen Bertrand, directrice, Stratégies du patrimoine culturel; Mme Mary Lou Doyle, gestionnaire, Politiques du patrimoine culturel et législation; et, enfin, Marc-André Bernier, gestionnaire, Archéologie subaquatique.

Madame Bertrand, je crois comprendre que c’est vous qui commencez. La parole est à vous.

Ellen Bertrand, directrice, Stratégies du patrimoine culturel, Parcs Canada : Monsieur le président, distingués membres du comité, bonjour. C’est un honneur pour moi de me présenter devant vous aujourd’hui pour discuter du rôle de Parcs Canada dans la protection et la gestion des épaves à valeur patrimoniale du Canada dans le contexte de cette étude sur le projet de loi C-64.

Parcs Canada protège et met en valeur des exemples significatifs — du point de vue national — du patrimoine naturel et culturel du Canada, et il gère 47 parcs nationaux, 4 aires marines nationales de conservation et 171 lieux historiques nationaux.

La Loi sur l’Agence Parcs Canada fait de Parcs Canada l’organisme fédéral responsable de tout ce qui a trait à l’archéologie et au patrimoine bâti. Au cours des 50 dernières années, Parcs Canada s’est forgé une réputation à l’échelle mondiale comme chef de file dans le domaine de l’archéologie subaquatique grâce à des projets comme les fouilles d’une baleinière basque du XVIe siècle à Red Bay, au Labrador. Il est actuellement le seul organisme gouvernemental du Canada qui possède la capacité opérationnelle voulue pour évaluer et gérer les épaves à valeur patrimoniale. Ce savoir-faire est prodigué par l’équipe que dirige mon collègue Marc-André Bernier. Parmi les exemples très médiatisés des travaux de cette équipe, mentionnons les recherches menées récemment par nos archéologues subaquatiques sur les épaves des navires de sir John Franklin, le HMS Erebus et le HMS Terror, au Nunavut.

En vertu de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, qui est toujours en vigueur, le ministre des Transports et le ministre responsable de Parcs Canada ont conjointement le pouvoir d’instituer des règlements pour protéger et préserver les épaves à valeur patrimoniale. Ces pouvoirs de réglementation sont entrés en vigueur en 2007, mais aucun règlement du genre n’a encore été adopté. Selon le projet de loi C-64, ces pouvoirs seront dorénavant régis par l’article 131 de la nouvelle loi. Qu’il soit adopté en vertu de la loi existante ou de la nouvelle loi, le règlement définira le terme « épave à valeur patrimoniale » afin qu’il soit exempt de certaines dispositions liées aux opérations d’assistance, comme l’admissibilité à une indemnité de sauvetage, qui pourrait viser l’épave proprement dite.

Ces pouvoirs de réglementation permettront la création d’un répertoire des épaves à valeur patrimoniale et imposeront une exigence liée à la déclaration des nouvelles découvertes. Le règlement définira également les activités nécessitant un permis, comme la recherche d’épaves à valeur patrimoniale, la tenue de fouilles et le retrait d’artefacts.

Les épaves militaires ne représentent qu’une petite proportion des milliers d’épaves historiques que l’on trouve au Canada, mais elles n’en sont pas moins importantes. Parcs Canada estime qu’on a repéré dans les eaux canadiennes au moins 50 épaves militaires appartenant à des gouvernements étrangers, lesquelles viennent s’ajouter aux épaves de navires et d’avions des Forces canadiennes. Il pourrait y en avoir une centaine d’autres qui n’ont pas encore été découvertes. Quelque 90 % des épaves militaires historiques se trouvant en eaux canadiennes appartiennent à un gouvernement étranger, dont le Royaume-Uni, la France et les États-Unis.

Dans certains cas, Parcs Canada a reçu d’un gouvernement étranger le mandat d’assurer en son nom une gestion adéquate de ces épaves. Par exemple, la gestion des épaves du HMS Erebus et du HMS Terror, au Nunavut, était régie par un protocole d’entente entre le Canada et le Royaume-Uni jusqu’en avril 2018, c’est-à-dire jusqu’au moment où le Royaume-Uni en a fait officiellement don et que le Canada et les Inuits en sont devenus copropriétaires.

Aux termes d’un futur règlement sur les épaves à valeur patrimoniale, le Canada pourra assurer à ces épaves militaires étrangères une protection contre les perturbations non autorisées. Il suffira pour cela de clarifier la façon dont le règlement s’appliquera aux bâtiments militaires.

Dans son libellé actuel, le paragraphe 5(1) du projet de loi C-64 soustrait les bâtiments et les aéronefs militaires à l’application de la loi proposée. Cette exclusion cherche à éviter que les lois fédérales n’entravent les activités militaires de la marine et à assurer le respect de l’immunité des bâtiments de guerre des États souverains.

Dans le contexte de la protection des sépultures de guerre marines, le ministère de la Justice a confirmé l’existence d’un flou juridique, à savoir si le règlement sur les épaves à valeur patrimoniale qui serait institué en vertu de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada ou du projet de loi C-64 pourrait s’appliquer aux épaves de bâtiments et d’aéronefs militaires. Un amendement pourrait être apporté au projet de loi C-64 afin de préciser que la protection accordée par règlement s’étendra aux épaves militaires, et pour permettre à Parcs Canada de travailler en collaboration étroite avec ses homologues du ministère de la Défense nationale pour rédiger le meilleur règlement possible, lequel veillerait à assurer la protection des épaves militaires tout en évitant de nuire aux activités opérationnelles des bâtiments militaires.

Les épaves deviennent souvent le dernier lieu de repos de ceux et celles qui périssent à bord. Presque tous les navires de la Marine royale canadienne qui ont sombré en eaux canadiennes ont causé la mort d’au moins une personne. Cependant, il arrive que l’on découvre des restes humains dans d’autres épaves.

[Français]

Le naufrage du RMS Empress of Ireland témoigne de cette réalité déchirante. Lorsque le paquebot a sombré dans l’estuaire du Saint-Laurent en 1914, plus d’un millier de passagers et de membres d’équipage ont perdu la vie, ce qui a fait de cette tragédie le pire désastre maritime en temps de paix de l’histoire du Canada. Après des années de pillage, la province de Québec a adopté des mesures juridiques extraordinaires pour protéger cette épave en particulier.

Pour sa part, le règlement proposé pour protéger les épaves à valeur patrimoniale protégerait automatiquement ce type de sépulture sous-marine des perturbations non autorisées. Un tel règlement aiderait également le Canada à ratifier des accords internationaux visant à protéger les épaves à l’échelle internationale, y compris celles où on trouve des restes humains.

En 2001, le Canada et 85 autres pays ont voté en faveur de la Convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique de l’UNESCO. Les États membres ont convenu de collaborer à la protection du patrimoine culturel subaquatique des hautes mers se trouvant sur leur territoire. À ce jour, 58 États parties ont signé la convention. Avant de la ratifier, le Canada doit prouver qu’il a pris des mesures nécessaires pour protéger le patrimoine culturel subaquatique, y compris les épaves à valeur patrimoniale.

[Traduction]

De la même façon, le Canada a collaboré avec les États-Unis, le Royaume-Uni et la France à la rédaction d’un accord visant à protéger l’épave du RMS Titanic, qui repose à la limite du plateau continental du Canada, au-delà de la limite des 200 milles nautiques de la zone économique exclusive.

Ce naufrage a fait plus de 1 500 victimes — 1 517, pour être exact. Depuis la découverte de l’épave, en 1985, des explorateurs ont pénétré dans la coque et en ont retiré plus de 5 900 artefacts, en grande partie à des fins commerciales et lucratives. Même si l’accord n’est pas encore en vigueur, il promeut la préservation in situ de l’épave à titre de monument commémoratif et de lieu historique.

Le règlement sur les épaves à valeur patrimoniale qui sera proposé pourrait s’appliquer à l’extérieur du territoire canadien et offrir des outils juridiques pour réglementer les activités des particuliers et des navires canadiens qui se rendent sur les lieux du naufrage.

L’établissement d’un tel règlement et de dispositions garantissant son application aux bâtiments militaires serait une façon efficace de protéger toutes les épaves à valeur patrimoniale situées dans les eaux canadiennes, y compris celles qui peuvent être considérées comme des sépultures de guerre marines. À cette fin, Parcs Canada continue d’examiner les travaux déjà réalisés dans ce domaine. Il a aussi eu des échanges préliminaires avec Transports Canada, le ministère de la Défense nationale et Anciens Combattants Canada au sujet des options envisageables pour la création d’un régime de réglementation qui protégerait les épaves à valeur patrimoniale aux termes des pouvoirs de réglementation conjoints actuels.

En outre, Parcs Canada collabore avec la Garde côtière canadienne pour cerner les lacunes des inventaires d’épaves patrimoniales et d’épaves préoccupantes, et les liens qui existent entre eux.

En créant un cadre juridique et un régime de gestion clairs, la loi visée par le projet de loi C-64 et le règlement qui en découlera permettront au gouvernement du Canada de protéger ces importants sites subaquatiques du patrimoine culturel.

Merci. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

Le président : Merci, madame Bertrand.

[Français]

Le sénateur Cormier : Merci de votre présentation. Le rapport sur les sépultures de guerre marines du Canada contient une affirmation de M. White, que nous avons entendu plus tôt, et elle se lit comme suit :

M. White a soulevé ce point avec vigueur et a affirmé qu’un règlement ne permettait pas, sur le plan symbolique, de refléter toute l’importance des sépultures de guerre marines. Il a affirmé qu’en ajoutant simplement les sépultures de guerre marines à d’autres biens patrimoniaux, le gouvernement ne respecterait pas « l’esprit de ce que constitue réellement une sépulture de guerre marine. »

À la lumière de ce qu’on entend sur l’importance des sépultures et des épaves, est-ce qu’un règlement suffirait? Ne faudrait-il pas carrément une loi qui permettait d’assurer l’encadrement et la protection des sépultures et des épaves?

Mme Bertrand : Le cadre réglementaire, comme il est décrit dans le projet de loi et dans la loi existante, permettrait à Parcs Canada de créer des définitions convenables pour la protection de telles épaves. On pourrait créer toute une classe d’épaves, qui rejoindrait peut-être les aspirations ou la définition proposée par M. White. On a la flexibilité requise, dans le cadre réglementaire, pour créer des définitions et décrire quels types d’épaves seraient protégés dorénavant.

Le sénateur Cormier : Je comprends que vous travaillez avec Transports Canada, mais comment collaborez-vous avec les gens qui sont en mesure de créer ces définitions? La tâche de définir les catégories d’épaves et de sépultures me semble assez complexe. Comment procédez-vous à Parcs Canada?

Mme Bertrand : Comme tout projet de règlement, il y a tout un processus de consultation. Nous avons déjà tenu des discussions avec des provinces et des territoires. Par la suite, il y a un processus de consultation auprès du public. Dans nos efforts en vue de bâtir un cadre réglementaire, nous irions consulter tous les intervenants qui ont un intérêt et des idées à suggérer par rapport aux définitions et à d’autres mesures.

Le sénateur Cormier : Quel genre de mesures, par exemple?

Mme Bertrand : Par exemple, si M. White élaborait des définitions concrètes dans ces règlements, nous en ferions l’examen et en discuterions avec lui, avec les provinces et les territoires et avec les plongeurs récréatifs.

Marc-André Bernier, gestionnaire, Archéologie subaquatique, Parcs Canada : D’une part, nous travaillons de très près avec les autres ministères impliqués, dont le ministère de la Défense nationale et le ministère des Anciens Combattants. Vous avez raison de dire que ça peut être compliqué de définir des sous-classes, mais notre groupe travaille dans le monde des épaves depuis plus de 50 ans. Nous comprenons bien la problématique, la dynamique et les nuances en ce qui a trait à la sépulture océanique ou à la sépulture marine.

On parle souvent d’un navire qui était en action militaire. C’est beaucoup plus complexe que cela, parce que certains navires ont péri pendant le transport ou pendant d’autres opérations. Alors, comment capturer ces navires-là? Il y a probablement plus d’une centaine de navires étrangers dans nos eaux. Il s’agit d’adopter une compréhension plus globale et particulière. L’expertise que nous apportons à la table peut nous aider à définir tout cela de façon générale, mais aussi de façon particulière. Je pense que la réglementation peut nous aider pour ce qui est des navires qui pourraient survenir. On a la flexibilité d’intervenir en adoptant une couverture globale ou en nommant spécifiquement une épave. On veut se donner cette flexibilité.

Le sénateur Boisvenu : Bienvenue à nos invités. Je suis très heureux d’entendre que vous adhérez à la protection de ces monuments historiques, c’est-à-dire les navires militaires qui ont coulé, si ce n’est que par respect pour les Canadiens qui ont donné leur vie pour notre pays.

J’ai quelques questions plus techniques. Vous dites que les règlements adoptés en 2007 n’ont jamais été mis en place.

Mme Bertrand : Le pouvoir de créer des règlements est là depuis 2007, mais aucun règlement n’a jamais été déposé ni mis en application.

Le sénateur Boisvenu : Quelle en est la raison?

Mme Bertrand : Comme vous l’avez entendu, c’est très complexe. Il y a un chevauchement de compétences entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires. Donc, cela exige...

Le sénateur Boisvenu : Même dans le domaine militaire?

Mme Bertrand : Pas dans le domaine militaire, mais plutôt par rapport à la protection des épaves et de la compétence des provinces et des territoires et du gouvernement fédéral dans les eaux.

Le sénateur Boisvenu : Le capitaine disait plus tôt que des pays comme la France ont protégé des navires canadiens en territoire français comme lieux de sépulture et que le Canada ne le fait pas pour ses propres navires. Est-ce une question de volonté politique ou de règlement?

Mme Bertrand : C’est peut-être une question qui relève de Transports Canada par rapport à la compétence en matière de navigation dans les eaux canadiennes.

Le sénateur Boisvenu : Lorsqu’on décide de reconnaître qu’un navire canadien a coulé en eaux canadiennes, c’est un geste, à mon avis, relativement « facile » sur le plan réglementaire. Si on sait qu’un navire a coulé à tel endroit, que 50 ou 100 personnes y ont perdu la vie, alors on décrète que ce territoire est une sépulture militaire, non?

Mme Bertrand : Aucune loi, à l’heure actuelle, ne nous permet de le faire facilement, sauf la Loi sur les lieux et monuments historiques du Canada. Il y a quelques épaves, d’ailleurs, qui ont été désignées comme lieu historique, ce qui est assez rare, ou comme événement historique.

Le sénateur Boisvenu : Mais pas comme sépulture marine.

Mme Bertrand : Pas comme sépulture marine.

Le sénateur Boisvenu : Si le projet de loi C-64 était amendé et qu’on introduisait un tel article, est-ce que cela faciliterait le travail?

Mme Bertrand : Oui, parce qu’on pourrait créer une sous-catégorie d’épave qu’on pourrait appeler « sépulture marine ». À ce moment-là, il y aurait une définition précise et ce serait une sous-catégorie liée à une définition des épaves à valeur patrimoniale.

Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup de cette précision. Cela nous aide.

[Traduction]

Le sénateur Manning : Je ne suis pas sûr de bien comprendre ce que vous dites au sujet de la définition des différents navires. Que devrions-nous faire pour donner à votre ministère ou à un autre ministère — je sais que vous travaillez en collaboration avec d’autres ministères — le pouvoir de définir ce qu’est une sépulture de guerre marine ou de nous dire comment élaborer une telle définition? En fin de compte, allons-nous passer notre temps à chercher cette définition? Je sais comment fonctionne le gouvernement et je sais qu’il faut beaucoup de temps pour que trois ou quatre ministères différents s’entendent sur quoi que ce soit, surtout sur une définition. Même si nous modifions ce projet de loi pour répondre aux préoccupations du capitaine Bender et d’autres intervenants, pouvez-vous nous expliquer ce processus et nous dire combien de temps cela prendra?

Mme Bertrand : La première chose, c’est de s’assurer de signifier clairement que le règlement pourrait s’appliquer aux navires militaires. Le libellé de la loi actuelle et les dispositions du projet de loi C-64 ne sont pas clairs à cet égard. L’étape la plus importante consiste à clarifier la réglementation afin qu’elle puisse s’appliquer aux navires militaires tels qu’ils seront définis en collaboration avec les autres parties concernées. Si cela est fait et qu’un objectif commun est convenu — celui de protéger les navires qui reposent au fonds de nos océans —, l’élaboration des définitions et du règlement pourrait être relativement facile.

Nous avons réfléchi à cela au fil des ans. L’une des approches largement acceptées est de recourir à une définition générale de manière à ce que les navires de plus d’un certain âge soient protégés d’office. Avec la convention de l’UNESCO, cet âge est de 100 ans. Au Canada, comme nous l’avons entendu plus tôt, le recul envisagé est de 50 ou 60 ans, ce qui permettrait au moins d’englober les navires qui ont participé à la Seconde Guerre mondiale. La proposition d’une protection générale à laquelle viendra se greffer tout un régime de permis faciliterait un peu les choses. La création d’une définition spéciale pour les sépultures de guerre marines ou d’un sous-ensemble ou d’une catégorie, ou la définition de conditions spéciales pour ces définitions demanderait un peu plus de travail. Nous espérons qu’un règlement aura été élaboré et promulgué en 2020.

Le sénateur Manning : Vous avez dit qu’il y a des navires d’autres pays qui ont coulé dans les eaux canadiennes et qui, dans certains cas, seraient considérés comme des sépultures de guerre marines. Est-ce qu’il arrive que d’autres pays nous contactent pour nous poser des questions à ce sujet? Comment ces sépultures sont-elles protégées? Si un navire du Royaume-Uni coule au large des côtes canadiennes, le Royaume-Uni dispose d’une loi qui protège les sépultures de guerre marines. Comment cela s’applique-t-il de notre côté?

Mme Bertrand : Je vais laisser M. Bernier répondre à cela, mais il faut savoir que cette loi s’applique dans les eaux britanniques. À l’heure actuelle, nous n’avons pas de loi qui s’applique dans les eaux canadiennes. M. Bernier a de l’expérience dans la protection et le recensement des navires appartenant à d’autres gouvernements.

M. Bernier : La première chose qu’il faut savoir, c’est que le droit international maintient la souveraineté du pays où se trouve l’épave. À l’heure actuelle, nous n’avons pas de loi fédérale pour protéger les épaves d’autres pays, mais nous avons la responsabilité de les protéger. Nous y voyons en collaboration avec les provinces et les territoires.

Dès qu’une épave militaire d’un autre pays est découverte et que nous savons sans l’ombre d’un doute de quel pays elle est — ce n’est pas très clair avec les épaves anciennes —, nous contactons ce pays afin de discuter des moyens à prendre pour bien la protéger. Les décisions concernant ces épaves sont prises au terme de discussions avec les pays concernés.

La chose à faire est donc d’avoir un dialogue avec ces quatre pays, et nous en avons un. La loi dont nous avons besoin pour assurer cette protection serait renforcée par la réglementation.

Cela répond-il à votre question?

Le sénateur Manning : Dans les autres pays où elles existent, ces lois ne s’appliquent qu’aux eaux intérieures. Y a-t-il un endroit dans le monde où l’application dépasse la couverture nationale? Par exemple, le Canada pourrait-il déterminer quelque chose pour protéger un navire de guerre canadien qui aurait sombré au large des côtes de la Grande-Bretagne?

M. Bernier : Nous devons compter sur la Grande-Bretagne pour ce faire. C’est pourquoi les signataires de la Convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique de l’UNESCO s’engagent à protéger ces épaves par le contrôle de leurs ressortissants, si vous voulez. Si un navire canadien tente de piller certaines de ces épaves d’autres pays, c’est au Canada qu’il incombe d’intervenir.

[Français]

La sénatrice Gagné : Merci. Mes questions vont dans le même sens que celles du sénateur Manning.

Si je comprends bien, il n’y a que la convention qui encadre le Canada en ce qui a trait à la protection des épaves à valeur patrimoniale ou même des sépultures océaniques de guerre qui se trouvent dans les eaux internationales ou à l’étranger. Est-ce bien le cas?

M. Bernier : Dans les eaux internationales, oui, mais dans les eaux territoriales d’un autre pays, nous devons travailler avec le pays en question. Nous comptons sur les lois de ce pays pour protéger ces épaves, d’où le cas de la France, qui a une loi qui couvre toutes les épaves. À ce moment-là, les deux épaves canadiennes sont protégées de facto. En Angleterre, c’est une législation spéciale qui protège ces épaves, et il faut en faire la demande.

Dans le cas du Canada, l’approche proposée dans la réglementation est une garantie globale, une « blanket coverage », à partir d’un certain âge, ce qui nous assure automatiquement que les épaves appartenant à d’autres pays seront protégées. Cela nous permet également, si on le souhaite, de protéger ponctuellement une épave qui aurait coulé.

La sénatrice Gagné : Ce que je comprends de vos interventions, c’est que vous proposez de passer par le cadre réglementaire pour atteindre votre but. Vous ne proposez pas nécessairement un amendement au projet de loi?

Mme Bertrand : En tant qu’agence fédérale, on ne peut pas le faire, mais si on voulait que notre autorité protège les vaisseaux militaires, il nous faudrait un amendement à ce projet de loi.

La sénatrice Gagné : Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président : Alors pourquoi ne l’avez-vous pas fait?

Mme Bertrand : Pourquoi n’avons-nous pas fait quoi, exactement?

Le président : Pourquoi n’avez-vous pas utilisé le règlement pour protéger les sépultures militaires? Si vous dites que c’est faisable...

Mme Bertrand : Tel qu’il existe à l’heure actuelle, le pouvoir de réglementation ne s’applique pas de façon claire aux bâtiments militaires qui sont dans les eaux canadiennes... C’est le problème que nous essayons de résoudre. Dans leur forme actuelle, la Loi sur la marine marchande du Canada et le projet de loi C-64 font en sorte de soustraire les bâtiments militaires à l’application de toutes les parties de la loi afin de ne pas nuire aux opérations militaires. C’est là qu’il y a de l’incertitude : dans l’application de notre régime de réglementation aux navires militaires. Il faudrait que le projet de loi C-64 soit amendé afin qu’y soit précisé que l’article 131 peut s’appliquer aux navires de guerre ou aux autres navires appartenant à un État.

Le président : Afin que les bâtiments militaires perdus en temps de guerre puissent être désignés sépultures de guerre, c’est bien cela?

Mme Bertrand : Oui. Nous pouvons définir des catégories et des sous-catégories d’épaves patrimoniales en collaboration avec d’autres personnes que cela intéresse. Qu’il comprenne ou non des navires militaires, le règlement nous permettrait de définir les épaves patrimoniales en sous-catégories. Cette idée d’une protection générale pour les navires d’un certain âge est un type de définition que nous pourrions avoir. Nous pourrions également créer une annexe spéciale où le ministre pourrait inscrire les épaves de navires d’une importance particulière qu’il conviendrait de protéger aux termes de ce régime, que le naufrage ait eu lieu cette année, il y a deux ans ou il y a dix ans.

Le président : Mettons tout ça de côté. Parlons de la question soulevée par le groupe précédent, qui veut protéger les restes des soldats ou des marins disparus en temps de guerre. Votre pouvoir de réglementation actuel vous permet-il de faire cela? Disons qu’il ne s’agit pas d’un site à valeur patrimoniale, mais d’une sépulture de guerre. Pouvez-vous faire cela maintenant?

Mme Bertrand : Pas avec certitude, car le projet de loi, tel qu’il est rédigé, ne prévoit pas clairement la protection des navires militaires par voie réglementaire. Si un amendement était proposé pour veiller à ce que le règlement puisse également s’appliquer aux navires militaires, nous aurions la souplesse et les outils nécessaires pour créer des définitions et pour protéger les navires qui seraient considérés comme des sépultures de guerre marines.

Le sénateur Galvez : Je pense que vous éclaircissez les choses. Le groupe précédent a présenté avec frustration les efforts qu’il a déployés depuis je ne sais combien d’années pour protéger ces sépultures marines. Il semble qu’il y avait des façons faciles et des façons plus difficiles d’y arriver. Ils n’ont pas obtenu d’appui pour leur demande au gouvernement du Royaume-Uni. Vous venez de dire que nous n’avons qu’à demander, mais c’est ce qu’ils ont fait, et le gouvernement a dit non.

Et maintenant, nous sommes saisis du projet de loi C-64.

[Français]

Ce que vous dites, c’est que, dans son libellé actuel, le paragraphe 5(1) du projet de loi soustrait les bâtiments et les aéronefs militaires à l’application de la loi proposée.

[Traduction]

Vous dites que ce n’est pas suffisant. Nous avons besoin de plus de clarté. Quels sont les mots-clés qui doivent figurer dans le projet de loi C-64 pour qu’il y ait une exception...

[Français]

— les sépultures sous-marines de guerre.

[Traduction]

Vous voulez cela afin que, plus tard, vous puissiez continuer à faire ce vous avez dit que vous feriez pour les protéger. Quelle est la période visée? Il semble qu’il y ait une certaine urgence parce que nous n’avons pas été capables de protéger ces épaves comme nous aurions dû le faire depuis de nombreuses années, c’est bien cela?

Mme Bertrand : Je m’en remets humblement aux rédacteurs législatifs de ce projet de loi pour modifier le libellé afin que nous puissions atteindre notre objectif, soit celui de faire en sorte que les navires militaires soient inclus. Si un amendement en ce sens est adopté, il nous incombera, en tant qu’organisme gouvernemental travaillant avec d’autres ministères comme la Défense nationale et les Transports — et toujours en comptant sur le savoir-faire des rédacteurs législatifs du projet de loi — d’élaborer ce règlement. Comme je l’ai dit plus tôt, nous souhaitons être en mesure de l’élaborer au cours de l’année à venir, en 2019, afin qu’il puisse entrer en vigueur en 2020. Il s’agit d’un processus et d’un échéancier à peu près normaux pour l’élaboration d’un règlement, surtout si l’on considère qu’il y aura beaucoup de consultations avec de nombreux intervenants, dont ceux que nous avons entendus aujourd’hui, les plongeurs amateurs, ainsi que les provinces et territoires qui ont également compétence sur le patrimoine situé à l’intérieur de leurs frontières.

La sénatrice Galvez : Monsieur le président, savez-vous qu’un tel amendement est à l’étude? En fait, le sénateur Manning a dit qu’il avait l’intention d’y voir.

Le président : Nous en avons parlé lors d’une réunion antérieure et je pense que nous en reparlerons demain, avant de passer à l’ultime étape.

La sénatrice Galvez : Vous y travaillez. D’accord.

Le sénateur Manning : Le libellé est en cours d’élaboration et il englobera ce que nous avons entendu aujourd’hui.

Le président : Nous en discuterons demain.

Le sénateur Manning : D’après ce que je peux voir, il faudra que ce soit renvoyé aux rédacteurs.

La sénatrice Galvez : Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai une question de précision, car j’essaie de comprendre.

Vous avez dit que vous n’avez pas adopté certains règlements depuis 2007 à cause de questions de compétence. Cela fait-il référence aux sépultures de guerre? Je n’arrive pas à comprendre le rapport.

Mme Bertrand : Non. Le cadre réglementaire n’a pas été développé et mis en place, parce que c’est un enjeu assez complexe qui exige beaucoup de consultations et de discussions.

Dans le contexte actuel, cela ne toucherait pas les sépultures marines, faute d’amendement, faute de cadre pouvant s’appliquer aux sépultures.

M. Bernier : Dans le cas des épaves, il y a une double compétence, c’est-à-dire que, conformément à la Loi sur la marine marchande du Canada — et maintenant avec cette proposition de loi —, il y a une compétence fédérale et une compétence provinciale, parce que, en ce qui concerne les fonds marins où reposent les épaves, il y a aussi des lois qui s’appliquent au niveau des provinces.

Chaque province a un régime différent et une approche différente. Dans certains cas, il faut que le site soit identifié comme étant un site archéologique. Dans d’autres cas, on parle de toutes les épaves d’un certain âge. Donc, il faut tenir des discussions avec chaque province, ce qui rend le processus assez complexe.

La sénatrice Miville-Dechêne : Nous avons des navires qui pourraient devenir des sépultures marines qui sont dans des fonds marins où il y a des réglementations provinciales. Je les voyais plutôt dans les eaux extérieures.

M. Bernier : Oui, si une épave repose dans le fond marin, il y a une responsabilité provinciale.

La sénatrice Miville-Dechêne : Y en a-t-il?

M. Bernier : Oui, il y en a.

La sénatrice Miville-Dechêne : Y a-t-il des vaisseaux militaires?

M. Bernier : Oui, absolument.

Mme Bertrand : Il y a actuellement une contradiction par rapport aux lois provinciales et territoriales et à la Loi sur la marine marchande du Canada. En ce moment, cela permet d’aller les chercher les navires et de se faire dédommager. De plus, il y a un conflit entre les lois provinciales et la loi fédérale. Les provinces nous ont dit qu’elles souhaitaient voir une cohérence entre les compétences provinciales et ce qui se fait au niveau fédéral.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci beaucoup.

[Traduction]

La sénatrice Simons : Je sais que c’est peut-être un peu en dehors de votre champ de compétence, pour ainsi dire, mais vous avez évoqué l’article 5, qui, clairement, exclut tout naufrage militaire de la discussion. C’est probablement parce que les militaires veulent éviter que les gens s’emparent des tonnes de secrets et de trucs à la fine pointe de la technologie qui pourraient se trouver à bord d’un navire coulé. Or, si nous modifions le projet de loi comme nous avons parlé de le faire, nous devrons certainement modifier l’article 5 pour exclure les épaves historiques.

Je comprends que les militaires ne veulent pas que des plongeurs amateurs aillent fouiller autour d’un bâtiment militaire. C’est évident. Mais d’après ce que vous dites et d’après ce que je lis, nous devrions également modifier l’article 5 pour exclure les épaves historiques.

Mme Bertrand : C’est ce que je crois comprendre. L’un des principaux amendements à l’article 5 consisterait à faire en sorte qu’il s’applique aux navires militaires. Outre les secrets militaires, il y a des cas de munitions non explosées et d’autres aspects sur lesquels il nous faudra travailler en étroite collaboration avec le ministère de la Défense. Nous avons déjà travaillé avec ce ministère pour récupérer des munitions non explosées dans des navires ayant sombré dans les eaux d’un parc national, alors disons que nous serions en terrain connu.

La sénatrice Simons : Je suis content de savoir que quelqu’un sait comment faire, parce que ça a l’air terrifiant.

La sénatrice Gagné : Lorsque nous parlons d’« épaves militaires », est-ce que cela signifie les navires et les avions?

Mme Bertrand : Oui.

La sénatrice Gagné : Devrions-nous faire cette distinction?

Mme Bertrand : La définition se trouve dans la partie 4, où l’on aborde la question du « receveur d’épave », et elle établit clairement que les épaves sont des navires et des aéronefs.

[Français]

Le sénateur Cormier : J’aimerais revenir à ma question de départ. Il y a la Convention sur le patrimoine culturel subaquatique de l’UNESCO et il y a de nombreux pays qui ont adopté des lois, car ce sont des enjeux importants. Je sais que vous n’êtes pas des législateurs, mais une loi qui encadrerait tous ces aspects pourrait-elle être utile? Considérant qu’il n’y a pas que Parcs Canada qui s’occupe de ces aspects et que cela touche beaucoup de ministères au pays, serait-ce utile pour vous d’avoir une loi qui structurerait l’ensemble de ces considérations?

Mme Bertrand : Je crois que l’autorité que nous avons, en collaboration avec Transports Canada, pour la création d’un cadre réglementaire pourrait nous aider à atteindre tous ces objectifs. Il y a beaucoup de dispositions dans la loi actuelle et dans le projet de loi qui nous aideraient à définir et à créer un système de permis pour permettre de faire de la recherche ou de la plongée récréative. Nous croyons fermement que l’autorité que nous avons, dans la loi actuelle et dans le projet de loi, nous donnerait tout ce qu’il nous faut s’il y avait un amendement pour couvrir les épaves militaires.

[Traduction]

Le président : Parcs Canada a-t-il été consulté à propos de ce projet de loi?

Mme Bertrand : Oui. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec Transports Canada.

Le président : Cette question n’a donc jamais été soulevée?

Mme Bertrand : L’interprétation de l’article 5 a fait l’objet de discussions. Comme je l’ai mentionné plus tôt, notre conseiller juridique a indiqué qu’il y avait un manque de clarté. Nos discussions des derniers mois avec le ministère des Transports ont porté sur la façon de clarifier ces choses.

Le président : N’y a-t-il pas eu de discussion au sujet de la grande probabilité que des navires aient coulé avec des gens à leur bord?

Mme Bertrand : Non, cette discussion ne s’est pas tenue en tant que telle, car, comme vous le savez et comme nous l’avons entendu plus tôt, le ministère des Transports est très axé sur la sécurité publique.

Le président : Je sais, mais vous ne l’êtes pas.

Mme Bertrand : Nous le sommes. C’est pourquoi nous serions favorables à un amendement qui garantirait que le règlement puisse s’appliquer aux navires militaires, car cela nous permettrait ensuite de travailler à un régime visant à protéger ces épaves et à dissuader les gens de les perturber.

Le président : Avez-vous plaidé en faveur de cet amendement lorsque le projet de loi a été rédigé?

Mme Bertrand : Nous n’étions probablement pas aussi présents que nous aurions dû l’être au tout début de la rédaction du projet de loi. Cependant, au fur et à mesure que nous avons pris conscience du transfert du pouvoir conjoint, nous avons commencé à interagir avec nos collègues du ministère des Transports, lesquels se sont montrés très ouverts à la collaboration pour ce projet de loi complexe et volumineux.

Le président : Votre ministre y a-t-elle participé?

Mme Bertrand : À ma connaissance, pas directement. Nous travaillons surtout à l’échelon des fonctionnaires, mais elle est au courant de ce projet de loi et de son pouvoir de réglementation.

Le président : Et je présume qu’elle est pour. Est-ce le cas?

Mme Bertrand : Absolument.

Le président : Y a-t-il d’autres questions? Si vous n’avez pas d’autres questions, merci beaucoup.

Avant que vous ne partiez, j’aimerais dire aux membres du Comité qui seront les témoins de demain. Pour la deuxième fois, la Fédération maritime du Canada s’est décommandée. Je présume qu’ils ne viendront pas. Demain, nous accueillerons l’Association nationale des manufacturiers de produits nautiques, la Chambre de commerce maritime et l’Association d’autorité de port de Colombie-Britannique. Ce sont des témoins importants, et ils seront regroupés en un seul groupe d’experts. Une fois cette partie de la séance terminée, nous procéderons à l’étude article par article du projet de loi afin d’en faire rapport à la Chambre. Nous partirons de là.

Je vous remercie beaucoup.

(La séance est levée.)

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