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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature
Volume 137, Numéro 100

Le jeudi 3 décembre 1998
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 3 décembre 1998

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Français

Visiteur de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'aimerais vous présenter un distingué invité dans nos tribunes. Il s'agit de son honneur le maire de Montréal, M. Pierre Bourque. M. Bourque a d'abord été élu en 1994, et il a été réélu cette année, en 1998. Monsieur Bourque, nous vous souhaitons la bienvenue.

 


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Son Honneur M. Pierre Bourque

Maire de Montréal

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je vous remercie de bien vouloir saluer le maire de la plus vieille ville française d'Amérique, le pilier du Québec.

Plusieurs sénateurs se souviendront d'une grande personnalité au Sénat, surtout un grand Canadien français du Québec, le regretté Jean Marchand. Il a été député, ministre, sénateur et Président du Sénat. Il disait - et c'est toujours vrai - que Montréal est le coeur économique du Québec et que si Montréal fonctionne bien, le Québec fonctionne bien et si le Québec fonctionne bien, il est heureux. Et si le Québec est heureux, le Canada ne peut faire autrement que bien s'en porter. Ce sont des paroles qu'il faut répéter.

J'ai été très honoré d'être un des partisans de M. Bourque, non pas dans les derniers moments quand cela allait bien, mais dès les premiers moments de son arrivée en 1994. Je ne l'ai jamais quitté. Vous vous souviendrez que j'avais demandé la permission de dire quelques mots le lendemain de l'élection, mais comme il y avait plusieurs sénateurs qui voulaient faire des déclarations, j'ai retardé la mienne. Dans un sens, c'est très bien puisque aujourd'hui, au lieu de parler de lui, je vous le présente.

C'est une personnalité qui comprend très bien le rôle important de la cité. Montréal est une ville qui ne veut pas vivre dans le passé. Montréal veut vivre dans l'avenir. C'est une ville où il y a 40 p. 100 de Canadiens d'origines autres que canadienne-française et qui totaliseront bientôt 50 p. 100 de la population.

[Traduction]

C'est un exemple à suivre.

Je suis heureux qu'il ait rencontré aujourd'hui le premier ministre du Canada. Il a également rencontré, entre autres, l'honorable Martin Cauchon et l'honorable Sheila Copps.

[Français]

M. Bourque a un excellent rapport avec sa population. Vous vous souviendrez que toute la presse avait prévu en mai dernier qu'il ne serait pas réélu.

[Traduction]

Parti avec 13 p. 100 des intentions de vote en mai, il a remporté la victoire avec 44,2 p. 100 des voix. Pourtant, certains disent encore qu'il n'a pas obtenu un clair mandat. M. Bouchard a obtenu 42,7 p. 100 des voix et il est le premier ministre du Québec. L'élection du premier ministre du Canada, avec 38,5 p. 100 des voix, n'a pas été contestée.

[Français]

Monsieur le maire, avec votre 44,5 p. 100, vous pouvez aller de l'avant. Tous les sénateurs conservateurs et libéraux de Montréal, tous les députés veulent s'unir pour rendre la vie plus facile à Montréal. Je le répète:

[Traduction]

Si la ville de Montréal est contente, le Québec le sera aussi, et si le Québec est content, le Canada le sera également.

 

La Journée nationale de commémoration

Neuvième anniversaire de la tragédie à l'École polytechnique

L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, nous commémorons le neuvième anniversaire d'un acte de violence contre des femmes tellement choquant et tragique qu'il est devenu depuis un symbole d'action dans le pays tout entier.

Le Massacre de Montréal, comme on l'appelle, s'est produit le 6 décembre 1989, un jour où comme à l'ordinaire les étudiants de l'École polytechnique assistaient à leurs cours ou se retrouvaient à la cafétéria.

(1410)

Leur vie a été bouleversée par un homme tellement perturbé par ses propres problèmes qu'il est entré dans une classe avec une arme semi-automatique, a écarté les hommes et, en proclamant sa haine des féministes, a tué 14 jeunes femmes. Il s'est tué lui-même après avoir mis fin à leurs espoirs et à leurs aspirations.

Nommons-les encore une fois: Geneviève Bergeron, Hélène Colgan, Natalie Croteau, Barbara Daigneault, Anne-Marie Edward, Maud Haviernick, Barbara Marie Klueznick, Maryse Laganière, Maryse Leclair, Anne-Marie Lemay, Sonia Pelletier, Michelle Richard, Annie Saint-Arnault et Annie Turcotte.

Derrière ces noms, il y a des familles et des amis qui n'oublieront jamais. Des femmes et des hommes se joindront à eux en fin de semaine pour assister à des cérémonies qui se tiendront partout au pays afin de donner plus de poids à notre engagement de mettre un terme à la violence dans notre société.

Le triste héritage que nous laissent ces jeunes femmes, c'est l'adoption d'une Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes. Comme toujours, nous examinons les statistiques, espérant qu'elles se seront améliorées, mais sachant qu'elles demeurent désespérément élevées - qu'il s'agisse de la violence sexuelle, psychologique ou physique, des agressions, du harcèlement ou du meurtre.

Des femmes de tout âge, enfants ou personnes âgées, sont constamment la cible de violences. Nous avons appliqué un contrôle des armes à feu; nous avons rendu plus sévères beaucoup de peines prévues par la loi; nous avons créé des refuges; nous avons sensibilisé la population par tous les moyens possibles, mais c'est clair que nous sommes loin d'avoir changé les attitudes ainsi que les conditions sociales et économiques qui favorisent la crainte, l'insécurité et le désespoir qui, à leur tour, engendrent la colère et la violence.

Honorables sénateurs, il ne s'agit pas seulement des femmes. Les hommes sont aussi des victimes, parce que ces attitudes et ces conditions de vie se retrouvent dans toutes les couches de la société. Ce sont les plus vulnérables qui sont le plus durement touchés. Il importe que nous tous, en cette enceinte, femmes et hommes, profitions de toutes les occasions que nous offre notre situation privilégiée pour appuyer les solutions et inciter au changement.

La seule tolérance que nous devrions avoir est la tolérance zéro contre toutes les formes de violence dans un pays que nous voulons prévenant et attentif. Ces 14 jeunes femmes, honorables sénateurs, nous diraient de laisser faire les excuses et de nous mettre au travail.

Des voix: Bravo!

[Français]

L'honorable Shirley Maheu: Honorables sénateurs, dimanche marquera le neuvième anniversaire où 14 jeunes femmes ont été abattues, dans la fleur de l'âge, à l'École polytechnique de Montréal. Pour plusieurs d'entre nous, le 6 décembre marque un jour de souvenir, un jour pour réfléchir à la violence faite aux femmes.

Aujourd'hui, honorables sénateurs, nous pleurons, nous nous souvenons, nous réfléchissons sur le sort de ces jeunes femmes qui ne réaliseront jamais leurs rêves et sur qui se fondait l'espoir de parents terrassés par un geste brutal qui a mis une fin abrupte à ces jeunes vies. Je vous prie de vous joindre à moi pour communiquer aux familles et aux amis des jeunes victimes notre compassion et notre désarroi, avec l'espoir que cette commémoration favorisera une meilleure éducation et mettra éventuellement fin à la violence faite aux femmes.

 


[Traduction]

 

AFFAIRES COURANTES

Le Budget des dépenses de 1998-1999

Présentation et impression en annexe du rapport du comité des finances nationales sur le Budget supplémentaire des dépenses (B)

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le septième rapport du Comité permanent des finances nationales concernant l'examen du budget supplémentaire des dépenses (B) déposé au Parlement pour l'année financière se terminant le 31 mars 1999.

Je demande que le rapport soit imprimé en annexe des Journaux du Sénat de ce jour et qu'il fasse partie du compte rendu permanent de cette Chambre.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Le texte du rapport figure à l'annexe «A», p. 1144, des Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Stratton, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

 

La Loi sur la concurrence

Projet de loi modificatif-Rapport du comité

L'honorable David Tkachuk, vice-président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, présente le rapport suivant:

Le jeudi 3 décembre 1998

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce à l'honneur de présenter son 

DIX-HUITIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-20, Loi modifiant la Loi sur la concurrence et d'autres lois en conséquence, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 17 novembre 1998, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis, 

Le vice-président,
DAVID TKACHUK

(Le texte de l'annexe du rapport figure à l'annexe «B», p. 1154, des Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Callbeck, l'étude du rapport et la troisième lecture sont inscrites à l'ordre du jour de la séance du mardi 8 décembre 1998.)

 

L'ajournement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose, appuyée par l'honorable sénateur Perrault:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au lundi 7 décembre 1998, à 16 heures.

Son Honneur le Président: Permission accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

 

L'hormone de croissance recombinante bovine

Avis de motion autorisant le comité de l'agriculture et des forêts à déposer le rapport final auprès du greffier du Sénat

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, je donne avis que le mardi 8 décembre 1998, je proposerai:

Que, relativement à l'ordre adopté par le Sénat le 14 mai 1998 d'étudier l'hormone de croissance recombinante bovine et ses effets sur la santé des humains et des animaux, le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

 

Les droits de la personne

Avis de motion portant création d'un comité permanent

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je donne avis que le mardi 8 décembre 1998, je proposerai:

Que le paragraphe 86(1) du Règlement du Sénat soit modifié en insérant immédiatement après l'alinéa q) le nouvel alinéa r) suivant:

«r) Le Comité sénatorial des droits de la personne et des libertés fondamentales, composé de douze membres, dont quatre constituent un quorum, auquel sont déférés, sur ordre du Sénat, les projets de loi, messages, pétitions, interpellations, documents et autres matières concernant les droits de la personne et les libertés fondamentales».
(1420) 

Projet de loi d'intérêt privé

L'Office épiscopal catholique romain du Mackenzie-Projet de loi modificatif-Rapport du comité

Permission ayant été accordée de revenir à la présentation de rapports de comités permanents ou spéciaux:

L'honorable Lowell Murray, président du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, a l'honneur de présenter le rapport suivant:

Le jeudi 3 décembre 1998

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l'honneur de présenter son 

QUATORZIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi S-20, Loi modifiant la loi constituant en personne morale l'Office épiscopal catholique romain du Mackenzie, a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 29 octobre 1998, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec les modifications suivantes:

 

1. Page 1, Préambule: remplacer la ligne 10 par ce qui suit:
«a été érigé en diocèse comme diocèse de Mackenzie-Fort Smith par l'autorité ecclé-».
2. Page 2, Article 1:
a) remplacer la ligne 27 par ce qui suit:
«1. Le titre intégral du»;
b) remplacer les lignes 31 et 32 par ce qui suit:
«épiscopal catholique romain de Mackenzie-Fort Smith».
3. Page 2, Article 2:
a) remplacer la ligne 1 par ce qui suit:
«2. L'article 1 de»:
b) remplacer les lignes 3 et 9 par ce qui suit:

«1. Le très révérend Gabriel Breynat et ses successeurs à titre de vicaires apostoliques du vicariat apostolique du Mackenzie et d'évêques du diocèse de Mackenzie-Fort Smith, en communion avec l'Église de Rome, sont par les présentes constitués en personne morale sous le nom de «Office épiscopal catholique romain de Mackenzie-Fort Smith», ci-après nommé «l'Office».».

Respectueusement soumis, 

Le président,
LOWELL MURRAY, c.p.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Murray, au nom du sénateur Taylor, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

 


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le solliciteur général

Le traitement infligé par la GRC aux manifestants lors de la conférence de l'APEC-La possibilité d'en saisir un comité sénatorial-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, hier soir, Ed Ratushny, professeur de droit à l'Université d'Ottawa, a déclaré ce qui suit à l'émission The National Magazine diffusée par la CBC:

 

... la suggestion que nous devrions attendre la fin de l'enquête et qu'elle répondra à toutes nos questions, ce qui n'est pas vrai, risque d'engendrer des attentes irréalistes au sein du Parlement. Cette affaire a une dimension politique qui a sa place dans le débat politique qui a lieu actuellement. Même si la responsabilité du premier ministre et de son cabinet ne fait pas partie du mandat de la commission, elle fait certainement partie du mandat du Parlement.
Par conséquent, le leader du gouvernement accepterait-il la suggestion de mon collègue le sénateur Carney, qui propose que le Sénat fasse enquête sur les questions qui ne relèvent pas de la Commission des plaintes du public contre la GRC?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme je l'ai déjà dit, un processus est déjà en place pour enquêter sur les événements survenus pendant le sommet de l'APEC à Vancouver. Le gouvernement a entièrement confiance dans la Commission des plaintes du public contre la GRC. La commission est un organisme indépendant sur lequel le gouvernement n'a aucun contrôle. Même s'il voulait arrêter l'enquête, il n'a pas l'autorité pour le faire.

Les opinions sont partagées dans cette affaire. Le sénateur Kinsella a cité l'opinion donnée hier soir à la télévision de la CBC par le professeur Ratushny. J'ai moi-même reçu récemment une opinion différente.

Je vais lire quelques paragraphes d'une lettre dont je me ferais un plaisir de déposer une copie. Elle vient d'un organisme bien connu, l'Association pour la défense des libertés civils de la Colombie-Britannique. Elle est datée du 30 novembre 1998 et m'est adressée. Le chef de l'opposition en a peut-être déjà reçu une copie.

Il y est dit entre autres:

Monsieur,

Objet: Les audiences de la Commission des plaintes du public contre la GRC relatives aux événements survenus au sommet de l'APEC en novembre 1997.

Ces dernières semaines, des voix se sont élevés demandant que le Parlement mette fin aux audiences de la Commission des plaintes du public contre la GRC (CPP) relatives aux événements survenus l'an dernier au sommet de l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique (APEC) et les remplace par une enquête judiciaire. L'Association pour la défense des libertés civiles de la Colombie-Britannique (BCCLA) s'oppose à une telle mesure.

La lettre énumère un certain nombre de raisons que je ne lirai pas ici.

Le sénateur Carney: Lisez-en quelques-unes.

Le sénateur Graham: Si les honorables sénateurs y consentent, je serai heureux de déposer la lettre.

La lettre poursuit:

En tant que plaignante aux audiences en cours de la CPP, la BCCLA insiste pour que la lumière soit faite sur ces allégations. Or, en raison des nouveaux retards accumulés, certaines personnes commencent à douter que la CPP ne puisse jamais faire toute la lumière sur cette affaire. Un plaignant a même recommandé aux membres du groupe d'examen de démissionner en bloc afin de forcer le gouvernement à ordonner une enquête judiciaire indépendante.

La BCCLA n'abonde pas en ce sens. Même si nous contestons certains aspects de l'enquête, dont le refus de financer les services d'avocats pour les plaignants, nous craignons ce qu'il pourrait advenir si la CPP ne pouvait pas mener à bien son mandat.

Si la CPP n'était pas autorisée à poursuivre ses audiences, le public pourrait y voir la preuve que l'organisme est inapte à enquêter sur les incidents entourant la conférence de l'APEC, ce qui pourrait gêner le rôle important qu'elle peut jouer, de façon plus générale, en tant que mécanisme civil de surveillance de la GRC.

Il faut se rappeler que les audiences de la CPP visent d'abord et avant tout l'établissement des faits. Quantité de preuves ont été colligées et 120 témoins seront convoqués [...]

Je suppose que parmi eux figureront le chef de cabinet du premier ministre et l'ancien directeur des opérations.

 

[...] pour déposer sous serment au sujet des incidents de l'automne dernier et se soumettre à un contre-interrogatoire par les avocats, y compris ceux représentant la BCCLA. Il est clair que la CPP a le mandat et la volonté pour achever sa mission.

À notre avis, les audiences de la CPP présentent plusieurs avantages par rapport à toutes les autres formes d'enquête:

Par souci de brièveté, je vais omettre l'énumération de ces avantages. La lettre continue ensuite:

De plus, il est peu probable que le remplacement du processus actuel par une enquête judiciaire puisse permettre de résoudre ces questions plus rapidement ou plus efficacement. Une enquête judiciaire s'exposerait aux mêmes contestations et aux mêmes manoeuvres juridiques que la CPP. L'abandon du processus actuel et les retards qui en résulteront ne pourraient qu'encourager à l'avenir tout groupe qui participe aux travaux d'une commission et qui dispose d'importantes ressources pour retenir les services d'avocats à mobiliser ses ressources pour faire dérailler l'enquête s'il croit que les conclusions lui seront défavorables.

L'association croit si fermement à cette position qu'elle affirme dans le dernier paragraphe que:

 

[...] si un tribunal devait décider que le groupe d'examen actuel de la CPP n'est pas en mesure de poursuivre ses travaux, nous serions d'accord pour qu'un nouveau groupe soit nommé immédiatement pour entendre nos plaintes. Il n'appartient ni au gouvernement en place, ni à la GRC de décider quand et comment on doit enquêter sur les plaintes.

En résumé, la CPP n'a pas fini son enquête et nous ne sommes pas prêts à rester là à ne rien faire pendant qu'on fait avorter tout le processus.

La lettre est signée par le président Andrew Irvine. Il est indiqué sur mon exemplaire qu'une copie de la lettre a été transmise à la Commission des plaintes du public contre la GRC.

(1430)

Les administrateurs honoraires de l'Association pour la défense des libertés civiles de la Colombie-Britannique comptent des Canadiens bien connus et respectés, dont David Barrett, Ron Basford, c.r., et Thomas Berger, c.r.

Le sénateur Carney: Ce sont tous des socialistes.

Le sénateur Graham: Kim Campbell, Andrew Coyne, Gordon Gibson, Mike Harcourt, Rafe Mair, Svend Robinson et David Suzuki ainsi que de nombreux autres éminents Canadiens.

Avec la permission du Sénat, je serais heureux de déposer cette lettre.

Des voix: Bravo!

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée de déposer le document?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, je suis heureux que nous ayons maintenant au Sénat au moins un document sur cette tragédie.

Par quoi devrais-je commencer? Peut-être par d'autres parties de la lettre. Par exemple, à la page 2, le dernier paragraphe traite de la grande préoccupation de l'association au sujet de la Commission des plaintes du public contre la GRC, qui est le meilleur forum selon elle. Pourquoi? Parce qu'elle craint la tenue d'une enquête judiciaire. Que dit-elle donc? Elle dit que la Commission des plaintes du public «n'est pas une enquête judiciaire dont le mandat pourrait être établi par le Cabinet de manière à éviter les questions délicates sur le plan politique...» Elle est très sage et très perspicace.

De plus, à la page suivante, elle déclare:

Contrairement à une enquête judiciaire, à laquelle le gouvernement en place pourrait mettre un terme prématurément, comme il l'a fait dans le cas de l'enquête sur la Somalie [...]

On peut comprendre pourquoi la plaignante, qui comparaîtra devant la Commission des plaintes du public contre la GRC, ne voudrait pas d'une enquête judiciaire.

L'honorable leader du gouvernement nous a fait remarquer que M. Svend Robinson est l'un des administrateurs honoraires de l'association. Hier soir, toujours à cette émission de la CBC, M. Robinson a déclaré que l'ancien premier ministre Mulroney «comprenait et respectait le fait que, en tant que députés de l'opposition au Parlement, notre rôle consistait à rechercher la vérité.»

Je rappelle aux honorables sénateurs et au leader du gouvernement au Sénat que, dans les années 1970, nous avons eu la Commission royale MacDonald sur les mauvaises actions de la GRC. Pendant que cette commission poursuivait ses travaux, le comité de la justice de la Chambre des communes a convoqué et entendu des témoins. Il y a aussi l'enquête Krever, qui n'a pas empêché le gouvernement d'apporter des changements au système d'approvisionnement du sang pendant que la commission effectuait ses travaux. En fait, il y a aussi l'affaire El-Mashat. Alors même que l'enquête se poursuivait, M. Mulroney a donné l'occasion au Parlement de découvrir la vérité. Pour reprendre les paroles de l'actuel ministre des Affaires étrangères, qui sera au Sénat plus tard cet après-midi, - et peut-être cela lui rappellera-t-il ce qu'il avait dit en 1991 - saurons-nous la vérité, oui ou non?

Si nous n'avons pas attendu que le Parlement intervienne à cette époque, même si des commissions et d'autres tribunes se penchaient sur des affaires d'abus de pouvoir, pourquoi attendre maintenant?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je suggère simplement que nous demandions de suivre le processus établi tant auprès de la Commission des plaintes du public qu'auprès de la Cour fédérale. Cette dernière est d'ailleurs saisie de plusieurs affaires. J'ai entièrement confiance dans les deux organismes et je ne voudrais certainement pas faire échouer le travail important qu'ils ont à faire.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, j'ai deux questions complémentaires. Je pense que beaucoup de sénateurs de ce côté-ci comprennent cela, mais pas moi.

Le leader du gouvernement au Sénat veut-il dire que la commission d'enquête de la GRC sur l'affaire de l'APEC a le droit de convoquer des témoins qui travaillent pour des ministres pour les interroger sur leur rôle dans cette affaire?

Le sénateur Graham: Oui. Honorables sénateurs, à mon avis, elle en a le droit.

Le sénateur Tkachuk: Si la commission enquêtait sur la conduite des agents de la GRC dans leur enquête entourant l'affaire Airbus, elle aurait le droit de convoquer des hauts fonctionnaires du gouvernement et de la Couronne - tous ceux qu'elle voudrait, d'après votre déclaration - pour comparaître devant elle et témoigner à propos de leur rôle dans cette enquête, est-ce exact?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, la décision en aurait incombé à la commission qui faisait l'enquête et qui était chargée de cette responsabilité, selon son mandat. Celui de la Commission des plaintes du public, que j'ai exposé l'autre jour, et je le répète, consiste à faire enquête sur toutes les questions ayant rapport avec ces plaintes.

Le sénateur Tkachuk: Par conséquent, honorables sénateurs, dans certains cas, ces commissions le font et dans certains cas, elles ne le font pas, selon ce que le gouvernement estime qu'elles devraient faire ou pas. Est-ce exact?

Le sénateur Graham: Non, cela dépend du mandat.

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, si l'interprétation du leader du gouvernement au Sénat était juste, nous la respecterions évidemment. Cependant, si le ministre se trompait dans son interprétation et si la Commission des plaintes du public se déclarait incapable de s'occuper de ces questions politiques relatives au personnel politique et aux ordres politiques, le leader du gouvernement au Sénat s'engagerait-il, au nom du gouvernement, à appuyer la proposition de tenir des audiences du Sénat à ce sujet?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, il serait présomptueux et aléatoire de préjuger de ce qui se passera dans l'avenir. Nous serons cependant tout disposés à examiner la question le moment venu.

L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question complémentaire. Vu que le leader du gouvernement au Sénat accorde beaucoup d'importance à la lettre qui a été déposée aujourd'hui, j'aimerais savoir s'il est d'accord avec ce que dit le paragraphe suivant:

Comme l'indiquent les documents annexés, il y a tout lieu de croire, à première vue, que le cabinet du premier ministre n'est pas demeuré neutre face aux travaux de la commission. Ces documents ont été sélectionnés parmi des milliers de pages de témoignages qui ont été déposés devant la CPP. Ils nous paraissent être en rapport avec nos plaintes puisqu'ils viennent renforcer l'opinion selon laquelle les droits fondamentaux des Canadiens en matière de liberté d'expression pourraient avoir été violés et qu'il se pourrait que le cabinet du premier ministre ait indûment tenté d'utiliser la GRC à des fins politiques.

Étant donné que le leader du gouvernement au Sénat semble être d'accord avec tout ce que dit la lettre, le ministre souscrit-il également au contenu de ce paragraphe?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, nous sommes d'accord avec l'élément principal de la lettre qui, je le rappelle au sénateur Ghitter, est que tant que la Commission des plaintes du public n'aura pas procédé à un examen de toute la preuve documentaire qui lui a été soumise, nous ne connaîtrons pas toute la vérité.

Le sénateur Ghitter: Honorables sénateurs, j'ai une dernière question complémentaire. L'honorable sénateur croit-il alors que si le premier ministre est convoqué par la commission, il ira déposer?

Le sénateur Graham: Ce sera à lui de décider.

 

La défense nationale

L'âge de la flotte d'hélicoptères Labrador-La possibilité de louer des appareils de rechange pour les missions de recherche et de sauvetage-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, j'ai une question pour le leader du gouvernement au Sénat. L'honorable sénateur sait que d'autres hélicoptères ont été frappés d'interdiction de voler, cette fois à cause de vis défectueuses qui pourraient avoir des conséquences catastrophiques si jamais elles aboutissaient dans les moteurs de ces appareils.

Hier, honorables sénateurs, le ministre a dit que la partie la plus ancienne des hélicoptères Labrador est la plaque d'immatriculation, et elle n'est pas vieille de 35 ans. Il est vraiment étonnant que le leader du gouvernement au Sénat croit parfois tout ce qu'il lit dans son cahier d'information.

(1440)

Le leader du gouvernement croit-il vraiment que c'est le cas? N'admettra-t-il pas que les cellules, les nervures et le train d'atterrissage de ces hélicoptères font partie du modèle original des appareils et remontent à la technologie des années 50? N'admettra-t-il pas que ces hélicoptères sont trop vieux pour voler?

Je demanderais au leader de répondre à cette remarque. Il est stupide qu'il tienne de tels propos s'il n'est pas disposé à les étayer. En particulier, s'il ne sait pas de quoi il parle, il ne devrait pas dire ces choses, car elles induisent les gens en erreur.

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous éclairer davantage sur l'affirmation selon laquelle le ministre de la Défense nationale et le gouvernement songent activement à louer des appareils pour remplacer les Labrador jusqu'à ce qu'ils soient définitivement mis au rancart ou que nous en obtenions de nouveaux?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le numéro dont je parlais était le numéro de série. Nous demeurons convaincus de pouvoir remplir les missions de recherche et de sauvetage avec les ressources actuelles des Forces canadiennes.

Le sénateur Forrestall: Qu'est-ce que cela veut dire?

Le sénateur Graham: Quoi qu'il en soit, je répète que, si des ressources supplémentaires étaient nécessaires pour remplir les missions de recherche et de sauvetage, le gouvernement et le ministère de la Défense nationale seraient disposés à examiner diverses options, dont la location.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, je ne suis pas sûr de ce que signifie tout ce charabia, sinon qu'on cherche à donner des réponses évasives et à laisser entendre, à tort, que personne ne se soucie des hommes et des femmes qui font voler ces appareils. Je doute fort que c'est l'impression que veut donner le leader du gouvernement au Sénat. Ne peut-il pas nous dire si le gouvernement songe à louer des appareils?

Sur les douze hélicoptères, cinq sont maintenant frappés d'interdiction de voler et deux autres devraient l'être également. Il est fort probable que l'un d'entre eux s'écrasera, et ce sera la fin de quelqu'un.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, à la suite de l'incident impliquant un Labrador à Fredericton, où le moteur a avalé un boulon, on a envoyé à tous les escadrons de Labrador un avis d'inspection pour qu'ils vérifient les boulons, dans le cadre du programme actuel de navigabilité.

Selon les autorités du ministère de la Défense nationale, il n'y a pas de raison de frapper la flotte de Labrador d'interdiction de voler. Les incidents signalés ces dernières semaines constituent des problèmes isolés qui peuvent être réglés.

Je répète ce que j'ai dit dans ma réponse précédente, soit que la location est une des options qu'examinent les forces armées à l'heure actuelle.

L'honorable Gerry St. Germain: J'ai une question complémentaire à poser pour obtenir des éclaircissements. J'ignore combien d'incidents et de morts il faudra encore avant que la question soit prise au sérieux. Dire que l'on étudie une question est une chose, honorables sénateurs. C'est exprimer une bonne intention. Cependant, selon les renseignements dont disposent les Canadiens et les forces armées, les bonnes intentions ne suffisent plus; nous sommes arrivés à un point où il faut agir.

Hier, j'ai demandé au ministre s'il demanderait à ses collègues du Cabinet, notamment le ministre de la Défense nationale, s'ils allaient louer des appareils. On ne saurait se contenter d'intentions. Les pilotes doivent prendre des passagers et des équipages lorsqu'ils vont faire des missions de sauvetage. Ils n'ont pas seulement leur propre vie entre les mains, mais aussi celles de leurs passagers. Cela crée un stress qui réduit leur niveau de confiance, leur capacité d'exécuter leurs tâches le mieux possible et leur capacité de remplir leurs missions de recherche et de sauvetage comme elles devraient l'être.

Le sénateur Forrestall essaie d'obtenir une réponse ferme. Lorsque nous sommes devant une situation aussi claire et aussi grave, je crois que tous les sénateurs ont le devoir d'exiger une réponse ferme de la part du gouvernement.

Le sénateur Graham: Premièrement, la question de la location est présentement à l'étude. Je le répète, j'ai discuté de la question avec le ministre de la Défense nationale tout juste ce matin.

Deuxièmement, la décision de rendre à nouveau la flotte de Labrador pleinement opérationnelle a été prise par le chef d'état-major de la défense. «Pleinement opérationnel» signifie que les appareils sont disponibles pour les missions de recherche et de sauvetage, mais que les vols de perfectionnement et tous les autres vols non essentiels sont maintenus à un strict minimum.

 

L'inaptitude de la flotte d'hélicoptères Labrador à mener des missions de recherche et de sauvetage-La responsabilité du ministre en cas de pertes de vies à l'avenir-La position du gouvernement

L'honorable Brenda M. Robertson: Ma question complémentaire, honorables sénateurs, s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Je voudrais que celui-ci y réponde par oui ou par non. Nous avons au Canada une Constitution et des lois. Les ministres sont-ils responsables de leurs ministères, oui ou non?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Oui.

Le sénateur Robertson: Merci. Le gouvernement a laissé la responsabilité d'utiliser les Labrador entièrement aux pilotes, aux membres d'équipage et à leurs familles. À mon avis, c'est inacceptable. Le gouvernement est responsable envers le peuple canadien de s'assurer que les militaires disposent de matériel sûr et que les Canadiens ont un service national de recherche et de sauvetage.

Le leader du gouvernement au Sénat nous a assurés que la flotte de Labrador est sûre et qu'il y a suffisamment de ressources pour des missions de recherche et de sauvetage. En cas d'écrasement fatal d'un autre Labrador et/ou de perte de vies dus au manque de ressources de recherche et de sauvetage, quel ministre sera responsable?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je respecte énormément le sénateur Robertson, mais je crois que personne ne souhaite imputer les tragédies qui sont survenues à une seule personne, quel que soit le poste qu'elle occupe au Canada.

La responsabilité ultime revient au ministre de la Défense nationale. Le chef de l'état-major de la défense relève du ministre de la Défense nationale. Le chef de l'état-major général de l'armée de l'air relève du chef de l'état-major de la défense. Telle est la chaîne de commandement.

La décision de lever l'interdiction aux hélicoptères Labrador de voler a été prise par le chef de l'état-major général de l'armée de l'air, qui relève du chef de l'état-major de la défense. Je vous assure que la chaîne s'arrête au ministre de la Défense nationale, qui est prêt à assumer l'entière responsabilité.

Le sénateur Robertson: Je connais la chaîne de commandement. Dieu nous préserve d'un autre accident ou de la perte de vies en mer!

Dans la chaîne de commandement que vous nous présentez, le gouvernement a-t-il la possibilité de blâmer quelqu'un des échelons inférieurs?

Le sénateur Graham: Certes pas. Les chaînes de commandement existent, surtout dans les forces armées, et elles sont soigneusement respectées. S'il y a un ministère fédéral où l'on tient compte de la filière hiérarchique, c'est bien celui de la Défense nationale.

Le ministre de la Défense nationale, qui a un bilan remarquable, au Canada, aux nombreux postes qu'il a occupés, n'est pas homme à vouloir éviter d'assumer ses responsabilités. Nous prenons toutes les précautions possibles pour éviter qu'une quelconque tragédie se reproduise.

Nous avons parlé, hier, des terribles circonstances qui ont entouré l'écrasement de l'hélicoptère Labrador au Québec, plus tôt en octobre.

Le sénateur Lynch-Staunton marmonne et demande qui a annulé le contrat des hélicoptères.

Le sénateur Lynch-Staunton: J'essaie de me retenir.

Le sénateur Graham: Il essaie de dire que l'actuel gouvernement a annulé le contrat. Cependant, je voudrais vous rappeler que si le gouvernement actuel était allé de l'avant avec le contrat en question que le gouvernement précédent avait proposé, ces appareils n'auraient pas été livrés avant la fin de l'année prochaine.

Le sénateur Lynch-Staunton: Maintenant, il faudra attendre quatre autres années.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat essaie de faire assumer la responsabilité au chef de l'état-major des forces aériennes. C'est tout à fait répréhensible, parce que le chef de l'état-major des forces aériennes n'a pas les ressources pour cela ni le pouvoir final de décision quant à la possibilité de louer ou non. C'est le Cabinet qui a ce pouvoir, à moins que cela ait changé depuis mon arrivée ici.

(1450)

Le sénateur Graham: Sénateur St. Germain, puis-je vous corriger? Je n'ai pas dit que le chef de l'état-major des forces aériennes était responsable de la location des appareils. C'est le ministre de la Défense nationale et le gouvernement qui assument cette responsabilité. Je n'ai jamais dit ce que vous affirmez.

Le sénateur St. Germain: Oui, mais vous laissez entendre que c'est le chef de l'état-major des forces aériennes qui décide si ces avions voleront ou pas.

Le sénateur Graham: C'est exact, mais la responsabilité ultime incombe au ministre de la Défense nationale.

Le sénateur St. Germain: Ce que vous essayez de faire, sauf votre respect, c'est imputer la responsabilité au chef de l'état-major des forces aériennes, ce qui est totalement injuste. C'est injuste pour les échelons inférieurs parce que nous savons ce qui s'est passé dans les forces armées ces dernières années. La responsabilité incombe au ministre, et le ministre devrait prendre ces décisions, et ce, immédiatement, parce que si d'autres vies sont perdues, ce seront le ministre et le Cabinet qui en seront responsables.

Le sénateur Graham: En toute justice, sénateur St. Germain, je ne voudrais pas que vos propos soient mal interprétés par quiconque au Sénat ou dans le public en général. Je n'ai jamais dit, d'abord, que le ministre de la Défense nationale se soustrayait à ses responsabilités, pas du tout. M. Eggleton est un homme honorable ayant un dossier exceptionnel et il est un ministre de la Défense nationale hors du commun.

Le sénateur Robertson: À titre de question complémentaire, honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat a dit que même si le gouvernement actuel n'avait pas annulé la commande d'hélicoptères faite par le gouvernement précédent, ces appareils ne seraient toujours pas livrés, et nous le comprenons fort bien. Toutefois, je n'ai que ceci à dire: si Brian Mulroney était premier ministre, il ne mettrait pas en danger la vie des militaires, ni celles des pêcheurs.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Robertson: Le gouvernement actuel agira-t-il de la même façon?

Le sénateur Graham: Les sénateurs qui ont suivi l'évolution de la situation savent que le gouvernement a commandé des appareils pour remplacer les Labrador.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pourquoi avez-vous annulé la commande pour commencer?

L'honorable Eric Arthur Berntson: J'ai une question complémentaire.

Son Honneur le Président: Je regrette, honorables sénateurs, mais le temps réservé à la période des questions est écoulé.

Le sénateur Berntson: Votre Honneur, j'ai une question complémentaire.

Son Honneur le Président: Je regrette, honorables sénateurs. Le Règlement prévoit que la période des questions dure trente minutes, et les trente minutes sont maintenant écoulées.

Le sénateur Berntson: Je demande la permission du Sénat, honorables sénateurs, pour prolonger la période des questions.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

 

L'annulation des vols de perfectionnement à bord des hélicoptères Labrador-La position du gouvernement

L'honorable Eric Arthur Berntson: Honorables sénateurs, en réponse à une question complémentaire posée tout à l'heure, mon honorable collègue, le leader du gouvernement au Sénat, a dit que le ministère de la Défense nationale poursuivait activement l'objectif d'une disponibilité complète de la flotte d'appareils Labrador aux fins des activités de recherche et de sauvetage. Dans la même phrase, il a toutefois dit qu'on maintiendrait au strict minimum les vols de perfectionnment.

Quelqu'un s'est-il demandé pourquoi, dans les faits, les vols de contrôle de perfectionnment n'auront pas lieu? C'est probablement parce que l'appareil en question n'est pas considéré comme étant sûr. Si cet appareil n'est pas considéré sûr pour les vols de formation et de perfectionnment, comment peut-il l'être pour les activités de recherche et de sauvetage?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme je l'ai dit, c'est une décision que le ministre de la Défense nationale a prise à la lumière des conseils qui lui ont été fournis.

Le sénateur Berntson: Honorables sénateurs...

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, l'autorisation accordée visait une question. C'est ce que j'ai compris.

Le sénateur Berntson: Elle visait des questions complémentaires.

Son Honneur le Président: J'ai cru que c'était sur cela que portait la demande d'autorisation. C'est ce que j'ai entendu.

 

Les travaux du Sénat

La prolongation de la période des questions-Recours au Règlement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Nous avons demandé l'autorisation de prolonger la période des questions. Son Honneur a compris que l'autorisation demandée ne visait qu'une question que devait poser l'honorable sénateur Berntson. Nous pensions qu'elle visait aussi les questions de deux autres sénateurs qui avaient demandé la parole, dont le sénateur Oliver. J'ai remarqué que le leader du gouvernement au Sénat a acquiescé et j'en ai déduit que nous étions d'accord.

Je pense que si Son Honneur le Président demande de nouveau au Sénat s'il consent à prolonger la période des questions, il obtiendra son assentiment.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, si l'autorisation est accordée, quelles en seront les conditions? Vise-t-elle deux autres interlocuteurs?

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, tout le monde au Sénat sait que la journée sera extrêmement longue. Au nom des sénateurs de ce côté-ci, je veux bien accepter deux autres questions, mais sans questions complémentaires.

Le sénateur Lynch-Staunton: Quelle générosité!

 

Les transports

La mise en oeuvre des mécanismes de financement de rechange dans le cadre des ententes fédérales-provinciales relatives aux routes-La position du gouvernement

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, selon le vérificateur général, les directives du ministre des Transports ont été mal appliquées en ce qui concerne la question des péages dans le cadre des ententes fédérales-provinciales relatives aux routes. Voici les propos mêmes du vérificateur général:

Transports Canada devrait demander des précisions au gouvernement fédéral sur sa position quant au traitement de la question des mécanismes de financement de rechange pour ses programmes d'investissement dans les routes, et sur la mise en application de cette position non seulement aux péages, mais aussi aux mécanismes du même genre en général. Le ministère devrait se demander s'il y a lieu d'intégrer cette position à toutes les nouvelles ententes fédérales-provinciales portant sur les routes, et devrait prendre les mesures qui s'imposent.

Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Quelle est la position du gouvernement quant aux routes à péage? Est-ce «des routes à péage si nécessaire, mais pas nécessairement des routes à péage»?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, voilà une question intéressante. Selon l'interprétation de certaines provinces, l'entente leur permet d'avoir des routes à péage. Le ministre des Transports étudie actuellement la question des péages, actuels et futurs.

Le sénateur Oliver: Quelle est la politique actuelle?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, la politique actuelle est que la création de péages a été autorisée au Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Oliver: Le vérificateur formule encore d'autres critiques.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je suis désolé, mais j'avais cru comprendre qu'il n'y aura pas de questions complémentaires. Ce n'est pas à moi de trancher mais c'est bien ce qui avait été convenu.

[Français]

 

Les Finances nationales

L'Utilisation de normes comptables objectives dans les états financiers du gouvernement-La position du ministre

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, est-ce que le leader du gouvernement au Sénat peut affirmer que le ministre des Finances va s'engager à respecter des normes comptables objectives dans la présentation des états financiers du gouvernement?

[Traduction]

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis sûr qu'il le fait toujours. Le ministre des Finances est très cohérent dans son approche.

Le sénateur Bolduc: Je n'ai pas entendu votre réponse. Qu'avez-vous dit?

Son Honneur le Président: Je crois que le sénateur Bolduc n'a pas compris la réponse.

Le sénateur Graham: Le ministre des Finances est toujours très cohérent dans son approche à l'égard de tels rapports.

Le sénateur Bolduc: Cette réponse est un peu trop légère à mon avis.

Son Honneur le Président: Sénateur Bolduc...

Le sénateur Bolduc: C'est une question de principe.

Son Honneur le Président: Sénateur Bolduc, je dois procéder selon les règles que je reçois du Sénat. Il était entendu que deux sénateurs auraient droit à une question chacun, sans question complémentaire.

Je suis prêt à donner la parole à la prochaine séance aux sénateurs qui ont des questions à poser aujourd'hui, mais qui n'ont pu le faire.

 


ORDRE DU JOUR

Le Code criminel
La Loi réglementant certaines drogues et autres substances
La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Moore, appuyée par l'honorable sénateur Lucier, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs, je prends la parole pour la deuxième lecture de ce projet de loi omnibus. Cette mesure comporte des modifications importantes à trois lois. Comme c'est normalement le cas des mesures omnibus, il n'y a pas grand-chose qui soit controversé. Les modifications ont l'appui des milieux juridiques, politiques et policiers. Seul le Parti réformiste semble trouver ces modifications inacceptables, parce qu'il estime qu'il aurait dû y avoir des peines beaucoup plus sévères.

Le contenu du projet de loi a été bien expliqué et analysé par le sénateur Moore lors de son intervention du 24 novembre. Le projet de loi apporte des modifications à 12 domaines différents du droit, le plus important étant que, dans le cas de l'homicide et de la négligence criminelle, on retire du Code criminel la vieille disposition qui interdisait les poursuites contre un individu pour meurtre, homicide involontaire et autres infractions plus d'un an après la mort de la victime, même s'il était clairement établi que la mort de la victime était due aux gestes de l'accusé.

La raison de cela c'est qu'avec les progrès de la médecine, une personne blessée lors d'un crime peut vivre bien plus d'un an et un jour, même si l'on peut prouver que sa mort éventuelle est le résultat de l'acte criminel.

Il serait intéressant de savoir combien de cas semblables ont permis à des personnes d'éviter des poursuites. Il n'y en a sans doute pas beaucoup, mais le comité qui étudie le projet de loi pourrait peut-être s'informer. Quoi qu'il en soit, cette modification est valable et je l'appuie.

Le projet de loi modernise les dispositions sur le vol et la possession de minéraux précieux; il prévoit des règles sur l'exécution de l'ordonnance de sursis en cas de manquement à l'une de ses conditions; il élargit le champ d'application de l'infraction relative à l'obtention de services sexuels de personnes âgées de moins de 18 ans et il ne permet l'exécution de mandat de perquisition que par les personnes chargées de l'exécution de la loi. Ce sont là certaines des mesures contenues dans le projet de loi.

Le projet de loi contient également des modifications relatives aux jeux, dont l'une revêt un intérêt particulier. La première autorise l'exploitation de casinos sur les navires de croisière internationale qui sont immatriculés au Canada ou se trouvent dans les eaux canadiennes. Cette disposition vise seulement les personnes qui ont les moyens de voyager à bord de ces bateaux coûteux et luxueux. Aussi, je ne suis guère préoccupé par la perspective de voir ces personnes perdre leur revenu disponible aux tables de jeux de ces navires.

J'ai cependant des réserves au sujet des dispositions qui autorisent le jeu de dés dans les casinos exploités par les provinces. J'ai une certaine connaissance du jeu de dés, qui a été immortalisé Guys and Dolls. Le jeu de dés est un jeu rapide. On peut y gagner et y perdre de l'argent très rapidement, mais on y perd surtout. Ce jeu exige une certaine habilité et une connaissance que la plupart des joueurs n'ont pas.

Je n'ai pas l'intention de moraliser en parlant des méfaits des jeux de hasard. L'Alberta vient tout juste de mettre un terme, en octobre dernier, à un pénible débat à l'issue duquel une majorité d'Albertains ont décidé, à la suite de mois de pétitions, de débats et de réflexions, de conserver les appareils de loterie vidéo. Cette question met cependant en évidence des vérités indiscutables. Les gouvernements sont tout aussi dépendants du jeu de hasard que ceux qui jouent au blackjack dans les casinos ou qui utilisent les machines de loterie vidéo dans les restaurants et les bars. Les gouvernements s'enrichissent avec ces jeux. En Alberta, les appareils de loterie vidéo rapportent entre 700 et 800 millions de dollars par année et les autres formes de jeux de hasard rapportent plus de 2 milliards de dollars.

Alors que les pauvres s'appauvrissent davantage et que leurs familles en souffrent, en fin de compte, l'argent reçu par le gouvernement va d'une poche à l'autre pour tenter d'aider ceux qui dépendent de l'assistance sociale à cause de leurs pertes au jeu. Je dois dire que je crois fondamentalement que la responsabilité individuelle doit toujours s'appliquer et qu'il n'incombe pas au gouvernement d'établir ses politiques en fonction d'une minorité qui est incapable d'assumer ses responsabilités. Lorsque les gouvernements commencent à dire aux gens ce qui convient le mieux pour eux, et à assumer des responsabilités qui incombent aux gens à titre individuel, un problème se pose alors, car où cela s'arrête-t-il et qui dit que le gouvernement fait ce qui convient le mieux?

Selon certains, plus nous faciliterons le jeu, plus nous inciterons les gens plus faibles à croire à tort qu'ils peuvent tout à coup décrocher le gros lot même si les chances sont pratiquement nulles et en ce qui concerne les jeux de dés, je peux vous dire que les chances sont nettement en faveur de la maison. Lorsqu'elle a présenté cette mesure législative, la ministre a dit ce qui suit:

Je tiens à assurer la Chambre que ces modifications ne visent pas à accroître l'ampleur du jeu au Canada, pas plus que nous prévoyons qu'elles auront cet effet.

Avec tout le respect que je dois à la ministre, permettez-moi de dire que non seulement il y aura un accroissement du jeu au Canada du fait qu'on permettra les jeux de dés dans les casinos, mais qu'il y aura également un accroissement des pertes des gens qui vont jouer dans nos casinos. Affirmer le contraire reflète un manque de compréhension des qualités mystiques et de l'attrait qu'ont ces dés. Vous savez tout comme moi que l'expression «coup de dés», au sens politique, a certes causé une certaine fureur dans certains cercles politiques au Canada dans le passé.

Je soulève cette question car on peut se demander: où nous arrêtons-nous, si nous le faisons? Jusqu'à quel point le gouvernement devrait-il permettre les jeux au Canada? C'est une question morale difficile et importante sur laquelle le comité chargé d'examiner ce projet de loi devra se pencher.

À ce stade-ci, je n'ai pas d'autres observations relativement à ce projet de loi. J'attendrai l'examen des transcriptions des audiences du comité, que j'ai hâte de lire.

Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne souhaite intervenir, je vais mettre la motion aux voix.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

 

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Moore, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

[Français]

 

Projet de loi sur la corruption d'agents publics étrangers

Deuxième lecture

L'honorable Céline Hervieux-Payette propose: Que le projet de loi S-21, Loi concernant la corruption d'agents publics étrangers et la mise en oeuvre de la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, et modifiant d'autres lois en conséquence, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je prends la parole au sujet d'un projet de loi d'une importance majeure pour la conduite des affaires dans le domaine international.

La corruption menace la règle de droit, la démocratie et les droits de la personne. Elle mine le principe de bonne gouvernance, menace la stabilité des institutions démocratiques et sape les fondements moraux de la société. La corruption fausse le commerce international et la libre concurrence, et elle entrave le développement économique, en particulier dans les pays en voie de développement.

Le Canada tente activement, avec ses partenaires de l'OCDE, d'encourager les systèmes globaux de sécurité et d'amélioration de la condition humaine et de resserrer les liens du commerce, afin de pouvoir aider les peuples à s'épanouir et à prospérer. Nous sommes de plus en plus conscients que la meilleure manière de défendre nos intérêts nationaux consiste à les défendre au sein des institutions et tribunes internationales et à bâtir les règles et les institutions qui permettront aux Canadiens et aux Canadiennes d'obtenir le genre de protection dont ils ont besoin.

La corruption des agents publics est l'un des principaux problèmes du commerce et de l'investissement international. Au sein de l'OCDE, le Canada et d'autres organisations internationales y attachent beaucoup d'importance. L'organisation, qui regroupe 29 membres dont le Canada, les États-Unis, la plupart des pays européens, le Japon et la Corée du Sud, est la principale tribune de politique économique des démocraties industrialisées les plus avancées.

En vertu de la convention, chaque partie, chaque pays est tenu de criminaliser la corruption d'agents publics étrangers dans la conduite des transactions internationales et de prendre les mesures nécessaires, conformément à ses principes juridiques, pour établir la responsabilité des personnes morales en cas de corruption d'un agent public étranger.

(1510)

Chaque partie, donc chaque pays, doit veiller à ce que les sanctions soient «efficaces, proportionnées et dissuasives», et à ce que la corruption et le produit de la corruption puissent être saisis. La gamme des sanctions doit être comparable à celle établie pour la corruption interne. Ainsi, la nouvelle infraction de corruption d'agents publics étrangers est un acte criminel punissable d'une peine d'emprisonnement maximale de cinq ans. L'article 67.5 de la Loi de l'impôt sur le revenu a été modifié également pour ajouter cette nouvelle infraction à la liste des infractions du Code criminel auxquelles renvoie cette disposition, empêchant ainsi que des pots-de-vin payés aux agents publics étrangers soient déductibles d'impôt.

La convention exige par ailleurs que les parties veillent à ce que les pots-de-vin et les produits de la corruption d'un agent public étranger puissent être saisis et confisqués, et que les parties envisagent d'imposer d'autres sanctions d'ordre civil ou administratif. La nouvelle infraction de corruption d'agents publics étrangers est une infraction de criminalité organisée autorisant la perquisition, la saisie et la détention de produits du crime, et elle est aussi considérée comme l'infraction principale sur une accusation de blanchiment de produits du crime.

On trouve par ailleurs dans la convention des dispositions d'exécution, d'entraide juridique et d'extradition auxquelles le Canada peut déjà satisfaire. Si leur système juridique le permet, les parties doivent également fournir de l'aide judiciaire en matière pénale et civile. Lors des négociations, le Canada a déclaré qu'il pouvait assister d'autres États en matière pénale mais qu'il n'était pas en mesure de le faire en matière civile.

Au Sommet du G-8, à Birmingham, le Canada et les États membres du G-8 ont promis de faire tous les efforts possibles pour ratifier la convention de l'OCDE d'ici la fin de l'année 1998.

La communauté canadienne des affaires considère la convention de l'OCDE comme étant l'un des plus importants accomplissements réalisés jusqu'à maintenant dans la campagne internationale de lutte contre la corruption. Cette convention est considérée comme une opportunité de créer un environnement dans lequel les compagnies canadiennes pourront être en compétition sur la base de la qualité, des prix et des services, puisqu'elle limitera la capacité des concurrents étrangers à faire usage de la corruption pour décrocher des contrats.

Jusqu'à maintenant, le Japon et l'Allemagne ont déposé leurs instruments de ratification auprès du secrétaire général de l'OCDE. Présentement, les États-Unis et le Royaume-Uni ont complété leurs procédures internes et devraient déposer les leurs dans les prochaines semaines.

Cinq des dix plus grands pays de l'OCDE doivent avoir ratifié la convention avant la fin de l'année 1998, afin que celle-ci puisse entrer en vigueur. On espère que le Canada, en tant que chef de file de la lutte contre la corruption, sera le cinquième pays à ratifier la convention.

[Traduction]

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, de ce côté-ci de la Chambre, nous n'avons aucun problème avec le projet de loi. En fait, j'ai fait inscrire au Feuilleton du 18 novembre dernier une question qui demandait si le gouvernement comptait adopter une loi habilitante. On n'a pas encore répondu à ma question, mais je serais tout à fait satisfait si le projet de loi pouvait passer l'étape de la première lecture cette semaine.

Nous comprenons que le gouvernement désire appliquer la procédure accélérée à ce projet de loi et que le ministre des Affaires étrangères et d'autres témoins seront ici tout à l'heure. Nous sommes d'accord pour suivre en l'occurrence la procédure accélérée, bien que j'aime souligner que c'est une mesure que nous refusons normalement de suivre, sauf dans le cas d'une mesure d'urgence, notamment pour régler un conflit de travail. Le projet de loi pour régler le conflit dans les postes était la dernière mesure à bénéficier de cette procédure. Dans des circonstances exceptionnelles, nous appuyons certes la procédure accélérée s'il est établi qu'il y a urgence. Ce projet de loi ne fait toutefois pas partie de cette catégorie, sauf que, comme l'a souligné le sénateur Hervieux-Payette, la convention subira un important revers si, d'ici la fin de l'année, il n'y a pas au moins cinq des parties signataires, représentant au moins 60 p. 100 du commerce entre les 27 membres de l'OCDE, qui auront adopté des lois habilitantes.

Honorables sénateurs, il est dommage que le projet de loi ne nous soit pas parvenu plus tôt et que nous n'ayons pas eu plus de temps pour l'étudier. Le ministre pourra sans doute nous expliquer pourquoi on a tardé à le présenter au Sénat.

Le fait est que nous sommes maintenant saisis du projet de loi. Nous estimons en principe que c'est un bon projet de loi. Nous appuyons la convention qui est l'objet du projet de loi S-21, mais nous avons des questions pour le ministre.

Je suis ravi que des représentants de Transparence internationale-Canada viennent témoigner. Cette organisation non gouvernementale créée il y a seulement quelques années a des sections dans le monde entier. Elle fait un travail extraordinaire dans le domaine de la corruption internationale. Je pense que mes collègues seront très impressionnés par la qualité de son exposé. J'attends avec impatience que nos soyons en comité plénier pour pouvoir poursuivre le débat.

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, au début de la semaine, on a eu l'amabilité de m'informer de ce projet de loi qui demanderait l'assentiment du Sénat assez rapidement. Je dois dire que je partage l'avis du sénateur Lynch-Staunton. La beauté du Sénat, c'est, je l'espère, qu'il y a encore des sénateurs qui écoutent ce que les autres ont à dire.

J'ai écouté attentivement les propos du sénateur Hervieux-Payette et du sénateur Lynch-Staunton. Je me pose des questions. Pourquoi décider de l'adoption de projets de loi aussi rapidement? J'ai eu cette expérience malheureuse à la Chambre des communes, où on n'a peut-être pas eu la sagesse de prendre le temps nécessaire pour étudier toutes les ramifications de certains projets de loi.

La signature de certains pays au bas de ce nouveau traité a éveillé mes soupçons. Durant mes 35 ans de vie parlementaire, je me suis promené dans beaucoup de pays pour comprendre ce qui s'y passait et j'espère avoir contribué à la bonne réputation du Canada. Ce que j'y ai vu, évidemment, est très déplaisant.

Quand je vois des pays qui, aujourd'hui, s'empressent de signer des traités avec enthousiasme et dans l'honneur, pour employer une vieille expression, je me dis que l'on devrait peut-être porter un peu plus d'attention à ce que l'on nous demande de faire rapidement. Je suis heureux que le Sénat puisse recevoir le ministre des Affaires étrangères. Cela nous permettra de l'écouter ainsi que ceux qui veulent absolument nous faire adopter avec rapidité un projet de loi. Ce que le sénateur Lynch-Staunton a dit a vraiment attiré mon attention.

[Traduction]

J'ai des mauvais souvenirs du traitement accéléré des projets de loi à la Chambre des communes. Je me suis promis de ne jamais accepter à la légère l'accélération des étapes de la première, deuxième et troisième lectures. J'ai toujours regretté de ne pas avoir dit non à l'étude accélérée de certains projets de loi afin que les députés puissent avoir le temps d'y réfléchir au moins un jour ou un week-end.

Honorables sénateurs, il est très difficile de dire du mal de ce projet de loi. Il représente la vertu et l'honnêteté. Toutefois, nous vivons sur la Terre. Ceux d'entre nous qui ont de l'expérience dans les affaires internationales savent qu'il faut se méfier avant d'adhérer à un nouveau traité. Ceci dit, je pense avoir exprimé mon opinion aussi clairement que possible.

Honorables sénateurs, le ministre doit comparaître cet après-midi devant le comité plénier. Nous allons voir ce qu'il aura à dire aux sénateurs qui ont des réserves.

(1520)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole, l'honorable sénateur Hervieux-Payette, avec l'appui du sénateur Gill, propose que le projet de loi soit lu une deuxième fois.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(Le projet de loi est lu une deuxième fois.)

 

Renvoi au comité plénier

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi une troisième fois?

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose que le projet de loi soit renvoyé au comité plénier maintenant.

(La motion est adoptée.)

[Français]

 

La Sanction royale

Avis

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante: 

RIDEAU HALL

Le 3 décembre 1998 

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que l'honorable Charles Gonthier, juge puîné de la Cour suprême du Canada, en sa qualité de Gouverneur général suppléant, se rendra à la Chambre du Sénat, aujourd'hui, le 3 décembre 1998, à 17 h 45, afin de donner la sanction royale à certains projets de loi.

Veuillez agréer, monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

 

Le secrétaire du Gouverneur général,
Judith A. LaRocque

L'honorable
    Le Président du Sénat
        Ottawa
[Traduction

Projet de loi sur la corruption d'agents publics étrangers

Étude en comité plénier

Le Sénat s'ajourne à loisir et se forme en comité plénier, sous la présidence de l'honorable Eymard G. Corbin.

Le président: Honorables sénateurs, le Sénat est maintenant constitué en comité plénier pour étudier le projet de loi S-21, Loi concernant la corruption d'agents publics étrangers et la mise en oeuvre de la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, et modifiant d'autres lois en conséquence.

L'étude du titre est-elle reportée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je demanderais que l'honorable Lloyd Axworthy, ministre des Affaires étrangères, soit invité à participer aux délibérations du comité plénier.

Le président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le président: En attendant que le ministre arrive, j'attire l'attention des honorables sénateurs sur les règles qui s'appliquent au comité plénier. L'article 84 prévoit notamment que les sénateurs doivent intervenir depuis leur propre siège, que les interventions sont limitées à dix minutes et qu'il est possible de prendre la parole aussi souvent que l'on veut et ainsi de suite.

Conformément à l'article 21 du Règlement, l'honorable Lloyd Axworthy, c.p., député, ministre des Affaires étrangères, prend place dans la salle du Sénat.

Le sénateur Carstairs: Je suis heureuse de présenter l'honorable Lloyd Axworthy, ministre des Affaires étrangères. Il est accompagné de hauts fonctionnaires des Affaires étrangères, M. Allan H. Kessel, directeur de la Direction du droit onusien, de la criminologie et des traités, et M. Keith Morrill, directeur adjoint à la Direction du droit onusien, de la criminologie et des traités.

Le président: Monsieur le ministre, bienvenue au Sénat. Avez-vous une déclaration à faire immédiatement?

L'honorable Lloyd Axworthy, c.p., député, ministre des Affaires étrangères: Honorables sénateurs, je vous remercie de me donner l'occasion de me présenter devant votre comité pour parler du projet de loi S-21, concernant la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales. Il s'agit d'une mesure législative très importante. J'apprécie le fait que le Sénat aborde ce sujet.

Le sénateur Hervieux-Payette, en présentant le projet de loi, a fait remarquer quelque chose de très important. Elle a dit que la corruption fausse tous les aspects du commerce international, de la concurrence, du développement économique et des investissements. En fait, cela a un effet corrosif sur les principes fondamentaux de la primauté du droit, de la démocratie et des droits de la personne.

Je voudrais féliciter le comité sénatorial permanent des affaires étrangères de son récent rapport sur l'Asie, que j'ai eu l'occasion de lire hier soir. Il établit un rapport très important entre un climat commercial efficace et un système mondial efficace qui a l'obligation de respecter la primauté du droit et d'adhérer aux principes fondamentaux.

J'ai certes constaté dans mes négociations et dans mon travail sur un certain nombre de ces questions que l'une des influences les plus insidieuses auxquelles nous ayons à faire face sur la scène internationale tient à la fréquence de la corruption dans un grand nombre de pays. Non seulement cela sape ce que nous faisons en tant que Canadiens dans nos relations, mais cela a également des répercussions spectaculaires et épouvantables sur un certain nombre de pays.

Nous sommes d'avis qu'en adoptant la position que fait valoir ce projet de loi, en établissant des normes et en déployant des efforts pour mettre en place un code international nettement plus rigoureux, des pays décideront d'eux-mêmes d'élargir leur ensemble de normes et d'adopter un comportement qui permettra d'améliorer le climat des échanges internationaux. Nous pensons que nos efforts inciteront aussi d'autres pays à élaborer un régime qui reconnaît qu'un gouvernement propre et honnête est ce qu'il y a de mieux pour promouvoir le développement économique, la croissance économique et le maintien de bonnes relations internationales.

Dans ce sens, nous exportons non seulement nos produits et nos services, mais aussi nos valeurs. Nous avons appris durement qu'un comportement intègre et probe produit toutes sortes d'avantages et suscite une bonne conduite. Du coup, le climat des relations entre tous les pays s'améliore.

En élaborant des partenariats, nous devons régler les problèmes visés par ce projet de loi. Comme les sénateurs le savent, cette question a été un élément capital des travaux de l'OCDE. Elle a exigé l'attention des ministres de l'OCDE. Des accords ont été conclus en 1977 justement pour s'y attaquer.

(1530)

L'OCDE a rédigé une première version de la convention au printemps dernier. Depuis ce temps, nous avons collaboré activement avec les provinces et la communauté des affaires au Canada pour voir comment cette convention s'appliquerait. Le projet de loi est le fruit de nos travaux.

Je tiens à signaler que l'Organisation des États américains a également adopté une convention sur la lutte contre la corruption selon un grand nombre des mêmes principes, et il en va de même du Conseil de l'Europe. On constate l'élargissement du réseau des obligations et des engagements des pays qui établissent ce genre de normes.

Cette mesure législative va permettre au Canada d'honorer les engagements qu'il a pris à l'OCDE, de même que les engagements que le premier ministre a pris au Sommet du G-8 à Denver et aux Nations Unies. Je crois fermement qu'elle répondra aussi aux besoins de l'entreprise canadienne. Les sénateurs ont probablement été informés par écrit ou savent que le milieu des affaires, en particulier le milieu des affaires international du Canada, a chaleureusement défendu ce projet de loi. Vous entendrez plus tard le groupe de transparence qui fera valoir ce point. Je dois dire à son crédit qu'il croit que de bonnes affaires sont des affaires propres. Il s'est fait le champion de cette mesure.

Nous occupons vraiment une position clé à l'heure actuelle. Conformément aux règles de l'OCDE, cinq pays doivent ratifier la convention pour qu'elle devienne loi. Le Canada est le cinquième pays à la ratifier. Si nous agissons rapidement, nous pourrons nous vanter d'avoir fourni la clé pour que cela arrive.

La convention prévoit essentiellement que chaque État signataire criminalise la subornation de hauts fonctionnaires étrangers et prenne des mesures pour assurer la responsabilité des personnes légales, dont les sociétés, dans la subornation de hauts fonctionnaires étrangers. Lisez l'article 3, et vous verrez que c'est le clou du projet de loi dont vous êtes saisis.

Cette disposition interdit la corruption d'un agent public étranger dans le cadre d'opérations commerciales. Quiconque commet pareille infraction est coupable d'un acte criminel passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans.

Le projet de loi décrit les paiements de facilitation qui ne constitueraient pas une infraction. Ces paiements sont des droits versés normalement pour la délivrance de permis et licences qui sont utilisés dans le contexte du commerce international, par exemple, des droits de transport. Qui plus est, il ne s'agirait pas d'une infraction si les avantages obtenus étaient légitimes dans l'organisation publique internationale ou le pays de l'agent public étranger. Nous devons reconnaître et respecter les lois des pays étrangers.

Des dépenses raisonnables engagées de bonne foi et visant directement la promotion, la démonstration ou l'explication de produits et services, ou l'exécution ou la réalisation d'un contrat, pourraient aussi être invoquées comme motifs de défense par rapport à la loi.

Les honorables sénateurs ont aussi entendu dire qu'aux termes de la loi, les sommes versées pour corrompre des agents publics étrangers ne seraient pas déductibles en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Le projet de loi propose aussi de créer deux autres infractions criminelles, soit la possession de biens ou de produits obtenus à la suite de la corruption d'un agent public étranger, et le recyclage des produits de la criminalité.

En terminant, il convient de citer Donald Johnston, ex-ministre de la Justice, qui est maintenant secrétaire général de l'OCDE. Selon un article paru récemment, il a déclaré que l'intégrité des transactions commerciales est essentielle pour assurer le bon fonctionnement du marché mondial et pour faire en sorte que la population l'appuie. Il a dit que la conséquence logique de la mondialisation, c'est qu'il faut garantir l'honnêteté à l'échelle mondiale, et non pas simplement nationale.

L'adoption de ce projet de loi permettra au Canada de ratifier la convention de l'OCDE et d'assurer sa mise en application, marquant ainsi le début d'une nouvelle ère en matière d'obligation redditionnelle internationale.

Monsieur le président, je crois avoir expliqué l'objectif fondamental du projet de loi. Je serais heureux de répondre aux questions que peuvent avoir les membres du comité.

Le président: Honorables sénateurs, l'étude de l'article 1, le titre abrégé, est-elle reportée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Lynch-Staunton: Merci, monsieur le ministre, pour votre exposé. Nous appuyons certainement le projet de loi. Nous avons quelques questions à poser parce que nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour l'étudier. Il est malheureux qu'il nous arrive aussi tard et qu'il faille procéder à une étude accélérée pour respecter le délai du 31 décembre. Si ce n'était de cette date butoir, je ne serais pas aussi coopératif. Cela dit, il s'agit d'une mesure législative importante et plutôt inhabituelle.

Trois ministres ont émis le communiqué de presse annonçant le projet de loi. Quel ministre sera responsable de l'application de la loi? De qui relèvera-t-elle?

M. Axworthy: Monsieur le président, je coparraine le projet de loi avec la ministre de la Justice. Les dispositions d'exécution seront la responsabilité du procureur général du Canada et des procureurs généraux des provinces. Il est clair que c'est la ministre de la Justice qui sera la principale responsable de l'exécution de la loi.

À titre de ministre des Affaires étrangères, il m'incombe de présenter les projets de loi qui se rattachent à des traités internationaux, c'est pourquoi c'est moi qui présente le projet de loi. De plus, certaines dispositions ont trait à l'impôt sur le revenu.

Je suis responsable du projet de loi dans son ensemble alors que d'autres ministres exercent des responsabilités précises. Le bon côté du rôle de ministre des Affaires étrangères est qu'une fois que le travail est accompli, il peut passer à autre chose.

Le sénateur Lynch-Staunton: Si j'étais député, à qui devrais-je poser les questions pour savoir la manière dont le projet de loi, une fois qu'il aura force de loi, sera appliqué? Qui répondrait à mes questions?

Tout ce qui manque à ce projet de loi, et j'espère que vous accepterez un amendement en ce sens, c'est une disposition prévoyant le dépôt au Parlement d'un rapport sur l'application du projet de loi, de manière à ce que le Parlement sache précisément comment cette mesure sera mise en oeuvre. Les Canadiens ont peut-être un bon dossier en matière de corruption, mais il serait néanmoins utile, dans les cas où des personnes seraient prises et poursuivies, d'avoir périodiquement un rapport concernant les effets de cette mesure une fois qu'elle aura force de loi.

M. Axworthy: Monsieur le sénateur, puisqu'il m'incombe de rendre compte à l'OCDE de la mise en oeuvre de la convention, j'exercerai une responsabilité importante à ce chapitre. Si vous siégiez à la Chambre des communes ou si vous posiez des questions au leader du gouvernement au Sénat à ce sujet, la plupart de vos questions seraient heureusement renvoyées à la ministre de la Justice.

Le sénateur Lynch-Staunton: Accepteriez-vous un amendement au projet de loi qui exigerait le dépôt obligatoire d'un rapport périodique au Parlement?

M. Axworthy: Oui.

Le sénateur Lynch-Staunton: Si nous rédigions un amendement en ce sens aujourd'hui, l'accepteriez-vous?

M. Axworthy: Oui.

Le sénateur Lynch-Staunton: Merci, monsieur le ministre. Mes autres questions visent simplement à obtenir des éclaircissements. Est-ce que les filiales et sociétés-mères sont visées par le paragraphe 3(1) du projet de loi?

M. Axworthy: Je crois que cela dépendrait du fait que la filiale fait affaire ou non au Canada. Il est beaucoup plus difficile d'utiliser le projet de loi sur le plan extraterritorial pour inculper une filiale d'entreprise canadienne qui serait constituée dans un autre pays. S'il existe un lien juridique quelconque qui met en jeu la responsabilité de la société-mère, alors nous pouvons appliquer le projet de loi.

Le sénateur Lynch-Staunton: Aux termes du projet de loi, une entreprise est définie comme tout genre d'entreprise effectuée au Canada ou ailleurs à des fins lucratives. Pourquoi des entreprises sans but lucratif ne seraient-elles pas incluses?

M. Axworthy: En l'occurrence, les discussions à l'OCDE à cet égard portaient essentiellement sur les transactions commerciales. Nous suivons donc le code établi par l'OCDE. Je peux trouver la citation pertinente. La convention parle de «lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales».

(1540)

Le sénateur Lynch-Staunton: Mais rien n'empêche une société de créer une oeuvre caritative et de recycler les pots-de-vin par le truchement de cette oeuvre, un organisme sans but lucratif légalement constitué, n'est-ce pas? Rien n'empêche quelqu'un de trouver des échappatoires dans cette loi, alors que si vous ajoutiez l'expression «sans but lucratif», ces organismes seraient aussi visés.

M. Axworthy: Je ne suis pas avocat. Je prie donc beaucoup. Si quelque entreprise s'adonnait à des pratiques frauduleuses par le truchement de sociétés de façade ou d'autres organismes du genre, nul doute qu'avec la compétence qu'on leur connaît, les agents de la GRC et du ministère de la Justice auraient tôt fait de voir clair dans son jeu.

Le sénateur Lynch-Staunton: Voilà qui est parlé comme un vrai ministre de la Justice. Je vais rédiger un amendement et laisser mes collègues poser leurs questions.

Le sénateur Atkins: Je suis curieux de savoir si une soumission à l'adresse du COI, c'est-à-dire le Comité olympique international, bien que cela ne cadre pas avec la définition de «affaires», ne serait pas assujettie à cette loi.

M. Axworthy: J'ai toujours pensé que c'était du sport, que cela ne relevait pas des affaires. Mais dans le monde qui est le nôtre, qui sait? Voilà pour ma réponse. Je suis désolé, sénateur. Je ne crois pas que la loi s'appliquerait à ce cas.

Le sénateur Tkachuk: J'ai une question qui a un rapport direct avec celle du sénateur Lynch-Staunton. Je ne suis pas trop sûr si on a convenu d'un amendement portant sur la question du statut «sans but lucratif».

M. Axworthy: Non, c'est sur le rapport.

Le sénateur Atkins: Je ne suis pas avocat non plus, monsieur le ministre, et j'ai donc le même problème. Je crois comprendre qu'il y a des organismes sans but lucratif qui sont des oeuvres de bienfaisance, c'est-à-dire qu'ils sont reconnus par Revenu Canada comme ayant été autorisés à percevoir de l'argent et émettre des reçus aux fins des déductions d'impôt. Il y a aussi des organismes sans but lucratif qui ne sont pas des oeuvres de bienfaisance. Ainsi, le comité olympique est probablement un organisme sans but lucratif et beaucoup d'organisations sportives sont dans ce cas. En d'autres termes, en tant qu'organisme sans but lucratif, on peut mener des activités n'importe où comme toute autre entreprise. Sur la scène internationale, je suis persuadé qu'il y a de nombreux organismes sans but lucratif qui mènent des activités, y compris certains qui sont des oeuvres de bienfaisance et d'autres pas. Vont-ils être visés?

M. Axworthy: Je peux peut-être revenir sur le projet de loi lui-même. Dans la définition, à l'article 2, on dit: «affaires» Commerce, métier, profession, industrie ou entreprise de quelque nature que ce soit exploités ou exercés au Canada ou à l'étranger en vue d'un profit. C'est la définition contenue dans le projet de loi et cela cadre avec la convention de l'OCDE qui devait traiter des transactions commerciales.

Il ne fait aucun doute qu'il peut y avoir d'autres transgressions comme celles que vous décrivez. À l'heure actuelle, il n'en est pas question dans ce projet de loi. La principale préoccupation était de s'attaquer à la corruption croissante qui nuit aux affaires. À partir de nos discussions avec les gens d'affaires canadiens, nous avons compris qu'ils voulaient également que nous nous attaquions à ce problème en particulier dans ce projet de loi.

C'est pourquoi les questions touchant les organismes sans but lucratif n'ont pas été incluses. Ces organismes ne seraient visés que si on tentait d'utiliser un organisme sans but lucratif comme façade pour violer la loi. Cela ferait partie alors de l'enquête menée par les autorités policières et judiciaires.

Le sénateur Tkachuk: L'accent est-il mis dans le projet de loi sur la question de savoir si la transaction a été effectuée par un organisme à but lucratif ou sans but lucratif ou plutôt sur celle de savoir si la transaction a été effectuée en vue d'obtenir un profit?

M. Axworthy: À l'article 2, il est question d'exercer des activités au Canada en vue d'un profit. C'est ce qu'on dit dans la définition.

Le sénateur Tkachuk: Il importe peu alors de savoir en quoi consiste le véhicule? Est-ce à dire que ce pourrait être une personne ou un organisme sans but lucratif?

M. Axworthy: Si les intéressés mènent leurs activités en vue d'un profit, ils seront visés.

Le sénateur Austin: Monsieur le ministre, pour autant que mon opinion a une certaine valeur, je pense que vous avez donné la bonne réponse, à savoir qu'on examine les faits pour savoir si la transaction est à but lucratif. Je suis avocat, mais mon conseil est gratuit.

M. Axworthy: C'est une première.

Le sénateur Austin: En ce qui concerne les questions relatives aux pratiques limitatives, deux questions ont déjà été posées portant respectivement sur les transactions à but non lucratif et les succursales. La troisième question est la suivante: est-ce que l'infraction dont est soupçonnée une personne serait une infraction si cette dernière était membre d'un parti politique?

Les documents publiés au début par l'OCDE et les commentaires à leur égard indiquaient qu'il était convenu d'exclure les transactions avec des «personnages politiques», c'est-à-dire des membres d'un parti politique ne remplissant pas un rôle législatif, administratif ou juridique. Si la réponse à cette question est qu'ils sont exclus, ne serait-il pas facile pour les pays désireux de passer outre à cette mesure législative de nommer comme bénéficiaires des membres d'un parti?

M. Axworthy: Je vous renvoie à la définition donnée à l'article 2 du projet de loi qui décrit un agent public étranger comme une «personne qui détient un mandat législatif, administratif ou judiciaire d'un État étranger», ce qui englobe les parlementaires, y compris les membres de la Chambre haute, les fonctionnaires et les juges. C'est la définition que nous avons. Si on incluait les postes au sein d'un parti - et dans certains pays le parti a parfois préséance sur les postes officiels - il faudrait que la loi le précise. L'intention est là, mais je m'en remettrais à la loi et au procureur général pour déterminer s'il y a eu tentative de contourner la loi. Nous pourrions alors voir s'il a des précédents.

M. Kessel a apporté d'autres précisions. Le projet de loi donne plusieurs définitions de ce qu'est un «agent public étranger». C'est entre autres «une personne qui exerce une fonction publique d'un État étranger». Si une personne était «secrétaire général du Parti végétarien» et que ce parti formait alors le gouvernement, et que cette personne exerçait une fonction publique, elle tomberait sous le coup de la loi. C'est précisé dans la convention de l'OCDE.

Le sénateur Austin: Pourrions-nous avoir une définition de «quiconque»? Il est fait référence à l'article 2 du Code criminel dans l'article 2 du projet de loi portant sur les définitions. Plus tôt, j'ai demandé un exemplaire du Code criminel, qui vient juste d'arriver. Nous parlons des personnes morales aussi bien que des personnes physiques, n'est-ce pas?

M. Axworthy: Oui.

Le sénateur Austin: En posant ces questions, je reconnais que ce projet de loi représente un important progrès en matière de pratique commerciale internationale et que les négociations internationales sont souvent imparfaites.

(1550)

Toutefois, ce qui a été convenu en novembre 1997 est certainement un progrès, et je me réjouis de cette mesure législative.

Le sénateur Kinsella: Monsieur le ministre, vous avez dit que des entretiens avaient eu lieu avec les provinces. Pourriez-vous préciser et nous dire quel rapport cela a avec le processus de ratification de la convention?

M. Axworthy: Nous avons pensé qu'il était important de consulter les provinces bien que cette mesure législative soit une mesure fédérale. Nous avons travaillé avec les provinces en partant du principe que les procureurs généraux provinciaux feraient également partie de l'organisme chargé de faire appliquer la loi. Ce projet de loi est une mesure législative autonome, mais les procureurs généraux provinciaux seraient aussi des représentants de la loi dans ce cas.

Le sénateur Kinsella: L'article 8 de la convention porte sur les normes comptables. Le premier paragraphe stipule ce qui suit:

 

[...] chaque Partie prend les mesures nécessaires, dans le cadre de ses lois et règlements concernant la tenue de livres et états comptables, la publication d'informations sur les états financiers et les normes de comptabilité et de vérification des comptes [...]
Ce sont là des éléments qui semblent relever de la province. Il est possible que les procureurs généraux provinciaux aient indiqué qu'ils étaient d'accord avec le type de changements apportés au Code criminel, mais il semble que les normes comptables doivent obligatoirement relever de la province.

Vous nous dites donc qu'il n'est pas nécessaire d'avoir l'approbation officielle des provinces pour ratifier cette convention?

M. Axworthy: En fait, le Code criminel prévoit déjà un certain nombre d'infractions sur la base des normes comptables généralement acceptées. Les articles 397, 361, 362, 400, 366, 388 requièrent tous des mesures similaires à celles qui figurent dans ce projet de loi. Cela entre donc dans le cadre du système juridique fédéral.

Le sénateur Kinsella: Néanmoins, des entretiens ont eu lieu avec les provinces?

M. Axworthy: Oui.

Le sénateur Kinsella: Est-ce qu'après cette discussion, on peut conclure que les provinces considèrent que c'est une bonne initiative?

M. Axworthy: Oui.

Le sénateur Kinsella: Nous voyons également cela comme un instrument important dans le domaine des droits de la personne et du commerce international.

Je voudrais maintenant me pencher sur quelques points précis. Dans la convention, à l'article 1, paragraphe 4, on définit «agent public étranger». Le projet de loi, à l'article 2, définit la même chose, mais on a omis l'expression «qu'elle ait été nommée ou élue». Je serais curieux de savoir pourquoi on a fait cela.

M. Axworthy: On vient de me dire que la raison de cela, c'est que l'on a utilisé la définition du Code criminel, afin d'assurer l'homogénéité des lois.

Le sénateur Kinsella: Est-ce que l'on a fait une étude pour savoir si cela faisait une différence, et si oui, laquelle?

M. Axworthy: D'après la jurisprudence canadienne, le terme «élu» inclut également les personnes nommées. Nous sommes tous visés.

Le sénateur Kinsella: Est-ce que la définition de l'article 2 s'appliquerait dans le cas où l'on aurait donné des pots-de-vin à quelqu'un parce que l'on se doute qu'il deviendra un agent public? Autrement dit si la corruption intervenait avant que la personne n'occupe une charge publique?

M. Axworthy: Vous me questionnez sur un point de droit. Je dirais que si l'on prouvait que cette personne est devenue un agent public et a commis une infraction couverte par le projet de loi, oui. Toutefois, si l'on paie une personne dans l'espoir qu'elle devienne ministre des Douanes et qu'en réalité, elle devient ministre des Affaires étrangères, on a fait un mauvais investissement.

Le sénateur Andreychuk: Monsieur le ministre, il y a quelque temps, l'OCDE avait des règles non écrites. Ai-je raison de dire que cette mesure ne s'applique qu'à la corruption directe ou indirecte de l'agent, et que celui-ci doit en profiter personnellement?

D'après le peu de connaissances que je possède de ce monde exceptionnel et inusité qu'est la diplomatie internationale, ce qui me préoccupe, c'est que, à cette époque-ci, il est rare que l'argent soit versé directement à l'agent ou qu'il en retire un avantage. Cependant, il peut arriver qu'un de ses proches en tire un profit. L'agent n'a commis aucun détournement direct ni n'est directement engagé dans la transaction. Il faut tout simplement se rendre dans le pays en question, y vivre quelque temps et, comme on l'a dit souvent, «apprendre à connaître la culture du pays». Autrement dit, il faut savoir où placer l'argent. Ai-je raison de dire, après un coup d'oeil rapide sur ce projet de loi, que ce dernier n'empêchera pas une telle activité de se produire?

M. Axworthy: En fait, sénateur, le projet de loi traite de toute infraction de corruption directe ou indirecte que commettraient des agents d'une personne et des membres de sa famille. Il traiterait de la préoccupation que vous soulevez.

Le sénateur Andreychuk: Dites-vous que, si un agent public n'est pas engagé directement dans la transaction et qu'aucun détournement n'a lieu, mais qu'un cadeau est remis à un proche ami ou parent du ministre, nous pourrions intervenir, sans demander pourquoi il a été remis? En d'autres mots, dites-vous que nous accepterions la preuve par déduction au lieu de la preuve directe?

M. Axworthy: Sénateur, il faudrait qu'il y ait des éléments de preuve. Il faudrait prouver que l'agent public a retiré un avantage de cette activité à un certain moment.

Cela nous ramène aux enquêtes. Encore une fois, le libellé est tiré du Code criminel, de sorte que la jurisprudence découlant du code s'appliquerait.

Le sénateur Andreychuk: Je me réjouis de voir que le projet de loi traite maintenant de ceux qui donnent des pots-de-vin. Nous avons souvent accusé des personnes de les accepter mais nous avons rarement commenté le fait que les pots-de-vin venaient davantage des pays développés. Nous nous dirigeons dans la bonne voie.

Je souligne que les moyens de transférer de l'argent et d'obtenir des avantages sont de plus en plus sophistiqués. Je ne suis pas sûre que ce projet de loi fera échec à ces moyens.

Estimons-nous disposer des mécanismes suffisants pour être en mesure de poursuivre pleinement les contrevenants en justice? La majeure partie des éléments de preuve se trouveront à l'étranger et probablement dans un autre pays que celui où réside l'agent, soit le tiers parti, le tiers pays. La mesure habilitante est-elle suffisante pour faire face à cette situation?

(1600)

M Axworthy: La convention a donné lieu à la mise au point d'arrangements positifs à l'égard de la coordination des activités policières et du partage de l'information. Il est clair que même la convention prévoit la nécessité d'une assistance mutuelle dans ces cas. Les signataires se retrouveraient dans une position où, si une des parties à la transaction se trouve dans un des pays, l'autre pays devrait collaborer activement avec les forces policières dans le cadre de l'enquête.

Le sénateur Andreychuk: Cette mesure législative visera-t-elle les fonctionnaires de la Banque mondiale et d'autres institutions du même genre qui contrôlent une bonne partie de l'activité étrangère?

M. Axworthy: Oui, elle vise aussi tous les membres des organisations internationales.

Le sénateur Andreychuk: En fin de compte, envisagez-vous de modifier les instructions des agents du service extérieur? À l'heure actuelle, lorsque des contrats sont octroyés, les agents du service extérieur reçoivent l'ordre de ne pas se mêler du contenu ou de la négociation des contrats. Toutefois, ils entendent beaucoup de choses et savent beaucoup de choses. Auront-ils davantage de responsabilités et d'obligations à l'égard de la collecte de renseignements dans le cadre des enquêtes et a-t-on prévu cela dans leurs directives?

M. Axworthy: S'il y a des indications qu'un crime a été commis, tout fonctionnaire canadien est tenu de le signaler. Par ailleurs, nous veillerons, grâce à la collaboration des nombreux groupes d'affaires internationaux qui participent aux consultations dans ce dossier, à ce que les gens qui mènent des affaires à l'étranger connaissent les obligations que leur imposera cette loi.

Le sénateur Andreychuk: Y aura-t-il des directives distinctes?

M. Axworthy: Je ne suis pas certain que ce soit nécessaire. Lorsque nous préparons des instructions pour les chefs de mission, l'une des choses qu'on leur demande, c'est qu'ils doivent suivre l'évolution des lois du Canada.

[Français]

Le sénateur Joyal: Je voudrais poursuivre sur la dernière question du sénateur Andreychuk, qui est celle de l'information à donner ou à rendre disponible aux entreprises canadiennes à l'égard de leurs activités à l'étranger.

Je me souviens, il y a quelques années, que le vérificateur général du Canada, dans son rapport, avait souligné des paiements irréguliers qui avaient été faits par certaines agences de la Couronne canadienne, pour ne pas les nommer. Ceux-ci, au cours de leurs activités à l'étranger, avaient remis des paiements lesquels, aux yeux du vérificateur général, n'étaient pas conformes aux pratiques canadiennes.

Je crois que si nous devons inciter le secteur privé à se conformer aux objectifs de la loi, j'appliquerai un adage que mon collègue le sénateur Beaudoin connaît bien: «la femme de César doit être au-dessus de tout soupçon». Je pense que les premiers à montrer l'exemple à cet égard sont les agences du gouvernement canadien qui sont engagées dans des activités commerciales à l'étranger.

Ne jugeriez-vous pas opportun d'informer les agences canadiennes qui sont impliquées dans des activités de nature commerciale des objectifs de cette loi, de façon à ce que personne ne puisse par la suite plaider l'ignorance de l'initiative que nous poursuivons aujourd'hui?

[Traduction]

M. Axworthy: Sénateur, la nouvelle sera certainement communiquée. Nous avons actuellement un excellent site Web reliant toutes nos missions à l'étranger, nos fonctionnaires et tous les employés dans nos missions qui représentent divers organismes et sociétés d'État, et d'autres personnes qui travaillent à l'étranger. Une fois qu'un projet de loi de ce genre aura reçu la sanction royale, son objet sera certainement annoncé sur ce site Web et nous entreprendrons toute autre forme de diffusion qui s'imposera. Ce sera une importante mesure législative. Elle établira une nouvelle norme, et nous voulons faire en sorte que les gens reconnaissent qu'elle établira une nouvelle norme internationale pour les transactions commerciales.

Le sénateur Joyal: Dans le même contexte, le sénateur Lynch-Staunton a mentionné que le Sénat pourrait avoir un suivi quant à la façon dont cette loi sera appliquée.

Nous avons eu, au cours du mois dernier, un projet de loi parrainé par notre collègue, le sénateur Corbin. Le Sénat a eu l'occasion de discuter de cette mesure et de faire rapport à ce sujet. Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles est présentement saisi du projet de loi C-3, qui comporte des dispositions similaires. Nous vous inviterions à songer à une initiative qui donnerait au Sénat la possibilité d'examiner la mise en application de cette mesure législative, étant donné surtout que nous innovons à cet égard. Nous ne sommes pas seulement un des 29 pays à avoir signé cette convention, nous sommes le cinquième.

Il est très important que les sénateurs puissent suivre la mise en oeuvre de la loi. J'appuierais certainement une telle initiative. Comme vous l'avez dit, elle reprendrait les objectifs du rapport que le sénateur Stewart a déposé hier à la Chambre pour s'assurer que toutes nos initiatives d'envergure internationale soient coordonnées et évaluées selon les mêmes normes d'éthique.

M. Axworthy: Là-dessus, sénateur Joyal, j'ai parlé aux hauts fonctionnaires, et le ministre Marchi l'a fait aussi. Nous aimerions présenter une réponse à ce rapport. Je considère que c'est un rapport très déterminant. Quand nous en aurons fait un examen complet, nous ferons connaître au président du comité et au comité lui-même notre point de vue sur ce qu'il recommande. Nous répondrons à ce rapport.

Il y a deux niveaux de présentation de rapport. D'abord, l'OCDE elle-même ferait rapport et c'est inscrit dans la convention. L'OCDE procéderait selon ses propres règles d'évaluation et de contrôle. L'autre, comme le sénateur Lynch-Staunton l'a proposé, pourrait être fait par le Parlement. Si les sénateurs veulent proposer un amendement qui exigerait un rapport annuel déposé dans les deux Chambres, nous serions certainement d'accord.

Le sénateur Joyal: J'aimerais revenir à la question des sociétés sans but lucratif soulevée par certains de mes collègues.

Le Code criminel dit que le mot «personne» est aussi défini à l'article 33 de la Loi d'interprétation et que cela englobe les personnes morales. Dans l'affaire R. c. Township of Richmond, le tribunal a conclu qu'une personne morale englobait une municipalité, et que celle-ci pouvait donc être accusée d'une infraction contraire à la Loi sur les pêches ou à toute autre loi. Une corporation, comme on dit en français...

[Français]

 

[...] c'est une personne morale. Qu'une personne morale soit pour des activités à des fins non lucratives ou lucratives, elle existe et est justiciable.
Par conséquent, je ne vois pas comment on pourrait soutenir une interprétation restrictive du terme «personne», de manière à exclure les corporations sans but lucratif ou les sociétés sans but lucratif.

[Traduction]

Avez-vous des indications qui permettent de dire le contraire?

M. Axworthy: Pour plus de précision, je pourrais peut-être me reporter comme vous l'avez fait à la définition de personne qu'on trouve à l'article 2 du Code criminel. La voici:

 

«quiconque», «individu», «personne» et «propriétaire» Sont notamment visés par ces expressions et autres expressions semblables Sa Majesté et les corps publics, les personnes morales, sociétés, compagnies, ainsi que les habitants de comtés, paroisses, municipalités ou autres districts à l'égard des actes et choses qu'ils sont capables d'accomplir et de posséder respectivement.
L'élément clé, ici, c'est que, si l'une des personnes nommées participe à une activité lucrative, la convention s'appliquerait.

Le sénateur Joyal: Je plaide pour une interprétation libérale de cette disposition, si vous me comprenez, monsieur le ministre.

M. Axworthy: Je suis toujours en faveur des interprétations libérales.

Le sénateur Joyal: Je voudrais maintenant en arriver au paragraphe 3(3), dont voici un passage:

(1610)

 

(3) Nul ne peut être déclaré coupable d'une infraction prévue au paragraphe (1) si le prêt, la récompense ou l'avantage
a) est permis ou exigé par le droit de l'État étranger [...]
J'ai quelque repentir au sujet de ce projet de disposition, car il me semble qu'on risque ainsi de créer une double échelle de valeurs. D'une part, il y a certainement des pays où les dispositions du code pénal sont moins sévères que les nôtres. D'autre part, dans bien des régimes, ce qui n'est pas interdit est autorisé par le fait même. En laissant ainsi une porte grande ouverte, je me demande, même si ce n'est pas le but du projet de loi, si nous n'encourageons pas indirectement ce que nous voulons interdire, dans des pays où les lois ne sont pas aussi contraignantes que les nôtres. Il me semble que nous devrions appliquer l'éthique canadienne dans nos rapports avec d'autres États. Je me refuse à faire des analogies, parce qu'elles peuvent être boiteuses, mais il ne fait pas de doute que certains actes réprouvés par notre Code criminel pourraient être autorisés dans d'autres pays.

Sommes-nous en train de créer une échappatoire?

M. Axworthy: Tout d'abord, sénateur, permettez-moi de signaler que toutes les parties à la convention ont des lois contre la corruption. Donc, ce n'est pas comme si l'on donnait carte blanche à quelqu'un. Les définitions exactes et les interprétations varient évidemment en fonction des lois nationales de ces pays. La convention elle-même est un accord qui a été négocié. Elle réunit des pays qui cherchent à déterminer une norme acceptable à tous.

Si nous devions constamment établir des normes qui seraient parfois différentes et parfois meilleures que celles des autres pays, nous prendrions deux genres de risques: premièrement, en tentant de faire respecter l'extraterritorialité et, deuxièmement, en imposant à nos propres entreprises des normes que personne d'autre ne respecterait et qui les défavoriseraient très nettement. Toutefois, acceptons la convention pour ce qu'elle est. Il s'agit d'un grand pas vers la création d'une norme, fondée sur un accord conclu avec d'autres pays. Il faudra du temps pour voir comment le tout fonctionnera. Des mécanismes de rapport et de surveillance ont été prévus à cette fin.

Nous voulons que la corruption fasse l'objet d'une loi distincte, car nous voulons pouvoir l'adapter au fil des ans sans toujours avoir à modifier le Code criminel. Cela nous permettra de tirer des leçons. Si nous devions présumer que les meilleurs rendements auxquels on peut s'attendre au Canada seraient également observés dans d'autres pays, nous prendrions, je le répète, des risques, premièrement, en appliquant nos propres normes à un traité international et, deuxièmement, en défavorisant les entreprises canadiennes.

Le sénateur Joyal: L'article 6 du projet de loi se lit comme suit:

 

N'est pas coupable d'une infraction prévue aux articles 4 ou 5 l'agent de la paix - ou la personne qui agit sous sa direction - qui fait l'un des actes mentionnés à ces articles dans le cadre d'une enquête ou dans l'accomplissement de ses fonctions.
Franchement, ma première réaction en lisant cela a été de penser à la commission McDonald. Cette disposition n'autoriserait-elle pas les agents de la paix à enfreindre la loi quand ils effectuent des enquêtes? Est-ce que des commissions n'ont pas recommandé sévèrement au Parlement que les agents de la paix respectent la loi quand ils effectuent des enquêtes?

M. Axworthy: Sénateur, cette disposition doit d'abord protéger les policiers qui font enquête. S'ils saisissent les produits d'un acte illégal, d'un acte de corruption, ils doivent avoir droit à l'exemption, autrement ils seraient responsables en vertu de la loi. On aura beaucoup de mal à faire respecter la loi, si l'on commence à inculper des agents de police qui font leur devoir en s'occupant de l'échange visé dans une affaire de corruption. Il faut simplement veiller à ce qu'il n'y ait pas d'ambiguïté quant à la responsabilité des personnes impliquées. Il n'est pas question d'entraîner les agents de police à adopter une conduite criminelle.

Le sénateur Stewart: Nous savons tous que le Canada dépend beaucoup des échanges de biens et de services. Aux termes du projet de loi, un des principaux buts de la corruption serait de faciliter les activités commerciales des personnes visées par la définition. Cela m'amène donc à poser deux questions liées entre elles, que le sénateur Joyal a abordées en quelque sorte.

Sommes-nous convaincus de la capacité des gouvernements qui ont signé la convention de l'observer? Prenons la question des droits de la personne, par exemple. Il peut arriver que le gouvernement d'un pays signataire d'une convention s'aperçoive ensuite qu'il n'est pas en mesure de remplir ses engagements. Nous pouvons toujours insister pour que les gens d'affaires canadiens respectent une norme élevée, mais si cette norme n'est pas respectée par les gens d'affaires de cet autre pays, c'est notre pays qui sera perdant dans ses échanges de biens et de services.

Je devine qu'il faudra presque l'éloquence du gouverneur de la Banque du Canada pour répondre à ma première question. Pensez-vous que les pays signataires soient capables de respecter les modalités de la convention?

M. Axworthy: D'abord, sénateur Stewart, il faut toujours partir du principe qu'un gouvernement qui s'engage à ratifier un traité est disposé à en appliquer les normes. Nous savons tous que personne n'est parfait. Nous savons que, en matière de respect des droits de la personne, les pays sont loin d'être parfaits. Néanmoins, les pays qui ratifient un traité s'engagent à le respecter.

Dans le cas qui nous occupe, il s'agit de 14 États de l'OCDE, qui sont tous bien développés et actifs et qui ont tous un bon gouvernement et des lois très fortes. Comme ils comptent aussi parmi nos principaux partenaires commerciaux, cela ne présente aucun inconvénient pour les entreprises canadiennes comme telles, car la plupart des pays de l'OCDE sont ceux avec lesquels nos propres entreprises font affaire. Nous nous attendons donc au même niveau d'application que chez nous.

Est-ce que ce sera parfait? Nous ne le savons pas; comme je l'ai dit tout à l'heure, nous surveillerons la situation et nous aviserons, mais il importe de faire le premier pas. D'après ce que j'ai pu voir avec d'autres traités, ils établissent des normes non seulement pour les signataires, mais pour d'autres pays aussi. Ils permettent de hausser la barre pour beaucoup plus de monde au plan international. Nous croyons donc que la poursuite de cette convention, tout comme ce que nous essayons de faire dans d'autres domaines par le truchement de l'OEA, étend considérablement la norme sur un plan vraiment international. Puis-je garantir une adhésion absolue? Non, mais je peux certes garantir que la situation s'améliorera de beaucoup.

(1620)

Le sénateur Stewart: Je vous remercie pour cette réponse. J'ai maintenant une question très facile à vous poser. Vous dites qu'il y a 14 pays signataires.

M. Axworthy: Il y en a 29, en fait. Je me suis trompé.

Le sénateur Stewart: Très bien. Quels sont, parmi ces 29 pays, les quatre qui, ayant ratifié le traité et ayant adopté un projet de loi, sont déjà prêts à agir?

M. Axworthy: À l'heure actuelle, ce sont les États-Unis, le Royaume-Uni, le Japon et l'Allemagne. Le Canada serait le cinquième.

[Français]

Le sénateur Prud'homme: Le projet de loi émane du Sénat, ce qui est assez exceptionnel. C'est un excellent précédent. Vous le voulez le plus rapidement possible puisque nous siégeons en comité plénier. J'aurais pensé que l'on aurait plutôt dirigé ce projet de loi au comité des affaires juridiques et constitutionnelles présidé par le sénateur Milne. C'est un projet de loi très important. Il a des répercussions internationales.

Quand je regarde la liste de ceux qui ont signé ce traité les premiers, mes soupçons ne font qu'augmenter. Leur enthousiasme à signer ce traité m'inquiète un peu.

Quand je regarde ceux qui n'ont pas encore signé, je me pose la question: pourquoi est-ce que le Canada devrait être le cinquième à le signer?

Avez-vous l'assurance qu'un projet de loi du Sénat puisse obtenir une adoption rapide à la Chambre des communes? Est-ce qu'il y a eu des tractations avec les différents partis politiques puisque l'on nous demande de l'adopter aujourd'hui? Je ne suis pas certain que je vais consentir à l'adoption de ce projet de loi en troisième lecture.

[Traduction]

Je ne sais pas si je consentirai à l'adoption en troisième lecture aujourd'hui, mais nous verrons.

[Français]

Quelle assurance avez-vous que la Chambre des communes, qui, selon mes informations, doit ajourner jeudi prochain, adoptera rapidement un projet de loi aussi important, originant du Sénat? On connaît la virulence du Parti réformiste et l'état d'esprit du Bloc québécois aujourd'hui, un peu déprimé de la défaite de lundi aux élections du Québec. Pourquoi ne pas l'avoir envoyé au comité des affaires juridiques et constitutionnelles?

[Traduction]

M. Axworthy: Tout d'abord, sénateur Prud'homme, permettez-moi de préciser que je ne fais aucune distinction entre les deux Chambres pour le dépôt de projets de loi de cette importance.

Le sénateur Prud'homme: Nous en sommes très heureux.

M. Axworthy: En fait, je tiens à remercier le Sénat du traitement qu'il a réservé au projet de loi sur le précontrôle des voyageurs et des marchandises, lequel va maintenant être étudié à l'étape de la deuxième lecture et examiné comme il se doit. Nous avons un certain nombre de projets de conventions et d'accords internationaux en vue, et j'espère que nous pourrons continuer de travailler en étroite collaboration avec le Sénat pour les présenter et obtenir la coopération des sénateurs.

Quant au projet de loi à l'étude, je ne puis dire à quel comité il doit être renvoyé; cette décision appartient aux dirigeants du Sénat. Vous menez vos affaires comme bon vous semble. Cependant, à la Chambre des communes, nous négocions actuellement avec les différents partis l'étude de cette mesure législative. Tout dépend, en partie, du moment où nous le recevrons du Sénat. Si le projet de loi peut nous être renvoyé de manière à ce que nous puissions l'étudier la semaine prochaine, je pense qu'il pourra alors être adopté d'ici à l'ajournement, mais tout cela fait l'objet de négociations.

[Français]

Le sénateur Prud'homme: Si le Canada est le cinquième pays signataire, vous en serez très heureux, mais à quoi doit-on s'attendre de la part des pays non signataires? Est-ce qu'ils doivent se conformer à ce traité?

[Traduction]

M. Axworthy: Les 29 pays ont tous signé, et maintenant, il ne s'agit plus que de ratification. La signature du cinquième pays est importante, car c'est à partir de ce moment que la convention est établie. Comme je l'ai expliqué, les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et le Japon, qui sont, sinon les plus importantes puissances économiques du monde, à tout le moins nos principaux concurrents et partenaires commerciaux, ont déjà signé la convention, et nous voulons aussi faire figure de chef de file. Je suis sûr que les autres suivront. Comme on a pu le constater avec d'autres traités, si l'on attend toujours après les autres, on n'aboutit jamais à rien, et c'est pour cette raison que nous demandons au Sénat d'approuver le projet de loi avant la fin de l'année.

Si le projet de loi est présenté à ce moment-ci, c'est que nous voulions que les milieux d'affaires canadiens l'étudient à fond; nous les avons donc consultés, de même que les provinces, et ils ont formulé plusieurs recommandations au sujet du projet de loi. Je reconnais que c'est une procédure très accélérée, non seulement pour nous, mais pour tout le monde. Tout cela a été décidé il y a à peine un an. Par rapport au processus habituel d'élaboration de traités internationaux, la réponse est venue très rapidement, ce qui témoigne bien du vaste appui que la convention recueille actuellement.

Le sénateur Prud'homme: Au fil des ans, je pense que certains de mes collègues ont soulevé cette question, à savoir qu'il y a beaucoup de corruption dans certaines sociétés d'État. Si vous ne me croyez pas, je peux vous dire le montant versé, pourquoi il a été versé et à qui.

Quelle assurance avons-nous que ce projet de loi couvre des gens qui ne sont pas des fonctionnaires et qui sont utilisés comme intermédiaires à grands frais parce qu'ils ont la chance de connaître la bonne personne au bon endroit? Je pense aux 15 millions de dollars qui ont été versés à la vente d'un réacteur CANDU à un certain pays. Nous savons qui a eu l'argent. Est-ce que le projet de loi prévoira cela?

J'ai de nombreux exemples, mais je ne veux pas perturber l'esprit de Noël.

M. Axworthy: Je n'ai pas remarqué l'esprit de Noël là où je siège tous les jours, mais je me réjouis qu'il règne ici.

Deux points ont déjà été soulevés; l'un d'eux est que la définition de la convention inclut les sociétés d'État. Il s'agit ici d'inclure Sa Majesté et les organismes publics, les sociétés, les habitants, et cetera, afin qu'ils soient tous couverts en cas de profits tirés d'une transaction.

Ensuite, en réponse au sénateur Andreychuk, j'ai également souligné que la convention portait aussi sur les activités indirectes, ce qui comprend les agents, la famille et tous ceux qui seraient utilisés comme intermédiaires. Il faut certes le prouver et obtenir des preuves, mais il n'en demeure pas moins qu'ils sont inclus dans cette loi.

Le sénateur Lynch-Staunton: J'ai une question, puis je lirai ce qui, je l'espère, sera un amendement acceptable, sous réserve que les juristes en retouchent le libellé, si besoin est.

Vous avez dit plus tôt dans votre exposé que l'OEA avait adopté une convention semblable, à laquelle nous n'avons pas encore souscrit. Ce projet de loi couvre-t-il les exigences de la convention de l'OEA, c'est-à-dire toute autre organisation internationale décidant d'appliquer les mêmes restrictions relatives aux pots-de-vin?

(1630)

M. Axworthy: Sénateur, je crois que le projet de loi couvrira la convention de l'OEA. Il pourrait y avoir quelques rajustements mineurs à faire, mais, en gros, les articles sont très semblables. Les modifications législatives prévues dans le projet de loi nous permettraient de respecter nos obligations envers l'OEA également.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, je propose l'amendement suivant: Le ministre de... - je vous laisse le soin de compléter, mais je crois que ce serait le ministre de la Justice - doit, dans les quatre mois suivant la fin de l'exercice financier, déposer devant les deux Chambres du Parlement un rapport annuel sur toute question se rapportant à l'exécution de la loi.

M. Axworthy: Sénateur, je viens de demander une opinion sur l'interprétation de cette disposition aux fonctionnaires. Tout dépendrait, en partie, du genre de renseignements que vous visez. Si vous pensez à des mesures d'exécution au Canada, ce serait le ministre de la Justice. Si vous pensez à des rapports sur ce qui se passe dans d'autres pays à l'égard de conventions, ce serait le ministre des Affaires étrangères. On m'a recommandé de dire que le gouvernement du Canada déposera un rapport, plutôt qu'un ministre en particulier.

Le sénateur Lynch-Staunton: Nous pensons à un rapport annuel ordinaire sur l'application de la loi, les personnes trouvées en infraction et l'efficacité de la loi. Les faiblesses seraient signalées au Parlement.

J'ai ici le texte suggéré par les conseillers juridiques. Je le lirai à nouveau pour vous demander de l'approuver. Nous pourrions le présenter à l'étape de la troisième lecture. Il est proposé:

Que le projet de loi S-21 soit modifié, à la page 6:

a) par adjonction, après la ligne 37, page 6, de ce qui suit:

RAPPORT ANNUEL

12. Dans les quatre mois suivant la fin de chaque exercice, le ministre de la Justice et procureur général du Canada prépare un rapport sur l'application de la présente loi et fait déposer copie de ce rapport devant chacune des Chambres du Parlement dans les quinze premiers jours de séance de cette Chambre après l'établissement du rapport.
b) en renumérotant les articles...
La question est de savoir qui est responsable du dépôt du rapport.

M. Axworthy: Je m'attends à ce qu'il y ait chaque année une longue liste de poursuites. Aux États-Unis, où une loi semblable a cours depuis 1997, on en a dénombré 16. Il s'agira en fait d'un rapport court.

Pour revenir aux propos du sénateur Joyal, si on voulait élargir le champ d'application pour y inclure tout le contenu de la convention de l'OCDE, la responsabilité incomberait au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Il s'agit d'une responsabilité partagée dans ce cas.

Je dirais qu'en ce qui concerne le rôle du ministre de la Justice, cela se résume aux poursuites au Canada. Cela ne s'étendrait pas à tout le spectre de l'activité de l'OCDE. Si je vous ai bien compris, sénateurs, vous souhaitez un champ d'application plus large.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est bien cela.

Ne pourrions-nous pas écrire que «le ministre des Affaires étrangères, le ministre de la Justice et le ministre du Commerce international préparent conjointement...»?

M. Axworthy: Bien sûr.

Le sénateur Lynch-Staunton: Quelque chose du genre.

M. Axworthy: Tout à fait.

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous pourriez peut-être améliorer le texte et nous pourrions alors l'intégrer à l'étape de la troisième lecture.

M. Axworthy: Nous allons consulter les conseillers juridiques de la Chambre et nous vous communiquerons un nouveau libellé d'ici la troisième lecture.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pourriez-vous le faire avant que nous ajournions aujourd'hui?

M. Axworthy: Oui. Mes distingués collègues peuvent rester encore quelques minutes après mon départ pour s'occuper des détails juridiques qui s'imposent.

Le sénateur Kinsella: Vu le caractère très particulier de tout ce qui entoure la ratification de cette convention, il serait peut-être bon que nous consignions le processus suivi par le Canada lors du dépôt de l'instrument de ratification. Si je ne m'abuse, en tant que ministre des Affaires étrangères, vous ferez une recommandation au Conseil privé afin qu'une décision soit prise et qu'une minute soit consignée, n'est-ce pas? Cela constituera de votre part, en tant que ministre des Affaires étrangères, l'autorisation de déposer cet instrument de ratification auprès du dépositaire.

M. Axworthy: Il faudrait un décret m'autorisant à procéder à la ratification.

Le sénateur Kinsella: Cela en vertu de l'article 14 de la convention. Si j'interprète bien la convention, cela pourrait être fait cet après-midi, même si ce projet de loi n'est pas adopté. En fait, comme ils sont un peu lents dans l'autre endroit, je vous conseille d'envisager de faire cela et de déposer cet instrument de ratification le 10 décembre, qui correspond à la Journée internationale des droits de l'homme.

Si on lit les articles de fond de la convention, n'est-il pas vrai que la convention veut créer une obligation pour les parties en employant des mots comme «chaque partie prend les mesures...»? Autrement dit, il faut comprendre «devra prendre».

Nous sommes manifestement bien engagés. En fait, comme vous pouvez le constater, les honorables sénateurs sont impatients de voir ce projet adopté. Nous pourrions ratifier cette convention même si ce projet de loi n'est pas adopté. Mon interprétation de la convention est-elle juste ou non?

M. Axworthy: Je pense que vous avez raison sur la forme. Toutefois, ma longue expérience m'a appris qu'il vaut mieux s'en tenir à la procédure parlementaire et respecter le Parlement. Je préfère donc que ce projet de loi soit adopté avant de ratifier la convention.

Le sénateur Kinsella: Je crois que d'autres sénateurs ont soulevé les questions techniques que je voulais soulever. Pour ma part, c'est tout.

Le sénateur Eyton: Monsieur le ministre, je tiens à préciser que la convention telle qu'elle ressort du projet de loi à l'étude a l'appui des entreprises au Canada et dans le monde entier. Elle n'est pas parfaite, parce qu'elle est le résultat de discussions, de compromis et de consensus entre des milliers d'individus et d'organisations. Toutefois, c'est un grand progrès.

Je dis cela en partie parce que j'ai été pendant quelques années membre du comité exécutif de la Chambre internationale de commerce à Paris, que cette question préoccupe depuis très longtemps.

Lorsque l'OCDE s'est emparée de cette question et a proposé ces mesures, la CCI a constitué un comité ou une commission composé d'experts qui ont largement participé aux entretiens que j'ai mentionnés plus tôt. Le fruit de ces entretiens a la bénédiction de la CCI, et ce n'est pas sans importance. La CCI compte des membres dans plus de 120 pays. L'organisation nationale de la CCI est le Conseil canadien pour le commerce international.

Si l'on met tout ensemble, cela démontre que la convention et le projet de loi ont l'appui sans réserves du milieu mondial du commerce, représenté par le CCI et ici, au Canada, par le Conseil canadien pour le commerce international et son organisation annexe, la Chambre de commerce du Canada. Je voudrais ajouter mon appui personnel à ce projet de loi.

Je serais curieux de savoir ce que le gouvernement pourrait faire, ce que vous pourriez faire à l'extérieur de l'OCDE. Il est manifestement plus facile de faire appliquer la convention dans les pays signataires. Quelles mesures le Canada va-t-il prendre pour encourager une adhésion et une application plus larges?

(1640)

M. Axworthy: Sénateur Eyton, je suis heureux de votre résumé du travail qui s'est fait au sein des milieux internationaux du commerce. Une partie essentielle du processus est de parvenir à une convergence des points de vue. Cette convention est le résultat de ce travail.

En ce qui concerne les autres activités, comme je le disais dans mes remarques préliminaires, nous cherchons aussi à faire appliquer une telle convention au sein de l'OEA. Cette mesure s'y conformera. Le Conseil de l'Europe poursuit ses activités. L'an prochain, les Nations Unies parleront d'une convention importante sur le crime transnational. On examine divers protocoles. Une partie de la discussion portera sur la façon dont la corruption est traitée dans ces différentes organisations. En fin de compte, l'OMC examinera aussi cela dans le cadre de ses procédures.

La convention est un premier élément. Une telle déclaration venant des 29 pays membres de l'OCDE revêt une importance considérable et peut servir de plate-forme pour une application beaucoup plus générale des normes acceptées.

Le sénateur Grafstein: Monsieur le ministre, j'aimerais poursuivre sur le sujet auquel les sénateurs Stewart et Eyton ont fait allusion. Vous en avez parlé dans votre dernière réponse au sénateur Eyton. Je veux parler de l'adhésion à l'OMC. Au cours des prochaines années - je ne sais pas exactement quand - certains des grands pays industrialisés tenteront activement de se joindre à l'OMC.

Est-ce un point de vue général ou est-ce plutôt l'avis du gouvernement du Canada que, comme un premier pas vers l'adhésion - et je ne veux pas en faire une condition préalable - ces pays, tout particulièrement ceux avec qui le Canada veut fortement promouvoir des échanges commerciaux et des investissements, devraient avoir ratifié le traité? Je pense tout particulièrement à la Chine, et ce sans aucune arrière-pensée. Nous savons que la Chine cherche activement à adhérer à l'OMC.

M. Axworthy: Sénateur, comme vous le savez, à l'heure actuelle, il ne s'agit pas d'une condition d'adhésion, mais il ne fait aucun doute que la question de la corruption est un sujet de préoccupation très important à l'OMC. C'est l'un des points qui fait de plus en plus l'objet d'une analyse approfondie quand vient le temps de juger des demandes d'adhésion.

Les pays qui désirent s'impliquer reconnaissent qu'ils devront commencer à modifier leurs normes. Dans certains cas, c'est un défi important, mais il se pose aussi à d'autres pays.

Pour en revenir au point que j'ai signalé au sénateur Eyton, en établissant un point de référence basé sur les 29 pays de l'OCDE, des pays dont les échanges commerciaux internationaux sont les plus actifs et les plus développés, cette convention donne un signal très éloquent. De plus, nous espérons que cette convention prendra à terme une dimension plus universelle.

D'ici là, comme vous le savez par votre propre expérience, il n'est pas nécessaire pour un pays d'avoir signé un traité pour adhérer à ses normes. Cependant, un pays qui s'écarte de ces normes sera de plus en plus stigmatisé. C'est l'une des répercussions de l'inclusion de cette convention dans le droit interne.

Le sénateur Joyal: Quelles mesures comptez-vous prendre pour vous assurer qu'un plus grand nombre de pays adhèrent au processus de ratification, particulièrement les principales nations commerçantes? Tous ceux d'entre nous qui ont une certaine expérience internationale savent qu'il y a des pays du monde qui jouent un rôle clé en tant que modèles internationaux pour assurer l'application des objectifs de cette convention.

Pour être plus précis, quel est votre plan d'action pour garantir que nous ne serons pas limités à cinq pays et que, dans un avenir raisonnable, les grands partenaires commerciaux du monde et du Canada se joindront à la convention?

M. Axworthy: Les quatre pays qui l'ont déjà ratifiée et le Canada représentent probablement les plus grands pays exportateurs du monde. Ce n'est pas qu'une question de chiffres. C'est aussi la question du poids qu'ils peuvent conférer à l'affaire.

Cette mesure n'a été lancée qu'en mai de l'année dernière, aux assemblées ministérielles de l'OCDE. Comme je l'ai déjà dit, nous accélérons la mise en place de la convention dans un certain nombre de pays jusqu'en l'an 2000. Nous profiterons de toutes les occasions à l'OCDE et à d'autres rencontres ministérielles bilatérales pour faire avancer le dossier. Aux réunions du G-8, c'est l'un des sujets auxquels nous allons nous attacher. C'est inscrit à l'ordre du jour des réunions du G-8 de juin 1999.

Afin d'avoir plus de poids, nous devons adopter la convention. C'est difficile de presser les autres si nous en débattons toujours. Nous voulons terminer sur cette question afin que, quand nous participerons à certaines de ces réunions internationales au début de la prochaine année, nous pourrons faire valoir que le Canada a approuvé la convention.

Le sénateur Joyal: Je sais que les quatre pays qui ont déjà signé sont les États-Unis, l'Allemagne, le Japon et le Royaume-Uni. Avez-vous l'intention de faire de la ratification de la convention la principale priorité dans vos discussions bilatérales avec nos autres partenaires commerciaux quand vous sillonnez le monde ou quand le gouvernement canadien part en mission avec l'équipe Canada?

M. Axworthy: Oui, c'est l'une des questions considérées comme une priorité importante par le premier ministre, le ministre Marchi et moi-même. Nous profiterons certainement de toutes les occasions pour encourager d'autres pays à signer aussi rapidement que possible dès que nous aurons ratifié la convention.

Le sénateur Joyal: Si la convention est ratifiée avant que l'autre endroit n'ajourne, à temps pour la visite du premier ministre français à la mi-décembre, pouvons-nous compter sur vous pour aborder la question avec lui?

[Français]

Le sénateur Prud'homme: Je voulais simplement m'assurer, monsieur le ministre, qu'on ait bien compris la raison de mon hésitation. Je ne suis pas contre le projet de loi, au contraire. J'ai été celui qui l'a suggéré au Centre parlementaire.

[Traduction]

Je suis membre du conseil d'administration du Centre parlementaire, qui a organisé un séminaire sur la corruption et sur les gens corrompus. Les participants ont presque tous été unanimes. À propos, je signale que M. Stanfield est membre du conseil d'administration, ainsi que M. Sharp. Tous les membres sont éminents. J'ai dit que si nous organisions un séminaire sur les gens corrompus, il faudrait peut-être aussi en organiser un sur les corrupteurs.

[Français]

C'est bien beau de parler des corrompus, encore faudrait-ilparler des corrupteurs! Il n'y aurait pas de corrompus dans bien des pays s'il n'y avait pas des gens très sophistiqués qui les corrompent. Je veux que ce soit bien clair: je ne m'oppose pas à l'adoption du projet de loi, mais je suis très prudent dans ces questions.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, ma liste est épuisée. Si le ministre désire faire une dernière déclaration, je l'invite à la faire maintenant.

M. Axworthy: Monsieur le président, je voudrais remercier les sénateurs de l'étude qu'ils ont faite de ce projet de loi. Je leur sais gré de l'amendement qu'ils ont proposé. Je crois que cet amendement renforcera la loi. J'ai hâte que le projet de loi soit adopté, de sorte que je puisse faire des interventions analogues auprès de mes collègues de l'autre endroit.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, au nom de nous tous, je remercie le ministre Axworthy d'être venu nous rencontrer et de la manière très claire et très concise avec laquelle il a répondu à toutes nos questions et préoccupations. Ce projet de loi est très important. Comme le ministre l'a mentionné, le Sénat est actuellement saisi d'un autre projet de loi qui aura des ramifications dans d'autres pays.

Nous remercions le ministre de s'être présenté au Sénat aujourd'hui, et nous sommes impatients de l'accueillir à nouveau, en d'autres occasions, pour favoriser la collaboration entre les deux Chambres du Parlement. La démarche que nous faisons aujourd'hui est fort importante.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, il y a un autre groupe de témoins venant de Transparence internationale.

Les honorables sénateurs voudraient-ils les entendre cet après-midi?

Le président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, MM. Wesley Cragg et Michael Davies prennent place dans la salle du Sénat.)

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, nous entendrons M. Wesley Cragg, président et président du conseil d'administration de Transparence internationale. Il est accompagné de M. Michael Davies, vice-président, chef du contentieux et secrétaire.

J'ajoute que M. Davies est aussi vice-président, chef du contentieux et secrétaire de Générale Électrique du Canada, et que M. Cragg est membre du School of Business de l'Université York.

Le président: Soyez les bienvenus, messieurs. Je vous invite, ensemble ou séparément, à présenter une déclaration, puis nous passerons aux questions.

[Français]

M. Wesley Cragg, président, Transparence internationale-Canada: Monsieur le président, je suis très heureux d'être dans cette Chambre. L'occasion est très importante pour le Canada et pour la communauté internationale.

[Traduction]

Je vais faire quelques observations et Michael Davies parlera ensuite. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Transparence internationale est très favorable à ce projet de loi. Depuis quelque temps déjà, nous exhortons le gouvernement à déposer, avant la fin de l'année en cours, un projet de loi sur la lutte contre la corruption. M. Axworthy avait déclaré que la convention signée par le Canada en décembre l'an dernier établit des conditions qui doivent être remplies pour que la convention entre en vigueur. Si le Canada ne ratifie pas la convention d'ici la fin de décembre, il n'aura pas rempli ces conditions.

Nous occupons le cinquième rang, ce qui est remarquable puisque, à certains égards, c'est le plus important. Je suis d'avis que, si elle est adoptée, cette mesure sera la source d'un grand honneur pour le Sénat, le Parlement et le Canada. Si elle ne l'est pas, le Canada aura manqué une belle occasion de faire preuve de leadership dans un domaine où il est très respecté. C'est là une de nos principales craintes.

Je voudrais parler un peu de la corruption et expliquer pourquoi cette question préoccupe Transparence internationale. Il importe de bien situer le contexte, sans pour autant s'étendre sur le sujet. Il n'y a pas longtemps que les gouvernements ont inscrit à leur programme la lutte contre la corruption. Voyons un peu pourquoi.

Il y a quelques années à peine, le mot «corruption» n'était tout simplement pas prononcé en bonne compagnie et certainement pas en public. Personne n'osait le faire sur la scène internationale ou sur la scène nationale.

La position de la Banque mondiale et d'autres institutions du genre, comme le Fonds monétaire international, consistait à dire que la corruption était essentiellement un problème culturel ou politique. En général, on estimait que ce problème touchait les pays du tiers monde et que ceux-ci devaient le régler eux-mêmes. On jugeait également que la corruption n'entraînait aucune difficulté économique, surtout pas dans le monde industrialisé. Elle servait tout au plus à lubrifier la machine économique, lorsqu'il existait des obstacles bureaucratiques.

Transparence internationale est un organisme qui a été créé il y a cinq ans essentiellement pour changer cette perception. Ces opinions, à notre avis et de l'avis des fondateurs de Transparence internationale, sont extrêmement préjudiciables et inexactes. La position de Transparence internationale est fort bien résumée par le premier président de l'organisme et l'actuel président du conseil consultatif de Transparence internationale, le général Obasanjo, dont certains d'entre vous reconnaissent peut-être le nom.

Selon le Financial Times d'octobre 1994, il aurait dit: «Écartons les excuses et les explications. Dans aucune société, ni au nord, ni au sud, ni à l'est, il n'est acceptable que les dirigeants garnissent leurs goussets au détriment du public. Une fois cette simple vérité acceptée, il y aura un développement social et économique plus réel.»

Le général Obasanjo, vous vous en souviendrez, a été ensuite escorté dans les prisons nigérianes, où il a passé un bon bout de temps. Le Canada a joué un rôle important au sein du Commonwealth pour réclamer des changements en profondeur au Nigeria, et il a joué beaucoup plus récemment un rôle dans la libération du général. Celui-ci reste actif au sein de Transparence internationale à titre de président du comité consultatif et fait figure pour nous de symbole des opinions du tiers monde sur la corruption.

Il n'est pas sans importance que le monde en développement observe de près le problème de la corruption et les solutions qu'on y apporte dans le monde industrialisé. Je puis vous dire que des observateurs du monde entier s'intéressent vivement à ce qui se passe au Sénat aujourd'hui et s'intéresseront à ce que les Communes, je l'espère, feront la semaine prochaine.

Transparence internationale s'inquiète de la corruption. Elle croit que personne ne l'accepte, que c'est un fléau de nos systèmes économiques et sociaux. Elle a résolu ces cinq dernières années d'imposer ce problème à l'opinion et d'en saisir les institutions internationales ainsi que des gouvernements comme celui du Canada, afin de susciter une action pour combattre ce fléau.

Il vaut la peine d'expliquer pourquoi nous nous inquiétons de la corruption. De nombreux dirigeants de Transparence internationale, au départ, provenaient de la Banque mondiale. Certains ont pris une retraite précoce de cette institution afin de faire de la corruption une problème public à un moment où la Banque mondiale ne s'en souciait pas. Cela les préoccupait pour trois raisons. D'abord, surtout dans les pays en voie de développement, la corruption fausse la politique gouvernementale. Elle porte les gouvernements à prendre des décisions qui ne sont pas dans l'intérêt public, mais plutôt dans celui des gens qui toucheront les pots-de-vin lorsque la politique entrera en vigueur et que des acquisitions seront effectuées. Nous savons maintenant que c'est bien le cas. La recherche a établi très clairement que cela a un tel effet de distorsion.

(1700)

Un des effets importants qu'a la corruption, c'est de faire passer l'argent de ce que nous appelons le côté doux de l'économie, c'est-à-dire la santé, l'éducation et le bien-être social, vers des projets comme les routes et les dépenses militaires comme les ponts et ainsi de suite. Il est beaucoup plus facile de distribuer des pots-de-vin quand on s'occupe de ce genre de projets que lorsqu'on s'occupe de santé ou d'éducation. Voilà un des effets de distorsion importants qui s'observent dans les pays plus pauvres.

Le second effet, qui est également important, et nous le perdons souvent de vue dans notre partie du monde, c'est que la corruption fait baisser la qualité des biens et des services fournis par les entreprises du secteur privé pour honorer leurs contrats. Quand on offre des pots-de-vin substantiels, l'argent doit venir de quelque part. Il ne vient certainement pas des profits. On trouve l'argent soit en roulant les pays avec lesquels on a un contrat, soit en réduisant la qualité des biens et des services que l'on offre en retour pour les contrats. Cela est un fait établi et a une incidence importante sur la qualité des services que les habitants des pays en voie de développement obtiennent pour leurs impôts et aussi pour l'aide internationale que leurs gouvernements reçoivent.

Enfin, et c'est une chose très importante, la corruption sape le gouvernement. Elle sape le développement d'institutions politiques et démocratiques compétentes. Quand ces institutions sont en cours de développement, la corruption en bloque le développement. C'est un problème qui a été reconnu par l'Agence canadienne de développement international, pour citer un exemple. Le bon gouvernement est un des outils dont nous faisons maintenant la promotion au Canada en y voyant un moyen de commencer à remédier au problème de la corruption. La convention de l'OCDE représente le deuxième outil en importance à cet égard.

Transparence internationale est une coalition internationale de lutte contre la corruption qui compte ou comptera bientôt des sections dans 70 pays du monde entier. Notre organisation est authentiquement internationale. Notre secrétariat international s'attache à monter l'opinion publique internationale contre la corruption et y arrive parfaitement. Nous collaborons dans le monde entier avec diverses institutions internationales comme la Banque mondiale, le FMI et les Nations Unies à mettre sur pied des programmes de lutte contre la corruption. Nous organisons aussi des missions vers des pays dont les gouvernements nous demandent de les aider à lutter contre la corruption au plan national. C'est une tâche dont nous nous acquittons très bien.

Notre organisation établit des sections dans le monde entier. Nous en avons dans 70 pays. Nous organisons des congrès internationaux de lutte contre la corruption afin de donner l'occasion aux divers pays de se réunir pour discuter des problèmes que pose la corruption.

Les sections nationales sont semi-autonomes. Elles ont toutes la même politique, mais c'est à leur manière qu'elles luttent contre la corruption dans leurs pays respectifs. Il leur faut souvent beaucoup de courage, mais presque toujours de l'ingéniosité. Nos sections font des choses remarquables, surtout dans les pays du tiers monde. Au Nigeria, par exemple, le général Obasanjo est le symbole de ce qui peut être fait et de ce qu'il peut en coûter de lutter contre le fléau de la corruption.

Il y a des choses extrêmement intéressantes qui se passent au Bangladesh, comme au Chili et en Argentine. Je pourrais parler de cela plus en détail si cela vous intéresse. Il est évident que ces pays font de la lutte à la corruption une de leurs priorités publiques, tout comme l'agence internationale place cette question à l'ordre du jour des travaux d'organismes internationaux comme l'OCDE.

Transparence internationale a beaucoup milité en faveur de l'élaboration de la convention de l'OCDE. C'était un de nos objectifs. Nous avons consacré énormément d'énergie à cette cause et nous avons joué un rôle positif dans l'élaboration de cette convention. La signature de cette convention a eu lieu en décembre de l'an dernier et elle a constitué un événement vraiment important, car elle a montré, pour la première fois, une volonté collective, de la part du monde industrialisé, de venir à bout du problème.

Tout à l'heure, dans les échanges avec le ministre Axworthy, quelqu'un a souligné que, pendant longtemps et jusqu'à tout récemment, la corruption était considérée comme un problème du tiers monde. Chaque fois que la question était abordée dans les pays industrialisés, des blâmes étaient adressés. Cette convention dit aux pays du tiers monde que nous avons aussi une responsabilité, qu'il est vrai que ce sont leurs dirigeants qui sont corrompus, mais que ce sont aussi nos entreprises qui les corrompent et que si elles ne leur offraient pas de pots-de-vin, il n'y aurait pas de pots-de-vin à accepter. C'est une question extrêmement importante pour Transparence internationale et pour la crédibilité du mouvement international anticorruption.

La convention est un puissant signal aux pays en développement qui constituera un énorme soutien symbolique pour les habitants du tiers monde, qui pourront maintenant affirmer avoir conclu un partenariat avec le monde industrialisé et être en mesure de travailler avec ce dernier pour remédier au problème de la corruption. Nos entreprises seront tenues de respecter nos règles et, je l'espère, de communiquer ces valeurs quand elles feront affaire avec le tiers monde.

Grâce à la convention, la corruption sera maintenant reconnue comme étant une responsabilité partagée. C'est un important pas en avant.

Je voudrais dire quelques mots sur la convention, puis sur le projet de loi dont nous sommes saisis. La convention est excellente. Elle est un merveilleux premier pas. Toutefois, elle n'est qu'un premier pas, comme d'autres l'ont déjà dit. Néanmoins, elle est un important premier pas. Elle couvre la corruption directe et indirecte. Elle prévoit des peines sévères pour les sociétés et leurs agents. Il est important que les sociétés soient couvertes; ce n'est pas absolument clair dans la loi, mais elles le sont.

La convention prévoit également une surveillance internationale attentive du processus de mise en oeuvre. C'est extrêmement important parce que ce n'est pas une loi qui sera adoptée, puis déposée sur une tablette. C'est une loi dont tous suivront l'application. Tous voudront savoir comment un pays comme le Canada applique sa loi, comment il l'évalue et s'il y apporte les améliorations jugées nécessaires.

À notre avis, le projet de loi canadien répond aux obligations du Canada en vertu de la convention. C'est extrêmement important. Nous avons dit clairement au gouvernement que nous n'appuierions pas le projet de loi s'il ne remplissait pas, selon nous, nos obligations en vertu de la convention. Nous voulons que le Canada soit un chef de file dans la mise en oeuvre de la convention. Nous sommes d'avis que le projet de loi est une réussite à cet égard. C'est extrêmement important.

Malgré le peu de temps que j'ai eu, j'ai réussi à consulter largement mes collègues au Canada et ailleurs. J'ai la conviction que la loi recueillera de larges appuis tant au Canada qu'à l'étranger. J'ai consulté mon collègue, M. Davies, les milieux juridiques et ceux des affaires ainsi que mes collègues de Transparence internationale. Tous ont répondu favorablement. Les gens sont absolument ravis que le Canada passe à l'action dans ce domaine.

Transparence internationale-Canada appuie fermement le projet de loi et nous presse de l'adopter tel que demandé et de passer à l'étape suivante.

Je conclurai en faisant les observations suivantes. D'abord, si le Canada ne ratifie pas la convention d'ici le 31 décembre, il est presque certain qu'elle n'entrera pas en vigueur et que nous n'obtiendrons pas les conditions nécessaires à sa prise d'effet. Il est absolument capital que le Canada la ratifie avant cette date.

(1710)

Une fois ratifiée, il sera crucial que le Parlement joue un rôle dans la surveillance de la mise en oeuvre de la loi. Je crois comprendre qu'un processus a été prévu ou qu'un amendement a été proposé en ce sens. Transparence internationale appuierait cela. Nous voulons que le Parlement joue un rôle dans la surveillance de la loi grâce à des rapports de situation et à des débats sur ces rapports. Je peux vous affirmer que Transparence internationale suivra vos débats et y participera publiquement.

Troisièmement, nous exhortons le Parlement à encourager le gouvernement du Canada à jouer un rôle de premier plan pour faire en sorte que l'OCDE soit investie d'un rôle de surveillance. Il s'agit d'une convention plutôt inhabituelle dans la mesure où elle préconise que le comité qui a conseillé l'adoption de la convention assume un rôle de surveillance. La nature exacte de ce rôle de surveillance n'a pas encore été définie, mais le comité de travail de l'OCDE se chargera de le faire. Le Canada a la possibilité d'agir pour que le comité puisse accomplir son travail et qu'il ait les pouvoirs nécessaires pour cela. Le Canada doit appuyer le comité dans son travail et assumer un leadership pour ainsi dire discret auprès de quelques pays qui ne sont pas aussi enthousiastes pour la convention que nous croyons qu'ils devraient l'être.

Il est malheureux, mais vrai, que certains pays de l'OCDE se font tirer l'oreille. Je devrais peut-être vous dire, pour vous donner une idée de la situation, que des pays qui ont signé la convention en décembre de l'an dernier avaient, au moment même où ils signaient, des lois permettant aux entreprises de déduire les pots-de-vin comme dépenses d'entreprise légitimes. En signant la convention, ils s'engageaient à modifier ces lois. Ils doivent maintenant s'orienter dans le sens de la convention. Cela ne fait que donner une idée de la situation actuelle, de la direction que nous devons prendre et de l'importance de la convention. La première étape consiste à faire abolir de telles lois, tout particulièrement dans les pays d'Europe de l'Ouest.

Finalement, nous voulons que la surveillance exercée par le Canada et l'OCDE soit transparente. Cela sera extrêmement important. Nous ne voulons pas de secret. Nous voulons que les activités de surveillance soient transparentes et qu'elles soient ouvertes au secteur bénévole autant qu'au secteur privé. Nous ne voulons pas que ce soit une chasse gardée du gouvernement. Nous voulons que le secteur privé et les organisations de bénévoles, tout particulièrement les organisations comme Transparence internationale, participent à la surveillance. Nous vous invitons à exhorter le gouvernement à répandre le message et à faire en sorte que les objectifs soient atteints.

L'organisme Transparence internationale propose, pour sa part, de se joindre à d'autres sections nationales de pays membres de l'OCDE pour surveiller la mise en oeuvre de la convention. Un comité mondial de Transparence internationale coordonne les effets de sections comme Transparence internationale-Canada; il suit déjà de près l'évolution de la situation dans divers pays et exerce des pressions pour faire avancer les choses. La section canadienne est intervenue activement auprès du gouvernement canadien pour l'amener à déposer ce projet de loi et à le faire adopter et elle entend poursuivre ses effets.

Nous projetons de porter ce projet de loi à l'attention des entreprises et du public en général. Nous entendons nous assurer que les entreprises soient au courant de ce projet de loi et de son importance. Nous encouragerons le monde des affaires à mettre en place des programmes permettant de s'assurer que les activités des entreprises respectent la loi, tant du point de vue de la lettre que de l'esprit. Les entreprises ont déjà accès à des mécanismes et elles peuvent établir des programmes. Nous entendons les exhorter à le faire.

Nous interviendrons activement. Ce projet de loi ne va pas tout simplement expirer au Feuilleton. Bien au contraire, il est absolument crucial qu'il soit mis en oeuvre, en tant que première mesure du genre, et qu'on en surveille l'efficacité.

En terminant, je répète que ce projet de loi est très important, beaucoup plus qu'il peut le paraître compte tenu de la position qu'occupe le Canada à ce moment-ci de son histoire. Tous les autres pays ont les yeux tournés vers le Canada actuellement et ce dernier a une occasion remarquable pour se placer à l'avant-garde dès la semaine prochaine et y rester dans l'avenir.

M. Michael Davies, mon collègue, voudrait faire quelques observations sur la position des gens d'affaires à l'égard de ce projet de loi.

M. Michael Davies, vice-président, chef du contentieux et secrétaire, GE Canada: Honorables sénateurs, comme M. Cragg l'a mentionné, je suis également directeur et vice-président du conseil d'administration de Transparence internationale-Canada, dont M. Cragg a parlé. Les gens d'affaires du Canada assurent un solide appui financier et participent activement à Transparence internationale-Canada. Parmi les membres fondateurs, outre ma compagnie, il y a notamment Alcan, Northern Telecom, The Globe and Mail, IBM, Placer Dome, Ontario Hydro International. Si les gens d'affaires du Canada participent activement aux activités de Transparence internationale, c'est qu'ils y croient vraiment.

Je joue un autre rôle concernant la convention de l'OCDE. Il y a environ deux ans, le Conseil canadien pour le commerce international a formé un comité sur la lutte contre la corruption et m'a demandé de le présider. Depuis deux ans, je me rends régulièrement à Paris pour assister aux réunions du groupe de travail sur la lutte contre la corruption de l'OCDE et de l'ICC, que les gens d'affaires du Canada appuient fermement, afin que nous ayons une convention solide et efficace.

Comme vous devez le savoir, de plus en plus d'entreprises canadiennes sont en train d'élaborer des codes d'éthique internationaux. Elles refusent des contrats plutôt que de verser des pots-de-vin sur la scène internationale. Voilà entre autres pourquoi nous appuyons fermement la convention. Non seulement elle constitue une des mesures les plus importantes pour lutter contre le dommage causé par la corruption dans les pays du tiers monde, mais elle aidera à établir des règles du jeu équitables pour les gens d'affaires canadiens, afin qu'ils livrent une juste concurrence fondée sur la qualité, le prix et le service, et non sur le versement de pots-de-vin.

Comme le ministre Axworthy l'a déclaré, pour que la convention entre en vigueur, il faut que cinq des dix principaux pays commerçants de l'OCDE la ratifie avant la fin de l'année. Quatre de ces pays l'ont fait, comme d'autres pays qui ne sont pas parmi les dix premiers, par exemple, l'Islande. Donc, plus de cinq pays ont ratifié la convention, mais seulement quatre des dix premiers. Le Canada a donc une chance unique de confirmer son rôle de leader international dans la promotion de la transparence, du bon gouvernement et des mesures anticorruption. S'il estime que les pratiques visées sont inacceptables, il lui suffit de devenir le cinquième pays à ratifier la convention avant le 31 décembre.

Avec Transparence internationale, par l'intermédiaire de cet organisme et indépendamment de lui, avec la communauté des affaires, le Conseil canadien pour le commerce international et la Chambre de commerce du Canada, nous avons communiqué avec des représentants du parti au pouvoir et des partis d'opposition, ainsi qu'avec beaucoup d'entre vous pour exhorter le Parlement du Canada à ratifier la convention et à faire adopter rapidement un projet de loi par les deux Chambres du Parlement avant la fin de l'année afin que cette convention entre en vigueur.

Pour répondre à une question posée plus tôt cet après-midi, je dirai que l'entrée en vigueur de la convention suscitera un fort mouvement en faveur de l'adhésion d'autres pays. Lors de la dernière réunion de l'OCDE à laquelle j'ai participé il y a environ un mois à Paris, les représentants politiques de chacun des 29 pays membres ont présenté un rapport de situation. Nous n'avons pas participé à cela, mais on nous a résumé la séance par la suite. On a demandé à chaque pays de préciser où il en était dans la mise en oeuvre de la convention, de donner des détails sur ses plans de mise en oeuvre, les processus à suivre et les délais prévus. La pression des pairs lors des réunions de l'OCDE sur la convention sera énorme, surtout si la convention est entrée en vigueur, comme on le prévoit, à la fin de l'année. La prochaine réunion des ministres de l'OCDE aura lieu en mai. À ce moment, tous les pays devront présenter un rapport de situation.

(1720)

Il a été mentionné autre chose, un aspect très important, un concept que nous avons promu au sein de Transparence internationale-Canada et dans le monde des affaires, c'est que le groupe de travail de l'OCDE, après avoir assuré la mise en place de la convention, ne tournera pas simplement les talons. Un groupe de travail de l'OCDE est chargé de la surveillance du processus. Il ne surveillera pas seulement les lois que les divers pays adopteront pour arrêter les modalités d'application de la convention et pour assurer la bonne mise en oeuvre de ladite convention, mais également la façon dont les signataires feront respecter ces lois. Cela minimisera les risques que certains pays adoptent une loi sans effet et ne la fassent pas respecter.

Au nom du Conseil canadien pour le commerce international, de la Chambre de commerce et des gens d'affaires, je vous remercie, honorables sénateurs, des efforts que vous avez consentis pour que ce projet de loi soit adopté le plus rapidement possible de façon que le Canada puisse le mettre en oeuvre et jouer un rôle moteur dans ce domaine à l'échelle internationale.

Le président: Je vous remercie tous les deux de vos exposés.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je suis ravi que mes collègues aient pu entendre ces deux témoins nous parler du travail de Transparence internationale-Canada. J'ai appris ce que faisait cette organisation par hasard au printemps dernier en lisant un article sur son fondateur, un ancien haut fonctionnaire de la Banque mondiale qui été tellement témoin de la corruption au niveau international qu'il a décidé de faire quelque chose pour la combattre. Comme on l'a expliqué, il a fallu seulement quelques années à Transparence internationale-Canada pour être l'une des premières organisations - sinon la première - à prendre l'initiative d'élaborer des conventions et des textes législatifs pour mettre fin à cette terrible pratique. C'est une ONG dont nous avons lieu d'être fiers au Canada. Je félicite M. Cragg et M. Davies et les remercie d'avoir bien voulu nous faire l'honneur de leur présence cet après-midi. Le fait qu'ils appuient cette mesure législative nous rassure et confirme que nous sommes sur la bonne voie. Ils méritent d'être félicités pour avoir fait pression sur le gouvernement afin que ce projet de loi nous soit soumis avant la fin de l'année. Ce n'est pas que nous voulons être parmi les premiers, mais plutôt que nous ne voulons pas que la ratification de la convention soit compromise parce qu'on aurait raté la date butoir. Maintenant que nous nous sommes ralliés à la convention, sa ratification est assurée et on espère qu'elle donnera lieu à des résultats positifs au cours des prochaines années.

Merci pour votre témoignage. Nous sommes très impressionnés.

Le sénateur Grafstein: À l'instar du sénateur Lynch-Staunton, je tiens à féliciter Transparence internationale et son ONG au Canada.

Si vous en avez l'occasion, vous devriez lire le rapport, intitulé: «La crise en Asie: répercussions sur la région, le Canada et le monde», que le comité des affaires étrangères a récemment déposé au Sénat. L'annexe 5 du rapport contient une liste exhaustive des cas de violation des droits de la personne dans 16 pays ou États de cette région. L'information provient de deux sources: le département d'État américain, qui produit chaque année un rapport d'étude des droits de la personne, pays par pays; et le Human Rights Watch World Report, qui est également publié chaque année.

Transparence internationale a-t-elle l'intention de publier un rapport annuel pays par pays, ou l'a-t-elle déjà fait?

M. Cragg: Le lien que vous avez établi entre les droits de la personne et la corruption est très important. Bien que cela n'ait pas de rapport direct avec votre question, je signale qu'on se préoccupe de plus en plus des répercussions de la corruption sur le respect des droits de la personne. Transparence internationale est en train de devenir un des principaux porte-parole de ceux qui se préoccupent de cette question et cet organisme s'efforce également de faire comprendre aux gens que le respect des droits de la personne et la corruption sont intimement liés. Nous devons travailler sur les deux fronts.

En ce qui concerne la surveillance exercée auprès des pays, nous utilisons déjà un indice de perception de la corruption, que certains d'entre vous connaissent peut-être. Il s'agit d'une analyse très poussée de la perception de la corruption dans divers pays. Nous classons les pays selon cet indice. Cette analyse, qui exerce une influence considérable, est utilisée partout dans le monde. Elle a eu beaucoup d'effet sur les pays qui figurent au bas de la liste, mais également sur les autres.

Il convient de signaler que le Canada a toujours figuré en haut de la liste, ce qui signifie qu'il est l'un des pays où la corruption n'est pas considérée comme un problème grave. Nous pouvons en être fiers. C'est l'une des analyses que nous faisons.

Nous sommes en train de créer une autre analyse. Ce projet a été la cible de critiques, en particulier de la part des pays en voie de développement, dont la plupart se retrouvent au bas de la liste. On nous a reproché de nous livrer à un exercice de blâme et de ne pas tenir compte, dans l'indice de perception de la corruption, de la mesure dans laquelle les pays industrialisés contribuent à répandre la corruption. Nous sommes en train de créer un indice de propension à la corruption, qui classe les pays selon l'inclination de leurs entreprises à pratiquer la corruption. Les résultats de cette analyse seront étonnants et gênants.

C'est une autre façon pour Transparence internationale de s'assurer que les pressions voulues sont exercées sur les pays qui offrent les pots-de-vin et ceux qui les reçoivent.

Le sénateur Kinsella: M. Cragg, dans le document que vous avez présenté à Bangkok, il y a cinq semaines, sur les droits de la personne et l'éthique commerciale, vous vous êtes inspiré de Gandhi. Vous avez parlé du fait que nous célébrons cette année le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. En fait, la semaine prochaine sera une semaine spéciale, alors que nous approchons du 10 décembre.

Vous avez écrit que nous devons nous rappeler, comme Gandi et d'autres l'ont signalé, que la richesse sans le travail et le commerce sans la conscience sont des formules qui vont conduire à l'exploitation humaine et non au développement humain.

Pouvez-vous nous faire part de votre point de vue sur le lien entre ce type d'initiative - la convention et la mesure législative que nous étudions - et votre position?

M. Cragg: C'est une question complexe. Tous les sénateurs sont invités à lire ce document, s'ils le désirent.

La corruption n'est qu'un élément du processus. Il est tout à fait clair que les entreprises qui se lancent dans la corruption ont un mépris considérable pour les droits et le statut des gens qu'elles corrompent, ceux qui touchent les pots-de-vin et ceux qui en souffrent. Il arrive souvent que nous ne comprenions pas cela.

De plus, nous ne comprenons pas que ceux qui versent des pots-de-vin encouragent la corruption, en fait. On a tendance à penser qu'il y a des gens toujours prêts à accepter des pots-de-vin et que ceux qui versent des pots-de-vin ne font que répondre à une situation qui existe. Ce n'est pas le cas.

Les entreprises vont souvent offrir des pots-de-vin alors que personne n'en réclame, surtout si elles croient que la corruption est répandue. Il est très difficile pour les gens, surtout les fonctionnaires, de ne pas accepter de pots-de-vin lorsque leurs collègues le font. Il est très difficile de résister à ces pressions.

Nous espérons que ce projet de loi va encourager les sociétés à examiner les valeurs autour desquelles elles sont orientées et à se demander si ce sont des valeurs appropriées. La lutte anticorruption va certainement exiger d'elles qu'elles examinent la façon dont elles traitent les gens avec lesquels elles font affaire, surtout dans les pays en développement. Comme Michael Davies l'a déjà dit, nous espérons que cela va encourager les entreprises à élaborer des codes d'éthique qui, notamment, vont guider leurs dirigeants, leurs agents et leurs employés pour veiller à ce qu'ils ne soient pas mêlés à des activités douteuses.

(1730)

Certaines dispositions du projet de loi peuvent être interprétées étroitement et plus librement. Les paiements visant à faciliter le commerce font problème. Ils sont prévus dans le projet de loi et nous pensons que c'est approprié, mais nous voulons que les sociétés agissent sur ce plan. Nous sommes d'avis que le projet de loi les inviterait à tenir compte des valeurs en jeu, à élaborer des codes et à orienter leurs employés et leurs représentants pour respecter une norme plus élevée en matière de conduite en affaires.

Le sénateur Kinsella: Le Sénat a la réputation d'analyser les projets de loi avec prudence. Nous pouvons traiter ce projet de loi de façon expéditive parce que nous avons déjà fait beaucoup de travail dans ce domaine. D'ailleurs, on s'est reporté aux travaux du sénateur Stewart et de son comité. D'autres comités du Sénat et d'autres sénateurs se penchent sur la question depuis quelque temps déjà.

Je m'attends à ce que le projet de loi soit adopté par le Sénat aujourd'hui, mais je ne peux prévoir ce qui se passera à la Chambre des communes, puisque cela échappe à notre contrôle.

Selon ma lecture de la convention, le Canada peut ratifier celle-ci; en fait, il peut le faire cet après-midi ou demain matin. Selon mon interprétation de la convention également, il n'est pas nécessaire que le Parlement adopte ce projet de loi pour que le Canada puisse ratifier la convention. Par conséquent, si le projet de loi est ralenti à l'autre endroit, votre organisme ne devrait-il pas considérer comme une bonne tactique d'exercer des pressions sur le gouvernement pour qu'il dépose l'instrument de ratification prévu à l'article 14 de la convention pour que nous soyons encore le cinquième pays à mettre la convention en vigueur?

M. Davies: Certes, nous serions ravis que le gouvernement le fasse. En fait, nous lui avons déjà demandé si cela était possible pour le cas où le projet de loi n'était pas adopté. L'explication qu'on nous a donnée, comme celle que vient de nous fournir le ministre Axworthy aujourd'hui, soit que, dans la mesure où la ratification de la convention nécessite l'adoption de la loi, c'est une chose que le gouvernement hésite à faire sans que le Parlement ait d'abord adopté le projet de loi. Comme le Parlement a le droit de faire ce qu'il veut, il y a une hésitation à proposer que le Parlement s'engage en ce sens. Je ne prétends pas comprendre les aspects juridiques de la question, mais c'est comme cela que l'affaire nous a été expliquée.

Je dirai que nous sommes assez confiants que le projet de loi sera adopté par la Chambre des communes la semaine prochaine. Au nom de Transparence internationale, nous avons écrit à tous les députés de l'opposition pour leur demander leur appui, tout comme l'ont fait le Conseil canadien pour le commerce international et la Chambre de commerce du Canada. Nous espérons que le projet de loi sera adopté rapidement par la Chambre des communes la semaine prochaine. S'il n'est pas adopté et si nous trouvons un moyen de convaincre le gouvernement que le Canada peut quand même ratifier la convention, nous serions très heureux de le faire.

M. Cragg: Nous suivrons votre conseil. Nous voulons évidemment prendre tous les moyens pouvant permettre la ratification de la convention avant la fin de décembre et nous écouterons certainement les conseils que peuvent nous donner les sénateurs. Cependant, Transparence internationale n'est pas tout à fait à l'aise de nous voir exercer des pressions comme nous le faisons pour respecter le délai, ni de constater que le débat est limité - car il est effectivement limité. Mais il y a un côté positif à cela. Si le projet de loi est adopté, il le sera avec le soutien inconditionnel du Parlement du Canada. Cela sera incontestable, car l'adoption du projet de loi aura nécessité la collaboration de tous les partis à la Chambre des communes et de tous les sénateurs. L'effet sera beaucoup plus fort qu'il pourrait l'être sans cette collaboration.

J'exhorte le Parlement à persister dans cette voie. Nous aurions opté pour une autre, mais celle-ci sera également profitable. Le symbolisme de la ratification par le Canada en de telles circonstances - et pour notre propre milieu des affaires et pour la communauté internationale - se trouvera grandement renforcé, à mon avis.

M. Davies: Je partage entièrement les vues qu'a exprimées mon collègue.

Le sénateur Joyal: Je voudrais féliciter nos deux témoins de cet après-midi. Pourriez-nous nous expliquer comment vous recrutez vos membres au Canada? Pourriez-vous nous dire de quels horizons viennent les membres de Transparence internationale? En d'autres mots, quels sont les traits caractéristiques des gens que vous recrutez?

M. Cragg: Transparence internationale est une organisation bénévole, une ONG. Il existe plusieurs catégories de membres. Nos membres viennent de tous les horizons: universitaires, professions libérales, gens d'affaires, sans profession, retraités. Beaucoup de membres ont été recrutés à titre individuel.

Mais nous avons aussi une catégorie qui regroupe des organismes, y compris les organismes bénévoles et les ministères, s'ils le désirent - et ils sont un certain nombre déjà. Ainsi, le service du conseiller en matière d'éthique est membre de Transparence internationale. Il y a également des sociétés qui en font partie.

Il y a deux catégories de membres au sommet. On distingue les membres de la catégorie strictement organisationnelle et les membres fondateurs. Les membres fondateurs versent une contribution de 10 000 $ sur deux ans pour assurer la stabilité financière de l'organisme. Nous avons également un certain nombre de membres fondateurs.

Le conseil d'administration de Transparence internationale est composé de gens d'affaires, d'universitaires, ainsi que de représentants du secteur bénévole et des professions libérales. Nous essayons de former un conseil d'administration équilibré, qui réunit un grand nombre de points de vue et qui est représentatif tant sur le plan géographique que linguistique. Nous avons des francophones, des anglophones et des gens originaires d'autres régions du pays.

Le sénateur Joyal: Pourriez-nous donner une idée générale de la répartition de vos membres par catégorie?

M. Cragg: Je devrais le savoir, mais j'ai été occupé par tous ces dossiers depuis quelques semaines. Je crois que Transparence internationale compte actuellement de 50 à 100 membres à titre individuel et de 10 à 20, peut-être plus, membres organisationnels.

Le sénateur Joyal: Je voudrais poser une question à propos du projet de loi comme tel. Vous avez peut-être entendu les questions que j'ai posées au ministre des Affaires étrangères cet après-midi à propos de l'alinéa 3(3)a), qui donne sa bénédiction aux activités permises ou exigées par le droit de l'État étranger. Vous avez dit, dans votre témoignage, que vous vous attendiez à ce que la loi soit changée dans certains pays parce que certains comportements ou actes qui entraîneraient des réprimandes aux termes de la législation canadienne seraient permis dans ces pays.

Êtes-vous convaincu que si on l'interprète ainsi, le projet de loi laisse à désirer? Étant donné l'objectif de votre groupe et la demande que vous nous avez faite d'adopter ce projet de loi dans sa forme actuelle, êtes-vous satisfait de cette interprétation de cet alinéa particulier?

M. Cragg: Nous serions satisfaits de cette mesure législative comme point de départ. Nous voulons que le projet de loi soit adopté.

(1740)

Quant à savoir si les divers éléments sont satisfaisants ou non, c'est une chose que nous devrons examiner au fur et à mesure. Nous suivrons cela de très près. Si nous estimons que certaines dispositions comme celle-ci ne sont pas adéquates, nous recommanderons des amendements au gouvernement canadien. Nous le ferons aussi vite que nécessaire.

C'est un domaine qui m'intéresse. Je ne connais aucun pays au monde qui n'ait pas une loi anticorruption. La corruption est illégale dans tous les pays du monde que je connais. La question réelle est de savoir dans quelle mesure la loi est appliquée de façon efficace. Nous voulons encourager les milieux d'affaires canadiens à ne pas profiter des pays où l'application de la loi pose des problèmes. C'est l'un de nos objectifs. Nous travaillerons aussi avec les sections nationales un peu partout dans le monde. Il est important de reconnaître qu'il s'agit là d'un effort mondial en vue de les aider à renforcer leur législation dans leur propre pays. Je puis vous assurer que c'est déjà en train de se faire.

Comme je le disais, nous participons à un effort mondial. Nous allons surveiller l'application au Canada et l'efficacité de notre mesure législative. Nous sommes heureux que l'on franchisse cette étape, et nous pensons que c'est un progrès énorme que nous appuyons à tous points de vue.

M. Davies: Le principal problème à l'échelon international n'est pas l'absence de lois, mais le fait que certains pays ne les font pas appliquer. Le groupe de travail de l'OCDE a fait une étude des lois qui existent dans le monde et a généralement confirmé que la corruption est une infraction partout. Toutefois, dans certains pays, on n'y prête pas attention, ou bien la justice est contrôlée par l'État, qui tolère la corruption.

Une disposition de la convention, adoptée par les divers pays, dit que ce ne serait pas une infraction si l'avantage était permis ou exigé par une loi écrite du pays. La mesure législative est conforme à la convention.

Il y aura une surveillance permanente puis un examen de l'efficacité de la convention. À l'avenir, d'autres recommandations viendront de l'OCDE et de nous.

Le sénateur Joyal: Il y de nombreuses associations de parlementaires de par le monde, comme celles du Commonwealth, de la Francophonie, de l'Amérique du Nord, de l'Amérique du Sud, et cetera. Personnellement, je pense que dans nos réunions internationales des prochains mois, nous devrions insister pour que ce point figure à l'ordre du jour de ces associations parlementaires, car cela nous permettrait de parler du but de cette convention et de lui donner une place voisine de celle des droits de la personne. Vous avez fait le rapprochement entre les deux sujets. C'est un moyen d'améliorer le respect envers les personnes.

Vous nous avez entendus demander au ministre quelles initiatives nous pourrions prendre, après l'adoption de cette mesure par les deux Chambres, pour améliorer la mise en oeuvre de cette convention et pour la faire connaître. Avez-vous d'autres suggestions à faire pour nous aider à atteindre ces objectifs?

M. Cragg: Oui, Transparence internationale est active dans ces diverses associations et auprès de ces gouvernements. La prochaine étape est de demander au gouvernement de pousser la convention à l'OEA.

Le Canada a une chance dans le cadre des travaux de la Zone de libre-échange des Amériques qui ont actuellement cours. Le Canada a une chance inégalée de faire avancer les choses puisqu'il occupe la présidence.

L'un de nos collègues au conseil d'administration, Arthur Kruger, qui est présent à la tribune, s'est vu confier la responsabilité de suivre la réponse du Canada à la convention anticorruption de l'OEA. Nous demandons au Parlement de demander maintenant au gouvernement de prendre également des mesures dans ce sens.

Nous travaillons aussi collectivement avec nos collègues de Transparence internationale dans les secteurs appropriés de l'APEC. Nous avons un comité qui oeuvre à ce niveau. Nous aimerions voir le Canada assumer un rôle de commande à ce niveau aussi et je crois que notre pays est en mesure de le faire.

Nous oeuvrons partout où il existe des associations de ce genre. Transparence internationale met des groupes sur pied pour pousser les divers pays à faire avancer le dossier anticorruption.

Les tribunes de l'OEA et de l'APEC sont très importantes. Nous avons également exhorté les représentants canadiens au sein des institutions financières internationales à accorder une attention toute particulière au programme de lutte contre la corruption. Nous avons des cadres de direction au sein du conseil d'administration de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international, de la Banque asiatique de développement et d'autres institutions de ce genre. C'est là un autre domaine très important. Nous aimerions que ces organisations internationales se montrent créatives dans leur façon d'encourager la mise sur pied d'un programme de lutte à la corruption dans le cadre de leurs activités.

M. Davies: C'est un autre des domaines où Transparence internationale et les représentants du milieu des affaires du Canada travaillent en collaboration dans le but d'atteindre ces objectifs dans d'autres parties du monde. Le comité canadien du de l'APEC a joué un rôle important il y a environ deux ans à l'égard de la création d'un comité de la transparence au sein de l'APEC. Son premier président est un ancien de Placer Dome à Vancouver qui s'est retiré en mai dernier. On m'a demandé si je serais intéressé à accepter la présidence du comité de la transparence de l'APEC au moment où nous tentons, en collaboration avec Transparence internationale-Canada et Transparence internationale au niveau international, d'apporter un peu de transparence à la communauté asiatique en signant la convention de l'OCDE.

Nous essayons aussi de mettre au point une forme d'entente régionale ferme sur la transparence et l'approvisionnement gouvernemental, que ce soit dans le cadre de l'APEC ou de l'OMC. Encore une fois, c'est un autre domaine où le monde des affaires du Canada et Transparence Internationale-Canada travaillent en étroite collaboration pour étendre l'application de cette initiative de transparence ailleurs dans le monde.

Le sénateur Atkins: Transparence Internationale croit-elle que les peines prévues dans cette mesure législative sont assez sévères?

M. Cragg: C'est une question intéressante. Il est difficile de déterminer ce qui est considéré comme une «peine sévère».

À notre avis, il s'agit effectivement d'une infraction passible de poursuites. La peine est assez sévère pour que tout directeur, à ma connaissance, en prenne bonne note. Pour le directeur général d'une société, cinq ans de prison, c'est une peine assez dure.

D'après ce que je comprends, étant donné les liens entre cette mesure législative et le Code criminel, les sociétés seront aussi passibles d'amendes illimitées. Il n'y a pas de limite à une amende qu'un tribunal peut imposer à une société si elle contrevient à la loi. Je pense que cela compte aussi. Les sociétés courront un risque financier important si elles ne respectent pas ces dispositions. Bref, oui, je crois que les mesures établissant les peines sont adéquates.

En outre, nous voudrions que le gouvernement songe davantage à offrir des stimulants qu'à imposer un châtiment après coup et incite les sociétés à mettre en place des programmes d'observation qui, à leur tour, décourageront une telle conduite. Nous en parlerons au gouvernement dans les mois à venir.

Le sénateur Stewart: Comme les sénateurs le savent, certaines de ces conventions me mettent mal à l'aise parce que des représentants du gouvernement les signent de bonne foi pour ensuite se rendre compte qu'ils n'ont pas le pouvoir de les faire respecter.

Lorsque le ministre des Affaires étrangères était ici, je lui ai demandé quelle serait l'incidence de ce projet de loi sur les Canadiens qui essaient de faire des affaires à l'étranger. Je veux vous présenter la question autrement: les entreprises canadiennes souffriront-elles de ce que le Canada respecte la convention alors que l'exécution de celle-ci demeure problématique, comme vous dites, dans d'autres pays?

M. Cragg: Tout d'abord, on surveillera cela attentivement. Les pays qui n'appliquent pas la convention assez rigoureusement seront critiqués publiquement et sur la scène internationale par Transparence internationale et par le comité de surveillance de l'OCDE. L'application de la convention sera surveillée, mais cela n'est pas le cas pour la totalité ou même la plupart des conventions. Il s'agit d'un facteur important.

Je voudrais examiner la question sous un angle différent. Je suis très gêné lorsque des personnes laissent entendre que, pour une raison ou pour une autre, les gens malhonnêtes ont un avantage sur les gens honnêtes dans le milieu des affaires. Je ne veux pas être exagérément idéaliste, mais je suis d'avis que, si le Canada crée un climat dans lequel les sociétés sont encouragées à exercer leurs activités d'une manière honnête, elles en tireront fort probablement un avantage.

Je ne connais personne, dans aucun pays du monde, qui préfère faire affaire avec une personne ou une société malhonnêtes. Les sociétés qui sont honnêtes et qui sont reconnues comme telles bénéficient d'un avantage marqué dans bien des transactions commerciales. Ne songeons pas uniquement à l'avantage qu'il y a à empêcher des gens d'adopter une conduite malhonnête. Songeons aux avantages dévolus à un milieu des affaires qui élabore des codes appropriés de conduite professionnelle.

M. Davies: Nous croyons fermement à l'heure actuelle que le monde canadien des affaires est plus défavorisé aujourd'hui qu'il le sera grâce à l'application de la convention, car de plus en plus d'entreprises canadiennes se conforment volontairement à la convention. C'est ainsi qu'elles font des affaires à l'échelle internationale. Avec les aspects de transparence et de régie des sociétés que nous avons au Canada, de plus en plus d'entreprises s'imposent des codes de conduite rigoureux.

On craignait qu'un ou deux pays signent la convention tandis que les autres n'en feraient rien. Par la suite, les pays qui se seraient dotés d'une pareille loi s'en trouveraient défavorisés. C'est ce qui explique qu'au moins cinq des dix principaux pays exportateurs doivent avoir signé la convention avant qu'elle ne puisse entrer en vigueur. La pression de conformité s'exercera ensuite.

Le monde des affaires et Transparence internationale ont exercé activement des pressions pour l'adoption d'un véritable programme permanent de surveillance. Nous n'avons pas eu à faire de grands efforts en ce sens, car l'idée était appuyée partout. Ce programme vise à assurer que les autres pays non seulement signent la convention, mais adoptent une loi appropriée et prennent des mesures pour la faire appliquer. Il y aura des possibilités pour un pays de surveiller les activités d'un autre pays, et cela se fera en permanence.

Nous sommes convaincus que, dans le monde des affaires, nous nous en trouverons beaucoup mieux grâce à l'application de la convention et que nous serons en mesure de faire des affaires comme nous le souhaitons, c'est-à-dire selon des règles du jeu équitables.

Le sénateur Andreychuk: Étant donné qu'il se fait tard, je n'exigerai pas de réponses à toutes les questions que j'ai.

Je suis au courant de l'existence de Transparence internationale et de sa création. Je connais également son fondateur, avec qui j'ai travaillé lorsqu'il était à la Banque mondiale.

Voici mon sujet de préoccupation. La majorité des prêts dans le monde en voie de développement se font par le truchement de la Banque mondiale et du FMI aux institutions de crédit régionales. Quel rôle prévoyez-vous pour ces institutions qui ont accès à une bonne part des fonds, sur lesquels elles possèdent de l'information et exercent un contrôle?

M. Cragg: Brièvement, elles devraient avoir un rôle important à jouer, plus grand que ce n'est le cas présentement. Cependant, il vaut la peine de noter que nous avons parcouru une distance énorme. Ces institutions sont en mesure d'assurer un véritable leadership et de créer un environnement dans lequel les sociétés sont encouragées à s'attaquer à ce genre de problèmes et à développer des cultures organisationnelles honnêtes. Je pense qu'elles peuvent faire beaucoup.

Nous avons commencé par avoir des entretiens avec les représentants canadiens auprès des institutions financières internationales. Le Canada peut y exercer un certain leadership. L'ACDI le fait. Nous ne pouvons que progresser dans cette même voie.

J'espère que vous servirez cet intérêt. Nous serions heureux de collaborer avec vous pour encourager ces institutions à agir sur ce plan.

M. Davies: Transparence internationale compte deux ou trois hauts dirigeants qui viennent de la Banque mondiale. Ils travaillent auprès de la Banque mondiale et d'autres organisations internationales de financement, tout comme nous le faisons avec l'ACDI, afin d'instaurer une plus grande transparence.

Le président de la Banque mondiale est déterminé à faire régner une plus grande transparence dans cette institution. Celle-ci exige maintenant des entrepreneurs à qui elle accorde des marchés qu'ils divulguent le montant des commissions consenties aux représentants commerciaux pour tout contrat. C'est un progrès. On cherche d'autres moyens d'intervenir.

Les dirigeants du Fonds monétaire international commencent à imposer des conditions et des exigences de bonne intendance lorsqu'il s'agit de prêter à des pays du tiers monde. Les progrès sont lents, mais nous continuerons de promouvoir la transparence, notamment avec Transparence internationale.

[Français]

Le sénateur Prud'homme: Vous avez mentionné tout à l'heure que le traité a été signé le 25 janvier.

M. Cragg: Oui, c'est exact.

Le sénateur Prud'homme: Nous en sommes maintenant au 3 décembre. Pourquoi cette attente?

[Traduction]

J'entends une expression dans la bouche de tout le monde: «procédure accélérée». Nous sommes le 3 décembre, le jeudi soir, et de nombreux sénateurs ont consenti un sacrifice et annulé leur vol. Ce n'est pas votre faute, mais je voudrais savoir où il est écrit, dans le Règlement du Sénat, que nous devons accepter des ordres qui comportent la hâte et la précipitation?

Nous avons deux excellents témoins qui accompagnent le ministre. Je ne dis pas que nous pourrions trouver un témoin d'avis contraire, qui serait favorable à la corruption, mais ce sont là nos deux seuls témoins. D'habitude, nous avons des témoins dont les opinions divergent.

N'aurions-nous pas pu faire cela plus tôt? Y avait-il des empêchements?

M. Cragg: Je ne peux pas répondre. Vous connaissez mieux que moi les rouages de la politique.

Le sénateur Prud'homme: Oui, mais cette convention n'est pas rédigée d'hier. Nous tirerons nos propres conclusions. Je ne tiens pas à vous mettre dans l'embarras. On sait depuis le 25 janvier que cela doit se faire, n'est-ce pas?

M. Cragg: C'est vrai.

Le sénateur Prud'homme: Quand la Grande-Bretagne, l'Allemagne, le Japon et le quatrième pays ont-ils signé? Cela nous encouragerait peut-être à accélérer les choses.

M. Cragg: Cela s'est fait très récemment. Croire qu'on peut mettre en oeuvre une convention en moins d'un an est, à certains égards, irréaliste. Les gens ont critiqué. Ils craignaient avoir fixé un objectif trop élevé. Certains pays ont eu du mal à respecter l'échéancier, cela ne fait aucun doute. Le Canada a lui aussi eu du mal à respecter l'échéancier. L'objectif est peut-être effectivement trop élevé.

Les Américains ont été les premiers à parvenir au but, mais il ne faut pas oublier qu'ils avaient déjà une loi concernant la corruption d'agents publics étrangers et qu'ils n'ont eu qu'à la modifier. Les autres pays n'ont agi que très récemment.

Le sénateur Prud'homme: Vous parlez de l'OEA, de l'OCDE et de bien d'autres organismes.

[Français]

Est-ce que cela ne devrait pas être une responsabilité des Nations Unies que de voir à ce que ce traité soit mis en application, respecté et suivi? Les Nations Unies ont tous les moyens à leur disposition. Je suis un des vieux parlementaires et j'ai beaucoup de réticences quant à cette multiplication d'organismes et d'organisations. Le sénateur Joyal parlait des associations parlementaires. Chaque association parlementaire joue le rôle des Nations Unies au lieu de s'occuper strictement de ce pourquoi elles ont été créées. Elles deviennent aussi responsables des droits de la personne. Est-ce que cela pourrait être une suggestion à développer dans l'avenir que cela devienne une responsabilité d'un comité ou des Nations Unies?

[Traduction]

(1800)

M. Cragg: Globalement, la réponse est oui. Les Nations Unies tentent d'aborder la question de la corruption depuis lesannées 70. Encore récemment, elles ont soulevé la question.

Nous devons penser en fonction des personnes les plus touchées par les mesures que nous prenons. L'initiative dont il est question ici est importante du fait que ce sont les pays industrialisés qui se réunissent et prennent une décision qui s'applique à eux. Les Nations Unies auraient du mal à cibler un groupe de pays en particulier comme peut le faire l'OCDE.

Il s'agit donc d'une initiative appropriée de la part de l'OCDE. J'encourage le Parlement à appuyer tous les efforts que les Nations Unies pourraient également déployer dans ce domaine.

Le sénateur Prud'homme: Un peu plus tôt, un sénateur a mentionné un rapport du Congrès américain sur les violations des droits de la personne dans le monde. Ce rapport me laisse sceptique. Je me rappelle que des lobbyistes avaient été embauchés pour veiller à ce que la Turquie ne soit pas ciblée par un représentant de la Californie au Congrès américain, mais que celui-ci a tout de même réussi à faire radier la Turquie.

Je suppose que vous allez vous montrer stricts avec ceux qui abusent.

M. Cragg: Nous vous le promettons, sénateur.

Le président: Honorables sénateurs, la présidence a un problème. Il est maintenant 18 heures et, conformément à l'article 13, je n'ai d'autre choix que de rendre compte de la situation et de quitter le fauteuil, à moins que le Sénat ne consente à ce que la présidence ne voie pas l'heure.

Des voix: D'accord.

Le président: Il est convenu que je ne verrai pas l'heure.

Je tiens à remercier MM. Cragg et Davies de leur ouverture - voire de leur transparence. Nous avons apprécié leur aide. Nous leur souhaitons la meilleure des chances dans leurs futurs projets.

Honorables sénateurs, le comité va maintenant procéder à l'adoption des dispositions du projet de loi.

L'adoption du titre du projet de loi et de l'article 1 a été reportée.

L'article 2 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

L'article 3 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

[Français]

L'article 4 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

L'article 5 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

[Traduction]

L'article 6 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

L'article 7 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

[Français]

L'article 8 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

L'article 9 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

L'article 10 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

[Traduction]

L'article 11 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

L'article 12 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

L'article 1, le titre abrégé, est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

Le titre est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

Dois-je faire rapport du projet de loi sans propositions d'amendement?

Des voix: D'accord.

 


[Français]

L'honorable Shirley Maheu (Son Honneur le Président suppléant): Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

 

Rapport du comité plénier

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, le comité plénier, auquel a été renvoyé le projet de loi S-21, Loi concernant la corruption d'agents publics étrangers et la mise en oeuvre sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, et modifiant d'autres lois en conséquence, a examiné le projet de loi et m'a chargé d'en faire rapport au Sénat, sans propositions d'amendement.

Son Honneur le Président suppléant: Quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

[Traduction]

L'honorable Lucie Pépin: Maintenant, avec la permission du Sénat, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président suppléant: L'honorable sénateur Pépin, appuyée par l'honorable sénateur Joyal, propose, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)b), que le projet de loi soit lu une troisième fois maintenant.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

 

Motion d'amendement

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je propose:

Que le projet de loi S-21 soit modifié, à la page 6:

a) par adjonction, après la ligne 37, page 6, de ce qui suit: 

«RAPPORT ANNUEL

12. Dans les quatre mois suivant la fin de chaque exercice, le ministre des Affaires étrangères, le ministre du Commerce international et le ministre de la Justice et procureur général du Canada préparent conjointement un rapport sur la mise en oeuvre de la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales et sur l'application de la présente loi et le ministre des Affaires étrangères fait déposer une copie de ce rapport devant chacune des chambres du Parlement dans les quinze premiers jours de séance de cette chambre après l'établissement du rapport.»;
b) par le changement de la désignation numérique de l'article 12 à celle de l'article 13 et par le changement de tous les renvois qui en découlent».
Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion d'amendement?

Des voix: D'accord.

 

Troisième lecture

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi modifié pour la troisième fois?

L'honorable Lucie Pépin: Honorables sénateurs, je propose: Que le projet de loi soit lu une troisième fois maintenant.

Son Honneur le Président suppléant: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je voudrais vous remercier de votre patience. Je ne voterai pas contre ce projet de loi, mais je vais certes dire «avec dissidence» au moment du vote.

Après 35 ans, j'ai eu beaucoup trop de mauvaises expériences avec des projets de loi adoptés à toute vapeur à l'autre endroit. Je m'oppose vivement à ce qu'un projet de loi de cette importance soit étudié de cette façon. Je ne blâme pas les leaders à cet égard. C'est un fait. Cependant, un sénateur devrait intervenir pour dire que ce n'est pas la façon de conduire les affaires du Sénat. C'est un projet de loi important dont nous avons été saisis à la dernière minute. On l'étudie à toute vapeur.

À l'autre endroit, j'aurais dû parfois rejeter de telles requêtes. Il est toutefois arrivé que nous adoptions très rapidement des projets de loi avec lesquels nous avons été pris pendant longtemps. Je sais que d'autres projets de loi vont être eux aussi étudiés très rapidement.

Je reconnais qu'il est important pour notre réputation que le monde sache que le Canada est un grand défenseur de l'honnêteté, comme si cela allait changer la race humaine et la nature humaine. Les gens qui ont décidé d'être corrompus savent déjà comment circonvenir ce projet de loi.

Certains croiront que je veux défendre l'indéfendable, mais ce à quoi je m'oppose, et je tiens à ce que cela figure au compte rendu, c'est l'accélération du processus. Je ne blâme pas le leadership du Sénat, c'est ce qu'on lui a dit de faire. Le projet de loi est rendu au Sénat et je ne sais pas ce qui va se passer à la Chambre. Certains sénateurs ont reconnu cette précipitation. Il suffit qu'un seul sénateur s'oppose à la troisième lecture aujourd'hui pour que l'étude du projet de loi soit reportée à mardi prochain. Comment faire autrement quand on sait que la Chambre va vraisemblablement s'ajourner jeudi soir prochain?

Ce n'est pas ainsi qu'il faut faire. Le gouvernement aurait mieux à faire que de jongler avec des projets de loi importants et de demander qui est contre l'incontestable. Alors les sénateurs vont s'incliner. Qui oserait s'y opposer? On veut faire plaisir à tout le monde.

Je ne vais pas demander la tenue d'un vote parce quelqu'un a accepté de le faire à ma place. Je n'ai pas besoin d'un comotionnaire. Je ne vais pas réclamer de vote par appel nominal. Quand vous allez demander si c'est d'accord, je vais répondre «oui» puis ajouter «avec dissidence». Je tiens à ce qu'il soit dit dans le compte rendu que cette dissidence, c'est la mienne, à moins que d'autres ne veuillent se joindre à moi.

Son Honneur le Président suppléant: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence, et le projet de loi modifié lu une troisième fois, est adopté.)

(Le Sénat s'ajourne à loisir.)

 


[Français]

 

Sanction royale

L'honorable Charles Gonthier, juge puîné de la Cour suprême du Canada, en sa qualité de suppléant du Gouverneur général, prend place au pied du trône. La Chambre des communes, priée de se présenter, arrive avec sa Présidente suppléante. Il plaît à l'honorable suppléant de Son Excellence le Gouverneur général de donner la sanction royale aux projets de loi suivants:

Loi portant création de l'Agence Parcs Canada et apportant des modifications corrélatives à certaines lois (Projet de loi C-29, Chapitre 31, 1998)

Loi portant mise en 9uvre du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (Projet de loi C-52, Chapitre 32, 1998)

Loi mettant en oeuvre un accord conclu entre le Canada et la République socialiste du Viêtnam, un accord conclu entre le Canada et la République de Croatie et une convention conclue entre le Canada et la République du Chili, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu (Projet de loi S-16, Chapitre 33, 1998)

La Chambre des communes se retire.

Il plaît à l'honorable suppléant de Son Excellence le Gouverneur général de se retirer.

 


[Traduction]

(1820)

Le Sénat reprend sa séance.

 

Agriculture et forêts

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motions:

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je propose:

Que le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à continuer de siéger à seize heures, lundi prochain, 7 décembre 1998, même si le Sénat siège à ce moment là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L'honorable Eymard G. Corbin (Son Honneur le Président suppléant): La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

(1830)

 

La violence familiale

Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Carstairs, attirant l'attention du Sénat sur la violence familiale dans notre société et, en particulier, sur la nécessité de prendre des mesures coopératives pour trouver des solutions aux divers aspects de cette forme de violence.-(L'honorable sénateur Robertson).

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je félicite le sénateur Carstairs pour avoir fait cette interpellation et pour avoir parlé avec autant d'éloquence de la définition de la violence qui se fait sentir un peu partout dans notre société et d'avoir proposé des moyens possibles de régler ce problème.

L'anniversaire, le 6 décembre, du massacre de l'École polytechnique à Montréal, et la propre tragédie qu'elle a vécue montrent que ce problème intéresse tous les Canadiens et que la clef de la solution est entre nos mains à tous. Je voudrais souligner certains points qu'a mentionnés le sénateur Carstairs.

Pendant toutes les années au cours desquelles j'ai siégé dans des tribunaux de la famille, ou même dans des cours criminelles, la violence familiale a toujours été le domaine le moins compris et le plus horrible dans notre société.

Après les dix années que j'ai passées dans les tribunaux de la famille, des dossiers horribles continuent de me hanter parce que je ne comprends toujours pas comment des crimes d'une telle cruauté peuvent se produire. Combien de fois ai-je vu des photos d'enfants et même des enfants en personne qui avaient été brûlés par des cigarettes, dont les bras avaient été tordus, qui avaient été battus ou qui avaient été privés de nourriture?

J'entends encore le pathologiste décrire dans un de ces cas le crâne d'un enfant de dix-huit mois qui avait été frappé à plusieurs reprises contre le mur. Quand le pathologiste a commencé son examen et qu'il a touché le crâne du bébé, celui-ci s'est effondré comme un ballon qui se dégonfle.

Je me souviens d'un enfant qu'on avait envoyé jouer dehors et qui avait perdu ses mitaines. Pour le punir, on l'a renvoyé à l'extérieur par des températures glaciales pour lui donner une leçon. Lorsque l'enfant a finalement été autorisé à entrer, il avait des engelures aux mains et la mère prise de panique s'est finalement rendu compte que les services sociaux lui rendraient bientôt visite. Elle a enduit les mains de l'enfant de pommade et lui a enfilé des mitaines de laine avant de le renvoyer à l'extérieur pour ne pas avoir à s'occuper de lui, a-t-elle avoué en cour. Lorsque l'enfant est de nouveau entré et que la mère a tenté de lui retirer les mitaines qui étaient restées collées dans la pommade, la peau s'est littéralement arrachée des mains gelées du petit, le mutilant à jamais.

J'avais l'habitude de rentrer chez moi en espérant que ce ne soit que des incidents isolés, en priant pour que ce soit le cas. Cependant, tous les jours et toutes les semaines, il y avait un autre cas, une autre situation, et une autre vie d'enfant détruite.

J'ai vu des femmes qui étaient mariées, qui vivaient en union de fait ou qui étaient sans attache être dégradées, battues et violées par leur conjoint ou ami, et, comme le sénateur Carstairs l'a signalé, j'ai vu des hommes avilis et, dans quelques cas isolés, battus par de prétendus êtres chers.

Pour ceux qui penseraient qu'il s'agit d'un phénomène canadien ou nord-américain, je tiens à dire que mes années à l'étranger en Afrique et en Europe m'ont prouvé que nous ne sommes pas les seuls à vivre la violence. Dans beaucoup de pays, ces questions sont cachées, et les gouvernements et les dirigeants communautaires n'en parlent pas et ne reconnaissent pas le phénomène.

Je suis heureuse qu'on cherche, au Canada, à relever ces questions, car les racines de la violence sont nombreuses et elles se retrouvent souvent dans l'histoire, la culture et les attitudes des gens. Il n'y a pas une seule raison qui explique la violence et même lorsqu'on peut identifier la cause de la violence, il est extrêmement complexe, coûteux et difficile de proposer des solutions.

Ainsi, une approche multidisciplinaire est nécessaire. Je suis heureuse de soutenir la campagne de la Prairie Action Foundation pour appuyer le Prairie Research Network qui est établi en Saskatchewan, au Manitoba et en Alberta et met l'accent sur une recherche pratique et très large, marquée au coin de la collaboration, sur la prévention de la violence et des mauvais traitements, sur l'évaluation des solutions traditionnelles et l'élaboration de nouvelles méthodes et sur la sensibilisation de la population pour mettre un terme à la conspiration du silence dans nos foyers, nos écoles et nos milieux de travail.

Je félicite le sénateur Carstairs pour son dévouement et sa persévérance et d'autres qui ont persisté malgré tout pour former une nouvelle alliance dans les prairies relativement à cette initiative.

Il y a deux questions sur lesquelles on doit se pencher si nous voulons pouvoir réaliser des progrès dans la prévention de la violence familiale. Il est important de briser le cycle de la violence. Très souvent, la violence sert d'arme parce que c'est une arme qu'on a utilisée précédemment contre l'agresseur. Dans un très grand nombre de cas dont je me suis occupé et où il y avait eu un excès de discipline, une enquête sur les parents a permis de déterminer que la violence faisait partie de l'éducation des enfants. Une intervention est nécessaire pour mettre un terme à cette acceptation répétée de la violence comme mode de comportement. Même si c'est plus facile à dire qu'à faire, des stratégies pour intervenir, pour venir en aide aux intéressés et pour modifier les comportements sont nécessaires. Il faut donner aux victimes le soutien et l'aide nécessaires pour qu'elles aient la force d'éviter ou de surmonter les gestes violents à leur endroit ou de quitter leurs agresseurs.

La mise en oeuvre doit passer par les lois, l'éducation et des ressources communautaires. Les comportements violents ne doivent pas être tolérés, cachés ou excusés.

Ce qui m'étonne, c'est que bien que nous rejetions la violence par la voix de nos dirigeants politiques et de nos éducateurs, nous contribuons néanmoins à une culture de violence et nous l'encourageons.

Des organisations comme International Alert, qui s'intéresse aux enfants plongés dans des situations de conflit, attirent l'attention du monde sur ce problème, Il y a récemment l'éloquent rapport de Mme Machel, des Nations Unies, qui traite des enfants utilisés comme soldats et de la dévastation dont ils sont victimes et qui les prive de tout espoir de voir de véritables et précieux efforts visant à promouvoir la co-existence pacifique dans leurs sociétés. Comme le reste du monde, nous n'éprouvons aucune difficulté à condamner cette situation.

Dans notre propre société, la culture dominante actuelle encourage la violence. Il suffit de suivre un match de hockey pour voir le comportement des parents ou observer les altercations physiques qui l'emportent sur les prouesses sportives dans notre sport national.

Il suffit de consulter Internet, d'écouter le rap et de regarder les vidéos et les films qui passent actuellement sur le grand ou le petit écran pour constater que la violence est omniprésente dans notre société. Trop souvent, on associe la force brutale et le pouvoir dans notre société.

Ce qui m'inquiète, c'est le nombre grandissant de très jeunes enfants qui usent de la violence à toutes les sauces et commettent des actes d'agression et d'intimidation dans les cours de récréation.

Jadis, les études indiquaient que les films violents, le rap, et cetera, ne débouchaient pas sur un comportement négatif accru, sauf dans des cas très isolés. De nouvelles études concluent que le fait d'exposer un adolescent ou un adulte à ce genre de violence n'influe peut-être pas sur son comportement, mais il existe une grande étude qui a montré que des enfants exposés en bas âge à la violence ont tendance à y recourir plus volontiers quand ils grandissent.

Au fur et mesure que ces nouvelles technologies s'implantent, nous finirons peut-être par en observer les effets secondaires. Si, en tant que membres de la société canadienne, nous disons non à la violence familiale, nous allons devoir joindre le geste à la parole.

À l'occasion de l'anniversaire du massacre de l'École polytechnique, à Montréal, nous devrions méditer toutes affaires cessantes sur notre comportement et notre dévouement envers la cause.

J'ose espérer que, dans une faible mesure, cette interpellation, posée par le sénateur Carstairs, saura nous inciter à briser le cercle du silence et à rejeter la culture de la violence.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Robertson, le débat est ajourné.)

(1840)

 

Affaires juridiques et constitutionnelles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Lorna Milne, conformément à l'avis qu'elle a donné le 2 décembre 1998, propose:

Que le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à siéger le lundi 7 décembre 1998, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, j'aimerais qu'on m'explique la motion.

Le sénateur Milne: Honorables sénateurs, le comité des affaires juridiques et constitutionnelles a planifié depuis longtemps de siéger toute la journée lundi. Quand il a été annoncé que le Sénat siégerait ce jour-là, je ne me suis pas inquiétée étant donné que quand nous siégeons le lundi, nous siégeons normalement à 20 heures. Toutefois, quand on nous a annoncé que le Sénat siégerait à 16 heures pour tenir compte des projets de Noël du Parti conservateur, que j'appuie totalement, la comparution du nouveau solliciteur général devant le comité, qui avait été convenue antérieurement, a posé un problème.

En général, je n'approuve pas que les comités siègent en même temps que le Sénat mais, comme cette comparution était prévue d'avance et que le ministre ne peut pas venir à un autre moment, je demande que le comité soit autorisé à siéger même si le Sénat siège à ce moment-là.

Le sénateur Kinsella: Je remercie le sénateur Milne de cette explication. Je suis d'accord pour que le comité ait l'autorisation de siéger même si le Sénat siège à ce moment-là. Toutefois, je ne donnerai mon accord que si c'est pour entendre le ministre et rien d'autre.

Si nécessaire, honorables sénateurs, je présenterai un amendement à cette motion. Ce ne sera pas nécessaire si nous sommes d'accord.

Son Honneur le Président suppléant: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au lundi 7 décembre 1998, à 16 heures.) 


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