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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 37e Législature,
Volume 140, Numéro 35

Le mercredi 12 février 2003
L'honorable Dan Hays, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 12 février 2003

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LE PATRIMOINE

LE PROGRAMME D'ÉCHANGES D'ÉTUDIANTS

L'honorable Laurier L. LaPierre: Honorables sénateurs, à environ 2 000 kilomètres au nord de cette Chambre se trouve Kimmirut, une localité située au bord de la mer. C'est une des localités les plus petites et les plus éloignées de notre vaste pays. Pour bien des Canadiens, elle se trouverait sur la lune qu'ils n'en seraient pas étonnés. Elle est certes unique au Canada.

Bien que la sculpture sur pierre et l'écotourisme remplacent peut- être la chasse et la pêche comme mode de vie de bien des habitants, la cinquantaine de maisons font face à la mer, et non à la rue. L'année durant, on assiste au spectacle des aurores boréales, plutôt qu'à celui des feux de circulation et des enseignes lumineuses, auquel nous sommes plus habitués. On y vit une véritable expérience nordique.

C'est exactement ce qu'un groupe d'élèves de 9e et 10e années de la St. George's High School, de Montréal, ont vécu lorsqu'ils ont visité cette petite localité. Ils ont fait trois heures de vol pour se rendre à Iqaluit et 200 autres kilomètres, toujours en avion, pour arriver à Kimmirut et retrouver 20 amis qu'ils s'étaient faits quelques mois auparavant à Montréal.

Toute la localité de Kimmirut avait hâte d'accueillir les gens du Sud — imaginez cela, on appelait des Montréalais «les gens du Sud». La communauté était impatiente de partager avec eux des histoires et des repas traditionnels composés de caribou. La chaleur et la gentillesse des habitants contrastaient nettement avec le climat rude et froid.

Un trop grand nombre d'habitants qui ont rencontré des gens du sud, ne serait-ce que rarement, ont vécu l'expérience désagréable d'être traités d'Esquimaux ou de pire encore, mais ces jeunes Montréalais étaient différents. Ils étaient des amis qui avaient ouvert leur demeure aux adolescents de Kimmirut, des citadins qui avaient fait connaître aux jeunes de Kimmirut le jeu Laser Quest, les jardins botaniques, les métros et la commodité des énormes centres commerciaux. Ensemble, les jeunes amis ont visité la capitale du Canada et pris place dans les deux Chambres de notre Parlement.

Honorables sénateurs, ces échanges sont importants pour le Canada. Ils offrent à de jeunes Canadiens la possibilité de connaître leur pays sous un angle différent. Ils inspirent les jeunes à comprendre ce qu'est le respect et à embrasser la diversité incroyable des habitants du Canada. En outre, de tels échanges ne profitent pas qu'aux participants. Ils touchent les familles qui accueillent des élèves dans le cadre du programme.

[Français]

Les étudiants de l'école secondaire St. George s'étaient déjà renseignés à propos des vastes étendues du Grand Nord, de l'absence de routes et des problèmes sociaux toujours présents.

Leur programme d'échange leur a permis d'en apprendre davantage. Ils ont découvert que les adolescents inuits ont des préoccupations similaires aux leurs, le désir d'indépendance, la quête identitaire, l'avenir.

Ils ont appris de nouvelles idées quant au partage des ressources naturelles et de la terre.

[Traduction]

Honorables sénateurs, Échanges Canada rapproche les Canadiens, en jumelant par exemple un jeune de Kimmirut avec un autre de Montréal. Chaque année, 15 000 étudiants participent à ce programme. Échanges Canada renforce le tissu national et permet de bâtir un Canada à la mesure des attentes de l'ensemble des Canadiens. Grâce à l'aide et à l'appui du Sénat, Échanges Canada peut faire davantage pour édifier le pays le plus merveilleux de la planète. Vive le Canada!

LA DÉFENSE NATIONALE

LA SUBVENTION DESTINÉE À LA FÉDÉRATION DES INSTITUTS MILITAIRES ET INTERARMÉES DU CANADA

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, cette année, pour une raison que j'ignore, le ministère de la Défense nationale a pointé du doigt la Fédération des instituts militaires et interarmées du Canada, ou FIMIC, et ne lui a pas versé sa subvention annuelle de 24 000 $. La Conférence des associations de la défense a reçu sa subvention de 75 000 $ et l'Institut canadien des affaires internationales se verra pour sa part attribuer 40 000 $. D'autres associations canadiennes représentant le Canada dans le secteur des affaires internationales recevront leurs subventions.

Madame le leader du gouvernement au Sénat sait bien que s'il ne s'agit pas d'une somme considérable pour le gouvernement, c'est toutefois une somme extrêmement importante pour l'organisation visée. En effet, ces 24 000 $ correspondent au budget de fonctionnement annuel de la FIMIC.

Je ne sais pas ce qui s'est produit, mais je soumets la question à l'attention du Sénat dans l'espoir que madame le leader du gouvernement l'examine.

C'est le gouvernement lui-même qui a mis ce programme sur pied. En 1938, en vertu du décret C.P.-19/1298, le programme s'est vu consentir une subvention. Cet appui financier est d'ailleurs confirmé dans l'Ordonnance administrative des Forces canadiennes OAFC- 210-42.

(1340)

Aujourd'hui, comme je l'ai indiqué précédemment, pour une raison inexplicable, les lignes directrices du Conseil du Trésor empêchent le MDN de renouveler la subvention annuelle de 24 000 $ consentie à la fédération depuis 1938.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LES ÉTATS-UNIS—L'APPUI À LA CAUSE DE LA LIBERTÉ

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, il y a plus de 225 ans, un petit groupe d'hommes et de femmes se sont aventurés dans des eaux inconnues à la recherche de liberté. Ils ont abouti sur les côtes d'une terre sauvage et aride sans rien d'autre que leurs espoirs, leurs rêves et un courage illimité, ainsi que leur foi inébranlable dans la bonté des hommes et des femmes ordinaires. L'étendue de leur sacrifice n'avait d'égale que la profondeur de leur attachement au but de la liberté. Ils ont fondé une nouvelle nation centrée entièrement sur ce but, une nation fondée sur la vérité tout à fait évidente voulant que tous les êtres humains soient créés égaux, que leur créateur leur donne certains droits inaliénables, notamment le droit à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur. Cette nation est devenue la terre des gens libres et courageux.

Depuis ce temps-là, depuis des siècles donc, un phare éclaire les côtes américaines, montrant le chemin aux millions de gens qui les ont suivies à la recherche de leurs propres espoirs et rêves. Les gens courageux de cette terre se sont aventurés à nouveau dans le monde depuis. Ils ont de façon désintéressée permis à l'humanité de passer en toute sécurité de la noirceur de l'oppression et de la tyrannie à la lumière des possibilités, du respect et de l'égalité.

En tant que Canadiens, nous avons le privilège unique de pouvoir appeler les États-Unis nos voisins, nos meilleurs amis et notre plus important partenaire commercial. Trop souvent, cependant, nous tenons pour acquis ce que nous devrions vraiment chérir. Nous oublions souvent que notre société libre a été forgée dans le pays situé au sud, où la liberté est née. Nous oublions également que chaque fois que nos braves compatriotes sont allés défendre la liberté dans le monde, ils avaient à côté d'eux nos amis américains, prêts à nous défendre et à nous protéger.

Les Américains ont toujours été vigilants, non seulement sur leur propre territoire, mais également sur les terres lointaines, en tant que protecteurs des libertés et des droits de la personne. Leur appel aux armes a toujours été notre premier avertissement d'une menace à l'égard de ces idéaux que nous avons en commun.

Maintenant, face à des menaces tout à fait évidentes, qui se manifestent sous la forme des pires actes terroristes et de la main de fer de la tyrannie, les États-Unis sonnent l'alarme et nous appellent à agir. Même si nos amis et voisins n'ont pas peur d'agir seuls pour défendre la liberté de l'humanité, aujourd'hui, ils tendent la main à leurs amis et alliés traditionnels, ceux dont la sécurité est garantie depuis toujours par l'engagement des États-Unis. Les Américains ont déjà combattu à nos côtés pour vaincre le mal. Sans eux, la cause de la liberté aurait été une lutte sans espoir.

En tant que Canadiens, nous devons entendre cet appel et cet avertissement et relever le défi. Nos amis américains nous ont appelés. Il est temps pour nous d'honorer leur détermination en montrant notre volonté de défendre la cause de la liberté.

VISITEUR DE MARQUE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer aux affaires courantes, je vous signale la présence à notre tribune de notre ex-collègue, l'honorable Orville Phillips.

Soyez le bienvenu.

[Français]

LE DISCOURS DU BUDGET

LES PLACES POUR LES SÉNATEURS À LA TRIBUNE DES COMMUNES

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'aimerais vous rappeler que le discours du budget sera prononcé à l'autre endroit à 16 heures, le mardi 18 février 2003.

Comme par le passé, les sénateurs devront prendre place dans la section de la tribune réservée au Sénat à la Chambre des communes, selon le principe du premier arrivé, premier servi.

L'espace étant restreint, c'est la seule façon de garantir une place aux sénateurs qui voudront être présents. Malheureusement, il n'y aura pas de siège pour les invités des sénateurs.


AFFAIRES COURANTES

LES TRAVAUX DU SÉNAT

AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LES COMITÉS SÉNATORIAUX À SE RÉUNIR PENDANT LES AJOURNEMENTS DU SÉNAT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, je proposerai plus tard aujourd'hui, conformément au paragraphe 95(3) du Règlement:

Que durant la période du 14 au 24 février 2003, les comités sénatoriaux soient autorisés à siéger, même si le Sénat s'ajourne pour une période de plus d'une semaine.

[Traduction]

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Le sénateur Forrestall: Non. Il faut donner un avis.

Son Honneur le Président: C'est exact. J'allais considérer cela comme un avis.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, je donne avis que demain, je proposerai la motion que je viens de vous présenter.

[Traduction]

L'ASSOCIATION PARLEMENTAIRE CANADA-EUROPE

LA VISITE AUX PARLEMENTS EUROPÉEN ET DANOIS DU 25 AU 29 NOVEMBRE 2002—DÉPÔT DU RAPPORT

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l'Association parlementaire Canada-Europe sur la visite au Parlement européen et au Parlement danois, effectuée du 25 au 29 novembre 2002.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LA RÉGIE INTERNE, LES BUDGETS ET L'ADMINISTRATION

LA LETTRE ENVOYÉE AUX PRÉSIDENTS DE COMITÉ CONCERNANT LES LIGNES DIRECTRICES RELATIVES AUX DÉPENSES—L'EFFET SUR LES PROJETS DE DÉPLACEMENT
DU COMITÉ DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame la présidente du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. J'ai récemment pris connaissance de la lettre que la présidente a envoyée, le 6 février dernier, aux présidents de comité, lettre qui aura, à mon avis, des répercussions sur la microgestion des travaux des comités au point de rendre bientôt ces entités tout à fait inefficaces. Je voudrais lui poser une ou deux questions à ce sujet.

Quels présidents de comité a-t-elle consultés avant de rédiger ces lignes directrices et de diffuser sa lettre?

[Français]

L'honorable Lise Bacon: Honorables sénateurs, j'ai rencontré les présidents de chacun des comités concernant les budgets à être dépensés jusqu'au 1er avril. Chacun nous a fait part de ses dossiers prioritaires et de ceux qui l'étaient moins. Nous avons eu des échanges avec eux. J'ai présenté mon rapport au Comité de la régie interne et ensuite au Sénat.

[Traduction]

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, par suite de la prorogation l'an dernier, les comités du Sénat ont été plutôt inactifs durant tout l'automne. Il devrait y avoir un surplus budgétaire.

(1350)

Je constate que la présidente fait non de la tête. Je pensais que ce n'était qu'à la fin de l'exercice que ces fonds devenaient périmés. C'est la période pour laquelle ils ont été attribués.

En tenant pour acquis que c'est exact, et jusqu'à preuve du contraire, pourquoi le Comité de la régie interne met-il un frein aux travaux des comités en restreignant l'accès à ces fonds? Pourquoi en est-il ainsi? Si ces fonds ne sont pas là, peut-elle nous dire ce qu'il en est advenu?

[Français]

Le sénateur Bacon: Honorables sénateurs, encore faut-il qu'il y ait un surplus budgétaire. Les chiffres fluctuent de jour en jour et, à ma connaissance, aucun comité n'a manqué de fonds pour procéder à ses travaux ou pour effectuer les voyages qu'il avait planifiés.

Pour certains comités, il manque des fonds pour des voyages et des travaux et certains de ces voyages ou travaux seront financés. De plus, un rapport sera présenté demain en cette Chambre pour ensuite être déposé au Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration.

[Traduction]

Le sénateur Forrestall: Je sais gré au sénateur de sa réponse. Toutefois, je n'arrive pas à comprendre pourquoi un événement survenu l'année dernière, pendant l'exercice courant, donne lieu à des fluctuations quotidiennes. L'honorable sénateur a indiqué qu'elle fournirait des chiffres demain. Je vais attendre la réponse jusqu'à demain, alors que nous ferons relâche pendant une semaine environ.

Honorables sénateurs, je pose cette question parce que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense est presque prêt à se rendre aux États-Unis pour y rencontrer les fonctionnaires appropriés afin de discuter notamment de la sécurité intérieure. Nous avons tenu des réunions et participé à des exposés en prévision de ces travaux que j'estime assez importants.

Soit dit en passant, je ne peux absolument pas savoir si les États- Unis seront ou non en guerre au début de la semaine prochaine. Si l'on croit le moindrement qu'il faut que le Parlement approuve une participation canadienne à cette guerre, cela complique un tant soit peu la situation si la moitié du Parlement ne siège pas.

Quant au comité, il doit amener du personnel. Le comité au complet doit être de la partie. Ses membres ont tous participé aux exposés et aux audiences préalables à ce déplacement. La présence de nos professionnels nous permettrait d'être toujours prêts dans l'heure à traiter avec les importantes personnes que nous désirons rencontrer.

Si la présidente répond demain qu'il y a un surplus budgétaire, serait-elle prête à revoir sa position et à autoriser le comité au complet à se rendre aux États-Unis pour cette très importante réunion à ce stade-ci?

[Français]

Le sénateur Bacon: Honorables sénateurs, à mes yeux, tous les comités sont sur le même pied. On ne peut faire d'exception et favoriser un comité plutôt qu'un autre. Souvent, un président de comité estime que son comité est le plus important, mais le fait est que tous les comités ont besoin de fonds.

Une somme d'argent est disponible et bien que chaque président veuille disposer de la totalité de cette somme, celle-ci sera distribuée avec parcimonie afin que chaque comité puisse faire son travail. Nous ne pouvons allouer l'ensemble du budget à un comité en particulier.

[Traduction]

Le sénateur Forrestall: Une dernière question complémentaire. Je crois comprendre que le Comité de la régie interne a ordonné que ces fonds soient consacrés à l'achat de machines à écrire, d'ordinateurs et de tout autre matériel dont le personnel pourrait avoir besoin. Je vois que le leader parlementaire adjoint du gouvernement fait non de la tête.

Cette dernière question complémentaire s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Si les fonds sont disponibles, userez-vous de votre influence auprès de la présidente du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration pour lui demander de reconsidérer la position très rigide qu'elle a prise à ce sujet?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur qui préside le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a toute ma confiance. Je ne m'immiscerai en aucune façon dans les décisions de ce comité, car je sais que ce dernier fait de son mieux pour gérer les fonds avec discernement et les répartir équitablement entre les différents comités, lesquels font tous de l'excellent travail pour le Sénat.

LA JUSTICE

LE PROJET DE LOI SUR LE DIVORCE—LES DÉPENSES DE PUBLICITÉ ET DE FORMATION

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat et concerne le projet de loi C-22.

En vertu de cette mesure, le gouvernement prévoit modifier le système canadien de justice familiale, de façon à le rendre plus convivial, et à nous assurer que les droits des enfants primeront sur tout le reste en cas de conflit familial. Cet objectif est certes louable, mais le gouvernement trouve encore moyen de gaspiller de l'argent.

Je veux parler précisément d'un article paru dans le National Post du 12 décembre 2002. Sous le titre «La réforme de la Loi sur le divorce enrichira les avocats, affirment certains critiques: le gouvernement dépensera davantage pour la publicité, la recherche et la formation que sur les services de counselling», l'article dit notamment ceci:

Le gouvernement fédéral dépense en douce deux fois plus pour la publicité, la recherche et la formation des avocats pour faire connaître la nouvelle Loi sur le divorce que pour les nouveaux services de counselling et de médiation à l'intention des parents en instance de séparation.

Madame le leader du gouvernement pourrait-elle expliquer au Sénat si cet article est exact et si c'est bien ainsi que l'argent est dépensé?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, il est certain que de l'argent est dépensé pour former ceux dans le système judiciaire qui veillent à la bonne marche des services de counselling et de médiation.

Le sénateur Oliver: Honorables sénateurs, si je comprends bien, 48 millions — non pas un million — de dollars sont dépensés pour initier les avocats aux nouvelles notions dans la loi telles que «droit de garde et droit de visite» et «ordonnances parentales». Est-ce faire bon usage de 48 millions de dollars?

Le sénateur Carstairs: Je ne puis affirmer au sénateur qu'il s'agit de moins ou de plus de 48 millions de dollars puisque je ne le sais pas. Je tenterai d'obtenir ce chiffre pour le sénateur.

Toutefois, à mesure que nous nous tournons davantage vers un système qui, je l'espère, sera beaucoup plus axé sur l'enfant et sur la responsabilité parentale, je constate qu'il est important que les parents soient tenus d'assumer leur responsabilité envers ceux qu'ils mettent au monde. Le fonctionnement efficace d'un tel système vaudra bien les fonds que nous y aurons engagés.

[Français]

LA DÉFENSE NATIONALE

L'ÉVENTUALITÉ D'UNE GUERRE CONTRE L'IRAK—LA MOTION DE L'OPPOSITION À LA CHAMBRE DES COMMUNES VISANT L'ENVOI DE TROUPES

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Hier, une majorité de députés de l'autre endroit a voté contre une motion du Bloc québécois. Cette motion se lit comme suit:

Que cette Chambre ne considère l'envoi de troupes en Irak par le gouvernement qu'à la suite d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies autorisant explicitement une intervention militaire en Irak.

(1400)

Ma question est simple: la ministre aurait-elle appuyé une telle motion si elle avait été députée à l'autre endroit ou si cette motion avait été proposée ici, en cette Chambre?

[Traduction]

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Voilà une question hautement hypothétique puisque je ne suis pas dans l'autre endroit et que je n'ai jamais eu le désir d'y être.

[Français]

Le sénateur Nolin: J'ai aussi posé la question suivante: si cette motion avait été présentée dans cette Chambre, quelle aurait été la réponse de madame le leader du gouvernement?

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Si la motion avait été présentée au Sénat le même jour qu'une motion de l'autre parti de l'opposition, à savoir l'Alliance canadienne, les deux motions étant somme toute une tentative de lier les mains du gouvernement avant le dépôt du rapport de M. Blix, j'aurais voté exactement comme l'ont fait la vaste majorité des députés libéraux hier.

[Français]

LE SÉNAT

LA TENUE D'UN DÉBAT SUR L'ÉVENTUALITÉ D'UNE GUERRE CONTRE L'IRAK

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je comprends que la réponse du leader du gouvernement aurait été non.

Considérant que le déploiement d'unités des Forces armées canadiennes lors d'un éventuel conflit en Irak pourrait avoir de graves conséquences pour la sécurité de notre pays, de nos soldats et de nos concitoyens, madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle s'engager à ce que les deux Chambres du Parlement puissent débattre cette importante question et voter sur la participation du Canada dans ce conflit comme nous l'avons fait en 1991, avant que le Canada ne déclare officiellement la guerre à l'Irak?

[Traduction]

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Comme le premier ministre l'a dit dans l'autre endroit, et je lui fais écho, nous n'avons aucune objection au sujet de la tenue d'un débat sur l'envoi de troupes, mais ce débat interviendrait après le fait, car la décision d'envoyer des troupes relève du pouvoir exécutif.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LA POSSIBILITÉ D'UNE GUERRE CONTRE L'IRAK—LA POSITION DU GOUVERNEMENT

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question porte sur le même sujet. Hier, j'ai posé une question au sujet du déploiement de personnel ou de troupes. Le leader du gouvernement a dit qu'il ne s'agissait pas de troupes, puisque nous n'avons envoyé que 25 personnes. Le ministre de la Défense, M. John McCallum, aurait déclaré que même si l'opération canadienne a été déplacée au Qatar, la fonction est demeurée la même. Il s'agit d'un changement de fuseau horaire et non pas d'un changement de politique. Il a souligné que les Canadiens sont là-bas uniquement pour l'opération Enduring Freedom, soit la guerre contre le terrorisme en Afghanistan, dont l'honorable sénateur a parlé hier. Le Canada n'a pris, pour l'instant, aucun engagement d'envoyer des troupes en Irak.

Le premier ministre a ensuite déclaré que les groupes de planification ont été rapprochés du terrain des opérations et des soldats qui s'y trouvent. Le premier ministre a ajouté qu'il était important que notre personnel continue de participer à la planification.

Si nous exposons notre personnel à des risques, quels qu'ils soient, et s'il y a menace de guerre, ce que personne ne niera, pourquoi le gouvernement persiste-t-il à parler dans le vague au lieu de prendre un engagement envers les États-Unis et les autres pays alliés qui se sont engagés à envoyer des troupes? Pourquoi le gouvernement joue-t-il à faire croire aux gens que nous ne sommes pas là-bas, alors que nous y sommes. Où sommes-nous?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'espère que personne ne joue à quelque jeu que ce soit; la situation est beaucoup trop grave.

Le groupe de planification de l'opération Enduring Freedom était posté à Tampa, en Floride, mais il a été envoyé au Qatar. Le gouvernement canadien a pris cette décision au cas où la guerre contre le terrorisme prendrait une tournure différente. Il est important que notre personnel participe à la planification. Quoi qu'il en soit, la position du gouvernement reste absolument la même: travailler avec les Nations Unies, suivre les Nations Unies et appliquer la résolution 1441, que nous avons appuyée.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, madame le ministre ne veut pas dire que l'équipe se compose de soldats. Ce sont des militaires qui ont été déployés dans cette région et exposés au danger dans le cadre du processus de planification. Qu'ils se trouvent là pour l'opération Enduring Freedom ou non, ils se trouvent d'ores et déjà dans la zone de danger. Dans l'intérêt de leur moral et pour qu'ils connaissent la position du gouvernement, madame le ministre est-elle en train de nous dire que nos militaires n'entreront pas en action sans l'approbation des Nations Unies et ce, même si les États- Unis et d'autres pays alliés jugent bon de le faire? Qu'en est-il au juste?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, premièrement, du point de vue géographique, le Qatar n'est pas le Koweït et le Koweït n'est pas l'Irak. À l'heure actuelle, les soldats américains se trouvent principalement au Koweït. Les 25 membres de notre équipe de planification se trouvent au Qatar. Il ne faut pas confondre ces divers lieux même si, j'en conviens, ils se trouvent dans la même grande région géographique. Le golfe Persique se trouve également dans la même grande région, et nous y avons déployé des bâtiments il y a quelque temps, comme nous l'avions fait dans la mer d'Oman, dans le cadre de l'opération Enduring Freedom.

La position du gouvernement est très claire. Notre action s'inscrit dans un processus multilatéral qu'on appelle les Nations Unies. Nous sommes fiers de participer à ce processus et nous allons continuer de faire.

LA POSSIBILITÉ D'UNE GUERRE CONTRE L'IRAK—LES RAPPORTS DES AMBASSADES SUR LES ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, nous avons entendu le leader du gouvernement dire à plusieurs reprises que le gouvernement attendait le rapport des inspecteurs onusiens pour décider de notre politique envers l'Irak. Quels rapports le Cabinet reçoit-il des ambassades du Canada au Proche-Orient concernant la présence d'armes de destruction massive en Irak?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Comme le sait pertinemment le sénateur, si le Cabinet recevait des rapports de nos ambassades, je ne serais pas libre d'en divulguer la teneur.

Quant à la question concernant les inspecteurs des Nations Unies, le Conseil de sécurité des Nations Unies et les États membres des Nations Unies attendent tous le rapport que M. Blix doit présenter le 14 février. Nous ne sommes certainement pas les seuls dans cette situation.

Le sénateur Tkachuk: En d'autres termes, honorables sénateurs, si les ambassades du Canada au Proche-Orient, particulièrement en Israël, croient que l'Irak possède des armes de destruction massive, qui le gouvernement devra-t-il croire, Hans Blix ou les ambassades?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, une fois de plus, c'est une question hypothétique, mais je fais confiance à M. Blix et à ses inspecteurs pour présenter un rapport précis et exact. Ils sont sur place en Irak, et je dirais donc, avec tout le respect que je vous dois, qu'ils savent mieux que personne ce que l'Irak a en sa possession.

LA POSSIBILITÉ D'UNE GUERRE CONTRE L'IRAK—LES DÉMARCHES DIPLOMATIQUES DU VATICAN

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, ma question à madame le ministre porte sur le même sujet. Le gouvernement a-t-il pris note de l'initiative du Vatican, qui a dépêché un envoyé du pape en Iran pour convaincre ce pays de se conformer à la résolution 1441, et ce, afin d'éviter une guerre pour des raisons humanitaires? Le gouvernement canadien cherche-t-il, de quelque façon que ce soit, à faciliter ce dialogue entre le Vatican et l'Irak?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, franchement, le Vatican a ses propres voies diplomatiques et n'a pas besoin de l'aide du gouvernement du Canada pour faire des démarches diplomatiques. Toutefois, nous accueillons favorablement l'intervention du Vatican. Toute initiative qui peut contribuer à éviter une guerre est bienvenue. Le Canada le répète haut et fort, et on ne peut que présumer que tant les États-Unis que les pays considérés maintenant comme des alliés des États-Unis ainsi que l'Irak, d'ailleurs, sont au courant de la position du gouvernement canadien.

LA POSSIBILITÉ D'UNE GUERRE CONTRE L'IRAK—LA POSITION DES PARTICIPANTS AUX ASSEMBLÉES PUBLIQUES LOCALES SUR L'EXAMEN DE LA POLITIQUES ÉTRANGÈRE

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, vendredi dernier à Winnipeg, j'ai assisté à une assemblée publique locale organisée par le ministre des Affaires étrangères, Bill Graham. Cette rencontre marquait le début du processus d'examen de la politique étrangère et le dossier de l'Irak a bien sûr retenu une bonne partie de l'attention. Madame le ministre a-t-elle remarqué que tous les gens qui ont pris la parole à cette assemblée étaient contre la participation du Canada à une guerre en Irak?

(1410)

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorable sénateur, c'est votre façon de voir les choses. Selon ce que j'ai compris des conversations que j'ai eues avec des gens qui y ont assisté, les participants voulaient que le Canada respecte le processus des Nations Unies.

LE PROCHE-ORIENT—L'INTRODUCTION D'ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, le sénateur Tkachuk a interrogé madame le leader du gouvernement sur la situation en Israël. Je sais qu'il est bien informé. Il revient tout juste d'une visite dans ce pays en compagnie d'un groupe de parlementaires. Toutefois, je crois qu'il a été mal informé au sujet de ceux qui possèdent des armes de destruction massive. N'est-il pas exact que les premiers à avoir introduit des armes de destruction massive au Proche-Orient ont été les Israéliens? Grâce aux Français, à M. Peres et à un cadeau remis à M. Ben Gourion il y a longtemps, les Israéliens ont introduit des armes de destruction massive dans cette partie du monde, donnant un avant-goût de ce qui allait suivre à leurs voisins.

Pour être bien certains de comprendre la situation actuelle au Proche-Orient, il serait bon de savoir qui y a introduit les armes de destruction massive et qui refuse toujours de signer le traité de non- prolifération. Le seul pays de toute cette région qui refuse de signer le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires est Israël. Le sénateur devrait le savoir puisqu'il revient tout juste de là-bas.

Chaque fois que je pose la question aux membres du Comité Canada-Israël, ils ne nient rien et se contentent de refuser de répondre.

Compte tenu de ses connaissances dans ce domaine, peut-être le sénateur pourrait-il nous éclairer à ce sujet et nous dire qui a introduit les armes de destruction massive dans cette partie du monde, menant à cette course aux armements au Proche-Orient.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je peux affirmer au sénateur que le gouvernement du Canada a toujours activement appuyé le Traité sur la non- prolifération.

LA JUSTICE

LE MAINTIEN DES DROITS LINGUISTIQUES ÉTABLIS—LE RESPECT DE LA DÉCISION DE LA COUR FÉDÉRALE

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question à madame le leader du gouvernement au Sénat en rapport avec la Loi sur les contraventions. Elle sera au fait.

[Français]

Honorables sénateurs, quand le gouvernement fédéral conclut des ententes avec les provinces au sujet de l'administration de la justice sur les terres fédérales, le gouvernement est obligé — selon la Loi sur les langues officielles — d'avertir les provinces ou les tiers qu'ils doivent offrir leurs services au public dans les deux langues officielles du Canada.

La ministre se souviendra que le juge Blais, de la Cour fédérale, dans un jugement rendu le 23 mars 2001, avait déclaré que le gouvernement n'avait pas tenu compte de l'article 25 de la Loi sur les langues officielles et que, par conséquent, il devait renégocier cette entente avec la province de l'Ontario. Le gouvernement fédéral avait un an, c'est-à-dire jusqu'au 23 mars 2002, pour corriger cette entente.

À la demande du ministère de la Justice, le juge Blais a accordé un délai d'une année supplémentaire pour permettre au gouvernement fédéral de tenir compte des droits linguistiques. La nouvelle date d'échéance est le 23 mars 2003.

La ministre peut-elle s'informer auprès du ministère de la Justice et nous dire si le gouvernement fédéral a conclu une entente acceptable et légale avec l'Ontario au sujet des contraventions émises sur les terres fédérales en vue de se conformer au Code criminel et à la Loi sur les langues officielles?

[Traduction]

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je peux seulement présumer qu'ils ne sont pas parvenus à une telle entente puisqu'aucune information n'a été rendue publique à ce sujet. Normalement, le gouvernement annoncerait publiquement une entente de la sorte. Cependant, comme le sénateur l'a souligné, ils ont jusqu'au 23 mars 2003 pour parvenir à une entente. J'ai bien confiance qu'ils réussiront.

LE SÉNAT

LA POSSIBILITÉ D'UNE GUERRE CONTRE L'IRAK—LE RAPPEL DES SÉNATEURS DURANT L'AJOURNEMENT

L'honorable Laurier L. LaPierre: Honorables sénateurs, je prie madame le leader du gouvernement au Sénat de m'excuser de n'avoir pas donné avis de cette question, mais elle m'est seulement venue à l'esprit il y a quelques instants.

Je ne suis pas un sénateur chevronné et madame le leader du gouvernement au Sénat pourra peut-être me renseigner. Si nous ne siégeons pas la semaine prochaine, la semaine suivante ou durant les deux premières semaines de mars, et si la guerre est déclarée, le Sénat sera-t-il rappelé? Je sais que le dossier relève de l'exécutif, mais le Sénat sera-t-il rappelé?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, notre intention est de ne pas siéger la semaine prochaine, et uniquement la semaine prochaine, parce qu'il y a peu de travaux à l'ordre du jour présentement. Cependant, nous aurons des articles à l'ordre du jour pour la deuxième semaine et nous avons l'intention de siéger alors.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

L'IRLANDE DU NORD—LES EFFORTS EN VUE DE FACILITER LE RETOUR DU GOUVERNEMENT LOCAL

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. En ce qui concerne une autre région du globe, c'est-à-dire l'Irlande du Nord, la ministre pourrait-elle nous dire ce que fait le gouvernement du Canada pour y faciliter le retour du gouvernement local? Plus précisément, le moment n'est-il pas opportun pour que le gouvernement du Canada agisse comme chef de file dans ce dossier international majeur et communique, du moins localement, avec le haut-commissaire du Royaume-Uni et l'ambassadeur de l'Irlande pour déterminer s'il n'y aurait pas des mesures concrètes que le Canada pourrait prendre, alors que tant de grandes puissances mondiales ont le regard tourné vers un autre théâtre d'intervention, pour faciliter une percée dans le processus de résolution du problème?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable leader adjoint de l'opposition de sa question. Comme il en est certainement conscient, le problème de l'Irlande du Nord ne retient pas autant l'attention que d'autres sujets, depuis quelque temps, mais le sénateur a fait une proposition très constructive et intéressante. Je ne vais pas manquer de signaler au ministre des Affaires étrangères cet intérêt pour essayer de régler le problème, pour peu que nous puissions faire quelque chose.

LE SÉNAT

LES ACTIVITÉS DES COMITÉS PENDANT L'AJOURNEMENT

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question à ma collègue, madame le leader du gouvernement au Sénat, au sujet de la possibilité que le Sénat ne siège pas la semaine prochaine. Je crois savoir que plusieurs comités siégeront. Par exemple, le Comité des affaires étrangères tiendra des séances à Vancouver, à Calgary et à Winnipeg la semaine prochaine. Serait-il possible de préciser bien clairement ce que le Sénat fera la semaine prochaine?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Nous avons essayé tout à l'heure de faire adopter une motion autorisant les comités à siéger. Nous avons essayé de le faire sans présenter d'avis, et cela nous a été refusé. La motion sera donc présentée demain. Toutefois, je crois savoir que le Comité des affaires étrangères voudrait siéger la semaine prochaine, puisqu'il est en déplacement pour réaliser une étude spéciale. Le Comité de la sécurité nationale et de la défense, le Comité du Règlement et de la procédure, le Comité de l'énergie et le Comité des peuples autochtones ont tous fait savoir qu'ils voudraient siéger. Il y aura donc cinq comités qui siégeront.

Nous allons essayer d'établir le programme de façon à faciliter la tâche des sénateurs qui font partie de plus d'un comité. Les comités pourraient siéger les uns après les autres pour que le temps des sénateurs soit utilisé au mieux.

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je voudrais signaler au sénateur Milne que je siège au Comité des peuples autochtones et au Comité du Règlement. Peut-être pourrait-on espacer leurs séances.

L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

LA PRESTATION FISCALE CANADIENNE POUR ENFANTS—LA RÉCUPÉRATION AUPRÈS DES BÉNÉFICIAIRES

L'honorable Terry Stratton: Ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Je sais que la question lui a peut- être déjà été posée.

Avec le budget qui s'annonce, des bruits courent au sujet du supplément de la prestation nationale pour enfants. Peut-être madame le ministre voudra-t-elle prendre note de ma question et se pencher sur les iniquités relevées.

Un des problèmes posés par le régime actuel des crédits d'impôt remboursables est que, par suite de la disposition de récupération qui leur est applicable, les Canadiens à faible revenu peuvent se retrouver dans les catégories de contribuables ayant les taux d'imposition les plus élevés au pays. En tant que ministre représentant le Manitoba, madame le leader du gouvernement est sûrement préoccupée par le niveau d'impôts que paient les Manitobains.

Madame le leader du gouvernement peut-elle confirmer que, sous le régime des prestations pour enfants tel qu'il est actuellement structuré, une famille manitobaine ayant trois enfants et un revenu de 29 000 $ pourrait perdre les montants suivants par suite des impôts et de l'application de la disposition de récupération si le soutien de cette famille tentait de gagner 1 000 $ de plus en travaillant les week-ends ou en faisant des heures supplémentaires? Sur ces 1 000 $ supplémentaires, l'impôt fédéral prendrait 160 $, l'impôt manitobain sur le revenu imposable, 109 $, la réduction applicable à la réduction d'impôt de la famille manitobaine, 10 $, la récupération applicable au crédit pour TPS, 50 $, la réduction applicable à la prestation nationale pour enfants, 321 $, la réduction des crédits d'impôts pour les cotisations au RPC et à l'assurance- emploi, 52 $. Cela représente en tout 702 $, dont la quasi-totalité représente l'impôt fédéral et les montants récupérés par le gouvernement fédéral.

(1420)

Est-ce exact qu'une famille manitobaine ayant trois enfants et un revenu de 29 000 $ s'expose à un taux d'imposition marginal réel de 70 p. 100 pour le revenu supplémentaire?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, voilà une question extrêmement détaillée. Je suis sûre que le sénateur sait que je ne puis y répondre sans avoir les chiffres en main. Toutefois, un pareil taux d'imposition me semble extraordinaire, étant donné qu'il dépasse le taux d'imposition maximal. Je vais certes me renseigner.

J'avoue que ma grande préoccupation en ce qui concerne la prestation nationale pour enfants est que les familles qui reçoivent de l'assistance sociale, qui sont parmi les plus pauvres du pays, voient leur prestation fiscale pour enfants littéralement récupérée par les gouvernements provinciaux. Le gouvernement du Manitoba a pris certaines mesures dans son dernier budget en vue de soustraire les plus jeunes enfants à cette récupération, et je crois savoir qu'il espère en faire encore plus cette année. Cependant, d'autres provinces continuent de tout récupérer. Comme ces familles sont parmi les plus pauvres de nos pauvres, j'estime qu'il s'agit là d'une très grande tragédie.


ORDRE DU JOUR

LA LOI SUR LA SÛRETÉ ET LA RÉGLEMENTATION NUCLÉAIRES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Morin, appuyé par l'honorable sénateur Gauthier, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires.

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, je ne conteste pas l'intention immédiate de ce projet de loi, mais je ne suis pas persuadé que le projet de loi ne soit pas dernièrement interprété d'une façon qui n'est pas conforme à cette intention. En voici la preuve.

En quelques mots, une entreprise du nom de Bruce Power loue à un organisme public ontarien des centrales nucléaires publiques situées dans la péninsule Bruce. Conformément à l'actuelle Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, toute personne ayant quelque intérêt que ce soit dans une installation nucléaire est responsable de toute contamination causée par cette installation. Comme des créanciers privés refusent naturellement d'engager des fonds dans ces conditions, la modification dont nous sommes saisis vise à limiter cette responsabilité au propriétaire d'une installation nucléaire ou à toute autre personne en ayant l'administration.

Bien qu'aucun témoin n'ait pu expliquer pourquoi la loi de 1997 prévoyait la responsabilité de créanciers indépendants, je ne peux que supposer que, comme toutes les centrales nucléaires de l'époque appartenaient, directement ou indirectement, à des gouvernements et étaient financés à même des deniers publics, il était seulement normal que le propriétaire et le bailleur de fonds soient responsables puisqu'ils constituaient en fait une seule et même entité.

Comme l'Ontario ou, plus précisément, la Ontario Power Generation, demeure propriétaire des installations de Bruce, sa responsabilité n'est pas touchée par la modification. Si l'OPG avait vendu plutôt que loué ses installations, je ne suis pas sûr, comme d'autres d'ailleurs, que la modification l'aurait exonérée de toute responsabilité. La question n'est pas hypothétique, car le principal actionnaire originaire de Bruce Power, la société British Energy, éprouve de sérieuses difficultés financières à l'heure actuelle et les engagements de Bruce Power quant au loyer et à la licence sont en grande partie honorés par suite de garanties que le gouvernement britannique a données à la société British Energy et qui, nous dit-on, expirent à la fin de cette semaine.

British Energy vend ses parts dans la société Bruce Power principalement à la TransCanada PipeLines et à Cameco, qui attendent avec impatience que le Parlement confirme la modification pour permettre à la Bruce Power d'obtenir un important financement privé, sans quoi ils reconsidéreront évidemment leur intérêt dans la Bruce Power.

Je vois d'un bon oeil l'intention première de la modification, mais je regrette qu'on n'ait pas donné de réponse claire à une question fondamentale: La vente d'une centrale nucléaire exempte-t-elle l'acheteur de toute responsabilité continue en cas de contamination? Voilà un aspect que l'on pourra, je l'espère, examiner à fond. Trop souvent, dans le cas de catastrophes attribuables à une erreur humaine, les coupables se dérobent à leur responsabilité financière par des manoeuvres juridiques qui peuvent durer des années, alors que les victimes innocentes sont laissées pour compte et en subissent les conséquences funestes.

La disposition qu'on nous demande de modifier ne pourrait être plus claire, et il est important qu'on ne donne à la modification aucune autre interprétation que celle qui a motivé sa présentation au Parlement.

En terminant, je tiens à mentionner les pressions trop énergiques, pour dire les choses poliment, qu'un certain nombre d'entre nous ont subies pour que le projet de loi à l'étude soit adopté préférablement sans audiences, voire aveuglément, en une seule journée. Des personnes qui disent représenter le parti ayant le plus à coeur l'adoption de la modification n'ont pas hésité à calomnier des dirigeants de l'opposition en laissant fortement entendre qu'ils faisaient de l'obstruction délibérée pour empêcher son adoption. En fait, ces gens ont causé tellement d'embêtements que si notre sens des responsabilités n'avait pas pris le pas sur nos sentiments personnels, nous aurions sérieusement envisagé de retarder indéfiniment le débat sur ce projet de loi.

La Chambre des communes a été saisie de la modification pour la première fois en mai de l'an dernier. Après la prorogation, la mesure législative a été présentée à nouveau sous la forme du projet de loi C-4 au début d'octobre et elle a finalement été adoptée en troisième lecture à l'autre endroit le 10 décembre, le même jour où le Sénat en a fait la première lecture. Alors qu'il a fallu à l'autre endroit environ sept mois pour adopter la modification, on s'attend à ce que le Sénat l'approuve automatiquement quelques heures seulement après son renvoi ici.

J'épargnerai aux sénateurs le récit de ce qui a été dit et fait par ceux qui préconisaient l'adoption scandaleusement rapide de l'amendement. Je me contenterai de dire qu'ils ont fait preuve d'un profond dédain pour le Sénat en tant que participant utile et essentiel au processus parlementaire. Ce n'était pas la première fois que l'on demandait au Sénat de se contenter de jouer le rôle de simple chambre d'enregistrement et que, face à son refus de s'y prêter, le Sénat faisait l'objet d'une campagne de dénigrement, voire, en l'occurrence, de propos carrément faux.

Aucun projet de loi ministériel n'est sans importance et chacun mérite un examen attentif, qu'il ne comprenne que quelques mots ou qu'il s'étende sur des centaines de pages. Que ceux qui pensent le contraire sachent que le Sénat du Canada est le dernier endroit où ils peuvent promouvoir pareils points de vue étroits et intéressés.

Son Honneur le Président: Le Sénat est-il prêt à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je profite du fait que je sois debout pour attirer votre attention sur la présence à notre tribune du vice-président de la Chambre basse du Parlement des Bermudes.

Je vous souhaite la bienvenue au Sénat.

Des voix: Bravo!

PROJET DE LOI SUR LOUIS RIEL

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Chalifoux, appuyée par l'honorable sénateur Taylor, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-9, Loi visant à honorer Louis Riel et le peuple métis.—(L'honorable sénateur St. Germain, c.p.).

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre de nouveau la parole sur le projet de loi S-9, une mesure qui accorderait une reconnaissance officielle à un important peuple qui, franchement, a pavé la voie à ce que le Canada est devenu aujourd'hui. Il s'agit du peuple des Métis et de Louis Riel, celui qui a été le vecteur de leur contribution à l'édification de notre pays.

Le projet de loi S-9 est différent de son prédécesseur, le projet de loi S-35. Il n'y est plus question d'effacer la sentence prononcée contre Louis Riel. Je trouve que c'est un changement pertinent puisque, comme je l'ai dit précédemment lorsque j'ai parlé de ce projet de loi, je ne pense pas qu'on devrait amoindrir le sort réservé à Riel. Riel fut et demeure un héros pour les Métis du Canada, peut- être même un martyr, et on ne devrait rien changer à sa renommée.

Le projet de loi S-9 n'est pas la première mesure visant à rendre aux Métis et à Louis Riel tous les honneurs qui leur sont dus. Comme je l'ai mentionné précédemment, le projet de loi S-35 présenté au cours de la dernière session du Parlement ainsi que des projets de loi et des motions d'initiative parlementaire déposés à l'autre endroit visaient le même objectif. Je ne veux pas diminuer l'importance de ces motions et résolutions, mais ces moyens peuvent malheureusement perdre de leur impulsion avec le temps. Je pense que le projet de loi S-9 tente, sans forcer la main au gouvernement ni au pays, de créer une impulsion plus durable, du genre de celle qui est porteuse d'action et qui permettra de régler certaines questions touchant les droits fonciers, la culture et le statut ou la place des autochtones dans le tissu national du Canada.

(1430)

Tout au long des années, plusieurs questions ont été soulevées dans les médias et ici au Sénat au sujet de Riel et des Métis. Afin d'y répondre et de les régler dans l'intérêt de tous les Canadiens, il est important de revoir notre connaissance du passé et de la transposer dans la réalité d'aujourd'hui.

Le livre intitulé The Emigrant's Guide to Upper Canada, écrit par C. Stuart dans les années 1820, a peut-être marqué sir John A. Macdonald à son arrivée dans le nouveau monde. Il exprimait certainement les sentiments et les idées qu'entretenaient les colons instruits à l'égard des autochtones, soit par peur, mais sûrement aussi par ignorance. L'auteur indiquait, à propos des autochtones:

Voici le portait que je trace de ce peuple intéressant et malheureux [...] Ils sont ordonnés et passablement industrieux, deux qualités qu'ils doivent, grâce à la providence, au zèle de l'Église catholique romaine, dont je déplore le caractère général. [...]

Ils arrivent difficilement à se défaire de leurs habitudes. Ils sont peu nombreux. À quelques exceptions près, ils ne tirent que très peu d'avantages des meilleures terres que le gouvernement, dans sa sagesse parentale, leur a réservées. [...]

À leur état naturel, ils peuvent être à la fois férocement cruels et extrêmement gentils.

Nonobstant cette sombre description, leurs manières ne sont pas dépourvues de caractéristiques intéressantes. Ils sont toujours audacieux [...] ils font preuve d'un esprit d'équité très spontané les uns envers les autres. La moindre quantité de pain, de viande, de farine ou de lait qu'ils reçoivent est soigneusement et délicatement divisée en parts proportionnelles avant d'être utilisée. [...]

Ils demeurent quand même une race dégradée qui semble se diriger rapidement vers l'extinction. D'ici un demi-siècle, il ne restera plus aucune trace d'eux à l'intérieur de nos frontières.

Il était question depuis le tout début de coloniser l'Ouest, parce que les Américains disaient aux autochtones que s'ils n'allaient pas occuper ces terres, ils en prendraient possession.

Le premier discours du Trône du Parlement canadien, rédigé par sir John A. MacDonald, promettait des lois uniformes, un chemin de fer intercolonial et l'expansion territoriale dans l'Ouest. Le gouvernement devait jouer un rôle de fiduciaire pour la population. Le discours du Trône prévoyait diverses mesures pour la modification et l'assimilation des lois existantes dans les provinces, y compris «pour l'administration adéquate des affaires indiennes».

Après la Confédération, nous savons que le nouveau gouvernement du Dominion a entrepris des négociations pour acheter la Terre de Rupert à la Compagnie de la Baie d'Hudson pour que ce territoire puisse être annexé.

Les habitants de la grande colonie de la rivière Rouge, les Indiens et les Métis, n'étaient pas opposés à l'annexion au Canada, mais ils voulaient que cela se fasse à leurs conditions afin qu'ils puissent maintenir leur mode de vie traditionnel. Ils ont donc formé un conseil national pour protéger leurs intérêts.

Honorables sénateurs, nous savons tous ce qui s'est passé par la suite: la tentative du Parti canadien en vue de ravir le pouvoir au conseil; le gouvernement provisoire de Riel; Thomas Scott; les négociations avec Ottawa au sujet de l'annexion pacifique de la colonie de la rivière Rouge; la Loi sur le Manitoba et le mandat d'arrestation contre Louis Riel. Ce que beaucoup de gens ne savaient pas, c'est que, en 1885, les Métis craignaient vraiment que leur mode de vie soit menacé par le gouvernement canadien. En tant que Métis, j'ai encore cette crainte, et probablement avec raison.

Ceci n'est pas surprenant, compte tenu de ce que sir John A. Macdonald pensait depuis longtemps des Indiens et des Métis. En 1869, il a dit:

Les Métis de langue française à la rivière Rouge tiennent avec entêtement à ce que le Nord-Ouest continue d'être une réserve de bisons pour toujours.

Sir John A. n'était pas non plus pressé de s'occuper des affaires des Indiens. Lorsqu'il était contrôleur de la police à cheval du Nord- Ouest, il reportait constamment ses rencontres avec ceux qui voulaient discuter de questions touchant la police et la rébellion des Métis en leur disant: «Revenez demain.» Cette attitude a incité le chef Crowfoot et le chef Poundmaker à donner à sir John A. le surnom de «Ap-enaq-wis», qui signifie «Vieux Demain».

Vieux Demain a attendu trop longtemps pour s'occuper des demandes des Métis et des Indiens dans les Territoires du Nord- Ouest, avec le résultat que Riel est rentré d'exil pour les mener à la rébellion. Cette rébellion a hâté la construction du chemin de fer du Pacifique. En effet, le gouvernement a trouvé l'argent nécessaire pour achever la construction du chemin de fer et envoyer à toute vitesse des troupes au Manitoba pour étouffer la rébellion de Riel.

Lorsque Riel fut capturé et traduit en justice, le Toronto News écrivit:

Étranglez Riel avec le drapeau français! C'est la seule chose à faire avec ce chiffon dans notre pays.

Après la pendaison de Riel, sir Wilfrid Laurier écrivit ce qui suit:

On ne peut dire que Riel a été pendu à cause de ses opinions. Il est également vrai qu'il n'a pas été exécuté pour une raison liée à la rébellion. Il a été pendu pour le meurtre de Scott: c'est aussi simple que cela.

Il ne fait aucun doute que le professeur George F. W. Stanley a fait le meilleur résumé de cette période de l'histoire du Canada lorsqu'il a écrit:

Peu de personnages dans l'histoire du Canada ont suscité un sentiment et une amertume aussi profonds que le chef des Métis, Louis «David» Riel. La seule mention de son nom évoque cette animosité religieuse et raciale latente, qui semble toujours latente en politique canadienne.

Malgré le fait que Louis Riel s'identifiait non pas aux Canadiens français du Québec, mais aux Métis des Plaines de l'Ouest, celui-ci est devenu, durant quelques années, le symbole des aspirations nationales du Canada français, tout en étant au centre des préoccupations orangistes.

Les Canadiens français en ont fait un martyr vénéré, tandis que les Canadiens anglais l'ont condamné comme un rebelle [...]. Sir John A. s'est retrouvé en plein coeur d'un conflit racial et religieux.

On lui a reproché en Ontario d'avoir promis une amnistie; on lui a reproché au Québec de ne pas l'avoir proclamée. Sir John A. avait peut-être de bonnes raisons en 1869, mais non en 1885.

Car le premier ministre était confronté au même problème qu'auparavant, le problème de concilier des cultures conflictuelles, de concilier une population peu nombreuse et simple et une nouvelle civilisation complexe.

Mais sir John A. avait d'autres inquiétudes — il construisait le chemin de fer Canadien pacifique — et le ministère de l'Intérieur, son ministère, a affamé les Services aux Indiens et a été incapable de dissiper les craintes et les soupçons des Métis convaincus qu'ils allaient perdre leurs droits en tant que premiers propriétaires des terres.

Ils sont nombreux à avoir dit que l'administration Macdonald avait commis une erreur monumentale en traitant Louis Riel comme elle l'a fait. En réalité, il est peu probable que le Parlement du Canada et son premier ministre aient vraiment jamais compris Riel ou la nature de ses griefs.

Nous sommes témoins aujourd'hui d'une résurgence de la volonté de redéfinir les Métis, leur histoire, leur culture et leurs terres ancestrales. Le peuple métis tient également à célébrer ses héros et les vertus qui leur ont permis de persévérer.

Dans la Gazette de Montréal, Liz Warwick a écrit:

Les héros peuvent nous enseigner beaucoup de choses. Ils sont une source d'inspiration. Ils nous enseignent à persévérer dans nos rêves, à nous servir de nos talents pour faire du monde un meilleur endroit où vivre.

C'était le 25 novembre 2002.

Comme l'a affirmé Graeme Decarie, professeur à l'Université Concordia:

Nous avons un idéal à atteindre. Le futur existe et nous pouvons en faire partie. C'est pourquoi les héros sont importants.

(1440)

Les Canadiens ne s'entendent pas toujours quant à savoir qui est un héros et qui ne l'est pas. Les orangistes traitaient Louis Riel de traître. Nous le considérions comme un Père de la Confédération. Il a créé la province du Manitoba et a cherché à obtenir des garanties linguistiques pour son peuple. Il a été pendu pour avoir insisté pour que le gouvernement respecte les engagements qu'il avait pris à l'égard de son peuple. Le gouvernement ne pend plus les Métis, mais il ne respecte toujours pas les accords conclus, dans bien des cas, avec nos peuples autochtones.

Louis Riel a incité tous les descendants des Métis à faire face à l'adversité, à vivre courageusement et à rester fidèles à eux-mêmes. Je reconnais avec beaucoup d'autres que l'histoire ne devrait pas être réécrite et ne devrait pas être modifiée par voie législative, mais on devrait s'en rappeler. Nous devons avoir des lois pour remédier au sort des autochtones et corriger les iniquités du traitement qu'ils ont subi dans le passé. Nous devons faire en sorte qu'ils soient égaux aux autres Canadiens.

Comme un étudiant à l'Université de la Colombie-Britannique l'a déclaré dans un récent test de connaissances sur l'histoire, la culture et les perspectives autochtones:

Ils nous ont donné une histoire riche, une nation diversifiée et nous rappellent les erreurs que notre gouvernement a commises à l'époque et les terribles répercussions de cela.

Honorables sénateurs, le sénateur Chalifoux, votre serviteur et d'autres dans cette enceinte appuient le projet de loi S-9. Nous n'essayons pas de redresser les torts par voie législative. Nous essayons d'inspirer notre peuple. Nous ne blâmons aucun d'entre vous dans cette enceinte. Les gouvernements libéraux et conservateurs savent ce qu'ils ont fait de bien et ce qu'ils ont fait de mal.

Si nous devons relever les défis auxquels font face nos jeunes autochtones et nos jeunes Métis, nous avons besoin de héros. Nous avons besoin d'inspiration. Nous avons besoin de façons de faire comprendre aux gens convenables qu'ils doivent rester à l'école, qu'ils doivent être instruits et devenir mobiles.

Honorables sénateurs, je vous exhorte à comprendre ceux d'entre nous qui ont été victimes de discrimination. Nous ne cherchons pas à imputer des fautes, mais nous recherchons des solutions qui bâtiront un Canada fort, compatissant et compréhensif.

Si aucun autre sénateur ne souhaite parler du projet de loi S-9 à ce stade-ci, je serai très heureux de proposer que ce projet de loi soit renvoyé au comité afin que nous puissions en discuter plus sérieusement et entendre les points de vue des Métis et d'autres pour approfondir la question.

Son Honneur le Président: Quand le débat prendra fin, sénateur St. Germain, la Chambre décidera de ce qu'elle fera avec le projet de loi après la deuxième lecture. Le sénateur accepte-t-il de répondre à une question?

Le sénateur St. Germain: Volontiers.

Son Honneur le Président: Sénateur St. Germain, je suis au regret de vous informer que votre temps de parole est écoulé. Le sénateur demande-t-il l'autorisation de poursuivre?

Le sénateur St. Germain: Je demande qu'on autorise le sénateur à poser une question.

Son Honneur le Président: Permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, j'ai entendu deux intervenants nous parler de ce projet de loi. Je comprends ce que le sénateur St. Germain en est en train de nous dire, mais il demeure qu'aucun de ces deux intervenants ne nous a expliqué en quoi consistait ce projet de loi. Il convient qu'un des partisans de cette mesure veuille bien nous l'expliquer à l'étape de la deuxième lecture.

Le sénateur Prud'homme: Le sénateur Chalifoux l'a fait.

Le sénateur Stratton: Le sénateur Chalifoux a lu son discours.

Le sénateur Chalifoux: J'ai déclaré que je serais ravie de l'expliquer.

Le sénateur Stratton: Mais personne n'a expliqué le projet de loi S-9 au Sénat. On a parlé du contexte passionnel de ce projet de loi, mais personne ne nous l'a expliqué.

Je voudrais poser une ou deux questions au sénateur St. Germain. Il n'y a pas que Louis Riel d'impliqué dans ce drame. Le sénateur a parlé de deux personnes, Crowfoot et Poundmaker, — deux chefs indiens qui ont été envoyés au pénitencier de Stoney Mountain, dans le nord de Winnipeg, à la suite de certains événements. Ne devrait- on pas honorer également ces deux personnages? Ils ont joué un rôle crucial dans cette affaire. Pourtant, on les oublie.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, je ne pense pas que l'on cherche à minimiser le rôle de nos autochtones, le chef Crowfoot et le chef Poundmaker.

Le projet de loi S-9 vise à honorer Louis Riel. Nous avons tous notre avis sur la façon d'honorer ces gens. Aucune des personnes à qui j'ai parlé ne cherche à enlever quoi que ce soit au chef Crowfoot ou au chef Poundmaker. Le projet de loi ne fait que deux pages; il n'est pas compliqué et vise à honorer un homme qui passe pour un dirigeant dans la communauté métisse — un héros que beaucoup considèrent comme un des Pères de la Confédération et certainement comme un des pères fondateurs du Manitoba.

Honorables sénateurs, j'ai peur que nous ayons un débat conflictuel sur le sujet, ce qui pourrait être évité. C'est pour cette raison que je préférerais que le projet de loi soit renvoyé au comité, au lieu de faire l'objet d'un pénible débat conflictuel qui serait ajourné. En effet, au bout de 15 jours, il mourrait tout bonnement au Feuilleton.

Comme le sénateur Stratton le sait parce qu'il est originaire de Winnipeg, la situation des peuples autochtones, à ce moment-ci de leur histoire, est précaire. Parlons justement de Winnipeg et des problèmes que vivent les jeunes autochtones et Métis de Winnipeg. Je puis assurer les honorables sénateurs que les gouvernements qui se sont succédé au Manitoba, qu'ils soient conservateur, libéral ou NPD, n'ont rien fait pour remédier à la situation.

Je ne blâme pas le sénateur Stratton ou qui que ce soit, mais des mesures constructives s'imposent. Elles pourraient s'inscrire dans un processus inspirant qui amènerait peut-être ces jeunes gens à comprendre qu'ils doivent faire des études. Terry Fox est l'un des plus grands héros canadiens de tous les temps. Nous souhaitons que pareil statut de héros soit reconnu à Louis Riel. Si c'est à tort, je vais rester debout ici jusqu'à la Saint Glinglin. C'est sir John A. Macdonald qui a dit: «Riel sera pendu, même si tous les chiens du Québec devaient japper en même temps.»

Honorables sénateurs, tant que la situation de nos jeunes Métis et autochtones, dans les provinces du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta, de la Colombie-Britannique, de l'Ontario et en continuant vers l'est, n'aura pas été réglée, je vais rester debout. J'estime cela nécessaire. Les honorables sénateurs qui ont assisté à la séance du comité l'autre matin ont entendu John Kim Bell parler des difficultés des décrocheurs du secondaire et de tous les jeunes qui abandonnent leurs études. J'essaie de trouver un moyen de rejoindre ces jeunes.

(1450)

Je respecte également la position de l'honorable sénateur Stratton. Toutefois, à moins que nous ne fassions quelque chose de différent, il n'y aura pas de changement.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, j'attire l'attention du sénateur sur le fait qu'une étude fort intéressante est présentement en cours au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Il s'agit d'une étude sur les jeunes autochtones. Je croyais que l'honorable sénateur faisait partie de ce comité.

Le sénateur St. Germain: Je ne siège pas au comité. Toutefois, j'assiste à ses réunions. J'y vais à cause d'une demande que j'ai faite au sénateur Rompkey. Je remercie le sénateur d'y avoir donné suite. J'assisterai aux travaux de ce comité chaque fois que j'en aurai l'occasion.

Je puis dire aux honorables sénateurs qu'un matin, j'ai assisté aux travaux du comité en compagnie du sénateur Tkachuk, qui siège de ce côté-ci. Je signale à l'honorable sénateur Stratton qu'il a manqué un excellent exposé. Il aurait dû entendre le témoignage de John Kim Bell.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, j'en ai terminé avec mes observations personnelles. En ma qualité de whip, je suis tenu d'être sobre dans mes propos.

J'ai parlé au sénateur Tkachuk. C'est exactement ce que ce témoin devait dire. C'est ce qui devait être dit. Je l'appuie entièrement.

J'aimerais poser une deuxième question, si je peux me le permettre. Pour la gouverne du Sénat, serait-il possible d'avoir la définition du terme «Métis»? J'ai cru comprendre que la définition du terme «Métis» comporte des limites étroites selon l'endroit où on vit.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, il y a certes plusieurs points de vue sur la question. Pour certains, le terme «Métis» désigne les personnes issues d'un croisement entre des non- autochtones et des autochtones, dans l'ouest du Canada. Cette notion a commencé à s'appliquer à différents niveaux. Je n'entrerai pas dans un débat pour établir qui est Métis et ce que cette désignation représente.

Dans la plupart des cas, un «Métis» est une personne qui a du sang européen et du sang autochtone. Cette question fait l'objet d'un énorme débat parce que certains ont affirmé que la notion de «Métis» a vu le jour à un moment précis.

Le sénateur Prud'homme a demandé ce qu'est un orangiste. C'est un élément nébuleux de la question. Je crois que l'honorable sénateur sait ce qu'est un «Métis». Il a vécu au Manitoba toute sa vie.

Toutefois, je dois dire que les propos du sénateur m'inquiètent. Il est bien d'examiner ces questions, mais passons aux actes. Cette question a été étudiée en long et en large. Nous avons créé des tas de commissions royales sur les peuples autochtones, y compris les Métis.

Qu'avons-nous réalisé? Où en sommes-nous? Guère plus loin. Nous avons un des pires problèmes au plan de l'éducation. Je crois que 80 p. 100 de la population pénitentiaire de Prince Albert est autochtone. Il y a des problèmes énormes dans une litanie de domaines allant de l'éducation à la santé, pour ne citer que ces deux- là.

Nous pouvons examiner la question sous tous les angles. Nous pouvons entendre tous les témoins du monde entier. Si nous ne prenons aucune mesure positive, la situation restera la même.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, j'ai une dernière question à poser, et je promets de ne pas faire de discours.

J'appuie fermement les propos du sénateur St. Germain. Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones fait un travail remarquable dans son étude sur les problèmes qui touchent les jeunes autochtones des villes. Nous devrions faire valoir les points positifs touchant la situation des collectivités autochtones et métisses qui sont soulevés au sein de ce comité. Il est merveilleux d'entendre des choses positives, et nous en avons besoin pour sortir du cercle vicieux où nous sommes enfermés. Voilà qui aiderait nos jeunes autochtones. Ils ont besoin de héros modernes, par exemple des pairs qui ont réussi dans leurs études et dans le monde des affaires. Le sénateur n'est-il pas d'accord?

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, je suis parfaitement d'accord. Il va de soi que les héros modernes constituent un atout formidable. Il y en a beaucoup, d'ailleurs.

Toutefois, n'oublions pas nos héros d'hier. Louis Riel est un héros confirmé, un des plus grands héros du peuple métis.

L'honorable Thelma J. Chalifoux: Le sénateur St. Germain serait-il de mon avis pour dire que lorsqu'ils parlent de la nation métisse, ils parlent d'une nation distincte d'autochtones de l'Ouest canadien? C'est le Ralliement national des Métis et les anciens de la nation métisse en Alberta qui ont établi la définition.

Par ailleurs, j'aimerais savoir si le sénateur a lu sur la question de la définition du mot «Métis». N'importe qui peut se dire Métis, mais la question est de savoir qui en revendique le statut.

Les Métis de l'ouest du Canada ont conclu un traité avec le gouvernement fédéral. Il est énoncé dans la Loi sur le Manitoba. Il a été conclu le 2 mars 1991.

La définition du terme «Métis» est très importante. Tout le monde peut se dire Métis. Cependant, ceux qui bénéficient du traité sont les Métis de l'ouest du Canada. Le sénateur est-il d'accord avec moi?

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, je m'en remettrais à madame le sénateur Chalifoux. Elle est une des personnes les mieux informées des questions concernant les Métis et elle fait un excellent travail en faveur des Métis et des autochtones du pays. Je suis fier de travailler à ses côtés au comité.

Son Honneur le Président: Le sénateur LeBreton, avec l'appui du sénateur Rossiter, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: Non.

(Sur la motion du sénateur LeBreton, le débat est ajourné avec dissidence.)

LA LOI SUR L'HYMNE NATIONAL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Poy, appuyée par l'honorable sénateur Banks, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national afin d'englober tous les Canadiens et Canadiennes.—(L'honorable sénateur Stratton).

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, je suis fière d'appuyer le projet de loi S-3, qu'a présenté madame le sénateur Poy pour modifier la Loi sur l'hymne national afin d'englober tous les Canadiens et Canadiennes. Je la félicite d'avoir présenté ce projet de loi à ce stade-ci.

Dans l'excellent discours qu'elle a prononcé dans cette Chambre, madame le sénateur Poy a clarifié ses intentions au sujet du projet de loi, à savoir tout simplement modifier deux mots dans l'hymne national pour englober la majorité des Canadiens, qui sont des femmes.

Dans la version anglaise, le libellé actuel exclut les femmes en utilisant les mots «thy sons». Le projet de loi du sénateur Poy remplacerait ces mots par «of us». Le Règlement m'interdit de chanter cette variante au Sénat. Nous pourrions peut-être inviter une chorale ici pour entendre sa version, qui est sûrement bien meilleure. Les derniers mots de notre hymne national en anglais seraient «as true patriot love in all of us command» au lieu de «true patriot love in all thy sons command». Ce projet de loi ne modifierait pas la version française.

Le sénateur Poy a bien présenté le contexte de cette modification et a bien expliqué à la fois l'origine de notre hymne national et comment il serait modifié. Il est intéressant de noter que certains autres sénateurs ont dénigré les efforts du sénateur Poy en laissant entendre que la question était triviale et tenait de la rectitude politique. De tels propos réduisent l'importance du changement proposé. L'hymne national est l'un des instruments les plus puissants que possède un pays pour afficher son identité nationale.

J'ai récemment pratiqué de l'aquaforme dans une ville américaine. Avec moi dans la piscine se trouvaient 50 Américains qui chantaient «America the Beautiful». Je me suis demandé quelle serait la réaction au Canada si, dans mon cours d'aquaforme, on chantait le «Ô Canada». Cette situation témoigne de notre engagement à l'égard de nos hymnes nationaux.

Deuxièmement, l'auteur Michael Ignatieff a écrit: «Les droits ne sont pas uniquement les instruments de la loi. Ils sont aussi l'expression de notre propre identité morale à titre de peuple.» Cette phrase est vraie pour bon nombre d'entre nous. Elle reflète certainement les valeurs et les croyances que j'ai adoptées depuis fort longtemps.

(1500)

J'apprécierais beaucoup que mes propres collègues me laissent parler. Il existe une antichambre et une salle de lecture pour ceux qui veulent bavarder.

Je disais donc que, en ma qualité de députée, j'étais l'une des nombreuses femmes qui ont lutté pour que l'égalité des femmes soit inscrite dans la Charte canadienne des droits et libertés et à l'article 28 de notre Constitution. Ce droit à l'égalité n'est pas parfait car il a été interprété de manière à exclure les femmes autochtones, qui forment pourtant le groupe qui souffre le plus de discrimination au Canada.

À titre de présidente du Conseil du Trésor, j'ai formé le Groupe de travail sur les obstacles rencontrés par les femmes dans la fonction publique, qui est devenu un modèle pour les autres pays et a décuplé les possibilités d'avancement pour les femmes dans la fonction publique. En ma qualité de députée, je siégeais à la Chambre des communes lorsque la Loi sur l'hymne national a été édictée le 1er juillet 1980. Il a toujours été convenu qu'elle pourrait être revue et modifiée lorsque le pays aurait acquis toutes les libertés constitutionnelles qu'il gagnait peu à peu au début des années 1980.

La question qui se pose, c'est pourquoi agir maintenant? J'ai plusieurs points à faire valoir. Tout d'abord, le temps est venu. Les femmes constituent la majorité de la population canadienne et elles sont présentes dans tous les secteurs de la société. La majorité des étudiants en médecine, des avocats et des autres membres des professions libérales sont des femmes. Elles font leur entrée dans les domaines non traditionnels des sciences et de la technique à un rythme sans précédent et en nombre croissant. Le chroniqueur Roy MacGregor, du Globe and Mail, écrivait cette semaine que les temps sont durs pour les hommes au Canada. Il signalait que toutes les chaînes sportives et la une des journaux et revues mettaient à l'honneur la victoire remportée par Mélanie Turgeon en ski de descente à St-Moritz, en Suisse, et, en patinage de vitesse, la victoire de Clara Hughes aux 5 000 mètres et le couronnement de Cindy Klassen comme championne du monde au combiné.

Elles viennent toutes de Winnipeg, dit le sénateur Stratton. Est-ce exact?

Le sénateur Stratton: Les deux patineuses.

Le sénateur Carney: Cela en dit plus long sur la géographie que sur l'appui au projet de loi. Je présume que le sénateur appuiera ce projet de loi.

Le sénateur Stratton dit qu'il appuiera le projet de loi du sénateur Kinsella, ce qui est une toute autre question. Je lui demande de se porter à la défense de ses compatriotes de Winnipeg. Roy MacGregor ajoute que les Canadiennes dominent depuis un certain temps la musique populaire. Il cite les noms de Shania Twain, Avril Lavigne, Céline Dion, Diana Krall, Sarah McLachlan, Nelly Furtado, Alanis Morrisette et Kathleen Edwards. Il signale également, parmi les meilleurs cinéastes canadiens, Nia Vardalos, qui a été mise en nomination comme prévu, avec My Big Fat Greek Wedding, pour l'Oscar du meilleur scénario original.

Le sénateur Stratton: Elle vient de Winnipeg.

Le sénateur Carney: Dans ce cas, le sénateur appuiera certainement ce projet de loi.

M. MacGregor fait remarquer que l'ouvrage non romanesque qui se vend le mieux est Paris 1919, de Margaret McMillan, que l'ouvrage de fiction qui s'affirme le plus rapidement est The Romantic, de la Canadienne Barbara Gowdy, que les meilleures biographies au Canada sont écrites par Charlotte Gray — je suis d'accord là-dessus — et que le nouveau livre du printemps sera Oryx and Crake, de Margaret Atwood.

Au Canada, les femmes les plus puissantes du domaine politique sont la vérificatrice générale Sheila Fraser, la juge en chef de la Cour suprême Beverley McLachlin, originaire de Colombie-Britannique...

Le sénateur Lynch-Staunton: Non, elle est née en Alberta.

Le sénateur Carney: Dans ce cas, l'Ouest devra faire corps pour montrer qu'entre la Colombie-Britannique, le Manitoba et l'Alberta, les Canadiennes gouvernent le pays, sinon le monde. Peut-on s'entendre sur ce point?

Il y a aussi la Gouverneure générale Adrienne Clarkson.

Honorables sénateurs, c'est là un argument plutôt convaincant montrant que le moment est venu d'effectuer ce changement qui permettra d'adapter notre hymne national à la réalité canadienne.

Deuxièmement, selon moi, il est acceptable sur le plan historique de modifier les paroles. Comme le sénateur Poy l'a souligné, dans sa version originale anglaise, sir Robert Stanley Weir avait écrit «true patriot love thou dost in us command». Voilà pour ceux qui soutiennent que ce projet de loi est révisionniste. Nous proposons tout simplement de revenir à l'intention originale du projet de loi.

On a dit que l'expression «thy son's command» avait été adoptée pour refléter la ferveur patriotique de la période préalable à la Première Guerre mondiale, bien qu'il existe très peu de preuves à cet effet. Il est donc d'autant plus important de modifier les paroles de l'hymne à une époque où les femmes s'acquittent si bien de leurs tâches comme membres des Forces canadiennes.

Une troisième raison d'appuyer le projet de loi, c'est qu'il ne crée même pas de précédent. L'hymne a été modifié plusieurs fois, notamment par sir Robert Weir lui-même, et aussi récemment qu'en 1968. C'est bien sûr en 1980 qu'il a été adopté comme hymne national. Il n'est donc pas assujetti à un droit d'auteur et fait partie du domaine public. Selon le sénateur Poy, l'hymne appartient aux Canadiens et devrait être le reflet de la société canadienne.

Quatrièmement, le fait de modifier les paroles de notre hymne national pour qu'il soit le reflet de la société canadienne s'inscrit bien dans l'histoire de cet endroit. Les cinq femmes célèbres de l'affaire «personnes» ont lutté pour obtenir le droit de siéger au Sénat du Canada. Au nombre de nos sénateurs de marque, nous comptons le sénateur Joyce Fairbairn, qui a été la première Canadienne leader du gouvernement en cette Chambre; et je suis ravie quelle soit ici aujourd'hui. Il y a aussi le sénateur Brenda Robertson, première femme élue à la législature du Nouveau- Brunswick; et j'ai eu l'honneur d'être la première femme sénateur conservatrice venant de Colombie-Britannique.

Le sénateur Prud'homme: Il y a également eu le sénateur Callbeck, la première femme qui a occupé le poste de premier ministre de l'Île- du-Prince-Édouard.

Le sénateur Carney: Le sénateur Prud'homme a raison, elle fut la première femme élue à ce poste. Vous voyez, les femmes ont beaucoup d'appui au Sénat. Par le passé, le Sénat a beaucoup appuyé les femmes et je m'attends à ce qu'il appuie la modification proposée par le sénateur Poy.

Cinquièmement, le changement proposé tend à rendre hommage aux millions de femmes qui ont contribué à bâtir notre pays. Permettez-moi de vous rappeler certaines d'entre elles. Il y a eu Elsie Gregory MacGill, la première femme à avoir reçu un diplôme en génie aéronautique au Canada et la première conceptrice d'aéronefs au monde; Carrie Matilda Derick, la première femme à avoir enseigné au niveau universitaire au Canada; Maude Abbot, médecin et autorité internationale en matière de maladies cardiaques; Roberta Bondar, évidemment, bien connue pour avoir été la première Canadienne dans l'espace; sa collègue, Julie Payette, ingénieure électricienne, ingénieure informaticienne et pilote, la première Canadienne à avoir travaillé à bord de la station spatiale internationale; Jean Cuthand Goodwill, grande intervenante dans le domaine des services de santé publics pour les autochtones et membre fondatrice de l'Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada.

Puis, il y a évidemment les femmes qui ont choisi la politique. Mentionnons Son Excellence la Très honorable Jeanne Sauvé, la première femme à servir comme gouverneur général, la première femme élue Président de la Chambre des communes et la première membre du Cabinet qui soit du Québec. Il y a également eu la très honorable Kim Campbell. Première femme à remplir les fonctions de premier ministre du Canada, elle a occupé divers postes et a été la première femme élue à la direction du Parti progressiste- conservateur. Il y a notre ancienne collègue, l'honorable Muriel McQueen Fergusson, première Présidente du Sénat; l'honorable Marie Casgrain, première femme à diriger un parti politique au Québec; la très honorable Ellen Fairclough, première femme ministre au Canada; Cairine Reay Mackay Wilson, première sénatrice et première femme à présider un comité permanent du Sénat. La liste s'allonge encore et encore et comprend, bien sûr, l'honorable Audrey McLaughlin, du Yukon, première femme à diriger un parti politique fédéral au Canada et dans le Nord.

(1510)

Je crois que ces changements se reflètent ici même, au Sénat. Lorsque j'ai été nommée ici, il n'y avait qu'une poignée de femmes au Sénat. Il y en a maintenant 34. Près du tiers des sénateurs sont des femmes. Lorsque j'ai été élue pour la première fois à la Chambre des communes, en 1980, il n'y avait que 16 femmes députées; il y en a aujourd'hui 51. Ce n'est pas encore assez, mais cela montre que le rôle que nous jouons en politique, nous, les femmes, justifie que nous soyons reconnues dans l'hymne national de notre pays.

En Colombie-Britannique, bien sûr, les femmes ont toujours joué un rôle prépondérant. On le voit dans la merveilleuse série d'articles par Stephen Hume, du Vancouver Sun. Les articles traitent de la contribution des femmes au tissu social canadien et s'intitulent: «Les pionnières de la Colombie-Britannique.» Il raconte notamment comment la fille crie d'un agent de la Compagnie de la Baie d'Hudson, lady Amelia Douglas, a changé le cours de l'histoire lorsqu'elle a eu le courage de sauver James Douglas, son impétueux mari, d'une mort certaine pour avoir offensé Kwah, le chef carrier. Comme le chef menaçait de poignarder Douglas, elle l'a distrait en lançant des ballots de marchandises à ses pieds, sauvant ainsi la vie à son mari. Celui-ci a fini par fonder Fort Victoria. Il a été gouverneur de la Colombie-Britannique et a donné à celle-ci un gouvernement démocratique responsable. Je dois avouer qu'il a pleuré lorsque la colonie de la Colombie-Britannique a fusionné avec la colonie de l'île de Vancouver. Il ne croyait pas cela utile.

Ceux d'entre vous qui estiment ne pas pouvoir appuyer cet amendement, qui propose de remplacer, dans la version anglaise, les mots «all thy sons command» par «all of us command» pourraient peut-être envisager une alternative. Si cette proposition est rejetée, je songe sérieusement à proposer un autre amendement, qui consisterait à substituer «all thy daughters» à «all thy sons», ce qui refléterait la réalité canadienne, puisque notre pays compte une majorité de femmes. Les hommes qui siègent en cette Chambre pourraient ainsi savoir ce que ressentent les femmes, qui sont exclues de notre hymne national.

Je crois que le sénateur Tommy Banks, qui est l'un des plus éminents musiciens canadiens, serait la personne toute désignée pour présenter cet hymne. Nous pourrions peut-être même constituer un choeur sénatorial pour le mettre à l'essai. Je pense sérieusement que les hommes qui siègent ici au Sénat qui ne souhaitent pas intégrer les mots «all of us» à notre hymne national, de façon à reconnaître l'existence de tous les Canadiens, devraient réfléchir à la perspective d'appuyer un amendement proposant plutôt les mots «all our daughters».

Le Sénat se retrouverait dans une situation tout à fait unique, puisque mes collègues auraient voté contre tout changement à l'hymne national, affichant ainsi leur volonté de consacrer, par leur attitude chauviniste, un hymne national qui ne tiendrait compte que des hommes au sein de la population.

Des voix: Quelle honte!

Le sénateur Carney: Je crois que cela constitue un endossement de l'amendement proposé par le sénateur Poy, et vous pourrez l'appuyer.

Son Honneur le Président: Sénateur Carney, je vous prie de m'excuser, mais votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Carney: Y a-t-il des questions?

L'honorable Terry Stratton: Je ne crois pas que le sénateur Carney m'ait bien compris. Quoi qu'il en soit, j'ajourne le débat.

(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)

RÈGLEMENT, PROCÉDURE ET DROITS DU PARLEMENT

LE SEPTIÈME RAPPORT DU COMITÉ—MOTION D'AMENDEMENT—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Milne, appuyée par l'honorable sénateur Chalifoux, tendant à l'adoption du septième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement (modification à l'article 131 du Règlement—Demande de réponse du gouvernement), présenté au Sénat le 4 février 2003.—(L'honorable sénateur Stratton).

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, ceci est le septième rapport du Comité du Règlement, qui propose de modifier l'article 131 du Règlement de façon que, sur une motion du Sénat, une demande soit présentée au ministre compétent afin qu'il réponde à un rapport de comité sénatorial ou le commente.

Au début, il avait été proposé que la demande soit envoyée directement au ministre ou aux ministres compétents, et j'ai cru comprendre, d'après ce qui a été dit, que la présidente du comité, madame le sénateur Milne, était en faveur de cette proposition. Par conséquent, un amendement a été rédigé, que je vous ferai distribuer pendant que je le lis. Il est relativement simple.

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, je propose, avec l'appui du sénateur Milne:

Que le paragraphe (3) de la recommandation du Comité visant la modification de l'article 131 du Règlement du Sénat soit modifié par remplacement de «communique la demande au leader du gouvernement qui, dans les cent cinquante jours civils de l'adoption du rapport ou de la motion,» par ce qui suit:

«communique immédiatement la demande et remet une copie du rapport au leader du gouvernement et à chaque ministre expressément désigné dans le rapport ou la motion comme chargé de répondre au rapport; dans les cent cinquante jours civils suivant l'adoption du rapport ou de la motion, le leader du gouvernement».

Cela peut sembler un amendement de forme, mais cela garantira qu'on communique directement avec les ministres dont le ministère est visé par un rapport afin qu'ils présentent une réponse, espérons- le, dans les 150 jours.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je viens d'entrer ici et je suis très intriguée par le phénomène qui consiste à modifier un rapport d'un comité sénatorial par une motion du Sénat car, à ma connaissance, pour faire les choses selon les règles, il faut que la modification au rapport soit proposée par le comité d'où émane le rapport.

(1520)

Toute la question m'intéresse vivement, si bien qu'avec le consentement du Sénat, je voudrais proposer l'ajournement du débat et en reparler plus tard cette semaine.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je signale à madame le sénateur Cools que je n'ai pas lu le texte d'introduction comme celui ayant été distribué. J'ai bien dit que c'était un amendement proposé à la motion, pas un amendement proposé au rapport. Il y a une erreur dans le texte écrit. Je n'ai pas eu le temps de le faire retaper. L'amendement est le même, mais lorsque les sénateurs liront le hansard demain, ils constateront que l'amendement a été apporté à la motion et non au rapport.

Le sénateur Cools: Cela clarifie les choses et les facilite. Une copie de la motion vient de m'être remise, et j'étais désavantagée parce que je n'en avais pas. Selon moi, le sénateur Lynch-Staunton ne modifie pas le rapport du comité en tant que tel, mais bien la motion. Cela est bien plus efficace. En conséquence, je voudrais proposer l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

L'ÉTUDE SUR LA NÉCESSITÉ D'UNE POLITIQUE NATIONALE SUR LA SÉCURITÉ

LE RAPPORT INTÉRIMAIRE DU COMITÉ DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kenny, appuyée par l'honorable sénateur Losier-Cool, tendant à l'adoption du deuxième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense intitulé Pour 130 dollars de plus... Mise à jour sur la crise financière des Forces canadiennes, une vue de bas en haut, déposé auprès du Greffier du Sénat le 12 novembre 2002.—(L'honorable sénateur Robichaud, c.p.).

L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, je voudrais remercier le sénateur Robichaud d'avoir ajourné le débat et de me permettre de prendre la parole.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui dans le débat sur le rapport du Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense intitulé Pour 130 dollars de plus, ou, en termes plus sénatoriaux, Mise à jour sur la crise financière des Forces canadiennes, une vue de bas en haut.

C'était le troisième rapport important de ce comité à être déposé au Sénat en un peu plus d'un an, ce qui représente un programme ambitieux pour n'importe quel groupe, mais encore plus pour un petit groupe de sénateurs qui étudient une question aussi complexe que l'état actuel des Forces armées canadiennes, et, dans le même ordre d'idées, l'avenir des Forces armées canadiennes.

Avant d'aller plus loin, j'aimerais féliciter mes collègues du comité de leur bon travail et de leur dévouement. Nous nous sommes beaucoup interrogés sur l'orientation que devait prendre notre rapport et sur la meilleure façon de nous en servir pour attirer l'attention du gouvernement. Notre comité n'est pas le seul à souligner que nos militaires manquent de ressources. Colin Powell et l'ambassadeur des États-Unis au Canada Paul Cellucci ont tous deux exhorté le Canada à renforcer ses forces armées. Au cours d'une récente rencontre de l'OTAN, la Grande-Bretagne et les États-Unis ont tous deux demandé au Canada de se pencher de façon réaliste et sérieuse sur ses faiblesses au chapitre militaire et de prendre des mesures dans ce sens comme il a déjà été en mesure de le faire par le passé.

De plus, l'ancien ministre de la Défense, l'honorable Art Eggleton, a rompu son silence pour se porter à la défense des militaires, demandant que le budget annuel des forces armées soit accru d'au moins un milliard de dollars par année. Il a également appuyé la recommandation formulée par le comité dans son rapport intitulé L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense voulant que l'on augmente immédiatement à 75 000 membres l'effectif actuel qui oscille entre 50 000 et 60 000 membres. Bien entendu, Paul Martin, l'ex-ministre des Finances, s'est récemment déclaré en faveur d'une hausse du budget des forces armées.

Toutefois, ceux d'entre nous qui ont de l'expérience savent que le gouvernement est soumis à de nombreuses pressions en vue d'accroître les dépenses. On a déjà mis de côté et donné de l'argent aux provinces pour la santé en réponse au rapport Romanow. Le dernier discours du Trône a mis l'accent sur la question des autochtones. Notre comité espère que le gouvernement ne se laissera pas convaincre une fois de plus de négliger les forces armées. Nous verrons dans le budget de la semaine prochaine si nous avons été assez persuasifs.

Je reconnais, autant que quiconque, la nécessité pour les gouvernements, durant la première moitié des années 1990, d'éliminer leur déficit, d'équilibrer leur budget et d'élaborer des plans réalistes pour rembourser leur dette. Heureusement, au niveau fédéral, les instruments et les leviers nécessaires pour y parvenir étaient déjà en place, notamment la TPS et le libre-échange. Nous sommes maintenant sortis de cette période et, au cours des prochaines minutes, je vais démontrer, au nom du comité, que le moment est venu pour le gouvernement d'utiliser sa marge de manoeuvre financière pour répondre aux besoins de nos militaires.

Dans un précédent rapport intitulé L'état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense, nous avions fait trois recommandations principales: premièrement, une hausse des effectifs entraînés des Forces canadiennes à 75 000; deuxièmement, une hausse immédiate de 4 milliards de dollars du budget de base du ministère de la Défense nationale; et, troisièmement, des augmentations budgétaires annuelles futures réalistes, axées sur des objectifs et fonction de l'inflation.

J'avais dit, dans le cadre du débat sur ce rapport, que, à cause de notre négligence, nous nous étions laissé dépasser par les événements. La nature changeante de notre monde et la réalité que nous vivons en Amérique du Nord dépassent notre capacité de contribuer correctement à notre propre défense. À l'époque, j'avais suggéré de faire participer les Canadiens au débat sur l'avenir de nos forces armées. Je pensais que nous devions élargir le dialogue. Je crois maintenant que, au cours des derniers mois, les Canadiens qui comprennent la question ont exprimé haut et fort leur appui pour nos militaires, pour l'intensification du recrutement et pour l'augmentation des dépenses.

Votre comité, dont je suis fier d'être membre, a sillonné le Canada. Nous avons entendu parler des besoins des forces armées ainsi que de l'appui et du respect que leurs accordent les Canadiens. Ces derniers connaissent bien les forces armées pour les avoir vues en action pendant les inondations à Winnipeg et dans le Saguenay ainsi que durant la tempête de verglas. En temps de catastrophe, nos militaires sont toujours là pour nous secourir.

Les Canadiens, en général, sont des gens réfléchis, mais il faut reconnaître que si le Canada ne fait rien au sujet de ses forces armées, alors les États-Unis agiront de façon unilatérale afin de défendre leur périmètre de sécurité, c'est-à-dire l'Amérique du Nord, sans notre aide ni notre consentement. Nous risquerons alors de perdre la crédibilité et le respect dont nous jouissons. Nous ne devons pas devenir les marionnettes de la politique étrangère et de défense américaine.

C'était là une des questions principales sur laquelle s'est penché le comité dans son deuxième rapport quand il a traité des relations entre le Canada et les États-Unis. La réalité exposée dans ce rapport est que les économies des deux pays sont interreliées. Nous sommes le plus important partenaire commercial des États-Unis, et vice versa. Cependant, ces relations commerciales mutuellement profitables dépendent de la facilité avec laquelle les biens peuvent franchir les frontières. Nous avons déclaré ce qui suit:

Il est essentiel que deux pays dont la compatibilité économique est si grande soient tout autant compatibles sur le plan militaire pour défendre les deux sociétés dont les économies fonctionnent en majeure partie comme si elles en formaient une seule.

La compatibilité au plan militaire pour nous défendre et aider nos plus proches alliés exige l'engagement de ressources. Comme il est expliqué dans le rapport, «le Canada doit s'engager plus à fond dans la défense de l'Amérique du Nord». En termes simples et pratiques, si on ne montre pas qu'on est prêt à défendre le continent, quelqu'un d'autre s'occupera de le faire à notre place. Je ne vois rien de mal à maintenir des liens solides avec les États-Unis, et je crois que le maintien de notre souveraineté pourrait profiter de tels liens.

(1530)

Il est vrai, également, que le Canada, une nation commerçante dans l'économie mondiale, se doit d'être présent à de nombreuses tables de négociations commerciales de par le monde. Notre crédibilité et notre respectabilité en tant que pays sont largement tributaires de notre capacité à exercer et à défendre notre souveraineté. C'est ce qui nous aide à prendre notre place à la table des grands.

Les Canadiens sont respectés partout où ils vont et ils peuvent voyager librement dans presque toutes les parties du monde. Il nous faut protéger et améliorer notre image. Les recommandations que nous faisons dans notre dernier rapport ont justement pour but de maintenir cette image et de nous permettre de conserver notre place parmi les autres pays développés du monde.

Selon nous, il ne sert à rien d'avoir des forces armées mal équipées qu'on place constamment dans des situations dangereuses. Nous ferions aussi bien de cesser complètement les activités pendant deux ou trois ans pour faire de la réorganisation, de la restructuration, du réarmement et du recrutement, puis réapparaître sur la scène internationale avec de nouveaux soldats frais et dispos et bien équipés. Nous croyons qu'il serait préférable de faire cela que de continuer dans la voie où nous sommes engagés. Nous ne saurions accepter que l'on compare notre matériel à des antiquités. Nous devons régler des questions fondamentales. On doit consacrer des fonds à l'achat de matériel, mais il faut trouver le matériel adéquat. Je suis certain que, dans la plupart des cas, on pourrait acheter du matériel standard.

Certains ont dit que, si on donnait 4 milliards de dollars aux forces armées, il serait difficile de décider comment dépenser cet argent. Notre comité ne croit pas que ce soit là un problème. On pourrait entreprendre une vaste campagne de recrutement. On pourrait faire l'acquisition d'immobilisations. On n'aurait plus besoin d'attendre pour avoir le matériel nécessaire à l'entraînement. Nous devons faire l'acquisition de matériel moderne, en quantité suffisante pour l'entraînement de nos forces et de nos réserves.

Nous avons pu constater, en nous rendant sur la côte est et sur la côte ouest, que nos forces ont désespérément besoin de nouveaux hélicoptères. Il faut trouver un appareil pour remplacer le Sea King. C'est un message qu'il faut faire comprendre clairement au gouvernement. Cela doit faire partie des engagements budgétaires.

Nous devons mettre fin aux années de négligence et entrer dans une nouvelle ère où nos forces armées ont les ressources nécessaires pour jouer leur rôle sur la scène internationale, au même niveau que nos alliés. Nous devons avoir le matériel qu'il nous faut pour pouvoir nous entraîner avec nos alliés, et non leur faire honte.

Durant toute cette période, les hommes et les femmes qui composent nos forces armées ont fait un travail exceptionnel. Leur dévouement est sans borne. Cependant, ils ont besoin de repos, et on doit mettre en place un système de rotation adéquat. Ils ont besoin de notre appui maintenant. Il est peut-être même déjà trop tard. Nous envisageons une guerre contre l'Irak. Nous allons peut- être nous joindre aux États-Unis ou participer à une intervention coordonnée par les Nations Unies. De toute façon, j'imagine que nous aurons un rôle à jouer. Comment allons-nous faire cela? Où est notre capacité de transport? Où sont les hélicoptères qui rendent nos frégates utiles dans un théâtre de guerre?

Les années de négligence ont rattrapé le gouvernement. Nous avons dû nous retirer tôt de l'Afghanistan parce que nous n'avions pas assez de soldats pour faire la rotation. Nous y étions arrivés tard à cause de notre problème de transport. Nous avons d'excellents soldats, mais le matériel dont ils disposent est une honte pour eux et pour tous les Canadiens.

Il faut, à mon avis, commencer immédiatement à faire l'acquisition de matériel militaire standard. Il faut lancer un programme de recrutement. Par-dessus tout, il faut que des ressources soient allouées dans le budget de la semaine prochaine et que des fonds soient engagés immédiatement.

J'espère que d'autres honorables sénateurs vont intervenir, s'il reste du temps, afin de faire bien comprendre au gouvernement que la négligence a assez duré. Il faut prendre l'engagement clair et sans équivoque de soutenir nos forces armées et donner suite à cet engagement. Elles ne méritent rien de moins.

(Sur la motion du sénateur Robichaud, au nom du sénateur Bacon, le débat est ajourné.)

[Français]

LES TRAVAUX DU SÉNAT

AUTORISATION AUX COMITÉS DE SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, normalement, le mercredi, le Sénat essaie de terminer ses travaux vers 15 h 30 afin que les comités puissent siéger. Quelques comités avaient déjà décidé de siéger à 15 h 30.

Avec la permission du Sénat et nonobstant le paragraphe 58(1)a) du Règlement, je propose:

Que tous les comités soient autorisés à siéger pendant la séance du Sénat d'aujourd'hui et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

L'HÉRITAGE DE GASPILLAGE—LES ANNÉES CHRÉTIEN-MARTIN

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur LeBreton, attirant l'attention du Sénat sur l'héritage de gaspillage des années Chrétien-Martin. —(L'honorable sénateur Bryden).

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, l'excédent dans la caisse d'assurance-emploi est l'un de mes sujets favoris. J'ai soulevé cette question à maintes reprises au cours des cinq dernières années, pendant la période des questions orales, sans jamais obtenir de véritables réponses.

Je veux parler de l'excédent de 45 milliards de dollars qui se trouvera dans la caisse d'assurance-emploi à la fin de l'année.

Le sénateur Robichaud: Le montant de 45 milliards me fait songer à une chose.

Le sénateur Graham: Parlez-vous du déficit?

Le sénateur Stratton: Ce montant représente 60 p. 100 du remboursement de la dette. Jean Chrétien et Paul Martin doivent la plus grande part de leurs succès financiers à une fraude massive à l'endroit des travailleurs canadiens et de ceux qui les emploient: je parle d'une ponction de 45 milliards de dollars dans la caisse d'assurance-emploi.

Presque tout le monde s'entend pour dire qu'une «fraude» signifie que l'on s'approprie quelque chose en ayant recours à la duplicité, à la tromperie ou à la fausse représentation.

Les contributions versées au gouvernement fédéral sont censées servir à financer le programme d'assurance-emploi. Elles n'ont jamais été censées devenir un impôt supplémentaire. Jusqu'à récemment, la loi exigeait que le taux de ces contributions soit fixé uniquement de façon à assurer l'équilibre de la caisse d'assurance- emploi.

Sous prétexte de constituer une réserve pour les temps difficiles, Paul Martin a fixé, année après année, des taux de contribution à l'assurance-emploi qui généraient beaucoup plus d'argent que les sommes qui étaient redonnées aux travailleurs sous forme de prestations et de formation. Le résultat de tout cela c'est qu'en décembre le gouvernement aura perçu 45 milliards de dollars de plus qu'il n'aura dépensé dans le cadre du programme d'assurance- emploi.

À strictement parler, cet argent se trouve dans ce qu'on appelle le compte d'assurance-emploi, et il est prêté au gouvernement à un taux d'intérêt peu élevé. En réalité, il est très peu probable que cet argent serve un jour aux fins du programme. En effet, le gouvernement semble même vouloir cesser de verser des intérêts au compte. Cet excédent de 45 milliards correspond au triple des dépenses annuelles du programme. Voilà qui est nettement supérieur au surplus de 10 à 15 milliards de dollars qui, selon l'actuaire du programme, devrait suffire durant une récession.

(1540)

La vérificatrice générale, après avoir examiné l'état du compte d'assurance-emploi, n'a pu conclure que le gouvernement se conforme à l'esprit de la Loi sur l'assurance-emploi.

Le gouvernement aurait pu ramener le taux de cotisation à l'assurance-emploi à 1,75 $ par tranche de 100 $ de gains assurables cette année sans causer de problèmes. Il a préféré fixer la cotisation à 2,10 $. Cela n'a rien de nouveau, puisque les cotisations ont diminué beaucoup moins vite que ne le justifie l'état de la caisse.

Je parle bien sûr du taux de cotisation versé par l'employé. L'employeur contribue 1,4 fois ce montant.

Le programme d'assurance-emploi, qui s'appelait auparavant le programme d'assurance-chômage, a été établi en 1940. Il avait pour objet initial d'offrir une aide temporaire aux travailleurs en chômage. Depuis le début, il était prévu que le programme fonctionnerait comme un programme d'assurance, les rentrées devant servir à payer les sorties de fonds. Développement des ressources humaines Canada le reconnaît lui-même sur son site Web, dans un document intitulé Histoire de l'assurance-chômage:

La Loi sur l'assurance-chômage de 1940 attribuait au nouveau régime un rôle plutôt direct. Il devait s'agir d'un programme d'assurance sociale, mais il devait adhérer aussi strictement que possible aux principes qui gouvernaient les assurances-vie, les assurances contre l'incendie et le vol et les autres formes d'assurances privées.

Le rôle du Régime d'assurance-chômage devait être d'offrir à certains groupes précis de travailleurs une assurance contre la perte temporaire de revenu provoquée par le chômage. On s'attendait à ce qu'il s'agisse d'un régime reposant sur une base actuarielle sérieuse dont la portée, les cotisations et les prestations seraient soigneusement calculées et équilibrées.

Au fil des ans, la portée du programme a été élargie. La protection a été étendue à des travailleurs qui n'y étaient pas admissibles sous le régime de 1940, et d'autres prestations ont été prévues, par exemple dans le cas d'un congé de maternité et d'un congé parental. Au cours des dernières années, le programme a aussi servi à financer des mesures d'aide à l'emploi.

Cependant, jusqu'à ce que Paul Martin accède au poste de ministre des Finances, il n'avait jamais été question de faire des cotisations un impôt général qui servirait à payer d'autres programmes. Même après que l'ancien gouvernement eut donné suite à une demande du vérificateur général en 1986 en intégrant les comptes du programme à ceux du gouvernement, il n'a pas essayé d'utiliser le programme comme une vache à lait pour le ministre des Finances de l'époque. Conformément à la loi, le gouvernement progressiste-conservateur a continué de gérer le programme selon les principes actuariels et de déterminer les taux de cotisation de manière à maintenir l'équilibre du compte.

La récession du début des années 1990 a exercé d'énormes pressions sur le compte d'assurance emploi, entraînant une forte hausse des niveaux nécessaires à une administration saine du compte fondée sur de bons calculs actuariels.

En novembre 1991, le gouvernement progressiste-conservateur a pris la décision d'établir un plafond maximal pour les cotisations de 3 $ par tranche de 100 $ de gains, et cela même si on estimait alors que l'équilibre du compte nécessiterait que l'on fasse passer les cotisations à 3,20 $ en 1992. Le plafond de 3 $, trop bas pour l'équilibre du compte, est resté en vigueur en 1993.

Une des premières annonces du gouvernement libéral à l'automne 1993 a été sa décision de hausser les cotisations pour les faire passer à 3,07 $ en 1994.

Les taux des cotisations demeurant élevés, la situation du compte d'assurance emploi s'est améliorée grâce à la diminution du taux de chômage et à des réductions importantes des prestations régionales. Le régime a été à flot sur une base annuelle à compter de 1994, et le déficit cumulatif est disparu en 1995. L'année suivante, les cotisations demeurant plus élevées que nécessaire pour financer le programme, le compte a commencé à accumuler des excédents annuels considérables.

Aux termes de la loi telle qu'elle existait lorsque Paul Martin est devenu ministre des Finances, les cotisations à l'assurance-emploi auraient dû diminuer en 1996. Le gouvernement a fait modifier la loi pour l'éviter.

Il est vrai que les cotisations ont été ramenées à 2,10 $ cette année, mais il faut tenir compte de deux autres facteurs. Tout d'abord, étant donné l'argent déjà accumulé dans le compte, ce taux est de loin supérieur à ce qui est nécessaire pour assurer des cotisations stables tout au long d'un cycle conjoncturel. Les cotisations auraient dû être ramenées à ce niveau il y a des années. Deuxièmement, les cotisations à l'assurance-emploi ne doivent pas être considérées dans l'absolu, car les travailleurs canadiens et leurs employeurs cotisent également au Régime de pensions du Canada et au Régime des rentes du Québec. Les cotisations de ces deux régimes ont presque doublé en dix ans, passant de 2,50 $ par tranche de 100 $ de gains en 1993 à 4,95 $ cette année. Le résultat, c'est que, depuis 1993, le travailleur moyen a vu le total de ses cotisations à l'assurance- emploi et au RPC ou au RRQ augmenter de plus de 700 $ par année. Son employeur a vu sa contribution augmenter de près de 600 $ par année.

Une autre façon d'examiner la situation est d'exprimer l'excédent dans le programme d'assurance-emploi en termes de salaires confisqués aux travailleurs canadiens. Chaque cotisation de 10 cents représente des recettes de 900 millions de dollars. Les 45 milliards supplémentaires perçus au titre de l'assurance-emploi équivalent aux recettes qui pourraient être perçues si le gouvernement imposait pendant une année une surtaxe de 5 $ sur chaque gain de 100 $.

Ainsi, les cotisations gonflées qu'a imposées Paul Martin ont coûté à une personne gagnant un revenu moyen un total d'un peu moins de 2 000 $. Cela équivaudrait à remettre au gouvernement fédéral plus de deux semaines et demie de salaire par année. Le total de la part de l'employeur à l'excédent équivaut aux salaires versés pendant trois semaines et demie par toutes les entreprises canadiennes qui paient des cotisations. Les employeurs doivent payer cette taxe, peu importe s'ils réalisent des bénéfices, et on comprend qu'ils soient mécontents.

Dans le numéro du Hamilton Spectator du 29 novembre 2002, on signalait que la décision du gouvernement libéral de ne réduire les cotisations à l'assurance-emploi que de 10 cents cette année avait entraîné la réaction suivante:

Ce n'est pas suffisant, déclare la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

Le gouvernement fédéral recueille sous forme de cotisations d'assurance-emploi des milliards de dollars de plus qu'il ne lui faut pour exploiter le programme, a déclaré André Piché, directeur des affaires nationales du groupe.

«C'est un très gros enjeu pour le milieu des affaires,» a-t-il déclaré. «Le gouvernement détourne les cotisations pour les affecter à d'autres fins.» On s'attend à ce que l'excédent de la caisse d'AE atteigne près de 43 milliards de dollars cette année et qu'il passe à 45 milliards de dollars en 2003, a déclaré Piché.

Honorables sénateurs, l'excédent de la caisse d'AE fait paraître le bilan financier de Paul Martin beaucoup mieux que ce ne serait le cas s'il avait respecté l'esprit de la loi.

En mars 2002, la caisse d'assurance-emploi comportait un excédent de quelque 40 milliards de dollars, montant correspondant presque intégralement à la baisse de la dette nette depuis 1996. Voilà ce qu'il en est de la magie de Paul Martin. En réalité, les deux plus importants facteurs de réussite du gouvernement sur le plan financier ont été la décision de Paul Martin de maintenir les cotisations d'AE à un niveau artificiellement élevé, ainsi que sa décision, au cours de son premier mandat, de réduire de plusieurs milliards de dollars les contributions du gouvernement fédéral aux soins de santé.

Selon l'actuaire de l'assurance-emploi, un coussin de 10 à 15 milliards de dollars suffirait plus qu'amplement à faire face à tout ralentissement économique. Même si l'on retient comme étant un plafond raisonnable le chiffre de 15 milliards de dollars correspondant au maximum de cette fourchette, le gouvernement a jusqu'à maintenant puisé frauduleusement 25 milliards de dollars de plus qu'il ne peut le justifier dans les poches des Canadiens.

Voici ce que disait le Globe and Mail du 14 novembre 2002:

Selon un rapport, plus de 60 p. 100 des sommes utilisées par le gouvernement fédéral au cours des quatre dernières années pour réduire la dette correspondent à des paiements «excessifs» d'assurance-emploi. Le rapport, qui sera rendu public aujourd'hui, révèle que les employeurs et les travailleurs au Canada ont versé 27,7 milliards de dollars au cours des quatre derniers exercices en sus du coussin de 15 milliards de dollars nécessaire, selon les actuaires, en cas de ralentissement imprévu de l'économie canadienne. Je poursuis la lecture de l'article:

(1550)

Selon le rapport préparé par la section canadienne de Global Insight Inc., entreprise spécialisée dans les prévisions économiques, l'excédent représente 60,05 p. 100 de la dette de 42,8 milliards de dollars que le gouvernement fédéral a remboursée au cours de la même période.

«Le régime a accumulé des excédents considérables au cours des quatre derniers exercices», selon Dale Orr, directeur général de Global Insight.

L'article dit ceci:

M. Orr a indiqué que si le taux des cotisations des employés avait été réduit substantiellement et ramené à 1,70 $ en 1998, la caisse d'assurance-emploi aurait continué d'afficher un excédent d'environ 15 milliards de dollars. Le taux a plutôt été ramené à 2,70 $ cette année-là, puis à 2,55 $ en 1999, à 2,40 $ en 2000 et à 2,25 $ en 2001.

En théorie, les 45 milliards constituent une réserve pour protéger les travailleurs contre une augmentation des cotisations en cas de ralentissement économique, mais la réalité est que cet argent est calculé dans les comptes globaux du gouvernement du Canada. Autrement dit, les cotisations s'accumulent dans le Trésor où le gouvernement puise pour honorer les chèques de prestations.

Le plus tragique pour les personnes qui ont dû payer des contributions assurance-emploi excessives, c'est de constater que la caisse n'est qu'une illusion comptable. Elle n'existe pas; l'argent n'est pas là. Aucune réserve n'a été faite pour permettre aux chômeurs d'absorber le choc d'une récession. Les libéraux ont simplement avancé le chiffre de 45 milliards pour pouvoir dire: «Voyez comme nous sommes de bons administrateurs. Nous avons réussi à réduire la dette.» C'est faux. C'est l'excédent de la caisse d'assurance-emploi qui a permis de rembourser 60 p. 100 de la dette.

Le sénateur Lynch-Staunton: Continuez, continuez!

(Sur la motion du sénateur Robichaud, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 13 février 2003, à 13 h 30.)


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