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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 37e Législature,
Volume 140, Numéro 40

Le mardi 18 mars 2003
L'honorable Dan Hays, Président


LE SÉNAT

Le mardi 18 mars 2003

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LA SERBIE

L'ASSASSINAT DU PREMIER MINISTRE ZORAN DJINDJIC

L'honorable B. Alasdair Graham: Honorables sénateurs, l'assassinat, la semaine dernière, du courageux jeune premier ministre de la Serbie a bouleversé le monde entier. Adversaire brillant et passionné du communisme, Zoran Djindjic a adhéré au Parti démocratique dès les premiers jours de l'existence de cette formation politique et, en 1997, il a dirigé pendant trois mois le mouvement de contestation du régime de Milosevic, mouvement qui a d'ailleurs inspiré les combattants pour la liberté un peu partout dans le monde. Aux heures les plus sombres de l'histoire de son pays, Zoran Djindjic a su unir les partisans du mouvement pro-démocratie en Serbie, garantissant ainsi le succès du soulèvement populaire qui devait entraîner la destitution du président Milosevic en octobre 2000.

À la demande du premier ministre Chrétien, j'ai eu l'honneur de représenter le Canada à Belgrade, lors des obsèques organisées pour M. Djindjic, samedi dernier. Des centaines de milliers de Serbes ont défilé dans les rues pour lui rendre hommage. La foule silencieuse qui a suivi le cercueil du premier ministre Djindjic n'avait jamais été aussi dense depuis les manifestations qui avaient permis de renverser Milosevic, il y a deux ans. Beaucoup de gens défilaient avec la photo du leader disparu affichée sur une pancarte. Sous la photo, on pouvait lire des passages d'un discours que M. Djindjic avait prononcé à peine deux semaines plus tôt — en fait, après un nouvel attentat infructueux dirigé contre sa personne. Il avait essentiellement déclaré alors que l'on se trompait gravement si l'on s'imaginait pouvoir empêcher l'application des réformes et de la règle du droit en le faisant abattre.

À l'enterrement, tandis que j'écoutais George Papandreou, le ministre des Affaires étrangères de la Grèce, louer les efforts de M. Djindjic visant à transformer son pays en candidat à l'adhésion à l'Union européenne, ses propos m'ont paru, en tant que Canadien, des plus convaincants. «Votre disparition, a-t-il déclaré, nous renforce dans notre détermination à concrétiser votre vision.»

Bien des gens ont comparé cette tragédie serbe à la perte de John F. Kennedy il y a une quarantaine d'années. Pourtant, bien que ce drame ait frappé la nation serbe, il n'en demeure pas moins que le pays conserve sa structure et son système. Beaucoup estiment que la brutalité de cette action servira à renforcer la détermination d'un peuple qui a trop souffert dans le passé et à lui donner le courage de faire les sacrifices nécessaires pour assurer à ses enfants de vivre dans un monde meilleur.

Honorables sénateurs, au moment où la Serbie est en deuil, je songe aux paroles retentissantes de Kennedy et aux jours difficiles qui nous attendent. Il faut nous rappeler que le flambeau a été passé à une nouvelle génération aguerrie par la guerre, disciplinée par une paix difficile et amère, fière d'un ancien héritage. Nous tous qui avons le privilège de vivre dans un pays libre devons aider les Serbes à tenir le flambeau bien haut.

Aux funérailles, j'ai eu le privilège d'exprimer moi-même la profonde sympathie du peuple canadien à la courageuse veuve du premier ministre assassiné, à ses deux jeunes enfants, aux simples citoyens qui se trouvaient dans la rue et à un grand nombre de leaders du gouvernement. La Serbie se sent pour l'instant vulnérable, mais j'y ai néanmoins senti une farouche détermination de poursuivre le travail entrepris par Djindjic et de faire en sorte que tous ses rêves se réalisent.

J'ai été très fier du personnel de l'ambassade du Canada, dirigée par l'ambassadeur en Serbie et au Monténégro, Son Excellence Donald McLennan. Honorables sénateurs, nous avons des promesses à tenir pour l'avenir de ce pays et pour le bien de l'ensemble de la communauté mondiale.

LE CENTRE NATIONAL DES ARTS

SCÈNE ATLANTIQUE

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, j'ai été honoré, en ma qualité de sénateur de la Nouvelle-Écosse, d'assister, il y a douze jours, au lancement de Scène atlantique au Centre national des arts. Scène atlantique est un grand festival qui célèbre les arts et la culture des Maritimes. Le président et chef de la direction du CNA, Peter Herrndorf, qui a fait des études de droit en Nouvelle-Écosse, a annoncé que l'événement, qui se tiendra dans la région de la capitale nationale du 22 avril au 4 mai, sera le premier d'une série de festivals régionaux biennaux qui mettront en lumière les meilleures réalisations artistiques et culturelles canadiennes d'un océan à l'autre.

Au cours de ce festival, le CNA, les boîtes de nuit, les galeries d'art et les musées d'Ottawa et de Gatineau présenteront 85 événements mettant en vedette 400 nouveaux venus ou des artistes établis originaires de la côte atlantique. Le programme de Scène atlantique, qui comprend des spectacles de musique, d'humour, de théâtre et de danse, des lectures par des auteurs, des visionnements de films et des démonstrations culinaires, a vraiment tout ce qu'il faut pour plaire. Il y a même un «party de cuisine» prévu le 3 mai, qui réveillera la nostalgie des gens expatriés des Maritimes et qui donnera aux autres participants au festival un aperçu de la réalité du Canada atlantique.

Plusieurs organismes et ministères gouvernementaux fédéraux et provinciaux ont fait équipe avec des particuliers et des parrains du monde des affaires afin de faire connaître les artistes du Canada atlantique. L'investissement de 1,5 million de dollars octroyés au festival Scène atlantique s'inscrit dans le mandat du Centre national des Arts de promouvoir les arts et la culture au Canada et à l'étranger, mandat que Peter

Herrndorf prend très au sérieux. L'Agence de promotion économique du Canada atlantique (APECA) et le ministère des Affaires étrangères ont fourni à des producteurs artistiques l'occasion de participer au festival et de découvrir de nouveaux talents de même que des productions itinérantes qui seront présentées dans d'autres cadres que celui du festival de deux semaines.

La radio et la télévision de la SRC collaborent avec le Centre national des Arts à la couverture du festival, donnant ainsi aux Canadiens qui n'habitent pas la région de la capitale nationale l'occasion de goûter à la riche diversité culturelle du Canada atlantique. Deux émissions spéciales seront préparées au cours du festival. La comédie originale créée par des Canadiens de la région atlantique fera l'objet de la première, alors que la vie de tournée et les prestations de plusieurs des artistes du festival au Canada et à l'étranger fera l'objet de la deuxième.

Enfin, l'industrie artistique et culturelle du Canada atlantique contribue de façon importante à l'économie de la région en stimulant le tourisme et l'exportation des produits artistiques des provinces atlantiques. Une vitrine artistique de cette envergure d'une durée de deux semaines dans la région de la capitale nationale offre un vaste échantillon d'artistes, d'écrivains et d'interprètes de chacune des quatre provinces atlantiques, sans parler des producteurs artistiques et des autres artistes canadiens qui participent au festival.

(1410)

LE MOIS DE LA NUTRITION

L'honorable Yves Morin: Honorables sénateurs, cette année, en mars, les Canadiens ont un nouvel outil pour souligner le mois de la nutrition et appuyer leurs efforts en vue d'une alimentation saine: l'étiquetage nutritionnel obligatoire des aliments préemballés. Le tableau de la valeur nutritive des aliments qui figurera sur la plupart des produits alimentaires est un des plus pointus au monde. Il indique le nombre de calories et 13 éléments nutritifs clés que les professionnels de la santé et les consommateurs estiment importants pour la santé.

[Français]

Pour la première fois, les Canadiens pourront savoir, en lisant les étiquettes des produits d'épicerie, dans quelle mesure ils peuvent, par leurs choix alimentaires, réduire les risques de maladies cardiaques, de cancer, d'ostéoporose et d'hypertension artérielle.

L'entrée en vigueur du règlement s'accompagnera d'une campagne publique de sensibilisation visant à aider les Canadiens à exploiter cette information de manière à faire des choix nutritionnels éclairés et sains.

[Traduction]

Les Canadiens seront mieux avisés et notre système de soins de santé en bénéficiera. Au cours des 20 prochaines années, les étiquettes nutritionnelles devraient permettre d'épargner 5 milliards de dollars en raison d'une moins grande incidence de cancer, de coronaropathie, d'accident cérébrovasculaire et de diabète.

Les exigences en matière d'étiquetage nutritionnel constituent l'aboutissement d'un énorme effort de collaboration entamé en 1998. Les consommateurs, les représentants de l'industrie, les professionnels de la santé et bon nombre de ministères fédéraux et provinciaux ont contribué à l'élaboration du règlement qui profitera à tous les Canadiens.

Les acides gras trans, des éléments nutritifs dignes d'intérêt, figureront sur l'étiquette nutritionnelle; c'est une réussite canadienne. La recherche a montré que ce produit de la transformation alimentaire accroît le risque de coronaropathie et peut avoir des effets néfastes sur la vision et le développement cognitif des nourrissons. Le Dr Nimal Ratnayake, un des chercheurs scientifiques de Santé Canada, a contribué de façon importante à cette recherche. Il a mis au point une méthode d'analyse des acides gras trans acceptée à l'échelle internationale et a démontré que leur niveau, dans les aliments au Canada, était supérieur à ceux observés dans d'autres pays.

C'est par suite de la recherche du Dr Ratnayake que l'étiquetage volontaire des acides gras trans a été adopté il y a plusieurs années et a déjà abouti à une réduction importante de ces acides dans les aliments canadiens.

[Français]

Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter les scientifiques de l'ensemble du pays ainsi que ceux de la Direction des aliments de Santé du Canada. Leur travail acharné a rendu possible cette grande réussite dont les Canadiens ne se porteront que mieux.

[Traduction]

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur la présence à la tribune d'une délégation de l'Assemblée nationale de la Zambie dirigée par l'honorable Jason Mfula, vice-président. Au nom des honorables sénateurs, je lui souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Honorables sénateurs, c'est également avec plaisir que j'attire votre attention sur la présence à la tribune d'un groupe du Children's Miracle Network. Il s'agit d'un groupe d'enfants remarquables et courageux ayant de graves problèmes de santé qui, à titre de champions, ont été choisis pour effectuer une visite à Ottawa, suivie d'une visite à Disney World. Au nom de tous les honorables sénateurs, nous leur souhaitons la bienvenue au Sénat du Canada.


AFFAIRES COURANTES

LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867
LA LOI SUR LE PARLEMENT DU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE

L'honorable Donald H. Oliver présente le projet de loi S-16, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi sur le Parlement du Canada (présidence du Sénat).

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Oliver, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

LA FERMETURE POSSIBLE DE LA PÊCHE À LA MORUE DU NORD ET DU GOLFE

AVIS D'INTERPELLATION

L'honorable Joan Cook: Honorables sénateurs, je donne avis que, le jeudi 20 mars 2003:

J'attirerai l'attention du Sénat sur un énoncé de position présenté au ministre des Pêches et des Océans concernant la fermeture possible de la pêche de la morue du Nord et du Golfe dans les zones 2J3KL et 3Pn4RS de l'OPANO.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

L'IRAK—LA RECONSTRUCTION DU PAYS APRÈS LA GUERRE

L'honorable James F. Kelleher: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Il y a peu de temps, le chef du Parti progressiste conservateur, le très honorable Joe Clark, a souligné que si le Canada n'était pas en mesure d'apporter une contribution importante à la guerre contre l'Irak en raison de la faiblesse de nos ressources militaires, nous pourrions nous racheter par la suite en participant à la reconstruction de l'Irak.

Hier soir, en réponse au discours du président Bush, le ministre des Affaires étrangères, M. Graham, a repris la même idée, soulignant que le Canada participerait à la reconstruction de l'Irak après la guerre.

Le Canada a beaucoup d'expérience au chapitre de la collaboration entre les civils et les militaires à cet égard dans bon nombre de pays. À vrai dire, une telle contribution cadrerait d'ailleurs très bien avec la politique étrangère de notre gouvernement qui insiste tout particulièrement sur la sécurité humaine. Un élément central de la doctrine portant sur la sécurité humaine s'applique parfaitement à l'Irak en ce sens que, pour prévenir une autre guerre en Irak dans l'avenir, nous devrons travailler très fort avec les Irakiens à rétablir la paix dans le cadre de la reconstruction de ce pays.

Pour être efficaces, les opérations de ce genre exigent de longs délais et une planification serrée. On doit y consacrer beaucoup de temps et de ressources. Puisque nous ne savons pas combien de temps la guerre durera en Irak, c'est maintenant qu'il faut commencer à penser à tout le moins à mettre sur pied des plans d'urgence. Compte tenu du fait que la guerre peut éclater d'une minute à l'autre, avons-nous commencé à penser à tout cela?

(1420)

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Je remercie l'honorable sénateur pour sa question. Je suis enchantée de lui dire non seulement que nous y avons pensé, mais que la planification d'urgence a commencé. Le gouvernement du Canada jouera un rôle extrêmement important dans la reconstruction de l'Irak après la guerre. C'est l'honorable Susan Whelan, ministre de la Coopération internationale, qui sera responsable à cet égard.

Pour ce qui est de la reconstruction, je crois que ce projet sera semblable à l'engagement de 250 millions de dollars pris hier en faveur de l'Afghanistan, pour la reconstruction de ce pays. Cet argent s'ajoutera aux 116 millions de dollars versés au cours de l'exercice qui prendra fin le 31 mars.

Le sénateur Kelleher: Honorables sénateurs, avons-nous approché les Nations Unies pour demander leur participation à cet égard?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je crois que Kofi Annan a clairement déclaré qu'il s'agit là d'un rôle important et permanent des Nations Unies. Il est évident, d'après la position que nous avons prise à l'égard de la guerre, qui pourrait malheureusement éclater dans les 36 prochaines heures, que nous souhaitons participer à tout effort multilatéral. Nous prendrons part bien sûr à tout effort des Nations Unies visant ce but.

LES ÉTATS-UNIS—LA LÉGALITÉ DE LA GUERRE CONTRE L'IRAK

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je voudrais remercier le gouvernement pour la clarté de la déclaration faite hier par le premier ministre. Pour une fois, notre position est claire.

Le sénateur Robichaud: Elle l'a toujours été.

Le sénateur Nolin: Elle n'était pas du tout claire. Maintenant, elle l'est.

Maintenant que le premier ministre a clairement énoncé la position du gouvernement et que nous avons entendu hier soir la déclaration du président des États-Unis, est-ce que le gouvernement a réfléchi à la légalité de la position du gouvernement américain?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne suis pas d'accord avec l'honorable sénateur quand il dit que le premier ministre n'a clairement énoncé sa position qu'hier. Je crois que le premier ministre a fait preuve d'un leadership positif remarquable sur cette question depuis le tout début.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Carstairs: Notre premier ministre a exprimé, à maintes et maintes reprises, son appui à l'égard du multilatéralisme et sa profonde foi dans l'ONU et ses processus. Je suis donc doublement fière d'être membre du Parti libéral et de faire partie d'un gouvernement libéral.

Comme l'honorable sénateur le sait, les juristes trouveront des arguments tant pour prouver que la guerre est légale que pour prouver qu'elle est illégale. Un avis juridique formulé en Grande- Bretagne aujourd'hui indique qu'elle est légale. Je suis sûre en même temps que d'autres juristes soutiendront qu'elle ne l'est pas. De toute évidence, le Conseil de sécurité a adopté deux résolutions définissant le travail à faire pour désarmer l'Irak. La décision prise par le gouvernement du Canada ne se fonde pas sur le caractère légal d'une éventuelle guerre. Elle se base sur notre politique et notre ferme attachement au multilatéralisme.

Le sénateur Nolin: Nous devons être clairs. Le premier ministre a dit que le Canada participerait à la guerre si les Nations Unies prenaient une décision à cet effet.

Le gouvernement est-il pour ou contre l'avis juridique? Il y a d'une part ceux qui disent, comme aux États-Unis, que l'action est parfaitement légale sur la base de la résolution du Conseil de sécurité. D'autre part, il y a ceux qui estiment que les fondements juridiques sont insuffisants compte tenu de la résolution adoptée par le Conseil de sécurité. De quel côté le gouvernement penche-t-il?

Le sénateur Carstairs: Comme je l'ai dit à l'honorable sénateur, la décision du gouvernement du Canada se fonde sur sa politique et non sur les fantaisies de conseillers juridiques qui, comme l'honorable sénateur le sait, étant lui-même membre de cette profession extrêmement intéressante, peuvent exprimer une opinion sur presque n'importe quoi. Il arrive souvent que cinq avocats réunis dans une même pièce donnent cinq avis juridiques différents sur la même question.

En réalité, la décision ne s'est pas fondée sur la question de savoir si l'action était légale. Elle s'est plutôt basée sur ce qui constitue une bonne politique. Le gouvernement du Canada a décidé que la guerre n'est pas une bonne politique, et que la bonne politique consiste à appuyer l'approche multilatérale et les Nations Unies.

LE SÉNAT

LE DÉBAT SUR LA GUERRE CONTRE L'IRAK

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, j'ai assisté hier au débat de la Chambre des communes. Je ne cacherai pas le fait que je me suis levé et que j'ai énergiquement applaudi, ce qui est contraire aux règles. Je n'étais pas seul. J'étais en compagnie d'un libéral, mais je ne voudrais pas embarrasser un ami. Je suis instantanément devenu un libéral indépendant hier. Je vais cependant différer ce plaisir.

Je suis d'accord sur la décision prise hier. Après avoir écouté les discours jusqu'à minuit, j'étais à la fois déprimé et heureux. J'étais déprimé de voir que l'opposition officielle n'était pas au pouvoir. Et j'étais heureux parce que M. Kenney, qui a été le dernier à prendre la parole, n'a aucune conscience de la réalité de l'opinion publique canadienne. Je suis tout à fait d'accord sur ce qui s'est produit hier à la Chambre. Je l'ai montré en me levant et en applaudissant sans honte pendant trois minutes, au grand désespoir de la presse. Dieu soit loué pour ce désespoir.

Est-il encore temps pour que le Sénat du Canada vote sur cette question? Après tout, cette assemblée est la plus proche de la tradition parlementaire et des Communes britanniques, de cette tradition que j'ai défendue depuis que j'étais un petit garçon parce que je croyais que c'était l'un des meilleurs systèmes qui soit. Le débat qui a eu lieu à la Chambre britannique aujourd'hui est le meilleur exemple que nous puissions donner au monde de gens qui peuvent dire ce qu'ils pensent puis voter sur une question. Ma préférence, s'il n'est pas trop tard, serait de faire la même chose. Les honorables sénateurs savent sûrement de quel côté je voterai.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Comme l'honorable sénateur le sait, un vote doit avoir lieu à la Chambre britannique aujourd'hui. Compte tenu des fuseaux horaires, je ne sais pas si ce vote est terminé ou non. Toutefois, le Royaume-Uni a décidé de partir en guerre. Nous avons décidé de ne pas le faire. Pour ce qui est d'un débat que nous pourrions souhaiter tenir sur l'Irak, la résolution de l'honorable sénateur Roche est encore inscrite au Feuilleton. Je me réjouirais de toute intervention des honorables sénateurs sur cette motion.

LES NATIONS UNIES

LA GUERRE CONTRE L'IRAK—LES EFFORTS POUR RÉTABLIR L'UNITÉ

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, je pose cette question en sachant que beaucoup de Canadiens sont profondément reconnaissants envers le gouvernement pour avoir courageusement décidé de ne pas participer à une guerre contre l'Irak. Je voudrais demander à madame le leader du gouvernement de transmettre mon appréciation au premier ministre Chrétien et au ministre des Affaires étrangères M. Graham.

Compte tenu du fait que les États-Unis jouent un rôle capital dans presque toutes nos relations étrangères et que les Nations Unies constituent la pierre angulaire de notre politique étrangère, quelles mesures le gouvernement prend-il pour s'efforcer de rétablir le plus rapidement possible l'unité des Nations Unies, avec la pleine participation des États-Unis?

(1430)

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de sa question. Je serai ravie de transmettre ses mots d'appréciation au premier ministre.

En ce qui concerne sa question au sujet de l'unité au sein des Nations Unies, c'est exactement ce à quoi s'emploie depuis quelques semaines notre ambassadeur qui représente le gouvernement du Canada. À au moins deux occasions, il a proposé des motions de compromis qui, espérons-le, préserveront l'unité. Le fait que le gouvernement du Canada envisage déjà l'après-guerre en Irak et qu'il collaborera avec les Nations Unies à cette initiative montre bien que les nations pourront refaire l'unité au lendemain de cette guerre, si elle devait avoir lieu, et nous pensons tous que tel sera le cas. C'est à ce moment-là qu'il faudra refaire l'unité, et le Canada jouera un rôle très important dans ce processus.

LA DÉFENSE NATIONALE

LA GUERRE CONTRE L'IRAK—LE RETRAIT DE L'APPUI MILITAIRE ACTIF—LES CONSÉQUENCES SUR LES EFFORTS POUR PROMOUVOIR LE DROIT INTERNATIONAL

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, si je comprends bien la position du gouvernement canadien, elle repose sur une politique et non sur le droit international. Alors, compte tenu de la politique, allons-nous retirer tout appui actif à la guerre? D'après ce que le gouvernement a dit, c'est ce à quoi nous mènerait une bonne politique gouvernementale. Ainsi, aucun navire ne jouerait un rôle accessoire ou indirect, nulle aide ne serait apportée, et tous nos soldats actuellement aux côtés des soldats britanniques ou américains seraient retirés.

Si la position de madame le leader du gouvernement au Sénat au sujet du respect du droit international est exacte, comme on l'a dit ici aujourd'hui, qu'adviendra-t-il de la position que nous avons présentée au sujet d'un système fondé sur des règles internationales, de la Cour pénale internationale, du respect du Protocole de Kyoto, du respect du traité sur les mines terrestres, et d'une foule de mesures législatives antiterroristes, d'un total de 12 textes, qui reposent carrément sur le respect du droit international? Devons- nous penser que le droit international est souple au point de rendre ces aspects insignifiants?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, madame le sénateur a d'abord posé une question concernant l'appui actif. Elle sait que des navires canadiens se trouvent actuellement dans le golfe Persique. Ils participent à la guerre contre le terrorisme. Ils ne participeront pas activement à la guerre contre l'Irak. Le sénateur a élargi la question et a aussi parlé des officiers participant au programme d'échange. En fait, 31 officiers sont maintenant en poste dans le cadre de ce programme d'échange. Ils resteront en tout temps sous le commandement du chef d'état-major de la Défense et n'auront pas l'autorisation de participer activement à la guerre contre l'Irak.

Pour ce qui est de l'autre question du sénateur, madame le sénateur sait très bien que les États-Unis ont choisi de ne pas souscrire à bon nombre des obligations internationales que nous avons acceptées, qu'il s'agisse du traité sur les mines terrestres, de l'accord de Kyoto ou de la Cour internationale de justice. C'est tout à fait regrettable. J'espère que, à l'avenir, ils choisiront de ratifier ces obligations internationales. Franchement, cela ne changera absolument pas notre opinion. Nous nous sommes engagés envers ces obligations et traités internationaux.

Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, ma question n'avait rien à voir avec les États-Unis et leur respect du droit international; elle portait sur le respect du droit international par le Canada. Nous avons toujours fondé sur le droit international nos interventions sur la scène internationale car l'assise des Nations Unies est la règle de droit. Je crois comprendre que la position adoptée sur la légitimité de cette guerre n'a presque rien à voir avec le droit international; ce n'est qu'une question de politique gouvernementale, celle-ci étant souvent synonyme d'intérêt personnel. Ma question est donc la suivante: si nous n'avons accordé aucun poids au système de droit international, quel signal transmettons-nous aujourd'hui, par nos actions et notre justification, au reste du monde et à tous ceux qui commettent l'erreur de ne pas signer des conventions?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, nous avons dit très clairement dès le début que nous attendions une autorisation explicite du Conseil de sécurité pour le recours à la force. Or, le Conseil de sécurité n'a pas donné cette autorisation explicite; c'est pourquoi nous ne participerons pas à cette guerre.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LES ÉTATS-UNIS—LA LÉGALITÉ DE LA GUERRE CONTRE L'IRAK

L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat et elle fait suite à la question du sénateur Nolin. Elle peut avoir l'air frivole, mais elle ne l'est pas. Je me demande si madame le leader peut me nommer une guerre qui a été commencée par qui que ce soit, où que ce soit, et qui était légale.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, si le sénateur lisait le préambule de la Charte des Nations Unies, il verrait que la guerre est parfois justifiée, notamment en cas de légitime défense contre une agression.

Le sénateur Banks: Honorables sénateurs, il s'agit dans la question de «commencer» et non de «déclarer».

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, on peut parler de commencer une guerre, mais, en général et en droit, on parle de déclarer la guerre. On peut considérer la participation canadienne à la Première Guerre mondiale et à la Seconde Guerre mondiale. Dans le premier cas, nous avons fait la guerre parce que le Royaume-Uni l'avait déclarée et que notre Constitution nous y obligeait à l'époque. Compte tenu du Statut de Westminster de 1931, le gouvernement canadien a pu attendre pour participer à la Seconde Guerre mondiale. Nous avons attendu six jours, je crois, avant de déclarer la guerre afin que cela ait l'air d'une déclaration de guerre par le Canada et non par le Royaume-Uni.

LA DÉFENSE NATIONALE

LE NIVEAU D'ALERTE LIÉ AUX MENACES TERRORISTES.

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je vais poursuivre sur la lancée des sénateurs Banks et Nolin. Soit dit en passant, veuillez donner au premier ministre l'assurance que les observations du sénateur Roche ne font pas l'unanimité dans cette assemblée. Selon moi, le sénateur Banks a raison. Il existe toute une différence entre attaquer sans avoir été provoqué, pour des motifs et des fins qui vous sont propres, et vous défendre. Nous en sommes tous conscients, et j'ai quelques questions à poser à ce sujet.

Les Forces canadiennes, la GRC et le SCRS ont-ils été placés sur un pied d'alerte plus élevé en raison d'une nouvelle menace venant d'Al-Qaïda et de certains de ses groupes alliés, et de l'imminence d'un conflit avec l'Irak?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, autant que je sache, il n'y a eu aucune modification du niveau d'alerte au Canada. Comme les honorables sénateurs le savent, les Américains ont haussé d'un cran leur niveau d'alerte. Ils avaient adopté ce niveau d'alerte à un moment donné, avant de revenir un cran en arrière. Ils ont de nouveau haussé leur niveau d'alerte d'un cran. Si j'ai bien compris, ils n'ont pas atteint le niveau d'alerte le plus élevé, qui serait le rouge. Je crois qu'ils en sont actuellement à la couleur orange. Autant que je sache, il n'y a pas eu de changement d'attitude semblable au Canada.

Cela étant dit, j'estime que les Forces canadiennes, la GRC et le SCRS sont tous très au fait de la situation mondiale depuis les attentats du 11 septembre 2001 et, plus qu'à toute autre époque de notre histoire, sauf lorsque nous avons été en guerre, nous sommes tous depuis lors dans un état d'alerte avancé.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, je posais ma question dans le contexte des quelque 72 dernières heures.

Honorables sénateurs, un avertissement a été donné par le député croate assurant la présidence tripartite de la Bosnie, qui a dit qu'Al- Qaïda mène des activités à partir de ce pays. Il y a un avertissement d'attaque suicide possible contre des navires de la coalition se trouvant dans le golfe Persique, dans la Corne de l'Afrique et dans la mer d'Oman. Un Canadien a déjà été tué au Yémen. Au cours des 72 dernières heures, le gouvernement a-t-il soulevé la question de cette menace qui pèse sur le personnel des Forces canadiennes déployé à l'étranger?

(1440)

Le sénateur Carstairs: L'honorable sénateur est toujours si bien informé qu'il doit sans doute savoir qu'il y a eu un certain nombre de morts au Yémen: un Américain, je crois, un Canadien, puis un autre Canadien qui a été blessé. Il serait prématuré de dire qu'il s'agit d'actes terroristes, car il n'y a aucune preuve, mais il est certain que la situation a soulevé des inquiétudes.

Je suppose que le sénateur songe aux navires qui se trouvent dans le golfe Persique, car la majorité de nos troupes se trouvent actuellement dans ce théâtre d'opération. Elles sont en état d'alerte maximale, car elles ont participé à la guerre contre le terrorisme et continuent de le faire. C'est justement pour cela que nous sommes toujours présents dans la région, car je présume que les terroristes qui peuvent se trouver dans cette région, et pas seulement en Irak pourraient fort bien profiter de l'occasion pour se réfugier ailleurs. C'est l'une des raisons pour lesquelles nos navires se trouvent sur place.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, les navires de guerre canadiens escortent les bâtiments britanniques et américains qui traversent ces zones pour se rendre sur le lieu des opérations. Lorsqu'on escorte quelqu'un, on prend parti, me semble-t-il, on participe. Dieu merci, nous sommes un peu engagés.

LES ÉMIRATS ARABES UNIS—LE DÉPLOIEMENT D'UN PELOTON

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, puis-je demander au leader pourquoi, depuis un jour ou deux, le gouvernement a déployé un peloton de soldats canadiens et même davantage dans les Émirats arabes unis? Y avait-il une raison justifiant une protection dans cette région? Dans l'affirmative, qui s'agissait-il de protéger?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je dois dire à l'honorable sénateur que je n'ai aucun renseignement précis sur l'affectation de ce peloton, pour peu qu'elle ait eu lieu, mais je vais essayer d'obtenir des renseignements pour l'honorable sénateur.

LA GUERRE CONTRE L'IRAK—L'UTILISATION D'ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, j'ai une dernière question à poser. Comme l'ont dit les sénateurs Banks et Nolin, nous occupons une position unique dans le monde. La France a déclaré aujourd'hui que, dans l'éventualité où le régime irakien aurait recours à des armes de destruction massive contre ses voisins ou les forces de la coalition, elle serait disposée à participer à la guerre contre l'Irak. Puisque le Canada a déjà tourné le dos à ses alliés traditionnels — les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie — et qu'il s'est rangé dans le camp de la France aux Nations Unies, quelle position le gouvernement du Canada adoptera-t-il si le gouvernement de l'Irak a recours à des armes de destruction massive, comme certains en ont évoqué la possibilité? Je ne parle pas nécessairement d'armes nucléaires, mais bien d'armes chimiques ou biologiques que l'Irak pourrait utiliser en allant vers le sud à la rencontre des forces américaines et alliées à leur point d'embarquement.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, les Nations Unies tiendraient certainement une réunion d'urgence si des armes de destruction massive — dont la possession par le régime irakien n'a jamais été prouvée clairement — étaient déployées. Les membres du Conseil de sécurité pourraient alors prendre la décision sur laquelle ils n'ont pas réussi à s'entendre précédemment. Quoi qu'il en soit, nous nous sommes engagés à respecter les décisions du Conseil de sécurité, et c'est sur celles-ci que nous fonderons nos futures décisions.

Le sénateur Forrestall: Est-ce que ce sera le cas même si cela prend un mois?

LA CITOYENNETÉ ET L'IMMIGRATION

L'ARRIÉRÉ DANS LE TRAITEMENT DES DOSSIERS

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, dans un autre ordre d'idées, le juge de la Cour fédérale Michael Kelen a statué le mois dernier que même si le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration avait reporté au 31 mars la date limite pour l'application des nouveaux règlements aux travailleurs qualifiés immigrants, le ministère n'a pas déployé les efforts qu'il fallait pour régler l'arriéré de 80 000 à 120 000 dossiers avant la prise d'effet des nouvelles règles. Les porte-parole de l'Immigration ont également déclaré que tous les dossiers des travailleurs qualifiés sur la liste ne seront pas traités avant la date limite.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire combien de demandeurs auraient vu leur demande acceptée aux termes des anciennes règles et quelles mesures ont été prises pour régler l'arriéré des dossiers des candidats immigrants coincés entre les anciennes et les nouvelles règles?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, dans le préambule de sa question, le sénateur a parlé d'une décision de la Cour fédérale qui, bien sûr, a fait l'objet d'un appel. En conséquence, je ne puis faire d'observations sur son préambule relativement au jugement rendu.

En ce qui concerne son autre question, non, je n'ai pas les chiffres en main, mais je vais tâcher de les obtenir pour le sénateur.

Le sénateur Di Nino: Honorables sénateurs, je vous en remercie. J'ai une question complémentaire. C'est le dernier exemple des problèmes graves au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Ces derniers mois, nous avons été informés que la Commission du statut de réfugié était aux prises avec le nombre de demandes le plus élevé de son histoire, un arriéré de demandes d'immigration de conjoints et des difficultés relatives à une nouvelle carte d'identification controversée, notamment. Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire quelles mesures concrètes a prises le ministère pour régler ces problèmes flagrants de mauvaise gestion?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je ne suis pas d'accord sur l'affirmation du sénateur voulant qu'il y ait des problèmes de gestion. Il y a beaucoup de gens qui veulent venir s'établir au Canada, pour certaines des raisons que nous avons entendues hier, à savoir que le Canada croit en une approche multilatérale, qu'il croit dans les Nations Unies et qu'il croit dans les décisions du Conseil de sécurité.

Cela dit, de toute évidence, il faut régler l'arriéré des demandes. C'est précisément pour régler cet arriéré que le ministère a reçu de nouveaux crédits substantiels.

Le sénateur Di Nino: Honorables sénateurs, il serait certainement plus approprié de fournir, à ces dizaines de milliers de personnes qui sont prises au piège sans y être pour quelque chose, une réponse plus intéressante que de simplement leur dire qu'on a donné de l'argent à cette fin. À l'évidence, madame le leader du gouvernement a certainement un plan ou des idées à nous communiquer au sujet de certaines des mesures que prend le ministère pour régler le problème.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, le processus est clair. On a engagé un effectif complémentaire. Ces gens ont été formés. Ils s'activent au quotidien pour régler l'arriéré. Les processus appropriés sont en place. Ils s'avèrent parfois longs à aboutir, comme le sait le sénateur, car des appels sont interjetés. Le gouvernement s'emploie à régler le cas de chacune de ces personnes qui souhaitent se prévaloir du statut de réfugié ou d'immigrant reçu dans notre pays en faisant appel au processus d'attribution du statut d'immigrant reçu.

Beaucoup de gens veulent immigrer au Canada et le ministère fait de son mieux pour traiter toutes les demandes.

[Français]

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer quatre réponses différées: une réponse à une question orale posée le 5 février 2003 par l'honorable sénateur Oliver, concernant projet de loi C-22, les dépenses de publicité et de formation; une réponse à une question orale posée le 5 février par l'honorable sénateur Andreychuk, concernant l'immigration; une réponse aux questions orales posées le 12 février 2003 par l'honorable sénateur Stratton, concernant la prestation fiscale canadienne pour enfants; et une réponse aux questions orales posées le 30 octobre 2002 et le 12 février 2003 par l'honorable sénateur Kinsella, concernant l'Irlande du Nord.

LA JUSTICE

LE PROJET DE LOI SUR LE DIVORCE—LES DÉPENSES DE PUBLICITÉ ET DE FORMATION

(Réponse à la question posée le 12 février 2003 par l'honorable Donald H. Oliver)

La Stratégie en matière de droit de la famille axée sur l'enfant se propose d'aider les parents à concentrer leur attention sur les besoins des enfants à la suite d'une séparation ou d'un divorce. Elle repose sur trois piliers:

La mise en place de la structure législative proposée dans le projet de loi C-22;

Le rehaussement du financement des services offerts en matière de justice familiale; et

L'expansion des tribunaux unifiés de la famille.

Ensemble, ces trois piliers créeront un système de justice familiale qui aura pour effet:

De minimiser les éventuelles répercussions négatives d'une séparation ou d'un divorce sur les enfants;

De fournir aux parents les outils dont ils ont besoin pour se partager leurs responsabilités parentales, et ce dans l'intérêt de l'enfant;

De veiller à ce que la manière de procéder en justice soit fondée davantage sur la collaboration afin que le recours aux tribunaux soit limité aux cas les plus difficiles.

Le gouvernement ne se contentera pas d'accorder 63 millions de dollars en fonds supplémentaires (sur cinq ans) aux provinces et aux territoires pour soutenir les services de justice familiale — ces services sont nécessaires pour réduire les conflits et le stress qui accompagnent une séparation ou un divorce et ils aident les parents quand ils ont à prendre des décisions sur la façon d'élever leurs enfants —, il va également financer, à hauteur de 16,1 millions de dollars par an, les postes de 62 nouveaux juges afin d'assurer l'expansion des tribunaux unifiés de la famille.

Ces tribunaux amélioreront le sort des enfants et de leurs familles grâce à une simplification de la procédure, à un accès commode à un éventail de services de justice familiale et à l'intervention de juges spécialisés en droit de la famille, dont 46 proviendront des cours provinciales. Aussi les provinces seront-elles tenues de réinvestir dans les services de justice familiale les salaires payés jusqu'alors aux juges et ainsi épargnés.

Au grand total, l'investissement dépasse largement les 48 millions de dollars (47,7 millions de dollars sur cinq ans). Ce financement est cependant essentiel à la mise en œuvre des réformes du droit de la famille prévues par le projet de loi C-22 modifiant la Loi sur le divorce, par lequel sera préférée une approche de la responsabilité parentale après une séparation ou un divorce où la collaboration sera de mise, l'intérêt de l'enfant étant placé au centre de cette approche.

L'éducation, la formation professionnelle et l'information concernant ces nouvelles réformes législatives constituent la pierre angulaire de cette stratégie qui vise à placer l'enfant au centre des préoccupations des parents, des juges et des spécialistes intervenant dans ce cadre. Le ministère de la Justice jouera un rôle clé au niveau fédéral dans le développement continu de la justice familiale au Canada. À cette fin, il participera aux activités favorisant l'évolution d'un droit de la famille axé sur l'enfant, en collaboration avec les provinces et les territoires. Le Ministère va mettre ses ressources au service de la formation et du perfectionnement professionnel. Il va notamment produire et publier une documentation juridique exhaustive, destinée à la formation et à l'information non seulement des avocats et des juges, mais aussi de celles des parents, des enfants, des adolescents, et des intervenants des services de première ligne. Une vaste stratégie de communication sera élaborée pour promouvoir l'aspect positif de la responsabilité parentale et informer les Canadiens de l'importance des réformes de la Loi sur le divorce. De plus, le ministère favorisera l'échange de renseignements aux niveaux national et international et il ouvrira une ligne sans frais pour informer le public et l'assister.

Ce financement viendra soutenir également les activités de renforcement de l'exécution forcée des ordonnances alimentaires et des ordonnances de garde aux niveaux national et international. En outre, au moment de la mise en œuvre des réformes, la recherche et l'évaluation joueront un rôle très important, notamment en ce qui concerne le suivi des réformes et la collaboration avec les provinces et les territoires en matière d'évaluation des services de justice offerts aux familles et aux enfants. Ce financement permettra également à Statistique Canada de se doter, par l'intermédiaire du Centre canadien de la statistique juridique, des sources nécessaires de données et d'informations; celles-ci manquent cruellement dans le domaine de la justice familiale.

LA CITOYENNETÉ ET L'IMMIGRATION

LE REJET EN APPEL DE LA DEMANDE DE STATUT D'IMMIGRANT D'UNE FAMILLE NIGÉRIANE

(Réponse à la question posée le 5 février 2003 par l'honorable A. Raynell Andreychuk)

L'examen porte sur les éléments de risque auxquels une personne pourrait avoir à faire face si elle était renvoyée dans son pays. Toute personne visée par une mesure de renvoi du Canada a le droit de demander qu'un tel examen soit réalisé. Cette procédure est en place afin de veiller à ce qu'aucune personne ne soit renvoyée du Canada lorsqu'il existe des motifs raisonnables de conclure qu'un traitement cruel ou inhumain pourrait lui être infligé.

Les facteurs ayant trait à des raisons d'ordre humanitaire ne sont pas étudiés dans le cadre de cet examen. Si la personne veut que l'on tienne aussi compte de ces facteurs, elle devra présenter une demande distincte à cet égard.

La question de l'intérêt des enfants est très sérieuse et fait l'objet d'une reconnaissance explicite dans la nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Les lignes directrices données aux agents d'immigration précisent qu'ils ne doivent pas oublier que l'inclusion de dispositions sur l'intérêt supérieur de l'enfant ne signifie pas que cet intérêt l'emporte sur tous les autres facteurs en cause. Il ne s'agit que d'un facteur parmi le grand nombre de facteurs importants à prendre en considération pour déterminer s'il y a lieu d'accepter une demande pour des motifs d'ordre humanitaire ou dans l'intérêt public. La décision finale est fondée sur une évaluation équilibrée de tous les facteurs importants propres à un cas donné.

L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

LA PRESTATION FISCALE CANADIENNE POUR ENFANTS—LA RÉCUPÉRATION AUPRÈS DES BÉNÉFICIAIRES

(Réponse à la question posée le 12 février 2003 par l'honorable Terry Stratton)

Le gouvernement est au courant des difficultés auxquelles doivent faire face certaines familles canadiennes à faible revenu. Le budget de 2003 propose une série d'engagements de financement à long terme visant à soutenir les familles avec des enfants, et notamment des investissements de 965 millions de dollars par an dans la prestation nationale pour enfants (PNE) et 965 millions de dollars pour les services de garderie sur une période de cinq ans.

Dans le plan budgétaire de 2003, on reconnaît déjà le problème lié à la réduction des prestations et on y déclare que le gouvernement fédéral et les provinces devront, en s'inspirant de l'initiative de la PNE, s'assurer que les familles à revenu faible ou modeste avec des enfants soient davantage encouragées à travailler et à gagner un revenu. Ils devront notamment examiner les taux de réduction des prestations au titre de la PFCE de même que d'autres éléments de la structure fiscale et des prestations qui pourraient influer sur les incitatifs, pour les familles à revenu faible ou modeste, à intégrer le marché du travail et à gagner un revenu.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

L'IRLANDE DU NORD—LE RETRAIT DU GOUVERNEMENT LOCAL—LES EFFORTS EN VUE DE FACILITER LE RETOUR DU GOUVERNEMENT LOCAL

(Réponses aux questions posées le 30 octobre 2002 et le 12 février 2003 par l'honorable Noël A. Kinsella)

La contribution du Canada au processus de paix en Irlande du Nord se traduit par un engagement et un appui à de nombreux niveaux. Il s'agit certes d'une question de politique intérieure. Le Canada, toutefois, contribue activement aux efforts déployés par les gouvernements britannique et irlandais pour instaurer un climat de confiance et de transparence entre les parties au conflit et assurer une paix durable. L'importance de ce rôle a été soulignée à maintes reprises, notamment lors de la visite que l'ex-secrétaire d'Irlande du Nord, Peter Mandelson, a effectuée à Ottawa en septembre 2000, et dans le discours prononcé en février 2001 par le premier ministre britannique, Tony Blair, devant les deux chambres du Parlement du Canada.

Un élément important de l'approche canadienne à l'égard du processus de paix en Irlande du Nord a été la promotion d'un dialogue et de contacts de haut niveau. Les principales parties rencontrent fréquemment des ministres canadiens pour discuter de cette question. Récemment, le chef du Sinn Fein, Gerry Adams, a rencontré le 9 novembre 2002, à Toronto, le ministre des Affaires étrangères, l'honorable Bill Graham. Et, la ministre d'État britannique pour l'Irlande du Nord, Jane Kennedy, a été de passage à Ottawa du 10 au 12 novembre 2002. À l'occasion de ces réunions, le gouvernement du Canada a demandé de tout mettre en œuvre pour faire avancer le processus de paix, y compris des mesures visant à renforcer ou à rétablir les institutions dévolues à l'Irlande du Nord.

Des parlementaires canadiens, y compris le Groupe d'amitié Canada-Irlande et l'Association interparlementaire Canada-Royaume-Uni, ont également joué un rôle important à cet égard. La visite que le Président de la Chambre des communes a effectuée avec des représentants de tous les partis à Belfast et à Dublin, en juin 2001, et la visite que lui a rendue, en septembre 2002, une délégation de parlementaires de l'Irlande du Nord, dirigée par le Président de l'Assemblée de l'Irlande du Nord, ont également contribué à resserrer les liens entre nos parlementaires. En outre, du personnel du Parlement du Canada a offert une formation à des collègues de l'Assemblée de l'Irlande du Nord, à Ottawa et à Belfast, et des efforts sont déployés pour intensifier les échanges entre les deux institutions.

Un autre exemple de l'appui du Canada est le soutien financier (plus de 5 millions de dollars jusqu'à présent) qu'il a accordé au Fonds international pour l'Irlande (FII). Les projets soutenus par le Fonds contribuent à renforcer la confiance et la collaboration entre les deux communautés. Le programme Wider Horizons du FII, formation sur les relations interculturelles donnée principalement au Canada, a été particulièrement utile à cet égard. En outre, depuis 2000,

le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a financé trois projets communautaires dans le cadre de son Programme pour la sécurité humaine. Le projet le plus récent, mené avec la collaboration de Bombardier, l'employeur du secteur privé le plus important ayant des activités en Irlande du Nord, a été un atelier de deux jours organisé par Peaceful Schools International. PSI est une organisation non gouvernementale canadienne qui aide des écoles attachées à instaurer et à préserver une culture de la paix. L'atelier a réuni à Belfast des enseignants, des élèves ainsi que des représentants des ONG et des secteurs public et privé.

Le Canada peut également être fier du rôle essentiel que jouent des citoyens, des experts et des organismes canadiens afin de soutenir le processus de paix. Même si le plus connu est probablement le général de Chastelain, qui dirige la Commission internationale indépendante pour la démilitarisation, de nombreux autres Canadiens ont été mis à contribution. Citons, à titre d'exemple, l'ancien juge en chef du Nouveau-Brunswick, William Hoyt, et le juge Esson de la Colombie-Britannique, qui font partie de l'organe judiciaire international chargé d'enquêter sur le massacre du «dimanche sanglant». Plus récemment, un juge à la retraite de la Cour suprême du Canada, Peter Cory, a été nommé pour diriger une enquête sur des allégations de collusion avec les forces de sécurité concernant certains meurtres.

Des Canadiens travaillent aussi à la réalisation des projets de réforme de la police en Irlande du Nord, question qui constitue l'un des principaux obstacles au rétablissement de l'Assemblée de l'Irlande du Nord. En 2001, le sous- commissaire à la retraite de la GRC, Al Hutchinson, est entré en fonction en qualité de chef de l'état-major du commissaire chargé de la surveillance de la réforme de la police en Irlande du Nord, et il occupera le poste de commissaire chargé de la surveillance en décembre 2003. Deux autres Canadiens, Bob Lunney et Roy Berlinquette, l'aident à remplir son mandat.

Enfin, des activités sportives et culturelles contribuent à combler le fossé entre les communautés et à créer des relations non partisanes. Les Belfast Giants, équipe de hockey composée surtout de joueurs canadiens et appartenant à des Canadiens, est aujourd'hui l'une des équipes professionnelles les plus populaires à Belfast. Cette initiative a réussi à susciter l'intérêt et à obtenir l'appui des deux communautés.


PROJET DE LOI SUR L'ACTIVITÉ PHYSIQUE ET LE SPORT

MESSAGE DES COMMUNES

(1450)

Son Honneur le Président annonce qu'un message a été reçu de la Chambre des communes par lequel elle retourne le projet de loi C- 12, Loi favorisant l'activité physique et le sport, et informe le Sénat que les Communes ont agréé les amendements apportés par le Sénat à ce projet de loi, sans amendement.

[Traduction]

LE PROGRAMME D'ÉCHANGE DE PAGES AVEC LA CHAMBRE DES COMMUNES

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer à l'ordre du jour, je souhaite présenter les pages venus nous rendre visite de la Chambre des communes.

[Français]

Mathieu Lambert-Bélanger, de Timmins, en Ontario, est inscrit à la faculté des sciences sociales de l'Université d'Ottawa et sa spécialisation est en sciences politiques.

Je vous souhaite la bienvenue.

[Traduction]

Dale Alexander, de Mascouche, au Québec, est inscrite à la faculté des arts de l'Université d'Ottawa, où elle étudie la traduction.

Je vous souhaite la bienvenue.


ORDRE DU JOUR

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADALA LOI SUR L'OFFICE D'INVESTISSEMENT DU RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Ross Fitzpatrick propose: Que le projet de loi C-3, Loi modifiant le Régime de pensions du Canada et la Loi sur l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, j'ai le plaisir de proposer aujourd'hui la deuxième lecture du projet de loi C-3, qui modifie le Régime de pensions du Canada et la Loi sur l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada. Les mesures inscrites dans le projet de loi complètent les réformes de la politique d'investissement du Régime de pensions du Canada, ou RPC, que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont entreprises en 1997. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux sont conjointement responsables de la gestion du RPC.

Les gouvernements ont pris conscience de la nécessité d'une réforme après avoir reçu, au début des années 90, un avertissement de l'actuaire en chef du Canada qui estimait que la viabilité du RPC serait menacée si des changements n'étaient pas apportés. L'actuaire en chef avait alors prédit que l'actif du RPC — l'équivalent de deux années de prestations — serait épuisé d'ici 2015 et que les taux de contribution devaient être portés à plus de 14 p. 100 d'ici 2030 pour que le régime soit viable.

Le Régime de pensions du Canada remontait à 1966. Le gouvernement s'était alors rendu compte que les Canadiens avaient besoin d'un régime de pension public transférable d'un emploi à l'autre et d'une province à l'autre. C'est ainsi qu'est né le RPC, régime national obligatoire fondé sur les gains, établi conjointement par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, auquel cotisent presque tous les Canadiens qui travaillent. Le RPC assure un revenu de retraite à ceux qui ont travaillé et cotisé au Canada. Il assure également à la famille une aide financière en cas de décès ou d'invalidité. Il a été conçu pour s'ajouter aux économies personnelles et aux régimes de pensions d'employeur, et non pour s'y substituer.

Honorables sénateurs, l'importance du Régime de pensions du Canada pour l'ensemble du système de revenus de retraite devient claire quand on se rend compte que le régime est l'un des trois piliers du système. Le système canadien de revenus de retraite est une combinaison de régimes de pensions publics et privés, que beaucoup considèrent comme l'un des moyens les plus efficaces de répondre aux besoins financiers des retraités.

À part le RPC, les deux autres piliers sont d'abord le programme de sécurité de la vieillesse, qui assure à toutes les personnes âgées du Canada une pension publique qui constitue un revenu de retraite de base, et ensuite, la composante privée du système, qui comprend des régimes de pensions d'employeur à capitalisation intégrale bénéficiant d'une aide fiscale, des régimes enregistrés d'épargne- retraite et d'autres économies privées.

Le Régime de pensions du Canada a bien rempli son rôle pendant trente ans. Toutefois, l'avertissement de l'actuaire en chef selon lequel la viabilité du régime était menacée a incité le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux à publier un document de travail et à tenir des consultations publiques dans tout le pays au milieu des années 90.

Au cours des audiences conjointes tenues d'un bout à l'autre du pays, les Canadiens ont transmis à leurs gouvernements un message clair: ils voulaient que les gouvernements préservent le Régime de pensions du Canada en en renforçant le financement, en améliorant ses pratiques de placement et en modérant la croissance des prestations. Grâce à ces consultations, les gouvernements ont pris connaissance du point de vue d'un groupe représentatif de Canadiens, et pas seulement de l'opinion d'un ou deux groupes d'intérêts spéciaux. Ils ont entendu des représentants des aînés, des jeunes, des groupes de planification sociale, des experts des pensions, des actuaires, des chambres de commerce ainsi que de beaucoup de Canadiens intéressés et inquiets.

Après les consultations publiques, le gouvernement fédéral et les provinces ont adopté en 1997 une approche équilibrée de la réforme du RPC permettant de répondre à la demande des années suivantes, au cours desquelles les membres de la génération du baby-boom commenceraient à partir à la retraite. Ces changements comprenaient une hausse rapide des taux de cotisation au RPC, la constitution d'un actif plus important pendant que la génération du baby-boom faisait encore partie de la population active, l'investissement des fonds dans les marchés indépendants du gouvernement en vue d'obtenir les meilleurs taux de rendement possibles, et le ralentissement de la croissance des prestations grâce à l'adoption de mesures administratives et à la réduction des dépenses. Ensemble, ces mesures faisaient en sorte qu'un taux de contribution de 9,9 p. 100 suffisait pour assurer la viabilité du régime pendant une période indéfinie.

Les ministres fédéral et provinciaux ont conclu, au terme de leur examen financier le plus récent du RPC, en décembre 2002, que le régime était financièrement sain et qu'il allait pouvoir verser des pensions de retraite à l'avenir.

La nouvelle politique d'investissement du RPC constituait l'un des éléments clés des réformes de 1997. L'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada a été établi en 1998 pour mettre en œuvre la nouvelle politique d'investissement. Créé à titre d'organisme d'investissement professionnel indépendant, l'Office avait pour mandat d'investir au nom des cotisants et des bénéficiaires et de maximiser le rendement sans prendre de risques exagérés.

Avant la création de l'Office, la politique d'investissement du régime prévoyait de placer les fonds dont on n'avait pas immédiatement besoin pour verser des prestations en obligations des gouvernements provinciaux, au taux d'intérêt du gouvernement fédéral. Ainsi, le régime possédait un portefeuille de titres non diversifié et subventionnait les taux d'intérêt des provinces.

Aujourd'hui, dans le cadre de la nouvelle politique d'investissement, les fonds du RPC dont on n'a pas besoin pour verser des prestations et payer des dépenses sont transférées à l'Office d'investissement pour être placés dans un portefeuille diversifié de titres au profit des cotisants et des bénéficiaires.

Avant d'aborder les mesures particulières prévues dans le projet de loi C-3, je dois mentionner que cette nouvelle politique cadre est compatible avec les stratégies d'investissement de la plupart des régimes de pensions du secteur public du Canada, y compris le régime de retraite des enseignants de l'Ontario et le régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario. L'Office se conforme à des règles d'investissement semblables à celles d'autres régimes du secteur public. Ces règles prévoient une gestion prudente de l'actif au mieux des intérêts des cotisants et des bénéficiaires du RPC. Comme les autres régimes, l'Office est assujetti à la règle concernant les placements en biens étrangers.

Comme les honorables sénateurs le savent, l'Office est responsable de milliards de dollars de fonds de retraite appartenant aux Canadiens. Il est donc impératif qu'il rende pleinement compte de ses activités aux Canadiens ainsi qu'au gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux. Il est aussi impératif que les fonds de retraite des Canadiens soient gérés selon les normes professionnelles les plus élevées et en toute indépendance des gouvernements, par des gestionnaires expérimentés.

Comme beaucoup d'honorables sénateurs le savent, le cadre de gestion de l'Office établi par le gouvernement est conçu pour assurer un maximum de transparence et de responsabilité. L'Office tient les Canadiens au courant de ses politiques, de ses opérations et de ses investissements en publiant des états financiers trimestriels, en déposant un rapport annuel au Parlement, en organisant régulièrement des réunions publiques dans les provinces participantes et en tenant un site Web lui permettant de faire connaître ses résultats financiers et ses politiques d'investissement.

Une pleine reddition de comptes est également assurée par un processus comprenant de puissants contrepoids pour la recherche et la nomination des administrateurs de l'Office. Ceux-ci sont choisis à partir d'une liste de candidats établie par un comité de mise en candidature. L'Office d'investissement a un solide conseil d'administration ayant de l'expérience en matière d'investissement, d'affaires et de finances. L'indépendance par rapport aux gouvernements dans les décisions d'investissement est essentielle au succès de l'Office et à la crédibilité de sa politique d'investissement. Je crois qu'il convient de noter que la population et les experts en matière de pension ont signalé qu'ils appuyaient l'indépendance et la qualité du conseil d'administration de l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada.

(1500)

Je vais maintenant m'arrêter sur les éléments précis du projet de loi dont nous discutons aujourd'hui. Pour commencer, je rappelle aux honorables sénateurs que l'argent investi par l'Office aujourd'hui sera nécessaire pour aider à payer les pensions des travailleurs canadiens qui prendront leur retraite dans 20 ans. Aux termes du projet de loi C-3, tous les actifs du RPC qui sont administrés à l'heure actuelle par le gouvernement fédéral seront transférés à l'Office sur une période de trois ans. Ces actifs comprennent une réserve en espèces de 5 milliards de dollars et un important portefeuille constitué principalement d'obligations provinciales qui est évalué à environ 32 milliards de dollars. Ces changements signifient que tous les actifs du RPC seront maintenant gérés par une organisation professionnelle indépendante. Non seulement cette décision est tout à fait sensée, mais elle représente les dernières étapes du processus de réforme de 1997 de la politique d'investissement du RPC.

Le projet de loi C-3 aura plusieurs avantages. Tout d'abord, la consolidation de tous les actifs aux mains d'une seule organisation permet également d'avoir de bonnes stratégies d'investissement et de gestion des risques pour tous les actifs du RPC et de mettre le Régime de pensions du Canada sur le même pied que les autres régimes de pensions publics, ce qui va contribuer à la viabilité du RPC.

Ensuite, selon l'actuaire en chef du Canada, le fait d'investir complètement tous les actifs du RPC sur le marché permettra d'obtenir un meilleur rendement et du même coup des profits très importants, de l'ordre de 85 milliards de dollars de plus, sur 50 ans pour le Régime de pensions du Canada. Cela va nettement améliorer la santé du Régime de pensions du Canada et accroître la confiance des Canadiens dans leur régime de pension public.

Enfin, le transfert des obligations à l'Office sur une période de trois ans devrait assurer une transition en douceur pour les marchés financiers, les programmes d'emprunt provinciaux et l'Office lui- même.

Le transfert de tous les biens de l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada conduira à une diversification prudente et judicieuse en matière d'investissement, ainsi qu'à un rendement accru. Je rappelle aux honorables sénateurs que tous les gouvernements provinciaux et territoriaux appuient à l'unanimité le transfert de ces actifs à l'Office. Leur appui est important car tous les changements aux lois régissant le RPC et l'Office doivent recevoir leur approbation.

Honorables sénateurs, j'ai mentionné que l'OIRPC a la responsabilité d'établir et de dévoiler ses politiques d'investissements, ainsi que d'investir l'actif du RPC en minimisant les risques. Avec les modifications apportées en 1997 au RPC, ces nouvelles mesures garantiront la solidité financière du Régime de pensions du Canada pour les générations futures.

Le RPC permet à la population active de croire que la retraite ne sera pas pour eux une période de privations. Il incarne aussi cette valeur canadienne de responsabilité partagée entre les adhérents et le gouvernement, afin d'offrir un soutien fiable aux Canadiens qui sont sur le marché du travail lorsqu'ils auront cessé de travailler.

Comme je l'ai dit au début de mon discours, le système de revenu de retraite du Canada s'appuie sur trois piliers. C'est une combinaison de régimes de pension publics et privés considérée de par le monde comme un des moyens les plus efficaces de pourvoir à la prestation de revenus de retraite. Permettez-moi de vous parler de ces piliers. Il y a d'abord le Programme de la sécurité de la vieillesse, qui constitue un régime de pension public pour les personnes âgées et garantit à tous les Canadiens un revenu de base à la retraite. Ensuite, il y a le Régime de pensions du Canada, dont il est question aujourd'hui. Ce régime national de pensions contributif assure un revenu aux Canadiens actifs et à leurs familles au moment de la retraite ou en cas d'invalidité ou de décès. Enfin, il y a les régimes de pension d'employeur capitalisés et ouvrant droit à une aide fiscale, les régimes enregistrés d'épargne-retraite et les autres régimes d'épargne.

Les mesures proposées dans le projet de loi C-3 ne feront qu'améliorer encore plus ce système de revenu de retraite. La création du Régime de pensions du Canada m'apparaît comme l'initiative publique la plus importante à avoir jamais été entreprise. Le projet de loi C-3 consolidera le système et aidera le gouvernement à remplir sa promesse de garantir la protection du système de revenu de retraite du Canada pour tous les Canadiens. J'exhorte tous les honorables sénateurs à appuyer comme moi le projet de loi C-3.

(Sur la motion du sénateur Stratton, au nom du sénateur Bolduc, le débat est ajourné.)

[Français]

LA LOI SUR L'HYMNE NATIONAL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kinsella, appuyée par l'honorable sénateur Corbin, tendant à la deuxième lecture du S-14, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national afin de refléter la dualité linguistique du Canada.—(L'honorable sénateur Corbin).

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, l'objet du projet de loi S-14 est d'ajouter une annexe dans laquelle on retrouverait la partition de l'hymne national du Canada, la moitié en français et l'autre moitié en anglais. Comme l'a expliqué notre collègue le sénateur Kinsella, ce faisant, on ne change pas les paroles de notre hymne national. Celles-ci restent les mêmes.

Notre hymne national ainsi chanté constituerait un bel exemple d'aménagement de la dualité linguistique qui a façonné notre pays et qui continue de susciter la fierté des Canadiens en général.

Disons un mot sur notre système de dualité linguistique au Canada.

Dans l'arrêt Beaulac de 1999, le juge Bastarache rappelle tout d'abord qu'il y a lieu d'interpréter les droits linguistiques prévus au paragraphe 16(1) de la Charte de la même façon que les autres droits et libertés garantis par cette Charte, soit de manière large, libérale, généreuse et fondée sur leur objet.

La notion d'égalité n'a pas un sens restreint en matière linguistique; au contraire, le français et l'anglais jouissent d'un statut égal et cette égalité, pour avoir un sens, doit être réelle. En outre, selon le juge Bastarache:

Ce principe d'égalité réelle a une signification. Il signifie notamment que les droits linguistiques de nature institutionnelle exigent des mesures gouvernementales pour leur mise en œuvre et créent, en conséquence, des obligations pour l'État [...]. Il signifie également que l'exercice de droits linguistiques ne doit pas être considéré comme exceptionnel, ni comme une sorte de réponse à une demande d'accommodement.

Je vous rappelle que l'affaire Beaulac mettait en cause le paragraphe 530(1) du Code criminel, qui confère à un accusé le droit à un procès dans la langue officielle de son choix. Il s'agit d'un droit substantiel et non procédural. L'objet de ce droit est de donner aux accusés qui parlent l'une des deux langues officielles, un accès égal aux tribunaux afin de leur permettre de protéger leur identité culturelle. Ce droit s'applique aussi lorsqu'il s'agit d'un nouveau procès, comme c'est le cas en l'espèce, car l'accusé est dans la même situation que lors de son premier procès.

Le juge Bastarache souligne que les inconvénients administratifs que l'exercice de ce droit peut causer ne sont pas des facteurs pertinents pour en refuser l'exercice. Les dispositions de la Loi sur les langues officielles exigent une infrastructure institutionnelle adéquate, et non pas une simple obligation d'accommodement. Cette infrastructure est fondée sur l'égalité des deux langues officielles.

(1510)

Enfin, toujours dans cet arrêt, le rejet de la demande de l'accusé doit être l'exception à la règle et le fardeau justifiant un tel rejet repose sur le ministère public. Évidemment, plus la demande sera présentée tardivement au cours du procès, plus il sera possible de justifier le rejet. À ce moment, il revient au juge du procès d'exercer son pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 530(4) du Code criminel.

Voilà ce que nous avons au Canada, dans le cœur même de notre Constitution, en ce qui concerne la dualité linguistique. On me dira que ceci est très éloigné de l'hymne national. C'est exact.

Le sénateur Prud'homme: Très loin.

Le sénateur Beaudoin: Mais ce sont des matières linguistiques quand même. Je me méfie des comparaisons, elles peuvent être boiteuses. On le dit souvent dans les discours, cependant on peut aussi s'en servir. Et tout dépend des faits. Il me semble, et c'est mon argument, que l'hymne national, dans une fédération bilingue au niveau fédéral, devrait être chanté dans l'une et l'autre langue. Cela fait partie de notre héritage sur les droits linguistiques que nous avons enchâssés dans la Charte des droits et libertés. Je ne crois pas que c'est trop demander à tous les Canadiens. On ne demande pas à tout le monde de parler deux langues, il ne s'agit pas du tout de cela. Mais le fait est que cela existe. Dans une certaine mesure, on chante l'hymne national en partie en français et en partie en anglais et c'est fort bien reçu dans la plupart des milieux. J'ai toujours personnellement été plus ou moins distrait quand j'entends mon voisin chanter dans une langue alors que je chante moi-même dans une autre.

Le sénateur Prud'homme: C'est la beauté de la chose.

Le sénateur Beaudoin: Laissez-moi parler. Ceci peut donner naissance à une cacophonie. Lorsqu'on chante un hymne national, il faut éviter cette cacophonie.

Chanter la moitié de notre hymne national en français et l'autre moitié en anglais, comme l'a expliqué le sénateur Kinsella, est certainement une chose fort intéressante. On peut toujours être d'accord ou en désaccord, mais au moins ce projet de loi reflète notre dualité linguistique.

Je pense qu'il faut adopter ce projet de loi. On pourra proposer des amendements et je serai le premier à les considérer. Ce n'est pas trop demander dans notre pays bilingue, qui a deux systèmes de droit, d'avoir un hymne national qui soit chanté en partie en français et en partie en anglais, pas en même temps mais plutôt l'un après l'autre. Je suis donc d'accord avec le projet de loi S-14 et je vous invite à l'appuyer.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, ne craignez-vous pas que la véritable «cacaphonie» ne soit exactement le projet de loi qu'on nous suggère aujourd'hui? Vous suggérez que chacun puisse chanter dans l'une ou l'autre langue. C'est exactement, historiquement, ce que nous souhaitons. Que le Canada anglais apprenne le Ô Canada, qui après tout est une version, et que le Canada français, surtout nous du Québec, le chante tel qu'il a été composé.

Le Ô Canada de sir Basile Routhier n'est pas une version française. Laissons au Canada anglais ce soin. Je m'oppose à tous ces changements: ce que l'on nous propose serait une véritable «cacaphonie». J'en aurais beaucoup plus à dire. Le sénateur Beaudoin vient de dire que nous avons deux systèmes de gouvernement et deux systèmes de droit, mais si je comprends bien, on ne les mélange pas. On ne donne pas d'une part dans le Code civil et d'autre part dans la common law. Chacun s'exprime et on en arrive à une conclusion. J'aurais une peur affreuse de ces changements.

Le sénateur Beaudoin se souvient-il de l'opposition de certains sénateurs au changement d'un mot qui était proposé par l'autre projet de loi du sénateur Poy? Incidemment, ces changements devaient apporter de la limpidité à ce projet de loi. J'ai préparé à peu près 200 pages de notes sur tous les hymnes nationaux. En constatant les changements qui ont été apportés dans d'autres pays, on en arrive toujours à la conclusion qu'on est encore bien mieux avec ce que nous avons.

On attribue une date exacte à tous les hymnes nationaux que je vous citerai dans mon discours. Lorsqu'on arrive avec le Ô Canada, on dit qu'il a été adopté en 1980. Comme si soudainement 1880 ou 1909 n'existaient plus. Le sénateur Beaudoin ne serait-il pas prêt à reconsidérer sa position, après avoir entendu tous les arguments d'ici la fin du débat? Ne croyez-vous que nous nous dirigerions vers une véritable «cacaphonie»? J'imagine la réaction des autres Canadiens si on leur demandait de chanter «la terre de nos aïeux». C'est dommage car c'est écrit de cette façon mais l'accent ne serait pas là. J'ai écouté avec attention et j'aimerais savoir si le sénateur Beaudoin ne nous invite pas à une véritable «cacaphonie»?

Le sénateur Beaudoin: Je dois dire au départ que c'est cacophonie, selon les dictionnaires Robert et Larousse.

Le sénateur Prud'homme: C'était volontaire de ma part.

Le sénateur Beaudoin: Oui, mais vous n'avez pas le droit de massacrer la langue française.

Le sénateur Prud'homme: Je n'ai pas massacré la langue française. C'était tout à fait volontaire parce que je savais que le sénateur s'empresserait de s'emparer de ce mot.

Le sénateur Beaudoin: Je m'en remets au jugement de mes collègues.

Le sénateur Prud'homme: Surtout à la traduction.

Le sénateur Beaudoin: Honorables sénateurs, il est vrai que l'on n'est pas obligé d'apprendre deux langues. Je me rappelle mes années au collège classique, on disait certaines choses en français et certaines choses en latin. Nous étions fiers de pouvoir parler une autre langue.

Le Canada est un pays merveilleux, avec ses deux langues universelles et ses deux systèmes juridiques. Ce n'est pas trop demander que l'on puisse chanter 21 mots en français et 21 mots en anglais. Cela ne nous empêche pas d'éprouver de l'enthousiasme pour notre hymne national.

Je réponds à votre deuxième question. Si on me prouve qu'il y a une erreur dans le projet de loi S-14, j'écouterai les arguments à cet effet et j'admettrai que je me suis trompé. Mais j'ai beau regarder à gauche, à droite, en haut et en bas, je ne la vois pas.

(1520)

Je suis ouvert sur le plan de la pensée puisque toute ma vie j'ai œuvré dans le domaine du droit. Si on me prouve que ce n'est pas la bonne solution, j'adopterai celle qui est la meilleure. Nous sommes ici pour discuter.

Le sénateur Prud'homme: C'est vrai.

Le sénateur Beaudoin: On ne fait que revenir à la version originale de l'hymne national, celle d'avant la guerre de 1914-1918. Ce n'est pas la fin du monde. On ne change pas les droits d'auteur, on dit simplement que les hommes et les femmes doivent être traités équitablement.

Le plus bel article de la Constitution, l'article 28 de la Charte, stipule que les lois canadiennes s'appliquent également aux personnes des deux sexes. C'est merveilleux. Le Canada a réussi à faire appliquer l'amendement tandis que d'autres grands pays n'y sont pas parvenus. Si l'amendement à la Charte fonctionne au Canada, pourquoi n'en serait-il pas de même pour l'hymne national?

Des voix: Bravo!

Son Honneur le Président: Le temps de parole de l'honorable sénateur Beaudoin est écoulé. L'honorable sénateur demande-t-il la permission de continuer?

(Sur la motion du sénateur Corbin, le débat est ajourné.)

[Traduction]

LA LOI SUR L'HYMNE NATIONAL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—REPORT DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Poy, appuyée par l'honorable sénateur Banks, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national afin d'englober tous les Canadiens et Canadiennes.—(L'honorable sénateur Stratton).

L'honorable Terry Stratton: J'informe les honorables sénateurs et, plus particulièrement, le sénateur Poy que je vais aborder cette question au cours de la semaine. Je répète que ce sera cette semaine même.

(Le débat est reporté.)

[Français]

PROJET DE LOI SUR LE JOUR DE LA BATAILLE DE VIMY

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Poulin, appuyée par l'honorable sénateur Poy, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-227, Loi instituant une journée nationale de commémoration de la bataille de la crête de Vimy.—(L'honorable sénateur Meighen).

L'honorable Michael A. Meighen: Honorables sénateurs, il me fait plaisir de prendre la parole en faveur du projet de loi C-227, Loi instituant une journée nationale de commémoration de la bataille de la crête de Vimy.

Je tiens à féliciter le sénateur Poulin, qui a présenté ce projet de loi, car lorsque nos collègues de la Chambre adoptent un projet de loi digne de notre appui, nous devons les féliciter aussi.

Il suffit de lire les récits au début de ce projet de loi pour saisir l'importance de cette bataille de la Première Guerre mondiale pour notre nation qui en était à ses premiers pas. C'était la première fois que les Canadiens se battaient ensemble contre un ennemi commun en sol étranger. Ce fut certainement un moment décisif pour notre pays, un moment qui marqua le passage du Canada au statut de nation.

[Traduction]

Comme nous n'étions pas là, nous ne pouvons imaginer les horreurs auxquelles nos jeunes soldats ont été confrontés. Toutefois, je crois que, mieux que quiconque, Will Longstaff a dépeint cette bataille pour que son souvenir reste gravé dans notre mémoire. Son tableau, exposé dans la salle des Chemins de fer, montre des fantômes de soldats canadiens qui escaladent la crête de Vimy.

Le mérite de cette victoire revient en grande partie au major- général Arthur Currie, commandant de la première division canadienne à Vimy. D'après ce qu'on en sait, c'est lui qui a inspiré la confiance à ses hommes en leur faisant connaître les objectifs des diverses batailles auxquelles ils devaient prendre part et en leur expliquant comment atteindre ces objectifs. Par exemple, Currie avait distribué des cartes à ses soldats, leur avait fait confiance et leur avait assuré qu'ils n'allaient pas se contenter de suivre les ordres, mais qu'ils allaient également en connaître la raison d'être et les comprendre.

La bataille de la crête de Vimy a duré cinq jours et a débuté dans une tempête de giboulée qui a permis de déloger l'ennemi de sa position en terrain élevé. C'est un exploit que ni les soldats français, en 1915, ni les soldats britanniques, en 1916, n'avaient réussi à accomplir. À la fin de la bataille, que nous avons remportée, nous avions pris davantage de terrain, de fusils et de prisonniers que lors de toutes les offensives britanniques précédentes. Toutefois, honorables sénateurs, le prix de cette victoire a été élevé — 10 000 Canadiens ont été blessés et 3 598 y ont laissé leur vie.

Depuis, Vimy est un cri de ralliement pour le pays, un véritable symbole d'unité. Des Canadiens de l'Ouest, des Québécois, des Ontariens et des Canadiens des provinces de l'Atlantique se sont battus côte à côte, arborant à l'épaule le même insigne: «Canada». Ces Canadiens étaient rassemblés autour d'une cause commune.

Le regretté Ray Hnatyshyn, ancien Gouverneur général, a bien exprimé les sentiments de tous les Canadiens dans le discours qu'il a livré à l'occasion des cérémonies marquant le 75e anniversaire de cette bataille, en 1992:

Le Corps d'armée canadien a montré une grande intelligence, des habiletés, du courage et un esprit d'équipe qui ont terrifié l'ennemi, stimulé nos alliés et suscité un sentiment durable de fierté et de confiance au sein de la population canadienne.

En 1992, j'ai eu l'insigne privilège d'accompagner le premier ministre Mulroney et nombre d'anciens combattants qui avaient participé à la bataille de la crête de Vimy à l'occasion des cérémonies marquant le 75e anniversaire de cette bataille. Puis, de nouveau en 2000, j'ai eu l'honneur de me rendre à Vimy comme membre de la délégation qui a ramené le soldat inconnu au Canada pour son inhumation à quelques pas de cet endroit. Se rendre sur ce lieu de recueillement pour contempler le magnifique monument qui est sans contredit le plus imposant de ce type suscite une fierté profonde et durable à l'égard de notre pays et de son histoire.

Le 3 juillet 1921, à l'occasion du dévoilement de la Croix du sacrifice au cimetière militaire de Thélus, sur la pente de la crête de Vimy, Arthur Meighen, ancien premier ministre ayant également siégé dans cette assemblée, a dit ce qui suit:

Rien ne pourra ajouter à leur gloire, et tant que la gratitude aura sa place dans le coeur de l'homme, nous ne permettrons jamais à notre mémoire d'oublier leur grandeur. Si la guerre peut écraser de par son ampleur tous les combats du passé, les prodiges des ressources humaines et les splendeurs de l'héroïsme ont atteint de nouveaux sommets [...]

La France vit et elle est libre et le Canada s'ennoblit du sacrifice qu'il a consenti pour permettre à la France de vivre en liberté. Cinquante mille de nos soldats sont enterrés dans des centaines de cimetières, dans ces collines et ces vallées, de la Flandre jusqu'en Picardie. La France reconnaissante a voué leurs dernières demeures à leur mémoire pour toujours, et nous continuerons de les entretenir et d'en prendre soin, à la mesure de l'amour que nous avons pour eux. Des érables canadiens ont été plantés auprès d'eux dans l'espoir que les fils du Canada dorment mieux à l'ombre des arbres qu'ils connaissaient si bien. De l'autre côté de l'Atlantique, le coeur de notre pays sera à jamais lié à ces tombeaux laissés en France. Nous ne laisserons jamais disparaître l'esprit que nous ont légué ceux qui sont morts pour nous. Que leur nom vive à jamais.

Honorables sénateurs, il est important que les Canadiens connaissent l'histoire de leur pays. Dans cette optique, il est essentiel que nous enseignions à nos jeunes les sacrifices consentis par les générations qui les ont précédés. Les symboles ont leur importance, honorables sénateurs.

[Français]

Honorables sénateurs, j'appuie sans réserve le projet de loi C-227 et j'encourage les honorables sénateurs à coopérer afin qu'il soit adopté sans délai pour permettre sa proclamation avant le 9 avril de cette année, qui, je l'espère, sera institué Jour de la bataille de la crête de Vimy.

(Sur la motion du sénateur Atkins, le débat est ajourné.)

[Traduction]

PROJET DE LOI VISANT À MODIFIER LE NOM DE CERTAINES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Rompkey, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Milne, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-300, Loi visant à modifier le nom de certaines circonscriptions électorales.—(L'honorable sénateur Rompkey, c.p.).

L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, à l'exemple de nombreux autres projets de loi semblables déposés au fil des ans, le projet de loi à l'étude propose de modifier les noms de circonscriptions électorales canadiennes. Les députés concernés ont consulté leurs électeurs et ont proposé ces noms, jugés plus représentatifs de la réalité géographique et culturelle de leurs circonscriptions.

(1530)

C'est la deuxième fois que ce projet de loi est approuvé à l'unanimité par la Chambre des communes. Il avait été précédé par le projet de loi C-141, qui est mort au Feuilleton en raison de la prorogation des Chambres. Il nous revient aujourd'hui en tant que projet de loi C-300.

Il est vrai que les commissions de délimitation des circonscriptions électorales siègent. Certaines commissions n'ont pas encore présenté leurs rapports, mais d'autres l'ont fait; je crois que c'est le cas d'environ la moitié d'entre elles. Dans certains cas, même les commissions qui ont présenté leurs rapports n'ont pas jugé opportun de modifier les noms des circonscriptions électorales comme le propose le projet de loi C-300. Quoi qu'il en soit, les commissions, même celles qui ont présenté leurs rapports, n'ont pas pris de décision finale. Les députés ont la possibilité de demander un examen des rapports des commissions, et de leur soumettre d'autres propositions. En fait, il est possible de retarder le dépôt des rapports des commissions de délimitation des circonscriptions électorales.

J'ajouterais que même lorsque le rapport d'une commission est adopté et que le nom d'une circonscription est modifié, cette dernière ne peut être représentée sous son nouveau nom, en cas d'élections, qu'un an après le dépôt du rapport de la commission. Si, en approuvant le projet de loi C-300 maintenant, nous modifions les noms des circonscriptions électorales à temps pour les prochaines élections, et si nous approuvons le projet de loi C-300, les nouveaux noms pourront être soumis à l'examen des commissions.

J'invite les honorables sénateurs à adopter ce projet de loi que nous avons reçu de la Chambre des communes. Certains amendements devront y être apportés, en particulier en ce qui concerne le nom de la circonscription de Kelowna. Le sénateur Fitzpatrick a l'intention de présenter une motion au comité à cette fin. Je crois qu'il a consulté le député de cette circonscription à ce sujet.

Honorables sénateurs, je vous demande d'appuyer le projet de loi C-300.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question. Je travaille sur le sujet depuis 35 ans et j'ai des opinions très tranchées en la matière. Vous parlez comme si vous étiez sûrs que les prochaines élections générales auront lieu avant le 1er juillet 2004. Si elle devaient avoir lieu après le mois de juillet 2004, les sièges seraient répartis différemment et les circonscriptions porteraient des noms différents. Je suis d'avis qu'il y aura des élections en avril 2004, comme je l'ai dit au Comité des banques. Toutefois, nous sommes sur le point d'adopter des modifications dont nous ne savons pas si elles seront mises en oeuvre.

Si les élections ont lieu avant 2004, le projet de loi que vous soumettez à notre considération — et j'en suivrai l'étude au comité — entrera en vigueur avec toutes les dépenses que cela implique. Changer un nom semble facile, mais cela demande beaucoup de travail. Il faut publier de nouvelles cartes. Ne pensez-vous pas que nous devrions confier le dossier à la nouvelle commission qui a déjà été mise sur pied? Elle fera son rapport à la Chambre, les noms seront modifiés et, s'il y a des élections, tous ces nouveaux noms seront alors utilisés. Par ailleurs, s'il y a des élections avant le 1er juillet 2004, ce sera en fonction de la carte actuelle.

Pourquoi changer les noms si peu de temps avant les élections? Cela ne fera que créer davantage de confusion pour les électeurs qui doivent déjà trouver difficile de passer d'une circonscription à une autre.

Je connais les pressions. J'ai moi aussi été élu, tout comme vous, mais je pense que le Sénat doit parfois faire preuve de bienveillance et refuser certaines dépenses frivoles qui ne seraient engagées que pour le plaisir de changer un nom.

Le sénateur Rompkey: Honorables sénateurs, en ce qui concerne le moment choisi, comme je l'ai déjà dit, la proposition n'est pas nouvelle. Cette mesure législative est la réincarnation d'une mesure précédente qui n'avait pas franchi toutes les étapes. Quant à savoir pourquoi maintenant, ce projet de loi est inscrit au programme depuis un certain temps déjà.

Pour ce qui est de la date des élections, les commissions de délimitation des circonscriptions n'ont pas encore toutes présenté leur rapport. Elles peuvent demander un délai de six mois si elles le désirent. Nous n'avons aucune idée de la date à laquelle elles auront toutes déposé leur rapport et nous ne savons pas quand ils seront approuvés. Même après leur approbation, il faudra un an avant que des élections puissent avoir lieu en fonction de ces nouvelles circonscriptions.

Pourquoi maintenant? Ces modifications viennent des deux côtés de la Chambre et la Chambre a approuvé le projet de loi à l'unanimité. Les électeurs ont été consultés et ces noms reflètent mieux que les précédents les réalités culturelles et géographiques des circonscriptions. Le processus dure depuis déjà un certain temps à la Chambre des communes. Nous respectons la réalité et le désir des électeurs que le nom de leur circonscription reflète mieux leur présence qu'il ne le fait à l'heure actuelle. J'espère que l'honorable sénateur Prud'homme en conviendra.

(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)

L'ÉTUDE SUR LE SYSTÈME DE SOINS DE SANTÉ AU CANADA

LE RAPPORT FINAL DU COMITÉ DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kirby, appuyée par l'honorable sénateur Cook: Que le Sénat adopte le troisième rapport (rapport final) du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, intitulé: La santé des Canadiens — Le rôle du gouvernement fédéral, Volume six: Recommandations en vue d'une réforme, qui a été déposé au Sénat le 25 octobre 2002.—(L'honorable sénateur LeBreton).

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je tiens à participer aujourd'hui au débat sur l'adoption du rapport final du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, intitulé La santé des Canadiens — Le rôle du gouvernement fédéral, Volume six: Recommandations en vue d'une réforme. Je tiens à profiter de l'occasion pour parler des progrès qui sont accomplis dans le secteur des soins palliatifs et des soins au terme de la vie.

[Français]

Tout d'abord, j'aimerais féliciter les sénateurs Kirby et LeBreton pour l'excellent travail qu'ils ont accompli en tant que président et vice-présidente du comité. Je tiens également à remercier tous les membres du comité des efforts et du grand dévouement qu'ils ont manifestés pendant les deux années qu'a duré l'étude sur l'avenir du système de santé au Canada.

[Traduction]

Pour son travail, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a siégé plus de 200 heures, tenu 76 audiences et entendu plus de 400 témoins. Cela donne une idée du temps et des efforts que des sénateurs consacrent à la production de rapports sérieux et approfondis non seulement sur les soins de santé, mais aussi sur un éventail de questions qui influent directement ou indirectement sur la vie quotidienne des Canadiens. En fait, le Sénat est un des groupes de réflexion sur la politique publique parmi les plus efficaces au Canada.

Plusieurs de mes collègues ont déjà participé au débat et je tiens à les remercier pour leur analyse et leur contribution. J'invite aussi tous ceux qui veulent prendre la parole sur cette question à le faire.

(1540)

J'estime que nous vivons actuellement à une époque palpitante en ce qui concerne le renouvellement du système de santé au Canada. Dans son budget de 2003, le gouvernement fédéral a dit qu'il investirait 34,8 milliards de dollars, au cours des cinq prochaines années, pour renouveler le système de santé. Cet investissement vise à améliorer la qualité et l'accessibilité des services de santé et à assurer la pérennité de ce système, qui constitue une haute priorité pour les Canadiens d'aujourd'hui et de demain.

En outre, le budget prévoit 1,3 milliard de dollars sur cinq ans pour soutenir des programmes de santé destinés aux Premières nations et aux Inuits. Ces fonds constituent une mesure clé pour honorer l'engagement pris dans le discours du Trône de septembre 2002 en vue d'améliorer les chances de longévité des autochtones. Nous, sénateurs, avons d'énormes connaissances et beaucoup d'expérience à apporter aux moyens d'information des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, au moment où ils cherchent à mettre en oeuvre l'accord sur le renouvellement du système de santé que les premiers ministres ont conclu en 2003. L'accord, et le budget de 2003, comprennent un fonds de réforme de la santé de 16 milliards sur cinq ans, destiné aux provinces et aux territoires, pour cibler les soins primaires, la couverture des médicaments onéreux, et les soins à domicile, y compris les soins à domicile de courte durée, la santé mentale dans les collectivités et les soins de fin de vie.

Le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires cherchent actuellement à déterminer l'essentiel des services minimaux qui seront offerts dans le cadre du fonds de réforme de la santé. Les ministres de la Santé ont jusqu'au 30 septembre 2003 pour s'entendre sur ces services. Il importe de noter que, comme chaque province et chaque territoire a des besoins différents, compte tenu de sa population, et en est à différentes étapes de la réforme de programmes comme les soins à domicile, une certaine latitude sera autorisée, de sorte que chaque province et chaque territoire déterminera le meilleur moyen de répondre aux objectifs du fonds de réforme de la santé.

[Français]

Le Sénat examine depuis un certain temps déjà le dossier des soins palliatifs et des soins de fin de vie. Il a entrepris son étude de la question en 1995 avec la création du Comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide, dont je faisais partie. Sous la présidence du sénateur Joan Neiman, ce comité a présenté dans son rapport final intitulé De la vie et de la mort, un certain nombre de recommandations unanimes concernant les soins palliatifs et les soins de fin de vie. Les recommandations demandaient notamment que ces soins soient plus facilement accessibles, que les normes de soins soient établies et que les professionnels de la santé reçoivent une formation plus poussée en matière de soins palliatifs et de soins de fin de vie.

[Traduction]

En 2000, le Sous-comité sur la mise à jour de De la vie et de la mort, comme on l'appelait, a rendu public son rapport final intitulé Des soins de fin de vie de qualité: chaque Canadien et Canadienne y a droit. Par-dessus tout, le comité a recommandé que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership et de collaboration et que l'on élabore une stratégie nationale visant à améliorer les soins de fin de vie au Canada. À bien des égards, le rapport de l'an 2000 était une invitation à passer à l'action, c'est-à-dire à appuyer les aidants naturels; à offrir l'accès à des soins palliatifs et de fin de vie à domicile; à accroître la formation et la sensibilisation des professionnels de la santé; et à améliorer la recherche dans le domaine des soins palliatifs et de fin de vie. Le rapport précisait aussi que la notion de soins palliatifs incluait toutes les situations de fin de vie. Ce rapport a été adopté à l'unanimité au Sénat, signe que les honorables sénateurs reconnaissaient l'importance que revêtent les soins palliatifs et de fin de vie pour tous les Canadiens.

Le troisième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie présentement à l'étude au Sénat réaffirme les constatations et les recommandations figurant dans les rapports présentés en 1995 et en 2000 par le comité, ainsi que dans le chapitre consacré aux soins palliatifs. Au nombre des recommandations figure l'établissement d'un programme national de soins palliatifs à domicile ainsi que de protection de l'emploi et du revenu pour les personnes s'occupant d'un être cher gravement malade ou mourant. Le rapport recommande d'étendre la protection afin d'y inclure les soins palliatifs à domicile pour que tous les Canadiens puissent avoir accès à des soins en fin de vie. Cette protection concorderait avec la recommandation que le gouvernement fédéral a présentée à ce sujet présentée dans l'accord sur le renouvellement des soins de santé conclu en 2003 par les premiers ministres.

De plus, les recommandations satisfont aux besoins des patients en fin de vie et bénéficiant de soins palliatifs, ainsi que des membres de leurs familles. Nous savons que 80 p. 100 des Canadiens souhaitent mourir au foyer, mais on estime que seulement 15 à 20 p. 100 d'entre eux sont en mesure de le faire. Des soins palliatifs et de fin de vie intégrés sont essentiels afin que les Canadiens aient accès à tous les services et à toutes les mesures de soutien qui s'imposent lorsqu'ils en ont besoin. Toutefois, il est également important que les Canadiens aient accès à des soins palliatifs et de fin de vie de qualité hors de leur foyer, dans des établissements comme des hôpitaux, des hospices et des installations de soins de longue durée.

Outre le chapitre consacré aux soins palliatifs, de nombreux autres volets du rapport s'appliquent aussi à ce genre de soins. Le rapport comprend des recommandations sur l'importance de fournir des fonds supplémentaires aux fins de la recherche. C'est un aspect crucial dans le domaine des soins palliatifs si l'on veut se donner des installations de recherche et aboutir à des résultats qui aideront à prendre des décisions éclairées sur la prestation de soins palliatifs et de fin de vie de qualité à tous les Canadiens.

[Français]

L'un des thèmes de ce rapport était la réforme des soins de santé primaires, ce qui inclut, entre autres priorités, les soins palliatifs. Ce rapport soulignait également l'importance de la technologie dans le secteur de la santé. En effet, des services de télésanté, comme le concept des téléhospices, sont essentiels pour fournir à tous les Canadiens, notamment à ceux qui vivent dans les régions rurales ou éloignées, de l'information sur les soins palliatifs et leur garantir l'accès à ces soins.

[Traduction]

Le ministre des Anciens Combattants et le ministre de la Santé et des Services sociaux de l'Île-du-Prince-Édouard ont récemment annoncé un projet-pilote de télésoins devant être mené dans la province de 2003 à 2006. Ce projet de télésoins utilise les technologies des télécommunications pour offrir des soins, des directives et de l'information aux malades dans leurs foyers. C'est là où la plupart des Canadiens veulent passer leurs derniers jours. Le gouvernement fédéral va fournir des fonds de 400 000 $ pour lancer le projet-pilote de télésoins, ce qui permettra d'élargir les services à domicile offerts aux anciens combattants admissibles et à d'autres clients des soins à domicile dans toute la province.

Ce projet s'inscrit dans le prolongement du projet-pilote de téléhospice lancé par la région West Prince de l'Île-du-Prince- Édouard en avril 2000. Le projet téléhospice a obtenu d'excellents résultats et il est reconnu aux niveaux national et international comme une façon novatrice d'utiliser la technologie pour répondre aux besoins en santé d'une population rurale.

Durant une visite à l'Île-du-Prince-Édouard l'automne dernier, j'ai eu droit à une démonstration du projet de téléhospice. L'utilisation des outils et de la technologie disponibles pour offrir des soins palliatifs et de l'information aux gens, peu importe l'endroit où ils habitent, est la clé pour améliorer la qualité de vie des patients et de leurs familles et cela reflète un système de santé qui est accessible, transférable et complet. J'espère que les connaissances obtenues dans le cadre de ce projet de téléhospice serviront dans d'autres régions du pays.

Si les honorables sénateurs veulent me permettre une digression, je pense que vous serez vraiment très surpris de voir ce que la technologie peut faire. Durant la démonstration, je suis restée assise devant une machine et je suis devenue la patiente profitant de soins à domicile. J'ai été contactée par mon infirmière via le téléphone et un petit écran de télévision. Je pouvais voir l'infirmière et elle pouvait me voir. Relié à cet appareil, il y avait un brassard de tensiomètre et on a donc pris ma tension. On a mesuré l'oxygène dans mon sang. On a examiné avec une petite caméra un endroit sur mon bras où j'avais subi une blessure il y a de nombreuses années. Les intéressés ont pu voir que la cicatrice était bien guérie et qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter.

Je n'ai pas accepté d'être une patiente pour l'utilisation du stéthoscope relié à l'appareil. J'étais persuadée que mon adjointe de direction qui m'accompagnait avait une bronchite et je lui ai donc demandé de s'asseoir sur la chaise pendant qu'elle plaçait le stéthoscope à divers endroits sur sa poitrine. Les intéressés ont diagnostiqué sa bronchite et nous nous sommes assurés que mon adjointe de direction reçoive les traitements voulus.

Cela nous amène à nous demander, bien entendu, si ces soins ne sont pas plutôt impersonnels. En fait, j'ai eu exactement la réaction contraire. Les patients aimaient ce système pour différentes raisons. Une femme a dit qu'elle l'aimait parce qu'elle n'avait pas à se lever le matin pour prendre un bain. Une autre était satisfaite car elle n'avait pas à nettoyer puisque la personne chargée des soins à domicile ne venait pas chez elle. Une autre encore aimait le système parce qu'elle savait que l'infirmière des soins à domicile se trouverait à l'autre bout de cette machine plus d'une fois par jour, si elle avait besoin de la consulter. De toute évidence, s'il y a un patient en état de crise, le contact peut être établi trois, quatre, cinq ou six fois par jour grâce à cette technologie. C'était vraiment une expérience du plus grand intérêt.

(1550)

À ce moment-là, il n'y avait que quinze de ces machines à l'Île-du- Prince-Édouard. Je suis revenue ici et j'ai consulté le ministre des Anciens Combattants, qui s'intéressait aux soins palliatifs dispensés à ces derniers. J'ai demandé s'il était possible d'offrir des soins à domicile aux anciens combattants de l'Île-du-Prince-Édouard au moyen d'une initiative semblable. C'est ainsi que le projet-pilote a vu le jour.

Ce qui m'a intéressée le plus, c'est le coût de cette machine. Il ne s'agit pas ici de haute technologie. C'est un appareil de 5000 $ qui ne nécessite, au domicile du patient, qu'une prise de courant et une ligne téléphonique. Rien d'autre n'est nécessaire pour que le système fonctionne. J'ai trouvé le système remarquable parce que je voyais bien qu'il pouvait servir dans les collectivités éloignées du Canada et qu'il pouvait assurer des services directs à un coût relativement bas.

La jeune infirmière à l'autre bout du fil a dit qu'elle avait finalement rencontré une de ses patientes parce que la femme avait été à l'hôpital et qu'il avait fallu aller la voir chez elle pour changer un pansement. La femme a offert à l'infirmière un afghan qu'elle avait tricoté pour elle. Elle a précisé que chaque jour, elle en tricotait quelques rangs car elle savait qu'à un moment donné, elle finirait par rencontrer l'infirmière.

C'est vraiment une réussite remarquable, un modèle que nous devrions nous efforcer d'adopter à un grand nombre d'endroits.

Le comité s'est également penché sur l'utilisation des produits pharmaceutiques. Nous savons que la consommation de ces produits augmente, de même que leur prix. Ils jouent un rôle de plus en plus important dans les soins de santé des Canadiens dans beaucoup de circonstances, dont le contexte des soins palliatifs. Parfois, le prix des médicaments est excessivement élevé. Aucun Canadien ne devrait faire face à des difficultés financières parce qu'il doit payer des médicaments dont il a besoin pour rester en bonne santé.

La recommandation du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie préconisant d'étendre la couverture aux médicaments onéreux est un autre domaine que le gouvernement fédéral a défini comme priorité. C'est l'un des secteurs cible du fonds de réformes de 16 milliards de dollars que j'ai mentionnés plus tôt dans mon discours. Une telle couverture aiderait considérablement beaucoup des gens qui ont besoin de soins palliatifs au terme de leur vie.

À mon avis, le Sénat a beaucoup contribué à la sensibilisation accrue aux questions relatives aux soins palliatifs et aux soins de fin de vie parmi les Canadiens et à tous les paliers de gouvernement. Les progrès accomplis dans le domaine des soins palliatifs, dont je vous parle aujourd'hui, reflètent l'engagement du gouvernement du Canada à agir. Le gouvernement fédéral reconnaît et appuie la nouvelle détermination de tous les paliers de permettre aux Canadiens de continuer de vivre comme ils l'ont toujours fait sur les plans physique, émotionnel et spirituel, indépendamment du stade où en est leur vie.

À part le rapport dont nous sommes saisis, le gouvernement a aussi tenu compte des recommandations du rapport final de la commission Romanow. M. Romanow a recommandé un financement ciblé des soins à domicile, qui comprendrait en priorité les soins au terme de la vie. De même, le rapport Romanow et celui du comité sénatorial ont recommandé que le gouvernement fédéral accorde un soutien du revenu et une protection de l'emploi à ceux qui doivent donner des soins à un parent gravement malade ou sur le point de mourir.

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, la commission Romanow et d'autres groupes provinciaux qui ont publié des rapports sur les soins de santé contribueront indubitablement au débat sur la réforme des soins et offriront au gouvernement fédéral ainsi qu'aux gouvernements provinciaux et territoriaux des options viables et concrètes de changement.

Comme beaucoup de sénateurs le savent, j'ai été nommée ministre responsable des soins palliatifs en mars 2001. J'ai été très honorée de devenir ainsi la première ministre fédérale chargée de cette responsabilité spéciale. Cette fonction est la première de son genre, non seulement au Canada mais, à ce que nous avons découvert, dans le monde. C'est un rôle qui m'a donné l'occasion de faire une contribution particulière dans un domaine qui revêt une grande importance pour moi.

En juin 2001, Santé Canada a établi un Secrétariat des soins palliatifs et des soins de fin de vie. À part l'appui qu'il me donne dans mon rôle de ministre, ce secrétariat a pour mandat de favoriser une stratégie canadienne de soins palliatifs et soins de fin de vie grâce à sa collaboration avec des organisations et des experts de l'administration fédérale et d'ailleurs, et doit coordonner les initiatives fédérales dans ce domaine.

Sous la direction du secrétariat, une stratégie est en cours d'élaboration. Le secrétariat travaille sur la stratégie en collaboration avec des intervenants de l'extérieur, en vue d'adopter une approche intégrée des soins de fin de vie, en tant qu'élément des soins de santé généraux. La mise en œuvre est assurée par une structure comprenant un comité de coordination et cinq groupes de travail responsables des pratiques exemplaires et des soins de qualité, de l'information et de la sensibilisation du public, de l'éducation des fournisseurs de soins, de la recherche et de la surveillance.

Reconnaissant que les soins palliatifs et de fin de vie ont des incidences allant au-delà du secteur de la santé, le gouvernement fédéral travaille, dans le cadre d'un groupe interministériel, pour veiller à ce que ses programmes et politiques en matière de soins palliatifs et de fin de vie soient élaborés et réalisés dans le contexte d'une stratégie plus vaste. En fait, le dossier des soins palliatifs donne au gouvernement fédéral l'occasion de manifester son engagement à travailler horizontalement pour fournir aux Canadiens des renseignements et des services au moment où ils en ont le plus besoin.

[Français]

Bon nombre de mesures qui ont été adoptées à ce jour par le gouvernement fédéral dans le secteur des soins de santé font suite aux engagements pris dans le discours du Trône de septembre 2002, entre autres, l'engagement de modifier les programmes existants pour permettre aux Canadiens de s'occuper d'un enfant, d'un parent ou d'un conjoint gravement malade ou mourant sans mettre en péril leur emploi ou leur revenu.

[Traduction]

La protection des soignants est une question prioritaire, aussi bien pour moi, comme ministre, que pour la stratégie canadienne. Je suis honorée de faire partie d'un gouvernement qui va accorder un soutien concret aux familles dans un domaine fondamental et crucial. J'ai travaillé en étroite collaboration avec le ministre du Développement des ressources humaines. Je suis donc très heureuse de noter que, dans son budget 2003, le gouvernement fédéral s'est engagé à verser une nouvelle prestation d'assurance-emploi pour un congé de six semaines destiné à soigner un membre de la famille qui est gravement malade ou sur le point de mourir.

Ce programme nécessitera de modifier la Loi sur l'assurance- emploi et le Code canadien du travail. De même, les provinces seront tenues de modifier leur législation du travail pour la rendre compatible avec la Loi sur l'assurance-emploi. Elles ont déjà accepté de le faire dans le cadre de l'accord sur la santé.

Certaines l'ont déjà fait. En effet, la législation du travail de six des dix provinces comprend des dispositions permettant l'octroi de congés pour des raisons d'ordre humanitaire, comme les soins à donner à un proche parent malade ou blessé. La Saskatchewan est en tête de liste puisqu'elle accorde douze semaines de protection de l'emploi. Le concept n'est pas nouveau, la plupart des provinces ayant déjà reconnu le besoin de mesures dans ce domaine.

Le gouvernement fédéral a l'intention de mettre en oeuvre le programme en janvier 2004, à un coût annuel de 221 millions de dollars. Honorables sénateurs, je crois qu'il est important de reconnaître que chaque sou consacré à ce programme fera beaucoup pour améliorer la qualité de vie des patients en soins palliatifs et de leur famille.

La prestation versée aux personnes qui prendront congé pour des raisons d'ordre humanitaire sera accompagné des mesures fiscales mentionnées dans le budget de 2003, dont 20 millions de dollars par an pour étendre la liste des dépenses admissibles au crédit d'impôt pour frais médicaux. Cette mesure pourrait beaucoup aider les patients en soins palliatifs et leur famille pour qui les frais médicaux peuvent, dans certains cas, devenir très lourds.

Le budget fédéral comprend deux autres crédits d'impôt qui pourront dans certains cas aider considérablement les patients en soins palliatifs et leur famille. Le premier est le crédit de 50 millions de dollars par an destiné à la nouvelle prestation pour enfants handicapés, qui sera versée aux familles à revenus faibles et modestes. La prestation peut atteindre 1600 $ par an et par enfant admissible.

Un autre est le crédit de 80 millions de dollars par année qui améliorera l'aide fiscale à l'intention de personnes handicapées. Bien que le recours aux crédits d'impôt pour frais médicaux et pour personnes handicapées ait été proposé dans le rapport final du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, cette mesure a été fermement appuyée par le milieu de défense des droits aux soins palliatifs et par les principales associations comme l'Association médicale canadienne. En outre, améliorer les mesures fiscales pour aider les patients en fin de vie et leurs familles est l'un des objectifs de la stratégie sur les soins palliatifs et de fin de vie.

(1600)

J'ai toujours exprimé mon appui indéfectible à l'égard d'un recours à divers mécanismes pour aider les gens en fin de vie. En insérant cette initiative fiscale dans le dernier budget, le gouvernement fédéral prend des mesures en vue de vraiment combler les besoins particuliers des patients et de leurs familles. Il s'agit d'un progrès important pour les soins palliatifs et les soins de fin de vie au Canada.

[Français]

La recherche est une autre des priorités de la stratégie canadienne. Il y a eu récemment des développements intéressants à cet égard, soit l'annonce faite par le gouvernement fédéral dans le budget de 2003 de l'octroi d'un montant supplémentaire de 55 millions de dollars par année pour financer les Instituts de recherche en santé du Canada.

[Traduction]

En fait, l'Institut du cancer des Instituts de recherche en santé du Canada a choisi les soins palliatifs comme première priorité parmi six domaines de recherche pour l'attribution d'un financement spécial. De concert avec le Secrétariat des soins palliatifs et des soins de fin de vie de Santé Canada, un groupe de travail conjoint de l'Institut du cancer et de Santé Canada a été créé et chargé de repérer les possibilités de financement.

En janvier 2003, le groupe de travail de l'Institut du cancer a présenté ses recommandations. Je suis heureuse de souligner que les Instituts de recherche en santé du Canada se sont engagés à consacrer 3,6 millions de dollars sur cinq ans à la recherche sur les soins palliatifs et les soins de fin de vie. Cette mesure et le nouveau programme des IRSC accordant des bourses de recherche pour former les médecins en recherche sur les soins palliatifs — annoncé en mai dernier — vont largement contribuer à faire grimper le nombre de chercheurs et à accroître les capacités dans le domaine des soins palliatifs. Cela favorisera la prise de décision fondée sur des preuves scientifiques, qui se traduira en fin de compte par une qualité améliorée des soins palliatifs et des soins de fin de vie pour tous les Canadiens.

En plus de l'Institut du cancer, cinq autres instituts se sont dits intéressés à accorder la priorité aux soins palliatifs, soit l'Institut du vieillissement, l'Institut du développement et de la santé des enfants et des adolescents, l'Institut de la santé circulatoire et respiratoire, l'Institut de génétique et l'Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies.

L'Institut national du cancer du Canada est de plus en plus actif dans le domaine de la recherche sur les soins palliatifs. Il est en train de réexaminer son approche stratégique globale et, à cette fin, a mis sur pied des groupes de consultation chargés de discuter des priorités qui figureront dans la nouvelle stratégie. Il est encourageant de constater que les soins de soutien, y compris les soins palliatifs, constituent une de ces nouvelles priorités.

En outre, le gouvernement a récemment annoncé la création de la toute première chaire de recherche en soins palliatifs au Canada. Le Dr Harvey Chochinov, de l'Université du Manitoba, recevra 1,5 million de dollars d'Industrie Canada et du programme de Diversification de l'économie de l'Ouest pour faire progresser la recherche sur les soins palliatifs et améliorer la qualité de vie des patients et de leur famille.

Certes, la recherche a un rôle important à jouer en matière d'innovation dans les soins palliatifs et les soins de fin de vie, mais la technologie est tout aussi importante, car elle peut être un outil utile en assurant l'accès aux soins et aux conseils aux personnes en soins palliatifs. J'ai eu l'honneur d'annoncer récemment, en compagnie de deux de mes collègues du Cabinet, que le gouvernement fédéral allait verser 500 000 $ à l'Hospice virtuel canadien, un site Web fournissant de l'information sur les meilleures pratiques dans le domaine des soins palliatifs et des soins de fin de vie. L'HVC est un site virtuel permettant aux patients de communiquer entre eux; aux membres de la famille de patients d'obtenir du soutien; d'obtenir des réponses d'un médecin ou d'une infirmière qualifiés; d'obtenir de l'information des médecins et des infirmières; et aux médecins de consulter des spécialistes des soins palliatifs. C'est un nouveau concept captivant qui aura pour effet d'améliorer de façon marquée les connaissances et l'expertise en matière de soins de fin de vie pour les Canadiens.

Nous devrons donner priorité à la formation et à l'éducation des professionnels de la santé, si nous voulons améliorer la qualité des soins de santé en général, et plus particulièrement la qualité des soins palliatifs et des soins en fin de vie. À bien des égards, les soins en fin de vie ne se comparent pas aux soins médicaux qui sont dispensés à d'autres étapes de notre vie. Par exemple, le contrôle de la douleur revêt une grande importance chez les personnes qui reçoivent des soins palliatifs. Le contrôle de la douleur influe grandement sur la qualité de vie des personnes qui sont atteintes d'autres maladies, notamment des maladies chroniques. Toutefois, une étude sur les étudiants en médecine, réalisée en 2001, révèle que ces derniers reçoivent, en moyenne, une heure de formation sur la gestion de la douleur au cours de leurs quatre années de formation médicale. Ce n'est évidemment pas suffisant. Heureusement, l'éducation des professionnels de la santé marque des progrès. L'Université McMaster, à Hamilton, en Ontario, a récemment intégré les soins palliatifs en tant que sujet à part entière de son programme d'études en médecine. L'Université McMaster est la première université au Canada à avoir appliqué cette mesure, et j'espère que d'autres établissements l'imiteront.

Honorables sénateurs, le médecin qui dirige ce programme m'avait intercepté au cours d'une conférence, à l'automne, pour me rappeler un discours que j'avais prononcé à Hamilton, dans lequel je signalais que les soins palliatifs ne constituaient pas un sujet de base du programme d'enseignement. Jugeant qu'elle pouvait faire quelque chose à cet égard, elle est retournée à son université et a remédié à la situation.

D'ailleurs, l'investissement dans l'innovation et l'éducation est indispensable à la survie d'un système de soins de santé moderne. C'est pourquoi le gouvernement a engagé 90 millions de dollars sur cinq ans dans les ressources humaines du secteur de la santé et dans l'amélioration des programmes de formation professionnelle, pour que les professionnels de la santé puissent acquérir les connaissances et la formation nécessaires qui leur permettent de travailler efficacement dans diverses disciplines, dont les soins palliatifs et les soins en fin de vie.

Les honorables sénateurs savent que je m'intéresse de très près aux soins palliatifs. Je crois que chaque Canadien devrait avoir accès à des soins palliatifs et à des soins en fin de vie de qualité, car la qualité de ces soins constitue le baromètre de la qualité du système de soins de santé en général et des valeurs qui sont chères aux Canadiens. Les soins en fin de vie sont tout aussi importants que les soins dispensés en début de vie. Je pense que tous les Canadiens partagent cette opinion.

En tant que ministre ayant une responsabilité spéciale en matière de soins palliatifs, j'ai bien l'intention de mettre cette question à l'ordre du jour au Canada et de prôner l'élaboration d'une stratégie canadienne sur les soins palliatifs et les soins en fin de vie. Il est important de se rappeler que les partenariats et la collaboration entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et les communautés intéressées sont indispensables si nous voulons exercer une influence positive sur les soins palliatifs et les soins en fin de vie au Canada, et continuer de jouer un rôle de premier plan dans ce domaine sur la scène internationale.

Étant donné l'intérêt manifesté par le gouvernement du Canada, le Parlement et le comité sénatorial spécial, j'ai bon espoir que notre objectif à long terme, c'est-à-dire assurer des soins palliatifs de qualité à tous les Canadiens, est en voie d'être rapidement atteint.

Honorables sénateurs, s'il me fallait d'autres preuves de la valeur du travail que nombre d'entre vous et moi avons accompli dans le dossier des soins palliatifs, je citerais la visite que j'ai faite vendredi à l'Hôpital général juif de Montréal. Je suis allée rendre visite à un ancien collègue, l'honorable Philippe Gigantès. Il est hospitalisé au service des soins palliatifs. Je me suis entretenue avec sa fille une semaine auparavant, et j'ai appris qu'il n'était pas très en forme. Lorsque je suis arrivée là-bas, il était lucide, accueillant et entouré d'un certain nombre de visiteurs, tout cela grâce au traitement qu'il a reçu au service des soins palliatifs, dirigé par le Dr Bernard Lapointe. Il avait une qualité de vie que ne peuvent procurer que des gens qui comprennent vraiment ce que veulent dire des soins de qualité en fin de vie. Ce dossier continue de me passionner. Je sais qu'il continue également d'intéresser un très grand nombre d'entre vous.

L'honorable Wilbert J. Keon: Madame le sénateur accepterait-elle de répondre à une question?

Le sénateur Carstairs: Bien entendu.

Le sénateur Keon: Pour commencer, honorables sénateurs, permettez-moi de féliciter madame le ministre, au nom de tous les Canadiens, de son dévouement, de son énergie, de ses réalisations considérables dans ce domaine. Nous vous serons longtemps redevables.

Cela dit, je n'ai pas l'assurance que nous progressions aussi rapidement que bien des gens le souhaiteraient. L'un des obstacles, l'honorable sénateur en a d'ailleurs parlé à la fin de son intervention, c'est que nous n'avons pas tous les spécialistes de la santé qu'il nous faudrait. Nous n'avons pas non plus de plans pour former ces spécialistes afin que le programme soit ce qu'il doit être.

(1610)

Madame le sénateur a mentionné que près de 80 p. 100 des gens ne meurent plus dans leur lit, mais dans un lit d'hôpital hautement perfectionné où ils préféreraient recevoir un bouquet de fleurs chaque jour au lieu de se soumettre à une prise de sang. On ne semble pas pouvoir percer cette énigme.

Ma question est la suivante: madame le sénateur a-t-elle un plan pour amener les 16 centres des sciences de la santé à former des équipes multidisciplinaires? Il ne suffit pas, à mon avis, d'avoir des programmes de formation en médecine, en sciences infirmières et ainsi de suite. Les centres des sciences de la santé doivent faire preuve de leadership et veiller à la formation d'équipes multidisciplinaires chargées de prodiguer des soins à domicile, étant donné qu'une bonne partie de nos ressources intellectuelles sont maintenant concentrées dans les gros hôpitaux universitaires. Je répète ma question: existe-t-il un plan pour amener les centres des sciences de la santé à former des équipes multidisciplinaires?

Le sénateur Carstairs: Je remercie l'honorable sénateur pour sa question. Il a tout à fait raison. Faute d'un plan plus vaste de formation des médecins et des infirmières, nos voeux ne se réaliseront jamais puisqu'il existe très peu de spécialistes des soins palliatifs dûment formés au Canada.

Je me suis renseignée auprès du directeur général de l'Association des facultés de médecine du Canada. L'Association présentera sous peu une proposition au ministère de la Santé concernant les programmes d'études qu'elle est en mesure d'offrir dans toutes les facultés de médecine au Canada relativement aux soins palliatifs, aux soins de fin de vie. J'espère qu'elle le fera d'ici quelques semaines et que nous pourrons convaincre le ministère de la Santé d'affecter une partie de ses nouvelles ressources dans ce secteur.

J'informe également les honorables sénateurs que les infirmières auront leur propre curriculum à compter de 2004. Elles l'ont demandé et elles l'ont mis au point. Il contribuera à la formation d'un plus grand nombre de professionnels. À mon avis, toutefois, l'acteur principal demeure le médecin. Celui-ci doit savoir ce que sont les soins palliatifs. C'est une option et tous les médecins devraient la choisir. D'où la grande importance des études de premier cycle en médecine. Si un jeune médecin décide de se spécialiser en oncologie ou en médecine interne sans avoir une connaissance de base des soins de fin de vie et sans les comprendre, il ne les recommandera pas à ses patients. Nous savons qu'il existe d'excellents établissements au Canada, mais c'est un coup de dés chaque fois. La seule façon de mieux les faire connaître et de nous assurer qu'ils seront une réalité au pays, c'est en éduquant les médecins et les infirmières.

(Sur la motion du sénateur Stratton, au nom du sénateur LeBreton, le débat est ajourné.)

L'ÉTUDE SUR LA PROPOSITION DU GROUPE DES VALEUREUX

LE RAPPORT DU COMITÉ DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

Le Sénat passe à l'étude du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense (étude sur la proposition du Groupe des valeureux), déposé au Sénat le 12 décembre 2002.—(L'honorable sénateur Atkins).

L'honorable Michael A. Meighen: Honorables sénateurs, le sénateur Atkins a eu l'amabilité de me laisser prendre la parole à sa place, et je demande que le débat soit ajourné à son nom lorsque j'aurai terminé. Je ne parlerai pas longtemps.

[Français]

Honorables sénateurs, il me fait plaisir de parler du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Il s'agit d'un rapport du Sous-comité des anciens combattants. Ce rapport est très bref, mais il est également très important pour notre pays. Dans ce rapport, nous traitons d'une proposition du Groupe des valeureux pour ériger au centre-ville d'Ottawa des statues de certains hommes et de certaines femmes de valeur qui ont fait des sacrifices héroïques pendant la guerre et qui ont combattu victorieusement pour le Canada.

[Traduction]

Les statues que l'on propose d'ériger perpétueront le souvenir de géants de notre histoire qui ont lutté pour notre liberté et notre indépendance aux XVIIe, XVIIIe, XIXe et XXe siècles. Ces gens n'étaient pas simplement des combattants, honorables sénateurs; ils ont véritablement participé à l'édification de notre pays. Pensons, par exemple, à Pierre Le Moyne d'Iberville, à Joseph Brant, à sir Isaac Brock, à Laura Secord, à Georges Vanier, à Andrew Mynarski et à de nombreux autres.

Le qualificatif «valeureux» sied parfaitement à ceux dont on propose de célébrer et de commémorer les activités. Chaque année, ceux qui assistent à la cérémonie du jour du Souvenir aux monuments aux morts d'un océan à l'autre entendent le poème «Au champ d'honneur». Immanquablement, le grand hymne «Oh Valiant Hearts» est chanté. Les deux premiers vers de cet hymne placent dans une juste perspective ce projet et ceux qu'il est censé honorer:

O valiant hearts, who to your glory cameThrough dust of conflict and through battle flame;Tranquil you lie, your knightly virtue proved,Your memory hallowed in the land you loved.Proudly you gather rank on rank, to war.As who had heard God's message from afar;All you had hoped for, all you had, you gaveTo save mankind — yourselves you scorned to save.

[Français]

Le Sous-comité des anciens combattants s'est intéressé au projet des valeureux parce que la proposition du groupe a semblé dérailler dans la bureaucratie à Ottawa. Nous pouvons tous comprendre et sympathiser avec ceux qui tentent d'acheminer un projet à travers le labyrinthe bureaucratique fédéral.

[Traduction]

Je vais commencer par décrire le groupe qui propose ce projet. M. Hamilton Southam, un éminent Canadien connu de nombreux sénateurs, en est le président. Il est entouré d'un certain nombre d'anciens combattants et d'historiens militaires ainsi que de conseillers en sculpture et en planification urbaine. Les honorables sénateurs reconnaîtront certains noms: David Bercuson, Jack Granatstein, Clifford Chadderton et le lieutenant-général Charles Belzile ne sont que quelques-unes des personnes à qui l'on doit cette proposition imaginative. M. Southam a expliqué au sous-comité que cette proposition serait pour les Canadiens un rappel permanent de l'histoire de notre pays qui nous a conduits de la colonie française que nous étions au grand pays nord-américain que nous sommes devenus.

Les valeureux qui seront immortalisés sous forme de statues ont été choisis par un groupe d'historiens canadiens. La liste, qui compte maintenant 16 noms, commémore nos guerres d'indépendance sous le régime français, pendant la révolution américaine, la guerre de 1812 et les guerres du XXe siècle.

Le ministère du Patrimoine canadien a mis sur pied un groupe de travail interministériel pour étudier le projet. Le Groupe des valeureux a été inclus dans le processus d'examen. Malheureusement, du moins de l'avis de notre comité, le groupe gouvernemental a décidé que ce projet devait être abandonné. M. Southam a expliqué à notre comité qu'on lui avait donné les raisons suivantes: premièrement, trop de statues; deuxièmement, trop d'officiers; et troisièmement, trop d'argent. Il a ajouté qu'il avait l'impression que les bureaucrates estimaient que ces statues militaires ne seraient pas à leur place au coeur de la capitale d'un pays qui aime autant la paix que le Canada.

Les valeureux nous ont expliqué qu'ils réduiraient le nombre des statues mais qu'ils continuaient à croire que ce projet était fondamentalement raisonnable. Les Canadiens devraient se souvenir de leur histoire, et ils devraient se souvenir des gens qui se sont sacrifiés pour qu'ils puissent vivre en liberté. Le comité partage entièrement ce sentiment.

J'ai pris la liberté de correspondre avec les ministres dont j'estime qu'ils pourraient nous aider à faire avancer la proposition. Fait intéressant, ils semblent tous plutôt positifs. Le ministre de la Défense a dit ceci dans sa lettre:

En principe, et en général, j'appuie entièrement les objectifs du projet des valeureux et le thème qu'il essaie de présenter, à savoir qu'aujourd'hui le Canada a été façonné par des événements militaires dans une mesure beaucoup plus grande que ce que pensent bien des Canadiens.

(1620)

Le ministre des Anciens combattants écrit qu'«Anciens combattants Canada est en faveur de toute initiative visant à compléter son programme au titre du souvenir.»

Enfin, j'ai été réconforté de recevoir une lettre datée du 11 février 2003 de la ministre de Patrimoine Canada indiquant qu'elle réexaminerait cette proposition à la lumière des travaux de notre sous-comité. Elle a donc donné pour instruction aux représentants du Musée canadien de la guerre de travailler en étroite collaboration avec le Groupe des valeureux de même qu'avec les fonctionnaires de son ministère. Au nom du sous-comité, j'ai répondu à la lettre de la ministre en la remerciant de sa décision.

Honorables sénateurs, notre comité a pour seule recommandation de demander au gouvernement du Canada de reconsidérer le projet des valeureux, compte tenu des propositions des commanditaires de réduire le nombre de statues, de modifier le choix des soldats courageux et de réduire les coûts.

Je dois ajouter que le groupe présidé par M. Southam a accepté de réunir 20 p. 100 des fonds nécessaires.

Nous croyons qu'il s'agit d'une entreprise valable et certainement digne de l'investissement financier exigé. J'invite donc instamment les autres honorables sénateurs à se joindre à ceux qui appuient le travail du Groupe des valeureux et j'invite le gouvernement à reconsidérer sa position sur le projet de sorte que nous puissions aller de l'avant et le terminer d'ici le 15 août 2005, année qui marquera le soixantième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale.

(Sur la motion du sénateur Stratton, au nom du sénateur Atkins, le débat est ajourné.)

L'HÉRITAGE DE GASPILLAGE—LES ANNÉES CHRÉTIEN-MARTIN

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur LeBreton, attirant l'attention du Sénat sur l'héritage de gaspillage des années Chrétien-Martin. —(L'honorable sénateur Bryden).

L'honorable James F. Kelleher: Honorables sénateurs...

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la question est inscrite au nom du sénateur Bryden et il a demandé à intervenir. Sénateur Bryden, je dois vous voir.

L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, je me suis levé avant de m'apercevoir qu'un autre sénateur souhaitait faire une intervention à ce sujet. Je comptais faire reporter le débat sur cette interpellation et expliquer pourquoi elle continue d'apparaître sous mon nom.

Comme le savent les honorables sénateurs, notre institution est tout à fait dénuée d'esprit partisan. Il se trouve toutefois qu'un bon nombre des sénateurs en face de nous sont intervenus dans ce débat de manière non sectaire. Je constate que d'autres souhaitent y prendre part.

Or, il ne me convient pas particulièrement de répondre tout de suite aux observations non partisanes des honorables sénateurs d'en face. D'autres événements se préparent cette semaine. Les tableaux qui ornent les murs de cette salle me les rappellent.

Je voudrais prendre la parole au sujet de cette interpellation, mais le moment est mal choisi.

Le sénateur Kelleher: Honorables sénateurs, en dépit de ce qui vient d'être dit, je vais poursuivre.

Le sénateur Robichaud: Continuez surtout d'être non partisan.

Le sénateur Kelleher: Non. J'ai l'air gentil, mais que l'on ne s'y méprenne pas.

Honorables sénateurs, je voudrais parler aujourd'hui de l'allocation pour frais de chauffage qui, selon moi, s'est transformée en fiasco. Paul Martin a consacré plus de 1,4 milliard de dollars à un programme de remboursement d'une partie des frais de chauffage, programme en vertu duquel on a essentiellement envoyé de l'argent à des individus dont la note de chauffage ne risquait pas d'augmenter.

En octobre 2000, l'augmentation possible des frais de chauffage est devenue un des sujets discutés lors de la campagne électorale. Paul Martin y a réagi en annonçant l'octroi d'un remboursement unique du mazout de chauffage, au montant de 125 $ pour les personnes seules gagnant des revenus faibles à modestes, et de 250 $ pour les familles. Ce programme a été tellement mal ciblé qu'on a envoyé des chèques à des personnes décédées, à des détenus et à des individus qui ne vivaient même pas au Canada. Entre temps, des milliers de personnes qui s'étaient retrouvées en difficulté n'ont rien reçu.

Les chèques ont été envoyés au début de 2001 à tous ceux qui étaient admissibles au crédit pour TPS en fonction des revenus gagnés en 1999. Peu importait que la note de chauffage ait été payée par une autre personne ou encore que le destinataire du chèque n'ait nullement été menacé de voir ses frais de chauffage augmenter de manière imminente, puisqu'il chauffait sa maison à l'électricité, ou encore que les revenus de cette personne aient considérablement augmenté depuis 1999.

Comme l'a indiqué la vérificatrice générale dans le rapport qu'elle a publié en décembre 2001:

... la corrélation était faible entre le fait d'être bénéficiaire du CTPS et le fait d'avoir eu besoin d'aide pour faire face à la hausse des frais de chauffage.

La vérificatrice générale a souligné qu'entre 15 et 25 p. 100 seulement des ménages qui ont reçu cette allocation avaient besoin d'aide pour faire face à la hausse des frais de chauffage. À cet égard, elle a déclaré:

...nous estimons que, sur les 1,4 milliard de dollars et plus qui ont été versés au titre de l'allocation pour frais de chauffage, le montant total reçu par les ménages confrontés à une hausse immédiate de leurs frais de chauffage se situe entre 250 millions et 350 millions de dollars.

La vérificatrice a ajouté qu'entre 25 et 35 p. 100 des ménages qui ont reçu une telle aide n'en avaient pas besoin dans l'immédiat mais pouvaient en avoir besoin dans l'avenir. Par conséquent, elle a conclu en disant:

Dans au moins 40 p. 100 des cas, le revenu des ménages qui ont reçu l'allocation n'était ni faible ni modeste ou bien ces ménages ne risquaient guère de subir une hausse de leurs frais de chauffage en raison de la situation du marché de l'énergie en 2000-2001.

Certaines autres conclusions de la vérificatrice générale sont tout aussi troublantes. Parce que leurs revenus fluctuent d'une année à l'autre, au moins 600 000 Canadiens n'étaient pas admissibles à cette allocation d'après leurs revenus de 1999. Toutefois, si on tient compte de leurs revenus de 2000, ils auraient été admissibles. Au sujet de ces 600 000 cas, la vérificatrice déclare:

Au moins 90 000 d'entre eux avaient besoin d'une aide immédiate pour supporter la hausse de leurs frais de chauffage.

Elle souligne qu'au moins un million de ménages ont reçu plus d'un chèque et ajoute:

Au moins 4 000 contribuables canadiens qui ne vivaient pas au Canada et 7 500 personnes décédées ont reçu un chèque. Bien qu'il soit difficile en s'appuyant sur les données disponibles de calculer le nombre de prisonniers qui ont reçu l'allocation pour frais de chauffage, le Ministère estime qu'environ 1 600 prisonniers pourraient avoir reçu le chèque.

Le 6 décembre 2001, le Globe and Mail faisait remarquer dans son éditorial que:

Même si nous tenons pour acquis (charitablement) que les libéraux essayaient simplement de venir en aide aux Canadiens à faible revenu, ou (cyniquement) qu'ils essayaient de faire des faveurs à autant de personnes que possible avant les élections, la situation est désastreuse.

Dans un éditorial du 7 décembre 2001, à juste titre intitulé «Un autre chèque sur le feu», le Halifax Chronicle-Herald faisait remarquer que:

La vérification a révélé qu'au moins 40 p. 100 des ménages qui ont reçu l'allocation n'ont pas un revenu faible ou modeste et selon toute vraisemblance, ils n'allaient pas faire face à une hausse des frais de chauffage l'hiver dernier.

Quel manque de concordance absolument pathétique!

Imaginez le tollé de protestations si un organisme d'aide étrangère ne réussissait à faire parvenir aux indigents que de 17 à 60 p. 100 des sommes reçues et qu'il gaspillait le reste.

Comme le secrétaire général de la Croix-Rouge, Pierre Duplessis, l'a déclaré à ce journal récemment, son organisme estime qu'en moyenne 85 p. 100 de l'aide humanitaire se rend jusqu'à ceux qui souffrent dans des pays comme l'Afghanistan où les organismes se butent pourtant à des obstacles comme la détérioration des marchandises, les problèmes de réseaux de transport et le banditisme. Selon lui, on peut s'attendre à ce que 95 p. 100 de l'aide se rende à destination et l'on considère comme médiocre un taux de 75 p. 100.

L'éditorial se terminait ainsi:

Même si la vérificatrice ne le dit pas, la cause de ces problèmes était certainement la course à la distribution de cadeaux en prévision des élections. Une dépense considérable destinée à près de 8 millions de foyers, sans égard aux besoins, laissée à la discrétion du Cabinet qui distribuait les sommes comme des cadeaux, tout cela ressemble étrangement à une recette pour l'achat de votes et non à un programme réellement valable.

Les problèmes étaient évidents au moment même où les chèques étaient postés. Le 30 janvier 2001, on pouvait lire ce qui suit dans le Winnipeg Free Press:

«Ceux qui devraient recevoir des allocations pour frais de chauffage sont uniquement ceux qui reçoivent des factures de chauffage,» a déclaré Kim Watts, une femme mariée mère de quatre enfants. «Selon ces règles, mon frère qui vit à la maison obtiendra une allocation alors qu'il ne reçoit pas de facture pour des frais chauffage. C'est insensé.»

«Des enfants adultes habitant chez leurs parents pourront recevoir des allocations alors que leurs parents, qui paient pourtant le chauffage mais n'ont pas droit au remboursement de la TPS, n'en recevront pas», a aussi déclaré Mme Watts en ajoutant que les gens habitant en appartement recevront aussi l'allocation.

C'est le monde à l'envers.

(1630)

Dans l'édition du 20 février 2001 du Windsor Star, le chroniqueur Gordon Henderson faisait observer ceci:

Le ministre des Finances Paul Martin est peut-être un méchant usurpateur du pouvoir et un vulgaire comploteur aux yeux du premier ministre Jean Chrétien et de ses copains paranoïaques de la colline du Parlement, mais il n'en demeure pas moins qu'il connaît une popularité sans précédent dans les tribunes politiques fermées.

Cette affaire de chèques de 125 ou de 250 dollars (selon la situation familiale) envoyés à des détenus admissibles à un remboursement de TPS en 1999 montre hors de tout doute, comme si cela était nécessaire, que le gouvernement place l'achat de votes à des années lumières de la gestion de la politique financière.

Dans les prisons mexicaines, les détenus souhaitent avoir un papa influent. Dans les prisons américaines, ils trouvent leur papa. Au Canada, les contribuables sont les papas-gâteaux des détenus, gracieuseté des aimables fonctionnaires du ministère des Finances et de l'Agence des douanes et du revenu du Canada.

Ce projet idiot — pourquoi ne pas jeter 1,4 milliard de dollars par la fenêtre du ministre et attendre de voir où ces dollars atterriront — a été lancé dans le mini-budget que Martin a présenté l'automne dernier alors que la flambée des coûts de l'énergie menaçait de devenir un enjeu électoral.

A-t-on destiné ces fonds aux propriétaires de maison confrontés à des coûts de chauffage astronomiques? Évidemment pas. Cela serait trop compliqué. Cela nécessiterait de la planification et de la prévoyance.

De deux choses l'une: soit Paul Martin et les libéraux ne suivent pas ce qui se passe, soit ils ne se soucient pas de la façon dont les deniers publics sont dépensés. Pendant que Paul Martin accordait des allocations pour frais de chauffage à ceux qui étaient admissibles au remboursement de TPS, il n'avait pas la moindre idée des résultats de ce programme de remboursement de TPS.

Ce programme a été instauré en 1991 afin d'assurer que les Canadiens à faible revenu ne payaient pas davantage de taxes de vente nettes que ce n'était le cas avant que la TPS vienne remplacer la taxe de vente fédérale cachée. Habituellement, on réexamine les programmes après quelques années, afin de s'assurer qu'ils donnent les résultats escomptés. On les modifie au besoin.

En 1996, le vérificateur général a suggéré au ministère des Finances de Paul Martin d'examiner le crédit pour TPS, de manière à s'assurer que le programme donnait les résultats escomptés. Cinq années plus tard, en décembre 2001, la vérificatrice générale disait aux Canadiens:

Le ministère des Finances n'a pas encore effectué une évaluation officielle du programme du crédit pour TPS afin de s'assurer qu'il atteint l'objectif qui lui a été fixé.

Le chroniqueur Greg Weston a fait remarquer, dans le Winnipeg Sun du 6 décembre 2001:

Le grand cafouillis entourant la remise de la taxe sur le combustible de chauffage domestique, exposé cette semaine par la vérificatrice générale Sheila Fraser, risque d'amener les Canadiens ordinaires à se poser continuellement la question suivante: Quelle bande d'idiots peut lancer un programme de subventions gouvernementales de 1,4 milliard de dollars qui donne 80 p. 100 de l'argent aux mauvaises personnes, y compris à des milliers de morts?

Pour répondre brièvement, la réponse est le gouvernement libéral fédéral.

La réponse plus longue, ce sont les mêmes idiots qui continuent tous les mois d'envoyer des chèques de remboursement de TPS à des milliers de Canadiens morts.

M. Weston a ajouté qu'après avoir rejeté plusieurs options en matière d'aide:

Le ministère des Finances de Paul Martin a eu la brillante idée de renvoyer les ristournes de chauffage aux mêmes Canadiens à faible revenu qui touchent les ristournes de TPS. Le principal problème — comme le gouvernement le savait à l'époque et la vérificatrice générale l'a signalé par la suite — c'est qu'il y a peu de liens entre ceux qui obtiennent des ristournes de TPS et les Canadiens qui paient leurs propres factures de chauffage.

La situation a été aggravée par le fait que le gouvernement envoyait des ristournes de chauffage à des gens qui étaient admissibles à des ristournes de TPS en 2000, en fonction de leurs déclarations de revenus de 1999. Au moment où le gouvernement a envoyé les chèques de remise de taxes sur le chauffage domestique en février de cette année, au moins 14 000 membres de la classe défavorisée de 1999 étaient en prison, étaient morts ou avaient quitté le pays.

Et c'est là que réside l'autre problème. Étant donné que les ristournes de chauffage ont été envoyées aux gens touchant les ristournes de TPS, devinez ce qui s'est passé? Au moins 14 000 chèques de remboursement de TPS ont également été envoyés à des gens qui sont en prison, à l'étranger ou au paradis.

Non seulement Paul Martin a envoyé l'argent aux mauvaises personnes, mais il a court-circuité le Parlement pour ce faire.

Normalement, il n'y a que deux façons pour le gouvernement d'envoyer de tels chèques, soit en tant que dépense approuvée par le Parlement ou en tant que mesure fiscale approuvée par le Parlement. Dans les deux cas, le gouvernement devrait présenter un projet de loi. Il devrait répondre à des questions difficiles comme: «Pouvez- vous nous assurer qu'aucun chèque ne sera envoyé à une personne dont l'adresse est le pénitencier de Kingston?»

Cependant, étant donné que le Parlement a été dissout à la suite du déclenchement des élections, la porte s'est ouverte pour une troisième voie — l'utilisation de mandats spéciaux de dépenses. Ils sont censés être utilisés pour des dépenses urgentes qui ne peuvent attendre le rappel du Parlement, comme dans le cas d'une guerre ou d'une inondation. Le Cabinet libéral a approuvé ces mandats le 12 décembre 2000.

On désirait initialement que ces paiements soient traités comme s'il s'agissait d'un crédit en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Toutefois, ces paiements ont plutôt été versés à titre gracieux, essentiellement un geste de bienveillance posé dans l'intérêt du public. Il était trop contraignant de présenter un projet de loi au Parlement.

La vérificatrice générale a fortement critiqué le processus et, dans son rapport de décembre 2001, elle a précisé ce qui suit:

Nous déplorons que le contrôle parlementaire sur cette initiative ait été amoindri, le gouvernement ayant choisi un processus d'autorisation dans lequel le Parlement n'intervenait pas. Le gouvernement a jugé important de verser tôt l'allocation, et comme le Parlement était alors dissout, les moyens pour ce faire étaient restreints.

Nous comprenons l'importance de verser tôt l'allocation aux personnes qui en avaient un urgent besoin. Toutefois, le ministère savait, depuis le 13 décembre 2000, que le Parlement reprendrait ses travaux le 29 janvier 2001... À notre avis, en retardant le versement de six semaines tout au plus, le gouvernement aurait pu, sans pour autant compromettre la réalisation de ses objectifs, donner au Parlement la possibilité de débattre et d'approuver l'affectation de deniers publics avant que ceux-ci ne soient dépensés.

Lorsque la vérificatrice générale a présenté son rapport, Paul Martin ne s'est pas présenté à la Chambre des communes. À l'occasion de l'émission The World at Six du 5 décembre 2001, le journaliste Anthony Germain, de la CBC, a déclaré ce qui suit:

La personne responsable était Paul Martin. Toutefois, il n'a répondu à aucune question concernant le problème des remboursements, le ministre des Finances étant occupé à rédiger le budget qui sera présenté la semaine prochaine. En dépit de l'état d'esprit qui anime le Parlement, Paul Martin devra répondre à une question plus sérieuse. Cette semaine, l'érosion du pouvoir de contrôler les dépenses par le Parlement est le thème du rapport de la vérificatrice générale. Sheila Fraser souligne que Martin a donné le feu vert à ce programme de 1,4 milliard de dollars sans consulter le Parlement.

Jim Peterson, ministre en second des Finances, a répondu à la place de Paul Martin. Le 4 décembre 2001, il a fait à la Chambre des communes la déclaration suivante:

D'accord, il y a eu des anomalies, mais ce fut un sacré bon programme.

De toute évidence, les libéraux ne tirent pas de leçon de leurs erreurs.

(Sur la motion du sénateur Stratton, au nom du sénateur Gustafson, le débat est ajourné.)

[Français]

(1640)

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

MOTION VISANT À RENVOYER AU COMITÉ LA RÉSOLUTION DE BERLIN DE 2002 DE L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DE L'ORGANISATION POUR LA SÉCURITÉ
ET LA COOPÉRATION EN EUROPE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Grafstein, appuyée par l'honorable sénateur Joyal, c.p.,

Que la résolution suivante, qui renferme la résolution de l'OSCE (PA) mise de l'avant à Berlin en 2002, soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères pour étude et rapport avant le 30 juin 2003:

Attendu:

que le Canada est un pays fondateur de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de l'accord d'Helsinki de 1975;

que tous les États membres de l'accord d'Helsinki ont affirmé leur respect du droit des individus qui appartiennent à une minorité nationale d'être égaux devant la loi et de bénéficier pleinement des droits humains et des libertés fondamentales et que les États membres reconnaissent que c'est là un élément essentiel de la paix, de la justice et du bien- être nécessaires pour assurer le développement de relations amicales et de la coopération entre les individus et les États membres;

que l'OSCE a condamné l'antisémitisme dans le Document de clôture Copenhague 1990 et a pris les mesures nécessaires pour protéger les individus contre la violence antisémite;

que le Document de clôture Lisbonne 1996 de l'OSCE a réclamé la mise en œuvre améliorée de tous les engagements humanitaires, en particulier ceux concernant les droits de la personne et les libertés fondamentales et a exhorté les États membres à combattre le grave problème de l'antisémitisme;

que dans la Charte de 1999 sur la sécurité européenne, le Canada et d'autres États membres se sont engagés à combattre les violations des droits de la personne et des libertés fondamentales, y compris la liberté de pensée, de conscience, de religion et de croyance, et les manifestations d'intolérance, de nationalisme agressif, de racisme, de chauvinisme, de xénophobie et d'antisémitisme;

que le 8 juillet 2002, lors de son assemblée parlementaire tenue au Reichstag, à Berlin (Allemagne), l'OSCE a adopté à l'unanimité une résolution (ci-jointe) condamnant les actes antisémites commis actuellement sur le territoire de l'OSCE;

que la résolution de Berlin de 2002 a appelé tous les États membres à reconnaître publiquement la violence exercée à l'encontre des juifs et des propriétés culturelles juives comme étant de la violence antisémite, et à dénoncer avec vigueur ces actes de violence;

que la résolution de Berlin de 2002 a exhorté tous les États membres à combattre l'antisémitisme en demandant aux autorités locales et nationales d'appliquer sévèrement la loi;

que la résolution de Berlin de 2002 a appelé les États membres à réitérer l'importance de la lutte contre l'antisémitisme en explorant des moyens efficaces pour prévenir l'antisémitisme et en s'assurant que les lois, les règlements, les pratiques et les politiques sont conformes aux engagements de l'OSCE à l'égard de l'antisémitisme;

que la résolution de Berlin de 2002 a aussi encouragé les délégués de l'assemblée parlementaire à condamner avec force et sans condition les manifestations de violence antisémite dans leurs pays respectifs;

qu'une augmentation alarmante des incidents et de la violence antisémites a été observée au Canada, en Europe et ailleurs dans le monde.

Annexe

RÉSOLUTION SUR LA VIOLENCE ANTISÉMITE SUR LE TERRITOIRE DE L'OSCE

Berlin, 6-10 juillet 2002

1. Rappelant que l'OSCE, en élaborant le document de Copenhague de 1990, a figuré parmi les organisations qui ont réussi à obtenir de la communauté internationale qu'elle condamne publiquement l'antisémitisme;

2. Notant que tous les États participants, comme indiqué dans le Document de Copenhague, s'engagent à «condamner sans équivoque» l'antisémitisme et à prendre des mesures efficaces pour protéger les personnes contre tout acte de violence antisémite;

3. Rappelant le Document de Lisbonne 1996, qui met en lumière «l'approche globale» de la sécurité adoptée par l'OSCE, appelle à «des progrès en matière d'exécution de tous les engagements intéressant la dimension humaine, eu égard en particulier aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales», et engage les États participants à s'attaquer aux «problèmes aigus», tels que l'antisémitisme;

4. Réaffirmant la Charte de sécurité européenne adoptée à Istanbul en 1999, qui engage les États participants à «contrer les menaces pour la sécurité que constituent les violations des droits de l'homme et des libertés fondamentales, y compris de la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de conviction, et les manifestations d'intolérance, de nationalisme agressif, de racisme, de chauvinisme, de xénophobie et d'antisémitisme»;

5. Reconnaissant que le fléau de l'antisémitisme n'est pas propre à un quelconque pays, et invitant les États participants à faire preuve d'une persévérance inébranlable à cet égard;

L'Assemblée parlementaire de l'OSCE

6. Condamne sans équivoque l'inquiétante recrudescence de la violence antisémite sur tout le territoire de l'OSCE;

7. Se déclare vivement préoccupée par la récente recrudescence d'actes de violence antisémites, des personnes de religion juive et le patrimoine culturel juif ayant fait l'objet d'attaques dans de nombreux États participants de l'OSCE;

8. Demande instamment aux États qui s'engagent à restituer les biens confisqués à leurs propriétaires légitimes ou à défaut de les indemniser, de veiller à ce que leurs programmes de restitution et d'indemnisation soient mis en oeuvre de façon non discriminatoire et conformément aux règles du droit;

9. Reconnaît les efforts louables déployés par de nombreux États post-communistes pour réparer les injustices commises par les précédents régimes en ce qui concerne le patrimoine religieux, étant entendu qu'il reste dans l'intérêt de la justice beaucoup à faire à cet égard, notamment pour ce qui est de la restitution des biens individuels et collectifs ou de l'indemnisation correspondante;

10. Consciente du danger que représente la violence antisémite pour la sécurité européenne, compte tenu en particulier de la tendance à une intensification de la violence et des attaques dans toute la région;

11. Déclare que les événements sur la scène internationale ou les questions politiques ne justifieront jamais la violence à l'égard des juifs ou toute autre manifestation d'intolérance, et que cette violence fait obstacle à la démocratie, au pluralisme et à la paix;

12. Demande instamment à tous les États de faire des déclarations publiques reconnaissant que la violence à l'égard des juifs et du patrimoine culturel juif constitue un acte d'antisémitisme, et de diffuser des déclarations publiques condamnant fermement les déprédations;

13. Invite les États participants à faire en sorte que les administrations locales et nationales appliquent la loi avec fermeté, notamment en enquêtant sur les actes criminels antisémites, en appréhendant leurs auteurs, et en engageant les poursuites pénales et les procédures judiciaires appropriées;

14. Demande instamment aux États participants d'accorder davantage d'importance à la lutte contre l'antisémitisme en organisant un séminaire de suivi ou une réunion sur la dimension humaine en vue d'étudier des mesures efficaces pour prévenir l'antisémitisme, et à faire en sorte que leurs lois, règlements, pratiques et politiques soient conformes aux engagements pertinents pris au titre de l'OSCE face à l'antisémitisme; et

15. Encourage tous les représentants à l'Assemblée parlementaire à condamner énergiquement et sans réserve les manifestations de violence antisémites dans leurs pays respectifs et au sein de toutes les instances régionales et internationales.—(L'honorable sénateur LaPierre).

L'honorable Laurier L. LaPierre: Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer la motion du sénateur Grafstein, à savoir que l'antisémitisme est devenu une sorte de maladie dans notre pays.

[Traduction]

Cela sape notre vitalité et notre force et met en péril de nombreux aspects de notre vie à l'échelle internationale et nationale.

Selon moi, cette motion ne devrait pas être renvoyée au Comité des affaires étrangères, mais elle devrait plutôt être dirigée vers le Comité des droits de la personne, car il s'agit essentiellement d'une question de droits de la personne. Toutefois, je m'incline devant la sagesse du sénateur Grafstein.

[Français]

Depuis le 11 septembre 2001 — cette fameuse date que nous n'oublierons jamais — nous avons vu l'évolution du racisme dans notre pays.

[Traduction]

Nous avons été témoins d'une croissance généralisée du racisme dans notre pays. Quelques jours après les attentats du 11 septembre, un temple indou, à Hamilton, a été complètement détruit par un incendie. Depuis, les membres de nombreuses minorités, en particulier de foi islamique, ont été la cible d'injures, d'insultes et d'agressions physiques. Ici même, à Ottawa, un jeune arabe a subi de graves blessures à la suite d'une agression survenue quelques semaines seulement après le 11 septembre. Tous ces actes qui ont été commis après le 11 septembre sont-ils symptomatiques de l'apparition d'un mode de vie?

J'agis comme animateur dans le cadre du forum sur la culture et la diversité. La secrétaire, Mme Augustine, parle de racisme systémique dans notre pays. Ce genre de racisme semble se répandre davantage de jour en jour chez nous. Qu'il vise un Noir, un arabe, un autochtone ou un juif, le racisme est le même et n'a pas sa place dans notre beau pays. L'un des honorables sénateurs, que je respecte beaucoup, me disait l'autre jour qu'il a participé à une consultation au sujet du rôle des minorités visibles au sein de la fonction publique fédérale. On lui a dit que les Noirs ne font pas de bons gestionnaires. Lorsqu'il a demandé pourquoi, on lui a répondu qu'ils sont incapables de faire de bons exposés en format PowerPoint. Je crois, pour ma part, que toute la fonction publique devrait être remplacée par des Noirs s'ils sont incapables de faire des exposés en PowerPoint, car c'est le sujet de discussion le plus ennuyeux qui soit.

Je cite cet exemple pour illustrer la situation actuelle. Pendant que nous étions en vacances, les journaux ont rapporté un accroissement considérable du nombre d'actes d'antisémitisme au Canada. Pourquoi? Je suis issu d'une culture, d'un milieu qui prônait l'antisémitisme et le considérait presque comme naturel. Je priais pour que les juifs voient la lumière. Je priais pour que nous puissions les empêcher de jouer un rôle dans notre société. Nous priions pour que vienne le jour où tous les juifs seraient convertis, ce qui résoudrait définitivement la question. Nous avons fait la même chose à l'égard des autochtones. Nous étions convaincus qu'il suffisait de les envoyer dans des écoles catholiques romaines pour qu'ils deviennent semblables à nous. Dieu merci, cette politique a échoué!

Pour toutes ces raisons, je m'écoute moi-même et j'écoute mon collègue d'en face. Ses paroles m'ont ému. J'ai aussi été ému par la résolution qui a été adoptée par cette association à l'occasion de cette réunion à laquelle il a participé. Lorsque je m'interroge sur les causes de la montée de l'antisémitisme, on me répond que c'est dû au fait qu'Israël se montre trop dur à l'égard des Palestiniens et n'adopte pas une attitude humanitaire. Ce ne sont ni des raisons ni des causes. Par ailleurs, honorables sénateurs, le fait que de nombreuses organisations juives qualifient d'antisémite quiconque remet en question les moyens utilisés par Israël pour assurer sa sécurité n'aide pas non plus à améliorer la situation.

Je suis Canadien et depuis que je suis en mesure de réfléchir à ce genre de choses par moi-même et que je n'ai plus peur d'être battu par une religieuse, j'ai toujours cru qu'un jour le peuple israélien finirait par s'installer chez lui. Cet été, dans le cadre d'un voyage de retour aux sources en Israël, deux jeunes amis d'un ami à moi se sont rendus en Israël. Je leur ai demandé de glisser une petite note dans le Mur des lamentations, dans laquelle je m'excusais pour la période de ma vie au cours de laquelle j'ai pensé que les juifs étaient des gens dangereux. Je ne veux plus de telles pensées. Je n'en veux réellement plus. Israël doit exister. Israël a fondamentalement le droit d'exister et il a le droit de défendre son existence. On ne peut s'en sortir. Ceux qui sont devenus antisémites en raison des droits de la personne qui ont été défendus par Pearson et le Canada depuis 1948 ne rendent aucunement service à leur pays.

[Français]

Honorables sénateurs, il faut absolument une prise de conscience. Aujourd'hui, on parle d'antisémitisme.

[Traduction]

Demain, nous parlerons d'un autre aspect du racisme qui existe et qui a des répercussions sur nous. Le Canada est un pays extraordinaire. Il n'y a pas de place pour ce genre de choses chez nous. C'est le pays de la diversité. La diversité fait partie intégrante de la citoyenneté; c'est une valeur fondamentale de notre pays. C'est d'être Canadien que d'y faire honneur. C'est la raison pour laquelle nous avons des lois contre le racisme, mais ce genre de choses a tendance à se propager en dépit des lois. En fin de compte, nous devons penser globalement et agir localement. Nous devons écouter notre coeur et condamner toute personne, même s'il s'agit de nos amis, des professeurs de nos enfants ou autre, qui ose contester la validité de la religion, de la race ou de la couleur d'une personne, tout particulièrement dans le cas des Israéliens qui ont déjà suffisamment souffert et qui n'ont pas besoin de subir en plus l'humiliation de l'antisémitisme.

L'honorable Marcel Prud'homme: Le sénateur LaPierre accepterait- il de répondre à une question?

Le sénateur LaPierre: Me reste-t-il du temps? J'écouterai la question du sénateur, mais je lui demanderais de ne pas faire de discours parce que cela m'ennuie.

Son Honneur le Président: Il vous reste huit minutes.

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, le sénateur a parlé de 1948. Je suis d'accord, puisque que j'ai une motion qui suit la vôtre. Vous êtes au courant de la responsabilité assumée par le Canada le 29 novembre 1947. Par un vote de 33 contre 10, le Canada a été nommé facilitateur, avec M. Pearson, alors sous- ministre, pour la résolution 181, qui a été rédigée par le juge Wren, de la Cour suprême du Canada, l'un des rédacteurs. Le vote a été de 33 contre 10.

Le sénateur LaPierre: J'étais au courant. J'étais né à ce moment-là.

Le sénateur Prud'homme: Vous avez parlé de 1948.

Le sénateur LaPierre: C'est de l'esprit du pays que je veux parler. Notre pays s'est toujours rangé du côté de Lester Pearson et de ceux qui ont appuyé cette intervention.

Aujourd'hui, j'ai fait mon temps, mais lorsque j'étais célèbre et que j'avais une émission à la télévision, j'ai parcouru le pays pour recueillir des fonds pour les universités en Israël, pour la culture des arbres en Israël. Par conséquent, je suis heureux. C'est ma contribution. J'ai peut-être oublié la date, mais je suis un vieil homme, et les vieux vivent dans leurs rêves, et leurs rêves vivent dans leur coeur. Merci beaucoup. Cela suffit.

(Sur la motion du sénateur Stratton, au nom du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

(1650)

TRANSPORTS ET COMMUNICATIONS

MOTION AUTORISANT LE COMITÉ À ÉTUDIER L'INDUSTRIE DES MÉDIAS—MOTION D'AMENDEMENT—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Gauthier,

Que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, l'état actuel des industries de médias canadiennes; les tendances et les développements émergeants au sein de ces industries; le rôle, les droits, et les obligations des médias dans la société canadienne; et les politiques actuelles et futures appropriées par rapport à ces industries; et

Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le mercredi 31 mars 2004.—(L'honorable sénateur Stratton).

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je tiens aujourd'hui à vous parler de la motion présentée par le sénateur Fraser le 26 novembre 2002, demandant un ordre de renvoi pour autoriser le Comité permanent des transports et des communications du Sénat à étudier un certain nombre de questions liées aux médias au Canada. Par souci de brièveté, je crois que l'objet de l'examen proposé par le sénateur Fraser vise à permettre au comité d'étudier pratiquement tous les éléments du rôle joué par les médias dans la société canadienne.

De ce côté-ci de la Chambre, nous ne nous opposons pas, en principe, à une étude du rôle des politiques publiques et de la façon dont elles peuvent faire en sorte que les médias d'information canadiens préservent leur vigueur, leur indépendance et leur diversité. Nous nous opposons cependant au vaste mandat sollicité par le sénateur Fraser. Nous pourrions envisager une étude ciblée portant sur des questions précises liées à l'indépendance et à la diversité et au lien avec les politiques publiques. Comme le sénateur Kinsella l'a dit quand il a qualifié de trop vaste le mandat sollicité par le comité, «une étude sur tout en général est une étude sur rien en particulier».

Quand elle a décrit les questions auxquelles cette étude pourrait répondre, madame le sénateur Fraser a dressé une liste de sujets qui prendrait des lustres à couvrir. J'ai ici un certain nombre de citations: «Les Canadiens continuent-ils à recevoir la qualité et la diversité de nouvelles et d'informations dont ils ont besoin?» «Comment pouvons-nous être sûrs que les Canadiens auront accès à des nouvelles et à des informations présentées selon le point de vue de notre pays par des Canadiens?» «Comment pouvons-nous être sûrs que les actualités canadiennes ne seront pas noyées par les voix du reste du monde, notamment des États-Unis?» «Y a-t-il des éléments de la politique publique qui pourraient ou qui devraient être modifiés pour régler les problèmes nouveaux créés par les réalités nouvelles?»

Étudions la concentration des médias, si nous le devons, mais au moins soyons raisonnables quant à ce que nous entreprenons de manière à faire un travail crédible, comme nous le faisons d'habitude dans les dossiers de ce genre. Dans son intervention, le sénateur Kinsella a énuméré d'autres sujets qui pourraient former la base de cette étude: l'importance croissante d'Internet; la perte possible de notre souveraineté en raison des progrès technologiques; l'utilisation d'antennes paraboliques. Chacun de ces sujets pourrait à lui seul constituer la base d'une étude distincte. Sommes-nous en train de créer une société à deux vitesses quant à l'accès à l'information et aux médias?

Avant d'aller plus loin, j'aimerais revenir sur les événements du printemps et du début de l'été 2002, à la suite desquels on a demandé au comité d'entreprendre cette étude. Les propriétaires de CanWest avaient exigé que des éditoriaux appuyant le Parti libéral paraissent dans tous leurs journaux. Le contrôle par les propriétaires du contenu éditorial est devenu apparent pour tous quand l'éditeur de longue date du Ottawa Citizen, Russell Mills, a été mis à la porte. Il fut congédié pour avoir dénoncé ce contrôle éditorial et pour avoir publié des articles critiquant le gouvernement dans le journal CanWest dont il était éditeur. Son congédiement a été universellement condamné. Fait intéressant, depuis son congédiement et le scandale public qui a suivi, il n'y a pas eu d'autre cas de ce genre de contrôle éditorial ou d'ingérence de la part des propriétaires, du moins pas aussi évident.

Est-ce que cela signifie que le marché, ou la colère du public, est un outil efficace pour régler ce genre de situation? Le gouvernement a-t-il un rôle à jouer? Quand le gouvernement intervient pour garantir la liberté de la presse, ne nous engageons-nous pas sur une pente dangereuse qui pourrait conduire au contrôle de la presse ou des médias par le gouvernement?

Comme l'a dit quelqu'un au Sénat, si ce congédiement avait eu lieu dans un autre secteur, il n'aurait probablement pas provoqué de réaction. Pourquoi est-ce que cela devrait donc être différent? Laissons le public décider.

Nous, décideurs publics, que devrions-nous faire pour protéger le marché des idées et nous assurer que le public entend différentes voix et opinions pendant la couverture des événements locaux, nationaux et mondiaux?

La réponse à laquelle nous, de ce côté-ci, sommes arrivés consiste à mener une étude ciblée et dans un délai limité. J'estime qu'un mandat approprié serait le suivant:

Étant donné les changements survenus dans les médias ces dernières années — notamment la mondialisation, les modifications technologiques, la convergence et la concentration de la propriété — le comité permanent devrait examiner le rôle que devrait jouer la politique gouvernementale pour aider à assurer que les médias d'information canadiens demeurent sains, indépendants et diversifiés.

Voici une liste d'enjeux et de questions que le comité pourrait examiner dans le cadre de son étude:

1. Quels sont les principaux progrès ou tendances clés? Dans quelle mesure les progrès qui sont réalisés au Canada sont- ils propres à notre pays? Dans quelle mesure les expériences sont-elles communes à de nombreux autres pays?

2. Comment les progrès ont-ils touché ou risquent-ils de toucher des éléments d'intérêt public?

3. Quels mécanismes existent pour protéger et promouvoir l'intérêt public au Canada et à l'étranger?

4. Quel rôle le gouvernement devrait-il jouer et quelles devraient être les responsabilités des médias?

5. Qu'en est-il de l'accès?

Après tout, nous avons Internet et, pourtant, nous avons un système à deux paliers: certains y ont accès et d'autres non.

Cette étude porterait clairement sur les possibilités offertes par la politique gouvernementale pour que les Canadiens continuent d'entendre les différents points de vue que leur garantit désormais la Charte canadienne des droits et libertés. L'étude serait appuyée par une recherche sur la situation actuelle de la propriété des organes d'information et des règles d'autoréglementation établies par les médias. Des statistiques sur les lecteurs, les auditoires, les bénéfices et la propriété seraient recueillies.

Les audiences du comité pourraient débuter ici, à Ottawa, et des experts traiteraient de la liberté des médias, du rôle des médias au XXIe siècle et de l'aspect commercial des médias. On entendrait des organismes de réglementation, comme le CRTC et le Bureau de la concurrence, ainsi que des ministères fédéraux et des conseils de presse intéressés. Nous entendrions aussi des représentants des propriétaires, des écrivains, des travailleurs, des annonceurs et des groupes de défense des consommateurs.

Le 14 février 2003, l'Institut d'études canadiennes de l'Université McGill a tenu une conférence intitulée «Les journalistes ont-ils perdu le contrôle?» Que pouvons-nous tirer de cette conférence? En fin de compte, le comité pourrait au besoin tenir des audiences dans tout le Canada afin d'entendre diverses opinions.

Grâce à la technique de la vidéoconférence, nous pourrions apprendre comment d'autres gouvernements règlent ces problèmes de politique publique. Par exemple, l'opinion d'experts américains, britanniques, français et allemands serait utile. Nous croyons que tout cela pourrait se faire au cours du prochain exercice financier et que nous pourrions présenter un rapport au milieu de l'hiver 2004.

(1700)

Déterminons si la politique publique peut jouer un rôle dans le secteur de la concentration des médias et cela, tout en faisant preuve de discipline et en ménageant l'argent des contribuables.

Honorables sénateurs, comme personne n'a encore cerné cette définition à large portée qui existe depuis très longtemps, il faudra le faire. On en a beaucoup parlé, mais rien n'a encore été fait.

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable Terry Stratton: Par conséquent, je propose, appuyé par l'honorable sénateur Lynch-Staunton:

Que le mandat du Comité sénatorial permanent des transports et des communications pour son examen de l'état actuel des industries de médias canadiennes soit modifié par la suppression des mots qui suivent le mot «autorisé» et l'ajout de ce qui suit:

«à examiner le rôle approprié des politiques publiques pour faire en sorte que les médias d'information au Canada préservent leur vigueur, leur indépendance et leur diversité, étant donné les changements survenus dans les médias au cours des dernières années, notamment la mondialisation, les progrès technologiques, la convergence et la concentration de la propriété; et

Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le mercredi 31 mars 2004.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Plaît-il aux sénateurs d'adopter la motion d'amendement?

L'honorable Joseph A. Day: Honorables sénateurs, je conteste l'amendement proposé. Je voudrais exposer les raisons pour lesquelles j'exhorte les sénateurs à le rejeter.

Mon collègue a lu presque mot pour mot le projet de document de travail que nous avons mis au point après avoir pris à coeur les observations présentées par le sénateur Kinsella il y a quelque temps, soit le 5 décembre, je crois. Après avoir examiné attentivement ses propos, le comité s'est demandé s'il fallait modifier la formulation de la motion. Le comité, qui était composé de quatre sénateurs de l'opposition et de huit sénateurs ministériels, a approfondi la question et a mis au point un projet de document de travail, qui nous fournit manifestement l'approche dont nous avions besoin.

Les remarques du sénateur Kinsella nous ont aidés, mais nous n'avons pas jugé opportun de modifier le libellé de la motion. Nous avons montré l'ébauche de notre plan de travail au sénateur Kinsella et au sénateur Stratton, et l'amendement que ce dernier propose reprend bien des mots contenus dans notre plan de travail.

Honorables sénateurs, les membres du Comité permanent des transports et des communications s'entendent à l'unanimité pour dire que le libellé de la motion dans sa forme actuelle est adéquat. Nous sommes impatients d'amorcer cette étude. J'exhorte les honorables sénateurs à rejeter l'amendement et à ensuite appuyer la motion.

L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, je veux expliquer au sénateur Stratton pourquoi je voterai contre sa motion d'amendement. À certains égards, je pense qu'elle a pour effet d'élargir au lieu de circonscrire l'ordre de renvoi, mais ce qui m'inquiète le plus dans tout cela, c'est qu'elle concentre l'étude sur les médias d'information, pour ne pas dire qu'elle la limite à cette question. Cette étude ne doit pas se limiter à cette question ou aux problèmes de concentration, car la communication de nos histoires et la diffusion de nos arts et de notre culture sont au moins tout aussi importantes que la question des médias d'information et de leur concentration. J'estime que le libellé actuel de la motion est mieux adapté à la tâche que nous devons entreprendre.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, j'ai participé à des débats de cette nature dans le passé. En ce qui concerne l'amendement dont nous venons d'être saisis, je voudrais demander l'ajournement du débat à mon nom. Je ne retarderai probablement pas le débat plus tard que demain, mais je pense que nous avons besoin de plus de temps, car il s'agit d'une question très importante.

L'honorable Laurier L. LaPierre: L'honorable sénateur a eu depuis décembre pour y réfléchir.

Le sénateur Prud'homme: Je sais, mais en démocratie, on peut dire oui ou non et trancher la question. Il ne faut pas s'exciter.

J'ai demandé si j'ai le consentement de la Chambre; si je ne l'ai pas, la question est réglée. Je voudrais que le débat soit ajourné à mon nom. Il ne s'agit pas d'avoir raison de la motion. Je veux comprendre le sens de l'amendement. Le sénateur l'a très bien expliqué. Il ne partage pas du tout l'avis du sénateur Banks. Je pense qu'un jour de réflexion de plus ne ferait de mal à personne. Je promets de prendre la parole demain. Si je ne le fais pas, nous adopterons ce dont nous sommes saisis.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le sénateur Prud'homme, appuyé par le sénateur Stratton, propose d'ajourner le débat sur la motion d'amendement jusqu'à la prochaine séance du Sénat.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que les honorables sénateurs qui sont en faveur de la motion visant à ajourner le débat veuillent bien dire oui.

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Que les honorables sénateurs qui sont contre la motion visant à ajourner le débat veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les oui l'emportent. Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

[Français]

LES NÉGOCIATIONS AVEC LES INNUS (MONTAGNAIS) DU QUÉBEC

INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Aurélien Gill, ayant donné avis le jeudi 13 février 2003:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur les enjeux de l'approche commune (les négociations) avec les Innus (Montagnais) du Québec, le Québec et le Canada concernant les débats en cours.

(1710)

— Honorables sénateurs, je crois de mon devoir de sénateur de vous informer des enjeux et des débats relatifs à la nouvelle entente que les gouvernements du Canada et du Québec négocient actuellement avec une partie de la nation innue, les Montagnais. Ces négociations, qui ont débuté dans les années 1975, visent à établir un gouvernement innu et un nouveau type de relations avec les autres paliers de gouvernement. Depuis presque 30 ans, l'objectif fondamental des Innus est toujours demeuré le même: assumer leurs responsabilités et améliorer leur condition afin de pouvoir vivre dans la dignité. Pour ce faire, il était nécessaire qu'ils obtiennent d'abord la reconnaissance de leurs droits ancestraux. Il fallait ensuite négocier une formule de partage qui tiendrait compte de la réalité actuelle tout en conservant, selon les droit acquis, des territoires en propre.

D'autres parties de territoires également assujetties aux droits ancestraux devaient en toute légitimité permettre certains usages par les Innus ainsi que des droits de regard et des redevances dans l'exploitation des ressources. Après 28 ans de travail et de laborieuses discussions interrompues à quelques reprises, voici que les Innus sont en bonne voie de signer une entente qui leur permettra de jeter les bases de leur autonomie gouvernementale. Ce faisant, ils mettront un terme à des dizaines d'années de tutelle du ministère des Affaires indiennes. Ils feront enfin tomber les murs de la honte qui les enclavaient dans des réserves. Les Innus pourront à nouveau décider eux-mêmes et se reprendre en charge dans tous les domaines. Ils pourront s'assumer socialement et économiquement en tant que peuple grâce à l'implantation, entre autres, d'un système fiscal adéquat.

Cette perspective qui honorera la reconnaissance des droits des premiers peuples était déjà présente dans la Proclamation royale de 1763. Elle a été réitérée explicitement en 1982 et elle devrait faire la fierté des Québécois et des Canadiens. Elle soulève malheureusement la controverse et donne lieu à des opinions et à des positions souvent désastreuses.

Honorables sénateurs, cette situation, bien qu'elle se manifeste actuellement dans un coin du pays en particulier, concerne pourtant tous les Canadiens. En réalité, elle n'est que le reflet des attitudes négatives combien de fois répétées au pays lorsqu'il s'agit de conclure des ententes particulières avec les Autochtones. Ces ententes, pourtant, ne visent qu'à rendre effective et à appliquer la justice sociale. C'est ce que le droit constitutionnel exige à l'égard des premiers peuples du Canada.

[Traduction]

À cet égard, j'ai pris connaissance de la position du maire Jean Tremblay, du Saguenay, publiée dans les journaux locaux. Il a présenté un mémoire à la commission parlementaire du Québec au sujet de l'approche commune proposée dans l'entente.

[Français]

Les propos du maire de Saguenay méritent que l'on s'y attarde parce qu'ils présentent une sorte de synthèse des arguments contraires aux intérêts autochtones qui prévalent en ce pays. Ces arguments offensent la réalité canadienne dans l'application des valeurs morales et politiques qui font notre fierté: souci de justice, tolérance, respect des diversités, harmonie, paix. Je veux donc m'en servir devant vous pour illustrer ce que la chose représente à l'échelle canadienne. Cette position, largement médiatisée au Québec, est sans surprise. Elle est conforme aux opinions habituelles des opposants à ce genre d'ententes. Le fond de l'argument consiste à soutenir qu'il ne faut pas créer deux sortes de citoyens ni, non plus, en avantager certains au détriment des autres.

On y affirme que les droits des non-Autochtones seraient menacés mais pas ceux des Autochtones, qu'il est inutile de remonter dans l'histoire et que le principe d'égalité de tous les citoyens prévaut sur tout autre principe qui les diviserait. Il s'agit de l'argument classique des champions des droits individuels de la personne, du droit des 31 millions de citoyens canadiens, sans différence ni exception. Je reste sidéré devant l'éternel retour de cet argument dans un pays comme le Canada car il y a bel et bien des différences, on le sait. Ces différences ont façonné le pays. C'est pourquoi il est juste et nécessaire d'accorder des considérations particulières. Ces particularités se retrouvent dans des droits fondés sur l'histoire de ce pays. C'est une longue histoire que l'on a dû reconnaître lors du rapatriement de la Constitution en 1982.

Les Innus, dont je suis, forment un peuple avec une langue commune, des traditions, une histoire particulière, tristement faite d'injustices et d'abus depuis 200 ans. Ils ont des droits qui doivent s'exprimer d'une façon juste et conforme à leur identité.

[Traduction]

Nos droits en tant que Premières nations du pays ont été reconnus. Il est maintenant urgent que ces droits se concrétisent dans la réalité sociale et politique. C'est la seule façon de corriger les injustices du passé.

[Français]

Or, la position du maire de Saguenay, dans le mémoire déposé par la Ville de Saguenay, équivaut à un déni de notre identité culturelle spécifique, de notre histoire et de nos droits ancestraux. Elle ramène le débat sur un terrain abstrait. On y lit:

On pourrait, par exemple, écouter sans fin des anthropologues discourir sur les aïeux de chacun pour déterminer qui sont les premiers et les vrais aborigènes. En politique, et nous sommes en politique, c'est l'égalité des chances pour les vivants dont nous devons nous préoccuper, sans égard à la race, au sexe ou à d'autres caractéristiques individuelles.

Un pareil argument venant de la bouche d'un Québécois du Saguenay a de quoi surprendre, vous en conviendrez. C'est au nom de l'équité et de la dignité des personnes que les nations autochtones se battent depuis des lunes pour la reconnaissance de leur droit d'exister, selon leur identité, en tant que peuple sur un territoire défini. Le maire de Saguenay invoque la notion de solidarité pour faire valoir l'uniformisation des droits de tous et chacun dans sa région, sans égard à l'existence du peuple innu. Il va même jusqu'à réussir ce tour extraordinairement scandaleux de faire passer des victimes de l'injustice pour des agresseurs privilégiés et voilà qu'il faudrait défendre les droits des Blancs contre les méchants Indiens. On se croirait dans les années 1800, alors qu'on se préparait à parquer les Indiens dans les réserves pour laisser les bonnes terres aux bonnes gens. Ce fut l'histoire au Saguenay-Lac-St-Jean et un peu partout au Canada.

Parler de solidarité pour promouvoir le nivellement des différences au Saguenay-Lac-St-Jean, au Labrador, sur la Côte- Nord du Saint-Laurent, dans l'ouest de l'Ontario ou dans le nord du Manitoba, en Saskatchewan ou n'importe où au Canada est une gifle à la mémoire du pays, une insulte à l'histoire. La vérité est que ce pays a été entièrement construit avec la participation solidaire des Premières nations et des Inuits. Cela s'est fait à leur détriment, sans respect et sans aucun juste retour des choses. Les citoyens de Saguenay et des environs ne peuvent pas nier que les Innus vivent encore aujourd'hui comme des citoyens de seconde zone, dans l'indignité, la pauvreté, la marginalité et la dépendance. Ces malheurs persistent dans la réalité quotidienne de toutes les Premières nations de ce pays. Où était l'équité quand il aurait fallu être solidaire des Indiens qui ont été complètement dépouillés et à qui rien ne restait, au Saguenay comme ailleurs au Canada? Quelles sont les solutions des partisans de la position du maire de Saguenay qui assureraient la sauvegarde de nos identités culturelles, de notre autonomie politique et de notre santé économique? Quelle est, selon cette position, la place du peuple innu dans la région? Le fait est que les Innus, comme tous les autres peuples autochtones du pays, ne dérangent personne tant qu'ils ne disent pas un mot, tant qu'ils acceptent la réserve indienne qu'on leur a assignée et le bien- être social généralisé, tant qu'ils ne soulèvent aucune vague dans le paysage politique régional. Ils peuvent rester dans une sorte d'exception négative à tout jamais et on se justifie en argumentant que ceux qui le veulent peuvent s'en sortir. Ils n'ont qu'à se fondre dans le paysage, un par un, en bons citoyens, sans égard à leurs origines ancestrales, pour ce qu'ils sont profondément, pour leurs aspirations pourtant bien légitimes.

S'ils s'expriment collectivement, alors on dit qu'ils menacent la solidarité, voire la justice. La solidarité de qui et quelle justice? Serait-ce qu'un groupe culturel ayant une identité reconnue par la Constitution de ce pays n'aurait pas le droit de revendiquer quoi que ce soit en tant que groupe particulier? L'argument des opposants ne va-t-il pas jusque-là? Le gouvernement canadien serait dans l'erreur quand il interprète les droits des Autochtones. Ces opposants tentent de rabaisser toujours davantage l'image des peuples autochtones que l'on désigne comme de vulgaires revendicateurs et abuseurs de la charité publique. Comment a-t-on pu en arriver là et d'une manière presque généralisée à travers le pays? Et surtout, pourquoi en sommes-nous toujours là?

Malheureusement, la plupart des Canadiens ignorent très souvent tout des premiers habitants de leur pays, tant sur le plan historique, culturel, économique ou démographique. Comment pourraient-ils comprendre, accepter et assumer le bien-fondé de nouvelles ententes? Comment pourraient-ils porter un jugement éclairé?

[Traduction]

(1720)

Dans ce contexte, d'ici à ce que les manuels et les programmes scolaires de nos jeunes Canadiens expliquent réellement ce que sont nos Premières nations et la place qu'elles occupent en tant que protagonistes dans la réalité sociale, politique et historique de ce pays, cette question ne devrait jamais être abordée, à moins qu'on démontre un constant souci et un véritable effort pour informer convenablement toute la population.

[Français]

Il faut mettre en place les stratégies de communication appropriées. Il faut contrer l'ignorance par des campagnes soutenues d'éducation et d'information, non pas uniquement sur le contenu des ententes mais surtout sur les premiers peuples eux- mêmes d'un point de vue historique et actuel. Tant que l'histoire n'aura pas été rétablie dans sa vérité concernant les premiers peuples, tant qu'ils ne sont pas mieux connus par leurs concitoyens, il leur sera difficile d'être justifié dans l'opinion publique. Les enjeux suscitent trop les passions pour laisser des zones d'ombre. Il faut faire la lumière et être honnête, courageux et intègre. Cette responsabilité revient en premier lieu aux dirigeants politiques. Est-il normal que presque aucun budget de communication ne soit dévolu dans des circonstances aussi importantes pour les premiers peuples? On sait très bien dans les milieux politiques que, dans l'ignorance devant l'inconnu, on réagit bien mal. C'est malheureusement ce qui arrive aux populations désormais confrontées à la réalité des lois des premiers peuples. Elles se réveillent bien tard lorsqu'elles perçoivent des changements et envisagent les conséquences. Alors on veut être consulté et on improvise. On déclare que les Indiens n'existent pas et qu'ils ont trop de droits. Que ce sont de riches parias, des lobbyistes. Faisant fi de toute vérité historique, on ose dire que les Blancs sont à plaindre et que les Indiens ont tout. Ces assertions sont pathétiques. Les premiers peuples ont été dépossédés. Ils ne cherchent ni n'obtiennent aucun privilège. Ils revendiquent seulement, sur la base des droits qu'ils ont, des moyens nécessaires pour se reprendre en charge.

Dans ce contexte, l'égalité que le maire de Saguenay cherche à défendre à tout prix, loin d'être compromise par l'application d'un modèle particulier pour les Autochtones, pourra enfin être établie. Évidemment, nous convenons que les citoyens sont égaux devant l'État. Il y a 31 millions de Canadiens et ils ont les mêmes droits et devoirs. Il s'agit d'un principe fondamental inviolable dans une véritable démocratie. Dans les droits universels, il y a le devoir de considérer certaines différences; c'est le cas des droits des minorités francophones et anglophones dans les provinces qui pointent vers la prédominance de droits collectifs inaliénables. Cela parce que les Français et les Anglais sont considérés comme deux peuples fondateurs. Ici, l'égalité dont parle le maire Tremblay non seulement ne reconnaît pas aux Autochtones la réalité historique incontournable qu'ils sont un peuple fondateur mais en plus les prive de droits collectifs, ancestraux et aborigènes reconnus expressément dans la Constitution rapatriée en 1982.

L'identité culturelle innue a droit de cité dans l'avenir d'une région, d'une province de l'État. En tant que premier peuple, nous avons le devoir d'assumer notre droit de nous gouverner nous- mêmes. De reconstruire notre unité effritée par la loi, par les politiques des Affaires indiennes, par les frontières provinciales, par les compétences distribuées par-dessus nos têtes. Qui sont les Innus? Il faut vouloir répondre à cette question fondamentale. Pourquoi les Innus sont-ils des étrangers au Saguenay-Lac-St-Jean, une terre dont ils ont été dépossédés? Pourquoi sont-ils une menace et une engeance? À moins qu'ils ne soient rien du tout sinon des individus numérotés, des banques fédérales appartenant au gouvernement fédéral, à moins que ces terres n'aient jamais été les leurs et que tout soit de la poudre aux yeux. Il est scandaleux de nier l'existence d'un peuple.

L'avenir est à la reconnaissance, à la correction et à la réparation. L'avenir est au partage des ressources, de l'espace et de la richesse. L'avenir est au partage de l'avenir. Le gouvernement innu est en train de renaître et il faut l'accompagner. Bien sûr, nos leaders le disent, l'approche commune avec une partie du peuple innu est perfectible. Cela ne peut toutefois se réaliser que par et entre des gens de bonne foi. La discussion est ouverte et si le dialogue est au rendez-vous, les solutions seront à notre portée.

Les positions du maire de Saguenay ne sont pas pour promouvoir. Nous devons bien admettre que cette dure réalité est la même presque partout au Canada. On se ferme les yeux, on les ferme sur ses propres intérêts.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Sénateur Gill, je regrette de vous informer que vos 15 minutes sont écoulées.

Le sénateur Gill: Je demande qu'on m'accorde un peu de temps pour continuer.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

[Français]

Le sénateur Gill: J'ai presque terminé. Honorables sénateurs, tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas en ce pays la volonté politique de véritablement reconnaître les peuples autochtones, nous continuerons de les humilier en les considérant comme non existants, comme des ombres au tableau, comme des bandes isolées sous la responsabilité des Affaires indiennes. On étouffera leurs revendications dans le charabia du droit, dans les pointilleux débats juridiques, dans l'éparpillement et dans les idéologies blessantes. Honorables sénateurs, nous ne sommes pas des Indiens des Affaires indiennes, des bandes créées par la Loi sur les Indiens ou des privilégiés de la société. Nous sommes des peuples. L'histoire nous a liés, la bureaucratie nous a écrabouillés, et le gouvernement fédéral nous a séparés, éparpillés, réduits à l'état de réserves indiennes au coeur de nos terres. Les provinces nous ont ignorés, les citoyens canadiens encore plus. Lorsqu'on cherche la vérité concernant les premiers peuples, on découvre ces pitoyables réalités et on les voit au quotidien à l'intérieur même des frontières de ce pays. On ne peut que s'élever fortement contre l'argumentaire malhonnête du maire de Saguenay qui, pour se justifier, choisit d'ignorer la vérité. Sa position est exemplaire par la négative et devrait servir à tous les Canadiens pour illustrer clairement ce qu'il ne faut pas dire ni prétendre ni afficher quand on a collectivement l'intention d'entamer un riche dialogue sur des questions aussi difficiles et aussi importantes.

L'histoire a ses limites. Je reviendrai encore à la charge autant qu'il le faudra devant vous. Reprendre notre juste place dans le paysage n'est pas chose facile. Il faudra travailler beaucoup ensemble car les solutions ne sont pas toutes données et elles ne sont pas toujours simples. Heureusement, je sais que plusieurs parmi vous soutiennent déjà ces démarches pour établir de meilleures relations. D'autres sont également au rendez-vous, certains responsables politiques, les syndicats, les associations et les institutions ont manifesté leur appui. Ceci doit s'étendre à l'opinion populaire, s'incarner dans la vie politique, économique et sociale des premiers peuples du Canada.

À ce sujet, j'ai l'intention très prochainement de vous exposer mes idées sur l'autonomie gouvernementale des peuples autochtones au Canada. Je puis vous assurer que lorsque les premiers peuples auront retrouvé enfin cette autonomie si chère à leur coeur, les citoyens canadiens, loin d'être appauvris, pourront bénéficier d'une richesse insoupçonnée, celle de leurs premiers hôtes devenus librement et pleinement eux-mêmes.

[Traduction]

L'honorable Charlie Watt: Honorables sénateurs, j'aimerais ajourner le débat en mon nom personnel, mais auparavant je voudrais poser quelques questions.

Son Honneur le Président: Sénateur Gill, acceptez-vous de répondre à quelques questions?

Le sénateur Gill: Certainement.

Le sénateur Watt: Honorables sénateurs, j'ai déjà eu à vivre une situation similaire dans le passé, c'est-à-dire que j'ai hérité d'une taxe négociée par des autorités politiques, car c'est ce dont parle ici le sénateur Gill, une question négociée par les gouvernements fédéral et provincial et les représentants de son peuple autochtone. Je sais très bien que ce n'est pas contenu là-dedans. Quelle est la mesure suivante que prendra votre peuple en ce qui a trait à la validation de cet accord à l'échelle provinciale et fédérale? Je parle d'un projet de loi futur qui donnera vie à cet accord. L'honorable sénateur pourrait-il me donner une petite idée de ce qui arrive?

[Français]

Le sénateur Gill: Si je comprends bien le processus et la planification de l'entente, il est absolument nécessaire d'avoir une ratification de cette entente fédérale-provinciale.

(1730)

Le problème est de se rendre jusque-là. La négociation dure depuis très longtemps, 27 ou 28 ans. Le processus est très ardu à suivre pour des gens qui ont parfois plus ou moins les moyens. De plus, ces moyens proviennent la plupart du temps du gouvernement fédéral. Cela ne facilite pas les négociations qui progressent ou ralentissent selon le nombre de difficultés. La même situation s'est produite chez les Inuits et les Cris de la baie James. Nous nous dirigeons vers une entente signée par les gouvernements provincial et fédéral.

[Traduction]

Le sénateur Watt: Du côté des Autochtones, sénateur Gill, cette entente a-t-elle été ratifiée par votre population?

[Français]

Le sénateur Gill: Non, nous étions sur le point de ratifier une entente de principe, mais au moment de la soumettre aux trois parties, énormément de critiques ont été soulevées de la part de la population. Le gouvernement du Québec a alors décidé d'organiser des audiences publiques et de procéder à des études sur les différentes questions contenues dans l'entente de principe. Les ententes ne sont pas signées. Je présume qu'il y aura poursuite des audiences publiques après les élections.

[Traduction]

Le sénateur Watt: Honorables sénateurs, je voudrais ajourner le débat en mon nom. C'est une question sur laquelle les sénateurs devraient se pencher. C'est une situation vécue par les peuples autochtones. Il est donc important que le Sénat l'examine.

(Sur la motion du sénateur Watt, le débat est ajourné.)

FINANCES NATIONALES

AUTORISATION AU COMITÉ D'ENGAGER DU PERSONNEL

L'honorable Terry Stratton, au nom du sénateur Murray, conformément à l'avis du 27 février 2003, propose:

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit habilité à retenir les services de conseillers, techniciens, employés de bureau ou autres éléments nécessaires pour examiner les projets de loi, la teneur de projets de loi et les prévisions budgétaires qui lui ont été renvoyés.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 19 mars 2003, à 13 h 30.)


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