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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

3e Session, 37e Législature,
Volume 141, Numéro 33

Le mardi 27 avril 2004
L'honorable Lucie Pépin, Présidente intérimaire


LE SÉNAT

Le mardi 27 avril 2004

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente intérimaire étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

 

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

QUESTION DE PRIVILÈGE

AVIS

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 43(7) du Règlement du Sénat, je donne avis oral que j'interviendrai plus tard au cours de la séance d'aujourd'hui pour soulever une question de privilège concernant les événements survenus et les décisions prises au cours de la séance du jeudi 22 avril 2004. Plus tôt, aujourd'hui, conformément au paragraphe 43(3), j'ai remis un avis écrit à cet effet, au greffier du Sénat.

Honorables sénateurs, je demande au Président du Sénat de conclure à l'existence d'une question de privilège fondée de prime abord. Si Son Honneur accède à ma demande, je suis disposée à présenter la motion qui s'impose.

LE DÉCÈS DE BEATRICE WATTS

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le Labrador pleure aujourd'hui le décès de Beatrice Watts. Fille de Joe et de Rosie Ford, résidants de Nain, Beatrice Watts a grandi dans cette collectivité où on parlait l'inuktitut et l'anglais. Beatrice était une étudiante douée et est devenue plus tard une enseignante largement respectée. Après avoir occupé le poste de directrice de l'école élémentaire Yale, à North West River, elle a accédé au poste de coordonnatrice des programmes pour le conseil scolaire de l'Est du Labrador. C'est lorsqu'elle occupait ces fonctions qu'elle a conçu et organisé un retour à l'utilisation de l'inuktitut dans les écoles du Nord du Labrador — politique qui a contribué de façon inestimable à la protection de la culture inuite au Labrador. Beatrice a également fait figure de chef de file parmi les femmes inuites dans sa collectivité, North West River, et un peu partout ailleurs au Canada. Récemment, l'association des Inuits du Labrador lui a rendu hommage pour le rôle qu'elle a joué dans le secteur de l'éducation. Auparavant, elle a reçu le prix national du gouverneur général pour la citoyenneté et un doctorat honorifique en droit de l'Université Memorial. Jusqu'au moment où le cancer l'a frappée, elle a été un membre actif de l'équipe dirigeant les revendications territoriales des Inuits du Labrador.

Elle aurait fait une excellente juge car elle n'était pas seulement vive et intelligente, mais aussi éminemment juste et raisonnable dans tout ce qu'elle faisait. Dotée de générosité et de compassion, elle savait pourtant jauger le bon et le mauvais chez les gens et dans les événements. Nous n'allons pas facilement retrouver une personne semblable. Le Labrador a perdu une leader remarquable; North West River a perdu une éminente citoyenne; Ron et ses enfants ont perdu une épouse et une mère chérie et j'ai perdu une bonne amie.

LE COMITÉ D'EXPERTS DE L'ONTARIO SUR LE SRAS ET LA LUTTE CONTRE LES MALADIES INFECTIEUSES

L'honorable Wilbert J. Keon: Honorables sénateurs, j'interviens pour parler brièvement du rapport final du Comité d'experts de l'Ontario sur le SRAS et la lutte contre les maladies infectieuses qui a été publié mercredi dernier, le 21 avril 2004. À mon avis, ce rapport est excellent. J'aimerais féliciter tous les membres du comité et surtout le président, le Dr David Walker, doyen de la faculté des sciences de la santé et directeur de l'école de médecine à l'Université Queen's, ainsi que Gail Peach, sous-ministre adjointe au ministère de la Santé et des Soins de longue durée, et son personnel qui ont rédigé le rapport. Il m'a été très agréable de travailler avec ces personnes au cours de la dernière année.

Le rapport final du Comité d'experts sur le SRAS et la lutte contre les maladies infectieuses ajoute des éléments aux recommandations déjà présentées dans le rapport préliminaire de décembre et il ajoute 50 nouvelles recommandations aux 53 déjà formulées dans ce premier rapport.

Dans ce rapport final, le comité présente une série d'étapes de base considérées comme élémentaires au processus global de renouvellement de la santé publique. Les étapes comportent notamment un processus de mise en place d'une agence de protection et de promotion de la santé pour l'Ontario, la consolidation des infrastructures au palier provincial, ainsi qu'une série de mesures pratiques et progressives requises aux paliers locaux et régionaux. Ces dernières étapes sont nécessaires pour améliorer la préparation des intervenants locaux et leur capacité à assurer une meilleure protection des patients, des prestataires de soins de santé et de la population au quotidien. Le comité envisage essentiellement de créer une nouvelle agence de protection et de promotion de la santé de l'Ontario qui constituera l'un des éléments d'un effort de renouvellement beaucoup plus vaste qui devra s'appuyer sur de grands changements aux niveaux local, régional, provincial, national et même international.

En plus de constituer le point central de notre rapport initial, cette conviction se reflète dans les travaux du Comité consultatif national sur le SRAS et la santé publique, le comité Naylor, du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, et auparavant, de l'enquête sur Walkerton. Tous ces rapports soulignent l'importance de corriger les lacunes dans les fondations des systèmes de santé publics au pays et dans la prévention des infections. Ils ne recommandent pas uniquement de réaffecter les ressources et les fonctions actuelles à une nouvelle structure centrale. Selon le groupe d'experts, si le gouvernement fédéral et les provinces créaient de nouvelles agences de santé publique et qu'ils se contentaient d'y réaffecter les ressources existantes, ils érigeraient une partie de la structure certes, mais ils ne bâtiraient pas les fondations.

Il est réconfortant de constater que les différents rapports sont cohérents et de voir l'esprit de collaboration qui se dessine aux niveaux local, régional provincial, national et international au fur et à mesure que nous allons de l'avant.

(1410)

LA PROTECTION DES LIBERTÉS DANS UNE SOCIÉTÉ DÉMOCRATIQUE

L'honorable W. David Angus: Honorables sénateurs, j'aimerais attirer votre attention sur une citation de l'Américain Noam Chomsky, philosophe, linguiste et défenseur des libertés civiles de renom:

Si nous ne croyons pas à la liberté d'expression pour les gens que nous méprisons, nous n'y croyons pas du tout.

La protection des libertés dans une société démocratique ne se limite pas à protéger uniquement les voix qui nous plaisent et que nous jugeons acceptables; la protection des libertés commence par la défense des voix les plus méprisables. C'est sur ce principe que repose notre société libre et démocratique et c'est en se fondant sur ce principe que nous devons gouverner.

Le problème, lorsqu'il s'agit de lutter pour les libertés et les droits de la personne, c'est que cela commence par la tâche difficile de s'opposer aux lois oppressives qui ont pour premier objectif de réduire au silence ceux qui ont des opinions contraires aux nôtres. Je prétends à nouveau en toute déférence qu'en tant que législateurs, nous devons garder à l'esprit ces principes lorsque nous examinons des mesures législatives et prenons nos décisions en conséquence. Parfois, la voie qui semble la plus facile et la plus acceptable, soit l'imposition de limites aux discours haineux, va en fin de compte limiter la liberté d'expression pour tous.

Comme l'ancien lord juge britannique Hailsham, un regretté membre de la Chambre des lords, l'a affirmé:

La seule liberté qui compte est celle de faire ce que certaines personnes jugent répréhensible. Il est inutile d'exiger la liberté de faire ce que tous approuveront. Toutes les libertés et tous les droits sont des choses qui doivent être affirmées à l'encontre d'autres personnes qui prétendent que si de telles choses sont permises, leurs propres droits seront violés et leurs propres libertés seront menacées. C'est toujours vrai, même lorsque nous parlons de la liberté de culte, du droit à la libre expression, de la liberté d'association ou d'assemblée publique. Si nous devons accorder des libertés à tous, certains se plaindront constamment qu'on abuse de la liberté elle-même ou qu'on l'exerce de façon inacceptable, et si c'est une véritable liberté, ces plaintes seront souvent justifiées. Il est impossible dans une société libre de ne pas avoir d'abus. Les abus sont la marque même de la liberté.

Honorables sénateurs, je vous encourage tous à garder ces principes à l'esprit aujourd'hui et demain dans le cadre de l'étude des points à l'ordre du jour. À cet égard, je voudrais simplement vous rappeler les paroles suivantes qu'on retrouve à l'article 2 de la Loi canadienne sur les droits de la personne de 1977, dont voici un extrait:

[...] le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l'égalité des chances d'épanouissement et à la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins, indépendamment des considérations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, l'état matrimonial, la situation de famille, la déficience ou l'état de personne graciée.

Il s'agit fondamentalement de savoir, honorables sénateurs, si nous préférons vivre dans une société qui est tellement rigide et fondée sur la loi qu'il n'y a pas de place pour la diversité et la souplesse et dans laquelle aucune personne ne peut s'exprimer librement et exercer ses libertés démocratiques ou si nous préférons vivre dans une société qui favorise les divergences d'opinions, qui permet aux gens de jouir de leurs libertés, mais laisse également place aux abus prévisibles dont lord Hailsham a parlé.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Je regrette d'informer le sénateur que son temps de parole est écoulé.

LE SÉNAT

L'EFFET DE LA MOTION VISANT À STATUER SUR LE PROJET DE LOI C-250

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, mercredi dernier, un sénateur a présenté dans cette enceinte une motion extraordinaire. Liée à la motion sur une question précédente présentée par un autre sénateur, cette motion était une motion de clôture, qui est encore plus draconienne que la motion de clôture qui est normalement présentée par le gouvernement au Sénat et qui limite le débat.

Dans la motion du gouvernement, une période de temps est prévue pour le débat, c'est-à-dire deux heures et demie. Puis est présentée une autre motion qui, si elle est adoptée, a pour effet de prolonger le débat de six heures avant le vote.

La motion, qui est inscrite au Feuilleton d'aujourd'hui, est sans doute le fruit de l'irritation ressentie par le sénateur et d'autres du fait qu'un projet de loi qu'ils appuient si fermement n'a pas encore été mis aux voix. Ceux d'entre nous qui retardent la mise aux voix du projet de loi au Sénat représentent une minorité dans cette enceinte, mais près d'une majorité, voire la majorité des habitants de notre pays si les faits étaient connus.

On craint que des élections ne soient déclenchées et que, par conséquent, ce projet de loi meure au Feuilleton. Je n'ai aucune influence là-dessus. Étant donné qu'aucun d'entre nous ne peut déclencher des élections, nous n'avons pas le pouvoir de prendre cette décision, même si certains d'entre nous pourraient exercer plus d'influence. Tout ce que je sais, en tant que sénateur, c'est que les règles protègent la minorité. La dernière fois que j'ai regardé, le bon sénateur qui a présenté cet instrument était aussi membre du groupe minoritaire dont le principal instrument et ami dans cette enceinte lui permettant de faire valoir son point de vue, sa propre capacité exceptée, prenait la forme des règles qu'il a tellement transfigurées par la présentation de cet instrument. Alors qu'elles sont peut-être utiles à sa cause maintenant, il a pris sur lui d'initier une règle sur laquelle le gouvernement a, dans le passé, exercé un monopole, car il ne fait pas de doute dans cette enceinte que son point de vue sur le projet de loi est celui de la majorité, les électeurs du pays n'ayant aucun recours sur sa position privilégiée. Après tout, le ministre est indirectement responsable et, par conséquent, il doit assumer une certaine responsabilité pour ses actes.

Le sénateur St. Germain: Bravo!

Le sénateur Tkachuk: Il a appliqué la loi du plus fort à cet endroit. L'opinion de la majorité l'emportera maintenant haut la main sur l'opinion de la minorité, sans aucun recours de la part du public.

Le sénateur St Germain: C'est honteux.

Le sénateur Tkachuk: Cette forme d'élitisme causera de graves dommages à cette institution, si jamais elle est envisagée. Le problème, pour les parrains de ce projet de loi, n'est pas que nous ayons forcé la prolongation du débat, en raison d'un amendement, c'est plutôt qu'ils craignent que la tenue d'élections tue le projet de loi pour l'instant. Dieu nous en préserve, nous pourrions devoir débattre de cette question devant la nation. Cette tactique utilisée au Sénat pendant sept jours entiers peut difficilement être qualifiée d'obstruction systématique.

 


AFFAIRES COURANTES

LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ NATIONALE

DÉPÔT

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, deux copies d'un document intitulé «Protéger une société ouverte: la politique canadienne de sécurité nationale».

SÉCURITÉ NATIONALE ET DÉFENSE

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, je donne avis qu'à la prochaine séance du Sénat, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à siéger à 17 heures, lundi prochain, le 3 mai 2004, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

 


PÉRIODE DES QUESTIONS

LA CITOYENNETÉ ET L'IMMIGRATION

LE PROCESSUS DE NOMINATION DES MEMBRES DE LA COMMISSION DE L'IMMIGRATION ET DU STATUT DE RÉFUGIÉ

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle a trait à une question que j'ai posée, le mois dernier, au leader du gouvernement au Sénat.

Honorables sénateurs, le 16 mars dernier, la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Judy Sgro, a annoncé un nouveau processus de nomination des commissaires à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, réforme qui était censée éliminer tout favoritisme politique entachant le processus actuel. Le processus avait soulevé énormément de controverses au fil des ans, surtout à la lumière du récent scandale impliquant un juge qui aurait accepté des pots-de-vin.

(1420)

Toutefois, ces dernières semaines, la ministre s'est fondée sur le processus existant et non sur le nouveau processus pour nommer un juge et reconduire le mandat de trois autres juges. Il semble, encore une fois, que les libéraux veulent donner l'impression qu'ils réforment le système, quand le contraire se produit.

J'ai deux questions à poser au leader du gouvernement au Sénat. Pourquoi ces juges ont-ils été nommés selon l'ancien système? Quand le nouveau processus entrera-t-il en vigueur?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Oliver répond en partie à sa propre question. Le nouveau processus n'est pas encore en vigueur. Le gouvernement a annoncé qu'il s'emploierait à créer un nouveau système.

Entre-temps, les opérations gouvernementales se poursuivent. Ces nominations doivent être faites si nous voulons que les opérations gouvernementales se poursuivent sans heurts. Toutefois, le gouvernement travaille sans relâche pour mettre sur pied un nouveau système qui permettra de régler les problèmes dans le domaine de la citoyenneté et de l'immigration.

Le sénateur Olivier: Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire si le ministre s'abstiendra de faire de nouvelles nominations ou renominations à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié d'ici à ce que le processus de sélection soit changé?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, jusqu'à ce que le processus soit changé par le gouvernement ou le Parlement, nous devrons, au besoin, continuer à faire de nominations.

Le sénateur Olivier pourrait toutefois noter qu'il s'agit de nominations à relativement court terme.

LA SANTÉ

LA CHINE—LE SYNDROME RESPIRATOIRE AIGU SÉVÈRE—LE CONTRÔLE DES VOYAGEURS AÉRIENS AU CANADA

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, la semaine dernière, nous avons constaté une résurgence du syndrome respiratoire aigu sévère en Chine, et huit nouveaux cas ont été signalés jusqu'à maintenant. Les responsables de la santé dans ce pays ont rapporté deux cas confirmés de SRAS et six cas suspects. Une personne est décédée et des centaines ont été mises en quarantaine.

Santé Canada aurait demandé aux responsables de la quarantaine de huit aéroports canadiens de faire preuve d'une vigilance accrue pour contrôler les voyageurs en provenance de la Chine en étant attentifs à de possibles problèmes respiratoires. Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire si les voyageurs aériens en partance de Beijing et de la province de Hunan, en Chine, sont contrôlés avant de monter à bord de vols à destination du Canada?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, voici bien entendu une situation qui met tout le système en état de grande alerte. Comme madame le sénateur LeBreton en est consciente, nos responsables de la quarantaine sont déployés dans les principaux aéroports. Ils collaborent avec les agents et le personnel des douanes pour détecter à leur arrivée les voyageurs qui manifesteraient des symptômes.

Nous avons également des surveillants en Chine, qui assurent le suivi de la situation et qui collaborent avec l'Organisation mondiale de la santé et les autorités chinoises.

Le sénateur LeBreton doit être au courant que, pour l'instant, il n'y a eu aucun cas de transmission humaine en ce qui concerne le présent épisode du SRAS. À l'heure actuelle, nous n'avons pas d'agents aux ports de débarquement.

Un des problèmes d'ordre pratique, comme madame le sénateur LeBreton en sera consciente, c'est la multiplicité de ces ports. Il faudrait un nombre faramineux d'agents adéquatement formés, ainsi que la permission des pays hôtes et de leurs systèmes administratifs. Si les sources étaient localisées, il ne fait aucun doute que nous pourrions formuler une requête en ce sens, comme le feraient beaucoup d'autres pays. Il y aurait une sorte d'arrangement aux termes duquel les passagers désirant voyager pourraient être contrôlés.

Je dirai également que les autorités chinoises ont affecté des agents aux aéroports pour contrôler les passagers à destination de l'étranger.

LA MISE EN OEUVRE DU RAPPORT DU COMITÉ CONSULTATIF NATIONAL SUR LE SRAS ET LA SANTÉ PUBLIQUE

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, la réapparition du SRAS en Chine devrait nous rappeler que le Canada devrait à l'avenir veiller à mieux se préparer à répondre aux urgences similaires en matière de santé.

Un rapport publié l'automne dernier par le Comité consultatif national sur le SRAS et la santé publique — présidé par le Dr David Naylor et parrainé par le gouvernement fédéral — présente 75 recommandations qui, dans la plupart des cas, n'ont reçu aucune suite. Les sénateurs siégent au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, ont d'ailleurs apprécié, à ce sujet, le témoignage présenté par le Dr Naylor devant notre comité.

Nombre de ces propositions avaient déjà été présentées dans un rapport fédéral commandé en 1994. Ma question est donc la suivante: quand le gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre les recommandations du rapport Naylor?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, en ce qui concerne la première question du sénateur LeBreton, un certain nombre de mesures recommandées par le Dr Naylor ont été mises en oeuvre.

En ce qui a trait à la création d'une agence de santé publique, je peux donner au sénateur LeBreton l'assurance que cette question fait actuellement l'objet de discussions suivies. Je m'attends à ce que des décisions soient prises sous peu.

LE CONSEIL DU TRÉSOR

LES PRIMES DE RENDEMENT DES HAUTS FONCTIONNAIRES

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, au cours de l'exercice 2002-2003, malgré une série de scandales dans le domaine de la gestion, le gouvernement a versé 43 millions de dollars en primes de rendement à ses plus hauts fonctionnaires. Environ 93 p. 100 de tous les cadres de direction des sociétés d'État ont touché une prime de rendement.

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire pourquoi le gouvernement continue à prétendre qu'il s'agit là de primes de rendement, alors qu'elles sont versées à presque tout le monde?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je m'attendais à une question à ce sujet.

D'après ce qu'on me dit, la pratique veut qu'une partie du traitement d'un haut fonctionnaire, d'un sous-ministre ou d'un sous-ministre délégué soit mise de côté et considérée comme «à risque». Cette partie est versée après l'évaluation du rendement. Autrement dit, si le traitement est de 150 000 $, environ 25 000 $ sont mis de côté et sont «à risque». Leur versement dépend de l'évaluation du rendement.

Pendant la période considérée, ceux qui font ces évaluations ont estimé que 93 p. 100 de ceux qui sont assujettis à ce régime avaient droit à la partie «à risque» de leur traitement. Il ne s'agit pas d'un système de majoration fondé sur des décisions particulières. Cela fait partie du régime de rémunération ordinaire.

Le sénateur Comeau: Honorables sénateurs, étant donné la proportion de 93 p. 100, il fallait vraiment avoir bâclé son travail pour ne pas recevoir le supplément. Quant aux 7 p. 100 qui ont été tellement incompétents qu'ils n'ont pas reçu leur complément de rémunération, le leader du gouvernement au Sénat nous dirait-il combien ont été renvoyés?

Le sénateur Tkachuk: Ils ont reçu une promotion

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, il n'est pas juste de considérer comme incompétents ceux qui n'ont pas reçu cette portion de leur traitement.

Le système est ainsi fait qu'ils ont reçu des services de soutien, des services de consultation, des programmes et une formation pour améliorer leur rendement afin de pouvoir avancer dans leur carrière. Nous ne sévissons pas dès la première fois.

Bien sûr, si le rendement continue de laisser à désirer, j'imagine que le fonctionnaire risque de perdre non seulement cette partie de son traitement, mais aussi son poste.

Je n'ai aucun chiffre à fournir à l'honorable sénateur, et je ne suis pas sûr de pouvoir lui en donner un.

Le sénateur Comeau: Le président du Conseil du Trésor, M. Alcock, a sévèrement critiqué ce système de rémunération. Il a soutenu qu'accorder des primes au rendement à presque tous les cadres de direction fédéraux peut perpétuer la médiocrité — c'est lui qui le dit, pas moi — et peut inciter à ne pas signaler les problèmes et à ne pas faire de vague.

(1430)

Est-ce que le gouvernement prévoit réformer la structure des salaires ou M. Alcock préfère-t-il maintenant des incitatifs qui encourageraient les fonctionnaires, selon ses propres termes, à ne pas signaler les problèmes?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, aujourd'hui, c'est différent. Je suis en mesure d'indiquer au sénateur Comeau que la question de la rémunération fait l'objet d'un examen, sans idées préconçues quant au résultat.

LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET LA PROTECTION CIVILE

LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ NATIONALE—LE CALENDRIER DE MISE EN OEUVRE

L'honorable Michael A. Meighen: Honorables sénateurs, ce matin à l'autre endroit, le gouvernement a enfin présenté sa nouvelle politique de sécurité nationale. En fait, les Canadiens réclament une politique de sécurité depuis les attaques terroristes du 11 septembre 2001, c'est-à-dire il y a maintenant deux ans et demi.

Dans la note d'accompagnement du document, le premier ministre indique que ces attaques ont été une des principales raisons ayant motivé l'élaboration d'une telle politique. Je suis tenté de demander au leader du gouvernement au Sénat la question évidente: qu'est-ce qui vous a pris tant de temps? Cependant, je ne le ferai pas, pour l'instant. Je souligne plutôt que la politique annoncée comporte de nombreuses généralités et, à nouveau, très peu de mesures précises.

Parmi celles-ci, il y a la création, au sein du SCRS, d'un Centre d'évaluation intégrée des menaces. Pour justifier la création de ce centre, les auteurs de la politique font remarquer que des centres semblables existent déjà aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie.

Pourquoi a-t-il fallu autant de temps au gouvernement pour créer un centre qui était nécessaire? Combien de temps faudra-t-il pour qu'il soit en opération? Combien de temps faudra-t-il pour mettre en oeuvre les mesures concrètes nécessaires pour faire face à des menaces telles que le SRAS et les attaques terroristes? Un calendrier a-t-il été établi pour la mise en place de ces mesures? Dans l'affirmative, quel est-il?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le gouvernement actuel est au pouvoir depuis le 12 décembre 2003. Cela fait un peu plus de 140 jours. Je crois que le gouvernement mérite des félicitations pour la célérité avec laquelle il a présenté cette politique sur la sécurité nationale. C'est un document de première importance et le gouvernement accorde la plus grande priorité à ce secteur qui rentre dans ses responsabilités. Le sénateur Meighen devrait se réjouir du document qui a été déposé aujourd'hui. Quand il étudiera le rapport, je crois qu'il s'apercevra qu'il s'agit là d'une contribution impressionnante à la politique de la sécurité nationale.

Je répondrais à la question sur le calendrier en demandant au sénateur Meighen combien de temps il faudra à son parti pour étudier et accepter cette politique pour qu'elle obtienne l'appui des deux partis.

Le sénateur Meighen: Honorables sénateurs, je m'attends à ce que cette question soit soulevée quand nous formerons le gouvernement. Le gouvernement actuel semble s'acharner tellement à déclencher des élections que cela ne nous laissera pas le temps d'étudier cette politique.

Je signalerais, honorables sénateurs, que «le gouvernement actuel», dont parle le leader du gouvernement, a été au pouvoir beaucoup plus longtemps que ce qu'il affirme. Le parti forme le gouvernement depuis un certain nombre d'années maintenant. Il y a eu un changement à la tête du parti, mais c'est tout. Je ne crois pas que le leader du gouvernement puisse fuir la responsabilité de l'inaction en prétextant un changement de chef, peu importe dans quelle mesure le chef a été utile à mon honorable ami.

LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ NATIONALE—LA DIVULGATION ANTICIPÉE AUX SÉNATEURS

L'honorable Michael A. Meighen: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Pourquoi le leader a-t-il refusé, la semaine dernière en cette Chambre, de nous donner de l'information sur la nouvelle politique de sécurité nationale avant son annonce officielle? Je crois connaître la raison, mais j'ai constaté avec étonnement, dans un journal, que M. Goodale avait partagé de l'information à ce sujet, la semaine dernière, avec son homologue américain, le secrétaire au Trésor, John Snow. C'est l'information que j'ai reçue. Apparemment, la nature de l'information que M. Goodale a communiquée à M. Snow a permis au secrétaire au Trésor des États-Unis de conclure que le plan était très similaire à la politique américaine.

Le leader du gouvernement peut-il expliquer pourquoi M. Goodale a pu, avant le dépôt de la politique dans l'autre endroit, échanger de l'information à ce sujet avec son homologue américain, alors que le leader du gouvernement au Sénat n'a pas pu communiquer d'information à ses collègues au Sénat?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, c'est une question intéressante, surtout compte tenu de la façon dont elle est formulée. Certains m'ont déjà accusé, non pas le sénateur Meighen mais un ou deux de ses collègues, de donner des renseignements très poussés ou cours de sciences politiques 101. Je n'ai pas l'intention de le faire aujourd'hui, car ce ne serait pas indiqué.

Ce que je puis dire au sénateur Meighen, c'est que l'annonce du gouvernement doit précéder toute explication que je pourrais lui donner dans cette Chambre au nom du gouvernement.

Quant à l'autre volet de sa question, il est courant que des gouvernements s'entretiennent de sujets de nature transfrontalière ou multilatérale. Je rappelle que le sénateur Meighen prône une coopération plus étroite entre le Canada et les États-Unis, d'abord dans le dossier de la sécurité frontalière mais aussi au chapitre de la protection contre le terrorisme.

La question était quelque peu facétieuse, et j'espère que ma réponse n'était pas trop longue.

LE CONSEIL DU TRÉSOR

LE RECOURS ACCRU AUX SERVICES PROFESSIONNELS ET SPÉCIAUX CONTRACTUELS

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, la gestion de la publicité n'est pas le seul secteur d'activité où le gouvernement fédéral a recours à des services contractuels. Le leader du gouvernement pourrait-il dire au Sénat pourquoi, compte tenu de la promesse faite dans le livre rouge de 1993 de réduire de 620 millions de dollars les dépenses au chapitre des services professionnels et spéciaux, le coût annuel des services professionnels et spéciaux contractuels a grimpé d'un tiers, passant de 4,2 milliards de dollars en 1993 à 6,2 milliards cette année?

Pourrait-il également nous expliquer pourquoi la facture de 6,6 milliards de dollars présentée cette année pour les services professionnels et spéciaux a augmenté de 10 p. 100, soit de quelque 600 millions de dollars, par rapport à l'an dernier?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je vais tenter d'obtenir une réponse précise à la question du sénateur Stratton.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, j'espère bien pouvoir obtenir une explication justifiant cette hausse de 10 p. 100 qui équivaut à une augmentation de 600 millions de dollars par rapport à l'an dernier pour les services professionnels et spéciaux. C'est un montant énorme.

Le président du Conseil du Trésor nous fait savoir que les systèmes d'information du gouvernement ne sont plus en mesure de l'informer du nombre de fonctionnaires qui sont à l'emploi du gouvernement. Serait-il également juste de dire que le gouvernement n'a aucune idée non plus du nombre de gens qu'il emploie dans le cadre de divers contrats de services d'experts-conseils par l'intermédiaire de ce que certains ont qualifié de fonction publique parallèle?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, ma réponse est la même que pour la question précédente. Je ferai tout mon possible pour obtenir les renseignements demandés par le sénateur Stratton, qui s'intéresse de près aux opérations du gouvernement.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de sa réponse. J'espère qu'il aura obtenu des renseignements d'ici la fin de la semaine. Je n'attends pas de réponse à ce commentaire.

J'aimerais souligner ici deux des grands succès du gouvernement Martin réalisés en si peu de temps depuis son arrivée au pouvoir, puisque le leader du gouvernement a affirmé qu'il serait bon que nous reconnaissions, de notre côté du Sénat, les succès remportés dans d'autres secteurs.

Nous reconnaissons que le gouvernement Martin a réussi à unir la droite sous un seul Parti conservateur et à reconstruire le Bloc Québécois, qui avait quasiment disparu et qui pourrait bien remporter maintenant quelque 50 sièges.

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je vois là l'amorce d'un dialogue plutôt intéressant. Je sais que le sénateur Stratton est impatient d'entreprendre ce dialogue, mais je ne suis pas certain qu'un tel discours pourrait avoir une grande valeur pour nos partis respectifs dans cette enceinte. C'est un sujet qui pourrait certainement intéresser les Canadiens à une date ultérieure.

(1440)

RÉPONSES DIFFÉRÉES AUX QUESTIONS ORALES

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter deux réponses différées à des questions orales qui ont été posées au Sénat. La première répond à la question orale posée au Sénat le 26 mars 2004 par le sénateur Murray au sujet de la présence d'agents de la GRC en tenue d'apparat à une assemblée libérale de mise en candidature; la deuxième à la question posée par le sénateur Oliver au Sénat le 22 mars 2004 au sujet des enquêtes de la GRC sur des allégations de pots-de-vin.

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL

LA GENDARMERIE ROYALE CANADIENNE—LA PRÉSENCE D'AGENTS EN UNIFORME D'APPARAT À UNE ASSEMBLÉE LIBÉRALE DE MISE EN CANDIDATURE

(Réponse à la question posée par l'honorable Lowell Murray le 26 mars 2004)

La GRC est une organisation connue dans le monde entier et elle est un symbole vivant du Canada. À ce titre, elle reçoit un nombre considérable de demandes de participation de membres en tunique rouge à des événements spéciaux. Il y a entre autres des événements communautaires, nationaux et internationaux ainsi que des occasions où des membres se portent volontaires hors des heures normales de travail, p. ex. des concerts, des festivals, des événements sportifs, des danses. On étudie chaque demande pour faire en sorte que la participation de la GRC concorde avec son image et sa réputation et est conforme aux politiques et modalités établies. Compte tenu de la taille de l'organisation, les demandes sont examinées localement et relèvent du Commandant ou de son remplaçant.

Dans ce cas, il y a eu recouvrement des coûts pour la participation des deux membres en tunique rouge. Selon l'examen de sa participation à cet événement, la GRC aurait dû refuser cette demande.

La GRC a pris les mesures nécessaires pour s'assurer que toutes les demandes de cette nature sont conformes à ses politiques et règlements.

LA CITOYENNETÉ ET L'IMMIGRATION

LES ENQUÊTES DE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA SUR DES ALLÉGATIONS DE POTS-DE-VIN

(Réponse à la question posée par l'honorable Donald H. Oliver le 22 mars 2004)

Selon le communiqué de la GRC, «l'enquête a révélé que quelqu'un avait communiqué avec 50 à 60 personnes en attente d'une audience de la CISR pour leur proposer un marché: la garantie d'une décision favorable à leur appel prochain moyennant le versement d'un pot-de-vin en liquide».

Étant donné que l'enquête est en cours, la GRC a révélé peu de détails sur les 50 à 60 cas dont le communiqué fait mention.

La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés confère à la Section d'appel de l'immigration de la CISR le pouvoir de rouvrir un appel si les principes de justice naturelle n'ont pas été respectés. Cela peut se faire de trois manières:

CIC/ASFC peut présenter une requête en réouverture.

L'appelant débouté peut présenter une requête en réouverture.

La CISR peut décider elle-même de rouvrir un dossier.

La SAI examine présentement ses dossiers à la recherche de toute preuve d'actes préjudiciables. En cas de découverte d'une telle preuve, la CISR prendra toutes les mesures nécessaires pour s'assurer du respect des principes de justice naturelle dans ces cas. La SAI évaluera la preuve relative à chaque requête en réouverture, examinera les circonstances de chaque cas et rendra une décision conforme à la loi. En fin de compte, la décision de rouvrir l'appel appartient à la CISR.

En plus de la révision de la SAI, les responsables de CIC, maintenant avec l'agence des services frontaliers du Canada (ASFC), ont passé en revue un certain nombre de dossiers de criminels dont l'expulsion a été ordonnée et qui ont pu demeurer au Canada en portant leur cause en appel.

CIC/ASFC a décidé de soumettre un nombre restreint de cas à des enquêtes plus poussées, et celles-ci sont actuellement en cours. Si l'on obtient ainsi des preuves de la poursuite des activités criminelles, les responsables prendront les mesures appropriées, qui pourraient comporter la mise en oeuvre d'une nouvelle mesure d'expulsion ou une demande faite à la CISR de reprendre l'appel s'il existe une justification pour une telle demande.

[Français]

 

LE SÉNAT

HOMMAGE AUX PAGES À L'OCCASION DE LEUR DÉPART

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de vous présenter trois pages qui quitteront le Sénat cette année. Adel Gonczi, originaire de Moncton, au Nouveau- Brunswick, a énormément apprécié son expérience au Sénat. Elle est convaincue que les leçons apprises ici l'accompagneront tout au long de sa vie. Elle a hâte de terminer sa spécialisation en politique internationale en décembre 2004, et souhaite poursuivre ses études afin de réaliser son rêve, soit celui d'œuvrer dans la diplomatie canadienne.

[Traduction]

Sarah Johnson, de Peterborough, en Ontario, a réellement aimé son expérience comme page du Sénat au cours des deux dernières années. Elle a terminé sa troisième année du Programme spécialisé en littérature anglaise à l'Université d'Ottawa et, lorsqu'elle obtiendra son diplôme, l'année prochaine, elle compte poursuivre des études supérieures en littérature.

Après deux années fantastiques comme page du Sénat, Megan Reid, de Leamington, en Ontario, relèvera de nouveaux défis cet automne en s'inscrivant comme étudiante de première année en droit à l'Université d'Ottawa. Elle compte continuer de faire du bénévolat dans des organisations sans but lucratif vouées à la justice sociale.

Des voix: Bravo!

 


ORDRE DU JOUR

LE TARIF DES DOUANES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Pierre De Bané propose: Que le projet de loi C-21, modifiant le Tarif des douanes, soit lu une troisième fois.

— Honorables sénateurs, les raisons qui ont justifié l'établissement du TPG et du TPMD, il y a des décennies, existent encore. Le TPG est le tarif de préférence général et le TPMD, le tarif des pays les moins développés. Ce projet de loi vise à prolonger de dix ans, jusqu'au 30 juin 2014, les dispositions que nous avons à l'égard des pays les moins développés et des pays pauvres.

Il existe encore de nombreux pays dont les niveaux de revenu par habitant sont peu élevés. Ce fait nous a été rappelé dans un récent rapport de la Commission du secteur privé et du développement des Nations Unies, coprésidée par le premier ministre Paul Martin. Dans le rapport, on a souligné que, en dépit des grands progrès réalisés ces 50 dernières années, dans les pays en développement, 4 milliards de personnes gagnent actuellement moins de 5 $ US par jour et, de ce nombre, 1,2 milliard gagnent moins de 1 $ US par jour. Par conséquent, la prémisse qui a mené à l'établissement des programmes de tarif de préférence, à savoir qu'ils favoriseraient un accroissement des exportations qui stimulent la croissance économique et contribuent à réduire la pauvreté dans les pays en développement, tient toujours aujourd'hui.

Bien que plusieurs études indiquent que les programmes de droits préférentiels ont appuyé la croissance économique dans plusieurs pays pauvres, elles indiquent aussi que l'accès privilégié aux marchés du monde développé est un outil important susceptible d'aider ces pays à améliorer leurs perspectives de développement. Ainsi, la prorogation pour une autre période de dix ans du tarif de préférence général et du tarif des pays les moins développés réitère l'engagement du gouvernement à promouvoir la capacité d'exportation et la croissance économique des pays en développement et des pays les moins développés. La prorogation de ces deux programmes de droits préférentiels de longue date enverra un message positif aux pays bénéficiaires, à savoir que le Canada continue de voir ces programmes comme des outils importants pour la croissance économique des pays en développement et des pays les moins développés.

Enfin, en prorogeant le tarif de préférence général et le tarif des pays les moins développés, le Canada joint ses efforts à ceux d'autres pays développés afin d'aider les pays plus pauvres. À cet égard, tous les grands pays développés fournissent un accès privilégié au monde en développement et certains, dont les États-Unis, le Japon et des pays de l'Union européenne, ont récemment prorogé leurs programmes.

[Français]

Il est important de souligner que les avantages associés au TPG et au TPMD ne profitent pas seulement aux pays en développement et aux pays les moins développés. Certes, ces mesures ont été développées surtout pour ces pays, mais il ne faut pas oublier que les importations canadiennes, en vertu de ces programmes évalués à 9,7 milliards de dollars, économisent aux consommateurs canadiens 273 millions de dollars.

Il est donc évident que les importateurs et les consommateurs canadiens profitent directement de ces programmes tarifaires, qui contribuent au développement économique des pays bénéficiaires et présentent aussi des avantages pour les Canadiens.

[Traduction]

En terminant, honorables sénateurs, j'aimerais citer des extraits de l'éloquent discours que M. Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unies, a prononcé devant notre Parlement, le 9 mars. En parlant de l'importance des objectifs exposés dans la Déclaration du Millénaire, une déclaration conjointe des ambitions que les dirigeants du monde entier nourrissent pour l'humanité au XXIe siècle, il a dit ceci:

Pour réaliser les objectifs du millénaire, il faut créer un véritable partenariat mondial dans le cadre duquel tous les pays développés font leur part: il s'agit d'augmenter le volume et l'efficacité de l'aide publique au développement, d'investir, de donner des conseils, et d'adopter des politiques allant dans le sens d'un système commercial équitable.

Il a ajouté:

... nous devons faire en sorte que les pays pauvres aient la possibilité de se développer et de tirer parti de la mondialisation [...]. Les pays en développement doivent avoir l'occasion de sortir de la pauvreté grâce au commerce...

Les commentaires de M. Kofi Annan reflètent les principes sous- jacents du tarif de préférence général et du tarif des pays les moins développés, dont la prorogation fait l'objet du projet de loi C-21. Ce projet de loi est une mesure importante que le Canada peut prendre afin d'aider les pays en développement à atteindre l'objectif de réduction de la pauvreté. J'invite les sénateurs à appuyer ce projet de loi et à confirmer l'engagement continu du Canada à appuyer la croissance économique des pays en développement.

 

(1450)

Je rappelle aux sénateurs que le Canada, comme tous les autres grands pays industrialisés, notamment les États-Unis, le Japon et les pays de l'Union européenne, appuie les pays en développement au moyen de programmes axés sur des tarifs préférentiels. Les avantages sont nombreux.

Premièrement, le Canada perpétuera une pratique internationale de longue date qui consiste à appliquer un traitement tarifaire préférentiel à des marchandises des pays les plus pauvres pour favoriser leur croissance économique. Deuxièmement, en agissant de la sorte, nous permettons aux commerçants qui profitent de cette situation au Canada d'avoir des certitudes et de faire des prévisions. Troisièmement, la poursuite de ces programmes est un complément aux politiques canadiennes d'aide extérieure. Enfin, même si ces programmes ont avant tout été conçus comme une mesure d'aide économique aux pays en développement et aux pays les moins développés, ils profitent aussi aux Canadiens qui importent des intrants et à ceux qui consomment des produits finis.

En d'autres mots, la prolongation de ces programmes pour une période de 10 ans est conforme aux pratiques antérieures, elle assure un cadre commercial prévisible et avantageux pour ceux qui se prévalent de ces programmes et elle réaffirme l'engagement à long terme du gouvernement en faveur du développement international.

Compte tenu de tous ces arguments, j'exhorte les honorables sénateurs à appuyer ce projet de loi qui prévoit le maintien de mesures canadiennes importantes visant à soutenir la croissance économique et à réduire la pauvreté dans les pays en développement.

(Sur la motion du sénateur Lynch-Staunton, au nom du sénateur Meighen, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI DE 2002 SUR LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

TROISIÈME LECTURE—SUSPENSION DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Léger, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-7, Loi modifiant certaines lois fédérales et édictant des mesures de mise en oeuvre de la convention sur les armes biologiques ou à toxines, en vue de renforcer la sécurité publique.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour parler à nouveau du projet de loi C- 7. Si l'on se fie au titre, on peut penser que le projet de loi apporte certaines modifications visant essentiellement la Convention sur les armes biologiques et à toxines et améliorant en quelque sorte la sécurité publique. Quand on examine la teneur du projet de loi comme l'a fait le comité, on se rend toutefois compte que les modifications apportées à la Convention sur les armes biologiques et à toxines ne sont qu'une infime partie des changements considérables apportées à de nombreuses autres lois canadiennes fondamentales.

Les épithètes utilisées pour décrire du projet de loi C-7 sont, entre autres, «complexe», «compliqué», «fourre-tout», «envahissant», «novateur», «déterminant» et «exagéré». Certes, il est novateur. La position de l'Association du Barreau canadien est la suivante:

Ce sont là des pouvoirs spectaculaires qui n'ont rien à voir avec la façon dont on fait normalement les choses.

On a du mal à comprendre l'objet du projet de loi C-7 dans son ensemble et, surtout, les conséquences, tant intentionnelles qu'accidentelles, de son adoption. De l'avis de certains, on y mélange, on y confond le terrorisme, les activités criminelles et l'immigration. Par ailleurs, ce projet de loi porte sur toute forme d'urgence concernant la sûreté et la sécurité. Il ne se limite en aucune façon aux actes terroristes. En dépit du fait qu'il ait été présenté comme faisant partie du train de mesures anti-terroristes nécessaires après le 11 septembre, au même titre que les projets de loi C-36 et C-44, ce projet de loi va au- delà des actes terroristes et englobe tous les risques pour la société canadienne. Il prévoit des mesures d'urgence pour réagir à toute sorte de situations, que ce soit des catastrophes naturelles, des catastrophes provoquées par l'homme, le terrorisme ou des actes criminels. Il ne concerne pas uniquement le terrorisme et les risques pour la sûreté et la sécurité en provenance d'ailleurs, il met en évidence des actes contre la sécurité et la sûreté qui pourraient être commis par des Canadiens contre les Canadiens.

M. John A. Read, directeur général du Transport des marchandises dangereuses à Transports Canada, a établi une distinction entre les interventions en vue de protéger la sécurité et les interventions en vue de protéger la sûreté. Je suis certaine que les parlementaires et nos concitoyens ne sont pas au courant de ce fait puisque ce projet de loi nous a été présenté comme étant nécessaire pour renforcer la sécurité face aux terroristes.

Honorables sénateurs, c'est une époque précaire pour nos lois, notre sécurité, notre vie privée et nos droits. Le premier dilemme que je vois dans l'application de cette mesure à la situation actuelle est que le gouvernement a pris pour position que si on doute de la nécessité de cette mesure législative, c'est qu'on se soucie peu des questions de sûreté et de sécurité. C'est tout l'inverse. Ceux qui posent des questions au gouvernement au sujet de ce projet de loi, sont très préoccupés par la sécurité et la sûreté et tiennent à ce que le système fonctionne.

M. Ziyaad Mia, représentant l'Association des avocats musulmans et de la Coalition des organisations musulmanes, a dit ceci au comité dans ses remarques préliminaires:

[...] depuis le 11 septembre 2001, nous vivons dans une culture de peur. Ce n'est pas la bonne manière de diriger une société, de se diriger soi-même, sa famille ou un gouvernement, ou encore de rédiger des lois. Le projet de loi C-7 nous éloigne de la primauté du droit et du gouvernement responsable pour nous mener à une société motivée par la peur et caractérisée par la réaction. La preuve en est, tout le battage du gouvernement pour le projet de loi C-7.

Honorables sénateurs, l'approche choisie par notre gouvernement est tout simplement une mauvaise politique publique. Nous sommes passés d'une situation où on n'investissait pas suffisamment dans notre protection avant le 11 septembre à une position plus réactive que proactive. Il suffit de revenir à la propre étude du Sénat sur la sécurité et le renseignement avant 2001, lorsque des craintes au sujet de la sécurité avaient été exprimées. La réponse a été minimale. Nous avons maintenant le projet de loi C-36, le projet de loi C-44, le projet de loi C-7 et d'autres projets de loi importants qui modifient le Code criminel en réaction aux activités terroristes. Il est temps de voir si ces mécanismes sont bons et fonctionnent. Il est temps de vérifier si les pouvoirs et les outils donnés au gouvernement du Canada donnent des résultats. Nous savons que des accusations ont été portées récemment grâce au projet de loi C-36. Cependant, nous savons également qu'une journaliste, Juliet O'Neill, s'est trouvée prise dans l'engrenage de cette loi.

Nous savons que le gouvernement n'a pas encore la bonne technologie ni les fonds nécessaires ni la main-d'oeuvre qualifiée voulue pour mettre en oeuvre les diverses mesures législatives. Le projet de frontière intelligente en 20 points n'a pas encore été mis en oeuvre. Le rapport du 3 mars 2004 de la vérificatrice générale montre bien les lacunes à cet égard. Notre propre Comité de la sécurité nationale et de la défense a signalé une série de graves lacunes. En fin de compte, ce n'est pas à cause du manque d'outils donnés au gouvernement que des problèmes de sécurité se poseront. Ce sera plutôt parce que le gouvernement, même lorsqu'il dispose suffisamment de renseignements ciblés, n'a pas pris la bonne direction.

Il est instructif de noter que le ministère et la ministre sont très sensibles à la question de la reddition de comptes, car dans le cadre de son témoignage devant le comité, à plus d'une reprise, Mme McLellan a déclaré: «Je ne me sentirais vraiment pas à l'aise pour expliquer cela à mes concitoyens.»

Là encore, en réponse à une question au sujet du projet de loi et d'un article en particulier, Mme McLellan a dit que la question que poseraient les citoyens serait: «[...] mais que faites-vous donc pour assurer la sécurité des Canadiens?» Plutôt que d'adopter une approche raisonnée, de sensibiliser le public au sujet des restrictions qu'un gouvernement peut imposer pour assurer et garantir la sécurité, la ministre tente en fait d'anticiper tout risque connu en matière de sécurité et de sûreté en s'imaginant que cela fera cesser les critiques, par ailleurs normales, concernant les décisions et les mesures prises par le gouvernement.

(1500)

M. John Read, directeur général du service du Transport des marchandises dangereuses à Transports Canada, a soulevé un autre argument intéressant dans sa réponse à une question lui demandant d'expliquer les délais s'appliquant aux arrêtés d'urgence. M. Read a dit:

J'imagine que les délais que nous avons sont basés sur le fait que nous avons reconnu, lors des événements du 11 septembre qu'en situation d'urgence, les experts sont entièrement pris par les événements. J'étais l'un de ces experts et l'une des meilleures choses qui nous soient arrivées est que le sous- ministre nous a dit que nous n'avions pas à répondre à toutes ces questions que nous recevons normalement à la main. Cela a duré un bon cinq jours — nous étions totalement pris.

À un autre moment, au cours de son témoignage, M. Read a dit:

Si vous voyiez le pauvre homme qui s'occupe de la maladie de la vache folle, et certains autres employés qui sont terriblement surmenés par leur travail; ils n'ont tout simplement pas le temps de s'arrêter pour mettre sur papier ce genre de raisonnement minutieux ou quoi que ce soit d'autre. Nous devions disposer d'un délai pour fournir au gouverneur en conseil tous les arguments écrits en respectant entre autres les exigences de présentation.

Mme Bloodworth a ajouté ensuite:

Il est clair que, de toute façon, les ministres ont l'obligation de rendre des comptes.

Honorables sénateurs, voilà où le bât blesse. Il est possible d'obtenir autant d'outils et autant de pouvoir et de réduire l'obligation de rendre des comptes. Pour un fonctionnaire, il est plus facile de justifier une telle situation à un ministre et pour un ministre, il est plus facile de la justifier au Parlement ou au public. Honorables sénateurs, il semble que le projet de loi C-7 vise moins à assurer notre sécurité et notre sûreté qu'à servir de mode opératoire à un gouvernement pour contrevenir aux dispositions de la loi sur l'accès à l'information, comme il l'a fait, limiter les possibilités de contestation fondées sur la Charte canadienne des droits et libertés, comme il l'a fait, réduire la protection des renseignements personnels, comme il l'a fait, et se doter de pouvoirs si excessifs qu'il est à toutes fins pratiques impossible de les remettre en question devant les tribunaux. En fait, dans sa réponse aux questions du sénateur Merchant concernant les perceptions des Canadiens, Mme McLellan a déclaré:

En réalité, des sondages réalisés dernièrement, il est vrai qu'il ne s'agit que de sondages et c'est tout ce qu'il faut y voir, mais ces sondages indiquent qu'un nombre important de Canadiens, plus du tiers des Canadiens selon le dernier sondage effectué par Ekos, sont d'avis que nous n'en avons pas fait assez pour protéger notre sécurité.

Comparons cela avec les propos tenus par la commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Jennifer Stoddart, en réponse à une question du sénateur Stratton:

À l'époque où j'étais commissaire à la vie privée du Québec, j'ai participé à la conférence organisée par le ministre Denis Coderre. Nous avons assisté à un exposé fort intéressant d'une entreprise de sondage qui nous a bien montré que l'opinion publique varie en fonction de la question posée. On ne peut pas vraiment se prononcer. On n'en est certainement pas arrivé à la conclusion que les Canadiens sont prêts à se départir de leurs droits à la vie privée uniquement pour être légèrement plus en sécurité. Les Canadiens sont beaucoup plus critiques; en revanche, tout dépend des questions posées.

J'ajouterai également que bien que le gouvernement surveille les réactions suite au dernier attentat terroriste, j'ai trouvé paradoxal que le comité se soit réuni au moment des attentats dans le métro en Espagne. Nous continuons à surveiller les activités aéronautiques, mais qu'advient-il du reste du système de transport au Canada? Pour répondre aux critiques provenant du pays et d'ailleurs, nous avons dû examiner les procédures en place à nos frontières et dans nos ports. Nous devons mettre en place la technologie nécessaire pour être en mesure de s'occuper, notamment, de la question des passeports volés et perdus dans le cadre de l'analyse aux postes transfrontaliers. Le projet de loi prévoit plus d'outils; or, il est clair qu'on dispose à l'heure actuelle d'outils qui ne sont ni mis en place, ni financés, ni satisfaisants sur le plan technologique.

Le projet de loi renferme toutefois de bonnes dispositions. Par exemple, la mise en œuvre de la convention sur les armes biologiques ou à toxines est nécessaire et aurait pu à elle seule faire l'objet d'un projet de loi distinct. Des dispositions sont également prévues pour combattre les fausses alertes à bord des avions, la fabrication, l'essai, l'acquisition, la possession, la vente, le stockage, le transport, l'importation et l'exportation d'explosifs ainsi que l'utilisation de pièces pyrotechniques. La partie 7 du projet de loi mérite d'être adoptée. Les articles qui portent sur le financement des administrations portuaires ne sont pas contestés, car ils sont nécessaires.

Je veux maintenant souligner les véritables problèmes que pose le projet de loi C-7 et ils sont de taille. Nous avons beaucoup discuté de l'aéronautique et de la nécessité d'assurer la sécurité des passagers et de prévenir toute autre attaque dans les airs, mais je ne crois pas que le Canadien moyen comprenne que c'est le projet de loi C-44, celui que nous avons déjà adopté, qui a autorisé la divulgation des informations concernant les vols internationaux. Le projet de loi C-7 vise les informations concernant les vols nationaux et le partage de ces informations avec les services de renseignement et les policiers, ainsi que leur partage subséquent avec d'autres pays, par le truchement des protocoles, ententes et autres mesures; alors, malgré les assurances verbales fournies aux autorités canadiennes, ou les assurances d'autres sortes, ces pays auront accès à des informations concernant des Canadiens.

Vu que le temps est limité, je ne vais pas rappeler les excellents arguments formulés par le sénateur Spivak durant son discours et les autres points soulevés par d'autres sénateurs ici et au comité. La commissaire à la protection de la vie privée, Jennifer Stoddart, s'est opposée au projet de loi pour deux raisons. Elle a déclaré:

Nous nous opposons vivement à ce projet de loi pour deux raisons: d'abord, parce que les dispositions législatives sont beaucoup trop vastes et ensuite, parce que [ce projet de loi] s'approprie des organisations du secteur privé en les mettant au service des forces de l'ordre. L'article 5 du projet de loi C-7 ajoute une nouvelle disposition à la Loi sur l'aéronautique, l'article 4.81, conférant au ministre des Transports ou à des fonctionnaires autorisés du ministère le pouvoir d'exiger des transporteurs aériens ou des exploitants de systèmes de réservation de services aériens qu'ils leur fournissent certains renseignements relatifs aux passagers. Le projet de loi ajoute également à la Loi sur l'aéronautique un nouvel article, l'article 4.82, autorisant le commissaire de la GRC et le directeur du SCRS à demander aux transporteurs aériens et aux exploitants de systèmes de réservation de services aériens de leur fournir des renseignements sur les passagers. Ces renseignements seraient utilisés et communiqués à des fins reliées à la sécurité des transports et à la sécurité nationale, des fins directement liées au projet de loi. De plus, les renseignements seraient utilisés pour l'exécution des mandats d'arrestation relativement à des infractions passibles d'une peine d'emprisonnement de cinq ans ou plus, un motif qui n'est aucunement lié à la loi.

Elle a ensuite ajouté:

Un des principes de base des pratiques équitables de traitement de l'information est que les renseignements recueillis dans un but précis devraient être utilisés seulement dans ce but.

Elle a recommandé que la liste des infractions au sujet desquelles les informations pouvaient être dévoilées dans le cadre de l'exécution d'un mandat soit réduite pour la peine.

Je citerai Mme Stoddart, qui a dit que:

L'une des choses qui nous préoccupent — et dans mon texte, j'ai fait allusion au fait que le commissariat, qui suit ce dossier depuis plusieurs années, a remarqué que ce projet de loi, pourtant si nécessaire, n'est toujours pas adopté deux ans et demi plus tard — et nous aimerions vous signaler que nous n'avons encore vu aucun argument probant, aucun travail de recherche cohérent, aucun mémoire, aucune information, aucun argument logique qui justifieraient qu'on donne des pouvoirs aussi étendus à nos corps policiers et à nos services de surveillance.

On pourrait s'attendre à ce que des analyses, des statistiques ou des études sérieuses soient présentées pour démontrer, comme le commissaire Zaccardelli vient de le dire, si la petite criminalité conduit au terrorisme, avec quelle fréquence cela arrive-t-il et pourquoi il est absolument nécessaire d'exercer une surveillance de toutes ces choses différentes. Les membres de mon personnel n'ont pu constater rien de cela dans le cours de leurs recherches approfondies. En effet, d'après la citation faire par l'ancien solliciteur général, on croit comprendre que: «Eh! bien, pendant que nous disposons de ces pouvoirs, pourquoi ne pas nous attaquer à d'autres choses et attraper d'autres gens?» C'est là une façon très dangereuse de gérer l'application de la loi dans notre pays. Nous ne voulons aucunement minimiser l'importance de l'arrestation de gens qui font l'objet de mandats de perquisition en raison d'actes criminels qui peuvent mériter ou non cinq années d'emprisonnement. Nous affirmons qu'il faut une stratégie d'application de la loi bien articulée qui s'intéresse à la prévention, à ce qui arrive aux victimes et à toute la question du terrorisme, pas seulement au fait d'épingler les gens, parce que nous avons maintenant la possibilité, grâce à la technologie, comparer les données de longues listes à celles de toutes sortes de gens. C'est un précédent très dangereux qui obscurcit le recours au droit pénal.

(1510)

Autrement dit, comme l'a déclaré la ministre McLellan, lorsque les policiers croisent une personne recherchée en vertu d'un mandat pour une infraction grave, pendant qu'ils en suivent une autre, le public souhaite sûrement l'arrestation de cette personne. Comme l'a mentionné Mme Stoddart, cela indique en outre qu'il est inévitable d'utiliser ce mécanisme pour découvrir les criminels, tout en s'éloignant de l'analyse des données essentielles pour contrer le terrorisme, ce qui est plus difficile. Nous aurions un autre outil, non envisagé par le droit pénal, pour traiter avec les criminels. Je m'oppose vivement au point de vue du commissaire Zaccardelli voulant que tous les criminels soient des terroristes en puissance; c'est une généralité trop simpliste. Pensez à ceux qui sont actuellement incarcérés. Nous savons que les autochtones sont surreprésentés et que les minorités sont surveillées de très près. Je suis consciente que les agents de la paix ne négligent aucun lien, mais, pour être franche, quand nos prisons sont principalement remplies de représentants des minorités, je ne veux pas poser l'équation que ces gens pourraient être les prochains terroristes. Bien qu'il soit légitime de s'intéresser au crime organisé, aux organisations criminelles et au blanchiment d'argent, une telle mesure injustifiée de la part du gouvernement ne devrait pas être tolérée, comme le propose le projet de loi C-7. Il existe une tendance naturelle et une tension entre ceux qui défendent les droits et ceux qui ont la responsabilité de protéger. Voilà où nous a conduit notre équilibre délicat en matière de droit pénal. Modifier cet équilibre sans données et sans recherche serait non justifié et inutile dans la mesure de ce que propose le gouvernement.

Permettez-moi de résumer certaines des préoccupations de l'Air Transportation Association of Canada et de certains transporteurs particuliers dont les représentants sont venus témoigner devant le comité. Leur principale préoccupation au sujet du projet de loi proposé a trait aux articles 4.81 et 4.82, qui autorisent le ministre des Transports, le directeur du SCRS et le commissaire de la GRC à demander à tout exploitant de systèmes de réservation de services aériens — nos agents de voyage et nos transporteurs aériens — qu'ils lui fournissent, selon les modalités, de temps à autre, des renseignements à l'égard des personnes qui sont ou seront vraisemblablement à bord d'un aéronef. Cela semble raisonnable, si nous examinons les renseignements dont il s'agit. Cependant, je rappelle aux honorables sénateurs que ces renseignements seraient demandés pour chaque vol effectué au Canada et seraient partagés avec des sources étrangères de services de renseignement. M. Everson a déclaré:

Le projet de loi précise que seuls les renseignements dont le transporteur aérien ou l'exploitant disposent peuvent être demandés, mais il ressort clairement des témoignages des fonctionnaires que vous avez entendus qu'on veut en fait obliger les compagnies aériennes à recueillir beaucoup plus de renseignements qu'elles ne le font actuellement. C'est autour de ce point particulier que s'articule toute notre argumentation. Les services de sécurité veulent aller à la pêche aux criminels dans l'océan de notre clientèle de passagers. C'est très bien. Nous appuyons cette démarche. Ils ne font que leur travail. Cependant, le filet que l'on compte utiliser pour cette expédition de pêche n'existe pas actuellement. Selon le libellé du projet de loi à l'étude, les compagnies aériennes seront obligées de tisser ce filet et d'aller elles-mêmes à la pêche, à leurs propres frais, pour le compte des services de sécurité. Nous demandons au Sénat de nous épargner une telle tâche. Les données recueillies pour les vols intérieurs sont différentes de celles obtenues pour les vols internationaux, que nous connaissons tous très bien. Elles ne sont pas actuellement disponibles dans une forme pouvant permettre leur utilisation facile par les services de sécurité.

Il a poursuivi:

Je tiens à vous préciser que bon nombre de compagnies aériennes canadiennes n'utilisent pas de système électronique pour leurs réservations. La plupart se servent de systèmes manuels et ne sont pas en mesure de transmettre des données sur les passagers à la GRC ou à n'importe qui d'autre.

Il a ensuite indiqué qu'il leur faudrait répondre à une obligation de nature publique et que, de ce fait, elle serait financée par des fonds publics plutôt que par une industrie aéronautique fragile qui n'est pas actuellement équipée pour cela. Le contrôle de sécurité dans les aéroports ne serait plus financé par les compagnies aériennes mais par des fonds publics. Cela aussi, c'était nécessaire.

Honorables sénateurs, nous prendrions les devants en fournissant ces renseignements. Lorsqu'on met ces documents ensemble, on conclut inévitablement que la demande formulée dans le projet de loi C-7 résulte de la tentative visant à faire appel au système de contrôle des passagers assisté par ordinateur (CAPS-II) en usage aux États-Unis. Bien que le système CAPS-II permette d'obtenir sans interruption des renseignements sur tous les passagers et constitue un système global de surveillance, il n'est, pour l'instant, ni technologiquement fiable ni fonctionnel. À l'heure actuelle, le Congrès bloque certains règlements afin de répondre, notamment, à certaines demandes de l'industrie aéronautique. C'est une chose de dire que nous disposerons d'un système complet, mais c'en est une autre de le mettre effectivement en place. Les États-Unis ne disposent pas d'un système CAPS-II fonctionnel; pourtant, nous nous apprêtons à obliger une industrie aéronautique aux prises avec des difficultés et le public — qui ne s'y attend pas — à fournir tout cet équipement, bien que nous ne sachions pas ce que deviendront les renseignements fournis après qu'ils auront quitté le sol canadien. Plus précisément, nous ne savons pas où se retrouveront ces renseignements au Canada parce que le sous-ensemble de renseignements, qui viendra compléter ce qu'exige la Loi antiterroriste, ne fera pas l'objet d'un examen public fouillé; et ce système n'est pas encore fonctionnel.

Il est également intéressant de savoir que, en Europe, on ne met pas en oeuvre ce système; on y envisage plutôt la mise sur pied d'un projet-pilote. Cette approche est sûrement plus sensée compte tenu des préoccupations actuelles. Obliger quelqu'un à utiliser un système pour prouver qu'il fonctionne, cela rappelle nettement une attitude adoptée lorsque l'on a cherché à exercer un contrôle sur les armes à feu — avec la création du registre des armes à feu. N'oublions pas qu'il ne s'agit pas seulement de partager des renseignements avec les États-Unis, mais, à terme, avec tous les gouvernements.

Honorables sénateurs, ces renseignements ont beaucoup d'influence, et ce n'est que la pointe de l'iceberg. Une fois que la cueillette des données commencera, le problème prendra plus d'ampleur: c'est une masse époustouflante de renseignements qui se retrouveront entre les mains de concurrents et de pays étrangers.

Honorables sénateurs, mes préoccupations concernent principalement les arrêtés d'urgence, qui permettent de passer outre aux procédures normales et qui donnent aux ministres des pouvoirs très étendus pour intervenir et passer outre aux pratiques réglementaires normales. Comme je le disais plus tôt, ces arrêtés d'urgence donneront aux ministres des pouvoirs très étendus et sans limite et, dans au moins un cas, accorderaient au sous-ministre le pouvoir d'émettre des ordonnances d'urgence. Je rappelle aux honorables sénateurs que ces arrêtés d'urgence ne concernent pas uniquement les actes terroristes mais également des mesures de sûreté et de sécurité. Par exemple, les arrêtés d'urgence peuvent être pris en vertu de la Loi sur la santé, de la Loi sur les produits dangereux et de sept autres lois. Le problème n'est pas tant le pouvoir de prendre des arrêtés d'urgence, mais plutôt le fait que ce projet de loi ait été présenté comme une mesure antiterroriste. En réalité, il donne le droit de prendre des arrêtés d'urgence à l'égard de problèmes de sûreté publique qui n'ont rien à voir avec le terrorisme ou avec des actes criminels. Par conséquent, il touchera les entreprises, les particuliers et leur gagne-pain d'une manière inconnue jusqu'ici. Deux projets de loi précédents ont accordé des pouvoirs de ce genre au ministre, mais ils étaient rendus publics et résultaient de négociations, de discussions et d'une campagne d'information publique après une catastrophe ou un déversement. En l'occurence, la seule justification donnée à ce jour par le gouvernement est la position de la ministre McLellan et du ministre Valeri selon laquelle ils ont envisagé ce qui pourrait se passer et ils veulent avoir tous les pouvoirs nécessaires pour intervenir.

Et les choses qu'ils n'ont pas envisagées? Il est instructif de voir dans les dispositions concernant les arrêtés d'urgence qu'ils s'octroient des pouvoirs très étendus à l'égard de quoi que ce soit qui, à l'avenir, pourrait les rendre vulnérables. Il n'y a pas de définition dans le projet de loi. Je rappelle aux honorables sénateurs que si un ministre est d'avis qu'une intervention immédiate est nécessaire pour parer à un danger appréciable, direct ou indirect, pour la santé ou la sécurité, cela suffit. Le projet de loi ne dit pas que le ministre devrait être raisonnablement convaincu et il ne dit pas non plus que le ministre devrait appliquer certains critères à son analyse.

Le ministre pourrait donc intervenir et aurait 14 jours pour en prévenir le gouverneur en conseil et le Cabinet. Il ne fait aucun doute que ces 14 jours serviraient à justifier ou à défendre le recours à un arrêté d'urgence. Par la suite, le gouvernement l'approuverait en un jour et, le vingt-troisième jour, il serait déposé au Parlement. Toutefois, comme nous l'a appris l'examen de la réglementation, ce serait une tâche énorme et même s'il finirait par y avoir un examen, ce serait après le fait. On ne peut s'adresser aux tribunaux — je tiens à le souligner, étant donné que le sénateur Day a soulevé ce point — pour contester le bien-fondé de l'arrêté. On pourrait peut-être le faire pour un examen ministériel si les formalités n'ont pas été respectées à la lettre, par exemple si la période de 14 jours a été prolongée à 15, ou si le ministre n'a pas fait preuve de bonne foi. Toutefois, personne ne fait d'allégation en ce sens. Les pouvoirs sont si larges et ont une telle portée qu'on pourrait causer un grave préjudice à des particuliers ou à des entreprises au Canada pendant une période de 14 jours. Si un arrêté d'urgence est pris au sujet de Canadiens, ils devraient pouvoir en contester la validité sur le fond.

(1520)

Au cours de mon intervention à l'étape de la deuxième lecture, j'ai dit que le principe de la justice fondamentale devait s'appliquer, et que le fait de laisser un pouvoir discrétionnaire illimité à un ministre allait à l'encontre de ce principe. Dans l'affaire Parker, que j'ai citée pendant le débat de deuxième lecture, le tribunal a remis en question le pouvoir discrétionnaire absolu fondé sur l'opinion du ministre et je dois ajouter qu'il s'agissait là d'un pouvoir discrétionnaire assez étroit. Dans ce cas particulier, où une exemption est nécessaire pour des fins médicales, l'expression pertinente n'était pas définie dans la loi en cause.

Nous sommes ici aux prises avec les mêmes problèmes. Les dispositions sur les arrêtés d'urgence donnent au ministre la possibilité d'agir. Le ministre dispose de toute la latitude, selon des conditions non définies, la seule restriction étant que ces conditions doivent figurer dans le règlement. J'invite les honorables sénateurs à lire le règlement pour constater à quel point elles sont larges et ont une grande portée.

Les citoyens ont le droit de savoir quelle mesure est prise à leur encontre. Le vague favorise la confusion, et les gens ne se prévaudront pas de leurs libertés s'ils risquent de s'exposer à un châtiment. Cette incertitude et la crainte entravent l'action au lieu de la libérer. Les honorables sénateurs conviendront que c'est inacceptable dans une société démocratique.

Comme M. Read nous l'a dit, bien des arrêtés d'urgence porteront sur des questions de sécurité plutôt que de sûreté. Il ne s'agit pas d'un projet de loi contre le terrorisme, mais d'une concentration générale du pouvoir entre les mains de l'exécutif, le seul examen parlementaire se faisant après le fait, si toutefois il se fait, à en juger par ce qui se faisait normalement par le passé.

Essentiellement, on contourne la réglementation par l'utilisation d'un pouvoir d'urgence; c'est, du moins, une possibilité réelle. On l'a compris lorsque M. Read a déclaré que la bureaucratie était surchargée et que cela justifiait le recours à cette solution. Il est certain que l'ESB, la grippe aviaire, le SRAS et le terrorisme sont des questions graves, mais est-ce une raison suffisante pour abroger nos droits et donner à un ministre ou à un sous-ministre des pouvoirs aussi étendus et qui ne sont pas véritablement contrôlés? De fait, l'étendue de ces pouvoirs soulève la question de leur constitutionnalité. Honorables sénateurs, je demande qu'on examine le coeur de la question, à savoir la constitutionnalité du projet de loi.

Les autres points que j'ai soulevés sont des questions d'intérêt public. Cette question réelle, de nature constitutionnelle, n'a pas été abordée. Lorsque nous avions un groupe et que nous avons discuté de sujets d'intérêt public, nous n'avions ni le temps ni les témoins pour aborder la question de la constitutionnalité des ordonnances provisoires.

Le sénateur Day a dit qu'il aurait aimé entendre des représentants de l'Association du Barreau canadien au sujet de ces ordonnances. En fait, l'Association du Barreau canadien a déposé un long mémoire, mais nous n'avons pas eu le temps d'en prendre connaissance et nous n'avons pas non plus interrogé les représentants de l'association à ce sujet, parce que le temps nous manquait. En fait, on m'a dit, juste avant la tenue du vote, que les témoins qui auraient pu parler de questions constitutionnelles devant le comité n'étaient pas disponibles. Si je l'avais su, j'aurais demandé que d'autres témoins soient convoqués, ou j'aurais moi- même communiqué avec ces témoins qui ont été avisés à la dernière minute de la tenue de la séance. Je pense que c'était une situation injuste.

J'avais également recommandé, puisque nous allions partir en vacances pour deux semaines, d'entendre ces témoins dans la matinée du mardi où le Sénat devait reprendre ses travaux. En fait, nous aurions pu faire rapport du projet de loi le même jour, en après-midi. La demande a été rejetée à la majorité. On évite d'examiner une base réglementaire qui pourrait se révéler inconstitutionnelle. Il y a, au Canada, des experts qui pourraient commenter cette question et, étant donné les nombreuses années qui se sont écoulées depuis le dépôt de cette mesure législative, ce serait peu de chose pour le gouvernement de convoquer ces témoins. La vie des gens, leur mode d'existence et leurs communautés sont en cause.

Il n'est pas suffisant, de la part du gouvernement, de répondre que si les gens ont des inquiétudes, ils peuvent toujours s'adresser aux tribunaux. Le ministre Cotler déclarait récemment qu'il avait été stupéfié par le nombre de poursuites déposées par des citoyens contre le gouvernement. En démocratie, le bien-fondé des lois est primordial; c'est précisément la responsabilité du Sénat. Si une question est soulevée, il faut y répondre. Dans ce cas, on n'a pas réglé la question, mais il serait facile de le faire.

Honorables sénateurs, par le recours aux arrêtés d'urgence, il y a exemption de l'application des articles 3, 5 et 11 de la Loi sur les textes réglementaires. Cela ne permet pas la liaison entre les arrêtés d'urgence aux répercussions de la Charte, ce qui est fait dans le cas des règlements. Le Canada est un pays qui se targue d'avoir une Charte des droits et libertés, et c'est le cas notamment du gouvernement actuel. Par conséquent, quand on enlève le recours à la Charte des droits et libertés avant les règlements, et si cet arrêté d'urgence peut être utilisé à la place des règlements, nous devrions sûrement déterminer sa constitutionnalité.

M. Potter, qui représentait l'Association du Barreau canadien, a dit:

Notre point de vue, c'est qu'il est très difficile de déterminer qu'il est nécessaire d'adopter ces nouveaux pouvoirs d'urgence assez considérables. Je ne connais aucune situation où le Canada a dû faire face à un obstacle donné en organisant une réaction d'urgence d'une manière légale.

Je crois que le propre document de politique que le gouvernement a déposé aujourd'hui traite du cadre de mise en œuvre et non d'un complément de fondement légal.

Je rappellerais aux sénateurs que la Muslim Lawyers Association et la Coalition of Muslim Organizations ont comparu à une audience du Sénat et ont déclaré:

Nombre des problèmes qu'ont connus les Canadiens musulmans, des inconvénients mineurs à la torture, ont été facilités ou exacerbés par un service du renseignement inefficace, un manque de surveillance et l'absence complète de l'obligation de rendre compte. Prenons, par exemple, les milliers d'entrevues «amicales» qui ont été imposées à de nombreux musulmans après le 11 septembre 2001. Dans bien des cas, des citoyens respectueux des lois ont été forcés de se prêter à des interrogatoires humiliants au sujet de leur vie personnelle, de leur foi et de leur pratiques religieuses, de leurs croyances personnelles et de leurs convictions politiques. Les raisons motivant ces interrogatoires étaient si faibles que nombre de Canadiens musulmans avaient le sentiment qu'il suffisait d'être musulman pour être soumis à l'examen de l'État et à tout ce que cela implique.

Par conséquent, honorables sénateurs, si le gouvernement tient à aller de l'avant, nous devrions au moins nous assurer raisonnablement que les arrêtés d'urgence sont valides sur le plan constitutionnel.

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Par conséquent, honorables sénateurs, je propose, appuyée par le sénateur Stratton:

Que le Sénat ne procède pas maintenant à la troisième lecture, mais qu'il renvoie le projet de loi C-7 au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour une analyse de la constitutionnalité de ce projet de loi.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'ai écouté très attentivement madame le sénateur Andreychuk. J'ai siégé au comité avec elle et je dois dire que sa lucidité m'impressionne toujours.

(1530)

J'ai deux questions à poser, dont l'une fait suite à des propos tenus par madame le sénateur Andreychuk. Elle a affirmé, je crois, qu'un grand nombre de nos détenus appartiennent à des groupes minoritaires, ou quelque chose du genre. Elle a aussi décrit d'autres catégories.

Peut-elle nous dire le pourcentage des détenus qui proviennent, disons, de la classe ouvrière, qui appartiennent à la catégorie des cols bleus? A-t-elle idée de la proportion qu'ils représentent?

Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, je n'ai pas de statistiques à jour. Le sénateur Cools n'est pas sans savoir que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles réclame constamment des renseignements de ce genre à Statistique Canada.

Je tenais à préciser que les gens qui commettent des crimes au Canada ne sont pas tous des terroristes.

Dans cette optique, j'ai utilisé quelques exemples. J'aurais pu parler des travailleurs manuels ou de toute autre personne. On a établi un seuil minimal de cinq années de détention. Cela inclut les méfaits publics. Il y a toutes sortes de situations qui n'ont rien à voir avec le terrorisme.

J'ai essayé de me restreindre au fait que les policiers avaient tout à fait raison de dire que les crimes impliquant des bandes ou du blanchiment d'argent pouvaient avoir des liens avec le terrorisme. Toutefois, je suis persuadée que notre système pénal ne tend pas dans son entier à établir que ce système transforme tous ceux qu'il prend en charge en terroristes. Je tenais à le préciser.

Je reconnais que j'ai pu présenter ce concept de façon un peu trop restreinte. Si c'est le cas, je n'aurais certes pas dû le faire.

Le sénateur Cools: C'est l'un des problèmes de la formulation de cette soi-disant loi antiterroriste, et cela me mène à ma prochaine question.

Avec la reconnaissance de la nécessité d'une telle mesure législative, plusieurs opinions ont été formulées sur la façon de relever le défi de la formulation de la mesure législative proposée. Je n'ai jamais compris pourquoi les rédacteurs procédaient de cette façon parce le terme «terroriste» soulève de nombreux problèmes. À mon avis il est truffé de problèmes.

Madame le sénateur Andreychuk est-elle au courant de quoi que ce soit à cet égard? Par exemple, plusieurs opinions ont été présentées au moment de la rédaction de la mesure législative. Au lieu de tenter de créer de nouvelles infractions qualifiées de «terroristes» et d'établir un nouveau concept «terroriste», plusieurs personnes étaient d'avis qu'il valait mieux s'en remettre à la common law et au droit historique traditionnel et se baser sur des concepts qui étaient bien compris depuis des siècles. Par exemple, le 11 septembre, des navires ont été attaqués. On aurait pu considérer qu'il s'agissait de piraterie. Autrement dit, on aurait pu invoquer les lois traitant de la piraterie dans le contexte actuel. Par exemple, la piraterie sur mer est différente de la piraterie aérienne, si les sénateurs se souviennent des distinctions établies entre les pirates, les naufrageurs et ainsi de suite. Ce qu'il y a d'intéressant avec les termes «piraterie» et «pirates», c'est que leur signification est très claire, ce qui est loin d'être le cas pour des mots comme «terroriste».

Le seul fait qu'on nous dise que tous les criminels pourraient être des terroristes prouve à mon avis le point soulevé par le sénateur Andreychuk de façon claire et pertinente.

Madame le sénateur Andreychuk est-elle au courant de quoi que ce soit en rapport avec ces recommandations qui ont été faites dans le but d'incorporer dans la loi des termes plus clairs et plus facilement compréhensibles et déjà connus du public que ceux que l'on retrouve ici? Je comprends que les rédacteurs avaient envie de suivre les nouvelles tendances plutôt que de se contenter des méthodes législatives anciennes basées sur la common law.

Madame le sénateur Andreychuk est-elle au courant de cela? Si ce projet de loi devait aller en comité, il faudrait peut-être étudier ces questions. Le mot «terroriste» a plusieurs interprétations. En fait, pour certaines personnes, les terroristes sont des héros.

Le sénateur Andreychuk: Je ne peux répondre qu'avec l'éclairage d'autres travaux que j'ai effectués à propos de projets de loi antiterroristes.

Revenons au projet de loi C-36. Nous, les Nations Unies ou n'importe qui d'autre ne pouvait pas vraiment définir un terroriste ou le terrorisme. La réflexion internationale n'a pas pu aller plus loin que «activité terroriste». Mon reproche, à l'égard du projet de loi C-36, c'est que nous avons repris la définition britannique plus étroitement que quiconque. Cette définition britannique se fondait sur des raisons historiques en Grande-Bretagne, pas ici. Cela remonte à l'IRA, et cetera.

Ma préoccupation face à ce projet de loi n'est pas axée sur l'activité terroriste. Je concéderai que le gouvernement doit faire certaines choses, mais certains aspects du projet de loi sont bons. Par exemple, la convention internationale est bien.

Dans le cadre d'un projet de loi présenté après le 11 septembre, et en réponse à ces événements du 11 septembre, on a préparé toute une série de projets de loi. Je rends hommage au gouvernement pour cela, car nous ne connaissions pas la menace. Comme l'a dit deux ans et demi plus tard Mme Stoddart, commissaire canadienne à la protection de la vie privée, nous avons beaucoup d'expérience et nous devrions mettre nos ressources là où elles peuvent avoir des retombées et connaître du succès. En d'autres termes, affectez-les au renforcement du renseignement, à l'amélioration du contrôle de nos frontières, à une action en harmonie, et ne nous enfonçons pas de plus en plus profondément dans des détails juridiques qui provoquent des difficultés.

Il existe un risque réel de mêler le droit pénal et le droit du terrorisme. Ce projet de loi a commencé comme une réponse à la législation sur le terrorisme. On l'a mis de côté, puis on l'a ramené un certain nombre de fois.

Lorsqu'on lit le projet de loi, on découvre qu'il s'applique à tout avec les arrêtés d'urgence. C'est un raccourci qui évite de devoir passer par les règlements, un, le processus démocratique qui exige une reddition de comptes. Il est beaucoup plus facile de ne pas avoir à rendre des comptes.

Mon problème tient au fait que le gouvernement contourne le Parlement et des processus judicieux que nous avons mis des années à établir, sans grandes retombées pour notre protection contre le terrorisme. Le gouvernement devrait d'abord nous parler des cadres administratif et stratégique. Nous les attendons depuis deux ans et demi. Il pourrait parler des ressources, de sorte que les autorités à la frontière n'auraient pas à dire: «Certaines choses se produiront en juillet, mais nous n'avons pas les fonds permettant de mettre en œuvre tout ce qui a déjà été adopté.»

Nous ne devrions pas induire la population en erreur en affirmant que le projet de loi C-7 accroîtra notre sécurité. C'est un outil mineur dans la meilleure des hypothèses. Il envahit et compromet tellement d'autres choses.

J'implore le gouvernement de s'en tenir uniquement au terrorisme dans ce projet de loi; ou, si les 100 pages sont nécessaires, qu'il veille à ce que cette ingérence contre laquelle il nous a fallu tellement de temps pour nous protéger soit raisonnable sur le plan constitutionnel.

L'honorable Joseph A. Day: Honorables sénateurs, si aucun autre sénateur ne désire poser des questions à madame le sénateur Andreychuk, je voudrais parler brièvement de l'amendement qu'elle a présenté.

J'exhorte les sénateurs à voter contre cet amendement. La question qu'il soulève, à savoir à quel comité le projet de loi devrait être renvoyé, a été réglée lors de la deuxième lecture. Il a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui a accompli un excellent travail.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix: Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion d'amendement du sénateur Andreychuk?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés:

Son Honneur la Présidente intérimaire: Y a-t-il entente sur la durée du timbre?

L'honorable Terry Stratton: On s'est entendu pour qu'il sonne pendant 30 minutes.

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool: Le timbre sonnera pendant 30 minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour que le timbre sonne pendant 30 minutes?

Des voix: D'accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Le vote aura lieu à 16 h 10.

Convoquez les sénateurs.

(1610)

(La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Murray
Atkins Nolin
Cochrane Oliver
Comeau Prud'homme
Di Nino Spivak
Eyton St. Germain
LeBreton Stratton
Lynch-Staunton Tkachuk—16

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS 

Adams Hervieux-Payette
Austin Hubley
Bacon Jaffer
Banks Joyal
Biron Kroft
Bryden Lapointe
Callbeck Lavigne
Carstairs Léger
Chaput Losier-Cool
Christensen Maheu
Cook Mercer
Corbin Morin
Day Munson
De Bané Pearson
Downe Phalen
Ferretti Barth Ringuette
Finnerty Robichaud
Fitzpatrick Rompkey
Fraser Sibbeston
Gauthier Smith
Gill Stollery
Graham Watt—45
Harb

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Cools—1

Son Honneur la Présidente intérimaire: Reprise du débat à l'étape de la troisième lecture.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement au sujet du vote. En vertu de l'article 68(1) du Règlement:

Un sénateur ne peut voter que si, à une mise aux voix, il se trouve à l'intérieur de la barre du Sénat.

Je crois que le sénateur Harb n'était pas l'intérieur de la barre lorsque la question a été mise aux voix, mais il a voté.

L'honorable Mac Harb: Honorables sénateurs, c'est exactement cela. J'étais à l'intérieur de la barre avant la fin du vote. Mes collègues ici présents peuvent en témoigner.

Le sénateur Stratton: Le fait est qu'en vertu du Règlement, un sénateur ne peut voter que si, à une mise aux voix, il se trouve à l'intérieur de la barre du Sénat, non pas à la fin du vote mais lorsque la question est mise aux voix.

C'est la deuxième fois que le sénateur Harb agit de la sorte. Je rappelle à tous les sénateurs qu'ils sont censés être à l'intérieur de la barre lorsqu'ils votent. Nous ne disputons pas un match de tennis, après tout.

Le sénateur Harb: Honorables sénateurs, sauf le respect que je vous dois, ce n'est pas la deuxième fois que cela se produit. La première fois, même si j'avais le droit, à titre de sénateur, de voter, je ne me suis pas prévalu de ce droit. Un collègue est intervenu et a dit que j'aurais pu voter si j'avais voulu me prévaloir de ce droit.

Si le Règlement du Sénat est similaire à celui de l'autre endroit, tant qu'on n'a pas terminé de mettre la question aux voix, je peux me prévaloir de mon droit de vote.

La décision vous appartient. De toute façon, vous pouvez consulter le Règlement.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je pense qu'il s'est effectivement produit quelque chose. Il y a toutefois énormément d'incertitude. Je propose que nous ne traitions pas cette question comme un recours au Règlement, que nous ne demandions pas à Son Honneur de se prononcer là-dessus, mais que nous laissions la question se régler d'elle-même au cours des prochaines semaines.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, je serai d'accord à une condition étant donné que c'est la deuxième fois que le sénateur Harb agit de la sorte. Je demanderais à l'honorable sénateur de respecter le protocole du langage en vigueur à cet endroit, comme j'ai prié d'autres sénateurs de le faire, et de ne plus agir de la sorte. Si jamais il se trouve à nouveau dans cette situation, je le prierais de ne pas voter.

Le sénateur Harb: Honorables sénateurs, je ne comprends pas pourquoi mon collègue fait une tempête dans un verre d'eau. Je n'ai pas exercé mon droit de vote la dernière fois que cela s'est produit. Ce n'est pas le deuxième incident du genre. Je pense que le sénateur nous doit des excuses pour avoir dit quelque chose qui n'est pas conforme à la réalité, comme le compte rendu peut en témoigner. Un de mes collègues de ce côté-ci est intervenu pour signaler que j'aurais alors pu voter, mais je me suis abstenu de le faire parce que je n'étais pas certain de ce que prévoyait le Règlement. Cependant, après avoir consulté le Règlement, j'ai constaté que j'avais le droit de le faire.

Son Honneur la Présidente intérimaire: À l'ordre! Je rappelle aux honorables sénateurs le paragraphe 68(1) du Règlement, qui est ainsi libellé:

Un sénateur ne peut voter que si, à une mise aux voix, il se trouve à l'intérieur de la barre du Sénat.

Reprise du débat sur le projet de loi C-7.

Des voix: Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire: Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

L'honorable Pierre Claude Nolin: Je propose l'ajournement du débat.

Son Honneur la Présidente intérimaire: L'honorable sénateur Nolin, appuyé par l'honorable sénateur Tkachuk, propose que le débat soit ajourné jusqu'à la prochaine séance du Sénat.

(1620)

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Que ceux qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Et deux sénateurs s'étant levés:

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, y a- t-il entente en ce qui concerne le timbre?

Le sénateur Stratton: Si vous me le permettez, je signale que ce ne peut être dans une heure, parce que le timbre retentira à 17 h 15. Je demande que le vote ait lieu à 17 h 30, en même temps que les autres votes.

Le sénateur Losier-Cool: Nous sommes d'accord pour que ce vote ait lieu à 17 h 30, après les autres votes.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Le vote aura lieu à 17 h 30, après l'autre vote.

Le sénateur Cools: Je signale à Son Honneur que les propositions des whips ne sont que des mots tant que les honorables sénateurs n'en ont pas accepté le contenu. J'ai soulevé cette question à d'innombrables reprises. Le Sénat n'est pas tenu de mettre en application ce que les sénateurs Stratton et Losier-Cool viennent de dire à moins que les honorables sénateurs y consentent, en réponse à une brève question. Cette situation continue de se produire en dépit du fait que j'ai attiré l'attention de la présidence sur la question, à maintes et maintes occasions.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Je n'arrive pas à vous entendre.

Le sénateur Cools: Je vais répéter.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Les honorables sénateurs sont-ils d'accord pour que l'on tienne le vote à 17 h 30, après les autres votes?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: J'allais dire non, mais je vais m'abstenir.

(Le débat est suspendu.)

AGRICULTURE ET FORÊTS

AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion:

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je propose:

Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à siéger à 18 heures aujourd'hui, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

L'honorable Eymard G. Corbin: Puis-je demander au sénateur pourquoi il demande la permission de tenir une séance de son comité pendant que le Sénat siège aussi?

Le sénateur Oliver: Honorables sénateurs, le comité doit entendre un témoin de la Colombie-Britannique ce soir. Si le Sénat doit siéger jusqu'à 19, 20 ou même 21 heures, cela causera quelque difficulté. Nous demandons la permission pour pouvoir entendre ce témoin.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

PÊCHES ET OCÉANS

AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion:

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je propose:

Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à siéger à 19 heures aujourd'hui, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, le sénateur Comeau pourrait-il nous dire à quelle heure siège normalement son comité?

[Français]

Le sénateur Comeau: Honorables sénateurs, il est prévu que le Comité permanent des pêches et océans se réunisse à 19 heures. Je demande cette permission au cas où le Sénat siègerait à cette heure. Nous accueillons ce soir des témoins très importants, dont le ministre des Pêches et des Océans, le secrétaire parlementaire, le sous-ministre adjoint et le sous-ministre intérimaire responsable de la gestion des pêches et de l'aquaculture. Il sera question d'un sujet très important intitulé «Le cadre stratégique de la gestion des pêches sur la côte Atlantique du Canada».

Par conséquent, j'aimerais m'assurer que le comité soit en mesure de siéger à l'heure prévue.

[Traduction]

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'ai été surprise d'entendre le sénateur Comeau, en réponse au sénateur Corbin, dire que son comité se réunissait normalement à 19 heures. Quelle information le sénateur Comeau détient-il, contrairement à moi, pour dire que nous pourrions siéger ce soir à 19 heures?

En consultant le Feuilleton, franchement, je constate une pénurie de travaux du gouvernement. On nous a dit que nous pourrions siéger une bonne partie du mois de mai avant le déclenchement des élections. À mon avis, nous ne devrions même pas siéger. Quelle information le sénateur Comeau détient-il, contrairement à moi, voulant que nous pourrions siéger ce soir à 19 heures, comme d'habitude, alors que nous ne sommes saisis d'aucune initiative ministérielle? En fait, le Sénat devrait ajourner et attendre que le premier ministre demande à la Gouverneure générale de déclencher les élections.

Je refuse de dire que le premier ministre déclenche les élections. Le déclenchement des élections est une prérogative de Sa Majesté.

Si le sénateur voulait bien nous faire part de cette information, nous disposerions tous de la même information et nous serions inclusifs et démocratiques.

Le sénateur Comeau: Honorables sénateurs, j'ai profité du fait que nous avions demandé la permission au Sénat de revenir aux avis de motion. J'ai trouvé que la motion du sénateur Oliver arrivait à point. Il nous arrive souvent, le mardi soir, de siéger après 18 heures. Je ne fais que saisir l'occasion.

Le sénateur Cools: L'honorable sénateur a en fait demandé au Sénat de suspendre l'application de son Règlement pour déposer sa motion par pure complaisance. Et il dit qu'il n'a rien de concret à présenter.

[Français]

L'honorable Jean Lapointe: Honorables sénateurs, à titre d'information, un match du Canadien sera diffusé à la télévision ce soir à compter de 19 heures. Si le Sénat doit siéger à cette heure, je prévois qu'il y aura plusieurs absents.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

MOTION VISANT À APPROUVER LA NOMINATION DE MARIA BARRADOS À TITRE DE PRÉSIDENTE DE LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE—RENVOI AU COMITÉ DES FINANCES NATIONALES

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement), conformément à l'avis donné le 22 avril 2004, propose:

Que, conformément au paragraphe 3(5) de la Loi concernant l'emploi dans la fonction publique du Canada, chapitre P-33 des Lois révisées du Canada (1985), le Sénat approuve la nomination de Maria Barrados, d'Ottawa (Ontario), à titre de présidente de la Commission de la fonction publique pour une période de sept ans.

— Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 3(5) de la Loi concernant l'emploi dans la fonction publique du Canada, chapitre P-33 des Lois révisées du Canada, le Sénat approuvera la nomination de Maria Barrados, d'Ottawa, à titre de présidente de la Commission de la fonction publique pour une période de sept ans.

Honorables sénateurs, Mme Barrados occupe le poste de présidente de la Commission de la fonction publique depuis le 20 novembre 2003. Il est important que nous confirmions maintenant son affectation à ce poste.

La Commission de la fonction publique est responsable de la sauvegarde des valeurs qui caractérisent une fonction publique professionnelle et un système de nomination fondé sur le mérite au sein de la fonction publique par l'application de la Loi concernant l'emploi dans la fonction publique du Canada. La Commission de la fonction publique a pour mandat de faire des nominations fondées sur le mérite et de mener les enquêtes et vérifications pertinentes.

(1630)

Le président de la Commission de la fonction publique agit en qualité de directeur général de la Commission de la fonction publique et il s'efforce d'assurer des partenariats stratégiques au sein du service relativement aux questions liées à la gestion des ressources humaines.

Mme Barrados a auparavant occupé le poste de vérificatrice générale adjointe, Direction générale des opérations de vérification, au bureau du vérificateur général du Canada. Elle a occupé ce poste de décembre 1993 jusqu'à sa nomination à titre de présidente intérimaire de la Commission de la fonction publique. Elle s'est jointe au Bureau du vérificateur général en 1985 et elle a occupé des postes comportant des responsabilités progressivement plus grandes avant d'être nommée au poste qu'elle occupe présentement.

Mme Barrados a joué et continuera de jouer un rôle important de leader dans le processus de modernisation de la fonction publique fédérale et elle a démontré son engagement à faire en sorte que la Commission de la fonction publique devienne un véritable défenseur du principe du mérite.

J'invite tous les honorables sénateurs à appuyer la motion.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je commence à porter une attention un peu plus grande aux motions qui ont trait à l'approbation de nominations, particulièrement à la suite de l'affaire Radwanski. Je me souviens que, lorsque M. Bruce Phillips avait été nommé commissaire à la protection de la vie privée, il y avait eu passablement de désaccords et de controverse. Ces nominations méritent un véritable débat. La motion est formulée d'une façon telle qu'on anticipe le résultat. Par conséquent, il est difficile pour les gens d'exprimer leur désaccord autrement que par un vote.

Je me demande s'il y aura un débat sur cette motion. Si c'est le cas, le leader adjoint pourrait-il nous fournir des précisions? Par exemple, j'aimerais savoir comment Mme Barrados a été sélectionnée et choisie au départ. J'aimerais connaître les critères et les qualités requises qui ont été employés aux fins du processus en vertu duquel son nom a été proposé. J'aimerais obtenir d'autres renseignements de base. Par exemple, combien d'autres candidats ont été pris en considération? J'aimerais être informée des titres de compétence de Mme Barrados. Je voudrais aussi en savoir un peu plus sur les critères en vertu desquels cette personne a été choisie de préférence à tous les autres candidats.

Le premier ministre Martin s'est engagé à avoir une plus grande transparence dans le choix des personnes nommées. Ainsi, le leader adjoint pourrait-il nous donner une explication complète et nous préciser plus en détail pourquoi le Sénat devrait approuver cette motion?

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, j'ai quelques observations et questions. J'ai pensé que notre collègue voudrait peut-être les entendre, ainsi que toute autre observation, et répondre ensuite.

Le sénateur Cools: Je préférerais poser mes questions dans l'ordre. J'ai posé quelques questions. Je n'ai aucun doute quant à la mémoire du leader adjoint, mais je crains que ses réponses puissent m'amener à poser une autre question.

Le sénateur Murray: Le sénateur Cools a demandé au départ si nous aurions un débat. Une motion a été présentée au Sénat et le sénateur proposant la motion a fait son discours. Cela lancerait normalement le débat. Notre collègue, l'honorable sénateur Cools, a posé des questions. Je n'ai pas une longue intervention à faire. Deux ou trois choses me sont venues à l'esprit durant le discours du sénateur Rompkey et, bien sûr, à la suite des questions du sénateur Cools. Il incombe entièrement au leader adjoint de décider s'il veut intervenir maintenant pour répondre au sénateur Cools et plus tard pour me répondre et encore plus tard pour répondre à un autre sénateur ou s'il veut suivre la procédure normale quant au débat.

Le sénateur Prud'homme: La procédure normale.

Le sénateur Rompkey: Honorables sénateurs, il y a eu des consultations entre les partis. Nous nous sommes entendus pour dire que le Comité sénatorial permanent des finances nationales était le mieux placé pour examiner cette question. Nous proposons donc de renvoyer la motion à ce comité. Ce dernier aurait suffisamment de temps pour répondre à toutes les questions auxquelles nous n'avons pas de réponse au Sénat à ce stade-ci. Je crois qu'il y a accord sur cette façon de procéder, et nous espérons que la motion sera renvoyée aujourd'hui afin que le comité puisse entreprendre ses travaux.

L'honorable Terry Stratton: Il y a eu des discussions, honorables sénateurs, en ce qui concerne le renvoi de cette question au Comité sénatorial permanent des finances nationales ou son étude en comité plénier au Sénat. On a jugé que le Comité sénatorial permanent des finances nationales pourrait très bien s'occuper de cette motion.

Étant donné que nous sommes saisis de cette motion aujourd'hui, nous pouvons supposer que l'autre endroit a tenu des audiences là- dessus. Ces audiences ont-elles eu lieu en comité plénier ou la motion a-t-elle été renvoyée à un comité particulier? Pouvons-nous avoir une réponse à cette question?

Le sénateur Rompkey: Honorables sénateurs, je crains de ne pouvoir répondre à toutes ces questions, mais je serai heureux de trouver les réponses.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je suis très heureux d'être de retour.

Le sénateur St. Germain: Où étiez-vous?

Le sénateur Prud'homme: Nos collègues de la Chambre des communes avaient coutume de dire «les gens d'en face». Nos vis-à- vis sont certes en face, mais il y en a d'autres en face, dans ce coin-ci et dans l'autre à l'extrémité de l'enceinte. J'ignore s'ils étaient consultés eux aussi.

Quand j'étais à la Chambre des communes, j'étais personnellement un ferme partisan de M. Bruce Phillips, ayant voté pour lui à deux reprises. Je pensais qu'il était un excellent choix. Comme les sénateurs le savent, j'ai forcé la tenue d'un vote ici contre M. Radwanski. Je suis toujours reconnaissant à ceux qui ont jugé bon de voter d'un côté ou de l'autre. Je lis toujours avec grand plaisir ce que certains sénateurs ont dit à son sujet. Ils m'ont appris à faire preuve d'humilité dans la rédaction de mes discours. On m'a dit, et je fais confiance à ceux qui me l'ont dit, que cette dame possède une grande compétence.

Nous avons pour pratique établie au Sénat, contrairement à la Chambre des communes, de faire comparaître devant nous dans l'enceinte du Sénat les personnes mises en nomination, ce qui suscite des débats intéressants. Nous pourrions également décider de faire téléviser ces débats pour montrer le sérieux des travaux du Sénat. Le Sénat est attaqué par de nombreux partis politiques en ce moment, même le parti ministériel. Ils pensent que parfois que c'est une bonne chose d'attaquer le Sénat pour marquer des points sur l'échiquier politique. Je ne souscris pas à cette tactique.

Avant de renvoyer cette motion à un comité, les sénateurs songeraient-ils à inviter Mme Barrados, qui, je le répète, semble être une personne extrêmement compétente, à comparaître devant le Sénat formé en comité plénier? J'appuierai la décision qui sera prise, mais je propose que, dans l'avenir, pareils débats devraient se tenir davantage au vu et au su du public. Si la motion est renvoyée à un petit comité dont les séances ne sont pas télévisées, seuls quelques sénateurs connaîtront la personne qui sera appelée à exercer des pouvoirs considérables. Compte tenu des changements qui se produisent maintenant au sein de la Commission de la fonction publique, et nous avons débattu à maintes reprises de la question, je voudrais savoir publiquement ce qu'elle pense de ces changements et comment elle entend les appliquer.

(1640)

Le sénateur Murray: J'aimerais formuler deux ou trois commentaires.

Le sénateur Cools: J'ai une deuxième question.

Le sénateur Rompkey: J'aimerais d'abord m'excuser auprès du sénateur Prud'homme parce que les discussions que nous avons eues se sont déroulées ce matin, et je n'étais pas sûr s'il était revenu parmi nous. Il sait, je crois, qu'auparavant je me suis fait un point d'honneur de le consulter.

Le sénateur Prud'homme: Oui, oui.

Le sénateur Rompkey: Cela étant dit, j'ai pris au sérieux ce qu'il a dit au sujet de la possibilité de traiter certaines de ces questions en comité plénier et de télédiffuser les délibérations et le reste. Je ne suis pas certain que nous devrions le faire dans tous les cas, mais nous devrions le faire pour certains.

À ce sujet, notre préférence est que nous devrions renvoyer cette question au Comité sénatorial permanent des finances nationales, mais rien ne s'oppose à ce que nous prenions les mesures nécessaires pour que les délibérations de ce comité soient télévisées. Le public peut observer aussi bien les questions que les réponses. Le public pourra les voir et les entendre. Elles deviendront accessibles à une plus grande part de la population qu'autrement. J'espère que le sénateur Prud'homme sera d'accord avec cette façon de procéder.

Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, c'est la première fois que j'entends évoquer la possibilité d'un renvoi au Comité permanent des finances nationales. Si tel devait être le cas, évidemment, nous prêterions notre entier concours et ce avec diligence.

Mme Barrados nous est connue. Je suis persuadé qu'elle est un excellent choix. Son emploi le plus récent, si je ne fais pas erreur, a été au service du Bureau de la vérificatrice générale, ce qui en soi est toute une recommandation, du moins aux yeux de certains d'entre nous.

Toutefois, il y a des questions auxquelles, franchement, je ne crois pas que Mme Barrados pourra répondre et ce ne serait probablement même pas indiqué de les lui poser. Elles ont trait aux intentions du gouvernement à l'égard de cette commission.

Corrigez-moi au besoin, mais je crois que le nouveau projet de loi sur la fonction publique que nous avons adopté prévoyait que les postes de commissaire existants seraient abolis. Il prévoyait l'abolition des deux postes. Jusqu'ici, trois postes à plein temps ont existé, le président et deux commissaires, et je crois qu'il prévoyait l'abolition des deux postes de commissaire. Je crois également — et là encore on pourra me corriger — qu'il prévoyait qu'un nombre illimité de commissaires à temps partiel des quatre coins du pays soient nommés. Je suis intervenu à ce sujet, et je doute très fort de cet élément au point de vue politique publique, mais elle est en vigueur. C'est maintenant devenu loi.

J'aimerais connaître les intentions du gouvernement à ce sujet et savoir comment il choisit les membres de la commission. Il s'agit d'un organisme extrêmement important, comme on le sait. Il est primordial que la population canadienne en général et les fonctionnaires fédéraux en particulier lui fassent pleinement confiance.

Je suis convaincu que la proposition de Mme Barrados par le gouvernement constitue un bon point de départ, mais nous devons en savoir plus sur les intentions du gouvernement relativement aux autres postes de la commission. Il pourrait aussi y avoir d'autres questions qu'il ne serait pas indiqué ou utile de poser à Mme Barrados, à supposer que mon confrère et ses collègues de l'opposition veuillent faire comparaître Mme Barrados devant le comité pour discuter avec elle de ses qualifications, de sa formation et de son point de vue au sujet de l'emploi. Cela ne nous mènerait pas très loin.

Le sénateur Rompkey: Je suis certain que ce serait le cas. Le comité est maître de sa destinée et peut gérer ses affaires comme il l'entend. Nous faisons pleinement confiance au président de ce comité. Puisque les questions s'accumulent, je pense que le meilleur endroit pour y répondre est le comité, qui possède les ressources nécessaires et le temps voulu pour trouver les réponses. Je ne pense pas que des limites devraient être imposées à l'étude de la question par le comité.

Le sénateur Murray: Les ministres seraient peut-être mieux placés pour répondre au nom du gouvernement.

Le sénateur Rompkey: Dans ce cas, le comité pourrait convoquer le ministre compétent. C'est tout à fait réglementaire et conforme au mandat et à l'autorité du comité.

J'espère, Votre Honneur, que nous pourrons adopter cette motion et renvoyer l'affaire au Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Le sénateur Cools: J'aimerais poser une autre question.

Je trouve très intéressante la suggestion du sénateur Prud'homme concernant le comité plénier. Je suis certaine que les honorables sénateurs savent que je favorise beaucoup un recours accru au comité plénier.

Le sénateur Rompkey n'a pas répondu complètement à ma question, mais il y a répondu en partie. En réponse à ma question concernant la tenue de débats et d'échanges plus poussés, il a dit que lui et d'autres sénateurs, dans les rangs d'en face, s'étaient consultés et qu'ils avaient décidé de renvoyer le projet de loi.

Je dirai au sénateur Murray que c'est pour moi une piètre consolation parce que j'étais membre du Comité sénatorial permanent des finances nationales, mais je ne le suis plus. Le sénateur Rompkey le sait, parce que c'est lui qui m'a écrit pour m'informer qu'il retirait mon nom de la liste des membres du comité, pour des raisons que je ne comprendrai jamais. Mais c'est là une autre question.

Par conséquent, la réponse du sénateur Rompkey à ma question ne me procure aucun réconfort et ne me permet pas de croire que toutes les questions et préoccupations que j'ai au sujet de ces nominations pourront être présentées et recevoir une réponse. D'après ce que je peux constater, l'intention du sénateur Rompkey est de faire adopter cette motion le plus rapidement possible. Je commence à me demander du reste à quoi riment toutes ces motions. Peut-être devraient-elles être adoptées automatiquement.

Je le répète au sénateur Rompkey, le meilleur moment pour apporter des changements et accomplir des choses, c'est habituellement maintenant, immédiatement. Au lieu de faire des promesses et de dire qu'un jour, les choses se feront mieux, pourquoi ne faisons-nous pas mieux les choses tout de suite et ne suivons-nous pas la proposition du sénateur Prud'homme en faisant siéger un comité plénier? Après tout, le comité plénier a été la structure de comité initiale de toutes les assemblées parlementaires.

Que peut répondre le sénateur Rompkey?

Le sénateur Rompkey: À propos des premières observations du sénateur, honorables sénateurs, je me rappelle ce que ma mère me disait: tu peux être sûr que tes péchés vont te rattraper.

Le sénateur Cools: Vos péchés ne vont pas vous rattraper.

Le sénateur Rompkey: Quant à la deuxième partie de l'intervention, celle où l'honorable sénateur propose que nous agissions dès maintenant au lieu de remettre à plus tard, je suis tout à fait d'accord avec elle. Je propose donc que la motion soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Le sénateur Cools: Il ne peut y avoir de motion sur la première motion.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, êtes-vous prêts à vous prononcer?

L'honorable John G. Bryden: Puis-je parler de la motion?

Honorables sénateurs, cette motion est de portée limitée. Il est proposé que, conformément au paragraphe 3(5) de la Loi concernant l'emploi dans la fonction publique du Canada, le Sénat approuve la nomination de Maria Barrados, d'Ottawa, en Ontario, à titre de présidente de la Commission de la fonction publique pour une période de sept ans.

Je ne suis pas convaincu que même le président du Comité sénatorial permanent des finances nationales peut interpréter cela de manière à y voir une révision du projet de loi adopté modifiant la Loi sur la fonction publique.

Le sénateur Murray: Non.

Le sénateur Bryden: Nous avons opté pour la nomination d'un seul commissaire de la fonction publique en vertu de cette loi, comme nous avons un seul commissaire à la protection de la vie privée et un seul commissaire à l'information.

Le sénateur Murray: Un seul commissaire à temps plein.

Le sénateur Bryden: Un seul commissaire à temps plein. Je ne sais pas s'il s'agit d'un précédent, mais, l'automne dernier, les délibérations concernant la nomination du commissaire à la protection de la vie privé ont eu lieu en comité plénier du Sénat. Si nous devons considérer la nomination de ces commissaires et l'analyse de leurs compétences avec le sérieux qu'ils méritent à mon avis — parce qu'ils ont un impact considérable sur la manière dont les Canadiens sont gouvernés — nous devrions peut-être le faire également en comité plénier. Je ne sais pas si nous pouvons convoquer un ministre à un de nos comités permanents pour qu'il nous dise si cette personne doit être nommée au poste de commissaire. La personne qui répondra à cette question, est probablement la personne elle-même, lorsque nous procéderons à l'examen.

(1650)

Le sénateur Lynch-Staunton: Il est possible de convoquer des témoins au comité plénier.

Le sénateur Bryden: Ce que j'essaie d'expliquer, c'est que si nous choisissons d'interroger les commissaires, ce que nous avons fait l'automne dernier dans le cas du commissaire à la protection de la vie privée, et que nous avons maintenant un autre cas devant nous, nous pourrions avoir la possibilité de faire une répétition, au Sénat, en prévision du moment où nous examinerons, en comité plénier, les qualifications des futurs juges de la Cour suprême.

Une voix: Et les futurs sénateurs.

Le sénateur Cools: Je suis d'avis que le sénateur John Bryden a fait un commentaire fort brillant.

Des voix: Oh, oh!

Le sénateur Cools: Là encore, cela prouve ce que j'ai dit. Il y a un temps pour apporter des changements. J'ai été travailleuse sociale et à ce titre, j'ai fait beaucoup de counseling. Qu'il s'agisse d'un cas d'intoxication ou de tout autre problème, j'ai toujours cru que le meilleur moment pour amorcer un changement était le moment présent, pas la semaine prochaine, le mois prochain ou l'année prochaine. C'est maintenant qu'il faut le faire.

Je ne comprends pas ce qu'a fait le sénateur Rompkey il y a quelques instants. Si cette motion doit être renvoyée au Comité des finances nationales, comment cela se fera-il? Si je comprends bien, il faudrait une motion supplémentaire pour la renvoyer à un comité, ou à tout le moins un amendement à la présente motion.

Je ne comprends pas du tout la procédure suivie par le sénateur Rompkey, mais nous ne pouvons être saisis de deux questions à la fois, à moins que l'une remplace l'autre. La motion visant à renvoyer une question à un comité n'est pas une motion de remplacement. Le sénateur Rompkey pourrait peut-être nous donner des précisions sur le labyrinthe dans lequel nous semblons nous engouffrer.

Le sénateur Rompkey: Pour ce qui est de la procédure, le Sénat peut agir à sa guise et s'il désire se prononcer sur cette motion, il peut le faire. J'ai déposé la motion parce qu'il s'agissait d'une motion précise. J'ai pensé qu'elle tenait compte de l'entente que nous avons obtenue de l'autre côté.

Pour ce qui est «des gens d'en face», cela se produit tous les jours. C'est ainsi que je conçois notre travail, c'est-à-dire une consultation entre les partis pour tenter de faire adopter une mesure législative dans le meilleur intérêt de tous. C'est ainsi que je conçois nos responsabilités de chef des deux côtés.

Au cours de ces discussions, il a été entendu, et je ne savais pas que le sénateur Prud'homme était de retour aujourd'hui, de proposer la motion de renvoi au comité des finances nationales, et c'est ce que j'ai fait. J'espère que le Sénat autorisera le dépôt de cette motion et qu'il l'approuvera.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, j'aimerais proposer l'ajournement du débat pour me permettre de préparer une motion dans le but de transmettre la question au Comité plénier pour qu'on y accorde tout l'attention qu'elle mérite.

Honorables sénateurs, il devient de plus en plus évident qu'il est de plus en plus difficile et fastidieux de faire notre travail. Ceci dit, honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, si je peux me permettre, je crois que le sénateur Murray a prouvé qu'il convient de poser certaines questions à d'autres personnes que la dame en question, relativement aux aspects techniques de la chose — des questions que l'on ne saurait poser dans cette Chambre en tant que comité plénier. Il vaudrait mieux les adresser au Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Je propose donc que la motion soit renvoyée aujourd'hui au Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Stratton...

Le sénateur Cools: J'invoque le Règlement pour dire que j'avais auparavant présenté la motion d'ajournement. On doit disposer des motions à tour de rôle.

Son Honneur la Présidente intérimaire: L'honorable sénateur Cools, avec l'appui de l'honorable sénateur Harb, propose que le débat soit ajourné.

Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix: Non.

Des voix: Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire: À mon avis, les non l'emportent.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, je propose la motion que j'avais présentée précédemment, avec l'appui du sénateur Rompkey.

Son Honneur la Présidente intérimaire: L'honorable sénateur Stratton, avec l'appui de l'honorable sénateur Rompkey, propose que cette question soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Vous plaît-il d'adopter la motion, honorables sénateurs?

Des voix: Oui.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, j'aimerais également parler de cette question. Il n'y a pas de débat dans cette Chambre. Cette question est importante. Honorables sénateurs, nous devrions prendre notre rôle bien plus au sérieux que nous ne le faisons. Ces enjeux sont capitaux. Les honorables sénateurs croient-ils qu'ils doivent se contenter de prendre la parole pour dire tout ce qui leur passe par la tête? Il s'agit là de questions très graves, en particulier à la lueur de l'affaire Radwanski.

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Avec tout le respect que je dois à ma collègue, la Présidente intérimaire a répondu correctement à la question et elle a accordé la parole à l'honorable sénateur. On ne bouscule pas personne. Son Honneur a mis la question aux voix, mais puisque madame le sénateur s'est levée, Son Honneur a interrompu le souhait de la majorité qui voulait voter en reconnaissant l'intervention du sénateur Cools. Par conséquent, nous écoutons l'honorable sénateur.

Le sénateur Cools: J'ai dit que je voulais proposer l'ajournement du débat. J'aimerais avoir l'occasion d'accorder à cette question l'importance qu'elle mérite, de faire une brève rétrospective de la question et de l'étudier sérieusement.

Honorables sénateurs, il y a quelque chose qui ne va pas en cette enceinte si ces motions du moment sont adoptées rapidement sans qu'elles soient d'abord soumises à un examen sérieux. Cela ne gêne peut-être pas certains sénateurs, mais cela me gêne beaucoup.

Je me souviens que lorsque nous avons étudié le projet de loi sur l'assurance-chômage en 1989, nous avons été surpris et consternés par l'état de la Commission de l'assurance-chômage. Les honorables sénateurs sont libres de voter contre ma motion. Cela se produit chaque jour et je suis habituée à ce genre de situation.

J'aimerais toutefois proposer l'ajournement du débat sur cette motion.

Son Honneur la Présidente intérimaire: L'honorable sénateur Cools, avec l'appui de... y a-t-il quelqu'un pour appuyer la motion?

Personne n'appuie la motion.

(1700)

Le sénateur Cools: Son Honneur peut demander aux sénateurs si l'un d'entre eux appuie la motion. C'est ce qu'elle fait d'habitude; elle n'a qu'à suivre la pratique courante.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, quelqu'un appuie-t-il la motion de l'honorable sénateur Cools?

Le sénateur Prud'homme: C'est une question de principe, comme me l'a fait remarquer un jour le sénateur Murray. Alors, j'appuierai la motion du sénateur Cools, même si je me prononcerai contre la motion du sénateur Stratton qui veut mettre un terme au débat. Son Honneur peut mettre la motion aux voix; le résultat sera clair et nous éviterons ainsi tout un débat.

Son Honneur la Présidente intérimaire: L'honorable sénateur Cools, avec l'appui de l'honorable sénateur Prud'homme, propose que le débat soit ajourné jusqu'à la prochaine séance du Sénat. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Que tous ceux qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, à mon avis, les non l'emportent.

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix: Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire: L'honorable sénateur Stratton, avec l'appui de l'honorable sénateur Rompkey, propose que la question soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

[Français]

 

PROJET DE LOI SUR LOUIS RIEL

DEUXIÈME LECTURE—SUSPENSION DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Joyal, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Gill, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-9, Loi visant à honorer Louis Riel et le peuple métis.—(L'honorable sénateur Stratton).

L'honorable Maria Chaput: Honorables sénateurs, je suis heureuse de participer aujourd'hui au débat sur le projet de loi S- 9, à l'étape de la deuxième lecture de ce projet de loi visant à honorer Louis Riel et le peuple métis.

Avant de prendre sa retraite en avril de cette année, l'honorable sénateur Chalifoux a déposé en cette Chambre ce projet de loi qui en est à sa troisième réincarnation. Je tiens à féliciter ainsi qu'à remercier l'honorable sénateur pour cette initiative qui nous oblige à réfléchir sur le rôle important que Louis Riel a joué dans l'histoire du Canada.

Plus nous lisons sur la vie de Louis Riel, plus nous voulons en apprendre. Je suis fascinée et émerveillée par l'ampleur et la complexité de la vie et de la mort de cet homme, qui a fait couler beaucoup plus d'encre que la majorité des autres personnages de notre histoire.

Plusieurs honorables sénateurs ont participé au débat et ils ont relaté des faits et gestes de la vie de Louis Riel. Ayant lu attentivement leurs textes, je ne voudrais pas que mon intervention aujourd'hui soit une répétition de ce que mes honorables collègues ont déjà entendu.

Ma réflexion m'a poussée à me poser les questions suivantes: d'où vient Louis Riel et quels étaient ses antécédents? Quel est le lien entre Riel, les Métis et le Canada? Dans cette optique, j'ai choisi de partager avec vous des extraits de notes généalogiques ainsi que des informations historiques recueillies dans les divers bulletins de la Société historique de Saint-Boniface, au Manitoba.

Pour vous situer, honorables sénateurs, la Société historique de Saint-Boniface, au Manitoba, a assuré, au cours des cent dernières années, la promotion de l'histoire franco-manitobaine et métisse, par l'entremise de conférences, de causeries et d'archives. La Société gère le Centre du patrimoine où nous retrouvons, entre autres, le Fonds Louis-Riel, qui comprend 646 documents, lettres, et manuscrits originaux de Louis Riel, des lettres de Sara Riel, la sœur de Louis et les archives de l'Union nationale métisse Saint- Joseph du Manitoba.

La Société historique gère aussi la maison Riel; ce lieu historique a été ouvert au public en 1980. Bien que Louis Riel n'ait jamais habité cette maison, cette propriété historique est, d'après les preuves archéologiques des résidences précédentes, son foyer spirituel. Dans l'une de ses maisons antérieures, Riel demeurait avec sa mère lorsqu'il négociait les conditions de la fondation du Manitoba. Dans la maison actuelle, il n'a passé que quelque temps en 1883, quand il a assisté au mariage de sa sœur.

Enfin, c'est dans cette maison située dans le quartier St-Vital, secteur sud de la ville de Winnipeg, au Manitoba, où la famille Riel a vécu de 1860 à 1967, que la dépouille mortelle de Riel a été exposée en décembre 1885, après sa pendaison. C'est là aussi que son épouse Marguerite est décédée en 1886 et que ses jeunes enfants ont été élevés. Le gouvernement fédéral en a fait l'acquisition en 1969 et l'a déclarée lieu historique en 1976.

D'après un récit présenté par M. Maurice Morin, publié au printemps 1995 dans le bulletin de la Société historique de Saint- Boniface:

L'histoire montre qu'entre 1810 et 1870, le Métis et le Canadien (le terme qu'on utilisait alors pour désigner les francophones originaires du Bas-Canada) vivaient en interaction constante et formaient un peuple uni qu'on appelait Métis canadien.

Les événements de 1869-1870 au Manitoba avaient affaibli politiquement et socialement les Métis canadiens, et sur les conseils de monseigneur Taché, ils seront encouragés à faire front commun avec les Canadiens français établis récemment à la colonie de la Rivière-Rouge. Ensemble, ils réclameront l'amnistie de Louis Riel, la reconnaissance des droits de 1869-1870 et s'entendront sur la question de propriété des terres métisses.

Arrive la crise politique de 1885 en Saskatchewan, avec le clergé et le gouvernement canadien qui condamnent Riel, et la prise d'armes des Métis de la Saskatchewan contribue encore davantage à la rupture entre les francophones et les Métis.

Un nouveau vocabulaire s'introduit dans les villages francophones, le Fort Rouge, le Fort des peaux-rouges, et la «coulée» pour désigner les quartiers de la communauté francophone à prédominance métisse; c'est le fardeau des préjugés, préjugés qui existaient malheureusement encore au Manitoba dans les années 50, lorsque je fis des études au couvent des Sœurs Grises. La moquerie des traditions et de l'accent métis étaient chose courante.

Plus de 75 p. 100 de la population métisse quittera donc le Manitoba et partira refaire sa vie dans les Territoires du Nord- Ouest. Les préjugés auront forcé les Métis à s'exiler.

Permettez-moi, honorables sénateurs, de vous parler des antécédents familiaux de Louis Riel et de la grande influence de sa famille dans la quête d'une justice sociale pour les Métis canadiens.

D'après Frances Russell, dans le livre The Canadian Crucible:

[Traduction]

Louis Riel est né le 22 octobre 1844. Tous ses ancêtres étaient canadiens-français, à l'exception de son arrière-grand- mère du côté paternel, qui était une métisse franco-ojibway.

Le jeune Louis avait un culte pour son père et a appris de lui à s'enorgueillir de sa race et de sa religion. Quand il était enfant, Riel était surtout près de sa grand-mère et a été encore plus influencé par elle, une mère profondément religieuse, la première femme blanche dans le nord-ouest.

Louis a commencé ses études à l'âge de sept ans, fréquentant d'abord l'école pour filles tenue par les Sœurs Grises. Il était un excellent élève et, en 1858, on l'a envoyé dans l'est pour fréquenter le collège de Montréal. À compter de la troisième année et jusqu'à la fin du cycle, il a été premier de classe ou n'en était pas loin.

La mort de son père a tout changé. Le jeune Louis a sombré dans une profonde dépression et quatre mois avant la fin de ses études, Louis et le collège ont convenu d'un commun accord de se séparer. Louis est demeuré un an à Montréal et a commencé à s'intéresser à la politique et à s'impliquer dans la ferveur croissante au Québec devant les discussions sur la Confédération.

Riel a alors quitté Montréal, se rendant d'abord à Chicago, puis il s'est progressivement déplacé vers l'ouest, arrivant à Red River en 1868.

Au cours des années précédentes, la Confédération avait apporté des changements de grande importance à Red River. À ses éléments linguistiques, raciaux et religieux traditionnels s'étaient maintenant ajoutées des dimensions politiques.

Avec l'arrivée de Riel, la colonie n'a pas tardé à apprendre que le premier ministre sir John A. Macdonald négociait avec la Compagnie de la Baie d'Hudson le transfert de la terre de Rupert au Canada. Le gouvernement avait également décidé de construire une route à partir de Upper Fort Garry jusqu'à Lac des Bois. La construction de la route a déjà été assez difficile. Mais ce qui est venu aggraver les choses, pour les Métis, ce sont les «travailleurs» qui considéraient les Autochtones comme étant «inférieurs dans la hiérarchie humaine». En 1869, le Canada et la Compagnie de la Baie d'Hudson ont conclu un accord et personne au sein du gouvernement canadien n'a jugé nécessaire d'informer, et encore moins de consulter, les Métis.

Au fur et à mesure que la tension montait, les Métis ont commencé à chercher un leader. L'arpentage de la colonie avait été ordonné. À la fin août, Riel déclare, sur les marches de la cathédrale Saint-Boniface, que l'arpentage est une menace. Le 11 octobre, Louis Riel et un groupe d'environ 18 Métis arrêtent les arpenteurs en mettant le pied sur leur chaîne. (Une réplique de cette chaîne se trouve dans un petit musée situé dans la paroisse où j'habite.) Ce geste fait de Riel un héros. C'est le premier acte de résistance à l'acquisition du Nord-Ouest par le Canada. Riel ne considère pas qu'il agit uniquement dans l'intérêt des Métis. Il se rend rapidement compte qu'il a besoin de l'appui du plus grand nombre possible de membres de la colonie pour donner un caractère légitime à ses exigences de négociation avec le Canada. Le 23 novembre, Riel propose la formation d'un gouvernement provisoire.

(1710)

À la suite du sorte fait à Thomas Scott, Riel s'enfuit, craignant pour sa vie, et se réfugie aux États-Unis. Nous connaissons tous la suite de cette triste histoire.

Au cours de mes recherches, j'ai trouvé un article publié dans le Winnipeg Free Press, le 17 mars 1998, sous le titre «Le père de la controverse: Plus de 112 ans après sa mort, Louis Riel continue à provoquer».

Certains disent que Louis Riel est l'un des Pères de la Confédération. D'autres le traitent d'assassin et de fou. Peu de personnalités de l'histoire du Canada ont engendré autant de controverse de leur vivant et après leur mort que l'homme responsable de l'entrée du Manitoba dans la Confédération.

[Français]

Dans son livre The Canadian Crucible, Frances Russell écrit à la page 14:

[Traduction]

Une fois la Confédération canadienne fondée, les nouvelles provinces s'emploient à édifier la nation. De chaque côté du fossé linguistique, on se consacre à l'édification d'une province à son image. Arrivent Louis Riel et les colons de la Rivière- Rouge, qui veulent se joindre à la toute nouvelle Confédération canadienne. Dans les Prairies, à l'ombre de la cathédrale Saint-Boniface et autour de La Fourche, les deux groupes linguistiques, les francophones et les Métis, vivent côte à côte depuis des décennies, parfois dans l'inimité, mais la plupart du temps en paix. Les francophones, la majorité, et leur chef, Louis Riel, un Métis, négocient la création du Manitoba. Riel est un chef d'un genre nouveau. Autochtone éduqué et bilingue, on voit dans sa dualité personnelle l'incarnation de ce nouveau Canada.

Sa sagesse naturelle, sa maturité remarquable et son sens de la politique lui permettent de faire en sorte que le Manitoba soit un modèle de tolérance, de bilinguisme et de clairvoyance. Mais ce rêve ne s'est pas entièrement réalisé.

Au début de l'hiver 2001, la CBC a consacré une heure, pendant les actualités télévisées, aux grands «et si» de l'histoire canadienne. Et si Louis Riel n'avait pas été pendu? Et si Thomas Scott n'avait pas été tué?

[Français]

Honorables sénateurs, il est important de revoir notre connaissance du passé et sa transparence dans la réalité d'aujourd'hui. Je pourrais continuer, car il n'y a pas de fin à ce récit historique; je n'ai fait qu'effleurer la surface.

Voyez-vous, il n'est pas question de redresser des torts ou de corriger l'histoire. Nous avons commis des erreurs dans le passé. Il n'est pas question de jeter le blâme sur qui que ce soit. Il s'agit de bâtir un Canada fort, compatissant et compréhensif.

Je considère Riel comme un Père de la Confédération. Il a créé la province du Manitoba et a cherché à garantir des droits linguistiques pour son peuple, qu'il voyait comme partie intégrante du Canada.

Louis Riel a incité tous ses descendants métis à faire face à l'adversité et à rester fidèles à eux-mêmes. L'histoire ne peut pas être réécrite mais nous devons nous en souvenir.

Le Canada a atteint sa maturité et notre histoire commune est une histoire forte, vivante, humaine, avec ses erreurs et ses combats.

Ce dont il faut se souvenir, c'est d'un homme qui ne voulait que la démocratie pour son peuple dans un Canada qu'il aimait. Cet homme a été adopté comme chef de file par le peuple métis qui, à l'époque, était majoritaire. Cet homme a collaboré à définir des objectifs collectifs. Il a réussi à dégager un vaste consensus et à rallier presque toute sa communauté. Cela est digne de mention!

Louis Riel a joué un rôle important. Il a contribué à ce que le Manitoba se joigne à la Confédération à titre de province et à ce que des garanties sur la religion et la langue figurent dans la Loi sur le Manitoba.

Cet homme a joué un rôle important dans l'édification du Canada tel que nous le connaissons aujourd'hui.

Que nous soyons d'accord ou non avec l'interprétation de l'histoire, il ne fait aucun doute que la vie et la mort de Louis Riel ont largement contribué à façonner les allégeances politiques dans le gouvernement fédéral de maintenant.

L'année 2004 est pour la nation métisse une année où nous lui redonnons ce qui lui a été si injustement enlevé: la reconnaissance d'être une nation et d'avoir des droits collectifs, ainsi qu'un projet de loi qui l'honore.

[Traduction]

L'honorable Shirley Maheu: Je voudrais poursuivre le débat sur cette question. Le timbre est-il sur le point de sonner?

[Français]

 

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Joyal, c.p., appuyée par l'honorable sénateur LaPierre, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-250, Loi modifiant le Code criminel (propagande haineuse);

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur St. Germain, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Stratton, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à la page 1, à l'article 1, par substitution, aux lignes 9 et 10, de ce qui suit:

«religion, l'origine ethnique ou le sexe.».

Sur le sous-amendement de l'honorable sénateur Cools, appuyée par l'honorable sénateur Tkachuk, que la motion d'amendement soit modifiée par adjonction avant les mots «l'origine ethnique» des mots «une déficience mentale ou physique,».

Son Honneur la Présidente intérimaire: Il est maintenant 17 h 15. Conformément à l'ordre adopté par le Sénat le 22 avril 2004, je dois interrompre les délibérations du Sénat afin de poser la question sur le sous-amendement de l'honorable sénateur Cools sur le projet de loi C-250.

Le timbre d'appel sonnera pendant 15 minutes, et le vote aura lieu à 17 h 30.

[Traduction]

J'informe les sénateurs qu'à la suite du vote sur le sous- amendement du sénateur Cools, nous passerons immédiatement au vote sur la motion du sénateur Joyal portant sur la question préalable qui a été présentée concernant la motion du sénateur Murray.

Si cette motion est adoptée, nous passerons au vote sur la motion du sénateur Murray. Nous passerons ensuite au vote sur la motion de troisième lecture du projet de loi C-7.

Convoquez les sénateurs.

(1730)

(Le sous-amendement, mis aux voix, est rejeté.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS 

Comeau Lynch-Staunton
Cools St. Germain
Di Nino Stratton
Eyton Tkachuk—9
Kelleher

 

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams Hervieux-Payette
Atkins Hubley
Austin Jaffer
Bacon Joyal
Banks Kroft
Biron Lapointe
Bryden Lavigne
Callbeck Léger
Carstairs Losier-Cool
Chaput Maheu
Christensen Massicotte
Cook Mercer
Corbin Morin
Day Munson
Downe Murray
Fairbairn Pearson
Ferretti Barth Phalen
Finnerty Ringuette
Fraser Robichaud
Furey Rompkey
Gauthier Smith
Gill Spivak
Graham Stollery
Harb Watt—48

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Sibbeston—1

LE SÉNAT

LE CODE CRIMINEL—ADOPTION DE LA MOTION VISANT À STATUER SUR LE PROJET DE LOI C-250

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Murray, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Joyal, c.p.,

Que soit adopté un ordre du Sénat que le premier jour de séance suivant l'adoption de la présente motion, à 15 heures, le Président interrompe les délibérations en cours et que toutes les questions nécessaires pour disposer de la troisième lecture du projet de loi C-250, Loi modifiant le Code criminel (propagande haineuse), soient mises aux voix sans autre ajournement, débat ou amendement et que les votes sur ces questions ne soient pas différés;

Que, si un vote par appel nominal est demandé, le timbre d'appel des sénateurs sonne durant quinze minutes, après quoi le Sénat passera au vote sans faire sonner le timbre pour chaque vote.

Sur la motion de l'honorable sénateur Joyal, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Maheu, que la question initiale soit maintenant mise aux voix.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, le prochain vote porte sur la motion du sénateur Joyal, appuyée par le sénateur Maheu: Que la question initiale soit maintenant mise aux voix.

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

 

 

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS 

Adams Hervieux-Payette
Atkins Hubley
Austin Jaffer
Bacon Joyal
Banks Kroft
Biron Lapointe
Bryden Lavigne
Callbeck Léger
Carstairs Losier-Cool
Chaput Maheu
Christensen Massicotte
Cook Mercer
Corbin Morin
Day Munson
Downe Murray
Fairbairn Pearson
Ferretti Barth Phalen
Finnerty Ringuette
Fraser Robichaud
Furey Rompkey
Gauthier Smith
Gill Spivak
Graham Stollery
Harb Watt—48

 

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS 

Cochrane Lynch-Staunton
Comeau Sibbeston
Cools St. Germain
Di Nino Stratton
Eyton Tkachuk—11
Kelleher

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucune.

(1740)

Son Honneur la Présidente intérimaire: Le vote porte maintenant sur la motion de l'honorable sénateur Murray, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Joyal:

Que soit adopté un ordre du Sénat que le premier jour de séance suivant l'adoption de la présente motion, à 15 h, le Président interrompe les délibérations en cours et que toutes les questions nécessaires pour disposer de la troisième lecture du projet de loi C-250, Loi modifiant le Code criminel (propagande haineuse), soient mises aux voix sans autre ajournement, débat ou amendement et que les votes sur ces questions ne soient pas différés;

Que, si un vote par appel nominal est demandé, le timbre d'appel des sénateurs sonne durant quinze minutes, après quoi le Sénat passera au vote sans faire sonner le timbre pour chaque vote.

L'honorable Anne C. Cools: J'invoque le Règlement. Je l'ai répété trois, quatre ou cinq fois.

Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Vous ne pouvez pas agir ainsi, Votre Honneur.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Les sénateurs sont-ils d'accord pour entendre maintenant le recours au Règlement?

Des voix: Non.

Le sénateur Cools: Il n'est pas nécessaire d'obtenir l'accord du Sénat. Il s'agit d'un recours au Règlement.

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS 

Adams Hervieux-Payette
Atkins Hubley
Austin Jaffer
Bacon Joyal
Banks Kroft
Biron Lapointe
Bryden Lavigne
Callbeck Léger
Carstairs Losier-Cool
Chaput Maheu
Christensen Massicotte
Cook Mercer
Corbin Morin
Day Munson
Downe Murray
Fairbairn Pearson
Ferretti Barth Phalen
Finnerty Ringuette
Fraser Robichaud
Furey Rompkey
Gauthier Smith
Gill Spivak
Graham Stollery
Harb Watt—48

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS 

Cochrane Lynch-Staunton
Comeau Oliver
Di Nino Sibbeston
Eyton St. Germain
Kelleher Stratton
Lawson Tkachuk—12

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Cools—1

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je veux expliquer pourquoi je me suis abstenue de voter. Conformément à un ordre débattu il y a quelques jours, la tenue de deux votes était prévue. Cette motion n'a jamais été adoptée...

Des voix: À l'ordre.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Lorsqu'on indique à la présidence un manquement au Règlement pendant un vote, le vote est tenu et la présidence aborde la question à la fin du vote.

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement afin de fournir des éclaircissements. Plus tôt cet après- midi, on a fait des reproches à un sénateur et on lui a indiqué qu'il ne pourrait pas voter. La même situation s'est produite il y a quelques minutes avec le sénateur Oliver.

Voici: nous avons besoin de clarté dans cet endroit. Des sénateurs peuvent ne pas être d'accord avec moi, mais selon moi, dès que la présidence se lève et commence à lire la motion, quiconque entre dans la Chambre ne peut pas voter.

L'honorable Terry Stratton: Le Règlement indique clairement qu'un sénateur doit être à l'intérieur de la barre lorsque la question est mise aux voix. Le Règlement est clair. Je suis d'accord avec le sénateur, mais le Règlement est on ne peut plus clair.

Le sénateur Carstairs: Ce n'est pas que le Règlement ne soit pas clair, c'est que les sénateurs ne semblent pas comprendre clairement la signification de l'article en question. Selon moi, cet article signifie que, dès que la présidence se lève et commence à parler, un sénateur qui pénètre dans l'enceinte ne peut pas voter.

Si nous voulons être justes tant à l'égard du sénateur Oliver que du sénateur Harb, étant donné que nous avons accepté le vote du sénateur Harb plus tôt cet après-midi, nous devons accepter le vote du sénateur Oliver. Soyons clairs à l'avenir.

Son Honneur la Présidente intérimaire: C'est une question importante et elle sera examinée par le Comité consultatif du Président.

L'honorable Mac Harb: Honorables sénateurs, je tiens à dire très clairement, dans la discussion que nous avons, que le paragraphe 68(1) à la page 71 du Règlement du Sénat du Canada dit ceci:

[Français]

Un sénateur ne peut voter que si, à une mise aux voix, il se trouve à l'intérieur de la barre du Sénat.

[Traduction]

Votre Honneur, je vous fais valoir que le sénateur Oliver et moi- même nous trouvions à l'intérieur de la barre du Sénat au moment de la mise aux voix. Par conséquent, le sénateur Oliver et moi-même avons respecté le Règlement du Sénat du Canada.

Cela dit, lorsque je suis arrivé ici, les notes d'information et autres documents que j'ai consultés disaient clairement qu'il y a mise aux voix une fois que le Président a clairement demandé aux sénateurs de répondre oui ou non. Tant que le Président est en train de lire l'objet du vote, la mise aux voix n'a pas encore eu lieu. Par conséquent, je fais respectueusement valoir qu'en vertu du Règlement actuel, le sénateur Oliver et moi-même étions habilités à voter.

Son Honneur la Présidente intérimaire: La question sera examinée par le Comité consultatif du Président.

Le sénateur Cools: Votre Honneur, il y a eu un rappel au Règlement. Vous n'avez pas l'autorité de confier cette question à un comité consultatif du Président ou à tout autre comité. Vous êtes tenue de répondre à l'intervention.

[Français]

(1750)

L'honorable Pierrette Ringuette: Honorables sénateurs, je dois vous avouer ma grande déception sur ce qu'on entend aujourd'hui et sur les actions posées.

Je vous regardais lorsque vous posiez la question, je vous ai clairement vue, et j'ai vu le sénateur Oliver entrer à l'arrière de votre siège. Quand un sénateur, qui n'est pas un nouveau venu, abuse des règles, à mon point de vue, le Règlement prévaut. Je suis d'accord avec le sénateur Carstairs, à un moment donné, il faut trancher, et tranchons une fois pour toutes! Selon moi, le sénateur Oliver n'avait pas le droit de voter.

[Traduction]

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je ne crois pas que le Président détient le pouvoir d'établir le Règlement du Sénat. Le pouvoir du Président du Sénat est extrêmement circonscrit.

Le sénateur Harb a lu l'article du Règlement en français. J'aimerais le lire en anglais. Il s'agit de l'article 68.1, qui dit:

Un sénateur ne peut voter que si, à une mise aux voix, il se trouve à l'intérieur de la barre du Sénat.

C'est très intéressant. L'article ne dit pas «que si le sénateur est assis à son siège». Il dit «à une mise aux voix». Il ne dit pas «lorsque le Président se lève pour prendre la parole ou pour la mise aux voix».

L'interprétation de madame le sénateur Carstairs est presque correcte. Elle confond la mise aux voix avec le fait de se lever pour la mise aux voix. En d'autres mots, le Règlement ne dit pas «que si le sénateur se trouve à l'intérieur de la barre du Sénat lorsque le Président se lève pour la mise aux voix».

Il n'appartient pas à Son Honneur de clarifier ces règles. Ce n'est pas son rôle.

En fait, selon l'interprétation du sénateur Harb, et si j'étais à sa place je serais des plus prudente, la mise aux voix se produit uniquement lorsque le Président termine sa phrase. Voilà à quel moment une question est vraiment mise aux voix. Si la règle avait voulu qu'il en soit autrement, le paragraphe du Règlement l'aurait dit clairement. Il y a plusieurs autres règles régissant ce qui se passe quand le Président est debout, se lève, s'assied, et ainsi de suite.

On vient de me remettre un document portant le titre «La mise aux voix». Je ne sais pas d'où vient ce texte. Le sénateur Harb me l'a donné à l'instant. Ce texte fait peut-être partie des notes qui sont remises aux nouveaux sénateurs. Il s'y trouve une rubrique intitulée «Le vote» et, sous cette rubrique, un en-tête disant «La mise aux voix». Le document dit que, lorsque le Sénat est prêt à voter, le Président peut lire la motion en entier afin qu'il ne demeure aucun doute par rapport à la motion sur laquelle on s'apprête à voter. Puis le Président dit ensuite «Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?» Voilà ce qui représente la mise aux voix. Dans certains cas le texte de la motion peut être très long.

Le document se poursuit. Il existe des arguments à foison pour justifier l'interprétation du sénateur Harb. Le sénateur Lavigne pose une question très profonde: Comment peut-on voter si on ne sait pas sur quoi on vote? Les sénateurs le font tous les jours. Les députés le font aussi tous les jours alors ce n'est rien de déconcertant.

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, je vais discuter de la question avec le comité consultatif de la présidence. Nous poursuivons.

L'honorable Jean Lapointe: Honorables sénateurs, si cela avait été un vote très serré, je comprendrais. Mais je crois que nous perdons un temps incroyable, chaque fois que le sénateur Cools se lève pour des rappels au Règlement. J'apprécie la compétence du sénateur Cools, elle connaît le Règlement par cœur. Si j'étais ici depuis 1984, moi aussi, je le connaîtrais, mais je trouve que ses rappels au Règlement nous font perdre un temps épouvantable au Sénat.

[Traduction]

 

PROJET DE LOI DE 2002 SUR LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

TROISIÈME LECTURE—SUSPENSION DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Léger, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-7, Loi modifiant certaines lois fédérales et édictant des mesures de mise en oeuvre de la convention sur les armes biologiques ou à toxines, en vue de renforcer la sécurité publique.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion de l'honorable sénateur Nolin, appuyé par l'honorable sénateur Tkachuk, qui propose que le débat sur la motion portant troisième lecture du projet de loi C-7 soit ajourné jusqu'à la prochaine séance du Sénat.

(La motion, mise aux voix, est rejetée.)

POUR
LES HONORABLE SÉNATEURS 

Andreychuk Murray
Atkins Nolin
Cochrane Oliver
Comeau Prud'homme
Di Nino Sibbeston
Eyton Spivak
Kelleher St. Germain
Lawson Stratton
LeBreton Tkachuk—19
Lynch-Staunton

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS 

Adams Hubley
Austin Jaffer
Bacon Joyal
Banks Lapointe
Biron Lavigne
Bryden Léger
Callbeck Losier-Cool
Carstairs Maheu
Chaput Massicotte
Christensen Mercer
Cook Morin
Corbin Munson
Day Pearson
Downe Phalen
Fairbairn Ringuette
Ferretti Barth Robichaud
Fraser Rompkey
Harb Smith
Hervieux-Payette Watt—38

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucune.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Il est 18 heures. Les honorables sénateurs veulent-ils que je tienne compte de l'heure?

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): Votre Honneur, je pense que constaterez qu'il y a consensus pour ne pas voir l'heure.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Les honorables sénateurs acceptent-ils de ne pas voir l'heure?

Le sénateur Cools: Votre Honneur, je suis debout.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Il n'y a pas accord. Nous reviendrons à 20 heures.

(La séance est suspendue.)

(2000)

Le Sénat reprend sa séance.

PROJET DE LOI SUR L'AUTONOMIE GOUVERNEMENTALE DE LA PREMIÈRE NATION DE WESTBANK

MESSAGE DES COMMUNES

Son Honneur la Présidente intérimaire annonce qu'elle a reçu des Communes le projet de loi C-11, Loi portant mise en vigueur de l'Accord d'autonomie gouvernementale de la première nation de Westbank.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Rompkey, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)

LA LOI SUR LE TRANSFÈREMENT INTERNATIONAL DES DÉLINQUANTS

MESSAGE DES COMMUNES

Son Honneur la Présidente intérimaire annonce qu'elle a reçu des Communes le projet de loi C-15, Loi de mise en oeuvre des traités ou des ententes administratives sur le transfèrement international des personnes reconnues coupables d'infractions criminelles.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Rompkey, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)

QUESTION DE PRIVILÈGE

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, il est 20 heures et, conformément au paragraphe 43(8), le Sénat commence à étudier la question de privilège du sénateur Cools, qui en a donné avis oral plus tôt aujourd'hui.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, où en sommes-nous dans le Feuilleton? Je pensais que lorsque la séance a été suspendue, nous discutions du projet de loi S-9, visant à honorer Louis Riel et le peuple métis. C'est ce que je croyais comprendre. Son Honneur pourrait peut-être clarifier la question.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Le sénateur Chaput a fini de parler sur le projet de loi S-9.

Le sénateur Cools: Un sénateur a-t-il proposé l'ajournement? J'étais sous l'impression que le sénateur Maheu était sur le point de poser une question au sénateur Chaput.

Une voix: Le débat a été ajourné.

Le sénateur Cools: Le débat a été ajourné? Très bien.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, le paragraphe 43(8) du Règlement du Sénat dit:

Sauf dans les cas prévus au paragraphe (9) ci-dessous, le Sénat commence à examiner si la question de privilège se justifie, au plus tard à 20 heures ou immédiatement après avoir épuisé l'ordre du jour de la séance.

Allez-y, sénateur Cools.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, excusez-moi, mais mon écouteur ne fonctionne pas. J'ai dû déjà le changer aujourd'hui, mais j'ai encore des problèmes. Je ne veux pas jeter le désarroi chez les honorables sénateurs, mais je n'ai vraiment pas entendu ce que Son Honneur a dit.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Si l'honorable sénateur n'a pas entendu ce que j'ai dit, elle pourrait peut-être lire le paragraphe 43(8) du Règlement du Sénat. C'est ce que je viens de lire au Sénat.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je soulève aujourd'hui la question de privilège relativement aux événements qui ont eu lieu durant les délibérations du Sénat le jeudi 22 avril 2004. Les événements survenus dans cette enceinte récemment en ce qui a trait au projet de loi C-250 prouvent certes l'existence d'un déficit démocratique. Je parle en particulier de la façon dont on a poussé le projet de loi C-250. On a constamment tronqué le débat et on a pu constater d'énormes anomalies et parfois des irrégularités. De plus, ce projet de loi a été présenté avec l'appui du gouvernement, même s'il s'agit d'une mesure d'initiative parlementaire.

Honorables sénateurs, je parle de ce que je considère être un exercice pernicieux du pouvoir qui est contraire aux principes parlementaires, à nos usages et au Règlement du Sénat. Je me reporte particulièrement aux motions doubles des sénateurs Murray et Joyal, l'une invoquant la guillotine et l'autre la clôture, ou la question préalable, qui est la motion de clôture originale. Les autres motions découlaient de cela.

Honorables sénateurs, il est amusant de me voir demander à la Présidente intérimaire de se prononcer sur une question qui la concerne personnellement puisqu'elle assume présentement la présidence au moment où je soulève cette question de privilège. L'article du Règlement en vertu duquel je soulève cette question de privilège demande à Son Honneur de juger s'il y avait à première vue matière à question de privilège. Les honorables sénateurs savent qu'une constatation à première vue n'est pas la même chose qu'une décision de privilège. Une décision d'atteinte aux privilèges revient à l'ensemble de la Chambre. Beaucoup de sénateurs croient maintenant que c'est le Président qui se prononce sur cette question car la constatation de première vue en est venue à jouer un rôle qui n'avait jamais été prévu à l'origine de sa création.

(2010)

En fait, la décision de Son Honneur consiste essentiellement à déclarer s'il y a apparence d'atteinte au privilège — une atteinte à première vue — pour ensuite permettre le dépôt d'une motion qui prend ensuite préséance sur les autres travaux du Sénat. C'est là le seul rôle du Président du Sénat — qui semble n'être pas compris dans l'ensemble — qui consiste à décider si oui ou non la motion doit avoir la préséance sur autre chose.

Honorables sénateurs, je ferai valoir que la Présidente intérimaire, en permettant que se poursuive l'étude de la motion du sénateur Murray, empêchait du même coup la tenue de tout débat sur cette motion en reconnaissant le sénateur Joyal comme premier orateur, même si le leader de l'opposition, le sénateur Lynch-Staunton, et d'autres sénateurs, moi comprise, avaient demandé la parole avant le sénateur Joyal. C'est une atteinte au privilège du Sénat. La présidence du Sénat n'a pas le pouvoir, en vertu du Règlement ou de la constitution du Sénat, de faire une telle chose, particulièrement la contrainte du Sénat d'accepter une motion imposant la guillotine présentée par un sénateur à titre individuel, une motion qui ne peut être correctement proposée que par un ministre, et, en outre, d'accepter cette motion imposant la guillotine en combinaison avec une motion de clôture présentée avant. Ces deux motions ont été proposées comme une sorte de duo, de combinaison diabolique et impropre au point d'être dévastatrice.

Honorables sénateurs, ces motions, la clôture ou la guillotine, ont toujours été considérées comme des procédés des plus exceptionnels. Le Sénat a toujours hésité à recourir à pareilles motions, sauf dans les circonstances où elles semblent être le seul moyen de faire avancer les choses au Sénat. La bonne conduite des choses dans cette enceinte n'a jamais été mise en doute, et nous n'aurions pas dû recourir à ces mécanismes ni les favoriser d'aucune façon.

Honorables sénateurs, je voudrais citer les propos de l'un des plus célèbres pères du libéralisme en Ontario, William Lyon Mackenzie. Il était le grand-père du premier ministre William Lyon Mackenzie King et membre de la Chambre d'assemblée du Haut-Canada. Il a fait une déclaration très célèbre, qui me semble encore d'actualité, au sujet de la politique, des travaux des Chambres et de leur fonctionnement. Cette citation est tirée de l'ouvrage de Margaret Fairley intitulé The Selected Writings of William Lyon Mackenzie, 1824 to 1837. Je signale aux honorables sénateurs que je me suis employé à faire une étude poussée de l'histoire du libéralisme, en particulier en Ontario, et des rôles de cette formation qu'on appelait les réformateurs, connus par la suite sous le nom de Clear Grits et, plus tard, les libéraux. J'ai également étudié l'oeuvre de William Warren Baldwin, de Robert Baldwin, de William Lyon Mackenzie et de mon grand héros, bien entendu, George Brown.

William Lyon Mackenzie a tenu les propos suivants au sujet de l'exercice du pouvoir, parce que les parlementaires et les systèmes de gouvernement doivent toujours être fondés sur un exercice approprié du pouvoir. Dans une pétition à Sa Majesté, il déclarait:

... car il n'y a pas et il n'y a jamais eu dans cette province de véritables mécanismes constitutionnels pour contrôler la disposition naturelle des hommes qui détiennent le pouvoir à promouvoir leurs propres opinions et intérêts partiaux au détriment des intérêts de l'ensemble de la population.

Honorables sénateurs, le pouvoir est une chose qui doit être exercé avec beaucoup de prudence, dans le respect des principes de l'ensemble du système et des droits de tous de participer aux débats, et il doit faire avancer ces débats de façon réelle et dans un esprit de pureté.

Honorables sénateurs, je voudrais parler brièvement du rôle du Président du Sénat. Les fonctions du Président, dans le cadre des travaux du Sénat, sont extrêmement limitées. En outre, les sénateurs sont en droit d'attendre impartialité et équité de la part de leur Président.

Il est intéressant de rappeler que ces questions ont été étudiées à fond dans le passé. Je rappelle que, il y a déjà un certain temps, nous avons éprouvé beaucoup de difficultés et de problèmes avec un certain Président, et ce fut une expérience pénible, pour lui comme pour nous tous.

Je voudrais cependant démontrer que les textes constitutionnels définissent de façon très précise les pouvoirs du Président. À cette fin, je ferai quelques autres citations. Voici ce que précise le paragraphe 171 de la sixième édition de Beauchesne:

Le Président a pour responsabilité première d'assurer l'ordre dans les débats. Il réprime le désordre, refuse de mettre aux voix les motions ou amendements non conformes au Règlement et signale à la Chambre les projets de loi qui lui semblent irrecevables.

Ce paragraphe s'applique au Président de la Chambre des communes, mais je prétends qu'il est également applicable au Sénat. Le fait est que le Président a le devoir de ne pas présenter au Sénat des motions qui sont irrecevables. C'est un rôle qu'il doit exercer.

À l'appui de ce commentaire, je citerai une déclaration de Palgrave. Sir Reginald Palgrave n'est probablement pas connu de beaucoup de sénateurs, à la page 5 d'un ouvrage intitulé The Chairman's Handbook, il dit ceci:

Le président se doit de refuser de présenter une motion ou un amendement irrecevable, — parce qu'il dépasse la portée de la réunion ou qu'il est étranger à l'objet de cette dernière...,

Très clairement, les opinions à cet égard sont très marquées.

Je cite à nouveau Palgrave qui, sur la question, dit ce qui suit à la page 7:

... le président est en droit de demander l'appui prompt et unanime de ceux qu'il préside. Mais, pour ce faire, il doit respecter strictement le principe directeur de l'art de présider, à savoir l'impartialité absolue. Il ne doit pas perdre de vue le fait que les fonctions ordinaires d'un président sont essentiellement de nature ministérielle. Donc, quand, à titre de président, il prend la parole à une réunion, il ne le fait pas en tant que participant à cette dernière...

Il parle ensuite longuement du rôle et de la conduite du président.

Je tiens à ce que ces questions figurent au compte rendu, honorables sénateurs, parce que, si on regarde le paragraphe 28(1) du Règlement du Sénat on s'aperçoit que, lorsque le Président du Sénat intervient ou rend une décision, il doit se fonder sur un document faisant autorité ou sur des précédents et citer les dispositions du Règlement qui s'appliquent en l'occurrence. Le paragraphe 18(2) prévoit que:

Le Président tranche les rappels au Règlement, justifie alors sa décision et précise l'article du Règlement ou les autres documents pertinents à la question qui font autorité.

Ce n'est pas ce qui a été fait dans la décision rendue jeudi dernier. En fait, il a été question d'une situation hypothétique et on n'a pas dit quelle était la disposition du Règlement ou les documents parlementaires qui faisaient autorité. C'est un phénomène très intéressant.

Honorables sénateurs, j'essaie de dire que le Président du Sénat n'est pas au service de la Chambre comme peut l'être le Président de la Chambre des communes. Le Président du Sénat est le représentant de la reine et a donc une relation différente avec les membres du Sénat.

Dans le même ordre d'idées, pour montrer que le Président devrait mettre notre assemblée à l'abri des motions inhabituelles ou irrégulières, notamment lorsqu'il s'agit d'imposer la clôture ou le bâillon, ce qui est une procédure d'exception, je voudrais citer l'ouvrage de lord Campion, An Introduction to the Procedures of the House of Commons.

(2020 )

Lord Campion est un ancien greffier de la Chambre des communes britannique qui est devenu membre de la Chambre des lords, expérience rare et intéressante. À propos de cette question, lord Campion dit au sujet de la mise à l'étude de ce genre de motion par le Président:

La présidence a la latitude voulue pour refuser la motion de clôture si elle estime que cette motion constitue un usage abusif du règlement de la Chambre ou une atteinte aux droits de la minorité.

Autrement dit, le Président a le pouvoir de refuser de mettre à l'étude des motions de clôture si elles constituent un usage abusif du règlement de l'assemblée.

Je veux montrer aux honorables sénateurs que ces deux motions ont été non seulement un abus envers la Chambre, mais aussi une atteinte à nos privilèges. Honorables sénateurs, l'opinion de lord Campion est appuyée par Erskine May, ou vice-versa, selon celui qui est décédé le premier. Erskine May dit très clairement ceci, dans la 22e édition de son ouvrage, à la page 407:

Cette question doit être soumise au vote sur-le-champ...

— c'est-à-dire la question préalable —

... sans amendement ni débat, à moins que, selon le Président, la motion semble être un abus du Règlement de la Chambre ou une transgression des droits de la minorité. Il arrive fréquemment que le Président exerce son pouvoir discrétionnaire pour protéger les droits de la minorité en refusant d'appliquer la clôture.

Par conséquent, honorables sénateurs, passablement d'intérêt a été accordé à ce phénomène des orateurs qui présentent négligemment ce genre de motions à la Chambre. Toutefois, ce qui est impensable et tout à fait nouveau, c'est la collaboration active du Président avec ceux qui proposent ces motions pour que la Chambre en soit saisie, et c'est là la question, honorables sénateurs, sur laquelle je demande à Son Honneur de se prononcer. J'affirme, honorables sénateurs, que ces motions ont été soumises sans impartialité, sans objectivité et sans considération adéquate. Ainsi, le Président a approuvé ces motions qui, à mon avis, sont manifestement inadéquates et dictatoriales — je parle ici des motions de clôture et de guillotine. On n'est supposé recourir à ces motions que dans des circonstances exceptionnelles.

De plus, lorsqu'elles sont employées, le ministre doit toujours prouver qu'il y a urgence, qu'il y a une certaine situation d'urgence, qu'il y a eu obstruction prolongée ou quelque chose d'autre, et, en outre, que l'intérêt public exige que ces projets de loi soient adoptés.

Or, fait intéressant au sujet de ce projet de loi, honorables sénateurs, il ne recueille pas l'appui de la population. Ses appuis se trouvent ici sur la colline du Parlement. Si nous jetons un coup d'oeil aux témoins qui ont demandé à comparaître devant le comité, nous en relevons cinq favorables au projet de loi et 2 164 qui s'y opposent, alors que 190 d'entre eux n'ont pas pris position ou n'ont pas indiqué celle-ci. Mettons, aux fins de la discussion, qu'ils se répartissent dans les mêmes proportions. Nous sommes donc en présence de 2 300 personnes s'opposant au projet de loi contre une demi-douzaine ou sept qui y sont favorables, alors je crois que cela devrait nous inciter à réfléchir très sérieusement.

Honorables sénateurs, j'en arrive maintenant au point qui, à mes yeux, est particulièrement délicat. Le sénateur Murray a présenté cette motion qui a été admise par la Présidente intérimaire du Sénat. Je souligne aux honorables sénateurs que ni le Règlement du Sénat ni celui de la Chambre des communes n'accordent à un simple député le pouvoir de présenter une motion de guillotine. Cela est très bien formulé, exprimé très clairement dans notre Règlement, qui n'existait pas dans sa forme actuelle il y a seulement quelques années. Les articles 38 et 39 de notre Règlement disposent très clairement que celui-ci ne permet aucunement un tel geste, que c'est là la prérogative de la Couronne pour des questions telles des mesures financières de la Couronne, une recommandation royale et d'autres. Le pouvoir d'un simple député de présenter une motion de guillotine ou une motion d'attribution du temps n'existe tout simplement pas. Ce pouvoir est réservé exclusivement à un ministre de la Couronne.

Croyez-moi, sénateurs, c'est une question très sérieuse et un déficit démocratique grave. J'affirmerais, honorables sénateurs, que ce genre de motions et de mesures mine le respect à l'égard du Sénat. Je prononce beaucoup d'allocutions et je me déplace beaucoup au pays. Je fais constamment face à la réputation du Sénat et je tente continuellement de la redorer. Honorables sénateurs, ces mesures laissent actuellement une mauvaise impression au public, surtout que les libéraux et M. Martin perdent rapidement sa faveur. Cela ne nous sert pas du tout, honorables sénateurs, et je pense que Son Honneur devrait avoir cela à l'esprit.

La question préalable, qui porte sur la motion initiale, peut être posée par un sénateur, mais ce n'est pas le cas de la guillotine. Je m'appuie, par exemple, sur le commentaire 518 de la sixième édition de Beauchesne, où il est question de la règle de clôture à la Chambre des communes. Il y est précisé:

La règle de clôture, formulée à l'article 57 du Règlement, permet à un ministre de présenter une motion afin de mettre un terme au débat et d'obtenir une décision de la Chambre sur la question à l'étude.

On parle très clairement d'un «ministre», et plus loin, de «gouvernements» et d'un «ministre».

En consultant Marleau et Montpetit, on peut lire par exemple à la page 563, sous la rubrique «Attribution de temps»

... lui permet aussi d'imposer au débat des limites de temps strictes. Alors que l'attribution de temps est devenue le mécanisme le plus largement utilisé pour limiter le débat, elle demeure en soi un moyen de réunir les partis pour négocier une répartition acceptable du temps de la Chambre.

Tout cela est très intéressant, sauf qu'il ne s'agissait pas d'une lutte entre l'opposition et le gouvernement, mais bien d'un projet de loi d'initiative parlementaire. Je reviens toujours au principe voulant que, si les partisans du gouvernement, les députés et le gouvernement avaient voulu que ce projet de loi se présente ainsi, il aurait fallu qu'il le traite dans le cadre de la responsabilité ministérielle et que le gouvernement accepte une responsabilité claire à cet égard et qu'il en rende compte au public, parce que le gouvernement a affirmé très clairement qu'il ne participe pas à tout cela. Toutefois, j'ai remarqué que, dans ce dossier, c'est le sénateur Robichaud, l'ancien leader adjoint du gouvernement, qui agit à titre de quart arrière. Vous pouvez faire toutes les vérifications nécessaires. Je peux le prouver, sénateur Robichaud. Je peux le prouver. Vous pleurez maintenant.

Le sénateur Robichaud: Vraiment.

Le sénateur Cools: Ne pleurez pas, j'essuierai vos larmes.

Le sénateur Robichaud: Je ne veux pas que vous m'approchiez.

Le sénateur Cools: C'est bien évident.

Le sénateur Robichaud: Oui.

Le sénateur Cools: J'espère que cela figurera au compte rendu. C'est assez évident. Je suis heureuse que le sénateur Robichaud l'ait dit. Il ne veut pas que je l'approche. Demandez-lui de répéter ce qu'il a dit. Peut-être aura-t-il l'audace de se lever et de le répéter devant le Sénat.

Je disais, honorables sénateurs, que Marleau et Montpetit nous fait savoir que tout cela a l'appui de bon nombre de ceux qui ont déjà écrit sur ces questions, Campion, Redlich, May et autres.

Lorsqu'on a permis de poursuivre et que des rappels au Règlement ont été présentés à cet égard, Son Honneur ne les a d'abord pas autorisés, et le compte rendu de jeudi dernier fait preuve d'une énorme confusion. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il est plutôt déroutant. Toutefois, honorables sénateurs, les articles 38 et 39 du Règlement sont très clairs. A part cela, aucune règle du Sénat ne donne à un simple sénateur le pouvoir de proposer la guillotine.

(2030)

Je suis très déçue et attristée par le fait que la Présidente du Sénat ait jugé ce type de motion recevable et, en réalité, leur ait accordé son appui.

Honorables sénateurs, j'en viens maintenant à ce que je demande à la Présidente de faire. Voici un phénomène tout à fait intéressant. Il s'agit d'une personne qui est juge dans une affaire à laquelle elle est partie.

En vertu de la façon dont notre activité en matière de privilège est structurée, cela est inévitable. Les pratiques du Parlement prévoient très clairement que, à n'importe quel moment, si la Présidente a dit quelque chose qui est contraire au Règlement, on peut en faire état dans un autre rappel au Règlement. Je ne parle pas d'appels des décisions, qui sont complètement différents, mais, en réalité, la Présidente est toujours soumise à la Chambre, et pas seulement aux appels des décisions. L'idée, c'est que la Présidente est soumise au Règlement de la Chambre et est liée par ce même Règlement.

Ce que je demande dans cette situation bizarre où je me trouve, c'est que j'estime que Son Honneur a violé les privilèges du Sénat jeudi dernier en permettant que le débat sur un projet de loi soit considérablement tronqué. J'émets également l'opinion, honorables sénateurs, que ce genre de choses s'est produit plusieurs fois pendant ce débat. Ce n'est pas inhabituel. Les audiences du comité ont été tronquées et on y a mis fin. Le débat de deuxième lecture a été interrompu.

Honorables sénateurs, je voudrais citer la page 329 des Débats du Sénat, en date du 20 février 2004, où, le Président d'alors occupant le fauteuil, on m'a refusé mon droit de faire une intervention sur le projet de loi C-250 à l'étape de la deuxième lecture. J'étais debout, j'essayais de prendre la parole. Le Président est passé directement à la question, sur les instances du sénateur Robichaud. C'est un cas où on s'est servi de la question comme d'une mini-forme de clôture. Cela s'est produit tout au long de ce débat, l'adoption de motions d'ajournements et des demandes pour que l'on passe au vote. Dans ce cas, le 20 février, le Président a obéi avec beaucoup de diligence et a mis la question aux voix, et il m'a refusé la possibilité de prendre la parole à l'étape de la deuxième lecture.

Le vrai rôle d'un Président, Votre Honneur, est de s'assurer que les sénateurs ont la possibilité de parler. Cela laisse un doute quant à la vraie fonction du Sénat, et on se demande s'il sert bien la population.

J'ai vu beaucoup de choses au cours des derniers jours. Cela fait plusieurs années que je siège dans cette Chambre. Il faudra un jour que le Sénat se demande s'il a vraiment un rôle à jouer dans ce pays et en ce qui a trait à ses politiques parce qu'on nous répète sans cesse qu'on ne doit pas tenir de débat au Sénat, que ce n'est pas au Sénat qu'il convient de présenter des questions et des idées, que ce n'est pas au Sénat qu'il faut remettre en question les initiatives du gouvernement ou soutenir les magnifiques principes du gouvernement ministériel de ce pays, que nous devrions nous contenter de voter sans tenir de débat et en votant comme on nous dit de le faire. Si nous ne le faisons pas ce qu'on nous a dit, nous pouvons nous attendre à une bonne dose de vexations, de brutalités et de cruautés.

Honorables sénateurs, nous devrons examiner un jour cette question et nous adonner à une certaine introspection. Il devient de plus en plus difficile de défendre ces projets de loi qui nous parviennent toujours plus vite et auxquels nous ne pouvons consacrer que très peu de débats. Je ne suis pas devenue sénateur pour cela. Je suis venue ici pour jouer mon plein rôle de parlementaire dans l'évaluation et l'étude des mesures législatives proposées. Si je m'égare, c'est du côté de la sincérité.

Je sais que beaucoup de sénateurs me méprisent et se moquent de moi parce que j'évoque toujours ce principe en déclarant que nous devrions procéder comme il faut et avec plus de perfection. Essayons de faire mieux.

Lorsque je siégeais à la Commission nationale des libérations conditionnelles et que j'essayais de bien m'acquitter de mes fonctions et de lire toutes les causes, je me souviens qu'on me contestait de cette façon. Les sénateurs connaissent bien la loi de Gresham et l'existence de la norme la moins exigeante. Honorables sénateurs, je vous affirme avoir choisi la norme la plus exigeante. Je l'ai toujours fait et je le ferai toujours. Je ne crois pas pouvoir changer cela. C'est aussi naturel chez moi que la couleur de ma peau.

Honorables sénateurs, en terminant, je voudrais demander à Son Honneur de rendre une décision sur la question que j'ai soulevée. Je lui demande de voir s'il y a présomption d'atteinte au privilège — ce qui est exactement la question que j'ai soulevée au départ — à savoir, qu'elle a porté atteinte au privilège du Sénat en acceptant ces motions et en les appuyant, en donnant la parole au sénateur Joyal plutôt qu'au sénateur Lynch-Staunton ou à d'autres sénateurs qui s'étaient manifestement levés avant le sénateur Joyal. J'étais debout. Je l'ai vu se lever. Le sénateur Lynch-Staunton et d'autres étaient debout.

Selon la pratique dans cet endroit, lorsque des sénateurs se lèvent, le Président donne la parole à ceux qui ont la priorité, soit le leader du gouvernement au Sénat ou le leader de l'opposition. Je n'étais pas très enchantée lorsque cette pratique n'a pas été respectée.

Quoi qu'il en soit, je soutiens qu'il y a atteinte au privilège. Je ne demande pas à Son Honneur de décider s'il y a ou non atteinte au privilège. Je lui demande de voir s'il y a une présomption d'atteinte au privilège qui vaudrait au moins la peine que la question soit soumise à un débat sur la motion que je vais présenter. Le vrai débat devrait toujours avoir lieu sur cette motion, et non sur la présomption d'atteinte au privilège.

Honorables sénateurs, les pratiques et les règles sont établies de façon à ce que le Président soit juge dans sa propre cause. Je ne connais pas d'autre moyen de faire autrement. Il est très déplorable que nous nous trouvions dans cette situation, mais je dis aux sénateurs que je ne crois pas qu'il soit bon pour le Sénat que ces motions aient été examinées de cette façon. Je crois qu'un jour nous le regretterons amèrement, car je soutiens qu'on finit par payer pour ses erreurs.

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, je désire profiter de la question de privilège que soulève le sénateur Cools pour déplorer également le fait que nous avons eu recours, dans les dernières heures, à une procédure qui reviendra nous hanter. Je veux parler plus précisément du fait qu'un sénateur a décidé, pour une raison quelconque, d'imposer la clôture. C'est du jamais vu. Je parle ici d'une motion de clôture, non pas d'une motion d'attribution de temps ni d'une motion qui nous aurait permis de débattre d'une question pendant un certain temps, mais bien de la guillotine. Cela était déjà bien déplorable.

Toutefois, après l'intervention du sénateur, nous avons eu droit à la motion du sénateur Joyal, qui posait la question préalable. Nous n'avons jamais eu l'occasion de débattre de la motion du sénateur Murray. J'estime que mes privilèges, en tant que parlementaire chargé de participer à des débats, de défendre des positions et d'obtenir des renseignements sur toutes les questions à l'étude, en ont été lésés.

On a, dans un premier temps, limité la durée du débat, puis restreint notre capacité à débattre de la motion. C'est sans précédent. Je pense à mes privilèges et à ceux de tous mes collègues, peu importe ce qu'ils pensent du projet de loi qui a mené à la motion du sénateur Murray, mais le problème ne tient pas au projet de loi, mais plutôt à ce que nous avons accepté par les deux votes qui ont eu lieu avant 18 heures.

Lorsque Son Honneur prendra en délibéré la question de privilège soulevée par le sénateur Cools et mon avis, que partagent, je l'espère, d'autres sénateurs, je lui demanderais de déterminer tout au moins que nos privilèges ont, ici, été contestés et remis en question et qu'ils méritent plus de respect que cela. Autrement, si les tactiques du sénateur Murray et du sénateur Joyal étaient acceptées, cela signifierait que le débat sur un sujet donné peut tout simplement être limité, en tout temps, sur n'importe quel sujet, lorsque deux personnes en ont envie.

(2040)

J'espère que Son Honneur prendra cela en considération. Je m'arrête ici.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, une chose me préoccupe aussi. En effet, du fauteuil qui est le mien au Sénat, j'ai vu le sénateur Lynch-Staunton et le sénateur Tkachuk se lever avant le sénateur Joyal.

Quant à savoir si Son Honneur la Présidente intérimaire a demandé conseil au Bureau ou si autre chose s'est produit, je ne saurais le dire, mais je les ai clairement vus se lever. Ce qui me préoccupe, c'est que le leader de l'opposition aurait dû être reconnu, ou que la première personne à s'être levée aurait dû être reconnue, comme le veut la tradition dans cet endroit. Ces deux sénateurs se sont levés avant le sénateur Joyal.

Honorables sénateurs, une autre chose me préoccupe, c'est que la motion du sénateur Murray n'a pas fait l'objet d'un débat. Le fait que deux sénateurs puissent se lever et demander que l'on impose la clôture à une motion pourrait avoir une incidence grave sur le fonctionnement de cet endroit. J'ai exprimé cette préoccupation le soir du débat.

Lorsque j'étais dans l'autre endroit et depuis que je suis dans celui-ci, la clôture a toujours été utilisée dans de rares circonstances. Il s'agit de l'utilisation du pouvoir sur la minorité, et les droits des minorités ont toujours été respectés dans notre régime parlementaire. Si nous ne reconnaissons et ne respectons pas cette coutume, je ne sais pas ce qu'il adviendra d'une institution comme la nôtre ou de la manière dont nous menons nos travaux dans l'avenir parce que cet incident crée un précédent.

Honorables sénateurs, je sais que le travail de la Présidente intérimaire est difficile. Elle a une lourde tâche, mais j'espère qu'elle examinera sérieusement ce que nous tentons de faire ressortir ici ce soir lorsqu'elle se penchera sur cette question de privilège.

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, j'aimerais ajouter quelques mots pour appuyer la position du sénateur Lynch- Staunton à ce sujet.

Au cours des dernières années, de plus en plus de gens ont remis en question la validité, l'importance et la valeur de notre institution. Nous avons ici affaire, en effet, à un abus des règles. Je ne pense pas que les règles d'attribution de temps aient été conçues en fonction des projets de loi d'initiative parlementaire. Aussi choquant que la plupart des honorables sénateurs trouvent cette procédure lorsqu'elle est utilisée, d'un côté ou de l'autre, — quel que soit le gouvernement au pouvoir — on peut à tout le moins en justifier le recours parce que l'opposition empêche l'adoption d'une mesure législative d'initiative ministérielle. C'est une question au sujet de laquelle le gouvernement a décidé de mettre sa réputation en jeu en élaborant un document public, plus précisément un projet de loi, qui sera débattu au Parlement, et au sujet duquel les électeurs, en l'occurrence les citoyens, se prononceront pour dire s'il est acceptable.

Nous avons soulevé une question des plus sérieuses en autorisant l'application de cette procédure à un projet de loi d'initiative parlementaire, sans égard ni à sa valeur, ni au point de vue qu'on entretient à son égard. J'estime que c'est une erreur et que nous n'aurions pas dû donner une telle autorisation. J'espère que Son Honneur la Présidente et ses conseillers prendront cette question très au sérieux, parce que j'estime qu'elle aura une incidence permanente sur notre institution, et que nous pourrions être tenus en otage par un petit groupe de gens désireux de faire avancer un programme particulier, un programme non gouvernemental, qui, en réalité, n'est pas un enjeu électoral, au sujet duquel il faut demander à l'électorat de se prononcer. Ce n'est pas ce qui se passe dans le cas d'un projet de loi d'initiative parlementaire.

Honorables sénateurs, je pense que nous avons fait une erreur. Nous devrions essayer de la corriger, si nous le pouvons.

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, permettez-moi de dire que je conteste ce qu'a dit le sénateur St. Germain; il prétend que je me suis levé après le sénateur Lynch-Staunton et après le sénateur Cools. Ce n'est pas le cas. Je conteste l'affirmation du sénateur parce que j'écoutais attentivement la déclaration du sénateur Murray pour une raison évidente. Ce qu'il disait m'intéressait directement. Je me suis levé derrière mon siège et j'ai attiré l'attention de la présidence qui m'a accordé la parole.

Une fois que j'ai eu la parole, le sénateur Cools, puis le sénateur Lynch-Staunton ont alors essayé d'attirer l'attention de la présidence. Voilà ce qui s'est produit.

Le sénateur St. Germain: Je voudrais apporter une rectification...

Le sénateur Joyal: Je suis désolé, sénateur — je voudrais signaler à Son Honneur que j'ai écouté l'honorable sénateur.

Le sénateur St. Germain: Le sénateur Joyal conteste ce que j'ai dit, mais je n'ai jamais parlé du sénateur Cools. J'ai parlé du sénateur Tkachuk. Le sénateur se doit d'être précis.

Le sénateur Joyal: J'étais disposé à écouter n'importe quel sénateur. Je peux maintenant donner ma version des faits. L'honorable sénateur a présenté sa version, et j'ai maintenant la chance de présenter la mienne, parce que je suis mis en cause directement.

Honorables sénateurs, contrairement à ce que prétend le sénateur Cools, rien dans le Règlement n'exige qu'une motion comme celle proposée par le sénateur Murray soit présentée par un ministre. Si c'était le cas, nous pourrions trouver dans le Règlement un paragraphe, une ligne à ce sujet. Il n'y en a pas. Par conséquent, je ne peux accepter le premier point avancé par le sénateur Cools.

Quant au deuxième point, il conteste l'intégrité de la présidence parce que Son Honneur serait à la fois juge et partie; or, tout sénateur qui est mécontent d'une décision de la présidence peut contester celle-ci et demander qu'elle fasse l'objet d'un vote. Cela s'est déjà produit; j'ai déjà été témoin de cela. Je ne veux pas mettre en cause quelque sénateur que ce soit, mais j'ai déjà été témoin de pareille situation. Nous avons alors voté et nous nous sommes prononcés en faveur de la décision de la présidence ou contre celle- ci. Honorables sénateurs, nous devons préserver l'intégrité de la présidence. C'est un aspect fondamental du bon déroulement des débats à cet endroit.

Pour ce qui est du point suivant, lorsque la question préalable est proposée, il existe une règle bien précise au Sénat qui est énoncée au paragraphe 48(2) et qui explique le déroulement de la procédure. Les présidents ont essentiellement suivi la règle énoncée au paragraphe 48(2). Si un sénateur n'est pas satisfait de ce qui s'est passé — comme c'est le cas de notre collègue actuellement — et que les règles doivent être changées, il y a d'autres moyens de le faire autrement qu'en soulevant une question de privilège. C'est de cette façon que l'honorable sénateur Carstairs a procédé il y a quelques semaines. Comme elle voulait que des règles soient changées, elle a donc proposé une motion en ce sens, mais pas en ayant recours à la question de privilège.

Si les honorables sénateurs ne sont pas satisfaits de la procédure établie pour le débat des projets de loi d'initiative parlementaire, nous pouvons y apporter des changements. Je suis d'avis qu'un projet de loi d'initiative parlementaire, qu'il émane de cette Chambre ou de l'autre endroit, devrait être en droit d'être mis aux voix à un moment donné, et ne pas uniquement faire l'objet de tactiques dilatoires. Si nous jugeons que notre Règlement actuel ne nous permet pas de le faire, nous pouvons alors proposer une motion tendant à renvoyer la question au Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, qui se chargera d'étudier la question et d'en faire rapport à cette Chambre.

Le sénateur Stratton: Vous n'avez pas permis qu'on procède de cette façon.

Le sénateur Joyal: Je serais le premier à vouloir discuter ouvertement de cette question, mais pas en cachette ou sous le couvert d'une question de privilège. Je ne crois pas qu'on devrait aborder la question de cette façon pas plus que je ne crois qu'il y ait matière à privilège dans ce que le sénateur Cools a dit.

(2050)

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, à titre de clarification, je dirai que je n'ai jamais mentionné le nom de madame le sénateur Cools. Je tiens à faire cette précision. Voulez- vous me contredire? Faites-le n'importe quand, mais assurez-vous d'avoir raison. J'ai dit le sénateur Tkachuk et le sénateur Lynch- Staunton, pas le sénateur Cools. Est-ce bien compris?

Le sénateur Joyal: Je veux que les sénateurs me comprennent bien.

Dans sa déclaration précédente, madame le sénateur Cools a dit qu'elle a demandé la parole avant moi et que la présidence m'avait donné la parole à tort. Si vous ne l'avez pas dit, sénateur St. Germain, je m'en excuse et je retire mes paroles. Je soutiens que vous avez dit que le sénateur Lynch-Staunton aussi bien que le sénateur Tkachuk avaient demandé la parole. Je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus. Ainsi, je m'incline devant vous à cet égard.

Le sénateur St. Germain: J'accepte vos excuses.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je pense que la question de savoir qui a demandé la parole en premier, qui a demandé la parole en même temps ou qui a demandé la parole en dernier n'a rien à y voir, sauf qu'il fut un temps où, si plus d'un sénateur demandaient la parole en même temps, le leader de l'opposition ou le leader du gouvernement obtenait la parole en premier. Dans le cas présent, cette coutume n'a pas été observée. Toutefois, ce n'est pas une règle, c'est une coutume, ou cela a déjà été la coutume.

Je ne conteste pas la pertinence de la motion du sénateur Murray. De toute évidence, elle l'est. Ce que je conteste, que ce soit recevable ou non — et c'est là qu'il y a eu atteinte à mon privilège —, c'est le refus d'autoriser qu'on en débatte. C'est là qu'il y a eu atteinte à mon privilège.

Dès que le sénateur Murray a eu fini, le sénateur Joyal a obtenu la parole pour proposer la question précédente. C'était la fin du débat. C'était une motion sans précédent sur laquelle aucun débat n'a été autorisé. J'estime que cela a constitué une grave atteinte à mon privilège.

Le privilège n'a rien à voir avec le changement des règles; il y a atteinte au privilège quand on ne peut débattre d'une question. C'est de cela qu'il s'agit maintenant. On nous a empêché de débattre d'une question importante. Si nous ne réagissons pas à cela, nous créerons un précédent pour des actes semblables.

Honorables sénateurs, je ne serai pas là si cela se reproduit trop souvent, mais je crois bien que cela portera préjudice au Sénat et au Parlement tout entier. Dieu nous en préserve.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'interviens pour tenter de venir en aide à la présidence dans cette affaire, et non pour adopter un point de vue partisan à l'égard du projet de loi C-250. Il ne s'agit pas d'un projet de loi émanent du gouvernement et le gouvernement n'a rien fait pour avoir recours au Règlement de quelque façon que ce soit. Toutefois, une question de privilège ayant été soulevée, les sénateurs ont l'obligation d'aider la présidence lorsqu'ils sont d'avis qu'ils ont un point à défendre.

Tout d'abord, à titre de sénateur, je m'inquiète de voir une motion de clôture être imposée dans le cas d'un projet de loi d'initiative parlementaire. Je crois qu'on a toujours plutôt eu tendance à poursuivre l'étude et j'espère que...

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous avec voté en faveur.

Le sénateur Austin: ... le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement étudiera tous les aspects de la question. C'est une affaire qui ne peut se résumer à un seul argument, parce qu'il a été avancé que le Parlement devrait décider des affaires sur lesquelles il veut se pencher. L'autre point que je tiens à souligner, c'est que le Parlement et les sénateurs devraient avoir l'occasion d'engager un débat complet à ce sujet. Je ne tenterai pas d'établir s'il a été possible de discuter à fond du projet de loi C- 250. Je laisserai les autres en décider.

Cependant, nous avons dans les usages parlementaires une doctrine qui prétend que la question de privilège n'est pas fondée lorsqu'il est possible de se pencher sur la décision du Président. J'attire l'attention des honorables sénateurs sur les paragraphes 33(1) et 33(2) du Règlement qui disent:

(1) Lorsque deux sénateurs ou plus se lèvent en même temps pour parler, le Président donne la parole à celui qu'il juge s'être levé le premier.

(2) Dans les circonstances prévues au paragraphe (1) ci- dessus, avant que le sénateur à qui le Président a donné la parole ne commence à parler, un troisième sénateur peut invoquer le Règlement et proposer une motion désignant un autre sénateur qui s'était levé comme celui qui doit «être entendu» ou «avoir droit de parole» sur-le-champ. Cette motion est alors mise aux voix aussitôt, sans débat ni amendement.

Je me rappelle que le sénateur Sparrow a essayé très récemment d'avoir recours à cette disposition. Cependant, il n'y a pas eu renversement de la décision du Président dans ce cas particulier.

Ainsi, si je comprends bien ce qui s'est passé jeudi dernier, honorables sénateurs, un honorable sénateur aurait pu intervenir et demander aux termes de l'article 33 que le Sénat décide quel sénateur devait avoir la possibilité d'intervenir. Comme on n'a pas profité de cette occasion, je ne pense pas qu'on puisse soulever la question de privilège maintenant relativement à la décision du Président quant à savoir quel sénateur devait avoir la parole.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je voudrais répondre à deux questions soulevées en l'occurrence.

Je vais commencer par le sénateur Austin. Tout d'abord, le sénateur Austin traite cela comme un recours au Règlement alors que je soulève la question de privilège.

Le sénateur Austin insiste également pour dire que des sénateurs pouvaient, jeudi dernier, invoquer le Règlement et proposer qu'un autre sénateur soit entendu sur-le-champ, aux termes de la disposition du Règlement qu'il vient de citer.

Manifestement, le sénateur Austin devrait examiner attentivement le compte rendu. S'il le faisait, il verrait que le sénateur Stratton a essayé d'invoquer le Règlement, tout comme moi d'ailleurs, et que la Présidente intérimaire n'a entendu aucun de nous.

Je vais revenir sur la question des recours au Règlement et la question de privilège. Je dis que j'ai la possibilité d'invoquer le Règlement en l'occurrence. Ce n'est pas un recours au Règlement. Il est question de la violation des privilèges de tous les sénateurs. J'y reviendrai dans un instant.

Si les honorables sénateurs jettent un coup d'œil à la page 894 des Débats du Sénat du 22 avril 2004, ils constateront non seulement que la Présidente intérimaire a donné la parole au sénateur Joyal au lieu du sénateur Lynch-Staunton, mais qu'il continue pendant tout le processus à défendre le sénateur Joyal et à rejeter les recours au Règlement. La tradition dans ce cas est que le Président commence toujours par donner la parole au leader. Le sénateur Stratton invoquait le Règlement, tout comme moi. Cela s'est produit plusieurs fois, même aujourd'hui. Je me suis levée plusieurs fois pour invoquer le Règlement. Par conséquent, selon moi, aucun argument ne peut être valide dans ce contexte où, en effet, toute tentative de faire appel au Règlement se heurte à des yeux fermés et à des oreilles sourdes.

L'autre question que j'aimerais soulever concerne le point du sénateur Austin sur les projets de loi d'initiative parlementaire. Il ne suffit pas de dire que le Règlement devrait être changé pour permettre X et Y à l'avenir. En fait, la pratique, la tradition et les usages de cet endroit ont préservé des motions de guillotine et des types de motions pour les projets de loi d'initiative ministérielle. Les projets de loi d'initiative parlementaire n'ont pas eu accès à tous ces types de procédure. Il est inutile de dire que cela pourrait être changé à l'avenir. Je ne fait que parler de ce qui a transpiré jusqu'à maintenant.

Honorables sénateurs, j'ai siégé ici pendant de nombreuses années. Je sais que le gouvernement obtient ce qu'il veut, ce qu'il souhaite et que, lorsqu'il ne veut pas quelque chose, cette chose ne voit généralement pas la lumière du jour dans cet endroit, à moins de rares circonstances.

J'aimerais contester et remettre en question la plupart des propos du sénateur Austin. Le fait qu'un article du Règlement risque de changer à l'avenir n'empêche pas qu'il soit la règle ici aujourd'hui.

J'aimerais continuer en traitant de ce que le sénateur Joyal a dit au sujet de qui prenait la parole en premier.

(2100)

Lisez le compte rendu. C'est très clair. Le compte rendu est limpide, on y voit tout, y compris le mélange des motions.

Le sénateur Joyal a parlé de l'intégrité du Sénat. Il y a un certain temps, j'ai lu au cours du débat une citation sur l'absolue nécessité que le Président adopte le comportement qui convient dans certaines circonstances et que l'action est habituellement ce qui commande notre respect à tous, à la Chambre. Il incombe au Président de faire preuve d'impartialité.

J'en arrive maintenant à l'affirmation du sénateur Joyal à propos de deux choses. L'une concerne le Règlement du Sénat, mais il a dit tout d'abord que les sénateurs étaient libres de passer outre à la décision du Président. Honorables sénateurs, il a fait cette affirmation après avoir invoqué le Règlement. Or, il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement. Le sénateur Joyal confond rappel au Règlement et question de privilège. En fait, j'ai soulevé la question de privilège sur ce point en conformité de l'article 43 du Règlement, qui dit très clairement «à la première occasion». Il s'agit de la première occasion. Cela n'excuse ni ne justifie en rien l'intervention du sénateur Joyal, qui a dit que les sénateurs pouvaient en appeler de la décision de la présidence, car je ne remets pas en question la décision du Président sur le rappel au Règlement, que je réprouve vigoureusement. Je n'ai pas jugé bon de contester, mais j'ai jugé bon de soulever la question de privilège.

J'en arrive maintenant au deuxième point du sénateur Joyal au sujet de ce qui aurait pu être fait. Je vais lui dire ce que, selon moi, il aurait pu faire jeudi. Jeudi, j'ai interpellé Son Honneur. J'ai dit:

Votre Honneur, vous êtes tenue de suivre le Règlement de la Chambre. Je voulais intervenir au sujet de la motion du sénateur Murray.

Ce passage se trouve à la page 895 de nos délibérations. J'ai poursuivi en ces termes:

J'étais debout, prête à intervenir au sujet de la motion du sénateur Murray, qui est une motion importante dont plusieurs d'entre nous veulent parler, et vous décidez, Votre Honneur, de donner la parole au sénateur Joyal d'abord. Il était de votre devoir de demander si certains sénateurs voulaient parler de cette motion. Or, vous ne l'avez pas fait. Pourtant c'est conforme aux pratiques et au Règlement de cette Chambre. Le Président du Sénat a le devoir, lorsqu'une motion est proposée, de jeter un coup d'œil pour s'assurer que les sénateurs désireux d'intervenir puissent le faire. Vous ne l'avez pas fait. Vous avez pris une décision contraire au Règlement et aux pratiques du Sénat. Je dois vous dire que je suis assez scandalisée.

Honorables sénateurs, le sénateur Joyal et le sénateur Austin formulent ce qui aurait pu être fait jeudi. Si le sénateur Joyal contestait ma vision des événements, il aurait pu le faire jeudi, aussi, parce que maintenant, le compte rendu est ce qu'il est et il montre très clairement que j'ai dit jeudi que j'étais debout et que j'ai vu le sénateur Joyal se lever. Je ne crois pas que mes souvenirs soient inexacts. Selon l'argumentation du sénateur Joyal, il aurait dû contester cela hier, pas aujourd'hui, au moment où j'ai choisi de soulever tous ces événements comme étant une violation de privilège.

Honorables sénateurs, j'en viens maintenant à l'interprétation que le sénateur Joyal fait de ces règles. Nous avons laissé se détériorer le droit parlementaire au Canada, et cette institution est l'une des plus négligentes à cet égard. Nous n'avons pas de manuel de procédure du Sénat comme l'Australie, par exemple. La perception du sénateur Joyal est qu'une chose n'est pas interdite à moins qu'elle ne le soit expressément. J'invite le sénateur à lire les grands maîtres du droit parlementaire. Je parle de gens comme Gladstone, lord Brougham et d'autres géants dans ce domaine. Si les sénateurs lisaient ces maîtres, particulièrement Gladstone, ils comprendraient clairement que la guillotine ou les motions de clôture ont été créées comme des outils à l'intention exclusive des gouvernements, non pas des simples députés, mais des gouvernements. Le recours à ce moyen dictatorial, à cet état de siège dans lequel ces motions ont plongé la Chambre, devait répondre à des critères.

Je défie le sénateur Joyal, qui a une vision très mécanique du droit parlementaire, de dire que si aucune loi ne dit exactement ceci, ceci n'existe pas.

J'ai une surprise pour les sénateurs. La plupart des grandes lois parlementaires et des grands processus que nous suivons n'ont jamais été intégrés dans le Règlement du Sénat. Par exemple, aucun article du Règlement ne dit qu'un projet de loi doit faire l'objet de trois lectures. Pourtant, c'est un des éléments les plus anciens du droit parlementaire. Cette pratique remonte au XIVe siècle. Il y a des documents.

Cela ne me réconforte pas du tout et cela ne me touche même pas lorsque quelqu'un me dit que cette grande tradition du Parlement et de la responsabilité ministérielle se résume à déterminer s'il existe une règle ou non.

J'invite les honorables sénateurs à se pencher sur cette vénérable tradition du Parlement qui fut adopté au Canada en 1867. Il s'agit d'une formidable tradition. Je dirais aux honorables sénateurs que la façon dont nous avons procédé au cours des deux derniers jours pour étudier ces deux motions représente une bavure, une erreur extrêmement grave qui éclabousse cette fabuleuse tradition du Parlement.

J'ajouterais, honorables sénateurs, qu'il s'agit d'une atteinte à la tradition libérale du Parlement. Si nous voulons parler de libéralisme, un jour nous devrions nous pencher sur ce que c'est vraiment. Personne ne sait plus ce qu'est le libéralisme. Si je demandais à des gens de me dire quels sont les six premiers principes du libéralisme, ils me diraient la «tolérance» et la «compassion». Or ce ne sont là que balivernes. Le libéralisme se fonde sur de grands principes et j'invite les sénateurs à regarder ce que sont ces principes.

Honorables sénateurs, un événement très déplorable et très répréhensible s'est produit en cette enceinte. La situation va bien au-delà d'un recours au Règlement ou de la contestation d'une décision. Il s'agit d'une atteinte aux privilèges de cette institution car l'événement empêche les sénateurs d'accomplir leur tâche à titre de parlementaires. Voilà ce que je dis.

C'est malheureux, en un sens, que Son Honneur assume la présidence et qu'elle ait assumé la présidence ce jour-là, mais notre Règlement, très franchement, suppose que nous ne nous trouvions pas dans cette situation. Visiblement, la preuve est faite que c'est une supposition inexacte et mauvaise, mais son Honneur assumait la présidence ce jour-là. Elle a pris part à ces événements comme si elle était à son propre siège. Elle aurait pu faire tout cela. Il n'y a rien de mal à cela. Le Règlement lui permet de se rendre à son siège, de participer au débat comme n'importe quel sénateur et de prendre la parole pour exprimer son appui ou son opposition au projet de loi. Par contre, lorsqu'elle occupe le fauteuil, c'est une autre affaire.

Ce que je dis, honorables sénateurs, c'est que la Présidente intérimaire assume la présidence aujourd'hui et qu'elle l'assumait lorsque ces événements se sont produits, comme avait l'habitude de le dire le sénateur MacEachen, pendant qu'elle était «de quart»; et étant donné qu'elle est maintenant la personne qui va rendre cette décision, je ne sais pas à qui d'autre m'adresser. À mes yeux, ce que le sénateur Joyal dit réellement, c'est que la solution de rechange consiste à ne rien faire et à ne rien dire. Je ne suis pas d'accord avec ce point de vue.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, j'ai écouté très attentivement la discussion sur cette question. Je vous remercie pour toutes vos interventions. Je vais prendre la question en délibéré. Nous allons reprendre le débat.

[Français]

L'honorable Pierre Claude Nolin: Nous n'avons pas terminé les affaires du gouvernement. Nous en sommes encore à l'article no 2.

[Traduction]

(2110)

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'avais compris que nous reprendrions le débat sur le projet de loi S-9 en accordant la parole au sénateur Maheu, parce qu'elle avait été interrompue lorsque la séance a été suspendue, plus tôt. Selon l'avis que j'ai reçu, nous devions procéder ainsi parce que c'est là que nous avions interrompu nos travaux. J'avais l'intention, une fois que le sénateur Maheu aurait eu terminé ses propos, de demander la permission de revenir au projet de loi C- 7. Je crois savoir que le sénateur Stratton et moi avons eu une discussion à ce propos.

Le sénateur Stratton: Non, non.

[Français]

Le sénateur Nolin: On me l'a refusé, donc j'en conclus qu'on me demande de prendre la parole. Je suis prêt à prendre la parole sous la rubrique des affaires du gouvernement.

[Traduction]

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, pour être on ne peut plus clair, nous nous étions entendus pour que, à la reprise de la séance, nous étudierions le projet de loi C-7, puis le projet de loi C-250. C'est l'entente que nous avions conclue. Elle n'avait rien à voir avec le projet de loi S-9. On m'a informé que le sénateur Maheu voulait parler du projet de loi S-9, mais on ne m'a pas dit qu'il serait le premier à être étudié ou qu'il serait même étudié ce soir. Nous avions convenu d'étudier le projet de loi C-7.

Le sénateur Andreychuk: Ajournons le débat jusqu'à demain.

Le sénateur Rompkey: Nous laissons à la présidence le soin de décider. Si la présidence décide que nous devrions étudier le projet de loi C-7, nous serons heureux de le faire.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Est-ce d'accord, honorables sénateurs...

L'honorable Shirley Maheu: Je m'apprêtais à prendre la parole au moment de l'appel du timbre. Je présumais avoir la parole.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je m'étais renseignée, car je trouvais cela étrange. Je ne crois pas avoir rêvé: lorsque le débat a été suspendu pour la tenue du vote, j'avais l'impression que madame le sénateur Chaput n'avait pas fini de parler du projet de loi S-9 et qu'elle n'avait pas encore répondu aux questions.

Le sénateur Rompkey: Le sénateur Chaput avait terminé.

Le sénateur Cools: J'ai dit que je voulais poser des questions. J'ai soulevé cela il y a environ une demi-heure, lorsque j'ai demandé si le débat avait été ajourné. Je pensais que le Sénat devrait revenir au projet de loi S-9 pour que le sénateur Chaput puisse répondre aux questions. J'ai compris clairement que le débat était ajourné, et je l'ai peut-être même dit. J'ai ensuite accepté de soulever la question de privilège.

Honorables sénateurs, je n'ai pas l'habitude de resquiller; je ne l'ai jamais fait.

Quel mépris à mon endroit!

Le sénateur Rompkey: Les sénateurs seraient-ils d'accord pour entendre les sénateurs Maheu et Nolin, puis passer au projet de loi C-250? Est-ce d'accord? Je veux simplement respecter l'ordre que le Bureau nous enjoint de suivre. Il me semblait que madame le sénateur Maheu n'avait pas terminé et qu'elle aurait la parole à la reprise de la séance, car elle l'avait lorsque la séance a été suspendue.

Je propose donc que les sénateurs entendent le sénateur Maheu au sujet du projet de loi S-9, puis passent au projet de loi C-7 pour entendre le sénateur Nolin, et passent ensuite au projet de loi C-250. C'est ce que je propose.

Le sénateur Stratton: Ce n'est pas la question. L'intervention du sénateur précédent sur le projet de loi S-9 a été coupée au moment où la séance a été suspendue pour le vote. La Chambre a alors immédiatement, sans trop s'en faire, accordé la parole à un autre sénateur. Voilà le problème. Je proposerais à la Chambre que, pour des raisons pratiques ce soir, nous traitions d'abord du projet de loi C-7, puis du projet de loi C-250. Demain, l'honorable sénateur pourra intervenir à propos du projet de loi S-9. Où est le problème? Pourquoi pas demain? Pourquoi ce soir? Pourquoi ne pas étudier les projets de loi C-7 et C-250 comme nous l'avions convenu? Le sénateur pourrait très certainement intervenir sur le projet de loi S-9 demain. Sinon, nous devons faire marche arrière.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?

Le sénateur Rompkey: Si le sénateur Maheu accepte de reporter l'étude du projet de loi S-9 à demain, nous pourrions décider d'adopter le projet de loi C-7, puis le projet de loi C-250.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?

Le sénateur Maheu: Je crois comprendre que nous voterons à 15 heures demain. Si je pouvais être la première à intervenir après le vote, cela me conviendrait.

Le sénateur Lynch-Staunton: Non, nous suivrons l'ordre — pas de privilèges.

Le sénateur Rompkey: Demain, l'ordre du jour sera suivi et cet article sera étudié au moment où nous y arriverons.

[Français]

 

PROJET DE LOI DE 2002 SUR LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

TROISIÈME LECTURE—MOTION D'AMENDEMENT—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Léger, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-7, Loi modifiant certaines lois fédérales et édictant des mesures de mise en oeuvre de la convention sur les armes biologiques ou à toxines, en vue de renforcer la sécurité publique.

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je serai très bref. Nous ne sommes pas tenus à la perfection. Toutefois, je crois comprendre que nous y tendons. Honorables sénateurs, si certains parlementaires croient encore que le Parlement est suprême dans ses décisions, malheureusement, depuis 1982, ils vont devoir revenir sur terre, puisque la Cour suprême et le Parlement s'échangent une sorte de dialogue, nous par nos lois, et la Cour suprême par ses décisions. Il existe donc un certain dialogue entre les deux.

Si nous ne tendons pas à réaliser la perfection, soit faire de bonnes lois, des lois qui respectent à la fois la Constitution, la Charte, les conventions constitutionnelles et le respect des droits fondamentaux des individus et des personnes, dans quelques années, la Cour suprême du Canada nous dira: «Parlement du Canada, vous n'avez pas fait votre travail. Comme cela a été le cas dans le passé, on suspend la loi. Faites vos devoirs et dans six mois ou un an, notre jugement prendra toute son application.»

Je ne dis pas que c'est régulier, mais cela nous est arrivé. Et lorsque cela se produit, des voix s'insurgent dans l'autre endroit et ici pour dire que la Cour suprême usurpe le pouvoir du Parlement, pouvoir qui est soi-disant suprême.

Honorables sénateurs, nous avons devant nous, nous ne pouvons en douter, un projet de loi très controversé, qui nous force à nous poser des questions sur ce fragile équilibre entre les droits, le devoir que nous avons de protéger la sécurité du public canadien, et, en même temps, de protéger le droit fondamental à la vie privée de ces mêmes Canadiens. C'est notre responsabilité de jauger cet équilibre.

J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les discours prononcés à l'étape de la deuxième et de la troisième lectures par le sénateur Day et le sénateur Andreychuk. Je pense qu'ils ont tous deux raison. Cela dépend, pour analyser ce consentement, de l'état d'esprit dans lequel les deux orateurs ont parlé.

Le sénateur Day croit que la gouvernance publique peut assurer le maintien de cet équilibre précaire. Si je résume les 45 minutes de son discours, fort éloquent d'ailleurs, c'est à peu près cela: la gouvernance publique, avec tous les rapports de force qui sont à l'intérieur de la gestion gouvernementale, tout ce qu'il y a en place, et qui pourra assurer cet équilibre.

Madame le sénateur Andreychuk, d'un autre point de vue, nous dit que c'est un équilibre qui est précaire et voici pour quelles raisons on devrait peut-être continuer à étudier les mécanismes de contrôle mis de l'avant dans ce projet de loi.

Je vais vous donner un exemple. Un comité spécial de cette Chambre a examiné, pendant près de deux ans, l'histoire canadienne de nos politiques publiques en matière de drogues illicites. Nous avons été à même de découvrir des lois où, sous le couvert de la répression et de la prohibition des drogues, on a accordé à des corps policiers et au gouvernement des pouvoirs qu'on n'avait même pas osé donner dans la répression et la prohibition des autres infractions.

C'est pour cela, d'ailleurs, que la Loi sur les stupéfiants, et la Loi sur l'opium avant elle, n'étaient pas incluses dans le Code criminel.

(2120)

Il s'agissait d'une loi distincte, car on avait donné aux policiers une série de pouvoirs qui allaient justement à l'encontre des droits fondamentaux que la jurisprudence et les tribunaux avaient élaborés. Dans certains cas, il a fallu près de 80 ans avant qu'on rétablisse l'équilibre.

Prenons l'exemple du renversement de la preuve. On introduirait aujourd'hui une infraction au Code criminel pour laquelle il incomberait à l'accusé d'assumer le fardeau de démontrer que la police n'avait pas raison de l'arrêter. Serions-nous d'accord pour voter une telle loi? Je ne crois pas. Toutefois, en 1911, le Parlement du Canada a adopté une telle loi. Ce n'est qu'en 1985 que le Parlement a décidé qu'on avait peut-être commis une erreur.

Je terminerai en vous suggérant d'adopter un projet de loi qui est sûrement utile. De toute évidence, la majorité gouvernementale va exercer des pressions afin que ce projet de loi soit adopté. Pourquoi ne pas retenir la possibilité de réexaminer ce projet de loi dans quelques années, à la lumière de ce que les tribunaux auront dit du projet de loi C-36? Nous avons à peine effleuré le pouvoir judiciaire. Le judiciaire a à peine commencé à examiner la Loi antiterroriste.

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable Pierre Claude Nolin: Je propose, appuyé par le sénateur Lynch-Staunton,

Que le projet de loi C-7 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à la page 103, par adjonction, après la ligne 21, de ce qui suit:

«Examen et rapport

111.2 (1) Dans les trois ans suivant la sanction de la présente loi, un comité soit du Sénat, soit de la Chambre des communes, soit mixte, désigné ou établi à cette fin par le Parlement ou la Chambre en question, selon le cas, procède à un examen complet des dispositions et de l'application de la présente loi.

(2) Dans l'année qui suit le début de son examen ou dans le délai supérieur que le Parlement ou la Chambre en question, selon le cas, lui accorde, le comité visé au paragraphe (1) remet son rapport au Parlement, accompagné des modifications qu'il recommande.»

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, j'aimerais vous adresser la parole spontanément, comme l'a fait la semaine dernière au Mexique l'honorable sénateur Carstairs avec un grand talent. Je lui rendrai d'ailleurs hommage cette semaine ou la semaine prochaine. Voilà pourquoi, plutôt que de parler demain, je le ferai spontanément, comme on nous l'a suggéré à l'Union parlementaire internationale en nous suggérant de ne pas utiliser les discours préparés.

Le sénateur Carstairs a été la présidente d'un des comités les plus difficiles que j'ai vus depuis 40 ans. Il s'agissait d'un comité spécial sur la question du Moyen-Orient. Elle a réussi à obtenir une résolution qui a été votée unanimement par l'ensemble des 142 pays présents.

Honorables sénateurs, il n'y a rien de pire que la peur d'avoir peur et vous verrez, dans les mois et les années à venir pourquoi je tiens de tels propos. Je n'ai pas l'intention de quitter le Sénat sans vous révéler toutes les ignominies que plusieurs sénateurs, députés et personnalités publiques ont eu à affronter.

À mon arrivée au Sénat, et aussi lorsque j'étais député, j'ai toujours été frappé, quand je prenais part à diverses réceptions chez Son Honneur le Président du Sénat, de voir sur cette carte au-dessus des portes l'inscription «ordre exclut hâte et précipitation». Je vais traduire cette phrase en anglais, car elle est en latin.

[Traduction]

«Rien n'est ordonné qui est fait à la hâte et de façon précipitée.» L'autre phrase que M. Trudeau apprécierait sans doute, j'en suis certain, est la suivante: «Il est du devoir des nobles...» C'est très mauvais en anglais, alors je vais passer à la version française.

[Français]

«Il incombe aux dirigeants de s'opposer à la légèreté de la multitude.»

La dernière phrase est la suivante: «soyons guidés par la raison plutôt que par l'opinion publique».

Nous savons qu'actuellement règne une espèce de paranoïa mondiale sur la situation internationale. Cela entraîne la création de nouvelles lois.

Vers minuit hier soir, j'ai vu à l'aéroport de Toronto — soit dit en passant, il faut être docteur en circulation pour comprendre comment se diriger dans cet aéroport — des jeunes gens de la ville de Québec être traités d'une manière pour ne pas dire presque ignominieuse. On parle de racisme? J'ai vu des jeunes gens très heureux, revenant de la Jamaïque, bousculés et traités comme personne au Sénat n'aimerait être traité.

J'ai observé, pris des notes et écrit des noms. J'étais vraiment horrifié. Pourquoi? Parce que la peur est en train de s'emparer des gens; la peur d'avoir peur. Ayant peur d'avoir peur, on rédige des projets de loi qui semblent vouloir nous donner une certaine sécurité. Mais à quel prix!

J'ai voté pour la Loi sur les mesures de guerre en 1970. Jamais je n'oublierai ce jour. J'étais le seul récalcitrant.

[Traduction]

(2130)

Au sein du Parti libéral, on m'avait donné la permission de parler à condition que je vote en faveur. Je maintiens ce que j'avais dit à cette époque, en 1970. À l'intention des honorables sénateurs qui ne le savent peut-être pas — on le voit parfois à la télévision — je m'étais alors adressé aux gens en leur disant: «Restez calmes.» C'est probablement la seule fois où je suis passé à la télévision. C'est dans le film sur Pierre Elliott Trudeau. Restez calmes, Canadiens. Soyez Canadiens. Ne paniquez pas. En situation de panique, nous en venons à adopter des mesures comme le projet de loi C-7.

L'une des raisons pour lesquelles le Sénat existe, l'une des raisons pour lesquelles il doit exister et pour lesquelles je suis si actif au sein de l'Association parlementaire internationale, c'est pour voir de plus en plus de pays dans le monde décider de suivre la voie de la démocratie et, par la suite, se dire: «Il nous faudrait peut-être deux Chambres.» Au Canada, nous traversons une époque où, pour toutes sortes de raisons, les gens ont besoin d'un bouc émissaire.

Il semble maintenant que, au cours des prochaines élections, le Sénat pourrait bien faire l'affaire comme bouc émissaire dans le cadre de la réforme électorale. Mais tel n'est pas mon avis. Nous resterons ici jusqu'à ce que les Canadiens — pas les universitaires ni la presse, seulement les Canadiens — décident eux-mêmes, après avoir reçu toutes les informations voulues, du rôle que pourrait jouer le Sénat en matière de protection des libertés civiles et face à une foule de personnes aux prises avec un sentiment de panique totale. Le Sénat aura alors prouvé que cela vaut la peine pour le Canada d'avoir une deuxième Chambre où l'on peut réfléchir sans se faire bousculer.

Si les honorables sénateurs veulent que le Sénat soit respecté par les Canadiens, ils voudront un Sénat non pas tel qu'il est maintenant mais, peut-être, un Sénat dont les membres seraient nommés pour 15 ans, par exemple. Brian Mulroney, un camarade d'école et un ami — je sais qu'il a dérangé beaucoup de monde, mais j'ai eu de bonnes relations avec tous les premiers ministres — avait consulté pour savoir qui nommer au Sénat dans l'esprit de l'Accord du lac Meech. C'est la raison pour laquelle nous y avons nommé d'éminents sénateurs comme les sénateurs Beaudoin, Bolduc, Chaput-Rolland, Poitras et Ottenheimer, qui sont maintenant partis.

Je ne suis pas contre la réforme du Sénat. Cependant, si le Sénat est vraiment désiré, nous devons dire aux gens ce qu'il en coûtera, quelles en seront les conséquences, et cetera. Notre rôle est de ne pas paniquer, non pas parce qu'une chose terrible se produit ce soir. Ces jeunes Américains qui ont volontairement joint les rangs de l'armée des États-Unis se font tuer ce soir à Fallujah. Ne pouvons-nous pas réfléchir à toutes ces questions? Ne pouvons-nous pas chercher à voir où cette panique pousse les honorables sénateurs, ce soir? Que les Canadiens se rassurent. Nous maîtrisons entièrement la situation, à un coût énorme, au lieu d'essayer de comprendre ce qui nous amène à accepter ces projets de loi.

Même pendant mon absence, ma première en 11 ans, j'ai continué d'envoyer à mon bureau des messages, dans lesquels je disais: «Envoyez-moi tout, plus que jamais.» J'ai téléphoné à mon ancien personnel pour savoir ce qui se passait, parce que je veux suivre la situation de minute en minute, ou presque, au Sénat, au Québec et au Canada.

Honorables sénateurs, je ne pense pas que nous faisons bien en nous laissant bousculer, en nous pliant à des exigences et à des pressions. Nous sommes le Sénat du Canada. Nous sommes calmes — même si c'est un calme passionné. Après ce que j'ai vu ce soir, je suis heureux que nos délibérations n'aient pas été télévisées, parce que nos débats sur le Règlement auraient désespéré les Canadiens. Cependant, lorsqu'il y a d'importants débats, je souhaite parfois que certains soient télédiffusés. Les Canadiens se diraient alors: «Mon Dieu, je ne savais pas que c'est ce que fait le Sénat.»

C'est la raison pour laquelle j'ai voté contre les versions antérieures de ce projet de loi, mais seulement lorsque le moment était indiqué. C'est la raison pour laquelle je finirai probablement par voter pour la révision de ce projet de loi.

J'aurais préféré que le sénateur Nolin dise non dans le cas de la Chambre des communes ou du Sénat. Je préfère un comité mixte, parce que je suis un sénateur. Jusqu'à ce que les Canadiens décident ce qu'ils feront du Sénat, je préfère un comité mixte. Si ce projet de loi était adopté, il contiendrait au moins une disposition de réexamen, ce qui permettrait aux Canadiens de dire qu'il existe un tribunal de dernier recours. C'est le dernier moyen à utiliser pour protéger ce qui fait de nous des Canadiens. Quel message envoyons- nous au reste du monde? Un message de panique?

Je suis plus dur que je n'en ai l'air. Si vous vous éloignez du droit chemin, vous devez en payer le prix. Peut-être qu'un jour le sénateur St. Germain voudra révéler toutes les conversations que nous avons eues lorsque nous étions compagnons de pupitre. Je fus membre de la prévôté, c'est-à-dire de la police militaire. J'ai eu mon entraînement militaire à Shilo, au Manitoba. Je souris beaucoup, mais lorsque je dois prendre une décision ferme, je veux avoir la certitude de bien accomplir mon devoir. Je ne suis plus un député à la Chambre des communes qui doit parfois céder aux pressions populaires. Voilà pourquoi le Sénat a été inventé. Qui sait, une majorité pourrait décider ce soir ou demain que j'ai tort et voter d'une certaine façon. Je suis démocrate. J'accepterai la décision de la majorité. Toutefois, avant de prendre une décision ultime, et après avoir lu à peu près tout ce qui a été écrit au sujet non seulement de ce projet de loi mais aussi des mesures législatives qui ont précédé, je pense que les sénateurs devraient prendre une longue nuit et, peut- être même une longue journée pour réfléchir à tout cela et tant pis si des élections sont déclenchées.

Mon père a fait plus de 9 000 accouchements. À l'âge de 14 ans, je l'ai même aidé, à la campagne, quand personne d'autre ne pouvait le seconder. Il m'a dit: «Lorsque le bébé veut naître, il sortira, peu importe ce qu'on fait.» Si des élections doivent avoir lieu, on n'y peut rien. Mais que cela ne nous incite pas à dire: «Comme des élections risquent d'être déclenchées, nous devons adopter tous les projets de loi.»

Malgré tout le respect que je voue à madame le sénateur Fraser, qui a présidé ce comité et qui, soit dit en passant, a été élue la semaine dernière à l'un des plus hauts postes qu'une femme ait jamais atteint à l'Union interparlementaire, et je l'en félicite, je propose que ce projet de loi soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et non au Comité sénatorial permanent des transports et des communications.

(2140)

L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, j'ai écouté très attentivement tous les arguments concernant le projet de loi C-7. Je souscris de tout coeur à l'idée mise en avant ce soir par le sénateur Nolin, à savoir qu'il faudrait établir un équilibre, ce que tout le monde sait, je pense.

Je vais poser une dernière question au sénateur Day. Je sais qu'il sera heureux de savoir que c'est la dernière. Le compte rendu montrera que c'est, plus ou moins, la même question que celle que je lui ai posée le jour où il a présenté le projet de loi. Elle porte sur l'examen, dont il est question dans l'amendement dont nous sommes saisis.

Je n'ai aucun doute que le sénateur Prud'homme a raison quand il dit que nous ne devons pas nous précipiter, mais je ne pense pas que c'est ce que nous faisons. Je pense que toutes les choses qui figurent dans le projet de loi, tous les pouvoirs extraordinaires — et ils sont extraordinaires — qui sont accordés en vertu de ce projet de loi sont nécessaires dans les circonstances actuelles, et je ne crois pas que qui que ce soit ait précipité les choses. Je suis réconforté par le fait que le sénateur Day m'ait expliqué à moi et au Sénat que le projet de loi n'accorde aucun pouvoir extraordinaire aux ministres qui leur permettrait de prendre des règlements qu'ils ne pourraient pas prendre autrement et, pour ce qui est du projet de loi, ne serait pris que dans des circonstances urgentes. C'est une balise.

Je pense que toutes les mesures qui sont accordées à l'administration dans ce projet de loi sont, dans les circonstances actuelles, nécessaires. Il se pourrait qu'elles le soient à tout jamais. Espérons que non.

Quoi qu'il en soit, j'aimerais poser la question suivante au sénateur Day, qui parraine le projet de loi: en supposant que nous convenons tous que les mesures prises aux termes du projet de loi en vue d'accorder ces pouvoirs extraordinaires sont nécessaires, et qu'ils seront accordés, en quoi l'examen proposé dans l'amendement à l'étude pourrait aller à l'encontre de ceux-ci?

L'honorable Joseph A. Day: Je pense que je pourrais me débrouiller pour...

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): J'invoque le Règlement. La question aurait dû être adressée au sénateur Prud'homme.

Le sénateur Banks: Je m'excuse d'avoir présenté cela sous forme de question. C'est ma contribution au débat.

[Français]

Le sénateur Day: Honorables sénateurs, j'aimerais étudier la motion d'amendement proposée par l'honorable sénateur. Je demande, avec la permission du Sénat, l'ajournement du débat jusqu'à demain.

(Sur la motion du sénateur Day, le débat est ajourné.)

[Traduction]

L'honorable Bill Rompkey: Votre Honneur, vous constaterez, je pense, qu'il y a consentement pour que nous passions maintenant à l'étude du projet de loi C-250.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Joyal, c.p., appuyée par l'honorable sénateur LaPierre, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-250, Loi modifiant le Code criminel (propagande haineuse);

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur St. Germain, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Stratton, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à la page 1, à l'article 1, par substitution, aux lignes 9 et 10, de ce qui suit:

« religion, l'origine ethnique ou le sexe.».

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, si l'on estime que mes propos ne sont pas recevables, je n'en ai que faire, mais je tiens à répéter d'entrée de jeu que je déplore que la majorité au Sénat ait décidé, il y a quelques heures, de non seulement accepter une motion visant à imposer la clôture, par opposition à l'attribution de temps, à l'égard d'un projet de loi d'initiative parlementaire, mais, ce qui est pire encore, de refuser à tout sénateur autre que l'auteur de la motion le droit d'intervenir sur celle-ci. Je n'arrive pas à croire que la Chambre du second examen objectif ait ainsi accepté d'être neutralisée sans la moindre protestation.

Pour en revenir au projet de loi C-250, ce qui me dérange beaucoup personnellement, c'est la façon dont le débat a évolué la semaine dernière, lorsque nous avons dû écouter une autre diatribe du sénateur Murray; cette fois, il expliquait que tout sénateur autrefois associé au Parti progressiste-conservateur du Canada devenu, depuis la fusion en décembre dernier, le Parti conservateur du Canada, tout membre de ce parti, donc, qui s'oppose au projet de loi C-250, doit, selon l'honorable sénateur, être assimilé à ce parti qui, dit-il, pas une seule fois «n'a appuyé une initiative en faveur des droits des minorités». Il a ajouté ceci:

Je dis à mes amis qu'ils peuvent choisir cette voie s'ils le désirent ou suivre les traces de chefs précédents comme Diefenbaker, Stanfield, Clark et Mulroney.

J'ai décidé qu'étant donné que M. Diefenbaker était le seul qui avait pris la parole à l'égard du projet de loi original sur la propagande haineuse, que je consulterais les débats de l'époque. Aucun parlementaire contemporain n'a fait preuve d'autant de constance et de détermination dans la protection des droits de la personne et la défense des droits des minorités que John Diefenbaker. Dès 1922, en Saskatchewan, il interjetait appel, au nom d'administrateurs canadiens-français d'une condamnation pour avoir enseigné le français dans les écoles. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, il a été le seul député progressiste- conservateur au Parlement à dénoncer le traitement réservé aux personnes d'origine japonaise en Colombie-Britannique. En 1945, il a dénoncé le fait que l'on avait refusé à ceux qui avaient été identifiés comme des espions par Igor Gouzenko le droit de présenter des brefs d'habeas corpus. Il va de soi que sa plus grande réalisation a été la Déclaration des droits, qui est devenue loi en 1960. Par conséquent, il était tout à fait naturel que, pour avoir une meilleure compréhension de l'objet de la loi que le projet de loi C-250 vise à modifier, je me reporte à ce qu'en pensait M. Diefenbaker.

Le 9 avril 1970, le ministre de la Justice de l'époque, John Turner, proposait la troisième lecture du projet de loi C-3 visant à modifier le Code criminel. M. Diefenbaker prit la parole immédiatement après et j'ai l'intention de citer une bonne partie de ses remarques, étant donné que celles-ci sont aussi convaincantes maintenant qu'elles ne l'étaient à l'époque. Ceux qui veulent consulter la transcription complète des remarques de M. Diefenbaker peuvent se reporter au hansard des Communes, à partir de la page 5679.

Après avoir fait l'éloge d'Eldon Williams, qui était à l'époque le député de Calgary-Nord, parce qu'il avait présenté, au nom de l'opposition loyale de Sa Majesté, le point de vue de son parti avec clarté et distinction, M. Diefenbaker dit ce qui suit:

Aucune mesure législative dont la Chambre a été saisie ne m'a inspiré autant d'inquiétude que ce bill. J'ai traité cette question à Toronto, à l'occasion d'un dîner organisé par le B'nai Brith où l'on m'a demandé de prendre la parole. J'ai pris position contre le bill et j'ai fait un exposé général des raisons de mon attitude. Je conserverai précieusement le souvenir des acclamations unanimes qui ont suivi mon allocution, bien qu'une grande partie de l'assistance n'ait pas été de mon avis. Elles témoignent de l'attitude de l'ensemble des Canadiens à l'égard des questions que, de temps à autre, la Chambre est appelée à étudier et à trancher.

Après avoir lutté toute ma vie, tant au barreau qu'au Parlement, pour appuyer et préserver la liberté, je crains vivement que ce qui se passe ici constitue un pas de plus sur la pente glissante qui mène à réduire au silence les voix dissidentes.

Il a ensuite ajouté:

Je ne m'engagerai pas dans une dissertation sur le sens du mot «liberté». Il signifie quelque chose pour chacun de nous. Pour moi, c'est le droit de se tromper, et non celui de mal faire. Il comporte le droit de dire des choses qui peuvent susciter chez autrui l'opposition et le ressentiment. La seule liberté de parole sensée est celle qui me donne le droit de dire les choses qui vont à l'encontre de l'opinion générale de l'ensemble des gens, à l'exclusion, bien sûr, du libelle, de la calomnie, du blasphème et de la sédition.

Il a poursuivi en disant:

Avons-nous le droit de définir la liberté comme le droit d'exprimer seulement les opinions acceptables pour une écrasante majorité? Cette liberté-là serait de piètre valeur. L'esprit civique consiste essentiellement à tolérer les propos violents et provocateurs. La liberté confère des devoirs et des responsabilités. L'un de ces devoirs c'est de se montrer tolérant à l'égard de ceux qui expriment des opinions susceptibles d'être offensantes. Nous entendons souvent attribuer à Voltaire des propos qu'il n'a jamais tenus. C'est Daniel Webster qui disait: «Même si je désapprouve le moindre de vos propos, je défendrai jusqu'à la mort votre droit de les tenir.»

M. Brandeis, juge à la Cour suprême des États-Unis, avait de nombreux adversaires parce qu'il était juif. Voici ce qu'il disait:

(2150)

Si le temps aidant, on peut, au moyen de la discussion dévoiler le mensonge et les sophismes et éviter le mal grâce aux ressources de l'éducation, le remède qui s'impose c'est d'élargir la liberté de parole et non de contraindre au silence.

Voilà des propos que les honorables sénateurs devraient prendre à cœur. Je vise particulièrement ceux qui ont estimé approprié de faire tomber la guillotine sur cette mesure législative d'initiative parlementaire, ce qui pour effet principal, de refroidir la liberté d'expression, un paradoxe que M. Diefenbaker n'aurait pas laissé passer, puisqu'il a également ajouté:

Ces paroles représentent ma conception de la vie. De temps en temps, je cite Burke qui, aujourd'hui est même cité par les libéraux. Il a dit: «Le véritable danger réside dans le grignotement progressif de la liberté sous le couvert d'expédients.»

Il a également déclaré: «Le peuple ne renonce jamais à ses libertés que sous l'empire de quelque illusion.»

Et finalement, voici un extrait du discours de M. Diefenbaker où il est question d'un défenseur des libertés civiles parmi les plus respectés que le Canada ait connus:

Je l'ai dit à maintes reprises, je ne m'oppose nullement aux dispositions du projet de loi qui ont trait au génocide, même si M. Frank Scott pense qu'elles sont inutiles. Combien de députés ont lu ses propos? Je n'ai pas toujours été d'accord avec lui, mais il a été un porte-parole brillant et éclatant de la CCF et, par la suite, du NPD dans le domaine des libertés civiles. Sa cause lui avait attiré une foule de partisans qui lui sont demeurés fidèles. J'aimerais bien savoir quand ce parti a rejeté les vues qu'il avait exprimées. Le 29 avril 1969, il suffisait de nommer cet homme pour que le silence règne, car il était le porte-parole de la liberté. De plus, je doute qu'il y ait un avocat au Canada affilié à la ligue des libertés civiles qui n'ait pas condamné ce projet de loi.

Qu'a dit le professeur Scott? Qu'il n'avait pas à indiquer qu'il s'opposait autant que quiconque à la propagande haineuse, mais que, néanmoins, il ne pouvait souscrire aux principes énoncés dans ce bill. Il ne pouvait considérer autrement que dangereux de les adopter et de les inclure dans notre loi pénale. Puis il a invoqué quatre raisons pour motiver son opinion. Premièrement, il a qualifié le bill de rétrograde, ce qu'il est certainement. Tous les progrès qui ont été accomplis et couronnés par la cause Drybones vont être détruits. Deuxièmement, il a déclaré le bill inutile. Troisièmement, il l'a trouvé dangereux, et quatrièmement, pour employer une expression qui n'est pas un terme de droit, il l'a qualifié de démodé.

Monsieur l'Orateur, le doyen Scott a souligné les diverses causes dans lesquelles la notion des droits de l'homme, dans une suite de magnifiques décisions de la Cour suprême, a été élargie au cours des années. Il y a l'affaire Boucher et cinq ou six autres. Il a conclu en disant qu'à son avis cette loi était dangereuse.

Bien des gens diraient que le discours de M. Diefenbaker a été prononcé en avril 1970, il y a déjà 35 ans, et que les années ont montré que bon nombre des craintes exprimées à l'époque n'étaient pas fondées et que nous n'avons pas violé le droit à la liberté d'expression au fil des ans, comme l'a souligné le parrain du projet de loi à l'autre endroit durant les travaux du comité lorsqu'il a déclaré:

[...] il n'y a eu que cinq poursuites en vertu des dispositions du Code criminel en matière de propagande haineuse depuis 1970.

Cela résulte du fait que la Cour suprême, en confirmant les dispositions sur la propagande haineuse, «a fixé un seuil très élevé pour les poursuites».

Est-ce que le temps enlève quoi que ce soit à la position de M. Diefenbaker, appuyée, soit dit en passant, par 32 de ses collègues progressistes-conservateurs sur les 39 qui ont voté, sept seulement approuvant le projet de loi?

Pas du tout. Les grandes craintes au sujet du caractère sacré de la liberté d'expression sont tout aussi valables de nos jours qu'à l'époque. La Cour suprême a sans aucun doute pris note de la position de M. Diefenbaker et j'ose dire que le seuil qu'elle a établi pour les poursuites a été grandement influencé par cette dernière et d'autres comme celle de Frank Scott. En d'autres termes, essayez d'imaginer comment le projet de loi C-3 — le projet de loi étudié à l'époque —aurait été appliqué et aurait pu être appliqué si M. Dienfenbaker n'avait pas mené la campagne pour s'y opposer.

Le parrain du projet de loi aujourd'hui, le parrain du projet de loi à la Chambre des communes, a fait cette déclaration très révélatrice lorsqu'il a comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles:

Ce projet de loi est surtout symbolique; je suis le premier à le reconnaître. Il ne donnera pas lieu à de nombreuses poursuites.

On nous demande donc d'appuyer un projet de loi qui, selon les paroles mêmes de son auteur, est surtout symbolique, ce qui signifie qu'il ne sera appliqué qu'à de rares occasions, s'il l'est, et qu'il est douteux au mieux que les poursuites aboutissent. Tout ce que le projet de loi C-250 semble faire, c'est d'amener ceux qui l'appuient à soulever des espoirs non fondés et de conduire ceux qui s'y opposent à susciter de fausses craintes.

Est-ce ce pourquoi les parlementaires sont ici, pour discuter d'un projet de loi qui, de l'aveu même de son auteur, est largement symbolique et reçoit des interprétations excessives par ses partisans et ses adversaires? Il n'y a certes pas de place dans le Code criminel pour des lois purement symboliques.

Ce qui m'inquiète le plus, c'est que le projet de loi C-250 oppose ceux que je définirais de façon large comme les partisans de la laïcité à ceux qu'on appelle couramment les fondamentalistes, ou si vous préférez, les libéraux au sens général du terme aux évangélistes. Les premiers tolèrent très difficilement les seconds qui, pour leur part, ne peuvent accepter un mode de vie différent du leur. Ainsi, le vote sur le projet de loi C-250 est présenté, comme le sénateur Murray l'a fait très clairement la semaine dernière, comme un vote reflétant le fait qu'une personne soit pour ou contre les droits de la personne et les droits des minorités.

Je trouve cette conclusion répugnante, au moment où je fais des déclarations selon lesquelles le parti auquel j'appartiens a renoncé à tous les principes du Parti progressiste-conservateur. Le dernier à emprunter cette voie, l'autre jour, a été le même qui, comme chef du Parti progressiste-conservateur, se réjouissait, en septembre 2001 à Edmonton, de la formation d'une coalition entre des députés élus du Parti progressiste-conservateur et neuf députés élus de ce qui était alors l'Alliance canadienne. L'un des principaux objectifs de la coalition, d'après un communiqué de presse de ce mois de septembre, était:

Inclure et faire participer des députés et des partisans du Parti progressiste-conservateur, de l'Alliance canadienne et d'autres qui partagent notre objectif.

L'un des neuf députés de l'Alliance canadienne représentait la circonscription de Saskatoon-Humboldt et avait alors inscrit au Feuilleton un projet de loi d'initiative parlementaire visant à limiter l'application de la Loi sur les langues officielles, là où la minorité linguistique représentait au moins 25 p. 100 de la population. Cette rupture avec la politique fondamentale du Parti progressiste- conservateur n'a pas empêché le chef de la coalition de le nommer porte-parole dans le domaine des travaux publics et des services gouvernementaux.

Il est assez révélateur que la personne même qui a accueilli le député de Saskatoon-Humboldt au sein de la coalition, en dépit de son opposition à la Loi sur les langues officielles, s'en prenne maintenant au chef du Parti conservateur qui s'était opposé à sa réadmission à l'Alliance canadienne lorsqu'il en était le chef.

Je dis au sénateur Murray et à d'autres qui voient du succès là où ils ont échoué: N'hésitez pas à condamner le Parti conservateur à chaque occasion et, au moins, à lire les positions défendues par le parti. Ils peuvent ne pas apprécier la façon dont la fusion a été réalisée ou ce qui a conduit à celle-ci, mais cela n'est pas une raison pour la déclarer automatiquement opposée à chacune des valeurs fondamentales que ses membres ont défendues tout au long de leur vie politique.

L'entente de principe à l'origine de la création du Parti conservateur du Canada, en date du 15 octobre 2003, énumérait un certain nombre de principes fondateurs, notamment: «L'équilibre entre la responsabilité financière, une politique sociale progressiste et les droits et responsabilités individuels»; «Nous croyons à l'égalité de tous les Canadiens» et «Nous croyons que l'anglais et le français ont le même statut, et les mêmes droits et privilèges quant à leur utilisation dans toutes les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada»...

Des voix: Bravo!

Le sénateur Lynch-Staunton: ... «Nous croyons que tous les Canadiens devraient avoir un accès raisonnable à des soins de santé de qualité, peu importe leur capacité de payer.» Cette entente a reçu un appui écrasant de la part des députés des deux partis fusionnés et ces principes fondateurs sont au coeur de l'énoncé de politique du Parti conservateur.

J'exprime toutes mes excuses à ceux qui estiment que ces dernières remarques n'ont rien à voir avec l'article à l'étude, mais le sénateur Murray, pendant le débat, la semaine dernière, a malheureusement tenté d'insinuer que les opposants au projet de loi C-250 se désintéressaient des droits de la personne et des minorités. Dois-je assumer qu'il inclut dans ce groupe sept anciens députés progressistes-conservateurs qui ont voté contre le projet de loi C- 250? Le projet de loi n'est rien de plus que symbolique et n'a pas un grand impact.

L'expérience relative à l'article du Code criminel relatif à la propagande haineuse que le projet de loi C-250 modifie montre que ledit article ne peut être appliqué que dans les cas les plus extrêmes.

Traiter quelqu'un de «nègre» ou de «pédé» n'est pas de la propagande haineuse, mais c'est peut être aussi blessant que les publications anti-Noirs ou anti-homosexuelles les plus vicieuses. Le projet de loi en soi est parfait bien qu'il ne soit pas efficace. Il faut davangage de tolérance, de compréhension et de respect. Cela peut largement être atteint par l'exemple et l'éducation fournis par la famille en bas âge.

Comme je l'ai dit au début de mon intervention, le ton négatif donné au débat par certains des partisans du projet de loi C-250 a semé inutilement la discorde. Il aura un léger impact, s'il en a un. Lancer des tirades anti-homosexuelles est tout aussi inutile que d'accuser d'intolérance ceux qui s'opposaient au projet de loi.

Je ne partage pas certaines des interprétations de la façon dont certains enseignements religieux pourraient être touchés, mais je respecte néanmoins leurs points de vue parce que je les considère comme bien intentionnés et honnêtes.

Nicholas Kristof le dit si bien dans l'édition de samedi dernier du New York Times:

Il est toujours facile de pointer du doigt l'intolérance chez les autres. Il est plus difficile de pratiquer soi-même l'inclusion. Les préjugés contre autrui fondés sur leurs croyances religieuses sont aussi odieux que ceux fondés leur sexualité.

Honorables sénateurs, alors que j'espère que l'auteur du projet de loi a raison quand il dit que ce dernier n'aura guère d'effet, voire aucun, je ne considère pas cela comme une raison convaincante pour appuyer le projet de loi.

Des dispositions du Code criminel ne devraient pas être insérées uniquement pour des raisons symboliques. Si cette disposition finissait par ne pas être symbolique dans son application et par constituer un obstacle effectif à la liberté de parole, je considérerais un vote en faveur du projet de loi comme un vote en faveur de la destruction des principes mêmes sur lesquels est fondé notre pays.

D'autre part, le débat et les arguments sur le projet de loi C-250 ont été tels que quiconque vote maintenant contre le projet de loi risque d'être considéré comme une personne professant des idées extrémistes, idées que je rejette de tout cœur.

La difficulté à laquelle je suis confronté a été exacerbée par le recours à la clôture par le sénateur Murray, combiné avec la motion de la guillotine proposée par le sénateur Joyal. S'il est possible que j'aurais fini par appuyer le symbolisme du projet de loi, je ne puis le faire maintenant que les principaux parrains du projet de loi ont arbitrairement décidé qu'ils en avaient assez entendu et d'empêcher effectivement tous les autres sénateurs d'exprimer leur point de vue. Un progressiste-conservateur autoproclamé travaillant en harmonie avec un libéral pour empêcher la tenue d'un débat libre sur un projet de loi empêchant la tenue d'un débat libre est certes une chose bizarre qui ne sera pas oubliée de sitôt.

L'opposition de M. Diefenbaker aux articles du Code criminel que ce projet de loi tente de modifier par extension est bien connue. J'ignore comment il aurait réglé la question des intérêts divergents en l'occurrence tout comme j'ignore s'il est possible de la régler.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je voudrais d'abord remercier le sénateur Lynch-Staunton de ses observations parce qu'il a été lié de si près au processus au Sénat. Ses observations méritent que nous y réfléchissions tous, non seulement en ce qui concerne le projet de loi C-250, mais encore en ce qui concerne la conduite au Sénat maintenant et dans les années à venir.

Je voudrais faire part de mon inquiétude au sujet du projet de loi C-250. Les partisans et les opposants à ce projet de loi devraient réfléchir à la façon dont les choses ont évolué. Des deux côtés, les comportements qu'on a pu observer de temps à autre n'étaient pas, selon moi, de nature à favoriser la tolérance et l'harmonie dans une société aussi diversifiée que la nôtre et à l'égard de sujets aussi chargés d'émotion.

À première vue, le projet de loi C-250 ne semblait pas devoir provoquer les épanchements émotifs qu'on a pu observer. Sans doute la toile de fond que constituaient les autres projets de loi, l'atmosphère politique et l'incertitude quant à l'avenir immédiat ont-ils eu un effet déterminant.

L'une des conséquences, pour le Sénat, a été le recours à la clôture, dont les honorables sénateurs ont entendu le sénateur Lynch-Staunton parler à l'instant, pour des raisons autres que les raisons traditionnellement invoquées. Le Comité du Règlement ou le Sénat dans son ensemble devra se pencher sur cette affaire, car je crois qu'elle aura de nombreuses conséquences imprévues, qui pourront se révéler très préjudiciables pour cette Chambre.

Le projet de loi C-250 porte sur la propagande haineuse. Toute preuve de propagande haineuse contre un groupe identifiable donnera lieu à des accusations au criminel. Je n'aurais pas énuméré les groupes, car les sociétés changent et les possibilités de progrès, dans ces domaines, doivent être prises en compte. Les changements négatifs sont également une réalité, et de nouveaux groupes sont pris pour cibles.

Il aurait été préférable que les groupes soient identifiés par le gouvernement ou, mieux encore selon moi, qu'aucun groupe ne le soit. La propagande haineuse contre un groupe identifiable, que ce soit aujourd'hui, hier ou demain, ne doit pas être tolérée. Pourquoi faudrait-il faire des pieds et des mains pour être ajouté à un groupe identifiable?

Il aurait été préférable de traiter la propagande haineuse comme une chose intolérable, sans opposer un groupe à l'autre en tentant d'identifier des groupes au sein de la société, en particulier dans une société aussi diversifiée que l'est le Canada. Quand on commence à énumérer des groupes selon leurs distinctions de couleur, de race, de religion ou d'origine ethnique, il devient naturellement possible d'ajouter à la liste et cela devient la seule solution, à moins d'être prêt à modifier toute notre approche de la question.

Il ne s'agit pas simplement d'ajouter à la liste, quand on peut trouver un autre groupe identifiable; le critère est de voir s'il existe une possibilité, en se fondant sur des exemples passés ou présents, de propagande haineuse contre un groupe donné.

Je crois qu'il existe suffisamment de preuves indiquant l'existence de propagande haineuse contre des groupes en raison de leur orientation sexuelle. Ceux qui s'opposent à juste titre au projet de loi C-250 ont de bonnes raisons de le faire, et leurs préoccupations ne peuvent être ignorées.

J'encourage tous les sénateurs et les autres à lire la déposition de Mme Janet Epp-Buckingham, directrice de la Section du droit et de l'analyse des politiques et avocate générale de l'Alliance évangélique du Canada. J'ai trouvé sa déposition sur le projet de loi C-250 extrêmement juste, convaincante et pertinente.

S'il est vrai qu'il y a eu d'autres bons témoignages, un grand nombre de témoins se sont éloignés du sujet pour définir leur position sur une question plus large qui n'est pas au cœur du projet de loi C-250.

Le témoignage de Mme Epp-Buckingham reflète le vrai sentiment et les préoccupations des Églises et des croyants qui craignent vraiment les conséquences du projet de loi C-250 pour la liberté d'expression et la liberté de religion et redoutent un effet paralysant pour ces deux libertés.

Honorables sénateurs, je vais reprendre une partie du témoignage que Mme Epp-Buckingham a livré au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles:

Honorables sénateurs, merci de cette occasion qui nous est donnée de nous adresser au comité. L'Alliance évangélique du Canada est une association nationale d'organisations évangéliques chrétiennes qui regroupe 39 confessions religieuses, 100 organisations religieuses et quelque 1 200 Églises. Parmi les confessions qui nous sont affiliées, notons les baptistes, les mennonites, le Christian Reform, les pentecôtistes et l'Armée du Salut.

Parmi les groupes qui nous sont affiliés, je signale plusieurs organisations qui distribuent la Bible, comme le Gideon et la Bible League. La distribution de la Bible et de littérature chrétienne est un aspect important des pratiques religieuses des chrétiens évangéliques. Je suis directrice du droit et de la politique publique. Je suis juriste de formation, et je vais traiter de questions qui nous préoccupent dans l'interprétation juridique du projet de loi C-250.

Je dois souligner, comme principe de base, que notre organisation ne tolère ni n'approuve la promotion de la haine ni les actes de violence contre quelque personne que ce soit, pas plus qu'elle n'approuve les discours qui incitent à la violence...

Voyons d'abord les textes sacrés. Je tiens à signaler, ce qui semble évident, que la Bible est un texte sacré, tout comme le Coran et la Torah. Les croyants reconnaissent dans ces textes la parole de Dieu. Le texte biblique est immuable, c'est-à-dire que nous n'avons pas la liberté de le modifier. Je dois le dire très clairement, car au moins un sénateur a affirmé que, si la Bible contient des passages à connotation négative au sujet des gais et lesbiennes, nous devrions les supprimer. Nous ne pouvons le faire. Voilà pourquoi nous parlons de texte sacré — c'est le sens du terme.

Selon mon interprétation, les textes sacrés sont protégés au nom de la liberté de religion garantie à l'article 2 de la charte. Toutefois, j'exhorte les honorables sénateurs à ne pas s'en remettre simplement aux tribunaux pour protéger la liberté de religion. À titre de législateurs, ils ont un rôle à jouer pour protéger cette liberté.

(2210)

Je fais état de cette préoccupation et d'autres au sujet du projet de loi C-250, même si une défense a été ajoutée au projet de loi. Si les poursuites privées ne peuvent être intentées qu'avec le concept du procureur général, le projet de loi C-250 ne devrait être utilisé que dans le cas de la propagande haineuse, comme le prévoient les articles 318 et 319 du Code criminel. M. Charles McVety, président du Canada Christian College, s'est inquiété du droit de débattre de l'orientation de la société au Canada à propos de ces questions morales délicates dans se retrouver devant une cour criminelle. Mme Buckingham, dans son témoignage, a également déclaré:

Ce qui me préoccupe, c'est d'entendre des gens dire: «Ce sont vos opinions religieuses qui causent cette violence». Ce n'est pas l'enseignement chrétien. Toutefois, si c'est la perception de la communauté gaie, alors elle cible l'expression religieuse. Je ne crois pas qu'il y ait un lien entre les deux.

Nous avons des lois en place contre la violence. Nous avons des lois en place expressément contre les crimes haineux, y compris en fonction de l'orientation sexuelle. Je crois que ces lois devraient être appliquées.

Au Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, j'ai demandé à Mme Buckingham si le projet de loi servait une fin lorsque quelqu'un peut déformer les messages de religions données et prendre les armes au nom de la religion, rendant ainsi cela légitime. Je lui ai donné s'il y avait un passage d'enseignements pacifiques au recours à la violence. Mme Buckingham a répondu:

Ma préoccupation découle du fait que, déjà, des gens ont utilisé des textes religieux d'une façon qui faisait la promotion de la haine. Je pense en particulier à l'affaire Hugh Owens en Saskatchewan, qui s'est amorcée en vertu du Saskatchewan Human Rights Code. Malheureusement, lorsque le tribunal a rendu sa décision, il ne l'a pas nuancée de cette façon. La décision a simplement parlé du fait que des textes bibliques faisaient la promotion de la haine contre les gais et les lesbiennes. Voilà le précédent affirmant que ces textes bibliques font la promotion de la haine contre les gais et lesbiennes. Nous nous demandons ensuite quelle promotion nous pouvons avoir pour la Bible, une fois qu'un précédent de cette nature existe.

Au Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, j'ai également demandé à Mme Buckingham si l'affaire Owens expliquait qu'une si grande proportion des courriels et des lettres que je reçois sont en provenance de la Saskatchewan. Mme Buckingham a répondu:

Je le crois car cette affaire a fait beaucoup de bruit. Certains ont dit que la Bible avait été qualifiée de «littérature haineuse». Je ne pense pas que la Cour ait jamais eu une telle intention. Cependant, quand on s'en tient à la lettre de l'arrêt, c'est bien cette intention qui apparaît. À cause de cette décision, les habitants de Saskatchewan ont été plus nombreux à exprimer leurs préoccupations.

Honorables sénateurs, j'appuie le projet de loi C-250 en raison de mes croyances chrétiennes. Bien que je comprenne que ma liberté d'expression et ma liberté de religion risquent d'être restreintes, mes croyances chrétiennes me poussent à prendre ce risque et à pencher en faveur de l'assurance que plus personne ne sera blessé ni victime de violence en raison de la haine ou de la propagande haineuse.

Les projets de loi de cette nature peuvent provenir d'initiatives parlementaires, mais que fait le gouvernement dans tout cela? Que le Parlement adopte un tel projet de loi pouvant mener à une plus grande dissension et à une aliénation constitue une erreur de direction. J'espère que la tolérance sera pratiquée dans notre grande société diversifiée. Les sénateurs des deux côtés ont besoin de savoir que le gouvernement utilisera son influence, son pouvoir et sa structure administrative pour s'assurer que l'application adéquate de ce projet de loi est un mécanisme de droit pénal et non du fourrage pour un malaise social, un sentiment d'inquiétude et de peur. Aucune assurance de consultation des procureurs généraux et de surveillance de ces mesures législatives n'a été obtenue au nom du gouvernement d'une manière publique qui pourrait amorcer le processus d'éducation, comme le vise véritablement le projet de loi par son intention et sa portée.

Il n'est pas trop tard, et le gouvernement doit intervenir immédiatement pour faire en sorte que l'on n'aggrave pas inutilement les divisions au sein de la société. Bien que la loi assure la défense des croyances religieuses, il pourrait être nécessaire que le gouvernement donne de nouveau l'assurance qu'il prendra de nouvelles mesures si les tribunaux ne respectent pas strictement son intention. Bien que l'affaire Owens montre qu'il est possible que l'on fasse preuve d'incompréhension dans certains cas, il ne revient pas au grand public de comprendre toute la différence qui existe relativement à leur rôle et leur compétence entre les commissions des droits de la personne et le code criminel, et entre le rôle du gouvernement fédéral et celui des provinces dans le cadre de cette question. Le gouvernement doit immédiatement faire cet effort de conciliation.

J'aimerais remercier mon parti pour la tolérance qu'il a manifestée à l'égard de tous les points de vue, et je tiens à assurer tous ceux qui ont suivi les travaux portant sur le projet de loi C-250 que mon parti, loin de n'admettre qu'une seule voix unanime, tient compte avec tolérance de tous les points de vue. Je crois que cela augure bien pour l'avenir du parti auquel j'ai choisi de m'associer.

L'honorable David Tkachuk: J'ai une question pour l'honorable sénateur.

Si la Constitution protège la liberté d'expression, comment se peut-il que ce projet de loi la protège encore plus, alors que la constitution constitue la protection ultime en matière de liberté d'expression? Comment ce projet de loi pourrait-il renforcer ce principe?

Le sénateur Andreychuk: J'ai tenté d'en parler dans mes commentaires. Si j'avais eu un mot à dire dans tout cela, le projet de loi C-250 n'aurait pas été produit sous cette forme parce que je suis d'avis que les autres dispositions du Code criminel portant sur le crime haineux couvrent déjà ces personnes et ces groupes. Autrement dit, elles sont tellement vastes que nous n'avions pas à le faire. Toutefois, par la suite, et je crois que nous l'avons fait il y a quelques années pour des raisons historiques, par compassion et à des fins éducatives, et vous avez entendu le sénateur Lynch- Staunton nous préciser de façon très éloquente que certains étaient d'avis qu'il n'était pas nécessaire de le faire, mais, comme nous l'avons fait, nous ne pouvons pas nous permettre maintenant de faire des distinctions dans les groupes identifiables.

J'espère que nous pourrons faire disparaître cet article quand viendra le temps de revoir les dispositions du Code criminel, parce que donner des précisions sur les groupes identifiables ne fait qu'accroître les sentiments d'appartenance ou de rejet et de discrimination, alors que ce n'est pas du tout là le but. Nous cherchons plutôt à mettre notre société à l'abri des commentaires haineux, et je crois que les sénateurs des deux côtés sont tous d'accord avec cet énoncé.

Pour ce qui est des commentaires formulés par l'honorable sénateur sur la liberté d'expression, je crois que vous m'avez tous entendue m'exprimer sur la question des droits de la personne et je me rappelle même qu'un sénateur a souligné que je l'avais fait beaucoup trop souvent.

Son Honneur la Présidente intérimaire: J'ai le regret de vous faire savoir que votre temps de parole est écloulé. Madame le sénateur demande-t-elle la permission de poursuivre?

Madame le sénateur Andreychuk a-t-elle la permission de continuer?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Andreychuk: La liberté d'expression, la liberté de religion et tous les autres droit ne sont pas des droits illimités.

(2220)

Les honorables sénateurs m'ont entendu dire à maintes reprises que c'est une question de proportionnalité, d'équilibre des droits. Mes droits commencent là où finissent les vôtres et vice versa. Un droit est équilibré par un autre droit car parfois les droits sont concurrents. La liberté totale d'expression ou de religion n'existe pas. Il en va de même de toutes les autres libertés énumérées dans la Charte.

Les honorables sénateurs savent également que, en la présence d'une raison convaincante, les droits peuvent être limités en vertu de l'article 1 de la Charte.

Honorables sénateurs, en conclusion, le projet de loi C-250 présente un certain degré de risque pour la liberté d'expression et la liberté de religion. Le danger existe également qu'un groupe qui a été attaqué à titre de groupe identifiable soit laissé pour compte. J'ignore si le projet de loi C-250 parvient à un juste équilibre.

Toutefois, honorables sénateurs, je demanderais au gouvernement de ne plus jamais nous mettre dans une telle position. Les projets de loi privés peuvent avoir pour origine un intérêt privé. Toutefois, quand ils deviennent trop polarisants, le rôle du gouvernement national dans une société aussi diverse que le Canada est certes d'essayer de susciter un peu d'harmonie et de tolérance. On risque d'accorder trop d'importance à un côté ou à l'autre et la mesure législative n'établit pas toujours le juste équilibre. On s'en aperçoit à l'usage.

Donc, j'espère que, quel que soit le gouvernement qui sera en place, il étudiera cette mesure législative. Si elle est symbolique, tant pis. Si elle sert, j'espère que ce sera avec parcimonie et aux fins prévues. Autrement, elle devrait être modifiée immédiatement.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, madame le sénateur Andreychuk accepterait-elle une question?

Le sénateur Andreychuk: Bien sûr, honorable sénateur.

Le sénateur Cools: Je remercie le sénateur Andreychuk pour son exposé extrêmement lucide et équitable. Je voudrais lui poser rapidement trois questions.

Le sénateur Andreychuk est le premier membre du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui a été saisi du projet de loi pendant quelques rares jours au cours d'une période très courte, à prendre la parole au sujet de ce dernier. Premièrement, on nous a dit que deux procureurs généraux provinciaux et deux procureurs généraux fédéraux, y compris l'ex- ministre de la Justice et le ministre actuel, M. Cotler, appuyaient le projet de loi. Or, aucun n'a comparu devant le comité, ce que je trouve extrêmement bizarre. Ils appuient le projet de loi mais ils ne sont pas venus le dire. Qu'en pense l'honorable sénateur?

La question suivante est celle-ci: le comité a considérablement réduit le nombre de ses audiences. Il a entendu très peu de témoins. Ceux qu'il a entendus faisaient partie de groupes et chaque témoin disposait de cinq minutes. À mon avis, ce n'était pas particulièrement acceptable.

Soit dit en passant, honorables sénateurs, il m'a fallu des semaines pour trouver le nombre de témoins qui avaient demandé à comparaître devant le comité. À une heure tardive, jeudi dernier, j'ai enfin reçu une note de la greffière du comité. Elle m'a informée dans cette note qu'environ 2 164 personnes qui s'opposaient au projet de loi C-250 avaient demandé à comparaître. Cinq y étaient favorables. Il y en avait 190 qui ne se prononçaient pas.

Madame le sénateur Andreychuk a-t-elle une observation à faire ou peut-elle expliquer à la Chambre pourquoi plus de 2 000 témoins ont demandé à comparaître devant le comité? Il s'agit là d'un nombre record de témoins qui demandent à comparaître devant un comité. Les comités augmentent habituellement le nombre d'audiences pour entendre des témoins. De toute évidence, un comité ne peut pas entendre tous ceux qui demandent à comparaître, mais, dans ce cas-ci, le comité aurait au moins pu en entendre un échantillon représentatif.

Honorables sénateurs, ma troisième préoccupation est la suivante: ce projet de loi a été renvoyé du comité avec une précipitation honteuse. Ce qui m'a vraiment embêtée — et j'ai soulevé cette question au Sénat juste avant que nous n'étudiions le projet de loi article par article — c'est que ce projet de loi a été étudié article par article sans le consentement des sénateurs de l'opposition. Au Sénat, la pratique veut que les comités étudient habituellement un projet de loi article par article avec le consentement de l'opposition. Madame le sénateur Andreychuk pourrait-elle nous expliquer pourquoi l'étude en comité d'un projet de loi aussi controversé a ainsi été écourtée? En fait, le comité n'a jamais discuté convenablement du sort réservé aux témoins. Quant au comité directeur, il semble aussi avoir été tenu à l'écart.

Madame le sénateur Andreychuk pourrait-elle fournir certaines réponses à mes questions?

Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, je remercie madame le sénateur de ses questions, notamment la première qui concerne les procureurs généraux.

L'honorable sénateur signale à juste titre tout le mystère qui a entouré, depuis le début, l'étude de ce projet de loi. Dans certains cas, le projet de loi C-250 a été traité comme un projet de loi d'initiative ministérielle. Cependant, lorsqu'on a tenté d'exiger qu'il soit traité en bonne et due forme, comme l'est habituellement un projet de loi d'initiative ministérielle, on nous a répondu qu'il s'agissait d'un projet de loi d'initiative parlementaire. Par conséquent, nous ne savons pas vraiment ce qu'en pensent les procureurs généraux. Il nous faut le déduire de façon indirecte.

Nous avons étudié le projet de loi d'une manière très fragmentée. Le projet de loi a été au Feuilleton pendant un certain temps; quand nous l'avons étudié, nous avons toutefois dû le faire avec précipitation.

Quant au nombre de témoins, je sais qu'il y en a d'autres qui auraient souhaité comparaître devant le comité. J'aurais aimé que nous les entendions. Certains groupes avaient des réserves au sujet du projet de loi. Je voulais au moins pouvoir les entendre et leur donner l'assurance que nous allions honnêtement tenir compte de leurs préoccupations, que nous n'allions pas les rejeter.

Je ne voulais pas que ce projet de loi soit enfermé dans un autre dialogue. Autant le dire honnêtement, je parle de la question du mariage entre conjoints de même sexe, qui a semblé faire ombrage à ce projet de loi. Il semble qu'on ait préféré discuter de cette question plutôt que de la teneur du projet de loi. Cela reflète en partie le fait que le gouvernement a peut-être ou n'a peut-être pas participé au projet de loi. On a eu, à tout le moins, l'impression que le gouvernement avait participé à ce projet de loi.

Quant au dernier point que le sénateur a soulevé, lorsqu'il a dit qu'on avait accéléré le traitement de ce projet de loi, je crois y avoir répondu.

Si la majorité veut adopter immédiatement ce projet de loi en recourant à une motion de clôture, je trouve cela très préoccupant pour toutes les raisons énoncées par le sénateur Lynch-Staunton. Au nom de la liberté d'expression, nous violons la liberté d'expression. Au nom de ces droits, nous supprimons d'autres droits. Je crois qu'on aurait dû trouver un juste équilibre. Je n'ai pas la certitude qu'une motion de clôture était la solution.

Honorables sénateurs, parce que la majorité voulait adopter ce projet de loi, nous avons encore une responsabilité plus grande de rassurer ceux qu'il préoccupe, comme Mme Epp-Buckingham, qui a dit qu'il fallait adhérer à l'esprit de la loi et à aucun autre objectif.

Le sénateur Cools: À cet égard, j'aimerais poser une question car je suis très perplexe quant au traitement singulier de ce projet de loi au sein du comité.

Le sénateur Andreychuk: Je n'étais pas dans le secret des réunions du comité directeur. Comme je l'ai indiqué devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, j'ai été contrainte d'étudier le projet de loi C-7 au sein du Comité des transports et le projet de loi C-250 au sein du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Je ne faisais pas que représenter ce côté-ci de la Chambre; je n'étais qu'un membre du comité. Par conséquent, je ne sais rien de tous les détails des décisions qui ont été prises pour qu'on en accélère l'étude, ou pourquoi, ou qui a fait quoi.

Je dois dire que je partage certaines des préoccupations du sénateur, mais je ne sais pas à quoi elles sont dues.

Le sénateur Cools: En tant que juriste, madame le sénateur Andreychuk peut probablement répondre à ma prochaine question. Comme elle l'a signalé, on nous a dit que les procureurs généraux des provinces et du gouvernement fédéral appuyaient le projet de loi C-250, mais il n'y a pas eu de témoignage où ils l'affirmaient.

Lorsqu'on adopte une loi criminelle, on doit être convaincus que l'on respecte les principes du droit criminel et de ce que j'appellerais l'esprit du Parlement, ou l'esprit du common law. Il faut trouver l'esprit de la loi pour établir si la loi atteint les objectifs prévus et ne s'applique pas à d'autres infractions et à d'autres fautes qui ne devaient pas être visées.

(2230)

J'ai été frappée par la réticence ou l'incapacité du comité à entendre, par exemple, le témoignage de personnes que je qualifierais d'autorités en matière de droit criminel. J'ai proposé que nous entendions le témoignage de certains des grands penseurs dans le domaine du droit criminel, notamment Morris Manning. J'ai même demandé à certains juristes s'ils accepteraient de comparaître devant le comité. Ces personnes n'étaient ni pour ni contre le projet de loi. De toute évidence, elles allaient parler de l'élaboration de mesures législatives judicieuses en matière de droit criminel. Nous n'avons entendu ni spécialistes en droit criminel, ni procureurs généraux, ni représentants du ministère de la Justice. En fait, aucune autorité canadienne dans le domaine du droit criminel n'a comparu devant le comité.

En toute franchise, seule la promesse de M. Svend Robinson, et de lui seul, a fait avancer cette mesure législative. Je n'ai jamais rien vu de la sorte de toute ma vie. En tant que juriste, à l'instar du sénateur Andreychuk, on veut toujours avoir l'assurance de bel et bien élaborer des lois, non de faire valoir des sentiments.

Le sénateur Andreychuk: Je partage les inquiétudes du sénateur et je les ai moi-même déjà exprimées. De toute évidence, nous ne voulons pas restreindre le droit de présenter des projets de loi d'initiative parlementaire; bien au contraire, nous voulons le favoriser. Cependant, je siège ici depuis onze ans. J'ai vu des projets de loi proposés d'abord sous forme de projets de loi d'initiative parlementaire qui, lorsqu'ils ont pris une plus grande importance et sont devenus impératifs ou urgents, ont été récupérés par le gouvernement qui est intervenu dans le débat, a négocié et discuté, puis a pris en charge ces projets de loi qui sont alors passés dans la sphère publique et sont devenus des initiatives ministérielles.

Bon nombre des questions que soulève le sénateur sont parfaitement légitimes et j'espère que le gouvernement réfléchira à sa façon de procéder par rapport à ces dossiers fort délicats qui soulèvent les émotions. Étant donné la diversité de notre société, nous ne pouvons dégager un consensus sur ce genre de chose. Voilà pourquoi le témoignage de Mme Buckingham était si convaincant. On ne peut modifier les textes bibliques. On ne peut changer la religion. C'est pourquoi l'étude de ce projet de loi m'a demandé tant d'énergie. J'ai dû en peser le pour et le contre. Cependant, mes croyances chrétiennes m'ont enseigné que je dois prendre des risques pour épargner des préjudices à mon prochain. Je ne m'attends pas à ce que les autres croyants adoptent le même point de vue. Je crois que nous avons tous du mal à prendre position par rapport à ce projet de loi. Au sénateur Cools et aux autres qui ont témoigné, je dirai que je vais personnellement continuer à surveiller ce projet de loi. S'il entraîne une atteinte quelconque à la liberté d'expression ou à la liberté de religion qui ne soit pas justifiée par le droit criminel, je serai la première à présenter un autre projet de loi d'initiative parlementaire.

Le sénateur Cools: Il est à espérer que le projet de loi d'initiative parlementaire du sénateur sera aussi rapidement adopté que ce projet de loi, avec l'appui sans réserves, bien entendu, des députés du gouvernement.

L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, j'ai eu le plaisir de participer à la réunion au cours de laquelle a comparu le témoin auquel faisait référence madame le sénateur Andreychuk.

Ceci n'est pas une question. Je fais une intervention.

Le sénateur Prud'homme: Il y a d'autres questions.

Une voix: C'est un soir d'école.

Le sénateur Banks: C'était une réunion des plus intéressantes. Le sénateur Andreychuk a raison de dire que nous devons prendre grand soin en adoptant ce projet de loi, à ce qu'il ne s'ingère pas indûment ou incorrectement à la liberté d'expression, à ce que les gens qui s'en inquiètent soient rassurés du contraire et à ce que toutes les mesures soient prises pour faire en sorte qu'il ne le soit pas.

Beaucoup parmi les milliers de personnes que nous avons entendues ont mentionné le jugement Owens, à laquelle je me suis intéressé de près. J'ai un préjugé que je veux avouer avant de parler du jugement Owens. J'ai été sensible aux remarques exprimées par le sénateur Lynch-Staunton. Je me rassure en pensant qu'il y a eu cinq poursuites et qu'elles n'ont pas toutes abouti en vertu des dispositions actuelles de la loi.

Je ne pense pas que cela signifie nécessairement que le projet de loi est inefficace ou inutile. Permettez-moi de raconter une histoire un peu bébête. Un homme tapait des mains. Un deuxième homme lui dit: «Pourquoi tapez-vous des mains?» Le premier homme répond: «Je tape des mains pour tenir les éléphants à distance.» Le deuxième homme réplique: «Ne soyez pas ridicule. Il n'y a pas d'éléphants dans le coin.» Et le premier homme de répondre: «En effet. Vous voyez, ça fonctionne.»

En ce sens, peut-être que la mesure législative s'est avérée très efficace.

Je ne vois pas ce projet de loi comme un empiétement sur le droit à la liberté de parole, mais comme une limitation raisonnable et nécessaire de ce droit. Je ne vois pas ce projet de loi comme abolissant la liberté d'expression ou de pensée religieuse, mais comme une restriction raisonnable et nécessaire de ces droits.

J'ai toujours été guidé par la phrase parfaite écrite par John Stuart Mill au sujet des droits, à savoir que si l'humanité tout entière, sauf une personne, partageait la même opinion et que cette personne avait une opinion différente, l'humanité n'aurait pas plus raison de réduire cette personne au silence que cette personne n'aurait raison, si elle en avait le pouvoir, de réduire l'humanité au silence. C'est tout à fait exact et je crois que cela résume parfaitement ce que nous pensons tous.

En ce qui a trait à l'affaire Owens, je ne sais pas si M. Owens aurait été accusé ou déclaré coupable, ou si son appel aurait été rejeté s'il avait été accusé en vertu des dispositions de l'article 318 ou 319 du Code criminel. Il ne l'a pas été. C'est une question qui avait trait aux dispositions législatives de la Saskatchewan sur les droits civils.

La conclusion, c'est que la chose dont il a été accusé avait à voir avec des citations de la Bible. Ce n'est que partiellement la vérité. Ce dont M. Owens a été accusé, c'est d'avoir fabriqué, montré, vendu et distribué des autocollants de pare-chocs représentant, au côté gauche, des citations bibliques et, au côté droit, le signe universel de l'interdiction: un cercle rouge barré d'un trait oblique dans lequel on voyait deux hommes ou deux femmes se tenant par la main.

La question est: est-ce déraisonnable que d'exprimer une telle interdiction? Comment cela serait-il perçu si, dans un cercle rouge barré d'un trait oblique, on représentait un sikh enturbanné, un Noir, un Chinois, une ménorah, une Torah, un Coran, une Bible ou une croix?

Le sénateur Stratton: Présentez un projet de loi.

Le sénateur Banks: Je n'ai pas à le faire. Nous ne permettons pas ces choses-là. Je pense que M. Owens a été rappelé à l'ordre pour avoir fait quelque chose qui répugne aux Canadiens, comme on l'a vu dans la loi sur les droits de la personne de la Saskatchewan.

Toutefois, d'abord, je suis d'accord que M. Owens ait été rappelé à l'ordre pour avoir fait cela. Ensuite, nous devons être conscients de ce qu'était cette condamnation lorsqu'elle est citée par des gens qui contestent le fait que le projet de loi C-250 portera atteinte à leur droit d'exprimer leurs légitimes croyances religieuses. Je ne pense pas que c'est ce qui s'est passé dans l'affaire Owens. Je pense que certaines personnes qui nous ont fait part de leurs plaintes n'ont entendu que la moitié de l'histoire.

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je voudrais parler brièvement du projet de loi. Je remercie notre leader, le sénateur Lynch-Staunton, pour ce qui était, à mon avis, un de ses meilleurs discours à la Chambre.

Je voudrais renvoyer les sénateurs à l'allocution que j'ai prononcée lors de la deuxième lecture du projet de loi C-250, le 2 octobre 2003, lorsque j'ai mis en doute la nécessité de ce projet de loi.

Je les renvoie expressément à l'article 718.2 du Code criminel.

Le tribunal détermine la peine à infliger compte tenu également des principes suivants:

a) la peine devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l'infraction ou à la situation du délinquant; sont notamment considérées comme des circonstances aggravantes des éléments de preuve établissant...

Le sénateur Banks voudra peut-être avoir l'obligeance d'écouter ce passage du Code criminel.

(2240)

L'alinéa 718(2)a) du Code criminel dit:

(i) que l'infraction est motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur des facteurs tels que la race, l'origine nationale ou ethnique, la langue, la couleur...

Est-ce à dire que le sénateur Oliver, le sénateur Cools ou toute autre personne de couleur au Sénat devraient présenter un projet de loi semblable à celui-ci? Est-ce à dire que c'est ce qu'ils devraient faire parce qu'ils ont connu la haine? Ils ont connu la haine — le même genre de haine que celle que connaît un homosexuel — à travers l'histoire, à travers les époques, la même haine que connaissent les homosexuels. Pourquoi le sénateur Oliver ne pourrait-il pas présenter un projet de loi semblable pour les mêmes motifs? Où cela s'arrêterait-il? Où cela s'arrêterait-il? C'est la question que je pose. Je cite un extrait du Code criminel qui assure expressément une protection contre d'autres facteurs que la couleur. L'alinéa ajoute:

...la religion, le sexe, l'âge, la déficience mentale ou physique...

Le sénateur Angus a parlé des handicaps physiques à propos de sa fille. Ne devrait-il pas présenter un projet de loi pour une même raison, car il y a eu des expressions de haine contre cette enfant aussi? Pourquoi ne présenterait-il pas un projet de loi? La disposition continue:

... orientation sexuelle...

C'est ce dont il s'agit dans le projet de loi C-250.

Honorables sénateurs, où allons-nous nous arrêter? Maintenant que la porte est ouverte, quand allons-nous la refermer? Où arrêter maintenant? Il incombe aux sénateurs, par souci d'équilibre, de considérer la liste et de demander où la haine s'exprime. Nous ne pouvons tout simplement pas nous arrêter là maintenant, dans ce projet de loi, parce que ce serait faire de la discrimination à l'encontre d'autres groupes, tout comme nous faisons actuellement de la discrimination. C'est mal et répréhensible, et c'est pourquoi je m'opposais au projet de loi C-250 au départ.

Puis, je suis allé aux séances du comité et j'ai écouté les témoignages. Je me suis dit que ce projet de loi, même s'il n'est peut-être pas nécessaire, sur le plan juridique, comme le sénateur Lynch-Staunton l'a dit, peut avoir valeur de symbole. J'ai alors lu l'article 718, et je me suis dit que la valeur symbolique comptait également pour ces autres groupes, de façon aussi importante que dans le projet de loi actuellement à l'étude. Après avoir écouté les arguments, j'étais vraiment disposé à m'abstenir, car il me semblait que c'était la meilleure position à adopter.

Toutefois, nous avons été plus loin et nous avons décidé d'imposer un motion de clôture et une motion de guillotine. Le sénateur Lowell Murray a commencé à me dire indirectement qu'à titre de whip, j'étais l'une des deux personnes qui avaient le pouvoir de différer un projet de loi. Nous le faisions pour une raison que je considérais tout à fait légitime, comme je l'ai affirmé plus tôt.

Toutefois, nous ne pouvions pas tenir un débat sur cette motion en raison de la guillotine. Nous avons alors demandé pourquoi le sénateur Murray agissait ainsi. Puis, nous avons entendu parler de ce qui s'est produit récemment avec Joe Clark et tout est devenu très clair. Ils n'ont pas réussi à réellement fusionner les deux partis. Ils ont manqué leur coup. Nous avons alors commencé à nous demander s'il n'y avait pas plutôt une raison personnelle plutôt que légitime derrière ce projet de loi. C'est la question que je pose, et que je considère légitime, alors que jusqu'à maintenant j'étais bien prêt à m'abstenir. Compte tenu de la manière dont ce projet de loi a été mené, je ne suis plus disposé à l'appuyer.

L'honorable Joan Fraser: Honorables sénateurs, je sais qu'il est tard et je serai donc brève. Ce sont les remarques réfléchies et émouvantes de madame le sénateur Andreychuk qui m'ont poussée à prendre la parole sur le projet de loi C-250. Nous avons une responsabilité plus grande et, dans un certain sens, différente à l'égard de cette mesure législative de celle que nous avons dans d'autres mesures qui nous sont soumises.

Les honorables sénateurs savent que j'appuie ce projet de loi et que je serai heureuse de voter pour. Toutefois, il m'a semblé constater dès le début de ce débat que le projet de loi allait créer certaines dissensions qui seraient néfastes pour le Canada. J'ai donc décidé très tôt de répondre à tout le courrier que je recevrais, et j'ai reçu tant de milliers de lettres que j'ai cessé de les compter. Il s'agissait essentiellement de lettres types, alors j'ai rédigé une lettre type pour répondre aux expéditeurs. Dans ma lettre, je tentais d'expliquer pourquoi j'appuyais le projet de loi et pourquoi je croyais qu'il protégeait entre autres l'honnête expression de nos croyances religieuses.

Je plains mon personnel qui a passé des heures et des heures à envoyer tous ces courriels et ces lettres. Un nombre remarquable de gens m'ont répondu — des centaines en fait, et j'ai lu toutes leurs lettres. Bon nombre d'entre eux me remerciaient d'avoir répondu à leurs lettres types et me demandaient de songer à leurs opinions sur le projet de loi. Une poignée de gens continuaient de me rappeler, et je peux le comprendre, que j'allais brûler en enfer, mais un nombre incroyable de gens me disaient qu'ils étaient contents d'avoir reçu ma lettre et comprenaient qu'il était possible d'adopter une position réfléchie et raisonnable en faveur du projet de loi même si eux ne l'appuyaient pas. Nombreux sont ceux qui m'écrivaient qu'ils voyaient d'un meilleur oeil le processus et l'objet du projet de loi.

Honorables sénateurs, à mon avis, si ce projet de loi est adopté, nous aurons le devoir de transmettre à tous les gens au Canada qui expriment de la préoccupation, la profondeur et la sincérité du débat en notre Chambre et la certitude que notre Chambre s'est absolument souciée de la préservation de la liberté de religion et n'a aucunement eu l'intention de diminuer cette liberté. Notre Chambre a simplement pris en compte le besoin parallèle de protéger un groupe qui, de l'avis de la majorité des sénateurs, méritait cette protection. Toutefois, il est important que la population du Canada n'éprouve pas mépris ou méfiance pour le Parlement. Nous avons le devoir d'expliquer que ces émotions sont des réponses inappropriées au débat sur le projet de loi C-250. La population peut continuer d'être en désaccord avec nous, mais s'il vous plaît, aidez-la à comprendre, car c'est aussi important que d'adopter ce projet de loi.

Le sénateur Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, ma question s'adresse au sénateur Fraser. Il me sera difficile d'expliquer pourquoi notre Chambre de la deuxième réflexion réfléchie a abrégé le débat. L'honorable sénateur pourrait peut-être m'aider à expliquer cela aux Canadiens?

Le sénateur Fraser: Nous avons eu un très long débat sur cette question et il est légitime que le Sénat, collectivement, décide qu'il souhaitait aller de l'avant, mais ce n'est pas ce que je voulais dire. Sentez-vous libres, si un sénateur souhaite parler de tactiques parlementaires et de gens déviants de l'autre côté, mais c'est différent. Je parle de l'intention et de l'objectif fondamentaux — ce que nous nous efforçons de réaliser, que nous le fassions demain ou un autre jour. Je ne crois pas que les deux soient incompatibles.

(2250)

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, je veux parler très succinctement.

Le sénateur Lynch-Staunton: Puis-je vous interrompre? Le sénateur St. Germain est l'auteur de l'amendement, et je présume que, s'il prend la parole maintenant, cela empêche toute autre intervention. Je veux avoir l'assurance que personne d'autre ne veut prendre la parole au sujet de cet amendement. Mon interprétation est-elle juste? Le sénateur n'est-il pas l'auteur de l'amendement? Il n'y a donc pas de droit de réplique au sujet de l'amendement. Il ne peut intervenir de nouveau.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Le sénateur St. Germain a-t-il la permission de prendre la parole?

Des voix: D'accord.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, ce fut une période très difficile pour moi parce que, comme le sénateur Fraser l'a souligné, nous avons été inondés de milliers de courriels. J'avais des craintes pour la liberté d'expression et j'avais peur que l'on n'adopte un projet de loi purement symbolique. La liberté d'expression est une valeur que je chéris en tant que Canadien et en tant qu'ancien policier et militaire. Nous nous sommes toujours battus pour la liberté. Un grand nombre de pays ont la paix, mais un tout petit nombre jouissent d'une véritable liberté. Selon moi, la liberté d'expression est en danger. D'autres sénateurs l'ont déjà dit.

Honorables sénateurs, peu importe l'issue du vote, nous devons continuer de travailler ensemble comme sénateurs pour l'amélioration de notre pays et de tous les Canadiens. Je crois que l'inévitable se produira en ce qui concerne ce projet de loi, mais je tiens à ce que tous les sénateurs sachent que, peu importe leur position, je les respecte tout autant. Nous devons défendre nos convictions. Si nous nous manquons de respect pour nos convictions, nous sommes sur la pente glissante dont il a été question.

Ma plus grande préoccupation lorsque nous étudions certains aspects de la législation est qu'une minorité ait l'occasion d'exercer sa tyrannie parce que nous gouvernons pour la majorité.

En terminant, nous avons fait valoir nos points de vue. Certains d'entre nous sont d'avis que nous aurions dû avoir la chance d'entendre un plus grand nombre de témoins. En ce qui me concerne, le gouvernement a piloté le projet de loi pour le faire cheminer de la façon dont il l'a fait. Le gouvernement avait une responsabilité à l'égard d'une question qui va au coeur même de la nation. Les gens qui sont venus de toutes les régions du monde pour s'installer ici l'ont fait parce qu'ils savaient que la liberté d'expression et la liberté de religion étaient respectées. Si ces libertés sont compromises de quelque façon que ce soit, et certains d'entre nous pensent que c'est le cas, c'est un grand pas en arrière pour notre pays.

Dans une volonté de continuer notre collaboration, j'espère que cela ne deviendra jamais une question d'ordre personnel et que nous allons continuer à travailler pour le mieux-être de la nation.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Les sénateurs sont-ils prêts pour le vote?

Des voix: Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire: L'honorable sénateur St. Germain, avec l'appui de l'honorable sénateur Stratton, propose:

Que le projet de loi ne soit pas lu une troisième fois maintenant, mais qu'il soit modifié à la page 1, article 1, en remplaçant les lignes 8 et 9 par ce qui suit:

«différencie des autres par la couleur, la race, la religion, l'origine ethnique ou le sexe».

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Que tous ceux qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire: À mon avis, les non l'emportent.

Le sénateur Stratton: Pour ce qui est de la motion d'amendement et de la motion principale, je crois comprendre qu'il a été convenu que nous procéderions aux votes demain, à 15 heures.

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): C'est ce qui a été convenu.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, dois-je comprendre que le vote sur l'amendement aura lieu demain et qu'ensuite nous reviendrons à la motion principale? Une des difficultés que pose le report d'un vote sur un amendement, c'est qu'on ne sait pas si l'amendement sera adopté ou non. Si l'amendement n'est pas adopté, alors, bien sûr, nous savons que nous revenons à la motion principale. Si l'amendement est adopté, le genre de propos que l'on peut tenir diffère. Où en sommes-nous à l'heure actuelle? Pouvons-nous intervenir au sujet de la motion principale ou débattons-nous encore de l'amendement?

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous ne pouvez pas intervenir. C'est terminé.

Le sénateur Andreychuk: La motion du sénateur Joyal a mis fin au débat.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Le vote a été reporté à 15 heures et nous avons adopté la motion suivante plus tôt aujourd'hui:

Que soit adopté un ordre du Sénat que le premier jour de séance suivant l'adoption de la présente motion, à 15 heures, le Président interrompe les délibérations en cours et que toutes les questions nécessaires pour disposer de la troisième lecture du projet de loi C-250, Loi modifiant le Code criminel (propagande haineuse), soient mises aux voix sans autre ajournement, débat ou amendement et que les votes sur ces questions ne soient pas différés;

Que, si un vote par appel nominal est demandé, le timbre d'appel des sénateurs sonne durant quinze minutes, après quoi le Sénat passera au vote sans faire sonner le timbre pour chaque vote.

Par conséquent, le vote est reporté à 15 heures demain.

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose que tous les points à l'ordre du jour qui n'ont pas été abordés soient reportés à la prochaine séance sans perdre leur place respective au Feuilleton.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 28 avril 2004, à 13 h 30.)

 


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