Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 39e Législature,
Volume 143, Numéro 48

Le mardi 7 novembre 2006
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mardi 7 novembre 2006

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LA SEMAINE DES ANCIENS COMBATTANTS

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, cette semaine est la Semaine des anciens combattants. C'est le moment de souligner les sacrifices et les réussites de nos anciens combattants et de rendre hommage à ceux qui ont donné leur vie pour protéger la liberté dont nous jouissons aujourd'hui. Le thème de cette année est « Partageons l'histoire ». Les Canadiens sont invités à faire connaître leurs points de vue sur le souvenir, et les anciens combattants et les membres des Forces canadiennes à partager leurs expériences et leurs connaissances avec les autres Canadiens. Il est très important de faire connaître ces témoignages, car ils nous rappellent à tous, surtout aux jeunes, l'horreur de la guerre et les sacrifices des soldats.

Plus d'un million et demi de Canadiens ont combattu pendant les trois guerres du siècle dernier. Plus de 100 000 ont perdu la vie en défendant notre pays et nos valeurs. Aujourd'hui encore, des milliers de militaires courageux continuent de servir notre pays, de mettre leur vie en danger et de contribuer à apporter paix et stabilité à d'autres peuples.

Nous ne devons jamais oublier nos soldats, ceux d'hier et ceux d'aujourd'hui, qui ont quitté leur foyer et ont donné leur vie pour défendre la liberté, afin que nous puissions vivre dans un des meilleurs pays du monde.

Il ne faut pas oublier les sacrifices de ceux qui restent au pays — les familles, les amis et les êtres chers qui appuient ces femmes et ces hommes courageux qui sont en mission à l'étranger. Ils ont attendu et attendent encore, avec force et conviction, que leurs êtres chers rentrent à la maison.

En 1915, un médecin et enseignant canadien, John McCrae, a écrit un poème que nous connaissons tous, In Flanders Fields. Ce poème est récité lors des cérémonies du jour du Souvenir tenues partout au Canada. Permettez-moi d'en lire ces vers extraits de son adaptation en français, Au champ d'honneur :

À vous jeunes désabusés, à vous de porter l'oriflamme
Et de garder au fond de l'âme le goût de vivre en liberté.

À l'époque, ces vers parlaient de reprendre le flambeau des mains de ceux qui étaient tombés au combat. Ces mots ont un sens nouveau aujourd'hui. Ils nous demandent de garder vivant le flambeau du souvenir en l'honneur de ceux qui ont perdu la vie à la guerre, des anciens combattants qui sont rentrés chez eux et de ceux qui continuent à servir leur pays. Partager l'histoire est une façon merveilleuse pour nous tous de faire cela.

Honorables sénateurs, en cette Semaine des anciens combattants, des activités, des cérémonies et des événements auront lieu partout au pays. J'encourage tous les Canadiens à y prendre part et à demander aux membres des Forces canadiennes de partager leur histoire avec eux. Nous devons faire en sorte que ces histoires soient racontées encore très longtemps et qu'elles ne soient jamais oubliées.

[Français]

L'honorable Lucie Pépin : Honorables sénateurs, nous témoignons cette semaine notre gratitude aux Canadiens et aux Canadiennes qui ont servi notre pays en temps de guerre, de conflit militaire ou de paix. Nous devons beaucoup à ces anciens combattants.

Nous sommes fiers et heureux de vivre dans un beau pays et dans un monde libre. Cette situation aurait pourtant pu être tout autre. À plusieurs reprises, des menaces, les unes les plus imprévisibles que les autres, ont ébranlé notre stabilité. À chacun de ces moments d'incertitude, nous avons pu compter sur nos combattants qui ont fait le don de soi pour leur collectivité. Ces hommes et ces femmes ont œuvré avec un courage inébranlable à préserver la liberté et la démocratie, des valeurs qui nous sont si chères.

Notre dette envers eux est immense. Nous ne pourrons jamais les remercier à la hauteur de leur contribution. Nous pouvons toutefois les rendre fiers en nous souvenant de leurs réalisations individuelles et collectives. Le thème de cette année, « Partageons l'histoire », nous convie à cet exercice. Il nous invite à aller rencontrer les vétérans pour écouter leurs histoires personnelles afin de mieux comprendre les sacrifices qu'ils ont consentis.

L'affiche dévoilée pour l'occasion met en évidence un jeune homme et son grand-père, lui-même ancien combattant. Il est formidable d'avoir associé directement nos jeunes à cette célébration, car qui de mieux que cette jeune génération pour garder en mémoire les souvenirs du passé pour les générations à venir. Je suis sûre que les réalisations de nos anciens combattants seront également pour eux une source inépuisable d'inspiration et de références.

En ce 50e anniversaire de la création de la première force de maintien de paix de l'ONU, nos jeunes réaliseront que les Forces canadiennes ont toujours joué un rôle de premier plan au service de la paix et de la réconciliation entre les peuples. J'ai espoir qu'en prenant connaissance de cette facette de notre contribution militaire, les jeunes Canadiens vont œuvrer pour que ce combat pour la paix qui fut le nôtre dans le passé récent le redevienne dans un proche avenir.

(1410)

Honorables sénateurs, samedi prochain, le 11 novembre, nous aurons des pensées pieuses pour ces valeureux qui se sont battus et sont tombés au champ d'honneur. Je vous invite aussi à adresser vos pensées et vos prières aux infirmières militaires, qui ont été présentes dans toutes les expéditions des Forces canadiennes et plusieurs fois au prix de leur vie.

[Traduction]

VISITEURS À LA TRIBUNE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence France Cukjati, président de l'Assemblée nationale de la République de Slovénie, et d'une délégation parlementaire de l'Assemblée nationale de Slovénie. Nos distingués collègues de l'Assemblée nationale de Slovénie sont accompagnés par Son Excellence Tomaz Kunstelj, ambassadeur de la République de Slovénie au Canada.

Pendant que j'ai la parole, j'attire également votre attention sur la présence à la tribune des participants au Programme d'études des hauts fonctionnaires parlementaires de l'automne 2006.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.


AFFAIRES COURANTES

L'ASSOCIATION PARLEMENTAIRE CANADA-EUROPE

LA RÉUNION DE LA COMMISSION DE L'ENVIRONNEMENT, DE L'AGRICULTURE ET DES QUESTIONS TERRITORIALES DU CONSEIL DE L'EUROPE, TENUE LE 12 MAI 2006—DÉPÔT DU RAPPORT

L'honorable Lorna Milne : Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 23(6) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer au Sénat, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire Canada- Europe à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe concernant la réunion de la Commission de l'environnement, de l'agriculture et des questions territoriales tenue à Paris, en France, le 12 mai 2006.

(1415)

LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE

LA CONTRIBUTION DES PEUPLES ARABES À LA VICTOIRE ALLIÉE—AVIS D'INTERPELLATION

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, conformément aux paragraphes 56(1) et (2) et au paragraphe 57(2) du Règlement, je donne avis que, le jeudi 9 novembre, j'attirerai l'attention du Sénat :

a) sur le jour du Souvenir du 11 novembre 2006, 88e anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale, un jour pour rappeler le souvenir de ces âmes nobles et courageuses qui ont combattu et sont tombés au service de la cause de notre liberté et de la cause de la victoire britannique et alliée sur l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie et le vaste et puissant Empire ottoman, c'est-à-dire les Turcs ottomans;

b) sur le théâtre arabe de la Première Guerre mondiale menée dans les régions arabes de l'Empire ottoman, notamment en Arabie et en Syrie, et sur les braves et valeureux peuples arabes, les enfants d'Ismaël, qui ont combattu et sont tombés aux côtés de la Grande-Bretagne et des Alliés dans une opération de guerre connue dans l'histoire sous le nom de Grande Révolte arabe, de juin 1916 à octobre 1918, dans laquelle les peuples arabes du Hedjaz, du Nadjd, du Yémen, de la Mésopotamie et de la Syrie et leurs chefs, ont pris à partie et défait les puissants Turcs ottomans, les détenteurs du pouvoir souverain sur les peuples arabes, les boutant hors des régions arabes, que ces Turcs ottomans occupaient et dominaient depuis plusieurs siècles;

c) sur les grands chefs arabes du théâtre arabe de la guerre, en particulier le révéré Hachémite, descendant direct du prophète Mahomet, le chérif Hussein ibn Ali, émir de la Mecque, la ville sainte, et ses quatre fils, les émirs Ali, Abdullah, Faysal et Zeid, qui, bien que titulaires de hautes fonctions sous les Turcs ottomans, ont répudié leur allégeance au sultan ottoman, et mené leurs peuples dans la Révolte arabe, tant à l'appui qu'avec l'appui de la Grande-Bretagne, dont les hauts représentants leur avaient promis l'indépendance pour les Arabes;

d) sur l'endurance et le courage des combattants arabes, habiles avec leurs chameaux, sur les guerriers du désert et les guerriers bédouins, issus des tribus du désert, les membres des tribus et leurs chefs comme Auda abu Tayi de la tribu Howeitat, et aussi sur les soldats et les officiers arabes de l'Armée turque ottomane qui se sont joints à la Révolte arabe pour expulser les Turcs et appuyer les Britanniques, et sur les conditions inhospitalières du désert, la chaleur étouffante des jours et le froid glacial des nuits, et sur les campagnes et les victoires arabes, y compris la prise d'Akaba, de Wejh, de Dara et de Damas des mains des Turcs ottomans;

e) sur les autres chefs arabes, dont l'émir Abd-al-Aziz du Nadjd, connu sous le nom d'Ibn Saud, et l'émir Idrisi d'Asir, qui avait offert une résistance à la domination ottomane avant même la guerre, et sur le général Edmund Allenby, commandant en chef des forces britanniques dont le quartier général était au Caire, en Égypte, qui a noté la contribution indispensable des peuples arabes à la victoire britannique et alliée;

f) sur la mémoire des peuples arabes, descendants d'Ismaël, fils d'Abraham et de Hagar, servante de la femme d'Abraham, Sara, et sur la mémoire de tous les peuples arabes qui ont donné d'eux-mêmes et souffert énormément et qui, souvent accablés par la faim et la soif, ont pourtant contribué à rendre la victoire alliée, notre victoire canadienne, notre liberté possibles. Nous nous souviendrons d'eux à jamais.


PÉRIODE DES QUESTIONS

L'ENVIRONNEMENT

LA FORMULATION D'UNE POLITIQUE SUR LA QUALITÉ DE L'AIR

L'honorable Lorna Milne : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Au cours du week-end, j'ai eu l'occasion de faire du rattrapage dans mes lectures et, selon ce que j'ai constaté en lisant une chronique de Greg Weston, avant la présentation de la Loi sur la qualité de l'air du gouvernement actuel, Bruce Carson, un adjoint législatif du premier ministre, a été invité à devenir le deuxième chef de cabinet de la ministre de l'Environnement en cinq mois. Apparemment, son rôle précis consistait à assumer l'entière direction de la formulation d'un nouveau plan sur la qualité de l'air. Voici ce que notait Weston :

Fidèle au style du gouvernement Harper, M. Carson, aidé de seulement quatre autres fonctionnaires, s'est mis au travail pour inventer la totalité du plan conservateur sur la qualité de l'air pour le Canada, jusqu'en l'an 2050.

Ma question au leader du gouvernement au Sénat est simple : peut-elle confirmer que Bruce Carson a inventé, avec la collaboration de seulement quatre fonctionnaires, la totalité du plan environnemental sur la qualité de l'air pour le Canada jusqu'en l'an 2050?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie madame le sénateur Milne de sa question. La prémisse et le contenu de l'article de Greg Weston, que j'ai lu, étaient absolument faux. Un grand nombre d'employés d'Environnement Canada et de spécialistes de l'énergie ont travaillé à ce très important dossier. Bruce Carson est un employé très compétent du cabinet du premier ministre. M. Carson a été assistant, au cours de l'été, au cabinet de la ministre Ambrose jusqu'à ce qu'elle engage un chef de cabinet.

Le sénateur Milne : Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle, en toute bonne conscience, nier que cette politique environnementale a été entièrement conçue par quatre agents de relations publiques d'Environnement Canada?

Le sénateur LeBreton : Je ne sais pas qu'est-ce que le sénateur ne comprend pas dans le mot non. Le fait est que l'article de Greg Weston est tout à fait erroné.

(1420)

Les nombreux sénateurs qui ont participé aux séances d'information de l'été dernier connaissent l'étendue du processus de consultation qui a été mené, le nombre de personnes qui ont été consultées et le nombre de fonctionnaires de divers ministères qui ont collaboré à ce dossier.

À mon avis, une fois que les Canadiens auront pu voir le travail de la ministre Rona Ambrose et d'autres ministres dans ce dossier, ils verront la loi sur la qualité de l'air comme une étape importante de notre lutte en vue de régler un grave problème environnemental dans ce pays.

Le sénateur Milne : Je sais gré au leader du gouvernement au Sénat de sa réponse. Toutefois, nous avons vu dernièrement ce que donne une mesure législative rédigée à toute vitesse, comme le projet de loi C-2 dont le Sénat est actuellement saisi. Honnêtement, nous avons vu les embûches et la malveillance qui peuvent en résulter. Il est évident que ce projet de loi sur la qualité de l'air a été rédigé avec autant de hâte et que le gouvernement précédent suivait un bon processus en vue d'améliorer l'environnement de tous les Canadiens. Il est également clair que le plan que propose le gouvernement actuel compromettra gravement ce processus. Par conséquent, madame le leader du gouvernement au Sénat accepterait-elle de recommander à ses collègues du Cabinet de reprendre le travail de rédaction afin d'améliorer ce projet de loi sur la qualité de l'air?

Le sénateur LeBreton : Pendant nombre d'années, nous avons été témoins de l'immobilisme dans tout ce dossier des émissions de gaz à effet de serre et de la pollution atmosphérique.

Bien des gens ont collaboré à ce dossier. La rencontre entre le premier ministre et le chef du NPD à l'autre endroit, au cours de laquelle ils ont convenu de renvoyer le projet de loi sur la qualité de l'air à un comité législatif, prouve que le gouvernement est disposé à écouter d'autres points de vue concernant la politique sur la qualité de l'air.

Je crois que les Canadiens savent que nous faisons de véritables efforts pour régler le problème de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre, et que nous ouvrons la voie. Après tout, le gouvernement actuel est le premier de l'histoire à réglementer les émissions. Nous réglementons pour la toute première fois le secteur de l'automobile. Nous imposons des normes plus rigoureuses concernant les polluants atmosphériques et nous proposons de nouveaux règlements à l'égard des substances polluantes dangereuses que renferment des produits de consommation courante, tels que la peinture, l'encre et les aérosols.

Nous allons surveiller les pollueurs et imposer des amendes à ceux qui n'atteindront pas leurs objectifs. En vertu d'une solution que nous proposons, nous allons investir les recettes provenant de ces amendes dans un fonds qui servira à nettoyer l'environnement. Je crois que ce sont des mesures qui sont toutes importantes et inédites. Il faut reconnaître le courage que manifeste le gouvernement actuel pour s'attaquer à ce problème.

L'AGRICULTURE ET L'AGROALIMENTAIRE

LE CONTINGENT D'IMPORTATION DE BŒUF—LA DÉLIVRANCE DE PERMIS SUPPLÉMENTAIRES

L'honorable Daniel Hays (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je voudrais poser une question au leader du gouvernement au Sénat.

Plus tôt aujourd'hui, certains d'entre nous avons rencontré les représentants de la Canadian Cattlemen's Association, qui nous ont fait part d'une question qui les préoccupe énormément et qui concerne notamment l'importation, en franchise, de bœuf au Canada. Le bœuf peut circuler librement d'un pays membre de l'ALENA à un autre, mais ce qui fait problème ici, c'est l'importation de bœuf en provenance d'autres pays.

Notre système actuel fait en partie suite au cycle d'Uruguay, en vigueur depuis 1994. En vertu de ce système, environ 76 000 tonnes de bœuf peuvent entrer au Canada en franchise de droits.

En 2003, comme nous le savons tous, nous avons vécu la crise causée par l'encéphalopathie spongiforme bovine et la fermeture de notre frontière, et nous avons alors constaté qu'au Canada nous n'avions pas la capacité de transformer le volume de bœuf que nous produisions. Depuis 2003, nous avons atteint une capacité de transformation suffisante pour toute notre production bovine. Les éleveurs canadiens craignent fort que nous ne revenions à la pratique qui a été instaurée en 2003 — c'est-à-dire s'en tenir à la limite de 76 000 tonnes sans accorder de permis supplémentaires pour l'importation de bœuf, ce qui, en 2002, aurait été de près du double des 76 000 tonnes métriques autorisées. Comme nous sommes sur le point d'avoir un règlement américain autorisant l'importation de bétail de plus de 30 mois, la capacité du Canada risque d'être sous-utilisée, si le bétail plus âgé est exporté aux États- Unis, de sorte que la nouvelle capacité ne sera pas rentable. Pour qu'elle le reste, il faudrait que le gouvernement s'engage à ne pas délivrer des permis supplémentaires.

(1425)

Madame le leader peut-elle nous donner l'assurance, à moi, aux sénateurs de ce côté-ci et à la Canadian Cattlemen's Association, que le gouvernement n'entend pas délivrer de nouveaux permis, ce qui compromettrait cette nouvelle capacité de transformation?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je n'ai pas pris part à la réunion que le sénateur a eue aujourd'hui avec les représentants de la Canadian Cattlemen's Association. Le sénateur pose une question fort intéressante. Je vais simplement en prendre note et lui communiquer une réponse différée.

L'INDUSTRIE

LE FINANCEMENT DU PROGRAMME DES ORDINATEURS POUR LES ÉCOLES

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat. Hier, j'ai parlé du Programme des ordinateurs pour les écoles, adopté par la première ministre Kim Campbell. Depuis 1993, plus de 800 000 ordinateurs ont été distribués d'un bout à l'autre du Canada pour être utilisés dans les écoles, les bibliothèques régionales et les organisations sans but lucratif dans le besoin. Il s'agit de l'un des nombreux programmes précieux qui seront privés de fonds fédéraux à compter du 31 mars 2007.

Madame le leader du gouvernement au Sénat expliquerait-elle à cette assemblée pourquoi un programme dont d'autres pays font l'essai en s'inspirant du modèle canadien ne sera plus financé par le gouvernement?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie madame le sénateur de sa question. J'ai entendu sa déclaration d'hier. J'ignore où le sénateur a trouvé son information. Malgré ce qu'on dit au sujet de ce programme, il n'a pas été abandonné. On a mobilisé de nouvelles ressources pour assurer les fonds qui manquaient au Programme des ordinateurs pour les écoles cette année. Ces fonds permettront aux entreprises autorisées d'atteindre des objectifs opérationnels qui se rapprocheront le plus possible de ceux de l'an dernier.

J'espère seulement que ceux qui répandent cette information cesseront de le faire, car le programme n'a pas été annulé.

Le sénateur Cordy : Ceux avec qui je me suis entretenue seront heureux de prendre connaissance de cette réponse. Un groupe qui se trouvait sur la Colline il y a quelques semaines et qui travaille avec le Programme des ordinateurs pour les écoles m'a dit que le programme ne serait plus financé après la fin de mars 2007. Un monsieur qui s'occupe activement du programme en Nouvelle- Écosse m'a envoyé un courriel pour me communiquer la même information. Je me ferai un plaisir de leur dire qu'ils recevront des fonds après le 31 mars 2007.

LES TRAVAUX PUBLICS ET LES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

LE PROGRAMME DES ORDINATEURS POUR LES ÉCOLES—L'ÉLIMINATION D'ORDINATEURS EXCÉDENTAIRES

L'honorable Jane Cordy : Ma question complémentaire s'adresse au ministre des Travaux publics. Le Programme des ordinateurs pour les écoles, dont je crois comprendre que le financement sera éliminé, rend un précieux service au gouvernement fédéral en recyclant les ordinateurs à faible coût, ce qui évite de les envoyer dans les sites d'enfouissement, et en les remettant à des gens qui peuvent en profiter. Si le programme est éliminé, le ministre des Travaux publics peut-il nous dire comment le gouvernement fédéral entend se départir du matériel informatique excédentaire et combien coûtera leur élimination?

L'honorable Michael Fortier (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) : Je remercie madame le sénateur de sa question. J'en prends note et je lui communiquerai une réponse au sujet des ordinateurs excédentaires.

LES AFFAIRES INDIENNES ET LE NORD CANADIEN

LA QUALITÉ DE L'EAU DANS LES RÉSERVES

L'honorable Francis William Mahovlich : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat. Un article a paru récemment dans le Globe and Mail au sujet d'une localité ojibway éloignée, Pikangikum, à 250 kilomètres au nord de Kenora, en Ontario. La situation qui règne actuellement là-bas est une honte. Il n'y a pas assez de logements pour une population qui a doublé en quelques années. Il y a parfois 18 personnes qui doivent s'entasser dans une petite maison. La petite école qui a été bâtie il y a 20 ans compte 780 élèves, alors qu'elle a été conçue pour 250. Cette année seulement, il y a eu six suicides dans cette localité, dont celui d'une petite fille de 12 ans.

L'état de l'eau à Pikangikum est encore plus préoccupant. On décèle un haut niveau de substances dangereuses dans l'eau, ce dont souffre toute la population, les jeunes comme les vieux. Bien des gens en sont réduits à aller chercher leur eau dans le lac Pikangikum au lieu d'utiliser l'eau de l'usine de la localité qui, je dois le signaler, n'approvisionne que 19 p. 100 des logements de la réserve.

(1430)

C'est intolérable. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien explique que la collectivité reçoit peu d'aide, voire aucune, en raison de changements fréquents de dirigeants. Qui plus est, Jim Prentice, titulaire du ministère, a refusé de rencontrer son homologue ontarien à cause de l'attitude démagogique du premier ministre Dalton McGuinty.

Si le règlement des terribles problèmes qui affligent cette collectivité et d'autres collectivités autochtones n'est pas la priorité du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, comme en témoignent son inertie et ses piètres excuses, quelles sont ses priorités au juste? Ce sont la vie et le bien-être de ces gens qui sont en cause.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur de sa question. Je lui laisse le soin de prononcer le nom de cette localité, mais j'avoue que nous parlons du même endroit. J'ai pris connaissance des informations moi aussi.

Comme le sénateur le sait, le ministre Prentice a annoncé en mars dernier un plan d'action sur l'approvisionnement en eau et des fonds ont été prévus dans le budget. De plus, des efforts considérables ont été déployés ces derniers mois pour prendre des mesures permettant de procurer de l'eau potable aux collectivités qui courent les plus grands risques.

Dans le cas de la collectivité en question, un point d'eau principal a été installé à l'usine de traitement, et les habitants peuvent s'y procurer de l'eau potable salubre. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien prend des mesures immédiates pour procurer davantage d'eau aux habitants de la localité. Des entretiens se poursuivent avec les dirigeants locaux pour trouver une meilleure solution durable à ce problème qui est manifestement inacceptable.

L'INDUSTRIE

LE FINANCEMENT DU PROGRAMME DES ORDINATEURS POUR LES ÉCOLES

L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, je voudrais revenir rapidement à la question posée par madame le sénateur Cordy parce que je suis un peu perplexe.

Madame le leader du gouvernement a dit que le financement se poursuit. Le sénateur Cordy a fait, à juste titre, une distinction entre le financement de cet exercice et celui du prochain. Madame le leader peut-elle confirmer qu'elle a bien dit que le programme serait maintenu avec un plein financement après la fin mars 2007?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, madame le sénateur Cordy s'interrogeait sur la question de savoir si le programme était annulé. J'ai dit qu'il ne l'était pas. Les demandes de fonds destinés à différents bons projets auxquels les gens s'intéressent seront présentées au ministre des Finances en temps voulu. Le ministre et les fonctionnaires des différents ministères qui s'occupent de ces questions décideront de ce que contiendra le budget. Mais le programme n'est pas annulé.

Le sénateur Fraser : Honorables sénateurs, j'interprète cette réponse comme une confirmation de l'hypothèse du sénateur Cordy.

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je ne sais pas encore à quoi m'en tenir à ce sujet. J'ai demandé si ces programmes cesseront d'être financés après le 31 mars 2007. Si j'ai bien compris la réponse du leader du gouvernement, que je serais très heureuse de transmettre par courrier électronique à tous ceux qui m'avaient écrit, le financement ne sera pas supprimé et se poursuivra après le 31 mars 2007.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, j'ai déjà répondu à la question. Le programme n'est pas annulé. Dans ma réponse, j'ai fait une mise en garde au sujet des suppositions. C'était la même chose dans le cas du programme d'alphabétisation. Les gens supposent beaucoup de choses, puis viennent se plaindre que leur hypothèse était fausse ou qu'un groupe particulier a présenté une demande et obtenu du financement.

Je dis pour le moment que le Programme des ordinateurs pour les écoles n'est pas annulé. Je ne pense cependant pas que les gens devraient faire des suppositions. Les sénateurs connaissent sûrement le vieil adage concernant les suppositions.

(1435)

Le sénateur Cordy : Ma question n'a rien à voir avec le maintien ou l'annulation du programme. Je veux savoir si le programme continuera à recevoir des fonds fédéraux après le 31 mars 2007. Si j'ai compris la réponse de madame le ministre, ce financement se poursuivra en fait après le 31 mars 2007. C'est tout ce que je voulais entendre. Ainsi, je pourrai, dès que je serai revenue dans mon bureau, transmettre la nouvelle par courrier électronique aux gens qui s'inquiètent.

Le sénateur LeBreton : J'ai dit que le programme n'était pas annulé. Comme tout le monde, j'attends le dépôt du budget pour savoir quels programmes recevront plus d'argent et quels programmes seront maintenus. Je dis simplement que le Programme des ordinateurs pour les écoles n'a pas été annulé. La prémisse de la question était qu'il avait été annulé. Ce n'est pas le cas. C'est tout ce que je peux dire pour le moment. Je serais très heureuse d'informer le ministre des Finances et d'autres ministres du fait que madame le sénateur est préoccupée au sujet de ce programme.

Le sénateur Cordy : Je n'ai pas demandé si le programme serait annulé. Je voulais plutôt savoir si le financement se poursuivrait après le 31 mars 2007. La réponse qui m'a été donnée à la question initiale m'a amenée et en a amené d'autres ici, je suppose, à croire que ce financement se poursuivrait après 2007. Je n'ai pas dit que cela m'a amenée à « supposer ». J'ai pensé que la réponse était claire puisque j'ai repris la parole et dit que je serai heureuse d'informer les gens à qui j'avais parlé ou qui avaient pris contact avec moi qu'en fait, le programme serait maintenu.

Je n'ai pas demandé si le programme serait annulé. J'ai demandé si le financement se poursuivrait après le 31 mars 2007.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je serai heureuse de faire part des préoccupations du sénateur au ministre des Finances et à d'autres ministres qui s'occupent de ce programme.

LES RESSOURCES HUMAINES ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL

LA JOURNÉE D'ACTION POUR L'ALPHABÉTISATION

L'honorable Joyce Fairbairn : Honorables sénateurs, je voudrais tout d'abord rappeler à tous les sénateurs que la Journée d'action pour l'alphabétisation sera célébrée pour la onzième fois sur la Colline du Parlement ce jeudi. À part le Rassemblement canadien pour l'alphabétisation et les autres associations nationales, il y aura 36 délégués, dont dix sont des stagiaires. Ce nombre est inférieur à ce qu'il a été dans le passé. Ils sont cependant tous déterminés à prendre contact avec leurs représentants sur la Colline du Parlement. Des réunions ont été organisées avec 60 parlementaires, dont 12 sénateurs, je crois.

Est-ce que madame le leader du gouvernement au Sénat trouvera le temps de rencontrer l'un de ces groupes — ils sont généralement deux, dont un stagiaire — pour entendre leur point de vue sur ce qui se passe, surtout après la semaine dernière?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je suis au courant de la tenue de cette journée jeudi. Je n'ai pas mon agenda. Il m'arrive de prendre des engagements quand je n'aurais pas dû, mais je serai heureuse de demander à mes collaborateurs d'appeler le bureau de madame le sénateur pour dire s'il me sera possible de recevoir ces gens.

Le sénateur Fairbairn : Honorables sénateurs, je sais qu'une invitation a été faite. Les jeudis sont des jours occupés, mais j'espère que madame le ministre aura la possibilité de voir ces gens.

Si elle ne peut pas, je voudrais l'informer qu'il y aura un lunch debout à midi, dans la salle 256-S, pour tout le monde au Sénat et à la Chambre des communes. Il sera possible d'y rencontrer tous les gens qui seront venus ici de l'extérieur et autant de parlementaires que nous pourrons persuader de venir. La ministre des Ressources humaines, Diane Finley, prendra la parole, de même que des dirigeants de l'opposition et des parlementaires de l'autre côté. Madame le sénateur Cochrane et moi-même organisons cette rencontre. Nous aimerions y voir autant de sénateurs que possible.

(1440)

Nous entendrons parler directement deux des apprenants durant ce déjeuner. Nous allons rencontrer les dirigeants de nos associations nationales et ce serait vraiment formidable si l'honorable sénateur pouvait trouver un court moment pour venir dire bonjour.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je ferai certes de mon mieux pour aller rencontrer les gens brièvement.

[Français]

DÉPÔT DE LA RÉPONSE À UNE QUESTION INSCRITE AU FEUILLETON

LE MINISTÈRE DE LA RÉFORME DÉMOCRATIQUE—LES NOMINATIONS MINISTÉRIELLES

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 3 inscrite au Feuilleton—par le sénateur Downe.

[Traduction]

ÉNERGIE, ENVIRONNEMENT ET RESSOURCES NATURELLES

AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À RENVOYER LES DOCUMENTS PROVENANT DE L'ÉTUDE DU PROJET DE LOI S-18 DURANT LA PREMIÈRE SESSION DE LA TRENTE-SEPTIÈME LÉGISLATURE EN VUE DE L'ÉTUDE DU PROJET DE LOI S-205

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion :

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que les documents reçus, les témoignages entendus, et les travaux accomplis par le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles au cours de son étude du projet de loi S-18, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (eau potable saine), durant la première session de la 37e législature soit renvoyés au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles en vue de son étude du projet de loi S- 205, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (eau potable saine).


[Français]

ORDRE DU JOUR

PROJET DE LOI FÉDÉRALE SUR LA RESPONSABILITÉ

ADOPTION DE LA MOTION TENDANT À L'ATTRIBUTION D'UNE PÉRIODE DE TEMPS POUR LE DÉBAT

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 38 du Règlement, je propose :

Que, conformément à l'article 38 du Règlement, relativement au projet de loi C-2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation, au plus tard à 15 h 30 le jeudi 9 novembre 2006, les travaux du Sénat soient interrompus et que toutes les questions nécessaires pour disposer de la troisième lecture du projet de loi soient mises aux voix immédiatement sans autre délai ou amendement, et que tout vote par appel nominal sur ces questions ne soit pas différé;

Que, si un vote par appel nominal est demandé, le timbre d'appel des sénateurs sonne durant 30 minutes et que toutes les questions soient ensuite mises aux voix successivement sans que le timbre ne se fasse de nouveau entendre;

Que, en ce qui concerne le débat sur la motion de troisième lecture du projet de loi, des motions d'amendement et de sous- amendement soient débattues simultanément sans que la motion de troisième lecture du projet de loi soit mise de côté; et que, au terme du débat, toutes les questions nécessaires pour disposer des sous-amendements, des amendements et de la motion de troisième lecture soient mises aux voix.

Son Honneur le Président : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix : D'accord

(La motion est adoptée.)

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, le parrain du projet de loi C-2 à l'étape de la deuxième lecture est le sénateur Oliver et le porte-parole de l'opposition est le sénateur Day.

Conformément au paragraphe 37(3) du Règlement, je propose :

Que, lorsqu'ils prendront la parole à cette étape de l'examen du projet de loi, ils auront droit à 45 minutes, même si, dans le cas présent, le parrain n'a pas proposé la troisième lecture du projet de loi.

[Traduction]

PROJET DE LOI FÉDÉRALE SUR LA RESPONSABILITÉ

TROISIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Terry Stratton propose que le projet de loi C-2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts, des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation, soit lu pour la troisième fois sous sa forme modifiée.

— Je voudrais passer à la troisième lecture du projet de loi C-2. Je propose que ce projet de loi soit lu pour la troisième fois.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Stratton, appuyé par l'honorable sénateur Andreychuk, propose que ce projet de loi soit lu pour la troisième fois.

L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, avant d'aller plus loin, je voudrais confirmer que, de ce côté-ci, nous comprenons que l'accord qui a été conclu prévoyait que le parrain de ce projet de loi et le porte- parole en la matière, c'est-à-dire les sénateurs Oliver et Day, auraient à leur disposition les périodes de 45 minutes qui sont normalement accordées au premier et au deuxième orateurs à ce stade-ci du débat, en plus, bien entendu, du temps illimité accordé aux leaders. Aucun autre sénateur n'aura droit à 45 minutes. C'est l'accord prévu.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : C'est la motion que j'ai lue il y a quelques minutes — pas la motion mais la recommandation au Sénat. Je la lirai en anglais maintenant.

Honorables sénateurs, le parrain du projet de loi C-2 à l'étape de la deuxième lecture est le sénateur Oliver et le porte-parole de l'opposition est le sénateur Day. Conformément au paragraphe 37(3) du Règlement, je propose que, lorsqu'ils prendront la parole à cette étape de l'examen du projet de loi, ils auront droit à 45 minutes, même si, dans le cas présent, le parrain n'a pas proposé la troisième lecture du projet de loi.

Son Honneur le Président : Est-ce clair, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : D'accord. Tel est l'ordre du Sénat.

Le sénateur Stratton : Je comprends bien que j'ai 15 minutes, je pense.

Le sénateur Tkachuk : Et pas 20.

Le sénateur Stratton : J'en demanderai peut-être cinq autres.

Honorables sénateurs, lors de la campagne électorale qui a eu lieu en janvier, le chef du Parti conservateur, Stephen Harper, a énoncé cinq priorités, dont la Loi fédérale sur la responsabilité. Les Canadiens se sont prononcés en faveur de ces priorités, tout comme l'ont fait les députés de l'autre endroit en juin dernier quand ils ont adopté le projet de loi C-2. La loi fédérale proposée sur la responsabilité, le projet de loi anti-corruption le plus ambitieux de l'histoire canadienne, est la première mesure législative présentée par le nouveau gouvernement. Son objectif est simple : changer la façon dont nous faisons les choses à Ottawa en réduisant l'influence des gros capitaux sur la politique, en rendant la vie plus difficile aux lobbyistes et en facilitant l'arrestation et la condamnation des politiciens et des fonctionnaires qui ont des comportements qui méritent d'être qualifiés de corrompus, comme en témoigne l'histoire récente. C'est un changement important.

Pourquoi avons-nous besoin de ce projet de loi? Il est regrettable que la majorité libérale au Sénat ait choisi de présenter des amendements qui diluent le projet de loi. Il est d'autant plus regrettable que l'opposition ait fait cela étant donné la série d'événements qui ont mené à la rédaction de ce projet de loi, dont le plus marquant est le scandale des commandites. Le fait est que les libéraux ont contrevenu à toutes les règles et que l'argent des contribuables, blanchi par des agences de publicité et des sociétés d'État, s'est retrouvé dans des enveloppes remplies de billets qui ont fini entre les mains du Parti libéral, tout ça au nom de l'unité nationale, pendant une période allant d'un peu après les élections de 1993 jusqu'à ce qu'ils se soient fait prendre.

Comme le juge Gomery concluait dans son rapport au peuple du Canada :

L'institution qu'est le PLCQ est forcément responsable des fautes de ses dirigeants et représentants.

À côté des commandites, il y a eu une série d'incidents mettant en cause des sociétés d'État. Il y a eu le scandale de l'Auberge Grand- Mère et de la Banque de développement, en plus de ce qu'un juge a qualifié de vendetta de la part de l'ancien premier ministre Jean Chrétien.

(1450)

Il y a la fameuse déclaration de David Dingwall, de la Monnaie royale : « J'ai droit à ce qui m'est dû! » Il a fallu que la vérificatrice générale dévoile au grand jour le scandale des commandites pour amener l'ancien gouvernement à demander une vérification spéciale de Postes Canada qui nous a appris qu'André Ouellet attribuait des contrats à ses amis personnels et passait outre aux règles normales d'embauchage pour procurer des emplois à ses amis. Si la Loi sur l'accès à l'information s'était appliquée à Postes Canada plus tôt, nous aurions su beaucoup plus tôt qu'André Ouellet n'avait pas à présenter de reçus pour se faire rembourser tous les frais de déplacement qu'il choisissait de réclamer.

Il y avait ensuite les portes communicantes entre l'ancien gouvernement et les cabinets de lobbyistes, le meilleur exemple nous étant donné par les rapports plutôt étroits entre le premier ministre Paul Martin et ses collaborateurs.

C'est le même gouvernement qui n'a daigné s'intéresser aux dénonciateurs, mais bien à reculons, qu'en fin de mandat et encore, sans créer un processus véritablement indépendant.

C'est aussi ce gouvernement qui a donné des milliards de dollars à des fondations n'ayant aucun compte à rendre en leur confiant le mandat de mettre en œuvre des programmes gouvernementaux échappant à l'examen du Parlement et du Bureau du vérificateur général. Nous n'avons jamais eu de moyen de faire vérifier par un organisme indépendant comment l'argent a été dépensé et comment les administrateurs de ces fondations se comportaient.

Je pourrais continuer, mais je crois que c'est un chapitre de l'histoire du Canada que nous souhaiterions tous oublier.

La nécessité du projet de loi ne fait aucun doute. Les libéraux ont présenté plus de 100 amendements, dans certains cas en dépit des avis juridiques faisant état de problèmes possibles. Ces amendements incluent celui qui vise à soustraire la Commission canadienne du blé à l'application de la Loi sur l'accès à l'information. On aurait raison de se demander pourquoi. Il convient de souligner que, si la Commission canadienne du blé avait déjà un système d'accès à l'information, l'adaptation de ce système aux nouvelles lignes directrices sur l'accès à l'information ne poserait aucun problème. Il importe de noter que le gouvernement du Canada participe aux opérations de la Commission canadienne du blé. Tout paiement aux producteurs à même le compte de mise en commun doit être approuvé par décret avant de pouvoir être effectué, et toute perte doit être assumée par le gouvernement du Canada. Par exemple, en 2002, plus de 85 millions de dollars ont été nécessaires pour éponger les pertes subies par la Commission canadienne du blé. Les contribuables canadiens, tout comme les producteurs, devraient être en mesure de voir comment cela s'est produit. Or, le projet de loi C-2 n'exige pas que les renseignements commerciaux courants soient rendus disponibles en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Un autre amendement limiterait, dans le cas des fondations, la portée de la Loi sur l'accès à l'information uniquement aux renseignements créés une fois que la Loi fédérale sur la responsabilité aura reçu la sanction royale. Pourquoi? Cinq fondations ont été créées avec des milliards de dollars avant l'entrée en vigueur de cette loi. Pourquoi ces fondations seraient- elles exemptées? Lorsque les représentants de ces fondations sont venus témoigner devant le comité, nous avons eu l'impression que celles-ci étaient bien gérées et que, par conséquent, cette mesure ne leur poserait pas de problème. C'est ce qu'on appelle la responsabilité, la transparence.

Les amendements proposés par les libéraux pourraient réduire le délai dont disposeraient les procureurs pour porter des accusations en vertu des lois fédérales sur les élections et le lobbying. Pourquoi? C'est là un point dont je discute depuis un certain temps avec le révérend. Nous voulons une période de cinq ans, parce qu'il faut cinq ans dans le cas d'une enquête potentiellement complexe, et cinq autres années pour mettre en œuvre les changements requis. Les sénateurs d'en face veulent réduire ces délais à deux ans et cinq ans respectivement, ce qui, à mon avis, n'est pas suffisant. Comme je l'ai déjà dit, les événements qui ont entraîné la tenue de l'enquête Gomery ont commencé en 1995. Il faut du temps pour remonter en arrière et faire enquête. Par conséquent, une période de cinq ans est nécessaire.

Un amendement encore plus bizarre maintiendrait le statut de placement prioritaire dans la fonction publique dont jouissent les membres du personnel politique, ce qui leur permettrait de continuer à passer devant des candidats plus qualifiés. Pourquoi? Pourquoi ces gens ne seraient-ils pas prêts à faire concurrence à des fonctionnaires pour l'obtention d'un poste?

Les sénateurs d'en face feraient porter la limite proposée pour les dons de 1 000 $ à 2 000 $. Pourquoi? Ils retarderaient la mise en œuvre des nouvelles limites du financement électoral jusqu'au 1er janvier de l'année suivant la sanction royale, ce qui pourrait fort bien dire le mois de janvier 2008, si les libéraux continuent leurs tactiques dilatoires.

Honorables sénateurs, je crois que les deux derniers points, qui portent sur le financement électoral, sont des amendements auxquels la majorité libérale au comité tenait beaucoup. La proposition visant à doubler la limite pour la faire passer de 1 000 $ à 2 000 $ a l'air de rien, mais elle permettrait en fait des dons pouvant aller jusqu'à 6 000 $ par année, puisqu'on pourrait faire un don de 2 000 $ au parti, un don de 2 000 $ à l'association de circonscription et un don de 2 000 $ au candidat local.

Le Parti libéral a échoué lamentablement pour ce qui est d'aller chercher du financement auprès des Canadiens ordinaires et il cherche maintenant à perpétuer sa dépendance à l'égard des dons importants. Je ne vois pas vraiment où est le problème. N'oubliez pas, honorables sénateurs, que 99 p. 100 de l'ensemble des dons aux partis politiques sont d'un montant inférieur à 200 $. Cela ne devrait pas être un problème.

Honorables sénateurs, durant la réunion du 18 septembre du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, madame le sénateur Milne a donné ce que j'estime être une raison plutôt étrange pour justifier qu'on fixe la limite à plus de 1 000 $. Elle a dit ceci : « [...] j'ai déjà atteint mon plafond des contributions aux dépenses de mon caucus à Ottawa et, après avoir payé les frais d'inscription au congrès, j'ai dépassé la limite de 1 000 $ tandis que je n'ai même pas donné un sou à mon parti. » Elle a ajouté ceci : « C'est précisément pour cette raison que de nombreux sénateurs que je connais ont décidé de ne pas assister au congrès. »

Cela m'a semblé un peu bizarre, si bien que j'ai demandé à madame le sénateur Milne si elle disait bien que les dépenses personnelles découlant des réunions de son caucus pouvaient être admissibles à des reçus pour fins d'impôt. Elle a répondu qu'elle ne le savait pas, mais qu'elle avait des reçus officiels. Sa réponse m'a laissé incrédule. Si les sénateurs libéraux financent les repas de leurs réunions par l'intermédiaire de leur parti et obtiennent ensuite des reçus officiels, il y a quelque chose qui ne va pas. En tant que sénateurs, nous avons des allocations quotidiennes qui servent précisément à couvrir ces dépenses, si bien que toute allocation additionnelle constituerait un cumul d'avantages.

Notre caucus n'émet pas de reçus officiels pour les repas, car on estime, à juste titre, qu'il s'agit là de dépenses personnelles. Je ne souscris pas à l'idée de hausser les limites des contributions au-delà des limites prévues dans le projet de loi C-2, de manière à ce que les libéraux continuent de bénéficier d'un allégement fiscal. Qu'on me corrige si j'ai tort et je présenterai alors des excuses, mais c'est précisément ce qu'on a proposé lors de cette réunion.

Honorables sénateurs, les libéraux ont proposé que les règles visant le financement électoral ne soient mises en application que le 1er janvier suivant la sanction royale. Autrement dit, si le projet de loi n'est pas adopté avant Noël, les anciennes règles demeureront en vigueur toute l'année prochaine. Le parti a beaucoup misé sur des cocktails-bénéfices à 5 000 $ pour réunir des fonds et il pourrait continuer de le faire. Avant que les libéraux présentent cet amendement, certains d'entre nous pensaient que l'objectif était de retarder l'adoption du projet de loi jusqu'après le congrès, ce qui aurait été facile à faire. Étant donné qu'ils sont majoritaires, ils auraient pu indiquer le 3 décembre comme date d'entrée en vigueur de la mesure.

Je rappelle aux sénateurs que le sénateur Oliver a cru comprendre qu'il y avait eu une entente au sein du comité de direction, en juin, pour que le comité présente son rapport sur le projet de loi le 26 septembre même s'il n'allait pas siéger durant l'été. À sa surprise, en septembre, les libéraux ont nié l'existence d'une telle entente. Ils voulaient entendre encore plus de témoins qu'ils ne l'avaient prévu au printemps et ils n'avaient aucune envie de consacrer les heures supplémentaires qui auraient été nécessaires à l'audition des témoins avant le 26 septembre. En effet, lorsqu'on a demandé au comité de siéger tout l'été pour entendre ces témoins, le sénateur Campbell a dit, au cours de la séance de l'après-midi du 5 septembre : « Pour quelle raison aurions-nous siégé durant l'été? »

Le comité s'est réuni la première et la troisième semaines de septembre, pas la deuxième. Lorsque j'ai suggéré que nous tenions une réunion au cours de la deuxième semaine de septembre, les libéraux ont rejeté ma proposition du revers de la main.

(1500)

Les audiences du comité ont duré beaucoup plus longtemps que d'habitude, car les témoins qui seraient normalement réunis en grands groupes ont comparu en plus petits groupes ou seuls. Quelques-uns de ces témoins n'ont pas apporté beaucoup d'éléments nouveaux au comité. Malheureusement, notre président avait les mains liées par la majorité libérale qui siège au comité de direction.

Ce n'est que lorsqu'ils ont dû faire face à la perspective de demeurer à Ottawa pour assister à des séances pendant le week-end que les sénateurs de l'opposition ont accepté de faire rapport du projet de loi le 26 octobre, soit une semaine plus tôt que le jour où ils avaient dit que le comité terminerait ses travaux.

Peu de temps après que le comité eut étudié le projet de loi article par article, le sénateur Day a déclaré au cours d'une conférence de presse que le Sénat aurait besoin de deux semaines pour franchir les étapes du rapport et de la troisième lecture du projet de loi. Pourquoi a-t-il agi ainsi, si ce n'est pour en retarder l'adoption? Nous pouvons siéger jusqu'à minuit pour débattre le projet de loi, nous pouvons siéger les lundis, les vendredis et les week-ends. Je doute que cela soit acceptable pour l'opposition, qui recourra au Règlement pour suspendre le débat en proposant l'ajournement.

Ferais-je preuve de cynisme si je me demandais tout haut si le plan des libéraux était de proposer des amendements en sachant pertinemment que plusieurs d'entre eux ne seraient peut-être pas acceptables au gouvernement? Aurais-je tort de me demander tout haut si leur stratégie de tricotage consiste à amener la Chambre des communes à rejeter plusieurs de ces amendements? Ces amendements portent sur les orientations, et ce n'est pas le rôle du Sénat de se prononcer sur ces dernières.

Les sénateurs libéraux proposent que la troisième lecture du projet de loi ait lieu juste avant le jour du Souvenir, mais ils savent pertinemment que, étant donné le calendrier fixe établi dans le Règlement de la Chambre des communes, cette dernière doit interrompre ses travaux jusqu'au 20 novembre. Le calendrier fixe de l'autre endroit favorise les sénateurs de l'opposition. À moins d'une urgence, comme un important conflit de travail, l'autre endroit ne peut pas siéger après le 15 décembre, de sorte que les libéraux n'auront qu'à retarder le projet de loi pendant un autre mois.

Dans un monde idéal, si nous pouvions renvoyer le projet de loi C-2 à l'autre endroit cette semaine, nous pourrions en être saisis de nouveau dès le 20 novembre en soirée, mais il faudrait peu de choses pour que les libéraux puissent le garder à l'autre endroit pendant quelques jours.

Les libéraux ont proposé plusieurs amendements au projet de loi et, bien que certains puissent être acceptés à l'autre endroit, comme je l'ai dit, d'autres ne le seront peut-être pas. En effet, quelques-uns des amendements présentés par l'opposition vont clairement à l'encontre de l'objet du projet de loi, alors que d'autres ne pourraient pas fonctionner sans d'autres amendements.

Un exemple de cela, que j'ai déjà utilisé, est l'amendement de l'opposition visant à interdire les activités de lobbyisme à plusieurs milliers de Canadiens qui travaillent pour des entreprises faisant affaire avec le gouvernement. Cet amendement n'établit pas un régime d'exemption approprié pour ceux qui ne sont pas des titulaires de charge publique.

Je suis d'avis que cet amendement devrait être supprimé ou radicalement amendé pour prévoir un régime d'exemption. Même si un tel régime existait, le nombre de cas risquerait, à lui seul, d'enrayer le processus.

Son Honneur le Président : Je regrette de devoir signaler au sénateur que son temps de parole est écoulé.

Le sénateur Comeau : Nous acceptons de lui accorder encore cinq minutes.

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Stratton : Merci beaucoup.

Comme le Sénat est de nouveau saisi du projet de loi et qu'il ne reste que trois semaines au plus, les libéraux au Sénat pourraient recourir à de nouvelles tactiques pour gagner du temps. Ils pourraient étirer le débat en continuant de l'ajourner. Ils pourraient renvoyer le projet de loi au comité et l'obliger à entendre d'autres témoignages, ce qui pourrait prendre jusqu'à la mi-décembre. Ils pourraient proposer des amendements en sachant d'avance qu'ils sont inacceptables ou inapplicables. Ils pourraient insister sur des amendements que le comité aurait jugés inapplicables. Ils pourraient même — en faisant des caprices — envoyer leurs employés acheter des mirlitons.

Le 15 décembre, ils pourraient ainsi renvoyer le projet de loi à l'autre endroit en insistant seulement sur un amendement, selon lequel les dispositions sur le financement n'entreraient pas en vigueur avant le mois de janvier de l'année suivant la sanction royale. Ils auraient alors remporté la course contre la montre et leur nouveau chef serait en mesure de donner des cocktails de 5 000 $ pour marquer le début de la nouvelle année.

Je ne crois pas donner des idées nouvelles aux libéraux. Certains de mes vis-à-vis siégeaient au Sénat entre 1984 et 1990, soit à l'époque où le sénateur Murray dirigeait le gouvernement et qu'une opposition libérale contrôlait le Sénat.

Honorables sénateurs, j'espère sincèrement avoir tort, mais il est difficile de croire qu'il n'y a pas une stratégie derrière tous les atermoiements dont nous avons été témoins jusqu'à maintenant.

Le sénateur Fraser : Le sénateur Stratton accepterait-il une question?

Le sénateur Stratton : Oui.

Le sénateur Fraser : Dans ses observations, le sénateur a dit que certains témoins n'avaient pas appris grand-chose au comité. Pourrait-il nous dire quels témoins ne valaient pas la peine d'être entendus?

Une voix : Le chapeau vert.

Le sénateur Stratton : Je refuse catégoriquement de faire une allusion personnelle. On a décrit physiquement quelqu'un et je refuse de m'arrêter là-dessus. Il en va de même pour les autres témoins; je ne dénigrerai aucune des personnes qui étaient là.

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, je trouve intéressant de prendre la parole aujourd'hui. Cela fait trois ans aujourd'hui que Son Excellence la Gouverneure générale m'a invité à siéger au Sénat. C'est mon anniversaire.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mercer : Elle a accompli un excellent travail.

Honorables sénateurs, je suis heureux de participer au débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-2, le projet de loi fédéral sur la responsabilité.

Même si beaucoup a été dit au Sénat et à l'autre endroit sur l'efficacité de ce projet de loi et son incidence, je vais centrer mes observations sur un article du projet de loi qui fait peut-être problème également pour de nombreux sénateurs.

Comme sénateurs, nous devons étudier au comité des projets de loi susceptibles de devenir des lois. Les comités font leur travail et le font bien. D'ailleurs, en ce qui concerne le projet de loi C-2, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a entendu 140 témoins, qui étaient tous crédibles, pendant plus de 98 heures d'audiences. Si les comités de la Chambre avaient entendu autant de gens et consacré autant de temps à cette mesure, nous n'aurions peut-être pas tous ces amendements.

Les membres de notre comité sont arrivés à la conclusion — parfois à l'unanimité, et parfois non — que le projet de loi contient des lacunes et doit faire l'objet de modifications de façon à ce qu'il indique les moyens par lesquels nous pouvons rehausser la transparence et favoriser la confiance dans tous les services et procédés du gouvernement.

La façon dont notre assemblée et nos comités travaillent traduit l'objectif du Sénat. Je crois que tous les sénateurs, des deux côtés de cette enceinte, ont atteint cet objectif pour ce qui concerne le projet de loi C-2.

Ce que je souhaite, c'est que nous nous entendions tous pour dire que le projet de loi devrait avoir pour but d'accroître la foi et la confiance de la population envers le gouvernement. Dans les faits, ce n'est pas le cas. Dans certaines parties, il ne reconnaît guère les importants travaux qui sont déjà en cours. Il semble que le nouveau gouvernement du Canada ne fait pas beaucoup confiance à l'ensemble actuel de détenteurs de charges publiques, de procureurs fédéraux et d'agents d'application de la loi. Ils font déjà leur travail et je crois qu'ils le font bien.

Je ne suis pas expert des questions juridiques, mais il me semble que la proposition d'une certaine partie de la loi a été faite en dépit du bon sens. Je me suis toujours inspiré du bon sens pour évaluer des questions concernant les projets de loi que nous étudions. Je continue de le faire avec le projet de loi C-2.

Honorables sénateurs, je parle de la partie 3 du projet de loi, plus précisément de la création d'un poste de directeur des poursuites pénales. Cette partie donne à ce bureau le pouvoir d'engager et de mener à bien des poursuites pénales au nom de la Couronne. N'est- ce pas quelque chose que le procureur général peut déjà faire, par l'intermédiaire de l'appareil actuel du gouvernement et de la GRC?

Honorables sénateurs, je vais vous lire, en le paraphrasant, un extrait du résumé législatif du projet de loi C-2 préparé par la Bibliothèque du Parlement.

(1510)

Le directeur des poursuites pénales agit sous l'autorité et pour le compte du procureur général du Canada et, dans le cadre de l'exercice de ses pouvoirs, fonctions et attributions, il est le sous- procureur général du Canada. Il a les responsabilités suivantes : engager et mener des poursuites, sauf dans les cas où le procureur général a décidé de s'en charger lui-même; intervenir relativement à toute affaire dans laquelle des questions d'intérêt public qui pourraient avoir une incidence sur la conduite des poursuites ou des enquêtes connexes sont soulevées, sauf dans les cas où le procureur général a décidé de s'en charger lui-même; exercer toutes autres attributions, tâches et fonctions que lui assigne le procureur général et qui ne sont pas incompatibles avec sa charge. Cela fait plusieurs exceptions.

Il semble que le Bureau du vérificateur général pourrait très bien confier à ses milliers de procureurs de la Couronne, employés et membres de la GRC le soin de faire tout ce qui est prévu dans cette partie du projet de loi. Ce système existe déjà et il a été mis sur pied dans un but, ce but même que le « nouveau gouvernement » du Canada semble croire trop peu efficace pour ses besoins. En fait, le gouvernement va jusqu'à établir des dispositions transitoires à l'égard du fonctionnement du bureau du directeur des poursuites pénales.

D'ici la nomination du directeur des poursuites pénales, l'actuel sous-procureur général adjoint (droit pénal) remplira les fonctions de directeur des poursuites pénales et deux adjoints pourront être nommés pour lui venir en aide jusqu'à ce que le directeur des poursuites pénales soit nommé conformément aux dispositions de la nouvelle loi.

Ouf! Je le répète, si le ministère peut déjà faire le travail, pourquoi songer à créer un autre niveau de bureaucratie? Toutefois, honorables sénateurs, nous devons nous demander pourquoi une telle proposition a été faite. À mon avis, « si ce n'est pas cassé, pas la peine de réparer ». Je ne vois rien de cassé dans le système actuel.

Comment ne pas songer à nos amis américains après avoir entendu parler, au cours des dernières semaines, d'annonces de décisions politiques et d'ententes secrètes qui relèvent davantage de la politique américaine que de la politique canadienne. Cela me rappelle un nom que mes collègues sénateurs reconnaîtront aussi, soit celui de M. Kenneth Starr, cet avocat et ex-juge américain qui a été nommé à l'Office of the Independent Counsel pour faire enquête sur certaines affaires comme celle de Whitewater et le scandale impliquant Monica Lewinsky. Plusieurs ont qualifié le travail qu'on lui avait confié de « chasse aux sorcières », de « sensationnalisme » et d'« opportunisme ».

N'y a-t-il pas de similarités entre cette position et celle qui est proposée dans ce projet de loi? L'objectif principal de la nouvelle Loi sur le directeur des poursuites pénales consiste à veiller à ce que les poursuites pénales soient engagées, sous le régime des lois fédérales, de manière indépendante du procureur général du Canada et du processus politique. N'est-ce pas déjà le cas? Le procureur général, qui est membre du Cabinet, devrait, en toute bonne foi et en son âme et conscience, prendre des décisions qui sont fondées en droit, sur l'avis de ses conseillers. La loi, c'est la loi.

Par conséquent, il semble difficile à croire que le gouvernement ne ferait pas confiance à un de ses ministres pour appliquer la loi comme elle doit l'être et non en fonction de facteurs politiques ou personnels. Nous n'avons guère éprouvé de difficulté avec cela dans le passé, mais on tente maintenant de nous faire croire que c'est soudainement devenu un problème. Personne n'a réussi à me donner un seul cas où la Couronne ou la GRC n'ont pu faire correctement leur travail

Honorables sénateurs, si le « nouveau gouvernement » du Canada se préoccupe de la conduite des procureurs de la Couronne ou de la GRC, qu'il le dise. Qu'il ne se cache pas derrière un article d'un projet de loi qui dit essentiellement que le gouvernement ne pense pas que ses employés font du bon travail.

Ce nouveau poste de directeur des poursuites pénales ne garantira pas l'impartialité ni la reddition de comptes et ne fera qu'alourdir davantage la bureaucratie en ajoutant un poste auquel le gouvernement pourra nommer un de ses amis.

Honorables sénateurs, même s'il semble que le directeur des poursuites pénales s'efforcera d'éviter de s'ingérer dans les affaires politiques, je suis d'avis qu'il risque fort de faire tout le contraire. Compte tenu que le projet de loi est intitulé Loi fédérale sur la responsabilité, n'est-ce pas là quelque chose que nous voulons éviter?

MOTIONS D'AMENDEMENT

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, étant donné que le système actuel fonctionne bien et qu'il ne devrait pas être ainsi modifié, je propose :

Que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié aux articles suivants : 40, 121 à 140 et 273.

La présente motion amende le projet de loi comme suit : d'abord, les articles 121 à 140 sont ceux qui édictent la Loi sur le directeur des poursuites pénales et les dispositions transitoires. Mon amendement aurait pour effet de supprimer ces articles. Deuxièmement, mon amendement propose une reformulation de l'article 40 pour que soit rayée de la Loi électorale la mention du directeur des poursuites. Troisièmement, l'article 273 serait également supprimé, car il ajoute le bureau du directeur à la Loi sur la gestion des finances publiques.

Honorables sénateurs, j'implore votre indulgence et je vous demande de m'exempter de l'obligation de lire chacun des amendements que je propose, car j'en ai 22 en tout. J'assure les sénateurs que ces amendements n'ont pour but que de supprimer les mentions du directeur des poursuites pénales du projet de loi en laissant le reste inchangé.

Le sénateur Stratton : Je pense que s'il y a 22 amendements à apporter, cette assemblée doit tous les entendre.

Le sénateur Mercer : Si vous avez le temps, j'ai l'énergie.

Il est proposé que le projet de loi C-2 soit maintenant modifié...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le sénateur Baker invoque le Règlement.

L'honorable George Baker : J'invoque le Règlement. Un amendement comme celui-ci peut être présenté de deux façons. Selon la première, lecture est faite de chaque amendement. Selon la deuxième, il s'agit de résumer l'amendement et d'indiquer quels articles du projet de loi il vise. En utilisant la seconde méthode, il faudrait environ 60 secondes. Autrement, il faudrait au moins 20 minutes. Je suggère la deuxième méthode. Il faudrait donc autoriser le sénateur à ne pas donner lecture de chaque amendement, mais à les présenter de façon abrégée. Nous pourrions également accepter que toutes les occurrences des mots « directeur des poursuites pénales » soient entièrement supprimées du projet de loi.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, pour dispenser le sénateur de lire l'amendement, j'ai besoin de votre permission. La permission est-elle accordée?

Des voix : D'accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Nous poursuivons le débat.

Le sénateur Baker : Je n'ai que quelques mots à dire, Votre Honneur, avant qu'un autre sénateur de grande réputation dans cette enceinte ne le fasse. Si je ne me trompe, il veut proposer d'autres amendements.

Je voudrais précisément parler de l'exposé que vient de faire le sénateur et des amendements qu'il a proposés. Au début, j'appuyais sa position et je pense que de nombreux membres du comité l'ont également appuyée une fois que le comité eut commencé à entendre tous les témoignages et avant de les avoir tous entendus. Pendant que le sénateur parlait, je pensais qu'il y avait de bonnes raisons d'appuyer sa proposition. Cependant, après avoir entendu tous les témoignages, je vais plutôt appuyer l'article du projet de loi, tel qu'il a été proposé par le gouvernement mais avec les amendements proposés par le comité.

Je veux aborder la raison pour laquelle je pense que le sénateur avance cette proposition. Cela m'a sauté aux yeux en examinant le projet de loi. Ce dernier prévoit que des commissaires mèneront des enquêtes. Si l'on constate la violation d'une loi, des accusations sont portées — dans un cas précis par le directeur des poursuites pénales. En clair, c'est le directeur des poursuites pénales qui détermine s'il faut porter des accusations ou non et c'est lui qui intente la poursuite.

(1520)

Comme nous le savons tous et comme l'a souligné le juge Binnie, de la Cour suprême du Canada, dans plusieurs arrêts, notre système prévoit que le procureur de la Couronne procède à un second examen rigoureux et objectif. Distinct du rôle de la police qui mène l'enquête et porte des accusations, ce second examen objectif est inscrit dans notre système, ce qui diffère du système des États-Unis. Pourquoi? Eh bien, le système américain prévoit d'autres protections, qui sont peut-être plus grandes étant donné qu'une personne peut invoquer le cinquième amendement. En d'autres mots, la personne n'est pas obligée de répondre aux questions. Au Canada, elle l'est.

Dans chacun des cas où intervient le commissaire nommé en vertu du projet de loi, la personne doit répondre aux questions. Il y a donc contrainte à témoigner. J'essaie de trouver le premier cas, qui est pareil aux autres; c'est à la page 26 du projet de loi. Il est stipulé que le commissaire jouit des mêmes pouvoirs que quelqu'un nommé en vertu de la Loi sur les enquêtes — dans ce cas,

Il a, pour contraindre les témoins à comparaître et à déposer, les pouvoirs d'une cour d'archives en matière civile.

C'est la même chose; c'est la Cour supérieure. À Terre-Neuve, ce serait la Cour suprême ou encore la Cour fédérale.

Le commissaire a le pouvoir de contraindre les témoins à comparaître. De quelle protection bénéficie donc toute personne faisant l'objet d'une enquête par un de ces commissaires? La réponse se trouve un peu plus loin :

Les renseignements communiqués dans le cadre du présent article ne sont pas admissibles contre le déposant devant les tribunaux ni dans quelque procédure, sauf dans le cas où il est poursuivi pour infraction à l'article 131 du Code criminel (parjure) relativement à sa déposition.

C'est la protection prévue. En d'autres mots, quatre commissaires font enquête sur chacun de ces cas. S'ils recueillent des témoignages, des témoignages que les témoins sont contraints à déposer, il faut répondre. Si la personne ne répond pas, des accusations seront portées ou pourraient être portées contre elle. Comme dans un tribunal, la personne doit répondre à la question. La protection offerte, dans ce cas, c'est que la réponse ne sera pas admissible dans un autre procès, sauf dans les cas de parjure, aux termes de l'article 131 du Code criminel.

Si le commissaire juge, pour des motifs raisonnables, que la personne a violé une loi du Parlement, il consulte alors le directeur des poursuites pénales. Dans le cas de la Loi électorale, comme nous l'avons signalé, le directeur des poursuites pénales décide si des accusations seront portées ou non, et la poursuite continue.

Cela retire une protection, n'est-ce pas, du système canadien? Cela retire le second regard objectif. Comment peut-il y avoir un second regard objectif si le directeur, après le premier regard, prend la première décision? À première vue, on violerait un principe en faisant intervenir un directeur des poursuites pénales qui fera enquête et qui déterminera s'il existe des motifs raisonnables de porter des accusations, avant de continuer la poursuite.

Si cela est si important — et j'y pensais quand le sénateur Mercer parlait — c'est que la protection donnée aux titulaires de charge publique, aux ministres du Cabinet et d'autres encore — ces personnes qui font l'objet d'une enquête de la part des commissaires —, quand ils sont contraints de témoigner, c'est que leur témoignage ne peut être retenu contre eux dans une autre poursuite. Malheureusement, cela n'est pas vrai, n'est-ce pas?

Depuis 1990 environ, il est vrai que l'interprétation que l'on donne de cet article, au pays, veut que ce qu'une personne dit ne puisse pas être retenu contre elle. Comme le sénateur Austin le sait, dans l'arrêt British Columbia Securities Commission c. Branch, la Cour suprême du Canada a décidé que non seulement l'information ne peut pas être retenue contre la personne, mais que les éléments de preuve qui seraient tirés de l'information ne sont pas admissibles non plus.

Cependant, ce qu'une personne dit peut être utilisé pour mettre en doute sa crédibilité. Ce que vous direz devant l'un de ces commissaires pourra être utilisé pour mettre en doute votre crédibilité.

Honorables sénateurs, la crédibilité d'une personne est importante. Si vous êtes ministre ou titulaire d'une autre charge publique, que vous êtes poursuivi en justice et qu'on doit décider si vous allez témoigner pour votre propre défense, la décision dépendra de la capacité que peuvent avoir d'autres personnes de mettre en doute votre crédibilité relativement aux éléments précis du témoignage que vous aurez été forcé de livrer à un commissaire, lors de chacune de ces entrevues.

Il y a une seule exception en la matière dont je peux me souvenir et sur laquelle j'ai pu lire de l'information récemment. Il s'agit de l'affaire Gagliano c. Canada, l'année dernière, en relation avec la Commission Gomery. Lorsque l'avocat de M. Gagliano a voulu contre-interroger M. Charles Guité, la demande a été renvoyée à la Cour fédérale parce que le juge Gomery s'y était opposé en disant que, compte tenu des privilèges parlementaires, ce qui est dit devant un comité ne peut pas servir à mettre en doute la crédibilité d'un témoin comme le voulaient les avocats.

Selon l'interprétation qu'on a faite de la loi au Canada, lorsqu'une personne est forcée de témoigner, son témoignage ne peut pas être utilisé contre elle, mais il peut quand même servir à mettre en doute sa crédibilité lors de procédures subséquentes. Autrement dit, si vous devez vous défendre d'accusations portées contre vous en vertu du droit criminel et que votre crédibilité peut être mise en doute en invoquant un témoignage présenté à un commissaire en vertu de la présente loi, vous devriez y songer à deux fois avant de témoigner vous-même.

Somme toute, honorables sénateurs, il me semble qu'avec le poste de directeur des poursuites criminelles, on fait disparaître un mécanisme de protection qui existe dans le système des États- Unis. Combien de fois avons-nous entendu à la télévision une personne dire qu'elle refuse de répondre parce qu'elle ne veut pas que sa réponse puisse être retenue contre elle? C'est une réponse que nous entendons constamment lors des audiences des comités du Sénat américain. Au Canada, ce n'est pas admissible. C'était la protection que nous avions. Premièrement, la création d'un poste de directeur des poursuites pénales dans cette loi compromettrait cette protection. Deuxièmement, il ressort manifestement de toutes les lois de ce type que toutes les professions du Canada jouissent d'une protection semblable, c'est-à-dire que lorsqu'une personne est contrainte à témoigner, on ne peut pas se servir de son témoignage contre elle dans une poursuite ultérieure. Cette protection existe. Il suffit de jeter un coup d'œil du côté des médecins, des infirmières, des avocats ou des comptables, ou de consulter la Loi sur l'assurance-emploi ou la Loi sur l'assistance sociale, que j'en suis venu à bien connaître au fil des ans, pour constater que cette protection existe.

Toutefois, la loi a été modifiée au point de ne plus offrir cette protection. Il faut bien réfléchir avant d'éliminer cette protection garantie par la loi en nommant un directeur des poursuites pénales autorisé à intenter des poursuites. Ce serait la toute première loi du Parlement à permettre à un procureur d'intenter des poursuites, d'établir hors de tout doute raisonnable que des accusations devraient être portées et d'ordonner que des accusations soient portées, pour ensuite poursuivre l'accusé.

Je dois dire que l'argument du sénateur Mercer m'apparaît bien fondé.

(1530)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, le sénateur Mercer, avec l'appui du sénateur Baker, propose que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié,

a) à l'article 40, à la page 56, par substitution, aux lignes 6 et 7, de ce qui suit : « outre être produites par celui-ci »...

Des voix : Suffit!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Y a-t-il d'autres sénateurs qui voudraient intervenir au sujet de la motion d'amendement?

[Français]

L'honorable Marie-P. Poulin : Honorables sénateurs, depuis qu'il a été présenté au Parlement le 11 avril dernier, le projet de loi C-2, qui devait être la pièce centrale de la politique législative du gouvernement, a perdu son beau vernis à la suite du défilé de témoins qui ont comparu devant les comités des deux Chambres. Ce document volumineux comporte de très nombreux éléments, allant de l'accès à l'information aux restrictions des dépenses électorales.

Lorsqu'il a été présenté — comme le disaient mes collègues auparavant —, le projet de loi comptait 234 pages, cinq grandes parties et modifiait quelque 100 lois fédérales, créait huit nouveaux organismes et postes et accordait des pouvoirs supplémentaires à des fonctionnaires actuels d'organismes parlementaires.

Il élargissait la loi d'application de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection de renseignements personnels pour inclure ces hauts fonctionnaires du Parlement : le vérificateur général, le commissaire à l'information, le commissaire à la protection de la vie privée, le commissaire aux langues officielles, le directeur général des élections, le commissaire à l'intégrité du secteur public, le directeur des poursuites pénales et le commissaire au lobbying. Le projet de loi vise également toutes les sociétés d'État mères et leurs filiales à 100 p. 100 et la Commission canadienne du blé et cinq fondations.

L'énormité du projet de loi ne peut pas être surestimée. C'est tout à l'honneur du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles que les failles de la loi aient été relevées et que des modifications aient été proposées pour les corriger. Dès le début, je me suis intéressée au « projet de loi au sein du projet de loi », la disposition à la partie 3 visant à créer la Loi sur le directeur des poursuites pénales.

Cette mesure, même avec les modifications qu'elle comporte, transformerait notre système de poursuite traditionnel en établissant une nouvelle structure ministérielle à l'extérieur du ministre de la Justice. Lors de l'examen de cet élément du projet de loi C-2, on ne peut s'empêcher de se demander ce que le gouvernement pouvait bien vouloir faire en créant cette toute nouvelle loi qu'une simple modification à la Loi sur le ministère de la Justice n'aurait pas suffi à accomplir.

D'après le plan d'action du gouvernement, la création du poste de directeur des poursuites pénales, le DPP, est importante pour assurer la transparence et l'intégrité de l'appareil judiciaire fédéral et pour faire en sorte que les poursuites intentées en vertu des lois fédérales soient indépendantes du procureur général du Canada et du processus politique.

Il serait donc utile d'examiner notre système actuel. Le service fédéral des poursuites a défendu les principes de l'intégrité et a donné au Canada un appareil judiciaire dont nous pouvons être fiers, un système qui fonctionne sans compromis, dans l'intérêt de la justice à l'échelle du pays.

Les chiffres témoignent de la présence fédérale dans l'appareil judiciaire : quelque 700 employés au service fédéral des poursuites, soutenus par presque 250 cabinets d'avocats au pays, représentant 800 avocats, plaident dans des régions où il n'y a pas de présence fédérale permanente. De l'admission même du gouvernement, le passage du service fédéral des poursuites au Bureau du directeur des poursuites pénales ne changera pas grand-chose.

Honorables sénateurs, nous avons ici une institution fédérale qui a défendu de façon exceptionnelle, tout au long de son histoire remarquable, l'intégrité de l'indépendance des poursuites, sans avoir à restructurer de fond en comble le ministère de la Justice.

On nous dit qu'il y aura un coût unique à la réinstallation du personnel et du matériel du service fédéral des poursuites du ministère de la Justice, à un site qui est encore inconnu, où se trouvera le Bureau du directeur des poursuites publiques. À quel coût? Les coûts de la mise en œuvre de l'ensemble des dispositions du projet de loi C-2 sont nombreux. Financièrement, ils ont été établis à 57 millions de dollars, mais quelle part de cette somme sera un coût inutile que devront éponger les contribuables pour un projet du gouvernement qui, essentiellement, n'accomplit rien?

On nous dit 23 millions de dollars, et je tiens pour acquis que ces projections financières seront dépassées. Qu'en est-il des coûts humains et professionnels? Les relations interpersonnelles seront sacrifiées à cause de cette réintégration imposée. Qu'en est-il de la relation de travail continue entre le service fédéral des poursuites et le service de développement des politiques au ministère de la Justice même?

Honorables sénateurs, permettez-moi de résumer la Partie III de ce projet de loi. La loi crée le Bureau du directeur des poursuites pénales, qui ne relèverait pas du ministère de la Justice. La loi confère au directeur des poursuites pénales le pouvoir d'intenter des poursuites pour des infractions à des lois et à des règlements fédéraux, y compris aux nouvelles dispositions relatives aux fraudes qu'il est proposé d'intégrer par voie d'amendement à la Loi sur la gestion des finances publiques. La loi donne au directeur des poursuites pénales le pouvoir de prendre la décision finale et exécutoire d'intenter des poursuites ou non, sauf si le procureur général lui ordonne d'agir autrement par un avis écrit public.

La loi exige que le directeur des poursuites pénales présente au procureur général un rapport annuel qui sera déposé au Parlement. L'article pertinent du projet de loi C-2 présentant la Loi sur le directeur des poursuites pénales, présenté à la partie 3 du Sommaire du projet de loi, se lit comme suit :

[...] édicte la Loi sur le directeur des poursuites pénales, qui prévoit la nomination du directeur des poursuites pénales ainsi que d'un ou de plusieurs adjoints. Ce nouveau texte confère au directeur la charge d'engager et de mener, pour le compte

de l'État, des poursuites pénales qui relèvent de la compétence du procureur général du Canada. Il a aussi le pouvoir de décider, en dernier ressort, d'intenter ou non les poursuites, sous réserve des directives éventuelles du procureur général du Canada, lesquelles doivent être données par écrit et publiées dans la Gazette du Canada. Il est nommé à titre inamovible pour un mandat de sept ans qui ne peut être renouvelé et est, pour l'exercice de ses attributions, sous-procureur général du Canada. Il est désormais responsable à la place du commissaire aux élections fédérales de la conduite des poursuites pour infraction à la Loi électorale du Canada.

Certains termes sont lourds de sens dans cet énoncé. Premièrement, les mots « engager » et « mener »; deuxièmement, l'autorité du directeur de décider, en dernier ressort, d'intenter ou non les poursuites sous réserve des directives éventuelles du procureur général du Canada; troisièmement, l'obligation pour le procureur général de publier les motifs de ses directives; quatrièmement, la durée du mandat de sept ans, qui ne peut être renouvelé; cinquièmement, la responsabilité de la poursuite des conduites pour infraction à la Loi électorale du Canada.

Il importe de répéter qu'au sein du service fédéral des poursuites, le principe de l'indépendance du procureur général est fermement ancré dans notre appareil judiciaire, généralement respecté et minutieusement sauvegardé.

L'avocat-conseil de la Couronne exerce son indépendance à titre de représentant du procureur général. Ainsi, l'indépendance de l'avocat-conseil de la Couronne est une indépendance déléguée et la Couronne se réserve une mesure de discrétion importante dans les cas particuliers. Ils sont responsables des décisions qu'ils prennent.

(1540)

Le procureur général est donc redevable au Parlement et au public pour les décisions prises en son nom.

L'interaction des principes d'indépendance, de reddition de comptes et de consultation signifie que ce qui est protégé est un système décisionnel de l'appareil judiciaire, dont le procureur fait partie intégrante. Une grande indépendance est conférée à l'avocat- conseil de la Couronne, mais pas la discrétion absolue.

Bien qu'au Canada le ministre de la Justice et le procureur général fassent partie du même portefeuille, les fonctions de ce dernier sont uniques du fait qu'à titre de membre du Cabinet, le détenteur de ce poste est considéré comme indépendant, exerçant des responsabilités semblables à celles d'un juge.

Le manuel des politiques du service fédéral des poursuites le précise en indiquant que l'indépendance absolue du procureur général, dans la décision de poursuivre et dans l'établissement de la politique sur les poursuites, est un principe constitutionnel important en Angleterre et au Canada.

Comme la Cour suprême du Canada l'a affirmé dans la cause Law Society of Alberta c. Krieger :

Un principe constitutionnel veut que le procureur général agisse indépendamment de toute considération partisane lorsqu'il supervise les décisions d'un procureur du ministère public.

En 1925, Viscount Simon, procureur général d'Angleterre, affirmait :

Selon moi, le devoir du procureur général est le suivant. Il doit absolument refuser de recevoir des ordres de poursuivre de la part du premier ministre, du Cabinet ou de toute autre personne. Son premier devoir est de veiller à ce que personne ne soit poursuivi à moins que le procureur général, en sa qualité de chef du Barreau, ne soit convaincu qu'il doit poursuivre. Il ne devrait recevoir d'ordres de personne.

Donc, honorables sénateurs, l'indépendance du procureur général et les règles politiques et lois qui entourent le ministère public fédéral sont solidement ancrées, à un point tel que la proposition de créer le Bureau du directeur des poursuites pénales a laissé plus d'un témoin perplexe.

À titre d'ancien sous-ministre, Arthur Kroeger a déclaré ceci au comité :

Je ne vois pas très bien quel problème cela vise à résoudre. Vous avez un sous-ministre de la Justice; vous avez un sous- ministre adjoint qui est responsable des poursuites. La quasi- totalité du travail en matière de poursuites relève du Code criminel et des provinces. Je me demande pourquoi l'on a pensé que ce poste était nécessaire.

En vertu du nouveau projet de loi, le directeur des poursuites, le DPP, continuera de mener des poursuites pour les infractions de compétence fédérale, avec des tâches élargies, notamment en vertu de nouvelles dispositions sur la fraude proposées par des modifications à la Loi sur la gestion des finances publiques, qui établit les infractions pour fraude contre la Couronne commises par des agents et des employés du gouvernement. Comme je l'ai déjà mentionné, le DPP se chargera également des poursuites dans le cas des infractions à la Loi électorale.

Lorsqu'on examine les motifs du gouvernement pour modifier le système judiciaire, il est difficile de suivre sa logique. D'une part, le gouvernement affirme que le système actuel ne présente aucune lacune. Le sous-ministre délégué du ministère de la Justice a indiqué au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles que le système s'est avéré un fidèle gardien de l'indépendance du procureur.

D'autre part, il impose de nouvelles responsabilités fonctionnelles, un nouveau processus de nominations et divise le ministère de la Justice en deux. On nous dit que cela ne changera rien aux relations fédérales-provinciales.

On nous dit qu'il ne s'agit en réalité que d'un changement de nom pour donner plus de crédibilité à l'ouverture, à la transparence et à la reddition de comptes, mais en pratique, cela crée une nouvelle bureaucratie ministérielle.

On nous dit que le procureur général conservera son indépendance, mais qu'il peut annuler une décision du DPP, pourvu qu'il publie ces directives — mais pas, semble-t-il, les motifs sous-jacents à ces directives. La publication peut être retardée si le procureur général le juge à propos.

Pourtant, malgré tout, le DPP doit toujours présenter un rapport annuel au procureur général, pour qu'il soit déposé au Parlement.

Honorables sénateurs, on pardonnera aux lecteurs du projet de loi C-2 de se sentir déroutés quant aux intentions du gouvernement. Comme je l'ai mentionné, on nous dit que rien ne changera. Pourtant, Michel Bouchard, du ministère de la Justice, s'est demandé si nous devions « attendre qu'il y ait un scandale avant de créer une institution qui donne, en apparence et en réalité, une plus grande indépendance au directeur des poursuites pénales ».

Le ministre de la Justice et le procureur général ont déclaré au comité sénatorial permanent que le gouvernement n'insinuait pas « que l'indépendance du ministère public fédéral a été compromise [...] Nous ne sommes pas ici pour corriger des problèmes qui se sont déjà posés... »

[Traduction]

Son Honneur le Président : C'est à regret que je signale à l'honorable sénateur que son temps de parole est écoulé.

Le sénateur Poulin : Puis-je demander une prolongation?

Le sénateur Comeau : Cinq minutes.

[Français]

Le sénateur Poulin : Je poursuis la citation : « Nous ne sommes pas ici pour corriger des problèmes qui se sont déjà posés, mais pour prévenir ceux qui pourraient survenir à l'avenir. »

La question qui se pose ici est de déterminer si le gouvernement a le pouvoir de prémonition. Si oui, pourquoi ne préparerait-il pas cette éventualité d'une façon plus simple et plus directe — en modifiant la Loi sur le ministère de la Justice?

Honorables sénateurs, j'ai identifié plusieurs questions portant justement à confusion. Le manque de temps m'empêche de les soulever toutes. Mais un point très important a été mentionné par le sénateur Baker. Une disposition troublante dans cette loi est le fait que le directeur des poursuites pénales a l'attribution « d'engager et de mener les poursuites pour le compte de l'État, sauf celles qui sont prises en charge par le procureur général ».

Rappelons-nous que la Cour suprême du Canada a jugé que la séparation entre les fonctions de la police et celles du ministère public constitue un principe bien établi dans notre système de justice pénale et que ce principe doit être protégé à tout prix.

[Traduction]

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, je crois avoir lu la transcription de toutes ou de presque toutes les délibérations du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles concernant ce projet de loi et je suis plein d'admiration à l'égard du travail prodigieux qu'a effectué le comité, sans parler de la rigueur dont il a fait preuve et de l'attention qu'il a apportée aux détails et au principe de cette mesure législative. Quelle que soit l'opinion qu'on ait des diverses recommandations contenues dans le rapport du comité, nous ne pouvons accuser les membres du comité d'avoir manqué de conscience professionnelle et nous pouvons tous nous enorgueillir et tirer de la satisfaction de ce rapport.

Nous sommes actuellement saisis d'un projet de loi modifié à l'étape du rapport par l'ajout des recommandations du comité. J'ai l'intention de proposer plusieurs amendements à l'étape de la troisième lecture dans le but d'annuler certains des amendements adoptés hier ainsi que certaines des dispositions d'origine du projet de loi C-2. Je vais d'abord vous énumérer ces amendements et, avec votre indulgence, j'expliquerai ensuite pourquoi je les propose.

Premièrement, je rétablirais la disposition concernant la commission des nominations publiques pour la ramener à la version que les rédacteurs ont proposée à l'étape de la première lecture de ce projet de loi d'initiative ministérielle. Aux termes de mon amendement, la nomination de cette commission et la portée de son mandat relèveraient entièrement de la discrétion du gouvernement. Par conséquent, mon amendement supprimerait les articles définissant le mandat de la commission et donnant au Parlement un rôle à l'égard des nominations à la commission.

Deuxièmement, dans la même foulée, je supprimerais du projet de loi le processus ridicule et alambiqué de consultation et d'approbation visant la nomination d'un directeur des poursuites pénales pour laisser la décision à qui elle revient, c'est-à-dire au gouverneur en conseil, sur la recommandation du procureur général. Laissons-le et laissons-les répondre de leur décision.

(1550)

Troisièmement, je supprimerais du projet de loi toutes les dispositions concernant le financement politique. Quatrièmement, je supprimerais du projet de loi l'essentiel des modifications à la Loi sur l'accès à l'information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

En proposant ces amputations au projet de loi, je me soulage de préoccupations qui m'accablent depuis un certain temps, préoccupations qui n'ont pas pour source ce projet de loi ni même ce gouvernement, mais qui ont atteint un point culminant en ce sens que le débat actuel sur ce projet de loi me permet de les exprimer.

L'une de mes préoccupations est que, dans nos efforts visant à accroître la reddition de comptes, nous brouillons la distinction entre gouvernement et Parlement et que nous nuisons par le fait même aux rôles essentiels, mais distincts, du gouvernement et du Parlement. La remontrance de Gladstone à l'endroit de son caucus parlementaire mérite d'être répétée et retenue : « Vous n'êtes pas ici pour gouverner, mais plutôt pour demander des comptes à ceux qui gouvernent. » Comment les membres de la Chambre des communes ou du Sénat peuvent-ils tenir le gouvernement responsable de ses décisions s'ils sont partie prenante à des décisions qui sont la prérogative de l'exécutif? Pour faire une réponse courte, nous ne le pouvons pas.

La commission des nominations publiques qui est proposée est un exemple typique. Je n'ai jamais pensé que cette idée était beaucoup plus qu'une jolie couverture pour de véritables nominations partisanes au sens littéral et propre du terme. Le comité de la Chambre des communes a ajouté à l'organisme proposé ce qu'un Canadien célèbre aurait pu qualifier de « semblant de légitimité », en prétendant rédiger ce qui devait être son mandat, et a aggravé la faute en proposant un amendement exigeant du premier ministre qu'il consulte le chef de chacun des partis reconnus à la Chambre des communes avant de nommer une personne à la commission. Ne voulant pas s'avouer vaincu, le comité sénatorial a recommandé que la constitution de la commission soit obligatoire. Autrement dit, ce n'est pas une mesure que le premier ministre « peut » prendre, mais qu'il doit « prendre ».

En vertu de l'amendement que je vais présenter, la constitution de la commission et les nominations à cette commission seront tout à fait discrétionnaires. Le premier ministre peut bien penser qu'il a besoin d'une telle commission pour agir, mais le Parlement n'a pas à intervenir. Le rôle des parlementaires ne consiste pas à protéger le premier ministre quand les prérogatives du Cabinet sont exercées. Le Parlement est là pour exiger que le premier ministre et le Cabinet rendent compte de leurs actes.

La création de la charge de directeur des poursuites pénales est un autre exemple. Cette mesure peut être nécessaire ou pas — probablement pas — et elle peut améliorer le système actuel et elle peut aussi ne pas le faire — qui sait? J'attire l'attention de tous sur le processus. Ce dernier suppose la participation de la Fédération des ordres professionnels de juristes, d'un représentant de chacun des partis reconnus à la Chambre des communes, des sous-ministres de la Justice et de la Sécurité publique, et d'une personne choisie par le procureur général. Une liste de candidats est raccourcie au terme d'une évaluation minutieuse, elle est ensuite soumise à l'étude d'un comité parlementaire avant de revenir au procureur général et au Cabinet.

Selon notre appareil gouvernemental, le procureur général devrait consulter s'il le juge bon, faire rapport à ses collègues du Cabinet et recommander le nom d'une personne pour occuper le poste en question. Si le gouvernement et le procureur général nommaient un voyou à ce poste, ils seraient tenus responsables. Selon le processus compliqué énoncé dans le projet de loi, si un voyou était nommé, qui le Parlement et les Canadiens blâmeraient-ils? Serait-ce la Fédération des ordres professionnels de juristes, le représentant de chacun des partis reconnus à la Chambre des communes, les sous- ministres ou le comité parlementaire? Il faudrait cocher « toutes les réponses », ce qui revient à dire que tout le monde est responsable, ou personne ne l'est.

Sauf erreur, je crois que ce sont Gilbert et Sullivan qui ont écrit : « Quand tout le monde est quelqu'un, c'est que personne n'est quelqu'un. »

Loin d'appuyer la recommandation du comité sénatorial visant à diluer davantage la responsabilité politique du ministre, je rejetterais la responsabilité sur ceux à qui elle appartient, soit uniquement le procureur général et ses collègues du Cabinet. C'est précisément ce que fera l'amendement que je vais proposer.

Honorables sénateurs, le projet de loi est censé présenter d'autres réformes visant notre financement politique et nos lois électorales. Le comité a recommandé d'amender les propositions du gouvernement. Je suis plus persuadé par l'argument du professeur Peter Aucoin, qui a dit au comité que ces propositions n'ont pas leur place dans le projet de loi omnibus C-2 et devraient plutôt être prises en considération dans le cadre d'un examen d'ensemble des lois sur le financement électoral et politique. Mes amendements supprimeraient non seulement les amendements proposés par le comité, mais aussi toutes les dispositions du projet de loi ayant trait au financement politique et aux élections.

Pendant plus de 40 ans, j'ai observé de près et appuyé les réformes visant notre processus politique, y compris celles que préconise depuis un certain nombre d'années notre ami, le sénateur Di Nino. Je me souviens clairement des efforts opiniâtres, difficiles et finalement fructueux du regretté Nelson Castonguay, directeur général des élections dans les années 1960, pour mettre un terme aux entourloupettes des divers partis au cours du redécoupage de la carte électorale et mettre en place un processus impartial respectueux de la démocratie électorale. Sur l'initiative du gouvernement Pearson, le Parlement avait officiellement donné son accord. Dans les années qui ont suivi, le Parlement a imposé des plafonds aux dépenses des candidats et des partis, mis en place des remboursements après les élections pour les candidats et les partis admissibles, exigé la divulgation des contributions électorales et prévu de généreux crédits d'impôt pour les contributions versées aux partis politiques et aux candidats. Nous avons réglementé les dépenses électorales des tiers partis et tenté de garantir à tous les candidats un accès équitable à la publicité diffusée à la télévision et à la radio.

Plus récemment, nous avons limité les contributions politiques des particuliers et des sociétés; nous finançons les partis politiques en puisant directement dans le Trésor public; et nous réglementons les campagnes à la direction des partis et les activités des associations de circonscription. Alors que, au départ, nous tentions d'assurer des pratiques électorales équitables, nous en sommes venus à essayer de réglementer, au point d'en faire la microgestion, peut-être, tout le processus politique au moyen d'une bureaucratie, à Ottawa. Il nous faut nous demander si nous ne sommes pas allés trop loin. Avons- nous bureaucratisé le système au point que les citoyens se détournent de l'activité des partis dans leurs circonscriptions, alors qu'il s'agissait jusqu'ici d'un exercice de participation civique intéressante à la fois socialement et intellectuellement? Avons-nous imposé un fardeau réglementaire impossible aux bénévoles des 308 circonscriptions du Canada qui assurent la vitalité des partis? Si oui, il faut marquer un temps d'arrêt, prendre du recul et reconsidérer ce que nous avons fait.

Honorables sénateurs, je ne crois pas qu'il soit possible ni judicieux d'apporter des modifications importantes avant les prochaines élections. Nous devons toutefois nous poser des questions difficiles. Quel degré de financement public du processus politique est nécessaire? Ou souhaitable? Quel degré d'ingérence et de réglementation des activités des partis politiques, y compris dans les congrès des partis, les assemblées d'investiture et les congrès de direction, est nécessaire ou souhaitable? Une réglementation à outrance et la bureaucratisation mènent-elles à une centralisation excessive dans les partis? Les limites imposées aux contributions empêcheront-elles des partis de s'étendre au-delà de leur base démographique, géographique ou culturelle particulière? Est-ce juste? Est-ce démocratique? L'examen de nos lois sur le financement politique et les élections, que j'estime nécessaire, doit se faire, à mon avis, et l'amendement que je propose retirerait du projet de loi C-2 les diverses dispositions sur le financement politique, dans l'espoir que se fasse un examen de tout ce domaine fondé sur des principes et un examen de notre démocratie électorale et parlementaire fondé sur des principes, confié à des personnes qui ont l'expérience pertinente.

Au fil des ans, le Parlement a créé divers postes dont on désigne parfois à tort les titulaires comme des mandataires du Parlement : le vérificateur général, le commissaire à l'information, le commissaire à la protection de la vie privée, le commissaire aux langues officielles et le directeur général des élections. Avec les années, nous avons élargi leur mandat, augmenté leur budget et généralement appuyé leurs activités. Le projet de loi C-2 en ajouterait plusieurs autres, dont un commissaire au lobbying et un ombudsman de l'approvisionnement. Ici encore, j'estime que le Parlement doit prendre du recul et étudier l'histoire de ces entités, individuellement et collectivement, pour connaître leur impact sur la gouvernance et sur notre système de gouvernement. Il y a lieu de nous demander si ces mandataires et serviteurs du Parlement ne sont pas en train de devenir des acteurs autonomes qui trouvent leur validation auprès des groupes d'intérêts, des organisations professionnelles et des médias. Sont-ils en train d'échapper à la longue au Parlement, comme l'exécutif l'a fait? Je crois que nous devons être l'affût et nous méfier d'une culture de fanatisme, d'une tendance à se bâtir un empire, d'une attitude gagnant-perdant dans la poursuite de valeurs qu'il faut concilier avec d'autres principes et valeurs également valables.

Ces fonctions plaisent bien aux parlementaires, lorsqu'ils siègent dans l'opposition. Lorsqu'ils prennent les rênes du pouvoir, ils ont une idée plus nette de la façon dont les activités de ces mandataires, même si elles reposent sur les meilleures intentions qui soient, peuvent nuire à la bonne gestion des affaires publiques. À ce propos, la recommandation du comité qui vise, au nom de l'accès à l'information, à amender le projet de loi pour obliger le vérificateur général et les ministères à produire les versions provisoires des rapports de vérification et d'autres documents de travail internes va, selon moi, trop loin sur le plan des principes et serait inapplicable et stérile dans les faits.

(1600)

Les « Observations » déposées par le comité jeudi dernier critiquent les dispositions du projet de loi C-2 qui concernent la Loi sur l'accès à l'information. Le sous-commissaire à l'information aurait dit que c'est de la poudre aux yeux. Je retirerais du projet de loi à peu près toutes les modifications de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, dans l'attente de l'étude plus fondamentale qui me semble s'imposer. Le gouvernement a déjà déposé aux Communes un document de travail sur la Loi sur l'accès à l'information. Les modifications apportées par le projet de loi semblent donc prématurées. La commissaire à la protection de la vie privée réclame un report de l'entrée en vigueur des modifications qui visent son commissariat.

Par conséquent, honorables sénateurs, j'ai quatre séries d'amendements à proposer à l'étape de la troisième lecture. S'il vous convient de procéder comme le sénateur Mercer l'a fait, je vais simplement indiquer ce qui est en cause ici sans énumérer chacune des dispositions à supprimer.

MOTIONS D'AMENDEMENT

L'honorable Lowell Murray : En ce qui concerne la commission des nominations publiques, je propose, avec l'appui du sénateur Atkins :

Que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'alinéa 227 a)...

Je communiquerai les textes anglais et français aux greffiers.

En ce qui concerne la Loi électorale du Canada et le financement des partis politiques, je propose, avec l'appui du sénateur Atkins :

Que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié, aux articles 39 à 64 et à l'article 108, aux pages 52 à 65, 93 et 94.

Je vais également remettre cette série d'amendements aux greffiers.

Dans le cas du directeur des poursuites pénales, je propose, avec l'appui du sénateur Atkins :

Que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 121.

Et les détails se trouvent dans la motion d'amendement.

Au sujet de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, je propose, avec l'appui du sénateur Atkins :

Que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'égard d'un certain nombre d'articles et de lignes qui sont énumérés de façon détaillée dans la motion que je remets maintenant aux greffiers.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Murray propose, avec l'appui de l'honorable sénateur Atkins :

Que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'alinéa 227...

Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Murray, avec l'appui de l'honorable sénateur Atkins, propose :

Que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié a) par suppression...

Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Murray, avec l'appui de l'honorable sénateur Atkins, propose :

Que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 121...

Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Murray, avec l'appui de l'honorable sénateur Atkins, propose que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié aux articles 91, 98, 108... Puis- je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Y a-t-il d'autres interventions?

L'honorable Daniel Hays (leader de l'opposition) : Puis-je poser une question au sénateur Murray ou est-il trop tard?

Son Honneur le Président : Le temps de parole est écoulé. Le sénateur Murray voudra peut-être demander une prolongation.

Le sénateur Murray : Si la Chambre le permet, j'aimerais avoir plus de temps.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Cinq minutes.

Le sénateur Hays : Honorables sénateurs, je félicite le sénateur Murray de son discours et de ses amendements. Ils ramèneraient le gouvernement à un stade antérieur de l'élaboration du projet de loi sur la responsabilité. Je pense que l'opposition a essayé d'attirer l'attention sur certains points, comme le financement politique, par exemple, afin de déterminer les effets de la limitation des contributions actuelles, ce qui permettrait au directeur général des élections et à son bureau de produire un rapport.

Cela étant dit, il a été difficile pour l'opposition de ne pas accepter certaines propositions à cause de la question de politique qui s'est posée.

Ma question porte sur la nomination d'un directeur des poursuites pénales et la création d'une commission des nominations publiques, qui ne serait pas discrétionnaire. Par rapport à ce que le sénateur a dit, il faut également considérer que le gouvernement devrait être responsable de ses nominations et en assumer la responsabilité au moment des élections, s'il a fait de mauvais choix.

Il est certainement avantageux d'essayer de faire en sorte que les nominations soient les meilleures possibles. Les étapes supplémentaires de consultation, obligatoires dans le cas du SCRS ou d'autres, pourraient être utiles si l'on souhaite avoir les meilleures nominations possible. Ce serait sûrement dans l'intérêt public. Qu'est-ce que le sénateur en pense?

Le sénateur Murray : Je dirai simplement que nous sommes allés trop loin en ce qui concerne certaines des dispositions que le sénateur a déjà mentionnées. Je crois que notre système s'est considérablement détérioré ces dernières années. J'aurais tendance à laisser ses prérogatives à l'exécutif et à permettre au Parlement, en particulier la Chambre des communes, mais aussi le Sénat, de retrouver les prérogatives qui lui appartiennent et que nous avons laissé s'affaiblir au fil des ans. C'est le principe sur lequel je me base.

Je comprends bien le point de vue du sénateur selon lequel une exception peut être justifiée dans tel ou tel cas, mais en définitive, nous serions ainsi impliqués dans des affaires pour lesquelles le gouvernement devrait être tenu responsable. Nous ne devrions donc pas nous en mêler.

Au sujet de la Loi électorale du Canada et du financement politique, je dis simplement que l'étude dont je crois que nous avons besoin est de loin plus fondamentale que l'examen détaillé auquel se livre le directeur général des élections sur la façon exacte dont la loi a été appliquée dans une situation donnée. L'étude que nous devons mener est beaucoup plus fondamentale et couvre presque tous les aspects de notre démocratie électorale. Elle devrait être réalisée par des gens ayant acquis de l'expérience en première ligne.

Le sénateur Hays : Un dernier point, s'il reste encore du temps. Il s'agit du processus de nomination du conseiller sénatorial en éthique. Le sénateur Murray convient-il que ce processus est adéquat?

Le sénateur Murray : Oui, j'appuie la recommandation du comité à cet égard. Je n'ai pas trouvé dans les témoignages du comité un seul argument pouvant me convaincre qu'il est sage, prudent ou efficace de nommer un seul commissaire à l'éthique pour la Chambre des communes, le Sénat et tous les autres titulaires de charges publiques.

(Sur la motion du sénateur Fraser, le débat est ajourné.)

[Plus tôt]

VISITEUR DE MARQUE À LA TRIBUNE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je voudrais attirer votre attention sur la présence à la tribune d'un membre très éminent du Conseil privé de Sa Majesté, notre ancien collègue, l'honorable sénateur Alasdair Graham.

(1610)

[Français]

LE SÉNAT

ADOPTION DE LA MOTION TENDANT À PROLONGER LA SÉANCE DE MERCREDI ET À AUTORISER LES COMITÉS À SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement), conformément à l'avis du 6 novembre 2006, propose :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat du 6 avril 2006, lorsque le Sénat siégera le mercredi 8 novembre 2006, il poursuive ses travaux après 16 heures et qu'il suive la procédure normale d'ajournement conformément au paragraphe 6(1) du Règlement;

Que les comités sénatoriaux devant se réunir le mercredi 8 novembre 2006 soient autorisés à siéger même si le Sénat siège, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

PROJET DE LOI SUR LE REGISTRE DES INSTRUMENTS MÉDICAUX

DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Mac Harb propose que le projet de loi S-221, Loi prévoyant l'établissement et la tenue d'un registre national des instruments médicaux, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, une crise menace de plus en plus Santé Canada et les Canadiens, une crise qu'il serait possible d'éviter en agissant tout de suite. Elle a trait au mandat de protection de la santé et de la sécurité des Canadiens confié à Santé Canada, que compromet l'absence d'un registre national des instruments médicaux.

À mesure que des dispositifs médicaux nouveaux et de plus en plus perfectionnés sont mis en marché, le gouvernement doit veiller non seulement à fournir aux Canadiens des produits sûrs et efficaces, mais aussi à les informer en cas de défaillance de ces dispositifs. À défaut d'un registre national contenant les coordonnées des patients, il est tout simplement impossible pour le gouvernement de s'acquitter de cette responsabilité.

Les statistiques révèlent qu'un Canadien sur dix porte sur lui un implant médical d'une forme ou d'une autre. Il est bien possible, honorables sénateurs, que la proportion soit un peu plus élevée dans cette salle.

Les chirurgiens orthopédistes canadiens font beaucoup plus d'opérations de reconstruction de la hanche et du genou qu'il y a dix ans, 87 p. 100 de plus, pour être précis. Les statistiques américaines montrent que cette tendance s'accentuera. D'ici 2030, le nombre de reconstructions du genou aux États-Unis devrait augmenter de 673 p. 100, et celui des reconstructions de hanche de 174 p. 100.

Ce n'est pas seulement l'utilisation d'implants et de prothèses qui est en hausse. Chaque année, des milliers de Canadiens de plus se font prescrire des dispositifs médicaux tels que des glucomètres ou des bouteilles d'oxygène portatives. Le vieillissement de la population, l'augmentation de l'obésité et le perfectionnement des techniques médicales devraient contribuer à une hausse généralisée de l'utilisation de dispositifs médicaux.

[Français]

Le terme « instruments médicaux », tel que défini dans la Loi sur les aliments et drogues, couvre un large éventail d'instruments médicaux utilisés dans le traitement, la réduction, le diagnostic ou la prévention d'une maladie ou d'une affection physique.

Santé Canada examine les matériels médicaux afin d'évaluer leur sécurité, leur efficacité et leur qualité avant qu'ils soient autorisés sur le marché canadien.

En 2005, 4 284 nouveaux instruments médicaux ont reçu une autorisation de mise en marché de Santé Canada. Malheureusement, honorables sénateurs, la même année, 555 instruments défectueux ont été signalés à Santé Canada, et ce, malgré des tests rigoureux et des directives très strictes.

Certains instruments ne peuvent être vraiment testés que lorsqu'ils sont utilisés. À cause de toutes les variables possibles, il arrive que des instruments soient défectueux. Le projet de loi dont il est question aujourd'hui vise à atténuer l'impact de ces défectuosités.

Selon le Règlement sur les instruments médicaux de la Loi sur les aliments et drogues, le fabricant doit garder un registre des patients ayant reçu certains implants, comme les valvules cardiaques, un stimulateur cardiaque ou un cœur artificiel. L'information est recueillie, avec le consentement du patient, par les professionnels de la santé et envoyée au fabricant.

Pour les instruments médicaux autres que des implants, le fabricant, l'importateur et le distributeur doivent tenir un registre de distribution qui contient l'information pour autoriser le retrait complet et rapide de l'instrument médical du marché. Il est prouvé que ce système n'est malheureusement pas sans faille.

Par exemple, si un fabricant, un importateur ou un distributeur cesse ses activités à la suite d'une fermeture ou d'une faillite ou qu'il perd les données de distribution en raison d'une panne informatique ou de problèmes imprévus, tous les registres de distribution de l'instrument pourraient être perdus.

Enfin, le règlement exige que le fabricant signale au ministre de la Santé tout incident malheureux lié — et je cite — « à une défaillance de l'instrument, une dégradation de son efficacité ou un étiquetage ou mode d'emploi défectueux ».

Mais il y a un autre problème. Santé Canada diffuse ces avertissements, avis de santé publique et autres avis de l'industrie en tant que services aux professionnels de la santé, aux consommateurs et aux autres parties intéressées.

Lorsque Santé Canada reçoit un avis, il publie l'avertissement et l'affiche sur son site Internet. Le consommateur en prend-il connaissance? Il n'y a aucun moyen d'en être sûr. Même s'il est important, ce procédé à lui seul ne remplace pas un registre des instruments.

[Traduction]

La vérificatrice générale, Sheila Fraser, a fait valoir que, en tant que gouvernement, nous devrions mieux contrôler les instruments médicaux. Dans son rapport de mars 2004, la vérificatrice générale affirmait :

Bien que Santé Canada ait amélioré certains aspects importants de la gestion des risques liés aux matériels médicaux avant leur mise en marché, il doit mieux gérer les risques liés aux matériels après leur mise en marché.

Elle dit plus loin :

[...] le Ministère ne dispose pas d'un programme complet pour protéger les Canadiens contre les risques associés aux matériels médicaux, et ce, même s'il s'était engagé à se doter d'un tel programme il y a plus de dix ans. Faute d'instaurer ce type de programme, Santé Canada met en péril sa capacité de protéger la santé des Canadiens et d'assurer leur sécurité, ce qui pourrait se traduire par une augmentation des risques, tant en matière de santé que de responsabilité.

Ce risque est bien réel. En fait, des patients ont souffert de ces conséquences et demandent maintenant aux tribunaux d'en imputer la responsabilité à Santé Canada.

Honorables sénateurs, j'aimerais vous parler d'une femme du nom de Judi Logan, qui est devenue le symbole des défaillances de notre programme concernant les dispositifs médicaux. Mme Logan s'est fait implanter une mâchoire Vitek, en 1985, à Hamilton. Son problème avant l'implant était relativement mineur : sa mâchoire claquait et elle avait des maux de tête en raison d'une maladie qu'on appelle le syndrome de Costen.

Son état s'est beaucoup aggravé après l'implant. En 1995, l'implant de Mme Logan, ou ce qu'il en restait, a été retiré. L'implant en téflon s'était désagrégé, ce qui avait amené son système immunitaire à attaquer son propre corps. Huit ans après le retrait de l'implant, Mme Logan devenait aveugle d'un œil. Elle a subi six interventions chirurgicales de reconstruction faciale et maxillaire, et prend dix pilules par jour pour contrôler la douleur intense.

Quand le dispositif a été rappelé, en 1990, le chirurgien devait aviser Mme Logan, en vertu du Règlement sur les instruments médicaux, que son implant était défectueux, mais il n'a pas donné suite à l'avertissement concernant l'innocuité. Il aurait dit qu'il ne l'avait pas contactée parce que, selon lui, il ne « pensait pas que c'était urgent ». Effectivement, elle a entendu parler du rappel lors d'un examen de routine chez le dentiste.

(1620)

Depuis, Mme Logan et d'autres ont intenté un recours collectif contre Santé Canada. Elle dit que Santé Canada n'a pas fait assez pour la protéger. Quand son cas a fait l'objet d'un reportage à l'émission Marketplace, sur le réseau anglais de Radio-Canada, Mme Logan a résumé la situation comme suit :

Nous avons eu un avis de rappel pour la fourgonnette, pour les ressorts, mais jamais pour la mâchoire. Ça n'a aucun sens.

Selon Terrie Cowley, de la TMJ Association aux États-Unis, la catastrophe des implants de mâchoire est un cas typique de l'incapacité du gouvernement, des professionnels de la santé et des entités commerciales à protéger ces patients. Si un registre des implants avait existé en 1983 quand le premier dispositif Vitek a été implanté, on aurait su, six mois plus tard, qu'il entraînerait des problèmes et on aurait cessé de l'utiliser. Un nombre minimum de patients auraient été touchés et, au moins, tout le monde aurait été prévenu.

Honorables sénateurs, si on créait un registre national des dispositifs médicaux, Santé Canada pourrait être proactif et diffuser des renseignements précis sur les dispositifs médicaux dont l'utilisation a été approuvée au Canada. Ce registre permettrait aux gens de recevoir rapidement, d'une source unique, des renseignements fiables sur les défaillances graves de ces dispositifs qui pourraient mettre la vie des patients en danger.

Penchons-nous quelques instants sur la façon dont ce registre national de dispositifs médicaux fonctionnerait. Ce dernier contiendrait, si les patients y consentaient — il est important de préciser que l'inscription dans cette base de données serait entièrement volontaire —, le nom et l'adresse des personnes qui ont reçu un dispositif médical en implant ou qui utilisent sur ordonnance un dispositif médical à domicile. Elles seraient libres de donner leurs coordonnées afin qu'on leur transmette les avis de sécurité ou qu'on fasse le suivi et l'évaluation de ces dispositifs médicaux.

[Français]

Les données personnelles contenues dans le registre ne seraient jamais divulguées pour quelque raison que ce soit sans la permission écrite et le consentement éclairé de la personne. Ultimement, le registre donnerait aux autorités de Santé Canada les informations nécessaires pour contacter les patients rapidement en cas de rappel ou de défectuosité de l'instrument. Le Canada ne s'attend à rien de moins et ne mérite rien de moins.

[Traduction]

Il existe déjà des registres volontaires pour les instruments médicaux. Il y a actuellement des registres pour les remplacements d'articulations au Canada, en Suède, en Finlande, en Norvège, au Danemark et en Hongrie. La Nouvelle-Zélande, l'Australie et l'Angleterre évaluent l'implantation de tels registres. Si le Sénat, la Chambre des communes et le gouvernement décidaient d'instaurer un registre national des instruments médicaux, nous serions le premier pays au monde à avoir un tel registre et nous pourrions en faire un modèle pour le reste de la planète.

Il y a deux semaines à peine, une organisation appelée la Biomedical Research and Education Foundation, ou BREF, a annoncé qu'elle allait former un comité national en vue d'établir un registre national des instruments médicaux aux États-Unis. BREF soulignait la très forte augmentation du nombre de personnes utilisant des instruments médicaux, l'augmentation exponentielle du nombre d'erreurs liées à ces instruments et, le plus important, la blessure ou la mort chaque année de plus de 400 Américains en raison de défectuosités de ces instruments.

Cette importante initiative est un travail de collaboration entre BREF, des universités, des associations médicales, l'industrie et le gouvernement. Il me semble, honorables sénateurs, que le Canada pourrait bénéficier d'une approche multidisciplinaire comparable.

La mise sur pied de registres donne lieu à des difficultés d'ordre pratique, comme la gestion des données, l'accès à ces données et leur confidentialité, mais aucune n'est insurmontable et j'irais jusqu'à dire qu'il y a un rapport coûts-bénéfices nettement positif pour les contribuables, particulièrement si nous tenons compte des coûts pour nos systèmes de santé et de justice, déjà surchargés, en raison d'un mauvais suivi des instruments médicaux et des personnes qui les utilisent.

Les spécialistes appuient le registre. En fait, le docteur William Maloney, du département d'orthopédie de la faculté de médecine de l'Université de Washington, réclame un registre pour les États-Unis. D'après ses travaux de recherche, si un registre permettait de réduire d'aussi peu que de 5 p. 100 le nombre total de révision de remplacements de la hanche, cela permettrait d'économiser plus de 30 millions de dollars par année. Et on ne parle que de remplacement de la hanche. Multipliez cela par le nombre d'instruments médicaux et par le nombre d'interventions de réparation complexes pouvant être évitées par un registre efficace et les économies deviendraient beaucoup plus apparentes pour les contribuables canadiens.

Par conséquent, le registre, en plus de sauver des vies, permettrait d'économiser de l'argent. Comme le cas de Mme Logan l'illustre on ne peut mieux, les soins de santé personnels et les coûts juridiques qu'entraîne un instrument médical inapproprié sont astronomiques et dévastateurs, tant pour la personne que pour la société.

Honorables sénateurs, je suis fier de pouvoir compter sur la collaboration à cette initiative de notre collègue, le sénateur Keon. Son discernement et son expérience du domaine médical ajoutent énormément au projet de loi et à l'objectif qui est d'aider les Canadiens à vivre plus longtemps et en meilleure santé.

Honorables sénateurs, j'ai hâte d'entendre vos observations sur l'établissement d'un registre national des instruments médicaux. D'après les statistiques, il est fort possible que vous, un membre de votre famille ou l'un de vos amis soyez l'utilisateur d'un appareil médical défectueux dans les jours ou les années qui viennent. Chacun de nous doit faire tout ce qu'il peut aujourd'hui pour que le système soit en place afin d'empêcher ce qui serait un lamentable échec en matière de santé publique.

Honorables sénateurs, je sollicite votre appui en faveur du renvoi de ce projet de loi au comité, afin que nous puissions explorer ses avantages pour le système de santé et pour la santé de tous les Canadiens.

Son Honneur le Président : Y a-t-il des questions ou des observations?

L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition) : Le sénateur Harb accepterait-il une question? Laissez-moi d'abord dire que l'idée m'apparaît formidable. L'incident que le sénateur a relaté concernant Mme Logan inscrit cette idée dans la réalité. Cependant, deux questions me sont venues à l'esprit.

La première va de soi : le sénateur sait-il combien pourrait coûter la tenue de ce registre? Voici ma deuxième question : si le registre est volontaire, est-ce que le projet de loi renferme des dispositions pour s'assurer que les personnes qui reçoivent ces dispositifs soient avisées à l'avance du fait qu'elles peuvent s'inscrire et obtenir des renseignements sur le mode d'inscription? Autrement dit, le projet de loi prescrirait-il la simplification du système pour ceux qui veulent vraiment s'inscrire?

Le sénateur Harb : Je vous remercie de ces questions extrêmement pertinentes. Je vais traiter de la dernière partie de la question concernant le caractère volontaire du registre.

Santé Canada exige maintenant d'un fabricant ou d'une société qui vend des instruments médicaux l'inscription des noms du fournisseur des services ou du médecin et de l'hôpital où les interventions sont effectuées. Santé Canada exige en outre de la société ou du fabricant qu'il avise le patient en cas de problème. Le système est volontaire parce que, peu importe si cela fait notre affaire ou non, il y a des gens qui refusent de divulguer des renseignements personnels. Partant du même principe, je dis que si l'on établit un système national, on doit appliquer les mêmes critères en raison de la confidentialité.

Pour ce qui est des coûts, les États-Unis ont constaté qu'en cas d'établissement d'un système, tel qu'un registre national, si le système devait réduire d'à peine 5 p. 100 le nombre des remplacements de la hanche, il s'autofinancerait et permettrait même au Trésor américain une économie de près de 30 millions de dollars. Il est uniquement question ici de remplacements de la hanche. Pensons à l'ensemble des remplacements, qui sont au nombre d'environ 4 000 chaque année au Canada, et aux complications qui font suite à ces interventions.

(1630)

Le Dr Keon, qui s'y connaît beaucoup mieux que moi dans ce domaine, puisqu'il a fait de nombreuses transplantations, vous dira que les coûts liés à des complications sont énormes. Par conséquent, lorsqu'on regarde les coûts d'établissement d'une base de données qui, dans un sens, serait volontaire, et les économies que celle-ci permettrait de réaliser, le registre n'entraînerait pas des coûts, mais plutôt des économies.

Au bout du compte, si cela est fait dans le cadre d'un partenariat multipartite, il est concevable que l'on demande à l'industrie d'apporter une contribution, parce qu'à l'heure actuelle, celle-ci tient le registre, envoie des avis, entre autres. Il n'y a pas de raison pour que l'industrie ne soit pas appelée à contribuer à un registre national. En conséquence, les coûts pour le Trésor seraient tout à fait minimes.

(Sur la motion du sénateur Keon, le débat est ajourné.)

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Austin, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Carstairs, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-215, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu afin d'accorder des allégements fiscaux.—(L'honorable sénateur Tkachuk)

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour discuter du projet de loi S-215, parrainé par le sénateur Austin. Cette mesure propose de réduire d'un demi-point de pourcentage le taux marginal d'imposition le plus faible et d'apporter des améliorations mineures à la mise en place progressive prévue d'une exemption personnelle de base plus élevée.

Le projet de loi S-215 est une tentative par les sénateurs libéraux de faire adopter une réduction d'impôt qu'ils n'ont pas été capables de mettre en œuvre. C'était un repentir de la dernière heure, mais c'était bien trop peu, bien trop tard. Même si les gens ont voté en faveur des réductions d'impôt de l'autre parti — notre parti —, le sénateur Austin estime qu'ils devraient quand même bénéficier de la réduction fiscale des libéraux, parce que, après tout, c'est une réduction d'impôt des libéraux.

Je voulais, en introduction de ce deuxième paragraphe, faire taire tout soupçon par les sénateurs d'en face selon lequel ce sont les ministères qui écrivent mes discours depuis que nous formons le gouvernement.

Vous vous souviendrez que le même parti a promis en 1993 qu'il allait faire baisser les impôts en supprimant la TPS, ce qu'il n'a pas fait. Les libéraux tentent maintenant de mettre en œuvre une réduction d'impôt après avoir perdu les élections. Au cours de nombreuses années de budgets excédentaires, les réductions d'impôt qu'ils ont réussi à mettre en œuvre étaient, dans bien des cas, financées par des cotisations d'assurance-emploi artificiellement élevées. Même la vérificatrice générale s'est crue obligée de commenter cette agression éhontée à l'égard des travailleurs du Canada, ceux-là même qui ont payé en trop pour équilibrer les comptes et qui ont payé en trop à nouveau pour permettre des réductions d'impôt sur le revenu.

Les libéraux ont par la suite imposé une taxe de 10 p. 100 aux revenus allant jusqu'à 40 000 $ pour financer ce que l'on appelle, avec indulgence, la réforme du Régime de pensions du Canada. Ils ont gelé l'exemption personnelle visant le RPC qui, auparavant, augmentait en fonction du coût de la vie. À l'avenir, elle ne vaudra plus rien. Voilà les résultats de 13 ans de gouvernement libéral en matière de réduction d'impôt. Ce n'est qu'à la toute fin — au moment où ils pataugeaient dans le scandale et la corruption, où ils distribuaient des enveloppes d'argent comptant dérobé en fraude du Trésor public à des candidats qui risquaient de perdre leurs sièges et qui les ont perdus effectivement — que les libéraux ont promis de réduire d'un point de pourcentage l'impôt sur le revenu des particuliers.

Vous vous souviendrez que, durant les dernières élections, ils se sont opposés à nos réductions d'impôt. Pour eux, une réduction de la TPS était une chose terrible et ils s'opposaient à l'idée de remettre de l'argent entre les mains des familles pour qu'elles prennent leurs propres décisions en matière de garde d'enfants. D'après eux, les bureaucrates, et non les parents, étaient les seuls à savoir comment il fallait élever des enfants.

Par ailleurs, le Parti libéral a critiqué nos réductions d'impôt durant la campagne et à la Chambre et puis, dans un revirement soudain, il a voté en faveur de notre budget à la Chambre des communes. Donc, même dans l'opposition, les libéraux n'ont pas su tenir parole. Ils avaient tellement l'habitude de ne pas respecter leurs promesses qu'ils n'ont pas pu s'en empêcher.

Le gouvernement actuel, dès le départ, a réduit l'impôt des Canadiens de diverses façons. Nous avons réduit la TPS pour que tous les Canadiens bénéficient d'un allégement fiscal. Avec 9 milliards de dollars de moins à payer en TPS au cours des deux prochaines années, les Canadiens vont constater qu'ils bénéficient d'une économie d'impôt importante lorsqu'ils passent à la caisse.

De fait, le gouvernement actuel a mis en œuvre dans son budget de mai une version plus généreuse des propositions fiscales de janvier. Par exemple, nous avions dit au départ, durant la campagne électorale, que le plus bas taux marginal d'imposition serait maintenu à 16 p. 100, mais le budget a annoncé qu'il serait de 15,5 p. 100. Ainsi, à la suite de notre premier budget, les Canadiens de ma province, la Saskatchewan, dont je salue l'ardeur au travail, auront plus d'argent en poche qu'ils n'en ont jamais eu sous le Parti libéral, qui surtaxe les bonnes gens de la Saskatchewan depuis des années.

D'un autre côté, notre gouvernement offre un allégement du fardeau fiscal bien réel qui arrive à point nommé. Il fait une différence pour tous les citoyens de la province, quel que soit leur âge ou leur niveau de revenu. En fait, le premier budget de notre gouvernement annonçait un allégement du fardeau fiscal de près de 20 milliards de dollars aux Canadiens au cours des deux prochaines années, soit plus que les quatre derniers budgets fédéraux réunis. Surtout, les réductions d'impôt étaient deux fois supérieures aux nouvelles dépenses.

Notre gouvernement a prévu un nouveau crédit canadien pour emploi qui permet aux travailleurs canadiens de gagner 1 000 $ supplémentaires, en plus de l'exemption personnelle de base, avant de payer de l'impôt fédéral, ce qui leur permettra d'épargner 155 $ par année. Le gouvernement a doublé le crédit pour revenu de pension, ce qui permet aux aînés admissibles d'épargner jusqu'à 1 055 $. Honorables sénateurs, 85 000 pensionnés seront ainsi rayés du rôle d'imposition et n'auront plus à payer d'impôt sur le revenu. En fait, l'année prochaine, les habitants de ma province, la Saskatchewan, paieront 250 millions de dollars de moins d'impôt.

En outre, la Prestation universelle pour la garde d'enfants offre à toutes les familles 1200 $ par année pour chaque enfant de moins de six ans. On met ainsi entre les mains des parents de la Saskatchewan 85 millions de dollars pour la prochaine année.

Nous avons également offert aux Canadiens un crédit d'impôt pour le recours aux transports en commun, un encouragement pour qu'ils laissent leur automobile chez eux. Étant donné que ce ne sont pas tous les Canadiens qui peuvent utiliser les transports en commun, il convient également de mentionner que le fait d'avoir ramené la TPS à 6 p. 100 épargne aux automobilistes canadiens environ 220 millions de dollars par année à la pompe.

Permettez-moi de parler du crédit d'impôt pour manuels scolaires qui profitera à deux millions d'étudiants canadiens, qui pourront ainsi économiser plus de 260 millions de dollars au cours des deux prochaines années.

Honorables sénateurs, les libéraux ont essayé de prétendre que leur plan fiscal était plus avantageux pour les Canadiens à faible revenu. Cela a fait l'objet de quelques discours au Sénat. Pourtant, le fait demeure que leur plan ne fait rien pour les 32 p. 100 de Canadiens qui ne paient absolument pas d'impôt sur le revenu. Seul le plan fiscal des conservateurs profite à tous les Canadiens.

Permettez-moi de revenir sur le projet de loi S-215. Le fait est que le montant personnel de base pour les deux prochaines années établi dans le budget est plus généreux que ce que l'on retrouve dans le projet de loi du sénateur Austin, lorsqu'on calcule son impôt à payer, ce que les sénateurs feront tous sous peu.

En 2009, le plan libéral prévoyait un montant personnel de base de 10 000 $ qui aurait réduit les impôts de 1 500 $. Notre plan est d'avoir un montant personnel de base de 10 000 $ qui réduira les impôts de 1 550 $. Si on regarde les choses de cette façon, les changements proposés par le sénateur Austin n'offriraient aucun allégement fiscal réel. En fait, pour l'année en cours, les Canadiens ayant un revenu de 30 000 $ qui profiteront des divers crédits d'impôt offerts par le gouvernement actuel, crédits qui sont universels, paieront 2 881 $ d'impôt comparativement à 2 863 $ selon le plan libéral. Cela veut dire qu'on paierait 18 $ de moins selon le plan libéral, mais si on tient compte des économies additionnelles de 200 $ qu'une personne gagnant moins de 30 000 $ réalisera en raison de la réduction de la TPS, selon les estimations des économistes, cela veut dire qu'une personne dans cette tranche de revenu paiera 182 $ de moins en impôt que ce qu'elle aurait payé selon le plan libéral.

Il va sans dire que les personnes gagnant plus de 30 000 $ réaliseront des économies encore plus importantes. Les personnes âgées réaliseront aussi des économies puisque, dans le budget, nous doublons le crédit pour revenu de pension, le faisant passer de 1 000 $ à 2 000 $, ce qui fera épargner 155 $ en impôt aux pensionnés.

Honorables sénateurs, le printemps dernier, pour la première fois en une douzaine d'années, on a présenté un budget pour le Canadien moyen, pour les gens qui travaillent fort pour bâtir ce pays et qui ont reçu très peu de cadeaux d'Ottawa ces dernières années. Si le but de ce projet de loi est d'offrir des allégements fiscaux, il a donc déjà été atteint, mais d'une manière différente de ce que le sénateur aurait voulu voir et grâce à un gouvernement différent.

(1640)

Qui plus est, les réductions d'impôt annoncées dans le budget de mai ne sont qu'un début. Je peux le dire parce que le gouvernement est convaincu que les excédents imprévus doivent être consacrés prioritairement au remboursement de la dette et à la réduction des impôts fédéraux. C'est le plan conservateur. En revanche, le plan libéral consiste en un accroissement des dépenses gouvernementales et en la création de nouveaux programmes dans des domaines où le gouvernement fédéral n'est pas le mieux placé pour intervenir.

Les sénateurs de ce côté-ci souscrivent aux principes que le sénateur Austin embrasse dans son projet de loi. Malheureusement, nous ne devons pas perdre de vue le cadre financier. Nous souscrivons aussi au principe du gouvernement responsable, mais je crois qu'il ne permet pas l'adoption d'un projet de loi d'initiative parlementaire qui présente des mesures fiscales. Cela ne peut que mettre le cadre financier sens dessus dessous.

Compte tenu de ces réflexions et du fait que l'on ait accordé aux Canadiens des réductions d'impôt, je n'appuie pas le projet de loi S- 215 et je demande aux sénateurs de ne pas l'appuyer.

L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition) : Les nobles envolées rhétoriques du sénateur Tkachuk relativement aux enveloppes bien garnies me rappellent l'ancien premier ministre conservateur, qui a reconnu avoir reçu des montants élevés dans des enveloppes d'un individu controversé. Elles me rappellent aussi que notre gouvernement a institué une commission royale d'enquête lorsqu'il est devenu apparent qu'il y avait eu dérapage. Il me tarde de voir le jour où le gouvernement conservateur instituera une commission royale de cette nature. Cela dit, je propose l'ajournement du débat en gardant le temps de parole qui me reste.

(Sur la motion du sénateur Fraser, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI SUR LA RECONNAISSANCE DE L'AUTONOMIE GOUVERNEMENTALE DES PREMIÈRES NATIONS

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur St. Germain, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Segal, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-216, Loi prévoyant la reconnaissance par la Couronne de l'autonomie gouvernementale des premières nations du Canada. —(L'honorable sénateur Austin, C.P.)

L'honorable Jack Austin : Honorables sénateurs, en ce qui concerne le projet de loi S-216 qu'a présenté le sénateur St. Germain, permettez-moi d'aller directement au but. Ce projet de loi mérite d'être adopté à l'étape de la deuxième lecture et d'être renvoyé au comité sénatorial compétent pour qu'il l'étudie attentivement. Il convient de féliciter le sénateur St. Germain de sa persévérance dans l'avancement de ce projet de loi, particulièrement son principe d'autonomie gouvernementale des Premières nations. L'organisation, l'application et la gestion de ce principe comportent de nombreux enjeux et le comité devra les étudier attentivement.

Je m'intéresse depuis assez longtemps aux questions liées aux droits autochtones pour vouloir que les dirigeants nationaux des Premières nations soient non seulement consultés au sujet du caractère souhaitable de ce projet de loi, mais également qu'ils appuient le principe et soient prêts à collaborer avec le Sénat pour créer une mesure législative qui, selon eux, aidera les diverses Premières nations à accéder à l'autonomie gouvernementale. Sans l'engagement actif des Premières nations et de leurs dirigeants nationaux, ce projet de loi n'aurait qu'un intérêt théorique.

Par conséquent, je suis heureux d'informer les sénateurs que le 25 octobre 2006, le chef national de l'Assemblée des Premières Nations, Phil Fontaine, a écrit au sénateur St. Germain et à moi pour nous aviser de ce qui suit :

Je vous écris pour vous demander de m'aider à obtenir que le Comité sénatorial permanent des peuples autochones examine le projet de loi S-216 et me donne la possibilité de m'expliquer clairement à ce sujet cet automne.

Le projet de loi S-216 découle directement des recommandations du Comité Penner, qui a déposé son rapport sur l'autonomie gouvernementale des Autochtones à la Chambre des communes en novembre 1983, recommandations reprises par la Commission royale sur les peuples autochtones dans son rapport et qui recoupent indirectement le rapport sénatorial intitulé Forger de nouvelles relations (le rapport Watt).

Malgré ces recommandations et la nécessité criante d'abattre les obstacles qui empêchent depuis longtemps les Autochtones de jouir d'une autonomie gouvernementale digne de ce nom, l'objet du projet de loi S-216 n'a pas fait l'objet de l'étude et de l'analyse qu'il mérite. Les Premières nations n'ont pas été consultées ou informées comme elles auraient dû l'être au sujet du projet de loi parce qu'il n'émane pas du gouvernement, et le Sénat est notre unique espoir d'être entendus. Je crois que les audiences du Comité feraient considérablement avancer le dossier de l'autonomie gouvernementale des Autochtones. Elles permettraient aux Premières nations de recommander des amendements qui renforceraient le projet de loi.

J'espère, Messieurs les Sénateurs, que vous ferez en sorte que le Comité examine le projet de loi dans les meilleurs délais.

Honorables sénateurs, quelques observations supplémentaires figurent dans la lettre du 25 octobre 2006 et je demande votre consentement pour que le texte intégral de la lettre soit annexé aux délibérations d'aujourd'hui.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : D'accord.

(Le texte de la lettre figure en annexe, p. 1180.)

Le sénateur Austin : À l'ouverture du débat en deuxième lecture sur le projet de loi S-216, le sénateur St. Germain a présenté aux sénateurs des informations de base utiles sur la question de l'autonomie gouvernementale des Premières nations. Ceux d'entre nous qui étudieront la question en détail trouveront éclairants les documents historiques et démographiques auxquels le sénateur St. Germain fait référence.

La Loi sur les Indiens, adoptée peu après la Confédération, considérait les bandes et les communautés indiennes en grande partie comme des dépendants ayant besoin de la direction et de l'administration du gouvernement fédéral, qui a alors nommé des agents des sauvages pour administrer leurs affaires. Ce système d'agent des sauvages, comme on les appelait, s'est imposé de lui- même sur les modèles de gouvernance historiques, réduisant ainsi la capacité de ces gens en matière d'autosuffisance et de gouvernance. Plusieurs bandes ont, bien sûr, maintenu leurs modèles historiques, mais souvent avec difficulté.

Plus tard, la Loi sur les Indiens a été modifiée pour prévoir des élections au sein des bandes, ce qui, avec le temps, a fait naître certains conflits avec les pratiques historiques du leadership héréditaire et les pouvoirs et décisions réservés aux agents des sauvages et au ministre responsable.

L'une des plus grandes expériences que j'ai vécues depuis le début de ma carrière parlementaire a été ma participation en tant que membre du Comité spécial mixte sur la Constitution. Nous avons siégé pendant plus de six mois, en 1980-1981, pour nous pencher sur les propositions faites par le gouvernement Trudeau à l'égard du rapatriement de la Constitution et de l'adoption d'une Charte des droits. Notre collègue, le sénateur Joyal, représentait la Chambre des communes à titre de coprésident, et le regretté sénateur Harry Hays représentait le Sénat. Je me souviens que le sénateur Corbin était également un membre permanent du comité mixte en tant que député à la Chambre des communes.

Le sénateur Corbin : J'étais whip.

Le sénateur Austin : C'était le whip.

L'un des aspects importants du travail du comité mixte a porté sur la préparation de l'article 35 de la Loi constitutionnelle qui a officiellement confirmé les droits des Indiens, des Inuits et des Métis du Canada, la détermination précise de tous les aspects de ces droits étant remise à plus tard.

À partir de ce moment, une partie du débat a porté sur la définition du concept de l'autonomie gouvernementale des Autochtones. S'agit-il d'un droit inhérent inscrit à l'article 35, ou d'un droit pouvant faire l'objet de négociations, pouvant être défini dans le cadre d'une entente et créé par une loi et même être défini en tant que droit constitutionnel par une mesure législative adoptée par le Parlement fédéral et l'assemblée législative provinciale agissant avec l'approbation de la communauté des Premières nations, tel que le prévoit la Loi constitutionnelle?

C'était le cas de l'Accord définitif Nisga'a de 1998 qui a été adopté par le Parlement. Le Sénat a adopté en troisième lecture le projet de loi sur l'Accord définitif Nisga'a le 13 avril 2000, après une étude approfondie et un long débat. Après ratification de l'accord par l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique et les membres de la communauté Nisga'a, le droit du peuple Nisga'a à l'autonomie gouvernementale est devenu un droit constitutionnel selon les termes de l'Accord définitif Nisga'a.

Quand il a présenté le projet de loi S-216, le 15 juin 2006, le sénateur St. Germain s'est prononcé en faveur du concept de droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, tel qu'il est défini à l'article 35 de la Loi constitutionnelle. La Commission royale sur les peuples autochtones a appuyé cette conclusion. Les tribunaux canadiens, y compris la Cour suprême du Canada, ont certes rendu des décisions reconnaissant l'existence de droits inhérents, mais aucun d'entre eux n'a encore conclu que l'un de ces droits inhérents était le droit à l'autonomie gouvernementale.

(1650)

Cependant, la question de savoir si les tribunaux en viendront un jour à cette conclusion n'a pas vraiment de rapport avec le principe du projet de loi S-216. L'Accord définitif Nisga'a, le projet de loi C- 9, nous montre la voie pour créer des droits constitutionnels relatifs à l'autonomie gouvernementale des Premières nations. Comme le sénateur St. Germain l'a dit :

Le projet de loi prévoit un mécanisme simple permettant au Canada de reconnaître les gouvernements des Premières nations qui veulent cette reconnaissance.

Il dit plus loin :

[...] le but du projet de loi est d'établir un cadre et un mécanisme qui permettront au Parlement de conférer au gouvernement fédéral le pouvoir et le mandat législatif de reconnaître les Premières nations ainsi que les droits et pouvoirs de leurs gouvernements, de leurs institutions et d'autres organismes.

Honorables sénateurs, l'Accord définitif Nisga'a, le projet de loi C-9, était à ce moment-là un processus exceptionnel qui ne faisait pas partie d'une politique générale ou d'un système législatif. À l'époque, en 1999 et 2000, des sénateurs ont soulevé des questions au sujet du droit inhérent ou de tout droit à l'autonomie gouvernementale, et ils ont également mis en doute la validité constitutionnelle de ce qu'ils ont appelé un « troisième ordre de gouvernement ».

Je me réjouis que ce projet de loi tente d'établir un fondement législatif similaire au traité conclu avec les Nisga'as afin que les Premières nations qui sont prêtes à établir une constitution d'autonomie gouvernementale puissent le faire à l'avenir sans devoir recourir à des mesures législatives spéciales et particulières.

Je suis heureux que le sénateur St. Germain ait présenté ce projet de loi. J'espère que cela indique que l'actuel gouvernement conservateur et les collègues du sénateur du côté du gouvernement au Sénat appuient en principe cette question. Le sénateur aura tout le loisir de confirmer cet appui lorsque le projet de loi S-216 sera renvoyé au comité.

Avant de conclure, je veux dire aux honorables sénateurs que les Nisga'as administrent leurs propres affaires de manière remarquable en vertu de l'Accord définitif Nisga'a. Ils tracent la voie et montrent le rôle et les avantages de l'autonomie gouvernementale.

Les sénateurs se rappellent peut-être que la Colombie-Britannique n'a pas, sauf à de rares occasions, l'expérience des traités et des règlements en matière de revendications territoriales, contrairement au reste du Canada. Les Premières nations de la Colombie- Britannique demandent depuis un certain temps la reconnaissance de terres historiques et de droits inhérents.

Il y a plus de 20 ans, les gouvernements fédéral et provincial, avec la collaboration de certains groupes autochtones, ont créé la Commission des traités de la Colombie-Britannique afin de favoriser des négociations entre les deux gouvernements et chaque communauté autochtone. Ce ne fut pas facile, des millions de dollars ont été dépensés et peu d'accords ont été conclus. Toutefois, à la fin du mois dernier, le premier accord définitif depuis le début du processus en 1992 a été signé. Les Lheidli T'enneh, une bande qui vit près de Prince George, ont pris une décision historique, qui exigera la ratification par au moins 70 p. 100 des membres votants de la bande et 50 p. 100 plus une voix de ceux qui sont admissibles à voter. L'accord est également signé par le gouvernement de la Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral, représenté par l'honorable Jim Prentice, ministre des Affaires indiennes. Cela incitera peut-être d'autres groupes de négociation à suivre l'exemple, notamment la bande de Tsawwassen, qui est près de conclure un accord.

Au lieu d'exiger que les Lheidli T'enneh utilisent la même voie législative que les Nisga'as, il serait possible, si le Parlement agit promptement, d'adopter le projet de loi S-216. L'accord définitif des Lheidli T'enneh serait le premier de toute une série d'accords qui seraient conclus dans le cadre du projet de loi. L'Assemblée législative de la Colombie-Britannique et d'autres assemblées législatives provinciales pourraient aussi adopter des projets de loi semblables.

Les sénateurs devraient adopter le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture pour que le comité puisse en commencer rapidement l'étude détaillée. La participation et l'appui des dirigeants nationaux des Premières nations sont une condition préalable à la réussite du projet de loi. Par le passé, le sénateur Watt et moi avons proposé une étude qui serait réalisée par le Sénat et les citoyens comme étape clé des consultations afin de faciliter les dernières étapes de l'étude au comité sénatorial. Je recommande cette idée au sénateur St. Germain en sa qualité de parrain du projet de loi S-216 et de président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

C'est une procédure parfaitement acceptable d'inviter certaines personnes à siéger à un comité sénatorial, non comme membres, mais d'y siéger tout de même pour apporter une aide supplémentaire. J'ai toutefois clairement précisé que ces personnes ne pouvaient en aucun cas participer aux décisions sur les recommandations du comité sénatorial.

Je dois hélas conclure par une triste nouvelle. L'un des grands dirigeants autochtones réformateurs de la Colombie-Britannique, Frank Calder, est décédé le samedi 4 novembre, à l'âge de 91 ans. Il était un chef héréditaire des Nisga'as et il a été l'un de leurs chefs de file dans leur lutte pour l'autonomie gouvernementale et financière. Son nom restera longtemps dans les annales juridiques autochtones, en raison d'une cause célèbre, Calder c. Procureur général de la Colombie-Britannique.

Dans cette cause, les Nisga'as ont soutenu que leurs droits à l'égard des terres qu'ils occupaient dans le Nord-Ouest de la Colombie-Britannique depuis des temps immémoriaux n'avaient jamais été éteints. En 1973, la Cour suprême a rendu sa décision : trois juges en faveur du titre autochtone, trois contre, le septième estimant qu'il était impossible de trancher parce que la bonne procédure n'avait pas été suivie.

Devant cette issue, le gouvernement Trudeau a décidé de revenir sur sa position antérieure selon laquelle il n'existait pas de titre autochtone. À compter de ce moment, la politique et la pratique fédérales ont reconnu les titres autochtones comme fondement des relations futures avec la collectivité autochtone. Ce fut en fait le fondement de l'article 35 de la Constitution.

Frank Calder s'est distingué de bien d'autres façons. En 1949, il a été le premier député autochtone élu à l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique. Au début des années 1970, il a été le premier ministre autochtone à siéger au Cabinet, dans le gouvernement du premier ministre néo-démocrate Dave Barrett. Avant la fin de sa carrière, il a été décoré de l'Ordre du Canada et de l'Ordre de la Colombie-Britannique, et il a reçu un doctorat honorifique de l'Université de la Colombie-Britannique. L'œuvre de sa vie a été achevée le 13 avril 2000, date où le Sénat a adopté le projet de loi C- 9 sur l'Accord définitif Nisga'a.

Honorables sénateurs, j'appuierai avec plaisir le projet de loi S- 216 et j'invite mes collègues à le renvoyer au comité après en avoir approuvé le principe.

L'honorable Gerry St. Germain : Je remercie le sénateur d'avoir pris aujourd'hui la parole pour appuyer le projet de loi S-216. J'ai une ou deux questions à lui poser.

J'ai déjà affirmé ici, au Sénat, que peu m'importait le nom qui figure sur le projet de loi. Je tiens seulement à ce qu'il soit étudié jusqu'au bout et à ce qu'il soit adopté dans l'intérêt des peuples autochtones. Je parle en toute sincérité.

Je sais que le sénateur a déjà siégé à certains comités dans des cas particuliers, notamment pour l'étude de l'accord nisga'a. Il a été détaché auprès du comité, où il a siégé. Compte tenu de l'influence qu'il a exercée sur son parti pendant la période historique où il a siégé ici — période considérable — et compte tenu de ses états de service, estime-t-il être en mesure de convaincre le Parti libéral de collaborer à la recherche d'une solution et d'adopter le projet de loi? Serait-il disposé à siéger au comité, pour le faire profiter de ses compétences de sénateur libéral?

Je crois honnêtement que le sénateur Austin peut apporter beaucoup à cette cause grâce à son expérience. Nous voulons travailler ensemble. Qu'il s'agisse de l'eau potable, du logement pour les peuples autochtones ou de leur capacité de prendre en main leur destinée, ce n'est qu'en travaillant ensemble au Sénat que nous pourrons nous dresser fièrement devant le monde entier et prétendre que nous sommes vraiment un grand pays. Nous ne serons jamais un grand pays si nous n'arrivons pas à régler les problèmes qui se posent chez nous, à veiller sur les peuples autochtones et à les aider.

J'ai deux questions à poser au sénateur Austin. Premièrement, j'espère qu'il jugera bon de siéger au comité, pour peu que nous réussissions à y faire renvoyer le projet de loi assez tôt. Deuxièmement, le sénateur croit-il être en mesure de convaincre ses collègues de l'autre côté de l'importance de cette mesure, importance dont lui et moi sommes convaincus?

(1700)

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je suis d'avis que le projet de loi S-216 est tout à fait conforme aux orientations stratégiques du Parti libéral et des gouvernements libéraux que j'ai appuyés. Phil Fontaine, le chef national de l'Assemblée des Premières Nations, a parlé du rapport Penner, qui avait été rédigé à la suite de la Commission royale sur les peuples autochtones de 1983. Je me souviens très bien de l'enthousiasme que j'avais ressenti lorsque le comité de la Chambre des communes avait déposé ce rapport. J'ai passé la majeure partie de ma vie publique à promouvoir l'autonomie gouvernementale et financière des collectivités autochtones, ainsi que leur capacité à administrer leurs soins de santé et leurs écoles, afin qu'elles puissent s'intégrer pleinement au tissu social du Canada.

Je ne peux parler que pour moi-même, bien entendu, mais j'aimerais dire au sénateur St. Germain que, en plus d'appuyer cet engagement du gouvernement, je ferai de mon mieux pour solliciter l'appui des sénateurs de mon parti.

Le sénateur St. Germain : Merci, sénateur Austin.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Le sénateur Austin : Je serai heureux de répondre à d'autres questions et j'espère que le sénateur St. Germain proposera que le projet de loi S-216 soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

L'honorable David Tkachuk : J'ai été intrigué et ravi d'apprendre que le sénateur Austin appuie le projet de loi et que le Parti libéral souscrit à son objectif général. Comme les honorables sénateurs le savent, le projet de loi S-216 existe depuis une dizaine d'années. J'ai moi-même présenté des projets de loi similaires à deux reprises et le sénateur St. Germain en est à sa troisième ou à sa quatrième tentative. Pendant tout ce temps, je n'ai jamais entendu le Parti libéral dire qu'il appuyait ne serait-ce que le principe du projet de loi. Je suis très heureux que cette grande transformation soit survenue, car le projet de loi S-216 pourra maintenant faire l'objet d'un examen juste et raisonnable.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, premièrement, j'ai été beaucoup plus aimable envers le sénateur St. Germain à l'égard du projet de loi S-216 que ne l'a été le sénateur Tkachuk envers moi à l'égard du projet de loi S-215. Deuxièmement, je signale que, bien qu'elle ait heureusement échoué, l'opposition a lutté avec vigueur pour empêcher l'adoption de la première loi d'envergure sur l'autonomie gouvernementale des Autochtones, l'Accord définitif Nisga'a. Les archives en témoignent, alors il n'est pas nécessaire que je cite ou que je nomme qui que ce soit. L'adoption du projet de loi C-9 avait nécessité plus de six mois de débat au Sénat.

Il a fallu beaucoup de temps pour établir le principe de l'autonomie gouvernementale des Autochtones. À l'époque, les sénateurs libéraux ne s'opposaient pas au projet de loi C-9, l'Accord définitif Nisga'a sur l'autonomie gouvernementale. Il y a eu cependant des questions sur les chevauchements de revendications, la principale question que le sénateur St. Germain a abordée.

Honorables sénateurs, je n'ai aucune hésitation à renvoyer ce projet de loi au comité, et c'est ce que nous proposons de notre côté.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

[Français]

RÉGIE INTERNE, BUDGETS ET ADMINISTRATION

ADOPTION DU SIXIÈME RAPPORT DU COMITÉ

Le Sénat passe à l'étude du sixième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (augmentation économique), présenté au Sénat le 2 novembre 2006.—(L'honorable sénateur Furey)

L'honorable Pierre Claude Nolin propose que le rapport soit adopté.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Traduction]

L'ÉTUDE SUR L'ÉTAT ACTUEL ET LES PERSPECTIVES D'AVENIR DE L'AGRICULTURE ET DES FORÊTS

RAPPORT PROVISOIRE DU COMITÉ DE L'AGRICULTURE ET DES FORÊTS—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'étude du troisième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, intitulé La politique agricole et agroalimentaire au Canada : Les agriculteurs d'abord!, déposé au Sénat le 21 juin 2006.—(L'honorable sénateur Gustafson)

L'honorable Leonard J. Gustafson : Honorables sénateurs, j'ai abordé il y a quelques jours cette question très importante qu'est la politique agricole et agroalimentaire, et plus précisément, les recommandations formulées par notre comité. Je tiens à remercier la présidente du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, madame le sénateur Fairbairn, et tous les membres du comité. Il s'agit réellement d'un excellent comité. Nous avons entendu une vingtaine de témoins, y compris le ministre Strahl, le ministre Emerson et le ministre Lunn, qui nous ont donné d'excellents exposés détaillant leurs suggestions en matière d'orientation stratégique. Nous avons aussi entendu des représentants de la Commission canadienne du blé et d'autres groupes agricoles qui ont témoigné devant le comité. Nous avons eu de très bonnes audiences.

Je voudrais parler aujourd'hui des recommandations formulées par le comité dans son troisième rapport. Honorables sénateurs, j'insiste sur l'importance de l'agriculture. J'avais commencé par dire que la terre produit assez bien tout ce que l'on peut imaginer. Que ce soit le poisson, le pétrole et le gaz, le bois d'œuvre, l'agriculture ou les mines, tout nous vient de la terre. Quand on examine l'histoire du Canada, on se rend compte que les Canadiens ont été négligents. Je vais aborder cette question du point de vue de l'environnement et de toutes les choses qui ne se réalisent pas dans le domaine de l'utilisation des ressources renouvelables. Cela en soi mérite beaucoup d'attention.

Je voudrais citer ici les recommandations formulées par le comité : qu'en plus de programmes de stabilisation du revenu, d'assurance production et de gestion des risques d'entreprise, le gouvernement mette en œuvre pour les quatre prochaines années un programme de paiements directs calculés en fonction de la superficie et des rendements historiques. L'un des problèmes que nous avons eus en ce qui a trait à nos programmes, dont plusieurs ont été établis par différents gouvernements, c'est qu'ils ont été beaucoup trop compliqués. Les programmes devraient être plus simples.

Les sénateurs pourraient s'interroger sur les fonds à investir dans l'agriculture. Je me rappelle que l'ancien député Don Mazankowski avait dit une fois, alors que nous examinions la question de l'agriculture, il y a bien des années, qu'un dollar investi dans l'agriculture circule 24 fois dans toute l'économie. Aujourd'hui, nous ne tenons plus compte de ce fait. Nous ne pensons qu'aux coûts, au lieu d'envisager ce que l'agriculture rapporte. Qu'est-ce que cela signifie? Si vous donnez un dollar à un agriculteur, il ira acheter un camion, un tracteur, un semoir, et cetera. Ses achats contribuent à la création d'emplois. Si on ne crée pas d'emplois, le Canada en souffre. Il est extrêmement important de le faire.

Sous le gouvernement de l'ancien premier ministre Brian Mulroney, nous avons eu une période de sécheresse. Je dirigeais le comité chargé de cette question dans l'Ouest à ce moment. Il y avait tellement de sauterelles sur les routes que la chaussée était une vraie patinoire. Nous avons transmis nos recommandations au premier ministre, après quoi le gouvernement a effectué des paiements basés sur la superficie. C'était très simple et très direct, et l'administration était réduite à sa plus simple expression. Voilà de quoi nous avons besoin actuellement.

(1710)

Je voudrais aller un peu plus loin. La seconde recommandation concerne un projet de loi sur l'agriculture canadienne. Les sénateurs n'aimeront peut-être pas l'entendre, mais les États-Unis ont un Farm Bill qui précise l'orientation de l'agriculture pour les dix prochaines années. Au Canada, nous avons besoin de quelque chose qui soit stable, surtout à cause de l'économie mondialisée à laquelle nous sommes confrontés. Nous n'avons pas une loi de ce genre. Au Canada, notre approche est fragmentaire. C'est ce que notre comité sénatorial a dit. Dans notre pays, nous avons 167 millions d'acres de terres agricoles. Les Canadiens doivent se rendre compte que cette richesse ne vaut rien sans les agriculteurs, qui sont les mieux placés pour s'occuper de ces terres.

Lorsque je suis arrivé à Ottawa pour la première fois en 1979, il y a 27 ans, je suis allé au buffet du cinquième étage. C'était le seul endroit ouvert. J'y suis donc allé pour jeter un coup d'œil. La première personne que j'ai rencontrée était Tommy Douglas. Nous étions seuls. Il m'a fait signe et m'a dit : « Len, j'ai à vous parler. » Comme je n'étais pas d'accord avec lui sur beaucoup de choses, j'ai pensé qu'il allait me servir un long discours politique sur la situation, mais ce n'était pas cela. Il a dit : « Len, la Saskatchewan a un grand avenir. » Il a ensuite parlé du pétrole et d'autres choses. Il a ajouté : « La Saskatchewan a 40 p. 100 des terres cultivées du Canada. » Il m'a ensuite expliqué à quel point cela était important. S'il avait été vivant aujourd'hui, je crois qu'il secouerait la tête et dirait que nous avons laissé les choses aller trop loin.

Je dois dire une chose au sujet du gouvernement de Tommy Douglas. Il avait l'habitude d'aller voir les agriculteurs, de s'asseoir avec eux et de leur demander : « De quoi avez-vous besoin? » Comme je l'ai dit, je n'aimais pas son orientation politique, mais je n'ai jamais douté qu'il avait vraiment à cœur la situation des agriculteurs et l'importance de l'agriculture dans notre province et notre pays.

Il nous manque une chose au Canada. Vous m'excuserez de faire encore des comparaisons avec les États-Unis, mais les Américains défendront toujours le terroir. C'est peut-être à cause de la composition du Sénat américain qui compte deux sénateurs par État, indépendamment de la population. Que les Américains soient de New York, de la Californie ou de Seattle, ils défendront le terroir. Nous n'avons peut-être pas cet enthousiasme inné qui pousse à faire les choses comme nous devrions les faire au Canada.

Vous pourriez dire que vous êtes agriculteur et que vous assistez à cette évolution. Toutefois, nos agriculteurs ne disent plus à leur fils : « Viens cultiver la terre avec moi. » Malheureusement, ils disent plutôt : « Il vaut mieux éviter l'agriculture. » J'ai entendu de nombreux agriculteurs me dire qu'ils ne laisseraient jamais leur fils prendre leur succession. Ce n'est pas une bonne chose. Nous devons agir pour changer la situation. Nous devons pour cela commencer par examiner le tableau d'ensemble. Nous devons avoir un semblant de règles du jeu équitables, sans quoi nous ne survivrons pas.

Compte tenu de l'évolution du prix des denrées, les États-Unis ont eu les trois meilleures années de leur histoire, tandis que nous avons connu les trois pires de la nôtre. La situation est grave. Je crois honnêtement qu'il existe un moyen de changer les choses. Nous avons besoin d'un projet de loi sur l'agriculture, comme l'a recommandé le comité, un projet de loi canadien qui adopterait une approche à long terme à l'égard d'un certain nombre de problèmes très graves.

Je suppose que je me suis un peu écarté du sujet, mais je voudrais maintenant parler de l'environnement. Nous sommes en train de consommer une ressource non renouvelable à un rythme effarant. C'est peut-être bon pour l'économie en ce moment, mais nous devrions aussi consacrer plus d'efforts aux ressources renouvelables. Dans notre coin, les gens commencent à penser aux droits d'émission qui encouragent les agriculteurs à s'intéresser à l'environnement. Nous ne pouvons pas respecter l'environnement dans les exploitations agricoles à moins de pouvoir en tirer quelque chose. Nous ne pouvons pas nous occuper adéquatement des exploitations si nous n'incitons pas les jeunes à y revenir. Les gens de mon âge ne peuvent pas le faire. Il faut que les jeunes s'en chargent. Il y a en ce moment une occasion à saisir dans le domaine des ressources renouvelables, que ce soit les céréales, la paille ou autre chose. Nous avons la technologie, mais il faut aussi de la volonté.

Nous avons besoin d'un projet de loi sur l'agriculture canadienne qui tienne compte non seulement du défi mondial, mais aussi des perspectives que nous offre le Canada. Notre pays est le plus étendu du monde, après la Russie. Nous avons une grande responsabilité à assumer aussi bien envers cette terre qu'envers nos agriculteurs.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion du sénateur Peterson, le débat est ajourné.)

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Peter A. Stollery : Honorables sénateurs, j'ai déjà parlé au sénateur Comeau. Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international devait se réunir à 17 heures. Il est maintenant 17 h 15. Des témoins nous attendent et, au lieu de les faire patienter encore, j'aimerais demander au Sénat de donner son autorisation pour que le comité siège.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Avant d'aller plus loin, j'ai une question. Pourquoi est-ce le vice- président du comité qui fait cette demande et non le président?

Le sénateur Stollery : Parce que le président n'est pas ici. Je suis le vice-président aujourd'hui.

Le sénateur Comeau : Je viens d'entendre un commentaire auquel je me rallie. Je crois comprendre que le sénateur Segal, bien qu'il ne soit pas au Sénat pour le moment, est quelque part dans les environs. De ce côté-ci, nous accédons à votre demande.

Son Honneur le Président : Le Sénat consent-il à autoriser le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international à siéger?

Des voix : D'accord.

[Français]

L'ÉTUDE SUR L'APPLICATION DE LA LOI SUR LES LANGUES OFFICIELLES, LES RÈGLEMENTS, LES INSTRUCTIONS ET LES RAPPORTS PERTINENTS

RAPPORT DU COMITÉ DES LANGUES OFFICIELLES—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Chaput, appuyée par l'honorable sénateur Tardif, que le deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles intitulé Vivre en français en Nouvelle-Écosse : une réalité à comprendre, un défi à relever, déposé au Sénat le 5 octobre 2006, soit adopté et que, en application du paragraphe 131(2) du Règlement, le Sénat demande au gouvernement d'y fournir une réponse complète et détaillée, le ministre du Patrimoine canadien, le président du Conseil du Trésor et le ministre des Langues officielles étant désignés ministres chargés de répondre à ce rapport.—(L'honorable sénateur Comeau)

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, le président du Comité sénatorial permanent des langues officielles m'a demandé de faire quelques commentaires et je serai bref.

J'aimerais tout d'abord remercier les membres du comité qui ont pris part au voyage en Nouvelle-Écosse dans le cadre de cette étude, en 2005. Ce fut une occasion pour eux de découvrir cette région.

Honorables sénateurs, j'aimerais vous donner un bref historique des communautés francophones et acadiennes de la Nouvelle- Écosse. La Nouvelle-Écosse fut le berceau des Acadiens. En 1755, les Acadiens furent déportés.

(1720)

Même s'ils étaient sujets de la Couronne britannique, ils se sont fait chasser et ont été éparpillés un peu partout dans le monde. C'est la raison pour laquelle il y a aujourd'hui des Acadiens en Louisiane, qu'on appelle des Cajuns. Plus d'un million de personnes de souche acadienne vivent au Québec. Assise à côté de moi, madame le sénateur LeBreton avait des ancêtres acadiens de cette région qui ont été déportés.

Ils ont été autorisés à revenir en Nouvelle-Écosse, dans les années 1860. Je voudrais vous lire un document que j'ai retrouvé récemment. Ce document permettait à un Acadien de retourner en Nouvelle-Écosse. C'est un document officiel de Nouvelle-Écosse, je vous le lis tel qu'il est rédigé en anglais :

[Traduction]

This certifies that Pierre Béliveau, an Acadian, appeared this day before His Majesty's Court of General Sessions of the Peace for the King's County and took the oath of allegiance and fidelity to His Majesty according to form prescribed by the government of this province. Given under my hand this 31st day of May, 1768.

[Français]

Ce document est signé par M. Deschamps, juge de paix. Cela vous donne un aperçu de la façon dont les Acadiens ont pu retourner en Nouvelle-Écosse. Ils devaient prêter serment, ce qui n'était demandé à personne d'autre. Ces sujets britanniques étaient forcés, s'ils voulaient retourner en Nouvelle-Écosse, à prêter serment au roi.

Nous le faisons au Sénat, lorsque nous entrons en fonction comme sénateurs, ou à la Chambre des communes. Mais à cette époque, les seuls citoyens de qui on exigeait cela étaient les Acadiens. Lorsqu'ils retournaient en Nouvelle-Écosse, ils ne pouvaient résider ailleurs que là où on leur indiquait.

Ils ont donc été éparpillés un peu partout en Nouvelle-Écosse. Certains se sont établis à la Baie Sainte-Marie, ma région d'origine. Certains se sont établis dans la région qu'on appelle Clare, du nom d'un arpenteur irlandais. D'autres ont été autorisés à s'établir à Île Madame, au Cap-Breton, d'autres à Chéticamp et dans d'autres régions.

Ils étaient établis un peu partout en Nouvelle-Écosse, mais ils n'étaient pas autorisés à former des communautés trop grandes, pour ne pas devenir trop puissants. Ils étaient autorisés à s'installer sur des terres dont personne d'autre ne voulait; c'était des terres sur lesquelles les autres sujets britanniques de cette époque ne voulaient pas s'installer.

Les seules régions permises aux Acadiens étaient celles qui étaient bonnes pour la pêche. Il y avait des homards, mais personne n'en mangeait à ce moment-là; on s'en servait comme engrais pour l'agriculture. Les Acadiens étaient loin des grands centres en Nouvelle-Écosse. Ils étaient une petite minorité disséminée un peu partout.

Voilà le contexte historique des régions acadiennes de la Nouvelle- Écosse. On dit parfois des Acadiens des régions de la Nouvelle- Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard qu'ils ont mené une lutte, et c'est vrai! Ce fut une grande bataille de maintenir leur religion, leur langue, leur culture, leur histoire. N'est-ce pas la vraie définition d'une nation, un peuple qui a une histoire, une langue, une religion et une culture communes? Vous entendrez rarement parler d'Acadiens qui veulent se faire reconnaître comme nation parce que, selon eux, ils en sont une, ils constituent un peuple.

Les membres du Comité sénatorial permanent des langues officielles qui ont voyagé en Nouvelle-Écosse ont eu la chance de rencontrer ces Acadiens et de découvrir cette culture.

Très souvent, les gens devaient changer de nom pour obtenir un emploi. Les Leblanc devenaient des White, les Aucoin devenaient des Wedge et les Poirier devenaient des Perry, de l'Île-du-Prince- Édouard.

Les problèmes d'assimilation sont survenus à l'arrivée des médias, car nos journaux, nos chaînes de radio et les chaînes de télévision étaient anglophones.

Nous n'avions pas nos écoles. Les curés nous offraient une éducation en français. Lorsque j'ai poursuivi mes études au secondaire, j'ai dû le faire en anglais parce qu'on n'avait pas d'écoles francophones. On était loin de nos cousins, les Acadiens du Nouveau-Brunswick, et encore plus loin de nos cousins francophones du Québec. Nous vivions dans notre petit coin, du mieux qu'on le pouvait, pour garder notre langue. Le problème était encore plus grand lorsqu'on devait aller à l'hôpital anglophone, car notre langue était le français. Encore aujourd'hui, nos hôpitaux sont toujours anglophones.

Vous ne trouverez pas ailleurs de groupe plus fier d'appuyer la dualité linguistique canadienne que les Acadiens de la Nouvelle- Écosse. Il vous arrivera de rencontrer des gens, comme moi, qui ont des frissons lorsqu'ils entendent parler du Canada anglais et du Québec. On entend souvent ces commentaires de la part de Radio- Canada. C'est insultant pour les Acadiens du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard parce que cela laisse supposer tout de suite qu'il n'y a pas de francophones à l'extérieur du Québec. J'ai les mêmes frissons lorsqu'on parle des francophones hors Québec parce que cela nous définit comme un peuple différent de celui du Québec.

Il y a des francophones partout au Canada. On a souvent tendance à ignorer qu'il y a des francophones en Nouvelle-Écosse, à l'Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve et dans l'Ouest. Il m'arrive de rencontrer des gens du Québec qui s'étonnent qu'il y ait des francophones en Nouvelle-Écosse. Je leur réponds que notre accent est un petit peu différent du leur, mais qu'il y a des francophones en Nouvelle-Écosse. Les Québécois seront compris en Nouvelle-Écosse. Les Canadiens devraient être fiers d'avoir cette richesse partout au pays. C'est pour cette raison que la visite du Comité sénatorial permanent des langues officielles a été très productive pour les membres du comité ainsi que pour les communautés acadiennes en Nouvelle-Écosse.

(1730)

C'était la première fois qu'ils recevaient un comité sénatorial chez eux. Les membres du comité les ont rencontrés pour connaître leurs préoccupations et leurs besoins. Au nom des Acadiens et des francophones de la Nouvelle-Écosse, je tiens à remercier les membres du comité. Le sénateur Corbin, alors président du Comité des langues officielles et le vice-président, le sénateur Buchanan, ont fait un excellent travail. J'espère que le gouvernement examinera de près les recommandations contenues dans ce rapport et qu'il y réagira de façon positive.

L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, je voudrais remercier le sénateur Comeau de son discours très émouvant. Il est vrai que l'histoire des Acadiens de la Nouvelle-Écosse recèle des exemples admirables et extraordinaires de ténacité et de courage de l'histoire du Canada.

Ma famille, d'origine écossaise, était anglophone et vivait en Nouvelle-Écosse. Je fréquentais l'école secondaire en Nouvelle- Écosse, bien avant l'époque de la Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme. Je me souviens que chaque année, on faisait une petite excursion à Grand-Pré, et parfois, on allait même à Port-Royal.

On oublie souvent que la Nouvelle-Écosse a été le berceau du fait francophone en Amérique. Champlain s'est installé en Nouvelle- Écosse avant de fonder Québec.

On apprenait l'histoire de Champlain. On allait à Grand-Pré et on pleurait un peu sur la belle histoire romantique d'Évangéline qu'on trouvait dans le poème de l'Américain Longfellow. Absolument personne ne nous disait que le fait français en Nouvelle-Écosse n'était pas qu'une réalité historique. C'était une affaire actuelle. La vie acadienne continuait en Nouvelle-Écosse. Nous étions à 100 p. 100 ignorants de ce fait. C'est scandaleux. Je sais qu'à cause de cette ignorance, probablement voulue dans plusieurs cas, de la part de la majorité en Nouvelle-Écosse, les obstacles auxquels les Acadiens ont dû faire face dépassaient l'imagination des membres de la majorité. Nous n'en avions aucune idée.

Je me sens très humble devant cet exemple de courage et de ténacité. Pour ma part et pour mes ancêtres, je ne peux que constater nos graves erreurs et présenter nos excuses.

Cela dit, comme le sénateur Comeau nous l'a rappelé, cette étude a débuté au temps où le sénateur Corbin présidait le comité. Je sais qu'il tient à prendre la parole à ce sujet, et je propose donc l'ajournement du débat à son nom.

(Sur la motion du sénateur Fraser, au nom du sénateur Corbin, le débat est ajourné.)

[Traduction]

L'ÉTUDE SUR LA SITUATION DU SYSTÈME DE SOINS DE SANTÉ

ADOPTION DU RAPPORT DU COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'étude du deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, intitulé De l'ombre à la lumière, déposé auprès du Greffier du Sénat le 8 mai 2006. — (L'honorable sénateur Keon)

L'honorable Wilbert J. Keon : Honorables sénateurs, je suis ravi d'intervenir au sujet du deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, intitulé De l'ombre à la lumière.

Permettez-moi tout d'abord de dire à quel point j'ai été honoré et ravi de siéger à ce comité exceptionnel, si admirablement présidé par le sénateur Michael Kirby.

C'est la prévalence de la maladie mentale au Canada, sous ses diverses formes, qui a d'abord amené le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie à se pencher sur cette question dans le but de révéler les mystères de cette maladie dont souffrent un bon pourcentage de Canadiens. Deuxièmement, le comité voulait élaborer, en collaboration avec des organismes publics pertinents, des recommandations destinées au gouvernement fédéral. Troisièmement, il souhaitait créer de nouveaux services et organismes additionnels pour traiter directement les questions concernant les personnes atteintes de maladie mentale.

Honorables sénateurs, aujourd'hui, je mets en lumière quelques éléments du rapport du comité, intitulé De l'ombre à la lumière, notamment les besoins des Canadiens aux prises avec une maladie mentale et les solutions que proposent les collectivités pour remédier à la situation.

Le Canada a besoin d'un véritable système de soins de santé mentale dans le cadre duquel les fournisseurs de soins, les Canadiens et le gouvernement abordent la maladie mentale avec le même sérieux que la maladie physique, un système où les patients font l'objet d'un respect et d'une considération comparables à ceux qu'on donne aux personnes atteintes d'une maladie physique, un système axé sur les patients et sur leur capacité de rétablissement.

Le rétablissement n'est pas synonyme de guérison. C'est une façon de mener une vie satisfaisante, prometteuse et productive, ce que tous les Canadiens souhaitent. Le rétablissement veut dire aussi et désigne le plus souvent la réduction ou la rémission complète des symptômes. Il doit être au cœur des réformes de la santé. Voilà pourquoi le système de santé mentale proposé par le comité doit reconnaître deux faits essentiels : d'abord, la voie du rétablissement de chaque personne est unique; deuxièmement, le rétablissement est un processus, pas une fin en soi.

D'abord, il y a le choix. La possibilité de choisir et l'exercice du choix peuvent être en soi un facteur du processus de rétablissement. Aux termes de la Loi canadienne sur la santé et des dispositions actuelles sur le financement, de nombreux services dont les personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie ont besoin ne sont offerts qu'à ceux qui ont les moyens de payer de leur propre poche ou qui ont un régime d'assurance privé qui couvre ces services. Il faut que cela change.

Deuxièmement, il y a la collectivité. Puisque les problèmes de santé mentale et de toxicomanie recoupent tant de facettes de la vie communautaire, il faut bien davantage que des soins de santé. Si les mesures de soutien voulues sont en place, les personnes atteintes de maladie mentale peuvent non seulement vivre dans leur milieu, mais aussi mener des vies épanouissantes et productives.

Chaque année, près de 3 p. 100 des citoyens connaîtront une grave maladie mentale et environ 17 p. 100 d'autres seront atteints d'une maladie qui peut être légère ou modérée. L'intégration doit se faire à deux niveaux : les services de santé mentale avec les services de santé physique, et divers traitements et services de santé mentale financés par les ministères de la Santé avec la gamme plus étendue de services dont les personnes atteintes de maladie mentale ont besoin.

Le troisième élément est l'intégration. Les services et les soutiens doivent être mis à la disposition des intéressés durant toute leur vie et, à mesure que leurs besoins changent, ils doivent encore être accessibles de manière « continue ». L'intégration doit viser à améliorer l'éventail, l'abordabilité, la qualité et l'accessibilité des services. Dans le système de santé mentale axé sur le rétablissement qui est proposé, il faut trouver le bon dosage de soutiens et de services en établissement et dans la collectivité. Il faut offrir ces services dans la collectivité et sans rupture si on veut répondre efficacement à l'évolution des besoins des patients. Il faut de la discipline, de la persévérance et de la patience pour assurer la transition du système fondé sur le passage entre établissement et collectivité, mais les avantages d'un système pratique et efficace sous tous les angles pour ceux qui ont une maladie mentale sont incalculables.

(1740)

Pour faciliter cette évolution, honorables sénateurs, le comité a recommandé l'établissement d'un Fonds de transition en santé mentale. Le mandat défini pour ce fonds permettrait au gouvernement d'injecter des montants pendant une période limitée pour couvrir les frais de transition et accélérer la mise en place d'un système de santé mentale fondé sur la collectivité. La commission canadienne de la santé mentale qui est proposée gérerait les décaissements. Les fonds seraient versés aux provinces et aux territoires en fonction de leur population, mais un soutien financier supplémentaire serait accordé aux provinces dont la population réduite s'étale sur un vaste territoire. Cela, pour deux fins explicites. D'abord, une initiative d'aide au logement pour la santé mentale, qui permettra de financer la constitution d'un parc de logements abordables de même que des suppléments au loyer pour les logements loués aux taux du marché. D'après la Société canadienne d'hypothèques et de logement, 27 p. 100 des Canadiens ayant une maladie mentale n'ont pas de logement convenable et abordable, proportion qui est nettement supérieure à la moyenne nationale, soit 15 p. 100. La deuxième raison, c'est l'établissement d'un ensemble de services communautaires qui aidera les provinces à fournir aux personnes atteintes de maladie mentale un éventail de services et de mesures de soutien directement dans la collectivité. Cet ensemble comprendrait des équipes de suivi intensif dans la collectivité, des unités d'intervention d'urgence et une prise en charge intensive des cas.

Une autre composante majeure du système de santé mentale proposé par le comité est la collaboration entre les spécialistes de la santé mentale, les professionnels médicaux, les organisations et les conseils scolaires. Une relation de travail efficace et efficiente entre les services de santé mentale et les services sociaux est essentielle à la santé et à une transition en souplesse entre les divers niveaux de traitement disponibles.

Une préoccupation particulière, honorables sénateurs, concerne les soins propres aux personnes âgées atteintes de maladie mentale. Le comité a recommandé que les solutions de rechange à l'hospitalisation soient plus largement disponibles. Actuellement, les transitions sont inefficaces et peu commodes entre les différents niveaux de soins, et il faut résoudre ce problème. Il faut investir des ressources pour aider les personnes âgées et leur famille à naviguer dans le système actuel. Il doit y avoir une plus grande décentralisation des services de transition.

Pour faire face au stress et aux répercussions sur la santé mentale chez ceux qui font partie de la population active, une collaboration s'impose entre le système de santé et le milieu de travail de façon à rendre possible une vie stable et productive pour ceux qui sont atteints de maladie mentale. Ces deux mondes sont bien différents par leurs cultures, leur langue, leurs pratiques et leurs priorités.

Le comité a recommandé d'utiliser au maximum le Fonds d'intégration pour les personnes handicapées, administré par le ministère des Ressources humaines et du Développement social et de lui confier comme mandat supplémentaire la mise en œuvre dans tout le pays d'un programme d'assistance en milieu de travail pour aider les personnes ayant une maladie mentale à se trouver un emploi et à le conserver. Lorsque la recherche d'un emploi satisfaisant et durable échoue, ces personnes ont tendance à se fier à l'aide sociale. Selon le comité, les programmes d'assistance sociale ne vont pas assez loin pour tenir compte de façon satisfaisante de leur situation particulière.

Le comité a donc recommandé que le niveau des prestations versées dans le cadre des programmes d'aide sociale destinés aux personnes ayant une maladie mentale et les revenus que celles-ci sont autorisées à gagner sans pénalité soient relevés de manière à alléger leur fardeau financier et à les encourager à travailler, et que les bénéficiaires d'aide supplémentaire conservent cette aide.

Les prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada et le crédit d'impôt pour personnes handicapées ne tiennent pas compte de façon satisfaisante de la maladie mentale et de l'invalidité. Dans les deux cas, le comité a recommandé que les critères d'admissibilité soient modifiés et que les prestations soient augmentées de façon à mieux soutenir et aider les personnes atteintes de maladie mentale.

Honorables sénateurs, il est bien connu que les toxicomanies et la consommation de drogues et d'alcool jouent un rôle dans la maladie mentale, mais la vaste majorité des Canadiens qui ont une dépendance consomment des substances qu'ils peuvent se procurer légalement. Prenons l'exemple du jeu. En 1999-2000, le profit net tiré du jeu par tous les ordres de gouvernement a totalisé 5,7 milliards de dollars. En 2004, ces profits étaient passés à 6,2 milliards de dollars, montant supérieur aux revenus nets tirés par l'État à la fois du tabac et de l'alcool, soit 5,9 milliards de dollars. Et tout cela est légal. La consommation de diverses substances peut masquer les symptômes de la maladie mentale et exacerber les symptômes psychiatriques.

Le système de santé mentale et les services de traitement des toxicomanies se sont toujours développés séparément, avec des idées distinctes sur les causes, les effets, les sources d'aide. Les deux types de service doivent se donner des mécanismes intégrés en fonction de leur intérêt commun, de leurs idées et de leurs avantages. Le comité a chargé la commission de la santé mentale qu'il propose de l'élaboration de ces mécanismes intégrés.

La recherche est indispensable au succès du système de santé mentale proposé par le comité. Les Canadiens ont besoin d'une information de qualité pour pouvoir planifier efficacement et offrir toute une gamme de services de santé mentale. Jusqu'à maintenant, le financement de la recherche n'a pas été proportionnel au lourd fardeau que la maladie mentale et la toxicomanie imposent à la société.

Dans son rapport de 2002, le comité a demandé que la contribution fédérale annuelle à la recherche en matière de santé soit portée à 1 p. 100 du total des dépenses en soins de santé dans des délais raisonnables. Aujourd'hui, ces dépenses s'élèvent à environ 120 milliards de dollars, mais nous ne consacrons qu'environ 0,5 p. 100 par année à la recherche, soit 700 millions de dollars. Honorables sénateurs, s'il n'y a pas un passage efficace du savoir depuis le laboratoire jusqu'au chevet du malade, les traitements inefficaces, voire nocifs, risquent de continuer.

Comme il n'y a actuellement au Canada aucune politique ni stratégie de recherche, le comité a proposé que les actuels Instituts de recherche en santé du Canada élaborent un programme national de recherche sur la maladie mentale et la toxicomanie. Le Canada n'a pas d'idée d'ensemble de la situation nationale en matière de santé mentale, ni de la prévalence des maladies mentales et de la toxicomanie. Voilà pourquoi le comité a proposé que l'Agence de santé publique élabore un vaste système national de surveillance de la santé et des maladies mentales.

Un autre segment important de notre rapport porte sur la promotion et la prévention de la santé mentale. La promotion de la santé mentale se concentre sur les facteurs personnels, sociaux, économiques et environnementaux qui contribuent à la santé mentale. Quant à la prévention de la santé mentale, elle est axée sur la réduction des facteurs de risque associés à la maladie mentale et le renforcement des facteurs de protection qui empêchent la maladie mentale de se déclarer ou qui en réduisent la durée. Tant la promotion que la prévention exigent d'énormes investissements.

Pour qu'on s'occupe de ces deux aspects, la Société canadienne de psychologie s'est dite d'avis que l'on devrait produire un guide canadien de la santé mentale. De plus, pour compléter le travail de l'Agence de santé publique du Canada, la commission canadienne de la santé mentale mettra sur pied un centre d'échange de connaissances pour que les organismes existants puissent se communiquer les données relatives à la santé mentale qui sont recueillies.

Honorables sénateurs, la création de la commission canadienne de la santé mentale se trouve au cœur de nos recommandations. Dans le cadre de son mandat, la commission devra agir en tant qu'organisme indépendant sans but lucratif; focaliser ses activités sur ceux qui vivent avec une maladie mentale et sur leurs familles; faciliter, rendre possible et appuyer une approche nationale en vue de résoudre les problèmes de santé mentale; être le catalyseur de la réforme des politiques sur la santé mentale; sensibiliser tous les Canadiens à la santé mentale et accroître leurs connaissances en la matière, particulièrement parmi les employeurs; éliminer la stigmatisation et la discrimination dont sont victimes les Canadiens vivant avec une maladie mentale de même que leurs familles.

Sur la somme de 17 millions de dollars accordée par le gouvernement à cette commission, 5 millions de dollars seraient consacrés à une campagne contre la stigmatisation, en vue de mettre fin à l'aliénation et à l'incompréhension. Un montant de 6 millions de dollars serait consacré au centre d'échange des connaissances. Enfin, la dernière tranche, soit 6 millions de dollars, serait consacrée aux dépenses de fonctionnement.

(1750)

Honorables sénateurs, le comité demande au gouvernement d'accorder 17 millions de dollars par année à la commission canadienne de la santé mentale, 224 millions de dollars à l'initiative d'aide au logement pour la santé mentale, 215 millions de dollars au panier de services communautaires et 50 millions de dollars à la recherche et au traitement dans le cadre du programme des troubles concomitants. Le comité demande aussi une somme supplémentaire de 2,5 millions de dollars destinée à la télésanté mentale ainsi qu'une somme supplémentaire de 2,5 millions de dollars pour financer les programmes de soutien par les pairs et 25 millions de dollars par année pour la recherche effectuée par les Instituts de recherche en santé du Canada. Le total est de 536 millions de dollars.

Honorables sénateurs, j'aimerais répéter que, dans le système de santé mentale que nous proposons, il n'est pas question de gouvernements, de programmes, de politique ou de fournisseurs de services. Il est question d'aider les gens ayant une maladie mentale à vivre le mieux possible. Cette partie de la population a été largement oubliée dans les courants dominants de la recherche, dans le monde des soins de santé et dans le financement public. Nous ne pouvons pas nous permettre de tolérer cette tendance inacceptable. Les recherches et les révélations qui ont été présentées au comité durant ses délibérations et au cours de la préparation de ce rapport montrent bien qu'il faut absolument prendre les mesures qui s'imposent, et dès maintenant.

Je demande aux honorables sénateurs d'appuyer sans réserve le rapport.

Son Honneur le Président : Si aucun autre sénateur ne veut prendre la parole, nous allons considérer que le débat est clos.

Le sénateur Keon : Je propose l'adoption du rapport.

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Keon, avec l'appui de l'honorable sénateur Tkachuk, propose que ce rapport soit adopté.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

LE SÉNAT

ADOPTION DE LA MOTION TENDANT À CONSTITUER UN COMITÉ SPÉCIAL DU SÉNAT SUR LE VIEILLISSEMENT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Bryden,

Qu'un comité spécial du Sénat soit chargé d'examiner les incidences du vieillissement de la société canadienne et d'en faire rapport;

Que, nonobstant l'article 85(1)b) du Règlement, le Comité soit composé de sept membres, à savoir les honorables sénateurs Carstairs, C.P., Chaput, Cordy, Johnson, Keon, Mercer et Murray, C.P. et que trois membres constituent le quorum;

Que le Comité examine la question du vieillissement dans notre société sur divers plans notamment :

  • la promotion de la vie active et du bien-être;
  • les besoins en matière de logement et de transport;
  • la sécurité financière et la retraite;
  • les mauvais traitements et la négligence;
  • la promotion de la santé et la prévention;
  • les besoins en matière de soins de santé, y compris en ce qui touche les maladies chroniques, la consommation de médicaments, la santé mentale, les soins palliatifs, les soins à domicile et la prestation de soins;

Que le Comité examine les programmes et les services publics destinés aux aînés, les lacunes qu'il faut corriger pour répondre aux besoins des aînés, et les incidences du vieillissement de la population sur la prestation future des services;

Que le Comité examine des stratégies sur le vieillissement mises en œuvre dans d'autres pays;

Que le Comité examine le rôle et les obligations du Canada découlant du Plan d'action international sur le vieillissement des populations, établi à Madrid en 2002;

Que le Comité se penche sur le rôle que doit jouer le gouvernement fédéral pour aider les Canadiens à bien vieillir;

Que le Comité soit habilité à convoquer des personnes, à obtenir des documents et des dossiers, à interroger des témoins, à faire rapport de temps à autre et à faire imprimer au jour le jour les documents et témoignages dont il peut ordonner l'impression;

Que le Comité soit habilité à se déplacer d'un endroit à l'autre au Canada;

Que le Comité soit autorisé à permettre aux médias d'information électroniques de diffuser ses délibérations publiques en dérangeant le moins possible ses audiences;

Que, conformément à l'article 95(3)a) du Règlement, le Comité soit autorisé à se réunir pendant les périodes où le Sénat est ajourné pendant plus d'une semaine;

Que l'ordre de renvoi au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie concernant le vieillissement de la population, adopté par le Sénat le 28 juin 2006, soit retiré;

Que le Comité présente son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2007, et qu'il conserve jusqu'au 31 mars 2008 tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser les conclusions de ce rapport.—(L'honorable sénateur Comeau)

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

LA LOI SUR LA DÉFENSE NATIONALE

ADOPTION DE LA MOTION EXHORTANT LE GOUVERNEMENT DU CANADA À FAIRE ENTRER EN VIGUEUR L'ARTICLE 80 DE LA LOI DE 2002 SUR LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Segal, appuyée par l'honorable sénateur Di Nino,

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada :

a) à faire entrer en vigueur l'article 80 de la Loi de 2002 sur la sécurité publique, chapitre 15 des Lois du Canada de 2004, sanctionnée le 6 mai 2004, qui modifie la Loi sur la défense nationale par l'ajout d'une nouvelle partie VII traitant de la réintégration dans les emplois civils des officiers et des militaires du rang de la force de réserve;

b) à consulter les gouvernements provinciaux tel que prévu à l'alinéa 285.13a) de la nouvelle partie VII au sujet de l'application de cette partie;

c) à prendre les mesures nécessaires pour que les dispositions de la nouvelle partie VII s'appliquent à tous les réservistes qui participent volontairement à un exercice militaire ou à une opération outre-mer, et non seulement aux réservistes qui sont appelés en service en cas d'urgence.—(L'honorable sénateur Fraser)

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

LES PREMIERS PEUPLES SUR LA SCÈNE NATIONALE ET INTERNATIONALE

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Gill, attirant l'attention du Sénat sur la position du gouvernement canadien concernant les premiers peuples sur la scène nationale et internationale.— (L'honorable sénateur Watt)

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, je vais parler de la motion présentée par le sénateur Gill au sujet de la position du Canada sur le projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

L'engagement du Canada à poursuivre les efforts qu'il déploie depuis des dizaines d'années pour collaborer avec les Autochtones grâce aux consultations, aux négociations, aux traités et autres moyens permettant de réduire leur pauvreté et d'améliorer leur qualité de vie est indiscutable. En ce qui concerne ce dont vient de parler le sénateur Keon, s'il y a un groupe dans la société qui subit l'impact des toxicomanies et des difficultés de toutes sortes, c'est bien nos peuples autochtones, les Premières nations du Canada.

Même s'il est certain qu'il reste beaucoup à faire, nous avons réalisé des progrès. Ainsi, depuis 1973, 20 traités modernes ont été négociés dans le pays. Ces traités couvrent près de 40 p. 100 de notre territoire et font intervenir plus de 90 collectivités autochtones comptant plus de 70 000 membres. À l'échelle internationale, le Canada est considéré comme un chef de file des droits de la personne et comme un pays aux nombreuses réalisations. Nous avons signé le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Avec la Déclaration universelle des droits de l'homme, ces traités constituent la base de ce qu'on appelle la « déclaration internationale des droits ».

Nous prenons très au sérieux nos engagements envers la communauté internationale et les parties touchées. C'est précisément pour cette raison que nous devons être vigilants au sujet de ce que nous acceptons et faisons. Cela s'applique dans le cas du projet de déclaration.

Le Canada a constamment travaillé en faveur d'une déclaration forte et efficace qui favorise des partenariats et des relations harmonieuses entre les peuples autochtones et les États membres des Nations Unies dans lesquelles ils vivent, et qui assure en même temps un certain équilibre entre les droits des différentes parties, précise les responsabilités respectives et guide l'action des États membres.

Malheureusement, le projet de déclaration dont l'Assemblée générale des Nations Unies est actuellement saisie ne répond pas à ces objectifs de longue date. Nous avons besoin d'une déclaration claire et totalement transparente. Le texte actuel ne guide ni les États membres, ni les peuples autochtones, ni les organisations multilatérales.

De plus, le Canada s'inquiète de la façon dont certaines dispositions pourraient être interprétées. Voici par exemple un extrait de l'article 26 :

Les peuples autochtones ont le droit aux terres, territoires et ressources qu'ils possèdent et occupent traditionnellement ou qu'ils ont utilisés ou acquis.

Ce texte ne reconnaît pas la nécessité d'un équilibre entre ce droit aux terres et aux ressources et les droits des autres. Il ne reconnaît pas que de grandes superficies ont pu être cédées par traité historique ou moderne, comme c'est le cas au Canada. Cet article est un exemple de passage du projet de déclaration qui ne guide pas le lecteur ni ne précise les attentes découlant des principales dispositions. De ce fait, le projet de déclaration est un instrument vicié que le Canada ne peut pas appuyer en ce moment. Permettez- moi d'être très clair à ce sujet : aucun gouvernement canadien n'a jamais accepté le projet de déclaration dans sa forme actuelle.

C'est parce que le Canada est attaché à l'esprit et aux principes sur lesquels se fonde la volonté d'adopter une déclaration que nous avons demandé plus de temps pour discuter des passages du texte transmis par le président du groupe de travail de l'ONU qui n'avaient pas fait l'objet de discussions entre les États membres et les représentants des peuples autochtones.

L'amélioration du texte est possible et nécessaire. Le Canada n'a pas été le seul à exprimer des préoccupations au sujet du projet de déclaration. Plusieurs États membres de l'ONU ont demandé plus de temps pour discuter des dispositions contenant des défauts sérieux, notamment en ce qui concerne les terres, les territoires et les ressources, le concept de consentement libre, préalable et éclairé ainsi que les dispositions relatives à l'autonomie gouvernementale.

En proposant de reprendre les négociations, le Canada espérait contribuer à l'élaboration d'une déclaration énonçant plus clairement les droits des peuples autochtones et les engagements des États membres par rapport à ces droits. Le Canada souhaitait former un plus large consensus sur le texte pour que la déclaration puisse être adoptée et appuyée par le plus grand nombre possible d'États membres.

Ayant réussi à obtenir d'autres négociations sur le projet de déclaration au Conseil des droits de l'homme, le Canada a voté contre l'adoption. À ce moment, un certain nombre d'États membres ont présenté des déclarations d'interprétation mettant en évidence diverses préoccupations concernant le projet de résolution, plusieurs de ces préoccupations étant partagées par le Canada. Même parmi les États membres qui avaient voté en faveur de l'adoption de la déclaration, il y en avait clairement qui s'inquiétaient aussi bien du processus que du contenu.

(1800)

Je tiens à réaffirmer à mes honorables collègues l'appui inébranlable du gouvernement aux droits des peuples autochtones. Mes amis, je n'aurais pas pris la parole si je n'y croyais pas.

Le nouveau gouvernement du Canada a fait preuve de son engagement en adoptant une nouvelle approche axée sur le renforcement de l'autonomie des peuples autochtones, grâce à des efforts ciblés dans quatre domaines. Premièrement, le gouvernement concentre les investissements sur les initiatives qui inciteront les gens à mieux prendre en main leur vie et leur avenir, comme le logement et l'éducation. Deuxièmement, il cherche à accélérer le règlement des revendications territoriales. On a mentionné, ici tout à l'heure, le moment historique où le ministre a paraphé à Prince George un accord qui venait juste d'être négocié.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il est 18 heures. Que souhaite faire le Sénat?

[Français]

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, est-ce que les honorables sénateurs pourraient consentir à ne pas voir l'horloge?

Des voix : D'accord.

[Traduction]

Le sénateur St. Germain : Troisièmement, le gouvernement favorise le développement économique, la formation professionnelle, le développement des compétences et l'entrepreneuriat pour ouvrir de nouvelles perspectives à nos peuples autochtones. Quatrièmement, le gouvernement jette les fondations d'une autonomie gouvernementale authentique en s'orientant vers des structures de gouvernement modernes et responsables.

Il importe de noter les mesures déjà prises dans ce domaine pour assurer aux collectivités des Premières nations l'accès à une eau potable sûre — mesure que nous poursuivrons très activement, je vous l'assure, à la lumière des récentes nouvelles —, et pour appuyer les femmes, les enfants et les familles en lançant des consultations sur les biens immobiliers matrimoniaux. Je signale que le ministre a parlé ces derniers jours de cette question particulière au Comité des droits de la personne. Enfin, le gouvernement a signé un accord tripartite en Colombie-Britannique pour s'assurer que les étudiants des Premières nations auront accès à des études qui seront à la fois conformes aux normes provinciales et adaptées à la culture autochtone.

Je suis fier de dire que le Canada compte parmi les rares pays du monde qui ont reconnu les droits des Autochtones dans leur Constitution. Le nouveau gouvernement du Canada considère qu'il est prioritaire d'améliorer la qualité de vie des peuples autochtones.

Honorables sénateurs, le Canada et son gouvernement sont déterminés à protéger et à promouvoir les droits ancestraux et issus de traités sur le plan intérieur et à collaborer avec d'autres pays et d'autres peuples autochtones sur le plan international.

(Sur la motion du sénateur Fraser, au nom du sénateur Watt, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 8 novembre 2006, à 13 h 30.)

ANNEXE

Le 26 octobre 2006

Monsieur Jack Austin, sénateur
Leader de l'opposition
Le Sénat
Ottawa, ON K1A 0A4

Monsieur Gerry St. Germain, sénateur
Président,
Comité sénatorial permanent des peuples autochtones
Le Sénat
Ottawa, ON K1A 0A4

Messieurs les Sénateurs,

Je vous écris pour vous demander de m'aider à obtenir que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones examine le projet de loi S-216 et me donne la possibilité de m'expliquer clairement à ce sujet cet automne.

Le projet de loi S-216 découle directement des recommandations du Comité Penner, qui a déposé son rapport sur l'autonomie gouvernementale des Autochtones à la Chambre des communes en novembre 1983, recommandations reprises par la Commission royale sur les peuples autochtones dans son rapport et qui recoupent indirectement le rapport sénatorial intitulé Forger de nouvelles relations (le rapport Watt).

Malgré ces recommandations et la nécessité criante d'abattre les obstacles qui empêchent depuis longtemps les Autochtones de jouir d'une autonomie gouvernementale digne de ce nom, l'objet du projet de loi S-216 n'a pas fait l'objet de l'étude et de l'analyse qu'il mérite. Les Premières nations n'ont pas été consultées ou informées comme elles auraient dû l'être au sujet du projet de loi parce qu'il n'émane pas du gouvernement, et le Sénat est notre unique espoir d'être entendus. Je crois que les audiences du Comité feraient considérablement avancer le dossier de l'autonomie gouvernement des Autochtones. Elles permettraient aussi aux Premières nations de recommander des amendements qui renforceraient le projet de loi.

J'espère, Messieurs les Sénateurs, que vous ferez en sorte que le Comité examine le projet de loi dans les meilleurs délais.

J'ai demandé au Chef régional (APN de l'Alberta), Wilton Littlechild, et au Grand chef Bernard Meneen, du Conseil tribal de North Peace, Association des tribus assujetties au traité no 8, et Chef de la Première nation de Tall Cree, de me tenir informé de l'évolution de ce dossier. Vous pouvez joindre le Chef régional Littlechild au (780) 585-3038 ou au (780) 361-7527, et le Grand chef Bernard Meneen, au (780) 451-0304 ou au (780) 927-3727.

Recevez, Messieurs les Sénateurs, mes plus cordiales salutations.

Phil Fontaine
Chef national

C.c. : Chef régional Wilton Littlechild Grand chef Bernard Meneen Chef Robert Daniels


Haut de page