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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 39e Législature,
Volume 143, Numéro 49

Le mercredi 8 novembre 2006
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 8 novembre 2006

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LA NOUVELLE POLITIQUE DU QUÉBEC EN MATIÈRE DE FRANCOPHONIE CANADIENNE

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, je rends hommage aujourd'hui au gouvernement du Québec pour la nouvelle politique du Québec en matière de francophonie canadienne lancée hier, le 7 novembre 2006.

Le premier ministre du Québec, M. Jean Charest, et le ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes et de la Francophonie canadienne, M. Benoît Pelletier, ont dévoilé la nouvelle politique du Québec en matière de francophonie canadienne intitulée L'avenir en français.

Voici quelques extraits d'un communiqué de presse paru le 7 novembre :

Le lancement a eu lieu en présence des principaux collaborateurs du gouvernement du Québec dans le dossier de la francophonie et de nombreux représentants des communautés francophones et acadienne, notamment la présidente de la Fédération de la jeunesse canadienne française, Mme Karlynn Grenier, la présidente de la Société nationale de l'Acadie, Mme Françoise Enguehard, le président de la Fédération culturelle canadienne-française, M. René Cormier, le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, M. Jean-Guy Rioux, ainsi que des douze représentants des associations francophones provinciales et territoriales.

(1335)

La présente politique est le résultat d'une réflexion partagée du gouvernement du Québec et des communautés francophones et acadienne du Canada. Elle est le reflet d'une vision fondée sur la solidarité, la responsabilité et le leadership du Québec qui répond aux aspirations des francophones de tout le pays.

Le Québec est le bureau principal de la francophonie en Amérique du Nord. Ce leadership lui appartient et, comme M. Pelletier le disait, c'est un bel exemple du retour en force du Québec au sein de la francophonie canadienne.

Je félicite et remercie très sincèrement le gouvernement du Québec pour cette initiative.

[Traduction]

LA JOURNÉE D'ACTION POUR L'ALPHABÉTISATION

L'honorable Joyce Fairbairn : Honorables sénateurs, aujourd'hui, les troupes de l'alphabétisation arrivent de partout au pays en prévision de la Journée d'action pour l'alphabétisation, qui se tiendra demain. Beaucoup de ces militants parcourent déjà la Colline avec enthousiasme pour aller rencontrer les parlementaires à leur bureau. Cette visite est peut-être la plus importante en 11 ans pour ces gens, puisque le mouvement pour l'alphabétisation subit des changements qui se feront sentir chez les professeurs, les élèves et les organisateurs de tout le pays.

Avec le nouveau gouvernement, l'approche est différente. Cette armée de bénévoles et d'organisateurs est venue chercher les renseignements à la source, et ce, dans un esprit positif, avec l'espoir d'établir une bonne relation de travail.

Les sénateurs savent, grâce aux discours remarquables qu'ont prononcés mes collègues des deux côtés du Sénat, que l'alphabétisation est certainement une pierre d'assise de la réussite future de notre pays. On ne peut pas organiser des programmes d'alphabétisation dans les édifices du Parlement ni inculquer directement le savoir aux tuteurs et aux apprenants. L'alphabétisation doit être encouragée et soutenue par tous les gouvernements, dans l'intérêt de toutes les régions du pays.

Bon nombre d'entre vous auront la chance de rencontrer ces Canadiens forts et dynamiques. Ils ont fait l'effort de venir de très loin pour raconter leur histoire, et vous pourrez tous partager un repas avec eux demain, à midi, à la salle 256-S.

La première chose qu'ils vous diront, c'est qu'ils apprécient notre soutien et qu'ils sont fiers du succès qu'il a engendré et des nouvelles possibilités qu'il a contribué à ouvrir.

Aujourd'hui, j'ai rencontré un jeune homme de Terre-Neuve qui est un bon exemple de cette réussite. Grâce au soutien considérable qu'on a offert dans cette province, il a changé sa vie et celle de sa femme et de ses enfants en sautant sur l'occasion d'apprendre, pour pouvoir leur offrir, à eux et à lui-même, une chance raisonnable d'avoir une vie confortable.

Il étudie maintenant à l'Université Memorial. Il fait ce que nous espérons que fassent ces Canadiens, nos amis, qui font un effort supplémentaire. Nous les aidons, et nous devons continuer à les aider, parce que cela fonctionne, honorables sénateurs.

Des voix : Bravo!

LE DÉCÈS DE M. FRANK CALDER, O.C.

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, je veux aujourd'hui rendre hommage au regretté Frank Calder, qui est décédé cette semaine. Au cours de sa vie, il a accompli de grandes choses qui ont eu de profondes répercussions sur les peuples autochtones du Canada.

En se faisant élire député à l'Assemblée législative de la Colombie- Britannique sous la bannière de la Fédération du Commonwealth coopératif, en 1949, M. Calder fut le premier Autochtone à devenir député au Canada. Plus tard, au cours de sa carrière politique, il est entré au Crédit social — ce qui fut un grand jour pour la Colombie- Britannique — et a inscrit son nom dans l'histoire comme étant le premier Autochtone nommé ministre.

M. Calder a fondé le Conseil tribal Nisga'a, le premier conseil tribal en son genre en Colombie-Britannique. Il a ensuite servi comme président de ce conseil pendant 20 ans et a reçu des quatre clans nisga'as le titre de chef des chefs.

M. Calder a encore réalisé une première historique en 1973, lorsque la Cour suprême du Canada, en se prononçant sur son appel, a déclaré que les titres autochtones existaient bel et bien en droit canadien moderne.

(1340)

Honorables sénateurs, cet arrêt de la Cour suprême, qui porte le nom de M. Calder, jetait les bases juridiques des négociations des traités autochtones dans tout le Canada. Ce précédent juridique sur les traités autochtones sert de référence dans les négociations de revendications territoriales en Australie, en Afrique du Sud, en Nouvelle-Zélande et dans d'autres pays. C'est sur ces bases que le traité historique avec les Nisga'as a été signé en 1998. Ce traité donnait au peuple de M. Calder un titre officiel sur ses terres.

Membre de l'Ordre du Canada et titulaire du prix d'excellence autochtone national pour l'ensemble de ses réalisations, M. Calder a consacré sa vie à servir le Canada et a été un pionnier de l'élaboration et des négociations des traités autochtones au Canada.

Honorables sénateurs, les Canadiens, tant autochtones que non- autochtones, doivent à Frank Calder toute leur gratitude pour sa contribution inestimable au Canada.

VISITEURS À LA TRIBUNE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de passer au dépôt de documents, j'attire votre attention sur la présence à la tribune de M. Avdai, député et président du Groupe interparlementaire Canada-Mongolie. M. Avdai est chef de délégation. M. Sodnomtseren, également député et membre du Groupe interparlementaire Canada-Mongolie, l'accompagne.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.


AFFAIRES COURANTES

L'ASSOCIATION PARLEMENTAIRE CANADA-EUROPE

LA RÉUNION DE LA COMMISSION DE L'ENVIRONNEMENT, DE L'AGRICULTURE ET DES QUESTIONS TERRITORIALES DU CONSEIL DE L'EUROPE, 9 JUIN 2006—DÉPÔT DU RAPPORT

L'honorable Lorna Milne : Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 23(6) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire Canada-Europe à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe portant sur la réunion de la Commission de l'environnement, de l'agriculture et des questions territoriales qui s'est tenue à Paris, France, le 9 juin 2006.

[Français]

L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DE LA FRANCOPHONIE

DÉPÔT DU RAPPORT DE LA MISSION PARLEMENTAIRE À PORT-AU-PRINCE, Haïti, TENUE DU 5 AU 8 SEPTEMBRE 2006

L'honorable Andrée Champagne : Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 23(6) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, à la réunion de la Mission parlementaire, à Port-au-Prince, Haïti, du 5 au 8 septembre 2006.

DÉPÔT DU RAPPORT DE LA CONFÉRENCE DES CHEFS D'ÉTAT ET DE GOUVERNEMENT DES PAYS AYANT LE Français EN PARTAGE, TENUE DU 25 AU 29 SEPTEMBRE 2006

L'honorable Andrée Champagne : Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 23(6) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, à la XIe Conférence des chefs d'État et de gouvernement des pays ayant le français en partage, tenue à Bucarest, Roumanie, du 25 au 29 septembre 2006.

(1345)

[Traduction]

RÉGIE INTERNE, BUDGETS ET ADMINISTRATION

AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À ÉTUDIER LE BIEN-FONDÉ DES DEMANDES DE RENSEIGNEMENTS DU PERSONNEL DE SÉNATEURS CONCERNANT LES FRAIS DE DÉPLACEMENT D'AUTRES SÉNATEURS

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration soit chargé d'examiner et de déterminer, à la lumière des discussions récentes et à la lumière également du Règlement, des procédures, des pratiques et des conventions en vigueur au Sénat, s'il est correct ou acceptable que des personnes qui travaillent dans les bureaux de sénateurs, y compris les sénateurs qui sont ministres, obtiennent ou tentent d'obtenir des hôtels où logeaient des sénateurs dans l'exercice de fonctions autorisées par le Sénat un état détaillé des repas et autres coûts figurant sur les notes d'hôtel, ainsi que les frais divers liés à ce séjour; et

Que le Comité soit chargé de rendre compte de sa décision au Sénat au plus tard le jeudi 7 décembre 2006.


[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

LES TRAVAUX PUBLICS ET LES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

LE PLAN DE RELANCE ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION DE MONTRÉAL

L'honorable Francis Fox : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Nous n'avons pas le droit de lui poser des questions sur ses compétences en tant que ministre responsable de la grande région de Montréal. Il me fait grand plaisir, en la présence d'un éminent journaliste de la région de Montréal, de lui poser la question suivante : est-ce que le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, en cette qualité, peut dire s'il prépare un plan de relance économique au sein de son ministère pour la grande région de Montréal? Je pense à la Société du Havre et à d'autres projets. Le ministre peut-il nous dire si son ministère prépare d'autres projets de développement dans la région de Montréal, de concert avec les autorités municipales et provinciales?

L'honorable Michael Fortier (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) : Honorables sénateurs, mon ministère planche sur plusieurs projets, simultanément, qui ont un impact sur certains grands centres urbains au pays, sur certaines régions de taille plus modeste et, bien entendu, sur Montréal. Comme vous le savez, mon ministère gère certains actifs que vous connaissez bien. Bien entendu, cela fait partie du potentiel de Montréal. La gestion de ces actifs me garde occupé.

Je vous rappelle que je suis le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux de tout le pays, pas seulement de Montréal. Nous possédons 325 édifices au pays, pas seulement à Montréal. Il y en a à Ottawa, sur la côte Ouest et dans l'Atlantique. Il est très important d'être attentif à tous ces actifs, peu importe où ils sont situés.

LE SÉNAT

LA MODIFICATION DU RÈGLEMENT POUR RENDRE LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX COMPTABLE DE SA RESPONSABILITÉ POLITIQUE À L'ÉGARD DE MONTRÉAL

L'honorable Francis Fox : Honorables sénateurs, nous avons eu le plaisir d'entendre la voix mélodieuse du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux nous parler des plans de développement pour Montréal et d'autres régions.

J'aimerais revenir à la question que j'ai posée ici, le 1er novembre dernier. Je ne veux pas manifester un esprit de défiance vis-à-vis de la décision du Président du Sénat, qui a dit qu'on ne pouvait pas poser de questions au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux en sa qualité de ministre responsable de Montréal, même si le premier ministre, en le nommant, voulait qu'il soit le représentant effectif de la grande région de Montréal au gouvernement canadien.

Comme je le soulignais, je ne manifeste pas un esprit de défi mais de concertation. J'avais demandé à madame le leader du gouvernement au Sénat si elle était prête à appuyer une initiative qui pourrait venir de son côté ou de notre côté qui permettrait de modifier le Règlement. Cette requête est parfaitement conforme au pouvoir du Sénat de modifier son Règlement pour permettre au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux de répondre à des questions au Sénat sur ses responsabilités importantes pour Montréal, qui affectent le développement et l'avenir de Montréal.

Sinon, madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous expliquer quels sont les motifs d'intérêt public qui l'empêcheraient d'adopter une telle initiative? De notre côté, nous pourrions soumettre la motion et l'envoyer au comité approprié, mais nous ne voulons pas, dans un esprit de démocratie, nous servir de notre majorité pour imposer un changement de procédure au Sénat.

(1350)

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. L'importance du sénateur Fortier pour notre gouvernement, en sa qualité de ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux et de ministre représentant la région de Montréal, ressort bien du préambule de la question du sénateur. Le sénateur Fortier est un collègue de valeur et il représente d'excellente façon la ville de Montréal au gouvernement et au Cabinet.

En réponse au sénateur, lorsqu'il avait posé la même question, j'avais déclaré n'avoir nullement l'intention de contester une décision de la présidence, d'autant plus que j'occupe cette fonction depuis assez peu de temps et que je ne souhaitais pas, dès le départ, contester la présidence. D'autres l'ont déjà fait par le passé, mais je n'avais pas l'intention d'agir de la sorte.

Quoi qu'il en soit, les propos du sénateur ont une certaine validité, et je lui recommanderais de renvoyer la question au président du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, qui pourrait vouloir l'examiner.

Le sénateur Fox : Honorables sénateurs, il est évident que, tant de ce côté-ci du Sénat que de l'autre, nous avons respecté la décision du Président, qui est fondée sur le Règlement tel qu'il existe. Comme vient tout juste de le reconnaître le leader du gouvernement au Sénat, nos règles peuvent être modifiées par l'ensemble des sénateurs, qui ont la maîtrise des délibérations du Sénat.

Je voudrais maintenant que madame le leader du gouvernement réponde, par l'affirmative ou la négative, en disant si elle appuierait un tel changement pour permettre au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux de répondre aux questions. Je ne suis pas certain qu'il soit à notre avantage de donner au ministre l'occasion de répondre, lui qui excelle, comme nous le savons tous, à répondre aux questions ayant trait à ses autres responsabilités importantes.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, comme le sénateur Fox l'a dit très clairement, nous sommes les maîtres du Sénat. Je ne voudrais pas trancher cette question à l'avance. Je pense que cette question en est une qu'il convient de renvoyer au Comité du Règlement. Je suis convaincue que l'ensemble des sénateurs seraient tout à fait disposés à respecter un changement du Règlement si le comité, qui est composé de sénateurs de tous les partis, le jugeait opportun.

[Français]

L'honorable Jean-Claude Rivest : Honorables sénateurs, je ferai simplement une suggestion : peut-être que la difficulté qu'a posée la décision du Président serait résolue si notre collègue, le ministre et sénateur, se présentait à une élection partielle dans Repentigny.

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, ce n'est pas la première fois qu'on fait une telle suggestion. Nous avons déjà désigné un candidat dans cette circonscription. Le sénateur Fortier a dit clairement qu'il avait l'intention de se présenter aux prochaines élections, et je suis convaincue qu'après avoir été élu à la Chambre des communes, il s'ennuiera beaucoup de tous les sénateurs.

[Français]

Le sénateur Rivest : Puisque Repentigny est ma région, je pourrais certainement aider notre collègue sénateur et je suis certain qu'il terminerait bon deuxième derrière le Bloc québécois.

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Dois-je comprendre que le sénateur Rivest est prêt à passer de notre côté?

LES RESSOURCES HUMAINES ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL

L'AUGMENTATION DU SALAIRE MINIMUM

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : J'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat.

Le gouvernement est-il prêt à rétablir le salaire minimum des employés de compétence fédérale et à faire preuve de leadership envers les provinces afin d'aider les travailleurs pauvres du Canada?

Permettez-moi de donner un exemple qui éclairera le leader du gouvernement. La majorité des Canadiennes qui travaillent vivent sur ou sous le seuil de la pauvreté : 53,9 p. 100 des travailleuses, 2,6 millions de femmes, 47,1 p. 100 des femmes qui sont chefs de familles monoparentales sont considérées comme des travailleuses pauvres. Pour ce qui est des femmes autochtones, leur salaire annuel moyen est de 13 300 $, comparativement à 18 200 $ pour les hommes autochtones.

(1355)

Une majoration de 2 $ en Ontario voudra dire 16 $ fois cinq, c'est- à-dire 80 $ de plus par semaine pour ces travailleuses pauvres. C'est l'équivalent d'un panier d'alimentation hebdomadaire. Selon des études économiques réalisées dans les pays de l'OCDE, une hausse du salaire minimum aurait des effets minimes.

Delon un rapport de Pew Research, la majorité des partisans des deux partis, aux États-Unis, sont maintenant en faveur d'une augmentation du salaire minimum, ce qui exigera un leadership fédéral auprès des États. Nous apprenons que six États américains viennent d'approuver par référendum le relèvement du salaire minimum.

Le gouvernement fédéral va-t-il faire preuve de leadership afin d'améliorer le sort des travailleurs pauvres au Canada en majorant le salaire minimum dans les domaines qui sont de ressort fédéral?

Au Comité des banques, le sénateur Angus et moi nous préoccupons beaucoup de la productivité. Toutes les études économiques que j'ai parcourues, ici comme en Europe, montrent que cette majoration n'aurait absolument aucun effet préjudiciable sur l'économie. Il n'y a aucune raison d'ordre économique de ne pas augmenter le salaire minimum.

Le gouvernement fédéral fera-t-il preuve de leadership et se convaincra-t-il lui-même et convaincra-t-il les provinces que c'est là une mesure qui permettrait d'améliorer le sort des travailleurs pauvres au Canada?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur de sa question. En entendant son plaidoyer, je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi il n'a pas eu un certain succès à ce propos auprès du gouvernement précédent. Qu'il me suffise de dire que je vais prendre note de sa question et que je vais lui répondre le plus tôt possible.

Le sénateur Grafstein : Un mot d'histoire. J'ai peut-être tort, auquel cas le sénateur me corrigera, mais je crois savoir que le gouvernement de Brian Mulroney a éliminé les critères de salaire minimum fédéral. Il est vrai que les gouvernements qui ont suivi ne les ont pas rétablis. Étant donné ses étroites relations d'amitié avec Brian Mulroney, qui s'est toujours soucié des travailleurs pauvres, madame le leader du gouvernement voudra certainement envisager cette possibilité.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, comme je l'ai souvent dit, on a reproché bien des choses à M. Mulroney, et on ne lui a pas reconnu le mérite de beaucoup d'autres — quoique la reconnaissance commence à venir. Le gouvernement formé par le parti du sénateur a été au pouvoir un bon moment. S'il y avait une injustice de ce côté, des mesures auraient dû être prises pour la redresser.

Il y a de graves préoccupations au sujet des travailleurs pauvres, et plus particulièrement des femmes autochtones. Je sais que le gouvernement dont je fais maintenant partie considère la question avec beaucoup de compassion. Je ne sais pas au juste quels sont les plans à cet égard. Je le répète, je vais prendre note de la question et tenter d'obtenir une réponse le plus rapidement possible pour le sénateur.

Le sénateur Grafstein : Honorables sénateurs, j'ai critiqué tout aussi bien mon gouvernement, en Ontario, qui est d'allégeance libérale. J'ai commencé il y a quelques semaines à faire savoir que j'étais mécontent de son refus de majorer le salaire minimum dans la province. Ce n'est pas une question de blâme ou de responsabilité. Il s'agit plutôt de savoir ce qu'il y a lieu de faire maintenant. J'estime que le Sénat, qui est moins partial que d'autres institutions, pourrait faire cause commune pour inciter ou amener le gouvernement à faire preuve de leadership dans ce dossier.

Le sénateur LeBreton : Le sénateur Grafstein a tout à fait raison. Il s'agit de savoir ce qu'il y a lieu de faire maintenant. Le sénateur a fait ressortir un problème grave. Je vais tenter d'obtenir une réponse qui soit à la mesure de sa question.

LA DÉFENSE NATIONALE

L'AFGHANISTAN—LES VISITES DE DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES—LE DIVERTISSEMENT DES TROUPES—L'ACHEMINEMENT ET L'AFFECTATION DE L'AIDE

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat. Les sénateurs seront heureux d'apprendre que, même si je suis connu pour intervenir souvent pour parler de choses que je connais peu, je vais maintenant parler de spectacle.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Banks : Croyez-moi lorsque je dis que, même si vous n'avez pas pu le constater, j'en connais long sur l'industrie du spectacle.

Hier soir, aux actualités — réseau qui se soucie encore de la règle no 1 voulant qu'on vérifie les nouvelles avant de les diffuser —, Peter Mansbridge a dit que, compte tenu de l'intervention militaire du Canada en Afghanistan, « on aurait pu s'attendre à ce que les comités de la défense du Parlement aient déjà effectué une visite dans la région. Ils ne l'ont pas fait. Le comité du Sénat a bien essayé, mais des complications ont interrompu son voyage à Dubaï. Quant au comité des Communes, il n'est même pas arrivé jusqu'à l'aéroport. »

(1400)

Cela est partiellement vrai, même si le comité du Sénat s'est déjà rendu en Afghanistan auparavant et voulait y aller de nouveau, comme les sénateurs le savent.

Voilà maintenant la partie de la question concernant l'industrie du spectacle. Il y a un site web du gouvernement sur lequel il est possible de soumissionner pour monter un spectacle de divertissement à présenter à nos troupes en Afghanistan. C'est une chose admirable. Signalons qu'un groupe doit se produire en Afghanistan ce mois-ci. Il comprend quelques éminents artistes, de même que quelques artistes en herbe sur lesquels je voudrais attirer votre attention. J'en arrive maintenant à ceci : Jean Lapointe et moi pouvons monter un spectacle du tonnerre. Il y a de grands talents au Sénat.

Sénateur Lapointe, j'ai besoin de votre accord.

Si le sénateur Lapointe et moi décidons de monter un spectacle à présenter en Afghanistan, il serait de grande envergure. Nous aurions besoin de gens pour nous accompagner. Nous pourrions emmener le sénateur Kenny, le sénateur Moore et le sénateur Meighen. Nous pourrions également en profiter, une fois là-bas, pour poser clandestinement quelques questions sur les sujets qui nous intéressent. Madame le leader du gouvernement au Sénat appuierait-elle une initiative de ce genre?

Nous serions peut-être en mesure, pendant notre visite, d'obtenir des réponses aux questions que le comité se pose. Je note, en passant, au sujet d'une réponse à une question que j'avais posée antérieurement au leader, qu'il ne s'agit pas d'argent dépensé — comme nous le savons, il ne l'a pas été — mais d'argent destiné à être dépensé à Kandahar où se trouvent nos troupes.

C'est une question à deux volets. J'ai demandé au leader combien d'argent était en cause, et elle m'a répondu, à juste titre, que le montant des dépenses prévues pour la province de Kandahar est de 15 millions de dollars. Appuierait-elle notre idée de présenter un bon spectacle du Sénat en Afghanistan?

Le Canada a réservé cette année 100 millions de dollars pour l'aide à l'Afghanistan, par l'entremise de l'Agence canadienne de développement international. Madame le leader du gouvernement a dit que, sur ce montant, 15 millions sont destinés à la province de Kandahar. Convient-il que 15 p. 100 seulement des 100 millions de dollars d'aide étrangère réservés à l'Afghanistan soient affectés à la région du pays où les troupes canadiennes sont stationnées, tandis que les 85 autres millions aboutiront dans les coffres du gouvernement central, de sorte qu'il nous sera très difficile de déterminer l'utilisation faite de cet argent?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je suis vraiment déçue d'entendre cette question du sénateur Banks. L'autre jour, il a dit que j'étais une excellente danseuse de claquettes, mais il n'a pas songé à m'inclure parmi les sénateurs pouvant participer au spectacle.

J'ai visionné le reportage de la CBC hier soir. En réalité, les militaires avaient offert d'emmener le Comité des affaires étrangères de l'autre endroit en Afghanistan, pendant la pause parlementaire du jour du Souvenir, je crois. Il a même été question à un moment donné d'inviter des sénateurs à participer au voyage. Les libéraux membres du comité ne voulaient cependant pas y aller à ce moment- là, parce que c'était trop proche du congrès d'investiture libéral. Quant aux membres bloquistes, ils refusaient d'y aller parce que cela aurait empiété sur la pause parlementaire. Rien n'a été fait pour empêcher les comités parlementaires d'aller en Afghanistan. En fait, je crois que le comité des Communes est en contact avec les militaires pour organiser un voyage en Afghanistan dans un très proche avenir.

(1405)

Pour ce qui est la question plus longue relative à l'aide à l'Afghanistan, la ministre Verner et moi avons parlé des 15 millions de dollars. Je crois qu'une longue réponse détaillée est en préparation, expliquant à quoi et à qui l'argent est destiné. J'essaierai donc de répondre à cette partie de la question dans une réponse différée.

Le sénateur Banks : J'en serais très satisfait parce que le leader du gouvernement au Sénat ferait alors une chose que la ministre n'a pas faite. La ministre a comparu devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, mais a été incapable de répondre à cette question. Le comité lui a écrit, comme elle l'a suggéré, pour poser cette question précise. Elle a répondu par une lettre dans laquelle elle disait ceci : « Nous ne pouvons pas vous fournir ces renseignements. » L'engagement pris à cet égard par le leader du gouvernement au Sénat est donc le bienvenu. Je l'en remercie.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je m'empresse d'ajouter que l'Afghanistan est le plus important bénéficiaire de l'aide canadienne. Tous les honorables sénateurs comprendront qu'il est difficile de faire parvenir l'aide dans cette région, surtout dans la province de Kandahar, à cause de l'instabilité de la situation. Nous espérons que les efforts déployés par l'OTAN permettront de rétablir la sécurité pour que plus d'aide puisse arriver à destination. Comme je l'ai dit il y a un instant, j'essaierai d'obtenir une réponse aussi complète que possible.

Le sénateur Banks : Je suppose que madame le leader du gouvernement connaît bien la nature de la question posée à la ministre par le comité au sujet des autres moyens de livrer l'aide partout où elle est nécessaire. Je demande au leader d'en tenir compte dans sa réponse.

[Français]

L'honorable Jean Lapointe : Honorables sénateurs, je suis arrivé au moment où le sénateur Banks mentionnait mon nom et ma participation à un éventuel spectacle. Si nous allions faire un spectacle en Afghanistan, les sénateurs Ringuette, Rompkey et moi, le sénateur Banks accepterait-il que le piano à queue soit devant nous et que nous chantions derrière?

LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA—L'EFFICACITÉ DU REGISTRE DES ARMES D'ÉPAULE

L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat, sur un sujet un peu plus sérieux, qui touche aux armes à feu.

J'ai été très étonnée, en lisant Le Devoir aujourd'hui, de trouver un reportage publié par la Presse canadienne qui nous apprend que le ministre de la Sécurité publique a déjà, le printemps dernier, mis fin aux travaux du comité consultatif chargé du contrôle des armes à feu et qu'il a depuis créé un nouveau comité où l'on ne retrouve aucun des organismes en faveur du maintien intégral du registre des armes à feu, ni la Coalition pour le contrôle des armes à feu, ni les organismes québécois de prévention du suicide.

[Traduction]

Le plus surprenant peut-être, c'est l'absence des organismes de police qui sont en faveur du registre des armes à feu, comme l'Association canadienne des chefs de police, l'Association canadienne des policiers et l'Association ontarienne des chefs de police. Nous savons que la police appuie fortement le maintien du registre. Les policiers s'en servent 6 500 fois par jour. Ils ne le feraient pas s'ils ne trouvaient pas le registre utile. Cela semble suspect, comme dans le cas de la Commission du blé et d'autres. C'est comme si le gouvernement a créé un comité consultatif qui ne lui donnera qu'un seul genre de conseils, ceux qui lui seront agréables.

Si vous ne voulez voir qu'un seul côté de la médaille, pourquoi former un comité consultatif? L'objet d'un tel comité est de signaler au gouvernement les choses qui pourraient lui avoir échappé, et qui pourraient donc l'amener à changer d'avis.

(1410)

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je n'ai pas vu l'article dont parle l'honorable sénateur, mais le ministre de la Sécurité publique fait de vastes consultations auprès de nombreuses organisations.

Pour ce qui est du contrôle des armes à feu, il ne fait aucun doute que le gouvernement est fortement en faveur de lois strictes à cet égard. La question ici porte évidemment sur le registre des armes d'épaule. De toute évidence, bien des gens confondent encore le contrôle et la sécurité des armes à feu avec le registre des armes d'épaule.

En réalité, je n'ai pas vu l'article et je ne sais pas de quoi il traite. Qu'il suffise néanmoins de dire que le gouvernement est bien déterminé à se pencher sur toutes les questions liées aux crimes commis avec des armes à feu, notamment en renforçant le registre.

Comme je l'ai indiqué dans une réponse précédente concernant la tragédie du Collège Dawson, le jeune homme qui a perpétré ce crime possédait des armes légalement enregistrées. Il s'agit de resserrer les lois et d'imposer des peines minimales obligatoires aux auteurs d'actes criminels commis avec des armes à feu.

Je crois que le ministre Day et le gouvernement ont largement réussi à renforcer la sécurité de nos collectivités.

Le sénateur Segal : Bravo!

Le sénateur Fraser : Le leader du gouvernement au Sénat n'a pas vraiment répondu à ma question, mais peu importe. J'attire l'attention de madame le ministre sur le fait que nombre d'entre nous estimons que le registre des armes d'épaule est un élément de la sécurité des armes à feu. Des milliers de Canadiens partagent cette opinion. Il en est de même de milliers de Montréalais, notamment les victimes de la tuerie du Collège Dawson. Je demanderais au leader de ne pas insulter l'intelligence de ceux qui n'appuient pas les politiques de son gouvernement.

Quelle est la raison d'être d'un comité consultatif si toute la gamme des opinions n'y est pas représentée? Si on obtenait une gamme complète d'opinions d'experts, il serait possible d'améliorer les politiques.

Le sénateur LeBreton : Madame le sénateur prétend que j'insulte l'intelligence des gens. Je crois qu'elle devrait revoir sa façon de poser des questions.

En fait, le registre des armes d'épaule a coûté 2 milliards de dollars et la vérificatrice générale a déclaré qu'il constituait un énorme gaspillage de deniers publics.

L'honorable sénateur cite continuellement les vérifications effectuées par les corps policiers. Or, les 6 500 vérifications dont elle parle ne concernent pas que le registre des armes d'épaule. Ce dernier ne représente qu'une partie des renseignements qu'on peut obtenir grâce à des vérifications.

Le ministre Day a consulté très largement. Madame le sénateur suppose qu'il s'est entouré d'un groupe consultatif qui ne sera d'accord qu'avec lui. C'est une hypothèse injuste et arrogante. Le ministre Day a consulté quelque 500 groupes depuis qu'il est devenu ministre de la Sécurité publique et il a même eu des discussions avec le groupe sur l'usage sécuritaire des armes, au Collège Dawson.

Le sénateur Fraser : Madame le ministre n'a pas à répondre à la prochaine question; elle peut la prendre en délibéré. Je voudrais qu'elle nous fournisse une liste des membres du nouveau comité.

Le sénateur LeBreton : Je suis heureuse que madame le sénateur me donne la permission de prendre la question en délibéré.

LA DÉFENSE NATIONALE

L'AFGHANISTAN—LES VISITES DES DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES

L'honorable Colin Kenny : Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat n'a fait que tourner autour du pot dans sa réponse au sénateur Banks.

J'ai rencontré le ministre de la Défense le 19 juin, en compagnie du président du comité de la Chambre des communes. À ce moment-là, le président du comité de la Chambre des communes a déclaré que son comité n'avait aucune intention de se rendre en Afghanistan. Par la suite, le ministre a joint le comité sénatorial à plusieurs reprises — et je peux vous les énumérer — pour nous demander d'amener avec nous le président du comité de la Chambre des communes et son secrétaire parlementaire, parce que les membres du comité des Communes n'avaient pas l'intention de se rendre là- bas. Ils ont depuis changé d'idée. Madame le leader pourrait-elle nous faire part de son point de vue là-dessus?

(1415)

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : J'ai fourni au sénateur Banks des renseignements que j'ai obtenus directement du comité à l'autre endroit, et je ne peux parler des réunions qui ont eu lieu en juin dernier.


ORDRE DU JOUR

PROJET DE LOI FÉDÉRAL SUR LA RESPONSABILITÉ

TROISIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Stratton, appuyée par l'honorable sénateur Andreychuk, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation, tel que modifié;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Mercer, appuyée par l'honorable sénateur Baker, C.P., que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié,

a) à l'article 40, à la page 56, par substitution, aux lignes 6 et 7, de ce qui suit :

« outre être produites par celui-ci »;

b) par suppression de l'article 121 aux pages 103 à 109;

c) par suppression de l'article 122 à la page 110;

d) par suppression de l'article 123 à la page 110;

e) par suppression de l'article 124 aux pages 110 et 111;

f) par suppression de l'article 125 à la page 111;

g) par suppression de l'article 126 à la page 111;

h) par suppression de l'article 127 à la page 111;

i) par suppression de l'article 128 aux pages 111 et 112;

j) par suppression de l'article 129 à la page 112;

k) par suppression de l'article 130 à la page 112;

l) par suppression de l'article 131 aux pages 112 et 113;

m) par suppression de l'article 132 à la page 113;

n) par suppression de l'article 133 aux pages 113 et 114;

o) par suppression de l'article 134 à la page 114;

p) par suppression de l'article 135 à la page 115;

q) par suppression de l'article 136 à la page 115;

r) par suppression de l'article 137 à la page 115;

s) par suppression de l'article 138 à la page 115;

t) par suppression de l'article 139 aux pages 115 et 116;

u) par suppression de l'article 140 à la page 116;

v) par suppression de l'article 273 à la page 193;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Murray, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Atkins, que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 227 :

a) à la page 175,

(i) par substitution, aux lignes 31 et 32, de ce qui suit :

« 1.1 Le gouverneur en conseil peut constituer une commission des nominations »,

(ii) par substitution, aux lignes 35 à 38, de ce qui suit :

« qu'il lui confie. Il peut, en plus de procéder à la nomination des membres de la commission, fixer leur rémunération et leurs indemnités. »;

b) à la page 176, par suppression des lignes 1 à 46;

c) à la page 177, par suppression des lignes 1 à 18;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Murray, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Atkins, que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié,

a) par suppression de l'article 39 à la page 52;

b) par suppression de l'article 40 aux pages 52 à 56;

c) par suppression de l'article 41 à la page 56;

d) par suppression de l'article 42 aux pages 56 et 57;

e) par suppression de l'article 43 à la page 57;

f) par suppression de l'article 44 aux pages 57 et 58;

g) par suppression de l'article 45 à la page 58;

h) par suppression de l'article 46 aux pages 58 et 59;

i) par suppression de l'article 47 aux pages 59 et 60;

j) par suppression de l'article 48 à la page 60;

k) par suppression de l'article 49 aux pages 60 et 61;

l) par suppression de l'article 50 à la page 61;

m) par suppression de l'article 51 à la page 61;

n) par suppression de l'article 52 aux pages 61 et 62;

o) par suppression de l'article 53 à la page 62;

p) par suppression de l'article 54 à la page 62;

q) par suppression de l'article 55 aux pages 62 et 63;

r) par suppression de l'article 56 aux pages 63 et 64;

s) par suppression de l'article 57 à la page 64;

t) par suppression de l'article 58 à la page 64;

u) par suppression de l'article 59 à la page 64;

v) par suppression de l'article 60 à la page 64;

w) par suppression de l'article 61 à la page 65;

x) par suppression de l'article 62 à la page 65;

y) par suppression de l'article 63 à la page 65;

z) par suppression de l'article 64 à la page 65;

z.1) à l'article 108 :

(i) à la page 93, par suppression des lignes 42 à 45,

(ii) à la page 94, par suppression des paragraphes (4) et (4.1);

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Murray, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Atkins, que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 121 :

a) à la page 103, par substitution, aux lignes 21 et 22, de ce qui suit :

« « directeur »). »;

b) à la page 105, par suppression des lignes 10 à 32;

c) à la page 106,

(i) par suppression des lignes 1 à 6,

(ii) par substitution, aux lignes 10 et 11, de ce qui suit :

« conseil. Son mandat »,

(iii) par suppression des lignes 33 à 35;

d) à la page 107, par suppression des lignes 1 à 3;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Murray, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Atkins, que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié,

a) par suppression de l'article 91, à la page 86;

b) par suppression de l'article 98, à la page 87;

c) à l'article 108, à la page 94, par substitution, à la ligne 5, de ce qui suit :

« (5) Les articles 65 à 82, 84 à 88, 90 et 92 à 97 »;

d) par suppression de l'article 117, à la page 100;

e) par suppression de l'article 141, aux pages 116 et 117;

f) par suppression de l'article 142, à la page 117;

g) par suppression de l'article 143, à la page 117;

h) par suppression de l'article 144, à la page 118;

i) par suppression de l'article 145, à la page 118;

j) par suppression de l'article 146, aux pages 118 et 119;

k) par suppression de l'article 147, à la page 119;

l) par suppression de l'article 148, aux pages 119 et 120;

m) par suppression de l'article 149, à la page 120;

n) par suppression de l'article 150, à la page 120;

o) par suppression de l'article 150.1, à la page 120;

p) par suppression de l'article 151, aux pages 120 et 121;

q) par suppression de l'article 152, à la page 121;

r) par suppression de l'article 153, à la page 121;

s) par suppression de l'article 154, aux pages 121 et 122;

t) par suppression de l'article 155, à la page 122;

u) par suppression de l'article 156, à la page 122;

v) par suppression de l'article 157, à la page 122;

w) par suppression de l'article 158, à la page 122;

x) par suppression de l'article 159, aux pages 122 et 123;

y) par suppression de l'article 160, à la page 123;

z) par suppression de l'article 161, à la page 123;

z.1) par suppression de l'article 162, à la page 123;

z.2) par suppression de l'article 163, aux pages 123 et 124;

z.3) par suppression de l'article 164, aux pages 124 à 126;

z.4) par suppression de l'article 166, à la page 126;

z.5) par suppression de l'article 167, à la page 126;

z.6) par suppression de l'article 168, à la page 127;

z.7) par suppression de l'article 169, à la page 127;

z.8) par suppression de l'article 170, à la page 127;

z.9) par suppression de l'article 171, à la page 127;

z.10) par suppression de l'article 172, à la page 127;

z.11) par suppression de l'article 172.01, à la page 127;

z.12) par suppression de l'article 181, aux pages 131 et 132;

z.13) par suppression de l'article 182, aux pages 132 et 133;

z.14) par suppression de l'article 183, à la page 133;

z.15) par suppression de l'article 184, à la page 133;

z.16) par suppression de l'article 185, aux pages 133 et 134;

z.17) par suppression de l'article 186, à la page 134;

z.18) par suppression de l'article 187, à la page 134;

z.19) par suppression de l'article 188, à la page 134;

z.20) par suppression de l'article 189, à la page 134;

z.21) par suppression de l'article 190, aux pages 134 à 136;

z.22) par suppression de l'article 191, aux pages 136 et 137;

z.23) par suppression de l'article 192, à la page 137;

z.24) par suppression de l'article 193, à la page 137;

z.25) par suppression de l'article 221, aux pages 171 et 172;

z.26) à l'article 228,

(i) à la page 177,

(A) par substitution, aux lignes 19 à 30, de ce qui suit :

« 228. Les articles 173 à 179 et 227 entrent en vigueur à la date ou aux »,

(B) par suppression des lignes 32 à 44,

(ii) à la page 178, par suppression des lignes 1 à 6.

(Conformément à l'ordre adopté le 7 novembre 2006, toutes les questions pour disposer de la troisième lecture du projet de loi C-2 seront mises aux voix au plus tard à 15 h 30 le 9 novembre 2006.)

L'honorable Lorna Milne : Honorables sénateurs, dans mon discours sur le projet de loi C-2 à l'étape du rapport, j'ai indiqué que, à l'issue de leur examen des dispositions du projet de loi C-2 qui portent sur l'accès à l'information, les membres du comité ont conclu que, dans certains cas, le projet de loi ne préservait pas l'équilibre souhaitable entre le droit de savoir des Canadiens et la nécessité de ne pas divulguer certains renseignements dans l'intérêt supérieur du pays.

Le comité a résolu de rétablir cet équilibre par une série d'amendements, que j'ai décrits lors du débat à l'étape du rapport. L'un de ces amendements avait pour but d'inclure dans le projet de loi une clause de dérogation dans l'intérêt du public. Ainsi, le nouvel article 150.1 vise à autoriser le directeur d'une institution gouvernementale à divulguer des renseignements lorsque, pour une raison ou pour une autre, cela est clairement dans l'intérêt du public. L'article 150.1 énonce actuellement ce qui suit :

La loi est modifiée par adjonction, après l'article 26, de ce qui suit :

26.1 Par dérogation aux autres dispositions de la présente loi, le responsable d'une institution fédérale peut autoriser la communication, pour des raisons d'intérêt public, de tout ou partie de tout document assujetti à la présente loi si ces raisons justifient nettement les pertes, atteintes ou préjudices qui peuvent en résulter. Toutefois, le responsable ne peut communiquer aucun renseignement relatif à la sécurité nationale.

Pendant les réunions du comité, l'Association du Barreau canadien, la Freedom of Information and Privacy Association de la Colombie-Britannique et l'Association canadienne des journaux ont proposé d'ajouter une dérogation générale, dans l'intérêt public, à toutes les exceptions. Comme je l'ai mentionné dans mes observations précédentes, les lois provinciales en matière d'accès à l'information de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba, de l'Ontario et de l'Île-du-Prince- Édouard contiennent des dispositions semblables.

Peu après l'étude de ces modifications, on m'a fait remarquer que le libellé de cet amendement risquait d'avoir une conséquence imprévue. En effet, on pourrait maintenant déduire de l'article 150.1 qu'aucune information relative à la sécurité nationale ne doit être divulguée.

Votre comité n'a jamais eu l'intention d'inclure l'obligation, pour toutes les institutions du gouvernement, de refuser de divulguer toute information relative à la sécurité nationale. Nous voulons que la Loi sur l'accès à l'information continue de s'appliquer comme avant en ce qui concerne les requêtes relatives à la sécurité nationale, en appliquant les critères de préjudice prévus partout dans la loi. L'amendement initial à l'étape de l'étude article par article avait pour but de préciser que la dérogation dans l'intérêt public ne peut être utilisée pour forcer la divulgation de secrets relatifs à la sécurité nationale.

Ce manque de clarté a été porté à notre attention par le bureau du légiste du Sénat et par John Reid, l'ancien commissaire à l'information.

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable Lorna Milne : Honorables sénateurs, après avoir entendu ces préoccupations et discuté de la question avec plusieurs collègues, j'ai décidé de proposer l'amendement suivant. Avec l'appui du sénateur Day, je propose :

Que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 150.1, à la page 120, par adjonction, après les mots « Toutefois, le responsable ne peut communiquer », de ce qui suit :

« , en vertu du présent article, ».

Cet amendement permettra de supprimer toute incertitude au sujet du nouvel article 150.1, relatif à la dérogation dans l'intérêt public.

(1420)

Son Honneur le Président : Madame le sénateur Milne a la parole au sujet de l'amendement.

Le sénateur Milne : Honorables sénateurs, comme j'ai dit que je le ferais durant l'étape du rapport, je vais décrire certains amendements apportés par le comité à l'article 227 du projet de loi C-2, lequel crée une commission des nominations publiques. Je suis certaine que les sénateurs jugeront que c'est un exemple probant de bonnes intentions qui ont mal tourné et d'inévitables compromis.

À l'origine, l'un des documents accompagnant le projet de loi fédéral sur la responsabilité indiquait que « le processus de nomination des membres d'organismes, de conseils et de commissions n'est pas aussi transparent et fondé sur le mérite qu'il pourrait l'être ». Un autre document nous apprenait que « la Loi fédérale sur la responsabilité créera une Commission des nominations publiques au sein du portefeuille du premier ministre pour surveiller le processus de sélection des nominations et les renouvellements de mandat aux conseils, commissions, organismes et sociétés d'État et faire rapport à ce sujet ».

Tout cela semblait encourageant et j'étais curieuse de voir ce que le nouveau gouvernement avait à proposer. J'ai donc examiné la version du projet de loi C-2 à l'étape de la première lecture et j'ai trouvé un article établissant la Commission des nominations publiques. L'article se lisait comme suit :

228. La Loi sur les traitements est modifiée par adjonction, après l'article 1, de ce qui suit :

COMMISSION DES NOMINATIONS PUBLIQUES

Constitution d'une commission

1.1 Le gouverneur en conseil peut constituer une commission des nominations publiques formée d'au plus cinq membres, dont le président, pour exercer les fonctions qu'il lui confie. Il peut, en plus de procéder à la nomination des membres de la commission, fixer leur rémunération et leurs indemnités.

Voilà. Il n'y avait aucun mandat prescrit par la loi et rien à propos de la durée du mandat. En fait, pour avoir une meilleure idée de la façon dont cette commission fonctionnerait, j'ai dû me rabattre sur un communiqué du 21 avril 2006 affiché sur le site web du premier ministre. Le communiqué expliquait que la commission allait, premièrement, établir des lignes directrices pour régir les processus de sélection des personnes nommées par décret au sein des organismes, conseils, commissions et sociétés d'État; deuxièmement, approuver les processus de sélection proposés par les ministres pour combler les postes vacants au sein des organismes, conseils, commissions et sociétés d'État qui sont sous leur responsabilité; troisièmement, surveiller, examiner et évaluer les processus de sélection pour veiller à ce qu'ils soient mis en œuvre de la manière convenue.

Une série de modifications de la disposition du projet de loi C-2 établissant une commission des nominations publiques ont été proposées à l'autre endroit. Elles portaient, entre autres, sur les fonctions de la commission, le mode de nomination et le mandat des commissaires et la présentation de rapports annuels aux deux Chambres du Parlement par l'entremise du premier ministre.

Le sénateur Murray a donné son avis sur ces modifications hier, et nous devons tous décider d'appuyer ou non ses propres modifications à cet égard.

En outre, après avoir examiné cette série élargie de modifications proposées dans le projet de loi C-2, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a proposé d'autres modifications. La première consistait simplement à forcer le gouvernement à remplir ses engagements envers les Canadiens d'établir cette commission des nominations publiques pour toutes les raisons qu'il a données quand il a présenté le projet de loi. Si c'était là un principe suffisamment important du programme du gouvernement relativement aux candidatures présentées longtemps avant que le projet de loi ne devienne loi, pourquoi donc rendrait-on l'établissement de cette commission discrétionnaire? Si le gouvernement croit vraiment que cela constitue le meilleur moyen d'assurer l'obligation de rendre compte et la transparence dans le processus des nominations, cela ne devrait pas être discrétionnaire.

Les dispositions constituant la commission des nominations publiques sont muettes sur la façon dont le mandat d'un commissaire serait reconduit. Le projet de loi C-2 est également muet sur la nécessité pour le premier ministre de consulter quiconque au Sénat ou à la Chambre des communes au sujet des nominations des commissaires. Par conséquent, le comité a adopté des amendements obligeant le premier ministre à consulter le chef de chacun des partis reconnus au Sénat avant de recommander la nomination d'un commissaire ou la reconduction de son mandat.

Honorables sénateurs, étant donné qu'un comité sénatorial sera chargé d'étudier le rapport annuel de la commission des nominations publiques une fois que le projet de loi C-2 aura été adopté, le comité a estimé qu'il était tout à fait légitime que le Sénat soit consulté au sujet des nominations des commissaires.

D'autres modifications proposées par votre comité auront pour effet d'obliger les personnes de l'extérieur de la fonction publique qui seront nommées commissaires à apprendre le code de pratique qui sera établi par la commission. Les commissaires seront nommés pour une période de sept ans, compte tenu du temps qu'il faudra à un nouveau commissaire pour se familiariser avec les divers processus de nomination qu'il devra surveiller et au sujet desquels on lui demandera des comptes. On a jugé qu'il valait mieux étendre la durée du mandat pour que les Canadiens puissent bénéficier de l'expérience accumulée par les commissaires des nominations publiques, expérience qu'ils peuvent mettre à profit au cours des dernières années de leur mandat.

Comme je l'ai mentionné auparavant, la volonté de créer la commission des nominations publiques nous révèle de bonnes intentions de la part du gouvernement actuel, qui souhaite accroître la transparence dans le processus de nomination. Au début de mon intervention, j'ai parlé de compromis inévitables. En effet, bien que le gouvernement ait pris l'initiative d'accroître la transparence dans le processus de nomination, il a malheureusement affiché une certaine tendance à revenir sur son engagement envers les Canadiens.

Le comité est d'avis que, si le gouvernement veut remplir l'obligation qu'il a contractée envers les Canadiens, le projet de loi nécessite un amendement prévoyant la création d'une commission des nominations publiques. Je crois que nous devons contraindre le gouvernement à créer cette commission et à apporter les autres amendements proposés par le comité, car c'est dans l'intérêt de l'ensemble des Canadiens. J'exhorte les sénateurs à appuyer ces amendements.

L'honorable John G. Bryden : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour participer au débat sur le projet de loi C-2, la Loi fédérale sur la responsabilité. J'aimerais premièrement féliciter tous les sénateurs qui ont passé de si longues heures à étudier ce projet de loi très volumineux et très complexe. Je ne faisais pas partie du comité qui a étudié le projet de loi, mais j'ai suivi ses travaux de près.

Je félicite et je remercie tous ceux qui ont participé à cette étude importante, à savoir le sénateur Oliver, qui a présidé le comité, madame le sénateur Milne, qui en a été la vice-présidente, le sénateur Day, qui a agi comme principal porte-parole de l'opposition relativement à cet énorme projet de loi, le sénateur Stratton, qui s'est chargé de présenter la position du gouvernement aux témoins et aux membres du comité, ainsi que les autres membres du comité, qui se sont acquittés admirablement de leur tâche au cours de ces travaux difficiles.

Je transmets également mes félicitations et mes remerciements à tout le personnel de soutien, et surtout à Gérald Lafrenière, greffier du comité, ainsi qu'à ses collègues qui l'ont aidé à gérer cet imposant dossier. Je crois comprendre qu'environ la moitié de la Direction des comités a participé d'une façon ou d'une autre à ce dossier. Je transmets également mes félicitations et mes remerciements au personnel extraordinaire du bureau des légistes. Nous leur devons beaucoup. Ils ont fait un travail extraordinaire en étudiant cette mesure législative des plus complexes et en proposant des amendements qui permettront de l'améliorer de façon importante. Voilà un autre exemple de la contribution apportée par le Sénat au chapitre de la législation et de la politique fédérales.

(1430)

Comme tous ceux qui sont déjà intervenus dans ce débat, j'appuie vivement les objectifs du projet de loi C-2, tout particulièrement en ce qui a trait à la responsabilité et à la transparence au gouvernement fédéral. Je dois toutefois vous dire que, sans les nombreux amendements qui ont été apportés par le comité, je suis loin d'être persuadé que ce projet de loi aurait atteint les objectifs visés.

Je partage l'opinion exprimée par un des témoins qui a comparu devant le comité, M. Stanley Tromp, directeur de la recherche au B.C. Freedom of Information and Privacy Association. Il a terminé son allocution d'ouverture sur les mots suivants :

Je conclurai par deux extraits du feuilleton britannique bien connu « Yes, Minister », et plus particulièrement d'un épisode intitulé « Open Government ». Sir Humphrey Appleby, le bureaucrate suprême, dit ceci : « J'ai expliqué que nous avions donné au livre blanc le titre de gouvernement ouvert parce que c'est toujours dans le titre qu'il faut se débarrasser des choses difficiles. C'est beaucoup moins dangereux que de le faire dans une loi. » C'est la loi de la pertinence inverse : « Moins on a l'intention d'en faire dans un dossier, plus il faut en parler. »

La responsabilité signifie vraiment la responsabilité envers le Parlement. La question qui se pose est donc la suivante : ce projet de loi accroît-il en fait la capacité du Parlement d'exiger des comptes au gouvernement? Je crains que non. En fait, il risque à long terme d'avoir l'effet contraire et de porter atteinte à notre démocratie parlementaire en réduisant le rôle du Parlement qui consiste à exiger des comptes au gouvernement.

Le gouvernement et un certain nombre de sénateurs d'en face défendent ce projet de loi en se référant constamment au rapport Gomery. Ils essaient de faire croire que nous, de ce côté-ci, sommes déconnectés parce que nous contestons le projet de loi C-2, et ils laissent entendre que ce dernier est indispensable pour prévenir le problème qui a mené à la création de la Commission Gomery.

Comme le sénateur Mitchell l'a souligné ici la semaine dernière, le juge Gomery lui-même a dit que pas une seule disposition de ce projet de loi ne tient compte de ses recommandations. En effet, un certain nombre de témoins qui ont comparu devant le comité ont affirmé très clairement que rien dans ce projet de loi ne pourrait empêcher un autre scandale des commandites. Nous avions déjà toutes les règles dont nous avions besoin; elles étaient déjà en place. Le problème, c'est que les règles n'ont pas été respectées, et rien dans le projet de loi C-2 n'aurait pu empêcher cela.

Dans son rapport, le juge Gomery ne recommande la création ni d'un poste de directeur des poursuites pénales, ni d'une commission des nominations publiques, ni même d'un poste de vérificateur de l'approvisionnement. Je remarque que Joe Wild, conseiller juridique principal au Conseil du Trésor, a admis, lorsqu'on l'a interrogé, qu'il s'agissait là d'une fausse appellation. Le projet de loi crée en réalité un poste d'ombudsman de l'approvisionnement, quelqu'un qui n'aurait absolument aucun pouvoir de vérification de l'approvisionnement. Je félicite le comité d'avoir corrigé cette appellation dans les amendements qu'il a présentés.

Le juge Gomery n'a pas recommandé la fusion des postes de commissaire à l'éthique et de conseiller sénatorial en éthique. Autant que je sache, le juge Gomery n'a pas laissé entendre une seule fois que ces postes présentaient quelque problème que ce soit. Bon nombre des nouveaux postes et des nouvelles organisations que crée le projet de loi C-2 ne découlent pas des recommandations du rapport Gomery. Par ailleurs, bon nombre des modifications que le juge Gomery a recommandées — par exemple, sur des questions comme l'accès à l'information et la dénonciation — n'ont pas été insérées dans le projet de loi C-2. Je suis fier de constater que les amendements proposés par le comité remédieraient à un certain nombre de ces omissions.

L'objectif réel du rapport du juge Gomery a été résumé dans le premier paragraphe de son introduction, lorsqu'il a demandé : « Où étaient les parlementaires? » Il a dit que cette question mettait en relief « l'une des principales défaillances de la gestion du Programme de commandites : le fait que le Parlement n'a pas joué son rôle traditionnel et historique de surveillant des dépenses effectuées par la branche exécutive du gouvernement ».

D'ailleurs, sa principale recommandation était la suivante : « Pour corriger le déséquilibre qui existe entre les ressources dont dispose le gouvernement et celles auxquelles ont accès les comités parlementaires et leurs membres, le gouvernement devrait augmenter considérablement le financement accordé aux comités parlementaires ».

Les uns après les autres, les témoins ont fait allusion à cette recommandation et ont fait remarquer son absence flagrante dans le projet de loi sur la responsabilité du gouvernement et aussi, d'ailleurs, dans son fameux Plan d'action sur l'imputabilité fédérale. Honorables sénateurs, ce plan d'action comporte 13 sections distinctes, en plus d'une introduction et d'une conclusion. Aucune de ces parties n'aborde l'augmentation du financement accordé aux comités parlementaires.

L'approche du gouvernement actuel, au contraire, consiste à interposer de nouveaux agents et de nouvelles commissions, essentiellement pour s'emparer des fonctions qui, dans notre démocratie parlementaire, ont jours relevé et doivent relever de la responsabilité du Parlement. Les témoins qui ont comparu devant le comité ont attiré l'attention sur cet aspect en faisant part de leur inquiétude. Peter Aucoin, l'éminent professeur d'administration publique à l'Université Dalhousie, a comparu devant le comité. Il avait écrit un article intitulé « Nommer, blâmer et couvrir de honte : Améliorer la responsabilité du gouvernement à la lumière de Gomery ». Dans cet article, il étudie la proposition du Parti conservateur, énoncée dans le projet de loi C-2, visant à améliorer la capacité du Parlement d'obliger le gouvernement à rendre des comptes. Il écrit :

Ce qu'il convient de souligner ici, c'est que la capacité du gouvernement de tenir les ministres et les hauts fonctionnaires responsables est considérée comme exclusivement en fonction des agents parlementaires et non des députés proprement dits. Or, dans la tradition canadienne — une tradition qui n'est pas entièrement partagée par les autres systèmes de type Westminster — ces agents ou hauts fonctionnaires du gouvernement sont réputés être « indépendants », c'est-à-dire non assujettis aux directives et aux demandes des députés. Dans le cadre de leur mandat conféré par la loi, ils peuvent accomplir leurs fonctions de surveillance, de vérification, d'enquête et de revue comme il leur semble bon.

Il n'est donc pas surprenant de voir les Conservateurs proposer, pour la responsabilisation du gouvernement, des réformes qui s'inspirent du modèle de la vérificatrice générale — le fonctionnaire le plus indépendant au Parlement. On serait presque porté à dire que les députés ont « donné en sous- traitance » le devoir du Parlement de tenir les ministres et hauts fonctionnaires responsables auprès de leurs agents parlementaires.

Sharon Sutherland, professeure à l'école d'études politiques de l'Université d'Ottawa, a dit au comité :

Le projet de loi C-2 n'est pas un projet de loi conservateur mais bien radical. S'il est adopté, nous allons nous écarter d'institutions soit que nous connaissons, soit que nous pourrions de nouveau connaître pour nous diriger à la place vers une destination inconnue.

David Smith, professeur émérite à l'Université de la Saskatchewan, s'est dit préoccupé par l'importance accordée dans le projet de loi C-2 aux agents du Parlement. Il a dit ceci :

Il existe une théorie constitutionnelle, qui est plus américaine que canadienne ou britannique, et selon laquelle les vérificateurs et les agents comme les agents du Parlement sont censés incarner la branche chargée de l'intégrité du gouvernement. Le mot est de Bruce Ackerman, professeur de droit à Yale.

Quelle que soit sa validité dans un autre système politique, la notion d'une branche seule chargée de l'intégrité, qui se sert des agents du Parlement pour la faire respecter, ne correspond pas bien à la Constitution du Canada.

Honorables sénateurs, je suis très inquiet de voir la direction que font prendre ce projet de loi et le gouvernement aux institutions de la démocratie parlementaire canadienne. Ce qui m'inquiète encore plus, c'est qu'il est possible que le gouvernement ne comprenne pas les conséquences que pourraient avoir les modifications qu'il propose.

Arthur Kroeger, un ancien sous-ministre brillant au sein de plusieurs ministères, un éminent mandarin reconnu de par le monde pour sa connaissance de notre système gouvernemental, a dit au comité que si le projet de loi C-2 « avait été rédigé par un gouvernement ayant plus d'expérience au pouvoir, il ne contiendrait peut-être pas certains des éléments qu'il renferme ».

Je me fais l'écho de ses préoccupations, auxquelles j'ajoute les miennes. Savons-nous à quoi donneront lieu ces modifications, honorables sénateurs?

Le professeur Smith a soulevé les mêmes préoccupations en utilisant l'exemple du projet de création d'un seul poste de commissaire à l'éthique pour les deux Chambres du Parlement.

(1440)

Il a dit ceci au comité :

Ce qui est plus fondamental ici, c'est le fait que l'on confond les différences au niveau du personnel. De même, on ne tient aucun compte de la spécificité organisationnelle et culturelle des deux Chambres du Parlement canadien. Autrement dit, on ne reconnaît suffisamment pas les impératifs du bicaméralisme. Les symboles sont importants en politique, et ce projet de loi témoigne d'un mépris pour le caractère distinct des deux Chambres.

Plus tard, il a dit :

Pour ceux qui ne connaissent pas les institutions politiques et la Constitution du Canada, le nombre d'agents responsables de l'éthique peut sembler sans importance. Mais l'argument que je viens de développer nous dit le contraire. Il y a des motifs pratiques et symboliques qui militent contre la nomination d'un seul commissaire à l'éthique pour les deux Chambres du Parlement.

Madame le professeur Sutherland a résumé mes propres préoccupations concernant le projet de loi quand elle a dit :

Ce qui m'inquiète, c'est que ce projet de loi risque d'imprimer au système une orientation que nous ne pouvons pas prévoir.

J'estime que certains éléments du projet de loi C-2 pourraient aider les parlementaires à mieux faire leur travail. Le directeur parlementaire du budget, par exemple, pourrait être d'une aide inestimable pour les parlementaires lorsqu'il s'agit d'exiger de l'exécutif qu'il rende des comptes, mais — et c'est un bien gros mais — encore faut-il qu'il dispose des ressources nécessaires pour s'acquitter correctement de sa charge. Il ne suffit pas de simplement créer le poste.

Mike McCracken, président et directeur général d'Informetrica, a dit ce qui suit au comité :

Si vous voulez être rigoureux, vous devriez engager de 50 à 150 personnes, qui seraient chargées de préparer des budgets consultatifs, et avoir des services d'abonnement, un site web pour tout diriger et un budget d'environ 15 millions de dollars.

Le sénateur Day a demandé à Bill Young, le bibliothécaire parlementaire de qui relèvera ce directeur, quel serait le budget approximatif de ce bureau. On lui a répondu que la Bibliothèque avait examiné cette question, mais qu'elle avait en fait « choisi des chiffres un peu au hasard ». Cela me semble être une bonne idée qui n'avait cependant pas été mûrement réfléchie et qui n'avait pas fait l'objet d'une estimation des coûts même cinq mois après la présentation du projet de loi C-2 à l'autre endroit.

Cela m'amène à demander à quel point le gouvernement est sérieux lorsqu'il dit qu'il veut que le Parlement soit mieux équipé pour obliger l'exécutif à rendre des comptes. Les chiffres dont il a été question n'étaient qu'une petite fraction des 15 millions de dollars mentionnés par M. McCracken.

Honorables sénateurs, j'ai bien peur que, comme un témoin l'a dit à propos d'une autre partie du projet de loi C-2, cela ne soit que du vent. Le gouvernement n'a peut-être pas appris la bonne leçon de sir Humphrey Appleby et a décidé de mettre l'accent sur le titre de la loi et de faire de beaux discours au sujet de la responsabilité, mais lorsqu'on examine les détails de sa proposition...

Son Honneur le Président : Le temps de parole du sénateur Bryden est écoulé.

S'il demandait...

Le sénateur Fraser : Cinq minutes de plus.

Le sénateur Stratton : Cinq minutes.

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Bryden : Honorables sénateurs, le gouvernement n'a peut-être pas appris la bonne leçon de sir Humphrey Appleby et a décidé de mettre l'accent sur le titre de la loi et de faire de beaux discours au sujet de la responsabilité, mais lorsqu'on examine les détails de sa proposition, on constate que la vraie responsabilité et la vraie transparence y font sérieusement défaut.

Félicitations à notre comité sénatorial. Il a fait ce qu'il pouvait pour régler la question de la responsabilité et de la transparence dans cette mesure législative. Grâce à son excellent travail, je serai en mesure d'appuyer le projet de loi.

Le sénateur Corbin : La proposition ne tient pas la route.

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Je prends la parole pour participer au débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-2.

Avant de commencer, j'aimerais remercier le greffier du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et tous les membres du personnel, trop nombreux pour que je les nomme ici, qui ont travaillé de très longues heures pour répondre aux besoins des sénateurs des deux côtés.

Ce projet de loi a suivi un très long processus au Sénat. Nous l'avons reçu le 22 juin, après que celui-ci eut fait l'objet, à l'autre endroit, d'un examen approfondi et d'amendements visant plus de 100 articles. Le projet de loi a été étudié comme il se doit à l'étape de la deuxième lecture, puis il a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui a entrepris son examen le 27 juin 2006.

C'était la première de 28 réunions du comité tenues entre la fin de juin et la fin de septembre, y compris les trois semaines au cours desquelles nous faisons normalement relâche, puis pendant le mois d'octobre. Notre comité a entendu 158 témoins, soit au moins deux fois plus que le nombre entendu par le comité de l'autre endroit.

Il s'est dit bien des choses sur notre rôle en matière de législation. Je tiens à réitérer que les comités sénatoriaux étudient les projets de loi qui viennent de l'autre endroit, afin de s'assurer que ceux-ci sont efficaces, viables, applicables et qu'ils respectent les lois existantes et les dispositions constitutionnelles. Nous essayons de déterminer si le projet de loi est recevable, s'il respecte la Constitution et la Charte, s'il est conforme aux règles de rédaction juridique et s'il entraîne des conséquences non désirées.

Nous étudions les mesures législatives en nous efforçant de les améliorer et non de changer l'objectif qui les sous-tend. Nous respectons la volonté du gouvernement et nous ne changeons pas la méthodologie choisie pour exercer cette volonté. Si nous le faisions, nous nous engagerions dans la partisannerie politique. Or, le Sénat se veut indépendant.

Le sénateur Mercer : Bienvenue dans un monde idéal.

Le sénateur Andreychuk : Au moment d'appuyer les principes et les méthodes qui guident notre comportement, je me joins aux collègues qui se sont exprimés avant moi, les sénateurs Nolin et Joyal. Ceux-ci ont pris la parole à l'étape du rapport et ils ont fait allusion à la protection de la démocratie canadienne. Je tiens en particulier à citer le très honorable John A. Macdonald, qui a dit ce qui suit au sujet du rôle du Sénat :

Elle [la Chambre haute] doit être une chambre indépendante, jouissant de sa propre liberté d'action, car elle n'est utile que comme organe de réglementation, qui considère calmement les projets de lois proposés par la chambre populaire, et qui empêche l'adoption de mesures législatives hâtives ou malavisées, mais elle ne s'opposera jamais aux souhaits délibérés et compris du peuple.

Au lieu de se concentrer sur ce principe et sur l'avertissement inhérent au mot « jamais », le sénateur Joyal s'est concentré, je crois, sur les 44 fois où le Sénat a contrecarré les vœux de la population. Il s'en est inspiré, si je ne m'abuse, et a fait valoir ses arguments en faveur d'un amendement de fond au projet de loi C-2.

Honorables sénateurs, je voudrais maintenant chercher à établir si le Sénat devrait contrecarrer les vœux de la population dans le cas qui nous occupe. Rappelons que bon nombre des amendements de forme faisaient suite à des changements rapides à la Chambre des communes. De toute évidence, des modifications de cette nature contribuent à améliorer le projet de loi après réflexion et, comme les membres du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles ont pu le constater à maintes reprises, une fois qu'un usage a été établi en application d'un projet de loi, on trouve toujours d'autres améliorations à apporter. Aucune mesure législative n'est statique.

Comme je l'ai fait remarquer dans mon allocution à l'étape du rapport, un grand nombre des amendements proposés par des membres du comité représentant les deux côtés du Sénat étaient des amendements de forme visant à améliorer l'application de la loi proposée ou à en clarifier le libellé. Aucun projet de loi n'étant parfait, je suis heureuse que les membres du comité aient su unir leurs efforts et améliorer cette mesure législative comme ils l'ont fait.

Je tiens à signaler que l'étrange mention du fait que ce projet de loi-ci ne fera pas l'objet de l'examen auquel le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soumet habituellement les projets de loi fait suite à l'objection du sénateur Day à ce qu'on qualifie les amendements en question d'amendements de forme. Quand on pense à tout ce qui a été proposé sous forme d'amendements, le grand nombre d'amendements aurait pu donner à penser que cela prouve la nécessité de remanier en profondeur cette mesure législative, ce qui serait pure malveillance, car ce n'est pas vrai. En effet, à bien y regarder, on se rend compte que beaucoup de bons amendements de forme ont été proposés simplement dans le but de clarifier le libellé du projet de loi, et non d'en modifier l'orientation ou la substance. Ceux-ci ont ensuite rendu nécessaires une foule de modifications purement accessoires. Par exemple, si on remplace les mots « titulaire d'une charge publique de haut rang » par « titulaire d'une charge publique désignée », il faut apporter une série de modifications corrélatives. Nombre de modifications substantielles sont rapidement venues s'ajouter aux amendements techniques, tant lors de l'étude en comité que maintenant, au Sénat. Toutefois, honorables sénateurs, si individuellement elles ne changent ni l'objet du projet de loi ni la structure de la politique publique que le gouvernement a choisie, il est clair que, si toutes les modifications sont adoptées, mais nous nous sommes immiscés dans les affaires du pouvoir exécutif et nous avons tenté de gouverner et d'usurper son rôle, et nous avons aussi clairement empêché le gouvernement de réaliser ce qu'il pense être le souhait des Canadiens, c'est-à-dire la reddition de comptes.

(1450)

J'aimerais présenter quelques exemples aux sénateurs. Les sénateurs libéraux ont proposé un amendement pour permettre la divulgation des documents de travail que le Bureau du vérificateur général a établis ou obtenus dans le cadre d'une vérification. À cet égard, ils ont décidé de suivre le conseil d'Alan Leadbeater, sous- commissaire à l'information, et de faire complètement abstraction des mises en garde de la vérificatrice générale. Celle-ci a indiqué que les recommandations du sous-commissaire nuiraient à son travail. Elle a dit au comité :

Par ailleurs, nous sommes en désaccord avec la déclaration du sous-commissaire à l'information selon laquelle la qualité de nos travaux de vérification ne peut être assurée qu'en donnant accès à nos documents de travail aux journalistes et à d'autres personnes. Ce point de vue ne tient pas compte des nombreux mécanismes internes et externes que nous avons instaurés pour faire en sorte de respecter les normes professionnelles les plus élevées et d'atteindre un niveau de qualité exceptionnel lorsque nous exécutons des travaux de vérification.

La vérificatrice générale a également ajouté :

Ce qui m'inquiète particulièrement, ce sont les documents de travail rendus publics pendant qu'une vérification est en cours, ou peu après une vérification, ce qui est le cas actuellement. Les gens n'ont pas été en mesure de valider les informations et des renseignements erronés pourraient être rendus publics. Dans la mesure où la vérification est protégée pendant qu'elle est en cours, et un peu de temps après, ce serait correct.

De toute évidence, cet amendement proposé par les libéraux vise à améliorer la transparence, mais il a exactement l'effet contraire.

Un autre amendement des sénateurs libéraux qui siègent au comité consistait à protéger le statut prioritaire des employés exclus durant l'année suivant leur départ. Cela est tout à fait contraire à la politique du gouvernement qui vise à éliminer la liste prioritaire qui permet aux employés exclus d'accéder à des postes dans la fonction publique sans concours, ce qui, à mon avis, constitue un passe-droit. Il se dégage assez clairement un principe de droits acquis de cet amendement, car cet amendement profitera à d'anciens employés exclus sous l'ancien gouvernement libéral. Comme le sénateur Day l'a déclaré au comité :

Ils perdraient le statut prioritaire qu'ils ont acquis. C'est ce que nous voulons éviter.

Il n'a cependant pas expliqué comment un employé « se méritait » son statut prioritaire.

Le sénateur Day a aussi signalé que le but de cette proposition était « essentiellement de préserver ». À mon avis, la plupart des Canadiens ne seraient pas en faveur d'une telle politique. Nous voulons que la fonction publique soit fondée sur le mérite. Nos collègues libéraux ont déclaré qu'ils appuyaient la responsabilité et, en fait, qu'ils appuyaient ce projet de loi, mais je dois leur demander si c'est leur version inspirée de leurs pratiques précédentes ou la version du nouveau gouvernement qu'ils appuient en matière de responsabilité. Le gouvernement conservateur a promis de changer la culture du « tout m'est dû » et d'établir une nouvelle stratégie pour pallier le manque de responsabilité au Canada. Les amendements de fond proposés par les sénateurs d'en face changent considérablement, brouillent, diluent ou suppriment le programme du nouveau gouvernement en matière de responsabilité. Honorables sénateurs, j'ai été dans l'opposition pendant de nombreuses années et j'ai souvent été contre des projets de loi du gouvernement et leurs approches; je connais donc les tentations. Cependant, les principes, les conventions et notre rôle dans le processus parlementaire sont importants. Nous ne pouvons mettre cela de côté pour des fins partisanes.

J'ai déjà exprimé mes vives préoccupations à l'égard des importants amendements proposés et du document de 59 pages que la majorité au comité a présenté comme étant les observations du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Manifestement, ce ne pouvait être rien de plus qu'un rapport venant appuyer des amendements présentés de façon partisane. Ces observations sont, en fait, 59 pages de motifs politiques pour expliquer les raisons ayant incité les membres libéraux du comité à modifier en profondeur le projet de loi. Pour vous donner un exemple, je vais parler d'une disposition portant sur la création proposée du poste de directeur des poursuites pénales qui a soulevé plusieurs questions, car l'opposition ne semblait pas croire en la nécessité d'un DPP, surtout pour s'occuper des poursuites aux termes de la Loi électorale du Canada, et a remis en question le processus de nomination à ce poste. Cette question de DPP a également été soulevée durant les audiences du comité. Hier, les sénateurs Mercer et Baker ont parlé de cette question une fois de plus et le sénateur Mercer a déclaré alors qu'il ne fallait rien changer à un système qui fonctionnait bien.

En toute déférence à l'égard de mon collègue, comme le ministre de la Justice l'a dit au comité en juin, le poste n'a pas été créé pour corriger des problèmes qui se sont déjà posés, mais pour « prévenir ceux qui pourraient survenir à l'avenir ». Certaines observations et certains amendements connexes représentent en réalité une tentative de faire un parallèle entre le procureur spécial de type américain et les propositions contenues dans le projet de loi. Honorables sénateurs, cette position est, au mieux, fondée sur une mauvaise compréhension de la question. Robert Frater, l'avocat général principal du ministère de la Justice, a essayé de clarifier cette question lorsqu'il a dit ceci au comité, le 29 juin :

... le projet de loi C-2 ne préconise pas un style de poursuite à l'américaine, selon lequel les DPP disposeraient de leur propre équipe pour préparer l'enquête, après quoi on engagerait des poursuites. Les choses seraient exactement les mêmes qu'en ce moment, c'est-à-dire que la police ou un autre organisme d'enquête ferait le travail, se présenterait devant le procureur général, puis ferait étudier les accusations par la Couronne, selon la compétence visée, avant de les déposer. Le projet de loi ne vise pas à indiquer un quelconque changement à cet égard.

Il a ajouté :

Le projet de loi ne contient rien que l'on doive percevoir comme ayant des répercussions sur l'indépendance de la police ou d'autres organismes d'enquête.

Comme les honorables sénateurs le savent, on retrouve des DPP dans des pays du Commonwealth comme le Royaume-Uni, le Kenya et l'Australie. C'est l'exemple du dernier pays et non des États-Unis qui sert de modèle au poste de DPP proposé dans le projet de loi C-2. Sur sa page web, le bureau australien du directeur des poursuites publiques décrit le poste comme « un organisme indépendant de poursuite ».

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je suis désolée d'interrompre madame le sénateur Andreychuk, mais son temps de parole est écoulé. Souhaite-t-elle demander la permission de continuer?

Le sénateur Fraser : Cinq minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Andreychuk : Sur ce site, il est indiqué que l'organisme est indépendant du procureur général et du processus politique. Je pourrais continuer, mais je crois que c'est clair. La proposition de créer un poste de directeur des poursuites pénales repose sur des principes solides. C'est une position que, je crois, nous pourrions adopter et qui nous permettrait de régler les problèmes avant qu'ils ne se déclarent.

Avant de conclure mon intervention, j'aimerais soulever une dernière question. J'ai été informée qu'un amendement de forme devrait être ajouté au projet de loi C-2. Cette question a été soulevée au comité, mais la motion a été rejetée à la suite d'un vote à main levée. Je dois souligner que ce ne sont pas tous les sénateurs qui avaient obtenu une copie de l'amendement au moment de présenter cette motion et qu'il régnait une certaine confusion entre cette motion et une autre, déposée par l'opposition. Malheureusement, l'explication donnée au comité par les fonctionnaires du Conseil du Trésor quant à l'impact de cet amendement n'était pas aussi exhaustive qu'elle aurait pu l'être, et aucun exemple n'a été donné pour nous permettre de mieux comprendre l'amendement.

L'analyse dont se sont servis les sénateurs de l'opposition pour décider s'ils allaient appuyer l'amendement était fondée sur la prémisse que cet amendement entrait en conflit avec un autre amendement présenté par l'opposition. Le conflit provenait du fait que l'amendement faisait référence à des parties du projet de loi que l'opposition a plus tard proposé d'abroger, plus précisément le paragraphe 6(2) et les articles 21 et 30 qui ont été abrogés. Cela explique pourquoi l'opposition ne voulait pas que cette partie de l'amendement soit incluse.

(1500)

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Pour aider les membres des caucus de l'opposition et du gouvernement, je propose :

Que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 2, à la page 32, par substitution, aux lignes 17 à 21, de ce qui suit :

« 64. (1) La présente n'interdit pas les activités qu'exercent les titulaires de charge publique et les ex-titulaires de charge publique qui sont membres du Sénat ou de la Chambre des communes. ».

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Le sénateur Andreychuk : Sans cet amendement, honorables sénateurs, un ancien ministre qui resterait député ne serait pas empêché de collaborer, au nom de ses électeurs, avec son ancien ministère. Le problème, dans le projet de loi sous sa forme actuelle, c'est qu'une disposition du Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat n'a pas été reportée dans la Loi sur les conflits d'intérêts. Sans cet amendement, des députés et des sénateurs seraient en situation de conflit d'intérêts en raison des fonctions qu'ils assument. Par exemple, l'honorable Ken Dryden ne pourrait communiquer avec le ministère du Développement social au nom d'un de ses électeurs qui n'aurait pas reçu son chèque de Sécurité de la vieillesse. Je ne crois pas que nous souhaitions cette conséquence imprévue. Il s'agissait clairement d'un oubli et j'exhorte les parlementaires à appuyer cet amendement.

Honorables sénateurs, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est une version lourdement amendée du texte que nous avons étudié en juin. Il reste à voir comment les efforts du Sénat pour renforcer la responsabilité seront perçus par les Canadiens.

L'honorable Lowell Murray : Madame le sénateur a demandé et obtenu cinq minutes de plus, et je crois qu'il lui reste encore un peu de temps. Accepterait-elle de répondre à une question?

Je crois que madame le sénateur a présenté une interpellation au sujet de la pratique qui consiste à ajouter des observations à des rapports sur des projets de loi. Je comprends ses réserves et j'espère prendre part au débat afin de régulariser et d'encadrer ce processus. C'est une question sur laquelle nous sommes revenus assez fréquemment, ces 15 ou 20 dernières années.

Deuxièmement, je suis d'accord avec le sénateur au sujet de l'amendement apporté par le comité et qui obligerait le vérificateur général et les ministères à communiquer des versions de travail des vérifications internes. Je voudrais donc que le sénateur appuie mon amendement visant à supprimer toutes les dispositions qui portent sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée jusqu'à ce que nous puissions prendre un peu de recul pour considérer ce que nous avons fait depuis une vingtaine d'années des fonctions de ces mandataires du Parlement.

Où madame le sénateur est-elle allée chercher l'idée — et elle n'est pas la seule à l'avoir exprimée au cours du débat — que le Sénat ne devrait pas, par ses votes et ses amendements, empiéter sur les priorités en matière de politique et les prérogatives du gouvernement à l'égard de nos activités? Si nous avions accepté ce conseil, elle et moi serions restés muets dans un certain nombre de débats où nous nous sommes tous les deux exprimés par des amendements et des votes. Pour ma part, il y a eu le rapatriement de la Constitution et le Programme énergétique national et, dans nos cas à tous, des modifications de la Loi sur l'assurance-chômage, la tentative de report de l'application du redécoupage des circonscriptions, l'aéroport Pearson et le registre des armes à feu. Tous ces dossiers ont été présentés comme des priorités en matière de politique et parfois même des promesses électorales faites par un gouvernement libéral ou l'autre. Je n'ai eu aucun scrupule à amender ces mesures, et je n'en aurais aucun à le faire encore et à voter contre.

Le sénateur Andreychuk : Je crois avoir dit au début de mon intervention que le Sénat s'est déjà mêlé de la politique d'intérêt public, mais il doit le faire avec modération et prudence. J'ai conclu qu'il nous faut comprendre, comme mes collègues sénateurs me l'ont rappelé pendant 13 ans, que nous sommes nommés et que, lorsque nous affrontons directement le gouvernement sur ses politiques, nous devons le faire avec modération et prudence, et non au moindre prétexte politique.

Je n'ai aucun problème à voter contre un projet de loi si c'est une question de conscience ou si une conviction profonde ou la Constitution sont en cause. Toutefois, s'il s'agit d'échanger un impératif politique sectaire contre un autre, je me demande si, à notre époque, nous pouvons survivre, en tant qu'assemblée dont les membres sont nommés.

L'honorable Terry M. Mercer : Madame le sénateur pourrait peut- être répondre à une autre question. Au début de son intervention, elle a remercié le comité, le personnel et tout le monde, et elle a parlé de l'étude du projet de loi ici même et au comité. J'ai été impressionné. Puis, j'ai consulté mes propres notes, et j'ai remarqué que nous avions accueilli 140 témoins et siégé 98 heures.

Madame le sénateur estime-t-elle que le Sénat traîne les pieds, alors qu'elle vient de louer l'excellent travail du comité, qui a entendu 140 témoins et siégé 98 heures?

Le sénateur Andreychuk : Sénateur Mercer, je n'ai pas l'intention de me prononcer ni de dire si le comité ou l'opposition ont traîné les pieds. D'autres en décideront. J'estime que nous avons consacré une période excessive à cette question. Nous avions un processus auquel nous devions réfléchir. Je me souviens d'un certain nombre de projets de loi qui étaient aussi complexes que celui-ci.

Son Honneur la présidente intérimaire : Je suis désolée, sénateur Andreychuk, mais votre temps de parole est écoulé.

[Français]

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, en présentant le projet de loi C-2, le gouvernement se devait de répondre à un extraordinaire défi, soit celui de redonner confiance aux citoyens envers leurs institutions publiques, et plus spécifiquement celles qui évoluent dans la sphère fédérale. Les débats entourant ce projet de loi gouvernemental furent fortement politisés et, dans cette discussion à haute teneur partisane, nous n'avons pas vraiment réussi, selon moi, à élever le niveau du débat.

Un fait important demeure pour quiconque s'intéresse aux questions de gouvernance. Elles ne se résument pas à savoir si l'on se range dans le camp des pour ou dans celui des contre, mais plutôt à pouvoir être en mesure de savoir comment on instaure une bonne gouvernance.

Il y a plus d'un an, nous avons tous vécu les secousses provoquées par le rapport de la Commission Gomery. Dans un premier temps, le juge Gomery s'est concentré sur l'attribution des responsabilités des divers acteurs de l'administration du Programme des commandites, et le second rapport a mis de l'avant des suggestions, des recommandations devant être mises en place pour moderniser et reconfigurer la gouvernance fédérale canadienne.

Avec plus de 300 articles étalés sur plus de 264 pages et comprenant 13 thématiques, le projet de loi C-2 sur la responsabilité est ambitieux et, je vous le concède, complexe. Il a une responsabilité ministérielle dépassée car, avec le temps, la complexité et la taille de l'État ont été substantiellement modifiées.

(1510)

Il fallait revisiter ce concept de responsabilité gouvernementale, le faire évoluer au-delà de la simple notion de blâme, revenir à la notion intrinsèque anglaise d'« accountability » et surtout sortir des masques feutrés de la période des questions souvent infructueuse. En ce sens, le projet de loi a entre autres mérites celui de clarifier, de renforcer l'obligation de rendre compte des hauts fonctionnaires, des sous-ministres et des directeurs d'agence et de présenter une méthodologie favorisant ce dévoilement.

Nous notons, sur plusieurs aspects, des progrès véritables. À ceux qui décrient déjà les effets pervers de certaines mesures, à ceux qui soutiennent que les carences relevées dans le projet de loi dépassent ses conséquences positives, je citerai avec plaisir l'ex-président de la République française, François Mitterrand, qui disait un jour :

Il faut donner au temps le temps de faire le temps.

Par ce projet de loi, le gouvernement propose la mise en place de certains repères nécessaires à la consolidation d'une définition collective de la gouvernance et de l'éthique publique.

Le sociologue québécois de réputation internationale Fernand Dumont, dans son ouvrage Raisons communes, soutenait que l'éthique publique traduisait cette quête de compromis, qui s'affirme à l'intérieur de nos collectivités, afin de contrer les menaces de fragmentation et d'affrontement qui fragilisent le « vivre ensemble ».

En somme, il affirmait que la découverte de ces nouvelles raisons communes redonnait un sens à la vie collective, que je qualifierai de fondamentalement citoyenne. Pour toute la classe politique, heurtée par les dérapages des dernières années, nous avions grandement besoin de mettre en place une nouvelle formule qui assurerait notre cohésion sociale.

Nous avons constaté que la crise de confiance qui affecte la relation entre le pouvoir et la population paralyse l'action collective, remettant sans cesse en cause des choix et en contestant sa légitimité. Il est vrai que, dans une certaine forme, l'éthique publique s'inscrit dans un mouvement de reconfiguration démocratique qui se déploie pour pallier la crise de légitimité du système politique. Voilà la raison du dépôt de ce projet de loi.

Il y a plus, cependant. Je crois, contrairement aux remarques formulées par l'Institut québécois d'éthique appliquée, que le projet de loi C-2, loin d'être parfait, répond à sa manière à la cohabitation de trois valeurs importantes, soit la responsabilité, le respect et l'équité.

Habilement, certaines dispositions de la loi nous amènent sur le terrain de la responsabilité éthique, domaine complémentaire de l'imputabilité. Alors que l'imputabilité fournit un cadre normatif minimaliste, la responsabilité assure la liberté d'action nécessaire à toute personne.

D'une certaine façon, on a réussi à marier liberté d'action et reddition de comptes. Quant à la question de porter une sorte de second regard sur une problématique afin de ne pas heurter inutilement des personnes ou des parties, le projet de loi, en créant une nouvelle façon de faire et de rapporter, a mis en place un système concernant les individus touchés par l'application de cette nouvelle mesure.

Enfin, sous l'aspect de l'équité, soit la juste appréciation de ce qui est dû à chacun, ce projet de loi deviendra un complément essentiel aux diverses normes, règles et lois qui régissent les décisions quotidiennes des titulaires de charge publique.

Par ce projet de loi, le gouvernement réussit à définir et à faire cohabiter, dans une approche nouvelle, trois concepts, soit la responsabilité ministérielle, la gouvernance démocratique et la vérification comptable constante. Le gouvernement a su éviter les écueils, soit ceux de reconfigurer la gestion publique en contrepoids institutionnel au pouvoir politique. À l'heure où les discours des gestionnaires ignorent la complexité des valeurs, du pouvoir, des méthodes de prise de décision et des institutions publiques, il faut justement se méfier de l'idée d'opposer systématiquement les résultats aux processus.

Pourtant, en démocratie, les processus ne sont pas moins importants que les résultats. Les Canadiens ne tolèrent pas d'accrocs au processus électoral, mais sur le résultat, certains de nos concitoyens éprouvent la plus complète indifférence.

La Partie I du projet de loi a trait à d'importantes réformes politiques en vue de garantir que les représentants élus et les titulaires de charge publique prennent des décisions dans l'intérêt des Canadiens.

Ces propositions légifèrent divers codes sur les conflits d'intérêts et donnent au nouveau commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique le pouvoir de les administrer. Au moyen de changements à la Loi électorale du Canada, le projet de loi réduit considérablement l'influence de l'argent sur le processus politique et rend cette influence aux électeurs.

En accordant au nouveau commissaire au lobbying le mandat d'appliquer la Loi sur le lobbying proposée et en interdisant aux ministres, au personnel des ministres et aux cadres supérieurs du gouvernement de faire du lobbying auprès du gouvernement du Canada pendant cinq ans après avoir quitté leur poste, le projet de loi garantit que le lobbying soit transparent et plus éthique. Ce projet de loi C-2 crée de nouveaux espaces publics, pour citer à nouveau le professeur Dumont :

[...] où la liberté des uns n'opprime pas celle des autres, où se reconnaisse la promotion des personnes par rapport à un bien commun dont tous puissent se réclamer sans se l'approprier.

Nous entrons dans une ère d'autorégulation des décideurs publics. Il faut que ces différents mécanismes, processus et institutions demeurent foncièrement fonctionnels, à l'abri de la confrontation. Il ne faut pas voir l'éthique publique et la gouvernance comme annonciateurs de la fin du politique mais plutôt comme des instruments d'aide à la décision politique.

Pour paraphraser Montesquieu, il faut toujours rechercher un sain équilibre des pouvoirs. L'éthique ne peut se substituer au politique mais elle offre une interprétation contemporaine de la nouvelle conjoncture démocratique recherchée par la population. Dans un ouvrage collectif sur l'éthique publique, l'auteur Yves Boisvert nous offre la réflexion suivante :

La reprise du dialogue entre le système politique et son environnement social et l'autorégulation sociétale sont les facteurs nécessaires pour permettre à la logique propre à une démocratie fonctionnelle de subsister dans nos sociétés marquées par le pluralisme des morales et des idéologies.

Honorables sénateurs, c'est notre responsabilité parlementaire de favoriser la mise en place de mécanismes et de structures qui aideront à façonner une maturité individuelle et collective soutenant la notion de bonne gouvernance d'éthique publique.

Ce projet de loi constitue ce que l'on pourrait désigner comme l'éthique des structures. Il sera nécessaire dans l'avenir de toujours revoir l'éthique des pratiques gouvernementales. Tout ce débat nous engage dans une réflexion sur une série de grands thèmes qui tournent autour de cette notion d'éthique, soit conviction, responsabilité, contrainte et liberté, individu et société, conscience et nécessité.

Finalement, je m'étais engagé devant le comité à présenter un amendement que je vais déposer. Je voudrais vous expliquer de quoi il en retourne avant de proposer l'amendement.

(1520)

À la page 176, à l'article 227, il est question, dans la version française, en traduction de l'expression anglaise « Code of practice », d'une expression qui nous a semblé erronée, unanimement je crois. En effet, on a traduit « Code of practice » par « code pratique ».

L'article « de » manquant, cela change toute la signification du mot qui suit. Est-ce que ce devrait être un adjectif ou un substantif? J'ai demandé au légiste d'examiner la question, de rédiger un amendement et il a obtenu un avis linguistique du personnel expérimenté du Parlement.

Je tiens à vous mettre en garde. Je vais vous lire les conclusions de cet avis. Avant, je veux juste résumer de quoi il retourne. Au Canada, nous utilisons principalement l'expression « code de pratique ». Dans le corpus législatif canadien fédéral, nous ne retrouvons que l'expression « code de pratique » alors que l'expression « code pratique » n'existe pas. Elle existe par contre dans certaines règlementations, de façon très sporadique, mais, de façon beaucoup plus généralisée, l'expression « code de pratique » est utilisée. En Europe, c'est l'inverse, on utilise l'expression « code pratique », qui équivaudrait à notre expression « code de pratique ».

C'est pour cette raison que les linguistes ont conclu :

À la lumière de ces recherches, je constate qu'il y a là une différence notable dans l'usage canadien et international. Au Canada, les rédacteurs semblent préférer l'expression « code de pratique », tandis qu'en Europe, les rédacteurs semblent privilégier l'expression « code pratique ». À mon avis, les deux expressions sont correctes au plan linguistique et leur usage est légitime.

Dans le projet de loi C-2, l'expression « code pratique » est, à mon avis, utilisée à bon escient pour rendre l'expression anglaise « Code of practice », même si elle s'écarte un peu de l'usage traditionnel au Canada.

Honorables sénateurs, j'ai malgré cela décidé de proposer cet amendement, parce qu'il m'apparaît beaucoup plus limpide, à tout le moins pour les francophones qui lisent ces lois, de voir dans la version française une expression à laquelle nous sommes habitués, même si nos amis européens sont habitués à une autre façon de faire. J'ai préféré vous la soumettre.

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable Pierre Claude Nolin : En ce qui concerne la version française de « Code of practice », je propose :

Que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 227

a), à la page 176...

(i) par substitution, à la ligne 19 de ce qui suit :

« c) établir un code de pratique régissant les »,

(ii) par substitution, à la ligne 29 de ce qui suit :

« l'observation du code de pratique »

(iii) par substitution, à la ligne 31 de ce qui suit.

« tion du code de pratique par le gouvernement et »,

(iv) et par substitution, à la ligne 40 de ce qui suit :

« lement de mandat relevant du code de pratique»; et

b)_ à la page 177, par substitution à la ligne 9 de ce qui suit :

« tout incident de nonobservation de son code de »

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il est proposé par l'honorable sénateur Nolin, avec l'appui de l'honorable sénateur Andreychuk, que le projet de loi C-2 ne soit pas... Puis-je m'abstenir de lire?

Des voix : Suffit!

L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, le sénateur Nolin accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Nolin : Oui.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Le temps de parole du sénateur Nolin est écoulé. Veut-il demander la permission de continuer?

[Français]

Le sénateur Nolin : Oui, je demande cette permission pour répondre aux questions.

Des voix : D'accord.

Le sénateur Fraser : Honorables sénateurs, ce débat est fascinant. Je suis anglophone, et dès qu'on me parle de problèmes de langue, j'essaie de voir quelle serait la version anglaise. Quand vous avez parlé de « code de pratique » et de « code pratique », la traduction spontanée qui m'est venue pour « code de pratique », c'est « Code of practice » mais « code pratique » serait « practical code », c'est-à- dire quelque chose de faisable, de réaliste, qui colle à la réalité dans le sens d'être mis en action, utilisé. Est-ce un peu le sens que cela pourrait avoir, selon vous?

Le sénateur Nolin : C'est exactement pour cette raison que je propose cet amendement, car c'est l'interprétation à laquelle tous les membres du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles et moi en sommes venus. J'ai accepté de présenter l'amendement à l'étape de la troisième lecture justement pour chercher un peu plus de profondeur. J'ai été surpris de lire l'opinion des linguistes. Cela étant dit, j'en reviens exactement à cette conclusion qu'on ne peut pas, en tout cas dans cet exemple, utiliser un substantif pour qualifier la qualité du code. J'espère qu'un code de pratique est pratique, mais c'est un code de pratique. En version anglaise, je pense que la nuance serait la même.

[Traduction]

Nous espérons que le code de pratique serait pratique.

[Français]

C'est là toute la différence entre un adjectif, une épithète et un substantif. Je suis d'accord avec vous. Pour cette raison, j'ai malgré tout décidé de proposer cet amendement. Dans notre sagesse, s'il y en a une, nous trouverons une façon de l'insérer.

[Traduction]

L'honorable Lorna Milne : Le comité a discuté de ces points. Le sénateur les a abordés à plusieurs reprises. Je m'attendais alors à ce qu'il propose un amendement, mais voilà qu'il le fait à l'étape de la troisième lecture. C'est bien cela?

Le sénateur Nolin : C'est exact. J'ai attendu à l'étape de la troisième lecture parce que je n'étais pas certain du sens véritable de l'expression anglaise « code of practice » et du terme français « code pratique ». Il m'est apparu évident que les deux termes avaient deux sens différents : un en anglais, qui constitue l'intention réelle du gouvernement, et un en français, qui ne correspond pas à ce que veut réellement le gouvernement.

Bien sûr, nous voulons tous que le code de pratique soit pratique.

[Français]

En français, oui, nous voulons qu'un code de pratique soit pratique, mais ce sont deux choses.

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, ce n'est pas la première fois que je prends la parole sur une partie particulière de ce projet de loi, qui a déjà été traité antérieurement et, indépendamment par le président du comité lors des débats des projets de loi S-13 et C-11 du gouvernement antérieur et lors de l'annonce de cette mesure par le gouvernement dans le discours du Trône.

Pas plus que je ne change d'idée, mes principes ne changent pas avec le temps. C'est pourquoi j'ai demandé de prendre la parole pour partager mes idées avec vous. Même si j'avais des choses à dire sur le reste du projet de loi, il est évident que mes collègues ont fait un excellent travail au comité.

Je siège au Comité des banques et du commerce, qui a traité certaines questions touchant la délation. J'ai quand même, de façon détournée, touché à ces questions. Pourquoi je m'oppose à cette question de la délation? Cette mesure va à l'encontre du processus démocratique dont le Canada fait partie et elle me laisse un goût très amer. Pour moi, cette mesure contrevient au fondement même d'une société civilisée. Elle a pour effet de détruire la fibre la plus délicate des relations entre les Canadiens et les Canadiennes, soit la confiance.

La délation présume que la majorité des citoyens ont des intentions malhonnêtes et qu'afin de protéger l'intégrité du système, on met sur pied une mesure que je considère inique. Elle a pour effet de faire appel aux sentiments les plus bas en dénonçant les actes qui leur paraissent contraires aux lois et aux procédures dans notre pays ou dans notre gouvernement. Cette mesure a pour effet de paralyser toutes les initiatives parce que les gens ne seront pas évalués sur leur créativité, leur initiative, mais sur leur respect des règles, dorénavant de toute façon nombreuses et contraignantes, dans une très grande administration qui fonctionnera sur le comment et non sur les résultats.

(1530)

L'institutionnalisation de la délation conduit également à l'abolition d'une règle d'or en justice pénale, soit la présomption d'innocence, à laquelle s'ajoute une preuve hors de tout doute raisonnable.

Bref, le délateur pourra détruire la réputation d'un supérieur ou d'un concurrent à une fonction. Si l'enquête conclut que la victime du délateur n'a été que mal informée pour prendre une décision ou que cette victime avait un mandat pour lequel elle ne disposait pas des outils pour obtenir les résultats escomptés, ou encore qu'elle avait tout simplement commis une erreur de bonne foi, malgré cela, elle verra sa réputation détruite à tout jamais.

La mise en place de ce système, selon moi moyenâgeux, me fait peur et me rappelle un système que l'on a vu dans certains livres, celui des sorcières — dont la plus célèbre est Jeanne D'Arc —, lorsqu'on dénonçait une personne dans le but d'accommoder toute la société; la personne était sacrifiée parce que cela faisait l'affaire de tous.

Dans une société évoluée, je pense qu'on peut se passer de la délation; c'est un instrument dangereux et aucun remède n'existe contre les dommages à la réputation des personnes dénoncées injustement. Les stigmates suivront les victimes innocentes toute leur vie.

Ma vision de la justice repose sur le principe qu'il vaut mieux être victime d'un acte malhonnête que de détruire la réputation d'un homme ou d'une femme honnête.

À mon avis, la délation peut être associée au syndrome Haggard, expression que j'ai découverte récemment. Ce pasteur américain menant une double vie, ayant dû un jour répondre de ses actes, persistait à jouer son rôle de personne honnête, transparente et prêchant l'honnêteté. Il faisait des discours, des sermons, écrivait des livres, participait à des émissions de télévision, toujours drapé des plis de la robe blanche de la pureté, de l'honnêteté. Dans la langue française, on trouve une expression qui résume bien ce genre de situation, un « sépulcre blanchi ». Cela paraît bien à l'extérieur, mais à l'intérieur, c'est pourri.

Selon moi, tous les articles du projet de loi C-2 qui traitent de la délation sont un paravent infâme dont notre société n'a aucun besoin. Nos amis les Français disent que le fait de rendre obligatoire la délation équivaut, en réalité, à transférer aux employés la charge de l'employeur en matière de respect des règlements.

On peut également estimer que l'obligation de dénonciation est contraire au Code du travail en France, en tant que suggestion non proportionnée à l'objectif à atteindre. Nos camarades européens ne retiennent pas cette mesure comme une façon d'assurer l'intégrité du système.

Aux États-Unis, par contre, des lois sur la dénonciation existent depuis plus de 30 ans. Ces mesures ont-elles empêché les actes frauduleux de WorldCom ou de Enron?

Subséquemment, nos voisins ont récemment adopté la loi Sarbanes-Oxley. Sont-ils persuadés que le milieu financier reluira d'honnêteté et de transparence dans les années qui viennent? Personne ne croit que cette loi va imprégner le milieu financier d'une moralité accrue.

Des entreprises américaines mettent en place des systèmes odieux. J'aimerais partager avec vous des informations à ce sujet : une société dont je ne veux pas faire la publicité dit qu'elle a mis sur pied un système d'écoute téléphonique et sur Internet, accessible sept jours sur sept et 24 heures sur 24. Ce système permettra dorénavant aux employés et aux tierces parties de dénoncer, de façon confidentielle et anonyme, les écarts de conduite en milieu de travail, ainsi que de partager leurs inquiétudes, leurs désaccords ou leurs suggestions.

La solution de l'entreprise repose sur la technologie pour offrir aux employés une façon de dénoncer les écarts de conduite en toute sécurité et de se sentir plus engagés et plus « connectés » à leur organisation.

Ce système de dénonciation des écarts de conduite anonyme et confidentiel a été conçu pour satisfaire les besoins des utilisateurs tout en fournissant un système de gestion des cas intégrés en temps réel pour permettre aux organisateurs d'étudier, en ligne, les rapports anonymes des employés. Je parle d'un système en place à l'heure actuelle dont on fait la promotion; il est accessible à nos entreprises canadiennes.

Les honorables sénateurs comprendront que ce n'est certainement pas avec ce genre de système qu'une société ira de l'avant.

Je reviens aux motifs qui suggèrent d'adopter une loi qui favorise la délation. C'est sur l'aspect de l'éthique que j'aimerais réfléchir avec mes honorables collègues.

Je reviens à la signification ou à la description du terme que j'avais cherché antérieurement et que j'aimerais partager avec vous une seconde fois.

Il est important, comme mon collègue l'a précisé, de se rappeler le sens des mots. Pour le terme « dénonciation », dans le dictionnaire Le Petit Robert, on l'associe à la calomnie, à la médisance; on dit : « faire une délation, dénoncer, trahir et vendre ». On trouve cette définition à la page 180 : « développer, comme le font toutes les dictatures, un ignoble esprit de délation et de discorde ». Je cite toujours Le Petit Robert.

Honorables sénateurs, les Canadiens et les Canadiennes de souche, d'origine et les nouveaux arrivants ne veulent pas d'un pays de délateurs. Lorsqu'on pousse l'audace jusqu'à suggérer, au nom de l'éthique, l'adoption de mesures qui récompenseraient les dénonciateurs, comme certaines lois américaines et ce projet de loi le font, je suis triste et bouleversée.

Le gouvernement doit traiter chacun de nous avec respect et croire que chaque citoyen canadien est un élément positif dans notre société, qu'un leadership peut s'appuyer sur ce peuple qui, majoritairement, est droit, intègre, honnête et capable de dépassement pour son pays et sa famille.

L'évolution de notre système démocratique s'est faite au cours des siècles et a coûté la vie à des millions de citoyens qui se sont vu privés de liberté et ont même été exécutés par suite de délation. Et aujourd'hui, on voudrait nous faire croire qu'il faut ériger la délation en système, l'arme la plus odieuse des systèmes totalitaires.

Un autre auteur, Michel Labourdette, professeur de théologie morale, commente la délation. Il dit que ce n'est pas un moyen légitime pour un gouvernement et qu'il ne saurait être utilisé sans bassesse.

Certes, elle est souvent une tentation pour l'autorité afin de surprendre des gens qui sont mêlés aux autres et ne se dévoilent pas. C'est une facilité, et la facilité est toujours tentante.

Finalement, dans son dictionnaire de droit criminel, le professeur canadien Jean-Paul Doucet mentionne que l'obligation de dénoncer une action doit être réservée à des cas particulièrement graves dans une démocratie libérale. Seuls les dirigeants d'un État totalitaire souhaiteraient que la masse de la population vive dans un climat de délation.

Il va sans dire, honorables sénateurs, que ces réflexions de penseurs sont à la base de ma décision de ne pas accorder mon appui à cette section du projet de loi.

Alors que le gouvernement actuel, en déposant son projet de loi, se drape dans l'honnêteté, l'intégrité et l'éthique, j'apprends que, à la Commission consultative sur la nomination des juges, le ministre de la Justice s'apprête à nommer un autre membre du comité pour politiser le processus de sélection. Je n'ai pas appris cela par délation, mais bien au cours d'une conversation.

Je reviens donc au syndrome Haggard dont souffre le gouvernement conservateur, soit en prêchant et en légiférant avec la saveur de l'éthique, mais en agissant de tout autre manière.

Je ne propose pas d'amendement au projet de loi C-2 et je suis heureuse de participer à ce débat. Par contre, je donne avis que je ne pourrai appuyer ce projet de loi, qui va à l'encontre des intérêts des Canadiens, qui américanise la société canadienne et oublie trop facilement que les régimes du nazisme et du fascisme reposaient sur la délation en tant que mode de contrôle de leur population.

Au nom de l'éthique, je demande aux honorables sénateurs de réfléchir aux conséquences dramatiques d'une loi qui repose sur la délation.

[Traduction]

L'honorable Hugh Segal : Madame le sénateur accepterait-elle de répondre à une question?

Le sénateur Hervieux-Payette : Avec plaisir.

Le sénateur Segal : J'ai remarqué, en entendant la traduction des propos de madame le sénateur, que...

[Français]

Le mot « dénonciation » a été traduit par le mot « denunciation » en anglais.

[Traduction]

Or, je pense que le projet de loi fait plutôt référence à la notion de « whistle-blowing ». Certes, pour reprendre les préoccupations du sénateur Fraser à ce sujet, en anglais, le sens de « whistle-blowing » est très différent de celui de « denunciation ». Par exemple, madame le sénateur a mentionné qu'une organisation du secteur privé acceptait la dénonciation.

(1540)

En fait, par suite des nombreuses modifications apportées aux lois régissant les valeurs mobilières par la loi Sarbanes-Oxley, beaucoup de sociétés ont établi, comme vous le savez, des processus légitimes de dénonciation permettant aux employés qui sont témoins d'un acte répréhensible, d'une déformation des faits ou d'une violation de la loi de s'adresser à une personne indépendante pour lui faire part de ce qu'ils ont appris afin qu'il y ait une enquête appropriée conforme à la loi. Le fait qu'un organisme extérieur puisse être retenu à contrat pour s'occuper d'une telle activité constitue un effort de la part des sociétés pour assurer l'équité et la transparence dans le traitement de telles plaintes, aussi fondées qu'elles soient.

La question que je voudrais poser au sénateur Hervieux-Payette est la suivante : sa mention du fascisme et son utilisation du mot « délation » sont plutôt fortes, ce qui devrait nous amener tous à réfléchir au caractère très sérieux de ses propositions et de ses préoccupations.

Madame le sénateur croit-elle qu'un régime constructif destiné à protéger les divulgateurs d'actes répréhensibles, à les encourager à agir sans prendre de grands risques personnels constitue en soi une violation des libertés civiles et du processus de l'administration publique au Canada?

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, je dirai d'abord que les mots « dénonciation » et « délation » en français sont des synonymes, alors la nuance que l'honorable sénateur apporte ne m'amènerait tout de même pas à conclure que je suis d'accord avec les mesures de la loi Sarbanes-Oxley.

Comme je vous le disais, honorables sénateurs, il est reconnu en France que cette mesure, qui vise à assurer qu'une entreprise est bien administrée, que tout le monde fait son travail et que personne ne commet de fraude, est de la responsabilité de l'employeur et non des employés.

C'est pour moi donc une question de violation de la vie privée. J'abonde dans le sens des avis donnés par la commissaire à la vie privée, Mme Jennifer Stoddart, qui avait, elle aussi, beaucoup de questions sur ce processus.

En ce qui me concerne, nous avons un processus de dénonciation, qui est cette fois bien reconnu en droit pénal et permet, lorsque nous avons connaissance d'une infraction, de nous présenter devant un officier de la justice pour lui faire part de ces faits qui peuvent être contraires à la loi.

Dès ce moment, un processus s'enclenche — contrairement à la dénonciation qu'on retrouve dans le projet de loi — où il est dit qu'il faut détenir des preuves hors de tout doute raisonnable et que la personne est présumée innocente tant qu'on n'a pas ces preuves. Dans ce projet de loi, ce n'est que beaucoup plus tard que l'on découvre la vérité. J'ai en tête des cas particuliers dont j'ai eu connaissance, ici même à Ottawa, où la réputation, la santé et même la vie de certaines personnes ont été mises en danger parce qu'on a fait des enquêtes en profondeur et qu'on n'a rien trouvé après ces dénonciations.

Les victimes n'ont jamais obtenu réparation. Je ne crois pas que ce soit une façon d'agir, en tant que parlementaires, que d'introduire dans notre système ce genre de processus. Si fraude il y a, si des manutentions d'argent sont illégales, le système de justice canadien est pertinent et il ne devrait pas y avoir de système parallèle aux règles de preuve du droit criminel.

[Traduction]

L'honorable Daniel Hays (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je voudrais commencer par m'associer aux nombreux sénateurs qui ont remercié les membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour leur travail exceptionnel sur le projet de loi C-2. C'est une mesure législative hautement complexe qui aurait dû nous être présentée sous forme de plusieurs projets de loi, dont chacun aurait mérité une étude approfondie. Ned Franks, dont j'ai admiré l'intelligence, a dit au comité : « Le projet de loi est tellement volumineux que je me demande s'il est possible pour une seule personne de l'assimiler. Je n'y suis pas parvenu et je n'y parviendrai pas non plus. »

[Français]

Nous savons que ce projet de loi omnibus a été rédigé dans un très court laps de temps, c'est-à-dire en six semaines seulement. Or, je me permets de remercier les membres du comité qui ont consacré tellement de temps et d'énergie à analyser le projet de loi C-2. Ils en ont identifié les bénéfices, souligné les lacunes, évalué les nombreux commentaires et critiques des témoins, et rédigé des amendements dans le but d'améliorer le projet de loi.

Je félicite le sénateur Oliver d'avoir présidé le comité, ainsi que madame le sénateur Milne, qui en a assuré la vice-présidence, le sénateur Day, qui a servi de porte-parole et chacun des sénateurs des deux côtés de cette Chambre qui ont participé à cette étude.

[Traduction]

Je voudrais aussi reconnaître et remercier le personnel du comité. La portée du projet de loi est telle que la Bibliothèque du Parlement a affecté au comité non un ou deux analystes, mais toute une équipe. La Direction des comités du Sénat a également affecté d'importantes ressources aux travaux du comité et lui a envoyé, lors de l'examen article par article, une équipe complète chargée de suivre les nombreux articles et les amendements proposés. Je crois savoir que, vers la fin du processus, plusieurs personnes ont travaillé quelque 38 heures d'affilée à la production du rapport destiné au Sénat. Que tous ceux qui ont participé sachent que leur dévouement est apprécié.

Je voudrais en outre mentionner les efforts déployés par le bureau du légiste. J'ai cru comprendre que la taille du projet de loi et le nombre des amendements proposés sont probablement sans précédent. Le bureau du légiste, qui n'a pas un effectif très important, comme les sénateurs le savent, a été un modèle de dévouement. Merci. Vos connaissances juridiques et vos compétences en rédaction ont considérablement amélioré le projet de loi.

Honorables sénateurs, l'examen du projet de loi C-2 s'est déroulé à un moment où le rôle et l'avenir du Sénat faisaient l'objet d'une grande attention. Il est malaisé de travailler sous la surveillance d'un gouvernement qui mettait constamment en doute la nécessité de toute étude complémentaire du Sénat. Le gouvernement a soutenu que le projet de loi C-2 avait déjà été examiné à la loupe à l'autre endroit et qu'il ne restait pas grand-chose à faire pour notre Chambre. Nous sommes tous au courant des différentes déclarations émanant de l'autre endroit et des conférences de presse nous accusant d'avoir consacré un temps excessif à l'étude du projet de loi.

John Geddes a écrit un article dans un récent numéro de la revue Maclean's, disant que le président du Conseil du Trésor a pris prétexte de notre étude du projet de loi C-2 pour éluder des questions difficiles concernant la politique du gouvernement sur différentes questions d'intérêt public. Voici comment il a décrit la période des questions de l'autre endroit :

Pressé par le NPD d'ouvrir une autre enquête sur l'affaire Maher Arar? « Nous avons besoin de l'appui du Sénat libéral pour que la loi fédérale sur la responsabilité soit finalement adoptée », a répondu Baird, qui a ajouté : « Et laissons finalement les pratiques corrompues de l'ancien régime libéral entrer dans l'histoire du Canada. »

Ce n'est sûrement pas là une attitude digne d'un ministre. C'est pourtant le spectacle qu'on nous a servi sans cesse et qui se poursuit encore, comme nous avons pu le constater lorsqu'une question a été posée au président du Conseil du Trésor lundi dernier.

[Français]

Honorables sénateurs, la responsabilité et la transparence sont des sujets forts importants. Le projet de loi C-2 soulève nombre de questions de politique publique qui auront une influence déterminante sur le gouvernement fédéral pour plusieurs années à venir.

Le gouvernement agit d'une façon inacceptable à cet égard et les Canadiens méritent mieux. Ainsi, le comportement du gouvernement a poussé la journaliste du Ottawa Citizen Susan Riley à écrire un article intitulé « An ineffable scumminess », (« Un comportement odieux »), où elle décrit le comportement du président du Conseil du Trésor comme étant plus digne de la petite école que du Parlement.

[Traduction]

Le Sénat s'est fait un devoir d'étudier sérieusement les projets de loi et la politique publique. Loin de mettre en doute la valeur du Sénat, je crois que l'étude faite jusqu'ici du projet de loi C-2 a démontré au-delà de tout doute les avantages de cette institution parlementaire.

Ma propre compréhension du projet de loi et des amendements proposés au comité confirme que nous avons considérablement amélioré cette mesure législative du gouvernement. D'après la norme déclarée du gouvernement, qui vise à renforcer la responsabilité et la transparence, le projet de loi C-2 est certainement meilleur aujourd'hui.

[Français]

D'autres sénateurs ont discuté en détail des nombreux amendements et je ne répéterai pas ce qu'ils ont dit. Permettez- moi cependant de souligner quelques-unes des façons dont nous avons amélioré ce projet de loi et comment nous avons fait avancer les deux causes que sont la responsabilité et la transparence.

[Traduction]

La première partie du projet de loi contient la nouvelle Loi sur les conflits d'intérêts. Même si les témoins du gouvernement ont affirmé que cette loi ne fait que consacrer légalement l'actuel code sur les conflits d'intérêts, un examen soigneux de notre comité a révélé que ce n'était pas le cas.

(1550)

Par exemple, alors que les codes relatifs aux conflits d'intérêts depuis 20 ans ont toujours traité de « conflits d'intérêts réels, potentiels ou apparents », ce projet de loi éliminerait de façon désinvolte toute préoccupation relative à des ministres et à d'autres titulaires de charge publique qui permettent l'émergence de conflits d'intérêts potentiels ou apparents. Autrement dit, pour la première fois depuis plus de 20 ans, il aurait été parfaitement acceptable pour un ministre d'accorder un contrat ou de discuter d'une question à huis clos où il pourrait être en situation de conflit d'intérêts potentiel ou apparent. Nous avons corrigé cela, honorables sénateurs. Je mets quiconque au défi d'affirmer de façon convaincante que ces amendements affaiblissent la loi sur les conflits d'intérêts qui est proposée.

La loi sur les conflits d'intérêts qui est proposée présente de nombreux problèmes. Telle qu'elle est maintenant rédigée, le premier ministre pourrait demander au nouveau commissaire d'enquêter sur la conduite d'un de ses ministres ou d'un autre titulaire de charge publique, et même si le commissaire constatait que le ministre avait enfreint la loi sur les conflits d'intérêts proposée, son rapport pourrait rester secret et n'être divulgué qu'au premier ministre. Rien dans le projet de loi n'empêcherait le premier ministre d'altérer le rapport du commissaire.

Les sénateurs se souviendront qu'un important élément de la plateforme du Parti conservateur aux dernières élections était la promesse qu'un gouvernement conservateur

empêchera le premier ministre de passer outre aux décisions du commissaire à l'éthique, qui déterminera si le premier ministre, un ministre ou un autre responsable enfreint le Code régissant les conflits d'intérêts.

Il est évident que tel qu'il est maintenant rédigé, le projet de loi C-2 aurait violé cette promesse.

Le comité a rectifié cette erreur, honorables sénateurs. Maintenant, le premier ministre pourra toujours demander des avis confidentiels au commissaire au sujet d'un titulaire de charge publique — et nous reconnaissons qu'il convient parfaitement que le premier ministre puisse demander un avis confidentiel au commissaire. Toutefois, si le commissaire conclut, après son enquête, qu'il y a eu infraction à la loi, cette conclusion doit être rendue publique. Nous avons modifié la loi pour interdire à quiconque, y compris le premier ministre, d'altérer une constatation du commissaire.

Dans leur programme électoral, les conservateurs avaient également promis de permettre aux Canadiens, et pas seulement aux politiciens, d'adresser des plaintes au commissaire à l'éthique. Or, le projet de loi C-2 ne le prévoit pas de façon explicite. On peut toutefois soutenir que, puisque le projet de loi permet au commissaire de lancer une enquête de son propre chef s'il a des raisons de croire que la loi a été violée, son initiative peut être liée à la démarche d'un Canadien. Ce qui est prévu explicitement dans le projet de loi C-2, cependant, c'est qu'un Canadien peut informer un sénateur ou un député de l'autre endroit d'une infraction à la loi.

Les sénateurs ont été fort inquiets de constater que le projet de loi C-2 contenait un article qui, à cet égard, interdisait au sénateur ou au député réfléchissant sur l'opportunité de communiquer une information au commissaire, de la divulguer à quiconque — ce qui veut dire à des chefs de parti, à des membres du personnel ou même à un conjoint. Il s'agit là d'un bâillon qui viserait seulement les parlementaires, mais ne viserait ni les Canadiens en général ni même la personne qui, au départ, en aurait informé le parlementaire. Cette interdiction aurait perduré tant que le commissaire n'aurait pas publié son rapport.

Honorables sénateurs, cette disposition n'est pas acceptable. De plus, elle irait à l'encontre de l'un des grands principes du privilège parlementaire, à savoir la liberté de parole. Cette limitation de la liberté de parole a maintenant été supprimée. J'espère sincèrement que ceux qui appuient le gouvernement à l'autre endroit ne vont pas tenter de nous obliger à accepter que les parlementaires soient bâillonnés lorsqu'ils sont mis au courant d'une malversation au sein du gouvernement.

Autre aspect digne de mention : le traitement proposé pour les cadeaux selon la loi concernant le conflit d'intérêts. Le code de conduite en vigueur sous le premier ministre Martin interdisait carrément aux titulaires de charges publiques d'accepter des cadeaux pouvant influer sur l'exercice de leurs tâches officielles. En cas de doute sur l'opportunité d'accepter un cadeau, les titulaires de charges publiques étaient tenus de consulter le commissaire à l'éthique.

Or, le projet C-2, tel que nous l'avons reçu, comportait une disposition fort différente. Il permettait de façon explicite l'acceptation de tout cadeau provenant d'un parent ou d'un « ami » même un cadeau

[...] qui pourrait raisonnablement donner à penser qu'il a été donné pour influencer le titulaire dans l'exercice de ses fonctions officielles.

Le paragraphe 11(1) du nouveau projet de loi concernant les conflits d'intérêts prévoit la règle générale suivante :

Il est interdit à tout titulaire de charge publique [...] d'accepter un cadeau [...] qui pourrait raisonnablement donner à penser qu'il a été donné pour influencer le titulaire dans l'exercice de ses fonctions officielles.

C'est le bon sens. Cependant, le paragraphe 11(2), qui suit immédiatement, énonce ceci :

Le titulaire de charge publique [...] peut toutefois accepter :

— c'est-à-dire malgré le fait qu'un cadeau pourrait « raisonnablement donner à penser qu'il a été donné pour influencer le titulaire » —

un cadeau ou autre avantage qui provient d'un parent ou d'un ami;

Ce que dit en fait le paragraphe 11(2), c'est qu'un cadeau qui pourrait raisonnablement donner à penser qu'il a été donné pour influencer le titulaire est tout à fait approprié s'il provient d'un « ami ». De plus, la loi proposée exemptait expressément ces cadeaux de l'obligation de divulgation, même auprès du commissaire. Comme les témoins et les membres du comité l'ont fait remarquer, en politique, tout le monde est un ami. Il y avait là une échappatoire, honorables sénateurs, et la loi n'imposait aucune restriction.

Aux termes de la loi proposée, il n'y aurait eu aucun problème à ce qu'un ministre accepte un cadeau ou de l'argent, pourvu qu'il considère la personne qui lui offre comme un ami. Le projet de loi C-2 aurait ouvertement permis cela, sans qu'on ne puisse rien y faire. Bien entendu, il n'y aurait pas eu lieu de mettre qui que ce soit au courant.

Les amendements qui ont été adoptés au comité — malgré l'opposition des sénateurs conservateurs, qui voulaient conserver l'échappatoire relative aux « amis » — ont remédié à ce problème. Le libellé a été clarifié et, chose encore plus importante, les cadeaux provenant d'amis sont maintenant assujettis à l'obligation de divulgation. Le commissaire devra être mis au courant de tout cadeau d'une valeur de plus de 200 $, et ces cadeaux devront être consignés dans le registre public.

Ce ne sont là que quelques-uns des amendements que nous avons apportés à la loi proposée sur les conflits d'intérêts. Comme vous pouvez le constater, ces amendements ont renforcé le projet de loi en rehaussant la reddition de comptes et la transparence. Le projet de loi C-2 contenait un certain nombre d'échappatoires et de lacunes importantes, auxquelles nous avons remédié. J'ai confiance que le gouvernement et les députés à l'autre endroit seront d'accord pour dire que ces amendements améliorent le projet de loi. Je ne vois vraiment pas comment ils pourraient les rejeter.

En outre, notre comité a décelé un certain nombre de lacunes et de problèmes sérieux dans les dispositions sur les dénonciateurs. En fait, ces dispositions étaient tellement boiteuses que Joanna Gualtieri, l'ex-employée bien connue du ministère des Affaires étrangères, a exhorté le comité à les supprimer tout bonnement et à reprendre la rédaction à neuf. Toutefois, en agissant ainsi, le comité serait sorti du cadre de son mandat. C'est pourquoi les sénateurs ont fait ce qu'ils ont pu. Je pense que leurs efforts nous ont permis de renforcer considérablement le projet de loi.

Je me permets de souligner quelques aspects. Bien que, pas plus tard que le 21 octobre, le président du Conseil du Trésor eut affirmé que le projet de loi C-2 étendait la protection accordée aux dénonciateurs au personnel de « toutes les institutions fédérales », il s'est avéré, en scrutant la question, que ce n'était pas le cas. La loi ne devait pas s'appliquer aux employés du SCRS, le Service canadien du renseignement de sécurité, du CST, le Centre de la sécurité des télécommunications, et des Forces canadiennes. Il n'était pas possible, en respectant la portée du projet de loi C-2, de remédier à cette omission dans le cas des Forces canadiennes. Toutefois, grâce à nos amendements, la protection accordée aux dénonciateurs s'étendra désormais au personnel du SCRS et du CST. Voilà qui renforce le projet de loi et qui concrétise effectivement les promesses faites par le gouvernement conservateur.

Les amendements ont pour effet d'élargir la définition de « représailles » et de la rendre extensible, comme l'avait recommandé le juge Gomery dans son rapport et comme l'ont fortement recommandé les témoins entendus par le comité. Ce sont des amendements qui, comme je l'ai déjà dit, renforcent la protection accordée aux dénonciateurs et, par le fait même, renforcent le projet de loi.

Le projet de loi C-2 prévoit qu'un maximum de 10 000 $ peut être accordé à un dénonciateur par le Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs, pour les souffrances et les douleurs qu'il a subies. Mme Gualtieri a dit que c'était là « une autre disposition du projet de loi qui constitue une insulte envers les fonctionnaires ». Les amendements font disparaître ce maximum et laissent le tribunal libre de fixer le montant. Si nous faisons confiance au tribunal pour trancher ce genre de question, nous pouvons aussi lui faire confiance pour évaluer les dommages et intérêts en toute équité, y compris en ce qui concerne les souffrances et les douleurs.

Les membres du comité et les témoins ont été surpris de constater que le projet de loi C-2 limitait le remboursement des frais juridiques à 1 500 $ — ou 3 000 $, dans de très rares cas. Ceux d'entre nous qui sont avocats ou qui ont déjà consulté des avocats savent qu'on ne va pas loin avec de telles sommes. La raison d'être de cette mesure est d'équilibrer les chances du dénonciateur par rapport à celles de l'employeur dont les actions font l'objet d'une plainte. Les amendements autorisaient donc la commission à ordonner, si elle le jugeait à propos, le versement à titre de remboursement d'un montant équivalent à celui prévu dans les lignes directrices du Conseil du Trésor. Évidemment, honorables sénateurs, ce ne sont là que les grandes lignes de certains des amendements se rapportant à cette importante question.

Comme vous pouvez le constater, le projet de loi C-2, dans sa forme originale, ne correspondait pas à ce que le gouvernement avait promis dans plusieurs domaines importants. Nos amendements sont venus combler les lacunes et améliorer le projet de loi.

(1600)

[Français]

Les modifications que le projet de loi C-2 propose à la Loi sur l'accès à l'information illustrent fort bien l'écart entre ce que le gouvernement prétendait offrir et la réalité de ce qu'il a conçu. Au lieu de rendre le gouvernement plus accessible aux Canadiens, et d'en améliorer la responsabilité et la transparence, le projet de loi C- 2 aurait empêché la communication d'une foule de renseignements, et, dans certains cas, de façon permanente. Les documents du Cabinet sont accessibles après un certain nombre d'années. Toutefois, ce gouvernement en aurait empêché la divulgation à jamais.

[Traduction]

Les dispositions du projet de loi C-2 qui ont trait à l'accès à l'information étaient si rétrogrades que Geoffrey Stevens, ex- rédacteur en chef du Globe and Mail aujourd'hui rattaché à l'Université Wilfrid Laurier, s'est senti obligé d'écrire à son sujet : « Il s'agit d'une mesure législative affreusement rétrograde dont l'effet réel serait de rendre le gouvernement moins ouvert, moins transparent et moins responsable. »

Honorables sénateurs, je suis heureux et fier de dire que les amendements adoptés par le Sénat combleront en grande partie les lacunes décrites par M. Stevens. Désormais, il existe une primauté de l'intérêt public, ce qui permettra d'autoriser la communication de l'information chaque fois qu'il y va clairement de l'intérêt public. Il s'agit d'une disposition cruciale qui a été instamment recommandée par un certain nombre de témoins qui ont comparu au comité. C'est un énoncé de principe important : l'intérêt public est suprême.

Nos amendements ouvrent également l'accès aux versions provisoires des vérifications et aux documents de travail, une fois que la vérification ou l'enquête est terminée. C'est une autre modification importante qui a été fortement recommandée par un certain nombre de témoins. Cela prêtera-t-il à controverse? Bien sûr. Madame le sénateur Andreychuk l'a fait remarquer : la vérificatrice générale s'oppose à cette modification dans le cas de son bureau. Mais cet amendement rend-il le processus plus ouvert, oblige-t-il le gouvernement à plus de transparence? Bien sûr.

[Français]

Le gouvernement et les sénateurs d'en face ont affirmé que les amendements proposés vont à l'encontre de l'esprit du projet de loi, puisqu'ils retirent la Commission canadienne du blé de l'application de la Loi sur l'accès à l'information.

Honorables sénateurs, j'ai été surpris d'entendre le gouvernement invoquer cet argument. De fait, la Commission canadienne du blé ne faisait pas partie du projet de loi à l'origine, et sa présence est le résultat d'un amendement proposé par un député néo-démocrate. Cet amendement est celui qui va à l'encontre du projet de loi tel que rédigé à l'origine. Notre amendement, quant à lui, n'a fait que rétablir la situation.

[Traduction]

Plus important encore, honorables sénateurs, la Commission canadienne du blé n'a pas à être soumise à la Loi sur l'accès à l'information. L'objet de cette loi n'est pas de donner l'accès à n'importe quelle organisation sur laquelle un membre du public souhaite obtenir de l'information. L'idée, c'est d'ouvrir le gouvernement et les institutions gouvernementales aux membres du public pour qu'ils puissent savoir comment on dépense leur argent.

La Commission canadienne du blé n'est pas une société d'État, pas plus qu'un mandataire de l'État, et elle ne reçoit pas normalement de fonds fédéraux. Le fait que des membres du gouvernement, qui ne portent pas cette commission dans leur cœur, voudraient avoir accès à son information n'est pas une raison valable et suffisante de l'assujettir à la loi. Au contraire, je crois qu'on peut soutenir que ce serait faire un usage abusif de la loi. Nos amendements corrigent cette approche.

Le temps ne me permet pas de passer en revue tous les amendements apportés à la Loi sur l'accès à l'information. Je suis convaincu que les amendements ont été apportés avec soin, dans un effort pour améliorer la responsabilisation et la transparence, parvenir à des dispositions équilibrées et raisonnables, dans le respect des principes établis chez nous pour régir l'accès à l'information.

Des sénateurs se sont inquiétés que certains éléments du projet de loi puissent s'appliquer rétroactivement, ou rétrospectivement, comme certains préfèrent le dire. C'était le cas pour les dispositions relatives à la Loi sur l'accès à l'information. Des témoins ont fait remarquer au comité que de l'information avait été communiquée à certaines organisations parce qu'il était entendu qu'elle ne serait pas communiquée à des tiers. Aux termes du projet de loi C-2, non seulement cette information serait désormais accessible, mais toute l'information que possèdent ces organisations pourrait être consultée par le public, y compris des concurrents en affaires.

C'est inadmissible, honorables sénateurs. Le Sénat a une longue tradition : il résiste aux tentatives du gouvernement en place, quelle qu'en soit l'allégeance, visant à adopter des lois à effet rétroactif, fût-ce pour les meilleures intentions. Les amendements corrigent cette approche. Dans son intervention à l'étape du rapport, le sénateur Stratton s'est interrogé sur le bien-fondé de ces amendements. Il a rappelé que le comité s'était fait dire par un conseiller juridique que « cela contrevenait à la pratique consistant à inclure tous les documents d'une entité donnée au moment où celle- ci a été assujettie à la loi ».

[Français]

Honorables sénateurs, je ne doute pas que Joe Wild, conseiller juridique pour le président du Conseil du Trésor, ait dit cela. Au cours de l'étude article par article du projet de loi, il a maintes fois tenté de défendre la politique du gouvernement au sujet des amendements que nous proposions. Cependant, ses propos n'étaient pas tout à fait exacts dans ce cas. En fait, lorsque la Loi sur l'accès à l'information a été adoptée, de nombreuses mesures de transitions compliquées y étaient incorporées dans le but spécifique d'offrir une période de transition prolongée aux organismes gouvernementaux visés par cette loi.

[Traduction]

La loi a reçu la sanction royale le 7 juillet 1982, mais la vaste majorité de ses dispositions n'ont été proclamées en vigueur que le 1er juillet 1983, un an plus tard. Et même cette période d'adaptation a été jugée trop brève. Les dispositions transitoires permettaient au dirigeant d'une institution gouvernementale de refuser de communiquer certaines informations qu'il avait déjà dans ses dossiers. Par exemple, au cours de la première année suivant l'entrée en vigueur de la loi, si le document demandé existait depuis trois ans avant l'entrée en vigueur de la loi, il n'était pas communiqué; pendant la deuxième année, si le document demandé existait depuis cinq ans avant l'entrée en vigueur, il n'était pas communiqué; et pendant la troisième année, si le document demandé existait depuis plus de cinq ans avant l'entrée en vigueur de la loi et si, de l'avis du dirigeant de l'institution gouvernementale, l'acceptation de la demande gênait de façon déraisonnable les activités du ministère, on pouvait réclamer une exception.

Ce sont des dispositions transitoires fort complexes, et il m'a fallu un certain temps pour voir comment elles s'appliquaient concrètement. Les amendements que le comité a apportés au projet de loi C-2 sont beaucoup plus nets et plus explicites. De plus, ils rassurent les tiers qui ont communiqué des informations par le passé à diverses sociétés d'État et fondations, sans savoir, sans être prévenus, que les renseignements seraient ensuite accessibles à d'autres personnes.

C'était également le cas pour l'amendement que le comité a apporté concernant le soi-disant statut prioritaire. Il ne s'agit pas de refuser d'accéder au désir du gouvernement de faire disparaître le statut prioritaire. Ces dispositions du projet de loi n'ont pas été modifiées. Toutefois, les dispositions transitoires du projet de loi auraient permis d'en faire une application rétroactive en éliminant les droits acquis, ce qui est tout simplement inacceptable. Je le répète, ce sont des positions de principe et je suis fier de défendre ces principes et ces amendements.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-2 est une mesure complexe et je pourrais consacrer beaucoup de temps à parler de sa valeur et de son objet. Les amendements constructifs que le comité a apportés à ce projet de loi sont en place. Le travail du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et le travail du Sénat en général dans le dossier du projet de loi C-2 permettront d'accroître la responsabilité et la transparence au sein du gouvernement fédéral. Les amendements apportés par le comité ont grandement amélioré le projet de loi.

Honorables sénateurs, nous avons fait ce que la Constitution nous a donné pour mandat de faire. Nous avons résisté aux pressions exercées par l'exécutif et nous avons fait un second examen objectif de la proposition du gouvernement. Nous avons rempli notre rôle, et ce faisant, nous avons amélioré le projet de loi sur la responsabilité.

Si le gouvernement tient réellement, comme il le prétend, à assurer plus de transparence et de responsabilité dans les activités gouvernementales, il tiendra sérieusement compte du message qu'il recevra demain du Sénat à l'égard du projet de loi C-2. Nos amendements sont basés sur les témoignages réfléchis de plus de 150 témoins très sérieux qui ont pris le temps de venir comparaître devant notre comité pour nous faire part de leur opinion à ce sujet et nous aider à faire notre travail.

Je ne suis pas d'accord avec le gouvernement qui prétend que nous n'avons entendu des témoins que pour répondre aux exigences à cet égard. S'il peut établir que certains témoins n'avaient pas de valeur, le gouvernement devrait alors donner des noms et appuyer ses dires. Leur opinion, c'est-à-dire l'opinion constructive de Canadiens bien informés et intéressés, ne peut être rejetée du revers de la main et nous ne pouvons remettre publiquement leurs motivations en question tout simplement parce qu'ils ne sont pas d'accord avec la position du gouvernement. Ce n'est pas ainsi que nous défendrons le bien public et ce n'est pas non plus la voie que nous devons suivre si nous voulons réellement rendre le gouvernement plus responsable.

(1610)

La responsabilité, qui veut dire bien des choses, signifie aussi écouter. J'espère que le gouvernement, le soi-disant « nouveau gouvernement du Canada », n'est pas trop fier pour écouter ce que les Canadiens ont dit au Parlement lorsqu'on leur a enfin donné une réelle occasion de se faire entendre par le Sénat du Canada.

L'honorable Lowell Murray : Le leader de l'opposition accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Hays : Je ferai de mon mieux pour y répondre.

Le sénateur Murray : Honorables sénateurs, hier, j'ai déploré la pratique consistant à impliquer le Parlement dans des décisions, comme des nominations, qui sont la prérogative du pouvoir exécutif et face auxquelles nous avons le devoir, non pas de participer au processus, mais de demander des comptes au pouvoir exécutif.

Aujourd'hui, j'aimerais attirer l'attention des honorables sénateurs sur les dispositions du projet de loi relatives au nouveau poste qui est proposé, celui de directeur parlementaire du budget. Cette personne sera choisie par le gouverneur en conseil à partir d'une liste de trois noms dressée par un comité formé et présidé par le bibliothécaire du Parlement, et transmise confidentiellement par l'intermédiaire du leader du gouvernement aux Communes. Le problème, c'est que la proposition ferait intervenir le Cabinet dans une question qui devrait relever de notre prérogative exclusive de parlementaires. Manifestement, il faudrait que la personne soit nommée par le gouverneur en conseil, mais pourquoi le Cabinet devrait-il détenir le pouvoir de décision final quant au choix de notre directeur parlementaire du budget parmi les trois noms soumis par un comité, dont la présidence appartiendra au bibliothécaire du Parlement, mais dont la composition n'est pas précisée?

Je me demande si mon collègue a réfléchi à cette question ou si, à sa connaissance, le comité s'est interrogé expressément sur cette question à un moment ou à un autre. Il me semble que, tout comme nous nous mêlons de prérogatives qui, en fait, appartiennent au gouvernement, celui-ci s'ingère dans quelque chose qui appartient de bon droit au Parlement. Je ne veux pas que le gouvernement ait quoi que ce soit à dire sur le choix de notre directeur parlementaire du budget.

Le sénateur Hays : Je pourrais devoir demander au sénateur Murray d'attendre que notre porte-parole intervienne afin qu'il lui fournisse une meilleure réponse que je ne le pourrais moi-même. Je me souviens toutefois d'une conversation à ce sujet, mais pas aussi bien que je le voudrais pour pouvoir vous répondre. D'après mes souvenirs, il était jugé important qu'il y ait une assez vaste consultation au sujet des candidats possibles pour combler ce poste de haut niveau. Nous avons aussi discuté du financement de ce bureau. Je crois d'ailleurs qu'il y a quelques amendements concernent l'augmentation de l'enveloppe budgétaire. Certains membres du comité qui siègent de ce côté-ci craignent que, même modifiée, elle soit insuffisante.

Le sénateur Murray a dit avoir lu le projet de loi et qu'il mentionnait le bibliothécaire parlementaire et deux autres personnes. Je ne suis pas certain, mais je croyais qu'il était plus précis, il se peut que je sois obligé d'attendre. C'est la version non amendée qu'il a lue.

L'amendement qui a été présenté au comité di ceci :

101. Article 116, page 97 : remplacer la ligne 32 par ce qui suit :

« un comité composé du leader du gouvernement au Sénat, du leader de l'opposition au Sénat, du leader du gouvernement à la Chambre des communes, du chef de l'opposition à la Chambre des communes et du biblio- ».

Autrement dit, il faut un plus grand nombre d'intervenants que le nombre indiqué dans l'article que le sénateur a lu. Il est vrai que certains d'entre eux sont des membres du gouvernement, et je ne suis pas sûr comment nous pouvons éviter ce problème, particulièrement au Sénat, où le leader du gouvernement est un ministre. Cependant, un groupe plus nombreux offre une protection suffisante, de sorte que cela devrait permettre de faire un bon choix, ou du moins offrir la meilleure possibilité de faire un bon choix en ce qui concerne un directeur parlementaire du budget, compte tenu de la participation de ces personnes en provenance de différentes sources.

Le sénateur Murray : Je sais gré au leader de l'opposition de sa réponse, mais je n'avais pas porté mon attention sur l'amendement que le comité avait présenté. Je n'ai aucune objection à ce que le leader du gouvernement au Sénat ou le leader du gouvernement à la Chambre des communes siège à ce comité. Je suis peut-être trop puriste, mais, à mon avis, le Cabinet ne devrait pas avoir le dernier mot dans le choix entre trois candidats. Le processus devrait permettre de choisir un seul candidat.

En outre, nous n'avons pas trouvé un bon moyen pour veiller au financement des divers serviteurs du Parlement. Cette question a été débattue à maintes reprises, et il est vraiment regrettable que ces serviteurs du Parlement, dont la plupart doivent se prononcer sur diverses activités du gouvernement, doivent quémander leurs budgets au Conseil du Trésor. Nous n'avons jamais trouvé un moyen satisfaisant de nous attaquer à ce problème, et nous devrions tenter de le résoudre.

Dans un autre ordre d'idées, les propos de mon collègue sur la communication de renseignements et la primauté de l'intérêt public m'ont intéressé. Je ne saurais dire si c'est en vertu d'une loi ou d'une politique, mais je crois comprendre que les ministres d'État, leur personnel politique et les hauts fonctionnaires sont tenus d'afficher leurs dépenses sur Internet. De plus, ils ne peuvent pas se contenter d'indiquer leurs frais de déplacement, d'hébergement et autres frais, ils doivent aussi fournir les détails. J'avoue que je n'ai jamais été assez curieux pour aller vérifier cela sur le site web, mais à en juger par les reportages dans les médias, les ministres et d'autres titulaires de charges publiques sont tenus d'afficher les détails de leurs frais de déplacement tels que le coût des billets d'avion, des chambres d'hôtel et activités de divertissement.

Dans le cas des députés et des sénateurs qui ne sont pas ministres, on peut voir dans les comptes publics, pour chaque exercice, nos noms ainsi que les sommes que nous avons dépensées pour nos déplacements, l'hébergement et diverses activités.

Si je comprends bien la position adoptée par madame le leader du gouvernement à la période des questions l'autre jour, le public doit avoir accès à ces renseignements sur les dépenses puisqu'il s'agit de fonds publics. Ma question est la suivante : y aurait-il lieu de modifier la Loi sur l'accès à l'information, ou encore le projet de loi que nous étudions afin de régulariser la situation dont madame le leader a parlé, où l'un de ses collaborateurs a communiqué avec un hôtel afin d'obtenir les notes de frais de plusieurs sénateurs? Selon le gouvernement, le public devrait avoir accès à ces renseignements. Y aurait-il lieu de le prévoir dans une loi? Même dans la négative, ma collègue est-elle d'avis que la primauté de l'intérêt public exige que ces renseignements soient accessibles, de façon rétroactive peut-être, comme elle aime dire?

(1620)

Le sénateur Hays : Je voudrais d'abord parler du financement des mandataires du Parlement. Le sénateur a raison de dire que c'est un problème difficile. Mon observation porte sur le poste du conseiller sénatorial en éthique qui, sans être exactement de la nature que celui d'un mandataire du Parlement, en est assez proche. Lorsque le financement est prévu dans la loi, celle-ci laisse au fonctionnaire le soin de déterminer les besoins, puis de tenir des consultations à ce sujet. À cet égard, le Président a été considéré comme l'équivalent d'un ministre vis-à-vis du conseiller sénatorial en éthique. Il y a donc consultation. J'étais alors Président, et j'ai trouvé l'approche intéressante. Il y a consultation, discussion et renvoi possible à d'autres personnes pouvant donner des conseils utiles pour la détermination d'un montant raisonnable. En fin de compte, le titulaire d'une charge publique est investi d'un pouvoir étendu pour déterminer ce dont il a besoin, et c'est à cela qu'on aboutit en général. Est-ce satisfaisant? Je n'en suis pas sûr. Est-ce satisfaisant de faire appel au Conseil du Trésor? Probablement pas. Je ne suis pas sûr de la solution à retenir.

Je crois comprendre que l'obligation pour les titulaires de charges publiques de divulguer leurs dépenses est la même que celle des sénateurs. Je pense que les parlementaires disposent de meilleures lignes directrices et de meilleures pratiques. Il est très gênant, comme nous l'avons vu ces derniers jours au Sénat, que ce genre de renseignements retienne davantage l'attention du public que le travail des parlementaires. Ces informations exercent une sorte de fascination sur le public. Je ne connais pas l'origine de cette exigence de divulgation que le sénateur Murray a décrite dans le cas des titulaires de charges publiques. Mais elle existe. Je ne crois pas que le commissaire à la protection de la vie privée jugerait qu'il soit dans l'intérêt public de diffuser ce genre de renseignements, pourvu, bien entendu, que l'institution à laquelle le parlementaire appartient — dans notre cas, le Sénat — ait établi de bons freins et contrepoids, de bonnes règles budgétaires et des directives claires quant aux dépenses remboursables ou non. C'est là une protection adéquate contre les abus. Les sénateurs ont le Comité de la régie interne, tandis que les députés ont le Bureau de régie interne. Cette façon de faire est préférable à la publication, à l'affichage sur un site Internet, et cetera. Elle devrait servir de guide pour déterminer si les dépenses des titulaires de charges publiques sont légitimes.

Le sénateur Murray : J'ai bien pris note de la réponse. Je suis tout à fait d'accord avec le leader de l'opposition. Toutefois, la conclusion à laquelle on aboutit inéluctablement en pensant à la position prise par le leader du gouvernement au Sénat l'autre jour, c'est que les renseignements précis concernant les déplacements et le logement des sénateurs devraient être accessibles parce qu'il s'agit de fonds publics. Je n'ai pas l'impression que, pour madame le sénateur LeBreton, le gouvernement doit être le seul à obtenir ces renseignements. À son avis, les renseignements devraient être accessibles au public. Si c'est la position du gouvernement — je suppose que je devrais interroger le gouvernement à ce sujet —, alors je n'ai pas hâte de connaître la motion que prépare le sénateur Banks. En fait, il faudrait régulariser la situation pour que tout le monde sache à quoi s'en tenir.

Le sénateur Hays : Le Sénat devrait faire attention dans ce débat, qui pourrait revêtir de l'intérêt pour d'autres raisons. Je m'en tiens cependant à ce que j'ai dit, et le sénateur a dit qu'il était d'accord. S'il y a un bon moyen de s'assurer que les fonds publics sont dépensés à bon escient, alors le Sénat doit être vigilant et user de tous les moyens pour veiller à ce qu'il en soit ainsi. Si de l'argent est dépensé à tort et à travers, il y aurait alors des moyens d'intervenir. Nous avons une surveillance adéquate au Sénat. Si elle n'est pas suffisante, il faudrait qu'elle le devienne. À défaut, ce serait la faute des sénateurs. Mais je ne peux pas accepter d'afficher les dépenses sur le site de la Fédération des contribuables canadiens.

(Sur la motion du sénateur Fraser, le débat est ajourné.)

LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur LeBreton, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Comeau, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (durée du mandat des sénateurs).

L'honorable Francis William Mahovlich : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour aborder trois questions liées au projet de loi S-4 : la durée du mandat, les élections sénatoriales et la répartition des sièges.

Je vais traiter, premièrement, de l'objet du projet de loi S-4 : la durée du mandat des sénateurs. Le projet de loi S-4 recommande que le mandat des sénateurs ne dépasse pas huit ans. J'appuie l'idée de limiter la durée du mandat des sénateurs, mais j'estime qu'il serait plus approprié que le mandat soit de 12 ans. Le Sénat est reconnu pour sa mémoire institutionnelle. Au cours de ses délibérations, le Comité spécial sur la réforme du Sénat a entendu de nombreux témoins qui ont souligné l'importance du maintien de cette mémoire institutionnelle. Un témoin en particulier a attiré mon attention. Il s'agit du professeur Andrew Heard, qui a déclaré que « un mandat de huit ans est une période trop courte qui menace d'amoindrir la puissante mémoire institutionnelle que crée la présence prolongée des sénateurs ». Le professeur Heard a ensuite parlé des avantages d'accorder un mandat plus long aux sénateurs et a souligné le fait qu'il est officieusement reconnu qu'il faut plus de huit ans pour acquérir l'expérience et les connaissances nécessaires pour occuper un poste de leader ou pour présider un comité. Ce n'est peut-être pas toujours le cas, mais on ne peut nier le fait qu'il faut du temps pour être à l'aise dans le rôle de sénateur, pour gagner la confiance de ses pairs et pour être désigné leader. À l'heure actuelle, la durée moyenne du mandat des sénateurs est d'environ 11 ans. Par conséquent, un mandat plus long correspond davantage à la réalité du Sénat. En outre, comme cela a été indiqué dans un rapport de comité, un mandat court aurait pour effet de limiter le nombre déjà restreint de sénateurs chevronnés ayant une longue ancienneté, au risque de priver le Sénat d'une partie de ce qui fait sa force et son caractère distinct.

J'aimerais signaler, en ce qui concerne la durée des mandats, un article paru récemment dans le Times de Londres concernant un projet de réforme de la Chambre des lords en Grande-Bretagne. Une des réformes vise à limiter à 12 ans le mandat des lords. Selon cette proposition, « un mandat de 12 ans garantirait une injection régulière de nouveaux talents, tout en conservant certains des avantages de la continuité et de l'expérience ». Pour les raisons que j'ai énumérées, j'estime qu'un mandat de 12 ans serait plus avantageux qu'un mandat de huit ans.

Dans le premier rapport du Comité spécial sur la réforme du Sénat, il est question des élections consultatives au Sénat. Comme l'élection des sénateurs est une question qui domine les discussions sur la réforme du Sénat, j'estime nécessaire de l'aborder aujourd'hui. Je crois pour ma part que les avantages d'une Chambre haute nommée sont nombreux pour les Canadiens. Une Chambre nommée garantit que les groupes minoritaires sont représentés au Parlement et que la diversité fait partie des voix entendues dans le processus législatif. Le besoin d'assurer la diversité et la représentation est une question qui hante de nombreuses chambres hautes. Par exemple, une des initiatives proposées dans le projet de réforme de la Chambre des lords est l'établissement de quotas pour les femmes et les minorités ethniques. Je ne crois pas que de tels quotas soient nécessaires au Canada, mais je tiens à souligner que la diversité est un avantage qui est mieux servi dans un système où l'on procède par nomination.

(1630)

De plus, l'élection des sénateurs, ou même la tenue d'élections consultatives, pourrait politiser la Chambre de second examen réfléchi et en faire disparaître l'esprit de coopération. Aux États- Unis, les deux Chambres sont politiques et s'affrontent souvent jusqu'au point de provoquer parfois la paralysie du processus législatif. Je crois qu'il serait nuisible que le Canada ait deux Chambres élues qui jouent le même rôle. On pourrait dire qu'il y aurait chevauchement et je crois que cela amoindrirait le rôle du Sénat en tant que Chambre de second examen réfléchi.

Je sais bien que la répartition des sièges n'est pas directement mentionnée dans le projet de loi S-4, mais c'est le point central du deuxième rapport du Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat. Je voudrais en parler maintenant. Deux des raisons en faveur de l'augmentation du nombre de sièges des provinces de l'Ouest sont que, en général, la région de l'Ouest est sous-représentée et que la population des provinces de cette région, surtout en Colombie- Britannique et en Alberta, a beaucoup augmenté.

Parallèlement à cet accroissement démographique, il serait difficile de nier que l'importance proportionnelle de la population de l'Ontario a aussi beaucoup augmenté depuis la première répartition des sièges, en 1867. Par conséquent, on devrait peut- être réfléchir plus sérieusement à la question du nombre de sièges dont dispose l'Ontario au Sénat. Je reconnais que la Chambre basse est composée en fonction de la répartition de la population et que le Sénat représente les régions, mais on ne peut nier le fait que la motion mentionne l'augmentation de la population dans les provinces de l'Ouest, mais pas l'augmentation de la population en Ontario. Il me semble que toutes les provinces devraient être traitées sur un pied d'égalité, ce qui n'est certainement pas le cas dans la motion.

J'admets que certaines réformes sont nécessaires : il faut qu'il y ait évolution. Le Sénat doit s'adapter aux besoins croissants des régions du Canada. Cependant, je dirais que les réformes qui ne sont pas soigneusement pensées et qui modifieraient fondamentalement le Sénat tel que les Pères de la Confédération le voyaient pourraient entraîner toute une nouvelle série de problèmes.

En conclusion, donc, je dirai que je crois qu'un mandat de 12 ans est la meilleure garantie de continuité compte tenu de l'objectif qui consiste à faire émerger des idées nouvelles et fraîches au Sénat. De plus, je reconnais que ce serait une bonne idée d'étudier la possibilité d'élire les sénateurs, mais je crois que la nomination des sénateurs est le meilleur moyen d'assurer la diversité et une deuxième réflexion indépendante au Sénat.

Enfin, je reconnais qu'il est important d'augmenter le nombre de sièges pour l'Ouest en fonction de l'accroissement de la population dans cette région, mais je pense que cela devrait s'appliquer également à l'Ontario, qui connaît aussi une forte croissance démographique.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Mahovlich : Oui. Je vais essayer d'y répondre.

Le sénateur Comeau : J'ai écouté le discours du sénateur, qui portait surtout sur la question du mandat de 12 ans plutôt que huit ans. Cependant, il a parlé de la réforme du Sénat, et donc d'élections et le reste, qu'on retrouvait dans le rapport du comité qui, selon moi, a fait un excellent travail de réflexion sur l'avenir. Je félicite le leader de l'opposition de s'être lancé dans cette nouvelle voie.

En ayant cela à l'esprit, le sénateur appuierait-il la poursuite des travaux du comité si ce dernier devait se pencher sur ce dont il parlait, selon moi, soit la question de l'élection ou de la nomination des sénateurs?

Le sénateur Mahovlich : Je crois qu'il est tout à fait approprié que les sénateurs soient nommés. Si le comité décide de poursuivre son travail et d'étudier la question, je n'ai rien contre.

Le sénateur Comeau : C'est exactement là où je voulais en venir. J'ai remarqué que le sénateur Mahovlich a décidé de parler du projet de loi S-4 qui parle précisément de la durée du mandat des sénateurs. Le comité avait identifié d'autres domaines importants qui méritaient d'être examinés. Si je ne m'abuse, les travaux du comité sont en suspens et pourraient ne pas se poursuivre. J'ai l'impression que le sénateur Mahovlich pense qu'étant donné le travail que ce comité a déjà effectué, ce serait une bonne idée qu'il poursuive son travail. Est-il d'accord avec moi?

Le sénateur Mahovlich : Oui.

L'honorable Gerry St. Germain : Ma question porte sur un Sénat élu. Il y a des avantages à la nomination de sénateurs, car il y a des gens dans cette enceinte qui ne seraient jamais arrivés ici s'ils avaient dépendu du processus électoral. À certains endroits, on a décidé qu'une certaine portion de sénateurs étaient nommés et d'autres étaient élus.

Dans la région d'où je viens, tout comme le sénateur Banks, la population croit vivement, sauf erreur, qu'il est temps d'examiner sérieusement le processus par lequel les gens arrivent dans cette enceinte. Nous avons été témoins de la montée d'un parti politique en particulier qui a pu renaître, si on peut dire, en grande partie grâce à la notion d'un Sénat triple-E. Non pas que j'aie déjà souscrit à cette notion, car je crois que c'est une simplification exagérée de la situation.

Le temps n'est-il pas venu d'admettre qu'une région comme l'Ouest, qui est lamentablement sous-représentée depuis tellement longtemps, devrait se voir reconnaître le droit à un examen complet et détaillé et à une réévaluation de la façon dont les sénateurs sont choisis?

Le sénateur Mahovlich : Pour être juste, je crois que nous devrions certainement examiner cette possibilité. Toutefois, je pense qu'un Sénat formé de membres nommés est juste aussi. Nous essayons d'adopter une position qui est juste pour le pays. C'était certainement injuste au cours des dernières années. En réalisant l'étude, nous devrions examiner la situation partout au pays pour que nous puissions adopter une solution qui assure la représentation régionale et qui permette à toutes les provinces d'avoir leur mot à dire dans le nombre de sénateurs nommés. C'est l'orientation que nous voulons donner à l'étude.

Toutefois, un Sénat qui serait à la fois élu et nommé ne conviendrait pas. Quand je suis arrivé ici, les gens discutaient de la possibilité d'avoir un Sénat élu. Il y a huit ans de cela. C'était la grosse question de l'heure.

Je pense que le Sénat fonctionne bien dans sa forme actuelle. Je crois qu'il devrait y avoir plus de sénateurs parce que les régions sont plus grosses, et pas seulement sur le plan de la population; les régions elles-mêmes ont pris de l'expansion. L'Ontario et la Colombie-Britannique sont plus importantes, et les chiffres continuent à grimper. Le Sénat devrait grossir au même rythme que le pays.

Le sénateur St. Germain : Les habitants de l'Ouest considèrent que le fait qu'ils n'aient pas la représentation voulue est un manquement à la démocratie.

Cela soulève les passions en Colombie-Britannique et en Alberta. Le sénateur accepterait-il de tenir compte du désir réel de revoir la méthode de sélection des sénateurs, par des élections ou autrement, en examinant sérieusement la situation pour déterminer si au moins il existe une solution?

Le sénateur Mahovlich : Je peux dire tout de suite au sénateur que j'ai moi-même réalisé une étude. On peut voir ce qu'il en est aux États-Unis et constater certains des problèmes qu'ils ont connus. Nous ne voudrions pas de cela ici. Un Sénat triple-A, soit appelé, acclamé et absolu, c'est-à-dire ce que nous avons actuellement, convient parfaitement.

(Sur la motion du sénateur Fraser, le débat est ajourné.)

(1640)

PROJET DE LOI SUR LA PROTECTION DES PHARES PATRIMONIAUX

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT—REPORT DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carney, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Murray, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-220, Loi sur la protection des phares patrimoniaux.—(L'honorable sénateur Comeau)

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, en tant qu'appuyeur du projet de loi S-220 et sénateur de l'Ontario qui s'intéresse énormément à notre patrimoine côtier, pourrais-je demander au leader adjoint du gouvernement comment se déroulent les consultations visant à renvoyer ce projet de loi au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie? C'est ce que souhaitent ardemment le parrain du projet de loi, le sénateur Carney, son appuyeur et un de ses premiers promoteurs, notre regretté collègue, le sénateur Forrestall.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Je vais considérer la question du sénateur Murray comme une demande insistante visant à ce que ce projet de loi soit traité aussi rapidement que possible.

Je puis assurer au sénateur Murray que nous suivons un processus juste et équitable, qui s'applique à tous les projets de loi d'initiative parlementaire dont le Sénat est saisi. Ce projet de loi sera traité de la même façon que tous les autres projets de loi.

Le sénateur Murray : Et avec la même déférence.

Le sénateur Comeau : Ce projet de loi ne sera pas traité avec indifférence.

(Le débat est reporté.)

[Français]

LA SITUATION DE L'ALPHABÉTISME AU CANADA

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Fairbairn, C.P., attirant l'attention du Sénat sur la situation de l'alphabétisme au Canada, ce qui donnera à tous les sénateurs présents dans cette enceinte l'occasion de parler de cette question qui, dans notre pays, est souvent oubliée.—(L'honorable sénateur Robichaud, C.P.)

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui dans le cadre de l'interpellation du sénateur Fairbairn sur la situation de l'alphabétisme au Canada. Je parle à titre de membre relativement nouveau du Sénat et plus ou moins de novice quant aux mesures et aux nuances de cette question de politique gouvernementale. Le débat et la discussion durant la période des questions et les ordres du jour au cours des six dernières semaines ont été extrêmement éclairants. Je remercie madame le sénateur Fairbairn, tout comme bien d'autres sénateurs, d'avoir suscité et maintenu l'intérêt pour cette question d'intérêt public.

[Traduction]

Je crois que la plupart des Canadiens tiennent pour acquis que le Canada est un pays alphabétisé. Si on demandait aux Canadiens moyens de définir l'alphabétisme, je suis certaine que la plupart répondraient la même chose, à savoir qu'il s'agit de la capacité de lire un livre.

Nous avons de bonnes écoles élémentaires et secondaires, notre système et nos établissements d'enseignement postsecondaire continuent de diplômer des étudiants en nombre record et nous sommes prospères. Compte tenu de cela, bien des gens ne le croiraient pas si on leur disait qu'au Canada, 9 millions de personnes âgées entre 16 et 65 ans — chiffre qui monte à 12 millions de personnes, si on englobe celles de plus de 65 ans — n'atteignent pas le seuil international accepté pour ce qui est des compétences toujours grandissantes qui sont nécessaires pour fonctionner dans une société du savoir. Ces gens ne croiraient pas non plus que le pourcentage de ceux qui ne répondent pas aux critères souhaitables pour les notions de calcul est d'environ 55 p. 100 de la population canadienne. Ils ne le croiraient pas, mais tel est pourtant le cas.

En réalité, notre idée de la littératie est désuète par rapport à ce qu'implique vraiment cette notion. Il ne suffit plus aujourd'hui de savoir lire un livre et faire fonctionner certaines machines usuelles. À une époque où la technologie et la connaissance se développent à une si forte cadence, les compétences essentielles pour être en mesure de fonctionner et prospérer changent et se transforment constamment.

Est-on capable de programmer son magnétoscope à cassettes ou son DVD? Est-on capable de rédiger son CV sur l'ordinateur? Est- on capable de naviguer sur Internet à la recherche d'un emploi? Est- on capable de résoudre un problème dont la solution n'est pas évidente? Ce sont là des compétences qui, parmi d'autres, sont désormais essentielles dans notre société fondée sur le savoir. Sans elles, on ne peut espérer être heureux et en santé et réussir sa vie.

Robert Yagelski, l'auteur de Literacy Matters : Writing and Reading the Social Self, déclare que la littératie concerne la capacité de l'individu de se rendre autonome de manière à composer avec les complexités de la vie.

L'enquête internationale de 2003 sur la littératie et les compétences des adultes a mesuré les compétences des adultes dans quatre domaines : la compréhension de texte suivi, la compréhension de texte schématique, la numératie et la résolution de problèmes. On a ensuite coté les compétences individuelles sur une échelle de un à cinq, le niveau un représentant la compétence la plus faible, et le niveau cinq, la plus élevée. Il est communément accepté que le niveau trois est le seuil de compétence souhaitable pour ceux qui vivent dans une société fondée sur le savoir comme la société canadienne. Or, à l'heure actuelle au Canada, 48 p. 100 de nos citoyens âgés de plus de 16 ans n'atteignent pas ce niveau, comme je l'ai dit plus tôt, pour la compréhension de texte suivi, et 55 p. 100 d'entre eux ne l'atteignent pas pour ce qui est de la numératie, à savoir les compétences de base en mathématiques.

[Français]

Pour les gens qui éprouvent des difficultés de lecture, d'écriture et de calcul, il est essentiel d'avoir accès à des services afin qu'ils puissent améliorer leurs compétences et qu'ils puissent pleinement contribuer à l'essor économique au pays.

Dans plusieurs cas, dans l'industrie pétrolière notamment, la capacité de bien lire de nouvelles consignes de sécurité est essentielle. Imaginez que vous travaillez dans un champ pétrolier à Fort McMurray et que vous êtes incapable de comprendre les consignes de sécurité qui sont affichées. Il peut s'agir de votre sécurité personnelle ou même pire, de votre vie et de la vie des autres!

[Traduction]

Honorables sénateurs, en Alberta, dans ma province natale, des efforts sont faits pour attaquer cette déficience de front. Même si l'Alberta est l'une des provinces les mieux cotées sur le plan de l'alphabétisme, il y reste encore certains problèmes à régler.

Selon un document récent de Literacy Alberta, 40 p. 100 des Albertains adultes et 35 p. 100 des Albertains en âge de travailler n'ont pas le niveau d'alphabétisation nécessaire pour réaliser tout leur potentiel dans notre économie de plus en plus basée sur les connaissances. En outre, 44 p. 100 d'entre eux n'ont pas les compétences élémentaires en mathématiques nécessaires et presque 50 p. 100 ont des compétences très élémentaires en ce qui concerne la résolution des problèmes. Cette situation est aggravée par le fait que 25 p. 100 des jeunes Albertains ne terminent pas leur secondaire en cinq ans et que 90 p. 100 des élèves qui n'ont pas obtenu une éducation de niveau secondaire sont faibles en résolution de problèmes. Dans le groupe des 16 à 25 ans, l'avenir de la province, 36 p. 100 des Albertains ont des capacités de lecture et d'écriture inférieures au niveau trois.

Pourquoi cela est-il aussi important, honorables sénateurs? Pourquoi ces statistiques et cette situation sont-elles tellement décevantes? Cette situation est insatisfaisante pour les Albertains, car ces pourcentages limitent le potentiel social et économique de nos concitoyens. Elle est insatisfaisante parce ces pourcentages conduisent à la stagnation et finiront par entraîner une dégradation de notre mode de vie.

(1650)

Literacy Alberta a produit des fiches d'information fort bien faites sur les principaux domaines où se font sentir les effets de faibles niveaux d'alphabétisation : travail, famille, santé, emploi, pauvreté, situation des aînés et des personnes handicapées, citoyenneté, justice. Ce sont d'excellents documents qui donnent une idée de toutes les conséquences de l'analphabétisme ou de l'alphabétisation pour une société. Les chiffres sont renversants. Une augmentation de 1 p. 100 du taux d'alphabétisation moyen entraînerait une augmentation permanente de 1,5 p. 100 du PIB. En Alberta seulement, il s'agirait d'une hausse permanente du PIB de 3 milliards de dollars. Il y a 20 ans, à une époque où le taux d'alphabétisation était semblable à celui d'aujourd'hui, le Groupe d'étude des entreprises canadiennes sur l'alphabétisation a estimé que le faible niveau d'alphabétisation coûtait aux entreprises 1,6 milliard de dollars par année en temps perdu à cause d'accidents du travail et 2,5 milliards en perte de productivité. On estime que d'ici 2020, le Canada accusera une pénurie de 1 million de travailleurs qualifiés. C'est-à-dire qu'il nous manquera 1 million de travailleurs qui seraient assez alphabétisés pour satisfaire aux exigences de base du travail.

Telles sont les réalités auxquelles nous faisons face, honorables sénateurs, et je peux donner bien d'autres exemples. Le gouvernement de l'Alberta a décidé de s'attaquer au problème de l'alphabétisation. À compter de janvier 2005, le ministre de l'Enseignement supérieur a entrepris une série de consultations afin de réévaluer l'état actuel du système d'enseignement supérieur. Dans le cadre de cette démarche, un membre du comité de l'alphabétisation de l'Alberta a été invité à siéger au comité directeur A Learning Alberta, et l'un des sous-comités qui relèvent des comités directeurs plus importants devait faire porter son travail sur l'apprentissage de base et la diversité.

Le comité directeur A Learning Alberta a reconnu que l'alphabétisation était essentielle si on voulait obtenir les résultats recherchés dans le réseau albertain d'enseignement postsecondaire. Elle est donc essentielle également à la productivité et à la prospérité futures de l'Alberta. J'irais même jusqu'à dire que le comité directeur a pris conscience que notre province n'avait pas de pénurie de main-d'œuvre, mais une pénurie de compétences.

Tout comme le gouvernement de l'Alberta a admis que le niveau d'alphabétisation avait un effet considérable sur la productivité et la prospérité de la province, ainsi le gouvernement du Canada devrait prendre conscience de cet effet sur la productivité et la prospérité de notre pays. Les compressions de 17,7 millions de dollars que le gouvernement fédéral a annoncées récemment dans les programmes d'alphabétisation sont donc extrêmement décevantes.

En mai 2006, Toronto Dominion Economics a publié un rapport spécial sur le budget fédéral de 2006. Dans ce rapport, l'engagement du gouvernement à « rendre le Canada plus compétitif et plus productif, pour le plus grand bien de tous les Canadiens » est lié à une section consacrée à l'alphabétisation. Le rapport dit que les dépenses publiques et privées visant à améliorer l'alphabétisation sont justifiées par plusieurs études, ce qui donne à penser que l'alphabétisation est une chose qui compte, lorsqu'il s'agit de bien- être économique. Le rapport signale ensuite quelques constatations dont j'ai déjà fait état aujourd'hui et qui ont déjà été présentées au Sénat.

[Français]

Pour les francophones du pays, les compressions budgétaires du gouvernement fédéral au programme d'alphabétisation ont eu un impact considérable.

Selon la Fédération canadienne pour l'alphabétisation en français, l'impact des compressions du gouvernement fédéral sera bien différent d'une province à l'autre. En Ontario, c'est environ les deux tiers du budget de la Coalition francophone pour l'alphabétisation qui écopent.

Au Nouveau-Brunswick, la fédération m'a appris que la quasi- totalité du budget de la Fédération de l'alphabétisation au Nouveau-Brunswick avait été coupée.

En Alberta, Eduk-Alberta, l'organisme qui aide plus particulièrement la communauté francophone, a élaboré au cours des dernières années une approche axée sur l'alphabétisation familiale, qui s'appuyait sur une collaboration et un échange d'expertise avec Bow Valley College et le Centre for Family Literacy afin de les adapter aux besoins des francophones. Les compressions annoncées vont empêcher que cet échange d'expertise se reproduise à l'avenir.

En Colombie-Britannique, une approche à l'alphabétisation, pour répondre de façon plus spécifique aux besoins de couples exogames, avait été développée et partagée avec d'autres provinces. Les compressions annoncées vont empêcher que ce partage d'expertise avec d'autres provinces et communautés francophones se reproduise à l'avenir.

Les compressions du gouvernement fédéral viennent aussi éliminer la possibilité pour les organismes fédéraux en alphabétisation de travailler avec les provinces. Si les organismes avaient été consultés ou avertis, ils auraient pu diversifier leurs sources de financement et se tourner vers les gouvernements provinciaux pour combler leur manque à gagner.

[Traduction]

Honorables sénateurs, les dépenses fédérales dans le domaine de l'alphabétisation ne doivent pas être considérées comme une cause de gaspillage ou de double emploi. Le leader du gouvernement au Sénat a dit à bien des reprises que les compressions ont été faites parce qu'il y avait chevauchement avec le financement provenant d'autres ordres de gouvernement. Qui dit chevauchement dit qu'il y a quelque chose en trop. Comment cela peut-il être, puisque ces compressions vont faire disparaître des programmes et priver des gens de leur emploi?

Il faut présenter l'alphabétisation pour ce qu'elle est : un investissement à court terme qui nous permettra de prospérer et de réaliser des économies à long terme. Une augmentation de 1 p. 100 du taux d'alphabétisation moyen d'un bout à l'autre du Canada se traduirait par une augmentation permanente de 18 milliards de dollars du PIB. De plus, comme une population mieux alphabétisée sera plus riche, en meilleure santé, plus en sécurité, plus juste, je ne peux accepter l'idée que l'alphabétisation n'est pas de ressort fédéral. En réalité, une augmentation du financement fédéral consacré à l'alphabétisation entraînera probablement une diminution des dépenses dans d'autres domaines de compétence fédérale.

Je suis d'accord avec le sénateur Segal pour dire que l'alphabétisation doit être considérée comme un domaine où doivent intervenir de concert les autorités fédérales, les provinces et le secteur privé, et j'appuie sa proposition de sommet fédéral- provincial sur l'alphabétisation au Canada. Dans le premier cas, il s'agit d'admettre que l'alphabétisation est un enjeu national qui doit mobiliser toutes les parties et tous les secteurs, et dans le second, d'un objectif concret qu'il est possible de réaliser tout de suite.

J'appuie l'engagement du comité directeur du ministère de l'Éducation de l'Alberta à faire en sorte que 90 p. 100 des adultes de la province puissent lire et écrire au niveau supérieur tel que défini par les normes internationales. J'estime que nous devrions fixer cet objectif à l'échelle du Canada, de l'île de Vancouver au Labrador. C'est un objectif ambitieux qui devrait être conjugué à d'autres cibles à court terme plus facilement atteignables. À mon avis, une telle aspiration pourrait permettre d'inspirer les Canadiens et de motiver les gouvernements et le milieu des affaires.

Enfin, honorables sénateurs, je propose que nous participions aux activités prévues demain, le 9 novembre, dans le cadre de la Journée d'action pour l'alphabétisation, comme l'a demandé madame le sénateur Fairbairn. C'est une occasion unique pour nous, à un moment où la question est très présente dans nos esprits, d'entendre ce qu'ont à dire les hommes et femmes qui s'efforcent quotidiennement d'éduquer nos concitoyens les moins avantagés et les plus en marge de la société.

Je remercie une fois de plus madame le sénateur Fairbairn pour sa défense acharnée de l'alphabétisation au Canada ainsi que tous ceux qui contribuent à relever le niveau du dialogue sur cette question de politique publique on ne peut plus cruciale.

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, c'est un plaisir pour moi de prendre la parole au sujet de l'interpellation du sénateur Fairbairn à propos des coupes récentes apportées par le gouvernement du Canada aux programmes d'alphabétisation. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il est inquiétant qu'un des pays les plus riches de la planète juge bon de sabrer de tels programmes.

J'aimerais tout d'abord attirer l'attention du Sénat sur le dévouement de madame le sénateur Fairbairn à cette cause des plus louables. Aider ceux qui ne savent ni lire ni écrire est sa passion depuis de nombreuses années. En 1987, elle lançait, ici même, un débat d'envergure nationale sur l'alphabétisation. Quand elle a été nommée leader du gouvernement au Sénat en 1993, elle a aussi été nommée ministre responsable de l'alphabétisation. En 1997, elle était nommée conseillère spéciale en alphabétisation auprès du ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences. C'est une façon détournée de dire que madame le sénateur Fairbairn sait de quoi elle parle lorsqu'on discute de l'alphabétisation au Canada.

(1700)

Nous avons entendu des sénateurs de toutes les régions du pays nous entretenir de la situation de l'alphabétisation dans leurs provinces respectives. Aujourd'hui, j'aimerais vous parler de la Nouvelle-Écosse.

Le ministère de l'Éducation de la Nouvelle-Écosse, dispense, par l'entremise de la Nova Scotia School for Adult Learning, des programmes d'alphabétisation dans le cadre de quatre initiatives :

Les réseaux d'apprentissage communautaire : 30 réseaux existent dans la province pour enseigner des compétences et dispenser une formation aux gens. Ces réseaux incluent la Antigonish County Learning Association et le Halifax Learning Community Network.

Les collèges communautaires de la Nouvelle-Écosse : 12 campus donnent des cours d'éducation aux adultes de niveau plus élevé;

Les écoles secondaires pour adultes : il y a 17 écoles secondaires du genre;

L'Université Sainte-Anne : cette institution administre un programme d'enseignement du français à six endroits.

Le ministère provincial de l'Éducation assume un rôle de chef de file en matière d'alphabétisation. Toutefois, cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de place pour une présence fédérale.

Au cours des derniers jours, nous avons entendu parler de nombreuses études qui insistent sur la nécessité d'avoir des programmes d'alphabétisation dotés d'un financement public. L'OCDE, le Conference Board du Canada et l'Institut C.D. Howe, entre autres, sont d'accord pour dire que, en investissant dans l'alphabétisation, le Canada va profiter des avantages économiques que nos travailleurs plus instruits vont générer au sein de notre économie du savoir. Tout comme dans le cas de l'environnement et de l'enseignement postsecondaire, chaque rapport publié au niveau national et international insiste sur la nécessité d'accroître les investissements dans l'alphabétisation, et non pas d'en réduire le financement.

J'aimerais citer un rapport publié par le Conseil économique des provinces de l'Atlantique, qui s'est penché sur les questions liées à l'alphabétisation dans le Canada atlantique, en mars 2006. Le rapport du conseil, qui se fonde sur l'Enquête internationale sur l'alphabétisation et les compétences des adultes menée en 2005, révèle que le résultat moyen aux tests de compétence en Nouvelle- Écosse correspond à la moyenne nationale. Toutefois, pour chaque adulte ayant les compétences requises pour soutenir la concurrence dans une économie du savoir, il y en a un qui, pour des raisons d'alphabétisation, ne possède pas ces compétences.

L'étude a examiné l'alphabétisation selon quatre critères, y compris la lecture courante, c'est-à-dire la capacité d'utiliser et de comprendre l'information présentée, par exemple, sur des étiquettes de médicaments ou dans des manuels d'instruction, et la capacité de lecture de textes schématiques, c'est-à-dire la capacité de comprendre des choses aussi simples qu'un horaire d'autobus. Les autres critères étaient l'arithmétique et la résolution de problèmes.

On a fait le classement selon des niveaux allant de un à cinq, le niveau trois étant le niveau minimum requis pour pouvoir fonctionner dans l'économie de l'information d'aujourd'hui. Au Canada atlantique, l'étude a révélé que 76 p. 100 de gens classés au niveau quatre ou cinq pour la capacité de lecture de textes schématiques avaient un emploi, comparativement à seulement 46 p. 100 dans le cas de ceux classés aux niveaux inférieurs.

Comme le montrent toutes les études sur l'alphabétisation, les gens classés aux niveaux supérieurs avaient également un revenu plus élevé. La moitié des Canadiens de la région atlantique classés aux niveaux inférieurs pour la capacité de lecture de textes schématiques gagnaient moins de 20 000 $ par année et étaient également plus susceptibles d'avoir besoin d'aide gouvernementale.

La population de la Nouvelle-Écosse se situe sous la moyenne nationale, qui est de 42 p. 100, pour ce qui est du pourcentage d'adultes classés aux niveaux inférieurs pour la capacité de lecture courante; la proportion dans cette province est de 38 p. 100. Une façon de hausser ce niveau est de voir à ce que les gens obtiennent au moins un diplôme d'études secondaires.

Cela nous amène à parler d'un organisme appelé Literacy Nova Scotia. Cet organisme est décrit comme étant la voix professionnelle par excellence pour l'alphabétisation en Nouvelle-Écosse. La mission de Literacy Nova Scotia est de veiller à ce que chaque Néo-Écossais ait accès à des programmes d'alphabétisation de qualité. Travaillant avec le ministère provincial de l'Éducation, cet organisme a joué un rôle de chef de file dans ma province pour la prestation de services aux intervenants, qu'il s'agisse de professionnels ou de bénévoles, qui offrent des programmes d'alphabétisation aux 5 000 adultes qui y participent. Selon Literacy Nova Scotia, ce genre de formation et de perfectionnement professionnel est la clé du succès de tout programme d'alphabétisation destiné aux adultes.

Ressources humaines et Développement social Canada a informé Literacy Nova Scotia que cet organisme était visé par les compressions annoncées par le gouvernement actuel. Quelles sont les conséquences de ces compressions pour ma province? Ces conséquences incluent : la perte de 12 ateliers de perfectionnement pour les apprenants en Nouvelle-Écosse; la disparition d'ateliers régionaux de perfectionnement professionnel animés par des spécialistes de l'alphabétisation des adultes à l'intention des instructeurs et des tuteurs; la disparition de deux conférences pour professionnels et de 12 ateliers régionaux de formation en recherche active à l'intention des praticiens; l'élimination de quatre conférences provinciales destinées aux coordonnateurs de programmes communautaires répartis dans 30 réseaux et destinées à assurer un niveau de qualité uniforme dans les services fournis à environ 2 500 adultes participant à ces programmes; la disparition de 12 ateliers sur les techniques d'inclusion et la sensibilisation interculturelle; l'élimination d'une conférence provinciale sur le concept de communauté d'apprentissage pour intégrer l'alphabétisation dans tous les aspects du développement communautaire; la disparition de 12 ateliers régionaux destinés à soutenir des organismes d'alphabétisation sans but lucratif.

De plus, dans une lettre adressée à M. Gerald Keddy, le député conservateur de South Shore—St. Margaret's, le conseil d'administration du réseau d'apprentissage du comté de Queens exprimait sa vive préoccupation devant les coupes dans les programmes d'alphabétisation. Selon le conseil d'administration :

... la plupart d'entre nous estimons que Literacy Nova Scotia est notre organisation-cadre, le ciment qui nous tient unis et nous met en contact avec les autres programmes communautaires dans d'autres régions de la province, afin de nous aider à atteindre nos objectifs communs.

Si des organisations comme celle-là expriment de telles préoccupations face aux coupes, il y a lieu de se demander si quelqu'un a consulté les responsables des programmes d'alphabétisation avant de sabrer dans les budgets. Cette question a été posée à la ministre Finley à l'autre endroit et elle n'a pas pu nommer un seul groupe consulté.

Après avoir fait savoir à Literacy Nova Scotia que ses fonds seraient coupés, le gouvernement l'a ensuite informé que suffisamment de fonds lui avaient été accordés pour qu'il continue de fonctionner jusqu'en août de l'an prochain. Et ensuite? Est-ce que le financement devra être approuvé chaque année? La confusion règne à ce sujet. Pourtant, le gouvernement continue d'affirmer avec emphase qu'après les coupes, il restera encore 81 millions de dollars pour les deux prochaines années.

Literacy Nova Scotia a également appris que tous les programmes financés à l'avenir devraient être de portée nationale. Qu'est-ce que cela signifie? Qu'est-ce qui peut être davantage de portée nationale que l'alphabétisation des adultes, une activité qui s'adresse aux personnes de toutes les races, de toutes les cultures et des deux genres?

À quoi vont servir les 41 millions de dollars alloués cette année? En quoi consiste exactement cette stratégie nationale que le gouvernement essaie de nous vendre?

Il faut rétablir le financement de Literacy Nova Scotia, comme des autres organismes semblables partout au Canada. Sans cela, on assistera à une triste érosion de notre tissu social.

Un investissement de 17,7 millions de dollars, rien de plus, permettrait de rétablir le financement des programmes d'alphabétisation partout au Canada, dont 345 028 $ pour rétablir celui de la Nouvelle-Écosse. Literacy Nova Scotia pourrait alors de nouveau agir en chef de file et remplir sa mission qui est d'empêcher ma province d'être marginalisée, dans un milieu économique qui accorde de plus en plus d'importance à la connaissance, aux compétences et à la capacité d'adaptation.

(Sur la motion du sénateur Robichaud, le débat est ajourné.)

ÉNERGIE, ENVIRONNEMENT ET RESSOURCES NATURELLES

AUTORISATION AU COMITÉ DE RENVOYER DES DOCUMENTS RELATIFS À L'ÉTUDE DU PROJET DE LOI S-18, PRÉSENTÉ À LA PREMIÈRE SESSION DE LA TRENTE-SEPTIÈME LÉGISLATURE, AUX FINS DE L'ÉTUDE DU PROJET DE LOI S-205

L'honorable Tommy Banks, conformément à l'avis du 7 novembre 2006, propose :

Que les documents reçus, les témoignages entendus, et les travaux accomplis par le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles au cours de son étude du projet de loi S-18, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (eau potable saine), durant la première session de la 37e législature soient renvoyés au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles en vue de son étude du projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (eau potable saine).

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 9 novembre 2006, à 13 h 30.)


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