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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 39e Législature,
Volume 143, Numéro 56

Le mardi 5 décembre 2006
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mardi 5 décembre 2006

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LE QUÉBEC, NATION AU SEIN D'UN CANADA UNI

L'honorable Andrée Champagne : Honorables sénateurs, le lundi 27 novembre 2006, les édifices du Parlement du Canada ont vibré d'un chant nouveau : les Québécois ont enfin été reconnus comme formant une nation, un groupe spécifique au sein de notre pays, le Canada — un Canada non moins uni, au contraire.

Nous tous qui avons nos racines chez ceux qui ont participé aux débuts de la colonie française du Nouveau-Monde; nous tous qui sommes Québécois de cœur et fiers de l'être parce que nos ancêtres ont été les premiers bâtisseurs de cette nation; nous qui habitons encore cette province où les principales villes s'appelaient Stadacona et Hochelaga; nous aussi que les circonstances ont amenés à vivre ailleurs mais qui n'avons pas pour autant renié nos racines; nous tous qui avons su conserver notre langue et notre culture dans cette Amérique devenue anglophone et parfois même hispanophone; nous tous sommes fiers d'être enfin reconnus pour ce que nous sommes : une société bien distincte au sein d'un grand pays, que nous rendons différent des autres.

Un pays où, avec des Canadiens de plusieurs autres origines, avec d'autres qui nous ont choisis et que nous avons adoptés, nous continuons à bâtir le plus merveilleux des pays du monde. Un pays où deux langues officielles se côtoient. Un pays qui a peut-être mis du temps à accepter de reconnaître cette différence, notre différence, pour ce qu'elle est, mais qui, enfin, s'est rendu à l'évidence : nous formons une nation au sein d'un grand Canada.

En cette soirée inoubliable, que j'avais espérée depuis près de deux décennies, je n'ai eu qu'un regret. J'aurais voulu retrouver dans les tribunes, pour pouvoir le saluer bien bas, celui qui en avait fait un des buts de sa carrière politique. J'aurais voulu dire merci au très honorable Brian Mulroney. Je me suis demandé où il était pendant que les députés se levaient pour exprimer leur respect à une nation québécoise qui se tiendra toujours bien droite au sein de ce merveilleux Canada.

(1405)

Finalement, nous devrons cette reconnaissance à Stephen Harper, un premier ministre natif de l'Ontario, mais qui a grandi en Alberta. C'est là une autre preuve de ce qu'est notre Canada.

Je suis native du Québec, j'y vis toujours avec plaisir. J'y regarde grandir ma petite-fille et tente de prendre bien soin de son arrière-grand- papa.

Honorables sénateurs, je peux vous dire aujourd'hui que dans ce Québec qui, lui aussi, possède ses fleurons glorieux, la majorité d'entre nous sommes également de fiers Canadiens et nous le sommes encore davantage après ce vote historique.

[Traduction]

LE CONGRÈS DU PARTI LIBÉRAL DU CANADA

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, au cours de la fin de semaine dernière, nous avons assisté à l'un des congrès politiques les plus importants et les plus captivants de l'histoire de notre pays. Des membres du Parti libéral venant de toutes les régions du pays se sont réunis à Montréal pour élire un nouveau chef, afin de se préparer à former le prochain gouvernement.

Le congrès a conduit non seulement à l'élection d'un nouveau chef, mais également à l'adoption d'une nouvelle constitution du parti et à l'élection d'un nouvel exécutif national sous la présidence de notre collègue, madame le sénateur Poulin, et je voudrais la féliciter de son accession à de nouvelles fonctions.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Callbeck : Le parti est ressorti de ce congrès fort et uni, et il a une vision claire de l'avenir de notre pays et de ses citoyens. C'est pourquoi le Parti libéral demeure l'organisation politique qui a connu le plus de succès dans toute l'histoire de notre pays.

Le nouveau chef, l'honorable Stéphane Dion, a une vaste expérience et beaucoup d'énergie et il est bien décidé à diriger notre parti et notre pays. Son leadership est fondé sur trois piliers, soit la prospérité économique, la justice sociale et la responsabilité sur le plan environnemental. Sa vision reflète les valeurs du libéralisme, soit le respect de l'individu, la compassion à l'égard des besoins des autres et la reconnaissance des droits à l'égalité de tous les Canadiens dans un pays fort et uni.

Sa vision comprend également la reconnaissance du fait que, si nous voulons continuer de grandir et de nous développer comme nation, nous devons être conscients du fait que la santé et le bien-être de notre économie et de notre société dépendent de la santé de notre environnement. C'est le grand défi que nous devons tous relever au XXIe siècle. Le développement durable signifie un meilleur avenir pour les générations actuelles et futures de Canadiens.

Honorables sénateurs, je vous demande de vous joindre à moi pour adresser nos félicitations et nos meilleurs vœux de succès à M. Dion dans ses nouvelles responsabilités de chef du Parti libéral et de l'opposition officielle.

[Français]

L'HONORABLE MARIE-P. POULIN

FÉLICITATIONS POUR SON ÉLECTION AU POSTE DE PRÉSIDENTE DU PARTI LIBÉRAL DU CANADA

L'honorable Lise Bacon : Honorables sénateurs, je souhaite souligner aujourd'hui l'élection de notre collègue, Marie Poulin, au poste de présidente du Parti libéral du Canada samedi dernier, le 2 décembre. Je lui offre toutes mes félicitations et mes meilleurs vœux de succès dans ses nouvelles fonctions.

Marie Poulin a accepté de relever un défi exigeant, celui d'insuffler une nouvelle direction au Parti libéral et de le rapprocher de l'ensemble de ses membres. Elle devra inévitablement s'atteler à plusieurs tâches importantes au cours des prochains mois.

Dans un parti politique, il y a trois grandes missions essentielles qui incombent à la personne qui en assure la présidence. Il y a d'abord une mission de représentation, qui implique d'incarner sur la place publique le visage du parti. Le sénateur Poulin sera une voix fidèle et puissante pour nos militants. Elle possède des qualités de communicatrice dont personne ne saurait douter. Elle est parfaitement bilingue, elle connaît bien notre formation politique et les militants de la base. Elle sera en mesure d'incarner le visage moderne, progressiste et engagé de notre parti et de transmettre un message cohérent sur la place publique.

La mission de leadership ou d'animation est aussi au cœur des responsabilités de la présidence. Madame le sénateur Poulin a déjà occupé dans le passé des postes de direction tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Son expérience sera un atout tout comme son tact et son sens de la diplomatie.

Elle sera en mesure de fixer des objectifs tout en veillant à les atteindre. Le plus important pour le président d'un parti est son devoir de proximité et d'accessibilité à l'endroit de l'ensemble des militants. Marie Poulin possède un entregent indéniable et nous l'avons tous déjà constaté en la côtoyant.

C'est une personne d'une grande sensibilité qui possède aussi une remarquable capacité d'écoute. J'ai confiance que, sous la direction de Marie Poulin, le Parti libéral va se rapprocher encore plus de sa base et deviendra un parti près de ses militants.

Nous sommes fiers de voir l'une de nos collègues obtenir la confiance de son parti pour assurer une fonction névralgique comme la présidence. Marie Poulin possède les qualités nécessaires pour mener à bien les missions essentielles dont j'ai fait mention.

Je lui souhaite bonne chance et lui témoigne toute ma confiance.

(1410)

[Traduction]

LE CONGRÈS DU PARTI LIBÉRAL DU CANADA

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, au cours du week-end dernier, des milliers de membres du Parti libéral du Canada se sont réunis à Montréal pour élire leur nouveau chef. D'après ce que j'ai pu comprendre de mes collègues ministériels, les libéraux nous ont donné d'assez bons moments de télévision. C'était l'occasion de réfléchir sur nos politiques, sur nos structures et sur nous-mêmes. C'était l'occasion également de revoir d'anciens amis, de renouveler des amitiés oubliées et, du même coup, de se faire de nouveaux amis.

Honorables sénateurs, en faisant tout cela, nous sommes sortis de notre congrès unis, forts et fiers. Nous nous sommes ralliés à notre nouveau chef, l'honorable Stéphane Dion, un leader auquel nous croyons tous. M. Dion apporte au Parti libéral la perspective pancanadienne qu'il a acquise en occupant plusieurs postes clés au Cabinet. Avec l'aide de Gerard Kennedy, qui a joué un rôle critique dans l'élection de M. Dion comme chef, et avec l'aide de tous les autres candidats, le Parti libéral du Canada unifiera le pays de façon novatrice et en faisant valoir de nouvelles idées.

Honorables sénateurs, M. Dion, fort de ses réussites, est en mesure de mériter la confiance des Canadiens d'un océan à l'autre. En écoutant parler le très honorable Jean Chrétien au cours du week-end, je me suis rappelé que le meilleur gage de réussite du Parti libéral du Canada réside dans le fait que nous sommes audacieux, imaginatifs et capables de renouvellement sur le plan politique. Voilà ce que nous sommes. Voilà ce qu'est M. Dion.

Honorables sénateurs, le leadership, c'est la capacité de prendre les décisions difficiles qui s'imposent sans se laisser séduire par les expédients politiques. Voilà ce que représente, selon moi, le Parti libéral. Voilà aussi ce que représente, à mon avis, M. Dion. J'estime que les Canadiens viendront à faire confiance à de telles valeurs.

LE PRIX DE L'INSTRUCTEUR DE NAVIGATION À VOILE DE L'ANNÉE

FÉLICITATIONS AU CAPITAINE DANIEL D. MORELAND

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, à l'occasion de sa réunion annuelle tenue le mois dernier, la American Sail Training Association de Newport, au Rhode Island, a décerné au capitaine Daniel D. Moreland, de Lunenburg, en Nouvelle-Écosse, son prix de l'instructeur de navigation à voile de l'année. M. Moreland est le patron du Picton Castle, un trois-mâts barque d'acier de 300 tonneaux qu'il a ramené dans les eaux de son port d'attache de Lunenburg en juin dernier, au terme de son quatrième périple autour du monde. À son bord, 35 apprentis marins effectuent les travaux, assurent la garde et s'initient à la vie marine sur un navire gréé en carré, y compris le gréement, la fabrication des voiles, la manœuvre, la navigation et le matelotage.

Nous saluons le capitaine Moreland pour ce prix bien mérité et lui souhaitons bon vent, ainsi qu'au Picton Castle et à tous les membres d'équipage.

[Français]

LE CONGRÈS DU PARTI LIBÉRAL DU CANADA

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, j'aimerais profiter de cette occasion pour transmettre mes félicitations au nouveau chef du Parti libéral du Canada, l'honorable Stéphane Dion.

[Traduction]

J'aimerais aussi profiter de l'occasion pour féliciter tous les candidats qui ont pris part à la course à la direction. Je sais que nous allons tous continuer de travailler ensemble et de façon positive afin d'aider notre nouveau chef.

[Français]

En 1996, quand j'étais doyenne de la Faculté Saint-Jean, à Edmonton, j'ai eu l'occasion de rencontrer M. Dion peu de temps après qu'il soit devenu ministre des Affaires intergouvernementales. M. Dion avait alors fait une tournée dans l'Ouest afin de mieux comprendre et connaître les défis que vivaient les communautés de langue officielle en contexte minoritaire.

Il avait été étonné de constater la vitalité de la communauté francophone de l'Alberta et les défis auxquels elle faisait face.

Ce qui m'avait alors frappée était son intérêt sincère et, plus tard, la ferveur avec laquelle il faisait la promotion de la dualité linguistique à travers le pays. Au fil des années, j'ai aussi remarqué que M. Dion était un homme d'action et de principe dans tous les dossiers qu'il a entrepris.

Comme vous le savez, M. Dion est le « père » du Plan d'action sur les langues officielles qui injectait, à partir de 2003 et sur une période de cinq ans, 750 millions de dollars pour favoriser la dualité linguistique et les programmes de langues officielles.

Les communautés francophones en situation minoritaire ont toujours eu en M. Dion un allié de taille. D'ailleurs, la Fédération des communautés francophones et acadienne a accueilli très favorablement, dans un communiqué, l'arrivée de M. Dion à la tête du Parti libéral.

Honorables sénateurs, je suis certaine qu'à titre de francophone, de Québécois et de Canadien, M. Dion apportera cette même passion, cette même intelligence et cette même ardeur au travail à son nouveau poste de chef du Parti libéral du Canada.


(1415)

AFFAIRES COURANTES

LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION

AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LA NOMINATION DE M. ROBERT MARLEAU

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l'article 54 de la Loi sur l'accès à l'information, chapitre A-1, L.R.C. (1985), le Sénat approuve la nomination de Robert Marleau à titre de commissaire à l'information pour un mandat de sept ans.

AFFAIRES SOCIALES, SCIENCES ET TECHNOLOGIE

AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À ÉTUDIER LA LOI SUR LA PROCRÉATION ASSISTÉE

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à entreprendre l'examen du Projet de règlement de l'application de l'article 8 de la Loi sur la procréation assistée, déposé auprès du greffier du Sénat le 27 octobre 2006;

Que le Comité présente son rapport final au plus tard le trentième jour de séance suivant le dépôt du Projet de règlement au Sénat.

LES JEUNES BÉNÉVOLES

DÉPÔT D'UNE PÉTITION

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer une pétition de plus de 12 000 jeunes Canadiens à travers le Canada qui prient le Parlement d'adopter une loi ou de prendre des mesures permettant à tout jeune citoyen canadien qui en exprime le désir de servir sa communauté à titre de bénévole, tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle internationale.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

L'AGRICULTURE ET L'AGROALIMENTAIRE

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ—LE CONGÉDIEMENT DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, ce gouvernement ne cesse de prendre fait et cause en faveur d'un gouvernement ouvert et responsable. Il favorise même le vote libre.

Toutefois, quand il s'agit de la Commission canadienne du blé, rien n'est moins ouvert que ce gouvernement, et il n'est certainement pas question d'un vote libre de la part des producteurs.

Le sénateur Mercer : Le remède a été administré.

Le sénateur Mitchell : Le gouvernement a congédié un membre du conseil d'administration parce qu'il appuyait la Commission canadienne du blé. Il a exclu le Manitoba, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique d'une importante consultation car ces provinces appuient la Commission canadienne du blé. Il a exclu les producteurs de blé d'un référendum sur la commission parce que, sans aucun doute, ils auraient appuyé cette dernière. Il a tenté aujourd'hui d'annuler la comparution de témoins clés devant le Comité de l'agriculture de la Chambre des communes en raison de leur appui en faveur de la Commission canadienne du blé. Finalement, ce gouvernement a menacé de congédier le président- directeur général de la Commission canadienne du blé parce qu'il appuie sa propre commission et qu'il souhaite pouvoir en parler.

Des voix : C'est une honte!

Le sénateur Mercer : C'est ignoble.

Le sénateur Mitchell : Est-ce que madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait nous dire pourquoi son gouvernement congédie le président-directeur général de la Commission canadienne du blé pour la simple et unique raison qu'il est en désaccord avec le gouvernement et que le gouvernement n'aime pas cela?

(1420)

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Mitchell de sa question. Toutefois, avant d'y répondre, je voudrais ajouter les félicitations des sénateurs de ce côté-ci à toutes celles qui ont été adressées à l'honorable Stéphane Dion qui a été élu chef du Parti libéral du Canada et chef de l'opposition, et féliciter notre collègue, madame le sénateur Poulin, qui a remporté la présidence du Parti libéral.

J'ai rencontré bon nombre de sénateurs au congrès. Je dois dire que, parmi les libéraux qui m'ont vue parcourir les corridors, ils étaient nombreux à y regarder à deux fois. Ce congrès était plutôt amusant; j'ai eu beaucoup de plaisir. J'ai apprécié l'accueil qu'on m'a fait et la courtoisie qu'on a manifestée à mon égard, sauf de la part de certains partisans de Michael Ignatieff qui m'ont fait quitter mon siège au congrès.

Le sénateur Segal : C'est honteux!

Le sénateur LeBreton : J'en viens maintenant à la question du sénateur Mitchell. Comme le sénateur le sait, le président-directeur général de la Commission canadienne du blé n'est pas choisi par le conseil d'administration. En fait, comme cela a toujours été le cas, il s'agit d'une nomination à titre amovible par le gouvernement. Aux dernières élections, nous avons fait campagne sur le choix du mode de commercialisation et le ministre Strahl traite la question de la manière la plus prudente et la plus efficace possible. De toute évidence, le gouvernement veut qu'il y ait un choix du mode de commercialisation pour les producteurs de blé de l'Ouest. J'appuie entièrement ce que fait le ministre pour donner le choix du mode de commercialisation à la Commission canadienne du blé.

Le sénateur Mitchell : Honorables sénateurs, c'était gentil de la part de la ministre de féliciter M. Dion et madame le sénateur Poulin. J'ose dire que tous les deux appuient aussi la Commission canadienne du blé.

En déclarant qu'il revient au ministre de l'Agriculture de nommer le président-directeur général de la Commission canadienne du blé, pourquoi madame le leader du gouvernement nie-t-elle que, historiquement et traditionnellement, le président-directeur général de la Commission canadienne du blé a toujours été nommé sur recommandation des membres du conseil, dont plusieurs sont élus? En fait, dans ce cas, un des membres du conseil, qui appuie la position du gouvernement à l'égard du conseil, a exhorté le ministre à se tenir à l'écart et à ne pas congédier le président-directeur général et président de la Commission canadienne du blé.

Le sénateur Austin : Il est encore là?

Le sénateur LeBreton : Le ministre Strahl a affirmé clairement être d'avis que la Commission canadienne du blé devrait se concentrer sur son rôle principal qui est de vendre du blé canadien et éviter d'intervenir dans la politique ou de s'engager dans de coûteuses poursuites.

Comme les sénateurs le savent, selon le code de conduite de la Commission canadienne du blé, les directeurs doivent rester impartiaux et préserver l'apparence d'impartialité face à leurs devoirs et leurs responsabilités, et ils ne doivent pas utiliser les installations ou l'équipement et les ressources de la Commission aux fins de leurs propres activités.

Il ne fait aucun doute que la question est importante pour les producteurs de céréales et de blé de l'Ouest. De plus, il est clair qu'aux dernières élections nous avons fait campagne sur le choix du mode de commercialisation. Le ministre Strahl est en train de réaliser l'engagement du gouvernement.

Le sénateur Mitchell : Honorables sénateurs, nous devrions confier au ministre Strahl la responsabilité du personnel du cabinet du leader; il congédierait peut-être ce monsieur qui a espionné les sénateurs.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mitchell : En procédant au référendum sur la Commission canadienne du blé, pourquoi le gouvernement consulte-t-il seulement les producteurs d'orge et pas les producteurs de blé? Le gouvernement a-t-il oublié que l'organisation s'appelle « Commission canadienne du blé » et non « Commission canadienne de l'orge »?

(1425)

Le sénateur LeBreton : Il est clair que le gouvernement tient à laisser aux Canadiens de l'Ouest le choix en matière de commercialisation, qu'ils produisent du blé ou de l'orge. Comme le sénateur le sait, il y aura un référendum sur la commercialisation de l'orge au début de l'an prochain.

Je rappelle encore au sénateur Mitchell que le choix en matière de commercialisation était clairement compris comme la politique du gouvernement, et il a proposé cette politique au cours de la dernière campagne électorale. Bien entendu, il y a toujours des gens pour et contre, et c'est leur droit. Il n'en demeure pas moins évident que le gouvernement donne suite à un engagement pris au cours de la dernière campagne.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LA CHINE—LES DROITS DE LA PERSONNE ET LES RELATIONS COMMERCIALES

L'honorable Jack Austin : Honorables sénateurs, j'ai des questions à poser au leader du gouvernement.

Certains sénateurs se rappellent peut-être du vieux refrain scandé au football :

Rickety Rickety Ree
Kick him in the knee
Rickety Rickety Rass
Kick him in the « Layton ».

Honorables sénateurs, il m'a semblé que le premier ministre Harper répondait fort à propos lorsqu'il a dit qu'il irait au « fond » de la question de M. Layton. J'espère que le leader du gouvernement aidera les sénateurs à faire toute la lumière sur la politique du gouvernement à l'égard de la Chine.

Étant donné les propos que le premier ministre Harper a tenus en se rendant à Hanoï, j'ai déjà demandé au leader du gouvernement de nous donner des exemples de cas où les entreprises canadiennes ont fait passer leurs intérêts commerciaux avant les valeurs du Canada. Bien sûr, je n'ai obtenu aucune réponse, car ces exemples n'existent pas. C'était un argument bidon du premier ministre Harper. J'ai toutefois bon espoir d'obtenir une réponse à la question suivante.

D'abord, je dois dire que la Chine est une nouvelle puissance de premier ordre sur la scène mondiale. Les États-Unis cherchent donc avec détermination à nouer des relations plus étroites avec Beijing. Presque immédiatement après sa nomination, le secrétaire américain au Trésor, Hank Paulson, s'est rendu en Chine, et non au Canada. Il y est resté plusieurs jours, et il a dit à la presse américaine que les États-Unis adoptaient l'« optique d'une génération » dans les relations avec la Chine, voulant dire par là que la démarche s'inscrivait dans le long terme.

Madame le leader du gouvernement soutient-elle que les États- Unis font passer leurs intérêts commerciaux avant les valeurs humaines?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Austin de cette question. Bien entendu, je ne parlerai des politiques d'aucun autre gouvernement que le nôtre.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur LeBreton : Il y a eu de bons articles dans les pages financières au sujet de nos relations commerciales avec la Chine. En fait, les entreprises appuient la position du premier ministre.

Un bref rappel historique, honorables sénateurs. C'est le gouvernement conservateur de l'honorable John George Diefenbaker qui a amorcé la démarche d'ouverture de nos relations commerciales avec la Chine, avec Alvin Hamilton. Si le gouvernement du président Kennedy a eu tant de mal avec le gouvernement Diefenbaker, c'est parce qu'il vendait du blé à ce qu'on appelait la « Chine communiste ». La vente de blé à la Chine a ouvert la porte au commerce avec la Chine et, par la suite, avec l'honorable Mitchell Sharp, nous avons établi des relations diplomatiques.

Nous prenons au sérieux nos relations commerciales avec la Chine. De nombreux ministres se sont rendus en Chine avant et après le sommet de l'APEC, soit les ministres Emerson, Lunn et Strahl, ministre de l'Agriculture. Nous travaillerons très fort pour établir de bonnes relations commerciales avec la Chine tout en soulevant les questions de droits de la personne.

(1430)

Les politiques du gouvernement précédent à l'égard de la Chine nous ont laissé un énorme déficit commercial bilatéral d'environ 25 milliards de dollars, une part réduite du marché des exportations et aucun statut préférentiel pour notre pays.

Le gouvernement prend au sérieux ses relations commerciales avec tous les pays du monde et la Chine est certainement un joueur important. Je pense que la plupart des Canadiens attendent du gouvernement du Canada qu'il soulève les questions de droits de la personne auprès d'autres pays, quand il a une chance de le faire. Ce point de vue est repris dans plusieurs articles dans les pages financières et par des gens d'affaires du Canada.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, j'ai écouté attentivement la prétendue réponse du leader du gouvernement. C'était une mosaïque d'images tirées de Disneyland. La réalité est un peu différente.

Je dois d'abord faire une mise au point. Le ministre Emerson n'est pas allé en Chine. Seuls le ministre Strahl et le ministre Lunn y sont allés, et ce ne fut que dix mois après l'arrivée au pouvoir du gouvernement.

Deuxièmement, je suis toujours heureux que des ministres aillent en Chine, parce que cela vise à faire progresser les intérêts du Canada — du moins espérons-le. J'aimerais bien savoir quelles observations on leur demande de présenter à leurs homologues chinois au sujet des écarts de la Chine en matière de droits de la personne. Ce serait intéressant de savoir exactement quelles observations sont présentées et sur quelles valeurs humaines elles portent. Bien sûr, je ne m'attends pas à recevoir une réponse.

J'ai longtemps travaillé au dossier des relations avec la Chine. Je me souviens de l'époque où l'honorable Alvin Hamilton est allé en Chine à la suite des efforts de M. William McNamara, qui était alors président de la Commission canadienne du blé. Je le signale à mes collègues parce que c'est la Commission du blé qui a été l'instrument du gouvernement du Canada et des agriculteurs canadiens pour la vente de blé en 1960. C'est une chose qui a été occultée dans la politique du gouvernement sur la Commission canadienne du blé.

Pour en revenir à ce que je disais, rien ne prouve que M. Hamilton ait demandé une discussion sur les valeurs humaines avant la vente à la Chine en 1960. En fait, cette vente était un geste de compassion et de générosité de la part du Canada. À mon avis, le gouvernement du Canada devrait modeler sa politique sur l'exemple donné par le ministre Alvin Hamilton et le très honorable John George Diefenbaker, qui ont fait preuve de sagesse dans leurs relations avec la Chine, contrairement au gouvernement actuel.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle présenter au Sénat la liste des questions des droits de la personne soulevées par le premier ministre Harper et par les ministres Strahl et Lunn, les arguments présentés et les réponses obtenues de la Chine?

Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur Austin de sa question. Il a parlé d'Alvin Hamilton. En 1960, M. Hamilton a fait montre d'un grand courage politique à une époque où, partout dans le monde, on hésitait à traiter avec un pays communiste, et au premier chef, avec la Chine.

Le monde a beaucoup changé depuis 1960 pour ce qui est de la sensibilité aux droits humains. La réaction aux événements de la place Tienanmen l'illustre très bien.

(1435)

Je ne pense pas qu'il serait approprié de ma part, ou de la part de qui que ce soit, de demander à un ministre de divulguer le contenu de réunions privées qu'il a eues avec un officiel. Cependant, je vérifierai si les ministres ont des observations générales à formuler. Je ne veux pas créer de fausses attentes quant à la divulgation de la teneur d'entretiens à huis clos entre officiels.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je souhaite au ministre du Commerce international, M. David Emerson, toute la chance possible s'il se rend en Chine en janvier pour défendre les intérêts commerciaux du Canada. Ce sont des intérêts pour lesquels j'ai œuvré. J'ai travaillé à ce dossier pendant des années. J'aimerais savoir, cependant, ce que son gouvernement lui demandera de dire à la Chine au sujet des droits humains. Le premier ministre Harper a déclaré clairement qu'il n'y aurait aucun compromis. Il n'est pas prêt à entretenir des relations avec la Chine sur la base du respect et de l'engagement mutuels. En fait, il veut donner à la Chine une leçon sur les droits de la personne et les valeurs humaines.

Je serais très curieux de savoir de quelle façon le ministre Emerson, et tout autre ministre qui pourrait se rendre en Chine, serait accueilli. S'il y a quelqu'un ici qui va là-bas, il doit être conscient que de telles questions seront soulevées à leur retour.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, le premier ministre a soulevé des questions liées aux droits de la personne. Il n'a jamais dit qu'il nuirait de quelque façon que ce soit à notre objectif, qui est d'augmenter nos échanges commerciaux avec la Chine.

Les Chinois veulent faire des affaires avec nous et nous voulons faire des affaires avec eux. Le premier ministre est d'avis, et je pense qu'un grand nombre de Canadiens sont d'accord, que lorsque nous avons l'occasion de rencontrer des officiels chinois, ce n'est que faire preuve de prudence de la part d'un gouvernement qui représente une nation libre, comme le Canada, de soulever des questions liées aux droits de la personne.

En ce qui a trait au voyage du ministre Emerson en Chine, je m'excuse; je croyais qu'il était déjà rendu là-bas. Lorsque le ministre Emerson va représenter notre gouvernement en Chine dans des dossiers liés au commerce international, je suis certaine qu'il va travailler fort afin d'améliorer nos relations commerciales. Je souligne encore une fois que chaque voyage d'Équipe Canada en Chine organisé par l'ancien premier ministre a été suivi d'une baisse des échanges commerciaux.

Je ne vais pas présumer de ce que M. Emerson va dire ou ne pas dire dans ses entretiens. Je dis simplement au sénateur Austin que je m'engage à transmettre ses remarques au ministre Emerson avant que celui-ci ne se rende en Chine.

Le sénateur Austin : Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle aussi lui signaler que nous aimerions bien savoir comment il peut expliquer les remarques du ministre des Finances portant que les investissements chinois ne sont pas particulièrement les bienvenus au Canada?

Le sénateur LeBreton : L'honorable sénateur sait qu'il n'a pas dit cela. Je vais cependant signaler au ministre des Finances l'interprétation que le sénateur fait de ses propos.

LA COOPÉRATION INTERNATIONALE

L'AFRIQUE—LES COMPRESSIONS VISANT LE PROGRAMME DE DISTRIBUTION DE MOUSTIQUAIRES DE LIT DE LA CROIX-ROUGE

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Chaque année, plus d'un million de personnes meurent de la malaria. Environ 90 p. 100 de ces décès surviennent en Afrique subsaharienne. En Afrique, la malaria est la principale cause de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans. En 2000, les signataires de la Déclaration d'Abuja ont convenu de travailler afin de réduire de moitié le nombre de cas de malaria en Afrique d'ici 2010.

Afin d'aider à atteindre cet objectif, le gouvernement libéral précédent s'était engagé à verser plus de 26 millions de dollars à la Croix-Rouge canadienne et 9 millions de dollars à l'UNICEF pour distribuer en Afrique des filets, qu'on appelle des moustiquaires de lit, traités avec un insecticide assurant une protection durable.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire pourquoi le programme de moustiquaires de 26 millions de dollars de la Croix-Rouge canadienne est en voie d'être abandonné? Pourquoi a-t-on tellement réduit le budget d'une cause si importante?

(1440)

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie madame le sénateur de sa question. J'en prends note. J'ai reçu une de ces moustiquaires, comme tous les autres sénateurs, et je l'ai sur-le-champ rendue à la Croix-Rouge canadienne, comme on nous avait demandé de le faire. Je n'ai pas connaissance d'un programme dont le budget ait été réduit, mais je prends quand même note de la question et j'y répondrai le plus tôt possible.

Le sénateur Cordy : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. L'UNICEF fait un travail fantastique et, depuis de nombreuses années, je participe à la Campagne Halloween UNICEF. Je pense aussi que la nomination de Ben Mulroney en tant qu'ambassadeur national d'UNICEF Canada est une bonne chose étant donné sa jeunesse, sa notoriété et son dynamisme. Cela dit, en février dernier, la ministre Verner a dit qu'elle donnerait 9 millions de dollars à l'UNICEF pour qu'il achète des moustiquaires en Éthiopie. Cependant, ce qu'elle n'a pas dit, c'est qu'il semble que l'ACDI laisse tomber le programme de moustiquaires de la Croix- Rouge canadienne, d'une valeur de 26 millions de dollars. En comparaison, la somme de 9 millions de dollars représente une compression budgétaire.

L'UNICEF compte vendre des moustiquaires aux familles qui ont peu ou pas du tout d'argent, tandis que la Croix-Rouge canadienne les donnait gratuitement. Son programme de moustiquaires en Afrique a obtenu des résultats exceptionnels.

Étant donné ce succès, madame le leader du gouvernement peut- elle s'engager à appuyer le programme de moustiquaires de la Croix- Rouge canadienne?

Le sénateur LeBreton : Je remercie madame le sénateur de sa question. Comme elle, je suis heureuse qu'un fantastique citoyen canadien comme Ben Mulroney joue un rôle au sein de l'UNICEF. Je prends note de sa question et je lui communiquerai ici même les faits dans ce dossier dès que je les aurai déterminés.

LA CONDITION FÉMININE

LA FERMETURE DE BUREAUX RÉGIONAUX

L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition) : Nous avons appris la semaine dernière que Condition féminine Canada fermait 12 bureaux régionaux. Il n'en restera que trois à l'extérieur d'Ottawa. Celui d'Edmonton devra desservir le Manitoba, la Saskatchewan, la Colombie-Britannique, les Territoires du Nord- Ouest et le Yukon. Celui de Montréal devra desservir le Québec et le Nunavut. Celui de Moncton devra desservir Terre-Neuve-et- Labrador, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick, et celui de l'administration centrale, en plus de s'acquitter de toutes ses autres responsabilités, devra desservir l'Ontario et les organisations nationales.

On a exprimé une grande détresse à l'égard de la fermeture de ces bureaux, qui existaient depuis une vingtaine d'années. Les organisations féminines ont dit d'eux qu'ils étaient les yeux et les oreilles de la collectivité. On a dit qu'ils étaient une bouée de sauvetage apportant un soutien essentiel aux francophones hors Québec et aux organisations féminines autochtones, rurales et autres qui s'occupent de pauvreté, de violence, d'accès à la justice et de développement économique.

Par définition, les groupes qui s'occupent de ces questions ne sont pas riches. Il est difficile pour eux de se déplacer de l'est du Manitoba jusqu'à Edmonton, du Nord du Québec jusqu'à Montréal ou encore du Labrador jusqu'à Moncton.

La ministre a laissé entendre qu'on ferme ces bureaux parce qu'ils accordent un trop grand soutien aux groupes de défense des droits des femmes. Je me demande si la ministre peut nous dire si la politique du gouvernement consiste à éliminer ce genre de soutien institutionnel aux groupes de défense des droits des femmes. Si c'est le cas, pourquoi ne pas fermer tous les bureaux? Pourquoi même garder une façade en en laissant quelques-uns ouverts?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie madame le sénateur de sa question. Le gouvernement croit en la pleine participation des femmes à la société canadienne et nous continuerons d'appuyer les femmes au moyen de programmes gérés de façon efficace.

(1445)

Nous sommes déjà passés par ce processus lorsque ces économies ont été réalisées; les économies de 5 millions de dollars à Condition féminine Canada ont été réalisées grâce à la rationalisation des activités administratives de l'organisme en vue d'en accroître l'efficience et l'efficacité. Condition féminine Canada continuera d'aider directement les Canadiennes avec un budget de 23,4 millions de dollars, dont 10,8 millions de dollars seront consacrés aux programmes à l'intention des femmes.

Les Canadiennes, à l'instar de tous les autres Canadiens, s'attendent à ce que leur gouvernement gère convenablement les finances du pays. Ces changements administratifs permettront de dépenser les fonds là où ils sont nécessaires, dans des services axés directement sur les femmes. Cependant, honorables sénateurs, Condition féminine Canada est comme tous les programmes gouvernementaux qui ont été mis sur pied pendant une période précise pour répondre à un problème particulier.

Je renvoie le sénateur à l'éditorial paru dans l'édition de vendredi dernier du Globe and Mail. Je l'ai lu pendant que j'assistais au congrès du Parti libéral, à Montréal. On y dit que :

[...] 35 ans après la création d'un poste de ministre responsable de la condition féminine et 22 ans après la reconnaissance, dans la Constitution, des droits des femmes à l'égalité, Ottawa a décidé de fermer 12 des 16 bureaux régionaux de Condition féminine Canada un peu partout dans le pays. Les fermetures surviennent au moment où Ottawa retranche 5 millions de dollars sur deux ans du budget annuel de 23 millions de dollars de l'organisme. Il est temps que cela se fasse.

Ce qu'on disait en réalité, c'est que Condition féminine Canada a été créé à une époque où cet organisme était nécessaire. Il se trouve que je connais beaucoup de choses au sujet de Condition féminine Canada. Ma sœur en a été la coordonnatrice. Sa tâche consistait à coordonner les programmes à l'intention des femmes pour veiller à ce que ces questions soient traitées dans toute l'administration publique fédérale.

Le programme a maintenant besoin de se refaire une beauté. Tout comme dans le cas de l'alphabétisation, notre gouvernement réalise des économies dans les secteurs administratifs pour que nous puissions offrir des programmes directement aux femmes, là où ils sont nécessaires dans les collectivités.

Le sénateur Fraser : Nous sommes tous en faveur de l'efficacité et d'un regard neuf sur les choses, mais je ne comprends pas comment le renouveau dont on nous a parlé permettra de réaliser l'un ou l'autre de ces avantages.

Condition féminine Canada réduit son personnel de près de la moitié — de 61 postes sur 131. L'organisme met fin à son Fonds de recherche en matière de politiques et dit que la « recherche nécessaire » — allez savoir ce que cela veut dire — « sera liée à des projets précis », ce qui me porte à croire qu'elle ne portera plus sur des secteurs d'orientation plus vastes. L'organisme n'aura même plus de bibliothèque. Les ressources de la bibliothèque sont envoyées à Patrimoine canadien.

Que feront les Canadiennes qui en ont encore besoin 35 années plus tard? Cette décision n'a peut-être pas de quoi étonner autant. Les femmes ont été victimes d'inégalité pendant plus de 35 années. À quoi doivent s'attendre les Canadiennes qui ont besoin de ce type d'aide institutionnelle et politique, les femmes autochtones entre autres? À quoi doivent-elles s'attendre d'une agence qui devrait être forte et dynamique et militer en leur faveur?

Le sénateur LeBreton : D'abord, les femmes ont accès aux bibliothèques de Patrimoine canadien, tout comme elles ont accès à une bibliothèque exploitée par Condition féminine Canada.

Comme je l'ai signalé, le poste de coordinatrice à Condition féminine Canada a été créé afin d'assurer, à la grandeur de l'administration publique fédérale et en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, la coordination de programmes qui bénéficient aux femmes. Le sénateur a parlé de réductions de l'effectif. C'est le nœud du problème. Lors de sa création, pour des raisons très valables, Condition féminine Canada comptait de 30 à 40 employés. Ce nombre est passé à plus de 140, puis on a aboli 61 postes. Lorsque ma sœur occupait le poste de coordonnatrice à Condition féminine Canada, c'était un organisme hautement efficace qui menait rondement ses programmes avec 30 employés, sous la gouverne de la ministre Barbara McDougall.

(1450)

Il y a un bon nombre de programmes destinés aux femmes dans d'autres ministères, particulièrement des programmes destinés aux femmes autochtones. Le ministre Prentice s'occupe très activement des dossiers concernant les femmes autochtones. Condition féminine Canada a fait l'objet de compressions administratives pour qu'on puisse injecter directement les fonds dans les programmes à l'échelon de la collectivité, là où on en a besoin.


ORDRE DU JOUR

LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur LeBreton, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Comeau, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (durée du mandat des sénateurs).

L'honorable John G. Bryden : Honorables sénateurs, le 23 novembre dernier marquait le douzième anniversaire de ma nomination au Sénat du Canada. Je n'ai jamais ressenti autant de fierté que le jour où le premier ministre du Canada de l'époque m'a choisi pour faire partie des 104 Canadiens membres de la Chambre haute du Parlement, cette Chambre sans laquelle il n'y aurait pas eu de Confédération et sans laquelle ma région et ma province n'en auraient pas fait partie.

Au cours de ces 12 années, le Sénat a fait l'objet de nombreuses critiques et attaques, de la manifestation orchestrée par les membres du Parti réformiste de l'autre endroit qui ont paradé sur la Colline, sombreros sur la tête et maracas à la main, pour protester contre l'absence de ce sénateur libéral qui vivait au Mexique alors qu'il était en congé de maladie jusqu'à ces accusations au criminel portées contre un sénateur conservateur en poste, qui n'avaient rien à voir avec le Sénat et qui ont fait le bonheur de la presse.

La plus grande menace qui puisse guetter le Sénat à titre de partenaire autonome et indépendant de notre Confédération est toujours venue du pouvoir exécutif, c'est-à-dire du gouvernement en place. Je pense par exemple à la tentative du gouvernement libéral d'imposer au Sénat et à la Chambre des communes un même programme d'éthique et un même commissaire responsable de ces questions. Le gouvernement Harper tente actuellement d'en faire autant.

Et nous avons maintenant le projet de loi S-4, qui réduira l'indépendance des sénateurs et affaiblira le Sénat en modifiant la durée du mandat des sénateurs, qui devront quitter leur poste après huit ans au lieu de pouvoir rester jusqu'à l'âge de 75 ans.

Lorsqu'il a comparu devant le Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat, le premier ministre Harper a repris la citation suivante :

Aucune autre question publique au Canada n'a probablement fait une telle unanimité dans l'opinion publique que la nécessité d'une réforme du Sénat.

Cette phrase est tirée d'un livre intitulé The Unreformed Senate of Canada, écrit par Robert MacKay. Comme l'a précisé le premier ministre, cet ouvrage a été écrit en 1926. Le premier ministre a fièrement cité ce passage pour appuyer sa déclaration voulant que « l'institution qu'est le Sénat du Canada se doit de changer pour vrai ». Il a présenté l'adoption du projet de loi S-4 comme une modeste étape en vue d'assurer cette réforme.

Je pourrais peut-être damer le pion au premier ministre Harper. Avant même que le Sénat n'ait vu le jour, Christopher Dunkin, un conservateur, a déclaré en 1867 à l'Assemblée législative du Canada- Uni que le Sénat était la pire entité qui puisse jamais être inventée. La structure et la composition que devrait avoir le Sénat suscitent la controverse et de vives opinions contraires depuis le tout début. À la page 37 de l'ouvrage de Robert MacKay intitulé The Unreformed Senate of Canada, que le premier ministre a cité, on trouve une citation intéressante, tirée des notes de sir John A. Macdonald :

Pour ce qui est de la constitution de la législature, on devrait avoir deux Chambres : une Chambre haute et une Chambre basse. À la Chambre haute, l'égalité numérique devrait servir de fondement; à la Chambre basse, la population devrait servir de fondement [...] Le mode de nomination à la Chambre haute — Nombreux sont ceux qui préconisent l'élection, et nombreux sont ceux qui préconisent la nomination par la Couronne [...] À la lumière de mon expérience des deux systèmes, je suis en faveur d'un retour à l'ancien système de nomination par la Couronne.

Toujours selon MacKay, mais à la page 42 :

Les principales objections invoquées ont été le fait de créer deux Chambres ayant exactement la même nature qui seraient toutes deux portées à se considérer comme les interprètes de la volonté populaire, ce qui conduirait inévitablement à des frictions entre elles. De plus, c'était non britannique. La nomination par les gouvernements provinciaux ou l'élection par les assemblées provinciales n'ont pas été sérieusement envisagées ni recommandées, sauf par l'Île-du-Prince- Édouard. Même si le choix initial des membres de la Chambre haute posait problème, peu d'opposition se manifesta à l'égard du système de nomination par le gouvernement fédéral.

La conception du Sénat, comme celle de presque toutes les institutions politiques, fut dès le départ une affaire de compromis. Quoique imparfait, il fonctionne néanmoins. Le gouvernement de l'heure, quel qu'il soit, ne prise pas toujours le Sénat qui, bien souvent, en s'acquittant de son devoir de second examen objectif, remet en question le programme législatif du gouvernement ou en ralentit la réalisation — on se rappellera le débat sur la TPS et celui sur le libre-échange.

Ce que propose le projet de loi S-4, dont nous sommes saisis, le premier ministre l'a qualifié de changement modeste, et il a beaucoup été question de savoir si le Parlement peut l'effectuer unilatéralement, en vertu de l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982, sans faire appel aux provinces en application du paragraphe 38(1). Les honorables sénateurs se souviendront que l'article 38 de la Loi constitutionnelle de 1982 décrit de façon générale le mode d'amendement de la Constitution. Il stipule notamment :

La Constitution du Canada peut être modifiée par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée à la fois :

a) par des résolutions du Sénat et de la Chambre des communes;

b) par des résolutions des assemblées législatives d'au moins deux tiers des provinces dont la population confondue représente, selon le recensement général le plus récent à l'époque, au moins cinquante pour cent de la population de toutes les provinces.

Selon l'alinéa 42(1)b), « les pouvoirs du Sénat et le mode de sélection des sénateurs » peuvent être modifiés seulement en conformité avec le paragraphe 38(1).

Le projet de loi S-4 vise à modifier la durée du mandat des sénateurs, qui s'étend actuellement de la date de leur nomination jusqu'à l'âge de 75 ans, de manière à ce que cette durée soit dorénavant de huit ans, sans suivre la formule d'amendement prévue au paragraphe 38(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Le gouvernement s'appuie plutôt sur l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui prévoit ce qui suit :

Sous réserve des articles 41 et 42, le Parlement a compétence exclusive pour modifier les dispositions de la Constitution du Canada relatives au pouvoir exécutif fédéral, au Sénat ou à la Chambre des communes.

À propos de l'article 44, le professeur Peter Hogg écrit ce qui suit dans son livre Constitutional Law of Canada :

L'article 44 remplace le paragraphe 91(1) de la Loi constitutionnelle de 1867. Ce paragraphe, qui a été abrogé par la Loi constitutionnelle de 1982, donnait au Parlement fédéral le pouvoir de modifier la « Constitution du Canada », expression non définie à laquelle la Cour suprême du Canada a toutefois donné un sens très restreint {dans le renvoi relatif à la Chambre haute}. Il y avait d'importantes exceptions à la règle qui étaient exprimées au paragraphe 91(1) lui-même. En fin de compte, la portée de l'article 44 est semblable à celle de l'ancien paragraphe 91(1).

Voici ce que dit la Cour suprême dans le renvoi relatif à la Chambre haute [1980] 1 R.C.S. 54 :

[...] bien que le paragraphe 91(1) permette au Parlement d'apporter certains changements à la constitution actuelle du Sénat, il ne lui permet pas d'apporter des modifications qui porteraient atteinte aux caractéristiques fondamentales ou essentielles attribuées au Sénat pour assurer la représentation régionale et provinciale dans le système législatif fédéral. Le caractère du Sénat a été déterminé par le Parlement britannique en réponse aux propositions présentées par les trois provinces pour répondre aux besoins du système fédéral proposé. C'est à ce Sénat, créé par l'Acte, qu'un un rôle législatif a été conféré par l'article 91. Nous sommes d'avis que le Parlement du Canada ne peut en modifier unilatéralement le caractère fondamental et le paragraphe 91(1) ne l'y autorise pas.

(1500)

À la page 238 de l'ouvrage Protéger la démocratie canadienne, David Smith, au sujet des principes qui doivent s'appliquer à toute proposition de réforme du Sénat, affirme ceci :

Toute proposition de réforme doit respecter les attributs essentiels du Sénat: indépendance, continuité, perspective à long terme, expérience professionnelle et personnelle et représentation des régions et des minorités.

Il poursuit en disant :

L'inamovibilité et l'affranchissement de toute obligation électorale font que l'on trouve au Sénat des personnalités aguerries aux antécédents professionnels variés qui peuvent lui donner une certaine continuité ainsi qu'une perspective à long terme.

En limitant le mandat des sénateurs à huit années, par opposition à un mandat qui dure jusqu'à ce que les sénateurs atteignent 75 ans, le projet de loi S-4 compromet l'indépendance, la continuité et la perspective à long terme des sénateurs et du Sénat. Le projet de loi S-4 influerait aussi sur les caractéristiques fondamentales du Sénat visant à assurer une représentation régionale et provinciale dans le cadre du processus législatif fédéral. Comme la Cour suprême l'a indiqué, le Parlement n'est pas habilité à modifier cela unilatéralement.

Une modification si fondamentale de la Constitution du Canada n'est pas du ressort de l'article 44 et ne peut être apportée qu'en vertu de la procédure normale énoncée au paragraphe 38(1) : par des résolutions du Sénat et de la Chambre des communes, et par des résolutions des deux tiers des provinces représentant au moins 50 p. 100 de la population de toutes les provinces.

Selon le rapport du comité sénatorial qui a étudié le projet de loi S-4 et les lettres des provinces qui ont été déposées récemment ici, certains gouvernements provinciaux désirent participer. Par exemple :

L'honorable Danny Williams, premier ministre de Terre- Neuve-et-Labrador, n'a pas parlé du projet de loi S-4 en particulier, mais a formulé des inquiétudes quant à une réforme morcelée et souligné que les provinces et les territoires doivent participer aux discussions touchant la modification d'importantes caractéristiques du Sénat.

À l'origine, la nomination à vie des sénateurs visait à garantir l'indépendance du Sénat. Permettez-moi de lire un autre extrait du livre de M. McKay :

« Le but recherché », a dit George Brown pour justifier le caractère rigide de la Chambre haute et des nominations à vie, « était de faire de la Chambre haute un organe complètement indépendant — d'en faire l'organe le mieux placé pour examiner de façon impartiale les mesures adoptées par la Chambre. »

Honorables sénateurs, en termes clairs, la décision d'éliminer la nomination à vie des sénateurs et d'imposer la retraite à l'âge de 75 ans n'était pas un changement significatif. Certes, à l'époque de la Confédération, on avait, à l'âge de 75 ans, une vie toute entière de travail derrière soi. Cela revient réellement au même. C'est ce qu'a confirmé la Cour suprême du Canada, qui a déclaré que l'imposition de la retraite obligatoire à l'âge de 75 ans « n'a pas modifié le caractère essentiel du Sénat ».

Cependant, je crois que le fait de réduire à huit ans la durée du mandat aurait d'importantes répercussions sur l'indépendance de cette Chambre et sur sa capacité à assumer le rôle de second examen objectif que les Pères de la Confédération avaient en tête.

Selon les données de la Bibliothèque du Parlement, l'âge moyen des sénateurs au moment de leur nomination se situe entre 45 et 60 ans. C'est l'âge correspondant aux années de travail les mieux rémunérées. Une personne nommée au Sénat à l'âge de 45 ans verra les choses différemment selon qu'elle y siègera jusqu'à l'âge de 75 ans ou pour un mandat de huit ans. Un sénateur nommé pour un mandat de huit ans devra songer aux options dont il disposera à l'issue de son mandat. Ce qui m'inquiète, c'est que si les sénateurs doivent se préoccuper de leur avenir pendant qu'ils siègent au Sénat, cela pourrait nuire à l'indépendance et à l'impartialité de leurs décisions.

Comme nous le savons, la force de cette chambre se manifeste surtout dans nos études approfondies des politiques et des lois proposées. Nos conclusions ne plaisent pas toujours au gouvernement du jour, mais c'est justement le but de l'exercice. Il y a de nombreux facteurs qui nous permettent d'accomplir un travail de qualité, et l'un des principaux, c'est notre vision à long terme et notre connaissance approfondie des dossiers. Ces facteurs n'apparaissent pas du jour au lendemain. Rien ne peut remplacer la mémoire et l'expérience d'une institution.

Permettez-moi de vous lire une dernière citation du livre de Robert MacKay. Cet extrait concerne les nominations pour une période déterminée.

Il faut toutefois noter un résultat important : étant donné le système de nominations du parti, qui ne change pas, et la longévité habituelle des gouvernements canadiens, les partis d'opposition au Sénat disparaîtraient plus rapidement que sous l'actuel régime, et le Sénat serait plus susceptible de devenir la chasse gardée d'un seul parti, à moins que des mesures de protection ne soient appliquées pour assurer la représentation des partis d'opposition. Par ailleurs, les nominations pour une période déterminée ne favoriseraient pas l'indépendance du Sénat. Il serait tout à fait humain que les sénateurs cherchent à obtenir un autre mandat.

Cette citation est tirée des pages 177 et 178 du livre.

Le projet de loi S-4, en soi, confère un pouvoir extraordinaire au premier ministre en poste. Comme le sénateur Dawson l'a noté lorsqu'il a interrogé le premier ministre Harper au Comité spécial sur la réforme du Sénat qui étudie l'essence du projet de loi S-4...

Son Honneur le Président : À l'ordre, s'il vous plaît. Le sénateur Bryden pourrait-il demander au Sénat que son temps de parole soit prolongé?

Le sénateur Bryden : Serait-ce possible?

Des voix : Oui.

Le sénateur Bryden : Merci.

Comme le sénateur Dawson l'a noté lorsqu'il a interrogé le premier ministre Harper au Comité spécial sur la réforme du Sénat qui étudie l'essence du projet de loi S-4, le premier ministre Trudeau aurait pu nommer 200 sénateurs, puisqu'il a été au pouvoir pendant 16 ans. Le premier ministre Mulroney aurait pu nommer un Sénat entièrement conservateur sans la moindre opposition. Le premier ministre Chrétien aurait pu nommer une centaine de sénateurs et contrôler ainsi complètement la Chambre haute.

Le premier ministre Harper a répondu au sénateur Dawson que : « [...] le gouvernement a l'intention de déposer un projet de loi pour créer un Sénat élu. »

Honorables sénateurs, cela ne suffit pas. Nous n'avons pas ce projet de loi devant nous actuellement. D'après ce que j'en sais, aucun projet de loi du genre n'a encore été rédigé. Cette proposition exigerait clairement l'accord des provinces, ce qui n'est pas dans la poche. Nous sommes saisis d'une proposition qui donnerait un pouvoir sans précédent au premier ministre, à savoir le pouvoir de contrôler le Sénat, la Chambre créée dans le but précis de faire contrepoids au pouvoir exécutif.

Quand le leader du gouvernement au Sénat, madame le sénateur LeBreton, a déclaré, dans son exposé sur le projet de loi S-4, que ce projet de loi constituait une première étape importante vers une réforme majeure du Sénat, cela m'a rappelé une citation d'un autre sénateur qui se trouve dans Protéger la démocratie canadienne. Le sénateur Michael Pitfield, qui a été greffier du Conseil privé pendant six ans et qui est sénateur depuis plus de 20 ans, y est cité. Voici ce qu'il dit :

On ne saurait ignorer qu'en matière constitutionnelle, le premier pas vers une réforme est rarement le dernier. En effet, le premier pas déclenche un processus d'évolution souvent très rapide au début mais qui ralentit graduellement. L'obsession du changement sans réflexion hardie sur les conséquences, c'est l'erreur et le chaos assurés.

(1510)

Enfin, honorables sénateurs, je ne crois pas que ce projet de loi devrait être lu pour la deuxième fois maintenant. Il devrait plutôt être renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour que ce dernier puisse mener une étude constitutionnelle exhaustive afin de voir s'il y a lieu de demander au gouvernement de renvoyer le projet de loi S-4 à la Cour suprême du Canada pour qu'elle détermine s'il serait contraire à la Constitution que ce projet de loi soit adopté uniquement par le Parlement.

(Sur la motion du sénateur Grafstein, le débat est ajourné.)

LA LOI SUR LES JUGES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Meighen, appuyée par l'honorable sénateur Comeau, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les juges et d'autres lois liées aux tribunaux.

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, je prends la parole pour faire une déclaration d'intérêt privé, puisque le point que je vais soulever concerne l'article 14 du Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs.

Je tiens à dire que je crois que ma femme, Heather Smith, juge en chef de la Cour supérieure de justice de l'Ontario, pourrait être touchée personnellement par le projet de loi dont le Sénat est actuellement saisi, soit le projet de loi C-17, qui porte sur la rémunération des juges. Je souligne que j'ai déposé les documents nécessaires sur le bureau.

Comme c'est la première fois que cette question est soulevée, je signale que j'ai eu quelques entretiens avec le conseiller sénatorial en éthique, qui s'est dit d'avis que mon épouse, la juge Heather Smith, n'a pas vraiment d'intérêts personnels parce que le projet de loi est d'application générale. Elle dirige un tribunal qui compte 300 juges et je crois qu'il y a probablement 1 000 juges en tout au Canada qui sont visés par ce projet de loi. Toutefois, si je dois me tromper, je préfère que ce soit par prudence.

Par conséquent, je ne participerai pas au présent débat. J'en écouterai peut-être une partie, mais je n'interviendrai pas et je ne voterai pas. C'est maintenant bien indiqué dans la procédure établie lors des récentes modifications que nous avons apportées concernant les conflits d'intérêts.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le sénateur Smith a fait une déclaration d'intérêt privé au sujet du projet de loi C-17. Conformément à l'article 32.1 du Règlement, cette déclaration sera inscrite dans les Journaux du Sénat.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, j'interviens dans le cadre du débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-17.

D'entrée de jeu, je cite un extrait d'un excellent rapport, intitulé Une place à part : L'indépendance et la responsabilité de la magistrature au Canada. Ce rapport a été préparé en 1995 pour le Conseil canadien de la magistrature par mon bon ami, le professeur Martin L. Friedland, avec lequel j'ai étudié à la faculté de droit de l'Université de Toronto. Le professeur Friedland est désormais recteur de la faculté de droit de l'Université de Toronto ainsi que professeur de cette université. Il est l'auteur de nombreux ouvrages et a fait, au cours de sa longue carrière, de brillantes contributions à l'étude de sujets intéressant le droit et plus particulièrement la magistrature.

Voici un extrait tiré de la préface du rapport :

En 1932, le Sénateur Arthur Meighen déclarait devant le Sénat...

J'aimerais apporter une précision. Je ne cite pas notre sénateur Meighen, mais plutôt son grand-père, qui était sénateur en 1932 et qui a déclaré :

Les juges ne [...] sont à aucun point de vue [sous la direction du gouvernement]. Le juge occupe une place à part.

Voilà d'où vient le titre de cette étude très convaincante et intéressante au sujet de l'appareil judiciaire.

Je recommande ce document à tous les sénateurs qui étudient le projet de loi dont nous sommes saisis car il constitue une analyse très intéressante de l'appareil judiciaire de notre pays. Il fait référence à l'Act of Settlement de 1701, qui a instauré l'indépendance de l'appareil judiciaire. Après la glorieuse Révolution, il fut décidé que les juges formeraient un organisme indépendant et distinct de l'assemblée législative et de la Couronne. Cette idée provenait du savant juge William Blackstone et de deux grands philosophes de l'époque, John Locke et Montesquieu, qui plaidaient tous en faveur de la même chose : pour que l'appareil judiciaire possède une structure démocratique appropriée, il doit y avoir des poids et des contrepoids ainsi qu'une séparation entre le pouvoir exécutif, les Chambres haute et basse — ce qui est notre cas — ainsi qu'un appareil judiciaire indépendant et distinct.

Cette analyse a suscité une situation particulière, car quand est venu le moment d'établir la sécurité des juges et « cette place à part », nous nous sommes tournés vers la Constitution du Canada, qui dit que la rémunération des juges relève du Parlement.

Permettez-moi de vous citer une partie de l'article 99 de la Loi constitutionnelle :

[...] les juges des cours supérieures resteront en fonction durant bonne conduite, mais ils pourront être révoqués par le gouverneur général sur une adresse du Sénat et de la Chambre des Communes.

L'article 100 dit ceci :

Les salaires, allocations et pensions des juges des cours supérieures, de district et de comté [...] seront fixés et payés par le Parlement du Canada.

Qu'on me permette de passer de cette loi, la Constitution, qui donne le pouvoir absolu au Parlement de fixer les salaires, aux discussions qui se multiplient concernant la crédibilité et l'indépendance des juges. Est-ce que cela crée un conflit si le Parlement exerce sa responsabilité constitutionnelle d'établir leur rémunération? Cet exercice a subi d'innombrables changements parce que des commissions indépendantes ont été chargées d'étudier le mandat constitutionnel et de faire part d'un point de vue indépendant sur les salaires des juges.

Les sénateurs se souviendront que, en 1997, le juge Antonio Lamer, de la Cour suprême du Canada, a établi le principe que le gouvernement permettait à la commission non seulement de fixer les salaires sans ingérence du gouvernement ou du Parlement, mais aussi de s'assurer que ses recommandations étaient adoptées.

Cette position a été un peu édulcorée. Je donne les exemples les plus récents. Je me réfère au Renvoi relatif aux juges de la Cour provinciale. La Cour suprême statue que non seulement des commissions doivent être établies pour tous les juges, fédéraux et provinciaux, mais que le gouvernement est tenu d'accepter les recommandations des commissions, à moins qu'il convainque un tribunal qu'il existe un motif rationnel de les rejeter.

À première vue, je pense que nous sommes aux prises avec un conflit d'intérêts, ce qui est contraire à la Constitution. Mes collègues se souviendront que, lorsque nous avons été saisis de rapports précédents de cette commission indépendante, certains d'entre nous avaient parlé de conflit d'intérêts parce que nous disions que les juges se trouvaient à fixer leur propre rémunération, ce qui constituait un conflit à première vue.

Dans une affaire ultérieure, en 2005, Assoc. des juges de la Cour provinciale du Nouveau-Brunswick c. Nouveau-Brunswick, les contestations d'un certain nombre de décisions du gouvernement provincial de ne pas appliquer les recommandations de la commission avaient été rejetées par une décision unanime de la cour. La Cour suprême du Canada avait affirmé qu'il s'agissait « [...] d'un contrôle fondé sur un principe de retenue judiciaire qui reconnaît à la fois la position unique et l'expertise accumulée du gouvernement et sa responsabilité constitutionnelle en matière de gestion des finances de la province ». Dans les faits, cette décision a rectifié l'orientation, avec raison, selon moi, en démontrant que les juges ne devraient pas pouvoir intervenir dans la détermination de leur propre rémunération.

Un des quatre membres de la nouvelle commission triennale est nommé par les juges eux-mêmes. On est donc en droit de se demander s'il n'y a pas là un problème.

Si je soulève ces questions, c'est parce que j'espère que, quand le comité sera saisi du projet de loi, il jettera un regard nouveau sur la structure et la composition de la commission et qu'il s'inspirera des pratiques en vigueur à l'étranger. En Australie, la pratique — qui, selon moi, est judicieuse — veut qu'une commission indépendante fixe les salaires non seulement des juges, mais aussi des généraux, des sous-ministres, et autres.

(1520)

Quand le comité étudiera le projet de loi, il devra se pencher sur cette pratique, parce que j'ai encore de sérieux doutes quant à la constitutionnalité du système actuel. Tout comme le Royaume-Uni et l'Australie, les États-Unis ont une commission indépendante qui fixe les salaires des titulaires de toute une série de charges publiques, et c'est ensuite au Parlement d'émettre un avis, d'accepter ou de rejeter ses recommandations.

Le déroulement des événements est assez intéressant en l'occurrence. Quand le projet de loi C-17 a été déposé par le ministre de la Justice, M. Toews, il prévoyait une augmentation de salaire de 7,25 p. 100 plutôt que de 10,8 p. 100, comme l'avait recommandé la commission en 2004. Nous avons pris un certain retard; il n'est pas juste envers la magistrature que cette question traîne. Une fois que la commission a fixé un chiffre repère, il est important que les gouvernements et le Parlement donnent leur avis le plus vite possible. Ces recommandations ont été acceptées par le gouvernement libéral en novembre 2004. Un projet de loi a été présenté en mai 2005 mais il est mort au Feuilleton quand les élections fédérales ont été déclenchées l'année dernière.

Aux termes de ce nouveau projet de loi C-17, le salaire d'un juge de première instance ou d'un juge d'appel passerait à 232 000 $ avec effet rétroactif au 1er avril 2005, au lieu de 240 000 $, comme la commission l'avait recommandé. En d'autres termes, la commission a recommandé une augmentation de 10,8 p. 100 et le gouvernement propose maintenant 7,25 p. 100. Cependant, on doit alors se demander ceci : comment le gouvernement est-il arrivé à ce chiffre? Quels ont été les motifs justifiant de modifier la recommandation de la commission?

Je vais d'abord vous exposer le problème, et il est plutôt complexe; la structure actuelle de la commission, à mon avis, laisse à désirer. Cela dit, la commission en est arrivée à la conclusion qu'il fallait accorder une augmentation de 10,8 p. 100 aux juges. Soit dit en passant, il y a 1 043 juges de cours supérieures qui se retrouvent dans cette catégorie, selon les renseignements que j'ai à ma disposition. Le gouvernement a alors déclaré qu'il n'accepterait pas cette augmentation de 10,8 p. 100 et qu'il proposerait plutôt une augmentation de 7,25 p. 100. Lorsqu'on fait le calcul — et je vais aller vite — selon le ministère de la Justice, l'entente sur quatre ans va représenter au total 58,9 millions de dollars, y compris 13,4 millions de dollars pour une augmentation de 7,5 p. 100 avec effet rétroactif au 1er avril.

Lorsque j'analyse ces données, 10,8 p. 100 par rapport à 7,25 p. 100, je m'aperçois que la différence entre la position du gouvernement et celle de la commission aurait représenté une dépense supplémentaire de 33,7 millions de dollars pour le Trésor fédéral. C'est ce dont il s'agit. En d'autres termes, c'est la somme que le gouvernement économise en réduisant l'augmentation recommandée par la commission.

Voyons maintenant ce que le ministre Toews a dit à l'autre endroit. J'espère ne pas le citer hors contexte. Si je le fais, on me corrigera. Sauf erreur, il a déclaré ce qui suit, et vous me permettrez de paraphraser. La commission n'avait pas accordé suffisamment d'importance à la nécessité d'inscrire la rémunération des juges dans le contexte plus large des pressions économiques, des priorités financières et des exigences concurrentes du Trésor public. Essentiellement, le gouvernement n'a pas accordé le même poids à ce facteur que la commission.

Par conséquent, le gouvernement en est arrivé à un chiffre — 7,25 p. 100 — et il l'a justifié en fonction du fait que la commission ne comprenait pas les priorités financières et la situation financière du gouvernement, nonobstant le fait que le gouvernement peut compter sur un énorme excédent. Je tiens à dire ceci au comité qui va examiner le projet de loi C-17 : le gouvernement doit nous expliquer sa décision non pas en termes macroéconomiques, mais en termes microéconomiques. Le comité doit être persuadé que la décision du gouvernement, qui diffère de celle de la commission et qui laisse à désirer, mais qui est manifestement fondée sur des critères plus appropriés, est justifiée.

Honorables sénateurs, je vais conclure avec cette déclaration, que mon ami Martin Friedland m'a transmise et me permet de consigner dans les Débats du Sénat. Il s'agit, honorables sénateurs, d'un extrait d'un chapitre sur la magistrature dans le prochain mémoire qu'il va publier aux presses de l'Université de Toronto. C'est très intéressant pour nous donner une idée de ce qui se passe. Martin Friedland dit :

La sécurité financière était un sujet revêtant un grand intérêt à l'époque où j'ai fait mon étude.

Les honorables sénateurs se souviendront que, en 1995, le Conseil canadien de la magistrature avait commandé un rapport à M. Friedland.

On veut une rémunération assez élevée qui, combinée à de bonnes pensions de retraite, attire d'excellents candidats. Mais même si un nombre important de membres du Barreau étaient prêts à accepter une nomination à une rémunération beaucoup moindre, nous voudrions quand même rémunérer suffisamment bien les juges pour assurer leur indépendance financière — pour notre bien, pas pour le leur. Comme je le déclare dans le rapport, plus tard cité par la Cour suprême avec mon approbation : « Nous ne voulons pas que les juges soient tentés de rechercher quelque avantage financier en favorisant une partie au détriment de l'autre. Nous ne voulons pas non plus que la population voie là une possibilité. »

Il déclare ensuite :

Le moyen de déterminer la rémunération des juges était un sujet chaud lorsque j'ai produit mon rapport.

En 1995.

Beaucoup de juges souhaitaient un arbitrage exécutoire. La méthode masochiste actuelle qui consiste à faire fixer la rémunération des juges nommés par le gouvernement fédéral par une commission tous les trois ans a été remise en question dans le rapport. Ne serait-il pas préférable de s'occuper de la rémunération des juges dans le cadre d'un examen des salaires des autres hauts fonctionnaires rémunérés par le gouvernement, comme les sous-ministres et les généraux d'armée, comme cela se fait actuellement en Angleterre, aux États-Unis et en Australie?

J'ai pensé qu'il était souhaitable d'avoir une commission, sous une forme ou une autre, afin de donner un avis au gouvernement, quoique j'aie pensé qu'il serait peu probable que les tribunaux déclarent qu'une telle commission était constitutionnellement obligatoire. En fin de compte, dans l'affaire de la rémunération des juges provinciaux, en 1997, la Cour suprême du Canada, en plus de déclarer que des commissions devaient être établies pour tous les juges, fédéraux et provinciaux, avait affirmé que le gouvernement devait accepter les recommandations des commissions à moins qu'il puisse convaincre un tribunal qu'il existe un motif « rationnel » de les rejeter. Je n'avais certainement pas prévu que la Cour irait aussi loin et, dans une communication présentée à Vancouver, en 2001, à l'occasion du trois centième anniversaire de l'Act of Settlement, qui établissait l'indépendance du pouvoir judiciaire en Angleterre, j'avais critiqué cette décision en ces termes :

Il cite ensuite des extraits d'un discours qu'il a prononcé en 2001 devant des juges :

Ainsi, l'appareil judiciaire a créé un conflit d'intérêts potentiel évident en judiciarisant le processus. Selon le juge en chef Lamer, si le gouvernement « décide de rejeter une ou plusieurs des recommandations, il doit être prêt à justifier sa décision, au besoin devant une cour de justice ». Par conséquent, les juges déterminent véritablement leur propre rémunération ... Dans d'autres situations, le fait de permettre à une personne d'être juge de sa propre cause serait un motif suffisant pour casser un jugement ... N'aurait-il pas été plus sage d'avoir simplement exigé la mise sur pied d'un tribunal responsable de la rémunération et d'avoir aussi exigé que le gouvernement réponde dans un délai prescrit, pour ensuite laisser l'opinion publique juger de sa réponse?

Il poursuit en disant :

Trois juges de la Cour suprême étaient présents dans l'auditoire ce jour-là et mes propos ont peut-être touché une corde sensible. Quoi qu'il en soit, dans les causes qui ont suivi, la Cour suprême a restreint le rôle du tribunal dans ces situations, au point où il est maintenant relativement facile pour un gouvernement de rejeter une recommandation faite par une commission. Dans une décision rendue en 2005 (Assoc. des juges de la Cour provinciale du Nouveau-Brunswick c. Nouveau-Brunswick), la Cour suprême a rejeté à l'unanimité les contestations d'un certain nombre de décisions du gouvernement provincial de ne pas suivre les recommandations d'une commission. La Cour suprême a déclaré que le point de vue d'un tribunal devrait être qu'il s'agit « d'un contrôle fondé sur un principe de retenue judiciaire qui reconnaît à la fois la position unique et l'expertise accumulée du gouvernement et sa responsabilité constitutionnelle en matière de gestion des finances de la province ».

En terminant, j'espère que, lorsque cette question sera étudiée par le comité, celui-ci va se pencher sur trois points. Le premier est le cadre de la commission qui a formulé ces recommandations et la question de savoir si, dans les circonstances, celui-ci est acceptable d'un point de vue constitutionnel, tout en tenant compte des bonnes pratiques qui ont cours au Royaume-Uni, en Australie et aux États- Unis, lesquelles sont différentes des nôtres.

Deuxièmement, j'espère que le comité mettra le gouvernement au défi de dire si sa décision de passer de 10,8 à 7,25 p. 100 était appropriée. Pour quelle raison l'a-t-il fait? Quels sont les faits? Comment cela agit-il sur les fonds publics? Comment cela nuit-il à l'impartialité, à l'équité?

Troisièmement, il m'est venu à l'esprit qu'il y avait une injustice inhérente dans le fait d'établir un salaire fixe pour tout le Canada, puisque le coût de la vie n'est pas égal d'un bout à l'autre du pays. Il conviendrait peut-être d'établir un salaire de base — je n'ai rien contre un salaire de base — avec un indice des prix à la consommation qui varie avec le temps, sur une base annuelle, afin que les juges ne soient pas traités injustement dans aucune région du pays.

(1530)

Comme nous représentons des régions, nous devrions respecter les différences régionales ainsi que les normes nationales.

Je m'arrête là.

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, je suppose que le sénateur Meighen, quand il mettra un terme à ce débat, traitera certains des points soulevés par le sénateur Grafstein et que le comité fera de même. Je ne vais pas intervenir dans le débat. Ce que j'ai à dire, je peux l'exprimer sous forme de questions que j'adresse au sénateur qui vient de reprendre son siège.

Premièrement, je me demande pourquoi il s'oppose à la présence à la commission d'un représentant de la magistrature. Pour ma part, je ne trouve pas cela excessif. J'aimerais entendre ses explications.

Deuxièmement, je me demande ce qu'il y a de positif à avoir une commission qui rend des décisions ou formule des recommandations concernant non seulement le traitement des juges, mais aussi la rémunération des généraux des Forces canadiennes et des sous- ministres, entre autres. Pourquoi avons-nous besoin d'une commission indépendante pour déterminer ce que devrait être leur rémunération? Le gouvernement et le Parlement peuvent prendre avis où ils le veulent, mais considérer en bloc le gouvernement et le Parlement avec les juges n'a pas de sens. À un moment donné, la rémunération des parlementaires était liée à celle de la magistrature. C'est qu'un ordre devait intervenir entre nous et nos salaires. La situation a duré un certain temps, jusqu'à ce que le gouvernement Martin ait la frousse et rompe le lien.

Finalement, je me demande si le sénateur trouve que la réponse du gouvernement est incomplète. Qu'il soit d'accord ou non, j'ai trouvé que la réponse du gouvernement actuel était détaillée, exhaustive. Par exemple, les ministériels sont allés jusqu'à laisser entendre que la commission avait erré en accordant trop de poids aux revenus des avocats des villes; ce n'est pas une observation personnelle, mais un des arguments qu'ils ont fait valoir. La réponse était extrêmement détaillée. Ce qui m'a donné à réfléchir, c'est que le gouvernement Martin avait indiqué qu'il accepterait le rapport de la commission. C'était la réponse du gouvernement Martin, et un nouveau gouvernement en a décidé autrement. C'est ce qui m'a incité à me demander pourquoi.

Enfin, je ne vois rien dans ce projet de loi ou dans le travail de la commission qui va à l'encontre de la déclaration du regretté Arthur Meighen, qu'a cité le sénateur, ou des citations du professeur Friedland.

Le sénateur Grafstein : Je vais d'abord parler de mon conflit d'intérêts, parce que la personne nommée pour représenter les juges est également un de mes amis intimes, qui faisait partie de mon cortège nuptial, M. Cherniak, un avocat de renom. Il a été nommé représentant de la magistrature à la commission. J'espère que le sénateur ne s'en offusquera pas, parce que je le respecte pour son intégrité et sa compétence. C'est un médaillé d'or qui est beaucoup plus intelligent que moi.

Cela dit, j'occupe cette position, il occupe la sienne et l'on me demande de faire des observations sur son travail.

À propos du conflit d'intérêts que nous connaissons tous, ce qui aurait dû se passer, c'est que les juges, s'ils voulaient faire valoir leur cause, auraient pu le faire sans avoir un représentant à la commission. La chose ne présentait pas de difficulté. Je ne vois rien de mal à ce que les juges parlent de leur situation financière, de leur capacité d'être vraiment indépendants et du fait qu'ils doivent avoir une place à part parce que leur style de vie doit être différent de celui de la plupart des gens. Je le comprends et le respecte. J'hésite à le dire, mais certains de mes meilleurs amis sont juges.

Cela dit, il convient d'aborder ces questions constitutionnelles en étant le plus irréprochable possible pour qu'il n'y ait aucun risque de mélanger les pommes et les oranges. Il est certain que le conseil de la magistrature peut retenir les services d'un avocat ou de toute autre personne et présenter des instances, mais la commission doit être indépendante à tous égards. Le fait qu'une personne sur trois ou quatre soit proposée par les juges ne change rien au fait. Je me conforme à la règle du droit, à la règle de l'équité. Dans ce cas, il est préférable d'être irréprochable.

La deuxième question du sénateur est plus complexe. Je conviens que le ministre de la Justice a eu des échanges corrects au sujet des recommandations de la commission. Le seul point qui me préoccupe, c'est que la commission a fait une étude approfondie et attentive d'un certain nombre de critères. De toute évidence, elle a bénéficié d'une information de source proche, probablement reçue par l'entremise de M. Cherniak. Elle a donc reçu une abondante information de qualité et formulé une recommandation mûrement réfléchie.

Le gouvernement prétend en fait qu'il est en désaccord sur l'un des critères, et cela ne présente aucun problème. Il revient ensuite avec sa vieille rengaine de la responsabilité financière. Permettez- moi d'employer la phraséologie exacte, car c'est un peu plus risqué que cela. Le ministre a dit que la commission n'avait pas tenu compte des pressions et priorités économiques ni des autres demandes à satisfaire au moyen des fonds publics.

Sauf votre respect, comment une commission peut-elle tenir suffisamment compte des pressions économiques, des priorités financières et des diverses demandes à satisfaire au moyen des fonds publics si elle ne possède pas de données à ce sujet?

Le sénateur Murray : C'est le travail du gouvernement.

Le sénateur Grafstein : Je ne le conteste pas. À mon avis, l'analyse aurait pu être un peu plus précise. L'écart en cause ici est de 33 millions de dollars. Selon moi, c'est un objectif souhaitable que de s'assurer au-delà de tout doute que les juges sont traités justement et équitablement pour pouvoir vaquer à leurs activités sans être soumis à des contraintes financières.

Si le gouvernement peut établir que ce montant de 33 millions de dollars est crucial parce que nous avons un déficit, je peux le comprendre, et les Canadiens le comprendraient aussi, mais nous n'en sommes pas là.

On peut contester mon idée de rémunération bipartite. Le coût de la vie varie énormément d'un bout à l'autre du Canada. Le coût des maisons et de leur entretien est très différent dans les diverses régions. Il faut aussi tenir compte de la capacité d'attirer de bons juges, car nous voulons que les meilleurs membres du barreau présentent leur candidature à des postes de juge. Je n'ai aucune objection. Lorsqu'ils deviennent juges, un certain nombre d'avocats exceptionnels font un important sacrifice sur le plan financier. J'en ai la certitude.

Il s'agit de concilier tous ces facteurs. J'espère que le comité, lorsqu'il étudiera la question, demandera au gouvernement de justifier avec plus de précision les conclusions qu'il a tirées. J'espère toutefois que le comité étudiera ces trois éléments : le cadre et la structure de la commission; la justification avancée par le gouvernement pour s'écarter des recommandations de la commission; et enfin, la formule bipartite avec échelle mobile. Si je dis cela, c'est qu'il est injuste de faire attendre les juges. Les modifications s'appliqueront rétroactivement, mais, par ailleurs, il n'est pas juste qu'une mesure qui aurait dû être proposée et prise en 2004 ne soit toujours pas adoptée, alors que nous sommes en 2006, presque 2007. Bien sûr, il y aura rétroactivité de la rémunération, mais ce n'est pas juste non plus.

Le sénateur Murray : Le sénateur conviendra que, lorsqu'il s'agit des contraintes économiques et financières du gouvernement, ce qui compte avant tout, ce ne sont pas les 33 millions de dollars en cause, mais le précédent constitué par un règlement tel que celui-ci. Le sénateur est au moins aussi âgé que moi, et il se souviendra de la fameuse augmentation de 30 p. 100 accordée aux employés de la Voie maritime du Saint-Laurent et ensuite à ceux d'Air Canada, dans les années 1960. Les 33 p. 100, pour être plus précis, ont été accordés par le gouvernement Pearson sur la recommandation du regretté sénateur Mackenzie, qui avait été nommé médiateur dans ces négociations. Il est notoire que ces règlements ont déclenché dans l'économie une spirale inflationniste qu'il a fallu des années et plusieurs gouvernements successifs pour arrêter.

(1540)

Cette augmentation de 10,5 p. 100, ou quel que soit le chiffre, accordée aux juges n'est pas du même ordre de grandeur ni de la même importance dans l'économie. Je ne prétends pas qu'elle le soit. Toutefois, une augmentation de 10,5 p. 100 au lieu de 7,5 p. 100 est une chose dont des personnes alertes, peut-être même des parlementaires, pourraient s'inspirer pour exiger la même chose. C'est le précédent plutôt que le nombre qui revêt de l'importance ici.

Le sénateur Grafstein : Je suis tout à fait d'accord avec le sénateur, mais je pense que les juges de la Cour suprême occupent une place à part. Si je devais m'inquiéter de ce qui arrive au Canada, ce ne serait pas parce que les traitements des juges montent de 10 ou de 10,8 p. 100. Je m'inquiéterais bien plus de la rémunération des cadres supérieurs des sociétés. Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce examinera cette question, je l'espère. Nous croyons qu'il est honteux que les cadres supérieurs soient payés sans justification sur la base du taux de rendement de leur entreprise.

Nous sommes très conscients du précédent. Nous croyons que celui-ci est affreux, et nous l'examinerons. Dans ce cas, je crois qu'il est important pour les juges de rendre leurs décisions à l'abri des contraintes financières. Je pense que, avec cette rémunération, on coupe les coins un peu trop carré.

L'honorable Anne C. Cools : Je voudrais remercier le sénateur de son intervention et de nous avoir fait part de ses préoccupations. Nous avons siégé ensemble au Comité sénatorial des affaires juridiques, où se sont posées beaucoup de ces questions.

Je me souviens aussi que lorsque les traitements du premier ministre et des députés avaient été liés à ceux du juge en chef et des juges, nous avions soulevé la même objection. Nous suivons certaines de ces questions depuis quelque temps déjà.

Les préoccupations du sénateur sont raisonnables et justes. Nous sommes dans une situation où les juges sont à la fois juges et parties en rendant des décisions sur leurs propres traitements.

Le sénateur a cité le juge en chef de la Cour suprême Antonio Lamer, parlant du Parlement ou des gouvernements qui pourraient comparaître devant un tribunal pour justifier ce qu'ils font au sujet des commissions d'examen de la rémunération. Pour faire en sorte que notre compte rendu soit équilibré, est-ce que le sénateur se souvient de l'opinion dissidente du juge La Forest dans cette affaire et des fortes objections qu'il avait soulevées? Je ne pourrais pas citer ses propos, mais il avait dit en substance que ce que les juges faisaient était inconstitutionnel, comme s'ils créaient un nouvel organe distinct du gouvernement.

Le sénateur se souvient-il de ce qu'avait dit le juge La Forest? Si oui, peut-il nous en faire part? Il a peut-être le jugement devant lui.

Le sénateur Grafstein : Je n'ai pas le jugement, mais je crois, comme madame le sénateur l'a dit, qu'il était fortement opposé à l'opinion de la majorité. Nous avons discuté de cette question non seulement au Sénat, mais à l'extérieur. Beaucoup d'entre nous étaient fâchés contre le gouvernement libéral d'alors, qui avait joué avec la Constitution en liant la rémunération du premier ministre et des ministres à celle des juges.

J'ai aussi pensé que c'était inconstitutionnel. Je l'avais dit alors. Le juge La Forest avait parfaitement raison alors et il a parfaitement raison aujourd'hui.

Le sénateur Cools : J'ai consacré beaucoup d'attention à ce sujet. Le comité devrait également examiner le sens de l'indépendance des juges. Cette indépendance va beaucoup plus loin que l'impartialité. L'impartialité d'un juge, lorsqu'il rend une décision dans une affaire, n'est pas vraiment liée à son indépendance.

Beaucoup des maux du XVIIe siècle découlaient du fait que les juges s'étaient tellement rapprochés du pouvoir exécutif que les deux étaient devenus interchangeables. Le cas le plus extrême fut celui du juge Jeffreys.

Le sénateur a cité les articles 99 et 100 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Ces deux articles avaient leur source dans l'Act of Settlement de 1701. L'objet de l'indépendance des juges était d'écarter ceux-ci de la surveillance de l'exécutif et de les placer sous la surveillance du peuple représenté par le Parlement.

Je partage les préoccupations du sénateur. Il a cité le livre du professeur Friedland. Si les honorables sénateurs avancent d'un certain nombre de pages après cette citation, ils verront que Friedland commence à discuter du caractère obligatoire ou quasi obligatoire des recommandations de ces commissions. Friedland cite l'opinion du professeur Hogg, à laquelle il répond en disant que s'il fallait accepter des mesures de ce genre, s'il fallait convenir que ces recommandations ou des mesures connexes étaient obligatoires, cela reviendrait à laisser les juges fixer leur propre rémunération que le Parlement paierait, plutôt que de laisser le Parlement fixer et payer cette rémunération.

Je crois que le sénateur partage ces préoccupations. Chacun veut que les juges soient bien rémunérés. Je ne crois pas un grand nombre des arguments avancés selon lesquels cette rémunération est liée à la difficulté de recruter de bons juges. À ma connaissance, chaque fois qu'un poste de juge se libère, des centaines d'avocats essaient de l'obtenir. Mes recherches ont également révélé que, pour beaucoup de personnes qui deviennent juges, la rémunération correspondante représente une importante augmentation. Nous devrions rechercher de meilleures raisons que la difficulté de recruter ou d'attirer des juges.

Au cours de l'une des séances du comité, un témoin a parlé de la difficulté de persuader de bons avocats de devenir juges. Le sénateur Bryden a contesté cet argument, en disant qu'il était difficile à croire.

À l'heure actuelle, rien n'appelle davantage l'attention des deux Chambres du Parlement que les relations constitutionnelles qui peuvent exister entre les juges, le Parlement et l'exécutif ou le Cabinet. On trouve une pléthore de documents et d'études à ce sujet. Même si nous ne pouvons pas le faire dans le cadre de l'examen de ce projet de loi, nous devrions trouver le temps de discuter de ces importantes questions.

Le seul objet de la Loi sur les juges était de remplir les conditions prescrites dans l'AANB. Cette loi, qui était censée constituer l'instrument de mise en œuvre de l'exigence constitutionnelle imposant au Parlement du Canada de fixer et de fournir la rémunération des juges, a été élargie pour couvrir toutes sortes de traitements et de paiements qui n'avaient jamais été prévus dans la Constitution.

(1550)

Honorables sénateurs, la question dont nous sommes saisis est importante. Si on regardait la Loi sur les juges pour voir comment diverses dispositions ont été manipulées sur une période de 50 ans pour détourner cette loi de son objectif initial, on se rendrait compte qu'il faut vraiment examiner ces questions. Ce sont des questions très importantes. Je remercie le sénateur.

Le sénateur Grafstein : Je ne suis pas d'accord avec madame le sénateur sur un point, soit la capacité d'attirer des candidats à la magistrature. Le salaire des juges puînés passerait à 232 000 $ au 1er avril 2004, par opposition à 240 000 $. Je sais que dans des cabinets d'avocats, pas à Regina ou à Saskatoon, mais à Vancouver, à Montréal et à Toronto, ce serait là le salaire d'un simple associé aujourd'hui.

Si nous nous préoccupons autant de la qualité des juges, surtout depuis que la Constitution a changé en ce qui a trait à la Charte des droits, il est normal de vouloir attirer les membres du barreau les plus brillants. Je ne crois pas que 240 000 $ suffisent.

C'est pourquoi je dis que ces questions me préoccupent et que, selon moi, l'échelle mobile est une solution juste et convenable.

Le sénateur Cools : Ce que je disais au sénateur est que, la dernière fois que nous avons examiné cette question en comité, nous avons découvert que les plus hauts salaires dans notre pays étaient ceux des juges. Le salaire moyen des avocats se situait entre 80 000 $ et 90 000 $ par année.

Je ne veux empêcher personne d'être bien rémunéré. Je crois que les juges devraient être bien rémunérés. Là n'est pas la question. Mon problème est le fait qu'on ne cesse de répéter qu'il est difficile de trouver des candidats à la magistrature. Chaque jour de la semaine, honorables sénateurs, il n'y a pas moins de dix personnes qui veulent me parler pour me dire qu'elles souhaitent devenir juges. On ne manque pas de candidats.

Comment faire pour attirer la crème de la crème? C'est une question différente. Comme je le disais, chaque fois que je vais quelque part, il y a toujours quelqu'un qui veut me parler d'une nomination possible à la magistrature.

Soyons bien clairs. Je suis d'accord avec l'honorable sénateur pour dire qu'une commission devrait se pencher sur les salaires, non seulement des juges, mais également des ministres, des premiers ministres, des ambassadeurs, et autres, pour assurer un juste équilibre entre les divers salaires.

Le concept du sénateur ne me pose aucun problème. Je tiens tout simplement à dire que je ne crois pas qu'il soit difficile de trouver des candidats désireux de servir.

Le juge Sopinka est mort très jeune. Je me souviens de l'avoir entendu dire, au moment de sa nomination, qu'il en était à une étape de sa carrière où l'argent n'était pas l'enjeu critique. Selon lui, l'occasion de servir à ce niveau était tellement rare et enthousiasmante qu'il se faisait un devoir d'accepter.

Il serait intéressant que certains des critères que nous envisageons soient formulés en termes de principes et de l'aspiration de servir le public, et non pas tout simplement par rapport à un ordre de grandeur financier que personne ne voudra définir ou justifier.

Je n'accepte pas un chiffre dont la justification repose sur le fait qu'un avocat gagne un million de dollars à Toronto. Nous savons que tel n'est pas le cas partout au pays.

N'oublions pas que, dans notre histoire, ce n'est que depuis peu que les juges sont liés à ceux que nous appelons aujourd'hui les avocats. Il n'y a pas tellement longtemps, le programme de la faculté de droit en était un d'apprentissage. Tout ce domaine a beaucoup changé depuis 50 ans.

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, je ne suis jamais en désaccord avec le sénateur Grafstein, et je ne pense pas que ce soit le cas en ce moment. Cependant, j'estime qu'il est dangereux de faire des rapprochements entre les rémunérations. À ce compte, il nous faudrait commencer en haut de la pyramide et faire le rapprochement entre le salaire du premier ministre et celui du président de General Motors du Canada. Si nous nous lançons dans de tels rapprochements, nous nous exposons à certains dangers. Je pense par exemple à la comparaison bien connue de la rémunération des joueurs de hockey avec celle des enseignants. Nous devons nous garder de tels rapprochements. Je ne conteste pas la position du sénateur selon laquelle l'aspect concurrentiel existe. Certaines personnes se mettent au service du public pour des raisons autres que monétaires.

L'honorable John G. Bryden : Le fait que l'honorable sénateur parle de la comparaison entre la rémunération des joueurs de hockey et celle d'autres catégories de personnes me rappelle un cocktail auquel j'ai assisté, où on s'est mis à parler de la rémunération scandaleuse des présidents de banques, et autres. À la défense des présidents de banques, quelqu'un a dit qu'ils ne gagnaient pas plus cher que les joueurs de hockey, qui gagnent 5 millions de dollars, 8 millions de dollars et même 10 millions de dollars. « Où est donc la différence? », a demandé cette personne. Elle s'est fait répondre que ce qui était différent, c'était que l'on regretterait le départ du joueur de hockey.

Je ne crois pas que l'on puisse utiliser une échelle exprimée en dollars. À l'école de droit, on nous disait que les étudiants qui obtenaient la note A devenaient des professeurs, ceux qui obtenaient la note B devenaient des juges et ceux qui obtenaient un C allaient devenir riches. Je ne crois pas que cela ait changé.

Voulons-nous que nos tribunaux ne soient présidés que par des étudiants qui ont obtenu la note C, ceux qui sont devenus riches? La question se pose.

L'honorable Francis William Mahovlich : Lorsque je jouais au hockey, nous gagnions le même salaire que les sénateurs. Je gagne aujourd'hui le salaire d'un sénateur, mais dans dix ans les sénateurs auront peut-être des salaires de joueurs de hockey.

Le sénateur Banks : Lorsque nous partirons, personne ne nous regrettera.

(Sur la motion du sénateur Jaffer, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI DE CRÉDITS NO 2 POUR 2006-2007

DEUXIÈME LECTURE

L'honorable Nancy Ruth propose que le projet de loi C-38, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2007, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, le projet de loi C-38 prévoit le déblocage des crédits restants pour le Budget principal des dépenses de 2006- 2007, présenté au Sénat le 25 avril 2006.

Le Budget principal des dépenses sert à étayer la requête que le gouvernement présente au Parlement afin de lui permettre de dépenser des fonds publics. Il contient des renseignements sur les autorisations de dépenser les crédits budgétaires et non budgétaires. Le Parlement examinera par la suite les projets de loi de crédits pour autoriser les dépenses. Le Budget principal des dépenses renseigne également le Parlement sur les rajustements apportés à des dépenses législatives projetées qu'il avait déjà autorisées.

(1600)

Le Budget principal des dépenses de 2006-2007 faisait état de dépenses totales de 199,7 milliards de dollars, comprenant 198,6 milliards de dépenses budgétaires et 1,1 milliard de dépenses non budgétaires pour les prêts et placements. Ces chiffres ont fait l'objet de discussions détaillées avec les fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor, lors de leur comparution devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales le 2 mai 2006 ainsi qu'avec le président du Conseil du Trésor, le 3 mai 2006.

Comme le comité est saisi du Budget principal des dépenses pendant tout l'exercice, il a entrepris une étude du processus de détermination de la rémunération et des avantages des juges.

Cette année, les dépenses budgétaires de 198,6 milliards de dollars comprennent le service de la dette, les dépenses de fonctionnement et les immobilisations, les paiements de transfert à d'autres ordres de gouvernement, à des organismes ou à des particuliers ainsi que les paiements aux sociétés d'État.

Le budgétaire du Budget principal des dépenses appuie la demande du gouvernement pour obtenir du Parlement le pouvoir d'engager des dépenses budgétaires de 72,2 milliards de dollars dans le cadre de programmes nécessitant une approbation parlementaire annuelle des limites de dépenses. Les 128,4 milliards restants représentent des dépenses législatives telles que les prestations aux aînés et l'assurance-emploi. Les prévisions détaillées correspondantes ne figurent dans le budget principal qu'à titre d'information.

Les dépenses non budgétaires sont celles qui ont une incidence sur la composition de l'actif financier du gouvernement, y compris les prêts, placements et avances. Les 1,1 milliard de dollars de dépenses non budgétaires de cette année comprennent des autorisations de dépenses votées totalisant 123,4 milliards de dollars et 999,5 millions représentant des dépenses législatives non budgétaires déjà approuvées par le Parlement dans des mesures législatives distinctes.

Les dépenses non budgétaires du Budget principal des dépenses de 2006-2007 comprennent une baisse prévue de 567,2 millions de dollars par rapport à l'année dernière. Le total des crédits votés du budget principal de cette année s'élève à 70,3 milliards de dollars. Sur ce montant, 11,5 milliards ont déjà été fournis grâce à des mandats spéciaux du gouverneur général, par suite de la dissolution du Parlement et de la tenue des élections fédérales de janvier 2006. Le projet de loi C-8, Loi de crédits no 1 de 2006-2007, accordait l'autorisation provisoire de dépenser 43,5 milliards de dollars, qui devaient suffire jusqu'en décembre.

Honorables sénateurs, le gouvernement cherche à obtenir le solde de 15,4 milliards de dollars grâce au projet de loi C-38, Loi de crédits no 2 de 2006-2007.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, c'est le budget principal... Je ne comprends pas.

Son Honneur le Président : C'est le projet de loi. Nous nous occuperons du budget principal plus tard.

Le sénateur Cools : Non, mais c'est le projet de loi du Budget principal des dépenses, la fin des subsides, n'est-ce pas? Je ne comprends pas vraiment. Avons-nous reçu le rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales? L'opposition a-t-elle parlé? C'est très étrange.

L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, je voudrais préciser que ce projet de loi n'est pas ordinairement renvoyé au comité. Nous nous en occupons au Sénat même. Notre porte-parole pour le projet de loi est le sénateur Day. Il m'a dit — et j'en ai informé mon homologue du gouvernement — qu'il connaissait le contenu du projet de loi, qu'il ne voit aucun inconvénient à ce qu'il soit adopté aujourd'hui en deuxième lecture et qu'il prendra la parole demain au cours du débat de troisième lecture.

Le sénateur Cools : Mais avons-nous déjà adopté le rapport appuyant le projet de loi?

Le sénateur Fraser : Le rapport figure plus loin au Feuilleton, parce que ce n'est pas un projet de loi. De toute évidence, le rapport doit être adopté avant l'adoption du projet de loi, mais cela peut aussi se faire demain.

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, il serait préférable de n'adopter le projet de loi en deuxième lecture qu'après que le sénateur Day aura pris la parole et que le rapport aura été...

Le sénateur Comeau : Le vote!

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, j'étais en train de parler. Je soutiens qu'il est préférable de procéder dans cet ordre parce que c'est l'adoption du rapport qui donne le signal en vue de l'adoption du projet de loi. Je ne vois pas en quoi une journée de plus ou de moins fait une différence.

Il est hautement inhabituel qu'un projet de loi de crédits passe l'étape de la deuxième lecture sans que l'opposition prenne la parole. On ne peut pas simplement dire : « Eh bien, quelqu'un prendra la parole demain. » C'est une partie extrêmement importante de l'ensemble du processus.

Tous les autres peuvent penser que c'est très bien, mais je ne trouve pas que ce soit une bonne idée et je ne crois pas que l'opposition devrait accepter une si mauvaise idée.

Le sénateur Fraser : Permettez-moi de préciser, à l'intention du sénateur Cools, que la proposition n'a pas été faite par la partie gouvernementale. Elle vient de notre porte-parole. Je sais qu'elle est inhabituelle. Madame le sénateur Cools a, comme d'habitude, un sens aigu de l'inhabituel au Sénat. Cette situation découle du fait que le sénateur Day avait deux tâches extrêmement exigeantes à remplir cette semaine. Il est notre porte-parole pour le projet de loi C-2, qu'examine actuellement le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Des témoins très importants comparaissent devant le comité. De plus, il préside le Comité sénatorial permanent des finances nationales et s'occupe des projets de loi de cette nature pour notre côté.

Il m'a parlé hier et m'a demandé s'il était possible, contrairement à la coutume, de procéder ainsi. Je conviens que c'est inhabituel.

Le sénateur Comeau : Ce n'est pas contraire au Règlement.

Le sénateur Fraser : Je ne crois pas du tout que ce soit contraire au Règlement, de quelque façon que ce soit. De toute façon, le Sénat est libre de décider.

Je remercie madame le sénateur Cools de son intervention car il est évidemment très important que nous soyions conscients de ce que nous faisons et que nous disions clairement que nous nous écartons de la procédure habituelle.

Le sénateur Cools : Vous pourriez avoir à défendre cet argument à un moment donné à l'avenir.

En fait, je trouve qu'on est déjà allé trop vite en entamant le débat sur le projet de loi avant l'adoption du rapport. Le simple fait que ces deux choses se fassent simultanément est déjà extraordinaire, mais adopter le projet de loi en deuxième lecture avant d'adopter le rapport et sans que l'opposition se soit fait entendre serait, je le répète, malvenu. Je ne sais pas de quelle façon on en est arrivé à cette entente dont je ne comprends pas le fondement. Je comprends que le sénateur Day ait été un peu occupé aujourd'hui, mais il y a certainement, parmi vos éminents collègues, quelqu'un qui peut prendre la parole. Si le sénateur veut vraiment faciliter les choses au gouvernement, cette personne pourrait intervenir.

(1610)

Pour ma part, je répugne à voter à l'étape de la deuxième lecture sans entendre le point de vue de l'autre parti. La deuxième lecture est une étape importante de l'étude d'un projet de loi, et il ne faut pas la prendre à la légère. Ces questions qui semblent relever de la simple courtoisie sont très difficiles, et je vais voter contre.

Le sénateur Comeau : Le vote!

Le sénateur LeBreton : Le vote!

Son Honneur le Président : Le sénateur Nancy Ruth, avec l'appui du sénateur Tkachuk, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Cools : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Son Honneur le Président : Quand le projet de loi sera-t-il lu pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Nancy Ruth, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

PROJET DE LOI DE CRÉDITS NO 3 POUR 2006-2007

DEUXIÈME LECTURE

L'honorable Nancy Ruth propose que le projet de loi C-39, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2007, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, le projet de loi C-39, Loi de crédits no 3 pour 2006-2007, demande au Parlement l'approbation de dépenses votées de 5 milliards de dollars décrites dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) de 2006-2007.

Ces dépenses ont été prévues dans le plan que le ministre des Finances a exposé dans son budget de mai 2006. Le Budget supplémentaire des dépenses (A) de 2006-2007 a été déposé au Sénat le 30 octobre 2006 et renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Il s'agit du premier budget supplémentaire de l'exercice qui prend fin le 31 mars prochain.

Ces prévisions de dépenses supplémentaires ont fait l'objet de discussions assez poussées avec les fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor David Moloney et Laura Danagher, lorsqu'ils ont comparu devant le comité le 22 novembre 2006.

Le budget supplémentaire donne les détails de dépenses budgétaires de 9,2 milliards de dollars. De ce total, un montant de 5 milliards de dollars doit recevoir l'approbation du Parlement. On y remarque des postes budgétaires d'importance, comme 1 milliard de dollars au titre du report de budgets de fonctionnement de 80 ministères et organismes pour 2005-2006; 955,9 millions de dollars pour maintenir la capacité opérationnelle des Forces canadiennes; 478,4 millions de dollars comme rajustement salarial pour les ministères et organismes au titre des conventions collectives signées et d'autres rajustements connexes dans les conditions de services ou d'emploi, entre le 1er août 2005 et le 31 juillet 2006; 342 millions de dollars pour appuyer le Programme canadien d'options pour les familles agricoles et la mise en œuvre du Cadre stratégique pour l'agriculture; 218,2 millions de dollars au titre d'investissements dans les projets d'infrastructure publique pour améliorer la qualité de vie dans les villes et les localités rurales; 153 millions de dollars pour des initiatives en matière de sécurité publique; 122,2 millions de dollars pour Affaires étrangères et Commerce international Canada, au titre de la remise de la dette de six pays : Cameroun, République du Congo, Madagascar, Rwanda, Tanzanie et Zambie.

Le budget supplémentaire comprend aussi une augmentation de 4,2 milliards de dollars de dépenses législatives qui ont déjà été autorisées par le Parlement.

Les rajustements aux dépenses législatives prévues sont présentés dans le budget supplémentaire à titre d'information seulement, car d'autres lois autorisent déjà ces dépenses. On relève un montant de 1,6 milliard de dollars pour les frais d'administration liés à la Prestation universelle pour la garde d'enfants destinée aux familles canadiennes qui ont de jeunes enfants; 873 millions de dollars à l'appui des modifications apportées à la méthode d'évaluation des stocks en vertu du Programme canadien de stabilisation du revenu agricole; 650 millions de dollars à verser aux provinces et territoires pour le développement de la petite enfance et la garde d'enfants; 495,5 millions pour l'augmentation des paiements de transfert aux gouvernements provinciaux et territoriaux, notamment pour la péréquation; une augmentation de 393 millions de dollars pour les frais de la dette publique, afin de tenir compte de l'augmentation des taux d'intérêt à court terme.

Les mesures d'austérité annoncées le 25 septembre 2006 sont prises en compte dans ces prévisions budgétaires au moyen d'une réduction des niveaux de référence des ministères, lorsque cela s'applique.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je présume que c'est le sénateur Day qui va encore être le principal porte-parole dans ce cas-ci.

L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition) : Oui.

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, je n'avais pas l'intention de parler de ces questions, mais je voudrais exprimer ma ferme opposition à l'adoption de projets de loi impliquant des milliards de dollars sans le moindre débat, à la suite d'un discours de cinq ou dix minutes par un membre du gouvernement et sans qu'il y ait la moindre déclaration de la part de l'opposition. C'est discutable, non souhaitable et cela relève d'une mauvaise habitude et d'une mauvaise pratique.

J'ai été abasourdie, comme le sénateur Murray l'a été au printemps dernier, je crois, quand le projet de loi de crédits no 1 a été adopté par la Chambre en 15 minutes. J'ai alors pensé : « Mon Dieu, jamais nous ne permettrons que cela se produise ici. »

Le compte rendu doit faire état d'un débat. Le compte rendu devrait montrer que cette Chambre, le Sénat, traite avec sérieux l'affectation de milliards de dollars — des montants dont la plupart des Canadiens, la plupart des êtres humains, ne peuvent même pas se faire une idée. Je suis un peu scandalisée, je l'avoue, de voir une telle mesure être adoptée sans le moindre débat.

Peu m'importe la raison, cela ne devrait pas se produire à moins qu'il y ait un débat, à moins que l'on formule une opinion quelconque avant d'adopter le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. Ce n'est pas correct, ce n'est pas convenable et ce n'est pas digne du Sénat du Canada. Ce n'est pas digne de nous.

Je ne comprends pas comment nous pouvons faire cela. Je n'ai pas porté attention à ce projet de loi. Le sénateur pourrait peut-être me dire quel est le montant total que nous demandons d'affecter au moyen de ces deux projets de loi? Quel est le montant total?

Son Honneur le Président : Un sénateur voudrait-il poursuivre le débat?

Le sénateur Robichaud : Attendiez-vous une réponse d'un sénateur?

Le sénateur Cools : Quelqu'un doit nous le dire.

De ma vie, je n'ai jamais vu l'affectation de montants aussi considérables susciter si peu de commentaires. Je trouve cela incorrect et inconvenant. Ce n'est pas digne d'un gouvernement, sénateur Tkachuk. Cela manque de dignité. Vous me regardez; je vous le dis.

Son Honneur le Président : À l'ordre!

Le sénateur Tkachuk : Son Honneur parle.

Son Honneur le Président : À l'ordre. Après que madame le sénateur Nancy Ruth a parlé, la présidence a demandé si un sénateur voulait poursuivre le débat. Madame le sénateur Cools s'est levée pour prendre part au débat. Le temps de parole du sénateur Nancy Ruth est expiré. Si nous en étions aux questions et observations suivant l'intervention du sénateur Nancy Ruth, encore une fois, je dois faire remarquer que lorsqu'une question est posée à un sénateur et que son temps de parole est expiré, ce dernier n'est pas tenu d'y répondre. Cependant, ce n'est pas madame le sénateur Nancy Ruth qui a maintenant la parole, mais madame le sénateur Cools.

Le sénateur Cools : Je voudrais dire au sénateur que nous pouvons parler à Son Honneur, le Président de cet endroit. L'argument serait de taille et il y aurait tout un obstacle à surmonter si l'on voulait justifier le fait qu'en l'absence de tout débat sur la question à l'étude, j'ai simplement demandé quel était le montant total et que cela n'a pas été porté au compte rendu. Eh bien, si nous ne pouvons pas avoir le total, quel est le montant total prévu dans ce projet de loi?

(1620)

Le sénateur Nancy Ruth : Le projet de loi C-39 prévoit un montant de 5 milliards de dollars.

Le sénateur Cools : Je n'ai pas à répéter ceci. Le problème, c'est que dans la vie, je prends les choses au sérieux. De toute évidence, je ne devrais pas le faire. Toutefois, nous ne devrions pas tolérer ce genre de choses. Cela ne se fait vraiment pas. Je suis choquée quand je constate que les Canadiens ordinaires travaillent très fort pour gagner 15 $ l'heure et survivre et que, de notre côté, nous sommes incapables d'accorder aux lois de crédit l'importance qu'elles méritent en tenant un débat et en posant quelques questions. Cela fait du tort à notre image. Je dois vous dire que je suis vraiment bouleversée.

Le sénateur Fraser : Honorables sénateurs, madame le sénateur Cools a parfaitement raison. Nous avons évidemment le devoir d'examiner très soigneusement ces questions. Pour ce qui est de ces deux projets de loi, il se trouve que, à la demande du sénateur Day, j'ai conclu une entente aux termes de laquelle nous devions procéder de cette façon. Je ne le ferai plus. Le sénateur Cools m'a convaincue. Permettez-moi de noter cependant que, avant de conclure cette entente, j'ai pensé à cette affaire et j'ai conclu qu'il nous est possible de proposer des amendements à l'étape de la troisième lecture, si nous souhaitons le faire, et que nous pouvons tenir un débat complet sur les projets de loi à cette étape. Nous devrions le faire dans ce cas particulier. Toutefois, je ne reviendrai pas sur l'entente conclue. Je tiens quand même à assurer au sénateur Cools que ses propos ne sont pas tombés dans l'oreille d'une sourde.

Le sénateur Cools : N'insistons pas là-dessus. Je ne le savais pas. Je n'étais même pas préparée à affronter tout cela. Madame le sénateur dit que les deux prochains points de l'ordre du jour seront traités de la même façon. Est-ce exact? Y a-t-il quelqu'un qui répondra de ce que le gouvernement fait? Madame le leader adjoint de l'opposition ne devrait pas avoir à expliquer ce que fait le gouvernement.

Autrement dit, après les deux projets de loi de crédits, les deux prochains points sont l'examen des deux rapports du comité.

Le sénateur Di Nino : Nous discutons du projet de loi C-39.

Le sénateur Cools : Dois-je comprendre que le sénateur Day ne prendra pas la parole au sujet de ces deux rapports et qu'ils seront adoptés sans débat? Est-ce bien le cas?

Le sénateur Fraser : Comme madame le sénateur Cools le sait, je ne suis pas responsable des travaux du gouvernement au Sénat, mais j'ai remarqué que le sénateur Comeau était en conférence avec le leader du gouvernement au Sénat pendant que le sénateur Cools posait sa question. Je crois savoir que le débat sur les rapports du Comité sénatorial permanent des finances nationales sera ajourné aujourd'hui et reprendra demain avant que nous revenions aux projets de loi de crédits.

Le sénateur Cools : Cela devient de plus en plus étrange. Je ne comprends pas pourquoi madame le leader adjoint de l'opposition donne cette explication à la place du leader du gouvernement. Le leader du gouvernement devrait expliquer ces choses. Je ne comprends pas du tout. Lorsque des écarts aussi importants à la procédure normale se produisent, le gouvernement devrait donner des explications.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Je voudrais remercier le sénateur de l'autre côté d'avoir signalé que j'ai été occupé pendant quelques instants pendant que madame le sénateur Cools contestait la procédure que nous avons suivie aujourd'hui.

J'ai quelques observations à formuler à ce sujet. Nous avons bien discuté de la façon de procéder ce matin. J'ai cru comprendre que le sénateur Day prendrait la parole demain et que cela avait été examiné à l'étape du rapport. Il parlera du rapport demain, et expliquera ce qu'a fait le comité lorsqu'il a étudié les deux projets de loi de crédits. Madame le sénateur Cools serait la bienvenue si elle souhaite assister aux réunions du Comité des finances pour suivre le débat sur ces montants.

Nous ne devrions pas donner aux Canadiens l'impression que le Comité des finances et le Sénat n'examinent pas sérieusement les prévisions budgétaires. Les amendements nécessaires peuvent être proposés à l'étape de la troisième lecture. Nous parlons ici de l'approbation de principe des deux projets de loi, qui prévoient d'accorder au gouvernement de l'argent pour faire son travail. Je ne crois pas que quiconque ici soit opposé au principe de continuer à financer le fonctionnement du Canada. Si des amendements doivent être présentés, ils peuvent être proposés pendant le débat de troisième lecture.

Je suis persuadé que le Comité des finances a magnifiquement fait son travail en examinant ces projets de loi. Nous aurons les explications du comité à l'étape du rapport et continuerons à les avoir à l'avenir.

Le sénateur Cools : Je voudrais remercier le sénateur de ses observations, mais elles ne font que confirmer ce que je dis. Nous savons tous que le Comité sénatorial permanent des finances nationales étudie le Budget principal des dépenses. Il est évident que le Sénat lui-même ne les étudie pas, à moins que les projets de loi ne soient renvoyés au comité plénier. Ces projets de loi ne sont pas renvoyés au comité précisément parce qu'on s'attend à la présentation d'un rapport complet au Sénat et à la tenue d'un vrai débat avant l'adoption en deuxième lecture. C'est ce qu'on attend du système et c'est ce qui m'a amenée à poser des questions.

Le sénateur dit que son spécialiste est absent aujourd'hui. Je le comprends et n'y vois aucun problème. Toutefois, il faut que notre compte rendu témoigne de la tenue d'un débat. C'est tout ce que je disais. Il ne suffit pas que madame le sénateur Fraser dise que les deux leaders ont conclu une entente parce que le sénateur Day devait s'absenter. C'est insuffisant et indigne de nous. Le compte rendu devrait témoigner de la tenue d'un débat lorsque nous parlons de montants de cet ordre de grandeur. C'est tout ce que je disais. Il est clair que le compte rendu d'aujourd'hui ne témoigne pas de cela. Le débat est d'autant plus important que les projets de loi ne sont pas renvoyés au comité.

Nous sommes censés compter sur le rapport du comité pour décider si nous souhaitons adopter le projet de loi en deuxième lecture. C'est tout ce que j'essaie de dire. Je crois que madame le sénateur a bien compris mon point de vue et que je n'ai pas besoin de la convaincre davantage. J'ai beaucoup de difficulté à accepter que des projets de loi prévoyant des montants de cet ordre soient ainsi traités du revers de la main.

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, je ne tiens pas à contester ce que dit madame le sénateur, mais elle et moi avons déjà eu cette discussion concernant le rapport entre l'étude du Comité des finances et les projets de loi de crédits. Si je m'en souviens encore, nous avions convenu que le précédent établi ici, c'est que nous n'adoptons pas un projet de loi de crédits sans avoir le rapport.

Le sénateur Cools : C'est exact.

Le sénateur Murray : Je n'ai jamais cru qu'il était nécessaire de débattre et d'adopter le rapport avant d'examiner un projet de loi de crédits.

Le sénateur Cools : Les deux peuvent aller de pair.

Le sénateur Murray : Oui, ils peuvent aller de pair, et nous pouvons dire que c'est le cas aujourd'hui. Si les deux projets de loi sont adoptés en deuxième lecture, les sénateurs peuvent supposer que le président du Comité des finances sera au Sénat demain et que le débat pourra commencer.

(1630)

Nous avons eu cette discussion lorsque le sénateur MacEachen et le sénateur Stewart siégeaient de l'autre côté, puis lorsque je siégeais de l'autre côté, mais on a toujours considéré qu'il suffisait que nous soyons saisis du rapport pour adopter un projet de loi de crédits. Il n'a jamais été jugé nécessaire de tenir un débat et d'adopter le rapport. C'est ce dont je me souviens.

Le sénateur Cools : C'est votre avis. Ce n'était certes pas l'avis du sénateur Stewart ni du sénateur MacEachen. Selon l'usage, qui est étayé par une doctrine et une jurisprudence bien établies, l'adoption du rapport est le signe que le projet de loi est acceptable.

Comme je l'ai dit, je n'étais nullement prête à cela. La seule chose que j'ai sur mon bureau, c'est le Beauchesne, et j'ai essayé d'y dénicher quelque chose. À la page 263 de la sixième édition du Beauchesne, on peut lire ceci :

968(1) L'adoption d'un budget des dépenses constitue un ordre de la Chambre visant la présentation d'un projet de loi, dit projet de loi de crédits [...]

Il est entendu que le débat sur le rapport constitue le moyen pour le comité d'informer le Sénat des activités du comité, et que le rapport devrait être adopté avant la deuxième lecture. J'ai été stupéfiée d'apprendre qu'il n'y a eu aucun débat — c'est tout. Je ne comptais pas participer à ce débat. Dieu sait que j'ai consacré des centaines d'heures aux gouvernements des deux côtés du Sénat au fil des ans.

Je dirai, pour étayer sa propre intervention, que, si le sénateur s'en souvient, en mai dernier, je crois, lorsque nous avons étudié le premier projet de loi de crédits — je pense qu'il s'agissait du projet de loi C-8 — il s'est dit horrifié parce que l'autre endroit avait adopté le projet de loi en 15 minutes. Je pense que le sénateur Murray a dit : « sans aucun vote, sans aucun débat ». Je me faisais l'écho des sentiments du sénateur Murray, de ses paroles et de sa stupéfaction devant ce que la Chambre des communes a fait, alors que le Sénat faisait la même chose.

L'adoption du rapport est la façon dont le Sénat exprime son accord ou son acceptation de ce qui s'est passé au comité, ce qui mène ensuite au débat. Le système est peut-être mort. Je l'ignore. Je n'aurais peut-être pas dû prendre la peine d'intervenir, mais j'ai été étonnée que ce projet de loi soit adopté sans aucun débat ni aucun vote, et que nous adoptions un projet de loi de crédits à la deuxième lecture sans aucun murmure de l'autre côté.

Le sénateur Murray : Le sénateur a raison de citer Beauchesne et de dire que le Sénat approuve le budget des dépenses. J'ai siégé au Comité sénatorial permanent des finances nationales pendant longtemps et je n'ai jamais entendu parler d'une motion d'approbation du budget. Ce n'est pas ainsi que cela fonctionne. Le budget est soumis au comité. Nous posons généralement des questions aux fonctionnaires, puis nous rédigeons un rapport détaillé sur ce que nous avons vu et entendu et nous en saisissons le Sénat.

Le sénateur Cools : C'est exact.

Le sénateur Murray : Selon la tradition que je connais — et, comme Casey Stengel avait l'habitude de le dire, vous pouvez vérifier — pour avoir siégé des deux côtés et avoir participé aux travaux du Comité des finances nationales, le rapport doit être déposé. Autrement, le Sénat s'oppose avec vigueur à la poursuite de l'étude du projet de loi de crédits. Cette condition a maintenant été remplie et le rapport nous a été soumis. Je présume qu'il serait fort souhaitable que nous poursuivions le débat sur le rapport, mais comme cela arrive souvent, le temps nous manque et nous devons nous contenter d'avoir reçu le rapport et d'approuver le projet de loi de crédits sans avoir discuté du rapport.

Le sénateur Cools : Je suis prête à accepter cela, mais on ne nous a jamais informés du fait que le temps pressait.

Je comprends très bien que le processus d'examen des crédits soit bien différent ici de ce qui se passe à l'autre endroit. Au Sénat, à part une ou deux petites choses, tout est soumis au comité. Le processus est bien différent et je le reconnais. C'est lorsque je suis arrivée ici que je me suis rendu compte de la situation. Je ne me suis pas préparée avant d'arriver ici. Je n'avais pas l'intention d'intervenir. J'ai cité ce passage parce que Beauchesne parle en grande partie de la Chambre des communes. Il n'existe pas de livre sur le Sénat qui reconnaît le principe voulant que l'adoption du rapport témoigne d'une entente, d'une acceptation et que cela représente un signal permettant d'aller de l'avant. Autrement dit, le Sénat doit manifester une certaine acceptation et donner un accord. De toute façon, le sénateur fera selon son bon vouloir.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Son Honneur le Président : Quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Nancy Ruth, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

LOI ANTITERRORISTE

BUDGET ET AUTORISATION D'ENGAGER DU PERSONNEL—ADOPTION DU RAPPORT DU COMITÉ SPÉCIAL

Le Sénat passe à l'étude du deuxième rapport du Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste (budget—étude sur des dispositions et de l'application de la Loi antiterroriste—autorisation d'embaucher du personnel), présenté au Sénat le 23 novembre 2006.—(L'honorable sénateur Smith, C.P.)

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, je propose l'adoption du rapport inscrit à mon nom.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867

RAPPORT DU COMITÉ SPÉCIAL SUR LA MOTION DE MODIFICATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Hays, appuyée par l'honorable sénateur Fraser, tendant à l'adoption du deuxième rapport du Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat (motion de modifier la Constitution du Canada (la représentation des provinces de l'Ouest au Sénat), sans amendement, mais avec des observations), présenté au Sénat le 26 octobre 2006.—(L'honorable sénateur Tkachuk)

L'honorable Jack Austin : Honorables sénateurs, avec la permission du sénateur Tkachuk, au nom de qui la motion est inscrite, je vais apporter ma contribution personnelle au débat.

Honorables sénateurs, il est on ne peut plus clair et important de savoir que le Sénat du Canada est un joueur autonome dans le processus d'amendement constitutionnel et d'agir en conséquence, comme nous le rappelait le sénateur Murray dans son discours sur cette motion, reproduit dans les Débats du Sénat du jeudi 27 juin 2006.

Le sénateur Murray avait ensuite expliqué que, si la motion était approuvée par le Sénat, le processus officiel de modification constitutionnelle serait amorcé par l'envoi de messages à la Chambre des communes et aux assemblées législatives de toutes les provinces. Comme le prévoit la Loi constitutionnelle, ces entités ont trois ans pour donner suite à la motion, sans quoi celle-ci deviendra caduque et n'aura plus ni force ni effet.

Les sénateurs ne sont pas sans savoir que, pour prendre effet, cette motion doit bénéficier de l'appui d'au moins sept provinces représentant plus de 50 p. 100 de la population du Canada ainsi que de la majorité des députés à la Chambre des communes. C'est une tâche intimidante, et nous avons des collègues qui croient peut- être avec raison qu'on n'y arrivera pas. Soit dit en passant, c'est la première occasion qu'a le Sénat de se prévaloir de son droit indiscutable de proposer une modification constitutionnelle, ce qui devrait par conséquent être considéré comme un fait marquant dans son histoire.

(1640)

Compte tenu encore une fois des propos du sénateur Murray, le 27 juin 2006, je n'ai pas l'intention de répéter les exemples et les précédents concernant l'évolution de la représentation au Sénat, mais j'aimerais simplement dire qu'il ne s'agit pas d'un précédent. Les gouvernements fédéral et provinciaux ont toujours adhéré au principe de la justice et de l'équité dans leurs relations constitutionnelles et ont fait des ajustements en conséquence. Le rapatriement de la Constitution et l'adoption de la Charte des droits et libertés en 1982 l'illustrent bien, et le sénateur Murray a cité des exemples antérieurs d'ajustement de la représentation au Sénat en raison de l'évolution démographique ou des changements politiques, comme l'entrée de Terre-Neuve-et-Labrador dans la fédération ou la création des trois territoires du Nord.

Le même principe de justice et d'équité est en jeu concernant l'obligation constitutionnelle de l'État fédéral relativement aux paiements de péréquation. Depuis au moins l'époque de W.A.C. Bennett, dans les années 1950 et 1960, les premiers ministres de la Colombie-Britannique demandent au Parlement fédéral et aux autres provinces de remédier à la sous-représentation de leur province dans les deux Chambres du Parlement, compte tenu de son poids démographique. La Colombie-Britannique a en outre indiqué clairement qu'elle n'acceptait pas d'être désignée sur le plan constitutionnel comme un élément de l'Ouest canadien. Elle se considère comme une région distincte du pays, c'est-à-dire comme une région côtière et montagneuse ayant des intérêts économiques assez différents de ceux des provinces des Prairies, dont elle devrait être dissociée pour être représentée par son groupe à elle de 24 sénateurs.

Le 11 décembre 1995, le gouvernement fédéral a accepté la position de la Colombie-Britannique, qui souhaitait être considérée comme une région distincte sur le plan constitutionnel. Je crois qu'il est important que je répète la déclaration faite à la Chambre des communes par le ministre de la Justice d'alors, Allan Rock, déclaration qu'a déjà citée le sénateur Murray. Le ministre avait déclaré que l'économie de la Colombie-Britannique et sa côte Pacifique « la distinguent des provinces des Prairies. Cette reconnaissance coïncide avec la position que les gouvernements de la Colombie-Britannique maintiennent depuis plus de 20 ans. En effet, son premier ministre, W.A.C. Bennett, avait soutenu en 1971 que la Colombie-Britannique devrait être reconnue comme une région distincte du point de vue constitutionnel ».

Comme le sénateur Murray nous l'a rappelé, dans le débat sur les modifications constitutionnelles de 1996, qui établissaient que la Colombie-Britannique était une région distincte à des fins législatives et non par modification constitutionnelle, M. Stephen Harper, député réformiste de Calgary-Ouest à l'époque, avait déclaré :

[...] la Colombie-Britannique est de toute évidence une région distincte et solide, forte d'une économie dynamique [...]. Sur le plan géographique et démographique, elle dépasse les provinces de l'Atlantique réunies. Elle ne va sûrement pas accepter d'être considérée comme faisant partie intégrante d'une quelconque région de l'Ouest.

Honorables sénateurs, une partie de la résolution vise simplement à faire de la Colombie-Britannique une région distincte sur le plan constitutionnel. Je ne crois pas que ce soit matière à controverse. Toutefois, je comprends que la partie de la résolution qui ajouterait 12 sénateurs à notre assemblée est plus délicate. Je tiens à préciser, même si je crois que c'est évident, que si la résolution est adoptée, aucune province ne perdra de siège au Sénat. L'ajout de 12 sénateurs — six pour la Colombie-Britannique, quatre pour l'Alberta, un pour la Saskatchewan et un pour le Manitoba — n'aura qu'une influence infime sur la force de vote relative dans notre assemblée. Cela réglerait un grief de l'Ouest et ferait tomber un obstacle relatif à des modifications constitutionnelles plus importantes si la Chambre des communes et les provinces désiraient procéder à de telles modifications ultérieurement.

J'ai fait remarquer, durant mes observations ici le 27 juin 2006, que le premier ministre Harper avait déclaré, le 26 mai précédent, à Victoria, en Colombie-Britannique, que cette province devait avoir sa juste part de sièges à la Chambre des communes et que le Sénat devait mieux refléter la démographie des régions.

Le 1er juin 2006, le premier ministre Campbell a répondu publiquement au premier ministre en disant que la province devait être désignée cinquième région et détenir 20 p. 100 des sièges au Sénat. La Colombie-Britannique représente 13,2 p. 100 de la population du Canada, mais détient 5 p. 100 des sièges au Sénat. La proportion de l'Alberta est similaire. Ces deux provinces ensemble représentent 23 p. 100 de notre population, mais détiennent 11 p. 100 des sièges au Sénat.

Cette résolution propose seulement un changement partiel dans la représentation de la Colombie-Britannique et de l'Alberta au Sénat. En termes de population, ces provinces auront encore 5 p. 100 moins de sièges. Il existe un principe largement admis selon lequel la distribution des sièges au Sénat devrait tendre à renforcer la représentation parlementaire des provinces les moins populeuses. C'est pour cette raison que la résolution propose d'octroyer un siège de plus à la Saskatchewan et un siège de plus au Manitoba.

Je remercie le sénateur Prud'homme, madame le sénateur Carstairs, le sénateur Tkachuk, le sénateur St. Germain, le sénateur Watt et le sénateur Adams de nous avoir fait part de leurs questions et observations lors du débat de juin. Certains sénateurs avaient alors émis l'avis que la Colombie-Britannique devrait détenir encore davantage de sièges, voire la totalité des 24 sièges dont j'ai parlé. À l'heure actuelle, l'Ontario, la Colombie- Britannique et l'Alberta sont les provinces les plus sous-représentées au Sénat. Toutefois, contrairement à la Colombie-Britannique et à l'Alberta, l'Ontario jouit d'une position quasiment dominante à la Chambre des communes, ce qui compense sa sous-représentation au Sénat.

Le Comité spécial sur la réforme du Sénat a présenté son rapport au Sénat le 26 octobre 2006. Je remercie le président du comité, le sénateur Hays, le vice-président, le sénateur Angus, ainsi que les membres du comité, d'avoir étudié la résolution avec autant de soin et d'attention et d'avoir recommandé son adoption par le Sénat.

Le 2 novembre 2006, le sénateur Hays a présenté les conclusions du comité spécial. Je me contenterai de le féliciter de son discours, honorables sénateurs, car je n'ai pas le temps d'y revenir en détail. En bref, on se souviendra que le sénateur Hays avait dit que :

[...] La sous-représentation de l'Ouest au Sénat est une question qui doit être traitée sérieusement.

Le sénateur Mercer avait ensuite demandé ceci au sénateur Hays :

Êtes-vous heureux que nous entreprenions la réforme du Sénat de façon fragmentaire?

En toute honnêteté, je crois qu'il s'agissait d'une question pertinente, à laquelle la réponse officielle est non. J'aimerais aussi que nous puissions entreprendre une réforme exhaustive du Sénat. Toutefois, si nous voulons réussir, la réalité politique nous oblige à aborder et à examiner quelques questions à la fois en prenant soin d'éliminer les obstacles. La résolution constitue un pas modeste dans la bonne direction.

Je remercie madame le sénateur Ringuette de son intervention, mais je ne suis pas d'accord avec elle lorsqu'elle affirme qu'il s'agit d'un changement fondamental pour le Parlement ou pour le Sénat. Lorsque les provinces de l'Atlantique détiennent 30 sièges au Sénat, alors qu'elles totalisent moins de 2 millions d'habitants, et que la Colombie-Britannique et l'Alberta détiennent 12 sièges, alors qu'elles totalisent 8 millions d'habitants, ce n'est pas un changement fondamental que d'octroyer 22 sièges à l'Alberta et à la Colombie-Britannique — quatre de plus à l'Alberta et six de plus à la Colombie-Britannique.

Honorables sénateurs, vous constaterez que madame le sénateur Carney a défendu une position diamétralement opposée à celle du sénateur Ringuette dans le même débat le 21 novembre dernier. Elle a dit :

La modification constitutionnelle qui est proposée [...] ferait des Britanno-Colombiens des citoyens de seconde classe.

Madame le sénateur Carney propose que la Colombie-Britannique reçoive 24 sièges. J'ai indiqué que, à mon avis, il y a une chance, juste une chance, qu'on accepte 12 sièges, mais je ne crois pas que 24 sièges constituent une proposition pragmatique.

Pour conclure, honorables sénateurs, le sénateur Murray et moi avons établi une proposition équilibrée concernant les sièges du Sénat pour l'Ouest canadien et la Colombie-Britannique dans cette résolution. Les provinces ont le pouvoir d'examiner cette résolution, de la modifier ou de la rejeter, tout comme la Chambre des communes. Montrons que nous voulons régler ou du moins réduire ce grief de l'Ouest. Soumettons cette résolution aux provinces et voyons ce qu'elles en feront. Qu'on leur donne la parole.

(Sur la motion du sénateur Tkachuk, le débat est ajourné.)

(1650)

LA SITUATION DE L'ALPHABÉTISME

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Fairbairn, C.P., attirant l'attention du Sénat sur la situation de l'alphabétisme au Canada, ce qui donnera à tous les sénateurs présents dans cette enceinte l'occasion de parler de cette question qui, dans notre pays, est souvent oubliée.—(L'honorable sénateur Robichaud, C.P.)

L'honorable Ione Christensen : Honorables sénateurs, je souhaite prendre la parole au sujet de cette interpellation en raison de ses répercussions directes sur le Yukon, lesquelles se chiffrent à plus de 300 000 $. Et ce n'est que le début.

À mesure que les Canadiens vieillissent et prennent leur retraite, il faut trouver des travailleurs qualifiés pour les remplacer, ce qui pose un défi concret à notre pays. Au cours des dernières décennies, le taux de natalité n'a pas suivi la croissance de l'économie.

Le groupe le plus important de jeunes au Canada aujourd'hui est celui des collectivités autochtones. De prime abord, la situation semble offrir une occasion alléchante à un segment de notre population qui a eu du mal, au fil des ans, à s'intégrer à l'évolution rapide de notre ère technologique.

Comme partout, l'éducation est le moyen de répondre au besoin, mais une forte proportion des jeunes Autochtones habitent dans des régions éloignées où la poursuite des études n'est pas toujours perçue comme une priorité. La structure un peu rigide du système d'éducation du Canada cadre mal avec le système traditionnel d'apprentissage au contact du territoire. Par conséquent, beaucoup de jeunes décrochent.

Leurs aptitudes sur le plan des études sont minimes. À l'âge adulte, ils acquièrent des moyens de survie qui marchent bien dans la structure d'une société en zone pionnière, mais ils sont incapables d'aider et de guider leurs enfants lorsqu'ils entrent dans un système d'enseignement structuré, et cela ne fait qu'aggraver le problème. Bien entendu, le problème n'est pas l'apanage exclusif des Autochtones. C'est la même chose pour tous les marginalisés de notre société.

Dans les années 1980, j'ai travaillé avec des constructeurs qui appliquaient le programme énergétique R-2000. Dans le Nord, nous avions beaucoup d'entrepreneurs compétents, mais il était toujours difficile de les faire venir à des ateliers pour apprendre les nouvelles exigences de ce programme. Ils redoutaient qu'on leur fasse subir un examen écrit. Or, beaucoup de ces gens de métier compétents ne savaient pas lire.

Au cours des 20 dernières années, la situation a évolué. L'éducation des adultes est largement acceptée et on considère l'éducation comme une entreprise qui dure toute la vie. L'opprobre qu'on rattachait à l'éducation des adultes disparaît. Grâce à des programmes d'alphabétisation et à de nombreux bénévoles dévoués, la formation individualisée a aidé des milliers de Canadiens à apprendre à lire et à écrire.

Le changement ne s'est pas produit du jour au lendemain. Il est difficile d'établir la confiance avec les personnes d'un certain âge. Lorsqu'elles ont passé leur vie à se donner des tactiques de survie pour cacher un analphabétisme dont elles avaient honte, il n'est pas facile d'inverser le processus.

Il faut établir la confiance. Il faut que l'efficacité des programmes soit démontrée. Chaque petite réussite compte. Il doit y avoir des champions qui sont là pour dire : « Nous croyons en vous, et vous pouvez y arriver. » Peter Gzowski a été l'un de ces champions, un mentor exceptionnel, tout comme madame le sénateur Fairbairn.

Il a été dit au cours du débat que le Yukon avait eu de bons résultats dans l'enquête nationale, mais ces résultats sont trompeurs. Le territoire compte 31 000 habitants, dont 22 000 habitent dans la capitale, Whitehorse, où la majorité de la population active se compose de fonctionnaires et de professionnels. En dehors de la capitale, c'est une toute autre histoire. Le personnel de la Yukon Literacy Coalition m'a dit que la coalition a perdu tout son financement et que les compressions ont frappé durement surtout les petites localités rurales.

Il est toujours prudent de dépenser l'argent du contribuable judicieusement, et l'examen des programmes visant à garantir l'optimisation des dépenses est une initiative responsable. Toutefois, lorsqu'un pourcentage inacceptable de la population active canadienne n'a pas les compétences de base en lecture et en écriture, des compressions de 17,7 millions de dollars dans le programme d'alphabétisation de Ressources humaines et Développement social Canada au moment où on annonce des excédents de plus de 13 milliards de dollars, voilà qui défie toute logique. Le Canada a besoin que chacun des membres de sa population active puisse apprendre et contribuer à la croissance de l'économie.

On nous informe des compressions de 17,7 millions de dollars, mais il y avait 81 millions de dollars sur deux ans pour la formation des adultes et l'alphabétisation. Nous ignorons cependant s'il s'agit d'argent frais ou d'argent qui restait d'anciens programmes, et nous ne savons pas non plus comment cet argent sera utilisé.

On nous dit ensuite que le nouveau gouvernement ne veut pas s'immiscer dans les domaines où les provinces sont déjà présentes. Il me semble que c'est là du jargon gouvernemental pour parler en fait de dévolution de programmes. Cette semaine, au Yukon, notre coalition pour l'alphabétisation s'apprêtait à fermer ses portes, mais le gouvernement territorial est intervenu et a injecté assez de fonds pour qu'elle puisse poursuivre ses activités jusqu'au 1er avril.

Il y a 81 millions de dollars qui doivent être utilisés d'une façon ou d'une autre et, je présume, qui sont destinés à une sorte de programme d'apprentissage. La confusion règne à propos du programme d'alphabétisation. Je crois que la véritable tragédie réside dans le manque de consultation, d'information et de compréhension à propos de l'envergure des programmes d'alphabétisation qui sont déjà mis en œuvre au Canada aujourd'hui.

Bon nombre de sénateurs, des deux côtés de la Chambre, ont abordé ce sujet. Sans exception, tous ont reconnu l'importance de l'alphabétisation pour l'estime de soi et pour la prospérité et la croissance du Canada. Puisque nous sommes directement responsables des minorités et que nous devons nous élever au- dessus de la partisannerie pour traiter de cette question, j'exhorte le leader du gouvernement au Sénat, avec l'appui de tous les sénateurs, à faire preuve de leadership et à demander à ses collègues de rétablir les programmes d'alphabétisation.

Le sénateur Segal avait la bonne idée. Nous devrions collaborer avec les conseils d'alphabétisation du Canada, les provinces, les territoires et l'industrie pour renforcer ce qui existe déjà. Nous ne devons pas permettre que le réseau établi, qui s'est bâti au fil des ans, soit abandonné. Essayer de le reconstruire à l'aide d'une approche diluée faisant appel à une myriade de ministères est improductif.

La séparation des ministères peut sembler, de prime abord, une approche prudente. Les Premières nations, les nouveaux Canadiens, les jeunes — chaque groupe est affecté au ministère responsable de répondre à ses besoins. Par contre, la prestation des programmes d'alphabétisation n'est pas du tout uniforme. Cette approche ajoute des couches bureaucratiques; les gens qui ne peuvent pas lire ne s'y retrouveraient jamais. Ils ne sauraient même pas par où commencer.

Les programmes d'alphabétisation s'adressent aux personnes qui ne peuvent pas lire — pas aux Autochtones qui ne peuvent pas lire, pas aux jeunes qui ne peuvent pas lire, pas aux nouveaux Canadiens qui ne peuvent pas lire. Ils s'adressent à tous : hommes et femmes, jeunes et vieux, nouveaux Canadiens et Canadiens de souche, sans égard à la race ou à la religion. Ces gens sont marginalisés par leur analphabétisme. Assurons-nous que les programmes demeurent inclusifs.

Les relations publiques entourant ce dossier ont été atroces. Malgré tout ce que le gouvernement a pu dire, on ne sait toujours pas exactement où sont les compressions, comment les nouvelles sommes seront affectées ni comment les gens qui ont besoin de cours d'alphabétisation vont en profiter. Toute l'information qui a été diffusée jusqu'à maintenant nous porte à croire que ce n'est pas le financement qui est la source du problème, c'est plutôt une question d'efficacité et d'efficience.

Il est improductif de démolir pour ensuite reconstruire et c'est du gaspillage sur le plan financier, sans parler de la perte de confiance et d'expérience qui ont été bâties au prix de tant d'efforts au cours des années. Lorsqu'un programme vise à faire croître l'économie — ce qui est sans conteste le cas de l'alphabétisation — on l'élargit; on ne le sabre pas pour le rapiécer et le restructurer ensuite. Il est immoral et mesquin de faire des changements pour le plaisir de les faire, pour donner une autre image ou pour faire des pseudo- économies.

(1700)

Il faut du temps pour élaborer et faire croître de tels programmes qui reposent sur des bénévoles dévoués qui ont affaire à une clientèle fragile. En créant de l'incertitude et en restructurant les programmes, ceux-ci peuvent accuser un retard de plusieurs années et c'est là que le véritable gaspillage de fonds se produit.

L'alphabétisation contribue à bâtir les collectivités, particulièrement dans les régions rurales du Canada. Elle affecte l'ensemble des services essentiels : la santé, la justice, l'éducation et la croissance de l'économie. Il faut que ces programmes fonctionnent aujourd'hui pour que les citoyens travaillent demain.

(Sur la motion du sénateur Robichaud, le débat est ajourné.)

[Français]

L'ÉDUCATION POSTSECONDAIRE

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Tardif, attirant l'attention du Sénat sur des questions concernant l'éducation postsecondaire au Canada.—(L'honorable sénateur Losier-Cool)

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool : Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je prends la parole dans le cadre de l'interpellation que mon honorable collègue, madame le sénateur Tardif, a lancée sur les questions entourant l'éducation postsecondaire au Canada.

Je ne répèterai pas ici les excellents arguments du sénateur Tardif, qui vous a clairement montré l'incidence positive de l'éducation postsecondaire sur la réussite économique d'un pays à l'échelle nationale et internationale. Les sénateurs Segal et Moore ont eux aussi fait référence à ce lien entre l'éducation et la productivité économique.

Je ne peux que renchérir en ajoutant une conviction personnelle que j'ai déjà souvent exprimée : nos diplômés universitaires seraient très évidemment deux fois plus productifs et auraient le double de chances de réussite professionnelle s'ils étaient aussi à l'aise en français qu'en anglais. L'idéal de bilinguisme pour nos diplômés est une question qui préoccupe aussi notre nouveau commissaire aux langues officielles, Graham Fraser.

Un des arguments soulevés par l'honorable sénateur Segal a retenu mon attention, quand il a parlé de la relation entre les universités et les collèges, une relation qui gagnerait à devenir encore meilleure, selon lui.

C'est surtout à ce sujet que je souhaite partager avec vous quelques réflexions personnelles sur une réussite bien de chez moi, au Nouveau-Brunswick, notre Collège communautaire.

Avant toute chose, je voudrais rappeler que, contrairement à ce que croient beaucoup de gens, le mot « postsecondaire » n'est pas obligatoirement synonyme de « universitaire ». Les études qu'entreprennent les adultes, jeunes ou moins jeunes, après le secondaire ne se passent pas toutes à l'université. À titre d'exemple, au Nouveau-Brunswick, il y a environ 25 000 étudiants inscrits dans les quatre universités de la province, contre près de 16 000 étudiants dans les divers campus du Collège communautaire du Nouveau- Brunswick.

[Traduction]

Le réseau du Collège communautaire du Nouveau-Brunswick a été créé en 1972. Sa division anglophone compte six campus : Fredericton, Moncton, St. Andrews, Woodstock, Miramichi et Saint John.

[Français]

Le volet francophone du Collège communautaire repose sur cinq campus, à Bathurst, Edmundston, Campbellton, Dieppe et dans la péninsule acadienne. À cause de la faible densité de la population de la péninsule, ce dernier campus est dispersé entre Shippagan, Haut- Lamèque et Tracadie-Sheila.

[Traduction]

Le Collège communautaire du Nouveau-Brunswick est une véritable réussite en matière d'éducation postsecondaire. Il offre plus de 100 programmes dans une vaste gamme de domaines allant de la technologie aéronautique à la maçonnerie, de la charpenterie à la réparation de matériel informatique, de l'éducation préscolaire au journalisme, de l'administration de bureau à la plomberie et du nursing à la soudure. Comme vous pouvez le constater, honorables sénateurs, ces programmes créent une main-d'œuvre diversifiée, allant des cols blancs aux scientifiques et des professionnels en service social aux gens de métier. Ces derniers sont de plus en plus importants comme nombre d'entre vous l'ont déjà constaté.

C'est ce qu'on voit en Alberta, où la plupart des offres d'emplois s'adressent aux gens de métier. De plus, la demande albertaine vient réduire le bassin de travailleurs qualifiés des autres provinces.

[Français]

Un autre exemple est celui du Québec, une province qui vient de changer sa politique pour favoriser les immigrants possédant des habiletés techniques ou autrement qualifiés pour des métiers plus traditionnels et moins « col blanc ». La pénurie chez les travailleurs de ce type commence aussi à se faire sentir chez moi, au Nouveau- Brunswick, et c'est là que le Collège communautaire montre sa pleine valeur.

Après tout, les programmes d'études du Collège communautaire sont élaborés en partenariat avec les employeurs, et près de 90 p. 100 des diplômés du collège se trouvent un emploi dans les six mois suivant la fin de leurs études.

Les cours offerts par le Collège communautaire peuvent être crédités par les universités pour ceux et celles qui souhaitent poursuivre leurs études postsecondaires dans ce milieu. Le sénateur Segal, qui est préoccupé par l'endettement des étudiants, sera très heureux d'apprendre qu'une année de scolarisation au Collège communautaire ne coûte que 2 600 $, bien moins que les 4 400 $ demandés par l'Université Saint-Thomas, les 4 700 $ de l'Université de Moncton, les 5 200 $ de l'Université du Nouveau-Brunswick et les 6 400 $ de l'Université Mount Allison.

[Traduction]

Honorables sénateurs, les collèges sont souvent sous-estimés. Pourtant, il faudrait louer le rôle qu'ils jouent dans l'enseignement postsecondaire et la contribution qu'ils font à l'économie canadienne en formant des employés qualifiés et prêts pour le marché du travail.

[Français]

C'est donc avec beaucoup de fierté que je félicite le Collège communautaire du Nouveau-Brunswick et ses 11 campus du rôle absolument crucial qu'ils jouent dans ma province.

[Traduction]

Je crois vraiment que c'est dans les petits pots qu'on trouve les meilleurs onguents, honorables sénateurs.

(Sur la motion du sénateur Fraser, au nom du sénateur Callbeck, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 6 décembre 2006, à 13 h 30.)


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