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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 39e Législature,
Volume 143, Numéro 71

Le jeudi 15 février 2007
L'honorable Losier-Cool, Présidente intérimaire


LE SÉNAT

Le jeudi 15 février 2007

La séance est ouverte à 13 h 30, la Présidente intérimaire étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LA RECONNAISSANCE DU RÔLE DES FEMMES

L'honorable Nancy Ruth : Honorables sénateurs, le jour de la Saint-Valentin sur la colline du Parlement est un jour exceptionnel. Pendant que quelques-uns songent surtout aux fleurs et aux dîners romantiques, c'est le jour de la Saint-Valentin que, dans la salle 200 de l'édifice de l'Ouest, on lutte pour la défense des droits de la personne et on se remémore certains événements qui ont entouré cette lutte. Hier soir, ce sont Maher Arar et Monia Mazigh qui ont raconté leur histoire. Il y a un an, les 14 et 15 février, des femmes se sont remémoré le combat qu'elles ont mené pour défendre leurs droits. Nous soulignons le vingt-cinquième anniversaire de la Conférence ad hoc sur les femmes canadiennes et la Constitution, qui a débouché sur des modifications à la Constitution canadienne. Ces modifications ont renforcé les droits des femmes à l'égalité qui sont énoncés dans les articles 15 et 28 de la Charte.

Les femmes au Canada et dans le reste du monde ne vivent pas comme les hommes. Honorables sénateurs, je veux que vous entendiez ceci : les femmes au Canada et dans le reste du monde ne vivent pas comme les hommes.

Les expériences que vivent les femmes ne sont pas faites de choses qui pourraient tout aussi bien arriver à des hommes. Certaines choses arrivent aux femmes précisément, de façon prévisible, et tout simplement parce qu'elles sont des femmes. Ces choses comprennent entre autres la discrimination fondée sur la race, sur l'âge, sur un handicap, sur l'orientation sexuelle et sur la religion. Il y a aussi les menaces à leur sécurité physique et les actes de violence; l'accès limité à des services de base comme les soins de santé publics, l'éducation et la justice; la pauvreté, exacerbée par l'absence de liberté de procréation, d'équité salariale et de services de garde d'enfants; enfin, une représentation limitée sur la scène politique et un accès restreint à des postes politiques. Ces choses nous arrivent tout simplement parce que nous sommes des femmes.

(1335)

Comme c'est aujourd'hui le Jour du drapeau, je tiens à souligner que nous sommes tous des Canadiens réunis sous un drapeau, créé ici. Ce drapeau représente ce que nous partageons, le pays exceptionnel que nous avons créé sur un territoire immense où vit une population diversifiée.

Nous sommes des Canadiens rassemblés sous une Constitution. Cette Constitution reconnaît notre diversité et nos différences. Elle nous oblige à prêter attention aux femmes et à la vie des femmes, précisément parce qu'elles sont et que nous sommes des femmes. Cette obligation n'enlève rien à notre identité canadienne. Elle est au cœur de ce que nous bâtissons.

Honorables sénateurs, ne parlons pas du drapeau sans évoquer la situation de toutes sortes de femmes dans notre pays. N'effectuons aucune étude au Sénat sans songer au point de vue des femmes.

LE JOUR DU DRAPEAU

L'honorable Joan Cook : Honorables sénateurs, aujourd'hui, nous célébrons le Jour du drapeau national. Je me souviens que, par une journée froide et venteuse, il y a 42 ans, je remontais péniblement la colline de l'ancienne base militaire américaine pour me rendre jusqu'au NCSM Cabot, un groupe de guides sur mes pas, afin d'observer le déroulement de ce moment mémorable dans l'histoire de notre pays.

La feuille d'érable rouge est depuis longtemps un symbole du Canada. Ce symbole date de l'époque où les peuples autochtones du Canada recueillaient la sève des érables à chaque printemps. Au cours des guerres mondiales, la feuille d'érable rouge en évidence sur les badges et sur l'équipement des militaires est devenue le principal symbole d'un grand nombre de régiments et de soldats canadiens en mission à l'étranger. Ce symbole fut présent aux heures les plus sombres, mais aussi au cours des célébrations triomphales. La feuille d'érable continue d'être portée par les casques bleus et les soldats canadiens qui sont en poste partout dans le monde.

En 1949, la plus ancienne colonie de l'Angleterre, soit Terre-Neuve-et-Labrador, qui s'attendait à ainsi avoir un niveau de vie plus élevé, à obtenir plus de services publics et à jouir d'une plus grande sécurité économique au niveau du commerce international, a décidé de se joindre à la nation de la feuille d'érable et est devenue la nouvelle province canadienne.

En 1965, la feuille d'érable rouge est officiellement apparue sur le nouveau drapeau national du Canada. Aujourd'hui, elle est reconnue dans le monde entier comme un symbole de paix, de diversité, de tolérance et de respect des droits de la personne. Elle est non seulement le reflet de notre histoire et des sacrifices que nous avons faits, mais aussi de nos efforts et de notre engagement à bâtir un Canada meilleur pour les enfants de nos enfants.

Honorables sénateurs, nous célébrons aujourd'hui ce symbole. Je suis d'avis que notre histoire a créé une nation courageuse, fière et tolérante. Je suis reconnaissant de vivre dans un pays uni, où nous pouvons être ce que nous souhaitons être, où chacun a le droit d'exprimer son opinion sans être persécuté, et où nous pouvons nous adonner à nos activités quotidiennes dans une paix relative.

Puisse notre drapeau être le témoin des défis et des occasions qui marqueront un avenir rempli d'espoirs et de promesses.

LE MOIS DE L'HISTOIRE DES NOIRS

LES CÉLÉBRATIONS EN NOUVELLE-ÉCOSSE

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, nous avons vécu un moment historique cette semaine en Nouvelle-Écosse. Son Excellence Michaëlle Jean, première Canadienne noire à assumer les fonctions de gouverneur général, et Mayann E. Francis, trente et unième lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse et première femme noire à devenir lieutenant-gouverneur, étaient toutes deux présentes au Black Cultural Centre de Halifax mardi soir, pour célébrer le Mois de l'histoire des Noirs, et ce fut toute une célébration.

Une femme noire à la tête de notre pays, et une autre à la tête de notre province. La salle était remplie. Des Afro-Néo-Écossais ont lu des poèmes originaux. Des artistes talentueux, comme Jeremiah Sparks, ont donné un spectacle. La chorale de Preston a chanté, et Son Excellence a prononcé un discours très touchant sur l'égalité et la diversité.

Leurs Excellences la très honorable Michaëlle Jean, Gouverneure générale du Canada, et Jean-Daniel Lafond, voulaient que leur première visite officielle en Nouvelle-Écosse soit consacrée à des activités qui permettraient à divers groupes de se faire entendre, notamment les femmes, les immigrants, les jeunes, les membres de la communauté noire de la province, les artistes, les francophones et les bénévoles.

Malgré un horaire très chargé, Son Excellence a participé à une table ronde réunissant des immigrantes. Son époux a pour sa part rencontré des représentants de la communauté francophone. Il s'est ensuite joint à une visite et à un dîner-causerie en compagnie de représentants de l'industrie alimentaire et vinicole et d'étudiants inscrits au programme d'arts culinaires du Collège communautaire de la Nouvelle-Écosse. J'ai également eu l'honneur de participer à cette activité.

(1340)

Le premier ministre Rodney MacDonald les a accueillis à Province House, où Son Excellence a prononcé un discours historique. C'était la première fois qu'un gouverneur général prononçait un discours devant l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse.

Son Excellence a entre autres dit ceci :

Province House en soi évoque une histoire riche de leçons de liberté et de fondation d'un pays.

C'est ici, après tout, que Joseph Howe a assuré lui-même sa défense contre le libelle diffamatoire monté de toute pièce à son encontre après qu'il eut dénoncé la corruption gouvernementale.

La joute oratoire qu'il a menée en 1835 dans cet édifice, en préconisant l'importance de la liberté d'expression, demeure légendaire parmi les journalistes de tout le continent.

Elle a ensuite déclaré, citant Martin Luther King Jr : « jusqu'à ce que nous soyons tous libres, aucun d'entre nous n'est libre ».

Hier après-midi, Son Excellence et Jean-Daniel Lafond étaient à la Galerie d'art de la Nouvelle-Écosse, où j'ai eu l'honneur de leur montrer certaines des œuvres d'artistes afro-néo-écossais.

Honorables sénateurs, je conclus en faisant remarquer à quel point nous avons vécu un moment d'histoire cette semaine en Nouvelle-Écosse en citant Son Excellence, qui a déclaré à Halifax :

Je suis convaincue qu'il est bien plus gratifiant de travailler de concert pour abolir les barrières de langues et de races, de sexes et de religions, de pauvreté et de handicaps, et de géographie et d'âge.

Tous les antécédents culturels des Canadiens ont fusionné pour former notre richesse, notre histoire, nos connaissances, nos langues et notre culture collectives, faisant du Canada un exemple aux yeux du monde sur le plan des droits de la personne et de la primauté du droit. Tous les Canadiens devraient en être fiers.

[Français]

LE DÉFI SPORTIF

LES JEUX DE 2007

L'honorable Lucie Pépin : Honorables sénateurs, du 25 au 29 avril prochain, la 24e édition du Défi sportif se tiendra à Montréal. Cet événement a ceci de particulier qu'il est le plus grand rassemblement annuel de sportifs handicapés au monde.

Le Défi sportif a été créé par AlterGo, un regroupement d'organisations qui a pour préoccupation le loisir des personnes ayant une déficience. C'est en partant du constat que les handicapés avaient peu d'occasions de compétition et de dépassement que cette initiative a pris forme.

Ainsi, depuis 1984, ce rendez-vous annuel est la preuve vivante que le handicap n'est pas nécessairement un obstacle à l'action. Au cours de cette manifestation, des athlètes atteints de déficience auditive, intellectuelle, physique, psychique ou visuelle profitent de cette opportunité pour pratiquer leurs sports préférés et interagir avec des athlètes d'élite. Parallèlement à la compétition, des activités sont organisées pour soutenir l'intégration sociale des personnes handicapées.

Sportive, sociale et humaine, la mission du Défi sportif est de stimuler la pratique sportive, mais aussi de promouvoir une image dynamique des personnes ayant une déficience.

J'ai eu la chance d'apprécier ce dynamisme et de rencontrer plusieurs d'entres eux lors d'un spectacle-bénéfice qui a eu lieu à Montréal le 6 février dernier. Les ambassadeurs-athlètes surnommés Champions que j'ai rencontrés sont : Mario Babin, joueur de rugby, Rodrigo Buitron-Lara, volley-ball, Stéphane Chaput, cyclisme, Michael Dauphin, water-polo, Sébastien Fortier, cyclisme, Sydney Fredeling, basket-ball, Éric Guérard, athlétisme, Alexandre Levert, soccer, Sarah Mailhot, athlétisme, Pierre Mainville, escrime, Nancy Morin, goalball, Shauna O'Brien, gymnastique rythmique, Karine Vermette, basket-ball, Simon Vézina, hockey balle.

Également, Mathieu Marcil, de Gatineau, âgé de 17 ans, pratique le boccia, qui est une sorte de pétanque créée spécialement pour les gens atteints de paralysie cérébrale. Mathieu pratique ce sport avec enthousiasme de sa chaise roulante depuis 2001.

Mélanie Lessard, originaire de Saint-Jean-de-Matha, au Québec, est une autre championne du Défi sportif. Atteinte du syndrome de Marfan, Mélanie a décroché une médaille d'argent en natation lors de sa première année de participation en 2006. Ses objectifs en 2007 sont d'atteindre son meilleur temps personnel et d'obtenir la médaille d'or. C'est vraiment touchant et rafraîchissant à la fois de l'entendre décliner ses buts pour les compétitions à venir.

En avril prochain, plus de 2 900 athlètes d'une douzaine de pays vont se disputer les honneurs dans 13 disciplines sportives. À coup sûr, la passion et l'énergie seront au rendez-vous.

Mes félicitations s'adressent à ceux qui ont fait naître et grandir ce beau projet. Je salue l'implication des commanditaires et des bénévoles grâce à qui cet événement prend de l'ampleur au fil des années.

Je vous invite, honorables sénateurs, à vous joindre à moi pour encourager ces jeunes Canadiens et Canadiennes qui, malgré leur handicap, font preuve d'une persévérance exceptionnelle pour se prendre en mains.

(1345)

[Traduction]

LE MONUMENT COMMÉMORATIF DES POMPIERS CANADIENS

L'honorable Mira Spivak : Honorables sénateurs, hier, des milliers de Manitobains et des pompiers de partout en Amérique du Nord ont rendu hommage à deux pompiers de Winnipeg morts en combattant un incendie le week-end dernier. Il est malheureux qu'il faille une tragédie comme celle qui a fauché la vie des capitaines Tom Nichols et Harold Lessard pour que les Canadiens se rappellent le grand service que nos pompiers nous rendent et le coût énorme que cela entraîne pour certains d'entre eux et leurs familles.

La Chambre des communes a adopté, en 2005, une motion qui aurait pu mener à la construction d'un monument commémoratif des pompiers canadiens morts en service. Il existe bien une fondation, mais aucun endroit à Ottawa qui rappelle leur sacrifice aux Canadiens.

Honorables sénateurs, mon message est très simple : je demande au gouvernement, ainsi qu'à tous ceux appelés à prendre part à l'entreprise, de collaborer avec la Fondation canadienne des pompiers morts en service afin de construire un monument approprié ici, à Ottawa, dans un proche avenir.

LE NAUFRAGE DE LA PLATE-FORME DE FORAGE OCEAN RANGER

LE VINGT-CINQUIÈME ANNIVERSAIRE

L'honorable Ethel Cochrane : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour souligner le 25e anniversaire du pire accident qui soit survenu à une plate-forme de forage en haute mer au Canada.

Tôt dans la nuit du 15 février 1982, la plus grosse et la plus perfectionnée des plates-formes de forage du monde, l'Ocean Ranger, a basculé et coulé dans la région des Grands Bancs. Les 84 membres d'équipage, dont la grande majorité étaient de jeunes hommes de ma province, ont perdu la vie. C'est une tragédie qui a marqué l'âme collective des gens de Terre-Neuve-et-Labrador, et c'est un deuil que nous portons toujours et qui nous fait encore réfléchir autant d'années plus tard.

Cependant, le profond sentiment de perte et de deuil qui nous a affligés après cet horrible événement a alimenté la détermination de faire changer les choses et d'obtenir que la sécurité au travail soit mise au premier rang des préoccupations. Entre-temps, des enquêtes ont été réalisées, une commission royale a présenté un rapport, des modifications mécaniques et conceptuelles ont été apportées et la réglementation gouvernementale a été resserrée. Bien sûr, le gouvernement et l'industrie ont travaillé ensemble à l'amélioration des normes de sécurité et des pratiques, et les travaux de prospection et d'exploitation du pétrole en mer se poursuivent aujourd'hui dans la province conformément à ces normes améliorées.

Toutefois, ce qu'il en est ressorti de mieux a probablement été l'accent sur la sécurité en milieu de travail et surtout sur la formation à cette fin. De nos jours, les normes de compétence pour ce domaine et la formation en survie sont grandement améliorées au bénéfice des travailleurs. Après le naufrage de l'Ocean Ranger, ma province s'est distinguée comme un chef de file mondial dans la formation portant sur les désastres maritimes.

La ministre des Ressources naturelles de la province, l'honorable Kathy Dunderdale, a dit récemment :

Il est essentiel de toujours nous rappeler de ce qui est arrivé ce jour-là et de nous assurer que la sécurité est la considération première dans l'exploitation de notre pétrole en mer.

Elle a ajouté :

Toutes les décisions que nous prenons relativement à l'exploitation pétrolière en mer s'appuient sur l'expérience de l'Ocean Ranger, parce que nous voulons nous assurer qu'une telle tragédie ne se produise jamais plus.

Évidemment, je suis entièrement d'accord.

Je veux dire aux familles et aux amis de ceux qui ont péri en ce jour fatidique que leur province et leur pays continuent à porter ce deuil avec eux. J'espère que les proches des victimes sont fiers et réconfortés de savoir que les leçons tirées de cette immense tragédie ont sûrement sauvé la vie de beaucoup d'autres travailleurs des plates-formes pétrolières.

LES RELATIONS ENTRE LE CANADA ET LES ÉTATS- UNIS

LE DÉTROIT DE HEAD HARBOUR, AU NOUVEAU- BRUNSWICK—LE PASSAGE DE MÉTHANIERS TRANSPORTANT DU GAZ NATUREL LIQUÉFIÉ

L'honorable Michael A. Meighen : Honorables sénateurs, au cours des derniers mois, de nombreuses personnes ont vu la banderole que j'ai installée sur mon porte-documents du Sénat, qui dit non aux superpétroliers dans notre baie et qui demande respect pour les eaux canadiennes.

(1350)

Je me suis dit que les honorables sénateurs seraient aussi heureux que moi d'apprendre que, mercredi, notre ambassadeur à Washington a remis une note au président de la commission fédérale américaine de réglementation du secteur de l'énergie, qu'on connaît sous le sigle FERC. Le but de cette note était de lui laisser savoir que, nonobstant le fait que la commission s'apprête à traiter deux ou peut-être même trois demandes de construction d'installations de GNL à la frontière internationale qui sépare le Nouveau-Brunswick, au Canada, du Maine, aux États-Unis, la seule façon pour les pétroliers d'y accéder est de passer par un étroit passage noyé dans la brume qui mesure 1 500 mètres à son point le plus large, et que, par conséquent, comme l'a indiqué la lettre de notre ambassadeur, M. Wilson : « Le Canada ne permettra pas la circulation de navires transportant du gaz naturel liquéfié dans le passage de Head Harbour. »

Honorables sénateurs, c'est une bonne nouvelle pour tous les Canadiens. C'est une bonne nouvelle pour le Nouveau-Brunswick. C'est une bonne nouvelle pour les pêcheurs de la province, pour l'industrie de l'écotourisme, pour les baleines de la baie de Fundy et pour les gens soucieux d'économiser l'énergie.

Les États-Unis n'ont aucune crainte à avoir quant à la capacité du Canada à les approvisionner en gaz naturel et en pétrole. L'annonce récente selon laquelle on compte doubler la capacité de raffinerie de pétrole à Saint John en est la preuve. J'espère que la FERC tiendra compte de nos objections officielles et de notre affirmation que nous considérons que les eaux du passage de Head Harbour relèvent de la souveraineté du Canada et qu'elle rejettera les demandes. Si elle ne les rejette pas, il ne nous restera plus qu'à adopter une loi, probablement une loi modifiant la Loi sur la marine marchande, afin d'officiellement établir en droit nos objections à cette initiative des plus dangereuses, initiative que les Américains devraient mettre en œuvre ailleurs, plus au sud sur leur côte Est, plutôt qu'à la frontière internationale, dans des eaux très dangereuses et difficiles à naviguer. Ce serait plus sage de leur part.

Je n'ai aucun doute que les honorables sénateurs se réjouiront de cette nouvelle.


AFFAIRES COURANTES

L'ÉTUDE SUR LES QUESTIONS CONCERNANT L'AFRIQUE

DÉPÔT DU RAPPORT DU COMITÉ DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le septième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international qui porte sur les défis en matière de développement et de sécurité auxquels fait face l'Afrique, la réponse de la communauté internationale, en vue de promouvoir le développement et la stabilité politique de ce continent ainsi que sur la politique étrangère du Canada envers l'Afrique.

(Sur la motion du sénateur Segal, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

BANQUES ET COMMERCE

BUDGET ET AUTORISATION DE SE DÉPLACER—RAPPORT DU COMITÉ SUR LES QUESTIONS RELATIVES AUX OBSTACLES INTERPROVINCIAUX AU COMMERCE

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein, président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, présente le rapport suivant :

Le jeudi 15 février 2007

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a l'honneur de présenter son

TREIZIÈME RAPPORT

Votre Comité, qui a été autorisé par le Sénat, le mardi 2 mai 2006, à se pencher et à faire un rapport sur les questions relatives aux obstacles interprovinciaux au commerce, demande respectueusement qu'il soit, aux fins de ses travaux, autorisé à s'ajourner d'un lieu à l'autre et à se déplacer au Canada.

Conformément au Chapitre 3:06, section 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant, sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
JERAHMIEL S. GRAFSTEIN

(Le texte du budget figure en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p.1083.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Grafstein, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

LA LOI ÉLECTORALE DU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable Donald H. Oliver, président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :

Le jeudi 15 février 2007

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

DIXIÈME RAPPORT

Votre Comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi électorale du Canada, a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 23 novembre 2006, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
DONALD H. OLIVER

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Oliver, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1355)

LA LOI SUR L'ACCÈS À L'INFORMATION

PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE

L'honorable Lorna Milne présente le projet de loi S-223, Loi modifiant la Loi sur l'accès à l'information.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Milne, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

[Français]

PROJET DE LOI DE MISE EN ŒUVRE DU PROTOCOLE DE KYOTO

PREMIÈRE LECTURE

Son Honneur la Présidente intérimaire annonce qu'elle a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-288, Loi visant à assurer le respect des engagements du Canada en matière de changements climatiques en vertu du Protocole de Kyoto.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Mitchell, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

[Traduction]

AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À REPORTER LA DATE DU DÉPÔT DE SON RAPPORT FINAL SUR L'ÉTUDE DU PROGRAMME DE CONTESTATION JUDICIAIRE

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance au Sénat, je proposerai :

Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le jeudi 7 décembre 2006, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, autorisé à examiner, pour en faire rapport, les avantages et les résultats qui ont été obtenus grâce au Programme de contestation judiciaire, soit habilité à reporter la date de présentation de son rapport final du 28 février 2007 au 30 juin 2007.

AFFAIRES SOCIALES, SCIENCES ET TECHNOLOGIE

AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À EXAMINER LA SITUATION DE L'ÉDUCATION ET DE LA GARDE DES JEUNES ENFANTS AU CANADA

L'honorable Marilyn Trenholme Counsell : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à examiner la situation de l'éducation et de la garde des jeunes enfants au Canada à la lumière du rapport Starting Strong II publié par l'OCDE les 21 et 22 septembre 2006 qui classe le Canada au dernier rang de 14 pays pour ce qui est des fonds consacrés aux programmes d'éducation et de garde des jeunes enfants et qui dit notamment que « les politiques nationales et provinciales d'éducation et de garde des jeunes enfants au Canada en sont encore aux premières étapes [...] la couverture est faible si on la compare à celle d'autres pays de l'OCDE »;

Que le Comité étudie, pour en faire rapport, l'énoncé de l'OCDE selon lequel « il faudra investir des efforts et des fonds importants dans ce secteur pour créer un système universel correspondant aux besoins d'une économie de plein emploi, respectant l'égalité entre les sexes et proposant une nouvelle compréhension de la façon dont les jeunes enfants se développent et apprennent ».


(1400)

[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

L'ABSENCE DES MINISTRES

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, permettez-moi d'annoncer que madame le sénateur LeBreton est toujours malade aujourd'hui et qu'elle sera absente pour la période des questions. Par ailleurs, le sénateur Fortier se trouve présentement avec Son Excellence la Gouverneure générale, je ne prévois donc pas qu'il sera parmi nous durant la période des questions.

L'honorable Céline Hervieux-Payette (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je pense que les honorables sénateurs seront compréhensifs à l'égard des raisons de l'absence de madame le leader du gouvernement, mais seront un peu moins conciliants en ce qui a trait à l'absence du ministre de la région de Montréal, qui s'est bien débrouillé hier lors de la période des questions et qui, à toutes fins utiles, devrait placer en priorité son travail de parlementaire, fonction que nous trouvons extrêmement importante.

LE COMITÉ DE L'ÉNERGIE, DE L'ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

L'ÉTUDE DU PROJET DE LOI DE MISE EN ŒUVRE DU PROTOCOLE DE KYOTO

L'honorable Céline Hervieux-Payette (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

[Traduction]

Le sénateur pourrait-il dire si le comité étudiera le projet de loi C- 288 dès qu'il le pourra?

L'honorable Tommy Banks : Notre comité, comme les autres, j'en suis sûr, a pour pratique d'accorder la priorité aux mesures législatives sur toutes les autres affaires, comme l'étude de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, qui est prévue dans la loi.

En ce moment, il y a deux autres projets de loi à l'étude au comité, aussi discuterai-je avec les autres membres de l'établissement d'une liste de priorités afin de déterminer dans quel ordre les projets de loi seront étudiés.

Le projet de loi C-288 revêt une importance considérable. Je présume que les sénateurs de tous les partis voudront s'y attaquer assez rapidement.

J'ignore si c'est ce qui motive la question de notre collègue, mais parlant du projet de loi C-288, un grand journal déclarait que le projet de loi était au Sénat où on s'attendait à ce qu'il soit adopté après une brève étude par le Comité de l'environnement.

Je voudrais corriger toute fausse impression que quiconque pourrait avoir et préciser que nous étudierons bel et bien le projet de loi et qu'il ne s'agira pas d'une brève étude. Par définition, il s'agit d'un projet de loi important. Il contient des éléments très importants qui se répercutent sur notre pays, bien sûr, mais également sur la réputation de notre pays dans le monde.

(1405)

Comme nous le rappellent ceux qui siègent ici depuis longtemps, notre travail consiste à étudier les projets de loi. C'est le travail dont est chargé le Sénat. Si un projet de loi important ayant de vastes répercussions nous est soumis, nous ne l'étudions pas à toute vitesse. Nous l'étudions en détail. Nous examinons ses répercussions et son efficacité, et vérifions s'il a suffisamment de mordant. Nous allons vérifier sa solidité. Nous allons étudier les incidences que pourrait avoir en aval le projet de loi si jamais il entrait en vigueur et était mis en application. Ces incidences sont intéressantes et considérables. Nous avons besoin de les connaître pendant que nous étudions le projet de loi. Nous avons besoin de connaître les obligations juridiques et constitutionnelles du gouvernement, s'il y en a, au cas où le Sénat déciderait d'adopter ce projet de loi. Par conséquent, la double réponse que je vais donner au leader, c'est qu'à mon avis les membres du comité accepteront d'étudier ce projet de loi sans délai, avec soin et patience avant d'en faire rapport au Sénat.

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, je suis encouragé par les propos du président du comité en question. Je constate que, comme tout ce qu'il fait en cet endroit, le sénateur Banks prend son travail au sérieux. J'ai le privilège de travailler avec lui au sein d'autres comités et je sais à quel point il fait les choses à fond.

Je ne sais pas s'il convient de lui poser la question maintenant, mais le sénateur croit-il que son comité envisagerait la possibilité d'étudier la dimension mondiale de la question plutôt que de se concentrer sur le projet de loi lui-même? À son avis, la compétence du comité s'étend-elle à tous ceux qui contribuent au problème à l'échelle mondiale?

Honorables sénateurs, cette question est capitale. En tant qu'êtres humains, nous jouons un rôle important, mais il n'y a pas que nous sur la terre. Il y en a bien d'autres qui interviennent dans ce programme et je me demande s'ils seront pris en compte dans l'étude de ce projet de loi.

Le sénateur Banks : J'ai l'honneur de présider un comité composé de gens qui connaissent à fond le sujet, et plus précisément les répercussions que pourraient avoir à l'échelle mondiale les questions traitées dans le projet de loi. Nous étudions sérieusement ces répercussions depuis six ans et probablement depuis beaucoup plus longtemps encore. Dans le contexte actuel, nous étudions la question depuis longtemps. Les sénateurs des deux côtés s'y connaissent et ils sont déterminés à faire ce qu'il faut. Toutefois, nous allons étudier ce projet de loi, voir ce qu'il signifie et ce qu'il fera.

L'honorable Hugh Segal : Puis-je aussi demander au sénateur Banks, dont la manière de diriger le comité inspire confiance à tous les sénateurs, s'il existe une prédisposition au sein de la majorité des membres à s'opposer à des amendements substantiels et réfléchis qui pourraient normalement être proposés afin d'être discutés et pris en considération à l'étape de l'étude au comité? Ou alors, croit-il que le comité serait ouvert et que lui, en tant que président, n'aurait aucune prédisposition à refuser que soit discuté, au cours de l'étude article par article, tout amendement pertinent pouvant résulter de l'étude des autres sujets qu'il a énoncés de manière si réfléchie en répondant à la question de son leader?

Le sénateur Banks : J'ai longtemps siégé à ce comité avant d'avoir l'honneur de le présider. Jamais, à ma connaissance ou autant que je me souvienne, et certainement jamais sous ma présidence, ce comité n'a présenté au Sénat un rapport qui n'était pas unanime.

L'honorable Grant Mitchell : Le président du comité peut-il dire si, dans le cadre de l'étude du projet de loi, le comité peut vérifier, peut- être en communiquant avec le ministre de l'Environnement ou même avec le premier ministre, si le gouvernement compte appliquer la loi du Parlement qui prend corps dans le projet de loi C-288 adopté par la Chambre des communes et que le Sénat pourrait adopter, ou s'il entend l'enfreindre?

Le sénateur Banks : Je tiens pour acquis qu'un gouvernement du Canada n'enfreindrait jamais la loi.

(1410)

Le sénateur Mercer : Restez à l'écoute.

Le sénateur Banks : Je présume également qu'aucun gouvernement du Canada ne passera outre à la volonté du Parlement. Je ne peux répondre à la question du sénateur, car, comme il le sait fort bien, puisqu'il siège au comité, celui-ci va désigner les témoins qui comparaîtront.

LE COMITÉ DES AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

L'ÉTUDE DU PROJET DE LOI C-9 SUR LES PEINES AVEC SURSIS

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Je suis déçu que le sénateur Fortier ne soit pas parmi nous aujourd'hui, car je crois qu'il s'est fort bien tiré d'affaire pendant la période des questions, hier. Une journée de questions difficiles a fait fuir le sénateur. Il a passé un quart d'heure plutôt difficile.

Apparemment, on a retardé l'étude de certains projets de loi dans les délibérations du Sénat. Les conservateurs reprochent aux sénateurs de ce côté-ci de retarder l'étude du projet de loi S-4, du moins à en croire les journaux. Le projet de loi C-9, qui porte sur les peines avec sursis, a été renvoyé au Sénat en novembre 2006. Pour un projet de cette importance, il me semble que beaucoup de temps a passé sans qu'on en débatte vraiment. Est-ce qu'on ne peut pas dire qu'on retarde son étude?

Le président du Comité des affaires juridiques, auquel le projet de loi a été renvoyé, pourrait-il dire au Sénat si les négociations avec ses leaders ont progressé, en ce qui concerne le débat à entreprendre sur le projet de loi C-9, afin que ce comité puisse faire de cette mesure l'étude qu'elle mérite?

L'honorable Donald H. Oliver : Je remercie le sénateur de sa question, mais le Comité des affaires juridiques n'a été saisi d'aucun des projets de loi dont il parle, et ils ne lui seront peut-être pas renvoyés. Il m'est donc impossible de répondre.

Le sénateur Mercer : Il est hautement improbable qu'un projet de loi portant sur les peines avec sursis ne soit pas renvoyés au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Même quelqu'un comme moi, qui ne suis pas juriste, peut le comprendre. Je m'attendais plus ou moins à cette réponse.

La politique sur les peines avec sursis qui inspire le projet de loi C- 9 semble analogue à celle de nos cousins américains, qui ont des peines minimums obligatoires. Le Sénat peut discuter toute la journée de l'efficacité de cette politique ou des vertus des peines avec sursis, mais les sénateurs ne peuvent nier que les deux présentent des problèmes inhérents. Certes, les peines avec sursis ont leurs imperfections, mais on ne peut nier les bonnes choses qu'elles rendent possibles. Certains crimes sont commis par des groupes définis par leur situation socioéconomique, et il faut en tenir compte. Il a été montré que les peines avec sursis permettent à bon nombre de ces personnes d'éviter de séjourner en prison.

Le projet de loi C-9 n'a pas été mis à l'étude ici même et, par conséquent, il n'a pas été renvoyé au Comité des affaires juridiques. Serait-ce parce que le caucus conservateur ne s'entend pas sur les mérites du projet de loi? Est-ce que tout ne se passerait pas bien dans ce gouvernement qui devient vieux?

Le sénateur Oliver : Je remercie le sénateur de sa question, mais je n'ai pas l'habitude de parler de ce qui se passe au caucus.

LE COMITÉ DE L'ÉNERGIE, DE L'ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

LE PROTOCOLE DE KYOTO—L'EFFET SUR L'ÉCONOMIE

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je suis désolé si ma question le met sur la sellette.

La semaine dernière, le ministre de l'Environnement, John Baird, dans l'hystérie de son opposition au Protocole de Kyoto, a prétendu que l'économie du Canada s'effondrerait comme l'économie russe si le gouvernement honorait ses obligations internationales aux termes de ce protocole. Il n'arrive tout simplement pas à établir le lien entre l'environnement, les occasions qu'il présente et l'économie.

Le président du Comité de l'énergie connaît-il quelque preuve, analyse ou rapport qui appuie cette affirmation voulant que, si le Canada respecte correctement ses obligations aux termes du Protocole de Kyoto, l'économie canadienne s'effondrera comme celle de la Russie?

(1415)

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, je signale que le sénateur Fortier vient de se joindre à nous.

Je ne savais pas que l'économie de la Russie s'était effondrée. Je ne crois pas que ce soit le cas. L'économie soviétique s'est effondrée, mais celle de la Russie, c'est tout autre chose, et elle se porte très bien.

D'après ce que j'ai pu constater, et nous entendons des témoignages en ce sens depuis maintenant très longtemps, les bonnes pratiques écologiques et environnementales des particuliers, des entreprises, des institutions et du gouvernement rapportent toujours des bénéfices.

Le sénateur Mitchell : Si j'ai bien compris le sénateur, il ne lui vient à l'esprit aucun exemple, aucun élément probant indiquant qu'une politique environnementale éclairée et des initiatives environnementales de la part des entreprises sont susceptibles de nuire à l'économie ou, en fait, de causer du tort à une entreprise; bien au contraire, ces initiatives renforcent la croissance économique et permettent aux entreprises de connaître davantage de succès.

Le sénateur Banks : Je crois que les membres de notre comité, quelle que soit leur allégeance politique, seraient d'accord pour dire que d'après tous les témoignages que nous avons entendus depuis que les émissions retiennent l'attention, une gestion réfléchie de l'environnement à tous les niveaux du secteur privé et de la société se révèle rentable, au bout du compte. Je pourrais vous donner une longue liste d'exemples, en commençant par celui de la société Royal Dutch Shell, dont le président a comparu devant nous et nous a affirmé que les mesures prises par cette entreprise pour améliorer les pratiques environnementales s'étaient traduite par des bénéfices inattendus pour cette société, des profits dans les millions de dollars. Il était très heureux de nous le dire.

LA DÉFENSE NATIONALE

LE COÛT DE LA CAMPAGNE PUBLICITAIRE DE RECRUTEMENT

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'aimerais ajouter aux questions posées hier au ministre relativement à la publicité. Le ministre peut-il nous indiquer le coût total de la campagne publicitaire de recrutement dans les Forces canadiennes cette année?

[Français]

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'aimerais rappeler aux sénateurs le paragraphe 24(1) du Règlement, qui dit ceci, et je cite :

Lorsque le Président annonce la période des questions, un sénateur peut, sans préavis, adresser une question orale :

a) au leader du gouvernement au Sénat, s'il s'agit d'une question relative aux affaires publiques,

b) à un sénateur qui est aussi ministre, s'il s'agit d'une question relative à sa charge ministérielle, ou

c) au président d'un comité, s'il s'agit d'une question relative à l'activité de ce comité.

Dans ce cas-ci, la question s'adresse à madame le ministre, qui n'est pas présente actuellement.

L'INDUSTRIE

L'ACHAT D'AVIONS MILITAIRES DE LA COMPAGNIE BOEING—LES RETOMBÉES ÉCONOMIQUES RÉGIONALES

L'honorable Francis Fox : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux et a trait à l'allocation du contrat des avions C- 17 dont on a parlé il y a quelque temps. Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux pourrait-il éclairer la lanterne de plusieurs observateurs et analystes au pays sur la valeur des retombées économiques de ce contrat?

On a parlé de 3,4 milliards de dollars de retombées économiques, par la suite on a enlevé 1,6 milliard de dollars pour le contrat de l'entretien, qu'on confie à la U.S. Air Force. Plutôt que de donner ce contrat à la ville de Montréal ou de Winnipeg, ce contrat ira à la U.S. Air Force. Le contrat n'a alors qu'une valeur de 1,8 milliard dollars. Les moteurs pour ces avions seraient achetés aux États- Unis. Cet achat n'aide pas l'industrie canadienne de l'aérospatiale. Finalement, la valeur du contrat n'est que de 800 millions de dollars.

Tant les analystes du Devoir, M. Sansfaçon entre autres, que les leaders syndicaux du Québec, dont M. Massé, se posent des questions sur les véritables retombées de ce contrat. Le gouvernement refuse évidemment de dire s'il y aura des retombées dans différentes régions.

(1420)

On laisse encore planer un doute sur les retombées économiques réelles pour la région de Montréal. Le ministre pourrait-il éclairer les lanternes de tout le monde au pays car il semble qu'il n'y a que lui qui constate des retombées économiques importantes, alors que certains voient les États-Unis et d'autres bénéficier de ces retombées.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, de nouveau, je citerai le paragraphe 24(1) du Règlement.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je pense que la question s'adressait au ministre.

Le sénateur Comeau : Honorables sénateurs, je pourrais aussi citer la décision récente du Président, rendue le 19 octobre 2006.

Le sénateur Fox : Recours au Règlement.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La décision du Président confirme bien les rappels au Règlement pour les questions posées à un ministre. Cette fois-ci, j'ai vraiment entendu le sénateur Fox poser la question au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Le ministre est ici et il a le choix de répondre ou de ne pas répondre à la question.

Le sénateur Comeau : Honorables sénateurs, la question a été posée au ministre responsable des Travaux publics, mais la question relève d'Industrie Canada. Comme la question a été posée par le leader adjoint de l'opposition, c'est une question qui relève de la Défense nationale, et ces questions sont posées, comme vous le savez, au leader du gouvernement au Sénat au nom des ministères.

Le sénateur Fox : Votre Honneur, je répète la question. La question s'adresse directement au ministre responsable des Travaux publics du Canada. Il a signé le contrat à titre de ministre responsable des Travaux publics, et c'est à ce titre que la question lui a été posée. Il se doit de répondre, sans quoi c'est un affront au Parlement.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, je voudrais vous rappeler le paragraphe 24(1) du Règlement :

Lorsque le Président annonce la période des questions, un sénateur peut, sans préavis, adresser une question orale :

a) au leader du gouvernement au Sénat s'il s'agit d'une question relative aux affaires publiques,

b) à un sénateur qui est aussi ministre, s'il s'agit d'une question relative à sa charge ministérielle, ou

c) au président d'un comité,...

Comme nous l'avons fait jusqu'à maintenant. Le leader du gouvernement au Sénat n'est pas ici actuellement. Le ministre a le choix de répondre ou non.

LE CABINET

DEMANDE DE LA LISTE DES RESPONSABILITÉS MINISTÉRIELLES

L'honorable Eymard G. Corbin : Honorables sénateurs, j'ai une question que je voudrais formuler comme un rappel au Règlement au leader adjoint du gouvernement au Sénat. Pourrait-il s'engager aujourd'hui à déposer sur le bureau la liste de tous les ministres et les responsabilités spécifiques détaillées de chacun des ministres du gouvernement?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, je regrette, mais le Règlement dit bien que la question doit s'adresser au leader du gouvernement au Sénat et non au leader adjoint du gouvernement.

LES TRAVAUX PUBLICS ET LES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

LA RESPONSABILITÉ DU MINISTRE CONCERNANT LA SIGNATURE DE CONTRATS

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Pourrait-il nous expliquer si, oui ou non, il est responsable des contrats qu'il signe?

Des voix : Bravo!

L'honorable Michael Fortier (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) : Honorables sénateurs, merci. Vous le savez très bien, j'en suis non seulement responsable, mais j'en suis également très fier. Le contrat que nous avons signé pour acheter les quatre avions était extraordinaire et nous avons obtenu un prix extraordinaire pour les payeurs de taxes. Je me suis occupé de la partie de l'acquisition des avions, comme le stipule la lettre de mon mandat.

Le sénateur Bacon : Honorables sénateurs, il a répondu à la question.

(1425)

[Traduction]

RECOURS AU RÈGLEMENT

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Votre Honneur, j'invoque le Règlement. Bon nombre des questions qui ont été soumises aujourd'hui aux présidents des comités portaient sur des sujets dont ces comités ne sont actuellement pas saisis. Ces questions n'auraient donc pas dû être posées et, par conséquent, on n'aurait pas dû y répondre.

Je vous renvoie au paragraphe 24(1), dont certains d'entre vous ont déjà parlé aujourd'hui, je crois, et qui dit ce qui suit :

Lorsque le Président annonce la période des questions, un sénateur peut, sans préavis, adresser une question orale :

[...] c) au président d'un comité, s'il s'agit d'une question relative à l'activité de ce comité.

Il est évident qu'une question posée au président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles relativement à un projet de loi qui n'a pas encore été soumis à l'étude de ce comité est irrecevable. Tout d'abord, une telle question présume d'une décision qui n'a pas encore été prise par le Sénat. Ce projet de loi peut effectivement être soumis à l'étude de ce comité, mais il pourrait aussi être renvoyé à un autre comité, comme à celui des affaires juridiques ou des pêches par exemple.

Bon nombre d'autres questions étaient tout aussi irrecevables puisqu'elles pouvaient porter sur des sujets dont le comité est actuellement saisi.

Je demanderais à Son Honneur de revoir ces questions et de consulter le hansard d'aujourd'hui pour déterminer si un grand nombre de ces questions sont irrecevables. J'ai attendu avant d'intervenir à cet égard parce que je ne pouvais évidemment pas invoquer le Règlement plus tôt.

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, je réfléchis depuis un certain temps à la façon dont se déroule la période des questions. J'aimerais soumettre un aspect de la question aux sénateurs.

L'autre jour, le sénateur Tkachuk a engagé l'honorable leader du gouvernement au Sénat dans un long débat sur le projet de loi S-4. Aujourd'hui, le sénateur Mercer a posé des questions au président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelle sur les projets de loi S-4 et C-9.

Dans la plupart des assemblées comme la nôtre, la pratique veut, je crois, que l'on exclue ou que l'on interdise des questions sur des sujets inscrits au Feuilleton ou faisant l'objet d'un débat ou d'une étude en comité au cours de la période des questions. Je ne trouve pas de règle particulière dans le Règlement du Sénat du Canada qui traite de notre période des questions.

J'aimerais que la présidence prenne l'affaire en délibéré, compte tenu de la convention qui existe ailleurs et de la disposition générale qui figure quelque part dans notre Règlement et qui dispose que, sauf indication contraire, nous adoptions les pratiques et les règles de l'autre l'endroit, afin de savoir s'il est permis, à la période des questions, de poser ou, bien sûr, de répondre à des questions concernant un sujet déjà inscrit à l'ordre du jour.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Y a-t-il des observations sur ce recours au Règlement?

L'honorable Terry M. Mercer : J'aimerais donner suite à l'intervention du sénateur Murray. Le projet de loi qui a été adopté hier soir et dont la présidence a fait rapport aujourd'hui, a figuré à l'ordre du jour de l'autre endroit pendant plusieurs jours. Si j'ai bien compris ce que j'ai entendu à la télévision et ce que j'ai lu dans les journaux, des dizaines si ce n'est des centaines, de questions ont été posées au premier ministre, à l'actuel ministre de l'Environnement et à son prédécesseur au sujet de la mise en œuvre du Protocole de Kyoto, sur lequel porte précisément ce projet de loi.

Si nous devions rayer un article de l'ordre du jour et si nous voulons suivre ce qui se fait à l'autre endroit, alors toutes ces questions, si l'on en croit l'argument du sénateur Murray, auraient été irrecevables. Comme le Président de la Chambre, M. Milliken, dont je respecte grandement le jugement, a estimé que ces questions étaient recevables, je soutiens que l'argument du sénateur Murray ne tient pas.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Pour faciliter l'enquête de la présidence, j'ai attentivement écouté l'intervention du leader adjoint et je ne suis pas certain d'avoir entendu correctement ce qu'il a dit. Je crois qu'il a indiqué que, d'après lui, un comité peut uniquement se pencher sur des questions dont il est déjà saisi. Par conséquent, j'en déduis qu'il voulait dire qu'il est prématuré de soulever des questions précises avant que le comité n'ait été saisi d'une affaire.

Cependant, ce n'est pas ce que prévoit le Règlement. Je renvoie l'honorable sénateur et la présidence au Règlement et je fais une suggestion.

(1430)

Voici ce qui est écrit à l'alinéa 24(1)c) du Règlement :

Lorsque le Président annonce la période des questions, un sénateur peut [...] adresser une question orale :

[...] c) au président d'un comité, s'il s'agit d'une question relative à l'activité de ce comité.

Il n'est pas nécessaire de s'en tenir à un sujet donné.

Avant de rendre sa décision, la présidence devrait examiner de près le mandat du comité en question, afin de déterminer comment s'applique ce mandat. Par exemple, mon comité a le mandat général d'étudier les questions liées à l'économie. Si les membres du comité choisissent de soulever une question sur laquelle nous nous penchons ou sommes sur le point de nous pencher, je serais prêt à y répondre, car cela est conforme à notre mandat.

Je souhaite que la présidence tienne compte du mandat du comité en question afin de déterminer si ces questions étaient conformes à ce mandat.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, je pense qu'il serait difficile pour la présidence de savoir tout ce qui se passe au sein des comités. Dans le cas des présidents de comité et des ministres, ils ont la responsabilité de répondre aux questions qui relèvent des sujets présentement à l'étude. Dans le cas des ministres, il s'agirait de savoir si la question posée relève de leurs responsabilités et de cette façon, on réglerait la question sur-le- champ.

Il serait très difficile pour la présidence, qui ne sait pas vraiment ce qu'un comité est en train d'étudier, de répondre à une question qui ne serait pas à l'étude. Cela risquerait de mener à d'interminables débats.

[Traduction]

L'honorable Terry Stratton : Honorables sénateurs, la façon simple de répondre à la question posée par le sénateur Robichaud serait de demander à la présidence de ce comité si son comité était saisi de cette question. C'est une façon directe de clore rapidement le dossier.

En ce qui a trait à la déclaration du sénateur Mercer, je réponds que l'autre endroit a ses pratiques et que le Sénat a les siennes.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, les sénateurs Grafstein et Robichaud ont tous deux soulevé de bons points. Je remarque que le Règlement stipule que les questions posées à la présidence d'un comité peuvent porter sur « une question relative à l'activité de ce comité ». La planification fait habituellement partie des activités des comités. Nous savons tous que les comités ont habituellement une bonne idée des questions dont ils seront saisis pendant une certaine séance. Les comités planifient leur emploi du temps.

Comme le sénateur Robichaud l'a dit, c'est la présidence du comité qui doit dire si le comité s'est penché ou non sur une question et s'il a pris ou non des mesures à cet égard, et répondre à la question. Je ne crois pas qu'il soit irrecevable de poser des questions de cet ordre à la présidence des comités.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je voudrais soulever encore le point essentiel que je soulève sans cesse : il n'incombe pas au Président du Sénat de réglementer ou de superviser chaque mot prononcé par chaque sénateur.

Le sénateur Mercer : Ce serait une tâche bien lourde.

Le sénateur Cools : Oui, ce serait une tâche bien lourde. Toutefois, je parlais moins de l'ampleur de la tâche que de son bien-fondé ou de sa raison d'être.

Je continue à mettre en garde le Sénat, encore et toujours, contre le recours au Règlement comme moyen d'amener le Président à rendre des décisions qui, dans deux jours, deux semaines, trois semaines ou trois mois, se transformeront en autant de nouvelles règles qui réduiront la liberté de nos débats. Peut-être quelques questions des sénateurs étaient-elles un peu limitées, peut-être certaines d'entre elles n'étaient-elles pas aussi pointues qu'elles auraient pu l'être, peut-être y en avait-il même qui étaient un peu malicieuses. Toutefois, il y a loin entre des questions témoignant de malice ou d'un manque d'information et des questions antiréglementaires.

Votre Honneur, je voudrais également solliciter votre appui en faveur d'une certaine modération. Le principe, au Sénat, est que les sénateurs réglementent eux-mêmes leurs délibérations. Par conséquent, il est loisible ici aux sénateurs de poser des questions — il se peut bien que ce ne soit pas les meilleures questions du monde — qui peuvent susciter un débat grâce auquel le Sénat met de l'ordre dans ses propres affaires, plutôt que d'imposer au sénateur en cause une décision de la présidence.

Je demande à Son Honneur de garder cela à l'esprit. Le rôle du Président du Sénat n'est pas celui du Président de la Chambre des communes. Notre Président ne joue pas le même rôle dans nos délibérations.

Je voudrais soulever à cet égard un autre point ayant trait aux questions posées aux présidents de comité. Je n'ai entendu aujourd'hui aucune question antiréglementaire. J'ai entendu des questions que certains voudraient faire passer pour antiréglementaires, notamment aux yeux de Son Honneur. Elles ne l'étaient pas pour autant. Je crois d'ailleurs que si j'en avais eu l'occasion, j'aurais moi-même voulu me mettre de la partie.

Honorables sénateurs, je ne sais pas si le rôle des présidents de comité a changé. À ma connaissance, un président de comité ne s'occupe pas seulement de l'organisation des travaux du comité; il est aussi censé être l'expert du Sénat dans le domaine en cause.

Les dirigeants du Sénat ne m'ont jamais accordé le privilège de diriger un comité, mais du temps où j'étais vice-présidente, je peux vous dire que je connaissais sur le bout des doigts chaque affaire et chaque sujet touchant à ce que je considérais comme mes responsabilités. Je suivais tout, je lisais tout et j'étais toujours prête à défendre et à répondre.

Les présidents de comité, surtout maintenant qu'ils sont payés, ont un rôle totalement différent.

Il faudrait bien, honorables sénateurs, que nous tenions un jour un débat sur le fait qu'en payant ces gens 10 000 $ par an, nous avons changé la nature de leur tâche.

À part l'ancien rôle qui consiste à tout connaître de chaque projet de loi dont le comité est saisi, à tout comprendre et à tout organiser jusqu'à la planification du moment où le comité entreprendra ses travaux... Car, ne nous leurrons pas, honorables sénateurs, nous avons été témoins ici du fait que quelques secondes après l'adoption d'un ordre de renvoi, des avis de convocation étaient déposés au bureau des membres du comité. Les réunions sont toutes organisées longtemps d'avance, bien avant l'adoption de l'ordre de renvoi du projet de loi au comité.

Nous devons comprendre que le personnel des comités applique souvent des ordres de renvoi avant leur adoption. Autrement, comment se peut-il qu'un ordre soit adopté au Sénat à 15 h 30 et que le président soit assis dans son fauteuil, dirigeant la réunion du comité, à 16 heures? Nous ne sommes pas nés d'hier. Si nous voulons analyser à fond ces questions, il vaudrait peut-être mieux le faire un autre jour.

(1440)

Le président d'un comité est parfaitement qualifié et on devrait lui adresser davantage de questions, des questions « relative[s] à l'activité de ce comité », comme le dit le Règlement. Je ne crois pas, honorables sénateurs, que nous puissions prétendre dans le contexte actuel que les présidents sont au courant de tout ce qui entoure les projets de loi dont ils seront saisis, qu'ils l'espèrent ou non. Nous devons reconnaître qu'il est déjà arrivé que des ministres se délestent de nombreux projets de loi.

En fait, durant le débat dans cette assemblée au sujet de la Loi fédérale sur la responsabilité, quand le projet C-2, si je me souviens bien, est mort au Feuilleton, j'ai pensé que le gouvernement tentait de s'en délester. C'est honnêtement ce que j'ai pensé, car je ne pouvais croire qu'un gouvernement laisserait un projet de loi important mourir au Feuilleton. J'ai fait valoir à ce moment qu'il fallait une motion pour reprendre le débat.

Les présidents sont de plus en plus des représentants du gouvernement au Sénat, surtout s'ils sont membres du parti au pouvoir. En ce qui me concerne, je dirais à Son Honneur que moult questions concernant les activités des comités n'ont pas encore été posées aux présidents compétents dans cette enceinte. En toute franchise, elles devraient être posées.

Comme je l'ai déjà dit, Votre Honneur, il n'y a pas matière à invoquer le Règlement. Tout au plus, on pourrait dire qu'il y a eu quelques questions malavisées et maladroites. Son Honneur n'a pas à tenter de contrôler tout ce qui se dit dans cette assemblée.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Avant de donner la parole au sénateur Comeau, qui sera le dernier à intervenir, y a-t-il d'autres observations?

L'honorable Percy Downe : Oui, j'ai une observation.

Honorables sénateurs, il me semble que le paragraphe 24(1) s'applique aussi au « leader du gouvernement au Sénat », car nous pouvons lui poser n'importe quelle question concernant les affaires publiques. Le leader du gouvernement est également responsable des aînés maintenant et nous pouvons aussi l'interroger à ce sujet.

À mon avis, c'est l'alinéa 24(1)b) qui pose problème aujourd'hui, car nous avons un ministre et le Règlement prévoit que nous pouvons lui adresser des questions « relative[s] à sa charge ministérielle ».

Le problème semble attribuable au fait que le ministre a des responsabilités additionnelles qui lui ont été conférées par le premier ministre et le Cabinet. Il est responsable de Montréal et il peut avoir d'autres responsabilités au sujet desquelles nous ne pouvons l'interroger.

Il me semble que nous devrions modifier l'alinéa 24(1)b) du Règlement pour qu'il soit possible d'interroger le ministre Fortier sur tous les dossiers dont il est chargé, comme nous interrogeons madame le leader du gouvernement au Sénat. Nous pouvons interroger cette dernière sur toute politique gouvernementale, y compris sur les aînés. Nous ne pouvons pas le faire dans le cas du sénateur Fortier.

Le sénateur Comeau : Honorables sénateurs, j'aurais deux ou trois brèves observations à faire.

Je commence par la question qu'a soulevée madame le sénateur Cools, à savoir que nous avons tendance à invoquer souvent le Règlement. Le sénateur a peut-être raison; nous devrions peut-être éviter d'invoquer le Règlement pour un oui ou pour un non. Je comprends son point de vue. Ayant moi-même invoqué le Règlement aujourd'hui, je suis en partie responsable.

Le problème des questions posées au cours de la période des questions nous tarabuste depuis un certain temps déjà. Aujourd'hui, mon recours au Règlement portait davantage sur le problème des questions posées aux présidents de comité. Je pense que nous avons besoin de conseils à cet égard. Le sénateur Downe a soulevé le problème des questions posées au sénateur Fortier, ce qui n'était pas le point principal de mon recours au Règlement aujourd'hui. Cela dit, il voudra peut-être se reporter à une décision que le Président a rendue en octobre et qui portait sur le problème des responsabilités extraministérielles d'un sénateur, qui vont au-delà de sa charge ministérielle. Je pense qu'il faisait allusion à un ministre ayant des responsabilités politiques pour une région. Le Président du Sénat a rendu une décision à cet égard le 18 ou 19 octobre. On peut la retrouver facilement.

Je voudrais revenir sur quelques points mentionnés par le sénateur Grafstein. Le sénateur a dit que les comités ont un genre de règlement sur les activités qui les concernent. Contrairement aux comités de la Chambre des communes, ceux du Sénat n'ont pas de règles préétablies leur permettant d'étudier de leur propre initiative des questions ayant trait à leur titre. Par exemple, le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans ne peut entreprendre de son propre chef une étude sur les pêches. Pour ce faire, le comité doit d'abord obtenir un ordre de renvoi du Sénat. Cette règle aurait quelque chose à voir avec les budgets, entre autres. À lui seul, le titre du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles — et je pense m'adresser à quelqu'un qui possède beaucoup plus d'expérience que moi sur la question — ne donne pas au comité le mandat d'étudier le Protocole de Kyoto s'il en a la volonté. Il doit demander ce mandat. À l'heure actuelle, je ne suis pas certain, et le président saurait le dire, que le comité ait le mandat de se pencher sur cette question-là ou sur une autre. Cependant, il doit y avoir un ordre de renvoi du Sénat. J'imagine que le président aurait l'obligeance de dire qu'il n'a pas le mandat de faire certaines choses.

Dans la question présentement à l'étude, un projet de loi a été soumis à notre étude aujourd'hui et je suis d'avis que le fait que le président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles ait répondu à des questions portant sur la manière dont il traiterait ou non un projet de loi qui n'a pas encore été renvoyé à son comité n'a rien à voir avec ce qui est connu, historiquement, comme étant le rôle du Sénat.

Si le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, je pense que la présidence pourra alors répondre aux questions au nom du comité. Le Sénat n'a été saisi du projet de loi qu'aujourd'hui. Nous devons faire attention à ces détails. Tout ce que nous attendons de la présidence, c'est qu'elle nous éclaire sur la procédure appropriée pour ce genre de questions. En effet, de temps à autre les recours au Règlement sont utiles.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, je ne suis pas un juriste, mais comme nous semblons actuellement traiter une question d'ordre juridique, je me permettrai de porter à votre attention l'article 90 du Règlement, intitulé « Pouvoirs des comités », qui dit ceci :

Un comité permanent est autorisé à faire enquête et rapport sur toute question que le Sénat lui soumet de temps à autre au besoin [...]

Le sénateur Comeau : C'est exactement ce que je veux dire.

Le sénateur Dallaire : Voici donc la question qu'il faut se poser. Pendant la période des questions, si un sénateur interroge la présidence d'un comité sur un sujet dont on ne considère pas que le comité est officiellement saisi, la présidence peut-elle répondre à la question ou décider de l'étudier plus en profondeur afin d'être en mesure d'y répondre?

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, je vous remercie de vos commentaires. J'ai entendu plusieurs interventions intéressantes que j'aurai à étudier attentivement avec nos conseillers. Je rendrai ma décision dans un avenir rapproché.

L'honorable Eymard G. Corbin : Honorables sénateurs, j'aimerais demander au leader adjoint du gouvernement au Sénat, étant donné son affection pour cette Chambre et pour le bon déroulement de la période des questions, s'il aurait l'amabilité de déposer au bureau la liste des responsabilités du ministre des Travaux publics, de même que les lois du Canada pour lesquelles il a une responsabilité administrative, de sorte que nous puissions mieux formuler nos questions tout en respectant le Règlement?

Le sénateur Comeau : Honorables sénateurs, je le ferai avec plaisir.


(1450)

ORDRE DU JOUR

LA LOI SUR LA DÉFENSE NATIONALE
LE CODE CRIMINEL
LA LOI SUR L'ENREGISTREMENT DE RENSEIGNEMENTS SUR LES DÉLINQUANTS SEXUELS
LA LOI SUR LE CASIER JUDICIAIRE

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Oliver, appuyée par l'honorable sénateur Nolin, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale, le Code criminel, la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le casier judiciaire;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Joyal, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Pépin, que le projet de loi S-3 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 4 :

a) à la page 14, par adjonction, après la ligne 26, de ce qui suit :

« (1.1) Si le chef d'état-major de la défense envisage de prendre une décision, il avise le ministre avant de prendre sa décision.

(1.2) Le chef d'état-major de la défense prend une décision seulement s'il est d'avis que les raisons opérationnelles sont d'une telle urgence qu'elles l'emportent sur l'intérêt public à l'application des dispositions de la présente loi dans les circonstances, n'eût été la décision. »;

b) à la page 16,

i) par adjonction, après la ligne 3, de ce qui suit :

« (6) Tous les quinze jours après avoir pris sa décision, le chef d'état-major de la défense détermine si les raisons opérationnelles continuent d'exister et, dans la négative, révise la date à laquelle elles ont cessé d'exister.

(7) Le paragraphe (6) s'applique jusqu'à la date inscrite dans l'avis visé au paragraphe (4) et correspondant à la fin des raisons opérationnelles, sous réserve d'une révision faite en application du paragraphe (6).

(8) Si une révision est faite en application du paragraphe (6) :

a) le chef d'état-major de la défense en avise sans délai le prévôt;

b) le prévôt avise sans délai l'intéressé de la révision de la décision le concernant;

c) dans le cas d'une décision prise en application des alinéas (1)b) ou c), le prévôt avise sans délai les personnes mentionnées aux alinéas (5)a) ou b) de la révision et de la date révisée à laquelle la suspension des délais ou des instances cesse;

d) la personne chargée d'inscrire les renseignements pour le prévôt révise la date inscrite en vertu de l'alinéa 8.2(7)a) de la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels à laquelle la suspension des délais, des instances et des obligations cesse. »,

ii) par adjonction, après la ligne 31, de ce qui suit :

« 227.171 (1) Le chef d'état-major de la défense présente au ministre, dans les trente jours suivant la fin de chaque année, un rapport sur l'application des articles 227.15 et 227.16 pour cette année, lequel comprend les renseignements suivants :

a) le nombre de décisions qui ont été rendues en vertu de chacun des alinéas 227.15(1)a) à d) et la durée de la suspension du délai, de l'instance ou de l'obligation découlant de chaque décision;

b) le nombre de décisions qui ont été rendues en vertu du paragraphe 227.16(1) et le nombre de personnes qui ont été exemptées en vertu du paragraphe 227.16(4) par suite de chaque décision.

(2) Le ministre fait déposer un exemplaire du rapport devant chaque chambre du Parlement dans les quinze premiers jours de séance de celle-ci suivant sa réception. ».

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, après avoir consulté le ministre de la Défense nationale, il me fait plaisir de participer au débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi S-3, et je tenterai d'en être le fidèle promoteur.

D'entrée de jeu, j'appuie pleinement ce projet de loi, qui permettra d'harmoniser le système de justice militaire au Code criminel et à la Loi sur l'enregistrement des renseignements sur les délinquants sexuels, afin qu'il soit conforme aux normes juridiques du Canada. J'encourage tous les honorables sénateurs à se prononcer en faveur de ce projet de loi.

Avant de commencer à parler des avantages que représente le projet de loi S-3, j'aimerais traiter de certaines préoccupations soulevées à son sujet, au cours des récentes réunions du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, et auxquelles le sénateur Joyal a fait écho dans son discours.

À la lumière de certains témoignages présentés devant le comité, quelques-uns de mes collègues ont peut-être été amenés à croire que le projet de loi traite de la politique et de la prévention en matière de harcèlement et des mesures de règlement adoptées au ministère de la Défense nationale. En fait, ce n'est pas le cas. Je regrette que de tels malentendus aient pu se produire. J'aimerais clarifier, pour le bénéfice des honorables sénateurs, les mesures que le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes ont prises pour faire face au harcèlement en milieu de travail.

L'un des témoins au comité a expliqué que la recherche sur le harcèlement sexuel effectuée par le ministère remonte à plus de dix ans. Depuis ce temps, beaucoup de choses ont été accomplies. J'aimerais rendre justice au ministère et aux Forces canadiennes en soulignant certains des progrès accomplis à cet égard. Malheureusement, comme de nombreux autres milieux de travail, les Forces canadiennes ne sont pas à l'abri du harcèlement sexuel. Aucun ministère ni organisme du gouvernement ne tolère ce comportement en milieu de travail.

En 2001, les Forces canadiennes ont adopté une politique de prévention et de règlement des cas de harcèlement en milieu de travail. Cette politique comprenait un volet d'éducation et de sensibilisation visant à informer les membres des Forces canadiennes et leurs chefs de la procédure de règlement appropriée des plaintes de harcèlement. Les Forces canadiennes ont également établi des centres de résolution des conflits dans la plupart des bases et escadrons. Les plaignants et les intimés ont ainsi la possibilité de se rencontrer et de résoudre ensemble les plaintes dans un milieu propice, confidentiel et non moralisateur.

Les Forces canadiennes ont pris d'autres mesures afin d'améliorer les conditions d'emploi de tous les militaires et de leur donner des moyens supplémentaires de faire connaître leurs préoccupations. J'aimerais mettre en évidence trois de ces mesures.

Tout d'abord, je suis sûr que certains d'entre vous se rappellent l'important examen du système de justice militaire, qui a été dirigé par le très honorable juge Brian Dickson en 1997. L'un des importants changements qui en a découlé a été la modification du Service national des enquêtes. Le Service national des enquêtes, ou SNE, a maintenant le mandat d'enquêter sur les infractions graves, ou de nature délicate, commises contre les biens, les personnes et le ministère, y compris les présumées infractions sexuelles.

Puis, en 1998 — ceux qui étaient ici s'en souviendront — la partie IV de la Loi sur la défense nationale a été introduite. Elle a établi le cadre législatif concernant les plaintes portées par la police militaire ou au sujet de celles-ci. Elle a ajouté des mesures de traitement des plaintes concernant la police militaire ainsi que les incidents d'ingérence de la part des cadres supérieurs des Forces canadiennes.

Peu après, en 1999, le Bureau de l'ombudsman a été établi pour le compte du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes. L'ombudsman agit à titre d'enquêteur neutre et objectif tant pour les civils que pour les militaires.

Honorables sénateurs, ces initiatives combinées aux modifications apportées aux politiques de prévention du harcèlement des Forces canadiennes ne suffisent pas, à elles seules, à empêcher le harcèlement. Cependant, elles indiquent clairement la détermination des Forces canadiennes à lutter contre celui-ci.

J'aimerais maintenant aborder le projet de loi S-3 en soi et traiter de certaines questions particulières soulevées au comité pendant son étude.

Regardons, dans un premier temps, l'objet du régime de la Loi sur l'enregistrement des renseignements sur les délinquants sexuels, ou LERDS, et du projet de loi S-3.

Honorables sénateurs, lors de son témoignage devant le comité, un témoin a laissé entendre, à tort, que l'objet de la LERDS est d'assurer la sécurité publique et de surveiller les délinquants sexuels. Or, là n'est pas l'objet de ce projet de loi. Soulignons que la LERDS, aujourd'hui en vigueur, est uniquement un outil d'enquête. Cette loi n'a pas été conçue pour constituer une autre forme de sanction à l'intention des personnes condamnées ni un moyen de prévention des infractions sexuelles. Elle vise simplement à établir une base de données qui contient l'adresse et d'autres renseignements pertinents concernant les délinquants sexuels inscrits. La police utilise ces renseignements pour l'aider dans ses enquêtes sur de nouvelles infractions d'ordre sexuel. Prenons l'exemple suivant.

S'il est allégué qu'une infraction sexuelle s'est produite à Cold Lake, en Alberta, la police locale, qui fait enquête sur cet incident, pourra accéder rapidement à la base de données afin de déterminer quel délinquant sexuel réside dans la région où l'infraction a été commise. Au besoin, la police sera alors en mesure d'interroger ces personnes pour faire avancer son enquête. Il faut comprendre que les policiers ne peuvent pas accéder n'importe quand à la base de données établie par la LERDS. C'est uniquement lorsque la police participe à une enquête active sur une infraction de nature sexuelle qu'elle peut utiliser cette base de données.

Honorables sénateurs, le principal but du projet de loi S-3 est de veiller à ce que les personnes reconnues coupables d'infractions sexuelles, en cour martiale, puissent être incluses dans la base de données créée par la LERDS.

Ce projet de loi a trait à une question bien précise : faire en sorte que le régime d'enregistrement des renseignements, en vertu de la LERDS, puisse être utilisé dans le cadre du système de justice militaire. Le régime de la LERDS s'enclenche uniquement une fois qu'un délinquant a été jugé et déclaré coupable d'une infraction particulière. J'insiste sur le fait que l'obligation de se présenter à un bureau d'inscription en vertu des dispositions de cette loi ne constitue pas une sanction supplémentaire et que l'inscription ne sera pas ordonnée dans tous les cas.

Passons maintenant à une autre partie du projet de loi, qui a également soulevé des préoccupations chez certains témoins au cours des audiences du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, soit les pouvoirs du chef d'état- major de la Défense nationale. J'aimerais prendre quelques minutes pour fournir des éclaircissements au sujet de ces pouvoirs étant donné la gravité et l'importance de cette question.

L'ordonnance visant l'inscription d'une personne dans la base de données établie en vertu de la LERDS est rendue par un tribunal. Si le projet de loi S-3 entre en vigueur, les cours martiales pourront elles aussi rendre une telle ordonnance. Personne dans les Forces canadiennes n'a ou n'aura le pouvoir de soustraire quiconque à l'application d'une ordonnance.

Le projet de loi conférera au seul chef d'état-major de la Défense nationale, au sein des Forces canadiennes, le pouvoir de prendre deux types de décisions qui permettront de satisfaire aux exigences de la LERDS tout en tenant compte des besoins opérationnels des Forces canadiennes.

(1500)

Le premier de ces pouvoirs lui est conféré en vertu du paragraphe 227.15(1) et ne peut être exercé que dans des circonstances bien précises.

En vertu de ce paragraphe, lorsque le chef d'état-major de la Défense décide que, pour des raisons opérationnelles, tel justiciable du Code de discipline militaire ou un membre de la première réserve est incapable d'accomplir l'un des actes suivants : premièrement, présenter, dans le délai imparti, une demande de dispense; deuxièmement, interjeter appel, dans le délai imparti, en ce qui concerne la légalité d'une ordonnance de se conformer à la LERDS, ou interjeter appel, dans le délai imparti, de la décision rendue par la cour de ne pas accorder de dispense ou de la décision rendue par la cour de ne pas prononcer d'extinction; troisièmement, participer à l'instance relative à une demande de dispense ou à un appel; ou quatrièmement, se conformer, dans le délai imparti, à l'obligation de se présenter à un bureau d'inscription — alors, les délais s'appliquant à l'exercice de ces droits ou à l'acquittement de l'obligation de se présenter à un bureau d'inscription seront temporairement suspendus jusqu'à ce que les obligations opérationnelles cessent d'exister.

Cette décision peut être prise uniquement lorsqu'il existe une obligation opérationnelle et que, par suite de cette obligation, l'intéressé est incapable d'exercer l'un de ces droits ou de se conformer à l'obligation de se présenter à un bureau d'inscription.

Ainsi, le chef d'état-major de la Défense ne peut exercer ce pouvoir pour n'importe quelle raison. Il ne peut prendre cette décision simplement parce qu'il serait peu commode de se conformer aux dispositions de la LERDS.

Cette suspension des délais ne peut avoir lieu que s'il est réellement impossible de réaliser l'une des activités énumérées ou de satisfaire à l'exigence consistant à se présenter à un bureau d'inscription.

Nous ne nous attendons donc pas à ce que ce pouvoir soit exercé très souvent. Mais sans ce pouvoir, certaines personnes pourraient se trouver dans la situation intenable d'avoir à violer une obligation juridique afin de se conformer à une autre, ou à renoncer à certains droits découlant de la loi pour s'acquitter d'une obligation juridique en vertu de la Loi sur la défense nationale.

Honorables sénateurs, le seul objet de ce pouvoir est d'éviter les conflits de situations lorsque l'obligation juridique de l'individu de se conformer à un ordre militaire est incompatible avec l'exercice de ses droits ou l'acquittement de ses obligations en vertu de la LERDS. En outre, la suspension cessera de s'appliquer dès que les besoins opérationnels auront été comblés.

L'honorable sénateur Joyal a déposé des amendements dont un se rapporte justement au paragraphe 227.15( 2.1). J'ai lu avec intérêt l'échange de correspondance — vous me permettrez d'avoir pris connaissance de votre correspondance avec le bureau du ministre de la Défense nationale — et il me semble que la proposition finale mise de l'avant par notre collègue l'emporte par sa clarté. Je présume que le sénateur Joyal voudra prendre la parole.

L'amendement apparaît au Feuilleton et le sénateur Joyal, dans le but de le clarifier encore plus, a suggéré quelques modifications linguistiques. J'ai pris connaissance de cette correspondance et je crois que nous devrions ajouter les mots que le sénateur Joyal suggère. Je laisserai au sénateur Joyal le soin de déposer les amendements additionnels en conséquence.

Il serait de bon aloi d'utiliser l'expression « intérêt public » dans cette même disposition. Je pense que l'on sera tous d'accord : l'objectif est de rendre les exceptions contenues dans le projet de loi S-3 les plus claires possible, vu qu'il s'agit de situations exceptionnelles; il s'agit de les encadrer de la façon la plus précise possible.

J'aimerais maintenant aborder le deuxième pouvoir conféré au chef d'état-major de la Défense en vertu du projet de loi S-3. Le pouvoir qui lui est confié en vertu du paragraphe 227.16(1) est entièrement différent et d'une portée encore plus restreinte que celle du pouvoir dont je viens de parler. Il s'applique uniquement aux personnes dont le nom figure dans la base de données et qui seront absentes de leur résidence pendant plus de 15 jours. Habituellement, si un délinquant s'absente de son domicile principal pendant plus de 15 jours, tout en demeurant au Canada, il doit fournir un avis indiquant ses dates de départ et de retour et le lieu où il se trouvera. Si le délinquant quitte le Canada, il doit simplement fournir ses dates de départ et de retour dans l'avis.

En vertu du paragraphe 227.16(1), si le chef d'état-major de la Défense détermine que la divulgation de la date de départ ou de l'endroit risque de compromettre la sécurité nationale, les relations internationales ou la sécurité d'une classe d'opérations désignée, l'individu n'est pas tenu d'inclure ces renseignements particuliers dans l'avis en cas d'absence. Ce pouvoir n'élimine pas l'obligation de fournir un avis en cas d'absence, il ne vise que les renseignements précis qui doivent être transmis lorsque l'avis est donné. Donc, l'avis dira : « Je quitte », et fera référence au pouvoir du chef d'état-major d'indiquer pourquoi il y a cette absence d'information.

On a ajouté au projet de loi actuel une disposition exigeant que le chef d'état-major de la Défense avise le ministre de la Défense nationale chaque fois qu'il exerce un de ces pouvoirs, ce qui permet de traiter la question de la surveillance civile — et encore là, le sénateur Joyal a abondamment traité de cette question et nous lui en savons gré.

Honorables sénateurs, je constate que le temps qui m'est imparti est écoulé. Puis-je bénéficier de cinq minutes supplémentaires?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Nolin : Honorables sénateurs, le projet de loi S-3 permet d'établir un équilibre — enfin! — entre le régime d'enregistrement prévu à la LERDS et les besoins des Forces canadiennes, ainsi que les droits et obligations des individus qui sont visés par l'application de ces lois.

Il se révélera efficace pour ce qui est de garantir que le système de justice militaire reflète les valeurs et les objectifs de la Loi sur l'enregistrement des renseignements sur les délinquants sexuels tout en continuant de respecter en tous points les normes juridiques canadiennes.

Parallèlement, il fournit les outils nécessaires pour faire en sorte que, dans les cas où les obligations juridiques d'un membre des Forces canadiennes, en vertu de la Loi sur la Défense nationale, entrent en conflit avec celles qui lui incombent aux termes de la LERDS, il existe un mécanisme pour résoudre ce conflit.

Le gouvernement propose un certain nombre de mécanismes qui ont l'avantage d'habilement réunir le caractère particulier du contexte opérationnel militaire aux contraintes sociales canadiennes.

Ce projet de loi est, selon moi — et j'espère que vous abonderez dans mon sens —, un pas dans la bonne direction. Je vous conseille donc de l'adopter avec les amendements qui ont été proposés par le sénateur Joyal.

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, je voudrais remercier le sénateur Nolin pour ses propos auxquels je concours — pour utiliser le langage des honorables juges des cours d'appel. J'apprécie énormément les clarifications et les précisions qu'il a apportées au débat.

J'aimerais simplement mentionner qu'il est exact que les statistiques que l'on utilise en référence au harcèlement sexuel dans l'armée remontent à une période d'au-delà de dix ans. Si on veut garder une certaine forme de contrôle sur l'évolution et l'élimination du harcèlement sexuel dans l'armée, compte tenu du problème particulier que cela représente pour les femmes qui travaillent dans l'armée, il est très important d'avoir des statistiques à jour.

Lors de sa comparution, nous avons demandé au ministre de la Défense nationale de faire en sorte que ces statistiques soient mises à jour afin de pouvoir précisément mesurer les améliorations constantes qui ont fait suite aux structures mises en place que le sénateur Nolin a très bien décrites.

(1510)

Il y a seulement un problème de procédure, à ce stade-ci, que je voudrais partager avec les honorables sénateurs et, bien sûr, avec le sénateur Nolin. Dans une lettre que le ministre de la Défense me faisait parvenir, en date du 7 février, la semaine dernière, le ministre a joint des reformulations de l'amendement que j'avais déposé. Je lui ai répondu, dans une lettre en date du 12 février, pour clarifier des éléments et nous en sommes venus à une entente.

Il faudrait, à cette étape-ci, que je demande le consentement des honorables sénateurs pour retirer les amendements qui avaient été déposés et présenter la reformulation qui a été proposée par le ministre de la Défense nationale et à laquelle il a consenti, comme l'a mentionné l'honorable sénateur Nolin.

Il me faut donc le consentement unanime de la Chambre pour pouvoir déposer les amendements que le ministre de la Défense lui- même a revus et rédigés suite aux modifications que je lui ai apportées.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, donnez-vous votre consentement unanime pour retirer cet amendement, selon la demande du sénateur Joyal?

Des voix : D'accord.

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable Serge Joyal : Merci, honorables sénateurs. Je propose donc que soit substitué aux amendements que nous venons de retirer l'amendement suivant. Je vais le lire pour le bénéfice des Journaux du Sénat et je le lirai dans l'autre langue, si vous me le permettez :

[Traduction]

Que le projet de loi S-3 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 4 :

a) par adjonction, après la ligne 16, page 15, de ce qui suit :

« (2.1) Le chef d'état-major de la défense prend une décision seulement s'il est d'avis que les raisons opérationnelles l'emportent clairement sur l'intérêt public à l'application des dispositions de la présente loi dans les circonstances, n'eut été la décision.

(2.2) Avant de prendre la décision, le chef d'état- major de la défense en avise le ministre.

(2.3) Après avoir pris la décision, le chef d'état- major de la défense vérifie, tous les quinze jours, si l'empêchement a cessé. »

b) par adjonction, après la ligne 31, page 16, de ce qui suit :

« 227.171 (1) Le chef d'état-major de la défense présente au ministre, dans les trente jours suivant la fin de chaque année, un rapport sur l'application des articles 227.15 et 227.16 pour cette année, lequel comprend les renseignements suivants :

a) le nombre de décisions prises en vertu de chacun des alinéas 227.15(1)a) à d) et la durée de la suspension découlant de chaque décision;

b) le nombre de décisions prises en vertu du paragraphe 227.16(1) et le nombre de personnes ayant été exemptées en vertu du paragraphe 227.16(4) par suite de chaque décision.

(2) Le ministre fait déposer un exemplaire du rapport devant chaque chambre du Parlement dans les quinze premiers jours de séance de celle-ci suivant sa réception. »

Ces amendements sont clairement les amendements que m'a proposés le ministre de la Défense nationale, y compris deux ajouts que je lui ai proposés.

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion d'amendement?

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté.)

[Traduction]

LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur LeBreton, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Comeau, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (durée du mandat des sénateurs).

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, j'ai quelques observations à propos de ce projet de loi. J'espère qu'il sera adopté à l'étape de la deuxième lecture et renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Comme l'ont précisé de nombreux sénateurs durant leurs discours, la Cour suprême du Canada a tranché la question en 1980. Comme nous le savons, elle a statué qu'il ne relevait pas de la compétence du Parlement de présenter un projet de loi prônant un Sénat élu. La ministre des Affaires intergouvernementales de l'Ontario et le ministre des Affaires intergouvernementales du Québec, lequel détient deux doctorats dans le domaine et connaît bien le sujet, ont tous deux déclaré que le projet de loi qui est à l'autre endroit en ce moment ne relève pas de la compétence du Parlement. Ils vont le contester si le Parlement décide de l'adopter.

La Cour suprême du Canada s'est déjà en partie prononcée sur le projet de loi, le S-4. Un intervenant précédent a fait référence à cette décision durant son allocution. Il a déclaré que le fait de limiter le mandat des sénateurs à 75 ans « pourrait nuire au bon fonctionnement du Sénat qui assure, pour reprendre les paroles de sir John A. Macdonald, « un deuxième coup d'œil attentif à la loi » ».

Honorables sénateurs, la question clé est la suivante : est-ce que le projet de loi S-4 nuit au rôle du Sénat d'offrir un second examen objectif de la loi? Cette question me fascine, moi qui ai passé 28 ans et demi à la Chambre des communes à l'examiner.

Quelle est la norme du second examen objectif du Sénat en matière législative? Honorables sénateurs, je ne crois pas qu'on l'ait définie par écrit. Je n'ai pas réussi à la trouver. Malgré tout, la fonction du second examen objectif de tous nos organismes quasi judiciaires m'apparaît assez évidente. Il s'agit d'organismes qui offrent un second examen objectif par rapport à l'aide sociale, à l'assurance-emploi, à la Sécurité de la vieillesse, au Supplément de revenu garanti, à la pension de vieillesse ou à l'allocation d'ancien combattant.

(1520)

La norme est la suivante : il s'agit de la dernière étape, de la dernière instance. S'il y a une erreur de droit, cette instance a le droit d'intervenir et de rejeter la décision de l'instance inférieure. C'est tout à fait semblable à la révision qui se fait au niveau professionnel. Les médecins, les avocats, les comptables et les infirmières ont tous ce second examen qui est structuré de la même manière. Ils disent qu'ils feront preuve de déférence à l'égard de la première instance décisionnelle qui s'est prononcée sur les faits, et qu'ils ne reviendront pas sur les faits, à moins d'une erreur terrible. Les décisions ne sont renversées que s'il y a eu erreur de droit. On remarquera ces dispositions dans toutes les lois provinciales qui portent sur les médecins, les avocats, les comptables, les infirmières, et cetera. La question a fait l'objet de nombreuses décisions.

Si on considère la même structure générale, elle s'applique expressément aux tribunaux. C'est la même chose. Les cours provinciales ou la section de première instance de la Cour suprême de chaque province se prononcent sur les faits, et la cour d'appel ne peut revoir une décision que s'il y a une erreur de droit, qu'il s'agisse de la Cour suprême d'une province, d'une cour d'appel ou de la Cour suprême du Canada. Elles n'entendent pas de témoins. Il doit être terriblement ennuyeux pour les juges de la cour d'appel d'une province de lire des transcriptions jour et nuit, mais tel est notre système. La même restriction s'applique à la Cour suprême du Canada. C'est seulement dans des circonstances exceptionnelles qu'on peut admettre de nouveaux éléments de preuve, et cela se fait toujours par affidavit. Ces éléments ne sont pas recevables s'ils étaient disponibles au moment du procès. Ils doivent se rapporter à la question à l'étude à la Cour suprême ou à la cour d'appel.

Ici, nous avons le Sénat, différent de toutes ces autres instances de second examen objectif, car il n'existe pas de norme écrite qui régisse l'examen que le Sénat doit faire des projets de loi. Pour toutes les autres instances au Canada qui font un second examen objectif, il existe des règles écrites. Considérez les lois que nous adoptons. D'habitude, les normes régissant l'examen figurent dans les lois ou les règles de la cour.

Que se passe-t-il dans le cas du Sénat? Je proposerais, honorables sénateurs, que nous empruntions les normes qui existent dans notre société. Lorsque je porte un dossier concernant l'aide sociale, l'assurance-emploi ou la sécurité de la vieillesse devant une commission pour qu'elle prenne une décision finale, il existe des règles écrites. D'aucuns demanderont : pourquoi ne pas appliquer la même norme que la Cour suprême du Canada? Si elle est assez bonne pour la Cour suprême du Canada, elle est sûrement assez bonne aussi pour le Sénat du Canada. Est-ce vraiment le cas? Voilà la question. Si nous avions les mêmes règles, la même norme, si telle loi ne relevait pas de la compétence du Sénat, en d'autres termes, s'il y avait erreur de droit, le Sénat devrait la rejeter.

Selon moi, les dispositions les plus intéressantes de la Charte canadienne des droits et libertés sont les paragraphes (1) et (2) de l'article 24, car ils prévoient les recours en cas d'atteinte aux droits garantis par la Charte, peu importe de quoi il s'agit. Le premier paragraphe prévoit une suspension de la procédure ou la demande d'acquittement lorsque la conscience de la collectivité a été choquée. Le deuxième prévoit que des éléments de preuve peuvent être écartés lorsque l'administration de la justice risque d'être déconsidérée. Il y a là une norme selon laquelle on ne peut revoir les faits que par un nouveau procès.

Les députés aux Communes sont élus. Ils se sont prononcés sur les faits. Au moment de son examen, si un sénateur estime que la décision va à l'encontre de la conscience de la collectivité ou risque de déconsidérer l'administration de la justice, je crois qu'il doit se prononcer contre le projet de loi, ce qui correspond exactement à la norme de la Cour suprême du Canada. Si nous suivons la norme écrite pour chacune de ces instances, nous le voyons distinctement. S'il y a une erreur de droit, alors, bien entendu, cette décision doit être annulée. Voilà pourquoi je pense que nous devrions donner suite à la deuxième lecture et renvoyer la mesure au comité pour qu'il puisse en faire un examen approfondi, pour reprendre les mots de sir John A. Macdonald.

C'est une raison — la détermination de la question de savoir s'il y a eu erreur en droit dans cette affaire. La deuxième, c'est la raison même pour laquelle le gouvernement a accepté l'amendement du sénateur Joyal.

Honorables sénateurs, en ce qui concerne la mémoire institutionnelle du Sénat et la fonction qu'il est censé remplir, je vous renvoie à un échange qui a eu lieu la semaine dernière au comité entre le sénateur Joyal et le professeur Hogg, un constitutionnaliste qui, comme l'a dit le président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, est cité plus souvent que quiconque par la Cour suprême du Canada. Le sénateur Joyal a tenté de l'attirer sur un certain terrain. Le professeur a fini par répondre en substance : « Je sais où vous voulez m'emmener. Je ne vous suivrai pas. Cela contredit ce que j'ai dit. Je n'ai pas de réponse logique à cela encore, mais plus tard ce soir, au milieu de la nuit, je me réveillerai et je saurai. »

L'autre raison est la mesure législative que nous venons d'adopter, et je dois féliciter le gouvernement d'avoir accepté l'amendement. Nous parlons de la mémoire institutionnelle du Sénat. Ce projet de loi modifie un pouvoir conféré à la cour martiale. Au milieu de son témoignage, un des témoins a dit : que, en ce qui concerne l'inscription des prédateurs sexuels condamnés, d'autres éléments sont examinés afin, peut-être, de retarder l'inscription de leur nom sur la liste. Un témoin et le ministre ont dit que l'on tenait compte de la question de savoir si, au moment de l'agression, l'agresseur et la victime étaient sous l'influence de l'alcool. J'ai regardé autour de la table, et j'ai vu que tous avaient les yeux grand ouverts. Les membres du comité se sont empressés de dire que « l'intoxication ne peut être invoquée dans les cas d'agression sexuelle, et cela, depuis 15 ans ». C'était le début de l'amendement proposé par le sénateur Joyal et une des raisons pour lesquelles il a été présenté.

Nous étions en train de modifier un pouvoir législatif accordé par le Sénat il y a neuf ans, pas huit ans, qui a fait l'objet d'un débat au Sénat il y a dix ans, et une modification du Code criminel faite il y a 15 ans. Les sénateurs autour de la table s'y connaissaient assez pour faire des recommandations relatives au projet de loi qui aideront le gouvernement du Canada à remanier le projet de loi lorsqu'il sera renvoyé à la Chambre des communes.

Honorables sénateurs, j'espère que nous pourrons terminer le débat à l'étape de la deuxième lecture le plus vite possible. Je suis le dernier membre du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles à prendre la parole de ce côté du Sénat. Nous devrions soumettre sans tarder le projet de loi au vote et le renvoyer à ce comité pour qu'il en commence l'étude.

(1530)

L'honorable Anne C. Cools : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Cools, j'aimerais premièrement rappeler au sénateur Baker qu'il lui reste une minute.

Le sénateur Baker : C'est bien.

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, j'ai écouté le sénateur Baker avec beaucoup d'intérêt. Ses propos évoquent la tradition ancienne de common law et de droit constitutionnel dont a hérité le Canada grâce à l'article 18 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. L'honorable sénateur a parlé de l'article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867, relativement aux principes d'application du droit et à la grande notion de common law qui veut qu'à toute étape d'une procédure, si on découvre une erreur, on doit y remédier sans préjudice pour les acteurs des étapes précédentes de la procédure. Peu de gens connaissent l'article 24 de la Charte des droits et libertés. Permettez-moi donc de le lire :

24.(1) Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.

Honorables sénateurs, la plupart des gens ne se rendent pas compte que l'expression « tribunal compétent » employée dans l'article comprend la Haute Cour du Parlement, dont le Sénat forme une partie importante.

Je voudrais entendre le sénateur Baker sur la question profonde du rôle du Sénat, en ce qui a trait non seulement au second examen objectif, mais également à la Haute Cour du Parlement, qui a le dernier mot sur les questions de composition, conformément à la Constitution du pays. Les sénateurs ne doivent pas oublier que la Loi constitutionnelle de 1867, c'est-à-dire l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, était censée être une adaptation de la Constitution britannique à ce territoire nouveau et légèrement sauvage.

Le sénateur Baker : Pendant que madame le sénateur posait sa question, je pensais au premier article du Code criminel, dont une disposition porte sur les personnes qui trompent le Sénat ou un comité du Sénat ou leur fournissent des renseignements trompeurs. La procédure habituelle, lorsqu'on agit avec l'intention de tromper la cour, est la poursuite. Le Code criminel mentionne d'abord le Sénat et les comités du Sénat, puis la Chambre des communes. Par conséquent, honorables sénateurs, quiconque trompe Son Honneur ou un sénateur, quel qu'il soit, est passible de dix années d'emprisonnement en vertu du Code criminel du Canada.

Cela répond-il à la question du sénateur?

Le sénateur Cools : Oui, je vous remercie. Honorables sénateurs, le sénateur Baker a soulevé d'importantes questions. L'opinion majoritairement exprimée à propos de ce projet de loi est qu'il n'existe pas de fondement constitutionnel permettant d'apporter de telles modifications au moyen d'un simple projet de loi. Il n'existe tout simplement pas de fondement. On pourrait en débattre, mais la plus belle preuve qu'il n'y en a pas est le fait que, s'il y en avait, on peut être certain qu'il y a longtemps qu'un autre premier ministre ambitieux s'en serait servi.

Honorables sénateurs, j'aborderai ces questions à une séance ultérieure du Sénat. Je propose donc l'ajournement du débat.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le sénateur Cools, avec l'appui du sénateur Prud'homme, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Une voix : Les oui l'emportent.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Stratton : Nous nous sommes entendus pour que la sonnerie retentisse durant 30 minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Convoquez les sénateurs.

(1600)

(La motion est adoptée et le débat est ajourné.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Bacon Harb
Banks Hervieux-Payette
Biron Hubley
Bryden Joyal
Carstairs McCoy
Chaput Mercer
Cook Milne
Cools Mitchell
Corbin Moore
Cordy Peterson
Cowan Phalen
Dallaire Ringuette
Downe Robichaud
Fraser Tardif
Goldstein Watt—31
Grafstein

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Champagne Nancy Ruth
Cochrane Nolin
Comeau St. Germain
Keon Stratton—9
Meighen

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun

(1610)

LA LOI SUR LES ALIMENTS ET DROGUES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Tommy Banks propose que le projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (eau potable saine), soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, comme vous le savez, le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a fait rapport hier de ce projet de loi sans propositions d'amendement. C'est la seconde fois que nous en faisons rapport. La première fois, le projet de loi était tellement proche de celui-ci qu'on pourrait dire que son but, son objet, son intention et ses effets étaient identiques.

Je vous exhorte donc à passer à l'étape de la troisième lecture. Je voudrais vous rappeler ma version caricaturale de l'objet du projet de loi. Le sénateur Grafstein vous donnera plus de détails à ce sujet, mais la Loi sur les aliments et drogues est conçue pour s'assurer que les fournisseurs de tout ce que nous ingérons au Canada veillent à ce que les produits que nous achetons, obtenons, utilisons et absorbons ne nous feront pas de mal et prennent des mesures raisonnables pour éviter de nous tuer ou de nous rendre malades. La loi s'applique aux cigarettes, à la gomme à mâcher, aux tablettes de chocolat, aux flocons de maïs et à tous les aliments imaginables. La seule chose à laquelle les normes fédérales ne s'appliquent pas est aussi la seule sans laquelle nous ne pouvons vivre. Nous pouvons nous passer de céleri, de tablettes de chocolat, de gomme à mâcher et même de glaçons, mais nous ne pouvons pas vivre sans eau, et c'est la seule chose que nous absorbons sans qu'elle soit assujettie à la réglementation fédérale.

Voilà donc l'objet de ce projet de loi dont je vous exhorte à appuyer l'adoption.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier le sénateur Banks pour son excellente analyse du projet de loi. Je crois qu'il en a expliqué l'essence. Je tiens également à remercier les membres du comité pour leur patience et leur indulgence puisque le projet de loi leur a été renvoyé pour la seconde fois. Le comité l'a étudié très soigneusement, a entendu un assez grand nombre de témoins, a examiné le projet de loi une seconde fois et l'a encore une fois recommandé à l'unanimité à la Chambre, sans propositions d'amendement.

Honorables sénateurs, me voici encore une fois faisant appel à votre patience et à votre indulgence pendant que je présente un bref aperçu de l'histoire assez longue et épisodique du projet de loi. Ce mois-ci marque le sixième anniversaire du dépôt du projet de loi dans une forme essentiellement identique. J'ai déposé pour la première fois le projet de loi S-18 au Sénat en février 2001, il y a six ans. Il a été adopté à l'étape de la deuxième lecture le 24 avril 2001 et a été renvoyé au même comité qui en a fait rapport sans propositions d'amendement le 10 mai 2001. À l'étape de la troisième lecture, il a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour une question touchant la Constitution. Il est ensuite resté en plan au Feuilleton lors de la dissolution des Chambres.

Je l'ai déposé à nouveau sous le numéro S-42 et nous en sommes maintenant saisis sous le numéro S-205. Le projet de loi est essentiellement le même depuis son dépôt au Sénat il y a six ans.

Comme l'a signalé le président du Comité de l'énergie, le projet de loi est simple. Ayant un objet correctif et clinique, il est économique et simple à comprendre. Il modifie la Loi sur les aliments et drogues en y ajoutant l'eau potable saine, pour que l'organisme fédéral responsable de sa réglementation s'en occupe dans toutes les collectivités de plus de 25 habitants.

Le gouvernement fédéral réglemente déjà l'eau, comme l'a noté le président du comité. Il contrôle l'eau embouteillée et les glaçons. En vertu des autres pouvoirs qui lui sont conférés, le gouvernement fédéral réglemente également l'eau potable dans les parcs et à bord des avions et des navires. Il ne s'agit donc pas d'un nouveau pouvoir fédéral.

Je tiens à souligner que nous sommes le seul pays développé qui n'applique pas à l'échelle nationale des normes concernant l'eau potable.

Le projet de loi a fait l'objet de deux objections que je vais rapidement passer en revue. La première est d'ordre constitutionnel. Finalement, après six ans, des témoins représentant le gouvernement ont dit que cette objection n'existe plus. Ils ont clairement confirmé qu'il n'y a pas d'obstacle constitutionnel à l'adoption du projet de loi. Cette confirmation a été donnée au comité pas les fonctionnaires du ministère de la Santé, qui ont dit sans équivoque qu'il n'y avait pas de problème. Le principal obstacle présenté au Sénat était fallacieux et a été écarté par le gouvernement actuel.

Par conséquent, en examinant cette question, nous nous disons qu'en l'absence d'une objection constitutionnelle, nous n'avons pas à nous appesantir sur ce point, à renvoyer le projet de loi à un autre comité ni à nous soustraire à la responsabilité de résoudre ce problème particulier.

La seconde objection soulevée par le gouvernement est que les lignes directrices volontaires fonctionnent déjà dans les provinces et que nous n'avons donc pas besoin du projet de loi. Sous le régime actuel, le gouvernement fédéral parle aux provinces, qui agissent dans le cadre d'un ensemble de normes volontaires. Après quelque temps et quelques discussions, le gouvernement fédéral inscrit ces normes dans un projet de loi ou un règlement fictif, mais elles n'ont aucun caractère obligatoire. Les provinces y satisfont ou non. Elles soutiennent qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une norme obligatoire parce que les normes volontaires marchent bien.

La bonne nouvelle, c'est que depuis le dépôt du projet de loi et depuis les alertes de Walkerton, en Ontario, de North Battleford, en Saskatchewan, de Charlottetown, dans l'Île-du-Prince-Édouard, et tout récemment de Vancouver, en Colombie-Britannique, dont une bonne partie de la population a dû faire bouillir son eau pendant quelque temps, les provinces ont finalement commencé à se concentrer sur cette question et à y consacrer beaucoup d'argent. La mauvaise nouvelle, c'est que rien n'a beaucoup changé malgré l'argent affecté et l'activité politique parce que les provinces ne font pas encore ce que la Constitution les charge de faire, à savoir veiller sur la santé de leurs citoyens.

Je tiens à rendre spécialement hommage à mes collègues qui représentent la communauté autochtone, le sénateur Adams, le sénateur Sibbeston et surtout le sénateur Watt, qui était venu me voir avec ce problème il y a six ou sept ans. Le sénateur Watt m'a dit que le problème était monumental dans les collectivités autochtones. La plupart de celles-ci n'ont même pas une bonne eau potable. J'avais alors examiné la question, ce qui m'avait vraiment ouvert les yeux. Je voudrais donc rendre un hommage particulier au vrai parrain du projet de loi, le sénateur Watt. Sans ses encouragements, je ne crois pas que j'aurais persévéré pendant toutes ces années.

Nous savons que les collectivités autochtones connaissent un grave problème qui n'a pas été réglé. Depuis le dépôt de ce projet de loi, nous avons eu affaire à trois gouvernements successifs qui ont promis de s'occuper du problème dans les collectivités autochtones. M. Chrétien l'a promis dans un discours du Trône. M. Martin l'a également promis dans un discours du Trône.

(1620)

Le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, M. Prentice, s'est engagé lui aussi. On a tenté de résoudre le problème à coup d'argent, mais pour ce qui est tout particulièrement des collectivités autochtones, il n'existe toujours pas de surveillance réglementaire. Même si les chiffres varient à cause du manque de renseignements précis, on peut dire qu'entre 150 et 500 collectivités autochtones n'ont pas l'eau potable.

J'ai relaté aux honorables sénateurs il y a de cela quelques années l'horrible anecdote dont j'ai été saisi lorsque j'ai organisé une rencontre dans une collectivité autochtone du Nord de l'Ontario. Une femme de Grassy Narrows s'est approchée de notre groupe et nous a dit ce qui suit : « Je viens de Grassy Narrows et si je veux avoir un bébé sans difformité, je dois quitter ma réserve et purifier mon utérus durant trois ans pour être certaine que mon bébé ne sera pas déformé. »

Même en faisant état de cette situation scandaleuse, je n'ai pas été capable de motiver le gouvernement de l'époque à régler ce problème. L'une des raisons d'être du projet de loi à l'étude consiste à assurer une surveillance obligatoire pour que les fonctionnaires fédéraux et provinciaux fassent le travail qu'ils se sont engagés à faire, à savoir assurer la santé à tous et chacun des Canadiens.

Que s'est-il passé depuis ce moment-là? Selon l'étude la plus récente, le Canada figure pratiquement au bas de la liste pour ce qui est de sa gestion de l'eau potable. Nous sommes au 26e rang sur 28 pays du monde développé pour la gestion de nos ressources hydriques, ce qui englobe les ressources en eau potable.

J'ai pris connaissance avec intérêt du rapport récent publié par l'Université Simon Fraser sous l'égide de la Fondation David Suzuki. Soit dit en passant, David Suzuki et moi avons fréquenté la même école secondaire. Dans son rapport intitulé The Maple Leaf in the OECD, le Dr Suzuki évalue les progrès en matière de viabilité des ressources hydriques. Il attire l'attention sur un aspect que je me suis moi-même efforcé de faire valoir et qui est maintenant bien établi, à savoir que, même s'il se fait très tard, il n'existe aucune évaluation complète de la qualité de l'eau potable au Canada. Voici pourquoi, selon le rapport, à la page 24 :

Une évaluation complète de la qualité de l'eau au Canada n'est pas possible à cause de l'insuffisance de données nationales sur le contrôle de la qualité de l'eau.

Ce n'est donc pas seulement une réglementation qui nous manque : il nous manque aussi des données. Cependant, il existe une abondance de preuves empiriques dans toutes les régions du pays pour nous convaincre — nous du Sénat des régions — que nous faisons preuve d'une insouciance inacceptable en matière d'eau potable.

Lorsque les fonctionnaires ont comparu — soit dit en passant, je ne les critique pas : ils accomplissent leur travail et ils font de leur mieux, compte tenu du mandat qui leur est confié —, ils se sont dits incapables de nous donner des renseignements sur la nature ou la qualité de l'eau potable dans les diverses régions parce qu'il n'existe pas d'analyse scientifique ou complète qui établit un lien entre l'eau de mauvaise qualité et un état de santé médiocre.

J'avais donc ce problème sur les bras. Je me suis adressé à un spécialiste exceptionnel, David Schindler, de l'Alberta, que certains sénateurs connaissent peut-être. Lui et moi avons travaillé sur le problème et trouvé un logarithme à partir de l'information que nous avions à ce moment-là. C'était il y a six ans, et la situation a empiré depuis.

Il y a six ans, M. Schindler et moi avons conclu que les coûts que le système de santé devait subir à cause de ce problème s'élevaient à au moins 1 ou 2 milliards de dollars. L'estimation était prudente. Elle ne tenait compte que des coûts directs, et non des coûts indirects, par exemple ceux de l'incapacité de travailler à cause d'un problème causé par une eau potable de mauvaise qualité.

Le Canada demeure le seul pays moderne dans le monde industrialisé qui n'ait pas de normes exécutoires imposées par règlement. Les Américains se sont donné des normes en 1974. Malgré le problème des droits des États, ils sont allés de l'avant. Aujourd'hui, si on habite aux États-Unis et si on veut se renseigner sur la qualité de l'eau dans sa région, on peut aller sur un site web, inscrire son code régional, son 604 ou son 908, et trouver tous les avertissements les plus récents sur la qualité de l'eau dans sa région. Nous aimons bien critiquer les Américains, mais nous tirons de l'arrière.

Même la vérificatrice générale a dit que le Canada tirait de l'arrière. Les faits ne se trouvent pas que dans le rapport. Elle a aussi témoigné devant le comité. Il a été frappant d'entendre la vérificatrice générale dire que même les lignes directrices d'application facultative sont terriblement dépassées et ne sont pas appliquées. Même ces lignes directrices accusent plusieurs années de retard. Le comité a entendu des témoignages selon lesquels il se fait du rattrapage dans les lignes directrices et qu'on domine maintenant la situation. Toutefois, personne ne peut nous dire avec certitude si chacune des provinces applique même ces lignes directrices non exécutoires.

Nous avons enfin reçu un avis du ministère de la Santé. Pour la première fois, de l'information. Je tiens à remercier le président du comité, car il a réclamé cette information, tout comme moi, au comité. Je ne suis pas membre du comité.

Nous avons appris qu'il y avait des milliers d'avertissements demandant de faire bouillir l'eau, avertissements venant des quatre coins du pays. Le ministère de la Santé a enfin dressé une liste. Puis, nous avons reçu une déclaration, déposée par le comité, selon laquelle il y avait 1 174 de ces avertissements en vigueur. Ce nombre ne semble pas énorme pour le Canada, mais ce n'était pas un chiffre véridique; c'était seulement le nombre à un moment précis, en décembre. Et même cet échantillon limité révélait que 250 000 Canadiens étaient exposés à des risques. Si on extrapole sur l'année entière, il faut sans doute multiplier par dix ou 12. La qualité de l'eau potable est un grave problème de santé au Canada, et ces lignes directrices d'application facultative ne permettent pas de s'y attaquer.

Chose certaine, le système ne marche pas. Ces avertissements lancés aux consommateurs doivent nous alerter. J'ai le regret de dire que le Sierra Legal Defence Fund est en train de faire un classement des provinces. La Colombie-Britannique est une province que nous admirons et qui est bien représentée au Sénat. Elle est fière de son bilan en matière d'approvisionnement en eau potable. Or, elle a reçu une note de C+ à cause du grand nombre d'avertissements demandant de faire bouillir l'eau, non seulement en décembre, mais aussi tout au long de l'année.

L'autre situation scandaleuse est celle de Terre-Neuve. Dans cette province, un certain nombre de collectivités isolées n'ont jamais eu d'eau potable propre. Au XXIe siècle, des localités des secteurs éloignés à Terre-Neuve n'ont pas d'eau potable salubre. Une femme qui a une famille de quatre, cinq ou six personnes doit faire bouillir l'eau tous les jours pour accomplir ses tâches ménagères et veiller à ce que ses enfants boivent de l'eau salubre. C'est scandaleux et inexcusable. L'argent est là, mais nous n'avons pas la volonté politique nécessaire pour nous attaquer au problème.

Pourquoi le problème se pose-t-il au niveau local et non national? C'est clair : il ne trouve aucun écho dans les médias nationaux. Il y a des avertissements locaux ça et là, mais personne ne calcule les chiffres. Grâce aux efforts du président de cet excellent comité, nous avons reçu les premiers chiffres du ministère de la Santé, et ils sont renversants. C'est étrange.

Les Canadiens s'inquiètent de ce qui se passe dans le monde. Les sénateurs trouveront cette information dans le merveilleux rapport que je viens de déposer aujourd'hui. La première chose que nous faisons, lorsque nous allons en Afrique, c'est fournir des systèmes de distribution d'eau salubre. Lorsque nous allons en Afghanistan, la première chose que nous faisons, sénateur Dallaire, c'est veiller à ce que nos soldats aient de l'eau salubre à boire. Nous fournissons des systèmes de distribution d'eau potable dans le monde entier, mais nous ne le faisons pas au Canada. N'est-ce pas renversant? N'est-ce pas paradoxal?

Je vais terminer mon intervention par un dernier fait paradoxal. Il y a environ deux semaines, le service chargé d'appliquer la Loi sur les aliments et drogues a publié un nouvel avertissement au sujet de l'alimentation. Il dit, comme le sénateur Banks l'a signalé, qu'il faut obligatoirement boire huit verres d'eau par jour si on veut avoir un régime alimentaire sain. Voilà ce qu'on dit au Canada, mais personne n'a pour mandat de veiller à ce que toutes les régions du pays fournissent de l'eau potable salubre.

Je crois dans la Constitution et l'égalité. Je crois que tous les Canadiens, où qu'ils vivent, hommes, femmes et enfants, ont le droit de boire un verre d'eau salubre huit fois par jour. Je crois que, au moyen de ce projet de loi, nous assurerons une bonne surveillance pour garantir que chaque Canadien puisse en toute égalité exercer son droit : boire huit verres d'eau salubre chaque jour.

J'exhorte les sénateurs à approuver rapidement le projet de loi.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le sénateur Dallaire voudrait poser une question. Le sénateur Grafstein accepte-t-il de répondre à des questions?

Le sénateur Grafstein : Oui.

L`honorable Roméo Antonius Dallaire : Ma fille est une jeune ingénieure civile, et elle s'apprête à partir pour six mois en Afrique du Sud afin d'y construire des réseaux d'égout et de distribution d'eau pour l'Agence canadienne de développement international, l'ACDI.

(1630)

Bob McDonald, animateur de l'émission Quirks & Quarks à la radio anglaise de Radio-Canada, a fait une démonstration en se servant d'un verre d'eau. Si un verre plein représente toute l'eau de la planète, a-t-il dit, et qu'on enlève l'eau des océans, les calottes glaciaires du pôle Nord et du pôle Sud et l'humidité contenue dans l'atmosphère, la quantité d'eau potable qui reste remplit à peine le fond du verre. De plus, M. McDonald a dit que 70 p. 100 de l'eau potable de la planète se trouve au Canada, ajoutant : « Nous pissons dedans. » Voilà à quel point nous abusons de nos ressources en eau.

La Californie et l'Arizona ont d'immenses plantations, dans lesquelles on utilise jusqu'à la dernière goutte d'eau disponible pour arroser des surfaces artificielles telles que des terrains de golf.

Quel processus de sécurité, quel plan de gestion future avons-nous mis en place à l'égard de l'eau du Canada, compte tenu de l'abus extraordinaire d'eau dans notre continent, sans parler de notre capacité de la garder propre pour nos citoyens?

Le sénateur Grafstein : Je ne voulais pas aborder cette question, mais je vais le faire très brièvement. Cela concerne en fait un autre projet de loi qui est inscrit au Feuilleton. J'ai l'intention de m'en occuper aussitôt que celui-ci aura été adopté.

Au Canada, les statistiques sont très claires. En surface, nous avons les plus grandes réserves d'eau potable de la planète. Une grande partie est maintenant polluée, et le problème ne s'améliore pas, il empire.

L'autre problème, qui est plus grave que celui-ci et qui fait que l'OCDE, M. Suzuki et l'Université Simon Fraser nous condamnent, est celui de la durabilité : nous consommons beaucoup plus d'eau que nous n'en restituons au système sous une forme purifiée. C'est un problème grave auquel nous devons nous attaquer.

J'ai déposé au Sénat un autre projet de loi qui traite du problème d'amont, c'est-à-dire des bassins hydrographiques. Très brièvement, je demande au gouvernement fédéral de dresser les cartes de tous les bassins hydrographiques du Canada pour que nous puissions au moins les suivre, afin d'essayer de les préserver. Nous ne le faisons pas. Cette question fait donc l'objet d'un autre projet de loi.

Nous discutons maintenant du problème d'aval. Les deux sont liés, mais pas directement. En aval, nous pouvons faire de l'épuration par voie réglementaire, en assumant des coûts supplémentaires. Comme l'a signalé le sénateur Banks, nous payons notre eau, mais comme elle est tellement abondante, le prix que nous payons est très faible, ce qui fait que les gens ne s'en rendent même pas compte. Il faut noter que l'eau embouteillée représente actuellement le domaine commercial qui se développe le plus rapidement au Canada. Si vous achetez une bouteille de Fiji ou d'Évian dans un restaurant, vous la paierez bien souvent plus cher qu'un verre de vin. C'est un phénomène assez curieux. Par ailleurs, l'eau potable de Toronto est meilleure que la plupart des eaux embouteillées parce que nous avons travaillé sans relâche sur ce problème dans la ville. D'autres villes n'ont pas la même chance, mais c'est parce qu'elles n'ont pas suffisamment travaillé.

Nous avons un problème. C'est une question plus vaste que nous aborderons, je l'espère, dans le cadre de l'étude de l'autre projet de loi inscrit au Feuilleton.

(Sur la motion du sénateur Cochrane, le débat est ajourné.)

LA SITUATION DE L'ALPHABÉTISME

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Fairbairn, C.P., attirant l'attention du Sénat sur la situation de l'alphabétisme au Canada, ce qui donnera à tous les sénateurs présents dans cette enceinte l'occasion de parler de cette question qui, dans notre pays, est souvent oubliée.—(L'honorable sénateur LeBreton, C.P.)

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, je suis très heureux de prendre la parole aujourd'hui dans le cadre de l'interpellation du sénateur Fairbairn sur la situation de l'alphabétisme au Canada.

Le libellé de l'interpellation contient un passage très significatif : « ce qui donnera à tous les sénateurs présents dans cette enceinte l'occasion de parler de cette question qui, dans notre pays, est souvent oubliée ». C'est tellement vrai!

Nous oublions souvent les nombreux problèmes auxquels les Canadiens sont confrontés et faisons abstraction de certains des défis qui les guettent. Toutefois, il nous serait assez difficile de ne pas remarquer celui-ci. L'alphabétisation est une chose vraiment très simple à saisir, mais il n'y a pas de solution simple pour surmonter les obstacles que beaucoup affrontent lorsqu'ils ont des capacités de lecture et d'écriture insuffisantes.

Honorables sénateurs, l'alphabétisme est l'aptitude élémentaire la plus essentielle. Qu'il s'agisse de lire, d'écrire, de penser ou d'utiliser ses aptitudes sociales, l'alphabétisme est la porte qui mène vers une société cultivée, pratique et productive. Comment, dans ces conditions, le nouveau gouvernement du Canada peut-il couper le financement des programmes d'alphabétisation? Comment le gouvernement fédéral peut-il faire abstraction de l'importance de ces programmes, même dans ma province, la Nouvelle-Écosse? D'après Literacy Nova Scotia, ces réductions auront des incidences négatives sur 6 000 habitants de la province qui sont actuellement inscrits aux programmes d'alphabétisation, de même que sur les 30 p. 100 de Néo-Écossais qui n'ont pas fini leurs études secondaires.

L'une des raisons mentionnées pour justifier ces coupures et d'autres est que les programmes ne nous en donnaient pas pour notre argent. Pouvez-vous le croire? Est-ce que mes collègues des deux côtés aimeraient faire une visite chez Literacy Nova Scotia et donner cette explication aux nombreux citoyens qui suivent ses programmes?

Je soutiens qu'au lieu de réduire le financement, nous devrions l'augmenter à cause du succès absolu de ces programmes et des résultats qu'ils donnent. Voici ce qu'en disaient l'OCDE et Statistique Canada en 2004 : Une croissance de 1 p. 100 du niveau moyen de littératie et de numératie au Canada produira une augmentation permanente de 1,5 p. 100 du PIB par habitant. Cela représenterait environ 18 milliards de dollars par an. C'est vraiment beaucoup d'argent.

Je voudrais donc dire à mes amis conservateurs que l'alphabétisme est une bonne affaire et un objectif très sensé.

J'ai souvent parlé ici du lien qui existe entre l'alphabétisme et l'éducation, d'une part, et la santé et les facteurs économiques qui influent sur nos collectivités, de l'autre. J'ai toujours été persuadé que l'alphabétisation est l'une des voies menant à l'élimination de la pauvreté.

En octobre 2005, j'ai assisté à Halifax au lancement de Humanities 101, cours de sciences humaines Clemente. Le Clemente Course, créé par Earl Shorris aux États-Unis, tente de briser le cycle de la pauvreté grâce à l'éducation. Toutes les universités de Halifax avaient donné du temps d'enseignement, et des dons en argent avaient été versés par la Fondation McCain, la Fondation de la Banque Royale du Canada, et par des particuliers, y compris moi-même, afin de financer la location des locaux et l'achat de matériel d'enseignement, d'approvisionnements et de nourriture. Des services de garde étaient même prévus pour ceux qui en avaient besoin. Cela s'est fait sans aide du gouvernement, mais c'est difficile parce qu'il y a tellement de programmes qui sont financés qu'il n'y a jamais assez d'argent pour tous.

Il n'y a pas de doute qu'avec les nouvelles réductions, il sera impossible d'obtenir de nouveaux fonds pour cette initiative ou pour d'autres. Il sera également difficile de maintenir les niveaux de service dans les programmes actuellement financés. Les programmes qui dépendent exclusivement des fonds publics sont en danger quand ils n'ont pas déjà disparu.

(1640)

Honorables sénateurs, la pauvreté n'est ni facile à vivre ni facile à surmonter. Des étudiants du Clemente Course, qui vivaient dans la rue auparavant, sont devenus enseignants eux-mêmes. Et maintenant? Qu'en est-il des milliers de Néo-Écossais qui dépendent des programmes d'alphabétisation pour améliorer leur vie et celle de leur famille? Qu'en est-il des dizaines de milliers de Canadiens qui sont dans la même situation ailleurs au pays? La conséquence de ces compressions budgétaires est énorme, plus encore que ce que les sénateurs imaginent.

J'attire l'attention des sénateurs sur un article paru en janvier dans le Globe and Mail. Il racontait l'histoire d'un machiniste de l'Alberta qui a perdu son avant-bras gauche. Son employeur a reçu une nouvelle machine. Son fonctionnement semblait similaire à celui des vieilles machines qu'elle remplaçait. C'est l'homme en question qui s'occupait de la machine. L'accident s'est produit parce que le travailleur ne pouvait pas lire le nouveau manuel d'utilisation.

Honorables sénateurs, il n'est pas difficile de comprendre à quel point les compétences en lecture et en écriture améliorent la santé et la qualité de vie. Elles peuvent même sauver une vie ou, en l'occurrence, un membre. Il n'est pas difficile de comprendre qu'une meilleure santé est synonyme de productivité accrue. Il n'est pas non plus difficile de comprendre qu'une meilleure productivité favorise des collectivités meilleures et plus sûres.

Ces faits sont bien connus, mais on a tout de même réduit le financement des programmes d'alphabétisation. Le premier maillon de la chaîne a été brisé. Comme le dit le reste de l'adage, la chaîne n'est pas plus forte que son maillon le plus faible.

Honorables sénateurs, j'aimerais parler de la perspective des provinces. Quel fardeau supplémentaire pouvons-nous imposer aux gouvernements provinciaux pour résoudre les problèmes socioéconomiques? Dans la foulée de ces compressions touchant l'alphabétisation et de nombreux autres domaines, les provinces doivent combler les lacunes. Peuvent-elles se le permettre? Pouvons- nous nous permettre de fermer les yeux et de ne pas nous battre pour que ces compressions soient renversées?

En conclusion, honorables sénateurs, je vous implore de regarder ce qui se passe non seulement en ce qui concerne les programmes d'alphabétisation, mais aussi les programmes pour les femmes, les enfants et les bénévoles. Je vous prie de demander à votre gouvernement la raison de ces réductions. Je vous implore d'exiger le rétablissement du financement de ces programmes. Vous devez le faire pour vos enfants, vos petits-enfants et vos collectivités. Comme politiciens, nous ne pouvons pas améliorer la vie des citoyens que nous servons en effectuant des compressions injustifiées dans d'importants programmes, ces mêmes programmes qui nous aident à nous préparer un avenir meilleur.

L'honorable Yoine Goldstein : Honorables sénateurs, je veux me joindre à ceux qui se sont déjà associés à l'interpellation de madame le sénateur Fairbairn sur l'état de l'alphabétisation au Canada. Connaissant parfaitement bien son sujet, elle a parlé avec la passion et l'engagement pour lesquels elle est tenue en haute estime dans cette enceinte et ailleurs. Ceux d'entre vous qui se sont également associés à son interpellation partagent manifestement cet engagement et cette passion.

Je dois souligner que cette interpellation a été motivée par la décision profondément regrettable, prise par le gouvernement l'année dernière, de sabrer 17,7 millions de dollars dans les programmes d'alphabétisation des adultes d'un bout à l'autre du pays. Cette coupe fait partie d'un train de réductions d'un milliard de dollars ciblant surtout des programmes de justice sociale, ce qui montre bien le manque d'intérêt du gouvernement actuel pour le bien-être des citoyens ordinaires.

Cette réduction des subventions est d'autant plus déplorable que les Canadiens qui ne savent ni lire ni écrire n'ont pratiquement aucune chance de trouver un emploi, ont de la difficulté à exercer leurs droits démocratiques et sont incapables de participer aux échanges et aux interactions qui contribuent à définir notre société et nos valeurs.

Aujourd'hui, cependant, je veux parler d'un autre aspect de l'alphabétisation qui est souvent laissé de côté, à savoir l'habileté arithmétique, appelée « numeracy » en anglais. Ce mot nouveau est une contraction des mots « numerical » et « literacy ».

Il désigne la « capacité de lecture de textes au contenu quantitatif ou mathématique» et fait référence à la capacité d'une personne d'utiliser et de comprendre les nombres et d'effectuer les calculs mathématiques élémentaires qui sont nécessaire dans la vie courante, à la maison et au travail, notamment pour établir un budget familial, déterminer les produits qui offrent la meilleure valeur par rapport au prix, ainsi que pour s'acquitter de tâches plus complexes comme l'élaboration d'un plan de retraite à long terme. L'habileté arithmétique est essentielle lorsqu'une personne doit décider de la meilleure façon de financer ou de refinancer son automobile ou choisir un type ou l'autre de police d'assurance. Bref, diverses activités quotidiennes du Canadien moyen exigent une habileté arithmétique.

Ressources humaines et Développement social Canada considère l'habileté arithmétique comme l'une des neuf compétences essentielles pour occuper un emploi. En effet, le site web du ministère place l'habileté arithmétique au premier rang des compétences en ordre d'importance pour 102 types d'emploi au Canada. Pour certains de ces emplois, on ne penserait pas nécessairement que des habiletés arithmétiques sont nécessaires, par exemple pour servir dans les bars, transformer le poisson, tisser, manœuvrer de l'équipement lourd, peindre des bâtiments, exploiter une scierie et souder. Pourtant, dans tous ces domaines, l'habileté arithmétique est essentielle au calcul des surfaces et des volumes, pour déterminer les proportions précises des mélanges ou pour faire des évaluations de coûts. Il y a bien des emplois de col bleu où l'habileté arithmétique est nécessaire pour des raisons de sécurité, par exemple pour comprendre les instructions relatives à l'usage et au mélange de produits chimiques dangereux ou, comme l'honorable sénateur Mercer l'a mentionné, pour manœuvrer de l'équipement lourd.

Au cours des dernières décennies, les capacités de calcul sont devenues de plus en plus importante dans nos vies, car les Canadiens sont appelés à prendre de plus en plus de décisions financières de plus en plus complexes. Avec l'apparition de nouveaux produits tels que les prêts sur salaire, les hypothèques inversées, les lignes de crédit à la consommation, les opérations sur cartes de crédit et les frais afférents, les hypothèques sans versement initial et d'autres produits de crédit complexes, tous les consommateurs ont davantage de choix dans leur façon de gérer leur crédit. Toutefois, la multiplication des produits augmente les risques que les consommateurs fassent des choix mal adaptés à leurs besoins. En raison du recul progressif de la valeur des régimes de pension d'employeur, les décisions relatives à l'épargne retraite et aux REER sont cruciales, car elles seront garantes de l'aisance financière à la retraite.

Heureusement, il y a des Canadiens qui ont pu tirer parti de ces nouveaux produits et améliorer leur bien-être financier. Pour les personnes avisées, il est relativement simple de bénéficier de crédit à bas coût, d'investissements rentables, d'abris fiscaux et de protéger leurs avoirs. Pour ces personnes, la diversité et la complexité accrues du système financier canadien offrent des occasions à saisir.

En revanche, il y a des gens qui n'ont pas les capacités de calcul voulues pour faire les achats les plus avisés au supermarché, sans parler de faire la différence entre les divers produits de crédit. La capacité de déterminer les écarts de prix relatifs est essentielle pour les familles à faible revenu. Par exemple, la différence entre deux boîtes de pâtes pour 2 $ et un rabais de 40 p. 100 sur une boîte qui coûte habituellement 1,50 $ n'est peut-être pas énorme, mais elle peut représenter une économie intéressante à long terme, particulièrement chez les gagne-petit.

Ce qui est encore plus troublant, c'est que les personnes qui n'ont pas de capacités de calcul ne peuvent pas évaluer le coût du crédit qu'elles peuvent obtenir par le truchement du système de crédit. Nombre de Canadiens qui n'ont pas de capacités de calcul payent beaucoup plus qu'ils ne le devraient pour des prêts. Par exemple, ils pensent qu'ils font une très bonne affaire lorsqu'on leur consent un prêt sur salaire de 300 $, pour une durée de deux semaines, assorti d'un montant de 50 $ en frais d'intérêt et en frais afférents. En taux annualisé, ce montant de 50 $ représente un taux d'intérêt exorbitant qui prive des Canadiens de revenus durement gagnés. Il en va de même des avances sur les cartes de crédit ou de l'utilisation de tout produit de crédit assorti d'intérêts composés qui se cumulent souvent à une cadence plus rapide que celle du remboursement.

Honorables sénateurs, certains d'entre vous estiment sûrement qu'il y a une limite à ce qu'un gouvernement peut faire pour protéger les utilisateurs du crédit et que les entreprises de services financiers doivent être en mesure d'offrir tous les produits admissibles dans un marché libre. Toutefois, dans un contexte de marché libre légitime, il est, entre autres, essentiel que les consommateurs connaissent toutes les possibilités qui s'offrent à eux, pour être en mesure de faire les meilleurs choix possibles. De toute évidence, à défaut de posséder des compétences suffisantes en calcul, il est impossible de faire un choix éclairé à l'épicerie, à la banque ou ailleurs.

De plus, la méconnaissance des notions de calcul peut avoir des conséquences directes non seulement sur les individus et sur leur famille, mais aussi sur l'ensemble de la société canadienne. Dans les meilleurs scénarios, ces personnes sont confrontées à de terribles pressions financières et, dans les pires des cas, elles n'arrivent pas à utiliser le crédit convenablement et elles déclarent une faillite personnelle.

(1650)

Honorables sénateurs, l'an dernier, on a enregistré 98 450 faillites personnelles au Canada. Chaque mois, plus de 8 000 personnes ont connu la honte de la faillite personnelle et en ont subi les désavantages. Il y a eu une très faible diminution des faillites personnelles par rapport à l'année précédente, mais Statistique Canada signale que, chez les Canadiens, le niveau moyen d'endettement par rapport au revenu disponible a augmenté au cours de l'année et dépasse plus de 123 p. 100. Cela signifie que les Canadiens s'endettent plus que jamais. Par conséquent, les analystes font de sérieuses mises en garde en disant que tout ralentissement économique substantiel pourrait faire remonter en flèche le taux de faillites.

Que ce taux s'emballe ou non, il n'en demeure pas moins que, chaque mois, au moins 8 000 Canadiens déclarent faillite. Dans la plupart des cas, c'est parce qu'ils ne savent pas utiliser le crédit ou s'en servir judicieusement. La plupart d'entre eux ne peuvent pas contrôler leur utilisation du crédit parce qu'ils ne possèdent pas les compétences en calcul nécessaires.

C'est une véritable tragédie humaine qui se renouvelle chaque jour. Dans la plupart des cas de faillite personnelle, il y a aussi un conjoint ou un partenaire. Il y a des enfants dans bien des cas. Dans tous les cas, il y a des créanciers. Cela signifie que, chaque année, au moins un demi-million de Canadiens sont directement touchés par les faillites personnelles de 100 000 Canadiens.

Les sénateurs se souviendront que, l'automne dernier, j'ai demandé au leader du gouvernement au Sénat quand le gouvernement présenterait un projet de loi sur la faillite et l'insolvabilité. Au cours d'une conversation privée, on m'a assuré qu'un tel projet de loi serait présenté avant la fin de l'année. Le leader a tenu parole. Cependant, le gouvernement a voulu présenter son projet de loi par une motion de voies et moyens et le prétendu nouveau gouvernement a demandé, mais sans l'obtenir, le consentement unanime. Par conséquent, le projet de loi, dont j'ai ici le texte, est prêt, mais n'a pas été présenté. Une fois adopté et en vigueur, le projet de loi rationaliserait les faillites personnelles, il apporterait une série d'améliorations bien nécessaires au système et au processus et il encouragerait ceux qui sont incapables de s'adresser au système de crédit à recourir à des conseillers en crédit.

Cependant, le prétendu nouveau gouvernement est si nouveau qu'il n'a pas trouvé le temps de présenter son projet de loi, préférant plutôt s'occuper d'autres prétendues priorités.

Chaque année, les Canadiens ordinaires, des centaines de milliers d'entre eux, ne sont pas une priorité du prétendu nouveau gouvernement. Pas étonnant que les conservateurs aient fait disparaître le mot « progressiste » du nom de leur parti pour ne garder que « conservateur ». Nous l'avons bien vu que le nouveau gouvernement n'a rien de progressiste.

Le sénateur Stratton : Oxymoron? Allons donc!

Le sénateur Goldstein : J'aurais toute une série de répliques à cela, mais je préfère me les réserver pour une autre occasion.

Plutôt que de s'appeler le « nouveau gouvernement », il devrait plutôt s'appeler peut-être le « gouvernement déséquilibré », car il n'y a aucun équilibre dans ses priorités.

Il est inquiétant de constater que le nombre de Canadiens ne sachant pas compter est si élevé. En ce moment, on estime à 40 p. 100 le pourcentage de Canadiens adultes qui ne possèdent que des aptitudes de base en arithmétique. Ce chiffre cache cependant d'immenses écarts entre les groupes d'âge. Par exemple, plus de 60 p. 100 des Canadiens âgés de 56 à 65 ans ne possèdent, au mieux, que des connaissances rudimentaires en arithmétique, comparativement à 40 p. 100 chez les 16 à 25 ans. Il s'ensuit que la masse des Canadiens qui ont le plus besoin d'aide en numératie sont dans le groupe d'âge le plus touché par les récentes compressions regrettables et insensées du gouvernement.

Des études de Statistique Canada ont montré qu'il y a un lien très étroit entre la capacité à compter et la capacité à lire et écrire, mais il importe de se souvenir que l'apprentissage de la lecture et de l'écriture et celle des mathématiques font appel à des capacités différentes et qu'elles requièrent des politiques et des programmes de formation différents.

Les besoins en numératie iront en augmentant dans l'avenir à mesure que seront créés de nouveaux outils financiers et que la nouvelle technologie de l'information s'intégrera davantage aux secteurs économiques traditionnels, comme la construction, l'agriculture et la foresterie, notamment. Si nous ne prenons pas des mesures pour permettre aux Canadiens, jeunes et vieux, d'acquérir les connaissances en mathématiques dont ils auront besoin pour gagner leur vie et gérer leurs affaires, il y aura sans doute de plus en plus de Canadiens qui ne disposeront pas des ressources voulues pour subvenir à leurs besoins et qui devront s'en remettre davantage à l'État pour le faire.

Je crois certes que le financement supprimé l'an dernier devrait être rétabli, mais je dois dire en toute honnêteté que je ne crois pas qu'il incombe seulement au gouvernement de veiller à ce que les Canadiens acquièrent les connaissances mathématiques dont ils ont besoin.

[Français]

D'ailleurs, il existe des groupes en dehors de la sphère gouvernementale qui se sont donné pour mission de sensibiliser et d'éduquer les Canadiens afin de leur permettre d'acquérir de meilleures connaissances sur les questions financières. Laissez-moi souligner quelques-unes des initiatives existantes.

Premièrement, la Fondation canadienne d'éducation économique et plusieurs associations vouées à la protection du consommateur mettent à la disposition des étudiants et de leurs éducateurs diverses ressources pédagogiques portant sur les finances personnelles. Ils offrent également d'autres services comme des cours et des ateliers d'information sur des sujets touchant le budget, le crédit et l'endettement.

Deuxièmement, je voudrais saluer la création par l'Association des banquiers canadiens d'un programme intitulé « Question d'argent ». Ce dernier permet notamment à des banquiers bénévoles, formés par l'association, de se rendre dans les écoles pour offrir des séminaires d'environ 75 minutes visant à enseigner les rudiments d'une saine gestion financière aux jeunes Canadiens.

Finalement, mentionnons la Fondation pour l'alphabétisation ABC CANADA, qui reconnaît l'importance d'avoir des connaissances de base en calcul pour pouvoir fonctionner dans la vie de tous les jours. À l'aide de son site Internet, cet organisme donne à tous les Canadiens des conseils et des petits trucs mathématiques tels que la façon de calculer un pourboire au restaurant, le montant des taxes ou l'économie qu'on réalise lorsqu'on achète des articles en solde.

[Traduction]

Cependant, les programmes actuels sont insuffisants pour aider les gens qui ont des faiblesses en mathématiques. Le secteur privé, et en particulier les banques et les entreprises de services financiers du Canada, doit faire un plus grand effort pour s'assurer que les gens comprennent les produits offerts sur le marché. Les grilles de frais et de taux d'intérêt doivent être plus transparentes. J'aimerais suggérer au secteur privé, par exemple, d'organiser une série de séminaires de vulgarisation dans les écoles et les centres communautaires du pays et d'élaborer un programme pratique et amélioré d'enseignement des mathématiques pour les écoles du pays. J'insiste sur le mot « pratique ».

Les connaissances en mathématiques et les compétences linguistiques vont de pair. Lorsqu'on acquiert les unes, on favorise l'acquisition des autres. Les compressions du gouvernement actuel dans ce programme nuisent autant aux gens qui ont des faiblesses en mathématiques qu'à ceux qui ont des faiblesses linguistiques.

Honorables sénateurs, notre société souffre d'un mal que nous pouvons guérir. Nous n'y arriverons certainement pas immédiatement et tout seuls, mais grâce aux solutions que nous pouvons proposer, soit le rétablissement du financement du programme d'alphabétisation et le retour de la coopération avec les organismes du milieu, nous avons la possibilité de déclencher des améliorations importantes dans la vie de nombreux Canadiens. Pouvons-nous nous permettre de ne pas essayer?

L'honorable Joan Fraser : Le sénateur Goldstein accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Goldstein : Certainement.

Le sénateur Fraser : Je remercie le sénateur pour ce discours intéressant, qui suscite la réflexion. Cette interpellation a donné lieu à de nombreux propos judicieux sur les problèmes rattachés à la littératie et à la numératie. L'accent particulier mis par le sénateur sur les mathématiques m'a beaucoup impressionnée.

En outre, j'ai remarqué que le sénateur a utilisé une ou deux fois l'expression « nouveau gouvernement du Canada », à laquelle on nous a habitués. Or, puisque le sujet me passionne, je me permets de recourir à mes notions de mathématiques pour faire un calcul rapide. Il me semble que, compte tenu de l'espérance de vie moyenne d'un gouvernement majoritaire, le gouvernement actuel du Canada est à l'adolescence, ce qui explique peut-être pourquoi, dans nombre de cas, il se montre si peu respectueux des règles normales de vie en société.

En revanche, si l'on fait le calcul à partir de l'espérance de vie d'un gouvernement minoritaire, le gouvernement approche rapidement de l'âge de la retraite. Le sénateur serait-il d'accord avec moi pour dire qu'il est temps de cesser de parler du « nouveau gouvernement du Canada »?

(1700)

Le sénateur Goldstein : Je n'aurais pas pu mieux dire, et je n'oserais essayer. J'ai utilisé les mots « nouveau gouvernement » de façon entièrement sarcastique. Il est clair que le nouveau gouvernement est vieux et fatigué et qu'il est déconnecté des citoyens qu'il gouverne.

(Sur la motion du sénateur Milne, le débat est ajourné.)

LE MONUMENT COMMÉMORATIF DU CANADA À VIMY

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Dallaire, attirant l'attention du Sénat sur la dernière phase du projet de restauration du Monument commémoratif du canada à Vimy, entrepris en 2001 dans le cadre du Programme canadien de restauration des monuments commémoratifs des champs de bataille.—(L'honorable sénateur Meighen)

L'honorable Michael A. Meighen : Honorables sénateurs, j'interviens pour parler brièvement de l'interpellation du sénateur Dallaire attirant l'attention du Sénat sur la dernière phase du projet de restauration du Monument commémoratif du Canada à Vimy, et pour faire suite à mes observations précédentes. Je suis désolé de constater que le sénateur Joyal n'est pas présent — il était ici plus tôt — car je sais que ce dossier l'intéresse vivement et qu'il voulait savoir ce qui se passe.

Je suis heureux cet après-midi de vous informer des derniers renseignements — même s'ils sont peu nombreux. J'espère en apprendre davantage — comme vous tous j'en suis sûr — dans un avenir rapproché pour ce qui est des plans du ministère des Anciens Combattants concernant les activités de commémoration.

Cela dit, les sénateurs savent que ces importants travaux de restauration ont commencé en 2001 en raison de l'état de détérioration de notre monument à Vimy. On y met actuellement les touches finales. Le 7 février, il y a huit jours à peine, les membres du Sous-comité des anciens combattants ont reçu des détails au sujet de la cérémonie de réinauguration du monument restauré et des célébrations commémoratives dans le cadre du 90e anniversaire de la bataille qui a inspiré sa création.

M. Robert Mercer, sous-ministre adjoint responsable de l'Événement Vimy 2007 à Anciens Combattants Canada, a comparu devant le sous-comité. Il nous a informés que des activités auront lieu tant en Europe qu'au Canada. En France, le contingent canadien officiel est censé compter au moins 135 personnes. De plus, il y aura 20 agents de la GRC — avec leurs chevaux, paraît-il — et plus de 300 membres des Forces canadiennes, y compris un représentant de chacun des quatre régiments qui comptaient dans leurs rangs un récipiendaire de la Croix de Victoria à Vimy. Beaucoup d'autres anciens combattants seront présents. Parmi eux, 20 seront parrainés par le gouvernement. J'ai été impressionné d'apprendre qu'il y aura au moins autant d'étudiants provenant des quatre coins du pays présents à Vimy en 2007 que de soldats qui y ont perdu la vie en 1917.

On dénombre 3 598 Canadiens morts à Vimy, et 7 104 blessés. Le nombre d'étudiants inscrits jusqu'ici dépasse 4 000, et chacun d'entre eux a personnellement amassé les fonds nécessaires pour faire le voyage en France.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Meighen : Il y a aura aussi des milliers d'autres visiteurs du Canada et d'ailleurs dans le monde qui se réuniront au sommet de la colline 145. Quatre événements d'envergure sont prévus. Premièrement, le samedi 7 avril, les corps de deux soldats canadiens seront enterrés. Ces soldats, dont les corps ont été retrouvés il y a quelque temps, auront enfin droit à des funérailles respectueuses.

Deuxièmement, les militaires canadiens défileront dans les rues de la ville d'Arras, située à proximité de Vimy.

Troisièmement, une cérémonie se tiendra ici, au Canada, au Monument commémoratif de guerre. Plus de 25 autres cérémonies distinctes auront également lieu dans le reste du pays.

Enfin, la cérémonie de reconnaissance comme telle se tiendra le lundi de Pâques, au Monument commémoratif du Canada récemment restauré à Vimy.

[Français]

La semaine dernière, Anciens Combattants Canada informait le Sous-comité des anciens combattants que le niveau d'intérêt suscité par l'événement de Vimy surpasse de loin les attentes du ministère. Nous avons même reçu des demandes de la part d'individus présents à la cérémonie de 1936 pour assister à la cérémonie d'inauguration. Cet événement sera d'une grande importance.

Afin de satisfaire ceux et celles qui ne pourront assister à l'une de nos nombreuses célébrations dans tout le pays, la cérémonie d'inauguration sera télévisée partout au Canada.

[Traduction]

Grâce à l'inauguration du Monument commémoratif du Canada à Vimy, récemment restauré, les générations futures pourront admirer un symbole imposant de notre statut de nation. J'attends avec impatience l'occasion de célébrer avec tous les autres Canadiens cet événement vraiment capital.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Meighen : Certainement.

Le sénateur Dallaire : Les initiatives que vous avez décrites auront principalement lieu outre-mer, tandis qu'il y en aura quelques-unes ici, selon les indications que vous avez données.

L'histoire de Vimy est celle de notre accession au statut de nation, tout comme l'action de nos collègues en Afghanistan nous vaut une réputation on ne peut plus flatteuse, ce qui nous confère du poids au sein de l'OTAN, et ainsi de suite. En 1917, nos troupes nous ont donné de l'influence, de sorte que nous avons été présents à Versailles en 1919, que nous sommes devenus une nation et que nous avons été reconnus à ce titre, comme signataire du traité de paix.

Au fur et à mesure que les années passent, avec la restauration de ce site, visité par les touristes, nous accueillons de plus en plus de néo-Canadiens, qui s'efforcent d'apprendre l'histoire du Canada afin de s'intégrer à la société canadienne. Et pourtant, le gros de la commémoration de l'arrivée de notre nation à maturité se fait de l'autre côté de l'Atlantique.

Comme nous l'avons dit au comité, croyez-vous qu'il serait approprié, au moment où nous parlons du 90e anniversaire, que, peut-être, nous tentions de convaincre le gouvernement ou la société de profiter du 100e anniversaire, dont seulement dix ans nous séparent, pour tenter de rapatrier le monument en créant quelque chose de marquant dans notre pays, quelque chose que les gens pourraient visiter, qu'ils pourraient toucher, où ils pourraient s'informer?

Il est intéressant que sur la place de la Confédération, il y ait une sculpture sur glace représentant Vimy. Elle attire beaucoup l'attention. Ne serait-il pas sage que nous commencions à tenter de faire bouger les choses pour que les gens envisagent de recréer le monument, ou quelque chose lui ressemblant, au Canada à l'occasion du 100e anniversaire?

[Français]

Le sénateur Meighen : Sénateur Dallaire, je pense que c'est une excellente suggestion. Je me demande si la cérémonie de commémoration du 7 avril prochain ne pourrait pas servir de tremplin pour introduire cette idée. Il me fera plaisir — si je suis toujours président du sous-comité, évidemment — de soumettre la question aux membres du sous-comité.

[Traduction]

C'est incontestablement le monument de guerre le plus impressionnant que j'ai vu de ma vie, et je pense qu'un grand nombre de personnes sont d'accord avec moi. Je ne sais pas si nous pouvons recréer l'atmosphère. Cela serait peut-être difficile, étant donné que c'est à cet endroit que le Canada a en quelque sorte atteint sa maturité. Le monument comme tel est tellement frappant que, s'il se trouve au Canada, il sera vu par un plus grand nombre de Canadiens et sera un rappel permanent de notre histoire. Or, je ne pense pas que nous ayons toujours fait du bon travail pour ce qui est d'enseigner notre histoire à tous les Canadiens, qu'ils soient nés ici ou qu'ils soient au pays depuis peu. Je vous remercie de cette suggestion et je serai heureux d'y donner suite.

Le sénateur Dallaire : En 1974, je commandais la garde à Vimy. Le représentant du gouvernement canadien qui était venu là était le député de ma circonscription. C'était quelqu'un de bien. Lors de la cérémonie, il avait passé une vingtaine de minutes à dire à tous les dignitaires français à quel point leurs soldats avaient été inefficaces contre les Allemands et à expliquer quel travail magnifique nous avions accompli. Il a formulé ses critiques en français, puis il a encore pris 20 minutes pour répéter exactement la même chose en anglais. La réaction n'avait pas été très favorable.

Je me demande si, au cours des célébrations du 90e anniversaire, le gouvernement sera représenté non seulement par la Gouverneure générale, qui est le commandant en chef du Canada, mais aussi par le premier ministre, afin de souligner l'importance de cet anniversaire et des travaux de restauration.

(1710)

Le sénateur Meighen : Je l'espère, cher collègue, mais on ne m'a pas fait part de ces détails. J'ai entendu des rumeurs selon lesquelles le premier ministre, Sa Majesté la reine et d'autres seraient présents. Je crois comprendre qu'il serait délicat que Sa Majesté et la Gouverneure générale soient au même endroit en même temps. C'est là une question que les experts en matière de protocole devront trancher.

Je n'ai aucun doute, étant donné l'intérêt évident manifesté au Canada, comme le prouve le fait que 4 000 étudiants ont ramassé assez d'argent pour se payer le voyage, que le niveau d'intérêt a dépassé les attentes du ministère, ce qu'il a lui-même reconnu. J'estime que toutes les personnalités que vous avez mentionnées feront tout pour être présentes. Seul le temps nous dira si elles pourront être présentes ou non.

(Sur la motion du sénateur Banks, le débat est ajourné.)

[Français]

LA CRISE AU SEIN DU MONDE CULTUREL CANADIEN

INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Andrée Champagne, ayant donné avis le 13 février 2007 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur la crise qui fait rage dans le monde culturel canadien.

— Honorables sénateurs, au cours des dernières semaines, la vie culturelle canadienne a vécu une crise aiguë que peu d'entre nous auraient pu prévoir. Notre production télévisuelle, exemple incontestable de notre différence, risquait d'être compromise.

Une des réalisations les plus intéressantes du gouvernement de l'époque, le Fonds canadien de télévision, a été créé en 1996. Chaque année depuis, tous les câblodistributeurs du pays y investissent 5 p. 100 de leurs revenus et le gouvernement du Canada y ajoute 100 millions de dollars.

Depuis 1996, 2,3 milliards de dollars ont servi à produire quelque 4 500 productions au Canada en français, en anglais et en différentes langues aborigènes. On a produit des émissions dramatiques, de variétés, des émissions dédiées aux enfants et aux ados ainsi que des documentaires. La télévision canadienne, avec ses différents réseaux d'un océan à l'autre, est devenue un des fleurons de notre pays.

[Traduction]

En décembre dernier, la compagnie Shaw Communications a annoncé qu'elle cesserait de contribuer au fonds, qu'elle ne verserait plus de mensualités. Un mois plus tard, Vidéotron, qui fait partie de l'empire Quebecor, lui a emboîté le pas. Si on avait permis à ces deux compagnies de câblodistribution de revenir sur leur engagement, le fonds aurait connu un manque à gagner de 25 millions de dollars cette année et de 72 millions de dollars en 2008.

Certains d'entre vous se demanderont comment fonctionne le fonds. Qui en bénéficie réellement? Pourquoi ces énormes compagnies de câblodistribution ont-elles soudainement décidé de mettre fin à leurs paiements? N'avaient-elles pas signé une entente? Oui, elles en avaient signé une et la loi est sans équivoque, à l'exception d'un petit détail que j'expliquerai plus tard.

Le fonds a été créé pour financer les producteurs privés indépendants; pour encourager et promouvoir les programmes de qualité et le contenu canadien; et pour aider à maintenir la viabilité de nos chaînes télévisées et faire en sorte qu'elles se distinguent des chaînes américaines.

[Français]

Ainsi donc, le producteur privé concrétise une idée, dépense une petite fortune pour la développer, pour en faire un projet qu'il croit viable, rentable. Il le présente alors à un réseau de télévision. Si celui-ci est aussi convaincu du succès possible et probable du projet, considérant les goûts de ses auditeurs, il s'engage par contrat à diffuser l'émission ou la série.

C'est seulement alors que le producteur privé peut présenter son projet au conseil d'administration du Fonds canadien, dans l'espoir de recevoir une partie des sommes nécessaires à sa production.

[Traduction]

Alors quelles sont les raisons qui motivent la rébellion de Shaw Communications et de Vidéotron? Honorables sénateurs, il semble que près de 35 p. 100 des productions financées par le Fonds canadien de télévision aboutissent sur les ondes de l'un des réseaux de CBC/Radio-Canada. Pierre Karl Péladeau, le propriétaire de TVA, affirme qu'il investit de l'argent dans un fonds qui contribue à la production d'émissions qui seront diffusées par son principal concurrent, et il n'apprécie pas.

[Français]

Pourtant, les chiffres nous montrent que Quebecor investit normalement environ 16 millions de dollars dans le fonds et en reçoit quelque 18 millions en production. Ce n'est pas si mal. En ne faisant plus parvenir mensuellement la somme qu'ils s'étaient engagés à remettre à ce que nous appelons généralement le «Fonds des câblos», Vidéotron et Shaw Communications étaient- ils dans la légalité ou dans l'illégalité? Le CRTC aurait-il pu remettre en question la licence de ces câblodistributeurs? Ce furent les grandes questions de l'heure pendant plus d'une semaine.

Pour sa part, le président du fonds, M. Douglas Barrett, nous avouait que la loi qui régit le fonds est imprécise. Les avocats en disputent encore l'interprétation. Certains prétendent que les signataires avaient vraiment jusqu'au 31 août pour faire la remise des sommes qu'ils devaient. Les libéraux avaient mis sur pied un fonds très valable, mais dont la réglementation laissait à désirer.

Il semble que la remise de mensualités faisait partie d'une sorte d'entente cordiale, de « gentlemen's agreement » entre les partenaires, sauf que Shaw Communications et Vidéotron avaient décidé de changer leur fusil d'épaule. Tous les gens concernés par la production télévisuelle étaient très inquiets, particulièrement au Québec.

[Traduction]

Avec le mois de mars arrive la date limite pour la présentation de nombreux projets qui déterminent la programmation des réseaux l'automne suivant ainsi qu'en janvier suivant. Ce que nous devions voir prochainement sur nos écrans était donc en danger. Qui s'inquiétait? Les producteurs, bien sûr, mais aussi tous les hommes et les femmes qui travaillent pour eux : écrivains, réalisateurs, acteurs, techniciens, compositeurs, musiciens et spécialistes de la postproduction.

Lundi de la semaine dernière, Pierre Karl Péladeau annonçait qu'il préférerait créer son propre fonds que de participer, même indirectement, à la production d'une émission qui pourrait être diffusée sur un réseau de Radio-Canada.

[Français]

De toute façon, toutes les émissions que TVA n'aurait pu produire à l'interne seraient devenues la responsabilité d'une autre filiale de Quebecor, les Productions JPL, l'ancienne maison de Jean- Paul Ladouceur, et celle-ci pourrait continuer à bénéficier des crédits d'impôt du gouvernement fédéral et s'efforcerait d'obtenir ceux du gouvernement du Québec.

Par contre, la perte possible de financement au Fonds canadien aurait restreint les possibilités des producteurs indépendants d'obtenir l'aval d'un diffuseur. Si le projet ne convenait pas à TVA, dommage! Surtout que les sommes dont le fonds aurait disposé auraient été réduites. Dans ces circonstances difficiles, qu'a fait notre gouvernement?

Madame la ministre du Patrimoine a sans doute peu parlé quand la crise a débuté, mais elle a été très active dans le dossier. Tout d'abord, notre gouvernement a annoncé que, pour la première fois depuis l'instauration du fonds, le ministère s'engageait pour les deux prochaines années à investir les sommes promises, soit 100 millions de dollars par année.

Puis, Mme Bev Oda a rencontré tous les intervenants : le CRTC, le Fonds de la télévision, la présidente de l'Association des producteurs, Mme Samson, les représentants de Shaw Communications et de Quebecor et, sans aucun doute, les avocats de toutes les parties impliquées dans le conflit.

En plus, elle a même assuré aux producteurs indépendants que les productions en cours ne seraient pas interrompues. Mardi, au Comité permanent du Patrimoine, elle a annoncé qu'elle avait écrit aux deux câblodistributeurs récalcitrants et les avait sommés de tenir parole.

M. Konrad Von Finckenstein, qui vivait cette crise à titre de tout nouveau président du CRTC, a vite rappelé à Quebecor et Shaw Communications que le gouvernement et le CRTC comptaient prendre tous les moyens pour s'assurer que les parties respectent les règles du jeu.

(1720)

Au cours des derniers mois, Quebecor et Shaw avaient demandé que le Fonds canadien de télévision apporte certains changements à ses règlements, mais sans jamais obtenir le nombre de votes nécessaires pour que des amendements entrent en vigueur. Mme Oda s'est engagée à ce que de nouvelles discussions aient lieu à ce sujet, mais après que les deux câblodistributeurs aient recommencé à faire les remises promises, ce que finalement Vidéotron, du moins, s'est engagé à faire.

Grand soupir de soulagement dans l'industrie. Je pense qu'on l'entend encore; c'était cela qui soufflait la neige hier à Montréal! Il n'en reste pas moins que la survie de notre industrie télévisuelle était en danger et que nos industries culturelles étaient en danger. Nos travailleurs de ce monde intrinsèquement incertain se posaient des questions existentielles. Ils et elles sont tous des pigistes qui se demandent d'où viendra leur prochain chèque de paie. Notre gouvernement ne pouvait permettre à deux énormes compagnies de câblodistribution de renier leur signature parce qu'une partie des fonds serait dirigée vers des compétiteurs.

Honorables sénateurs, je vais espérer que vous allez offrir avec moi votre appui et vos félicitations à notre ministre et blâmerez ceux qui, tout en bénéficiant d'une licence gouvernementale, mettaient en cause leur contribution à ce qui a été un moteur de succès pour notre vie culturelle canadienne.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, je voudrais féliciter madame le sénateur Champagne pour avoir attiré l'attention du Sénat sur ce sujet qui est d'une importance primordiale et qui est le genre de chose dont on parle très peu ici — pas assez, en fait.

J'ai souvent pensé que c'est probablement une très bonne chose pour le Canada que madame le sénateur Champagne soit membre du caucus du gouvernement — j'aurais bien aimé que ce soit notre gouvernement, mais on ne peut pas tout avoir. J'ose croire que sa voix a eu une certaine influence dans cette histoire. Cela dit, j'aimerais demander l'ajournement du débat pour ce qu'il me reste de temps.

(Sur la motion du sénateur Fraser, le débat est ajourné à la prochaine séance.)

L'AJOURNEMENT

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement :

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit au mardi 20 février 2007, à 14 heures.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 20 février 2007, à 14 heures.)


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