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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 39e Législature,
Volume 143, Numéro 82

Le mardi 27 mars 2007
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mardi 27 mars 2007

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

VISITEURS À LA TRIBUNE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence Eduardo Frei Ruiz-Tagle, président du Sénat de la République du Chili, ainsi que de Son Excellence Patricio Walker Prieto, président de la Chambre des députés de la République du Chili, accompagnés d'une délégation de sénateurs et de députés de la République du Chili, qui nous honorent de leur présence au Sénat du Canada aujourd'hui.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'ABOLITION DE L'ESCLAVAGE

LE BICENTENAIRE

L'honorable Consiglio Di Nino : Honorables sénateurs, le dimanche 25 mars 2007, j'ai assisté à deux événements à l'Université York, à Toronto. Le premier était une cérémonie de remise de diplômes, à la faculté de droit Osgoode Hall, au cours de laquelle on a décerné un doctorat honorifique à Son Excellence la très honorable Michaëlle Jean, Gouverneure générale du Canada. Le second était l'inauguration de l'Institut de recherche Harriett Tubman sur les migrations des populations africaines dans le monde. Ces événements visaient également à commémorer le bicentenaire de l'adoption par le Parlement britannique, le 25 mars 1807, de la loi abolissant la traite des esclaves.

Mes observations s'inspirent de l'adresse que Son Excellence a prononcée lors de ce dernier événement. L'institut a été créé pour rendre hommage à Harriett Tubman, une femme au courage exceptionnel qui a échappé à l'esclavage au Maryland, vers 1850, et qui s'est enfuie au Canada pour y trouver la liberté. En 1851, elle a commencé à secourir des membres de sa famille et à les réinstaller à St. Catharines, en Ontario, où elle a travaillé pour économiser afin de financer son rôle de guide sur le chemin de fer clandestin. Elle aurait aidé des centaines d'esclaves à recouvrer la liberté.

Dans ses observations qui sont une source d'inspiration, Son Excellence a décrit l'esclavage comme « un des crimes les plus barbares » jamais commis, et elle a dit que la liberté était « le don le plus précieux que nos ancêtres nous ont légué ».

Pendant que j'assistais à cet événement, un sentiment de frustration et de colère a commencé à m'envahir. Les paroles qui étaient prononcées et les images qui se formaient dans mon esprit m'ont rapidement amené à me rendre compte que la liberté n'est toujours qu'un rêve lointain pour des millions d'hommes, de femmes et d'enfants dans de nombreuses régions du monde. Comme l'a dit Son Excellence, « le nouveau léopard n'a pas montré toutes ses taches » et « la démocratie ne s'est pas développée également pour tous ». Comme elle a raison!

Pendant que le monde regarde, 1 000 êtres humains sont toujours massacrés chaque jour dans la République démocratique du Congo. Le Darfour continue d'être en proie aux tueries et, comme notre collègue le sénateur Segal nous l'a rappelé avec la motion qu'il a présentée la semaine dernière, la situation au Zimbabwe s'envenime, car des crimes horribles et odieux y sont commis tous les jours.

Honorables sénateurs, il ne s'agit pas d'un problème propre à l'Afrique. La démocratie n'est pas florissante dans notre monde. Les drames que sont la traite de personnes, le travail des enfants, les travaux forcés et l'esclavage des femmes se produisent tout autour de nous. L'antisémitisme et le racisme sont en hausse dans le monde entier, et ce phénomène se passe sous le nez des gouvernements. La dignité humaine est bafouée impunément, devant le monde entier. Nous continuons de parler, dans l'espoir que nos paroles jetteront un peu de lumière sur ces problèmes et que les choses vont s'améliorer.

LA COUPE UNIVERSITÉ CAVENDISH

FÉLICITATIONS AUX VARSITY REDS DE L'UNIVERSITÉ DU NOUVEAU-BRUNSWICK, À L'UNIVERSITÉ DE MONCTON ET À LA VILLE DE MONCTON

L'honorable John G. Bryden : Honorables sénateurs, je veux porter à votre attention un événement qui s'est tenu dans ma province au cours de la dernière semaine. La ville de Moncton et l'Université de Moncton ont été les hôtes du tournoi de la coupe universitaire, qui est la coupe remise aux champions universitaires de hockey et qui est appelée la Coupe Université Cavendish. Les diverses régions du pays étaient représentées par les équipes suivantes : les Varsity Reds de l'Université du Nouveau-Brunswick; les Aigles Bleus de l'Université de Moncton, qui étaient classés au premier rang durant toute la saison; les Golden Hawks de Wilfrid Laurier, qui représentaient l'Ontario; les Patriotes de l'Université du Québec à Trois-Rivières, qui représentaient le Québec; les Huskies de l'Université de la Saskatchewan, qui étaient classés au deuxième rang durant la saison, et les X-Men de l'Université Saint-François-Xavier.

(1410)

Les X-Men de l'Université Saint-François-Xavier et les Huskies de l'Université de la Saskatchewan ont été éliminés au cours de la phase du tournoi à la ronde, puisque ces équipes ont chacune subi deux défaites. C'était sans doute à cause de l'arbitrage.

Samedi, en demi-finales, les Aigles Bleus de l'Université de Moncton ont vaincu les Golden Hawks de Wilfrid Laurier 5 à 4 dans la deuxième période supplémentaire, tandis que les Varsity Reds de l'Université du Nouveau-Brunswick ont blanchi les Patriotes de l'Université du Québec à Trois-Rivières 6 à 0.

La table était mise pour la finale nationale, le dimanche. C'est l'Université du Nouveau-Brunswick qui a remporté le championnat en l'emportant 3 à 2 sur l'Université de Moncton, en période supplémentaire, devant plus de 6 000 amateurs enthousiastes des deux côtés, qui étaient venus de toutes les régions de la province. L'UNB a ainsi remporté la Coupe Université Cavendish, emblème de la suprématie dans le hockey universitaire canadien.

Honorables sénateurs, je suis certain que vous allez vous joindre à moi pour féliciter la ville de Moncton, qui a fait un excellent travail en organisant la tenue de cet événement, ainsi que toutes les équipes participantes — notamment les deux équipes de notre petite province, le Nouveau-Brunswick, qui ont été les meilleures du tournoi, et tout particulièrement les représentants de mon alma mater, les Varsity Reds de l'Université du Nouveau-Brunswick, qui ont remporté la coupe et qui sont maintenant les champions du hockey universitaire au Canada.

Bravo!

L'ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE ENTRE LE CANADA ET LE CHILI

LE DIXIÈME ANNIVERSAIRE

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, au cours de la dernière semaine, j'ai eu le privilège d'assister à des événements organisés à l'ambassade du Chili. Des sénateurs du Chili sont en visite ici, à Ottawa, de même que des députés. Au Chili, les membres des deux Chambres sont élus, aussi était-ce un privilège tout particulier de pouvoir rencontrer ces visiteurs hier soir à la résidence de l'ambassadeur Ortega.

Toute cette activité et ma participation enthousiaste à celle-ci s'expliquent par le fait que nous célébrons cette année le dixième anniversaire de l'accord de libre-échange entre le Canada et le Chili, qui est entré en vigueur le 5 juillet 1997.

Les sénateurs et les députés présents aux événements organisés par l'ambassadeur du Chili, M. Ortega, parcourront le Canada. Deux d'entre eux viendront dans ma province, la Saskatchewan, et assisteront à une réunion cette semaine sur le thème de l'agriculture à Saskatoon.

Le premier ministre qui a signé l'accord de libre-échange entre nos deux pays est évidemment le très honorable Jean Chrétien, et son ministre du Commerce n'était nul autre que le sénateur Art Eggleton. Il n'est malheureusement pas parmi nous ce soir.

MM. Chrétien et Eggleton peuvent être fiers d'avoir suivi la voie tracée par le très honorable Brian Mulroney en faisant la promotion du libre-échange comme étant une voie prometteuse. Comme nous, catholiques, aimons à le dire, il n'y a pas plus zélé qu'un converti et on peut dire que MM. Chrétien et Eggleton ont été convertis.

Je veux citer les paroles prononcées par le sénateur Eggleton devant le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Il a déclaré :

Nous nous attendons à ce que cet accord soit un pont qui facilite l'accession du Chili à l'Accord de libre-échange nord- américain, l'ALENA [...] Cet accord est porteur de nombreux avantages [...] face à nos concurrents européens et asiatiques [...] et, en plus, il nous donne un avantage parmi les partenaires commerciaux régionaux du Chili.

L'initiative est importante pour les entreprises canadiennes. Il est important qu'elles s'activent rapidement et il est important que l'accord soit mis en œuvre rapidement [...]

Depuis la signature de l'accord de libre-échange, les échanges du Canada avec le Chili ont plus que triplé pour passer de 718 millions de dollars par année en 1997, à 2,3 milliards de dollars aujourd'hui. Nous avons beaucoup de raisons d'être fiers en cette année anniversaire. Je tiens à féliciter toutes les personnes en cause et tout particulièrement l'ambassadeur du Chili, M. Ortega, qui a été un hôte empressé au cours de la semaine écoulée.

LES ÉLECTIONS AU QUÉBEC

LE DROIT DE VOTE

L'honorable Charlie Watt : Honorables sénateurs, à l'occasion des excitantes élections d'hier au Québec, lorsque ma femme et moi nous sommes présentés pour voter, nous avons appris que nous ne le pouvions pas parce que nous n'étions pas inscrits sur la liste. On nous a dit que nous ne faisions pas partie de la collectivité qui est, comme par hasard, ma collectivité.

Ce n'est pas là un cas isolé. On a indiqué à des électeurs qu'ils ne pouvaient pas voter, parce que leur nom n'était pas sur la liste.

(1415)

Honorables sénateurs, je tenais à porter cette question importante à votre attention. J'envisage de porter plainte officiellement.

L'ABOLITION DE L'ESCLAVAGE

LE BICENTENAIRE

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, le sénateur Di Nino a signalé cet anniversaire, mais je crois qu'il mérite d'être signalé deux fois. Je souligne donc que dimanche dernier, le 25 mars, a marqué le bicentenaire de la loi abolissant à tout jamais la traite des esclaves par bateau. Ce jour-là, il y a 200 ans, cette loi a obtenu la sanction royale au Parlement de Westminster.

Je ne crois pas qu'un autre Parlement ait adopté une loi plus importante, plus altruiste et plus noble que celle-là. L'adoption de cette loi illustre de façon exemplaire l'évolution du gouvernement civilisé et constitue un modèle à imiter qui commande le plus grand respect.

LA SANTÉ

PROCRÉATION ASSISTÉE CANADA—LES NOMINATIONS AU CONSEIL D'ADMINISTRATION

L'honorable Vivienne Poy : Honorables sénateurs, en l'honneur de la Journée internationale de la femme, célébrée le 8 mars, j'aimerais soulever une question qui préoccupe toutes les femmes au Canada.

En décembre, le gouvernement a annoncé dix nominations au conseil d'administration de Procréation assistée Canada. Le mois dernier, j'ai reçu une lettre dans laquelle l'Association canadienne de sensibilisation à l'infertilité faisait valoir que les postes qui restent à pourvoir au conseil devraient impérativement être réservés à des médecins spécialistes de l'infertilité ou à des patientes, les femmes qui veulent plus que tout porter un enfant.

Selon un article paru le 27 février dans le Journal de l'Association médicale canadienne, le gouvernement a fait les nominations à l'encontre des recommandations des experts d'un comité de sélection. Selon cet article, les nominations font craindre à certains scientifiques qu'elles n'aient été faites dans le but de contourner les mesures législatives que l'agence a pour mandat de faire appliquer.

Santé Canada avait une liste restreinte de candidats pressentis, mais sur les 25 candidats recommandés par le groupe d'experts seulement deux sont maintenant membres du conseil. Selon l'article, quatre des membres nommés ont exprimé des points de vue conservateurs relativement à des questions touchant directement le mandat de l'agence.

Le Dr Michael Rudnicki, directeur scientifique du Réseau de cellules souches, qui regroupe plus de 70 scientifiques, cliniciens, éthiciens et ingénieurs, fait la comparaison suivante :

C'est comme si l'on nommait un témoin de Jéhovah qui est totalement contre les transfusions de sang à la présidence du conseil d'administration de la Société canadienne du sang.

Comme il est probable que le mandat de l'organisme consiste surtout à assister des patientes ayant recours à la fertilisation in vitro et à réglementer les cliniques qui offrent ces services, des organisations comme l'Association canadienne de sensibilisation à l'infertilité et d'autres intéressés devraient être représentés au conseil. Il importe que le gouvernement prenne en considération les points de vue exprimés par le Journal de l'Association médicale canadienne et par les patientes lors de toute nomination future afin que le conseil de Procréation assistée Canada soit un peu plus équilibré.

Honorables sénateurs, je terminerai par un extrait de l'éditorial du Journal de l'Association médicale canadienne, qui portait sur ce sujet :

On ne peut que conclure que le gouvernement actuel accorde plus d'importance au contrôle qu'à la transparence, favorise une idéologie davantage que l'expertise scientifique et clinique, et croit que la représentation des patients n'est pas vraiment nécessaire.

Il est paradoxal que le gouvernement parle de responsabilisation et qu'il envoie ensuite ce genre de message à la communauté médicale et aux femmes qui souhaitent simplement avoir des enfants.

(1420)

L'ÉPREUVE DE MME NAZANIN FATEHI

L'honorable Rod A. A. Zimmer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour souligner le succès d'un groupe dont la volonté de faire régner la justice et respecter les droits de la personne a permis d'épargner un sort terrible à une jeune femme innocente.

Les événements qui ont fait frôler la mort à Nazanin Fatehi ont commencé dans un parc, à Karaj, en Iran, en 2005. Elle avait alors 17 ans. Trois hommes ont brutalement attaqué Nazanin et sa nièce de 15 ans pour les violer. Nazanin a atteint l'un de ses assaillants d'un coup de couteau fatal. Ce fut le début d'une longue épreuve pour Nazanin, qui a été trouvée coupable de meurtre par un tribunal iranien à la suite de cet acte de légitime défense. S'ensuivirent plusieurs mois dans le couloir de la mort.

Cette injustice a été portée à mon attention au printemps 2006 par l'honorable Belinda Stronach, députée de Newmarket—Aurora, et Mme Nazanin Afshin-Jam, chanteuse, mannequin, actrice, artiste, défenseure des droits de la personne et ancienne Miss Monde Canada en 2003, qui est d'origine iranienne. Ces femmes, ainsi que Mme Mina Ahadi, présidente du comité international de lutte contre les exécutions, ont joué un rôle de premier plan dans la conscientisation à cette situation et dans l'appel lancé aux décideurs du monde entier pour sauver la vie de Nazanin.

En plus d'avoir accordé de nombreuses interviews, Mme Afshin- Jam a créé un site web, www.helpnazanin.com, pour attirer l'attention du monde sur le sort de son homonyme. Mme Stronach, qui a aussi voulu agir, m'a aidé à créer un fonds en fiducie. Elle a aussi obtenu l'aide de Lloyd Axworthy, ancien ministre des Affaires étrangères, de Michaëlle Jean, Gouverneure générale, d'Allan Rock, ambassadeur, et de Louise Arbour, haut commissaire aux droits de l'homme, qui ont tous éveillé l'attention de leurs cercles respectifs sur cette situation des plus pénibles.

En réponse au tollé général des membres de la communauté internationale, y compris Amnistie Internationale, une révision de procès a été accordée en janvier, et les cinq juges en sont venus à la conclusion que Nazanin avait agi en légitime défense. Cependant, en vertu de la charia, trois des juges ont ordonné le paiement d'une diyya, le prix du sang, de l'ordre de 43 000 $US, à la famille de l'agresseur décédé. Grâce à de généreux dons, y compris un don important de la part de Mme Stronach, ces fonds ont pu être rassemblés et, fort heureusement, Nazanin a été libérée de prison et a pu retrouver sa famille. Cependant, afin de rembourser les frais juridiques et autres, nous continuons de demander des dons supplémentaires.

Honorables sénateurs, de nombreux particuliers et groupes ont joué un rôle essentiel dans la libération de Nazanin Fatehi. J'aimerais féliciter tout particulièrement Mme Afshin-Jam et Mme Stronach, qui sont présentes à la tribune du Sénat aujourd'hui, de leur compassion, de leur leadership et de leur conviction. J'espère sincèrement que la victoire de Mme Fatehi en matière de droits de la personne ouvrira la porte à d'autres femmes dans le monde entier qui sont confrontées à une injustice.

Honorables sénateurs, Mme Afshin-Jam a dédié la chanson titre de son prochain album, Some Day, à Mme Fatehi. Cet album sera disponible le 24 avril. Comme elle le dit dans le refrain de sa chanson :

Un jour, vous trouverez la voie, Un jour, les ténèbres s'éclairciront.

Honorables sénateurs, c'est là un merveilleux souvenir d'une histoire remarquable. Des paroles tout à fait pertinentes d'une Nazanin à une autre, et elles ne se sont même jamais rencontrées!

VISITEURS À LA TRIBUNE

Son Honneur le Président : Je signale aux sénateurs la présence à la tribune de Mme Nazanin Afshin-Jam, défenseur des droits de la personne, actrice et artiste. Elle est l'invitée du sénateur Zimmer et est accompagnée par l'honorable Belinda Stronach, députée de Newmarket—Aurora. Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Je signale aussi aux sénateurs la présence à la tribune de Son Excellence Vladislav Tretiak, député à la Douma d'État de Russie, président du Groupe parlementaire Russie-Canada et, comme le confirmera le sénateur Mahovlich, une autre légende du hockey. Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.


(1425)

[Français]

AFFAIRES COURANTES

PLAN D'ACTION POUR LA GESTION DE L'EAU POTABLE DANS LES COLLECTIVITÉS DES PREMIÈRES NATIONS

DÉPÔT

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le Plan d'action pour la gestion de l'eau potable dans les collectivités des Premières nations, rapport d'étape, daté du 22 mars 2007.

LA DÉLÉGATION DES PRÉSIDENTS AU BÉNIN, AU BURKINA FASO ET AU MALI

DÉPÔT DU RAPPORT DU COLLOQUE SUR LA DÉMOCRATIE PARLEMENTAIRE : L'EXPÉRIENCE CANADIENNE, TENU DU 8 AU 16 JANVIER 2007

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool : Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 28(4) du Règlement et avec la permission du Sénat, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un document intitulé Démocratie parlementaire : l'expérience canadienne, en rapport avec le colloque tenu au Bénin, au Burkina Faso et au Mali, du 8 au 16 janvier 2007.

[Traduction]

L'ÉTUDE DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ NATIONALE

DÉPÔT DU RAPPORT PROVISOIRE DU COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE

L'honorable Norman K. Atkins : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le onzième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, un rapport provisoire intitulé Manuel de sécurité du Canada 2007 — Côtes : Le point sur les problèmes de sécurité dans la quête de solutions.

(Sur la motion du sénateur Atkins, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

L'ASSOCIATION LÉGISLATIVE CANADA-CHINE

L'ASSEMBLÉE ANNUELLE DU FORUM PARLEMENTAIRE ASIE- PACIFIQUE, TENUE DU 21 AU 26 JANVIER 2007—DÉPÔT DU RAPPORT

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 23(6) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l'Association législative Canada-Chine concernant sa participation à la 15e assemblée annuelle du Forum parlementaire Asie-Pacifique, tenue à Moscou, en Fédération de Russie, du 21 au 26 janvier 2007. Nous avons été bien accueillis.

AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET COMMERCE INTERNATIONAL

AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À REPORTER LA DATE DU DÉPÔT DE SON RAPPORT FINAL SUR L'EXAMEN DE L'ÉVACUATION DES CITOYENS CANADIENS DU LIBAN

L'honorable Peter A. Stollery : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le mardi 24 octobre 2006, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, autorisé à examiner, pour en faire rapport, l'évacuation des citoyens canadiens du Liban en juillet 2006, soit habilité à reporter la date de présentation de son rapport final du 30 mars 2007 au 29 juin 2007;

Que le Comité conserve jusqu'au 30 septembre 2007 tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions.

LOI ANTITERRORISTE

AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À REPORTER LA DATE DU DÉPÔT DE SON RAPPORT FINAL

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant les ordres du Sénat adoptés le mardi 2 mai 2006, le mercredi 27 septembre 2006 et le jeudi 14 décembre 2006, la date de présentation du rapport final du Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste soit reportée du 31 mars 2007 au 23 février 2008.

DROITS DE LA PERSONNE

AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À REPORTER LA DATE DU DÉPÔT DE SON RAPPORT FINAL SUR SON ÉTUDE DES QUESTIONS AYANT TRAIT AUX OBLIGATIONS NATIONALES ET INTERNATIONALES DU CANADA EN MATIÈRE DE DROITS DE LA PERSONNE

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le jeudi 27 avril 2006, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, autorisé à surveiller l'évolution de diverses questions ayant trait aux droits de la personne et à examiner, entre autres choses, les mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne, soit habilité à reporter la date de présentation de son rapport final du 31 mars 2007 au 31 mars 2008 et qu'il conserve jusqu'au 30 juin 2008 tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions.

(1430)

AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À REPORTER LA DATE DE SON RAPPORT FINAL SUR L'ÉTUDE DES OBLIGATIONS INTERNATIONALES RELATIVEMENT AUX DROITS ET LIBERTÉS DES ENFANTS

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le mercredi 29 novembre 2006, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, autorisé à examiner, pour en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants, soit habilité à reporter la date de présentation de son rapport final du 31 mars 2007 au 30 avril 2007 et qu'il conserve jusqu'au 30 juillet 2007 tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions.

AGRICULTURE ET FORÊTS

AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À SIÉGER DURANT L'AJOURNEMENT DU SÉNAT

L'honorable Joyce Fairbairn : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, en conformité avec l'alinéa 95(3)a) du Règlement, le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à se réunir le vendredi 30 mars 2007 même si le Sénat est ajourné à ce moment-là pour une période de plus d'une semaine.

DROITS DE LA PERSONNE

AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À ÉTUDIER L'ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES AU PARLEMENT

L'honorable Marie-P. Poulin : Honorables sénateurs, je donne avis que, le mercredi 18 avril 2007, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, dans l'esprit de la Journée internationale de la femme et pour commémorer le 25e anniversaire du rapatriement de la Constitution et de la Charte canadienne des droits et libertés, soit autorisé :

a) à examiner, pour en faire rapport, toutes les questions concernant la représentation des femmes au Parlement, notamment les obstacles à la participation des femmes à la politique fédérale;

b) à proposer des mesures positives en vue de réformes électorales et autres qui :

i) favoriseront l'égalité entre les sexes au Parlement;

ii) permettront d'augmenter le nombre de femmes au Parlement;

c) à examiner la représentation des femmes dans d'autres assemblées législatives, à des fins de comparaison, pour l'élaboration des mesures envisagées;

Que le Comité présente son rapport au plus tard le 29 juin 2007.

LE SÉNAT

L'ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES—AVIS D'INTERPELLATION

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, je donne avis que, dans deux jours :

J'attirerai l'attention du Sénat sur l'égalité entre les sexes dans le processus de gouvernance, en particulier sur la façon dont nous, à titre de sénateurs du Canada, pouvons donner l'exemple en matière d'égalité entre les sexes en exigeant que le nombre de sénateurs dans cet endroit comprenne 50 p. 100 de femmes et 50 p. 100 d'hommes.

Le sénateur Cools : Et 50 p. 100 des personnes devraient être intelligentes.

[Français]

LES VICTIMES DE CRIME

AVIS D'INTERPELLATION

L'honorable Consiglio Di Nino : Honorables sénateurs, je donne avis que, dans deux jours :

J'attirerai l'attention du Sénat sur les problèmes et défis auxquels font face les victimes de crime.

LE BUDGET DE 2007

AVIS D'INTERPELLATION

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne avis, au nom du gouvernement que, dans deux jours :

J'attirerai l'attention du Sénat sur le budget intitulé Viser un Canada plus fort, plus sécuritaire et meilleur, déposé à la Chambre des communes le 19 mars 2007 par le ministre des Finances, l'honorable James M. Flaherty, C.P., député, et au Sénat le 20 mars 2007.


(1435)

[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

LES TRAVAUX PUBLICS ET LES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

LES ÉLECTIONS AU QUÉBEC

L'honorable Marcel Prud'homme : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Nous avons tous observé avec quel enthousiasme il a donné son appui à M. Charest pendant le défilé de la Saint- Patrick et lui a souhaité bonne chance le soir des élections.

Tous les sénateurs savent que, depuis de nombreux mois, j'appuie l'ADQ, et j'ai voté pour ce parti hier. Afin d'assurer de bonnes relations futures entre le Sénat et le nouveau gouvernement du Québec, le ministre a-t-il l'intention d'appeler le nouveau chef de l'opposition officielle du Québec aujourd'hui pour le féliciter? Puis- je compter sur le ministre des Travaux publics pour nous aider à assurer des relations harmonieuses avec le nouveau gouvernement du Québec, compte tenu du fait que des centaines de milliers des personnes qui ont voté pour l'ADQ hier sont en train d'envisager leurs options pour les prochaines élections fédérales?

Soit dit en passant, il y aura une séance d'accueil avec M. Vladislav Tretiak, président du Groupe d'amitié parlementaire Canada-Russie, à 15 h 20 dans les appartements du Président.

[Français]

L'honorable Michael Fortier (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) : Honorables sénateurs, le premier ministre a émis un communiqué de presse tout à l'heure pour dire qu'il a parlé au premier ministre du Québec, M. Charest, ainsi qu'au chef de l'opposition officielle, M. Dumont, qu'il a félicité pour les résultats qu'il a obtenus hier soir.

Bien entendu, j'ajoute ma voix à la sienne. Je peux dire que notre gouvernement aura de bonnes relations avec le gouvernement du Québec et qu'il travaillera de façon constructive avec lui dans l'intérêt de tous les contribuables du Québec.

LES AFFAIRES INDIENNES ET LE NORD CANADIEN

LA CONVENTION DE RÈGLEMENT RELATIVE AUX PENSIONNATS INDIENS—LES EXCUSES DU GOUVERNEMENT

L'honorable Céline Hervieux-Payette (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous expliquer pourquoi il serait juste de présenter des excuses aux Canadiens d'origine chinoise, aux Canadiens d'origine japonaise, aux Iraniens qui ont acquis leur citoyenneté canadienne et aux Canadiens d'origine ukrainienne, alors qu'il serait déplacé à ce moment-ci — compte tenu de la situation déplorable dans laquelle ils sont — d'en faire de même pour les Autochtones du Canada pour le sort qui a leur a été réservé dans le cas des pensionnats où ils ont séjourné et où leurs droits ont été brimés?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, le 21 mars, la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens a obtenu l'approbation finale du tribunal. Les préparatifs sont en cours en vue de la mise en œuvre du règlement, qui est prévue pour plus tard, cette année.

Comme les sénateurs le savent, lorsque le ministre Prentice a parlé de la convention, qui remonte à l'époque de l'ancien gouvernement, il a affirmé que des excuses n'étaient pas prévues dans le cadre du règlement, et il a répété cette affirmation très clairement hier.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, madame le leader du gouvernement devrait rappeler à son gouvernement qu'une litanie de promesses brisées envers les peuples autochtones s'est poursuivie hier lorsque le ministre des Affaires indiennes a refusé de présenter ses excuses aux survivants des pensionnats autochtones. Cette position contredit un engagement pris par écrit à l'endroit de l'Assemblée des Premières Nations. Dans ce document, la vice-première ministre de l'époque avait écrit, et je cite :

Il existe un besoin de présenter des excuses qui permettront de reconnaître dans un sens plus large le legs des pensionnats autochtones...

— ce qui a certainement mis un nuage noir sur la réputation du Canada —

... et son effet sur les communautés des Premières nations.

Madame le leader du gouvernement peut-elle expliquer, même si cela ne fait pas partie du règlement monétaire —, on sait que l'argent est une chose et que les relations humaines sont autre chose — pourquoi ce gouvernement refuse de présenter des excuses alors que nous l'avons fait envers d'autres citoyens canadiens qui ont subi des injustices au Canada?

(1440)

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Comme je l'ai dit dans ma première réponse, les négociations sur l'accord se sont déroulées sur une longue période, soit deux ans, et les parties en présence comprenaient fort bien que l'accord de règlement ne comprenait pas d'excuses.

Honorables sénateurs, il est très important que le gouvernement et toutes les parties fassent le nécessaire pour que l'accord soit mis en œuvre le plus tôt possible et que les anciens élèves qui ont droit à une indemnisation la reçoivent. Il n'est dans l'intérêt de personne de rouvrir les négociations. Je le répète : les négociations se sont déroulées au cours des deux dernières années, toutes les parties se sont entendues sur les termes de l'accord — et le règlement n'était pas assorti d'excuses.

Le sénateur Hervieux-Payette : J'ai la certitude que le leader du gouvernement n'a pas compris ma question. Il existe une différence entre une indemnisation financière et une demande de pardon que nous ferions parce que nous avons commis un péché grave contre ce groupe de Canadiens, les premiers habitants de notre pays. J'invite le leader du gouvernement au Sénat à demander au gouvernement de présenter des excuses pour que nous puissions tourner la page et continuer de bâtir le Canada avec les premiers citoyens de notre pays.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, le gouvernement et le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, M. Prentice, ont travaillé fort pour conclure cet accord, qui a été bien accueilli par tous les intéressés. Le gouvernement va maintenant s'attaquer à des enjeux importants pour la collectivité autochtone. Je vais me contenter de signaler au ministre l'opinion de l'honorable sénateur.

LES ENTREPRISES AUTOCHTONES ET LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

L'honorable Nick G. Sibbeston : Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a publié son rapport sur les entreprises et le développement économique la semaine dernière. Le Sénat est maintenant saisi de ce rapport.

Le rapport met l'accent sur le phénomène des Autochtones qui se lancent en affaires et font du développement économique pour participer à l'économie canadienne et ainsi donner des emplois aux leurs et créer de la richesse. Il devrait être évident pour tout gouvernement que pareille évolution est importante. C'est indéniablement un moyen pour les Autochtones d'améliorer leur sort et de combler ainsi le fossé qui sépare les nantis et les pauvres dans notre société.

Il y a des Autochtones qui ont remporté un certain succès, mais il reste dans notre pays de nombreuses régions où ils ont du mal à se lancer dans l'activité économique. Ils ont besoin de l'aide de l'État pour réussir. Malheureusement, j'estime que le budget n'a pas prévu grand-chose pour stimuler le développement économique important que nous envisageons dans notre rapport.

Madame le leader du gouvernement au Sénat aurait-elle l'obligeance de s'élever au-dessus de l'esprit de parti et de confrontation à l'égard de cette question? Peut-elle expliquer comment elle pourrait intervenir pour le Sénat et les Autochtones dans ses discussions avec ses collègues, M. Prentice et le premier ministre, et aux réunions du Cabinet? Pourrait-elle aider les Autochtones du Canada et faire quelque chose pour que l'on consacre plus d'argent au développement économique, qui est si important?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, il ne fait pas de doute que le gouvernement travaille très fort pour s'attaquer à des problèmes importants pour la collectivité autochtone. Comme le sénateur l'a dit fort justement, il ne s'agit pas d'une question qui doit donner prise au sectarisme. Ce ne devrait jamais être le cas.

(1445)

Le budget de l'année dernière annonçait l'affectation de 450 millions de dollars sur deux ans au soutien des secteurs prioritaires de l'éducation, de l'eau et du logement. Le budget de 2007 confirme que les 300 millions de dollars de 2007-2008 seront maintenus par la suite à titre de financement permanent, ce qui va au-delà de ce qui avait été annoncé dans le budget de 2006. Cela signifie qu'un financement supplémentaire de près d'un milliard de dollars sera à la disposition des collectivités autochtones d'ici 2010.

En ce qui concerne la question précise de l'aide accordée aux Autochtones pour faire carrière et créer des entreprises, je trouve que les suggestions du sénateur Sibbeston sont bonnes. Je m'efforcerai donc d'obtenir du ministère des renseignements sur les montants prévus pour ces domaines et sur la façon d'y accéder.

LES PÊCHES ET LES OCÉANS

LA GARDE CÔTIÈRE—L'ACQUISITION DE BRISE-GLACE

L'honorable Willie Adams : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur les promesses électorales du premier ministre.

Nous avons au Nunavut 26 collectivités, qui se trouvent toutes le long de la côte, sauf une seule, Baker Lake. Il est encore possible d'atteindre Baker Lake par la rivière.

L'été dernier, le premier ministre a visité le Nunavut et a parlé à quelques-uns des dirigeants de la collectivité, de même qu'au gouvernement du Nunavut, de l'économie et de l'avenir du Nord.

Avant le budget, il était question de construire trois brise-glace arctiques à l'avenir, mais rien de concret n'a été fait, bien que le gouvernement soit au pouvoir depuis plus d'un an. Dans chacune des collectivités côtières, il est parfois difficile de décharger les marchandises qui lui sont destinées à l'arrivée des navires de ravitaillement pendant l'été.

Certains ports ont été privatisés dans le Sud. La Garde côtière canadienne a besoin d'argent au Nunavut. Il lui arrive de manquer de fonds. Quelques petits ports ont été construits pour nous aider, mais le budget du gouvernement du Canada ne peut servir qu'à l'entretien estival.

Lorsqu'il est allé à Vancouver, puis dans l'Arctique, le premier ministre avait promis qu'il s'occuperait de l'avenir de la Garde côtière canadienne.

Le sénateur Comeau a parlé de la Garde côtière entre Resolute et Coppermine, que j'appelle Kugluktuk. Un été, nous avons voyagé à bord d'un navire de la Garde côtière. Ce fut un bon voyage. Dans l'Arctique, il faut parfois changer les équipages et se ravitailler en combustible en Alaska ou ailleurs. Nous n'avons pas les installations nécessaires pour le faire dans le territoire.

Nous devons développer davantage le commerce dans les collectivités pour l'avenir. Au lieu de décharger tout le poisson au Groenland, nous voulons négocier avec des gens de l'Est. Avec de plus petits bateaux, il serait possible de décharger dans les collectivités. Le ravitaillement vient de Terre-Neuve. À l'heure actuelle, les collectivités n'ont pas les installations nécessaires. J'espère que le gouvernement sera en mesure de promettre de faire quelque chose dans un proche avenir en faveur du développement de nos collectivités.

(1450)

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, je voudrais remercier l'honorable sénateur de ses questions fort pertinentes. Nous avons pris des engagements dans le budget pour six navires de la Garde côtière. Le sénateur sait que...

Le sénateur Rompkey : Pas des brise-glace.

Le sénateur LeBreton : Vous aimez bien cela, n'est-ce pas, sénateur Rompkey?

Le sénateur Rompkey : Non, ce ne sont pas des brise-glace.

Le sénateur LeBreton : Le premier ministre a visité le Nord, comme vous l'avez dit. C'était probablement un fait saillant de sa première année comme premier ministre d'aller à Alert et d'observer l'opération Lancaster à Iqaluit. Il s'était également entretenu avec des responsables à Iqaluit.

Je peux assurer à l'honorable sénateur que le ministère de la Défense nationale, les Forces canadiennes et le gouvernement examinent actuellement la possibilité d'améliorer la surveillance, les capacités de réaction et notre présence globale dans le Nord. Je transmettrai à mes collègues le point de vue du sénateur sur la situation. J'espère bien que nous aurons quelque chose à annoncer dans un avenir pas trop lointain.

[Français]

LE BUDGET DE 2007

LE FINANCEMENT POUR LE SYSTÈME DE SOINS DE SANTÉ POUR LES ENFANTS AUTOCHTONES

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. J'ai présidé récemment un comité qui étudiait la question de l'exploitation sexuelle et commerciale des enfants autochtones. Une étude assez détaillée a révélé que beaucoup plus d'enfants autochtones que d'enfants non autochtones étaient retirés de leur famille pour être pris en charge par un système de soins pour enfants.

En 2006, l'Assemblée des Premières Nations a révélé que 27 000 enfants autochtones ont été retirés de leur famille, non pas parce qu'ils étaient battus ou qu'on avait abusé d'eux, mais essentiellement à cause de l'énorme pauvreté dans laquelle ils vivaient et du manque d'hébergement.

En ce qui a trait au budget de 2007, on remarque que le système de soins des enfants autochtones bénéficiera de 109 millions de dollars de moins que le système de soins des enfants non autochtones et ce, malgré le fait que la proportion des enfants autochtones qui en ont besoin est beaucoup plus élevée.

Ma question est la suivante : pourquoi ne pas consacrer autant, sinon plus de fonds au système de soins des enfants autochtones?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Il a posé des questions précises au sujet d'une situation qui est évidemment grave. Je me chargerai, au nom du sénateur, de déterminer ce que le ministère et le ministre des Affaires indiennes font à ce sujet et quels montants sont prévus pour affronter cette situation.

LES AFFAIRES INDIENNES ET LE NORD CANADIEN

LA CULTURE ET L'APPROCHE GÉNÉRALE DU MINISTÈRE

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, les êtres humains ne sont pas comme les camions. Si vous manquez d'essence pour votre camion, vous pouvez le garer le long d'un banc de neige et attendre d'avoir assez d'argent pour acheter du carburant.

Le 21 février, j'ai demandé des renseignements au sujet d'un financement provisoire de la Fondation autochtone de guérison, qui est sur le point de mettre fin à ses 140 projets par suite d'une erreur de financement. Je suis très reconnaissant du fait que nous avons obtenu une réponse et que 25 des 40 millions de dollars requis seront avancés pour répondre aux besoins. Toutefois, ces fonds n'arriveront qu'en mai. Par conséquent, nous aurons encore quelques mois pendant lesquels des gens seront mis à pied et d'autres ne recevront pas les services dont ils ont besoin. Ensuite, il faudra tout remettre sur pied.

(1455)

Ma question est la suivante : est-ce que le ministre Prentice, qui semble être une personne raisonnable, peut modifier l'approche de son ministère à l'égard des populations autochtones pour la faire passer d'une culture néo-colonialiste à une culture de responsabilité fondée sur les droits de la personne, au bénéfice de cette partie importante de notre population qui compte près d'un million de personnes?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je vous remercie. Je n'accepte pas la description du ministère faite par le sénateur Dallaire. Je crois que le ministre Prentice tente de changer la culture et de s'attaquer aux questions au niveau des communautés concernées.

Je constate avec plaisir que le sénateur reconnaît que nous avons répondu à sa dernière question. Je suis consciente du fait que, comme le dit le sénateur, il peut y avoir un décalage d'un mois ou deux. Je vais prendre note de cette question et je suis persuadée que le ministère nous dira pourquoi il a choisi le mois de mai comme date de départ et s'il est possible de devancer cette date.

Je ne veux pas minimiser, de quelque façon que ce soit, la gravité du problème. C'est un problème grave, davantage dans certaines régions du pays que d'autres. Je vais m'efforcer d'obtenir de plus amples renseignements pour le sénateur.

LA MISE EN ŒUVRE DE L'ACCORD DE KELOWNA

L'honorable Larry W. Campbell : Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Peut-elle expliquer comment son gouvernement peut justifier son inaction à l'égard des questions autochtones?

Dois-je lui rappeler qu'il existe un excellent plan, rédigé par dix premiers ministres, qui a été approuvé par toutes les grandes organisations autochtones au Canada? La mise en œuvre intégrale de l'Accord de Kelowna constituerait un grand pas en avant pour les peuples autochtones. En ne mettant pas en œuvre l'accord, le gouvernement a envoyé un message aux premiers ministres, ainsi qu'à toutes les autres parties qui ont participé à la rédaction de l'accord, message indiquant qu'ils avaient tort et que leur apport est vide de sens.

Le refus du gouvernement de présenter des excuses pour les atrocités commises dans le cadre du système des pensionnats pour Autochtones et d'écouter les chefs autochtones, ainsi que sa réponse inefficace aux revendications territoriales autochtones, équivaut à cautionner le racisme systémique. Quand le présent gouvernement minoritaire va-t-il se rendre compte de ses déficiences répétées et mettre en œuvre l'Accord de Kelowna, en dégageant un financement à cette fin?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je remercie le sénateur Campbell de sa question. Je ne souscris aucunement à l'énoncé qu'il attribue à notre gouvernement. Je crois que toute personne sérieuse qui se donnerait la peine d'analyser les efforts et le travail effectués par le ministre Prentice serait en profond désaccord avec le préambule de sa question. Comme je l'ai déjà énoncé ici par le passé, nous comprenons tous que l'Accord de Kelowna était une déclaration de bonnes intentions sans cadre financier. J'ai précisé très clairement que le ministre et le gouvernement appuient les principes de l'Accord de Kelowna.

Le travail du ministre Prentice et l'argent qui a été prévu dans le budget de 2006 et celui de 2007 permettront de trouver des solutions à bon nombre des graves problèmes auxquels les collectivités autochtones font face. Je tiens à réaffirmer que le gouvernement s'intéresse à la situation et je ne suis pas du tout prête à dire que nous ne nous préoccupons pas des Premières nations. Je trouve plutôt choquant qu'on utilise le terme « racisme » pour parler de questions de ce genre.

Comme l'a souligné le sénateur Sibbeston, cette question préoccupe tous les Canadiens, qu'ils soient libéraux ou conservateurs, et des déclarations partisanes de ce genre n'ont pas leur place dans ce débat.

(1500)

Le sénateur Campbell : Je suis d'avis que c'est la réponse de madame le leader qui est choquante. Quelle partie de cette déclaration lui semble choquante, le refus de présenter des excuses pour les pensionnats autochtones?

Le sénateur Stratton : Votre gouvernement l'a-t-il fait?

Le sénateur Campbell : Si cela n'en faisait pas partie, pourquoi tous les leaders en parlent-ils?

Serait-ce plutôt la partie qui porte sur le refus d'écouter les dirigeants autochtones? Est-ce la réponse inefficace offerte aux revendications autochtones? Il n'y a rien de partisan dans tout ce que je dis. C'est tout simplement ce que les Premières nations et les peuples autochtones du Canada réclament.

Je demanderais à l'honorable sénateur de bien vouloir soumettre la question au ministre Prentice pour déterminer qui n'est pas sincère dans ce dossier. Est-ce le ministre, ou sont-ce les dirigeants autochtones, qui disent qu'on leur avait promis des excuses pour tout ce qui s'est produit dans les pensionnats autochtones?

Le sénateur LeBreton : Je serai heureuse de transmettre les observations du sénateur au ministre Prentice.

Je vais répondre encore une fois relativement à la question des pensionnats autochtones. Les négociations, qui avaient commencé lorsque le gouvernement précédent était au pouvoir, ont été conclues par le gouvernement actuel. Elles ont eu lieu entre les Autochtones et des représentants de l'État, sous la supervision d'un juge bien en vue. La question des excuses ne fait pas partie du règlement définitif sur les pensionnats autochtones auquel ont abouti ces négociations.

Seules les personnes qui ont participé à ces négociations pourraient nous expliquer pourquoi elles n'ont pas parlé de cette question. Quoi qu'il en soit, nous avons maintenant de bonnes nouvelles, puisque nous pourrons verser les dédommagements. Le règlement ne prévoit pas que l'on présente des excuses.

Je serai heureuse de transmettre au ministre le point de vue exprimé avec force par le sénateur.

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, j'ai une question supplémentaire à poser à madame le leader du gouvernement. Dans sa réponse au sénateur Campbell, elle a dit encore une fois que l'Accord de Kelowna n'était rattaché à aucun cadre financier.

Tout le monde de ce côté sait que l'Accord de Kelowna était tout à fait réel. Cependant, puisque madame le sénateur a parlé de l'absence d'un cadre financier, j'aimerais qu'elle consulte le tableau du ministère des Finances sur l'origine et l'utilisation des fonds. On énumère dans ce tableau les dépenses à venir de l'État, dépenses qui peuvent être retirées de la liste seulement avec l'accord du ministre des Finances.

Si elle jette un coup d'œil au tableau datant du 24 novembre 2005, elle y trouvera trois sommes à la page 4 : 800 millions de dollars pour le secteur du bois d'œuvre, qui ont été dépensés; 755 millions de dollars pour aider le secteur agricole aux prises avec la crise de l'ESB, qui ont été dépensés; 5,1 milliards de dollars pour les dépenses de mise en œuvre de l'Accord de Kelowna.

Je voudrais que madame le leader du gouvernement lise ce document. Elle aura peut-être l'amabilité de le déposer au Sénat pour que nous puissions tous en prendre connaissance.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je crois que la question a été soulevée par madame le sénateur Fraser lors de la session d'automne et que nous y avons répondu.

La situation me semble très claire. La date de l'Accord de Kelowna précède de quelques jours seulement la chute du gouvernement, qui a précipité les élections. Cela est très bien documenté et compris. Il est certain que je n'ai vu, dans aucun document ou rapport que j'ai pu examiner sur cette question, un cadre financier clairement défini du gouvernement concernant la mise en œuvre de l'Accord de Kelowna.

Je vais transmettre la question de l'honorable sénateur aux fonctionnaires compétents et leur demander de nous expliquer quelle est au juste la valeur du document dont parle le sénateur.

Le sénateur Banks : En posant sa question, madame le sénateur peut-elle parler du fait que, lorsque l'on a demandé, au Comité des finances nationales, combien d'argent avait été économisé pour ce volet du budget, la réponse a été : « Environ 5 milliards de dollars. »?

Le sénateur Mercer : Il s'agit d'un tour de passe-passe.

LE RÈGLEMENT DE REVENDICATIONS TERRITORIALES

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, ma question s'adresse également au leader du gouvernement. J'aimerais insister sur ce qu'a dit le sénateur Sibbeston. Nous en faisons un enjeu partisan. Évitons donc de le faire. Cette question transcende les partis. Elle concerne des gens comme le sénateur Sibbeston, qui a été envoyé dans un pensionnat à l'âge de cinq ans. Il n'y a pas lieu de ridiculiser cela ou d'évoquer dix années d'inaction hypocrite de la part des libéraux. Il faut plutôt agir.

Le sénateur Mercer : J'ose croire que nous ne faisons pas de cela un enjeu partisan. Évitons l'esprit de parti — cette question transcende les partis!

Le sénateur St. Germain : Suite aux initiatives du sénateur Sibbeston, le Comité des peuples autochtones vient de mener deux études. Les membres du comité ont travaillé de façon exemplaire; le sénateur Sibbeston et moi en parlerons plus tard aujourd'hui au Sénat. Cependant, en toute justice, — et c'est tout ce que je recherche — nous avons fait rapport sur des revendications particulières, ce qui constitue une rubrique importante. Nous pouvons poser la question au chef national Phil Fontaine. La question des revendications est le principal enjeu à résoudre pour que nos peuples autochtones aient l'occasion de réaliser leur potentiel. N'a-t-il pas été question, dans le budget, d'un suivi des revendications particulières?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : L'honorable sénateur a tout à fait raison et nous sommes impatients de prendre connaissance de son rapport.

La réponse est oui. Comme je l'ai fait observer, il est intéressant de noter que, dans ce pays, le règlement de revendications territoriales particulières a toujours eu plus de chances d'aboutir sous les gouvernements conservateurs que sous les gouvernements libéraux.

Je tiens à rappeler aux honorables sénateurs qu'en septembre 2004, Paul Martin a promis de consacrer 700 millions de dollars aux soins de santé pour les Autochtones. Cependant, une année s'est écoulée entre cette annonce et le moment où M. Martin s'est rendu à Kelowna, en novembre 2005. Entre-temps, pas un seul dollar de cet argent n'avait été versé par le gouvernement fédéral. Au moment où M. Martin faisait de nouvelles promesses, il n'avait pas encore respecté l'engagement d'investir 700 millions de dollars, qu'il avait pourtant pris une année auparavant.

[Français]

DÉPÔT DE LA RÉPONSE À UNE QUESTION INSCRITE AU FEUILLETON

L'INDUSTRIE—LE PROGRAMME DES CHAIRES DE RECHERCHE DU CANADA

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 24 inscrite au Feuilleton—par le sénateur Downe.

[Traduction]

LE PROGRAMME D'ÉCHANGE DE PAGES AVEC LA CHAMBRE DES COMMUNES

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de passer à l'ordre du jour, je suis heureux de vous présenter deux pages de la Chambre des communes qui participent cette semaine au programme d'échange.

[Français]

Alain Dupuis, de Val Thérèse, en Ontario, poursuit ses études en sciences politiques et en communications à la faculté des sciences sociales de l'Université d'Ottawa.

[Traduction]

Sarah Forsyth, d'Ottawa, en Ontario, est inscrite à la faculté des sciences sociales de l'Université d'Ottawa, où elle fait une majeure en psychologie.


(1510)

ORDRE DU JOUR

PROJET DE LOI DE CRÉDITS NO 4 POUR 2006-2007

DEUXIÈME LECTURE

L'honorable Nancy Ruth propose que le projet de loi C-49, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2007, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, le projet de loi de crédits no 4 pour 2006- 2007 prévoit l'octroi de crédits correspondant au Budget supplémentaire (B) de 2006-2007. Ce budget a été déposé au Sénat le 22 février et renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Il s'agit de la deuxième et dernière série de prévisions budgétaires supplémentaires pour l'exercice qui prend fin cette semaine, le 31 mars.

Le Budget supplémentaire (B) pour 2006-2007 demande l'approbation du Parlement pour des dépenses de 424,5 millions de dollars qui n'étaient pas suffisamment précises ou connues au moment du dépôt du Budget principal des dépenses de 2006-2007 ou encore du Budget supplémentaire (A) de l'automne dernier. Il donne également de l'information sur des réductions de dépenses législatives totalisant 314 millions de dollars, si bien que le montant net de ces prévisions supplémentaires s'élève à 110 millions de dollars.

Étant donné qu'il y a des délais à respecter dans l'étude des crédits, nos usages de longue date consistent à étudier les prévisions budgétaires avant de recevoir de l'autre endroit le projet de loi de crédits. Par conséquent, ce budget supplémentaire a été examiné de façon assez détaillée avec l'honorable Vic Toews, président du Conseil du Trésor, et avec ses collaborateurs lors de leur comparution au Comité sénatorial permanent des finances nationales, le 27 février dernier. Cette réunion a permis de discuter non seulement du budget supplémentaire, mais aussi d'autres enjeux qui intéressaient les membres du comité. Il est rendu compte de cette réunion dans le onzième rapport du comité, que le sénateur Day a déposé le 21 mars.

Le Budget supplémentaire (B) de 2006-2007 comprend des postes budgétaires d'importance, par exemple des rajustements salariaux de 102 millions de dollars, qui sont des virements aux ministères et organismes pour les traitements et d'autres rajustements connexes; 40 millions de dollars pour le secteur agricole et agroalimentaire, afin d'appuyer le Programme de cultures de couverture, étant donné les dommages causés par les inondations en 2005-2006; 34 millions de dollars pour le même secteur afin d'offrir de nouvelles initiatives agricoles encourageant les investissements pour favoriser la transition des agriculteurs vers des produits agricoles de nouveaux secteurs prometteurs; 33 millions de dollars pour le ministère de la Justice afin qu'il puisse remettre des fonds aux gouvernements provinciaux et territoriaux au titre des services et programmes de justice pour les jeunes; 31 millions de dollars pour l'Agence du revenu du Canada pour la mise en œuvre de la réduction du taux de TPS et au titre des mesures administratives liées aux crédits d'impôt personnels; 23 millions de dollars pour renforcer la position du Canada en matière de commerce international grâce à un meilleur développement de la porte d'entrée et du corridor de l'Asie- Pacifique; 23 millions de dollars pour le report du budget de fonctionnement; 20 millions de dollars pour la mise en œuvre et la gestion de l'Accord sur le bois d'œuvre résineux Canada-États-Unis de 2006; 19 millions de dollars pour augmenter le nombre de postes à la GRC et de procureurs fédéraux afin de mettre l'accent sur les priorités en matière d'application de la loi; et 16 millions de dollars pour des initiatives liées à la sécurité publique.

Le Budget supplémentaire prévoit également une diminution de 211 millions de dollars des dépenses budgétaires législatives déjà approuvées par le Parlement. Ce type de rajustement ne nécessite aucune approbation par un projet de loi de crédits. Ces données sont fournies à titre d'information seulement.

Les postes législatifs les plus importants du Budget supplémentaire sont les suivants : 420 millions de dollars pour les contributions à l'appui des programmes de gestion des risques de l'entreprise en vertu du Cadre stratégique pour l'agriculture — Programme canadien de stabilisation du revenu agricole; 172 millions pour des versements au Fonds terre-neuvien des recettes provenant des ressources en hydrocarbures; 110 millions de dollars en paiements de péréquation compensatoire pour Terre-Neuve; 40 millions de dollars pour préparer les 40e élections générales, terminer le travail sur les élections générales de 2006 et verser une allocation trimestrielle aux partis politiques.

Une diminution de 748 millions de dollars dans les prévisions pour les Comptes à fins déterminées consolidés, ce qui s'explique par la diminution des prestations d'assurance-emploi, vu l'amélioration du marché du travail, et par le transfert au Québec du service des prestations parentales et des prestations de maternité; une diminution de 184 millions de dollars des frais de la dette publique en raison d'une diminution des taux d'intérêt prévus à court terme; et une diminution de 65 millions de dollars dans les prévisions des paiements de la Subvention canadienne pour l'épargne-étude.

Le projet de loi C-49, Loi de crédits no 4 pour 2006-2007, demande au Parlement d'approuver des dépenses votées de 424 millions de dollars. Le Budget supplémentaire (B) de 2006-2007 concorde parfaitement avec les dépenses globales prévues de 222 milliards de dollars pour l'exercice qui s'achève, conformément au budget de mai 2006 et à la mise à jour économique et financière de novembre 2006.

Honorables sénateurs, si des renseignements utiles s'avéraient nécessaires, je me ferai un plaisir d'essayer de les fournir.

L'honorable Lowell Murray : En écoutant le sénateur qui parraine un projet de loi prévoyant, selon ses propos, des crédits de plus de 400 millions de dollars pour l'exercice qui se termine le 31 mars 2007, j'ai pensé tout à coup que c'est aujourd'hui le mardi 27 mars. Il ne reste donc que trois jours ouvrables pour cet exercice financier.

Madame le sénateur ne pense-t-elle pas que ce sera tout un défi pour le gouvernement de dépenser 400 et quelques millions de dollars en si peu de temps?

Le sénateur Nancy Ruth : Sauf le respect que je dois au sénateur, je ne le crois pas.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, hier, pour discuter du onzième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, rapport qui a été adopté hier soir, j'ai passé en revue les annexes du projet de loi C-49 pour m'assurer qu'elles correspondaient aux annexes 1 et 2 qui figurent dans le Budget supplémentaire (B). Vérification faite, elles correspondent. Sur ce plan, tout va bien.

Le seul autre point que je voudrais signaler, parce qu'il me semble important que les sénateurs soient au courant, c'est que, à l'annexe 2 du projet de loi C-49, 55 millions de dollars, sur les 424 millions qu'on demande aux sénateurs d'approuver, pourraient ne pas être dépensés pendant l'exercice en cours. C'est le genre de chose que nous voyons depuis un certain temps. Normalement, le Budget principal des dépenses et les projets de loi de crédits portent sur un seul exercice financier. Toutefois, étant donné ce qu'on trouve à l'annexe 2, lorsque les sénateurs se prononceront sur le projet de loi, ils accepteront que 55 des 424 millions de dollars qu'ils sont invités à approuver puissent être dépensés pendant l'exercice en cours ou le prochain.

Cela mis à part, honorables sénateurs, je suis disposé à recommander que nous approuvions le projet de loi.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

L'honorable Anne C. Cools : Pourrais-je poser une question au sénateur? Pourrait-il expliquer un peu plus comment, sur le plan de la procédure ou des formalités, ce report de dépenses se fait? Il s'agit d'une pratique à laquelle certains d'entre nous pourraient s'opposer vigoureusement.

(1520)

Le sénateur Day : Honorables sénateurs, je ne parlerai pas des détails du projet de loi, qui demande au Parlement d'autoriser l'exécutif à dépenser 424 millions de dollars non autorisés auparavant. Madame le sénateur peut voir que le projet de loi comporte deux annexes. Le montant de 369 millions de dollars prévu dans la plus importante sera dépensé d'ici la fin de l'exercice, le 31 mars 2007. De toute évidence, une partie de cet argent a déjà été engagée. Il importe que les honorables sénateurs sachent que l'annexe 2 contient l'énoncé suivant :

Sommes accordées par la présente loi à Sa Majesté pour l'exercice se terminant le 31 mars 2007, pouvant être imputées à l'exercice en cours et à l'exercice suivant se terminant le 31 mars, et fins auxquelles elles sont accordées.

La question est de savoir si le Parlement est disposé à accorder au gouvernement l'autorisation de dépenser l'argent au cours de cet exercice et du suivant parce que le programme s'étend sur deux exercices.

Le sénateur Cools : Le sénateur est président du Comité sénatorial permanent des finances nationales devant lequel le ministre Toews, président du Conseil du Trésor, a témoigné. Les membres du comité ont-ils posé des questions au ministre à ce sujet? Si oui, quelle a été sa réponse?

Le sénateur Day : Je ne m'en souviens pas vraiment. Je ne suis pas sûr non plus que la question lui ait été posée. Toutefois, elle sera posée à l'avenir.

Le sénateur Cools : Il est intéressant de constater que les sénateurs votent aujourd'hui sur la base de réponses à venir. C'est une nouvelle façon de fonctionner, risible en un sens. Peut-être le président et le vice-président du Comité des finances pourraient-ils communiquer au Sénat les réponses du ministre la prochaine fois.

Le sénateur Day : Comme le sénateur le sait, le solde du financement sera demandé dans trois mois. Nous aurons alors une excellente occasion de poser cette question. J'espère obtenir alors une réponse que je lui communiquerai.

Le sénateur Cools : Je remercie le sénateur de sa promesse d'examiner cette question avec un plus grand soin. Je m'excuse mais, comme il le sait, j'ai été subitement jetée à la porte de son comité.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

Le sénateur Nancy Ruth : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)b) du Règlement, je propose que le projet de loi C-49 soit lu pour la troisième fois maintenant.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : Non.

(Sur la motion du sénateur Nancy Ruth, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

PROJET DE LOI DE CRÉDITS NO 1 POUR 2007-2008

DEUXIÈME LECTURE

L'honorable Nancy Ruth propose que le projet de loi C-50, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2008, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, il y a une semaine ou deux, le débat sur le treizième rapport du Comité des finances nationales a été ajourné à mon nom. Je prends maintenant la parole au sujet de ce rapport et du projet de loi C-50.

Le projet de loi C-50, Loi de crédits no 1 pour 2007-2008, prévoit le déblocage de crédits provisoires pour le Budget principal des dépenses de 2007-2008, déposé au Sénat le 27 février 2007. Le pouvoir de dépenser accordé par ce projet de loi a pour but de permettre au gouvernement de disposer de crédits suffisants jusqu'à la fin juin pour les dépenses non autorisées par des lois existantes.

Le comité a discuté en détail des prévisions budgétaires avec le président du Conseil du Trésor et les fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor, au cours de leur comparution le 20 mars 2007. Je remercie l'honorable ministre Vic Toews d'être venu au Comité des finances pour la deuxième fois en moins d'un mois. De concert avec mon président, je voudrais également remercier Mme Laura Danagher, du Conseil du Trésor, pour les services qu'elle a rendus au comité ces quelques dernières années. C'était sa dernière comparution avant d'assumer la direction des finances au Service canadien du renseignement de sécurité. Je me joins aux autres membres du comité pour lui présenter mes meilleurs vœux de succès dans ses nouvelles fonctions.

Le treizième rapport du Comité des finances nationales présente un compte rendu complet de notre entretien avec le ministre et ses collaborateurs. Ce premier rapport intérimaire sur le Budget principal des dépenses de 2007-2008 a été déposé par le sénateur Day le jeudi 22 mars 2007.

Le personnel de la Bibliothèque du Parlement mérite des remerciements et des félicitations pour avoir produit en si peu de temps un projet de rapport détaillé sur la réunion et les questions soulevées par les sénateurs participants.

Honorables sénateurs, le gouvernement présente au Parlement des prévisions budgétaires à l'appui de sa demande d'autorisation de dépenser des fonds publics. Le Budget principal des dépenses contient des renseignements sur les crédits budgétaires et non budgétaires. Le Parlement examine ensuite des lois de crédits destinées à autoriser les dépenses. Le Budget principal de 2007-2008 totalise 211,7 milliards de dollars, dont 210,3 milliards de crédits budgétaires et 1,4 milliard de crédits non budgétaires.

Les dépenses budgétaires comprennent le service de la dette publique, les dépenses de fonctionnement et de capital, les paiements de transfert aux autres ordres de gouvernement, à des organisations et des particuliers ainsi que les paiements aux sociétés d'État. Le Budget principal des dépenses appuie la demande d'autorisation du gouvernement au Parlement de dépenser 74,9 milliards de dollars en vertu d'autorisations de programme nécessitant une approbation parlementaire annuelle des limites de dépenses. Les 135,4 milliards de dollars restants sont destinés à des crédits législatifs déjà approuvés par le Parlement, les prévisions détaillées n'étant fournies qu'à des fins d'information.

Les dépenses non budgétaires de 1,4 milliard de dollars, qui comprennent les prêts, les placements et les avances, consistent en crédits votés de 94,3 millions de dollars et en crédits législatifs de 1,3 milliard déjà approuvés par le Parlement. Ces dépenses non budgétaires sont des déboursés représentant des changements de la composition de l'actif financier du gouvernement du Canada.

La partie I du Budget principal des dépenses de 2007-2008 comprend une comparaison détaillée avec le Budget principal de l'année dernière. Ensemble, les crédits votés budgétaires et non budgétaires totalisent 75 milliards de dollars, dont 21,8 milliards sont demandés dans la Loi de crédits no 1 pour 2007-2008. Le solde sera demandé en juin prochain dans la Loi de crédits no 2 pour 2007- 2008.

(1530)

Honorables sénateurs, si vous avez besoin d'informations supplémentaires, je me ferai un plaisir de vous les fournir.

L'honorable Joseph A. Day : Madame le sénateur accepterait-elle de répondre à une question?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Nancy Ruth, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Nancy Ruth : Oui.

Le sénateur Day : En examinant le Budget principal des dépenses, comme nous l'avons fait au comité, nous n'avons pas été informés de la période pour laquelle étaient demandés les crédits provisoires. Je ne vois rien à cet égard dans le Budget principal des dépenses. De façon générale, la période pour laquelle des crédits provisoires sont demandés dans le Budget principal des dépenses est de trois mois, soit jusqu'en juin.

Je me demande si le sénateur a assisté à une séance d'information gouvernementale sur cette question, ce que nous n'avons pas eu l'occasion de faire. Si le sénateur veut bien examiner les annexes au projet de loi de crédits, le projet de loi C-50, cela pourrait nous être utile sur ce point. À l'annexe 1.1, le gouvernement demande onze douzièmes des crédits provisoires. À l'annexe 1.2, le gouvernement demande huit douzièmes des crédits provisoires. Les crédits provisoires habituels, étant d'une durée de trois mois, figurent à l'annexe 2 pour les postes de l'annexe 2. Ce libellé n'apparaît pas dans le Budget principal des dépenses.

Madame le sénateur peut-elle nous aider?

Le sénateur Nancy Ruth : Je ne puis aider le sénateur maintenant, mais je pourrai le faire plus tard.

Le sénateur Day : Si le sénateur peut obtenir cette information pour nous, nous pourrions la communiquer aux sénateurs avant la troisième lecture.

Le sénateur Nancy Ruth : Je serai heureuse de le faire.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Nancy Ruth, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

LE BUDGET DES DÉPENSES DE 2007-2008

ADOPTION DU PREMIER RAPPORT INTÉRIMAIRE DU COMITÉ DES FINANCES NATIONALES SUR LE BUDGET PRINCIPAL DES DÉPENSES

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Banks, tendant à l'adoption du treizième rapport (premier intérimaire) du Comité sénatorial permanent des finances nationales (Budget des dépenses 2007-2008), présenté au Sénat le 22 mars 2007.

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, j'ai proposé l'ajournement du débat sur cette motion hier après-midi pour qu'elle demeure au Feuilleton plus longtemps, afin que nous puissions poursuivre le débat pendant un certain temps et aborder un plus grand nombre de sujets liés à la politique budgétaire.

J'ai remarqué aujourd'hui que le leader adjoint du gouvernement a donné avis, au nom du gouvernement, d'une interpellation ayant pour objet l'étude du budget de M. Flaherty. Par conséquent, il n'est plus nécessaire, de mon point de vue, de retarder l'adoption du treizième rapport. Je ne me prononcerais pas contre la motion si elle était mise aux voix maintenant.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

LE BUDGET DES DÉPENSES DE 2006-2007

ADOPTION DU RAPPORT FINAL DU COMITÉ DES FINANCES NATIONALES SUR LE BUDGET PRINCIPAL DES DÉPENSES

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Banks, tendant à l'adoption du douzième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales (Budget des dépenses 2006-2007), présenté au Sénat le 21 mars 2007.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

LA LOI SUR LES ALIMENTS ET DROGUES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Banks, appuyée par l'honorable sénateur Dallaire, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (eau potable saine).—(L'honorable sénateur Cochrane)

L'honorable Pat Carney : Honorables sénateurs, j'interviens au sujet du projet de loi S-205 modifiant la Loi sur les aliments et drogues, à savoir le projet de loi sur l'eau potable saine, que le sénateur Grafstein a présenté de façon régulière au cours des cinq dernières années. Le sénateur Grafstein a aussi un projet de loi qui accompagne celui-ci, le projet de loi S-208, qui concerne la question de l'eau et qui exige que le ministre de l'Environnement crée, en collaboration avec les provinces, une agence habilitée à définir et à protéger les bassins hydrographiques du Canada qui seront les sources d'eau potable des générations futures.

Le sénateur Grafstein a bien exposé les objectifs et l'historique de ce projet de loi qu'il a présenté pour la première fois en 2001 sous une autre forme. Il ressemblait alors au projet de loi présenté par le sénateur Forrestall et moi-même sur la protection des phares patrimoniaux. Le projet de loi du sénateur Grafstein a beaucoup évolué au Sénat et j'espère que nous le mènerons à terme.

Je suis reconnaissante au sénateur Grafstein pour ses initiatives dans ce dossier, car son projet de loi me donne l'occasion de souligner mes propres préoccupations en ce qui concerne l'eau potable, particulièrement par rapport à la loi adoptée par l'ancien gouvernement libéral qui, selon de nombreux experts, permettrait l'exportation d'eau en vrac vers les États-Unis et ailleurs.

Le projet de loi du sénateur Grafstein est une mesure corrective qui vise à modifier la Loi sur les aliments et drogues par l'ajout de l'eau potable saine au nombre de ses objectifs, de manière à ce que l'agence fédérale qui est déjà responsable de la réglementation de l'eau en bouteille, des glaçons et des boissons gazeuses réglemente aussi les réseaux de distribution d'eau.

Dans son excellent discours sur le sujet dans lequel il aborde la question de la compétence fédérale, le sénateur Grafstein déclare ce qui suit :

Il y a une longue liste de domaines où le gouvernement fédéral investit fréquemment dans l'infrastructure pour des questions depuis longtemps considérées comme étant de compétence provinciale, mais qui peuvent avoir un effet sur la santé des Canadiens ou sur l'économie canadienne dans son ensemble. Le gouvernement fédéral pourrait économiser des milliards de dollars au chapitre des coûts de la santé préventive si les réseaux de distribution d'eau potable n'étaient plus une menace pour la santé publique et pour des milliers de Canadiens; cela ne fait aucun doute, à mon avis.

Depuis que le sénateur a parlé de ce sujet, le gouvernement conservateur a présenté son budget la semaine dernière dans lequel était décrite une stratégie nationale sur l'eau qui profiterait d'un financement de 93 millions de dollars sur deux ans afin d'améliorer la qualité de l'eau dans les rivières, les lacs et les océans du Canada.

Le document budgétaire contient un résumé de cette stratégie nationale sur l'eau qui stipule que la préservation de la propreté et de la salubrité de l'eau pour les Canadiens est une entreprise que le gouvernement fédéral, les provinces et les municipalités poursuivent en collaboration. Le gouvernement fédéral dispense plus de 100 programmes en la matière dans les secteurs de compétence fédérale, tels que l'approvisionnement en eau potable dans les réserves des Premières nations et dans les installations fédérales; la qualité de l'eau, en ce qu'elle touche les stocks de poisson et l'habitat du poisson; les ressources océaniques; et les eaux transfrontalières et internationales.

(1540)

Parmi les éléments budgétaires, on compte : 11 millions de dollars sur deux ans pour accélérer le nettoyage de huit secteurs de préoccupation dans le bassin des Grands Lacs dans le cadre de l'Accord entre le Canada et les États-Unis relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs; 5 millions de dollars sur deux ans à la Commission mixte internationale afin de poursuivre l'étude des Grands Lacs et les activités de sensibilisation à la qualité de l'eau avec les États-Unis; 12 millions de dollars sur deux ans pour appuyer la dépollution du lac Simcoe; 7 millions de dollars sur deux ans pour appuyer le leadership du gouvernement fédéral dans le dossier de la dépollution du lac Winnipeg; et 19 millions de dollars sur deux ans pour promouvoir la santé des océans et appuyer le renforcement des activités de prévention, de surveillance et d'application de la loi pour lutter contre la pollution de l'eau le long du littoral canadien.

Le nouveau plan à long terme pour l'infrastructure financée par les budgets de 2006 et de 2007 prévoit un investissement total de 33 milliards de dollars au cours des sept prochaines années pour appuyer des investissements des provinces, des territoires et des municipalités dans l'infrastructure, dont certains serviront à financer les projets de traitement des eaux et des eaux usées.

En outre, honorables sénateurs, certains progrès ont été réalisés au sujet de la salubrité de l'eau potable dans les réserves autochtones. La semaine dernière, l'honorable Jim Prentice, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, a déposé un rapport au Parlement. Ce rapport expose en détail les améliorations apportées aux cours des 12 derniers mois à la qualité de l'eau dans les réserves. Il y a un an, le ministre Prentice a annoncé la mise en œuvre d'un plan d'action pour faire en sorte que toutes les collectivités des Premières nations aient accès à de l'eau potable salubre. Lorsqu'il a fait état des progrès réalisés au cours de l'année, le ministre a indiqué que, au cours des 12 derniers mois, le nombre de réseaux d'alimentation en eau présentant un risque élevé pour la santé dans les collectivités autochtones était passé de 193 à 97. Il reste encore beaucoup à faire à cet égard.

Certains projets dans les réserves de ma province, la Colombie- Britannique, visent entre autres Semiahmoo, au sud de Surrey; Shuswap, dans l'intérieur des terres; Toqhaht, à proximité d'Ucluelet; Canoe Creek, au sud-ouest de Williams Lake; et la collectivité de la Première nation de Lake Babine, près de Smithers et de Toosey. Je dois avouer que je n'ai jamais entendu parler de cette collectivité auparavant, mais elle compte une population 276 personnes, dont 141 vivent dans la réserve, située à 200 kilomètres au sud de Prince George. On fait des progrès, mais il reste encore beaucoup de pain sur la planche. Je remercie le sénateur Grafstein d'avoir pris ces initiatives et d'avoir saisi le gouvernement de ces questions.

Les Canadiens tiennent l'eau potable — la salubrité de l'eau potable — pour acquise. Le Canada arrive au troisième rang dans le monde pour ce qui est des réserves d'eau douce. Cependant, l'incidence de plus en plus évidente du réchauffement climatique sur les réserves d'eau amène les Canadiens à s'intéresser à nos ressources en eau et à la nécessité de les protéger et de les conserver.

J'ai un intérêt personnel dans le présent débat. Je vis sur une île où on doit compter sur la pluie pour l'approvisionnement des puits et des réservoirs. On ne s'inquiète que lorsque les réservoirs sont vides. Deuxièmement, j'ai déjà raconté à mes collègues comment la perte de l'accès à l'eau avait réduit la valeur de la propriété de ma famille dans l'Okanagan, lorsque le gouvernement a mis en place un système de permis d'utilisation de l'eau et que mon grand-père n'a pas demandé de permis pour pomper de l'eau dans le très grand bassin près de sa cabane en bois rond, parce qu'il estimait que le gouvernement n'avait pas le droit d'empiéter sur sa propriété. D'après la légende familiale, il est possible qu'on ait consommé de l'alcool pendant ce débat. Le voisin a obtenu un permis pour puiser de l'eau dans le bassin près de la cabane de mon grand-père et ce fut le déclin de notre propriété familiale. Lorsque le vieil homme est décédé, il n'y avait ni grain dans la grange ni bétail dans les pâturages; il n'y avait absolument rien parce qu'il n'y avait pas d'eau pour la propriété.

Beaucoup de Canadiens craignent de plus en plus que d'autres pays, notamment les États-Unis, convoitent nos ressources en eau douce. Ils présument que le Canada s'est doté d'une loi interdisant l'exportation de quantités massives d'eau vers les États-Unis et cela les rassure. Cette présomption est fausse. En tant que porte-parole du Parti conservateur en ce qui concerne le projet de loi C-6 en 2001, j'ai été la première parlementaire à souligner que la loi visant à interdire l'exportation de quantités massives d'eau permettait en fait l'émission de licences d'exportation. Des témoins qui ont comparu devant le comité et le Bureau du Conseil privé ont étayé cette conclusion par la suite. Cette dangereuse modification apportée à la Loi du traité des eaux limitrophes internationales a été adoptée par les libéraux le 18 décembre 2001 et elle mérite d'être réexaminée par notre nouveau gouvernement conservateur. J'ai soulevé cette question auprès du sénateur Banks, président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

Lorsque j'ai écrit aux premiers ministres des provinces pour souligner les conséquences éventuelles du projet de loi C-6, j'ai obtenu des résultats étonnants : certains premiers ministres n'ont jamais répondu à ma lettre; d'autres se sont dits alarmés et d'autres encore ont dit clairement qu'ils voulaient maintenir l'option d'exporter de l'eau douce.

À l'époque, le ministre des Affaires étrangères, John Manley, a dit au Comité sénatorial des affaires étrangères que l'objectif du projet de loi était de donner un contexte législatif au traité et de préciser clairement la position du gouvernement fédéral sur le captage d'eau, dans son état naturel, dans les bassins hydrographiques. Or, il n'était pas clair pour les membres du comité, dont certains siègent toujours au Sénat, que le projet de loi atteigne cet objectif, peu importe les intentions du gouvernement. L'intention n'était pas énoncée. L'intention de limiter les exportations de quantités massives d'eau ne figure pas dans le projet de loi lui-même. On laisse entendre que les règlements peuvent être modifiés en secret sans l'approbation du Parlement.

Dans mon discours à l'étape de la deuxième lecture, j'ai dit que le projet de loi C-6 était rédigé d'une façon qui pouvait conduire à des résultats tout à fait opposés à son objectif déclaré, soit limiter les exportations de quantités massives d'eau. Cet objectif est appuyé par de nombreux Canadiens, y compris moi-même. D'ailleurs, nous avons signalé que le projet de loi C-6 sous sa forme actuelle pourrait être utilisé pour permettre des exportations de grandes quantités d'eau dans des cas où aucune permission n'existe à l'heure actuelle.

Le ministre Manley a dit au comité :

Rien dans ce projet de loi ne désigne l'eau comme une denrée commercialisable ou ne peut être interprété comme tel.

Plusieurs témoins étaient en désaccord avec lui.

C'est le problème et c'est le fondement de mon argumentation relativement aux dispositions législatives. Les vastes pouvoirs de réglementation et de discrétion ministérielle prévus dans la loi signifient que l'interdiction d'exporter de l'eau en vrac n'a pas un caractère exécutoire pour le gouvernement. En vertu de son libellé actuel, la loi dit essentiellement :

Tu n'exporteras pas d'eau en vrac, à moins que le ministre te dises que tu peux le faire.

À l'époque, l'avocat Barry Appleton, spécialiste du droit commercial, nous avait dit :

Au lieu de créer la possibilité d'élaborer une politique d'eau globale et durable du point de vue environnemental, le projet de loi a créé un mécanisme qui, en fait, autorise dans certaines circonstances l'exportation d'eau du Canada aux États-Unis.

Je suis certaine que ce n'était pas le but visé. Toutefois, en vertu du libellé du projet de loi, c'est clairement l'effet de cette mesure. M. Howard Mann, qui est un avocat d'Ottawa et un conseiller en politique spécialisé dans le droit international, environnemental et commercial, a dit au comité :

Cela pose un risque important. Une fois que les exportations d'eau auront commencé, les gouvernements fédéral et provinciaux ne pourront pas interdire de façon arbitraire d'autres exportations. Toute interdiction de cette nature devra respecter le droit commercial, y compris les dispositions du chapitre 11. Nous sommes pris au jeu dès que l'on s'engage dans cette voie.

Le chapitre 11 est celui qui porte sur le traitement national qui permettrait au Mexique et aux États-Unis d'avoir accès à nos ressources en eau. Je souligne encore une fois, à titre de ministre responsable de l'Accord de libre-échange à l'époque, que l'eau comme telle n'était pas visée par l'accord, mais que les biens échangeables le sont.

Lorsque j'ai interrogé Nigel Banks, professeur de droit à l'Université de Calgary, je lui ai demandé :

Dans sa forme actuelle, ce projet de loi, qui donne un pouvoir discrétionnaire au gouverneur en conseil et aussi au processus réglementaire, peut-il être utilisé pour autoriser l'exportation d'eau en vrac provenant des eaux limitrophes?

L'enlèvement de l'eau à des fins d'irrigation aux États-Unis serait-il permis dans ce cas, si l'on pouvait démontrer au moyen d'une évaluation environnementale ou autrement que cette mesure n'affecte pas le niveau des eaux limitrophes?

M. Banks a répondu : « Je pense que la réponse est oui. »

Notre préoccupation est partagée par un grand nombre et elle demeure pertinente. Cette mesure législative devrait être revue et on devrait clarifier son objet et son impact. Comme le dit la comptine :

De l'eau, de l'eau partout et pas une goutte à boire.

Si nous ne prenons pas des mesures énergiques relativement à cette question, qui continue d'être d'actualité, l'avenir des Canadiens pourrait s'en trouver affecté.

Encore une fois, je sais gré au sénateur Grafstein de prendre l'initiative dans ce dossier, afin que les Canadiens aient de l'eau douce qui soit propre.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

(1550)

LA PROTECTION DES VICTIMES DE LA TRAITE DES PERSONNES

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Phalen, appuyée par l'honorable sénateur Day, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et édictant certaines autres mesures afin de fournir aide et protection aux victimes du trafic de personnes.—(L'honorable sénateur Comeau)

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, je veux aujourd'hui apporter mon soutien au projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et édictant certaines autres mesures afin de fournir aide et protection aux victimes du trafic de personne.

Je félicite notre collègue, le sénateur Phalen, qui s'est fait le champion d'une cause juste et qui a attiré l'attention du Sénat sur une forme épouvantable d'exploitation des êtres humains.

Le projet de loi nous permet de nous acquitter de certaines de nos responsabilités en tant que signataires du Protocole des Nations Unies visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, que le Canada a ratifié en 2002. Ce protocole est connu comme étant le protocole contre la traite des personnes. Il définit la traite des personnes et exige que les signataires criminalisent ce trafic et, en plus, qu'ils viennent en aide aux personnes qui en sont victimes.

Par conséquent, l'objectif du projet de loi S-222 est de :

[...] prévoir des mesures législatives précises pour fournir aide et protection aux victimes du trafic de personnes qui se trouvent au Canada sans statut juridique :

a) en leur donnant un moyen de régulariser leur statut à titre de résidents temporaires et de leur faciliter l'acquisition éventuelle du statut de résident permanent dans les circonstances appropriées;

b) en leur donnant le statut approprié pour qu'ils aient accès aux services de santé et aux services sociaux nécessaires.

Comme l'a déclaré le sénateur Phalen dans l'excellent discours qu'il a prononcé le 6 février 2007, l'outil principal pour donner aux victimes de la traite des personnes l'accès mentionné dans l'objet du projet de loi serait fondé sur la Trafficking Victims Protection Act, une loi qui a été adoptée aux États-Unis en 2000.

Selon humanTrafficking.org, cette loi :

[...] raffermit les peines pénales déjà prévues dans d'autres lois connexes, offre de nouveaux moyens de protection aux victimes de la traite des personnes et offre certains avantages et certains services aux victimes des formes graves de traite. Certaines victimes peuvent maintenant obtenir le « T-Visa », qui leur permet de demeurer aux États-Unis pour poursuivre en justice les auteurs de la traite des personnes.

Le projet de loi S-222 prévoit l'« autorisation de protection », qui permettrait aux victimes de la traite des personnes de demeurer au Canada à titre de résident temporaire, en profitant de tous les avantages que confère ce statut, pendant 120 jours avec la possibilité d'une prolongation jusqu'à trois ans, sous réserve du respect de certains critères.

Les trois critères pour la prolongation du statut de résident temporaire jusqu'à trois ans, sont :

a) que l'étranger est ou a été victime de trafic de personnes au Canada ou pendant son entrée au Canada;

b) soit :

(i) que l'étranger s'est conformé, ou est prêt à se conformer, à toute demande raisonnable d'aide dans le cadre d'une enquête ou d'une poursuite relative à des activités de trafic de personnes ou des infractions connexes,

(ii) qu'il existe une sérieuse possibilité que l'étranger ou un membre de sa famille fasse l'objet d'une vengeance ou subisse une contrainte ou tout autre préjudice si l'étranger est renvoyé du Canada.

Cet aspect de la mesure législative est très important. Le rapport le plus récent du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes porte sur la traite des personnes au Canada. Le comité aussi reconnaît la nécessité de fournir la protection nécessaire aux victimes et il estime qu'on a fait bien peu pour répondre aux exigences du Protocole contre la traite des personnes. Comme Danielle Strickland, représentante de l'Armée du Salut, l'a dit au comité :

Si nous offrons des soins et des mesures d'aide appropriés à ces victimes, je crois que nous allons en libérer suffisamment pour qu'elles commencent à nous révéler certains des secrets du trafic, ce qui nous aiderait, plus qu'on peut l'imaginer, dans cette lutte contre le trafic sexuel.

L'importance de cette protection est donc double : d'une part, elle donne aux victimes le statut approprié pour qu'elles aient accès aux services de santé et aux services sociaux et elle les met à l'abri de l'expulsion et, d'autre part, elle aide la police à lutter contre la traite des personnes grâce à la collaboration des victimes.

La deuxième partie du projet de loi énonce la responsabilité du ministre de la Santé, soit :

a) assurer la création et le fonctionnement d'un service téléphonique d'urgence national, multilingue et sans frais relevant du ministère de la Santé, afin que celui-ci fournisse des services de counseling, de renseignement et d'aiguillage au soutien des victimes du trafic de personnes.

Cette partie du projet de loi prévoit aussi la nécessité de former adéquatement les personnes chargées du service téléphonique d'urgence et reconnaît le besoin d'une campagne de sensibilisation du public portant sur la traite des personnes.

Le Comité permanent de la condition féminine de l'autre endroit a recommandé la mise sur pied d'un tel service téléphonique d'urgence destiné aux victimes de la traite des personnes.

Ces mesures du projet de loi S-222 constituent des réponses appropriées à un problème qui existe malheureusement non seulement à l'échelle internationale, mais aussi ici même au Canada.

Comme l'a dit le sénateur Phalen dans son intervention, nous n'avons que des estimations de l'ampleur du trafic au Canada. La Gendarmerie royale du Canada estime qu'entre 600 et 800 personnes entrent au Canada dans le cadre de la traite des personnes chaque année. Ces personnes sont, en grande majorité, destinées au marché du sexe, mais certaines sont aussi réduites au travail forcé.

Selon moi, un seul cas de traite des personnes par année justifierait les dispositions du projet de loi S-222.

Récemment, le sénateur Phalen et moi avons eu la chance d'assister à une séance d'information sur la traite des personnes présentée par International Justice Mission Canada, IJM. C'est une organisation vouée aux droits de la personne unique en son genre. Elle s'occupe directement de cas individuels de mauvais traitement. IJM emploie des enquêteurs professionnels et mobilise les autorités locales pour obtenir une intervention.

Selon IJM, la grande majorité des cas qui lui sont confiés ont trait à la traite de femmes et d'enfants pour le marché du sexe. L'organisation estime que ce trafic amène chaque année aux États-Unis entre 18 000 et 50 000 femmes qui seront exploitées sexuellement. Cette estimation devrait inciter les Canadiens à s'inquiéter, parce que ces femmes pourraient passer par le Canada avant d'entrer aux États-Unis, et en nombres beaucoup plus grands que le croit la GRC, quand elle estime que ce chiffre varie de 600 à 800.

Selon Jamie McIntosh, directeur général d'IJM Canada, il est extrêmement important que...

[...] le Canada accorde la grande priorité à l'application de la législation contre la traite des personnes en finançant davantage le travail de la police et des ONG. IJM croit que le Canada devrait offrir un financement suffisant pour qu'on puisse y parvenir, au Canada et ailleurs dans le monde.

M. McIntosh a accordé beaucoup d'importance au rôle que joue le Canada dans la lutte contre la traite des personnes sur la scène internationale. Il a aussi donné un exemple précis de la façon dont il joue ce rôle. Il a dit :

En 2003, l'IJM a mené des opérations secrètes d'infiltration dans le village cambodgien de Svay Pak, dans la banlieue immédiate de Phnom Penh. Nous avons identifié 45 enfants âgés de moins de 15 ans qui étaient victimes d'exploitation sexuelle, offerts en pâture à des étrangers faisant du tourisme sexuel, y compris à des Canadiens. Le 29 mars, le point culminant de cette enquête a été une opération menée conjointement avec la police nationale cambodgienne au cours de laquelle 37 filles ont été secourues des maisons de passe, dont neuf n'étaient âgées que de cinq à dix ans. Un résidant de Toronto et ex-agent de police de l'ONU a fourni du soutien logistique aux policiers cambodgiens.

Même si ce rôle dépasse la portée du projet de loi, je le mentionne pour attirer l'attention des honorables sénateurs et de tous les Canadiens sur le type de victimes qui pourraient arriver au Canada, et pour démontrer que notre pays peut aussi jouer un rôle actif en matière de prévention internationale.

Finalement, honorables sénateurs, comme cela a déjà été mentionné ici aujourd'hui, j'aimerais souligner que le 25 mars 2007 marquait le bicentenaire de l'adoption, par le Parlement britannique, d'une loi abolissant la traite des esclaves. L'adoption de cette loi a été le point culminant de nombreuses années de la lutte acharnée menée par William Wilberforce, fervent chrétien et député au Parlement britannique. Je vous invite à aller voir le film Amazing Grace, actuellement en salles, qui est une superbe biographie de William Wilberforce et de son œuvre.

Nous voici, 200 ans après l'abolition de l'esclavage, et pourtant la traite de personnes s'est transformé en une industrie de plusieurs milliards de dollars qui ne semble pas devoir prendre fin un jour.

Honorables sénateurs, je vous exhorte à appuyer le projet de loi S- 222.

(Sur la motion du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)

(1600)

PROJET DE LOI DE MISE EN ŒUVRE DU PROTOCOLE DE KYOTO

DEUXIÈME LECTURE—MOTION D'AMENDEMENT—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Mitchell, appuyée par l'honorable sénateur Trenholme Counsell, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C- 288, Loi visant à assurer le respect des engagements du Canada en matière de changements climatiques en vertu du Protocole de Kyoto.

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Tkachuk, appuyée par l'honorable sénateur Comeau, que le projet de loi C-288 ne soit pas maintenant lu pour une deuxième fois, mais que la teneur du projet de loi soit renvoyé simultanément au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles;

Que les comités fassent rapport au plus tard le 31 décembre 2007; et

Que l'ordre pour la reprise du débat sur la motion portant deuxième lecture du projet de loi n'apparaît pas au Feuilleton et Feuilleton des Avis jusqu'à ce que les deux comités aient fait rapport sur la teneur du projet de loi.—(L'honorable sénateur Murray, C.P.)

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, je reprendrai là où je me suis arrêté après ma très brève introduction jeudi dernier.

J'aimerais tout d'abord dire que le Président de la Chambre des communes a décidé que ce projet de loi n'est pas, à proprement parler, un projet de loi de finances. Cependant, comme nous le répètent sans cesse le Président de la Chambre des communes et le Président du Sénat, leur rôle consiste à prendre des décisions concernant la procédure parlementaire, et non des points de droit ou de politique publique, et encore moins concernant la Constitution.

C'est dans ce contexte constitutionnel que je parlerai du projet de loi. Quand je parle de la Constitution, je parle des conventions constitutionnelles telles que l'entend la Cour suprême du Canada, à savoir les « règles tacites, qui comprennent les conventions constitutionnelles et les rouages du Parlement ».

L'autre jour, le sénateur Grafstein nous a rappelé que la Cour suprême du Canada avait dit que ces conventions de notre Constitution, ces règles tacites, ont la même valeur que les textes constitutionnels, ce qui n'est pas étonnant. Sont des conventions constitutionnelles qui ne figurent pas dans les textes constitutionnels, entre autres le rôle et même l'existence du poste de premier ministre, ainsi que le principe de confiance selon lequel un gouvernement doit jouir de la confiance de la Chambre des communes pour gouverner. En bref, la plupart des éléments de notre système de gouvernement responsable ne sont pas prévus dans les textes constitutionnels, mais sont des conventions constitutionnelles. Comme nous le savons, celles-ci sont absolument essentielles à notre système de gouvernement.

Quand nous parlons de gouvernement responsable, nous avons tendance à souligner, parce que nous sommes des parlementaires, la responsabilité qui incombe au Parlement de tenir le gouvernement responsable de ses actes. C'est très bien comme cela. Nous parlons du pouvoir de dépenser et des autres prérogatives du Parlement devant l'exécutif.

Toutefois, je suis d'avis qu'il y a un élément tout aussi important, que nous devons souligner, à savoir le rôle des ministres dans cette dynamique. Ce n'est pas pour rien que nous appelons ce système de gouvernement « gouvernement par l'exécutif ». C'est entre leurs mains, celles des ministres, que sont concentrés le pouvoir et la responsabilité. Ils ont le devoir de leur fonction, le devoir du gouvernement. Ils ont une responsabilité constitutionnelle concernant l'exercice du pouvoir, individuellement et collectivement. C'est parce qu'ils sont responsables individuellement et collectivement en leur qualité de ministres, à titre d'exécutif, que le Parlement peut s'acquitter de sa tâche, qui consiste à leur demander des comptes.

Certains honorables sénateurs se souviennent peut-être de l'exaspération que j'ai exprimée il y a quelques années lorsque plusieurs ministres du gouvernement Chrétien faisaient cavalier seul sur des questions importantes, y compris même sur des questions d'ordre constitutionnel — le rôle de la monarchie, des questions de ce type. Les honorables sénateurs ne se souviennent peut-être pas du fait que, dans la réponse écrite qu'il m'a envoyée aux questions que j'avais posées à ce sujet, le premier ministre de l'époque, M. Chrétien, a explicitement, bien que tardivement, rappelé ces ministres à l'ordre et leur a rappelé la raison d'être de l'unité et de la solidarité du Cabinet. Ces principes sous-tendent notre régime de gouvernement responsable.

Le projet de loi C-288 introduit des éléments du processus législatif propre au Congrès américain dans le système de Westminster et le système parlementaire canadien. Dans un échange entre le sénateur Meighen et le sénateur Grafstein l'autre jour, on a fait remarquer, entre autres, que le système américain possède sa propre logique interne. Il tend à un équilibre qui lui est propre. Il en va de même pour le nôtre, le système canadien inspiré de Westminster. Le système américain cherche l'équilibre au moyen d'une séparation des pouvoirs et d'un système de freins et de contrepoids entre l'assemblée législative et l'exécutif. Nous cherchons à atteindre l'équilibre dans cette dynamique entre la responsabilité qu'ont les ministres de gouverner et le rôle du Parlement, qui est de contrôler l'exercice du pouvoir ministériel.

Les systèmes sont profondément différents. Au Congrès, on attend de tous les parlementaires qu'ils participent à l'élaboration de lois en déposant des projets de loi. Notre vieil ami, le sénateur John Stewart, a écrit en 1977 un livre intitulé The Canadian House of Commons. Dans un passage sur la différence entre notre système et le système américain, il a écrit : « La distinction entre les initiatives parlementaires et les initiatives ministérielles est sans importance. »

Les honorables sénateurs savent qu'il y a, dans le corpus de la législation américaine, des lois importantes qui portent le nom de leurs parrains au Congrès, comme Sarbanes-Oxley, et, pour ceux d'entre nous qui sont assez vieux pour remonter quelques générations en arrière, la loi Taft-Hartley et de nombreuses autres.

Les membres du Congrès jouent un rôle actif dans la préparation du programme de dépenses nationales. Le président peut proposer un budget. L'autre jour, quelqu'un m'a dit que, depuis quelques années, les budgets présidentiels sont mort-nés lorsqu'ils arrivent au Congrès. Ce dernier peut modifier le budget comme il l'entend et le retourner au président, qui doit l'accepter ou exercer son droit de veto, autre aspect du système états-unien que nous n'avons pas.

La semaine dernière, la Chambre des représentants à Washington a adopté une résolution; l'un de ses éléments vise à rapatrier les soldats d'Irak d'ici septembre 2008. Aussitôt que le président Bush en a entendu parler, il a dit : « Je vais appliquer mon veto ». Puis, ce qui illustre un autre aspect de la dynamique aux États-Unis, il a déclaré : « En passant, je ne crois pas que vous ayez suffisamment de votes pour l'emporter sur mon veto. »

Nos deux systèmes sont tellement différents que ce serait une erreur considérable que d'essayer d'incorporer à un système les éléments de l'autre.

Dans son ouvrage, M. Stewart écrit : « Si nous voulons comprendre les fonctions de la Chambre des communes, nous devons nous ôter de l'esprit toute idée de régime présidentiel et l'idée que le Parlement est « le pouvoir législatif ». L'idée voulant que la Chambre des communes soit un Congrès est incompatible avec un gouvernement responsable. »

Plus loin, il traite du discours du Trône qui ouvre chaque nouvelle session parlementaire. Il écrit : « Ce n'est pas seulement symbolique. » Cela montre que, comme auparavant, la relation existe encore, « c'est-à-dire que les députés sont convoqués non pas pour présenter leurs propres projets de loi, mais pour étudier les demandes financières et législatives des ministres de la reine ». Plus loin, il écrit ceci : « Le pouvoir de la Chambre d'influencer le gouvernement de la reine est politique et non législatif. »

Il existe des moyens bien établis en vertu desquels l'une ou l'autre des Chambres du Parlement ou les deux peuvent exprimer leurs points de vue à propos de questions importantes. Notre ami, le sénateur Segal, a présenté une motion l'autre jour afin que le Sénat exhorte le gouvernement, et demande à la Chambre des communes d'exhorter elle aussi le gouvernement, à rappeler notre ambassadrice au Zimbabwe et à rompre les relations diplomatiques avec ce pays.

Si la motion est adoptée par les deux Chambres, elle n'aurait pas pour effet de rompre les relations diplomatiques ni de rappeler l'ambassadrice. Toutefois, elle enverrait un message puissant au gouvernement et à la communauté internationale selon lequel nous voulons que notre gouvernement adopte une position plus rigoureuse par rapport à la situation au Zimbabwe.

(1610)

Toutefois, c'est la prérogative des ministres de la reine — comme la motion le reconnaît — de décider de rompre les relations ou non. Loin de moi l'idée de laisser entendre que les projets de loi d'initiative parlementaire sont sans conséquences. Pour en revenir au sénateur Segal, il a proposé un projet de loi, avec mon appui du reste, prévoyant la présentation de rapports financiers trimestriels au Parlement par le gouvernement et l'application de la comptabilité d'exercice.

Le sénateur Ringuette a présenté le projet de loi S-201, qui tend à modifier la Loi sur l'emploi dans la fonction publique pour éliminer le favoritisme bureaucratique et les critères géographiques.

Le sénateur Downe a proposé le projet de loi S-203, qui vise à donner une priorité de nomination aux vétérans.

Le projet de loi S-205 du sénateur Grafstein modifierait la Loi sur les aliments et drogues au sujet de l'eau potable.

Le projet de loi S-216 du sénateur St. Germain porte sur la reconnaissance par la Couronne de l'autonomie gouvernementale des Premières nations du Canada.

Et n'oublions pas le projet de loi du sénateur Carney sur la préservation des phares patrimoniaux.

Les projets de loi d'initiative parlementaire ne sont pas sans conséquences, mais ils ne peuvent contraindre le gouvernement à faire quelque chose qu'il est déterminé à ne pas faire. Il appartient au gouvernement de proposer des mesures au Parlement, et celui-ci ne peut forcer le gouvernement à proposer une mesure particulière. À mon sens, le projet de loi inverse les choses.

Ned Franks, professeur que nous connaissons tous et que nous avons vu aux comités parlementaires, exprime cette opinion : « Le régime parlementaire signifie que le gouvernement est assuré au Parlement et avec lui, mais non par lui. »

Tom Flanagan, dans une lettre du 20 février au Globe and Mail, décrit le projet de loi comme de l'« américanisme abâtardi », ce qui est un peu fort, je l'avoue, venant de quelqu'un qui a appuyé les expédients préconisés par le Parti réformiste et l'Alliance et emprunté aux États-Unis des éléments disparates pour les plaquer sur notre système, comme les élections à date fixe, auxquelles je m'oppose pour la même raison qui me pousse à rejeter le projet de loi à l'étude, le Sénat selon la formule des trois E et tout le reste.

L'article 4 dit que le projet de loi « lie Sa Majesté du chef du Canada ». Ce projet de loi proposé par un simple député forcerait le gouvernement à présenter un plan maintenant et à le mettre en œuvre année après année jusqu'en 2012. Ce plan, précise le projet de loi, doit comprendre des mesures fiscales et des encouragements, des règlements, des interventions sur le marché, autant de choses que le gouvernement a dit et répété qu'il ne pouvait proposer de façon responsable, à cause de coûts considérables pour l'économie canadienne et que, par conséquent, il est déterminé à ne pas faire.

Le projet de loi contraindrait le gouvernement à faire ces choses- là. Que le gouvernement ait raison ou tort à propos du Protocole de Kyoto, là n'est pas la question. La réalité constitutionnelle, honorables sénateurs, et ce peut être aussi pénible à dire pour certains qu'à entendre pour d'autres, c'est que le gouvernement Harper a la confiance de la Chambre des communes dans l'état actuel des choses. Il a survécu à son discours du Trône. Il est en passe de survivre à son deuxième budget. Il a réussi à faire adopter par le Parlement un certain nombre de projets de loi qu'il considère comme essentiels à son mandat. Il a la responsabilité de gouverner. Il peut proposer des mesures au Parlement, et on ne peut le contraindre à proposer une mesure particulière.

Selon moi, le projet de loi est inédit — je reconnaîtrai mon erreur si quelqu'un peut me montrer un précédent — dans la mesure où il va directement à l'encontre de notre régime de gouvernement responsable et pourrait créer un précédent. Ce serait une grave erreur de l'adopter. Par conséquent, si l'occasion m'en est donnée, j'exprimerai mon opposition de principe en votant contre le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture.

L'honorable Joan Fraser : Le sénateur Murray accepte-t-il de répondre à une question?

Le sénateur Murray : Oui.

Son Honneur le Président : Je dois signaler que le temps de parole du sénateur Murray est écoulé. Il faudrait qu'on lui accorde plus de temps.

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : D'accord sur cinq minutes de plus?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Fraser : Honorables sénateurs, j'aime toujours écouter le sénateur Murray et j'hésite à le contredire sur des questions aussi graves, car il possède une grande expérience personnelle.

Néanmoins, j'ai été médusée par son argumentation. Le sénateur a parlé d'un certain nombre de projets de loi d'initiative parlementaire dont nous avons été saisis à l'occasion, mais il m'a semblé que la comparaison la plus utile ici serait celle du projet de loi présenté plusieurs fois — jusqu'à ce qu'il réussisse — par notre ancien collègue, le sénateur Gauthier, au sujet des langues officielles. Le projet de loi a été conçu pour contraindre le gouvernement du Canada à agir, d'une façon qui allait presque certainement entraîner des coûts, pour donner du mordant à la partie VII de la Loi sur les langues officielles.

Lorsque je siégeais au Comité des langues officielles — et également au Comité des affaires juridiques, je crois — et que j'ai écouté les témoignages sur le projet de loi, j'ai appris que, lorsque le gouvernement Mulroney a proposé cette partie de la Loi sur les langues officielles, le ministre en place à l'époque, M. Bouchard, a donné aux sénateurs l'assurance que le projet de loi aurait du mordant, qu'il obligerait le gouvernement à agir, qu'il ne s'agissait pas simplement de vœux pieux, pourrait-on dire, d'un vague communiqué.

Or, une fois le projet de loi adopté, les gouvernements successifs se sont opposés avec virulence à l'idée voulant qu'ils soient tenus d'agir aux termes de cette partie de la loi. Le sénateur Gauthier a entrepris de persuader le Parlement de leur ordonner de tenir parole, d'honorer la parole du ministre qui était en poste lorsque la loi a été adoptée. Il a réussi. Nous avons tous estimé, je crois, qu'il s'agissait d'une grande réalisation, d'une belle page de la vie parlementaire.

Pourquoi était-il acceptable à l'époque que les parlementaires essaient d'obliger le gouvernement à honorer la parole de son prédécesseur et pourquoi ne serait-ce plus acceptable maintenant?

Le sénateur Murray : Bien sûr, je me souviens du projet de loi que le sénateur Gauthier a présenté plusieurs fois. Je l'ai appuyé. Je me souviens du projet de loi initial, puisque je l'ai parrainé ici. Je n'ai pas ces projets de loi sous les yeux, mais je sais ce que la partie VII disait et dit maintenant. Dans la version originale, si je peux résumer, on disait que le gouvernement ou les ministres « pouvaient » faire quelque chose. La version du sénateur Gauthier disait que les ministres « devaient » faire quelque chose.

Si ma collègue étudie le projet de loi du sénateur Gauthier et examine ensuite le projet de loi C-288, avec ses exigences de mesures fiscales, de mesures incitatives, de règlements et d'interventions sur le marché, elle constatera que le projet de loi C-288 est beaucoup plus contraignant pour le gouvernement que ne le sont les modifications proposées par le sénateur Gauthier. Dans le cas de ces modifications, la question des coûts qu'elles pouvaient entraîner était purement spéculative. Au Comité des langues officielles, dont je suis heureux de toujours faire partie, nous discutons fréquemment des moyens que le gouvernement peut et doit prendre, sans puiser dans le Trésor, pour promouvoir la vitalité des collectivités de langue officielle dans l'ensemble du Canada. En un mot, l'honorable sénateur va un peu loin en essayant de comparer ces deux mesures législatives.

(1620)

Le sénateur Fraser : Je veux bien convenir que le projet de loi du sénateur Gauthier ne comprenait pas un nombre infini d'annexes détaillées. Si je m'en souviens bien, le projet de loi portait essentiellement sur la nécessité d'étendre la promotion à un grand nombre de secteurs qui, en définitive, relèvent des tribunaux. Les minorités de langue officielle ont maintenant la possibilité d'intenter des poursuites contre le gouvernement du Canada pour le sommer d'agir. Je dirais donc avec respect qu'il existe ici un parallèle à ne pas perdre de vue.

Le sénateur Murray : Un parallèle ne signifie pas que les deux mesures sont identiques.

Son Honneur le Président : Le temps de parole du sénateur Murray est écoulé. Nous poursuivons le débat.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je voulais poser une question au sénateur Murray. Je comptais sur sa réponse pour décider si j'allais ou non intervenir dans le débat. Je sais que nous avons accordé au sénateur Murray cinq minutes, mais l'objet de cette institution est de tenir des débats. Je ne comprends pas pourquoi nous ne pouvons pas poursuivre ce débat. En fait, je ne comprends pas pourquoi ce chiffre de cinq minutes a été choisi. Les sénateurs auraient pu tout aussi bien accepter d'accorder dix minutes.

J'aimerais avoir une réponse à une question. Le sénateur Murray a fait une déclaration extrêmement audacieuse. Je ne suis pas d'accord avec lui sur une partie de ce qu'il a dit et je conteste une autre partie. Il dit le contraire de ce que je comprends, à savoir qu'il y a des circonstances dans lesquelles un gouvernement doit prendre en compte l'opinion des deux Chambres. Je voulais savoir ce que le sénateur Murray pense de cet énoncé. Il pourrait peut-être demander quelques minutes de plus pour me répondre. J'ai l'impression que lorsqu'un sénateur aussi éminent que lui soulève des questions importantes, nous devrions avoir le loisir d'en discuter.

Le sénateur Murray : Il est difficile de résister à une invitation présentée en termes aussi généreux. Je crois qu'il serait très irréfléchi et très imprudent de la part d'un gouvernement, surtout s'il est minoritaire, de faire abstraction du point de vue de l'une ou l'autre Chambre du Parlement, comme dans le cas de la motion proposée par le sénateur Segal au sujet du Zimbabwe. Que puis-je dire de plus?

Ce projet de loi n'est pas une opinion. C'est une mesure législative qui forcera le gouvernement à agir. Elle est au cœur même de la politique du gouvernement et vient à un moment où celui-ci est en train de formuler sa propre politique. La Chambre des communes est saisie du projet de loi sur la qualité de l'air. M. Baird est à Potsdam et le premier ministre dit que l'époque de la conformité volontaire est révolue, que les émissions feront l'objet de règles obligatoires. Le projet de loi force le gouvernement à faire une chose qui touche de très près à sa politique.

Honorables sénateurs, les projets de loi d'initiative parlementaire ont un rôle à jouer. Beaucoup d'entre eux ne sont pas adoptés parce qu'ils sont tellement du goût du gouvernement, du public et du Parlement qu'ils se transforment en projets de loi du gouvernement. L'honorable sénateur le sait.

Le sénateur Cools : Je remercie l'honorable sénateur de sa réponse. Le sénateur Murray a avancé différents arguments, dont certains sont contradictoires. J'ai noté l'allusion à la transmission furtive au Canada du système du Congrès. Je le félicite pour ses citations de l'ancien sénateur Stewart, établissant que la notion de Sa Majesté dans ce système n'est pas un fait désuet et que la Chambre des communes n'est pas un système de délégués.

Je vais peut-être citer une autorité que j'ai ici et qui, je vous l'assure, n'a aucun lien avec le projet de loi. Il y a des cas où le Sénat et la Chambre des communes ont amené le gouvernement, par voie de résolution, à changer de position. Par exemple, je crois qu'en 1878, un lieutenant-gouverneur du Québec dénommé Letellier a été limogé par suite d'une motion du Sénat condamnant ses activités au Québec. Je n'ai pas examiné ce cas depuis un certain temps. Sir John A. Macdonald s'était appuyé sur cette résolution pour recommander au Gouverneur général de l'époque de le démettre de ses fonctions.

L'autorité que je voudrais citer au sénateur Murray est un livre de M. Alpheus Todd. Pour la gouverne des sénateurs qui ne connaissent pas l'œuvre d'Alpheus Todd, je précise qu'il est probablement un des plus grands experts du Parlement. Ses travaux ont précédé ceux d'Erskine May. Beaucoup de gens ne le savent pas, mais il était né en Angleterre et avait vécu au Canada.

J'ai ici un extrait du volume 2 de son livre On Parliamentary Government in England, dans l'édition de 1892. Je cite :

L'opinion exprimée par l'une ou l'autre des Chambres du Parlement, et surtout par la Chambre des communes, au sujet d'une affaire quelconque, qu'il s'agisse d'une question législative ou relevant du domaine de la prérogative ou de la fonction administrative, a toujours droit à un examen respectueux, même si elle a été adoptée contrairement à l'avis des ministres.

Même si elle a été adoptée contrairement à l'avis des ministres. C'est un point important. Le sénateur Murray a soulevé une question très importante sur laquelle nous devrions tenir un débat complet.

Alpheus Todd poursuit ainsi :

Mais le poids à attribuer à une telle résolution doit dépendre des circonstances de l'affaire [...]

Je vais passer quelques lignes.

Les ministres se sont parfois inclinés devant les vœux ainsi exprimés par le Parlement, mais il y a eu des cas où ils ont pris position et ont refusé catégoriquement d'y donner suite.

Ces mots sont vraiment critiques. M. Todd dit encore :

Si une Chambre ou l'autre persiste dans son point de vue sur une importante question, malgré l'opposition des ministres, son action doit en définitive prendre la forme d'une motion de défiance à l'égard du gouvernement.

Autrement dit, M. Todd avance l'argument, maintenant oublié, que si l'une ou l'autre Chambre persiste dans son opinion sur une importante question ou politique, malgré l'opposition du ministère ou du ministre, celui-ci devrait démissionner.

Je me souviens d'avoir discuté de ce point avec le sénateur Banks, il y a quelques années. Cela se produit tout le temps ici. Les ministres envoient maintenant des notes disant qu'ils s'opposent à tel ou tel projet de loi d'initiative parlementaire et exhortent les sénateurs à le rejeter. Cela est extrêmement répréhensible. La règle veut que si la Chambre s'oppose au ministre, celui-ci doit changer de position et appuyer le projet de loi. Autrement, il doit démissionner.

Je voulais faire part de cette question au sénateur Murray. Il a soulevé des points très importants pour lesquels il mérite des félicitations. En tout cas, je l'en félicite.

(1630)

Je dirais que cela dépend des circonstances et d'autres questions comme celle de l'appui du public et de toutes les autres questions qui, ensemble, créent un climat de confiance concret et réel.

Honorables sénateurs, je n'interviens pas sur le fond du projet de loi C-288 puisque je ne l'ai pas encore lu; peut-être vais-je le faire maintenant pour pouvoir participer au débat. Il est impossible d'affirmer que les gouvernements ont le droit d'ignorer les Chambres du Parlement lorsque les opinions qui y sont exprimées sont entérinées par un vote.

Peut-être que le sénateur Murray voudrait répondre.

Son Honneur le Président : Reprenons le débat. Le sénateur Joyal a la parole.

L'honorable Serge Joyal : Je veux m'assurer que je suis bien la procédure. Devrais-je comprendre que le temps de parole du sénateur Murray a été prolongé pour me permettre de poser une question?

Le sénateur Cools : Oui.

Son Honneur le Président : Il s'agit du temps de parole du sénateur Cools.

Le sénateur Cools : Non, non, j'ai demandé au Sénat...

Le sénateur Cowan : Vous avez pris la parole.

Le sénateur Cools : Je croyais avoir demandé au Sénat de bien vouloir prolonger le temps de parole du sénateur Murray. Le sénateur Murray s'est levé et a pris la parole et je lui ai répondu. C'est ce que je pensais.

Il n'y a jamais de vote. Cela se fait toujours par consentement unanime.

Son Honneur le Président : Le temps de parole du sénateur Murray est écoulé. Reprenons le débat. Le sénateur Bryden a la parole.

Le sénateur Cools : Dans ce cas, le débat pourrait-il être ajourné à mon nom?

L'honorable John G. Bryden : Le temps de parole du sénateur Murray a été prolongé de cinq minutes.

Le sénateur Comeau : Au début, oui, mais maintenant c'est terminé.

Le sénateur Cowan : Ensuite, madame le sénateur Cools a fait un discours.

Le sénateur Bryden : Le sénateur Cools dit que la discussion était encore ouverte tant que le sénateur Murray exprimait des idées qui appuyaient la position.

Le sénateur Cools : Oui.

Le sénateur Bryden : Le sénateur dit maintenant qu'il va y mettre fin. Il faut faire preuve d'un peu de justice.

Le sénateur Comeau : Je ne mets fin à rien.

Le sénateur Cools : Mais après cinq minutes, vous le faites.

Le sénateur Cowan : Elle a fait une intervention.

Le sénateur Cools : Je n'ai pas fait d'intervention. J'ai posé une question au sénateur Murray.

Le sénateur Bryden : Si le leader adjoint du gouvernement n'a pas demandé que le temps du sénateur Murray soit limité à cinq minutes, Votre Honneur, pourquoi ne permettriez-vous pas au sénateur Joyal de poser sa question? Le débat est ouvert.

Le sénateur Stratton : Non.

Le sénateur Cools : Précisément, il était ouvert.

Son Honneur le Président : Reprise du débat sur la motion dont nous sommes saisis.

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, je veux préciser qu'à mon avis, je ne parlais pas...

Le sénateur Cowan : Oui, vous parliez.

Le sénateur Cools : C'est vrai, mais je parlais au sénateur Murray pendant son temps de parole. C'est devenu une habitude ici d'entendre une personne dire « cinq minutes » et d'entendre le Président dire la même chose, mais je crois que c'est une pratique injuste. J'avais demandé la permission pour que le temps de parole du sénateur Murray soit prolongé et ma demande avait été acceptée, c'est ce que j'avais compris.

Le sénateur Bryden : Votre Honneur, y a-t-il une règle qui exige que le temps de parole soit seulement prolongé de cinq minutes?

Le sénateur Day : Non.

Son Honneur le Président : Sauf si le Règlement est invoqué, le débat porte sur la motion dont nous sommes saisis. Y a-t-il d'autres interventions à ce sujet?

L'honorable Terry Stratton : Je propose l'ajournement du débat.

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Stratton...

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs...

Son Honneur le Président : ... avec l'appui de l'honorable sénateur Di Nino, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Cools : Non.

Son Honneur le Président : Avec dissidence.

Le sénateur Cools : Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas ici. Le motionnaire...

Le sénateur Stratton : À l'ordre!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je crois comprendre que la motion a été adoptée avec dissidence.

Madame le sénateur Cools désire-t-elle faire un recours au Règlement?

Le sénateur Cools : Eh bien, Votre Honneur...

Son Honneur le Président : Le sénateur voudra bien répondre oui ou non.

RECOURS AU RÈGLEMENT

L'honorable Anne C. Cools : Votre Honneur, vous agissez un peu vite pour certaines choses. Je crois que vous devriez peut-être vous assurer qu'aucun autre sénateur ne désire prendre la parole.

En posant des questions au sénateur Murray, j'essayais de préciser ses propos en lui offrant un certain fondement. Le sénateur Stratton s'est empressé de demander l'ajournement et cela n'est peut-être pas contraire au Règlement, mais, en ce qui a trait à l'intervention du sénateur Murray, il me semble toutefois que celui ou celle qui propose la motion, le projet de loi, ou peu importe de quoi il s'agit, devrait avoir la possibilité de poser des questions au sénateur Murray sur son intervention extrêmement importante. C'est tout ce que j'essayais de dire.

Le Sénat devrait être en mesure de s'autoréglementer. Nous sommes censés vous donner des conseils, Votre Honneur, sur les prochaines mesures à prendre à l'égard de ces procédures, et c'est ce que je croyais faire. Je ne tiens pas à prolonger la discussion, mais le sénateur Bryden a raison : tant que quelqu'un était d'accord, cela allait.

Nous devrions peut-être revoir cette invention stupide, hautaine et extravagante où une ou deux personnes accordent cinq minutes à l'orateur. À quoi sert-il de tenir un débat? Fermons nos portes s'il n'y a pas de débat.

Je n'aime pas la façon dont les choses se sont produites. Ce n'est pas juste et ce n'est pas acceptable, Votre Honneur. Vous avez la responsabilité de défendre nos droits à l'égard du débat, c'est tout.

Son Honneur le Président : Y a-t-il d'autres commentaires sur ce recours au Règlement?

L'honorable Joan Fraser : Merci, Votre Honneur.

Je pense que madame le sénateur Cools soulève une question d'une certaine importance lorsqu'elle parle de la pratique des dernières années consistant à accorder une prolongation de...

Le sénateur Cools : Non, ce n'est pas ce que je dis.

Le sénateur Fraser : ... cinq minutes. Nous devrions peut-être remettre cette pratique en question. Cependant, dans ce cas, on a demandé une prolongation, et j'ai entendu des deux côtés la réponse habituelle, à savoir que la prolongation était accordée. Je n'ai entendu personne refuser la prolongation.

Le sénateur Cools : Si.

Le sénateur Fraser : Voici ce que dit le sous-alinéa 4(k)(iii) du Règlement :

« Permission du Sénat » : une permission accordée sans dissidence.

Le Sénat est libre de ses décisions. Si le Sénat souhaite accorder une prolongation de cinq minutes, il le fait, un point c'est tout. Cependant, je ne suis pas nécessairement en désaccord avec le sénateur Cools sur le fond des choses, à savoir qu'il y a peut-être lieu de remettre en question le recours quasiment automatique à cette pratique.

Le sénateur Cools : Je tiens à dire que cette prolongation automatique de cinq minutes constitue une manœuvre illégitime. Je pourrais intervenir en invoquant le Règlement.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : J'aimerais faire un retour dans le passé à ce propos.

À une certaine époque, si je me souviens bien, nos discours duraient une demi-heure.

Le sénateur Cools : Non.

Le sénateur Comeau : Alors 20 minutes.

Le sénateur Cools : Non, nous n'avons jamais eu de telle règle.

Le sénateur Comeau : Pour une raison ou une autre, le Sénat a décidé à un certain moment que les discours sur ce genre de questions dureraient 15 minutes.

Le sénateur Cools : C'est vous qui l'avez décidé.

Le sénateur Comeau : Peu importe qui a pu prendre cette décision, mais la durée des discours a été ramenée à 15 minutes.

Il est arrivé que des gens n'aient pas pu aller au bout des notes qu'ils avaient préparées en 15 minutes et qu'on leur ait demandé de se rasseoir au beau milieu d'une envolée oratoire qui pouvait être intéressante. C'était tout à fait contraire à la bienséance de couper la parole à quelqu'un au beau milieu d'une phrase.

Avec le temps, nous en sommes venus à la situation où l'on peut demander quelques minutes de plus pour terminer un discours. Le temps supplémentaire accordé est maintenant de cinq minutes. Que l'on soit pour ou contre, le temps supplémentaire en est venu à être de cinq minutes.

Nous avons créé l'équivalent d'un ordre du Sénat. Une fois que la permission est accordée, cela devient un ordre du Sénat. Après les cinq minutes, l'ordre du Sénat ne s'applique plus.

Si nous voulons modifier cet ordre du Sénat, c'est-à-dire si nous n'aimons pas la convention que nous avons établie et que nous voulons la prolonger, nous pouvons en faire l'essai. Nous pouvons demander 20 minutes ou une demi-heure ou une heure, si nous le souhaitons. Le Sénat nous les accordera peut-être. Cependant, la période supplémentaire en est venue à être de cinq minutes. C'est équitable pour tous.

(1640)

J'ai entendu quelqu'un dire il y a quelque temps qu'il s'agissait d'un sénateur très influent et que, par conséquent, ce sénateur devrait avoir droit à plus que cinq minutes. Je ne pense pas que nous devrions aller jusque-là. Je ne pense pas que nous devrions commencer à dire que tel sénateur a droit à cinq minutes et tel autre à dix ou 15 minutes. La seule raison pour laquelle nous avons décidé d'accorder ces cinq minutes, c'était pour que le sénateur en cause puisse terminer un discours plus long que prévu.

J'estime donc que ce recours au Règlement n'est pas fondé et qu'il s'agit plutôt d'un point de vue à débattre. Je pense que la présidence devrait juger que ce recours au Règlement n'est pas recevable.

L'honorable Sharon Carstairs : Votre Honneur, je suis d'accord pour dire que ce recours au Règlement n'est pas fondé. Le Règlement est clair. Il prévoit que les sénateurs disposent de 15 minutes, sauf s'il s'agit des leaders ou des orateurs principaux, les premiers et deuxièmes, pour un projet de loi en particulier. Cela dit, on a pris l'habitude de prolonger le temps de parole, ce qui a soulevé beaucoup de controverse.

Son Honneur devrait peut-être convoquer le conseil consultatif du Président pour discuter plus à fond de l'opportunité d'imposer une limite de temps à l'égard des discours des sénateurs ainsi que du temps supplémentaire qu'il convient d'accorder.

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, j'aimerais ajouter à ce recours au Règlement. J'ai tenté d'attirer l'attention de Son Honneur avant que le sénateur Stratton ne propose l'ajournement du débat. Je souhaitais intervenir sur ce sujet précis, afin de répondre aux points soulevés par les sénateurs Murray et Cools.

J'ai deux préoccupations, dont la première est que Son Honneur ne m'a pas donné la parole, pensant peut-être que j'allais intervenir à l'étape de la deuxième lecture, ce qui aurait eu pour effet de clore le débat. Là n'était pas mon intention; je voulais intervenir sur l'amendement, ce qui n'aurait eu aucune incidence sur le débat.

Votre Honneur, selon moi, on aurait dû me donner la chance d'intervenir; on aurait pu me donner la parole. Le sénateur Stratton ne m'a probablement pas interrompu intentionnellement, mais c'est néanmoins ce qui s'est produit. Je me trouve tout au fond de la salle et je ne mesure que cinq pieds, six pouces et trois quarts. Je vous demande simplement d'avoir l'obligeance de tourner votre regard de ce côté-ci de temps en temps.

L'honorable Terry Stratton : Je comprends ce qui préoccupe le sénateur Cools et le sénateur Mitchell, mais il y a toujours demain. Nous pourrions en reparler demain.

Le sénateur Cools : Non, demain, le Sénat doit s'ajourner à 16 heures.

Le sénateur Stratton : L'honorable sénateur pourra prendre la parole jeudi; ce n'est pas la fin du monde.

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, je voudrais clore cette discussion puisque c'est moi qui l'ai entamée. Nous ne pourrons pas nous adresser directement au sénateur Murray demain. C'est pourtant l'une des raisons d'être de notre assemblée; nous sommes censés pouvoir dialoguer les uns avec les autres. Une fois le temps de parole du sénateur Murray écoulé, on peut parler de ce qu'il a dit, mais pas s'adresser directement à lui pour savoir ce qu'il pense. Ce n'est pas du tout pareil, honorables sénateurs.

Honorables sénateurs, je rejette catégoriquement l'idée qu'il existe au Sénat, comme le disait le sénateur Comeau, une convention selon laquelle on accorde cinq minutes de plus ou qu'il s'agit d'une pratique ou d'un ordre du Sénat. Ce n'est rien de tout cela.

En réalité, des habitudes étranges ou des comportements non souhaitables s'expliquent du fait que des gouvernements ont cherché à limiter le débat sur certaines questions. Le sénateur Comeau parlait de l'origine de cette pratique et nous pouvons nous souvenir exactement de la provenance de la règle des 15 minutes. Elle provient des règles introduites au Sénat par le sénateur Brenda Robertson à la suite du débat sur la TPS, à la demande du gouvernement conservateur. Elles ont été adoptées en 1991 par un processus similaire.

Il est souvent arrivé au Sénat que des sénateurs demandent une prolongation de 15 ou 20 minutes. Je me souviens d'un très bon discours du sénateur Michael Kirby, au début duquel ce dernier avait demandé un temps de parole supplémentaire de 15 minutes.

Honorables sénateurs, nous sommes devant une pratique qui s'est dégradée, en quelque sorte. À un moment donné, un sénateur a demandé qu'une décision soit prise et le Président a décidé que, lorsqu'un sénateur demanderait une prolongation, un autre sénateur pourrait proposer un délai supplémentaire.

J'ai contesté cette décision à l'époque et je la conteste aujourd'hui en me fondant sur le fait que le consentement unanime est nécessaire. Il faudrait peut-être que, lorsqu'un sénateur demande une prolongation, il précise à tous les sénateurs quelle en est la durée. Le consentement unanime permet de suspendre l'application d'une règle. On ne peut en faire un système par lequel on accepte une proposition.

Par exemple, si le Président souhaite nous proposer une prolongation de cinq ou dix minutes, il faut qu'il le fasse au moyen d'une motion. Le Président n'a tout simplement pas le pouvoir d'obtenir de tels avis du Sénat par consentement unanime.

Honorables sénateurs, il y a deux semaines, j'ai vu des sénateurs se faire refuser la possibilité d'obtenir des prolongations. Tout le débat a été limité; cependant, quelques minutes plus tard, nous avons eu droit à une série de sonneries d'une heure. Le gouvernement a eu tout le temps nécessaire pour les siens, mais il n'a tout simplement pas eu de temps à accorder à d'autres sénateurs.

Ce dont il est question ici, ce n'est pas du manque de temps, mais tout simplement du fait que le gouvernement actuel ne souhaite pas entendre des opinions contraires à la sienne.

Je m'oppose fortement, honorables sénateurs, à ce qu'un Président du Sénat facilite ce genre de processus, l'améliore ou l'autorise. Cinq minutes de plus, ce n'est pas beaucoup de temps pour quelqu'un qui effectue des recherches sérieuses. Accorder 15 minutes, ce n'est pas accorder beaucoup de temps pour traiter de questions aussi difficiles que celle-ci.

Honorables sénateurs, ce qui s'est passé de grave aujourd'hui, c'est que le parrain du projet de loi s'est vu privé de l'occasion de poser des questions directement au sénateur Murray et de pouvoir obtenir une réponse. Or, je sais très bien que le sénateur Murray a toute la compétence et toute l'énergie voulues pour répondre à toutes ces questions.

Honorables sénateurs, cela ne correspond à aucune pratique, à aucun règlement. C'est tout simplement insensé. Il ne s'agit pas de conventions. Les conventions gouvernent les rapports de pouvoir entre Sa Majesté et nous. C'est une tout autre histoire. Il ne s'agit pas d'une convention et il est irresponsable de faire de telles déclarations, fausses et trompeuses.

Honorables sénateurs, je pensais pouvoir demander une prolongation. En fait, le sénateur en avait demandé une et c'est ce dont je croyais parler.

Honorables sénateurs, j'observe ce que ce gouvernement est en train de faire au système et nous devrions nous recueillir et prier.

Son Honneur le Président : Je remercie tous les honorables sénateurs de leurs interventions sur cette question que je vais prendre en délibéré avant de rendre une décision.

(1650)

PROJET DE LOI DE MISE EN ŒUVRE DE L'ACCORD DE KELOWNA

DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Larry W. Campbell propose que le projet de loi C-292, Loi portant mise en œuvre de l'Accord de Kelowna, soit lu pour la deuxième fois.—(L'honorable sénateur Tardif)

— Honorables sénateurs, j'ai le plaisir de proposer la deuxième lecture du projet de loi C-292. Le projet de loi prévoit la mise en œuvre, sans délai, de l'Accord de Kelowna et exige que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien prépare un rapport sur les progrès réalisés par le gouvernement pour s'acquitter de ses obligations en vertu de l'accord.

Je tiens d'emblée à remercier madame le sénateur Lovelace Nicholas pour les observations qu'elle a faites le 22 mars 2007 dans cette enceinte. Elle a insisté sur le désespoir et la déception que ressent l'ensemble de la communauté autochtone.

Je suis profondément attristé par l'absence honteuse de financement dans le budget de 2007 du gouvernement conservateur minoritaire. Si l'on évalue le degré de moralité d'une société en fonction de la manière dont elle traite ses citoyens les plus vulnérables, nous avons échoué le test. Je demande à tous les sénateurs et à tous les Canadiens de rehausser la moralité du gouvernement et du pays en insistant pour que le gouvernement conservateur s'acquitte de notre engagement en vertu de l'Accord de Kelowna.

Le projet de loi C-292 est une invitation à passer à l'action. Ce n'est pas une simple « déclaration », comme le ministre Prentice le qualifie. Le projet de loi C-292 incite clairement tous les gouvernements actuels et futurs à s'acquitter d'un impératif moral et de tirer de la pauvreté la population autochtone de ce pays.

Personne ne devrait oublier que les conditions de vie des Autochtones sont comparables à celles du tiers monde au sein même d'un pays développé. À l'échelle de l'indice de développement des Nations Unies, les communautés autochtones se placent au 68e rang sur 174 pays. Le Canada est passé du premier au sixième rang, en partie à cause des conditions qui règnent dans les collectivités autochtones des points de vue du logement et de la santé.

Honorables sénateurs, permettez-moi de prendre quelques minutes pour donner des chiffres qui illustrent la situation pénible des populations autochtones.

On estime qu'il manque actuellement de 20 000 à 35 000 logements dans les réserves et que la pénurie s'aggrave au rythme de 2 200 logements par année. En dehors des réserves, les besoins impérieux de logements sont 76 p. 100 plus graves pour les Autochtones que pour les autres Canadiens. Dans le Nord, ces besoins impérieux sont 130 p. 100 plus considérables pour les Autochtones que pour les autres.

Chez les Autochtones, le taux de chômage est de 19,1 p. 100, alors que le taux national est de 7,4 p. 100. Dans les réserves, il est de 26,6 p. 100, soit 3,5 fois la moyenne nationale. Le revenu d'emploi médian des Autochtones est de 16 000 $ contre 25 000 $ pour les Canadiens non autochtones.

L'incidence de la mortalité infantile est presque 20 p. 100 plus élevée dans les collectivités autochtones que dans le reste du Canada. Les Autochtones ont un risque trois fois plus élevé de contracter le diabète de type 2. Les taux de suicide sont entre trois et 11 fois plus élevés, notamment chez les Inuits.

Environ 44 p. 100 des Autochtones de 20 à 24 ans n'ont pas terminé leurs études secondaires, alors que le taux est de 19 p. 100 pour le reste des Canadiens. Pour ce qui est des études supérieures, 23 p. 100 des Autochtones de 18 à 29 ans ont obtenu un diplôme d'études postsecondaires, contre 43 p. 100 pour les autres Canadiens.

Honorable sénateurs, ces données statistiques sont complètement inacceptables dans un pays riche comme le Canada, qui a des ressources aussi abondantes. Quel plan avons-nous pour remédier à cette situation dramatique?

Le gouvernement conservateur minoritaire prétendra résoudre les problèmes en accroissant le financement. Son plan prévoit censément 3,7 milliards de dollars pour des investissements ciblés. Oublions un instant que ce montant englobe les 2,2 milliards de dollars prévus pour les obligations et programmes prévus dans la Convention de règlement relative aux pensionnats et que le ministre Prentice présente comme de l'argent frais les 600 millions de dollars prévus pour le logement autochtone et dans le Nord, engagement pris pendant la dernière législature dans le projet de loi C-48, mesure contre laquelle il a ensuite voté, honorables sénateurs.

Oublions encore que nous entendons régulièrement le ministre dire que son gouvernement dépense 9 milliards de dollars par année, bien que, là encore, cet argent transite par divers ordres de gouvernement, de sorte que la population autochtone ne reçoit pas grand-chose. Le ministre sait pertinemment que ces chiffres ne veulent rien dire et que cet argent ne va rien faire pour combler l'écart entre les Autochtones et les autres Canadiens. Il l'a lui-même avoué :

Il ne suffit peut-être donc pas d'injecter plus d'argent. Il s'agit peut-être de veiller à obtenir des résultats acceptables au moyen d'efforts acceptables.

Si l'argent seul était la solution au problème de la pauvreté, à en juger d'après le montant consacré dans le monde entier à l'élimination de la pauvreté, il n'y aurait plus un seul pauvre dans le monde. Depuis bien trop longtemps, nous dépensons de l'argent pour rien. Ce que le gouvernement fait ne règle rien et, faute d'efforts acceptables, il n'obtient pas des résultats acceptables.

Honorable sénateurs, l'Accord de Kelowna n'est pas un cadeau, mais un plan qui vise expressément à travailler avec des institutions qui ont fait leurs preuves et à les rendre responsables les unes envers les autres et envers les populations autochtones qui seront les bénéficiaires.

L'Accord de Kelowna est la première étape d'une démarche qui vise à atténuer les problèmes majeurs avec lesquels les collectivités autochtones sont aux prises d'un bout à l'autre du Canada. La Conférence des premiers ministres et des dirigeants autochtones de Kelowna a pris l'engagement de renforcer les relations entre les Autochtones et les autorités fédérales, provinciales et territoriales et de susciter le respect et la confiance mutuels. Et cela se conjugue à un engagement de dix ans en vue de trouver des solutions aux problèmes graves qui contribuent à la pauvreté.

Comme les sénateurs s'en souviendront, 1 000 invités pouvaient participer à la table ronde, dont l'Assemblée des Premières Nations, Inuit Tapiriit Kanatami, le Ralliement national des Métis, l'Association des femmes autochtones du Canada et le Congrès des Peuples Autochtones. De plus, des membres des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux se sont réunis et, grâce à un travail acharné et à 18 mois de négociations intenses, ont défini un ensemble de points de repère et ont pris un engagement à leur égard. L'accord a ensuite été appuyé devant les caméras de la télévision publique par les dix premiers ministres provinciaux.

Il est insultant, et c'est faire preuve d'insensibilité et d'ignorance que de laisser entendre que l'Accord de Kelowna n'est guère qu'un communiqué ou une idée esquissée sur une serviette de papier. Cela revient à nier tous le travail et tous les efforts des fonctionnaires, des groupes autochtones et des divers ordres de gouvernement qui se sont consacrés à cette entreprise.

Ceux qui se sont rencontrés à Kelowna ont compris qu'il fallait réunir tous les groupes et organismes si on voulait atteindre un objectif commun. Les programmes n'allaient plus être élaborés en dehors des collectivités autochtones et leur être imposés ensuite. Ils seraient élaborés au niveau des collectivités et fondés sur elles.

Une des nombreuses initiatives issues de l'Accord de Kelowna était l'affectation de 90 millions de dollars pour aider les organisations autochtones nationales et régionales à collaborer avec le gouvernement à l'élaboration de politiques et à d'autres initiatives. En raison du manque de vision du gouvernement conservateur, cet argent n'a jamais été versé. Si nous ne mettons pas à profit les connaissances qui se trouvent dans les collectivités locales, comment pensons-nous résoudre les problèmes de dépendance?

À l'autre endroit, la députée libérale de Nunavut, Nancy Karetak- Lindell, a parfaitement résumé la situation :

Dans l'histoire récente de notre pays, il a été très difficile pour les gens vivant dans les collectivités d'avoir leurs propres modes de gouvernement, de conciliation de points de vue différents, et d'éducation, qui ne diffèrent pas tellement de ceux que l'on retrouve dans le reste du pays. C'est juste que nous avons appris à examiner les choses d'une façon différente. Nous avons tous les mêmes objectifs ultimes, mais le moyen de les réaliser peut différer d'une région du pays à une autre, ou d'un groupe culturel à un autre. Je le répète,

les objectifs ultimes sont les mêmes, et il s'agit d'assurer un bon avenir à nos enfants et d'utiliser au mieux les ressources de notre pays, ressources auxquelles tous les Canadiens devraient avoir accès. Nous pouvons réaliser ces objectifs d'une manière différente.

Le gouvernement conservateur devrait avoir honte de dicter unilatéralement une ligne de conduite aux autres au lieu de donner aux gens les compétences nécessaires pour qu'ils puissent faire des choix éclairés et décider de leur avenir.

Exemple éclatant de décence et d'honneur, ma propre province, la Colombie-Britannique, après avoir été abandonnée par le gouvernement fédéral, a décidé de prendre des mesures concrètes pour atteindre les objectifs établis dans l'Accord de Kelowna. Les chefs des Premières nations de la Colombie-Britannique, l'ancien premier ministre Paul Martin et le premier ministre provincial Gordon Campbell ont signé de bonne foi une entente appelée l'Accord de transformation pour le changement. Cet accord regroupe des intervenants du gouvernement de la Colombie- Britannique, du gouvernement du Canada et du conseil qui représente les Premières nations de la province.

Cet accord est un exemple du leadership responsable que les Canadiens attendent de leur gouvernement. Il établit des objectifs sociaux, environnementaux, financiers et économiques. Les gens savaient que l'Accord de Kelowna était un cadre qui permettrait aux gens de progresser. Il s'agissait d'un engagement de la part de l'ancien gouvernement libéral et des Premières nations, et ils s'attendaient à ce que les gouvernements futurs le respectent. Malheureusement, cet engagement ne peut être maintenu et ne peut avoir les résultats escomptés sans l'appui constant du gouvernement fédéral et de tous les intervenants.

(1700)

L'idée derrière l'Accord de Kelowna est de créer une entente interministérielle et multilatérale favorisant la confiance et le respect. Le système actuel suscite beaucoup de conflits. Nous ne pouvons tout simplement pas tolérer que ce rapport cyclique entre la pauvreté, la dépendance et la frustration dure plus longtemps.

Ce qui apparaît maintenant de façon très claire, surtout avec les nouvelles données de Statistique Canada, c'est que les Canadiens autochtones représentent le plus important segment de notre jeunesse et le segment de notre population qui connaît la croissance la plus rapide. Dans un pays industrialisé comme le nôtre, il est criminel de laisser la misère et le désespoir s'emparer d'une autre génération d'Autochtones. Les jeunes Autochtones n'accepteront plus d'attendre que le gouvernement leur propose de petites solutions à la pièce. Nous assisterons à d'autres conflits comme ceux survenus à Oka, à Ipperwash et à Caledonia.

Comme nous l'avons appris hier, il semble que les seules personnes qui discutent avec les Autochtones de Caledonia et qui se penchent sérieusement sur leurs besoins soient les promoteurs immobiliers. Steve Charest, président de King & Benton, a déclaré hier :

Du mieux que je puis en juger, le gouvernement fédéral ne se considère pas concerné par ce problème. Je trouve cette attitude inacceptable et je préfèrerais que le gouvernement fédéral fasse partie de la solution.

Honorables sénateurs, le gouvernement doit comprendre que le seul moyen de résoudre les conflits est d'amorcer un dialogue bénéfique et qu'il n'y parviendra pas en négligeant la situation durant encore 200 ans.

Comme on peut le lire dans le rapport final du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, intitulé Négociations ou affrontements : le Canada a un choix à faire, publié en décembre 2006, le gouvernement doit saisir l'importance des principes de l'équité et de l'inclusion, du dialogue et de la reconnaissance des différences régionales dans l'élaboration d'une stratégie fructueuse en matière de développement autochtone.

Honorables sénateurs, voilà justement un accord qui respecte chacun des principes que nous jugeons nécessaires pour résoudre ce type de problèmes. Ne laissons pas passer cette occasion d'agir.

Permettez-moi d'attirer votre attention sur une autre question à laquelle les médias s'intéressent de très près et qui constitue, paraît- il, une préoccupation pour le gouvernement conservateur. Il s'agit de l'inaction dans le dossier de l'eau potable.

À Kashechewan, en Ontario, la communauté autochtone doit affronter, presque chaque année, le débordement de la rivière Albany dans sa réserve, qui rend l'eau impropre à la consommation, favorise la moisissure dans les logements, cause des maladies et enlève à la population tout espoir pour l'avenir. Quelle est la réaction du gouvernement? Au lieu d'écouter la communauté et de donner suite à son vœu d'être réinstallée sur des terres plus hautes, il a retenu les services d'Alan Pope, de la ville de Timmins, en Ontario, qui recommande de la réinstaller — vous l'avez deviné — à Timmins.

L'idée de permettre à des gens de se prononcer sur leur propre avenir et de les former à l'exploitation de systèmes d'épuration de l'eau ou de les faire participer à un effort de reconstruction est étrangère à un gouvernement qui préfère imposer ses propres solutions.

Ne l'oublions pas, au 16 mars 2007, il y avait au Canada 92 collectivités des Premières nations qui devaient faire bouillir l'eau avant de la consommer. Dans ma province, la Colombie- Britannique, la collectivité de la Première nation Kwicksutaineuk qui vit dans l'île de Gifford, à l'extrémité nord de l'île de Vancouver, se débat depuis près de dix ans contre des problèmes d'eau imbuvable.

Allons-nous réinstaller toutes ces collectivités dans de grands centres urbains? Nous avons besoin d'approches à long terme et de collectivités ayant l'éducation et les capacités voulues pour peser toutes les possibilités et en arriver à des solutions avantageuses, avec l'aide des différents ordres de gouvernement.

Les ressources prévues dans l'Accord de Kelowna permettront aux collectivités autochtones de former des chefs communautaires pouvant définir leur avenir pour que le gouvernement n'ait plus à engager des gens de l'extérieur, comme Alan Pope, afin de trouver des solutions temporaires à des problèmes à long terme. L'époque des décisions unilatérales est révolue. Cessons donc de prétendre qu'Ottawa sait tout et commençons à nous soucier des préoccupations des gens.

Honorables sénateurs, le gouvernement a longuement expliqué que le projet de loi C-292 ne contenait pas des énoncés clairs, précis et détaillés. Dans le cadre d'une campagne malhonnête de désinformation, le gouvernement conservateur a prétendu que le projet de loi ne l'obligerait pas à agir. En fait, il dit clairement que le gouvernement du Canada doit immédiatement prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les modalités de l'entente connue sous le nom d'Accord de Kelowna.

L'accord comporte six piliers : la santé, l'éducation continue, le logement, les perspectives économiques, les négociations et les revendications territoriales. Chacun a un niveau de financement précis et des objectifs concrets.

Je rappelle aux honorables sénateurs que les 5,1 milliards de dollars prévus par l'accord sont étalés sur une période de dix ans et doivent financer l'éducation, la santé, logement et les perspectives économiques des peuples autochtones. Pour ceux-ci, ce n'est pas une manne tombée du ciel, comme certains l'ont suggéré. C'est plutôt une nécessité.

Permettez-moi d'écarter une fois pour toutes une dernière fausseté que le gouvernement perpétue au sujet du financement de l'accord. Comme l'ont confirmé les fonctionnaires du ministère des Finances et certains sénateurs, l'argent a été prévu dans la mise à jour économique présentée par l'ancien premier ministre. L'argent figurait comme article dans l'analyse des disponibilités. L'Accord de Kelowna avait un financement réservé et aurait été mis en œuvre si le premier ministre et le ministre des Finances du gouvernement actuel n'avaient pas annulé le programme.

J'espère, honorables sénateurs, que vous vous joindrez à moi et, je crois, à la majorité des Canadiens qui veulent éliminer la pauvreté parmi nos populations autochtones ainsi que la honte que nous devrions tous ressentir pour avoir contribué à leurs souffrances. De grâce, faites ce que le gouvernement refuse de faire et aidez les Autochtones en étudiant et en adoptant le projet de loi C-292 le plus rapidement possible, afin que nous puissions en arriver au respect mutuel, à la reddition de comptes et à la responsabilité partagée.

L'honorable Gerry St. Germain : Le sénateur répondra-t-il à une question?

Le sénateur Campbell : Certainement.

Le sénateur St. Germain : J'ai travaillé avec le sénateur Campbell sur de nombreux dossiers dont il a parlé et dont il est question dans l'accord. Ce qui m'étonne, c'est de voir comment il peut faire preuve d'impartialité et d'excellence au comité et ensuite prononcer, comme il vient de le faire, un discours peu élogieux à l'endroit des conservateurs. C'est cependant la réalité à Ottawa et en politique.

Le sénateur Cordy : Regardez-vous dans le miroir.

Le sénateur St. Germain : Je ne crois pas qu'aucun de nous puisse se regarder dans le miroir en ce qui concerne cette question, parce que nous sommes restés inactifs et nous n'avons pas fait ce qui s'imposait. Si nous avions fait ce qui devait être fait, nous ne serions pas ici aujourd'hui.

Je siège au Sénat depuis près de 14 ans et j'ai écouté les discours du Trône se succéder. Je ne dirais pas que l'administration qui a précédé le gouvernement Chrétien a tout fait correctement non plus. Je ne crois pas que nous ayons bien fait ceci.

Nous ne devrions pas nous attaquer les uns les autres dans cette assemblée. Nous devrions tenter de construire des ponts pour rejoindre les Autochtones.

Je crois toujours qu'il s'agit d'un projet de loi de finances. Le sénateur Murray a parlé plus tôt du projet de loi C-288, sur le Protocole de Kyoto. Il a déclaré que c'est l'exécutif qui tenait les cordons de la bourse dans un gouvernement de Cabinet.

Le sénateur Campbell pourrait-il m'expliquer en quoi il ne s'agit pas d'un projet de loi de finances et comment cet accord peut entrer en vigueur sans que le gouvernement ait à débourser quoi que ce soit?

Le sénateur Campbell : Je remercie le sénateur de sa question.

Je dois dire qu'à mon avis, aucun de nous, toutes allégeances politiques confondues, ne peut honnêtement se regarder dans le miroir. Je dis simplement que cet accord nous a donné un cadre pour progresser et qu'il s'agit probablement du premier accord conclu entre le gouvernement fédéral, les dix premiers ministres provinciaux et les Premières nations. J'ai vérifié et cette entente n'est aucunement partisane. J'invite le sénateur à parler aux premiers ministres provinciaux conservateurs, comme Danny Williams.

Je conviens avec le sénateur que nous ne pouvons être fiers de ce qui se passe depuis plus de 200 ans.

(1710)

Je ne sais quoi répondre à la question de l'honorable sénateur au sujet du projet de loi de finances. J'ai entendu le leader du gouvernement au Sénat répéter à maintes reprises dans cette enceinte qu'il n'y avait pas d'argent, pas d'engagement et qu'il n'y avait rien dans cet accord. Le sénateur avait tout à fait raison. C'est au gouvernement qu'il incombe de mettre cette initiative en œuvre. Je ne sais toutefois pas comment il procédera. Il pourra le faire avec l'argent dont il dispose déjà, peu m'importe. Je ne peux pas dire s'il s'agit ou non d'un projet de loi de finances. D'une part, on nous dit que non, mais, d'autre part, nous savons que cela figure dans le budget.

Je dis simplement que tout le monde s'est entendu sur ce cadre stratégique et qu'il a permis de progresser. Je partage l'avis de l'honorable sénateur, qui estime que nous devrions aller de l'avant. Chaque fois qu'on peut mettre tout le monde au même diapason, on devrait en profiter. Dans le présent cas, nous ne l'avons pas fait.

Je dois être honnête avec le sénateur et lui dire que je ne comprends pas pourquoi nous ne l'avons pas fait. C'était là, prêt à utiliser.

Le sénateur St. Germain : Honorables sénateurs, lors de nos déplacements dans le cadre des études que nous avons faites sur certaines revendications particulières et sur le développement économique, nous avons constamment entendu dire que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien ne sert pas les gens qu'il est censé servir.

Une voix : Qu'y a-t-il de parfait?

Le sénateur St. Germain : Rien n'est parfait. Le sénateur Stratton dit que les libéraux sont parfaits. Je partage l'avis du sénateur Smith : rien n'est parfait, mais certaines choses sont plus imparfaites que d'autres et c'est l'un des ministères les plus imparfaits du gouvernement. Nombre de groupes autochtones, de chefs et d'aînés nous ont répété que le ministère ne fonctionne pas. Or, l'accord dont parle l'honorable sénateur doit être mis en place et il devait être administré par cette organisation inepte. À maintes reprises, nous avons entendu — certains sénateurs du comité sont ici présents — qu'il est grand temps qu'on commence à transformer ce ministère et qu'on s'occupe des gens qu'il est censé servir.

Je pose cette question au sénateur : qu'en pense-t-il? Si le financement est de 5,2 milliards de dollars sur dix ans, comme il dit — je pensais que c'était sur cinq ans; 5,2 milliards de dollars sur dix ans, c'est pire —, comment résoudre la situation si cet organisme d'aide sociale paternaliste continue de traiter avec condescendance ceux qui ont besoin d'aide?

Le sénateur Campbell : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Il sait très bien que je ne suis pas un partisan du MAINC. Ma réponse à sa question est la suivante : nous savons en quoi consiste le MAINC. Allez voir le premier ministre, demandez-lui de signer cet accord et de choisir qui il veut pour l'administrer. Peu m'importe. Faites écrire que l'argent doit aller directement aux Premières nations et ne pas être siphonné par des bureaucrates et des agents qui tentent de déménager toute une ville à Timmins. Je suis d'accord avec l'honorable sénateur. C'est son problème. C'est son gouvernement. Nous vous disons que vous devez mettre l'accord en œuvre.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : L'honorable sénateur a parlé de conflit. Je vais vous raconter une brève histoire. Je commandais en 1990 à Oka, et j'étais responsable du commandement du Québec quand Hydro-Québec a tenté d'inonder la moitié de la province et que les Cris, en particulier, sont montés aux barricades. J'ai constaté la vulnérabilité de notre sécurité interne, en particulier de nos infrastructures, sans parler de la sécurité des personnes.

Les Premières nations, les Autochtones, qui sont au nombre d'environ un million, habitent dans plus de 600 endroits au Canada. Si jamais ils décident de s'unir, ils pourraient rapidement paralyser le pays, car nous n'avons aucun moyen de les en empêcher.

Comment se fait-il que la colère des habitants de cette collectivité ne se soit pas exprimée dans un conflit? Qu'est-ce qui les retient, et combien de temps pourrons-nous les retenir avant que nous ne nous retrouvions devant une situation totalement différente, qui coûtera beaucoup plus que 5,1 milliards de dollars sur dix ans?

Le sénateur Campbell : Je remercie le sénateur de sa question. Je ne suis pas expert en la matière, mais je peux dire deux choses aux honorables sénateurs. D'abord, je crois que la logique l'emporte. Je suis convaincu que les Autochtones préfèrent la négociation et que leur première option n'est pas l'affrontement. Dans les endroits dont j'ai parlé — Caledonia, Oka et Ipperwash — les habitants ont été poussés à bout. Tout comme le sénateur, j'étais dans les forces armées et j'ai vu de l'intérieur, comme cadet et instructeur, ce qui s'est passé à Ipperwash. J'ai vu la réserve de Kettle Point et j'ai été consterné. Je venais de Brantford, où il y avait les Six Nations, une confédération de gens qui gagnaient de bons revenus; Kettle Point ressemblait autrefois à Brantford. J'ai été consterné par ce que j'y ai vu. Dans tous ces endroits où nous sommes témoins de conflits, les habitants ont été poussés à bout.

La deuxième chose que je dirais aux honorables sénateurs, c'est que les gens de la jeune génération sont aujourd'hui plus instruits et comprennent mieux comment négocier avec nous sans monter aux barricades. Ils savent comment se servir des tribunaux et de l'opinion publique et ils ont raison. C'est ce que certaines personnes ne comprennent pas. Ils ont raison à Oka, à Caledonia et à Ipperwash. Nous avons pris leurs terres et nous leur avons dit de décamper. Ils ont été poussés à bout parce qu'il n'y a eu aucune négociation sur la façon de corriger la situation. C'est pourquoi je crois qu'ils ne s'unissent pas.

La dernière raison est celle-ci : il s'agit de nations. C'est comme si on laissait entendre que tous les pays d'Europe vont s'unir pour envahir l'Amérique du Nord. Ce sont des nations. Chacune d'elle a des coutumes différentes, des traditions différentes, des convictions religieuses différentes, des besoins différents et une économie différente. Nous devons cesser de les percevoir comme un seul groupe. Ce sont toutes des nations.

Le sénateur Dallaire : J'ai été témoin de cette situation dans d'autres endroits, où les cultures n'étaient pas portées à l'affrontement au début, mais ont fini par y recourir. J'ai également vu des Canadiens non autochtones devenir extrêmement mécontents lorsqu'un conflit dégénérait soudainement près de chez eux. J'ai vu des Canadiens non autochtones qui auraient été prêts à tuer des Autochtones à Oka s'ils en avaient eu la chance, mais le seul problème, c'est qu'ils n'avaient pas les armes pour le faire.

Je reviens au sénateur avec la question suivante : constatons-nous un mouvement vers l'activisme de la part de la communauté autochtone ou, ce qui est l'option la plus perverse, de la part de la communauté blanche envers les Autochtones dans la recherche de ces solutions?

Le sénateur Campbell : Encore une fois, je ne suis pas un expert dans ce domaine. Je ne sais pas à quel point cela se produit. Toutefois, je pense qu'à certains endroits au Canada, la communauté caucasienne a le sentiment — à défaut d'un terme plus juste — que nous donnons des choses et que nous sommes allés trop loin. Il existe une impression selon laquelle nous possédons le territoire et que celui-ci nous appartient.

Ce n'est pas un sujet qui procure des votes. Le fait d'appuyer les Autochtones n'entraîne pas une augmentation sensible du nombre de votes en votre faveur. S'occuper de ce dossier ne donne pas ce résultat. Cette question a plutôt à voir avec l'essence même de ce que nous sommes, de qui nous sommes et de ce que nous voulons faire.

Je peux dire aux honorables sénateurs que, à titre de coroner, j'ai mené une enquête sur des suicides dans le Nord, à Hall Beach et à Igloolik. J'ai enquêté sur le suicide d'une jeune femme de Resolute Bay, et j'ai découvert que les gens de Resolute Bay avaient été déménagés à cet endroit par le gouvernement canadien et abandonnés. Des membres de leur communauté sont morts. Cette question a à voir avec nous, avec ce que nous sommes en tant que nation. Nous ne pouvons dire au reste du monde :

Honte à vous.

Nous ne pouvons aller à d'autres endroits et dire aux gens :

Il faut que vous mettiez de l'ordre dans vos affaires.

Nous ne pouvons faire cela avant de mettre de l'ordre dans nos propres affaires. Nous en sommes là.

(1720)

L'honorable David Tkachuk : J'ai les mêmes réserves au sujet de ce projet de loi qu'en ce qui concerne le projet de loi d'initiative privée sur Kyoto. J'ai aussi vu, au fil des années, des sommes très considérables être dépensées dans de nombreux programmes lancés par le gouvernement. Nous fournissons des logements sociaux dans les réserves indiennes depuis très longtemps, mais nous continuons quand même d'avoir des problèmes de logement dans les réserves.

Honorables sénateurs, supposons que le projet de loi est adopté et que le gouvernement est forcé de mettre en œuvre un programme qui ne fait pas partie de notre programme électoral, ou de ce que nous voulons faire maintenant. Au lieu de cela, nous voulons agir d'une façon différente. Supposons que l'on fasse cela et que, dans cinq ans, les mêmes conditions existent, les mêmes problèmes continuent d'exister, comme ils existent depuis 30 ans. Tous ces problèmes existent encore. Qui en est responsable?

Le sénateur Campbell : Je présume que nous sommes responsables puisque, en dernier ressort, nous adoptons les projets de loi et demandons au gouvernement d'agir. Je ne comprends pas quelle difficulté le gouvernement voit là. Je suis d'accord avec le sénateur lorsqu'il dit que nous avons dépensé des sommes astronomiques, mais que l'argent ne se rend jamais là où il doit aller. Après que nous soyons passés par 14 sous-ministres, 14 sous-ministres adjoints et tout le reste, il n'y a plus d'argent qui arrive là où il devait aller.

Je crois que tout ce que nous disons, c'est simplement qu'il y a un cadre que tout le monde a accepté. Oubliez que les libéraux y étaient. Amener dix premiers ministres et toutes les Premières nations du Canada à s'asseoir ensemble est une bonne idée. Nous pouvons faire en sorte que les choses fonctionnent et nous pouvons mesurer le progrès. Il y a des endroits où nous pouvons examiner les choses et faire en sorte que les dossiers progressent. En soi, c'est un miracle.

Vous ajoutez ensuite la contribution du gouvernement fédéral et je crois que vous avez un document magnifique. Peut-être ai-je utilisé des expressions trop fortes. L'idée a germé rapidement, 18 mois avant la signature du document. Il y a eu une première réunion ici, à Ottawa, à laquelle 1 000 personnes ont participé. Les négociations se sont ensuite poursuivies. Le document n'est pas apparu tout à coup, du jour au lendemain. A-t-il été signé juste avant les élections? Oui. Les deux événements étaient-ils liés? Je l'ignore. C'est possible. Au bout du compte, je crois sincèrement que l'idée fonctionnera. Le gouvernement conservateur pourrait peut-être dire que le ministère des Affaires indiennes n'est plus utile, qu'il y aurait une meilleure façon de faire les choses, de faire participer les gouvernements et les Premières nations. Cela permettrait de s'assurer que tout l'argent que tous les gouvernements injectent se rend jusqu'aux gens, pour le logement, l'éducation et le développement économique.

Au comité, nous avons entendu parler de l'aspect économique du système. C'est un cadre qu'il faut mettre en place. Le gouvernement conservateur a déjà des programmes et a promis qu'ils s'adaptaient parfaitement au cadre. À mon avis, nous avons la possibilité de ne pas réinventer la roue puisqu'il existe déjà un cadre qui est prêt à servir.

(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)

VIEILLISSEMENT

RAPPORT INTÉRIMAIRE DU COMITÉ SPÉCIAL—FIN DU DÉBAT

Le Sénat passe à l'étude du deuxième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial spécial sur le vieillissement intitulé Relever le défi du vieillissement, déposé au Sénat le 1er mars 2007.

L'honorable Sharon Carstairs : Honorables sénateurs, je sais qu'il est tard, aussi j'essaierai d'aller aussi vite que je le peux. Avant de parler du rapport sur le vieillissement, je dois faire une digression pour dire que je prends cet après-midi la liberté d'embarrasser une des pages qui nous ont été présentés cet après-midi. Je n'aime normalement pas faire ce genre de choses, mais je le fais par fierté.

Au début de l'après-midi, vous avez présenté un page de la Chambre des communes du nom de Sarah Forsyth. Sarah est la fille de Barbara Brackett et de Peter Forsyth. Barbara est ma nièce, ce qui fait de Sarah Forsyth ma petite-nièce. C'est la petite-fille de ma sœur Catherine, malheureusement décédée, et de Patrick Brackett. C'est aussi l'arrière-petite-fille de mes parents, feu l'honorable Harold Joseph Connolly, ancien sénateur, et Vivian Connolly. Je dirais que Sarah poursuit la tradition familiale par sa présence au Sénat, après mon père, qui est son arrière-grand-père, et moi, sa grand-tante.

Ce fut un moment particulièrement spécial pour moi, cet après- midi, quand on l'a présentée.

Honorables sénateurs, selon les projections, la population du Canada devrait passer de 32,3 millions d'habitants, en 2005, à environ 39 millions en 2031 et à 42,5 millions en 2056. Le taux de fécondité déclinant et l'espérance de vie augmentant, la population canadienne comptera une proportion grandissante de personnes âgées. Les personnes âgées de 65 ans ou plus représentaient 8 p. 100 de la population en 1971. Elle est de 13 p. 100 aujourd'hui et devrait atteindre les 25 p. 100 en 2031, c'est-à-dire qu'une personne sur quatre aura alors 65 ans ou plus. La proportion des personnes de 80 ans ou plus devrait aussi augmenter fortement. D'ici 2056, on estime qu'un Canadien sur dix aura 80 ans ou plus. Il y en a un sur trente aujourd'hui.

Cette situation imminente a pour effet que notre pays est aux prises avec une grande variété de questions complexes. C'est le cas surtout pour nos personnes âgées et les gens d'âge mûr, qu'on pense à leur sécurité financière au moment de leur retraite, aux problèmes de logement et de transport, aux maladies chroniques ou aux besoins en matière de soins de santé. Il importe de réexaminer les programmes et services gouvernementaux pour les personnes âgées. Il faut combler les lacunes dans les services devant répondre aux besoins des personnes âgées et prévoir les conséquences de cette situation pour la prestation des services futurs. Nous devons déterminer si nous offrons les bons programmes et services au bon moment pour les personnes qui en ont besoin. C'est ce que le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement a été chargé d'étudier, et c'est un honneur pour moi de prendre la parole aujourd'hui au moment où nous commençons l'étude de son premier rapport provisoire intitulé Relever le défi du vieillissement.

Comme je l'ai dit au moment de son dépôt, ce rapport a été imprimé selon les lignes directrices de l'Institut national canadien pour les aveugles, afin qu'il soit accessible aux personnes ayant une déficience visuelle. Les caractères sont légèrement plus gros, on a évité d'employer les italiques et la disposition est conçue pour faciliter la lecture. J'espère que cela rendra le document plus accessible aux personnes âgées et à d'autres qui s'intéressent à la question.

Honorables sénateurs, de manière à bien s'acquitter de son ambitieux mandat, le comité a choisi de diviser son étude en deux phases : une description succincte des principales questions relatives au vieillissement, suivie d'un examen plus approfondie de ces questions dans le cadre de l'audition de témoins.

Le comité a commencé la première phase de son étude sur le vieillissement, l'automne dernier, en convoquant cinq groupes formés d'experts reconnus, de représentants d'organisations d'aînés et de responsables de ministères et d'organismes fédéraux compétents. Ces groupes ont permis de présenter de nouvelles questions et de nouvelles façons d'aborder les choses, et de remettre en question certaines idées répandues au sujet du vieillissement.

(1730)

Le rapport provisoire est l'aboutissement de la première phase de l'étude du comité. Le rapport en soi comprend deux parties. La première dégage les grandes questions, regroupées sous quatre grands thèmes, que le comité examinera pendant la deuxième phase, déjà lancée.

La deuxième partie du rapport présente un résumé des témoignages que le comité a entendus lors de la première phase. Elle examine le profil démographique des aînés d'aujourd'hui au Canada et dégage les changements susceptibles de se produire dans l'avenir. Cette partie du rapport soulève des questions relatives à la diversité des aînés et à ses incidences sur les besoins de la population. Enfin, elle fait ressortir les principales questions que les témoins ont systématiquement abordées au cours de la première phase de l'étude : la participation active des aînés à la société et à la vie économique de leur collectivité, les aînés à risque, la promotion du vieillissement en santé, la prévention, les soins de santé dispensés aux aînés et l'éventail de services de soutien tels que le logement et le transport offerts aux aînés.

Le comité a tracé l'esquisse de la deuxième phase de son étude en fonction des témoignages qu'il avait entendus pendant la première phase. La partie 1 du rapport décrit cette esquisse et résume les quatre thèmes généraux en fonction desquels le comité a organisé son travail. Ces quatre thèmes sont : définition des aînés, diversité de la population des aînés, définition de l'approche stratégique et le rôle du gouvernement fédéral.

Au cours du débat sur la définition des aînés, on a cherché à déterminer s'il est souhaitable de se servir de l'âge limite de 65 ans pour déterminer l'admissibilité aux programmes de retraite. Dans certains pays, on change cette limite en réponse à diverses pressions.

Au cours de la prochaine phase, le comité déterminera si les seuils d'âge établis dans les années 1960 sont toujours adaptés à la réalité socioéconomique de l'âge d'or aujourd'hui. Cependant, il est conscient que l'abandon des critères fondés sur l'âge entraînera des décisions stratégiques complexes concernant notamment l'évaluation des compétences professionnelles.

Le deuxième thème est la diversité des aînés. Comme la population canadienne en général, le segment en expansion des aînés comporte une grande diversité sur le plan de l'âge, du sexe, de l'origine ethnoculturelle, de la région et du milieu, urbain ou rural, où ils vivent. Les Canadiens de plus de 65 ans ne sont pas un groupe homogène et n'ont pas tous les mêmes besoins.

Un des témoins, Douglas Durst, a proposé que nous reconnaissions les trois catégories d'âge suivantes : le troisième âge, les aînés de 65 à 75 ans, qui sont de nouveaux retraités, en santé et en forme; le quatrième âge, les aînés de 75 à 85 ans, qui ralentissent le rythme; et le cinquième âge, les aînés de plus de 85 ans, qui ont des besoins physiques et sociaux spéciaux. Chacune de ces grandes catégories a ses propres besoins. De surcroît, certains segments de la population, comme les aînés autochtones, ont une espérance de vie bien différente et, par conséquent, des besoins différents.

Enfin, le vieillissement de la population ne se produit pas de façon uniforme au Canada, notamment en raison de la migration interne. Le déséquilibre régional en matière de vieillissement de la population a des incidences importantes sur la planification du marché du travail et sur la distribution des coûts liés au vieillissement. Dans la prochaine phase, le comité examinera comment les programmes, les politiques et les services peuvent être conçus de manière à répondre aux besoins des diverses populations d'aînés au Canada.

Le troisième thème porte sur les approches stratégiques en matière de vieillissement. Le comité a entendu parler d'un nombre de cadres dont on peut se servir pour orienter et coordonner les politiques, y compris la perspective de vieillissement, le vieillissement en santé et le vieillissement actif. Par exemple, les prédictions relatives au phénomène de vieillissement sont imprégnées dans notre conscience collective et nous font craindre une incapacité imminente de maintenir les niveaux actuels de soutien des soins de santé et du revenu, ainsi qu'une pénurie imminente de main-d'œuvre.

Toutefois, le comité a entendu des témoignages allant dans le sens contraire. S'il est vrai que le départ à la retraite de la génération du baby-boom aura des conséquences importantes pour le marché du travail, plusieurs témoins ont rassuré le comité en lui disant que ces nombreux départs à la retraite ne conduiront pas nécessairement à une baisse du niveau de vie, et que la durabilité des programmes gouvernementaux n'est pas vraiment menacée. Toutefois, cela pourrait fort bien donner lieu à l'encouragement de départs à la retraite échelonnés, visant à garder les travailleurs plus longtemps dans la population active.

Dans les modèles de vieillissement fondés sur le cours normal de la vie, on prend en considération les transitions importantes dans la vie, notamment l'éducation, la constitution d'une famille et la retraite, afin d'en venir à des politiques qui les facilitent, entre autres grâce à des programmes de congé parental, d'apprentissage continu et de retraite progressive.

En outre, des témoins ont fait remarquer au comité que la santé des personnes âgées est intimement liée aux expériences qu'elles ont vécues tout au long de leur vie. Plusieurs témoins ont rappelé au comité que le vieillissement est un processus qui dure toute la vie et que la santé, chez les personnes âgées, est tributaire de milieux favorables qui les soutiennent pendant toute leur vie, ainsi qu'au cours des phases ultimes de la vie. Comme l'a dit un témoin, un vieillissement sain ne commence pas à 65 ans; il commence le jour de la naissance. Un état chronique ne commence pas quand on atteint l'âge de 65 ans; il a ses racines pendant la trentaine et la quarantaine.

Dans la prochaine phase de son étude, le comité voudra déterminer s'il faut adopter un cadre d'orientation qui permettrait de mieux répartir le travail productif sur toute la durée de vie. En outre, le comité voudra examiner les déterminants de la santé qui contribuent à la santé des aînés ou qui occasionnent des risques pour eux. Le comité cherchera à déterminer les avantages et les limitations de chacune de ces deux approches, à découvrir dans quelle mesure elles sont déjà suivies par le gouvernement fédéral et à établir s'il conviendrait de les appliquer plus largement encore.

Le dernier thème vise la définition du rôle du gouvernement fédéral dans les programmes et les services destinés à notre population vieillissante. Les responsabilités reliées aux programmes et aux services destinés aux aînés incombent à la fois au gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux. Plusieurs ministères sont responsables des divers dossiers et doivent faire équipe pour régler les questions qui touchent les aînés.

À l'échelle fédérale, même si Ressources humaines et Développement social Canada a la responsabilité globale du dossier des aînés, plusieurs ministères administrent les programmes destinés aux aînés.

Dans cette nouvelle phase de l'étude, le comité examinera les rôles directs et indirects du gouvernement fédéral. Il se penchera sur des questions telles : quelles sont les politiques et les initiatives de programme que le gouvernement fédéral pourrait et devrait adopter de façon indépendante et quelles sont celles qui devraient être entreprises en partenariat avec les provinces et les territoires? Quelles devraient être les priorités du gouvernement fédéral? Existe- t-il une approche cohérente au sein du gouvernement fédéral en vue de faire face aux défis et de saisir les occasions que présente une population vieillissante? De quels leviers politiques le gouvernement fédéral dispose-t-il pour minimiser les répercussions potentiellement négatives du vieillissement de la population? Les programmes et les services fédéraux qui s'adressent aux aînés sont-ils bien coordonnés avec les programmes provinciaux et territoriaux? Y a-t-il des secteurs qui devraient être mieux coordonnés?

En conclusion, honorables sénateurs, je dirais que le vieillissement de la population est une réussite et que les aînés représentent une partie riche et dynamique de notre pays. Il est essentiel en même temps d'offrir des services et des programmes d'aide qui permettront aux aînés de vivre dans la dignité. Votre comité considère le vieillissement de la population comme une occasion, une occasion de repenser à la façon dont nous établissons un équilibre entre le travail, la famille et les loisirs tout au cours de la vie et une occasion de revoir la façon dont nous considérons et estimons l'expérience de nos aînés. La prochaine phase de notre étude nous obligera à relever un grand défi, un défi rempli de possibilités.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Si aucun autre sénateur ne désire intervenir, nous considérerons que le débat sur le rapport est clos.

L'ÉTUDE SUR LA PARTICIPATION DES PEUPLES ET ENTREPRISES AUTOCHTONES AUX ACTIVITÉS DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

ADOPTION DU RAPPORT DU COMITÉ DES PEUPLES AUTOCHTONES ET DE LA MOTION DEMANDANT UNE RÉPONSE DU GOUVERNEMENT

Le Sénat passe à l'étude du sixième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones intitulé Partager la prospérité du Canada — Un coup de main, pas la charité, qui a été déposé au Sénat le 20 mars 2007.—(L'honorable sénateur St. Germain, C.P.)

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, je propose :

Que le sixième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones intitulé Partager la prospérité du Canada — Un coup de main, pas la charité, déposé au Sénat le 20 mars 2007, soit adopté et que, en application de l'article 131(2) du Règlement, le Sénat demande au gouvernement d'y fournir une réponse complète et détaillée, le ministre des Affaires indiennes étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.

(1740)

Honorables sénateurs, c'est avec grand plaisir que je prends la parole aujourd'hui à propos du sixième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones intitulé Partager la prospérité du Canada — Un coup de main, pas la charité.

J'aimerais tout d'abord remercier mes estimés collègues — même si certains peuvent se mettre dans tous leurs états, comme nous venons de le voir — qui siégeaient avec moi au Comité des peuples autochtones. Je tiens à saluer leur bon travail, leur dévouement inébranlable et leur attachement à cette question. Je veux parler du vice-président, le sénateur Sibbeston, et des sénateurs Campbell, Dyck, Gill, Gustafson, Hubley, Lovelace Nicholas, Peterson, Segal et Watt. Ces sénateurs très compétents ont œuvré avec diligence et de manière très efficace au sein du comité.

Honorables sénateurs, les Inuits, les Métis et les membres des Premières nations du pays sont tous résolus à remédier aux problèmes économiques auxquels se heurtent leurs collectivités. Celles-ci sont de plus en plus conscientes que le développement économique est essentiel pour aplanir les disparités sociales qui touchent tant de gens. Honorables sénateurs, on nous a souvent dit qu'« il ne peut y avoir de justice sociale sans justice économique ».

Le développement économique est crucial pour relever le niveau de vie des peuples autochtones du Canada et pour réduire leur dépendance à l'égard de l'aide sociale. En dépit de l'importance que revêt le développement économique pour le bien-être des Autochtones, seule une petite partie des dépenses fédérales dans les programmes autochtones y est affectée. Par exemple, l'Accord de Kelowna prévoyait moins de 4 p. 100 pour le développement économique. Si nous voulons que les conditions sociales s'améliorent, il faut que les gouvernements cessent de traiter les programmes de développement économique destinés aux Autochtones comme des éléments discrétionnaires et il est temps que le gouvernement fédéral réalise des investissements significatifs dans ce domaine.

Honorables sénateurs, historiquement, les peuples autochtones ont été mis de côté pour laisser libre cours à la colonisation européenne et au développement. Comme on a tenu les Autochtones à l'écart des économies dominantes et qu'ils n'étaient pas en mesure de développer la leur, un immense fossé économique s'est creusé entre eux et le reste de la population canadienne. Même si, les uns après les autres, les gouvernements ont déployé des efforts considérables pour améliorer les conditions socioéconomiques des peuples autochtones, de nombreuses collectivités continuent d'accuser un retard par rapport au reste de la population du Canada. C'est ce que nous révèlent presque tous les indicateurs socioéconomiques. Les dirigeants autochtones nous ont dit que les taux de chômage élevés, les faibles niveaux de revenu et la forte dépendance à l'égard des transferts fédéraux constituent une situation qui est devenue intenable.

Les Autochtones rejettent le statu quo; ils réclament des changements et s'attendent à ce que des changements soient apportés. Les moyens utilisés jusqu'ici afin d'accroître le bien-être socioéconomique des Autochtones n'ont pas connu grand succès. Il serait malavisé, aux yeux de plusieurs, de miser presque exclusivement sur les programmes sociaux et les dépenses du gouvernement fédéral dans ce domaine.

Les Autochtones jugent de plus en plus que le développement économique est essentiel à l'amélioration de leurs résultats sociaux et ils demandent qu'on y accorde une priorité beaucoup plus élevée.

Le comité estime que, pour venir à bout des problèmes sociaux actuels, il faut absolument aider les collectivités autochtones à bâtir leur propre économie et à se positionner de façon à profiter des possibilités économiques. Le développement économique, perçu comme également important par nombre d'Autochtones et de collectivités autochtones, est indispensable sur le plan de l'édification d'une nation, de l'autosuffisance et de l'autonomie. Il ne suffit cependant pas d'efforts isolés des gouvernements et d'investissements intermittents dans le développement économique pour susciter des changements concrets.

Le présent rapport vise à mettre en lumière les nouvelles façons de procéder qui s'imposent, si l'on veut que ces changements se concrétisent. Nous faisons valoir qu'il existe actuellement un déséquilibre dans les dépenses fédérales qui favorise grandement les programmes sociaux et qu'il faut y voir. La réalisation du plein potentiel de relance économique passe par d'importants investissements stratégiques à long terme dans le développement économique autochtone, tant hors réserve que dans les réserves, et l'aspect hors réserve revêt une importance particulière.

Les Autochtones et les collectivités et entreprises autochtones sont soucieux de jeter les bases de leur autosuffisance économique. Beaucoup s'en sortent très bien, en dépit des obstacles. Le développement économique est façonné de telle sorte qu'il est respectueux des valeurs, pratiques et culture de la collectivité. On arrive à concilier la conservation des traditions et de la culture et le monde des affaires et l'économie moderne. C'est ce qu'on peut appeler du développement économique « à leur manière », et la méthode est fort prometteuse.

Des populations comme la Première nation de Millbrook, en Nouvelle-Écosse, ou la Première nation de Squamish, à l'autre extrémité, sur la côte Ouest, tirent profit de leur emplacement stratégique pour développer toute une gamme d'entreprises commerciales et immobilières. Des populations comme la Première nation Dakota de Whitecap, en Saskatchewan, établissent des partenariats importants et des entreprises rentables comme des terrains de golf et des centres de villégiature. D'autres, comme les Tlichos des Territoires du Nord-Ouest, savent tirer parti de l'exploitation à grande échelle des ressources, comme les mines de diamants. Ils négocient des retombées intéressantes dans le cadre d'accords conclus avec de grandes entreprises. Dans l'ensemble du pays, les populations et les entreprises autochtones sont en train de se faire une place au sein de l'économie nationale et mondiale.

Grâce à leur sens de l'innovation, à leur imagination et à leur solide esprit d'entreprise, les Autochtones assurent leur bien-être, se bâtissent un avenir économique et, par surcroît, contribuent à la prospérité du pays. Ils sont prêts à contribuer davantage et à réussir encore mieux.

J'aimerais remercier le sénateur Sibbeston, qui a eu la vision et la prévoyance nécessaires pour demander la réalisation de cette étude par le comité. C'est lui qui a pris les devants. Nous l'avons suivi. Je vois le sénateur Campbell ici. Le sénateur Watt y était un peu plus tôt. Je vois les sénateurs Hubley, Gustafson et Segal, mais c'est le sénateur Sibbeston qui a agi en chef de file.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, le sénateur Sibbeston est passé par les pensionnats autochtones pour devenir premier ministre des Territoires du Nord-Ouest. Je me fiche qu'il demeure libéral jusqu'à sa mort et je lui dis qu'il est un homme bon qui a fait du bon travail. Je me suis senti honoré de poursuivre l'étude dans le fauteuil de président du comité après le changement de gouvernement, et je pense que nous avons un avenir prometteur si nous continuons de travailler avec un esprit ouvert et non partisan.

L'honorable Nick G. Sibbeston : Honorables sénateurs, je vois bien qu'il est tard, alors je dirai seulement quelques mots. On a beaucoup parlé des Autochtones, des difficultés qu'ils rencontrent et de la nécessité, pour notre pays, de consacrer davantage de ressources aux efforts devant permettre aux Autochtones de se prendre en main et de combler l'écart.

Lorsque le comité s'est rendu sur place étudier des entreprises autochtones, nous avons pu sentir l'ardeur, l'enthousiasme, l'énergie, la fierté et l'espoir des gens. C'est pourquoi la question du développement économique parmi les Autochtones est si importante. C'est en tirant profit des occasions qui se présentent dans le monde des affaires que les Autochtones pourront se prendre en main et faire une contribution importante au sein du Canada.

J'ai eu la chance, durant ma vie, d'être témoin de la transition des peuples autochtones du mode de vie traditionnel au mode de vie actuel. Mes ancêtres étaient chasseurs et piégeurs. Dans mon enfance, les peuples autochtones étaient dénués de tout. Personne n'avait une voiture dans mon village. Tous n'avaient que ce qu'il leur fallait pour survivre : des chiens de traîneau, des traîneaux, des fusils, des raquettes et des canots. Plus tard, au début des années 1980 et 1990, les peuples autochtones ont commencé à avoir des biens. Nous avons commencé à voir de vrais changements dans les Territoires du Nord-Ouest. Les peuples autochtones sont passés de leur mode de vie traditionnel à l'économie capitaliste, devenant d'abord des salariés, puis des entrepreneurs.

Dans le Nord, cette transformation s'est produite en partie à cause des revendications territoriales. Il faut remercier le gouvernement parce que, à partir de 1984, il a commencé à négocier des accords de revendications territoriales dans le Nord avec les Inuvialuit dans la région de la mer de Beaufort, et les Inuvialuit ont eu gain de cause. Durant un certain nombre d'années, ils ont obtenu 60 millions de dollars. Aujourd'hui, des sociétés d'Inuvialuit figurent dans le groupe des 500 plus grandes entreprises du magazine Fortune. Elles ont si bien réussi que leurs actifs s'élèvent maintenant à environ 1 milliard de dollars. Elles ont fort bien réussi à faire une bonne utilisation du capital et à tirer profit de leurs droits de propriété et d'accès aux terres du Nord. Elles ont fait la transition.

(1750)

Un autre groupe autochtone, les Dogrib, a également très bien réussi dans l'exploitation des mines de diamants. Les Dogrib insistent aussi sur l'éducation. Il y a quelques années, une douzaine des leurs fréquentaient des universités et des établissements de formation dans le Sud; aujourd'hui, ils sont plus de 200. Ils se servent de l'argent des droits d'accès et de leurs profits pour permettre aux gens de chez eux de poursuivre des études sans soucis financiers. Ils mettent l'accent sur l'éducation. Ils ont conclu des partenariats et établi des entreprises dans le domaine de l'exploitation des mines de diamants, et je crois que leur avenir s'annonce très prometteur grâce aux affaires.

Pourquoi le gouvernement ne reconnaît-il pas qu'il peut aider les Autochtones dans le secteur des affaires? Il y a un effet de boule de neige. Ce n'est pas comme si le gouvernement devait éternellement verser de l'argent. Il pourrait donner de l'argent une fois et les Autochtones s'en serviraient pour réussir. Voilà ce que nous souhaitons que le gouvernement fasse.

Nous voulions faire une contribution à la société canadienne, tant aux gouvernements qu'aux Autochtones, lorsqu'nous avons commencé à examiner les activités commerciales chez les Autochtones. Nous voulions savoir pourquoi certains peuples autochtones réussissaient alors que d'autres éprouvaient énormément de difficultés. Nous nous sommes penchés sur cet aspect de la question.

Une étude a été menée à Harvard sur les entreprises autochtones. Le professeur Cornell a examiné la situation aux États-Unis. Il a tenté de trouver pourquoi certains peuples autochtones des États- Unis réussissaient alors que d'autres échouaient. Il a notamment découvert, assez rapidement d'ailleurs, que c'était une question de gouvernance. Les Premières nations qui avaient une bonne gouvernance, des règles évidentes en matière de conduite et de transactions commerciales, étaient celles qui connaissaient du succès. L'étude a également mis d'autres éléments en évidence, notamment le leadership et la situation géographique.

Le présent rapport parle entre autres de cet aspect. Nous avons réussi à trouver les facteurs qui engendrent la réussite chez les Autochtones. Ces facteurs sont énumérés à la page ix du résumé.

Les Canadiens devraient savoir que les Autochtones commencent à se lancer en affaires et qu'ils réussissent. Dans certains secteurs, c'est ce qui se passe. Malheureusement, à certains endroits ce n'est pas le cas, particulièrement dans les régions les plus reculées du Canada, où les gens sont souvent aux prises avec des problèmes sociaux. Certaines collectivités connaissent de graves difficultés. Dans ces régions et d'autres, les Autochtones ont encore du mal à s'en sortir et ont besoin de l'aide et de l'attention des gouvernements; ceux-ci peuvent notamment leur fournir des fonds de démarrage, ce qui permettrait aux collectivités d'établir les bases de leur économie.

Malheureusement, bien qu'il s'agisse d'un sujet important, les sommes d'argent disponibles pour les programmes de développement économique ont été réduites et représentent maintenant seulement 8 p. 100 des quelque 9 milliards de dollars que le gouvernement verse aux Autochtones.

J'ai presque terminé. La semaine dernière, mon collègue le sénateur St. Germain et moi avons eu l'occasion de nous rendre dans l'Ouest. Nous trouvions qu'il était difficile de faire parler de notre rapport à Ottawa, alors nous nous sommes rendus à Winnipeg, à Calgary et à Vancouver. Nous avons rencontré des Autochtones et bon nombre de représentants des médias. Nos visites ont passablement fait la nouvelle. Le Calgary Herald a déclaré que notre rapport contenait des idées pratiques et faisables permettant de combler le fossé entre les collectivités des Premières nations et le reste du Canada. À Vancouver, The Province a exhorté le premier ministre à adopter les recommandations du comité.

Nous espérons que ce rapport sera utile à tous, au gouvernement comme aux Autochtones, car il est le résultat des efforts intenses et de l'excellent travail du comité. Nous avons rencontré des gens qui ont connu du succès et je crois que nous avons recueilli des renseignements qui pourront être utiles au gouvernement et à tous les Canadiens pour aider de façon positive les Autochtones dans leur quête de développement économique.

Je vous remets ce rapport. J'espère que vous l'adopterez et qu'il sera utile à tous nos concitoyens.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : L'honorable sénateur répondrait-il à une question?

Le sénateur Sibbeston : Oui.

Le sénateur Dallaire : L'ancien premier ministre Paul Martin a créé une organisation non gouvernementale pour aider les jeunes Autochtones à lancer de nouvelles entreprises. S'agit-il d'une nouvelle tendance ou d'une exception? Cela ne devrait-il pas être une tendance appuyée par l'industrie canadienne pour aider les jeunes Autochtones?

Le sénateur Sibbeston : Je ne suis pas vraiment au courant de l'ONG dont vous parlez, mais le rôle de l'industrie est extrêmement important. Il y a eu des cas où l'industrie a appuyé les entreprises autochtones et établi des partenariats avec elles. Ces collaborations ont été très fructueuses. Nous l'avons vu dans le cas des sables bitumineux et des mines de diamants dans le Nord.

Depuis dix ans, les entreprises font preuve d'une conscience sociale. Elles commencent à faire certaines choses et, si possible, à établir des partenariats avec les Autochtones dans les dossiers d'intérêt commun. Ce phénomène est une réalité. C'est en partie grâce aux grandes entreprises que les Autochtones peuvent se lancer en affaires. C'est formidable.

Le sénateur St. Germain : N'est-il pas vrai, si je me souviens bien, que M. Morgan, qui était à la tête d'EnCana, a créé au sein d'EnCana un service chargé non seulement de former des jeunes Autochtones et des membres de la collectivité autochtone en général, pour développer l'économie, mais de les lancer ensuite en affaires? Cette activité a d'ailleurs connu beaucoup de succès. Vous souvenez-vous si c'était EnCana?

Le sénateur Sibbeston : Je ne suis pas au courant de cela, mais je sais qu'EnCana compte parmi les entreprises qui entretiennent de bons rapports avec les Autochtones. Dans toute la mesure du possible, EnCana passe des marchés avec des Autochtones, si bien que ces derniers viennent à posséder leurs propres installations de forage pétrolier et contribuent de cette façon.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

(1800)

[Français]

LES TRAVAUX DU SÉNAT

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, il est maintenant 18 heures. Selon le paragraphe 13(1) du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu'à 20 heures, à moins que les honorables sénateurs consentent à ne pas voir l'heure.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Je propose, si les honorables sénateurs sont d'accord, que nous ne voyions pas l'horloge.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour que je ne tienne pas compte de l'heure?

Des voix : D'accord.

[Traduction]

LE SÉNAT

MOTION TENDANT À ENCOURAGER LA POURSUITE DU DIALOGUE ENTRE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE ET LE DALAÏ-LAMA—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Di Nino, appuyée par l'honorable sénateur Andreychuk :

Que le Sénat encourage le gouvernement de la République populaire de Chine et le dalaï-lama, nonobstant leurs différends à l'égard de la relation historique entre le Tibet et la Chine, de poursuivre leurs discussions d'une manière prospective qui mènera à des solutions pragmatiques respectant le cadre constitutionnel chinois et l'intégrité territoriale de la Chine tout en répondant aux aspirations du peuple tibétain, à savoir l'unification et la véritable autonomie du Tibet.—(L'honorable sénateur Cools)

RECOURS AU RÈGLEMENT

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je souhaite prendre la parole au sujet de cette motion. En consultant mes notes, je me rends compte que mes observations correspondent davantage à un recours au Règlement. Je vais donc intervenir en invoquant le Règlement au sujet de cette motion.

Honorables sénateurs, mon recours au Règlement concerne la forme de la motion dans le cadre parlementaire, et non pas son fond ou son contenu. Je tiens à dire clairement que je n'interviens pas au sujet de la valeur ou du bien-fondé du contenu de cette motion. Je ne prends nullement position sur sa valeur; je me borne à en critiquer la forme.

Honorables sénateurs, je prétends que la motion est irrecevable. Cette motion a été proposée par le sénateur Di Nino et elle est fautive. Elle est fautive puisqu'elle propose de demander au Sénat de communiquer et de converser directement avec le souverain et le gouvernement souverain d'un autre pays. Or, selon la loi, le Sénat ne peut agir de la sorte puisqu'il ne possède pas le pouvoir constitutionnel de le faire.

Voici ce que dit la motion du sénateur Di Nino :

Que le Sénat encourage le gouvernement de la République populaire de Chine et le dalaï-lama, nonobstant leurs différends à l'égard de la relation historique entre le Tibet et la Chine, de poursuivre leurs discussions d'une manière prospective qui mènera à des solutions pragmatiques respectant le cadre constitutionnel chinois et l'intégrité territoriale de la Chine tout en répondant aux aspirations du peuple tibétain, à savoir l'unification et la véritable autonomie du Tibet.

Le passage contestable est le suivant : « Que le Sénat encourage le gouvernement de la République populaire de Chine. » Ces mots sont rédigés sous forme d'une adresse à un souverain étranger. Or, une telle procédure n'est pas autorisée par l'article 18 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867. Le Sénat ne peut voter sur une telle motion et le Président ne peut la mettre aux voix, puisqu'elle est fautive et inacceptable.

Honorables sénateurs, l'article 18 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 est le fondement de la Loi du Parlement ainsi que des règles, pratiques et usages du Sénat. Par conséquent, toutes les pratiques du Sénat sont régies et déterminées par l'article 18. Cet article n'accorde aucun pouvoir au Sénat de s'adresser à des souverains étrangers, c'est-à-dire à des chefs d'État étrangers et à leurs gouvernements. Le Sénat ne peut que communiquer et échanger avec notre souveraine, Sa Majesté, la reine Elizabeth, ou son représentant, le Gouverneur général. Bref, le Sénat, tout comme la Chambre des communes, conseille Sa Majesté sur des questions concernant le service de Sa Majesté à l'égard de ses sujets canadiens et y accorde son consentement. Le Sénat ne peut conseiller un souverain étranger sur des questions concernant le service de ce dernier à sa population.

Tout avis que le Sénat souhaite offrir au sujet d'un autre souverain doit être soumis à Sa Majesté, qui communique elle-même avec les souverains étrangers. Sa Majesté, honorables sénateurs, donne suite aux avis du Sénat par l'intermédiaire du ministre des Affaires étrangères qui, actuellement, est Peter MacKay. Le Sénat est libre d'exprimer son appui ou sa réprobation à l'égard de n'importe qui, n'importe où et quand il lui plaît, mais ce faisant, sur les questions de politique étrangère, le Sénat doit s'exprimer par l'intermédiaire de la souveraine et des ministres du Canada.

Le Sénat ne peut communiquer directement avec un souverain étranger ni s'adresser directement à lui. Il ne peut non plus tenter de lier un souverain étranger, en vertu de la prérogative royale de Sa Majesté en matière de guerre, de paix, de traités et de relations avec l'étranger. C'est une prérogative qui n'appartient qu'à Sa Majesté et sur laquelle le Sénat doit éviter d'empiéter.

Honorables sénateurs, il relève de la compétence et des responsabilités du ministre des Affaires étrangères, Peter MacKay, d'exhorter à agir ou d'implorer un souverain étranger ou encore d'exiger quoi que ce soit de ce dernier. Le Sénat doit se contenter de communiquer avec les souverains étrangers par l'intermédiaire des ministres de Sa Majesté. La procédure parlementaire appropriée pour communiquer avec un souverain, avec Sa Majesté ou avec les ministres ou le gouvernement de Sa Majesté est appelée une adresse. Erskine May, dans la 22e édition de son traité intitulé The Laws, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament, définit l'adresse. Sous la rubrique portant sur les communications du Parlement avec la Couronne, à la page 606, on peut lire ceci :

Une adresse à Sa Majesté est la forme qu'utilisent habituellement les deux Chambres du Parlement pour faire connaître leurs désirs et leurs opinions à la Couronne

Puis, à la page 607, Erskine May dit également que :

Les adresses ont porté sur tous les aspects de la politique étrangère ou nationale; sur l'administration de la justice, sur l'expression de félicitations ou de condoléances [...] bref sur toutes les questions liées au gouvernement et au bien-être du pays [...]

Honorables sénateurs, il n'y a aucune procédure équivalente pour s'adresser à un souverain étranger. Le Sénat ne peut exhorter le président chinois et son gouvernement à faire quoi que ce soit, même si les actions souhaitées sont nobles et honorables. Il ne revient pas au Sénat de diriger le monde. Le Sénat a de la difficulté à se gérer lui-même. Exhorter un gouvernement étranger à agir relève de la compétence du ministre des Affaires étrangères.

Honorables sénateurs, il y a moins d'un an, le 7 juin 2006, j'ai soulevé le même point au Sénat. Ce qui est intéressant, c'est qu'à l'époque, c'était dans le cadre d'un débat sur une motion également proposée par le sénateur Di Nino, relativement à une autre question de politique étrangère, notamment au sujet de M. Poutine, le président de la Russie. La motion disait notamment ceci :

Que le Sénat du Canada implore le président de la Russie, Vladimir Poutine, d'user de ses bons offices pour faire la lumière sur le lieu où pourrait se trouver Raoul Wallenberg [...]

Je contestais l'emploi du mot « implore ». La motion du sénateur Di Nino demandait au Sénat du Canada de s'adresser directement au président de la Russie, de lui présenter directement cette requête. Le 7 juin 2006, j'ai exprimé mes doutes quant à cette façon de procéder. J'ai déclaré, dans cette Chambre :

Le sénateur Di Nino est l'auteur de cette motion. Je ne sais trop si le Sénat du Canada est habilité à parler au président de la Russie, car il me semble que, selon le protocole, les souverains s'adressent à leurs homologues. M. Wallenberg étant déjà citoyen canadien, le ministre des Affaires étrangères aurait peut-être intérêt à présenter la question lui-même directement, ce qui nous dispenserait de devoir nous mettre dans la position inhabituelle d'implorer.

J'ai ensuite fait valoir l'argument que le Sénat ne peut pas supplier le chef d'un État souverain ni lui adresser directement une requête. J'ai dit :

Nous devrions faire attention à ces motions. Il ne convient pas que le Sénat du Canada soit placé dans une situation où il doit implorer le chef d'État d'un autre pays. Cependant, étant donné que Raoul Wallenberg est déjà un citoyen honoraire du Canada — je crois qu'une motion a été adoptée par le Sénat à cet égard —, je crois qu'il conviendrait mieux de reformuler la motion de manière à lui donner plus de poids en invitant le ministre des Affaires étrangères et nos souverains à entreprendre un dialogue avec M. Poutine, le président de la Russie, parce que nous ne pouvons pas nous-mêmes dialoguer avec le président d'un État étranger.

Honorables sénateurs, tout comme le Sénat, le sénateur Di Nino a tenu compte de l'argument que j'avais soulevé dans mon rappel au Règlement en ce qui concerne la position du Sénat et les dispositions de la Constitution régissant les rapports du Sénat avec les États souverains. Le 13 juin 2006, soit quelques jours plus tard, le sénateur Di Nino a déclaré ceci au Sénat :

Votre Honneur, je demande votre conseil. Madame le sénateur Cools a dit que, si je faisais ce qu'elle appelle une modification cordiale, elle n'aurait plus d'objection et que je pourrais clore le débat sur ma motion. C'est ce que je suis prêt à faire, si c'est recevable. Madame le sénateur Cools n'est pas ici, mais elle m'a demandé de faire cette demande en son nom.

Le sénateur Di Nino a ensuite entrepris de corriger sa motion en supprimant l'adresse directe au président russe. Il a retiré le mot « implore » de sa motion pour en faire une motion demandant au président Poutine d'user de ses bons offices pour appuyer les efforts de la International Raoul Wallenberg Foundation.

(1810)

Honorables sénateurs, je soulève encore aujourd'hui la même question de procédure parlementaire. J'affirme que le Sénat, en tant que Chambre haute, ne peut communiquer avec une autorité souveraine étrangère — le président de la Chine — ou s'adresser à lui au sujet du Tibet ou de toute autre question. Le Sénat ne peut légalement « encourager le gouvernement de la République populaire de Chine » à faire quoi que ce soit. Le Sénat ne peut supplier une autorité souveraine étrangère ni lui demander quoi que ce soit.

Honorables sénateurs, je citerai à titre d'exemple la motion de la Chambre des communes sur le même sujet. Le 15 février 2007, la Chambre a adopté une motion concernant le dalaï-lama. Fait intéressant, cette motion, contrairement à celle du Sénat, était conforme à la procédure légitime et appropriée. Contrairement à celle du Sénat, la motion de la Chambre des communes ne demande pas à la Chambre d'encourager le gouvernement chinois. Elle demande plutôt au gouvernement du Canada d'encourager le gouvernement chinois. En résumé, la motion de la Chambre des communes demande au ministre MacKay de discuter avec le gouvernement de la République populaire de Chine.

Honorables sénateurs, permettez-moi de rappeler le libellé de la motion. Il s'agissait d'une motion proposée par la députée de Toronto qui représente la circonscription de Parkdale—High Park, Mme Peggy Nash. La députée a échoué à sa première tentative, mais sa deuxième tentative a été couronnée de succès. Par conséquent, on peut lire, dans les Débats de la Chambre des communes du 15 février 2007, que Mme Nash a déclaré :

Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je demande le consentement unanime à l'égard de la motion suivante. Je propose :

Elle a ensuite donné lecture de la motion qui a été adoptée, soit :

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement encourage le gouvernement de la République populaire de Chine et les représentants du gouvernement du Tibet en exil, nonobstant leurs différends à l'égard de la relation historique entre le Tibet et la Chine, à poursuivre leurs discussions d'une manière prospective qui mènera à des solutions pragmatiques respectant le cadre constitutionnel chinois et l'intégrité territoriale de la Chine tout en répondant aux aspirations du peuple tibétain, à savoir l'unification et la véritable autonomie du Tibet.

Honorables sénateurs, cette motion de la Chambre des communes ne s'adresse pas directement ni au président ni au gouvernement de la Chine; elle s'adresse directement, dans cette formule moderne, au gouvernement du Canada. Cette motion est conforme aux règles parlementaires en ce sens qu'elle ne s'adresse pas directement à un État souverain étranger. Je constate que cette motion n'a fait l'objet d'aucun débat à l'autre endroit. Je ne m'intéresse pas ici au fond de la motion, mais à son inefficacité pour ce qui est d'interpeller le président d'un État étranger.

Honorables sénateurs, le bien-fondé et la recevabilité de cette motion revêtent une importance capitale. Les sénateurs se souviendront que j'ai déclaré, au sujet de la motion concernant le président Poutine, que le Sénat ne peut implorer un dirigeant étranger. De même, un dirigeant étranger ne peut implorer le Sénat ou le Parlement du Canada. C'est une question de souveraineté des nations. La souveraineté fait en sorte qu'un souverain ne peut en implorer un autre.

Cela est très pertinent, parce qu'il y a quelques jours, le 19 mars 2007 pour être exacte, j'ai reçu de l'ambassadeur de la Chine au Canada, Son Excellence Lu Shumin, une lettre datée du 12 mars 2007. Il semblerait qu'il ait écrit à tous les sénateurs ce qui suit :

Honorable sénateur, je vous écris au sujet d'une motion concernant le Tibet que le sénateur Consiglio Di Nino a présentée le 7 février et dont le Sénat est actuellement saisi. En toute honnêteté, j'estime que cette motion n'est pas conforme aux faits et qu'elle est trompeuse. Je souhaite vous dire ce qu'il en est vraiment et partager avec vous quelques-unes de mes réflexions à ce sujet.

Son Excellence poursuit :

J'espère que l'information figurant ci-dessus vous aidera à mieux comprendre la question du Tibet. J'espère sincèrement que vous n'appuierez pas la motion afin d'éviter de porter préjudice aux relations cordiales et à la coopération entre nos deux pays...

Et il signe : L'ambassadeur de Chine, Lu Shumin.

Son Excellence a écrit aux sénateurs pour contester ce qui a été dit. Cette lettre révèle pourquoi la motion du sénateur Di Nino est défectueuse. La motion a relégué le président de la Chine et son plénipotentiaire, l'ambassadeur Shumin, au rang de pétitionnaires auprès au Sénat. Cela est contestable et non autorisé dans la pratique parlementaire. Cela est même tout à fait honteux, quel que soit le degré de pertinence des questions de fond soulevées dans la motion. Je parle seulement de la formee de la motion dont est saisi le Sénat et non de la pertinence des questions de fond qui y sont soulevées, et je me garde bien de porter un jugement sur la pertinence ou la non-pertinence de la teneur de la motion.

Honorables sénateurs, durant leurs échanges, les nations et les pays entretiennent des relations de différentes natures. Ces relations comprennent des attentes d'une qualité donnée de comportements de la part des institutions parlementaires et ministérielles les unes envers les autres. Cela est particulièrement vrai, nécessaire et important lorsque les pays ont des mésententes, voire de sérieux différends, parce que ces attentes permettent aux souverains et aux pays souverains d'exprimer leurs désaccords tout en maintenant leurs relations. C'est la raison pour laquelle le Sénat du Canada ou la Chambre des communes ne devraient pas s'adresser à des souverains étrangers, mais devraient s'adresser plutôt à leur propre souverain pour faire connaître leurs points de vue sur des questions et des politiques liées aux affaires étrangères. Le Sénat est libre d'adopter tout point de vue quand il s'adresse à son souverain. Je serais offusquée si, dans un autre pays, des motions semblables étaient transmises directement à la Gouverneure générale du Canada ou à Sa Majesté.

Honorables sénateurs, je fais observer que, jusqu'à maintenant, le Sénat n'a été saisi ni de la position du ministre des Affaires étrangères, le ministre MacKay, ni de celle du gouvernement du Canada relativement à la question Chine-Tibet dans le débat que nous tenons. En fait, le débat fut remarquablement court et peu étoffé et il n'a fourni aucune information quant à la position du gouvernement et très peu en ce qui concerne le Tibet. Aucun député, aucun sénateur ne peut prétendre se substituer au ministre des Affaires étrangères pour façonner la politique étrangère du Canada en s'adressant à des souverains étrangers dans des motions et en cherchant à faire adopter ces motions sans que le Sénat n'ait entendu ni le ministre ni le gouvernement chinois. Suivant un principe parlementaire incontestable, une personne ou un groupe attaqué doit pouvoir répondre aux accusations dont il fait l'objet. Par ailleurs, ce serait épouvantable de ne pas recueillir le témoignage du ministre, particulièrement s'il défend une position différente de celle du Sénat. Une telle position aurait pour effet de susciter de la méfiance à l'égard du ministre. Je me suis fait un devoir de ne pas me renseigner sur la position du ministre, à telle enseigne que je ne tenterais pas de prendre position en ce qui concerne le Tibet.

Honorables sénateurs, il y a quelques mois, nombre de Canadiens étaient préoccupés par les échanges que le premier ministre Harper a eus avec la Chine. J'étais d'avis que certaines paroles de M. Harper à l'endroit du président de la Chine étaient irréfléchies. Nombre de Canadiens craignaient que cela ne nuise aux relations entre les deux pays. Je ne vois pas comment cette motion, qui s'adresse directement au président de la Chine, pourrait favoriser les relations entre le Canada et la Chine ou aider le dalaï-lama à réaliser ses rêves, comme l'espère le sénateur Di Nino, le parrain de cette motion.

Je le répète, la motion n'aide pas les relations du Canada avec la Chine et elle n'aide pas non plus le dalaï-lama.

(1820)

Honorables sénateurs, il ne fait aucun doute que le sénateur Di Nino est animé de bonnes intentions et que son travail découle de son sens de la justice et du sens de la justice d'autres personnes. C'est louable. Je n'ai rien contre cela et je n'ai pas d'opinion à ce sujet. Cependant, la motion est viciée et, par conséquent, Son Honneur le Président du Sénat devrait la déclarer irrecevable et permettre au sénateur Di Nino de la remplacer par une meilleure motion qui serait conforme aux règles parlementaires et à la notion de souveraineté des nations.

Honorables sénateurs, j'ai récemment dit à quelqu'un que je prévoyais prendre la parole sur le sujet et on a mis sur mon bureau, aujourd'hui le 27 mars, un article de l'Ottawa Citizen. Il s'agit d'un article du 23 mars 2007, en fait d'une lettre à la rédaction adressée par le sénateur Di Nino. C'était la première fois que je voyais cette lettre. Le titre en était « La revendication du Tibet par la Chine est douteuse ».

Je le répète, je ne parle pas du fond de la question, mais il y a quelque chose qui cloche vraiment dans cette affaire.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je remercie madame le sénateur Cools et je lui rappelle le paragraphe 18(3) du Règlement.

Je crois que nous en avons assez entendu et qu'elle a dit ce qu'elle voulait dire. Elle a présenté son intervention comme étant une question de privilège.

Y a-t-il d'autres sénateurs qui désirent intervenir sur ce rappel au Règlement?

Le sénateur Cools : Pardonnez-moi, mais je ne vous ai pas entendue.

Son Honneur la Présidente intérimaire : J'ai dit que, conformément au paragraphe 18(3) du Règlement, j'ai déterminé que j'en avais assez entendu au sujet de votre rappel au Règlement. Je crois que vous avez eu la parole pendant plus de 20 minutes.

Y a-t-il d'autres sénateurs qui désirent intervenir au sujet du rappel au Règlement?

Le sénateur Cools : J'aimerais terminer ma phrase.

L'honorable Tommy Banks : Je pense que madame le sénateur Cools a fait valoir son argument avec beaucoup de clarté — peut-être pas de manière concise, mais avec beaucoup de clarté. Cela m'apparaît être une question valable, en particulier en ce qui concerne le précédent mentionné. J'espère que Votre Honneur va prendre la question en délibéré. Peut-être que les sénateurs d'en face pourraient suggérer au sénateur Di Nino de commencer à préparer un amendement qui rendrait la motion dont nous sommes saisis conforme à notre expérience et à la décision précédente sur pareille question. Encore une fois, je ne fais allusion qu'à la procédure et non au cœur du débat.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Si aucun autre sénateur ne souhaite intervenir au sujet de ce recours au Règlement, je remercie madame le sénateur Cools d'avoir porté la question à notre attention. Je vais prendre la question en délibéré et je donnerai une réponse aux sénateurs.

LE MONUMENT COMMÉMORATIF DU CANADA À VIMY

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Dallaire, attirant l'attention du Sénat sur la dernière phase du projet de restauration du Monument commémoratif du Canada à Vimy, entrepris en 2001 dans le cadre du Programme canadien de restauration des monuments commémoratifs des champs de bataille.—(L'honorable sénateur Banks)

L'honorable Norman K. Atkins : Honorables sénateurs, je veux intervenir au sujet de l'interpellation du sénateur Dallaire et j'aimerais rappeler un événement qui s'est produit il y a quelque 90 ans.

La bataille historique de la crête de Vimy a débuté à 5 h 30 le 9 avril 1917 et ce fut la victoire canadienne la plus extraordinaire et la plus sanglante de la Première Guerre mondiale. La bataille a réuni quatre divisions du Corps canadien, des soldats de partout au pays, et elle fut d'une grande importance stratégique. À la fin de la bataille, 3 598 soldats canadiens avaient fait l'ultime sacrifice et 7 000 autres étaient blessés.

Certains d'entre vous savent peut-être déjà que je tire une grande fierté du fait que mon père, Gunner George Atkins, a servi durant cette guerre comme membre de la 46e batterie de Queen's de l'artillerie de campagne canadienne, dans le Corps expéditionnaire canadien, et qu'il a combattu durant la bataille de la crête de Vimy. Il tenait un journal intime et, ce jour-là, il y a écrit ceci :

Nous avons fait un tir de barrage ce matin à 5 heures. Les Canadiens se sont emparés de la crête de Vimy en un clin d'œil. Nous avons fait beaucoup de prisonniers, et ainsi de suite.

Le reste des entrées dans le journal sont très intéressantes et donnent une bonne idée des conditions horribles et des difficultés que les soldats ont vécues.

J'ai eu récemment le plaisir de rencontrer M. Tom Cook, historien spécialiste de la Première Guerre mondiale et membre du personnel du Musée canadien de la guerre, à l'occasion d'une discussion d'information. Bon nombre de Canadiens pourraient être intéressés de savoir que les soldats n'avaient techniquement pas le droit de tenir un journal ou d'apporter une caméra au front par peur que des renseignements tombent entre des mains ennemies. Ceci dit, M. Cook concède que ces journaux et ces photos font partie des quelques rares ressources dont nous disposons pour véritablement comprendre ce qui s'est passé pendant cette période terrible. Chaque journal et chaque photo permettent de compléter l'information morcelée dont nous disposons aujourd'hui.

En 1992, le sénateur Meighen et moi avons eu l'honneur d'assister à la célébration du 76e anniversaire de la bataille de la crête de Vimy. Le Monument commémoratif du Canada à Vimy était très impressionnant. Ce monument a été conçu par l'architecte et sculpteur canadien Walter Seymour Allward et a été dévoilé pour la première fois en 1936. Ce monument a été érigé à la mémoire des Canadiens qui ont pris Vimy il y a 90 ans. Il nous rappelle également que bon nombre de ceux qui ont combattu à Vimy ont payé un prix très élevé pour protéger notre liberté et notre paix. Heureusement, ce ne fut pas le cas de mon père, bien qu'il eût été blessé trois fois pendant la guerre.

Après des décennies, le monument tombait en décrépitude, ce qui était évident dès 1992. Avec raison, le gouvernement canadien a lancé un projet de restauration de plusieurs millions de dollars. Je dis « avec raison », car, comme notre collègue, le sénateur Dallaire, l'a si succinctement expliqué :

[Ce monument] est un symbole de notre unité nationale et de notre engagement dans la défense des droits de la personne [...] Un monument chargé du passé et de l'avenir du Canada.

Il ne fait aucun doute que le monument a retrouvé sa splendeur d'antan, et je suis heureux de voir que de nombreux Canadiens seront présents lors du dévoilement qui aura lieu le 9 avril.

Les Canadiens ont raison de rendre hommage à nos vaillants soldats canadiens et à notre histoire militaire. Le dévoilement du Monument de Vimy restauré sera l'occasion pour les Canadiens de réfléchir aux sacrifices de nos soldats il y a 90 ans, mais également à ceux qui ont été faits depuis cette grande bataille et à ceux qui sont encore faits en notre nom aujourd'hui.

Honorables sénateurs, après y avoir longuement réfléchi, j'ai décidé de rendre hommage à la mémoire de nos soldats tombés au champ d'honneur en faisant don du journal et des photographies de mon père au Musée canadien de la guerre. Ces documents sont très chers à ma famille et à moi. J'espère donc qu'ils seront utiles pour renseigner les Canadiens des générations futures sur les sacrifices qui ont été faits pour que notre pays soit ce qu'il est aujourd'hui.

(1830)

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : L'honorable sénateur accepterait-il une question?

Le sénateur Atkins : Volontiers.

Le sénateur Dallaire : Le comité de la restauration a pu acquérir suffisamment de pierre pour nous durer une autre centaine d'années. C'est bien tant mieux puisque la carrière va fermer. Lorsque nous célébrerons le 90e anniversaire, dans dix ans, ce sera le centième anniversaire de Vimy. Ce sera également, à quelques mois près, le 150e anniversaire du Canada.

Que penserait le sénateur de trouver le moyen, au cours des dix prochaines années, de transporter une partie de ce monument ici au Canada? Nous aurions alors quelque chose de plus concret, étant donné que les frères et sœurs de ceux qui ont combattu là-bas seront de moins en moins nombreux. Il conviendrait peut-être davantage d'établir un monument commémoratif quelconque, plus près de chez nous. Un comité devrait peut-être se pencher là-dessus.

Le sénateur Atkins : L'idée me semble bonne de faire tout ce qui est possible pour garder la mémoire de Vimy et de ce que représente cette bataille.

Cette année, un certain nombre de jeunes vont se rendre à Vimy pour les célébrations. Dans dix ans, il est à espérer que de plus en plus de jeunes seront incités et aidés à s'y rendre, de manière à ce que les jeunes soient sensibilisés à l'importance de Vimy et à sa valeur symbolique dans notre histoire.

Son Honneur la Présidente intérimaire : D'autres sénateurs souhaitent-ils intervenir au sujet de cette interpellation?

(Sur la motion du sénateur Banks, le débat est ajourné.)

L'ENGAGEMENT DU CANADA À L'ÉGARD DU DARFOUR, AU SOUDAN

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Dallaire, attirant l'attention du Sénat sur la situation dans la région du Darfour au Soudan et l'importance de l'engagement du Canada envers le peuple de ce pays ravagé par la guerre. — (L'honorable sénateur Tardif)

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, je prends la parole pour intervenir au sujet de l'interpellation du sénateur Dallaire, concernant la situation au Darfour et l'engagement du Canada à l'égard de nos frères et sœurs de ce pays ravagé par la guerre. Personne d'entre nous qui a quelque connaissance que ce soit de ce qui se passe dans la région, qui a vu les images du carnage et de la souffrance, ne peut considérer qu'il n'est pas concerné par la situation et qu'il ne souhaite pas ardemment se rendre utile. Nous convenons tous du fait que la « responsabilité de protéger » n'a jamais voulu dire davantage que dans le cas du Darfour, mais cette notion ne veut absolument rien dire sans la capacité et la volonté réelles de nous déployer. La situation au Darfour constitue un exemple classique du fait que notre inaction collective risque de détruire la notion même de « responsabilité de protéger. »

J'estime que ce dont nous avons besoin dans l'immédiat, c'est d'un débat plus ouvert et plus honnête sur les nouvelles mesures qui doivent être adoptées directement, non seulement par le Canada, mais aussi par l'Assemblée générale des Nations Unies, par les parlements nationaux et les assemblées législatives ainsi que par les législateurs de toutes allégeances au sein de chacune des sociétés civilisées, pour signifier dans quelle mesure nous sommes prêts à respecter notre obligation à l'égard de la responsabilité de protéger. Faudrait-il revenir aux notions westphaliennes de souveraineté nationale? L'obligation de protéger les plus vulnérables et les plus faibles que nous signifie-t-elle que nous devons être prêts à violer la souveraineté d'autres États membres?

Si, au contraire, nous nous sentons obligés, en tant que gouvernements civilisés, de limiter notre intervention par respect pour les anciennes règles, alors que des acteurs non étatiques — tels que le Hezbollah, Al-Qaïda, et les Janjawid — n'ont aucune retenue à cet égard, qui croyons-nous leurrer? Ces acteurs non étatiques prétendent agir au nom de leur pays et de vastes groupes qu'ils définissent comme des groupes d'intérêt, et disent bénéficier de l'appui souverain de diverses autres organisations. Certes, nous devons aussi aller au fond des choses et nous poser la plus difficile des questions, celle que le sénateur Dallaire a eu le courage de poser dans de nombreuses parties du monde. Si les horreurs du Darfour se déroulaient plutôt dans l'Est de l'Europe, en Amérique centrale ou en Asie, respecterions-nous la souveraineté des États avec autant de rigueur et serions-nous prêts à fournir les mêmes excuses pour ne pas intervenir?

Je signalerai qu'il est très ironique que Talisman, une compagnie canadienne, ait dû quitter le Soudan en raison de l'opinion publique, et que ce sont les Chinois qui ont pris sa place. Le fait que les Chinois ont besoin des ressources du Soudan signifie que ce pays dispose maintenant d'un droit de veto de facto qui le protège au Conseil de sécurité des Nations Unies, ce qui gêne toute intervention. Ce n'était certainement pas ce à quoi aspiraient ceux qui ont exercé des pressions pour que la compagnie canadienne quitte le territoire, mais c'est là où nous en sommes. La Chine n'assume pas ses obligations en sa qualité de puissance mondiale en appuyant de façon immorale le principe de souveraineté inviolable, même dans le cas de pays qui encouragent le nettoyage ethnique ou ferment les yeux sur ce dossier. La Chine est une grande puissance, c'est une puissance admirable. Ceux qui, comme le Canada, entretiennent depuis longtemps des rapports avec elle devraient se servir de la diplomatie pour faire appel à la bonne volonté des dirigeants chinois pour qu'ils appliquent des principes humanitaires partout en Afrique, et particulièrement au Darfour.

Permettez-moi ce soir de faire une prédiction. Je prédis que, si la Chine ne se conforme pas, les pressions exercées pour boycotter les Jeux Olympiques de Beijing s'intensifieront aux États-Unis, en Europe et au Canada, ce qui causera toutes sortes de difficultés à nos amis chinois qui veulent organiser des Jeux olympiques extraordinaires. La Chine a la capacité d'agir maintenant pour dissiper cette difficulté, et nous devrions aider les Chinois à en arriver à cette conclusion dans le respect, mais avec détermination.

Nous devrions appliquer plus directement des sanctions et des pressions plus dures contre Khartoum, et nous devrions nous employer par tous les moyens à faire en sorte que les dirigeants, les diplomates et les militaires soudanais soient traduits en justice à La Haye.

Honorables sénateurs, permettez-moi de mentionner un article paru dans le New York Times il y a à peine 24 heures. Le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, l'Égypte et l'ensemble du monde arabe font valoir la nécessité de fournir de l'aide pour régler la crise qui secoue le Soudan. Le secrétaire général demande de l'aide en vue d'amener le président soudanais Omar Hassan al- Bashir à modifier sa position. Ce dernier a refusé que les Nations Unies envoient des troupes au Darfour pour soutenir la mission de l'Union africaine qui est dépassée par la situation. La position du gouvernement et la violence des groupes rebelles dans l'ouest du Soudan, plus précisément au Darfour, ont entraîné la mort de 200 000 personnes et le déplacement de 2,5 millions d'autres. Le secrétaire général, Ban Ki-moon, rapporte que le président al-Bashir a écrit pour rouvrir l'accord qui avait été conclu, demandant un important appui provisoire de 3 000 officiers de la police militaire, bien armés, ainsi qu'un appui aérien et logistique pour soutenir les 7 000 soldats de l'Union africaine actuellement au Darfour.

Le Soudan revient sur l'accord qui avait été conclu pour ralentir la capacité de la communauté internationale d'intervenir de façon substantielle afin d'apaiser la crise et réduire le nombre de morts et les carnages.

Loin de moi l'idée de dire que le Canada est resté silencieux ou inactif dans ce dossier. Le rapport publié par le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international contient des recommandations précises, mais il indique également que le Canada a versé plus de 190 millions de dollars pour soutenir la mission de l'Union africaine au Darfour. Nos forces armées et notre soutien financier ont contribué au transport par hélicoptère, au prêt de transports de troupes blindés, à la fourniture de matériel et d'aide technique des Forces canadiennes.

Il y a une semaine et demie, j'ai eu l'occasion d'assister, à Londres, à une réunion de la Fondation Aegis dont notre collègue, le sénateur Dallaire, est un des présidents d'honneur. Cette organisation est vouée à la prévention de l'holocauste et du même genre de nettoyage ethnique qui frappe aujourd'hui l'Afrique. Le chef du Parti conservateur britannique, qui venait de rentrer du Darfour, a parlé très éloquemment du leadership du Canada dans ce dossier. Mon intervention aujourd'hui ne vise absolument pas à critiquer ce que nous avons fait. Cet homme politique a déclaré que la Grande- Bretagne et l'Europe devraient intervenir beaucoup plus au Darfour qu'elles ne le font, et ce pour une multitude de raisons très importantes.

(1840)

Nous avons invité un haut fonctionnaire du ministère de la Défense à comparaître devant le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Il a parlé de l'importance du Programme d'aide à l'instruction militaire, qui fournit aux États participants, dont 19 sont africains, différents types de formation dans les domaines linguistique et professionnel, ainsi que dans celui du soutien de la paix. En général, le programme a pour but de promouvoir les principes démocratiques et la primauté du droit, la protection des droits de la personne et la stabilité internationale. Il a pour but de développer une capacité en vue des opérations conjointes de soutien de la paix en collaboration avec les partenaires du Canada dans le domaine du maintien de la paix et de contribuer à la guerre planétaire contre le terrorisme grâce à l'aide sélective. En résumé, le Programme d'aide à l'instruction militaire vise à développer une capacité de maintien de la paix en Afrique. Cependant, honorables sénateurs, seulement 10 p. 100 du budget total du programme, soit 12 millions de dollars, sont utilisés pour la formation des Africains, ce qui signifie que seulement 190 officiers ont reçu cette formation l'année dernière. En outre, la plus grande partie de la formation a été donnée à la BFC Borden, au nord de Toronto.

Le Canada n'est pas une superpuissance militaire. Notre personnel militaire est dévoué et bien entraîné. Nos militaires sont parmi les meilleurs au monde. Cependant, leurs objectifs doivent être proportionnels à l'effectif disponible et aux besoins sur le terrain. Nous nous acquittons en ce moment d'un engagement très important sous l'égide de l'OTAN, en Afghanistan, avec l'aval des Nations Unies. La plus grande partie de nos troupes est monopolisée par cette mission unique. Nous ne pouvons satisfaire tout le monde, tout le temps. Je n'ai pas besoin de dire que le plus important c'est le « conditionnel ». Si nous — « collectivement », autrement dit la communauté internationale — ne nous saisissons pas de la question du Darfour, nous admettrons du même coup tacitement que la responsabilité de protéger, une idée canadienne, n'était en fait qu'une notion saugrenue, un concept sans fondement et encore embryonnaire. La communauté internationale doit faire ce qu'elle prêche et investir de l'argent, de l'énergie, des troupes et de la bonne volonté. Autrement, nous devrons conclure que la volonté et la capacité de mettre en œuvre la responsabilité de protéger font défaut. Si nous ne pouvons protéger les jeunes filles qui sont exploitées et violées, les agriculteurs dans leurs champs qui sont tués à coups de hache, les aînés, les malades, les personnes déplacées et ceux qui sont dépossédés, qui au juste aurons-nous la responsabilité de protéger?

Les recommandations contenus dans le rapport du Sénat sur l'Afrique précisent des mesures qu'il nous serait peut-être possible de mettre en œuvre : participer beaucoup plus aux efforts de maintien de la paix et de la sécurité en Afrique, en particulier dans le cadre de la MONUC; aider l'Afrique à se doter des moyens nécessaires pour maintenir la paix en augmentant considérablement le budget et les ressources du Programme d'aide à l'instruction militaire du ministère de la Défense nationale afin d'offrir plus de formation à un plus grand nombre d'officiers provenant d'un nombre plus élevé de pays africains; aider l'Union africaine en poursuivant et en intensifiant son travail auprès des enfants touchés par des conflits armés. Le Canada doit étendre ses programmes d'aide pour y inclure non seulement les combattants mais tous les enfants touchés par la guerre.

Honorables sénateurs, je souscris à ces recommandations, notamment en ce qui a trait au Darfour. Les conflits qui ont lieu actuellement dans le monde sollicitent grandement de nombreux pays, y compris le nôtre, compte tenu des moyens dont ils disposent. Nous devons avant tout protéger nos intérêts. C'est le devoir de tout gouvernement civilisé. Mais si nous ne pouvons pas trouver au fond de nos cœurs et surtout dans nos budgets d'aide étrangère et dans nos budgets militaires les ressources nécessaires pour intervenir au Darfour du mieux que nous pouvons, nous faisons fi de nos responsabilités en tant qu'êtres humains. Il me semble qu'il y a déjà trop de gens sur terre qui se sont déresponsabilisés à cet égard. La communauté du monde civilisé ne peut pas se permettre de les imiter.

Dites-moi, si vous le pouvez, quelle différence il y a entre l'idée que nous ne puissions pas agir si Khartoum n'est pas d'accord et le prétexte de la fin des années 1930 voulant qu'aucun juif, ce soit déjà trop. Pour les Africains qui meurent massacrés tous les jours, nous sommes en plein dans les années 1930. Nous avons le devoir d'agir.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, pardonnez-moi de prendre la parole aussi souvent aujourd'hui, mais les sujets abordés me tiennent beaucoup à cœur.

Je dirais au sénateur Segal qu'au début des années 1960, lorsque de nombreux pays africains ont accédé à l'indépendance, ils ont demandé au Canada de les aider à bâtir leur fonction publique, leur système judiciaire, leur système de gouvernance, et ainsi de suite. Ils ont demandé au Canada de les aider à bâtir leurs armées pour qu'elles soient subordonnées aux mécanismes démocratiques auxquels nous adhérons pleinement. Certains pays ont exceptionnellement bien réussi, comme le Ghana, qui est un chef de file du maintien de la paix.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : J'invoque le Règlement. Je ne voudrais pas avoir l'air mesquin, mais j'ai l'impression que le sénateur Dallaire a déjà pris la parole à ce sujet.

Le sénateur Dallaire : Je suis en train de poser une question.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le sénateur Dallaire est en train de poser une question au sénateur Segal.

Le sénateur Dallaire : Merci de m'avoir poussé à me concentrer — sans trop prendre de temps, bien sûr — sur un sujet qui n'est peut- être pas des plus pertinents.

Qu'en est-il de la responsabilité de protéger, de l'engagement du Canada envers la Force d'intervention africaine, de son engagement à se servir de centaines plutôt que de milliers de soldats pour aider les Africains à consolider leur propre capacité? Au bout du compte, la situation au Darfour n'est-elle pas un exemple parfait de la nécessité d'« opérationnaliser » la doctrine de la responsabilité de protéger, et l'occasion parfaite pour nous de mener cette « opérationnalisation »?

Le sénateur Segal : L'honorable sénateur fait valoir son argument avec plus d'éloquence que moi. Le monde n'a pas attendu pour intervenir dans l'ancienne Yougoslavie. On a déployé des forces et pris des décisions. La FORPRONU, au début, et ensuite, aux termes des accords de paix, l'OTAN ont envoyé des forces. En toute franchise, nous craignions l'épuration ethnique et avions peur de trouver ce que, honnêtement, j'ai vu de mes propres yeux quand j'ai visité la Bosnie et l'Herzégovine — nommément, des charniers. Il y en avait beaucoup trop, mais il y en aurait eu beaucoup plus si nous n'avions pas agi, ou si nous avions attendu que le corps diplomatique européen passe à l'action. En effet, il suffit de revenir un peu en arrière — les deux Sarajevo, Auschwitz, Srebrenica — pour constater que la diplomatie européenne est toujours la même : elle attend que les cadavres s'empilent. Les Européens nous traitent de naïfs, nous les Canadiens, les Australiens, les Britanniques, les Américains, parce que nous rassemblons nos jeunes et les envoyons faire quelque chose avant qu'il ne soit trop tard.

Le point que fait ressortir la question du sénateur Dallaire est le suivant : qu'est-ce qui est différent dans le cas du Darfour? Le fait que Khartoum soit dirigé par un gouvernement de voyous qui aimeraient que nous disparaissions? Nous avons déjà connu cela. Le fait qu'il y a une frontière, fondée sur la notion de souveraineté westphalienne, qui définit la région où ils sont souverains? Ils prétendent n'avoir rien à voir avec ce que les milices Janjawid font aux civils et aux populations nomades.

De toute évidence, si nous attendons toujours que l'autre fasse le premier pas, une chose est sûre : plus de gens mourront tous les jours. Si la notion de « responsabilité de protéger » doit survivre, elle survivra parce que nous nous serons engagés à fond en son nom au Darfour. Autrement, l'idée sur laquelle les Canadiens ont travaillé s'éteindra.

(Sur la motion du sénateur Cowan, le débat est ajourné.)

LE SÉNAT

L'INCAPACITÉ DU GOUVERNEMENT DE NOMMER AU SÉNAT DES PERSONNES AYANT LES QUALIFICATIONS VOULUES—INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Tommy Banks, ayant donné avis le 21 mars 2007 :

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur le fait que le gouvernement du Canada a manqué à son devoir constitutionnel de nommer au Sénat des personnes ayant les qualifications voulues.

— Honorables sénateurs, je sais qu'il est tard. Je ne parlerai donc pas longtemps. Selon le Règlement, si je veux faire cette interpellation, je dois la faire maintenant. Je demande donc votre indulgence.

Je prends la parole aujourd'hui pour attirer l'attention du Sénat sur ce que je crois être un grave manquement au devoir du gouvernement de respecter la primauté du droit et de veiller au bon fonctionnement du Parlement. Notre type de gouvernement existe et évolue depuis près de 800 ans. Il a été clairement établi que le gouvernement est une fonction du Parlement, et non l'inverse. Quand une question est soumise au Parlement pour examen et que le Parlement adopte une loi, cette loi du Parlement n'est pas une simple suggestion. Ce n'est pas une proposition que le gouvernement peut envisager. Ce n'est pas non plus une résolution ou une solution que le gouvernement peut choisir d'adopter si elle fait son affaire. C'est la volonté du Parlement, telle qu'exprimée par une loi, et le Parlement s'attend à ce que le gouvernement veille à faire appliquer les dispositions de cette loi.

(1850)

Plus tôt aujourd'hui, le sénateur Murray a discuté d'une situation différente de celle dont je traite en ce moment. Il se demandait si un gouvernement respecterait une loi en vigueur. Mais la loi dont je parle n'est pas une simple loi du Parlement, c'est la loi suprême du Parlement, la Loi constitutionnelle de 1867, qui précise comment le Canada doit être gouverné.

Je me reporte en particulier aux deux articles de cette loi qui établissent la procédure de nomination des sénateurs.

Le premier est l'article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867 qui oblige le gouvernement à nommer des sénateurs. Il est libellé comme suit :

Le gouverneur-général mandera de temps à autre au Sénat, au nom de la Reine et par instrument sous le grand sceau du Canada, des personnes ayant les qualifications voulues; et, sujettes aux dispositions de la présente loi, les personnes ainsi mandées deviendront et seront membres du Sénat et sénateurs.

Le deuxième est l'article 32 de la loi, qui est encore plus précis et clair, et qui décrit ce qui se produit lorsqu'il y a une vacance au Sénat. L'article dit :

Quand un siège deviendra vacant au Sénat par démission, décès ou toute autre cause, le gouverneur-général remplira la vacance en adressant un mandat à quelque personne capable et ayant les qualifications voulues.

Honorables sénateurs, ces articles ne sont pas des dispositions habilitantes. Le libellé a un caractère obligatoire et non permissif. Ces articles ne donnent pas au gouvernement la possibilité de doter des postes vacants. Ils imposent une obligation légale de doter les postes vacants au Sénat.

La primauté du droit est l'une des caractéristiques d'une société démocratique qui a atteint sa maturité, comme le Canada. La primauté du droit englobe la notion selon laquelle le gouvernement a l'obligation d'observer la loi. L'absence de dispositions d'exécution dans la loi, comme c'est le cas ici, ne diminue pas pour autant ce devoir, et le fait qu'il n'y ait peut-être pas de recours possible devant les tribunaux ne signifie pas que le gouvernement est libre de ne pas tenir compte de la loi.

Honorables sénateurs, à titre d'exemple, une préoccupation semblable a été soulevée aujourd'hui par le sénateur Murray relativement au projet de loi C-288, projet de loi d'initiative parlementaire qui vient de l'autre endroit et qui a trait aux engagements de Kyoto.

Lorsque ce projet de loi a été adopté à l'autre endroit, un grand nombre de personnes étaient préoccupées par le fait que le gouvernement pourrait ne pas tenir compte de cette mesure, si elle était adoptée par le Sénat. Toutefois, en raison des spéculations et des préoccupations grandissantes à ce sujet, le premier ministre a pris la mesure qui s'imposait et il a fait une déclaration publique à l'effet contraire, le 15 février. Il a dit à l'autre endroit, de façon claire et non ambiguë, que son gouvernement allait se conformer au projet de loi si celui-ci devenait loi.

Honorables sénateurs, la déclaration du premier ministre était une garantie très souhaitable que le gouvernement ne se place pas au- dessus de la loi. Toutefois, je suis préoccupé par le fait que cet important principe n'est pas respecté dans le cas des nominations au Sénat.

L'obligation renfermée à l'article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867 ne fixe pas de délai précis pour doter les postes vacants. Toutefois, l'obligation de doter les postes vacants qui est énoncée à l'article 32 est claire. L'article dit : « Quand un siège deviendra vacant [...] le gouverneur-général « remplira » la vacance en adressant un mandat. »

Honorables sénateurs, le mot « quand » a la signification que nous lui connaissons tous. Ce mot a un effet déclencheur lorsqu'il est employé comme une conjonction. Il ne signifie pas « à un autre moment », « plus tard », ou « si nous avons le temps ». Ce mot signifie qu'il faut agir lorsqu'un poste devient vacant.

J'ai demandé à des personnes qui s'y connaissent plus que moi de fouiller dans la Loi d'interprétation et dans d'autres ouvrages de référence du Parlement pour voir s'il n'existerait pas quelque part une définition de « quand » qui soit différente de la définition usuelle, mais il n'y en a pas. Je me reporterai donc au dictionnaire Oxford; on y donne quatre définitions de « quand » utilisé comme conjonction, comme dans le cas qui nous occupe : premièrement, « au moment où »; deuxièmement, « à l'occasion de »; troisièmement, « n'importe quand »; et quatrièmement, « dès que ».

Autrement dit, « quand » a le sens qu'on donne généralement à ce terme. Il emporte une idée de temps. Il traduit un sentiment d'immédiateté, voire d'urgence. Vient un moment où le non-respect des directives claires qui sont énoncées à l'article 32 constitue une infraction à la loi. J'estime que ce moment est venu.

Permettez-moi de décrire dans quelle mesure on a négligé de remplir les vacances. Le gouvernement actuel n'a effectué qu'une seule nomination depuis son arrivée au pouvoir, soit celle du ministre des Travaux publics, qui a été nommé au Sénat le 27 février 2006. Cette nomination fort appréciée laissait clairement entendre que, en principe, le premier ministre n'est pas contre la nomination des sénateurs.

J'ai compté, au moment de l'entrée en fonction de Mr. Harper, six vacances, dont une qui était survenue pendant la période électorale précédente et une après la transition vers le nouveau gouvernement. Depuis, aucune nomination n'a été effectuée, et sept vacances se sont ajoutées à la suite de deux décès, de trois départs à la retraite et de deux démissions.

Il y a actuellement 12 postes vacants au Sénat et il n'y a pas d'autres départs à la retraite prévus, du moins pas cette année.

Bon nombre de ces sièges sont vacants depuis bien plus d'un an. Dans un de ces cas, le siège qui est devenu vacant le 15 août 2004 par suite du départ à la retraite de notre ancienne collègue de l'Île-du- Prince-Édouard, la regrettée Eileen Rossiter, n'a toujours pas été comblé plus de deux ans et demi plus tard.

Aux fins de comparaison, on peut dire qu'un déficit de 12 sénateurs ici correspondrait à 35 postes vacants à la Chambre des communes. Une telle situation ne pourrait être tolérée à l'autre endroit si elle devait se prolonger.

Les sénateurs se demandent peut-être pourquoi le gouvernement s'abstient de faire des nominations, comme l'exige la Constitution. Le premier ministre reconnaît qu'il attend que les propositions de réforme contenues dans les projets de loi S-4 et C-43 soient adoptées.

Bien que le gouvernement ait déclaré son intention de respecter la loi dans le dossier du projet de loi C-288, il a catégoriquement affirmé qu'il avait l'intention de faire le contraire en ce qui a trait aux nominations au Sénat. Je cite les paroles que le premier ministre a prononcées lorsqu'il a comparu devant le Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat le 7 septembre 2006.

Je n'ai pas l'intention de nommer des sénateurs à moins que ce soit nécessaire. Mais je peux dire que le gouvernement a l'intention de déposer un projet de loi pour créer un Sénat élu.

Plus tard au cours de la même rencontre, il a dit :

Le gouvernement préfère ne pas nommer de sénateurs à moins d'avoir des raisons nécessaires. J'ai mentionné une de ces raisons dans le cas du sénateur Fortier. [...] Je préfère avoir, à ce moment-ci, un processus électoral où nous pouvons consulter la population au lieu de nommer des sénateurs de façon traditionnelle.

Le premier ministre a fait une déclaration claire en précisant que le gouvernement avait l'intention de ne faire aucune nomination avant que le projet de loi C-43 soit adopté ou qu'il reste un nombre tellement restreint de conservateurs au Sénat que le gouvernement ne pourrait plus fonctionner du tout. Il a ouvertement fait part de sa détermination à ne pas remplir ses obligations aux termes des articles 24 et 32.

Les honorables sénateurs se souviendront que le projet de loi C- 43, qui porte sur l'élection des sénateurs, a été déposé à l'autre endroit en décembre dernier. Ce projet de loi n'a jamais été mis en délibération et il stagne toujours à l'autre endroit, n'ayant franchi que l'étape de la première lecture. Comme il a été précisé cette semaine dans la déclaration du leader du gouvernement à la Chambre sur les travaux des Communes, la deuxième lecture n'est pas prévue pour un avenir rapproché.

Même si le projet de loi C-43 était mis en délibération au cours des prochaines semaines, il est difficile de dire, surtout en situation de gouvernement minoritaire, s'il serait adopté avant le déclenchement des élections. En fait, le gouvernement a suspendu indéfiniment l'application des articles 24 et 32 de la Loi constitutionnelle de 1867, dans l'attente de ce qui va arriver à un projet de loi au Parlement, un projet de loi qu'il laisse languir au Feuilleton depuis des mois.

Honorables sénateurs, indépendamment du fait que le gouvernement a choisi d'ignorer, voire de défier, la primauté du droit, j'aimerais donner un aperçu de certaines autres conséquences de son refus de procéder à des nominations.

Du fait qu'il y a 12 postes à pourvoir, et ce nombre va augmenter, plusieurs régions et provinces sont sous-représentées au regard de la Constitution. Sept des dix provinces ont des vacances et ne sont pas représentées comme il convient dans notre enceinte. C'est la Nouvelle-Écosse qui en compte le plus : elle en a trois. Le Yukon, qui n'a qu'un siège, est complètement privé de représentation depuis le 1er janvier de l'année en cours. Près de la moitié des vacances se trouvent dans une seule division sénatoriale; la division des Maritimes a cinq sièges à pourvoir, ce qui représente plus de 20 p. 100 de la représentation à laquelle elle a droit aux termes de la Constitution. Les résidants des provinces de l'Atlantique sont privés de leurs droits constitutionnels d'être représentés au Parlement.

(1900)

En l'occurrence, le refus de combler les sièges vacants crée également une situation inéquitable qui est contraire à l'article 22, celui qui, dans la Loi constitutionnelle, garantit l'égalité de représentation des quatre divisions sénatoriales. Le grand nombre de vacances entrave aussi le bon fonctionnement du Sénat en le privant d'un nombre suffisant de membres pour siéger aux comités.

La façon dont le gouvernement s'abstient de faire des nominations a également un autre effet, plus subtil. Une des importantes caractéristiques du Sénat réside dans le roulement et le renouvellement progressifs et constants de ses membres. Ce renouvellement progressif amortit les changements parfois subits et brusques qui se produisent à la Chambre des communes, et il explique les grandes différences de nature et de culture entre des deux Chambres du Parlement. Une longue période sans nomination, qui serait suivie d'un comblement massif des sièges, aurait simplement pour effet de gommer ces importantes différences. Le fait de ne pas procéder à des nominations, comme l'exige l'article 32 pour combler les vacances, équivaut au non-accomplissement du devoir de veiller au bon fonctionnement du Parlement.

Imaginez si le gouvernement faisait une telle chose à la Cour suprême, permettant que des postes demeurent vacants pendant plus de deux ans et demi, et que cette cour doive traiter le même nombre d'affaires avec seulement six ou sept juges. Imaginez combien il y aurait de dossiers en retard si la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada ou encore le CRTC manquaient ainsi de personnel.

Vous conviendrez sûrement, honorables sénateurs, que le fait de ne pas exercer le devoir de nommer constitue un grave manquement. C'est à la fois un défaut de s'acquitter des obligations juridiques du gouvernement — ou du moins des obligations classiques du gouvernement —, de se conformer à la Constitution et un défaut de s'acquitter de son obligation morale d'assurer le bon fonctionnement du Parlement, et donc du gouvernement.

Dans le cas du Sénat, les déclarations claires et sans équivoque du gouvernement indiquent que le manquement au devoir de nommer est intentionnel. Ce mépris volontaire, particulièrement envers l'article 32 de la Loi constitutionnelle de 1867, est une infraction au regard de la loi et mine le respect de la primauté du droit dans notre société.

Honorables sénateurs, peu importe le mérite des initiatives juridiques du premier ministre au sujet de la réforme du Sénat ou de toute autre réforme que nous voudrions tous entreprendre, il ne peut — et nous ne pouvons — simplement mettre en veilleuse la Constitution du Canada pendant que nous attendons l'adoption de ces réformes. Le gouvernement a un devoir. Le premier ministre a le devoir de combler les sièges vacants au Sénat par, j'imagine, des membres du Parti conservateur, afin d'assurer le bon fonctionnement du Parlement. J'espère qu'en attirant l'attention sur ce grave problème, nous pourrons le persuader d'y remédier.

Je tiens à préciser que je parle de l'obligation conventionnelle du premier ministre. Le sénateur Murray y a fait allusion cet après- midi. Si l'on regarde les dispositions juridiques de la Constitution, on constate que le premier ministre n'est pas nommé dans ces dispositions de la Constitution. Ni le premier ministre ni son Cabinet ne sont nommés dans l'article 24 ou 32. Ces deux articles donnent une responsabilité au Gouverneur général. Selon la convention, cela se fait toujours sur l'avis du premier ministre. Cependant, si ce cas était tranché dans un tribunal, il est tout à fait possible que les tribunaux, qui sont tenus de rendre des décisions en conformité de la loi et non de la convention, concluraient que le Gouverneur général a une obligation.

Je voulais préciser que, ce dont je parle, c'est d'une obligation conventionnelle du premier ministre, même si elle n'est pas énoncée en son nom dans la Constitution. J'espère que les sénateurs examineront cette question et qu'ils feront avancer ce dossier, afin que nous puissions avoir une institution qui fonctionne mieux, cette institution que nous aimons tant.

(Sur la motion du sénateur Tkachuk, le débat est ajourné.)

[Français]

TRANSPORTS ET COMMUNICATIONS

ADOPTION DE LA MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À REPORTER LA DATE DE PRÉSENTATION DE SON RAPPORT SUR L'ÉTUDE DU TRAFIC DE FRETS CONTENEURISÉS

L'honorable Lise Bacon, conformément à l'avis du 20 mars 2007, propose :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le jeudi 11 mai 2006, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui a été autorisé à examiner, pour en faire rapport, le trafic de frets conteneurisés manutentionnés par les ports du Canada, soit habilité à reporter la date de présentation de son rapport final du 31 mars 2007 au 31 octobre 2007.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 28 mars 2007, à 13 h 30.)


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