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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 39e Législature,
Volume 143, Numéro 85

Le mardi 17 avril 2007
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mardi 17 avril 2007

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

LE CAPORAL KEVIN MEGENEY,
LE SERGENT DONALD LUCAS,
LE CAPORAL BRENT D. POLAND,
LE CAPORAL CHRISTOPHER PAUL STANNIX,
LE CAPORAL AARON E. WILLIAMS,
LE SOLDAT DAVID ROBERT GREENSLADE,
LE SOLDAT KEVIN VINCENT KENNEDY,
LE CAPORAL-CHEF ALLAN STEWART
ET LE SOLDAT PATRICK JAMES PENTLAND

MINUTE DE SILENCE

Son Honneur le Président : Avant de commencer, j'aimerais demander aux honorables sénateurs de se lever et d'observer une minute de silence à la mémoire des militaires suivants : le caporal Kevin Megeney, le sergent Donald Lucas, le caporal Brent D. Poland, le caporal Christopher Paul Stannix, le caporal Aaron E. Williams, le soldat David Robert Greenslade, le soldat Kevin Vincent Kennedy, le caporal-chef Allan Stewart et le soldat Patrick James Pentland, qui ont récemment perdu la vie de façon tragique en servant notre pays en Afghanistan.

(Les honorables sénateurs observent une minute de silence.)


(1405)

[Français]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LE CHÂTIMENT CORPOREL DES ENFANTS

L'honorable Céline Hervieux-Payette (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole pour dénoncer ce que nous ont rapporté les médias la semaine dernière : les cours de fessée offerts aux parents par une commission scolaire au Québec.

Imaginez, cette formation se nomme « cours pour enfants opposants ». Aussi bien dire, comme l'ont déjà fait des journaux, « cours de fessée 101! ».

Qu'on offre des cours qui aident les parents à mieux éduquer leurs enfants et qui leur offrent de l'aide lorsqu'ils en ressentent le besoin, soit. Cependant, l'administration de toute forme de châtiment corporel à des enfants, est totalement inacceptable.

Pour contrer la violence familiale issue de pratiques archaïques et barbares, j'ai déposé en avril 2006 le projet de loi S-207. Cette mesure permettrait enfin au Canada de respecter ses obligations internationales en interdisant le châtiment corporel, chose déjà faite par près de 18 pays, dont les Pays-Bas le 6 mars dernier.

Pour confirmer le caractère inadmissible de cette fessée dite pédagogique, je rappelle que 253 organisations canadiennes ont récemment appuyé la déclaration conjointe exigeant l'abolition des châtiments corporels. Ces groupes comprennent le Saskatoon Public School Board, le Ottawa-Carleton District School Board et le Eastern School District de Terre-Neuve-et-Labrador, pour n'en nommer que quelques-uns.

Honorables sénateurs, le débat de société est lancé et nous attendons avec beaucoup d'intérêt le rapport du Comité sur le droit des enfants. Il appartient au législateur de revoir cette pratique controversée, comme le mentionnait l'honorable Louise Arbour dans la décision de la Cour suprême à cet égard. Aujourd'hui Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Mme Arbour nous avait alors dit qu'il fallait revoir cette question à la lumière de la Charte — une journée importante pour nous aujourd'hui —, des normes sociales actuelles et de l'ensemble de la preuve.

Puisque nous célébrons aujourd'hui le 25e anniversaire de la Charte canadienne des droits et libertés, assurons-nous que tous les Canadiens, y compris les enfants, profitent pleinement de sa protection.

Je cite, en terminant, les paroles très explicites de Thomas Hammarberg, commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe.

[Traduction]

Il a dit :

Comment peut-on attendre des enfants qu'ils prennent les droits de l'homme au sérieux et qu'ils construisent une culture de droits de l'homme si le monde des adultes, non content de persister à les corriger, à les fesser, à les gifler et à les battre, va jusqu'à défendre ces pratiques soi-disant « pour leur bien »? Gifler un enfant n'est pas seulement un mauvais exemple de comportement, c'est aussi une puissante manifestation de mépris pour les droits fondamentaux de personnes plus petites et plus faibles que soi.

Chose étrange, les enfants qui ont entre deux et 12 ans sont les seuls êtres humains dans notre pays qui peuvent faire l'objet d'un châtiment corporel.

(1410)

LA BATAILLE DE LA CRÊTE DE VIMY

LE QUATRE-VINGT-DIXIÈME ANNIVERSAIRE—LES CÉRÉMONIES COMMÉMORATIVES

L'honorable Michael A. Meighen : Honorables sénateurs, la semaine dernière j'ai participé, avec un certain nombre de nos collègues, aux cérémonies marquant le 90e anniversaire de la bataille de la crête de Vimy et le nouveau dévoilement du monument inspirant et inspiré de Walter Allward, qui est érigé sur la crête même. Chacun d'entre nous a eu le sentiment de vivre une expérience unique et inoubliable, une expérience qui a renforcé notre fierté à l'égard du Canada et des Canadiens, et tout particulièrement de nos jeunes. Ce sentiment de fierté a grandi tout au long du week-end pour culminer lors de la cérémonie du lundi de Pâques. Il avait pris naissance au cours de la cérémonie du crépuscule tenue le samedi, au cours de laquelle des rayons de lumière ont frappé les deux tours brillantes du monument restauré.

Le dimanche de Pâques, nous avons assisté à la cérémonie en vertu de laquelle la ville d'Arras a accordé le droit de cité au contingent des Forces canadiennes, dont la précision lors du défilé aurait, j'en suis convaincu, fait plaisir même aux sergents-majors les plus exigeants. Le soir même, au cours du dîner, le premier ministre Harper nous a rappelé de façon éloquente que les événements récents en Afghanistan montrent encore une fois que de tels sacrifices sont malheureusement mais incontestablement le prix à payer pour protéger la liberté, maintenant tout comme il y a 90 ans.

Lundi a été une journée d'extrêmes, y compris du côté de la température. Il y avait indéniablement quelque chose de spécial dans l'air, car, comme le premier ministre l'a déclaré :

Nous, les Canadiennes et Canadiens présents ici, sommes très loin de chez nous. Mais aucun endroit au monde ne nous donne l'impression d'être plus canadiens. Parce que nous sentons, autour de nous, la présence de nos aïeux.

Pour moi et, je crois, pour les autres, le plus beau moment a été juste avant la cérémonie, lorsque, sur les flancs de la colline, il semblait y avoir une foule innombrable de jeunes Canadiens qui jubilaient et agitaient des drapeaux. Ces héritiers de la liberté, comme quelqu'un les a décrits, ont donné au moment solennel un esprit et un sentiment d'espoir qui, sans eux, aurait fait défaut.

De toute évidence, il existe depuis un certain temps déjà chez les jeunes une soif non assouvie d'en apprendre davantage sur les moments déterminants de notre histoire. Ceux qui sont en grande partie responsables d'avoir comblé ce besoin sont des gens comme Dave Robinson, un enseignant de Port Perry, en Ontario. M. Robinson et ses collègues, armés seulement de leur imagination, de leur détermination et d'une vision de ce qui pourrait être, ont pris l'initiative de répandre le message de Vimy parmi les élèves de partout, et ils l'ont fait avec joie. Les élèves ont eux-mêmes amassé l'argent nécessaire pour faire le voyage en France et chacun portait un T-shirt arborant le nom d'une des 3 598 victimes canadiennes de la bataille dont la vie a fait l'objet de recherches soignées. Au bout du compte, ce sont eux, les jeunes Canadiens, qui ont défini de façon si éloquente et frappante cet événement marquant. Ce sont eux qui ont renforcé le sens des mots inscrits sur tous les monuments élevés à la mémoire de ceux des nôtres qui sont morts à la guerre : « Que leur nom vive à jamais. »

Je termine en citant un autre premier ministre du Canada qui, prenant la parole au cimetière militaire de Thélus, sur la crête de Vimy, a prononcé ces paroles, qui sont aussi vraies aujourd'hui qu'elles l'étaient lorsqu'elles ont été prononcées le 3 juillet 1921 :

La France vit et elle est libre et le Canada s'ennoblit du sacrifice qu'il a consenti pour permettre à la France de vivre en liberté. Cinquante mille de nos soldats sont enterrés dans des centaines de cimetières, dans ces collines et ces vallées, de la Flandre jusqu'en Picardie. La France reconnaissante a voué leurs dernières demeures à leur mémoire pour toujours, et nous continuerons de les entretenir et d'en prendre soin, à la mesure de l'amour que nous avons pour eux. [...] De l'autre côté de l'Atlantique, le cœur de notre pays sera à jamais lié à ces tombeaux laissés en France. Nous ne laisserons jamais disparaître l'esprit que nous ont légué ceux qui sont morts pour nous [...]

[Français]

LE DÉCÈS DE JUNE CALLWOOD, O.C., O. ONT.

L'honorable Lucie Pépin : Honorables sénateurs, June Rose Callwood s'est éteinte le 14 avril dernier à l'âge de 82 ans. C'est une grande Canadienne qui tire ainsi sa révérence. Durant sa vie, cette native de Chatham s'est donnée sans compter pour les causes sociales, particulièrement à l'égard des enfants et des femmes.

June Callwood, que certains appellent «la conscience du Canada», était une femme de compassion. Le 7 mars dernier, elle recevait le Writers' Trust Award Distinguished Contribution. À cette occasion, elle disait ceci à son auditoire :

[Traduction]

Si quelqu'un parmi vous est témoin d'une injustice, il n'est plus un simple spectateur, il devient un acteur dans cette injustice et il se doit de faire quelque chose.

[Français]

Ces propos tenus un mois avant son décès l'ont toujours guidée dans sa vie. June Callwood a refusé très tôt d'être inactive face à l'injustice sociale. Elle s'est engagée au sein de plus de 70 organismes de services et elle a elle-même fondé un certain nombre d'organisations d'action sociale.

À la fin des années 1960, choquée de voir des jeunes sans refuge, elle met en place Digger House, une auberge pour les jeunes de la rue à Toronto. Cette maison allait marquer le début de son engagement pragmatique. En 1974, elle a fondé avec d'autres le refuge pour femmes victimes de violence Nellie's Hostel, du nom de la militante Nellie McClung.

En 1982, Jessie's Centre for Teenagers est érigé pour les adolescentes enceintes ou mères. Casey House, un centre de soins palliatifs pour les personnes atteintes du sida, ouvre ses portes en 1988. C'est le premier du genre au Canada.

(1415)

[Traduction]

June Callwood laisse aussi sa marque en tant que défenseur des libertés civiles. Elle a participé à la fondation de nombreuses organisations, notamment l'Association canadienne des libertés civiles, Justice for Children and Youth, Connecting Seniors of Canada and Feminists Against Censorship. Bien qu'elle soit considérée comme une femme ayant tardé à se joindre au mouvement féministe, June a travaillé sans relâche à la défense des droits des femmes. Elle a été membre fondateur de l'Association canadienne pour l'abrogation de la loi sur l'avortement, en 1972, et de l'Association canadienne pour la liberté de choix, en 1989. J'ai eu le privilège de travailler avec elle durant ces années.

[Français]

En plus de son dévouement bénévole, June Callwood a œuvré au sein de tous les médias, que ce soit à la télévision, à la radio, par ses écrits publiés dans les journaux ou les magazines. Elle a notamment rédigé des chroniques pour McLean's, Chatelaine et le Globe and Mail. Auteur prolifique, elle a écrit 29 livres. Son œuvre et sa carrière lui ont valu l'Ordre du Canada ainsi qu'un grand nombre de doctorats honorifiques.

Honorables sénateurs, c'est à cette formidable dame que je rends hommage aujourd'hui. Sa feuille de route est impressionnante. Sa contribution à la société canadienne est énorme.

Je vous invite à vous joindre à moi pour présenter nos plus sincères sympathies à Trent Frayne, son mari et complice. Puisse l'affection qu'il porte à June lui être d'un réel réconfort.

[Traduction]

LA CONDITION FÉMININE

L'honorable Nancy Ruth : Honorables sénateurs, c'est aujourd'hui le 25e anniversaire de la Loi constitutionnelle de 1982, et le droit de choisir pour les femmes n'est toujours pas un droit au Canada.

Notre Charte est un élément de notre plus importante loi, au Canada. Elle porte sur les droits démocratiques, la liberté de circulation et d'établissement, les garanties juridiques, les droits à l'égalité et d'autres droits. Ces principes constitutionnels éclairent notre travail. Nous les respectons quand nous recommandons une politique, quand nous légiférons ou quand nous vérifions le bon fonctionnement d'une loi ou d'une politique. Les principes sont théoriques. Ils fondent les espoirs des Canadiens, qui s'attendent à ce qu'ils donnent des résultats concrets que l'on peut constater et apprécier partout au pays.

L'un des plus importants procès qui se soient tenus au cours des 25 années d'application de la Charte est l'affaire R. c. Morgentaler. En 1988, la Cour suprême du Canada a abrogé l'article 251 du Code criminel. Le juge en chef Dickson avait dit à propos de la loi :

[...] l'art. 251 est un texte législatif qui oblige des femmes à mener un fœtus à terme à l'encontre de leurs propres priorités et aspirations et qui impose des délais considérables qui accroissent le traumatisme physique et psychologique des femmes [...] L'article 251 [...] porte atteinte au droit à la sécurité de la personne d'un grand nombre de femmes enceintes. La procédure et les structures administratives établies par l'article [...] ne sont pas conformes aux principes de justice fondamentale.

Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur la publication par l'Association canadienne pour la liberté de choix, le 10 avril 2007, d'un document intitulé Retour à la réalité : Un aperçu de l'accès aux services d'avortement dans les hôpitaux canadiens. Ce rapport précise que seulement 15,9 p. 100 des centres hospitaliers canadiens offrent des services d'avortement accessibles. Cela ne représente qu'un hôpital sur six, et la majorité d'entre eux se trouvent dans les centres urbains du sud du pays. De nombreuses femmes canadiennes doivent toujours surmonter d'importants obstacles, comme des professionnels de la santé opposés au libre- choix, des coûts et des distances de déplacement imprévus, et de l'information erronée. Les Canadiennes et les Canadiens ont, selon la loi, le choix en matière de reproduction. Ils devraient donc bénéficier de ce même choix dans les faits. Nous devons aider le Canada à atteindre cet objectif. Comme le dit l'Association canadienne pour la liberté de choix :

[...] un choix qui ne peut être sécuritaire, accessible, réconfortant et abordable n'est pas un choix.

Honorables sénateurs, certains de nos comités traitent de la santé de la population, des problèmes des villes et des zones rurales, de l'équilibre fiscal et des transferts fédéraux, des droits de la personne, du développement international et plus encore. N'oubliez pas ce droit constitutionnel. Rédigeons des rapports qui en tiennent compte.

L'HONORABLE DANIEL HAYS

AVIS DE DÉMISSION DU SÉNAT

L'honorable Daniel Hays : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour vous annoncer publiquement ma décision de prendre ma retraite. Cette décision a été prise avec Kathy et n'est motivée que par mon désir, à ce moment de ma vie, de passer plus de temps chez moi, à Calgary, et de me consacrer davantage à mes intérêts personnels.

[Français]

Je vais continuer d'appuyer le Parti Libéral, son chef, M. Dion ainsi que le travail du Parlement, et en particulier du Sénat, pour lequel j'ai beaucoup d'admiration. Je fais connaître mes intentions en ce moment afin de rendre plus facile ma transition à la vie privée.

(1420)

[Traduction]

Je prévois que ce processus durera jusqu'à ce que nous ajournions pour le congé estival. Je compterai à ce moment-là 23 années de service au Sénat. Il me tarde d'avoir l'occasion, à une date ultérieure, de faire des remarques sur l'affection que je ressens pour mes collègues d'hier et d'aujourd'hui et pour cet endroit.

Des voix : Bravo!

LA JOURNÉE DU DROIT 2007

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, en ce 25e anniversaire de la signature par Sa Majesté la reine Elizabeth II, reine du Canada, de la Loi constitutionnelle de 1982, j'aimerais signaler aux sénateurs que c'est aujourd'hui la Journée du droit d'un bout à l'autre du Canada. Cette année, la Journée du droit de l'Association du Barreau canadien marque le 25e anniversaire de la nouvelle Constitution. Le Canada a beaucoup évolué au cours des 25 dernières années. Nous avons fait de grands pas vers l'égalité pour tous les Canadiens, peu importe leur sexe, leur race ou leurs croyances, bien qu'il reste encore du travail à faire.

Depuis des décennies, le Canada est reconnu dans le monde entier comme étant une société où règnent généralement la justice et l'équité, mais nous ne devons pas tenir ces droits et libertés pour acquis. Ces droits sont assortis de responsabilités. Nous cherchons constamment à améliorer notre système de justice, notamment en nous assurant que les Canadiens comprennent leurs droits et les rouages de notre système de justice. C'est là la raison d'être de la Journée du droit.

[Français]

Cet anniversaire de la Charte est devenu une vraie célébration de la vie canadienne. Aujourd'hui, les juristes, les législateurs, les juges et les agents de la paix interrompent leur travail pour parler directement aux gens qu'ils servent. Ils aident aussi les Canadiens et les Canadiennes à mieux comprendre leurs droits et leurs obligations. Au bout du compte, ils apprécient davantage le fonctionnement de notre système juridique.

[Traduction]

La Journée du droit met l'accent sur « L'accès à la justice », un thème que j'appuie grandement. Il reflète le droit de chaque Canadien à avoir un accès égal à l'information concernant le droit et les institutions juridiques de notre pays. Des activités visant à renseigner le public sur le système de justice ont été organisées d'un bout à l'autre du Canada par l'Association du Barreau canadien, avec la participation de centaines d'avocats. Ces activités comprennent des visites de palais de justice, des procès fictifs, des rencontres avec des spécialistes de la profession, des suppléments dans les journaux, des concours d'affiches et des courses amusantes visant à recueillir des fonds pour des causes locales. Le but de tout cela est de rendre le droit plus accessible à tous les Canadiens et d'offrir aux étudiants des possibilités d'approfondir leur connaissance de leurs droits à l'intérieur de notre système de justice.

Je ne suis pas avocat, honorables sénateurs. Ma mère ne m'a jamais pardonné de ne pas avoir fait une carrière en droit et d'être devenu un conservateur.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Segal : Elle avait tort dans un cas.

J'encourage et j'appuie l'Association du Barreau canadien et les nombreux groupes du secteur juridique ici, à Ottawa, et d'un bout à l'autre du Canada dans leurs activités à l'occasion de la Journée du droit. Veuillez vous joindre à moi pour offrir nos meilleurs vœux aux hommes et aux femmes qui sont au service de la loi et à notre service en cette Journée du droit 2007 couronnée de succès.

L'ÉLECTION DE FEMMES AU GOUVERNEMENT

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, cet après-midi des représentants de tous les partis nationaux se sont engagés à présenter un plus grand nombre de candidates lors des prochaines élections fédérales. Le « défi canadien » a été lancé par le groupe À Voix égales, un organisme national multipartite et sans but lucratif qui s'est donné pour mission de promouvoir l'élection d'un plus grand nombre de femmes à tous les paliers de gouvernement aux quatre coins du Canada.

Chaque parti doit élaborer les stratégies qu'il estime les meilleures dans son cas. Stéphane Dion s'est engagé à ce qu'il y ait un tiers de femmes candidates aux prochaines élections.

Actuellement, la représentation féminine n'est que de 21 p. 100 dans l'autre endroit, ce qui fait glisser le Canada au 47e rang mondial quant au nombre de femmes élues dans un parlement, derrière des pays comme l'Ouganda et le Vietnam, entre autres. En fait, le nombre de femmes élues au Parlement canadien a diminué aux élections de 2006.

[Français]

La situation est la même pour les autres pouvoirs publics. Tous les premiers ministres des provinces et tous les maires des grandes villes du Canada sont des hommes. Cette sous-représentation des femmes fragilise la légitimité de nos institutions démocratiques.

(1425)

[Traduction]

La Charte canadienne des droits a été signée il y a 25 ans aujourd'hui. Les Canadiennes ont fait des gains importants depuis. Pourtant, bien que les femmes représentent 52 p. 100 de la population, elles sont toujours grandement sous-représentées dans la vie démocratique et publique.

D'aucuns diront que les femmes qui veulent se présenter comme candidates au Canada sont libres de le faire et qu'il est injuste ou antidémocratique de recruter des femmes en raison de leur sexe. Toutefois, les femmes font face à des attitudes, des attentes, une couverture médiatique et des responsabilités familiales et sociales différentes, et elles n'ont pas toujours le même accès aux réseaux du pouvoir et de l'argent au sein des formations politiques. Par ailleurs, comme il est plus facile pour un député en fonction de se faire réélire et que les députés comptent moins de femmes que d'hommes, les femmes sont désavantagées.

Les statistiques indiquent que, lorsqu'ils ont le choix, les Canadiens et Canadiennes votent autant pour des femmes que pour des hommes. Il est souvent plus difficile pour une femme d'obtenir sa mise en candidature que de remporter la victoire aux élections. C'est pourquoi, en plus d'une diversité d'outils pour soutenir les femmes qui se lancent en politique tels que son cours en direct « Osez vous lancer », À Voix égales a lancé le « défi canadien » à tous les partis politiques, qui sont en fait les contrôleurs de l'accès au processus politique.

Selon les Nations Unies, les femmes doivent représenter au moins 30 p. 100 du nombre total de législateurs pour que la politique gouvernementale reflète les points de vue des femmes. Quatre-vingt-dix pour cent des Canadiens veulent un plus grand nombre d'élues. Tout ce qu'il faut, c'est la volonté politique. Les partis doivent être proactifs dans le recrutement et le soutien de candidates dans des comtés gagnables. Les jeunes femmes ont besoin de modèles féminins et de mentors en politique.

Lors de la campagne électorale, À Voix égales surveillera le nombre de femmes candidates et élues pour chaque parti politique. Faisons notre part pour relever le défi, celui d'avoir un plus grand nombre de femmes dans l'autre endroit après les prochaines élections.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

LA DÉLÉGATION DU PRÉSIDENT AU PANAMA ET AU COSTA RICA

DÉPÔT DU RAPPORT

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 28(4) du Règlement et avec la permission du Sénat, j'aimerais déposer un document intitulé Rapport de la visite au Panama et au Costa Rica, visite qui a eu lieu du 16 au 25 janvier 2007.

[Traduction]

LA DÉLÉGATION DU PRÉSIDENT EN LIBYE, À MALTE, AU SAINT-SIÈGE ET EN ITALIE

DÉPÔT DU RAPPORT

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 28(4) du Règlement et avec la permission du Sénat, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un document intitulé Rapport de la visite effectuée en Libye, à Malte, au Saint- Siège et en Italie du 4 au 14 février 2007.

[Français]

FINANCES NATIONALES

BUDGET—L'ÉTUDE SUR LES QUESTIONS RELATIVES À L'ÉQUILIBRE FISCAL ENTRE LES DIVERS NIVEAUX DU GOUVERNEMENT—PRÉSENTATION DU RAPPORT

L'honorable Joseph A. Day, président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, présente le rapport suivant :

Le mardi 17 avril 2007

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a l'honneur de présenter son

QUATORZIÈME RAPPORT

Votre Comité, autorisé par le Sénat le mercredi 27 septembre 2006, à examiner, pour en faire rapport, les questions relatives à l'équilibre fiscal vertical et horizontal entre les divers niveaux de gouvernement du Canada, demande respectueusement des fonds pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2008.

Conformément au Chapitre 3:06, section 2(1)(c), du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant, sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
JOSEPH A. DAY

(Le texte du budget figure en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1332. )

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Day, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1430)

LE SÉNAT

AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LE PROLONGEMENT DE LA SÉANCE DE MERCREDI ET À AUTORISER LES COMITÉS À SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat du 6 avril 2007, lorsque le Sénat siégera le mercredi 18 avril 2007, il poursuive ses travaux après 16 heures et qu'il suive la procédure normale d'ajournement conformément au paragraphe 6(1) du Règlement;

Que les comités sénatoriaux devant se réunir le mercredi 18 avril 2007 soient autorisés à siéger même si le Sénat siège, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

[Traduction]

LA LOI SUR L'ACCÈS À L'INFORMATION LA LOI SUR LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE

L'honorable Grant Mitchell présente le projet de loi S-224, Loi modifiant la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la Commission canadienne du blé.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Mitchell, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

[Français]

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-294, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (programmes sportifs et récréatifs).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous ce projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Tkachuk, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)

[Traduction]

SÉCURITÉ NATIONALE ET DÉFENSE

AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À REPORTER LA DATE DU DÉPÔT DE SON RAPPORT FINAL SUR L'ÉTUDE DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ NATIONALE

L'honorable Colin Kenny : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je donne avis que, plus tard aujourd'hui, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le jeudi 27 avril 2006, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, qui a été autorisé à examiner, pour en faire rapport, la politique de sécurité nationale du Canada, soit habilité à faire rapport au plus tard le 31 mars 2008;

Que le Comité conserve jusqu'au 31 mai 2008 tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée pour inscrire l'étude du rapport à l'ordre du jour de la présente séance?

Des voix : Non.

L'honorable Lowell Murray : J'aimerais demander au président du comité pourquoi il demande cette permission.

(1435)

Le sénateur Kenny : Je demande la permission parce qu'aucun changement n'a été apporté au mandat précédent. Si cela pose problème, je me contenterai de donner avis. Ce n'est rien de nouveau pour les sénateurs.

Son Honneur le Président : La permission n'est pas accordée.

Le sénateur Kenny : Honorables sénateurs, je donne donc avis que je présenterai la motion demain.


[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

LA CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS

LES CÉLÉBRATIONS DU VINGT-CINQUIÈME ANNIVERSAIRE—L'ABSENCE DES MINISTRES

L'honorable Céline Hervieux-Payette (leader de l'opposition) : Ma question s'adresse au leader du gouvernement. En ce 25e anniversaire de l'enchâssement de la Charte des droits et libertés dans la Constitution canadienne, à laquelle j'ai participé comme membre de l'autre Chambre, plusieurs citoyens et organisations célèbrent cette date historique pour notre pays, ainsi que des collègues qui siègent et qui ont travaillé très fort surtout à promouvoir l'article 15 de la Charte, soit celui sur l'égalité des femmes dans ce pays.

Ainsi, la Gouverneure générale du Canada, le chef de l'opposition officielle, une panoplie de membres de l'appareil judiciaire, un nombre important de représentants d'écoles et d'universités ainsi que de nombreux Canadiens et Canadiennes d'un océan à l'autre ont marqué l'anniversaire de cet événement qui a jeté les bases de notre citoyenneté, de nos valeurs et de notre identité. Manquent à l'appel toutefois les hauts dirigeants d'un gouvernement conservateur, notamment un premier ministre, un ministre de la Justice, un ministre du Patrimoine canadien, un ministre de la Citoyenneté et plusieurs autres.

S'agit-il d'un oubli attribuable à des préparatifs électoraux ou d'un mot d'ordre du bureau du premier ministre?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, je ne faisais pas partie du gouvernement à l'époque, mais je me souviens bien que je faisais partie d'un groupe de femmes qui ont manifesté sur la Colline parce que les femmes avaient été oubliées dans la Charte. Flora MacDonald a organisé une grande partie de cette manifestation.

Bien évidemment, les Canadiens célèbrent le 25e anniversaire de la Charte. Le ministère de la Justice a contribué 120 000 $ au financement des activités prévues pour marquer l'événement, dont 20 000 $ pour une conférence qui aura lieu à l'Université d'Ottawa. Aujourd'hui, le ministre de la Justice, l'honorable Rob Nicholson, prononce un discours devant des étudiants du secondaire ici, à Ottawa, à propos de la Charte et de son importance pour les Canadiens.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : En tout cas, moi je n'ai pas reçu d'invitation de la part de nos collègues et du gouvernement organisant une célébration quand même importante. Dans le cas d'un mariage, quand on célèbre le 25e anniversaire, on parle de noces d'argent. Si le premier ministre n'a pas donné l'ordre d'ignorer la célébration de la Charte des droits et libertés, on se demande s'il n'y a pas eu une influence de son chef de cabinet, M. Ian Brodie, qui, dans un livre qu'il a rédigé, a parlé des prétendus effets pervers de la Charte.

J'aimerais que madame le leader du gouvernement me parle des effets pervers de la Charte des droits au Canada.

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : La prémisse de la question de madame le sénateur est entièrement fausse. Personne n'a donné l'ordre de participer ou non. Tous les Canadiens ont un grand respect pour la Charte.

Comme je l'ai dit plus tôt, le ministre de la Justice célèbre aujourd'hui la Charte au nom du gouvernement. D'ailleurs, j'ai lu un article l'autre jour rédigé par Tom Axworthy, personnage bien connu du Parti libéral du Canada, qui a dit que la Charte n'aurait pas vu le jour si le premier ministre John Diefenbaker n'avait pas présenté la Déclaration des droits. Cette dernière, dont une copie orne un de mes murs, a ouvert la voie à la Charte. Tous les documents reconnaissant les droits de la personne et les droits dont jouissent les Canadiens méritent d'être célébrés, y compris la Charte et la Déclaration des droits de M. Diefenbaker.

(1440)

[Français]

LA JUSTICE

L'ANNULATION DU PROGRAMME DE CONTESTATION JUDICIAIRE

L'honorable Céline Hervieux-Payette (leader de l'opposition) : Je conclus donc que la Charte des droits, au moins ici, au Sénat, est un outil extrêmement précieux pour les droits et libertés des Canadiens et des Canadiennes.

Dans cet ordre d'idées, j'aimerais demander au leader du gouvernement si, à l'intérieur du Cabinet, elle entend faire campagne pour s'assurer que le Programme de contestation judiciaire, qui permet au simple citoyen canadien d'exercer ses droits, sera restauré.

Après un budget de plusieurs milliards de dollars, je ne comprends pas — et elle devra m'expliquer — comment son gouvernement a aboli un programme qui permet aux Canadiens d'exercer et de préciser leurs droits.

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je remercie madame le sénateur de sa question. Cette décision a été prise par le gouvernement. J'y ai participé l'été dernier, lorsque nous avons examiné les dépenses gouvernementales. Je n'ai nullement l'intention de faire campagne auprès de mes collègues, de mon parti ou du Cabinet pour que ce programme soit rétabli.

L'honorable Serge Joyal : À ce propos, madame le leader a dit n'être pas disposée à faire campagne pour que le programme soit rétabli. Je suis étonné qu'elle se félicite de ses actions passées pour que soit incorporé dans la Charte l'article 28, qui traite de l'égalité des hommes et des femmes. Elle se rappelle sûrement très bien le libellé de l'article 28, qui dit :

Indépendamment des autres dispositions de la présente charte, les droits et libertés qui y sont mentionnés sont garantis également aux personnes des deux sexes.

Je crois qu'elle est bien au courant de toutes les femmes qui sont intervenues à ce moment-là.

Par ailleurs, n'oublie-t-elle pas que le Programme de contestation judiciaire traite de l'article 28 et que des femmes y ont recouru par le passé pour tenter de faire reconnaître et de faire appliquer à leur situation cette garantie à l'égalité prévue dans l'article 28? Comment peut-elle nous dire, d'une part, qu'elle est fière de ses actions passées au sujet de l'article 28 et, d'autre part, qu'elle n'est pas disposée à reconnaître que le Programme de contestation judiciaire a contribué à appliquer réellement cet article de la Charte? Au lieu de demeurer lettre morte, il a donné des résultats tangibles pour les femmes au Canada.

Je suis étonné qu'elle, une femme, ne veuille pas que le Programme de contestation judiciaire soit rétabli pour faire respecter cet article de la Charte.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, même moi je sais reconnaître que le temps passe. Le Programme de contestation judiciaire, qui a été mis sur pied aux fins qu'a décrites le sénateur, visait à examiner les contestations formulées aux termes de la Charte. Notre Charte existe depuis 25 ans et, comme je l'ai dit en réponse à des questions semblables lorsque ce programme a été aboli l'automne dernier, le Programme de contestation judiciaire a atteint les objectifs qui avaient été établis lors de sa création. Vingt- cinq ans plus tard, les Canadiens disposent de beaucoup d'autres moyens pour exercer des pressions sur le gouvernement ou pour exprimer leur point de vue. Le Programme de contestation judiciaire ne constituait pas le seul moyen à leur disposition.

Personnellement je ne crois pas que, 25 ans plus tard, le Programme de contestation judiciaire, qui a été créé pour traiter les questions reliées à la Charte, est réellement nécessaire.

LE SÉNAT

LA COMPOSITION DES COMITÉS ET LA PARTICIPATION AUX DÎNERS OFFICIELS ET AUX VOYAGES

L'honorable Anne C. Cools : Puis-je espérer recevoir un traitement équitable en tant que femme? Puis-je espérer être choisie comme présidente d'un comité? Puis-je espérer être choisie pour participer à des dîners officiels et à des voyages?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Sénateur Cools, je ne suis pas responsable des dîners officiels ou des voyages. Je prends donc note de cette question.

Le sénateur Cools : Je ne suis qu'à moitié sérieuse.

(1445)

LA SANTÉ

LES DÉLAIS D'ATTENTE POUR LES PATIENTS

L'honorable Marilyn Trenholme Counsell : Ma question s'adresse à l'honorable leader du gouvernement au Sénat.

Je veux lui demander de penser un instant au mot « illusion ». Il vient du terme lyrique latin illusiones. Selon les dictionnaires l'illusion est une tromperie, une idée fausse, une mauvaise compréhension de la situation véritable ou une création de l'esprit.

Je soutiens que les Canadiens mettent leur confiance dans une illusion qui a été créée par nul autre que le très honorable premier ministre Stephen Harper. Cette illusion concerne les délais d'attente en matière de soins de santé.

Je fournirai un bref historique de la question. Le 2 décembre 2005, Stephen Harper a abordé la question des garanties relatives aux délais d'attente en matière de soins de santé. Il a affirmé que les patients avaient besoin que le gouvernement établisse des objectifs et commence à y travailler maintenant, et non dans deux ans. Il a également déclaré que ce processus commencerait immédiatement après les élections et se terminerait en 2006. Il faisait allusion, bien évidemment, à la plateforme de 2006 du Parti conservateur du Canada, « Offrir de vraies solutions pour les soins de santé — une garantie sur les délais d'attente pour les patients », où on énumérait le cancer, les maladies du cœur, l'imagerie diagnostique, le remplacement des articulations et le rétablissement de la vue.

Le 5 avril 2006, le premier ministre Stephen Harper a déclaré ce qui suit à la Chambre des communes : « Nous allons donc agir tout de suite pour [...] élaborer une garantie en matière de délais d'attente pour les patients. »

Douze mois plus tard, le 4 avril 2007, il déclarait : « [...] nous avons tenu parole. Les Canadiens seront assurés de bénéficier en temps opportun de soins de santé dans au moins l'un des secteurs [...] »

Honorables sénateurs, voici des exemples de l'illusion pratiquée à l'endroit des Canadiens. L'Ontario a promis que la chirurgie de la cataracte se ferait dans un délai de 182 jours d'ici 2009. En 2007, le délai est de 183 jours. Il n'y a qu'un jour de différence. Le Manitoba a promis des traitements de radiothérapie contre le cancer dans un délai de quatre semaines d'ici 2010; pourtant, en 2007, le délai d'attente n'est que d'une semaine. La Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick ont eux promis des traitements de radiothérapie contre le cancer dans un délai de huit semaines, car c'est là la durée du délai en ce moment.

Je pose au leader du gouvernement au Sénat la question suivante : est-ce de l'illusion de la part du premier ministre? Est-ce que les provinces suivent la voie la plus facile pour obtenir leur part des 612 millions de dollars qui sont sur la table? Est-ce que les malades d'un océan à l'autre ont été trompés sur la question des garanties relatives aux délais d'attente?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je remercie madame le sénateur de sa question. C'est là un sujet auquel je m'intéresse beaucoup, car j'ai participé à l'étude par le Sénat du système canadien de soins de santé. À l'époque, en 2002, nous avons préconisé ici même cette garantie relative aux délais d'attente.

Le gouvernement précédent a été au pouvoir pendant deux ou trois ans après la publication de ce rapport et il n'a rien fait. Pendant la dernière campagne électorale, le Parti conservateur du Canada a annoncé la garantie relative aux temps d'attente, que le sénateur Kirby, moi-même et d'autres avions préconisée au comité et au Sénat.

En ce qui concerne la question de madame le sénateur Trenholme Counsell, toutefois, la prestation des soins de santé, comme elle le sait, relève de la responsabilité des provinces. Le 4 avril, le premier ministre a annoncé que toutes les provinces et les territoires ont convenu d'établir des garanties relatives aux délais d'attente. Le budget de 2007 prévoit un montant de plus de 1 milliard de dollars pour soutenir des traitements dans des délais plus courts pour les Canadiens. Ces accords constituent la première étape nécessaire sur la voie de l'inversion de l'allongement des délais d'attente qui s'est produit pendant que le gouvernement précédent était au pouvoir, période pendant laquelle le temps d'attente moyen a doublé et a atteint près de 18 semaines.

Notre gouvernement fournira de l'aide financière pour ces nouvelles garanties par l'intermédiaire de la fiducie créée pour les garanties de délai d'attente pour les patients, une initiative de 612 millions de dollars prévue dans le budget de 2007.

Quant aux détails, la Nouvelle-Écosse établira une garantie de délai d'attente pour les traitements de radiothérapie contre le cancer avec sa part de 24,2 millions de dollars; l'Alberta a accepté d'établir, d'ici 2010, une garantie de délai d'attente en radiothérapie, qui sera financée par la somme de 62 millions de dollars prévue dans le budget de 2007 et le ministre Clement a annoncé l'octroi de 205 millions de dollars à l'Ontario pour sa garantie dans le domaine de la chirurgie de la cataracte.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je remercie madame le leader du gouvernement. Évidemment, elle répète ce que j'ai lu dans les déclarations du premier ministre et certains propos tenus après ce qui s'est passé il y a une ou deux semaines, mais il ne s'est à vrai dire rien produit.

En dépit de ce qu'elle et d'autres ont dit, il y a eu un concert de critiques; on a entendu des commentaires comme « subterfuge » « échec total », « mensonge pré-électoral » et « un cataplasme sur une jambe de bois».

Un Albertain qui semble s'être réveillé en voyant le gouvernement rompre ses promesses a dit qu'aucun gouvernement ne refuserait l'argent et que tous ont souscrit à des délais d'attente qu'ils s'efforcent déjà d'atteindre ou qu'ils ont déjà atteints. Il n'y a donc rien de neuf.

Je pose donc la question suivante à madame le leader : est-ce que les deniers publics, durement gagnés par les Canadiens, ont été utilisés en toute transparence et honnêteté lorsque chaque province a reçu une prime de 10 millions de dollars — que je qualifierais de pot-de-vin — juste pour signer un document de sorte que le soi- disant nouveau gouvernement conservateur puisse sauver la face?

(1450)

Le sénateur LeBreton : Je pense qu'il est irresponsable pour tout participant à la vie publique d'appeler pots-de-vin les fonds devant réduire les délais d'attente et, du coup, aider les Canadiens. Je l'ai dit à maintes reprises ici même, des sénateurs peuvent se lever et citer des gens qui entretiennent des opinions différentes sur de tels sujets. Comme tout autre sénateur, je ne suis pas responsable des opinions qui circulent. De toute évidence, peu importe le programme mis en place par le gouvernement, quel que soit le parti au pouvoir, on trouvera toujours une parole prononcée par un opposant. Il serait spécieux d'essayer de répondre à des citations quand on en ignore la source.

Outre la garantie concernant les délais d'attente, un autre dossier important qui a été discuté au comité sénatorial, et dans lequel le gouvernement prend actuellement des mesures, est celui d'Inforoute Santé du Canada. Nous investissons 400 millions de dollars dans ce projet qui mènera à la numérisation complète des dossiers de santé des Canadiens et à la mise en œuvre d'un système national de gestion des renseignements en matière de santé. Les sénateurs qui ont eu l'occasion d'entendre notre collègue, le sénateur Keon, savent à quel point cette initiative est importante pour garantir au Canada l'accès au système de santé et à la prestation de bons soins en temps opportun.

LES TRAVAUX PUBLICS ET LES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

L'EXAMEN DE LA RECHERCHE SUR L'OPINION PUBLIQUE—LA NOMINATION DE DANIEL PAILLÉ

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je voudrais poser des questions au ministre des Travaux publics. Cependant, il s'avère que lorsqu'il commet une maladresse, on l'oblige à rester assis bien sagement et quand il commet une vraie bourde, on ne le laisse même pas parler ni même se présenter au Sénat. Je fais évidemment allusion à son annonce, la semaine dernière, de la nomination de Daniel Paillé, séparatiste notoire et ancien ministre du gouvernement péquiste du Québec, afin de mener une chasse aux sorcières concernant une question qu'a déjà examinée la vérificatrice générale du Canada. Il est intéressant et instructif de noter qu'il y a trois ans, la vérificatrice générale a jugé inutile cette enquête et affirmé que le gouvernement gérait la recherche sur l'opinion publique avec transparence en appliquant les contrôles appropriés.

En l'absence du ministre des Travaux publics, ma question s'adresse au leader du gouvernement. Pourquoi le gouvernement gaspille-t-il des fonds publics en ordonnant une enquête manifestement partisane qui refait quelque chose qui a été fait à la perfection par la vérificatrice générale du Canada il y a trois ans?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, la réalité est que cet engagement a été pris envers la population canadienne au cours de la dernière campagne électorale. M. Paillé a été ministre de l'Industrie au sein du gouvernement du Québec. Titulaire d'une maîtrise en économie, il possède une expérience exhaustive du monde des affaires et il est aujourd'hui professeur de finances à Montréal.

Pour ce qui est de l'expression « chasse aux sorcières », je signale que cette étude demandée par le ministre des Travaux publics porte sur une période qui remonte à 1990. C'est la période fixée par la vérificatrice générale et, comme le ministre des Travaux publics l'a dit, il veut un rapport de cet examen d'ici six mois.

Je répète ce que j'ai dit au début de ma réponse : nous avons pris cet engagement envers la population canadienne au cours de la dernière campagne électorale.

Le sénateur Mitchell : Quelque chose me dit que madame le leader verra à ce que son cher M. Mulroney ne soit pas visé par cette enquête.

Il y a quelques semaines, en réponse à une question que je lui ai posée, le ministre des Travaux publics a cité la phrase suivante : « [...] tous ceux que le gouvernement a nommés ont été passés au crible et sont compétents. » Quelle partie du mot « compétent » faudrait-il expliquer au gouvernement qui engage un ancien ministre séparatiste connu en particulier pour une initiative de création d'emplois qui n'a essentiellement créé aucun emploi et qui a coûté 300 millions de dollars à la population québécoise?

(1455)

Le sénateur LeBreton : Je ne pense pas qu'il nous soit permis de mettre en doute la compétence d'une personne à partir de ses opinions politiques. Après tout, Jean Lapierre, qui était le bras droit de Paul Martin, était un ancien séparatiste et l'un des créateurs du Bloc, avec M. Bouchard. Tout ce que je connais de M. Paillé, c'est son curriculum vitae impressionnant. De toute évidence, le ministre a nommé M. Paillé parce qu'il est convaincu qu'il fera du travail compétent dans ce dossier.

Pour ce qui est du commentaire concernant M. Mulroney, étant donné que le ministre a demandé que l'enquête porte sur la période commençant en 1990, je suppose que cela répond aux accusations du sénateur.

[Français]

LES ANCIENS COMBATTANTS

LES CÉLÉBRATIONS DE LA CRÊTE DE VIMY—LA TRADUCTION FRANÇAISE DES PLAQUES COMMÉMORATIVES

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, la dualité linguistique est une valeur et une partie intégrante de l'image du Canada. Au pays aussi bien qu'à l'étranger, il importe de s'assurer que la dualité linguistique et le statut d'égalité soient reflétés, tant dans les missions diplomatiques que sur les monuments commémoratifs.

Or, nous avons appris que les panneaux historiques en français au monument de Vimy comportaient de graves erreurs de français, qu'ils ont été retirés et que, par conséquent, il n'y avait aucune reconnaissance en français des exploits réalisés par les soldats canadiens à Vimy.

La raison de cette grave erreur est que ce sont des bénévoles, plutôt que des traducteurs qualifiés, qui ont fait la traduction française. Il est déplorable que la traduction d'un texte qui représente la participation du Canada à une bataille déterminante de la Première Guerre mondiale, lors d'une cérémonie aussi importante que celle du 9 avril 2007, ait été confiée à des bénévoles.

Madame le leader du gouvernement peut-elle expliquer pourquoi le ministère des Anciens Combattants a insulté les vétérans francophones, l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes ainsi que la langue française en France même?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (Leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Madame le sénateur fait référence à un incident très malheureux et regrettable. Le ministre des Anciens Combattants a immédiatement ordonné le retrait des plaques incriminées. Je comprends, et on me corrigera si je fais erreur, que cela avait été fait conjointement avec la Légion royale canadienne, mais tout ce qu'affirme le sénateur est absolument vrai. Une telle chose n'aurait pas dû se produire. Le ministre des Anciens Combattants, consterné, désolé, a ordonné le retrait des plaques et il veille maintenant à ce que les contributions de nos soldats, peu importe s'ils étaient d'un milieu francophone, anglophone ou autre, soient correctement signalées dans les deux langues officielles.

LES PÊCHES ET LES OCÉANS

LA GARDE CÔTIÈRE—LE REDÉPLOIEMENT DES BRISE-GLACE

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, le 12 avril, le ministre des Pêches et des Océans, le ministre Hearn, a annoncé le redéploiement de deux brise-glace lourds. En avril 2008, le navire de la Garde côtière Terry Fox sera redéployé de la région des Maritimes à celle de Terre-Neuve-et-Labrador et le NGCC Louis S. St-Laurent le sera en avril 2009. Or, une ébauche du plan d'activités de la Garde côtière pour les années 2007 à 2010, dont j'ai un exemplaire, ne fait pas mention de ce redéploiement.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire ce qui justifie cette réaffectation, et le cas échéant, pourquoi on ne trouve rien à cet effet dans le plan d'activités?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je remercie le sénateur de sa question. Je n'ai pas le document en main, mais je sais que le budget de 2007 prévoit un investissement de 324 millions de dollars pour l'achat et l'entretien de six nouveaux navires pour la Garde côtière.

Pour ce qui est des brise-glace, — et cela fait suite à la question que m'a posée le sénateur Rompkey — je devrai prendre note de la question et obtenir les renseignements nécessaires pour le sénateur.

(1500)

Le sénateur Mercer : Je remercie l'honorable sénateur et attendrai sa réponse.

J'aimerais poser une question complémentaire. Le gouvernement « vieillissant » du Canada ne semble pas avoir consulté qui que ce soit dans la région des Maritimes avant de décider de réaffecter deux brise-glace de la Garde côtière. Du moins, nous n'avons pu trouver personne parmi les travailleurs, le syndicat ou même les dirigeants locaux qui a été consulté. De plus, comme je l'ai souligné, cela ne semble pas avoir été prévu dans le plan d'activités.

Il y a deux choses dont je suis certain toutefois : les conservateurs ne détiennent aucun siège dans la région de Halifax-Dartmouth et ils n'en auront pas plus lors des prochaines élections. Ils détiennent trois sièges dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador où les bâtiments ont été réaffectés. Cette réaffectation n'est-elle qu'une simple tactique électorale visant à renforcer les chances de leurs députés de Terre-Neuve-et-Labrador maladroits qui sont en mauvaise posture et qui n'ont rien fait pour leurs électeurs?

Le dernier élément de ma question complémentaire est le suivant : Que fait donc Peter MacKay, le ministre responsable de la région? Pourquoi ne défend-t-il pas la Nouvelle-Écosse? Il a une fois de plus trahi notre confiance.

Le sénateur LeBreton : Je remercie de sénateur de sa question, mais il faudrait vraiment qu'il cesse de se comporter comme le directeur général du Parti libéral qu'il a été dans une vie antérieure. Les caractéristiques qu'il attribue aux conservateurs sont, en fait, propres aux libéraux.

Je prends note de la question. Je suis certaine que le ministre des Pêches, Loyola Hearn, aura une réponse pertinente et intelligente à donner.

[Français]

LES ANCIENS COMBATTANTS

LES CÉLÉBRATIONS DE LA CRÊTE DE VIMY—LA TRADUCTION FRANÇAISE DES PLAQUES COMMÉMORATIVES

L'honorable Jean Lapointe : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Mon père, Joseph- Arthur Lapointe, qui a été député de la Chambre des communes de 1935 à 1945, était major dans l'armée. Il est un de ceux qui se sont battus à Vimy et à Courcelette. Il a été blessé à la fin de la guerre.

J'ai reçu un courriel chez moi d'un M. Fortin, de Montréal, me relatant la situation concernant les fameux panneaux. On a réparé un tant soit peu en enlevant un panneau, mais je ne sais pas si le texte du panneau a été remplacé par un texte adéquat. Si ma mémoire est bonne, on m'a dit que les textes avaient été rédigés par de jeunes étudiants d'Angleterre.

Je pense qu'il aurait mieux valu demander à des Français, cela aurait eu plus de bon sens, à mon avis. L'erreur est faite, des excuses ont été formulées, c'est bien. Mais y aura-t-il des suites au ministère des Anciens Combattants? Les responsables devraient encourir des sanctions. Seront-ils punis ou non?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de sa question. Comme je l'ai dit en réponse à la question du sénateur Tardif, il s'agit d'un malheureux concours de circonstances.

Le sénateur Corbin : Ce n'est pas une raison. Une telle réponse est inacceptable.

Le sénateur LeBreton : Je ne sais pas à qui exactement incombe la responsabilité. Je crois que le ministre des Anciens Combattants a offert des excuses au nom du gouvernement. Je ne sais pas si quelqu'un a été tenu personnellement responsable et si cette personne fera l'objet d'une réprimande. Comme je le disais au sénateur Tardif, le ministre Thompson était franchement désolé de la situation.

Je vais faire part au ministre des préoccupations du sénateur et de sa suggestion quant à l'opportunité de réprimander la personne directement responsable, le cas échéant, au ministère des Anciens Combattants. L'erreur est humaine. Je comprends que, dans ce cas- ci, il s'agit d'une erreur très grave. Je vais transmettre les suggestions du sénateur au ministre.

[Français]

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. La ministre a dit que c'était une erreur regrettable et que le ministre Thompson a certainement beaucoup regretté cette bévue.

J'appuie les propos du sénateur Lapointe; cette erreur ne doit pas passer sous silence puisqu'elle reflète une attitude. Il ne fait aucun doute qu'aucune erreur n'apparaissait dans l'affichage anglophone et que tout est mis en œuvre afin de s'assurer qu'il n'y en ait jamais.

Mais que la traduction de l'information tarde, qu'elle soit effectuée par des amateurs, cela devient une excuse invoquée par le ministre. Pourtant, la Loi sur les langues officielles indique bien que la langue française est égale à la langue anglaise. Et ce n'est certainement pas grâce à des bénévoles ou à des gens qui démontreraient un bon vouloir que ce devrait l'être, car c'est essentiel pour notre pays.

Lors de la Première Guerre mondiale, des soldats sont allés mourir sous les ordres d'officiers qui leur donnaient des ordres en anglais et des Canadiens francophones, lors de la Seconde Guerre mondiale, sont morts sous les ordres d'officiers qui étaient, même pour certains, des officiers francophones leur donnant des ordres en anglais. Plus jamais un soldat canadien ne va mourir dans la langue de l'officier. Il va mourir dans sa langue s'il doit donner sa vie.

Ce n'est pas qu'une question d'erreur. Ne pensez-vous pas que c'est le reflet d'une attitude concernant le volet francophone, considéré moins pertinent et n'ayant pas la même valeur que le volet anglophone au sein de ce ministère?

(1505)

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : J'espère que ce n'est pas une attitude qui a cours au Canada en 2007. Je vais demander une réponse définitive au ministère des Anciens combattants. Les lois du pays sont très claires. Les anglophones et les francophones sont sur un pied d'égalité. Les uns respectent la langue des autres. Je connais le ministre Thompson, qui vient de la seule province officiellement bilingue du pays, le Nouveau-Brunswick. Je suis certaine qu'il fait partie des plus grands défenseurs de l'idée que tout doit se faire comme il se doit dans les deux langues officielles.

Je prends note de la question du sénateur Dallaire, et je vais m'employer à obtenir des réponses claires et définitives pour savoir ce qui a mal fonctionné et ce qui a été fait afin qu'une telle situation ne se produise plus jamais.

[Français]

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer deux réponses différées à des questions orales posées par l'honorable sénateur Fraser, le 23 novembre 2006, concernant la création de garderies en milieu de travail dans les édifices fédéraux; et par le sénateur Munson, le 7 février 2007, concernant l'organisme Service social international Canada.

LES TRAVAUX PUBLICS ET LES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

LA CRÉATION DE GARDERIES EN MILIEU DE TRAVAIL DANS LES ÉDIFICES FÉDÉRAUX

(Réponse à la question posée le 23 novembre 2006 par l'honorable Joan Fraser)

Le Conseil du Trésor a pour politique de permettre aux ministères d'aménager des garderies en milieu de travail lorsqu'il est démontré qu'il y a une demande solide et maintenue et qu'elles sont économiquement viables et entièrement autonomes.

À ce jour, on compte 11 garderies dans l'ensemble du Canada, réparties dans neuf ministères et organismes fédéraux (cinq centres à Ottawa et six autres dans les régions). Près de 560 enfants sont inscrits dans les garderies fédérales. Au total, le supplément au loyer versé pour ces garderies s'établit à environ 1,3 million de dollars par année.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

SERVICE SOCIAL INTERNATIONAL CANADA—LES COMPRESSIONS BUDGÉTAIRES

(Réponse à la question posée le 7 février 2007 par l'honorable Jim Munson)

Le Service social international Canada (SSIC) est un organisme à but non lucratif ayant pour mandat d'aider les enfants, les particuliers et les familles dont les problèmes exigent une coopération et une solution inter-pays. Il fait partie d'un réseau mondial appelé Service Social International, dont le secrétariat général est à Genève.

Pendant plus de dix ans, la Direction générale (DG) des affaires consulaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a fait appel au SSIC pour les cas consulaires nécessitant des compétences professionnelles en matière de travail social. En contrepartie, elle lui apportait un soutien financier sous forme de tarification à la pièce (2 000 $ par cas) et d'une contribution annuelle de 80 000 $.

La DG référait alors en moyenne 50 cas par année au SSIC. Il y a toutefois une diminution à cet égard ces dernières années. En 2004-2005, la DG n'a référé que 21 cas au SSIC, et en 2005-2006, 14 seulement. Pour ce qui est de l'année financière, elle n'avait retenu les services du SSIC que huit fois au 31 décembre 2006. Elle estime peu probable un renversement de la tendance, et croit qu'il n'est plus possible de justifier le soutien financier actuellement accordé au SSIC. La décision d'interrompre la contribution annuelle à compter du 31 mars 2007 a été communiquée au SSIC le 31 mai 2006 dans une lettre adressée à son président, M. Don Ebert.

Il importe de noter ici que le mandat de la DG se limite aux cas impliquant les citoyens canadiens en difficulté à l'étranger, et ne couvre ni les non-Canadiens ni les services au Canada même. Le Ministère, par l'entremise de la DG et de son réseau à l'étranger, qui compte plus de 270 points de service, continuera d'offrir des services consulaires de haute qualité aux Canadiens à l'étranger, y compris les enfants. La DG comprend une unité dont les membres sont spécialisés dans la gestion des cas consulaires touchant les enfants. Cette unité travaille de près avec les services sociaux locaux.

Jusqu'en mars 1994, le SSIC percevait aussi une subvention annuelle de 150 000 $ de l'ancien ministère du Développement des ressources humaines (DRHC). Il reçoit actuellement des fonds sous forme de subventions et/ou de contrats accordés par certains gouvernements provinciaux, et mène lui-même de modestes activités de financement

LE DÉCÈS DE JOCELYNE COUTURE-NOWAK

MINUTE DE SILENCE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de passer à l'ordre du jour, j'aimerais inviter les sénateurs à se lever pour observer une minute de silence en mémoire de Mme Jocelyne Couture-Nowak, qui était professeure de langue française à l'Université de Virginia Tech et qui est décédée lors de l'horrible tragédie qui s'est déroulée hier après-midi.

(Les honorables sénateurs observent une minute de silence.)

(1510)

[Traduction]

VISITEURS À LA TRIBUNE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de notre ancien collègue, l'honorable Douglas Roche, ainsi que de représentants de divers organismes œuvrant dans le domaine du désarmement nucléaire. Ils sont les invités du sénateur Roméo Dallaire.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.


ORDRE DU JOUR

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA
LA LOI SUR LA SÉCURITÉ DE LA VIEILLESSE

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Angus, appuyée par l'honorable sénateur Andreychuk, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-36, Loi modifiant le Régime de pensions du Canada et la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui, à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-36, Loi modifiant le Régime de pensions du Canada et la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Les modifications proposées dans le projet de loi faciliteront, espérons-le, l'accès aux prestations pour les gens qui comptent parmi les plus vulnérables au pays, soit les personnes âgées et les personnes handicapées.

Dans son discours, le sénateur Angus a donné un bref aperçu du système canadien de revenus de retraite. Je suis d'accord avec lui pour dire que le Canada fait partie des chefs de file dans le monde à cet égard, puisqu'il offre une pension de base à toute personne vivant au Canada, jusqu'à son décès. Je suis aussi d'accord avec lui pour dire que le système public de pensions du Canada est l'un des programmes de ce genre les plus généreux et les plus stables dans le monde.

Les honorables sénateurs savent que c'est l'ancien premier ministre Lester Pearson et l'honorable Paul Martin père qui ont créé le Régime de pensions du Canada, dans le but d'aider les personnes âgées à faible revenu. Nous savons aussi que l'ancien premier ministre Chrétien et son gouvernement ont établi des dispositions de pleine capitalisation pour garantir la viabilité du système public de pensions.

J'ai été membre du groupe de travail sur les aînés mis sur pied par le premier ministre Jean Chrétien en 2003-2004 et je fais actuellement partie du Comité sénatorial spécial sur le vieillissement. Je suis préoccupée par les enjeux qui concernent les aînés au Canada. Le mois dernier, le Comité spécial sur le vieillissement, sous la conduite du sénateur Carstairs, présidente, et du sénateur Keon, vice-président, a publié son premier rapport provisoire, Relever le défi du vieillissement. Ce comité s'est donné une tâche à la fois difficile et ambitieuse, soit étudier pour en faire rapport les conséquences du vieillissement démographique pour le Canada.

La sécurité financière est un facteur crucial pour la santé et le bien-être des aînés et des personnes handicapées. Le Canada a fait des progrès en ce qui concerne la pauvreté chez les aînés. En 1980, Statistique Canada signalait que 21 p. 100 des Canadiens âgés vivaient dans la pauvreté. En 2004, la proportion avait été ramenée à 5,6 p. 100. Sur le plan de l'aide aux aînés, le Canada est passé de l'un des derniers rangs à l'un des premiers parmi les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques. Toutefois, dans l'ensemble de la population âgée, certains groupes sont plus défavorisés que d'autres. Les aînés qui sont seuls ont un taux de faible revenu qui est dix fois plus élevé que celui des aînés qui vivent dans une famille. La proportion des femmes âgées seules qui ont un faible revenu est presque deux fois plus élevée que chez les hommes seuls. Il faut s'attaquer à ces problèmes d'inégalité.

Le projet de loi C-36 propose d'éliminer l'obligation, pour les aînés, de redemander sans cesse le Supplément de revenu garanti lorsque leurs revenus changent. Voilà une mesure constructive. Grâce à la coordination avec l'Agence du revenu du Canada, les aînés pourront faire la demande une seule fois, et leur dossier sera mis à jour grâce à leur déclaration annuelle de revenus. Cette mesure a pour effet d'éliminer le problème des aînés qui sont admissibles, mais qui ne renouvellent pas leur demande et de ceux qui croient que s'ils n'ont pas droit au SRG au cours d'une année donnée, ils n'y auront plus jamais droit. Le seul inconvénient de la mesure prévue dans le projet de loi est qu'elle ne tient pas compte des aînés qui ne produisent pas de déclaration de revenus. Il est important que le gouvernement veille à ce que les aînés soient informés et à ce que les renseignements leur soient communiqués de diverses manières, de façon à garantir le versement des prestations auxquelles ils ont droit.

Selon certaines estimations, près de 320 000 Canadiens admissibles ne touchent pas le Supplément de revenu garanti et les allocations de conjoint et de veuves. Il y a une foule de raisons qui expliquent que les aînés qui ont droit à certains avantages financiers du gouvernement fédéral ne les reçoivent pas : problèmes de santé, difficultés d'ordre mental ou physique, analphabétisme ou, dans bien des cas, la simple ignorance des programmes offerts. J'espère que le gouvernement prendra l'initiative de travailler avec des groupes communautaires et des aînés pour résoudre ce problème.

Lorsque la population vieillit, comme celle du Canada, il incombe au gouvernement fédéral de prendre des décisions et d'adopter des politiques judicieuses en matière financière pour que les Canadiens puissent compter sur un soutien financier lorsqu'ils prennent leur retraite. Les Canadiens doivent avoir l'assurance que leur gouvernement est prévoyant et qu'il veille sur leurs intérêts supérieurs. Je rappelle avec fierté que, au cours des années 1990, le gouvernement Chrétien a pu mettre en place des politiques qui ont rétabli la stabilité du Régime de pensions du Canada et de la Sécurité de la vieillesse. L'avenir de ces régimes est assuré pendant au moins 75 ans. À l'heure actuelle, le Régime de pensions du Canada a des avoirs de 100 milliards de dollars, ce qui, les experts en conviennent, lui donne de solides assises financières pour résister à la vague de départs à la retraite de la génération du baby-boom.

Je suis en faveur des modifications proposées afin de faciliter l'accès aux prestations d'invalidité pour ceux qui cotisent depuis longtemps au Régime de pensions du Canada. Actuellement, ceux qui ont cotisé pendant 25 ans et plus au RPC doivent y avoir cotisé au cours de quatre des six dernières années. Aux termes des modifications proposées, on n'exigera plus que trois des six dernières années. Toute modification propre à faciliter l'accès à l'aide financière pour que les Canadiens handicapés conservent des conditions de vie dignes est une mesure constructive.

J'appuie également les modifications proposées dans le projet de loi C-36 — y compris celles qui visent à moderniser et à simplifier la prestation des services — qui clarifient le texte pour en faciliter la compréhension et qui autorisent la communication de renseignements pour que chacun ait un meilleur accès à ses propres dossiers. Grâce à ces modifications, chacun pourra demander un état de ses cotisations au RPC et consulter cet état en direct. Actuellement, la loi n'autorise qu'une demande par année. La modification permettra aux Canadiens intéressés de suivre l'évolution de leurs cotisations au RPC.

Certes, un grand nombre des modifications proposées sont de nature administrative, mais l'amélioration de l'accès aux prestations du RPC et de la Sécurité de la vieillesse est une modification qui est la bienvenue pour les Canadiens âgés ou handicapés. Il est essentiel de reconnaître l'importance de la sécurité du revenu pour les personnes âgées ou handicapées. Ces modifications, nous les devons aux démarches de groupes d'aînés, de Canadiens qui ont demandé ces changements, aux recommandations formulées au cours de l'examen triennal du RPC et aux observations de la vérificatrice générale. Ces changements marquent un progrès.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Angus, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.)

(1520)

[Français]

LA LOI SUR L'EMPLOI DANS LA FONCTION PUBLIQUE

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Pierrette Ringuette propose que le projet de loi S-201, Loi modifiant la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (élimination du favoritisme bureaucratique et des critères géographiques dans le processus de nomination), tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L'honorable sénateur Ringuette propose, avec l'appui de l'honorable sénateur Cordy, que le projet de loi S-201 soit lu pour une troisième fois maintenant. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Adoptée.

Le sénateur Ringuette : Honorables sénateurs, voilà déjà trois ans que je vous fais rapport des faits entourant ce projet de loi. Je serais très heureuse que ce projet de loi soit adopté à l'étape de la troisième lecture en ce 25e anniversaire de la Charte canadienne des droits et libertés.

Essentiellement, ce projet de loi va abolir les obstacles de mobilité pour les Canadiens qui désirent accéder à des emplois dans la fonction publique.

J'aimerais vous citer un communiqué de presse émis le 29 mars dernier par Mme Barrados, une présidente tout à fait exceptionnelle qui comprend le dossier. Dans ce communiqué, elle dit ce qui suit :

[Traduction]

« En élargissant l'accès aux emplois de la fonction publique fédérale, la CFP joue un rôle actif dans le recrutement de Canadiens et Canadiennes de talent provenant de partout au pays », a déclaré Mme Barrados. « En fait, antérieurement à avril 2006, seulement 19 p. 100 des emplois étaient ouverts au public; grâce au nouvel élargissement de la zone nationale de sélection, la hausse prévue devrait toucher 55 p. 100 des emplois. »

Honorables sénateurs, nous avons toujours un écart de 45 p. 100 que ce projet de loi devrait éliminer. Par conséquent, je suis heureuse de proposer que le projet de loi soit lu pour la troisième fois.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je m'excuse d'avoir voulu accélérer les choses tout à l'heure. Je ne voyais pas que madame le sénateur Ringuette voulait prendre la parole. D'autres sénateurs veulent-ils prendre la parole pour débattre encore du projet de loi?

L'honorable Terry Stratton : Je propose l'ajournement du débat.

Le sénateur Tardif : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L'honorable sénateur Stratton propose, avec l'appui de l'honorable sénateur Tkachuk, que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

L'honorable Anne C. Cools : Votre Honneur, je pense que lorsque vous avez posé cette question, des sénateurs là-bas ont essayé d'attirer votre attention.

Le sénateur Tkachuk : Je n'en ai vu aucun.

Le sénateur Cools : Un sénateur essayait de dire quelque chose. C'est très difficile de se faire entendre de ce coin-là.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, je dois expliquer à la Chambre que je ne pensais pas que madame le sénateur Ringuette voulait prendre la parole. Elle a proposé la troisième lecture, la motion a été adoptée, puis elle a parlé. Comme elle a pris la parole, cela a eu pour effet de rouvrir le débat, et puis j'ai dû accepter la motion d'ajournement du débat du sénateur Stratton.

Le sénateur Stratton : C'est exact.

Le sénateur Ringuette : Continuez à jouer vos petits jeux. C'est parfait. Les Canadiens sont à l'écoute.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je vais de nouveau mettre la motion aux voix. L'honorable sénateur Stratton, avec l'appui de l'honorable sénateur Tkachuk, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'ajournement veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion d'ajournement veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : J'ai bien peur que les non l'emportent.

Le sénateur Ringuette : Procédez par appel nominal.

Le sénateur Stratton : Convoquez les sénateurs. La sonnerie retentira pendant une heure.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Le sénateur Stratton : Une fois qu'un sénateur a pris la parole, il faudrait au moins avoir le privilège de répondre. C'est ainsi que cela se passe dans cette enceinte. Le projet de loi figure au Feuilleton depuis assez longtemps. Le sénateur Ringuette a pris la parole et je devrais avoir le droit de lui répondre. Si cela ne plaît pas à l'autre côté, la sonnerie retentira pendant une heure.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La motion a été mise aux voix, et les non l'ont emporté.

Le sénateur Cools : En passant, je veux dire qu'il peut y avoir un débat et des échanges. Il est possible d'être en désaccord, mais il est tout à fait déplacé pour un sénateur de menacer d'autres sénateurs en utilisant la forme conditionnelle. Cela n'est pas souhaitable, car c'est de très mauvais goût.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs souhaitent-il un vote par appel nominal sur la motion d'ajournement? Deux sénateurs se sont levés.

Le sénateur Corbin : Avec dissidence.

Le sénateur Tkachuk : Avec dissidence.

Le sénateur Ringuette : Votre Honneur, j'aimerais clarifier la situation. Je travaille à ce dossier depuis 1993, et depuis trois ans au Sénat. Après que mes collègues eurent donné leur accord pour la troisième lecture, je me suis levée afin de les remercier. J'ai cru que c'était approprié, parce qu'ils comprennent le dossier. Voilà ce qui s'est passé. Je n'ai pas prononcé de discours. Je me suis levée pour remercier mes collègues, surtout que nous célébrons le 25e anniversaire de la Charte canadienne des droits et libertés.

En ce qui concerne la procédure, je crois qu'il importe d'y revenir.

Le sénateur Cools : J'invoque le Règlement. Votre Honneur, je trouve très dérangeant que vous ayez une conversation avec quelqu'un pendant que des sénateurs essaient d'attirer votre attention. Je trouve cela très dérangeant. La personne qui vous dérange de la sorte pourrait peut-être s'arrêter.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je remercie madame le sénateur Cools. Je m'excuse auprès du Sénat d'avoir précipité l'appel de la troisième lecture. Madame le sénateur Ringuette souhaitait prendre la parole, comme nous le faisons souvent à l'appel de la troisième lecture. J'ai demandé si le Sénat souhaitait poursuivre le débat et j'ai donné la parole au sénateur Stratton, qui a proposé l'ajournement du débat. Nous avons procédé à un vote par oui ou non sur la question et les « non » ont dit qu'ils ne voulaient pas ajourner le débat. Il y avait alors deux sénateurs debout, mais ils ne le sont plus maintenant.

Le sénateur Comeau : Nous demanderons de nouveau la parole s'il le faut.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je vais remettre aux voix la motion visant à ajourner le débat.

Le sénateur Stratton, avec l'appui du sénateur Tkachuk, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat. Vous plaît- il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

Une voix : Avec dissidence.

Le sénateur Stratton : Avec dissidence.

(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné avec dissidence.)

(1530)

[Français]

LA LOI SUR LE DIVORCE

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Consiglio Di Nino propose que le projet de loi C-252, Loi modifiant la Loi sur le divorce (droit d'accès d'un époux en phase terminale ou dans un état critique), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, le projet de loi C-252 vise à modifier la Loi sur le divorce. Il veut faire en sorte qu'un tribunal puisse prendre en considération la maladie terminale ou l'état critique du parent divorcé lorsque vient le temps de modifier une ordonnance lui accordant un droit d'accès auprès de son enfant avant sa mort.

Le divorce est malheureusement une réalité de la vie de bien des familles d'aujourd'hui. Les statistiques montrent en effet qu'il y a eu, ces dernières années, plus de 70 000 divorces au Canada, ce qui représentait environ 38 p. 100 des mariages en 2003. Cette année-là, les personnes à charge visées par une ordonnance de garde étaient en grande majorité des enfants de 18 ans et moins.

[Traduction]

Les relations entre maris et femmes peuvent prendre fin, mais celles entre parents et enfants sont habituellement maintenues. Pour la majorité des gens, aucun lien n'est plus solide et aucune relation n'est plus fondamentale. Les lois provinciales et la Loi sur le divorce régissent les questions concernant la garde des enfants et l'accès parental aux enfants à la suite d'un divorce. L'article 16 de la loi traite des ordonnances relatives à la garde ou à l'accès.

Aux termes du paragraphe 16(8), le tribunal ne doit tenir compte « que de l'intérêt de l'enfant à charge ». Dans la mesure où cette exigence essentielle est respectée, le tribunal qui rend une telle ordonnance doit, aux termes du paragraphe 16(10), appliquer le principe selon lequel l'enfant à charge doit avoir avec chaque époux le plus de contacts possible.

Qu'arrive-t-il si, après qu'une ordonnance de garde ou d'accès a été rendue, un parent tombe sérieusement malade ou est blessé de sorte qu'il se trouve dans un état critique ou en phase terminale? En vertu de l'article 17 de la loi, un époux peut demander une ordonnance modificative pour changer les arrangements de garde ou d'accès. Le paragraphe 5 prévoit ce qui suit :

Avant de rendre une ordonnance modificative de l'ordonnance de garde, le tribunal doit s'assurer qu'il est survenu un changement dans les ressources, les besoins ou, d'une façon générale, dans la situation de l'enfant à charge depuis le prononcé de l'ordonnance de garde ou de la dernière ordonnance modificative de celle-ci et, le cas échéant, ne tient compte que de l'intérêt de l'enfant, défini en fonction de ce changement, en rendant l'ordonnance modificative.

[Français]

En ajoutant le paragraphe 17(5.1), le projet de loi C-252 permet à un parent d'établir l'existence d'un changement important dans la situation de l'enfant, premier critère à satisfaire pour qu'un tribunal envisage de prononcer une ordonnance modificative. La maladie terminale ou l'état critique d'un parent sera présumé être un changement important dans la situation de l'enfant.

Bien qu'un tribunal puisse à son gré considérer la maladie terminale ou l'état critique comme un changement important dans la situation de l'enfant, la jurisprudence n'en a pas fait un principe juridique ferme. Il n'est pas garanti qu'un parent pourra satisfaire à cette condition de base avant qu'un juge puisse même envisager de modifier une ordonnance.

Le projet de loi C-252 permettra de le faire. En comblant cette lacune dans la Loi sur le divorce, le parrain du projet de loi à l'autre endroit, le député de Lethbridge, Rick Casson, est d'avis que ce texte pourra soulager les familles qui vivent une des situations les plus difficiles qu'on puisse imaginer.

[Traduction]

L'ajout d'un nouveau paragraphe 17(5.1) ne privera pas le tribunal du pouvoir discrétionnaire qu'il a de déterminer ce qui correspond à l'intérêt de l'enfant, par une enquête distincte effectuée une fois que l'on constate un changement important de la situation de l'enfant. La disposition n'obligera pas un juge à accorder l'accès en raison d'une maladie en phase terminale ou d'un état critique.

Honorables sénateurs, tout divorce peut être cause de stress et chaque cas est unique. Ce ne sont pas nécessairement tous les parents qui sont aptes à avoir la garde de leur enfant ou à avoir accès à leur enfant. Le projet de loi à l'étude respecte cette réalité. La mesure législative proposée fera en sorte que les tribunaux considèrent la maladie en phase terminale ou l'état critique comme un changement important dans la situation de l'enfant aux fins d'une ordonnance modificative éventuelle. Un juge devra considérer ce facteur au nombre de ceux qui l'éclaireront dans sa décision concernant l'intérêt de l'enfant.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-252 a franchi l'étape de la troisième lecture à l'autre endroit le 21 mars en étant adopté à 302 voix contre 0, lors d'un vote par assis et levé. Dans le cadre du débat attentif et respectueux tenu à l'autre endroit, les députés de tous les partis ont proposé plusieurs amendements qui ont amélioré le projet de loi qui nous est maintenant soumis.

À l'autre endroit, le parrain du projet de loi a fait état du cas qui l'a incité à agir : celui d'une jeune mère divorcée de sa circonscription. Dans les derniers jours de son combat contre la leucémie, on lui avait enlevé la garde de ses enfants.

Il est vrai que, dans nombre de situations, il peut exister deux versions des faits. Cependant, le projet de loi C-252 ne concerne pas une situation particulière. Il relève d'un principe général. Il existe peu de gestes dans la vie qui ont autant d'importance que le fait d'avoir l'occasion de dire un dernier adieu à un être cher, surtout s'il s'agit d'un adieu entre parents et enfants. Pour l'enfant, cette circonstance l'aidera à se préparer à la perte imminente et à franchir les étapes douloureuses du deuil. Pour le parent, elle apportera, pour la dernière fois peut-être, un énorme réconfort, celui de voir et de toucher son enfant et de lui dire ce qui doit l'être avant le départ. Dans le cas de relations difficiles, elle est susceptible également d'aider l'enfant dans son cheminement.

Lorsqu'une séparation finale est imminente, le temps passé par l'enfant avec son parent ne relève plus de la visite ordinaire. Il représente quelques instants précieux qui englobent une vie.

[Français]

Honorables sénateurs, le projet de loi C-252 ne touchera vraisemblablement pas un grand nombre de personnes. Bien des ententes de garde et d'accès sont conclues à l'amiable entre les parents et le genre de situation évoqué plus haut ne se produit probablement pas très souvent. Pour les parents et les enfants qui vivent ce genre de traumatisme indélébile, cette modification à la Loi sur le divorce peut faire une énorme différence.

Je vous demande d'appuyer la deuxième lecture de ce projet de loi puis de le renvoyer au comité pour qu'il y soit étudié en détail.

[Traduction]

L'honorable Anne C. Cools : L'honorable sénateur acceptera-t-il une question?

Son Honneur la présidente intérimaire : Sénateur Di Nino, acceptez- vous une question?

Le sénateur Di Nino : Oui.

Le sénateur Cools : Voici une question sur laquelle j'ai beaucoup travaillé, comme le savent les honorables sénateurs. J'ai des dossiers par milliers à ce sujet. Je ne me suis pas encore attaquée à ce projet de loi, mais je prévois cependant me prononcer.

(1540)

D'après l'honorable sénateur, ce projet de loi permet essentiellement à un juge d'accorder l'accès à un parent en phase terminale d'une maladie. Le projet de loi s'applique-t-il à d'autres membres de la famille qui seraient dans la même situation, comme des grands-parents ou des frères et sœurs, ou bien se limite-t-il au père et à la mère? J'ai de grands dossiers sur cette question.

Le sénateur Di Nino : Il importe de dire que le projet de loi n'accorde aucun droit aux parents. Il permet simplement de s'assurer que le juge tienne compte de la question en prenant la décision d'accorder ou non un droit de visite.

Quant à la deuxième partie de la question, si j'ai bien compris, le projet de loi ne s'applique qu'aux parents et aux enfants et non aux autres membres de la famille.

Son Honneur le Président : D'autres sénateurs souhaitent-ils participer au débat?

L'honorable Marilyn Trenholme Counsell : J'avais l'intention de prendre la parole, mais je remarque que l'honorable sénateur, après avoir prononcé un discours aussi éloquent qu'émouvant, veut renvoyer directement le projet de loi au comité. C'est ce que j'ai cru comprendre.

Le sénateur Di Nino : C'est peut-être attribuable à mon accent lorsque j'essaie, de temps en temps, de parler dans notre autre langue officielle.

J'exhorte tous les honorables sénateurs à appuyer le projet de loi et à le renvoyer au comité au moment opportun.

(Sur la motion du sénateur Trenholme Counsell, le débat est ajourné.)

[Français]

TRANSPORTS ET COMMUNICATIONS

BUDGET—ADOPTION DU RAPPORT DU COMITÉ SUR L'ÉTUDE DU TRAFIC DU FRET CONTENEURISÉ

Le Sénat passe à l'étude du septième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications (budget—étude sur le trafic du fret conteneurisé manutentionné par les ports du Canada), présenté au Sénat le 29 mars 2007.—(L'honorable sénateur Bacon)

L'honorable Lise Bacon propose que le rapport soit adopté.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

BUDGET—PRÉSENTATION DU RAPPORT DU COMITÉ SUR L'ÉTUDE DU FONDS CANADIEN DE TÉLÉVISION

Le Sénat passe à l'étude du huitième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications (budget—étude sur les objectifs, le fonctionnement et le mode de gouvernance du Fonds canadien de télévision—autorisation d'embaucher du personnel), présenté au Sénat le 29 mars 2007.—(L'honorable sénateur Bacon)

L'honorable Lise Bacon propose que le rapport soit adopté.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Traduction]

L'ÉTUDE SUR LES QUESTIONS RELATIVES AU NOUVEAU CADRE STRATÉGIQUE EN ÉVOLUTION

ADOPTION DU RAPPORT INTÉRIMAIRE DU COMITÉ DES PÊCHES ET DES OCÉANS ET DE LA MOTION DEMANDANT UNE RÉPONSE AU GOUVERNEMENT

Le Sénat passe à l'étude du sixième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, intitulé La gestion des stocks de poissons de l'Atlantique : au-delà de la limite de 200 milles, déposé au Sénat le 20 février 2007.—(L'honorable sénateur Johnson)

L'honorable Bill Rompkey : Honorables sénateurs, je propose :

Que le sixième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, déposé au Sénat le 20 février 2007, soit adopté et que, conformément au paragraphe 131(2) du Règlement, le Sénat demande au gouvernement une réponse complète et détaillée, le ministre des Pêches et des Océans étant désigné comme ministre responsable de la réponse au rapport.

— Honorables sénateurs, les stocks de poisson au large de notre côte atlantique sont constamment menacés par les pêcheurs étrangers. La question est de savoir comment contrôler leurs activités.

En matière de pêche, la compétence du Canada ne s'étend qu'à 200 milles marins de la côte. Au-delà, les bateaux de pêche d'Europe et d'ailleurs exploitent la zone de haute mer que nos pêcheurs désignent sous le nom de nez et queue des Grands Bancs. De nombreux stocks se trouvent de part et d'autre de la ligne de 200 milles. C'est Pierre Trudeau qui nous a signalé une fois, avec sa façon inimitable, que le poisson nage et, partant, que la surpêche à l'extérieur de la zone économique peut réduire les stocks à l'intérieur de cette zone.

Dans ces secteurs extérieurs des Grands Bancs, c'est l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest, ou OPANO, qui est censée contrôler la pêche. Ses membres, y compris le Canada, peuvent voter sur les quotas et les autres mesures de conservation, mais chacun est libre de s'y opposer et de fixer son propre contingent. Même quand les pays s'entendent sur papier pour respecter les règles, certains d'entre eux trichent.

Le régime de l'OPANO a eu des effets déplorables sur le poisson et sur les collectivités côtières qui en dépendent. Les stocks sont tellement réduits que l'OPANO a décrété des moratoires sur la plupart d'entre eux. Même alors, certains pays continuaient à les pêcher en exploitant les échappatoires qui existent dans les règles ou simplement en trichant.

Cela est notoire, et pas seulement au Canada. L'Union européenne a récemment publié un communiqué déplorant la violation des lois par ses propres bateaux dans ses propres eaux. Pouvons-nous nous attendre de la part de ses pêcheurs qu'ils se comportent mieux loin de chez eux?

Les bateaux opérant dans la zone de réglementation de l'OPANO sont obligés d'avoir des observateurs à bord. Charles Clover, rédacteur environnemental du Daily Telegraph de Londres, a examiné certains de leurs rapports. Je voudrais citer un passage de son livre The End of the Line concernant la surpêche :

L'aspect le plus remarquable qui ressort de ces rapports, c'est peut-être le laisser-faire des autorités du Portugal et de l'Espagne et leur tolérance apparente de la pêche illégale.

Il y a trois ans, lorsque l'honorable Loyola Hearn, aujourd'hui ministre des Pêches et des Océans, représentait l'opposition au Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, ce comité avait recommandé que le Canada étende ce qu'on appelle la « gestion axée sur la conservation » au nez et à la queue des Grands Bancs, c'est-à-dire qu'il assume unilatéralement le contrôle de cette zone. En 2005, un comité chargé de conseiller le ministre et le gouvernement d'alors avait jugé qu'il était impossible de prendre une telle mesure, mais avait déclaré que le Canada devrait s'efforcer de remplacer l'OPANO par quelque chose de mieux.

L'été dernier, nous avons entrepris une étude en gardant à l'esprit les échecs de l'OPANO. En septembre, après des années de pressions canadiennes, les membres de l'organisation ont convenu de certaines réformes. Le ministre Hearn avait déjà à ce moment renoncé à envisager la gestion axée sur la conservation. Je signale qu'il a loué les réformes proposées comme un triomphe du Canada. Comme il l'a dit, elles devaient donner plus de poids à l'OPANO.

(1550)

Notre comité a voulu faire un examen plus attentif de ces réformes. Pendant plusieurs mois, il a recueilli le témoignage de nombreux experts tant ici qu'à Terre-Neuve-et-Labrador : représentants de l'industrie de la pêche, environnementalistes, universitaires, ministres provinciaux et fédéraux. Il a également entendu des fonctionnaires, dont d'anciens hauts fonctionnaires et des experts internationaux du ministère des Pêches et des Océans.

Honorables sénateurs, les témoins nous ont dit que certaines des nouvelles armes que l'OPANO est censée avoir n'avaient aucune efficacité. L'Union européenne, qui est l'entité qui suscite le plus difficultés en matière de pêche, a contrôlé la rédaction des nouvelles propositions, et il semble que le Canada ne se soit pas aperçu de problèmes importants.

Permettez-moi de signaler quelques-unes des déficiences les plus inquiétantes que nous avons décelées. Les règles régissant les votes seraient modifiées. Au lieu de la majorité simple, il faudrait une majorité des deux tiers. Le Canada aurait donc plus de mal à trouver un nombre suffisant d'alliés pour faire adopter des règles sur la conservation de la ressource. De plus, le nouveau texte sur l'OPANO pourrait donner à cette organisation la possibilité de s'ingérer dans la gestion des pêches à l'intérieur de la zone de 200 milles du Canada.

La vice-présidente du comité, madame le sénateur Johnson et moi avons écrit au ministre en décembre pour lui signaler ces problèmes et proposer que le gouvernement ait recours à des experts indépendants, dont certains de nos témoins, pour le conseiller au sujet de l'OPANO. Entre-temps, nous avons déposé notre rapport complet le 20 février, signalant les problèmes que j'ai déjà mentionnés et bien d'autres.

Honorables sénateurs, deux surprises nous attendaient. La première est que, dans les 24 heures suivant la publication de notre rapport, le ministre l'a rejeté publiquement. Sans s'attarder à la substance du rapport, il a déclaré que l'OPANO s'améliorait. Voilà qui est curieux, car il a été l'un de ceux qui ont proposé par le passé l'élimination de cette organisation. Puis, vers la fin de mars, madame le sénateur Johnson et moi avons enfin reçu une réponse à notre lettre de décembre. Et voici la deuxième surprise : le ministre Hearn semble maintenant se rallier aux critiques constructives que nous avons formulées. Il écrit dans cette lettre :

Je retiens certainement votre point de vue selon lequel il serait intéressant de consulter d'anciens hauts fonctionnaires du MPO et d'autres spécialistes au sujet des réformes proposées à l'OPANO.

Le ministre ajoute que le ministère a fait appel à ces spécialistes. Et il dit que le Canada examinera la question de la majorité des deux tiers et les autres problèmes relevés dans notre lettre.

Honorables sénateurs, nous pouvons nous réjouir du fait que, à l'occasion, les membres de l'autre endroit sont capables d'un second examen objectif. Je félicite le ministre d'avoir reconnu en fin de compte que les problèmes évoqués dans notre lettre méritaient qu'on s'y attarde. Toutefois, il subsiste d'autres problèmes qui sont décrits en détail dans notre rapport complet, dont nous sommes aujourd'hui saisis.

Les réformes de l'OPANO promettaient de faciliter la tâche des inspecteurs qui voudraient renvoyer à leur port les navires dont les pêcheurs étaient en infraction. Ces réformes promettaient un mécanisme de règlement des différends pour éviter que, en cas de désaccord, les pays en cause n'établissent leurs propres règles. Dans un cas comme dans l'autre, nous avons décelé de graves déficiences.

En outre, les réformes proposées devaient réduire le nombre d'observateurs à bord des navires de pêche, même si, ces dernières années, les observateurs étaient considérés comme un élément essentiel de l'exécution et même si les pêches contrôlées par l'OPANO avaient cruellement besoin d'un examen scientifique et d'un plan de reconstitution.

Nous avons formulé des recommandations sur ces problèmes, entre autres, y compris au sujet des zones en haute mer, dans le monde entier, qui ne sont assujetties à aucune réglementation. Nous avons dit que, à l'égard de ces zones, le Canada devrait se joindre à d'autres pays pêcheurs responsables, tels la Norvège et la Nouvelle- Zélande, pour appuyer un moratoire temporaire sur le chalutage des fonds marins afin de limiter les dommages jusqu'à ce qu'on puisse mettre en place au moins certaines règles sur la conservation des ressources et la protection de l'environnement.

Quant à la partie extérieure des Grands Bancs, notre rapport ne propose pas de mesures radicales qui, selon les experts, seraient stériles. Sans écarter pour de bon la gestion axée sur la conservation, nous pouvons dire que la réforme de l'OPANO semble pour l'instant le moyen le plus pratique de progresser. Par conséquent, nous recommandons des mesures pratiques qui aideraient à donner un peu de poids à cette organisation.

Toutefois, vu le bilan catastrophique de l'organisation, le simple bon sens exige une vigilance de tous les instants. Et les réformes proposées en septembre dernier à l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest avaient grand besoin de l'examen plus approfondi auquel le comité les a soumises.

La bonne nouvelle, c'est que le gouvernement commence peut-être à prendre conscience des mauvaises nouvelles. À en juger d'après la réponse que le ministre a fini par donner à notre lettre, le gouvernement s'aperçoit maintenant que les propositions de l'OPANO comportent des déficiences qu'il faut corriger. Nous lui demandons d'accorder à l'ensemble du rapport la même considération qu'à notre lettre et d'en tenir compte au cours des négociations à l'OPANO qui auront lieu ce mois-ci. Nous proposons notre appui à des mesures vigoureuses et logiques qui, nous l'espérons toujours, rétabliront un jour la légendaire abondance des Grands Bancs.

Bref, honorables sénateurs, nous avons relevé des problèmes dans le texte des réformes proposées à l'OPANO. Nous avons signalé ces faiblesses et proposé des solutions. Il incombe désormais au gouvernement et aux autres membres de l'OPANO de veiller à la mise en œuvre de ces recommandations à la prochaine réunion. Les membres du comité seront aux aguets. Nous avons demandé à voir le texte révisé, et nous continuerons de suivre l'évolution de la situation pour nous assurer que l'OPANO sera réformée dans un sens favorable au Canada et surtout aux pêcheurs canadiens.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

RÉGIE INTERNE, BUDGETS ET ADMINISTRATION

ADOPTION DU QUATORZIÈME RAPPORT DU COMITÉ

Permission ayant été accordée de revenir à une autre question, les rapports de comités, article no 3 :

Le Sénat passe à l'étude du quatorzième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (budgets de certains comités—législation), présenté au Sénat le 29 mars 2007.—(L'honorable sénateur Furey)

L'honorable Wilfred P. Moore propose que le rapport soit adopté.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Français]

LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867

RAPPORT DU COMITÉ SPÉCIAL—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Hays, appuyée par l'honorable sénateur Fraser, tendant à l'adoption du deuxième rapport du Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat (motion de modifier la Constitution du Canada (la représentation des provinces de l'Ouest au Sénat), sans amendement, mais avec des observations), présenté au Sénat le 26 octobre 2006;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Tkachuk, appuyée par l'honorable sénateur Campbell, que le deuxième rapport du Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat ne soit pas adopté maintenant, mais que la motion pour modifier la Constitution du Canada (représentation des provinces de l'Ouest au Sénat), soit modifiée comme suit :

a) par substitution, au troisième paragraphe de la motion, des mots « la Colombie-Britannique devienne une division distincte représentée par douze sénateurs » par ce qui suit :

« la Colombie-Britannique devienne une division distincte représentée par vingt-quatre sénateurs »;

b) par substitution, à l'article 1 de l'annexe de la motion, à l'article 21, des mots « se composera de cent dix-sept membres » par ce qui suit :

« se composera de cent vingt-neuf membres »;

c) par substitution, à l'article 1 de l'annexe de la motion, à l'article 22, des mots « la Colombie-Britannique par douze sénateurs » par ce qui suit :

« la Colombie-Britannique par vingt-quatre sénateurs »;

d) par suppression, à l'article 2 de l'annexe de la motion, à l'article 27, des mots « ou, dans le cas de la Colombie- Britannique, tant que la représentation de celle-ci ne sera pas revenue au nombre fixe de douze sénateurs »;

e) par substitution, à l'article 2 de l'annexe de la motion, à l'article 28, des mots « excéder cent vingt-sept » par ce qui suit :

« excéder cent trente-neuf ».—(L'honorable sénateur Ringuette)

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole au sujet de la motion visant à modifier la Constitution du Canada quant à la représentation régionale de l'Ouest canadien au sein du Sénat, qu'on appelle maintenant la motion Murray-Austin.

Nos collègues ont présenté une motion portant modification constitutionnelle visant à approuver une représentation supplémentaire de l'Ouest canadien au Sénat. Comme vous le savez tous, cette modification augmenterait de 12 le nombre de sénateurs ainsi répartis : six sénateurs de plus pour la Colombie- Britannique, quatre pour l'Alberta, un de plus pour la Saskatchewan, et un pour le Manitoba.

Si le Sénat adopte la motion, il utilisera son droit de proposer une modification constitutionnelle et lancera alors la procédure officielle de modification constitutionnelle, à savoir l'envoi de messages à la Chambre des communes et à toutes les législatures provinciales.

(1600)

Comme le prévoit la Loi constitutionnelle, ces entités auront trois ans pour agir, sinon la résolution sera réputée caduque et inopérante.

Honorables sénateurs, pour que cette résolution entre en vigueur, elle devra obtenir l'appui d'au moins sept provinces représentant plus de 50 p. 100 de la population canadienne, de même qu'une majorité à la Chambre des communes.

Toutefois, je suis fermement convaincue qu'il s'agit d'une mesure à la pièce qui soulève davantage de questions fondamentales sur le rôle et les pouvoirs du Sénat. Pas plus tard qu'en 1980, la Cour suprême du Canada a rappelé l'immuabilité du pacte conclu par les provinces fondatrices à l'époque de la Confédération. La citation est tirée du Renvoi relatif à la Chambre haute [1980] R.C.S. 54 :

[...] le Parlement agissant seul ne peut pas apporter au Sénat des modifications portant atteinte « aux caractéristiques fondamentales ou essentielles attribuées au Sénat pour assurer la représentation régionale ou provinciale dans le système législatif fédéral ».

Le caractère du Sénat a été déterminé par le Parlement britannique en réponse aux propositions présentées par les trois provinces pour répondre aux besoins du système fédéral proposé.

C'est ce Sénat, créé par l'Acte, auquel un rôle législatif a été conféré par l'article 91. Nous sommes d'avis que le Parlement du Canada ne peut en modifier unilatéralement le caractère fondamental et le paragraphe 91(1) ne l'y autorise pas.

Honorables sénateurs, la motion dont nous sommes actuellement saisis ne vise pas à modifier le principe fondamental et essentiel du nombre égal de représentants entre les quatre divisions représentées au Sénat, car cela ne peut se faire qu'au moyen d'une révision de la Constitution, en vertu de l'article 38. Toutefois, l'adoption de cette motion signifierait essentiellement que le Sénat préfère et appuie l'idée de modifier le nombre de représentants de chacune des quatre divisions au Sénat pour que ce nombre soit inégal.

Honorables sénateurs, l'article 22 de la Constitution canadienne prescrit que :

En ce qui concerne la composition du Sénat, le Canada sera censé comprendre quatre définitions :

1. Ontario;

2. Québec;

3. Les provinces maritimes : la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick ainsi que l'Île-du-Prince- Édouard;

4. Les provinces de l'Ouest : le Manitoba, la Colombie- Britannique, la Saskatchewan et l'Alberta.

Les quatre divisions doivent (subordonnément aux révisions de la présente loi) être également représentées dans le Sénat, ainsi qu'il suit : Ontario par 24 sénateurs; Québec par 24 sénateurs; les provinces maritimes et l'Île-du-Prince- Édouard par 24 sénateurs, dont dix représentent la Nouvelle-Écosse, dix le Nouveau-Brunswick et quatre l'Île- du-Prince-Édouard; les provinces de l'Ouest par 24 sénateurs, dont six représentent le Manitoba, six la Colombie- Britannique, six la Saskatchewan et six l'Alberta; la province de Terre-Neuve aura le droit d'être représentée au Sénat par six sénateurs; les Territoires du Nord-Ouest et du Yukon ont le droit d'être représentés au Sénat par un sénateur chacun.

[Traduction]

Honorables sénateurs, pourquoi voudrions-nous modifier aujourd'hui la représentation régionale qui caractérise le Sénat? Pourquoi est-il souhaitable maintenant que nous modifiions la Constitution de sorte que les quatre divisions du Canada soient représentées de manière inégale au Sénat? Le faisons-nous seulement pour apaiser les réformateurs de toutes allégeances qui formulent des demandes incohérentes afin de modifier le Sénat?

Je suis tout à fait d'accord avec madame le sénateur Hubley, qui a dit dans cette enceinte qu'il ne faudrait jamais envisager de manière fragmentaire la réforme parlementaire, c'est-à-dire sans connaître au préalable la forme et le fond des institutions réformées. Je crois fermement qu'il est naïf de penser que nous pouvons simplement modifier des éléments importants du Sénat sans toucher à sa fonction et à sa finalité.

L'objet sous-jacent de cette motion est de reconnaître l'existence de deux régions de l'Ouest eu égard à la croissance démographique, en particulier en Alberta et en Colombie-Britannique. Concrètement, cette modification hausserait de 12 le nombre de sénateurs. Par comparaison avec le Québec et l'Ontario, la Colombie-Britannique et l'Alberta continuent d'accroître leur représentation à l'autre endroit. On a fait valoir que le poids démographique et économique actuel de l'Alberta et de la Colombie-Britannique justifiait une représentation plus importante que celle des provinces du Canada atlantique.

Selon les fondateurs de notre beau pays, à la Chambre haute est « confié le soin de protéger les intérêts des régions ». Par conséquent, les quatre grandes divisions sont également représentées pour défendre leurs intérêts contre les diverses majorités combinées à la Chambre des communes.

Le Bas-Canada ne nous a concédé la représentation d'après la population à la Chambre basse qu'à la condition expresse qu'il y ait une représentation égale à la Chambre haute. Les négociations sur la Confédération n'auraient pu aboutir sans cette condition. La protection de ces intérêts, comme l'égalité à la Chambre haute, est inscrite dans la loi fondamentale du Canada. C'est notre contrat. Pour arriver à une négociation de contrat fructueuse, il faut que toute modification soit bénéfique pour toutes les parties. Cette proposition modifie le principe fondamental de représentation égale : une région obtiendra une meilleure représentation tandis que les trois autres verront la leur diminuer.

Au Sénat, le concept de représentation régionale découle de compromis politiques historiques. Par comparaison, la Constitution des États-Unis prévoit un équilibre entre la représentation démographique et la représentation géographique : il y a deux sénateurs par État, au moins un membre de la Chambre des représentants par État et des représentants au sein du collège électoral. Néanmoins, comme le sénateur Mercer l'a déjà déclaré ici à propos de la même question :

Chaque fois que nous parlons d'une réforme du Sénat et d'une modification de la structure de notre institution, nous semblons tomber dans un débat sur la représentation selon la population. Ce n'est pas ce dont il est question dans cette enceinte.

Lorsqu'ils se sont penchés sur la question, les sénateurs Murray et Austin ont fondé la plupart de leurs arguments sur les principes d'équité. Ce sont les mêmes principes qui sous-tendent les débats sur la représentation en fonction de la population qui ont lieu tous les dix ans à l'autre endroit lorsqu'il est question de la Loi électorale. Or, ces arguments vont directement à l'encontre de la raison d'être d'une Chambre haute dans cette grande fédération, qui est de représenter et de protéger les régions et les minorités contre la volonté de la majorité. Le Sénat a été créé pour équilibrer la représentation et pour assurer une certaine égalité ainsi que l'inclusion des provinces moins peuplées en dépit de la tyrannie de la majorité.

Nous ne nous sommes pas penchés sur l'incidence d'une telle restructuration sur le fonctionnement du Sénat. Quel effet aura-t- elle sur le rôle traditionnel de représentation des régions? Quel effet aura-t-elle sur le rapport entre le Sénat et la Chambre des communes? Faudra-t-il revoir nos responsabilités et nos pouvoirs sur le plan constitutionnel?

Honorables sénateurs, je crois fermement qu'il est impossible de modifier la composition, le caractère et les fonctions du Sénat sans également se pencher sur l'ensemble des questions connexes. Avant de modifier le principe historique et constitutionnel de la représentation régionale, ne devrions-nous pas envisager toutes les conséquences que cela comporte? Si on croit que la modification de la représentation régionale n'aura pas de conséquence, il faut d'abord se demander pourquoi on souhaite procéder à un tel changement.

Soyons clairs : le droit de vote régional est important.

(1610)

Honorables sénateurs, nous devons nous pencher sur ces questions fondamentales avant que l'équilibre de la représentation régionale soit rompu.

Honorables sénateurs, je n'appuierai pas cette motion, puisqu'en l'adoptant, nous violerions l'entente en matière d'égalité qui a été conclue entre les quatre divisions. Nous ne pouvons tout simplement pas proposer et accepter de violer cette entente.

Bien que l'accord du lac Meech ait eu comme objectif de concilier les aspirations culturelles et linguistiques du Québec et celles du reste du Canada et d'accorder une reconnaissance à nos peuples autochtones, l'accord de Charlottetown consistait en un train de changements constitutionnels portant sur la reconnaissance du Québec et sur le Sénat triple E exigé par les provinces de l'Ouest. Cette proposition visait à élire six sénateurs par province. Cela avait été proposé par les gouvernements fédéral et provinciaux en 1992 et avait fait l'objet d'un référendum public en octobre de la même année.

Le sénateur Cools : J'ai été heureuse de voter contre cette proposition.

Le sénateur Ringuette : Même si la plupart d'entre nous avions travaillé très fort pour la faire approuver, cette proposition a été rejetée par les quatre provinces de l'Ouest, qui se sont opposées au Sénat triple E tel que le proposait l'accord de Charlottetown. Au Manitoba, 61,6 p. 100 des gens ont voté contre l'accord de Charlottetown; en Saskatchewan, 55,3 p. 100; en Alberta, 60,2 p. 100; et en Colombie-Britannique, 63,8 p. 100.

Le sénateur St. Germain : Ils n'ont pas eu tort.

Le sénateur Ringuette : Les quatre provinces de l'Ouest ont voté contre le Sénat triple E.

Les politicards continuent de soutenir que c'est la seule façon pour l'Ouest de se sentir « inclus ». Si l'Ouest a rejeté le Sénat triple E par une si forte marge il y a 15 ans, pourquoi certains politiciens de l'Ouest militent-ils encore en sa faveur?

Je suis d'avis que dans un dossier d'une telle importance constitutionnelle, nous, sénateurs, avons l'obligation d'exprimer notre point de vue et de contribuer au débat constitutionnel national qu'il faut tenir pour moderniser le Sénat. L'histoire reconnaîtra que nous avons été à la hauteur de notre devoir constitutionnel et que nous ne nous sommes pas simplement élevés contre toutes les initiatives de réforme. Il appartient à cette Chambre de respecter sa raison d'être constitutionnelle, dans l'intérêt des régions et des minorités et au meilleur de ses capacités. Les modifications proposées à la représentation régionale changeront la nature fondamentale et l'objet même du Sénat.

Finalement, l'intention de la motion Murray-Austin qui est présentée semble être de respecter plusieurs précédents dans les modifications apportées, au fil du temps, au nombre et à la répartition des sièges au Sénat. Cependant, il est important de préciser que la plupart de ces changements ont augmenté le nombre de sièges du Sénat lorsqu'une nouvelle province ou un nouveau territoire s'ajoutait à la fédération.

Il faut reconnaître que chaque fois qu'un siège a été ajouté au Sénat, c'était en raison de la création d'un nouveau territoire au Canada.

Puis-je disposer de cinq minutes supplémentaires?

Le sénateur Cools : D'accord.

Le sénateur Ringuette : Je n'ai que deux minutes.

Le sénateur Comeau : Pas plus de cinq minutes.

Le sénateur St. Germain : Je suis d'accord, à condition que vous arrêtiez de vous en prendre à la Colombie-Britannique.

Le sénateur Di Nino : Nous voulons en savoir plus. Encore, encore!

[Français]

Le sénateur Ringuette : Merci. On a commencé par deux sénateurs pour le Manitoba en 1870, trois sénateurs pour la Colombie- Britannique en 1871 et quatre sénateurs pour l'Ile-du-Prince- Edouard en 1873. Une province ou un territoire qui s'ajoute constitue une nouvelle entité politique; il en va autrement lors d'un accroissement de la population d'une région donnée.

Les principaux rôles du Sénat sont de protéger la Constitution, les droits des minorités et les régions du Canada. Ce serait faire fi de la fonction de cette institution que de tenter de donner suite aux volontés de réforme au cas par cas.

Ce qu'il faut, c'est une remise en question complète du rôle, des pouvoirs et de la composition du Sénat. Ce n'est qu'ensuite que nous serons sur la voie d'un Sénat canadien moderne.

[Traduction]

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, je remercie madame le sénateur Ringuette et je lui rappelle que, dans l'accord de Charlottetown, les Canadiens ont aussi rejeté le droit à l'autonomie gouvernementale pour les peuples autochtones du Canada. Cela ne signifie pas pour autant que nous ne poursuivons pas cet objectif particulier.

J'ai proposé mon amendement parce que le premier ministre Chrétien lui-même a reconnu que la Colombie-Britannique était une région distincte. Pour cette raison, j'ai pensé qu'il était injuste que cette province soit traitée différemment de toute autre région du pays. Les provinces maritimes ont participé étroitement au processus qui leur a permis d'obtenir les 24 sièges qu'elles détiennent, mais nous, dans l'Ouest du pays, avons dû nous satisfaire de ce qu'on nous a donné lorsque nous nous sommes joints à la Confédération.

Mon amendement vise à faire en sorte que les souhaits du premier ministre et de ma collègue soient pleinement exaucés dans la Constitution. On se contente de dire de belles paroles à la Colombie- Britannique; on lui dit : « Oui, vous êtes une région, mais pas vraiment. » C'est le genre de propos qu'on tient habituellement aux gens de l'Ouest. Pourtant, nous sommes une région. Les Prairies et la Colombie-Britannique constituent une région et devraient être représentées par 24 sénateurs, tout comme les Maritimes.

Je trouve plutôt étrange qu'il y ait 30 sénateurs dans le Canada atlantique, contre 24 dans l'Ouest, soit du Manitoba à la Colombie- Britannique. À mon avis, cela n'a pas de sens et c'est pourquoi j'ai proposé cet amendement.

Par conséquent, je demande à tous les honorables sénateurs présents d'appuyer l'amendement. Je ne suis pas certain si mon intervention à ce moment-ci met fin au débat sur mon amendement.

Le sénateur Ringuette : J'attendais une question.

Le sénateur Cools : Posez une question à l'honorable sénateur.

Le sénateur Tkachuk : Je n'ai jamais posé de question. Je ne suis pas intéressé à poser une question. Je me suis levé pour parler de ma motion et je crois que mon intervention relativement à ma motion met fin au débat.

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : J'aimerais proposer l'ajournement du débat.

Son Honneur le Président : Premièrement, je vais demander au Bureau combien de temps il reste au sénateur Ringuette.

Le sénateur Cools : Il reste cinq minutes. Il est sauf.

Son Honneur le Président : En conséquence, la présidence a cru que...

Le sénateur Cools : Prenez cela comme une question.

Son Honneur le Président : ... le sénateur Tkachuk faisait une observation ou posait une question.

Le sénateur Cools : Oui, et j'ai une question à poser moi aussi.

Son Honneur le Président : À l'ordre, s'il vous plaît. Il a indiqué son intention de prendre la parole. Je dois faire savoir aux sénateurs que si le sénateur Tkachuk prend la parole, cela mettra fin au débat.

Nous parlons de la motion d'amendement et il n'y a pas à ce moment-ci de droit de réplique, contrairement à ce qui se passe avec une motion principale.

Le sénateur Ringuette : Puis-je répondre?

Son Honneur le Président : La motion était recevable. J'accorde la parole au sénateur Tardif, qui a proposé l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

(1620)

L'ÉTUDE DE LA POLITIQUE NATIONALE DE LA SÉCURITÉ

RAPPORT MODIFIÉ DU COMITÉ DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'étude du quatrième rapport (intérimaire), tel que modifié, du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense intitulé Face aux turbulences, De la nécessité d'actualiser l'aide extérieure et la force militaire du Canada en réponse aux changements d'envergure qui surviennent, déposé au Sénat le 21 novembre 2006. —(L'honorable sénateur Banks)

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, en raison de la nature inhabituelle des délibérations de demain et compte tenu du fait que, en raison d'une motion adoptée aujourd'hui, il se pourrait que je ne puisse pas être présent demain, compte tenu également du fait que l'article est inscrit au Feuilleton depuis 14 jours, je voudrais ajourner le débat sur la motion à mon nom pour le temps de parole qui me reste.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

DROITS DE LA PERSONNE

MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À ÉTUDIER LA RÉSOLUTION DE 2006 DE L'ORGANISATION POUR LA SÉCURITÉ ET LA COOPÉRATION EN EUROPE SUR L'ANTISÉMITISME ET LES AUTRES FORMES D'INTOLÉRANCE—RECOURS AU RÈGLEMENT—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Fraser, au nom de l'honorable sénateur Grafstein, appuyée par l'honorable sénateur Cook,

Que la Résolution suivante sur la lutte contre l'antisémitisme et les autres formes d'intolérance, adoptée à la 15e session annuelle de l'Association parlementaire de l'OSCE, à laquelle le Canada a participé, à Bruxelles, en Belgique, le 7 juillet 2006, soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des droits de la personne pour étude et que le comité présente son rapport final au Sénat au plus tard le 31 mars 2007 :

LA LUTTE CONTRE L'ANTISÉMITISME ET LES AUTRES FORMES D'INTOLÉRANCE

1. Rappelant les résolutions sur l'antisémitisme qui ont été adoptées à l'unanimité par l'Assemblée parlementaire de l'OSCE à ses sessions annuelles de Berlin en 2002, de Rotterdam en 2003, d'Édimbourg en 2004 et de Washington en 2005,

2. Souhaitant faire mieux percevoir la nécessité de lutter contre l'antisémitisme, l'intolérance et la discrimination à l'égard des musulmans, de même que contre le racisme, la xénophobie et la discrimination, tout en se préoccupant de l'intolérance et de la discrimination auxquelles sont confrontés les chrétiens et les membres d'autres religions ainsi que les minorités dans différentes sociétés,

L'Assemblée parlementaire de l'OSCE

3. Prend acte des mesures adoptées par l'OSCE et le Bureau des Institutions démocratiques et des Droits de l'homme (BIDDH) pour aborder le problème de l'antisémitisme et d'autres formes d'intolérance, notamment les travaux de l'Unité pour la tolérance et la non-discrimination au sein du BIDDH, la nomination des représentants personnels du Président en exercice et l'organisation de réunions d'experts sur la question de l'antisémitisme;

4. Rappelle aux États participants que « par antisémitisme, on entend une certaine perception des Juifs qui peut se traduire par de la haine. Les manifestions rhétoriques et physiques de l'antisémitisme visent les Juifs ou les non-Juifs et/ou leurs biens, de même que les institutions communautaires et installations religieuses juives » [définition de l'antisémitisme adoptée par les représentants de l'Observatoire européen pour les phénomènes racistes et xénophobes (EUMC) et du BIDDH];

5. Prie instamment ses États participants d'établir un cadre juridique pour des mesures ciblées en vue de lutter contre la diffusion de documents racistes et antisémites par l'Internet;

6. Prie instamment ses États participants d'intensifier les efforts qu'ils déploient pour lutter contre la discrimination à l'encontre des minorités religieuses ou ethniques;

7. Prie instamment ses États participants de présenter des rapports écrits à la session annuelle de 2007 sur leurs activités de lutte contre l'antisémitisme, le racisme et la discrimination à l'encontre des musulmans;

8. Se félicite de l'offre du gouvernement roumain d'accueillir en 2007 une conférence de suivi sur la lutte contre l'antisémitisme et toutes les formes de discrimination en vue d'examiner toutes les décisions adoptées lors des conférences des l'OSCE (Vienne, Bruxelles, Berlin, Cordoue, Washington), au titre desquelles les États participants ont pris des engagements, avec une demande de proposition visant à améliorer leur mise en œuvre, et invite les États participants à adopter une décision à ce sujet lors de la prochaine Conférence ministérielle à Bruxelles;

9. Prie instamment ses États participants de fournir périodiquement au Bureau des Institutions démocratiques et des Droits de l'homme des informations faisant le point sur la mise en œuvre des 38 engagements pris lors des conférences de l'OSCE (Vienne, Bruxelles, Berlin, Cordoue, Washington);

10. Prie instamment ses États participants d'élaborer des propositions pour des plans d'action nationaux visant à lutter contre l'antisémitisme, le racisme et la discrimination à l'encontre des musulmans;

11. Prie instamment ses États participants de faire mieux percevoir la nécessité de protéger les institutions juives et d'autres institutions de minorités dans les diverses sociétés;

12. Prie instamment ses États participants de désigner des médiateurs ou des commissaires spéciaux chargés de présenter et de promouvoir des lignes directrices nationales sur les activités pédagogiques visant à favoriser la tolérance et à lutter contre l'antisémitisme, y compris un enseignement consacré à l'Holocauste;

13. Souligne la nécessité d'un large appui du public ainsi que de coopérer avec les représentants de la société civile qui participent au recueil, à l'analyse et à la publication des données sur l'antisémitisme, le racisme et les violences connexes et de favoriser leur action;

14. Prie instamment ses États participants d'aborder l'histoire de l'Holocauste et de l'antisémitisme et d'analyser le rôle des institutions publiques dans ce contexte;

15. Demande à ses États participants de prendre position contre toutes les formes actuelles d'antisémitisme, où qu'elles se manifestent;

16. Décide d'associer d'autres organisations interparlementaires, telles que l'Union interparlementaire, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), l'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne (APEM) et l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, à ses efforts visant à donner suite aux requêtes formulées ci- dessus. — (L'honorable sénateur Cools)

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je prends la parole sur la motion du sénateur Grafstein, une motion qui demande au Sénat de renvoyer au Comité sénatorial permanent des droits de la personne une résolution de l'Association parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Il s'agit d'une résolution sur la lutte contre l'antisémitisme et les autres formes d'intolérance. C'est une motion intéressante, et je vais voir ce que je peux en dire.

Honorables sénateurs, comme bien d'autres, je déplore le racisme sous toutes ses formes et expressions. Comme les sénateurs le savent, je suis née dans les Antilles britanniques, à la Barbade. Dès les années 1600, cette île a été le foyer d'une communauté juive, l'une des plus anciennes du Nouveau Monde. Cette communauté de Juifs sépharades était prospère à la Barbade.

Des Juifs étaient installés dans les Antilles bien avant l'arrivée de représentants de ce peuple en Amérique du Nord, que ce soit aux États-Unis ou au Canada.

Au vieux cimetière juif de la Barbade, on voit des pierres tombales aux inscriptions à peine lisibles, qui sont datées des années 1650. Je connais assez bien l'histoire du peuple juif. J'ai moi-même du sang juif dans les veines. J'ai bien des raisons de comprendre le racisme, les préjugés et la persécution.

Honorables sénateurs, peu de temps après mon arrivée au Canada, à l'âge de 13 ans, j'étais avec ma mère dans un magasin de vêtements, où j'ai constaté que certains membres du personnel avaient des numéros de série tatoués sur le bras. J'ai posé des questions, et ma mère m'a rapidement expliqué ce que cela voulait dire. Elle m'a ainsi parlé de l'Holocauste. J'ai été horrifiée.

Honorables sénateurs, ce fut mon premier contact avec ces gens qui avaient été victimes d'atrocités et de barbarie. Par la suite, j'ai longtemps pensé à l'impensable, à l'extermination planifiée de millions de Juifs.

À 13 ans, nouvelle venue au Canada, j'ai vite appris que des expressions telles « radin comme un juif » ou « travailler comme un nègre » étaient courantes chez bien des Canadiens. J'ai appris à comprendre le racisme et les distinctions ethniques.

Cela peut sembler étrange, puisque je venais des Antilles britanniques, mais dans les Antilles, il y avait essentiellement les Noirs, les Blancs et les Bruns. Il n'y avait pas beaucoup d'autres groupes ethniques. Il y avait quelques Juifs, entre autres. C'est en arrivant au Canada que j'ai appris à comprendre le racisme.

Honorables sénateurs, le sénateur Segal a tenu des propos qui m'ont intéressée dans son intervention sur cette motion. Il a traité des peuples sémites qui, bien que beaucoup l'ignorent aujourd'hui, englobent non seulement les différentes communautés juives, mais aussi les peuples arabes et d'autres encore.

En fait, les Juifs et les Arabes ont un ancêtre commun en la personne d'Abraham, qui était le père d'Ismaël, dont les Arabes sont les descendants, et qui était aussi le père d'Isaac, dont les Juifs sont les descendants.

Par ailleurs, les langues sémites comprennent l'arabe, l'hébreu, le syriaque et l'araméen. Comme les sénateurs le savent, l'araméen est la langue que parlait Jésus-Christ.

Comme bien des Canadiens, je suis consciente des remarques racistes que j'entends souvent à propos des Arabes. Ces dernières années, le mot « terroriste » semble indissociable des mots « arabe », « islam » et « musulman ». L'expression « terroristes arabes et islamiques » est courante dans la langue d'aujourd'hui.

Beaucoup de Canadiens arabes et islamiques me parlent de la douleur qu'ils ressentent et du fardeau qu'ils doivent porter à cause des préjugés et du racisme dont ils sont victimes et ils me parlent aussi des efforts qu'ils font pour surmonter cela et être de bons Canadiens.

Honorables sénateurs, dans le discours qu'il a prononcé ici le 28 février 2007, le sénateur Segal a dit ceci :

[...] même si l'antisémitisme est plus souvent qu'autrement perçu comme de la haine et du sectarisme envers les juifs, il ne faut pas perdre de vue la définition plus large du terme. En effet, le terme désigne également les Arabes. Dans le contexte social actuel, il ne faut pas laisser un type de sectarisme se substituer à un autre. La lutte contre l'antisémitisme doit aussi comprendre le rejet de la haine et du sectarisme contre les Arabes.

Honorables sénateurs, je connais l'histoire du peuple juif et du peuple arabe. Je connais aussi l'histoire de la terre sainte, particulièrement celle de la partie de la grande Syrie qu'on appelle Palestine. À l'époque des Romains, je crois que cette région portait le nom de Syria Palestina. Je sais bien des choses au sujet de la création d'Israël et au sujet des souffrances des réfugiés palestiniens dépossédés.

Honorables sénateurs, je sais aussi que le monde veut qu'on mette fin au bain de sang et au carnage au Moyen-Orient. Il veut la paix dans la région qui nous a donné les trois grandes religions, soit le judaïsme, le christianisme et l'islam.

En tant que chrétienne, j'ai beaucoup réfléchi à tout cela la semaine dernière en voyant les puissants symboles du temps pascal, comme le Christ crucifié, et en écoutant des chorales magnifiques chanter le Messie de Haendel qui, comme nous le savons, s'inspire d'un livre de l'Ancien Testament, le livre d'Isaïe. Le Christ crucifié, le Christ ressuscité et leurs messages pascals de rédemption, de pardon et d'amour sont saisissants, puissants et, j'oserais dire, nécessaires.

Honorables sénateurs, je croyais que cette motion visait à demander au Comité sénatorial permanent des droits de la personne d'étudier l'antisémitisme et le racisme. Cependant, en préparant mes remarques, j'ai découvert que cette motion ne se limitait pas seulement à cela, mais qu'elle portait plutôt sur l'examen d'une résolution d'une assemblée étrangère, soit l'Assemblée parlementaire de l'OSCE.

En conséquence, honorables sénateurs, je souhaite invoquer le Règlement. Mais avant, j'aimerais aussi souligner que cette motion renferme d'autres lacunes.

Je ne suis pas certaine de son statut, vu qu'à l'origine elle demandait au comité de terminer son rapport final pour le 31 mars 2007. Cette partie de la motion est peut-être échue, mais là n'est pas le problème s'il est possible d'amener des éléments nouveaux.

L'autre lacune se trouve dans la motion, qui dit ceci :

Que la résolution suivante sur la lutte contre l'antisémitisme et les autres formes d'intolérance, adoptée à la 15e session annuelle de l'Association parlementaire de l'OSCE, à laquelle le Canada a participé, à Bruxelles, en Belgique le 7 juillet 2006...

... et la motion se poursuit.

(1630)

Je crois qu'il s'agit d'une erreur, honorables sénateurs, car plus loin il est question de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, mais le texte de la motion est tel que je viens de le lire. En d'autres mots, il s'agit là de l'ordre de renvoi. Il y a là un défaut. Je connais mal ces organismes internationaux, mais il me semble que là où, dans le corps du texte de la motion, il est question d'« Association parlementaire », il s'agit peut-être d'« Assemblée parlementaire ». À mi-page, on peut lire ceci :

Rappelant les résolutions sur l'antisémitisme qui ont été adoptées à l'unanimité par l'Assemblée parlementaire de l'OSCE [...]

Le mot qui semble revenir est « assemblée ». Il serait peut-être bon d'étudier la question.

Les raisons pour lesquelles je demande au Président de déclarer cette motion irrecevable concernent des éléments un peu plus importants que ces deux points, qui sont relativement peu importants.

Je voudrais demander à Son Honneur de déclarer cette motion irrecevable parce qu'elle demande à un comité du Sénat de porter un jugement sur les délibérations d'une autre assemblée, ce que la pratique parlementaire interdit depuis longtemps. Cette interdiction se fonde sur la notion que les parlements et les assemblées ont une compétence exclusive sur leurs propres délibérations. C'est un aspect particulier du droit du Parlement, largement reconnu par la jurisprudence parlementaire et judiciaire.

Honorables sénateurs, ce principe, appelé souveraineté du Parlement ou indépendance des Chambres, est jalousement préservé. En même temps, le Sénat et la Chambre des communes agissent de même à l'égard des autres assemblées, reconnaissant leur compétence exclusive sur leurs propres délibérations. Encore une fois, c'est la notion de la souveraineté parlementaire, qui comprend aussi la notion selon laquelle une assemblée ou ses membres ne doivent pas demander de faveurs à une autre assemblée et n'ont pas à être convoqués comme témoins auprès d'une autre assemblée.

Je demande aux honorables sénateurs d'imaginer ce que serait la réaction du Sénat s'il découvrait que d'autres assemblées cherchaient à se prononcer ou à porter un jugement sur ses propres délibérations.

Honorables sénateurs, je le répète, le principe de la souveraineté ou de l'indépendance parlementaire est tel que ni le Sénat ni aucune autre assemblée ne devrait tolérer que ses jugements soient remis en question par une autre assemblée et, inversement, que le jugement d'une autre assemblée ne devrait pas être remis en cause au Sénat.

Je ne sais pas ce qu'il en est des autres assemblées d'Europe, mais pour ce qui est du Sénat, ce principe a été établi dans le Bill of Rights de 1689. En effet, d'après l'article 9 de cette déclaration :

[...] ni la liberté de parole, ni celle des débats ou procédures dans le sein du Parlement, ne peut être entravée ou mise en discussion en aucune cour ou lieu quelconque que le Parlement lui-même;

Nous devons comprendre ce que signifie l'expression « mise en discussion ». Elle signifie débattue et examinée. Nous devons comprendre que je ne parle pas ici du fond, du mérite ou de l'intention de la motion proposée.

Honorables sénateurs, de saines relations constitutionnelles, aussi bien au Canada qu'ailleurs, interdisent de soumettre les décisions d'une assemblée au jugement d'une autre assemblée. Toutes les assemblées sont constitutionnellement libres d'examiner la même question et d'aboutir à la même conclusion. Bref, toute assemblée indépendante est libre de se prononcer sur n'importe quelle question. Toutefois, son jugement doit être indépendant et ne doit pas être lié aux décisions d'une autre assemblée.

La motion du sénateur Grafstein vise à demander au Sénat de porter un jugement sur un ensemble de résolutions de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, car je crois qu'il y en a plus d'une.

Honorables sénateurs, il est parfaitement acceptable et même parfois souhaitable que le Sénat s'inspire des jugements, conclusions et débats d'autres assemblées. Toutefois, les délibérations du Sénat, même si elles portent sur un sujet déjà abordé par l'OSCE, doivent être indépendantes des délibérations de l'OSCE. Le Sénat doit adopter sa propre résolution et demander à ses comités d'examiner la question de l'antisémitisme, mais pas de la façon proposée par le sénateur Grafstein, dans le cadre des résolutions de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE.

Honorables sénateurs, cela m'amène à un autre point connexe de procédure. La motion du sénateur Grafstein est également irrecevable parce qu'elle demande au Sénat de renvoyer des délibérations de l'OSCE à un comité sénatorial. Le Sénat ne peut pas le faire parce qu'il n'a jamais reçu la résolution. Le Sénat ne peut pas renvoyer à un comité une chose qu'il n'a pas reçue.

Honorables sénateurs, quand le Sénat reçoit des projets de loi, des pétitions, des interpellations et d'autres rapports et documents, il peut les renvoyer à des comités, mais il doit s'agir d'une question relevant de sa compétence. En fait, un examen attentif du Règlement et des procédures du Sénat révèle rapidement qu'il n'existe aucune règle relative à la réception des délibérations d'assemblées autres que la Chambre des communes. Le Règlement et les procédures du Sénat, qui se fondent sur l'article 18 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, ne prévoient pas la réception des délibérations d'autres assemblées. De plus, les assemblées étrangères relèvent des affaires étrangères, ce qui nous ramène à des questions que j'ai déjà soulevées dans le cadre d'un autre débat.

Honorables sénateurs, c'est une question très importante. Nous devons nous conformer aux règles applicables parce que la question de l'antisémitisme est très opportune.

J'ai récemment lu un article de Shira Herzog dans le Globe and Mail du 11 avril 2007. L'article était intitulé « La paix à l'horizon, mais les dirigeants israéliens vont-ils réagir? » La plupart des Européens, des Israéliens, des Arabes et des Canadiens, de même qu'un nombre croissant d'Américains, veulent la paix.

Honorables sénateurs, l'antisémitisme, avec ses pogroms, ses atrocités, ses ghettos et ses attaques contre les Juifs, est une affreuse invention européenne. J'ai beaucoup lu sur les pogroms des années 1890. Bien des gens le taisent, mais l'antisémitisme européen avait également pour base l'envie et la jalousie, car beaucoup enviaient — j'espère que je ne choque personne — l'industrie, la richesse, l'intelligence et le savoir des Juifs. Quels que soient les péchés du Canada, ils n'ont rien à voir avec ceux de l'Europe. Peut-être l'Europe doit-elle expier ses péchés, mais ceux du Canada ne sont pas du même ordre.

Honorables sénateurs, je me rappelle que c'est juste avant mon arrivée que l'Université McGill a levé les quotas imposés sur le nombre d'étudiants juifs. J'ai beaucoup d'amis qui ont étudié la médecine et qui ont dû partir en Europe. Je connais d'autres juristes juifs qui n'ont pu se faire admettre à McGill et qui sont allés faire leurs études en français à l'Université de Montréal.

(1640)

Honorables Sénateurs, la motion du sénateur Grafstein est opportune, même si elle est irrégulière. Je l'invite à la reformuler d'une manière acceptable sur le plan de la procédure. Elle est opportune, bien qu'imparfaite, parce qu'une étude sénatoriale sérieuse sur l'antisémitisme devrait porter aussi sur le racisme à l'égard des Arabes, ainsi que sur l'utilisation de plus en plus répandue du terme antisémitisme comme moyen d'intimidation, comme moyen de réduire au silence quiconque met en doute les politiques israéliennes.

Certains cherchent maintenant à présenter comme antisémites les politiques anti-israéliennes. Il existe un corpus de plus en plus important d'études universitaires et de documents consacrés à l'utilisation erronée et politiquement motivée d'accusations d'antisémitisme contre ceux qui critiquent les politiques israéliennes ou le sionisme. On élargit la définition de l'antisémitisme pour y englober toute critique de la politique israélienne à l'égard des Palestiniens, des territoires occupés, des réfugiés palestiniens ou de la question d'une patrie pour les Palestiniens.

Honorables sénateurs, les problèmes du Moyen-Orient gravitent autour du règlement du sort et du statut des réfugiés palestiniens et de la question d'une patrie pour cette population.

J'ai été très touchée par l'intervention du sénateur Segal. En fait, à dire vrai, je n'avais pas remarqué la motion avant qu'il n'attire mon attention sur elle. Si je me souviens bien, j'ai écouté le sénateur très attentivement.

Honorables sénateurs, à mon avis, la motion du sénateur Grafstein est irrecevable pour les raisons que j'ai énumérées. Les créatures parlementaires étranges ne manquent pas parmi ces motions. Il y en a une que j'ai contestée il y a deux semaines — le Sénat aurait été un suppliant auprès d'un souverain étranger. Il y a tellement de motions étranges. Lorsque j'en remarque une au cours des délibérations parlementaires, j'estime avoir l'obligation d'intervenir et de voir s'il est possible d'apporter des rectifications pour éviter l'instauration de pratiques inadmissibles, car ces pratiques peuvent souvent, à tort, être considérées comme des précédents.

Honorables sénateurs, j'invite le Président, le sénateur Kinsella, à reconnaître que la motion est irrégulière et à rendre une décision en conséquence. Je tiens aussi à remercier le sénateur Grafstein des bonnes intentions qui l'ont poussé à soulever cette question, et je l'invite à présenter une motion rédigée de façon à respecter l'indépendance du Sénat et celle des autres assemblées. Cette nouvelle version de la motion ne modifierait en rien le fond de la question ou des questions que la motion nous propose d'étudier.

Honorables sénateurs, je vous remercie de l'attention que vous accordez à la question. Nos ancêtres nous ont légué un ensemble de principes et de règles pour mener nos travaux. Lorsque j'étais petite, mon institutrice me disait toujours que la magnificence et la majesté du régime britannique reposaient sur les règles. Dans les règles, et pas si souvent dans les conclusions, ce sont les règles qui importent, qu'il s'agisse d'un régime parlementaire, d'un système de jugement avec jury ou d'un ensemble de règles de preuve à respecter pour soutenir les accusations et en établir le bien-fondé. Je voudrais donc inviter les sénateurs à faire plus attention, si possible, à la rédaction de certaines de ces motions. Pour l'instant, je dois dire que, selon la décision que la présidence rendra, j'ai hâte de traiter plus sérieusement des questions de fond que soulève l'antisémitisme. Ce sont toutefois des questions importantes, et je dois dire aux sénateurs que le peuple sémite, au Canada et dans le monde entier, attache une grande importance à ce débat.

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, il se peut fort bien que, comme ma collègue le dit, la majesté du système de Westminster repose sur les règles, mais je dois dire qu'il y a eu bien des cas de lèse-majesté dans l'initiative prise cet après-midi.

Madame le sénateur a prononcé un bon discours sur la motion, divisant son intervention en deux parties. D'abord, elle nous a proposé un historique fort intéressant, comme toujours, car elle a beaucoup d'expérience et fait beaucoup de recherches sur ces questions. Après cette première partie de son intervention, elle a ouvert une parenthèse pour dire que la motion était irrecevable pour les raisons qu'elle avait énumérées. Elle a alors refermé la parenthèse et conclu son discours qui traitait de la motion qu'elle venait de prétendre irrecevable.

Je suis content d'être resté cet après-midi, car il s'est passé des choses singulières, d'après mon expérience et mes observations, et sans aucun précédent. À mon avis, l'une des questions auxquelles Son Honneur doit réfléchir est celle de savoir si on peut faire ce que madame le sénateur vient de faire. Assurément, si son rappel au Règlement au sujet de la recevabilité de la motion est fondé, madame le sénateur aurait dû présenter son recours au Règlement et attendre la décision de la présidence. Elle aurait dû tout au moins attendre le consensus du Sénat comme quoi le débat pouvait se poursuivre sans présumer de l'issue du rappel au Règlement ou le rappel au Règlement pouvait être pris en considération sans empêcher la poursuite du débat pendant un certain temps.

La deuxième question qui me trottait dans la tête, en écoutant le rappel au Règlement du sénateur Cools, est la suivante : le Comité des droits de la personne a-t-il vraiment besoin d'un ordre de renvoi pour étudier une question comme celle qui est proposée dans la motion du sénateur Grafstein?

Je suis conscient que le mandat du comité, comme celui de la plupart des autres comités, dit : le comité « auquel peuvent être renvoyés, sur décision du Sénat, les projets de loi, messages, pétitions », notamment, « concernant les droits de la personne en général ». Il s'agit de savoir si un ordre de renvoi précis est nécessaire.

Seuls deux comités permanents sont explicitement autorisés à agir de leur propre initiative : le Comité du Règlement et le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. Les sénateurs ont constaté que certains comités s'octroyaient une grande latitude pour discuter sans ordre de renvoi précis de questions qui relèvent de leur mandat et pour en faire rapport. Cela se fait en partie sous la rubrique du Budget des dépenses, par exemple. Au Comité sénatorial permanent des finances nationales, nous pouvons étudier à peu près n'importe quoi, pourvu que nous soyons officiellement saisis du Budget des dépenses. Au Comité sénatorial permanent des langues officielles, nous pouvons nous intéresser à n'importe quoi ou presque, pourvu que nous soyons saisis du rapport du commissaire aux langues officielles. Nous n'avons pas l'impression de devoir demander tellement fréquemment un ordre de renvoi précis. D'autres comités abordent ces questions différemment.

(1650)

Pendant que vous vous penchez sur le recours au Règlement du sénateur Cools, vous pouvez vous demander dans quelle mesure le Sénat souhaite laisser une étroite marge de manœuvre à ses comités permanents ou, si vous voulez, dans quelle mesure un comité permanent devrait avoir la latitude de se pencher sur des questions qui relèvent habituellement de son mandat et de ses fonctions.

Son Honneur le Président : Y a-t-il d'autres commentaires sur le recours au Règlement?

Le sénateur Cools : Je remercie le sénateur Murray de son intervention et de son interprétation quelque peu boiteuse de mes propos. Dans mon introduction, j'ai parlé de mon expérience personnelle et de ma connaissance du sujet. Dans la dernière partie de mon intervention, j'ai remercié le sénateur Grafstein, qui a une vaste expérience de l'engagement communautaire à Toronto, de l'actualité et de l'importance de son initiative.

En terminant, je précise que la question dont nous discutions avant le recours au Règlement — question que le sénateur Murray n'a pas vraiment abordée — portait sur le fait que très peu de comités ont la capacité de prendre des initiatives. Un de ceux-là est le Comité du Règlement et il y a aussi le Comité de la régie interne. Il y en a un autre, mais j'oublie lequel.

Permettez-moi de lire ce que le Règlement du Sénat dit à l'alinéa 86(1)s) relativement au Comité sénatorial des droits de la personne.

Le Comité sénatorial des droits de la personne, composé de neuf membres, dont quatre constituent un quorum, auquel peuvent être renvoyés, sur décision du Sénat, les projets de loi,

messages, pétitions, interpellations, documents et autres matières concernant les droits de la personne en général.

Le Comité des droits de la personne a donc très peu de liberté pour lancer des études importantes de son propre chef.

Le sénateur Murray a tout à fait raison de dire que n'importe quel comité peut renvoyer à une étude ou reprendre des résolutions d'autres chambres. Je me préoccupe de la composition d'un ordre de renvoi de cet endroit. Je crois que le sénateur Grafstein avait raison de réclamer un ordre de renvoi — c'est le terme exact — du Sénat.

Honorables sénateurs, si je soulève cela, c'est pour très clairement illustrer qu'on ne peut renvoyer n'importe quoi à un comité. Rappelons-nous que tout renvoi peut prendre la forme d'un ordre du Sénat.

Les dispositions sur les comités commencent au paragraphe 86(1) et se terminent à la fin de cette partie. On peut très rapidement constater, en lisant chaque article de cette partie du Règlement, qu'aucune rubrique ne prévoit le renvoi en masse de décisions prises par d'autres assemblées aux comités aux fins d'étude et d'analyse.

Je me suis penchée de très près sur la question. Je peux assurer aux honorables sénateurs que nulle part dans le Règlement envisage-t-on un scénario dans lequel une chambre du Parlement ferait l'objet d'un débat dans une autre chambre.

Peut-être est-ce un nouveau phénomène, peut-être que j'appartiens à une autre époque. En fait, les honorables sénateurs constateront, s'ils lisent le Feuilleton, où sont inscrites les questions qui peuvent être présentées au Sénat, que le problème est le même : il n'y a pas de rubrique traitant de cela.

Peut-être le Canada devrait-il s'attendre à ce que les décisions et résolutions prises par son Parlement soient étudiées, débattues, et condamnées par d'autres assemblées. Il se pourrait très bien que d'autres assemblées, des assemblées étrangères, commencent à user de leurs pouvoirs juridiques et d'assignation à comparaître pour contraindre nos collègues à comparaître devant elles en tant que témoins.

Une telle situation me préoccuperait, surtout dans le cas de quelqu'un comme le sénateur Dallaire, qui a beaucoup d'expérience sur la scène internationale et dont les opinions n'ont pas toujours été accueillies à l'étranger et par d'autres législatures. Je serais très malheureuse si une de ces assemblées essayait d'user de ses pouvoirs juridiques pour obliger un des nôtres à comparaître devant elle.

Honorables sénateurs, voilà la question. Je ne voulais pas m'en prendre au mérite ni à la substance de la proposition; il se pourrait très bien qu'une motion convenablement rédigée arrive à certaines de ces mêmes conclusions. Tout ce que je dis, c'est que l'indépendance dont jouit notre enceinte exige que nous menions notre propre étude, que nous arrivions à nos propres conclusions, que nous effectuions nos propres recherches, que nous recueillions nos propres preuves et que nous ne jugions pas les décisions prises par d'autres assemblées. Voilà tout.

Son Honneur le Président : J'aimerais remercier tous les honorables sénateurs de nous avoir fait part de leurs opinions sur ce rappel au Règlement, que je prendrai en délibéré.

[Français]

L'EFFET DE LA CHARTE DES DROITS ET LIBERTÉS SUR LES DROITS DES CANADIENS ET SUR LES PRÉROGATIVES DU PARLEMENT

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Segal, attirant l'attention du Sénat sur l'effet que la Charte des droits et libertés a eu depuis 24 ans sur les droits des Canadiens et des Canadiennes et sur les prérogatives du Parlement du Canada. — (L'honorable sénateur Andreychuk)

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui dans le cadre de l'interpellation du sénateur Segal au sujet de l'effet qu'a eu la Charte des droits et libertés depuis 25 ans sur les droits des Canadiennes et des Canadiens.

[Traduction]

Comme le savent les honorables sénateurs, le 17 avril marque le 25e anniversaire de la Charte canadienne des droits et libertés. C'est un honneur pour moi de participer et, je l'espère, de contribuer au débat en cours sur la Charte, et je le fais en toute humilité.

À l'occasion de cet anniversaire important qui marque l'inclusion de la Charte des droits et libertés dans notre Constitution, il est tout à fait approprié que nous, à titre de sénateurs, prenions part au débat et nous penchions sur les importantes répercussions de ce document sur les droits dans notre pays.

Selon Patrick Monahan, le doyen de l'École de droit Osgoode Hall, la Charte a amélioré les conditions de vie au Canada. Dans l'Ottawa Citizen du 15 avril, il a dit, et je le cite :

Notre société est plus équitable [...] Elle traite les personnes avec davantage de compassion et d'équité et je pense qu'elle fournit des freins et contrepoids à l'exercice du pouvoir politique.

[Français]

Dans leurs discours, les honorables sénateurs qui m'ont précédée nous ont parlé de façon éloquente de l'impact que la Charte a eu de façon générale sur les individus en protégeant leur liberté d'expression, d'association, de circulation, ainsi que les droits des peuples autochtones et le droit à l'égalité devant la loi.

Leurs interventions éclairées et réfléchies enrichissent le débat et contribuent au dialogue entamé il y a 25 ans entre les législateurs, les juristes, les chercheurs et la société civile. Il est clair aussi, à la lumière des nombreux ouvrages, articles, textes, discours et colloques qui sont organisés afin de commémorer cet événement, que l'enchâssement de la Charte dans la Constitution canadienne ne laisse pas beaucoup de gens indifférents.

Selon moi, cela témoigne de l'impact bien réel et tangible que la Charte a eu sur la vie de nombreux Canadiens et Canadiennes et de certaines communautés.

[Traduction]

Le dimanche 15 avril, l'Ottawa Citizen a publié un intéressant article de fond au sujet des décisions liées à la Charte qui ont établi nos droits au cours des 25 dernières années en matière de religion, de liberté de la personne, de liberté d'expression, du droit à l'égalité et dans beaucoup d'autres domaines. Bien que j'aie trouvé cet article très intéressant, j'ai été frappée par le fait que nulle part il était fait mention des répercussions profondes de l'article 23 de la Charte et des décisions judiciaires ultérieures sur les droits en matière d'éducation des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

[Français]

Cette omission surprenante m'a confirmé qu'il y a une façon de contribuer de façon constructive au débat en soulignant certains aspects moins connus de la Charte, comme l'impact sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Comme plusieurs d'entre vous le savent déjà, la Charte des droits et libertés a eu un impact significatif, tangible et bien réel pour les communautés francophones en situation minoritaire.

Selon moi, la Charte des droits et libertés, et plus particulièrement l'article 23, fut un moment déterminant dans l'évolution des droits linguistiques.

(1700)

[Traduction]

Dans un article récent, le commissaire aux langues officielles, Graham Fraser, a affirmé que :

[...] la Charte canadienne des droits et libertés renforçait les droits en matière d'égalité et de langue, [...] et que les droits linguistiques étaient un élément essentiel de la Charte.

Comme Daniel Bourgeois l'a expliqué récemment dans son livre Canadian Bilingual Districts, la Charte contient huit articles qui portent sur les droits linguistiques, de la reconnaissance de l'anglais et du français en tant que langues officielles du Canada et du Nouveau-Brunswick jusqu'au droit à l'instruction dans la langue de la minorité.

Toutefois, sur les huit articles qui portent sur les droits linguistiques, les universitaires, les représentants des collectivités, les politiciens et les citoyens ont tous convenu que l'article 23, qui reconnaît que « les communautés francophones ou anglophones en situation linguistique minoritaire, quelle que soit leur province, ont le droit de faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de la minorité et de diriger leur système scolaire là où le nombre le justifie », a joué un rôle décisif dans l'évolution des droits linguistiques.

[Français]

Selon Michael Behiels :

L'inscription en 1982 des droits scolaires dans la Charte canadienne des droits et libertés a bouleversé l'éducation de langue française.

Aux dires de Gino Leblanc, ancien président de la Fédération des communautés francophones et acadienne, l'article 23 de la Charte a été « une révolution dans le domaine de l'éducation ». Même dans sa décision dans l'affaire Mahé en 1990, la Cour suprême du Canada affirmait que :

[...] l'article 23 constitue la clé de voûte de l'engagement du Canada envers le bilinguisme et le biculturalisme.

Or, cela ne s'est pas produit du jour au lendemain et cela ne s'est pas avéré facile.

Comme le soulignait d'ailleurs Mme Dyane Adam, l'ancienne commissaire aux langues officielles, dans son rapport annuel de 2004, même si la Charte reconnaît des droits aux parents de la minorité, selon elle, et je cite :

Pour la minorité francophone, il faudrait encore une dizaine d'années de bataille devant les tribunaux pour que les parents obtiennent le droit à la gestion de leurs écoles.

Dans plusieurs provinces, notamment en Alberta, la Charte a marqué le début des écoles homogènes francophones financées par des fonds publics.

Dans ma communauté, en Alberta, il a fallu jusqu'en 1984, soit deux ans après l'enchâssement de la Charte, avant que les premières écoles francophones financées par les fonds publics ouvrent leurs portes : l'école Maurice Lavallée à Edmonton et l'école Marguerite Bourgeois à Calgary.

Avant l'enchâssement de la Charte, il n'existait aucune école homogène francophone financée par des fonds publics en Alberta. Ce n'est qu'après 1982 qu'il a été possible d'entrevoir la création d'écoles homogènes francophones financées par des fonds publics.

J'ai moi-même siégé au premier comité de parents qui a lutté pour l'obtention d'une école francophone financée par des fonds publics à Edmonton. Il a fallu maintes réunions, des pétitions, rédiger des soumissions aux conseils scolaires, changer la mentalité et la culture organisationnelle vis-à-vis des droits scolaires des francophones.

Il fallait convaincre non seulement les autorités et les parents anglophones mais aussi très souvent les parents francophones, qui étaient satisfaits de la situation actuelle.

Comme l'ancienne commissaire aux langues officielles l'écrivait si éloquemment dans son rapport annuel de 2004 :

Au début, ni la communauté majoritaire ni la communauté francophone n'étaient acquises au projet.

Cela s'expliquait par le fait qu'avant 1982, les revendications des Franco-Albertains n'étaient pas légitimes aux yeux d'une majorité d'Albertains.

Des écoles pour les francophones? C'était un caprice, ce n'était donc pas nécessaire. Il n'existait aucune infrastructure, tout était à faire.

La Charte a donc légitimé les revendications des parents auprès du gouvernement provincial, des conseils scolaires et des autorités locales. Avoir des écoles homogènes francophones, ce n'était plus un caprice, c'était maintenant reconnu par la loi fondamentale du pays!

Comme vous le savez tous, dans le cas de l'Alberta, il a aussi fallu qu'un groupe de parents se présente devant les tribunaux afin de faire valoir les droits qui leur étaient reconnus dans la Charte.

En tant que mère, j'aurais bien aimé que ma fille aînée fasse toute son éducation dans une école homogène francophone. Or ce n'est qu'en 1990, pour sa 12e année scolaire, que ma fille a pu recevoir finalement, pour la première fois, son éducation dans une telle école.

C'est également cette même année que la Cour suprême du Canada reconnaissait, dans la décision Mahé, le droit des francophones en situation minoritaire à la mise sur pied et à la gestion de leurs propres écoles.

Or, ce n'est qu'en 1994, soit 12 ans après l'entrée en vigueur de la Charte, que le gouvernement albertain mettait sur pied des conseils scolaires francophones en Alberta. Et pourtant, rappelez-vous qu'en 1982, l'Alberta avait signé la nouvelle Constitution et accepté la Charte.

La province avait donc accepté sur papier le principe de l'éducation dans la langue de la minorité mais, dans la pratique, ce fut beaucoup plus long. Plusieurs d'entre vous auraient des récits semblables à raconter au sujet de la mise sur pied d'écoles de langue française dans leur propre province, que ce soit au Manitoba, en Nouvelle-Écosse, à l'Ile-du-Prince-Edouard ou même en Ontario. Malgré le fait que la Charte nous reconnaissait des droits à l'instruction dans notre langue, il a fallu que plusieurs d'entre nous se présentent devant les tribunaux, à grands frais, afin de faire comprendre à nos gouvernements provinciaux que nous avions des droits. Combien de parents, d'enseignants, de directeurs d'école et d'associations communautaires ont dû travailler d'arrache-pied pour convaincre les autorités locales, les conseils scolaires et les gouvernements provinciaux qu'ils avaient des droits constitutionnels qui leur étaient conférés par la Charte! La Charte a donc tout changé.

Avant la Charte, il n'existait aucune école homogène francophone financée par les fonds publics en Alberta. Aujourd'hui, il existe plus de 30 écoles francophones en Alberta, cinq conseils scolaires, et il y a près de 5 000 élèves.

Les écoles francophones ont permis de freiner l'assimilation et de stimuler la vitalité de nos communautés francophones.

Je suis également de l'avis que la Charte a eu pour effet d'engendrer un dialogue entre les législateurs tant fédéraux que provinciaux, les tribunaux, la société civile et les gouvernements.

Comme le soulignait le commissaire aux langues officielles dans un article récent :

[Traduction]

Durant le dernier quart de siècle [...] les droits linguistiques se sont imposés et ont progressé au Canada à la faveur d'une discussion complexe à trois interlocuteurs : le Parlement canadien [...] les provinces et les tribunaux canadiens.

[Français]

Si nous n'avions pas eu la Charte, ce dialogue n'aurait pas eu lieu.

[Traduction]

Comme l'a dit lord Sankey dans la fameuse affaire « personnes », si la Constitution canadienne est perçue comme « un arbre vivant capable de grandir et de s'épanouir dans ses limites naturelles », la Charte et les droits linguistiques qu'elle a reconnus et aidé à développer continueront de s'épanouir et d'évoluer au fil du temps. La « discussion », comme l'appelle Graham Fraser, entre les parlementaires, les gouvernements provinciaux, les tribunaux, le gouvernement fédéral et les communautés de langue officielle en situation minoritaire continuera d'évoluer et de façonner notre avenir.

[Français]

Il importe aussi de se rappeler d'une chose très importante que Roger Tassé signalait dans un article récent :

La Charte est un cadre, un instrument ou une méthode qui permet de protéger nos libertés fondamentales contre les abus de pouvoir, les excès des autorités gouvernementales devant les changements qui secouent et continueront de secouer notre société et le monde.

La Charte protège les minorités de la tyrannie possible de la majorité.

Avant la Charte, comme le souligne André Braën :

Quelques épisodes linguistiques ont abouti devant les tribunaux à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle.

La Loi sur les écoles du Manitoba, vous connaissez? La Common Schools Act du Nouveau Brunswick, vous connaissez? L'Alberta Schools Act et le règlement 17 en Ontario, vous connaissez?

(1710)

La Charte a rendu de telles lois impossibles ou encore inopérantes parce qu'il n'était plus possible que les gouvernements provinciaux empêchent l'enseignement et la création d'écoles de langue française comme ils l'avaient fait avec ces lois répressives.

Comme le souligne notre ancien collègue, le professeur Gérald Beaudoin, le cheminement des droits linguistiques au Canada a été très long et la Charte a été un moment marquant dans cette évolution.

[Traduction]

Honorables sénateurs, alors que les débats politiques, philosophiques et intellectuels sur les répercussions de l'adoption de la Charte se poursuivent en ce 25e anniversaire, nous ne devons pas oublier que la Charte n'est pas qu'un document juridique abstrait n'ayant que de faibles répercussions sur nos vies quotidiennes. Ce document est devenu l'un des documents politiques et juridiques les plus importants dans l'histoire récente de notre pays et il a des effets réels et tangibles sur la vie quotidienne des communautés de langue officielle en situation minoritaire au pays. Comme mon histoire personnelle et celle de bon nombre d'autres personnes vivant dans des communautés de langue officielle en situation minoritaire au pays le démontrent, la Charte n'a pas seulement eu des effets abstraits et de haut niveau sur nos institutions et notre pensée politique, mais elle a également modifié de façon très tangible la vie de bon nombre de Canadiens.

L'honorable Noël A. Kinsella : Honorables sénateurs, à titre de Président du Sénat, je devrais me contenter de diriger les délibérations, mais puisque c'est aujourd'hui le 25e anniversaire d'un événement historique, je tenais à saisir l'occasion de participer au débat sur l'importante interpellation du sénateur Segal.

Honorables sénateurs, il y a 25 ans, Sa Majesté la reine Elizabeth II s'est assise à une table qui se trouvait devant la Tour de la Paix afin de signer la Loi constitutionnelle de 1982. Cette même table se trouve maintenant dans le bureau du Président du Sénat du Canada. Elle rappelle quotidiennement le travail accompli par de nombreux Canadiens afin d'obtenir le rapatriement de la Constitution, avec la Charte canadienne des droits et libertés. Sur le mur, à côté de cet artéfact, j'ai accroché une série de photos des réunions de premiers ministres qui ont permis cette réalisation. Je vous invite donc, quand vous viendrez sur la Colline du Parlement, à passer au bureau du Président du Sénat pour voir cette parcelle d'histoire de la Charte.

J'ai eu le plaisir, plus tôt dans la journée, de prononcer un discours à l'occasion de la conférence de l'Association des études canadiennes marquant les 25 ans de la Charte, conférence qui s'est déroulée à l'Université d'Ottawa. J'y ai abordé un certain nombre de points, le premier et le plus important étant l'exercice de la liberté, lequel connaît un vif succès au Canada depuis 140 ans, malgré quelques accrocs en cours de route; qu'il suffise de mentionner la taxe d'entrée, le Komagata Maru, l'internement des Canadiens d'origine japonaise, les pactes restrictifs antisémites et diverses autres formes de discrimination. Cependant, des générations successives d'hommes et de femmes de bonne volonté des quatre coins du Canada se sont montrées, à divers moments, à la hauteur de la situation et ont contribué de façon significative à accroître la liberté au Canada. De Macdonald à Cartier, en passant par les affaires des années 1930 concernant la Convention sur le travail et par les travaux de John Humphrey, de Maxwell Cohen et de Frank Scott, de l'Université McGill, jusqu'à la Déclaration canadienne des droits de John Diefenbaker et aux arrêts des juges Ivan Rand, Bora Laskin et feu notre ami Walter Tarnopolsky.

Les premiers ministres du Canada ont retenu l'attention des Canadiens au début des années 1980, lorsqu'ils ont apporté leur concours à l'élaboration de l'accord sur le rapatriement de la Constitution, s'accompagnant de la Charte des droits et libertés. J'ai particulièrement apprécié la contribution de feu le sénateur Richard Hatfield, ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick. D'ailleurs, n'eut été de l'appui de l'ex-premier ministre ontarien Bill Davis et de Richard Hatfield, la Charte n'aurait jamais vu le jour.

Honorables sénateurs, les Pactes internationaux des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme, pactes que le Canada a ratifiés en 1976 avec l'accord et l'appui écrit de toutes les provinces, ont été une source d'inspiration importante pour l'idée d'une charte constitutionnelle canadienne. Si l'ex-premier ministre Hatfield du Nouveau-Brunswick a donné son appui au rapatriement de la Charte des droits et libertés, c'est notamment parce qu'il savait que la norme établie par les pactes imposait déjà au Canada des obligations en matière de droits humains. De nombreuses personnes ont cherché à mettre en évidence l'existence de cette entente préalable avec toutes les provinces en réponse à une lettre de l'ex- premier ministre Pearson les invitant à examiner les deux pactes et à faire savoir s'il convenait que le Canada dépose l'instrument de ratification s'y rapportant. Toutes les provinces ont répondu et, à mon avis, la province de Québec est celle qui a soumis la norme relative aux droits de la personne énoncée dans ces pactes à l'analyse la plus rigoureuse. Malheureusement, malgré les efforts déployés pour faire ressortir le fait qu'il existait déjà au Canada une entente écrite se rapportant à une norme relative aux droits de la personne, il s'est révélé difficile de bien faire passer le message.

Je soutiens qu'il convient de se remémorer la norme élevée établie par les Pactes internationaux des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme, par comparaison avec la Charte. En cette période marquée par les mesures législatives antiterroristes, il est utile de se reporter aux dispositions de l'article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, pacte que le Canada a ratifié et en vertu duquel le Canada doit, avec l'accord écrit de toutes les provinces, établir une norme interdisant de déroger à certains droits même quand l'existence de la nation est menacée. L'article dit ceci :

1. Dans le cas où un danger public exceptionnel menace l'existence de la nation et est proclamé par un acte officiel, les États parties au présent Pacte peuvent prendre, dans la stricte mesure où la situation l'exige, des mesures dérogeant aux obligations prévues dans le présent Pacte, sous réserve que ces mesures ne soient pas incompatibles avec les autres obligations que leur impose le droit international et qu'elles n'entraînent pas une discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l'origine sociale.

2. La disposition précédente n'autorise aucune dérogation aux articles 6, 7, 8 (par. 1 et 2), 11, 15, 16 et 18.

Les dispositions ci-dessus concernent les procédés comme la torture. Les règles internationales qui nous servent de point de repère en matière de respect des droits de la personne interdisent toute dérogation, même dans les cas d'urgence où l'existence de la nation elle-même est menacée. La torture ne peut jamais être employée selon ces règles, ce qui, aux yeux des gens qui s'intéressent aux droits de la personne, en fait un modèle bien supérieur au pacte. Ce sont les pactes qui ont guidé nos tribunaux dans leur interprétation de la Charte.

Honorables sénateurs, permettez-moi de parler de la disposition de dérogation, à l'article 33, qui a permis de clore le débat sur la suprématie parlementaire à la réunion des premiers ministres de 1980. La plupart des gens qui s'intéressent aux droits de la personne sont satisfaits de l'usage limité qu'ont fait les législateurs de la disposition de dérogation. Ils ont également étudié avec intérêt le fonctionnement de la Human Rights Act adopté par le Parlement de Westminster, qui permet l'application de la Convention européenne des droits de l'homme au Royaume-Uni.

(1720)

Cependant, si un tribunal britannique statue qu'une loi contrevient au pacte européen, la loi fautive ne s'en trouve pas annulée. Elle ne peut être abrogée que par l'adoption d'une loi par le Parlement. Le régime du Royaume-Uni semble donc permettre ce que l'on pourrait appeler un processus d'exemption permanent. Je préfère manifestement notre modèle canadien.

Un autre point concernant le rapport entre notre Charte et le pacte, c'est que le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels est jumelé au Pacte relatif aux droits civils et politiques. Il nous fournit un modèle pour une nouvelle initiative au Canada, soit l'établissement d'une charte canadienne sociale. J'espère que, sous peu, le Parlement agira avec courage et créativité pour établir une charte sociale canadienne.

Les tribunaux du Canada ont eu la pénible tâche de concilier les tensions croissantes entre les droits de la société en matière de sécurité et le droit de l'individu à la liberté de religion. Pendant le temps qu'il me reste, j'espère, par un bref examen de quatre arrêts de la Cour suprême depuis l'édiction de la Charte en 1982, faire valoir qu'une bonne compréhension de la liberté de religion peut faire avancer le droit à la sécurité, grâce à un accommodement raisonnable de cette liberté. Dans la mesure où la liberté de religion ne nuit pas à autrui et ne compromet pas la sécurité publique, l'acceptation de la religion et la tolérance peuvent, au dernier bilan, favoriser la sécurité.

Comme les honorables sénateurs le savent, la liberté de religion est inscrite dans l'alinéa 2a) de la Charte canadienne des droits et libertés. Dans le premier cas que je veux évoquer, la décision rendue en 1985 par la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Big M Drug Mart Ltd. constitue un arrêt charnière quant à l'interprétation de la liberté de religion. Cette affaire représentait une contestation constitutionnelle de la Loi sur le dimanche, qui interdisait le commerce de détail le dimanche, sauf indications contraires prévues par une loi provinciale. En arrivant à la conclusion que la loi violait la liberté de religion en raison de son effet coercitif, la Cour suprême a énoncé :

[...] le concept de la liberté de religion se définit essentiellement comme le droit de croire ce que l'on veut en matière religieuse, le droit de professer ouvertement des croyances religieuses sans crainte d'empêchement ou de représailles et le droit de manifester ses croyances religieuses par leur mise en pratique et par le culte ou par leur enseignement et leur propagation.

Toutefois, la Cour suprême a aussi soutenu que la liberté de religion peut être limitée lorsqu'elle cause du tort à d'autres personnes. Notamment, elle a indiqué ceci :

La liberté est soumise aux restrictions nécessaires pour protéger la sécurité, la santé, la moralité ou l'ordre publics, ainsi que les libertés et droits fondamentaux d'autrui.

D'importantes décisions ont été rendues depuis l'affaire R. c. Big M Drug Mart Ltd. En 1996, l'affaire Ross c. Conseil scolaire du district no 15 du Nouveau-Brunswick concernait un enseignant qui distribuait des travaux antisémites et faisait des déclarations de nature similaire à l'extérieur de sa salle de classe. La Cour suprême a jugé que l'enseignant avait le droit d'exprimer ses opinions fondées sur la sincérité de ses croyances et a conclu que sa liberté de religion avait été violée lorsque son employeur l'a renvoyé. Toutefois, la cour a limité la portée de la liberté de religion et d'expression de l'enseignant en vertu d'une analyse de l'article 1 de la Charte qui prévoit que les droits et libertés peuvent être restreints dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.

En 2004, dans l'arrêt Syndicat Northcrest c. Amselem, la Cour suprême a confirmé le droit des juifs orthodoxes de construire des souccahs sur les balcons de leurs condominiums pour se conformer à l'obligation d'habiter dans ces petites huttes temporaires closes pendant une fête religieuse annuelle, mais avec certaines limites.

Mon dernier exemple de décision conciliant la liberté de religion et la sécurité publique est l'arrêt Multani c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys rendu en mars 2006. Il s'agit de l'affaire concernant l'élève avec le kirpan.

En résumé, ces quatre décisions de la Cour suprême illustrent la manière de concilier la liberté religieuse avec les autres droits, ou encore de la limiter dans les cas où elle pourrait compromettre la sécurité des autres si elle était entièrement respectée. Comme la Cour suprême l'a d'abord énoncé dans l'arrêt Big M Drug Mart, il est possible de limiter la liberté religieuse afin d'assurer le respect de la sécurité, de la santé, de la moralité et de l'ordre publics ainsi que les droits fondamentaux ou les libertés des autres citoyens. Dans l'arrêt Ross, la Cour supprême a empêché l'enseignant d'exercer son métier parce que son opinion antisémite était néfaste pour les étudiants de sa classe. Même dans les arrêts Amselem et Multani, la liberté religieuse n'était pas absolue, et la cour a tenu compte des facteurs concernant la sécurité et la protection de la population. M. Singh Multani avait déjà accepté certaines conditions pour être autorisé à porter son kirpan, comme s'assurer que le kirpan soit porté sous ses vêtements, qu'il soit transporté dans un fourreau en bois, et non en métal, et qu'il soit enveloppé et cousu de façon à éviter qu'il tombe ou qu'un autre élève s'en empare. Dans l'arrêt Amselem, les copropriétaires avaient installé leur souccah de manière à ne bloquer aucune porte ni voie d'évacuation en cas d'incendie et à ne compromettre d'aucune façon la sécurité.

Dans l'arrêt Multani, la Cour suprême a déterminé que les écoles jouaient un rôle important dans la transmission des valeurs de la Charte. Elle a déclaré que si l'école en question décidait d'interdire le port du kirpan, celle-ci — et je cite :

[...] empêche la promotion de valeurs comme le multiculturalisme, la diversité et le développement d'une culture éducationnelle respectueuse des droits d'autrui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L'honorable sénateur demande-t-il plus de temps?

Le sénateur Cools : D'accord.

Le sénateur Comeau : Cinq minutes.

Le sénateur Cools : Autant qu'il en a besoin!

Le sénateur Corbin : Les mêmes droits pour tous!

Le sénateur Comeau : La Charte des droits et libertés?

Le sénateur Kinsella : Honorables sénateurs, selon le rapport publié en février dernier par le Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste, le fait de cibler des individus en fonction de leur race, de leur religion ou de leur ethnie ne favorise pas l'atteinte des objectifs du Canada en matière de lutte au terrorisme. Au contraire, cette pratique envenime les relations entre le gouvernement et les communautés. Si les membres de certaines communautés sont d'avis que nos lois criminelles les visent injustement, ils peuvent hésiter à transmettre des renseignements au sujet du terrorisme à la police et aux services de renseignement de sécurité.

Tout cela pour dire qu'une société qui favorise la liberté religieuse le plus possible, pourvu que la liberté d'une personne ne nuise pas à autrui, vivra en sécurité. Par exemple, si les souccahs sont perçues par les voisins comme un élément d'une fête religieuse annuelle, ou si les écoles, et inévitablement les élèves, attachent de la valeur aux kirpans à titre de symbole religieux, la population s'habituera à ces coutumes et elle les respectera au lieu de les craindre et de s'en méfier. Cette dernière attitude est à l'origine de nombreuses menaces à l'endroit de notre protection et de notre sécurité. Le fait de favoriser la diversité religieuse et d'en faire la promotion, de réprimer les discours religieux intolérants qui nuisent à autrui et de s'assurer que nos lois ne visent pas injustement les membres de certains groupes religieux permettra à la société canadienne de protéger à la fois la liberté et la sécurité collectives. Comme les tribunaux, les législateurs et les responsables des politiques travaillent avec la Charte depuis 25 ans, ils ont la capacité et la responsabilité de concilier les revendications concernant les droits de la personne afin de les faire tous respecter dans la mesure du possible.

Honorables sénateurs, je suis persuadé que le Canada et les Canadiens, avec l'appui des éminents parlementaires de cette Chambre, continueront de favoriser la liberté.

L'honorable Anne C. Cools : Si je puis me le permettre, je poserai une question au sénateur Kinsella. En fait, c'est encore plus qu'une question. Je tiens à exprimer...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le Bureau m'informe que le sénateur Kinsella a encore le temps de répondre à une question.

Le sénateur Cools : Je tiens à exprimer mon appréciation au sénateur Kinsella, car il est l'un des derniers sénateurs à avoir joué un rôle actif dans le cadre des événements de 1982, lors du rapatriement de la Constitution et de l'adoption de la Charte. J'ai pensé que je devrais porter cela à l'attention des sénateurs et remercier le sénateur Kinsella de sa contribution au cours de cette période.

(Sur la motion du sénateur Joyal, le débat est ajourné.)

(1730)

L'APPORT DE L'HONORABLE HOWARD CHARLES GREEN À LA VIE PUBLIQUE CANADIENNE

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Murray, P.C., attirant l'attention du Sénat sur les questions concernant le service loyal et exemplaire rendu au Canada, pendant toute sa vie adulte, par le regretté Howard Charles Green, de la Colombie-Britannique. —(L'honorable sénateur Stratton)

L'honorable Terry Stratton : Honorables sénateurs, cette interpellation est inscrite au Feuilleton à mon nom depuis un bon moment. Le sénateur Murray m'a rappelé aujourd'hui que cela fait 15 jours et j'aimerais en parler. Par conséquent, avec la permission du Sénat, j'aimerais en parler au cours des prochains jours.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

LE SÉNAT

MOTION EXHORTANT LE GOUVERNEMENT À AGIR EN CHEF DE FILE AFIN DE RAVIVER LA QUESTION DU DÉSARMEMENT NUCLÉAIRE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Roméo Antonius Dallaire, conformément à l'avis du mercredi 29 mars 2007, propose :

Que le Sénat demande au gouvernement du Canada d'agir en chef de file afin de raviver la question urgente du désarmement nucléaire conformément au Traité sur la non- prolifération des armes nucléaires lors des réunions que le comité préparatoire tiendra du 30 avril au 11 mai 2007 à Vienne en vue de la prochaine conférence d'examen du traité en 2010; et

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à jouer un rôle de leader mondial dans la campagne pour l'éradication de la menace grave que les armes nucléaires posent pour l'humanité.

— Honorables sénateurs, avant d'amorcer mon discours, permettez-moi de signaler la présence à notre tribune de notre ancien collègue, le sénateur Roche, et de représentants d'ONG qui sont engagées dans la lutte pour éliminer l'utilisation des armes nucléaires. Ils ont tous fait preuve d'une très grande patience et je les félicite de leur persévérance, alors que nous avons la possibilité de présenter et d'examiner cette motion.

Je présente cette motion dans l'espoir d'empêcher la prolifération des armes nucléaires et, ultimement, de les éradiquer. Nous célébrons aujourd'hui le 25e anniversaire de la Charte canadienne des droits et libertés, et j'estime que l'existence et l'utilisation des armes nucléaires constituent une violation aberrante des droits de la personne. La journée d'aujourd'hui marque également le 50e anniversaire du mouvement Pugwash, qui lutte pour contrôler et, ultimement, éradiquer l'utilisation des armes nucléaires. C'est donc dans cet esprit que je présente ma motion.

Les armes nucléaires constituent la plus importante et la plus massive violation des droits de la personne qu'on puisse imaginer. Ces armes de destruction massive sont immorales et frappent sans discrimination. Elles violent le droit de chaque être humain à la paix et à la sécurité.

Dans un avis consultatif émis en 1996, la Cour internationale de justice a exprimé l'opinion unanime que l'utilisation des armes nucléaires ou la menace d'y recourir « serait généralement contraire » au droit humanitaire et au droit international régissant le déroulement des guerres, et que les États ont l'obligation juridique de se désarmer.

Seules les armes nucléaires peuvent tuer des centaines de millions de personnes en quelques heures et sont capables d'anéantir la vie sur notre planète, et nous avons discuté de Kyoto. Contrairement à la propagande populaire, c'est la nature même de ces armes qui est ignoble, et non les personnes qui pourraient les acquérir. La possession d'armes conçues pour éliminer des quantités massives d'êtres humains est inacceptable et ne peut être justifiée par des arguments spécieux liés à la dissuasion. De nos jours, aucun État ne peut fonctionner seul; nous devons travailler ensemble pour assurer la sécurité dans le monde et empêcher la destruction de la planète.

Les gens au Canada et dans le monde sont très peu au courant de la très grave situation à laquelle nous sommes tous confrontés et qui a été comparée au fait de dormir aux contrôles d'un aéronef qui est sur le point d'avoir une panne d'essence. À chaque jour, nous vivons sous la menace de 27 000 armes nucléaires, dont environ 2 500 peuvent être utilisées en moins de 30 minutes. Le nombre d'États dotés d'une capacité nucléaire risque de dépasser largement le chiffre de huit ou neuf, et la possibilité que l'on soit témoin de nombreuses courses régionales aux armements nucléaires est réelle.

Plus de 30 pays, y compris le Canada, sont membres d'alliances qui comptent en partie sur des armes nucléaires pour assurer leur sécurité.

L'essai nucléaire fait par la Corée du Nord le 9 octobre 2006, l'incertitude entourant le programme nucléaire de l'Iran, la modernisation proposée d'armes nucléaires à coûts élevés et la menace du terrorisme nucléaire posent de nouveaux défis en matière de sécurité pour chacun d'entre nous.

Le traité de non-prolifération nucléaire signé en 1970 est en danger pour les raisons suivantes : l'échec de la conférence d'examen de 2005 — ces conférences se tiennent à tous les cinq ans; des États possèdent des armes nucléaires ou refusent de signer le traité; l'entente conclue en 2006 par les États-Unis et l'Inde, qui permet à l'Inde de produire plus d'armes nucléaires; et le refus des États qui possèdent des armes nucléaires de respecter leur obligation légale de réduire et d'éliminer leurs arsenaux nucléaires, soit essentiellement de procéder à un désarmement nucléaire. Nous sommes dans une situation précaire, c'est-à-dire au bord d'un précipice où se trouve une cascade effrayante alimentée par la prolifération des armes nucléaires.

À la fin de janvier de cette année, les experts atomistes faisaient valoir dans leur bulletin que, compte tenu des risques accrus d'utilisation accidentelle ou intentionnelle d'armes nucléaires, il était maintenant minuit moins cinq dans un scénario où l'heure fatidique est minuit. Les plus grands scientifiques du monde s'entendent pour dire qu'un incident nucléaire provoqué de façon délibérée ou accidentelle est inévitable. Dans le passé, nous avons échappé de justesse, et à plusieurs occasions, à un holocauste nucléaire qui aurait été causé par des erreurs informatiques ou humaines, et vous pouvez me faire confiance quand je dis cela.

Des sommités américaines bipartisanes qui ont joué un rôle prédominant au cours de la guerre froide, notamment M. Schultz, M. Perry, M. Kissinger et même M. Nunn ont récemment fait un virage à 180 degrés. Ils dénoncent maintenant le mythe de la dissuasion nucléaire et plaident pour l'abolition des systèmes « d'armements les plus suicidaires, génocidaires et écocidaires du monde ». On s'est récemment servi du poids moral des lauréats du prix Nobel de la paix pour lancer un appel international demandant de réduire la menace nucléaire. Les signes avertisseurs sont tous présents.

(1740)

[Français]

Le monde est enfin sensibilisé à la menace que représente l'homme pour l'environnement. Il y a des liens inhérents entre l'environnement et les armes nucléaires. Sans sécurité mondiale, la collaboration qui doit nécessairement exister entre les pays pour corriger les problèmes environnementaux est tout simplement impossible. Les scientifiques s'entendent pour dire qu'un seul accident nucléaire isolé pourrait entraîner des effets irréversibles sur notre climat déjà instable. Si des mesures ne sont pas prises rapidement, il ne sera peut-être plus possible de corriger les problèmes environnementaux. Le monde doit immédiatement prendre conscience de la menace nucléaire pour la survie de l'humanité et à quel point l'environnement est susceptible d'être, pour toujours, détruit par l'utilisation de ces armes. Cependant, ces armes ne sont pas gratuites.

Depuis la fin de la guerre froide, quelque 12 milliards de dollars ont été consacrés au perfectionnement d'une technologie assez puissante pour faire exploser la planète plusieurs fois. Ce gaspillage scandaleux et immoral des ressources mondiales continue d'augmenter aujourd'hui. Des pays qui possèdent des armes nucléaires cherchent à les moderniser. À quelles fins? Imaginez combien ces fonds pourraient favoriser la paix et la sécurité dans le monde s'ils étaient utilisés pour alimenter, éduquer, soigner et faire travailler les moins nantis.

Quelles mesures doit-on prendre? Qu'avons-nous entre les mains? Un traité de non-prolifération : notre dernier et meilleur espoir pour que le monde dissipe le cauchemar nucléaire est à portée de la main. Le Traité sur la non-prolifération est le traité international le plus concluant. En octobre 2006, l'Assemblée générale de l'ONU a voté à 168 voix contre 4 en faveur de l'abolition des armes nucléaires.

Il est essentiel que le Canada fasse preuve de leadership au moment des réunions du comité préparatoire du Traité de non- prolifération qui se tiendront à Vienne, du 30 avril au 11 mai, pour lancer la dimension significative non pas de la prolifération, mais, au contraire, de l'élimination. Ce volet fait pleinement partie de ce traité.

Récemment, l'attention s'est concentrée sur la menace de prolifération au point d'en oublier la question cruciale du désarmement nucléaire. Dans le traité, ces deux questions sont inextricablement liées. Les États qui ne sont pas dotés d'armes nucléaires ont accepté de ne pas en acquérir — tout en conservant tout de même le droit d'avoir recours à la technologie nucléaire civile et pacifique, par exemple pour l'énergie et la médecine —, tandis que les États dotés d'armes nucléaires ont convenu d'éliminer leur arsenal nucléaire. Nous sommes tout de même en processus de les moderniser.

La non-prolifération exige le désarmement. Nous devons continuer à exercer des pressions afin que les États dotés d'armes nucléaires respectent les deux éléments du traité, et s'acquittent, en temps utile, de l'engagement qu'ils ont pris en matière de désarmement il y a plus de 35 ans. Le Canada doit inciter tous ces autres États non dotés d'armes nucléaires à adopter et même à mettre en œuvre intégralement le protocole additionnel de l'Agence internationale de l'énergie atomique, qui constitue aujourd'hui la norme de vérification nécessaire pour surveiller le respect des obligations découlant du traité.

Il faut inspecter et dénoncer ceux qui enfreignent les règlements du traité. Il faut les tenir responsables devant la communauté internationale. Nous devons négocier l'abolition des armes nucléaires au moyen d'une convention semblable aux traités qui ont interdit, par exemple, les mines terrestres, ainsi que les armes chimiques et bactériologiques. Le traité ne va tout simplement pas assez loin. Il n'a pas le mordant pour mettre en application l'élément fondamental de l'exercice de nos droits humains de sécurité, c'est-à- dire le désarmement et la destruction des armes nucléaires. Il n'interdit pas catégoriquement la possession d'armes nucléaires et ne traite aucunement de leur légalité. Ce n'est pas un sujet qui est abordé dans le traité.

La majorité des États membres des Nations Unies réclament sans tarder des négociations concernant une convention sur les armes nucléaires qui interdirait l'élaboration, la production, la mise à l'essai, le déploiement, le stockage, le transfert, la menace et même l'utilisation ultime des armes nucléaires. Aucun obstacle physique ou financier ne nous empêche de libérer le monde, d'ici une décennie au plus, du fléau créé par l'homme que sont les armes nucléaires. Il ne manque que le leadership moral et la volonté politique pour y arriver.

Pourquoi le Canada, à titre de puissance moyenne d'envergure, qui ne possède pas d'armes nucléaires, ne prend-il pas ce leadership et n'entame-t-il pas le processus pour l'abolition et l'élimination de ces armes nucléaires? Selon moi, nous devons intensifier nos efforts pour assurer l'entrée en vigueur du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires et prévenir ainsi la prolifération des armes nucléaires et une éventuelle course aux armements. Cent soixante- dix-sept pays ont signé ce traité, mais dix autres doivent le ratifier pour qu'il entre en vigueur. Il faut qu'un traité interdisant la production de matières fissiles aux fins de la production d'armes fasse l'objet de négociations sans plus attendre.

Est-il concevable que l'on ait permis que la situation entre les États-Unis et l'Inde soit, en fait, dans un état qui a permis que ces deux pays en viennent à une entente ultime pour permettre à l'Inde d'augmenter ses stocks d'armes nucléaires et, de ce fait, créer une course aux armements dans une autre région du globe qui est immensément sensible à toutes sortes de conflits?

Il nous faut intensifier notre campagne visant la diminution du niveau d'alerte de l'arsenal nucléaire des États-Unis et de la Russie et éliminer l'option de lancement sur alerte dans les plans de guerre nucléaire. Cette option de lancement sur alerte détermine, en l'espace de cinq minutes, si le risque d'utilisation d'armes nucléaires du côté ennemi est légitime ou non. Si le risque d'utilisation est légitime et réel, les armes nucléaires seront déployées avant que l'arme nucléaire de l'ennemi ne puisse les neutraliser.

Nous devons également encourager toutes les puissances nucléaires à adopter des politiques de non-emploi contre des États non dotés d'armes nucléaires. Pourquoi ce niveau d'urgence alors que la guerre froide est terminée? Ou quelqu'un sait-il qu'il existe une autre guerre dont nous ne sommes pas conscients et pour laquelle il faut absolument non seulement maintenir ces stocks d'armes nucléaires, mais les moderniser à coup de milliards?

D'autant plus qu'il y a, dans le processus d'acquisition des pays qui ont des armes nucléaires, des processus pour créer de nouvelles armes nucléaires à point, plus efficaces, si on peut d'une façon morbide le croire. Il est d'une hypocrisie éhontée de demander aux autres pays de renoncer à leurs armes nucléaires et de ne pas chercher à en acquérir alors qu'on accorde plus d'importance à ces armes dans ses propres politiques de sécurité. La modernisation des armes nucléaires à des fins offensives est tout simplement scandaleuse. Mais il est tout de même incroyable que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité soient de grands utilisateurs et de grands possesseurs d'armes nucléaires. Pourtant, ils ne voient pas l'utilité d'avancer le traité afin d'éliminer l'utilisation des armes; on continue à les améliorer.

Nous devrions cesser d'appuyer les politiques nucléaires de l'OTAN qui sont incompatibles avec nos obligations découlant du Traité de non-prolifération. D'un côté, on ne veut pas d'armes nucléaires et on le dit. D'un autre côté, nous faisons partie d'une association créée à partir d'un traité bâti sur le concept de la disponibilité d'armes nucléaires. Il y a actuellement une contradiction intolérable entre nos engagements découlant du traité et notre appartenance à une alliance qui accorde une importance fondamentale aux armes nucléaires dans ses politiques de sécurité.

(1750)

Dans le monde de l'après guerre froide, il n'y a plus lieu d'affirmer que les armes nucléaires jouent un rôle essentiel au sein de l'alliance.

[Traduction]

Le désarmement nucléaire n'est pas un domaine dans lequel il est facile de travailler. Il suscite une réaction quasi pathologique fondée sur le déni. C'est une énigme qu'on ne peut résoudre qu'avec l'aide des braves gens de la communauté des ONG qui n'ont pas ménagé leurs efforts pendant des années et, dans certains cas, des décennies pour sauver la civilisation de cette arme d'autodestruction.

Au nom de tous les Canadiens, je salue le sénateur Roche et ses collègues pour leur travail infatigable et les efforts qu'ils ont déployés pour nous sensibiliser au fait que nous vivons sous cette menace non seulement à notre sécurité, mais aussi à notre capacité fondamentale de vivre sur notre planète, qui est elle-même menacée.

Que devons-nous faire? Une campagne internationale passionnante est en cours ce mois-ci pour sensibiliser le monde à la grave menace que les armes nucléaires font peser sur l'humanité. Je suis l'un des fiers partisans de cette campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires. Je suis fier de travailler avec les Physiciens internationaux pour la prévention de la guerre nucléaire et les Maires pour la paix, qui cherchent à sensibiliser une nouvelle génération de gens à la vraie nature des armes nucléaires.

Je crois fermement que les jeunes du Canada sont les mieux placés pour devenir de grands partisans du changement. Nous devons montrer qu'un monde exempt d'armes nucléaires est non seulement à notre portée, mais que c'est un facteur essentiel à notre survie collective. Les armes nucléaires ne constituent pas un facteur essentiel de sécurité en cette ère.

Le lancement canadien de la campagne internationale d'abolition des armes nucléaires sera annoncé le 30 avril. Le site web de la campagne, www.icanw.org, mentionne un certain nombre de moyens auxquels peuvent recourir chaque Canadien et Canadienne pour exercer une influence réelle dans leur monde.

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous rappeler quelques faits historiques et de vous mettre au courant de ce qui se passe à Pugwash, petit centre de pêche de la Nouvelle-Écosse. Les conférences de Pugwash sur la science et les problèmes internationaux ont vu le jour il y a 50 ans en pleine guerre froide. En 1957, l'industriel canadien Cyrus Eaton, s'inspirant du manifeste de 1955 d'Albert Einstein et de Bertrand Russell, a réuni des scientifiques de l'Est et de l'Ouest dans sa maison d'été du village de Pugwash, en Nouvelle-Écosse.

En 1995, le mouvement Pugwash et son fondateur, sir Joseph Rotblat, ont reçu le prix Nobel de la paix pour leur importante contribution à l'objectif du désarmement nucléaire.

Cet été, du 5 au 7 juillet, le Pugwash Peace Exchange, le Groupe canadien Pugwash et la Commission du parc Pugwash vont célébrer le cinquantenaire de cet événement historique canadien au Thinker's Lodge de Pugwash, en Nouvelle-Écosse. Ils vont célébrer 50 ans d'efforts visant la dénucléarisation de notre planète.

L'Initiative des puissances intermédiaires, ou IPI, que préside le sénateur Douglas Roche, ancien ambassadeur canadien au désarmement, est un important groupe d'ONG qui collabore avec les gouvernements de puissances intermédiaires, dont le Canada, afin d'encourager les États dotés d'armes nucléaires à les détruire. En juillet prochain, l'IPI et le mouvement Pugwash parrainent en commun une conférence internationale sur la revitalisation du désarmement nucléaire. Ne serait-il pas intéressant de transposer dans l'ère moderne l'effort des années 1960 pour l'interdiction de la bombe?

Le Pugwash Peace Exchange est en train de créer un centre international pour la paix sur cette terre sacrée canadienne où des gens de tous les âges, de toutes les disciplines et de tous les coins du monde pourront venir se renseigner sur la paix et sur les moyens d'agir pour atteindre cet objectif. Je suis très fier d'être le parrain honoraire de cette organisation et je suis vraiment emballé à l'idée de participer à ces célébrations.

Je voudrais dire, pour conclure, que nous devons prendre conscience de la nécessité d'inventer une nouvelle forme de sécurité mondiale, qui ne serait pas fondée sur des concepts erronés de dissuasion ne pouvant qu'accentuer notre manque de sécurité. De plus en plus, les actes individuels ont des conséquences mondiales et seule une solution mondiale est susceptible de nous sortir de l'horrible impasse dans laquelle nous relègue notre capacité de nous annihiler nous-mêmes.

Pour reprendre les paroles de Martin Luther King :

Je rejette la notion cynique selon laquelle nation après nation doit entamer la descente militariste dans l'enfer de l'annihilation nucléaire.

Nous devons tous apprendre à vivre ensemble en frères ou à périr ensemble en imbéciles.

J'ai vu de mes propres yeux le génocide à la machette. Même si la machette ne peut sûrement pas être assimilée à une arme de destruction massive, en une centaine de jours, elle a permis de tuer 800 000 personnes. Essayez donc d'imaginer un génocide nucléaire. Baser la paix sur la menace du génocide reviendrait à rabaisser d'une façon immorale le concept même de la paix.

Honorables sénateurs, l'humanité est à la croisée des chemins. Elle peut emprunter une voie menant à l'apocalypse ou une autre menant à un monde de coopération pacifique. Faisons en sorte que le Canada, importante puissance intermédiaire, montre le chemin d'un avenir durable en respectant les droits de la personne et en faisant tout en son pouvoir pour éliminer, éradiquer et détruire les armes nucléaires.

Je ne suis pas un alarmiste. Je suis un soldat conscient des capacités et des faiblesses de ces systèmes. Les armes nucléaires constituent la plus grande menace pour l'avenir de l'humanité. Dans le passé, personne n'a voulu entendre mes avertissements, ce qui a entraîné des résultats tragiques en Afrique. J'implore chaque personne qui entend aujourd'hui mes paroles de les prendre à cœur, d'essayer d'en apprendre davantage et de tenir compte du fait que nous sommes plus vulnérables maintenant à l'autodestruction que nous l'étions à une époque considérée très dangereuse, celle de la guerre froide.

L'un des avantages de notre ère technologique, c'est que les gens peuvent se faire entendre et que les gouvernements n'ont d'autre choix que d'écouter ou de tomber. Un important mouvement d'opinion publique peut amener les gouvernements à accorder des fonds et à prendre des mesures. Il ne nous reste plus beaucoup de temps. Il n'y aura pas de gagnant dans la course aux armes nucléaires, mais elle peut entraîner la perte de tout ce que nous chérissons. L'avenir même de nos enfants, de nos petits-enfants et de nos enfants à naître est en jeu. Nous ne pouvons pas laisser nos capacités de destruction prendre le pas sur notre désir de vivre, d'aimer et de prospérer. Le désarmement constitue l'épreuve ultime de notre humanité. Nous n'avons pas le droit d'échouer dans ce domaine. Nous ne devons pas échouer, car cela reviendrait à nous rendre coupables de génocide contre nous-mêmes.

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, il est presque 18 heures. Je voudrais saisir cette occasion pour présenter quelques brèves observations préliminaires, après quoi, avec votre permission, je proposerai d'ajourner le débat et de le reprendre un autre jour.

Permettez-moi de me joindre au sénateur Dallaire pour saluer notre vieil ami, le sénateur Douglas Roche. Le sénateur Roche a servi pendant cinq législatures, je crois, à titre de membre élu de la Chambre des communes et pendant plusieurs autres législatures ici, au Sénat. Comme l'a signalé le sénateur Dallaire, il a également été ambassadeur canadien au désarmement. Son engagement et ses efforts passionnés en faveur de la cause du désarmement nucléaire lui ont acquis reconnaissance et respect, aussi bien au Canada qu'à l'étranger.

Je remercie le sénateur Dallaire d'avoir proposé cette motion hautement opportune. C'est une cause qui a désespérément besoin d'un regain d'énergie intellectuelle et politique. Je crois que c'est une occasion en or et une grande responsabilité pour le Canada et le gouvernement actuel de faire preuve de leadership dans ce dossier, s'ils le souhaitent.

(1800)

L'époque de la guerre froide entre deux superpuissances qui avaient une doctrine de destruction mutuelle assurée est maintenant révolue. Cette doctrine avait une certaine cohérence ou justification stratégique, mais comme nous l'ont rappelé les anciens secrétaires Kissinger, Schultz et Perry, et l'ancien sénateur Nunn dans la déclaration dont a parlé le sénateur Dallaire, cette doctrine est désuète et il est permis de croire que la situation est peut-être beaucoup plus dangereuse maintenant qu'elle ne l'était durant la guerre froide.

Je n'ai pas les connaissances du sénateur Dallaire en matière de politique militaire ou de défense, mais je dirai qu'il faut injecter une nouvelle énergie et surtout de la volonté politique au pays et ailleurs, car tout a été une question de volonté politique dans le passé. L'histoire nous montre que la volonté politique a toujours joué un rôle essentiel dans les progrès réalisés en ce monde concernant le contrôle des armements et le désarmement.

Sur ce, honorables sénateurs, et si vous me le permettez, je propose l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Murray, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 18 avril 2007, à 13 h 30.)


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