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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 96

Le vendredi 22 juin 2012
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le vendredi 22 juin 2012

La séance est ouverte à 9 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'honorable Joseph-Georges-Gilles-Claude Lamontagne, C.P, OC, C.Q. C.D.

Hommage du Centre de la famille de Valcartier

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, le samedi 9 juin dernier, j’ai participé avec mon épouse, Élizabeth, à titre de président de la Fondation du Centre de la Famille de Valcartier, à une cérémonie à laquelle ont également assisté le ministre des Anciens Combattants, Steven Blaney, et le chef d’état-major de la Défense afin de rendre hommage à une personne chère et unique.

J’aimerais vous citer une partie du discours prononcé lors de la cérémonie. À cette occasion, plus de 1 100 parents et enfants de la base de Valcartier ont participé aux différentes activités organisées pour souligner cette journée familiale.

Depuis 20 ans, le Centre de la famille Valcartier accompagne les familles militaires à travers les défis de la vie militaire; il encourage l'empowerment et la solidarité au sein de la communauté militaire de l'Est du Québec.

Le Centre de la famille a été créé à la demande des familles qui ainsi identifiaient clairement une solution pour répondre à leurs besoins. Depuis sa création, il y a 20 ans, le Centre de la famille a évolué, a grandi grâce à l'implication des familles, grâce à l'appui de la chaîne de commandement, grâce à la contribution de nombreux partenaires et grâce à l'appui moral indéfectible de personnes comme l'honorable Gilles Lamontagne.

Gilles Lamontagne a maintenant 94 ans. Il a servi comme pilote dans l'Aviation royale canadienne durant la Seconde Guerre mondiale. Son avion a été abattu au-dessus des Pays-Bas en 1943 et il a été fait prisonnier de guerre jusqu'en 1945.

Homme d'affaires à Québec, il a ensuite fait son entrée sur la scène politique en devenant maire de la ville de Québec pendant 12 ans, de 1965 à 1977. Élu à la Chambre des communes en 1977, il a été ministre des Postes, puis ministre de la Défense nationale sous Pierre Elliott Trudeau.

M. Lamontagne a quitté la politique en 1984 pour devenir lieutenant-gouverneur du Québec, poste qu'il a occupé jusqu'en 1990.

C'est un immense privilège et un très grand honneur d'avoir M. Lamontagne en tant que défenseur du Centre de la famille de Valcartier et protecteur de cette cause importante pour les militaires et leurs familles.

Nous avons profité de vos nombreux conseils judicieux qui ont permis à notre organisation de grandir. Vous avez généreusement partagé vos expériences qui nous ont fait comprendre des moments importants de l'histoire du Canada et des Forces armées canadiennes.

Nous nous souviendrons toujours d'un moment particulier lors d'une réunion du comité d'honneur alors que tout le monde discutait avec passion et intensité le plan de match pour la Criée d'automne, vous nous avez arrêtés et avez dit : « Je voulais vous dire qu'il y a 60 ans aujourd'hui, mon avion a été bombardé au-dessus de la Hollande. »

Nous étions le 12 mars 2003. Peu de mots peuvent exprimer la profonde reconnaissance que nous avons ressenti à cet instant, la profonde reconnaissance que nous avons pour cette prise de conscience quant à la valeur de ce que nous faisions pour les militaires et leur famille en plus et surtout du profond respect que nous inspirait Gilles Lamontagne.

Vous auriez pu, avec toutes vos expériences de vie, plus importantes les unes que les autres, vous retirer, mais non, même à 94 ans vous êtes toujours avec nous. Votre trajet de vie est inspirant et nous donne espoir.

[Traduction]

L'honorable Mobina S. B. Jaffer

Le onzième anniversaire de sa nomination—Remerciements

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour vous remercier tous. Il y a exactement 11 ans, M. Chrétien m'offrait un siège un Sénat. Je me sens si privilégiée de représenter ma belle province, la Colombie-Britannique.

Aujourd'hui, j'aimerais remercier M. et Mme Chrétien de leur générosité. Il y a 30 ans, ils nous ont accueillis, ma famille et moi, dans le giron la grande famille libérale et nous ont aidés alors que nous commencions notre vie au Canada. Je suis très reconnaissante de l'aide offerte par le Président Kinsella et les sénateurs Carstairs, Cowan, Tardif, Munson, Hubley, LeBreton et Carignan. Je vous remercie tous et chacun de votre appui.

Je tiens aussi à remercier le greffier du Sénat, M. Gary O'Brien; le greffier principal du Bureau de la procédure et des travaux de la Chambre, M. Charles Robert; et, enfin, que les greffiers au Bureau pour tous les efforts qu'ils déploient afin de nous aider dans nos tâches.

Honorables sénateurs, le bureau du légiste, sous la direction de Mark Audcent et maintenant de Michel Patrice, m'a beaucoup aidée dans mes travaux. Je peux dire à Mark qu'il nous manque à tous. Nous accomplissons le plus gros de notre travail aux comités. Je tiens à remercier

Heather Lank et sa merveilleuse équipe de greffiers et de personnel de soutien. Dan Charbonneau, le greffier du Comité des droits de la personne, continue de m'appuyer dans mon rôle de présidente de ce comité, et je lui en suis reconnaissante.

J'aimerais aussi remercier le personnel de la Direction des communications, dont Blair Armitage, greffier principal, ainsi que Karen Schwinghamer et Ceri Au. Merci également à tout le personnel de la Direction des services d'information, en particulier Hélène Bouchard, Jacob Blackburn, Louis Bordua, Patrice Demers, Pascal Dupéré et Jim Cooke. J'apprécie beaucoup leur patience et leur appui constant.

Je sais que les sénateurs seront tous d'accord avec moi pour dire que les employés des ressources humaines font un travail incroyable pour que nous ayons le personnel extraordinaire que nous avons. Je remercie Linda Dodd et Reina Bernier de leur aide. Merci à tout le personnel de la Direction des finances et de l'approvisionnement et à sa directrice, Nicole Proulx. Merci à la Direction des affaires internationales et interparlementaires, et surtout, à Gérald Lafrenière, et au Service des systèmes législatifs et de la télédiffusion, dirigé par Diane Boucher.

Nous savons tous que, sans l'aide compétente des analystes de la Bibliothèque du Parlement, nous ne pourrions pas faire notre travail. Ils ont répondu à une multitude de demandes de ma part. J'adresse un merci spécial à Julian Walker, qui travaille avec diligence pour le Comité des droits de la personne.

Honorables sénateurs, lorsque nous prenons nos fonctions à Ottawa, nous avons des difficultés à surmonter. Pour une Britanno-Colombienne, elles sont décuplées. J'ai grandement apprécié les bons conseils et le soutien de nos fidèles partenaires du Service de sécurité du Sénat. Sincèrement, je les considère comme ma famille quand je suis loin de chez moi. Je remercie plus spécialement M. Gilles Duguay. Sans son aide constante pour faire face aux nombreuses difficultés que j'ai eues sur la Colline, je ne crois pas que j'aurais pu m'en tirer. Il m'a défendue et m'a soutenue et je tiens à le remercier et à remercier toute son équipe.

Mille mercis également au personnel du Sénat, y compris le personnel d'entretien, les messagers, les interprètes, les sténographes et les pages. Je veux remercier une personne bien spéciale, ma professeure de français, Géraldine Lavoie. Elle n'a pas eu une élève facile, mais elle est très patiente. Je veux également remercier mon équipe de soutien, elle aussi toute spéciale, Linda Clifford, Darrell Mast, Nadia Charania, Rahmat Kassam, Gavin Jeffray et Jonathan Yantzi.

Honorables sénateurs, que ceux que je n'ai pas mentionnés me pardonnent. Vous êtes tous formidables et, encore une fois, je vous remercie d'avoir fait de mes 11 années de service ici, à Ottawa, une expérience extraordinaire.


(0910)

[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Réponse différée à une question orale

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer la réponse à la question orale posée par l'honorable sénateur Sibbeston, le 30 mai 2012, concernant la mine Giant.

L'Environnement

La mine Giant

(Réponse à la question posée le 30 mai 2012 par l'honorable Nick G. Sibbeston)

Le plan d'assainissement de la mine Giant comprend une évaluation environnementale qui est actuellement en cours et qui permet aux citoyens de Yellowknife, de N'Dilo, de Dettah et de l'Alliance des Métis de North Slave de participer au processus. Le gouvernement du Canada accorde une aide financière aux intervenants, sous forme d'accords de contribution, aux représentants des Autochtones et de la population de ces collectivités.

Des fonds distincts, également sous forme d'accords de contribution, ainsi qu'un accès rapide à des techniciens de projet, sont fournis aux organisations des Autochtones et du grand public. Cela leur permet d'évaluer le projet et de participer à des groupes de travail sur la surveillance et la planification en matière d'environnement.

Les possibilités d'une participation des Autochtones aux travaux d'assainissement et à la gestion à long terme du site (p. ex. contrats, emplois, formation et renforcement des capacités) font l'objet de discussions avec les organisations autochtones. Les options visant à faciliter cette participation seront incluses dans la stratégie d'acquisitions dans la mesure du possible, compte tenu du cadre stratégique et législatif du gouvernement du Canada. Un projet conjoint d'entreprises autochtones, Det'on Cho — Nuna, effectue les travaux de soins et d'entretien depuis 2005.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 27(1) du Règlement, j'avise le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l'ordre suivant : premièrement, le projet de loi C-25, et ensuite, les autres affaires du gouvernement dans l'ordre indiqué au Feuilleton.

[Traduction]

Projet de loi sur les régimes de pension agréés collectifs

Troisième lecture—Ajournement du débat

L'honorable David Tkachuk propose que le projet de loi C-25, Loi concernant les régimes de pension agréés collectifs et apportant des modifications connexes à certaines lois, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je n'ai que quelques commentaires à faire. Nous avons étudié le projet de loi en profondeur au comité. De plus, bien des gens du milieu des affaires l'ont appuyé.

Je tiens seulement à remercier le Comité des banques. Le rapport final du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui a été publié en octobre 2010, est intitulé L'épargne-retraite : la clé d'une retraite confortable. À l'époque, c'était le sénateur Meighen qui était président du comité et madame le sénateur Hervieux-Payette en était vice-présidente. Les autres membres étaient les sénateurs Ataullahjan, Gerstein, Greene, Harb, Kochhar, Massicotte, Mockler, Moore, Oliver et Ringuette. Le comité a essentiellement recommandé les mesures que prévoit le projet de loi dont nous sommes actuellement saisis.

Je tiens seulement à dire que c'est au Sénat qu'on devrait attribuer le mérite de cette intéressante mesure législative. Certaines questions ont été soulevées. Je pense que sénateur Eggleton parlera des dispositions que les sénateurs d'en face croyaient nécessaires de modifier et, peut-être, d'améliorer.

Quoi qu'il en soit, je crois que je peux dire que tous les sénateurs ont souscrit au principe du projet de loi et qu'ils ont appuyé la mesure législative. Je vous remercie.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés
La Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés
La Loi sur la sûreté du transport maritime
La Loi sur le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Yonah Martin propose que le projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés, la Loi sur la sûreté du transport maritime et la Loi sur le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je tiens seulement à remercier de leur travail les membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Je remercie tous les membres du comité, qui se sont penchés sur des points très précis pendant les séances, et le président. Je tiens aussi à remercier le porte-parole, le sénateur Jaffer, de son travail. Nous avons eu des échanges constants entre nous et avec les responsables. Le projet de loi, qui modifie plusieurs autres lois, est essentiel à l'intégrité du système d'immigration du Canada.

Je voulais seulement exprimer ma reconnaissance. Merci.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j'interviens dans le débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-31, ce projet de loi sinistre qui porte premièrement sur notre système de détermination du statut de réfugié; deuxièmement, sur le passage de clandestins; et troisièmement, sur les renseignements biométriques. Avant de poursuivre, j'aimerais remercier le sénateur Ogilvie et les membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie du travail qu'ils ont effectué sur ce projet de loi.

Le sénateur Ogilvie a donné le ton à l'étude sur le projet de loi. Je sais que nous avons tous des expériences de vie différentes, mais les sénateurs ne peuvent pas agir de façon partisane au comité et manquer de respect envers leurs collègues. Je remercie le sénateur Ogilvie du leadership dont il a fait preuve.

Je tiens à également remercier madame le sénateur Martin, qui, comme moi, est originaire de la Colombie-Britannique, pour m'avoir aidée à comprendre ce projet de loi et avoir collaboré avec moi. Je la félicite également de la direction qu'elle a donnée au comité. Merci. Je veux aussi remercier le député de Winnipeg-Nord, Kevin Lamoureux, qui est le porte-parole libéral en matière d'immigration de toute l'aide qu'il m'a donnée pour me préparer à l'étude de ce projet de loi.

Comme je l'ai dit à l'étape de la deuxième lecture, le projet de loi C-31 soulève plusieurs questions et changera vraiment la vie des gens qui se réfugient dans notre pays. Il changera plus particulièrement la façon dont nous traitons les demandes d'asile. L'adoption de ce projet de loi créera trois catégories de demandeurs d'asile au Canada : premièrement, ceux dont le dossier sera soumis au système actuel de détermination du statut de réfugié; deuxièmement, ceux dont le pays d'origine sera désigné comme sûr, catégorie qu'on appelle souvent l'« option des Roms »; et, troisièmement, ceux qui seront désignés comme des étrangers, catégorie qu'on appelle couramment l'« option des réfugiés de la mer tamouls ».

Comme je suis arrivée au Canada en tant que réfugiée, je serai la première à dire que notre pays doit être doté d'un système de détermination du statut de réfugié qui est juste, cohérent et efficace. Je veux que l'intégrité règne au sein de ce système car je ne veux pas que nous fermions la porte aux réfugiés légitimes, réfugiés qui ont besoin de l'aide du Canada pour fuir la persécution.

Ce projet de loi constitue une tentative du gouvernement qui vise à protéger l'intégrité du système d'immigration du Canada en le rendant juste, cohérent et efficace. Malheureusement, ce projet de loi ne permettra d'atteindre aucun de ces objectifs. Non seulement il ne renforce pas notre système d'immigration, mais il contient des dispositions qui sont inconstitutionnelles et qui vont directement à l'encontre des obligations internationales du Canada.

Bien qu'il y ait plusieurs éléments très inquiétants dans ce projet de loi, je vais mettre l'accent sur certains d'entre eux qui, à mon avis, exigent notre attention. Tout d'abord, je vais mentionner plusieurs dispositions du projet de loi qui sont inconstitutionnelles. Ensuite, je parlerai de biométrie. J'examinerai la question des pays d'origine désignés, que l'on connaît sous le nom d'« option des Roms », et celle du réfugié désigné, que l'on appelle l'« options des réfugiés de la mer tamouls ». Enfin, je conclurai en parlant de l'incidence que ce projet de loi aura sur les enfants qui fuient la persécution.

Je vais expliquer en quoi le projet de loi C-31 est inconstitutionnel. Honorables sénateurs, l'Association canadienne des libertés civiles craint que, si le projet de loi C-31 est adopté et mis en œuvre, il enfreindra plusieurs obligations constitutionnelles et internationales du Canada. Ces violations coûteront cher au Canada et aux Canadiens, tant sur le plan éthique que sur le plan financier. Comme je l'ai dit à l'étape de la deuxième lecture, la Cour suprême du Canada, dans ce que l'on appelle maintenant la décision Singh, a établi que la Charte des droits et libertés s'applique aux demandeurs du statut de réfugié. Le projet de loi C-31 va à l'encontre de la décision Singh car il ne garantit pas aux demandeurs du statut de réfugié les droits conférés par la Charte des droits et libertés.

(0920)

Je vais vous donner quelques exemples. À l'article 7 de la Charte, on dit que chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. Or, aux termes du projet de loi C-31, les familles devront attendre cinq ans avant d'être réunies. Cette disposition viole clairement la sécurité de la personne. En outre, le projet de loi prévoit des périodes de détention plus longues, ce qui viole le droit à la liberté des personnes.

À l'article 9 de la Charte, il est écrit que chacun a droit à la protection contre la détention arbitraire. Or, le projet de loi C-31 impose une période de détention de six mois, au cours de laquelle aucun contrôle n'est prévu. Qui plus est, le ministre n'aurait pas de comptes à rendre pour les longues détentions.

De plus, le projet de loi C-31 viole le droit international. La Convention de 1951 relative au statut de réfugié et la Charte sont les piliers de notre système de détermination du statut de réfugié. Il est clairement écrit, au paragraphe 31(1) de la convention de 1951, qu'aucun pays n'appliquera de sanctions pénales, du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers, aux réfugiés qui entrent illégalement au pays. Cet article a été ajouté à la Convention parce qu'il était entendu que les réfugiés risquent d'être en contravention de la loi sur l'immigration. Honorables sénateurs, le projet de loi C-31 traite les réfugiés comme des criminels et non comme des victimes.

Le droit international reconnaît que les réfugiés n'ont souvent d'autre choix que d'entrer illégalement dans un pays d'accueil. Par conséquent, la Convention sur les réfugiés interdit aux gouvernements de pénaliser ceux qui entrent ou restent illégalement sur leur territoire. Parfois, les réfugiés n'ont d'autre choix que d'utiliser de faux documents pour fuir la persécution dont ils sont victimes dans leur pays. Le Canada le reconnaît à l'article 133 de l'actuelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Le projet de loi C-31 permettrait au ministre de désigner l'arrivée d'un groupe de personnes comme une arrivée irrégulière si l'identité des personnes faisant partie du groupe ne peut pas être établie en temps opportun ou si l'on soupçonne qu'il y a eu entrée illégale ou activité criminelle. Les réfugiés qui détiennent de faux documents sont plus à risque d'être déclarés « étrangers désignés », car les documents qu'ils détiennent pourraient empêcher le ministre d'établir leur identité en temps opportun.

Par conséquent, il est possible que, aux termes du projet de loi C-31, des demandeurs d'asile soient traités comme des criminels plutôt que comme des victimes. D'une façon plus précise, les dispositions relatives aux arrivées irrégulières prévoient que les enfants de 16 ans ou plus peuvent être détenus et que les enfants de moins de 16 ans peuvent être séparés de leur famille sans que le gouvernement fédéral soit tenu de justifier la détention. Cette façon de faire est non seulement inconstitutionnelle, elle est aussi contraire aux obligations internationales du Canada.

Le pouvoir du ministre de désigner l'arrivée d'un groupe comme une arrivée irrégulière pose un risque pour ceux qui ont réellement besoin d'un asile. En vertu de la loi, un réfugié peut être identifié comme faisant partie d'une arrivée irrégulière et, ainsi, être considéré comme un étranger désigné. Le ministre peut décider qu'une arrivée est irrégulière en se fondant sur l'un des deux critères suivants : si une personne fait partie d'un groupe, c'est-à-dire deux personnes ou plus, qui inclut des personnes dont l'identité ne peut être établie en temps opportun, ou si le ministre a des motifs raisonnables de croire que le bateau à bord duquel des personnes sont arrivées sert au passage de clandestins ou à une activité criminelle.

Il s'ensuit que des réfugiés légitimes pourraient se voir imposer les peines sévères qui s'appliquent aux étrangers désignés. En ce sens, la désignation ne se fonde pas uniquement sur le contexte de l'activité présumée de contrebande, mais aussi sur l'absence de ressources administratives suffisantes pour traiter les arrivées. En outre, seul le ministre de la Sécurité publique peut faire cette désignation, qui n'est assujettie à aucun contrôle de la part du Parlement et qui ne peut pas non plus faire l'objet d'un appel.

Malheureusement pour la personne considérée comme un étranger désigné, même si elle finit par être reconnue comme un authentique réfugié, les conséquences comprennent une détention obligatoire qui peut durer un maximum de six mois, l'impossibilité de demander la résidence permanente pendant cinq ans après l'acceptation de sa demande de statut de réfugié et l'interdiction de parrainer des membres de sa famille pendant cinq ans après l'acceptation de sa demande de statut de réfugié.

La Convention de 1951 relative au statut des réfugiés indique clairement que nous sommes tenus de faciliter la naturalisation des réfugiés. Honorables sénateurs, étant donné l'imposition d'un délai de cinq ans avant qu'un étranger désigné qui est un réfugié au sens de la convention puisse demander le statut de résident permanent, le projet de loi C-31 enfreint l'article 34 de cette convention.

Honorables sénateurs, il est tout à fait justifié d'instaurer la biométrie, et je suis favorable à cette partie du projet de loi, pour que les gens qui entrent dans notre pays et qui en sont expulsés n'y reviennent pas. Nous savons que cette méthode est mise en œuvre dans des pays du monde entier, mais nous devons veiller à ce que le droit des réfugiés à la vie privée soit protégé parce que, si ces renseignements sont divulgués à d'autres pays, les conséquences peuvent être désastreuses. Nous savons qu'aucun système n'est infaillible, comme nous l'ont démontré les problèmes liés à la banque d'emplois de DRHC où il y a eu violation du droit à la vie privée. La commissaire à la protection de la vie privée enquête actuellement sur cette affaire. Par ailleurs, la commissaire recommande d'utiliser les données biométriques pour confirmer l'identité des personnes plutôt que pour l'établir et ce, afin de protéger la vie privée.

M. Peter Showler, professeur à l'Université d'Ottawa et ex-président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, a déclaré ce qui suit à notre comité :

Il s'agit d'un problème d'une grande complexité. Les gens utilisent les données biométriques comme s'il s'agissait d'une solution magique. Il ne faut pas oublier que les empreintes digitales, les photographies et toutes sortes d'autres éléments sont aussi des données biométriques. J'ai recommandé au comité de la Chambre des communes de l'envisager sous l'angle de la sécurité de l'information. Le grand problème, c'est que des renseignements peuvent être communiqués par mégarde à des partenaires internationaux dont les objectifs et, fort probablement, le bilan en matière de droits de la personne sont très différents des nôtres.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-31 contient une disposition sur les pays sûrs qui permet au ministre de créer, à sa discrétion, une liste de pays d'où ne viennent généralement pas de réfugiés. Cela signifie que le dossier des demandeurs provenant de ces pays serait traité plus rapidement. Cependant, il ne serait pas possible d'en appeler de la décision, ce qui augmenterait la probabilité que de véritables demandeurs d'asile soient déportés. La persécution fondée sur le sexe est une triste réalité qui existe même dans les pays jugés sûrs. En vertu de ce projet de loi, si une femme est victime de persécution fondée sur le sexe, mais qu'elle vient d'un pays que le ministre a jugé sûr, sa demande pourrait être refusée.

Peter Showler a affirmé ce qui suit :

L'un des problèmes avec les pays sûrs — et j'ai mentionné le fait qu'ils ne sont pas toujours sûrs — est que, souvent, le persécuteur n'est pas l'État même. Souvent, mais pas toujours, la persécution s'inscrit dans la problématique du genre. J'ai dit que les demandeurs d'asile provenant de pays d'origine désignés ont beaucoup de mal à étayer leur demande, c'est en partie parce que ces personnes n'ont pas nécessairement les moyens nécessaires pour présenter ce type de demandes. Elles ont certainement besoin d'autant de temps que les autres.

Honorables sénateurs, je fais remarque avec plaisir que notre comité a inclus des observations à ce sujet. Ces observations portent sur l'article 58 du projet de loi C-31 qui ajoutera le paragraphe 109.1 à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

Le comité insiste sur le fait qu'il est important que les lignes directrices concernant la persécution fondée sur le sexe émises par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada continuent à être appliquées aux demandeurs d'asile venant de pays d'origine désignés.

Le comité invite la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada à élaborer des lignes directrices à l'intention des communautés GLBT.

Le comité invite le ministre et la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada à prendre en considération la situation spéciale des minorités dans les pays d'origine.

Dans la convention, le sexe n'est pas mentionné comme motif distinctif d'une crainte bien fondée de persécution justifiant l'octroi du statut de réfugié. Nous sommes nombreux à avoir travaillé d'arrache-pied pour mettre au point des lignes directrices concernant la persécution fondée sur le sexe afin que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada tienne compte du problème.

La plupart des demandes du statut de réfugié fondée sur le sexe et la crainte de persécution pour avoir transgressé des normes religieuses ou sociales peuvent donc être tranchées pour des motifs liés à la religion ou aux opinions politiques. Dans un cas, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada a décidé que la demandeuse était une réfugiée au sens de la Convention. En l'occurrence, elle craignait le comportement violent de son mari sur lequel la société fermait les yeux, les rites traditionnels comprenant le marquage du corps à l'aide d'un instrument chauffé à blanc, la domination et les exigences continues faisant d'elle une esclave.

Mme Chris Morrissey, cofondatrice de la Rainbow Refugee Society, a comparu devant le comité et a encouragé la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada à mettre au point des lignes directrices concernant les gais et les lesbiennes, rappelant que même dans un pays considéré sûr, il leur arrive d'être victimes de persécution.

(0930)

Au cours des séances du comité, nous avons eu le plaisir d'entendre le témoignage de Mme Gina Csanyi-Robah, membre du Conseil canadien pour les réfugiés, qui a décrit la situation poignante des Roms, visés par cette disposition du projet de loi C-31, puisqu'ils fuient un pays désigné sûr, la Hongrie.

J'aimerais prendre quelques instants pour vous lire un texte que Mme Csanyi-Robah m'a remis pour que je fasse part à tous les sénateurs des difficultés auxquelles sont confrontés les Roms. Voici ce qu'elle a écrit :

Les réfugiés roms arrivent en groupes importants sans bénéficier d'aucune aide. La grande majorité des Canadiens ne savent même pas qu'il existe une communauté rom à moins que nous nous présentions comme étant des gitans, nom qui nous a été donné en Europe au Moyen Âge, quand les gens de l'Empire britannique nous prenaient, à tort, pour des Égyptiens.

Beaucoup de gens sont horrifiés d'apprendre les mauvais traitements que nous subissons en Europe depuis mille ans, notamment des massacres, une exclusion extrême et cruelle de la société et de l'esclavage pendant 500 ans, jusqu'en 1863, quand les derniers esclaves roms ont été affranchis en Roumanie. Ce vilain chapitre de l'histoire comprend aussi la mort de près de deux millions de Roms dans des camps de travail avant et durant la Seconde Guerre mondiale, de même que le génocide de nombreux autres pendant l'Holocauste. La plupart du temps, on ne nous mentionne pas dans les livres d'histoire. On oublie le peuple rom.

Des Roms dépérissent encore dans les camps de réfugiées établis au Kosovo par l'ONU en 1995. Ils n'ont pas d'endroit où aller, et il est encore dangereux de retourner chez eux.

À l'heure actuelle, dans des pays comme la Hongrie, la Slovaquie et la République Tchèque, les Roms sont soumis à une discrimination endémique, que bon nombre d'organismes internationaux de défense des droits de la personne apparentent à l'apartheid. Ce qui est plus fatal encore pour les enfants roms, c'est la campagne de haine qu'une partie de la majorité ethnique mène contre eux dans ces pays sur les plans mental, physique et émotionnel, écrasant leur moral.

Depuis deux ans, j'essaie de faire comprendre au gouvernement canadien ce qui se passe en Hongrie et la raison pour laquelle les Roms demandent asile au Canada.

Depuis 2008, quelque 30 000 personnes — des hommes, des femmes, des enfants, des aînés — ont frappé à notre porte, croyant accéder à un paradis des droits de la personne. Ils ont vendu tous leurs biens. Ils sont arrivés en masse, au sein de grands groupes familiaux, comme c'est la coutume dans leur culture. Ils ont rempli nos abris et nos écoles. Ils ont dû se tourner vers les banques alimentaires, comme de nombreux autres Canadiens, qui doivent dépendre de l'aide sociale pour survivre. Tout comme les Canadiens, ils ont souffert de la grave pénurie de médecins et doivent souvent attendre six mois pour obtenir un rendez-vous. Ils comptent des criminels parmi eux, à l'instar de toutes les autres communautés qui forment le Canada.

Contrairement aux Canadiens par contre, ces 30 000 réfugiés sont la cible de stéréotypes qui les présentent parfois comme des criminels et parfois comme des victimes de criminels.

La communauté rom établie au Canada ainsi que bon nombre de Canadiens s'opposent à la création d'une liste de pays sûrs désignés et espèrent que les Roms qui fuient l'Europe pourront continuer de bénéficier des mêmes possibilités que celles offertes aux réfugiés provenant d'autres régions du monde.

En ce qui concerne les étrangers désignés, honorables sénateurs, en vertu du projet de loi C-31, le ministre peut désigner comme « irrégulière » l'arrivée au Canada d'un groupe de personnes — ce qu'on appelle maintenant « arrivée massive » — s'il est d'avis que le contrôle de l'identité et de l'admissibilité des personnes faisant partie du groupe et toute autre investigation les concernant ne pourront avoir lieu en temps opportun.

Les personnes qui seront considérées comme des réfugiés au sens de la convention se verront privées de deux droits très importants. D'une part, elles devront attendre cinq ans avant de pouvoir présenter une demande de résidence permanente et, d'autre part, elles ne pourront pas parrainer leur conjoint et leurs enfants avant cinq ans.

Il s'agit d'une mesure punitive, et je ne peux pas imaginer pourquoi on infligerait cela à une personne dont la demande d'asile a été acceptée par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Cela contrevient à toutes les conventions internationales. En fait, à mon avis, c'est un exemple de peine cruelle et inusitée. J'ai la ferme conviction que les tribunaux ne toléreront pas que nous traitions de manière aussi atroce et dépourvue de compassion les personnes dont la demande d'asile a été acceptée par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

Honorables sénateurs, c'est tout simplement injuste. Le Sénat — qui est censé protéger les droits des minorités — ne devrait pas accepter cette mesure punitive.

Permettez-moi d'expliquer ce que signifie cette disposition pour un réfugié.

Si une personne est désignée par le ministre, elle sera placée en détention pendant au moins deux semaines — et, la plupart du temps, pendant six mois ou plus. La demande d'asile sera évaluée pendant que la personne est en détention.

Si la demande est refusée, le demandeur ne pourra pas porter la décision en appel. Si la demande d'asile est acceptée, le réfugié ne pourra pas présenter de demande de résidence permanente avant cinq ans. Le réfugié ne pourra pas obtenir de document de voyage ou faire venir ses enfants, son époux ou son épouse pendant cinq ans. Il est inconcevable de séparer des siens pendant au moins cinq ans un réfugié qui a déjà tout perdu.

Honorables sénateurs, j'ai dit plus tôt que généralement c'est un événement qui motive le gouvernement à changer les lois. Dans ce cas-ci, c'est un navire de Tamouls qui a abordé sur les côtes de la Colombie-Britannique il y a environ deux ans.

Je dois dire que je ne comprends pas pourquoi ces gens désespérés sont dépeints comme les coupables; notre propre premier ministre, reconnaissant leur douleur et leur souffrance, a décidé de ne pas participer à la Conférence du Commonwealth en raison des atteintes aux droits de la personne au Sri Lanka.

Permettez-moi d'être plus précise. Au cours de ma carrière, j'ai eu l'occasion de faire connaissance avec de nombreux Sri Lankais. Pendant des années, j'ai représenté à titre d'avocate des sinhalais, des musulmans, des burghers et des tamouls. Je peux vous affirmer que tous ces groupes sri lankais ont vu leurs droits fondamentaux bafoués d'horrible façon. Je crois que c'est précisément pourquoi le premier ministre Stephen Harper a pris publiquement position en refusant d'assister à la Conférence du Commonwealth. De graves atteintes aux droits de la personne sont commises au Sri Lanka, et le premier ministre Harper, en refusant de participer à la conférence, montre au monde entier que le Canada ne tolère pas ces actes.

Honorables sénateurs, en tant que déléguée pour les femmes dans des zones de conflits, je me suis rendue à Colombo et dans de nombreuses régions du Sri Lanka. Je peux confirmer que la situation des Sri Lankais est affligeante.

Lorsque j'ai été nommée sénateur, j'ai aussi été désignée responsable du dossier des femmes vivant dans des zones de conflit. J'ai voyagé partout au pays pour parler à des femmes de la diaspora sri lankaise. Notre rapport intitulé Ripples Across the Ocean fait état de la détresse que les femmes sri lankaises vivent, tant au Canada qu'au Sri Lanka.

Honorables sénateurs, en décembre dernier, j'ai visité différentes régions du Sri Lanka. J'ai rencontré des gens qui ont terriblement souffert durant la guerre civile. Il était souvent difficile de les entendre parler de leurs souffrances. J'ai souvent eu le cœur lourd en écoutant mon amie Visaka Dharmadasa raconter son histoire. J'ai voyagé avec elle partout dans le monde, pour aider les femmes qui vivent dans des zones de conflit à se mobiliser.

Il y a plusieurs années, l'un des fils de Visaka, qui était dans l'armée, a disparu. Après avoir vécu ce terrible deuil, Visaka a mis sur pied une organisation pour venir en aide aux femmes touchées par la guerre, ce qui lui a permis de tendre la main à des femmes ayant subi la même chose qu'elle.

J'admire Visaka d'avoir réussi à mobiliser les femmes tamouls, cinghalaises, burghers et musulmanes et à les rassembler dans un but commun. Visaka a montré à ces femmes que, malgré leurs différences, elles avaient toutes une chose importante en commun : elles étaient des mères. Petit à petit, ces femmes se sont aidées à surmonter leurs pertes, ce qui a contribué à resserrer les liens au sein de leurs communautés. Je suis ravie de vous dire que le Canada et le gouvernement canadien ont joué un rôle très important dans le processus de guérison des femmes sri lankaises au Sri Lanka.

Il y a beaucoup de héros comme Visaka, qui travaillent d'arrache-pied pour que la paix revienne au Sri Lanka. Cependant, il y a encore beaucoup de travail à faire, et les conditions dans ce pays demeurent extrêmement difficiles.

Partout au Sri Lanka, j'ai vu des gens désespérés qui tentaient de garder leur famille unie. J'ai rencontré beaucoup de femmes qui m'ont relaté des histoires bouleversantes. Elles m'ont raconté qu'elles avaient perdu des membres de leur famille et tous leurs biens. Que dit-on à une femme qui est tout à fait démunie, qui a perdu tous ses enfants et tous ses biens, et qui tente de survivre dans une nouvelle région qui lui est tout à fait étrangère, sans savoir ce qui l'attend le lendemain? Plusieurs de ces femmes espéraient se réfugier à l'étranger, simplement pour s'assurer que leurs enfants restent en vie et demeurent loin des conflits et de la violence.

Même si je suis très heureuse que le premier ministre adopte une position de principe claire et ait décidé qu'il ne participerait peut-être pas à la conférence du Commonwealth à Colombo, nous devons quand même réfléchir à la façon dont nous traitons les Sri Lankais qui arrivent ici. Nous avons vu des ministres monter à bord des navires et les traiter de terroristes.

(0940)

Honorables sénateurs, je ne sais vraiment plus quoi penser. S'agit-il de violations de droits de la personne, oui ou non? Je suis déçue que le gouvernement ait présenté une loi qui renverra ces désespérés qui viennent trouver refuge chez nous par bateau. En fait, même si ces gens sont déclarés réfugiés au sens de la convention, nous ne leur fournirons pas de documents de voyage. Ils devront attendre cinq ans avant de pouvoir devenir résidents permanents et de pouvoir parrainer leurs enfants, mais, en fait, cela prendra vraisemblablement huit ans avant qu'ils soient capables de les parrainer.

Honorables sénateurs, pourrons-nous vraiment être fiers d'un tel régime d'immigration? J'ai honte.

Honorables sénateurs, j'aimerais conclure mon intervention en parlant des dispositions qui m'inquiètent le plus. J'estime que les conséquences que cette mesure législative aura sur les enfants sont extrêmement troublantes. Nous ne pouvons pas accepter qu'un enfant qui a fui son pays parce qu'il était victime de persécution soit susceptible d'emprisonnement au Canada.

Aux termes des dispositions du projet de loi C-31 qui portent sur les « arrivées irrégulières », les enfants de 16 ou 17 ans — qui pourraient faire l'objet de détention obligatoire — seront séparés de leur famille, car les hommes et les femmes sont détenus séparément. Autrement dit, les enfants ne pourront pas être détenus avec leurs deux parents. Cette mesure viole le paragraphe 9(1) de la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies, qui porte sur la séparation forcée :

Les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l'enfant [...]

Honorables sénateurs, nous ne devons pas oublier, lorsqu'il s'agit d'enfants, que nous avons la responsabilité de toujours protéger leurs intérêts. Si ce projet de loi est adopté, des enfants de 16 et 17 ans seront injustement placés dans des centres de détention semblables à des prisons où ils risqueront davantage de souffrir de troubles de santé mentale et de problèmes de comportement, sans compter le choc émotif qu'ils subiront du fait de se trouver dans un nouveau pays séparés de ceux qui leur sont chers.

Le Royaume-Uni et l'Australie, dont nous suivons actuellement les politiques, ont bien mis en œuvre des politiques semblables à celles dont nous débattons aujourd'hui, mais ils les ont tous deux abolies quand ils ont constaté les effets néfastes qu'elles avaient sur les enfants qui cherchaient désespérément asile. Comme nous avons des preuves que les politiques de ce genre sont clairement préjudiciables aux enfants, nous devons apprendre des erreurs des autres pays et veiller à bien évaluer les répercussions que ces dispositions auront sur les enfants.

Honorables sénateurs, j'aimerais attirer votre attention sur le modèle adopté en France — un modèle dont nous pouvons, à mon avis, tirer bien des enseignements.

[Français]

Certains partisans de ce projet de loi ont fait référence à d'autres démocraties occidentales, notamment l'Australie, qui a adopté des réformes de l'immigration similaires à ce projet de loi.

Certes, il est important de noter les meilleures pratiques d'autres pays qui traitent des mêmes questions de politique publique. Ces partisans, cependant, n'ont énuméré que les pays dont l'échec des politiques a abouti à la négation des droits de la personne de base aux réfugiés. Il n'y a aucune raison de limiter notre analyse comparative des politiques et de considérer un seul pays, l'Australie.

Je vous soumets, honorables sénateurs, qu'il existe de meilleures solutions et des politiques plus mûrement réfléchies que le Canada pourrait prendre en considération. À mon avis, ces options doivent assurer un équilibre entre le besoin de solutions créatives qui assureront l'efficacité de notre système d'immigration et notre obligation morale de veiller à l'application universelle des droits de la personne. Cette obligation morale est particulièrement aiguë dans le contexte des droits des enfants.

Je tiens à porter à l'attention de cette honorable Chambre l'approche de la France en ce qui a trait aux enfants réfugiés. Je fais allusion en particulier, honorables sénateurs, au rapport de mai 2010 de la sénatrice française Isabelle Debré, qui porte sur les mineurs isolés étrangers en France.

Dans l'introduction de son rapport rédigé à la demande du premier ministre français, François Fillon, la sénatrice écrit, et je cite :

Il apparaît clairement que la ligne directrice de nos réflexions devait d'abord prendre en compte la dimension humaine du phénomène, comme nous l'impose d'ailleurs la ratification par la France de la Convention relative aux droits de l'enfant[...]

Comme vous le savez, honorables sénateurs, le Canada a également ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. Il y a davantage de pays qui ont ratifié cette convention que tout autre traité concernant les droits de la personne dans l’histoire, puisque 193 pays sont parties à la convention.

Par conséquent, le Canada a non seulement une obligation morale de veiller à l'application des droits des enfants, il a également une indéniable obligation juridique internationale.

La proposition française, qui a reconnu la nécessité d'assurer l'application universelle des droits de l'enfant, est l'exemple est plus instructif, utile et crédible.

Permettez-moi de partager quelques-unes des principales recommandations de la sénatrice Debré qui, à mon avis, devraient avoir été également considérées lorsque le gouvernement a rédigé ce projet de loi.

Les propositions qu'a apportées la sénatrice Debré se concentrent sur deux objectifs principaux, et je cite :

coordonner les actions consacrées aux mineurs isolés étrangers autour du schéma d'organisation interministériel se déclinant au niveau local; et

améliorer concrètement les conditions d'accueil, de retour et (ou) de prise en charge, des mineurs isolés étrangers.

Dans un sens similaire, le Canada doit d'abord assurer une approche globale et coordonnée pour aborder des questions liées aux mineurs isolés étrangers. Il doit également travailler pour assurer de meilleures conditions de vie aux mineurs isolés étrangers.

Honorables sénateurs, ce ne sont pas des exigences facultatives. Ce sont des obligations auxquelles le Canada s'est engagé en vertu du traité des droits de la personne le plus largement ratifié dans le monde. Je ne parle ni d'une question de préférence idéologique ni du débat sur l'hiérarchisation des dépenses publiques. Nous devons, sans exception, protéger les droits de l'enfant.

Les recommandations du rapport français incluent, entre autres :

L'organisation d'un « espace strictement réservé aux mineurs dans les zones d'attente et les centres de détention »;

Les mesures visant à mieux évaluer de façon fiable l'âge du mineur;

L'allocation d'un « titre de séjour, à leur majorité, aux mineurs isolés étrangers pris en charge après 16 (seize) ans par les services de l'aide-sociale à l'enfance, dès lors qu'une formation réelle et sérieuse est engagée et qu'elle s'inscrit dans un `` projet de vie.'' »

La mise en place « des outils d'observation et de statistique dont les données seraient centralisées dans le cadre de la plateforme interministérielle et confiée à la Protection judiciaire de la jeunesse »; et

Le développement d'une « formation nationale des administrateurs ad hoc qui pourrait être assurée par l'école nationale de protection judiciaire de la jeunesse en lien avec les associations expérimentées. »

Honorables sénateurs, ces mesures sont toutes conçues pour préserver l'efficacité du système d'immigration, tout en assurant en même temps une approche collaborative et globale pour protéger les droits des mineurs isolés étrangers.

Il n'y a absolument aucune raison apparente pour laquelle des mesures similaires ne peuvent et ne doivent pas être mises en œuvre au Canada. Au lieu de cela, le projet de loi C-31 ne traite pas les enfants âgés de 16 ans comme des mineurs, il les retient dans une violation directe des obligations de notre pays en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Le système d'immigration du Canada devrait être amélioré, mais pas au détriment des droits des enfants.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je terminerai mon intervention par un exemple qui fera ressortir l'incidence qu'aura ce projet de loi.

Aux termes du projet de loi C-31, un jeune Somalien de 16 ans qui débarque au Canada sera détenu pendant six mois. Ensuite, si son statut de réfugié est établi, il sera obligé d'attendre cinq ans avant de pouvoir présenter une demande de résidence permanente ou retrouver sa famille. Nous lui refuserons également les soins médicaux essentiels. Est-ce là un système dont le Canada peut être fier? Le Canada a signé la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies, et aux termes de cette convention, il s'est engagé à toujours veiller à la protection des droits de la personne, des droits politiques, des droits économiques, des droits sociaux, des droits en matière de santé et des droits culturels.

(0950)

Le Canada a maintenant l'obligation d'honorer cet engagement, et de faire tout ce qu'il peut pour protéger les personnes les plus vulnérables, c'est-à-dire les enfants.

La Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies dit très clairement que les enfants sont tous les êtres humains âgés de moins de 18 ans. Le fait que ce projet de loi prévoit l'arrestation et la détention, sans mandat, de n'importe quelle personne, est très troublant, surtout quand il s'agit d'un enfant de 16 ou 17 ans. J'exhorte les sénateurs à revoir ces dispositions, et à adopter une définition de l'enfant qui tient compte de celle établie dans la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies, afin de faire passer l'âge minimal de 16 à 18 ans. Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-31 viole le paragraphe 37(b) de la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies, qui dit ceci :

Nul enfant ne [doit être] privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. L'arrestation, la détention ou l'emprisonnement d'un enfant doit être en conformité avec la loi, n'être qu'une mesure de dernier ressort, et être d'une durée aussi brève que possible.

Il est d'une importance capitale que nous amendions les dispositions du projet de loi C-31 qui prévoient la détention des enfants âgés de 16 et 17 ans. En haussant de deux ans l'âge minimal, nous veillerions à ce que les enfants ne soient pas ciblés injustement par ce projet de loi. J'aimerais maintenant présenter un amendement qui nous permettra de faire cela.

Motion d'amendement

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je propose :

Que le projet de loi C-31 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié,

a) à l'article 23,

i) à la page 12, par substitution, à la ligne 41, de ce qui suit :

« de la désignation et qui est âgé de dix-huit ans »,

ii) à la page 13, par substitution, à la ligne 1, de ce qui suit :

« qui était âgé de dix-huit ans ou plus à la date de »;

b) à l'article 24, à la page 13, par substitution, à la ligne 9, de ce qui suit :

« présente section et qui était âgé de dix-huit ans ou »;

c) à l'article 25, à la page 13, par substitution, à la ligne 26, de ce qui suit :

« dix-huit ans ou plus à la date de l'arrivée visée par »;

d) à l'article 26, à la page 14 :

i) par substitution, à la ligne 10, de ce qui suit :

« étranger désigné qui était âgé de dix-huit ans ou plus »,

ii) par substitution, à la ligne 20, de ce qui suit :

« était âgé de dix-huit ans ou plus à la date de »,

iii) par substitution, à la ligne 38, de ce qui suit :

« d'un étranger désigné qui était âgé de dix-huit ans »;

e) à l'article 27, à la page 15 :

i) par substitution, à la ligne 2, de ce qui suit :

« l'étranger désigné qui était âgé de dix-huit ans ou »,

ii) par substitution, à la ligne 9, de ce qui suit :

« qui était âgé de dix-huit ans ou plus à la date de »;

f) à l'article 28, à la page 15, par substitution, à la ligne 27, de ce qui suit :

« de dix-huit ans ou plus à la date de l'arrivée ».

Je vous remercie.

Son Honneur le Président : Le sénateur Jaffer, avec l'appui du sénateur Cordy, propose

Que le projet de loi C-31 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié,

a) à l'article 23,

i) à la page 12, par substitution, à la ligne 41, de ce qui suit [...]

Puis-je me dispenser de lire le reste de la motion?

Des voix : Oui.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

[Français]

Avis de motion tendant à l'attribution d'une période de temps pour le débat

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, nous avons été incapables d'en venir à une entente avec le leader adjoint de l'opposition concernant le temps à consacrer au débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-31.

Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l'article 39 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles ne soient attribuées à l'étude de la troisième lecture du projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés, la Loi sur la sûreté du transport maritime et la Loi sur le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration;

Que, lorsque les délibérations seront terminées ou que le temps prévu pour le débat sera écoulé, le Président interrompe, au besoin, les délibérations en cours au Sénat et mette aux voix immédiatement et successivement toute question nécessaire pour terminer l'étude à l'étape de la troisième lecture dudit projet de loi;

Que tout vote par appel nominal sur lesdites questions soit tenu conformément à l'article 39(4) du Règlement.

[Traduction]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Hugh Segal propose que le projet de loi S-9, Loi modifiant le Code criminel, soit lu pour la troisième fois sous sa forme modifiée.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, je ne m'attendais pas à prendre la parole au sujet du projet de loi S-9 aujourd'hui, car j'anticipais une intervention du porte-parole initial à son propos. J'aimerais m'exprimer, mais, comme il m'est impossible de le faire aujourd'hui, je demande l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Dallaire, le débat est ajourné.)

Projet de loi interdisant les armes à sous-munitions

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Fortin-Duplessis, appuyée par l'honorable sénateur Demers, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-10, Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes à sous-munitions.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, je prends la parole à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-10 pour jeter les bases qui, à mon avis, s'avéreront essentielles lorsqu'il sera renvoyé au comité — ce qui, je présume, se produira après mon intervention — afin que celui-ci examine ses multiples facettes et en débatte avant de renvoyer la mesure législative au Sénat.

En 2001, peu après le début des bombardements en Afghanistan, le Pentagone a annoncé qu'il entendait modifier la couleur des rations humanitaires aérolarguées dans tout le pays. Il s'agit de petits emballages jaunes qui contiennent des repas préparés dont les calories suffisent à alimenter une personne durant une journée. La distribution de rations humanitaires a été instituée à l'époque des conflits qui ont sévi en Bosnie, au Rwanda, au Cambodge, au Sierra Leone et en Somalie afin de réduire le taux de mortalité en cas de situation d'urgence ou de crise humanitaire et, éventuellement, de gagner la bienveillance de quelques civils.

Avant que le Pentagone modifie l'emballage, quelque 2,5 millions de rations humanitaires avaient déjà été larguées, et l'armée américaine avait lâché d'un bout à l'autre de l'Afghanistan plus de mille bombes BLU-92, qui contenaient environ 250 000 sous-munitions. Malheureusement, les milliers de bombettes qui n'avaient pas explosé au moment de l'impact étaient d'une taille et d'une couleur analogues à celle des rations humanitaires qui jonchaient le paysage, auxquelles elles se sont mêlées. Il est inconcevable qu'autant d'enfants aient perdu un membre à cause d'une telle bavure.

Honorables sénateurs, on peut comprendre que des pays comme la Russie, la Chine et les États-Unis hésitent à retirer les armes à sous-munitions de leur arsenal. Ces bombes conçues durant la période qui a précédé la guerre du Vietnam constituent des armes de secteur dangereusement efficaces pour dresser des obstacles, empêcher les forces d'avancer et repousser les troupes dans les zones d'abattage. On peut s'en servir rapidement pour détruire des terrains d'aviation, des formations de chars d'assaut ou des troupes nombreuses comme on aurait pu devoir en combattre pendant la guerre froide ou toute guerre traditionnelle.

(1000)

Presque immédiatement après leur création, les bombes à dispersion sont devenues l'arme de choix pour imposer une interdiction de zone. Plutôt que de se demander quelles répercussions cette arme aurait sur les populations civiles, ce qui aurait été la question éthique, juridique et morale à se poser, on demanda plutôt : « Combien pouvons-nous en fabriquer? » Et on en a fabriqué des centaines de milliers.

Aujourd'hui, quelque 86 pays possèdent des stocks de cette arme. Même si le Canada n'en a jamais utilisé, 18 autres pays l'ont fait. Par exemple, quelques 500 000 bombes à dispersion, contenant en tout 285 millions de sous-munitions, ont été larguées au-dessus de champs, de villes et de populations au Vietnam, au Laos et au Cambodge entre 1964 et 1975. Dans les années 1980 et 1990, elles ont été utilisées intensivement au Liban par les forces israéliennes, ainsi qu'en Irak et au Kosovo par les forces américaines.

Dans tous ces conflits, les bombes à dispersion ont tué des êtres humains avec une grande efficacité. Cet état de choses cache toutefois une bien triste réalité. Le véritable coût, le coût en vies humaines, est dans la population civile.

De par leur nature, les bombes à dispersion sont imprécises. Larguées du haut des airs ou encore tirées par des canons ou des lance-roquettes, elles éclatent dans les airs en relâchant des dizaines ou des centaines de bombettes. Les frappes couvrent des zones de la taille d'un terrain de football, et il est impossible de faire la distinction entre amis, ennemis, civils ou militaires, ou même enfants.

Des enfants comme Umarbek, un jeune garçon de six ans du Tadjikistan dont la maison a été frappée par ces bombes en 1991. Imaginez sa terreur lorsque du shrapnel a perforé son œil droit et lacéré son petit torse et son visage. D'autres morceaux de shrapnel ont traversé l'abdomen de sa sœur et tué son frère.

Tout comme les mines terrestres, les armes à sous-munitions tuent, mutilent et blessent d'innocents civils longtemps après la fin des conflits. C'est parce beaucoup de ces armes n'explosent pas à l'impact et jonchent le sol, prêtes à exploser. On a estimé qu'entre 7 p. 100 et 40 p. 100 de ces armes n'explosent pas après avoir été lancées, en fonction de la nature du sol et de la végétation, car plusieurs d'entre elles restent prises dans le feuillage des arbres.

Même 1 pour 100 représente des milliers de petites bombes non explosées. Par conséquent, les agriculteurs ne peuvent pas cultiver leur terre et les réfugiés ne peuvent pas rentrer chez eux. Ceux qui le font risquent de perdre la vie ou un membre.

[Français]

De plus, honorables sénateurs, ces armes ont été conçues pour une autre époque. Les conflits d'aujourd'hui n'ont plus rien à voir avec les guerres classiques d'autrefois. Ce ne sont plus des guerres de territoires. Depuis l'urbanisation de la guerre, il est de plus en plus difficile de distinguer les civils des combattants; d'ailleurs, nous vivons une période de guerre civile.

Non seulement les victimes civiles se multiplient, mais il y a de plus en plus de grosses cibles stationnaires contre lesquelles cet armement a été conçu. Les grandes armées déployées en concentration n'existent plus. Les armes à sous-munitions sont devenues un armement sans objet, désormais inutile dans un arsenal militaire. C'est d'ailleurs une problématique fondamentale d'éthique et de droit international.

[Traduction]

C'est la raison pour laquelle, en 2008, le Canada s'est joint à un groupe de pays, qui en compte maintenant 111, qui a décidé d'interdire carrément l'utilisation de ces armes, en signant la Convention sur les armes à sous-munitions. Après avoir attendu quatre ans, nous avons maintenant le projet de loi S-10, la loi de mise en œuvre de la convention.

Ce projet de loi pourrait se révéler un outil législatif puissant pour mettre fin à l'utilisation de ces armes. L'article 6, qui est au cœur du projet de loi, énumère clairement et sans ambiguïté tous les actes qui sont interdits concernant l'utilisation d'armes à sous-munitions. On interdit l'utilisation, la mise au point, l'acquisition, la possession, le déplacement, l'importation et l'exportation d'armes à sous-munitions. De plus — et ce point est important — il est dit au paragraphe 6f) qu'il est interdit « d'aider ou d'encourager une personne à commettre un tel acte ou de lui conseiller de le faire ».

Pourtant, ce projet de loi comporte des lacunes, de grandes lacunes, malheureusement. Son effet est limité par les exceptions prévues, des exceptions de portée si vaste qu'on pourrait y faire passer un char d'assaut. Elles affaiblissent le traité, à un point potentiellement dangereux.

En dépit de nos meilleures intentions, ce projet de loi contient des dispositions qui permettraient aux membres des Forces canadiennes de demander expressément d'utiliser des armes à sous-munitions dans le cadre d'opérations combinées, par exemple lors de missions de l'OTAN. C'est écrit aux alinéas 11(1)a) et b). Qui plus est, à l'alinéa 11(1)c), on donne la permission aux Forces armées d'utiliser, d'acquérir ou de posséder des armes à sous-munitions dans le cadre d'une affectation. Lors d'une affectation, nous sommes sous les ordres du pays où nous sommes affectés, qui nous attribue des fonctions de commandement auprès de leurs soldats dans leurs opérations.

C'est interdiction n'est pas cohérente. C'est en fait une demi-mesure qui n'est pas digne d'un pays qui a été, pendant longtemps, un chef de file du désarmement.

Les dispositions du projet de loi vont complètement à l'encontre de notre position sur les mines antipersonnel. Rappelons que nous sommes un chef de file mondial à cet égard. Elles vont à l'encontre, à la fois, de l'esprit de la convention que nous avons signée, de la politique du Canada dans ce dossier et des valeurs qui l'ont inspirée.

Dans une note de service en date du 11 août 1998, le chef d'état-major de l'époque a explicitement interdit aux commandants canadiens des forces multinationales d'autoriser l'utilisation de mines antipersonnel. De la même façon, on a interdit aux militaires qui étaient sous le commandement de ressortissants étrangers d'utiliser, voire de prévoir utiliser des mines antipersonnel. De plus, les contingents ne peuvent pas utiliser ces mines, ni en demander, ni inciter d'autres personnes à en utiliser.

C'est ce qui est établi; les fondements sont posés. Cette interdiction vient d'ici, de la ville où nous sommes. Elle a été établie dans la Convention d'Ottawa lorsque le Canada et la société civile ont uni leurs efforts, en 1997, pour lancer une campagne d'interdiction des mines antipersonnel. Cette initiative a fonctionné. Il n'était plus nécessaire d'utiliser les mines antipersonnel pour se défendre ou pour atteindre des objectifs tactiques ou stratégiques.

On peut dire la même chose aujourd'hui des armes à sous-munitions. Nous avons aidé certains pays à se débarrasser de leurs mines antipersonnel en prouvant que d'autres moyens pouvaient être employés et qu'ils étaient même encore plus efficaces que les anciennes mines.

Il y a toutefois une exception à l'alinéa 11(3)a) du projet de loi S-10 qui permet aux Forces canadiennes d'aider ou d'encourager une personne à utiliser des armes à sous-munitions dans le cadre d'opérations multinationales.

Il est tout à fait absurde, d'un côté, d'interdire globalement une arme aveugle et immorale et, de l'autre, d'en tolérer l'utilisation dans le cadre d'opérations multinationales. Presque toutes les opérations sont des opérations multinationales. En faisant une telle exception, nous ouvrons donc à voie à leur utilisation constante. Le Canada ne lance plus seul d'opérations militaires. Il les mène avec d'autres pays. Ce sont des opérations multinationales qui sont dirigées par l'ONU, l'OTAN, voire d'autres autorités régionales.

[Français]

Honorables sénateurs, il ne fait aucun doute que plusieurs de ces exceptions vont bien au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer la protection juridique de nos troupes engagées dans des opérations multinationales. En fait, plusieurs d'entre elles vont à l'encontre de l'esprit de la convention et, en droit international, équivalent peut-être à des violations.

Dans ce projet de loi, nous admettons des activités qui sont interdites par la convention, ce qui est carrément illégal ou au minimum moralement intenable, créant ainsi des dilemmes éthiques, moraux et légaux, pour les commandants. Selon la Convention de Vienne sur le droit des traités entre États :

Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.

(1010)

Le but du traité en question est clair, dans la mesure où il vise à mettre fin, une fois pour toutes, à l'usage des sous-munitions, et non à trouver des moyens d'aider ou d'encourager des États non signataires à s'en servir.

En fait, la convention fixe des limites précises à l'interopérabilité. L'article 21(4), qui traite d'interopérabilité, prévoit clairement que rien n'autorise un État partie à employer, transférer, acquérir ou demander à utiliser des armes à sous-munitions.

Dans la même veine, voici le libellé de l'article 19 de la Convention sur les armes à sous-munitions, qui a été signée par le Canada :

Les articles de la présente Convention ne peuvent faire l'objet de réserves.

Enfin, et il me faut être clair là-dessus, aux termes de l'alinéa (1)c) de l'article 1, les États parties s'engagent à ne jamais, en aucune circonstance, assister, encourager ou inciter quiconque à se livrer à des activités interdites, y compris employer, demander d'employer ou déplacer des armes à sous-munitions.

Tout cela pour dire que nos obligations ne sauraient être plus claires. L'esprit du traité, comme je l'ai exposé, ne laisse aucun doute dans mon esprit quant au but qu'il poursuit et à l'attitude des signataires à son endroit. Notre pays a le devoir de respecter ses obligations. Il a une promesse à tenir.

Honorables sénateurs, puis-je disposer de cinq minutes de plus?

Son Honneur le Président : Plaît-il aux honorables sénateurs d'accorder cinq minutes de plus à l'honorable sénateur Dallaire?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Dallaire : Nous voici donc arrivés au cœur du débat. Comment peut-on interdire complètement ces armes sans renoncer aux postes de commandement clés dans des opérations internationales?

On dit que ces exceptions sont nécessaires pour ne pas compromettre les possibilités de collaboration des Forces armées canadiennes avec nos alliés. Honorables sénateurs, il n'y a rien de plus faux.

Croit-on vraiment que notre décision de ne pas employer d'armes à sous-munitions va compromettre nos possibilités de commander des missions de l'OTAN? Pensez-vous que cela a vraiment eu un impact sur la décision de nommer le lieutenant-général Bouchard au commandement de la mission en Libye, et ce à cause du volet des sous-munitions? On voulait la meilleure personne pour faire le travail afin d'accomplir cette tâche avec succès.

Sur les 28 pays membres de l'OTAN, 20 ont déjà signé la Convention sur les armes à sous-munitions, dont la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni. Même si, en tant qu'organisation, l'OTAN ne peut pas elle-même signer des traités de désarmement, elle s'est toujours fait un devoir de les respecter et de les seconder.

L'OTAN, et je cite :

[...] attache une grande importance au contrôle des armes conventionnelles et offre à ses membres un forum essentiel de consultation et de prise de décision sur tous les aspects du contrôle des armes et du désarmement.

À l'issue du sommet de Bucarest en 2008, les chefs de gouvernement ont déclaré que :

Le désarmement [...] continuera d'apporter une contribution importante à la paix, à la sécurité et à la stabilité », et que « l'OTAN doit continuer de contribuer aux efforts internationaux en matière [...] de désarmement.

Cet engagement a été réaffirmé en 2009 à Strasbourg et à Lisbonne en 2010.

En fait, l'OTAN a qualifié la Convention sur les armes à sous-munitions d'initiative importante et pertinente pour la paix et la sécurité. Alors notre rôle au sein de l'OTAN et dans la Convention des armes à sous-munitions, qui en est un de leader et immensément respecté, ne doivent pas être en contradiction.

[Traduction]

Honorables sénateurs, alors que nous passons à l'étape de l'étude au comité, nous avons beaucoup de travail à faire. Premièrement, nous devons procéder à une étude détaillée du projet de loi S-10; nous devrons ainsi faire appel à l'expertise des militaires, des militaires à la retraite et même des anciens combattants ayant participé à des missions, mais aussi à celle des membres de la société civile, qui deviennent rapidement la voix de l'humanité pour ce qui est des questions relatives au désarmement.

Deuxièmement, nous devons aborder les questions éthiques, juridiques et morales soulevées par l'article 11. Certaines exceptions seront sûrement nécessaires mais, comme dans le Traité d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel, elles doivent être restreintes. Nous devons nous demander quelles exceptions sont absolument essentielles, et non celles qui sont simplement nécessaires ou utiles. Cela devrait être l'une des tâches centrales du comité.

Troisièmement, nous devrions interdire les investissements financiers dans ces armes, comme la Nouvelle-Zélande et certains autres de nos alliés l'ont fait.

Quatrièmement, nous devrions inscrire dans la loi les obligations positives énoncées dans l'article 21 afin de préciser clairement à nos alliés notre position en ce qui a trait à cette arme.

Finalement, nous devrions nous assurer que cette mesure législative s'applique à tous les Canadiens à l'étranger, et pas seulement aux membres des Forces canadiennes, afin qu'aucun Canadien ne puisse vendre ou transporter ces armes, ou aider quelqu'un à les utiliser.

Honorables sénateurs, en conclusion, si nous n'adoptons pas une loi de ratification solide et exhaustive, nous créerons un précédent qui finira par saper la convention, ce qui pourrait mener à la prolifération continue de ces armes et à la mort de civils innocents.

Dans son intervention, madame le sénateur Fortin-Duplessis a décrit de façon frappante les effets disproportionnés que les armes à sous-munitions ont sur les civils. Elle nous a dit qu'elles provoquent des dégâts généralisés et qu'elles frappent sans discrimination au moment de l'impact, notamment lorsqu'elles sont utilisées à proximité de zones peuplées. Elle nous a également dit qu'elles blessent, mutilent et, trop souvent, tuent des personnes innocentes. Elle a ajouté que 98 p. 100 — ce chiffre me semble un peu élevé, mais c'est ce qu'elle a dit — des victimes recensées sont des civils.

Lorsque nous avons pris collectivement la décision d'interdire les armes à sous-munitions en 2008, nous l'avons fait parce que nous estimions que les torts causés par les armes à sous-munitions l'emportent de loin sur les avantages militaires qu'elles peuvent offrir. Je tiens à signaler que cette équation vaut aussi pour les opérations conjointes.

Honorables sénateurs, nous devons résister à la tentation d'édulcorer une interdiction globale des armes à sous-munitions. Nous devons élaborer nos lois de manière à ce qu'elles soient conformes à nos principes. Nous devons nous élever au-dessus de nos propres petits intérêts et faire passer le bien de l'humanité avant le bien de notre propre peuple. Dans l'intérêt des civils partout dans le monde et de nos femmes et de nos hommes en uniforme, c'est le moins que nous puissions faire. Nous pouvons y arriver sans exposer nos soldats à de plus grands risques sur les champs de bataille en signant et en adoptant une interdiction appropriée frappant l'utilisation de ces armes. Je suis prêt à mettre en jeu ma réputation militaire à cet égard.

Honorables sénateurs, le reste du monde s'attend à ce que le Canada prenne les devants. Nous avons été un chef de file dans ce dossier et nous devons continuer d'en être un.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Le sénateur Fortin-Duplessis, avec l'appui du sénateur Demers, propose que le projet de loi S-10, Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes à sous-munitions, soit lu pour la deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Hubley, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.)

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence, à la tribune du premier ministre, du commissaire du Yukon, l'honorable Douglas Phillips.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

(1020)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'honorable Bob Runciman propose que le projet de loi S-209, Loi modifiant le Code criminel (combats concertés), soit lu pour la troisième fois, sous sa forme modifiée.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet de ce projet de loi, intitulé Loi modifiant le Code criminel (combats concertés).

Le projet de loi modernise la définition de « combat concerté » prévue à l'article 83. Lorsque l'actuelle infraction de combat concerté a été incluse au Code criminel en 1934, la boxe était la seule exception autorisée. Les choses ont beaucoup évolué depuis, et c'est pourquoi des témoins ayant comparu au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles nous ont dit que ce projet de loi est nécessaire.

D'autres sports de combat ont gagné en popularité depuis 1934, surtout au niveau amateur. Parmi les sports professionnels, les arts martiaux mixtes connaissent la croissance la plus rapide en Amérique du Nord, mais, en théorie, tous ces sports, y compris certaines disciplines olympiques, sont illégaux. Le projet de loi S-209 modernise la définition de « combat concerté » afin d'inclure les combats avec les poings, les mains ou les pieds. De plus, il étend la liste d'exceptions à l'infraction afin d'y inclure les sports de combat amateurs visés par le programme du Comité international olympique ou du Comité international paralympique, les autres sports amateurs désignés ou approuvés par la province, ainsi que les matchs de boxe ou d'arts martiaux mixtes tenus sous l'autorité de la commission athlétique de la province ou d'un organisme semblable.

Il est important de noter que ce projet de loi revêt surtout une grande importance pour les organismes de réglementation provinciaux et municipaux.

Honorables sénateurs, ces personnes prennent leur travail très à cœur. Elles veulent s'assurer que toutes les règles sont respectées et garantir la santé et la sécurité des athlètes. Or, le fait que la loi qu'elles sont censées faire respecter ne reflète pas la réalité complique leur travail.

Il a été clairement démontré que ce changement était nécessaire, mais une autre question était au cœur des préoccupations des sénateurs pendant les audiences du comité, et c'est la sécurité des athlètes. Le comité a bénéficié de l'expertise de deux médecins ayant une bonne dose d'expérience dans la supervision de combats. Ils nous ont dit qu'il était nécessaire d'effectuer des examens médicaux exhaustifs avant et après ces combats sportifs. L'exécution et la supervision de ces examens doivent être faites en toute indépendance, contrairement à d'autres sports.

Les données montrent que les arts martiaux mixtes sont moins dangereux que la boxe et pas plus dangereux que les autres sports de contact, mais nul doute qu'ils présentent quand même un risque. Il faut se demander quel est le meilleur moyen d'atténuer ce risque. Selon moi et selon d'autres membres du comité, il est crucial que la réglementation et la supervision soient adéquates. Cependant, les autorités de réglementation souhaitent que leur travail se fasse dans un cadre juridique plus sûr, et le projet de loi S-209 fait partie de ce cadre.

Honorables sénateurs, je vous demande d'appuyer le projet de loi S-209. Les sports de combat sont une réalité au Canada, et nous avons besoin d'un cadre juridique pour veiller à ce qu'ils soient bien réglementés.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

[Français]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Boisvenu, appuyée par l'honorable sénateur Runciman, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-310, Loi modifiant le Code criminel (traite des personnes).

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-310, Loi modifiant le Code criminel (traite des personnes).

Le projet de loi C-310 apporte trois modifications importantes au Code criminel. D'abord, il ajoute les infractions existantes concernant la traite des personnes, soit les articles 279.01 et 279.011, à la liste des infractions qui, si elles sont commises à l'étranger par un Canadien ou un résident permanent du Canada, peuvent faire l'objet de poursuites au Canada. L'article 279.01 porte sur la traite des personnes, tandis que l'article 279.011 porte expressément sur la traite des enfants, c'est-à-dire les mineurs de moins de 18 ans.

Deuxièmement, après avoir été modifié au Comité de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, le projet de loi C-310 s'applique à deux autres articles du Code criminel. La traite des personnes peut également entraîner des poursuites au pénal au Canada même si les actes ont été commis à l'étranger. Ce sont les articles 279.02 et 279.03.

Le premier article concerne des cas où une personne bénéficie d'un avantage matériel, notamment pécuniaire, qu'elle sait provenir de la perpétration d'une infraction de traite des personnes. Le deuxième porte sur le cas où une personne cache, enlève, retient ou détruit tout document de voyage d'une personne, comme un passeport, qui établit la citoyenneté de cette personne.

Troisièmement, le projet de loi C-310 modifiera les définitions des termes « exploitation » et « traite des personnes » pour y ajouter un outil d'interprétation pour les tribunaux lorsqu'il s'agit de voir si une personne est victime de traite ou non.

[Traduction]

Ce projet de loi a été adopté à l'unanimité par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, et tous les membres du comité conviennent que c'est un outil supplémentaire pour mettre fin à la traite des personnes, qu'il s'agisse de les exploiter sexuellement ou de les faire travailler comme des esclaves.

Je voudrais remercier le sénateur Boisvenu, parrain de ce projet de loi, ainsi que les sénateurs Runciman et Fraser, du Comité des affaires juridiques, pour avoir guidé le comité dans son étude de ce projet de loi. Je suis convaincue que les sénateurs appuieront ce projet de loi, eux aussi, et en comprendront l'utilité pour protéger des populations figurant parmi les plus vulnérables au monde.

Avant de continuer, j'aimerais à nouveau remercier la députée Joy Smith d'avoir attiré l'attention sur cette importante question en présentant ce projet de loi d'initiative parlementaire. Cela fait plusieurs années que je travaille avec Joy, dont j'ai toujours admiré le dévouement face à la question de la traite des personnes.

Durant l'examen au comité du projet de loi C-310, nous avons eu le plaisir d'accueillir Mme Shirley Cuillierrier, de la Division de l'immigration et des passeports de la Gendarmerie royale du Canada. Elle a fourni au comité deux définitions utiles dont j'aimerais faire part aux sénateurs. Elle a dit ce qui suit :

Le passage de clandestins, c'est le transport illégal de personnes par-delà des frontières internationales, avec leur consentement, contre paiement. Dans la majorité des cas, dès qu'elles ont payé leurs frais, les personnes sont libres lorsqu'elles arrivent à destination.

Elle a également défini la traite des personnes pour le comité. Elle a dit ceci :

La traite des personnes est un crime tout autre qui comprend le recrutement, le transport et l'hébergement de personnes contre leur volonté en vue de les exploiter, souvent dans l'industrie du sexe ou pour le travail forcé.

De plus, M. Irwin Cotler a affirmé que la traite des personnes est une atteinte à notre humanité collective, qui touche au cœur même de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Honorables sénateurs, nous savons tous que les trafiquants s'en prennent aux personnes les plus vulnérables. Plusieurs témoins ont affirmé au comité que de nombreux Canadiens qui exploitent des gens à l'étranger ne sont pas traduits en justice puisque le droit canadien ne permet pas aux autorités de porter des accusations contre ces criminels au Canada.

Le projet de loi C-310 changerait cela. Il ferait en sorte que les Canadiens soient traduits en justice même s'ils exploitent des gens à l'étranger.

[Français]

Aujourd'hui, nous avons la possibilité en tant que législateurs de créer des lois qui aideront à protéger les membres les plus vulnérables de notre société et qui assureront qu'aucun Canadien ne puisse exploiter une autre personne, peu importe si elles se trouvent à l'intérieur ou à l'extérieur du Canada.

[Traduction]

Honorables sénateurs, malheureusement, de nombreuses victimes de la traite des personnes n'ont pas les moyens de faire connaître leur expérience et d'exprimer leur tristesse. Elles sont obligées de souffrir en silence.

Dans mon discours à l'étape de la troisième lecture, je m'inspirerai des témoignages entendus par le comité, qui non seulement mettront en valeur l'excellent travail que beaucoup de personnes font dans le dossier, aussi mais donneront aux honorables sénateurs un aperçu des dures réalités auxquelles sont confrontées beaucoup de victimes de la traite des personnes et donneront une voix aux victimes qui sont trop souvent réduites au silence.

(1030)

[Français]

Mon but aujourd'hui, honorables sénateurs, consiste à aider les autres à rompre ce silence en partageant certaines de leurs histoires. Personne ne devrait être forcé de souffrir en silence.

[Traduction]

Honorables sénateurs, j'aimerais commencer par citer un extrait du témoignage de M. Brian McConaghy, fondateur de Ratanak International, organisme qui a pour mandat d'apporter de l'aide, de favoriser le développement et de lutter contre le commerce du sexe au Cambodge. Voici ce que M. McConaghy a dit :

Je suis fort de 22 ans d'expérience à la GRC et de 23 ans d'activité dans des œuvres de bienfaisance au Cambodge. Dans mon double rôle de gendarme et d'administrateur d'une ONG, j'ai participé aux enquêtes sur des pédophiles canadiens qui vont à l'étranger pour s'en prendre à des enfants exploités.

La situation des enfants pris à ce piège est tellement grave et les actes commis contre eux sont tellement scandaleux que je me suis senti obligé de démissionner de la GRC pour me mettre à temps plein au service de ces enfants.

La personne qui comparaît aujourd'hui devant vous n'est ni naïve ni hypersensible, elle a simplement été conditionnée par des décennies d'exposition à la violence. Cela étant posé, je vous garantis que la question de la traite des personnes est l'une des plus monstrueuses et des plus pressantes auxquelles j'ai été confronté.

Il est facile, en Asie, d'être le témoin du conditionnement des enfants destinés à être soumis à une agression. Il n'est pas rare que de jeunes garçons affamés se rendent « volontairement » à l'appartement d'un Occidental, attirés par la promesse de voir des vidéos de Disney et de manger des pizzas à volonté. Certains vont même jusqu'à affirmer que les enfants consentent à ces actes. Une chose est sûre, cependant, c'est qu'un enfant est prêt à accepter presque n'importe quoi s'il est poussé par la faim. Et quand la faim sert d'outil pour exercer un contrôle sur un enfant, il faut parler d'exploitation. Voilà les activités auxquelles se livrent des Canadiens que je connais.

Même ce genre d'exemple est loin de nous donner une idée des activités pornographiques dures auxquelles se livrent sans honte des pédophiles canadiens endurcis qui fréquentent des bordels où ils commandent le genre de « produit » qu'ils recherchent— âge, sexe et stature — et se font livrer leurs victimes impuissantes dans des cellules de viol où elles n'ont d'autre choix que d'attendre de subir leur sort. Il m'apparaît évident que ces activités, [...] qui consistent notamment à recruter et à transporter les victimes, constituent du trafic d'êtres humains.

Les sociétés comme celle du Cambodge après le génocide ne sont plus en mesure de protéger leurs enfants. Voilà ce qui rend les activités des prédateurs canadiens encore plus odieuses, car en voyage, ils bénéficient de tous les droits et privilèges que confère le passeport canadien. Ils voyagent pour se soustraire aux protections prévues dans la loi canadienne et assurées par les services médicaux et les familles aimantes canadiennes. Ils voyagent partout sur la planète pour traquer des enfants qui n'ont jamais bénéficié de cette protection.

Honorables sénateurs, je sais que, après avoir entendu les paroles de M. McConaghy, nous conviendrons qu'il faut en faire plus pour veiller à mettre fin à de telles injustices.

Mme Julia Beazley, qui est analyste politique de l'Alliance évangélique du Canada, a donné une meilleure idée de ce grave problème au comité lorsqu'elle a déclaré ce qui suit :

La traite des personnes est une grave violation des droits de la personne et, selon les Nations Unies, c'est la forme de crime organisé transnational qui connaît la plus forte croissance. Le rapport concernant la traite des personnes de 2011 du département d'État américain indique que le Canada est un pays d'origine, de transit et de destination pour les hommes, les femmes et les enfants victimes de traite à des fins d'exploitation sexuelle et de travaux forcés. De plus en plus de femmes et de jeunes filles canadiennes sont victimes de la traite des personnes à des fins d'exploitation sexuelle commerciale au Canada.

Le Canada est également un pays d'où proviennent de nombreuses personnes qui s'adonnent au tourisme sexuel dans des pays comme le Cambodge, où elles pratiquent des actes sexuels avec des enfants. Au Canada et aux États-Unis, l'âge moyen auquel un enfant est poussé à la prostitution est de 12 ans. Dans les pays comme le Cambodge, c'est six ou six ans. Cela ne peut plus durer. Les enfants ne devraient pas être à vendre, ni ici, ni à l'étranger.

Honorables sénateurs, depuis 2005, il n'y a eu que 25 condamnations pour traite de personnes au pays. Or, ce n'est assurément pas un reflet fidèle de la gravité de ce problème au Canada, mais plutôt un reflet de notre incapacité à poursuivre les criminels en justice.

En 1996, le projet de loi C-27, qui traitait du tourisme sexuel impliquant les enfants, a été adopté par les deux Chambres. Dans ce projet de loi, qui était similaire à celui dont nous sommes saisis aujourd'hui, tous les crimes sexuels commis contre des enfants étaient jugés extraterritoriaux. Bien qu'on l'ait abondamment appuyé et qu'il soit solide en principe, le projet de loi C-27 ne s'est malheureusement pas avéré efficace. En 15 ans, au Canada, seulement cinq poursuites liées au tourisme sexuel impliquant des enfants ont mené à une condamnation.

[Français]

Quand nous passons des lois en revue, des législations, il est important que nous considérions non seulement le principe et l'intention du projet de loi, mais aussi la capacité du projet de loi de mener à une résolution aux problèmes qu'il cherche à régler. Nous devons faire mieux.

[Traduction]

Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes a eu l'occasion d'entendre Mme Rosalind Prober, qui a affirmé ce qui suit à ce sujet :

L'élaboration d'un projet de loi, comme le projet de loi C-310, est, bien sûr, l'aspect le plus facile, lorsqu'il s'agit de lutter contre les crimes extraterritoriaux. Les enquêtes et les poursuites relatives à nos touristes pédophiles au Canada ont été extrêmement complexes, coûteuses et représentent un investissement considérable de la part de nos responsables de l'application de la loi et des poursuivants.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-310 aidera les policiers à porter des accusations contre les passeurs canadiens qui exploitent des enfants à l'étranger; je suis d'accord pour dire qu'il s'agit d'une bonne première étape. Nous savons tous qu'il est insuffisant de porter des accusations; nous devons nous rendre jusqu'aux condamnations et, pour ce faire, nous avons besoin de ressources.

Lorsqu'il a visité la Thaïlande il y a quelques mois, le premier ministre Stephen Harper a remis au nom du Canada des sommes considérables d'argent à la police thaïlandaise pour l'aider à combattre le passage de clandestins. Nous devons montrer la même volonté pour combattre la traite de personnes.

Toni Skarica, le procureur de la Couronne dans l'affaire des travailleurs hongrois, a déclaré qu'il avait dû se tourner vers les organisations non gouvernementales pour obtenir de l'aide aux victimes. Nous ne pouvons pas simplement nous fier aux organisations non gouvernementales; nous devons faire mieux que cela.

Durant l'étude au comité, j'ai demandé à plusieurs témoins quel genre de ressources devaient être disponibles pour que ce projet de loi soit adéquatement mis en vigueur et appliqué. Je m'intéressais particulièrement aux ressources qui devraient être établies à l'étranger pour que les victimes puissent obtenir justice. Malheureusement, je suis sortie très déçue de la rencontre.

Dans ma province, la Colombie-Britannique, l'Armée du Salut garde quelques lits pour les victimes de la traite des personnes, pourvu qu'elles ne soient pas toxicomanes. Les victimes auront besoin de plus de services pour être en mesure de fournir des preuves tangibles qui donneront lieu à des condamnations.

Voici ce que le surintendant Cuillierrier a déclaré :

Les services de renseignement de la GRC confirment que des Canadiens se rendent à l'étranger pour obtenir les services sexuels de femmes ou d'enfants dans des maisons de débauche, où on trouve des victimes de la traite des personnes. En permettant aux agents d'application de la loi du Canada d'exercer un pouvoir extraterritorial afin qu'ils puissent enquêter sur ces cas, on leur donne un autre outil leur permettant d'intervenir dans de telles situations et de procéder à l'arrestation d'un plus grand nombre de criminels.

En ce moment, nous avons 23 agents de liaison un peu partout dans le monde, qui ont énormément de travail puisqu'ils doivent s'occuper de toutes sortes de problèmes, y compris les infractions liées aux drogues. Sur quoi la GRC mettra-t-elle l'accent?

Il est encourageant de constater qu'un plan d'action national a été instauré. Une unité intégrée mettra l'accent sur la traite des personnes, et on a alloué 25 millions de dollars sur quatre ans. Cependant, de cette somme, seulement 500 000 $ seront utilisés pour aider les victimes.

La réalité, c'est que nous devons aussi aborder le fait que la demande augmentera en ce qui concerne les services sexuels. Comme Mme Beazley l'a ne déclaré au comité : « À moins qu'un plus grand nombre de pays s'attaquent à la demande en ce qui concerne les services sexuels, je ne m'attends pas à ce que celle-ci diminue. »

Honorables sénateurs, la secrétaire d'État des États-Unis, Hillary Clinton, a défini très clairement ce que nous devons faire pour lutter contre la traite des personnes. Elle a déclaré ceci :

La véritable mesure des efforts de lutte contre la traite des personnes d'un pays, ce n'est pas seulement le fait que le gouvernement a promulgué des lois rigoureuses conformes à cette approche; c'est aussi le fait que ces lois sont mises en œuvre à grande échelle et qu'elles donnent des résultats positifs. Bref, ce sont les résultats obtenus qui comptent.

Honorables sénateurs, même si la majorité des activités touchant la traite des personnes sont étroitement liées à l'exploitation sexuelle, nous ne devons pas oublier que le travail forcé est lui aussi considéré comme une forme de traite et qu'il se produit sur notre propre territoire. Par exemple, en octobre 2010, la GRC a arrêté 10 personnes qui dirigeaient un réseau d'esclavage hongrois. Les agents de la GRC d'Hamilton, en Ontario, ont décrit cette affaire de la façon suivante :

D'après les allégations des victimes, elles étaient recrutées dans leur pays d'origine, la Hongrie, pour travailler. Celles-ci provenaient généralement de milieux défavorisés et se trouvaient sans emploi dans leur pays. Elles étaient ensuite envoyées au Canada avec la promesse d'y trouver un emploi stable, une bonne paie et une meilleure qualité de vie. Cependant, elles ont rapidement connu le sort qu'on leur réservait.

Les trafiquants exerçaient leur emprise sur leurs victimes, notamment en déterminant à qui elles parlaient, l'endroit où elles vivaient et ce qu'elles mangeaient. En général, les victimes étaient logées dans le sous-sol du domicile des trafiquants et étaient parfois nourries de restes et de déchets, souvent seulement une fois par jour. Les victimes ont aussi déclaré que, chaque jour, elles étaient conduites sur des chantiers de construction et forcées à travailler pendant de longues heures sans recevoir de salaire.

Malheureusement, selon la loi canadienne en vigueur, un citoyen canadien ou un résident permanent pourrait s'établir à l'étranger, dans un pays comme la Hongrie, et se livrer à la traite des personnes au Canada sans réelle menace de poursuite. Le projet de loi C-310 fera en sorte que ce ne soit plus le cas.

Au comité, des témoins ont déclaré que la traite des personnes à des fins de travail forcé est en hausse. Je trouve cela inquiétant, compte tenu du fait que notre pays envisage de laisser la délivrance des permis de travail à la discrétion des employeurs. Cela pourrait très bien provoquer une augmentation de la traite de personnes à des fins de travail forcé.

(1040)

J'ai visité à plusieurs reprises le centre de soutien pour travailleurs agricoles à Surrey, en Colombie-Britannique. Ce centre aide les travailleurs migrants qui viennent travailler au Canada en vertu d'un visa de travail temporaire. Malheureusement, tout comme les victimes de traite des personnes, la majorité des ces travailleurs migrants temporaires souffrent en silence, et c'est pourquoi je me sens obligée de me faire leur porte-parole.

Honorables sénateurs, au cours de l'une de mes visites au centre, j'ai entendu plusieurs récits de mauvais traitements infligés par des employeurs. Un de ces récits, celui d'un Mexicain nommé Benigno qui travaille dans une entreprise agricole en Colombie-Britannique, m'a particulièrement touchée. Benigno a été chargé de vider jusqu'à 10 sacs de 25 kilos de pesticides en poudre dans un système d'irrigation pendant près de cinq heures par jour, sans aucune formation ni équipement de sécurité. Cette tâche était réservée aux superviseurs, qui portaient un appareil de protection respiratoire et qui avaient reçu la formation appropriée.

Cette exposition constante, prolongée et sans protection à des produits chimiques toxiques a eu de graves conséquences pour le système respiratoire de Benigno. Lorsque l'agent de liaison de l'employeur, qui servait d'interprète, l'a envoyé voir le médecin, Benigno a indiqué qu'il avait de la difficulté à respirer. Chose peu étonnante, l'incident a été classé comme une visite personnelle sans aucun lien avec son emploi. On lui a prescrit deux types d'inhalateurs, puis on l'a renvoyé chez lui.

Après avoir enduré ce travail dangereux pendant quelques mois de plus, Benigno est rentré au Mexique. Lorsqu'il s'est par la suite présenté devant le médecin chargé de déterminer s'il était apte à participer au Programme des travailleurs agricoles saisonniers, ce dernier lui a appris que cela lui serait dorénavant impossible, car ses poumons étaient trop détériorés par les pesticides pour lui permettre de fournir les efforts physiques que l'on exige de la part des travailleurs agricoles.

Benigno n'avait pas le choix. Il devait continuer à travailler. À l'origine, il était venu au Canada pour assurer la subsistance de sa famille, et il voulait continuer de travailler au Canada. Benigno a continué à travailler en dépit de la douleur jusqu'à ce qu'il ne soit plus capable de marcher du tout.

Honorables sénateurs, des centaines, que dis-je, des milliers de travailleurs comme Benigno viennent au Canada chaque année munis de permis de travail temporaires. Ces travailleurs sont très importants pour l'industrie agricole du Canada. Grâce à eux, nos fruits et nos légumes sont meilleurs et moins chers. Bien que Benigno soit venu au Canada muni d'un permis de travail temporaire, il a tout de même été exploité par des Canadiens qui savaient que Benigno, qui souhaitait plus que tout assurer une vie meilleure à sa famille, accepterait ces exactions en silence et ne chercherait pas à obtenir de l'aide.

Il faut, à l'avenir, garder à l'esprit que ces travailleurs étrangers sont dans une position très précaire et prendre les mesures qui s'imposent pour qu'ils ne soient pas exploités eux non plus.

Honorables sénateurs, grâce à ce projet de loi, nous aurons enfin des mesures législatives en place pour lutter contre la traite des personnes. Cependant, nous devons examiner très sérieusement la question de la demande des services sexuels. Nous devons prendre comme exemple la position ferme que les organisations de défense des femmes et les parlementaires en Suède ont prise à l'égard de la lutte contre la prostitution et la traite des femmes, car j'estime que nous pourrions en apprendre beaucoup à ce sujet.

[Français]

Une approche holistique de cette question consiste à aborder la racine du problème. Considérons le point de vue économique : cette loi porte sur l'offre. Nous devrions également répondre à la demande.

[Traduction]

Le 1er janvier 1999, la Suède a adopté une loi qui interdit l'achat de services sexuels. Il s'agit d'une mesure législative novatrice, car elle s'attaque directement à la cause première de la prostitution et de la traite de personne. Elle va encore plus loin, car elle vise les hommes qui tiennent pour acquis qu'ils ont le droit d'acheter une personne pour obtenir des services sexuels ou pour en faire la traite. Le gouvernement suédois a ainsi essayé de créer une société égalitaire où les femmes et les jeunes filles peuvent vivre sans craindre d'être victimes de violence aux mains des hommes. Voici la vision du gouvernement suédois : la pleine égalité entre les hommes et les femmes devraient être respectée tant en Suède qu'à l'étranger. Les hommes, les femmes, les garçons et les jeunes filles pourraient tous alors participer de façon égale à tous les domaines de la société.

Honorables sénateurs, j'ai déjà travaillé avec des organismes suédois de défense des femmes. Je les félicite d'avoir convaincu leurs dirigeants qu'une société qui prétend défendre les principes de l'égalité politique, économique, juridique et sociale pour les jeunes filles et les femmes doit absolument rejeter l'idée que celles-ci sont des objets qui peuvent être vendus et achetés.

La prostitution et la traite des personnes ont diminué en Suède. Selon les estimations, en 1999, 125 000 hommes ont acheté des services sexuels et environ 2 500 femmes se sont prostituées au moins une fois dans l'année. Ces chiffres ont décru de 40 à 50 p. 100. Le recrutement a cessé.

Le gouvernement suédois a ouvertement fait le choix de punir uniquement ceux qui achètent des services sexuels, jugeant déraisonnable de punir celles qui vendent ces services. Selon lui, la personne qui vend des services sexuels est, la plupart du temps, une victime et elle ne devrait, par conséquent, pas être punie pour avoir été exploitée.

Il est intéressant aussi de voir les ressources que la Suède met en place pour que ses lois soient correctement et efficacement appliquées. L'État a investi dans l'éducation du public, les campagnes de sensibilisation, le soutien des victimes, les mesures de surveillance et une politique de tolérance zéro à l'égard de la prostitution et de la traite des personnes.

Il importe également de souligner que toutes les lois suédoises ont une portée extraterritoriale. Il s'ensuit que quelqu'un peut être accusé, poursuivi et condamné en vertu de ces lois même si le crime a été commis dans un autre pays.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-310 représente un premier pas important dans notre lutte contre la traite des personnes. Il restera cependant lettre morte si les ressources adéquates ne sont pas mises en place pour en assurer l'application et la mise en œuvre.

[Français]

Comme les 15 dernières années l'ont clairement montré, une loi n'est pas une panacée à un problème si complexe. Notre gouvernement doit assurer des ressources pour éduquer le public et soutenir les victimes.

[Traduction]

Honorables sénateurs, j'ai souvent parlé en ce lieu de mon expérience à Abuja, au Nigeria, où j'ai travaillé avec des fillettes qui venaient de Kaduna, dans le Nord du Nigeria. C'était des victimes de la traite des personnes, en route pour l'Italie, mais les autorités ont pu les rattraper avant qu'elles ne quittent le Nigéria. Elles ont été placées en détention, pas pour les punir d'un quelconque méfait, mais pour les protéger en attendant que les autorités nigérianes aient déterminé comment les aider.

Honorables sénateurs, je pense souvent à une enfant de 9 ans qui me semblait particulièrement vulnérable. Elle était si effrayée qu'elle n'a jamais laissé son regard croiser le mien. Je lui ai demandé ce qui lui manquait le plus en détention. Elle m'a répondu que ce qui lui manquant le plus, c'était de pouvoir jouer dans la rue avec ses jeunes sœurs de sept ans et de cinq ans. Voilà donc une enfant qui jouait dans les rues de Kaduna avec ses sœurs un jour et qui, le lendemain, devait être transportée vers l'Italie pour devenir prostituée de rue.

Honorables sénateurs, plusieurs des victimes de la traite des personnes sont des enfants, qui veulent tout simplement vivre une vie normale, pouvoir jouer avec leurs frères, leurs sœurs et leurs amis et profiter de leurs années d'enfance.

En votant en faveur du projet de loi C-310, nous pourrions tous contribuer à une mesure importante qui vise à empêcher que de jeunes enfants soient exploités et privés de leur jeunesse. J'exhorte vivement tous les sénateurs à appuyer ce projet de loi.

L'honorable Joan Fraser : Pour reprendre l'expression du sénateur Baker, je ne dirai que quelques mots.

Les sénateurs seront heureux de savoir que, comme je ne savais pas que ce sujet serait traité aujourd'hui, je n'ai pas préparé de long texte. J'aimerais toutefois aborder trois points.

J'aimerais tout d'abord rendre hommage à la députée Joy Smith, qui défend les droits des victimes de la traite, surtout celles qui sont destinées à la prostitution.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Fraser : J'aimerais aussi rendre hommage au sénateur Jaffer, qui travaille dans ce domaine depuis plusieurs années, le connaît très bien, et comprend toute la souffrance que cause la traite des personnes.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Fraser : L'expression « traite des personnes » n'est qu'un terme poli pour désigner l'esclavage moderne. Il faut prendre ce problème très au sérieux, car c'est un problème immense.

Les deux autres points que j'aimerais aborder viendront soutenir ce qu'a déjà dit le sénateur Jaffer dans ses excellentes observations. J'aimerais d'abord souligner, et je suis sûre que Mme Smith l'admettrait elle-même, que ce projet de loi n'est qu'un outil, et que son efficacité sera réduite si on n'y consacre pas les ressources nécessaires. Si on veut endiguer la marée de victimes de la traite des personnes, il faudra des travailleurs qui s'occuperont de ce dossier, et il faudra du financement.

(1050)

Le sénateur Jaffer a parlé du nombre relativement limité d'agents de liaison au sein de la GRC. Il nous en faudra davantage. Nous ne pourrons pas financer toutes les activités qui doivent être menées à l'étranger. Cependant, il y a des ONG avec lesquelles nous pouvons collaborer, et qui peuvent utiliser à bon escient tout l'argent que le Canada leur donne afin de protéger les gens contre l'asservissement.

J'exhorte le gouvernement à considérer ce terrible fléau comme l'une de ses principales priorités lorsqu'il prendra des décisions de nature budgétaire.

Enfin, je voudrais insister sur l'argument avancé par le sénateur Jaffer, qui a d'abord été avancé par l'Alliance évangélique du Canada dans le cadre des audiences du comité, et qui est tout à fait vrai. Dans le cas de la traite des personnes à des fins sexuelles, l'offre suivra toujours la demande. Les trafiquants sont en quelque sorte les marchands, mais ce sont les clients qui créent la demande.

Que je sache, l'approche suédoise est la seule à avoir fonctionné. Certains pays ont essayé de tout simplement légaliser la prostitution, de retirer tous les obstacles. Cela n'a pas amélioré la situation. Dans ces pays et ailleurs, il y a encore des milliers de femmes et d'enfants, voire des millions, qui sont essentiellement des esclaves. Ce qui fonctionne, c'est l'approche suédoise, qui consiste à s'en prendre à la demande, c'est-à-dire aux clients, tout en aidant les personnes qui ont été réduites à l'esclavage. Le sénateur Jaffer a présenté les données à ce sujet.

Je ne crois pas que le Canada soit tout à fait prêt à adopter cette approche, mais je pense qu'il devra le faire un jour, pour le bien de ces femmes et de ces enfants.

L'honorable Consiglio Di Nino : Honorables sénateurs, je veux seulement formuler quelques observations. Je trouve incroyable que nous parlions de personnes réduites à l'esclavage au XXIe siècle. Le commerce du sexe ne touche pas que quelques milliers de personnes, mais des centaines de milliers de personnes, qui sont malheureusement surtout des femmes et des enfants.

Il faut prendre conscience que le Canada ne peut faire grand-chose à lui seul. Il faut bien sûr faire le maximum, mais le problème est beaucoup plus vaste.

Soit la communauté internationale se rallie à cette cause, soit, pour paraphraser Elie Wiesel, nous sommes tous coupables du crime perpétré contre des personnes parmi les plus impuissantes du monde. C'est strictement une question de volonté politique. S'il faut crier et monter au créneau pour éveiller cette volonté, le Canada peut y contribuer. Nous devrions avoir honte de parler d'esclavagisme — d'esclavagisme de cette nature, de surcroît — au XXIe siècle.

L'honorable Nancy Greene Raine : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Jaffer de son travail dans ce dossier. Je suis enchantée que cette question trouve un si large appui auprès des parlementaires.

Je remercie également tous les gens, au Canada et ailleurs dans le monde, qui agissent individuellement. Je pense notamment au club Soroptimist, qui a embrassé cette cause et dont les sociétés établies dans le monde entier cherchent, seules ou en collaboration, à corriger le problème dans la mesure de leurs moyens.

Les gouvernements et les leaders du monde entier — dont le nôtre — doivent bien sûr faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éradiquer ce fléau. Or, ils sont soutenus par un vaste réseau d'êtres humains, éparpillés sur la planète, qui se soucient vraiment de leur prochain. Je tiens à leur rendre hommage à eux aussi.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions? Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Le sénateur Boisvenu, avec l'appui du sénateur Runciman, propose que le projet de loi C-310, Loi modifiant le Code criminel (traite des personnes), soit lu pour la troisième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Projet de loi sur le cadre fédéral de prévention du suicide

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Salma Ataullahjan propose que le projet de loi C-300, Loi concernant l'établissement d'un cadre fédéral de prévention du suicide, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, j'ai déjà parlé de l'ami de ma fille, John, un garçon drôle, gentil et positif. C'était une joie de l'avoir parmi nous. Toutefois, John était rongé par des démons intérieurs à notre insu, et il s'est suicidé il n'y a pas longtemps. Je peux encore voir son visage, son sourire timide et ses lunettes.

Quand c'est arrivé, je me suis demandé : « Aurais-je pu faire quelque chose pour l'aider? »

Cet événement a profondément bouleversé ma fille et son groupe d'amis. Ils ne se sont pas encore réunis tous ensemble depuis le suicide, car ce souvenir leur est trop pénible. Ma fille n'a pas voulu de fête pour son anniversaire, car John n'y serait pas. Une de ses amies a été tellement bouleversée qu'elle ne pouvait pas s'arrêter de pleurer, et elle suit maintenant une thérapie.

Des histoires semblables ne sont pas rares au Canada; en fait, elles sont de plus en plus courantes. Le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les jeunes Canadiens âgés de 10 à 24 ans. Est-ce que nous laissons tomber nos jeunes?

Le sénateur Cowan a posé la même question dans une déclaration à l'occasion de la Semaine de la santé mentale. Il a souligné que la maladie mentale est un facteur dans la plupart des suicides au Canada, et que 20 p. 100 des jeunes Canadiens souffrent d'un trouble mental. Le sénateur Cowan a aussi indiqué que les changements positifs commencent par un petit pas fait par une personne.

Honorables sénateurs, je suis heureuse d'intervenir sur un projet de loi présenté par une de ces personnes, le député Harold Albrecht. Ce projet de loi est un petit fait par une personne, mais un petit pas qui fera une énorme différence. Le projet de loi C-300, Loi concernant l'établissement d'un cadre fédéral de prévention du suicide, sera porteur de changements positifs non seulement pour les jeunes, mais aussi pour l'ensemble des Canadiens.

Il est étonnant d'apprendre que 10 Canadiens se suicident chaque jour. Environ 4 000 personnes meurent ainsi prématurément chaque année, ce qui entraîne des répercussions profondes pour leur famille, leurs amis et leur collectivité.

Le taux de suicide est particulièrement élevé parmi les jeunes, mais il l'est aussi parmi d'autres groupes, comme les Autochtones, les GLBT et les anciens combattants, chez qui le risque de suicide est plus élevé que dans la population en général.

Le taux de suicide parmi les jeunes Autochtones est de cinq à sept fois plus élevé que parmi les autres jeunes. Le suicide est la cause de 22 p. 100 des décès parmi les jeunes des Premières nations âgés de 10 à 19 ans et de 16 p. 100 des décès parmi les adultes des Premières nations âgés de 20 à 44 ans. Le taux de suicide dans les régions du Canada comptant une forte proportion d'Inuits est 11 fois plus élevé que dans le reste du Canada.

Bien qu'on ne puisse pas chiffrer les pertes inestimables pour les familles, les collectivités et le pays, on peut quand même évaluer les coûts économiques importants associés aux suicides. On calcule que, pour chaque suicide, il y a 22 visites à l'urgence et cinq hospitalisations en raison d'un comportement suicidaire. Le coût du suicide et des actes autodestructeurs est de plus de 2,4 milliards de dollars par année au Canada.

Honorables sénateurs, le suicide n'est pas seulement un problème de santé mentale ou un problème social. C'est un problème de santé publique. Voici ce que dit le préambule du projet de loi C-300 :

[...] le suicide est un problème complexe comportant des facteurs biologiques, psychologiques, sociaux et spirituels, qui peut être influencé par les attitudes et les conditions sociales [...]

Je répète : « qui peut être influencé par les attitudes et les conditions sociales ».

Un sondage de Harris/Decima réalisé récemment pour le compte de l'organisme Your Life Counts, révèle que 86 p. 100 des Canadiens ne savent pas que le suicide est la deuxième cause de décès parmi les jeunes. Plus d'un tiers des personnes interrogées pensent que le suicide est un petit problème ou que ce n'est pas un problème du tout. Plus de 96 p. 100 d'entre elles ont indiqué que, pour réduire le taux de suicide, il faudrait pouvoir discuter de ce sujet librement, sans peur ni honte. Une proportion écrasante de 84 p. 100 pense que le gouvernement devrait investir dans la prévention du suicide.

La première étape de la prévention du suicide est d'établir le dialogue. On ne peut surmonter le tabou qui entoure ce sujet que par une discussion franche et ouverte. Le gouvernement ne doit plus faire semblant que le problème n'existe pas et doit s'y attaquer sérieusement. La prévention du suicide commence ici.

(1100)

Le Canada est un des rares pays à ne pas avoir de stratégie nationale de prévention du suicide. Quelqu'un doit assumer le leadership national dans ce dossier et coordonner les efforts remarquables des groupes communautaires de tout le Canada.

Le projet de loi C-300 exige du gouvernement du Canada qu'il élabore un cadre fédéral de prévention du suicide en consultation avec les organisations non gouvernementales concernées, les entités compétentes des provinces et territoires et les ministères fédéraux visés.

J'ai déclaré précédemment que, chaque jour, 10 Canadiens s'enlèvent la vie, mais ce chiffre pourrait ne pas être exact. En raison des préjugés entourant le suicide, bien des cas ne sont pas signalés.

L'objectif du cadre national de prévention du suicide est de centraliser les données pour que nous puissions tenir les statistiques à jour et faire état de nos progrès. Il permettrait également l'échange d'information sur les meilleurs pratiques, ce qui faciliterait l'harmonisation des pratiques entre les groupes d'intervenants, dont les professionnels de la santé.

Un leadership et une coordination au niveau fédéral sont nécessaires pour intégrer les initiatives, les programmes et les services. Les considérations économiques plaident en faveur d'une coordination nationale, mais, plus encore, il incombe à chacun de veiller à ce que moins de vies soient inutilement perdues.

Honorables sénateurs, ce dossier dépasse toute partisannerie. Je suis certaine que tous ici ont été touchés d'une manière ou d'une autre par la question du suicide. Des députés de tous les partis, à l'autre endroit, ont exprimé leur appui à ce projet de loi et je crois qu'il en sera de même ici aussi. Nous pouvons tous convenir que nous devons dialoguer et agir pour prévenir le suicide.

David Goldbloom, de la Commission de la santé mentale du Canada, a d'ailleurs déclaré ce qui suit :

[...] la conception la plus étroite de la prévention du suicide est la barrière érigée sur le pont qui empêche la personne suicidaire de sauter. Il est effectivement prouvé que l'érection de ces barrières, que ce soit sur des ponts ou dans le métro, fait une différence. Mais cela ne change absolument rien aux causes qui ont amené cette personne à ce point critique où elle veut sauter de ce pont ou se jeter devant le train du métro.

Honorables sénateurs, il faut considérer l'ensemble de la situation. On peut prévenir le suicide par des soins, de la compassion, de la volonté et un effort communautaire. Les mesures qui s'imposaient depuis longtemps sont sur le point d'être prises. Le projet de loi C-300 en est justement le catalyseur.

J'espère que le projet de loi C-300 sera rapidement adopté au Sénat. Plus il recevra rapidement la sanction royale, plus nous pourrons améliorer rapidement la vie des Canadiens.

Je tiens enfin à remercier le député Harold Albrecht de son excellent travail et de son dévouement. C'est le grand intérêt qu'il a manifesté à l'égard de ce problème qui a permis de faire progresser le dossier. Tout comme lui, j'estime que ce n'est pas la conclusion d'une démarche, mais le premier pas d'une quête essentielle qui nous redonnera espoir.

Son Honneur le Président intérimaire : Madame le sénateur Ataullahjan accepterait-elle de répondre à une question?

Le sénateur Ataullahjan : Oui.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, 158 militaires ont été tués en Afghanistan. On en est encore à rassembler les données à ce sujet, mais on estime que bien au-delà d'une douzaine d'anciens combattants blessés — la plupart psychologiquement — se sont suicidés depuis leur retour au Canada. Ce geste découle principalement, en fait, de la durée de leur période de combat. C'est ce que les commissions nous apprennent.

En quoi le projet de loi incitera-t-il les ministères à mettre en œuvre des mesures de prévention du suicide? Les ministères devront-ils rendre des comptes à un organisme central ou à une entité chargée de cette question?

Le sénateur Ataullahjan : Le projet de loi fait actuellement l'objet d'un examen. Nous souhaitons que Santé Canada s'occupe de cette question en collaboration avec la Commission de la santé mentale du Canada. Nous sommes conscients de ce dont le sénateur a parlé, c'est-à-dire des cas de suicide chez les militaires. Ces gens ont besoin d'aide, et le projet de loi est un pas dans la bonne direction.

(Sur la motion du sénateur Fraser, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la sensibilisation à la densité mammaire

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Asha Seth propose que le projet de loi C-314, Loi concernant la sensibilisation au dépistage chez les femmes ayant un tissu mammaire dense, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureuse de parler du projet de loi C-314, Loi concernant la sensibilisation au dépistage chez les femmes ayant un tissu mammaire dense. Ce projet de loi a été présenté à la Chambre des communes par le député de Barrie et au Sénat par le sénateur Carignan.

Le cancer du sein est une maladie dévastatrice. C'est un problème de santé important qui touche tout le monde : nos grands-mères, nos mères, nos femmes, nos sœurs, nos filles et nos tantes. Il touche nos familles et nos amis. C'est la forme de cancer la plus répandue chez les femmes.

Une femme sur neuf aura un cancer du sein au cours de sa vie. Cette année seulement, environ 23 000 femmes recevront un diagnostic de cancer du sein et, malheureusement, 5 000 d'entre elles en mourront.

Ce projet de loi vise à sensibiliser davantage les femmes aux conséquences de la densité mammaire dans le dépistage du cancer du sein, ce qui aidera beaucoup de femmes et de médecins à prendre des décisions éclairées relativement au dépistage.

J'appuie fermement ce projet de loi parce qu'il encourage des pratiques importantes. Il force le gouvernement à déterminer s'il existe des lacunes dans l'information relative à la densité mammaire dans le contexte du dépistage du cancer du sein. De plus, il exige qu'on établisse, au besoin, des façons d'améliorer l'information fournie aux femmes subissant des tests de dépistage du cancer du sein afin, d'une part, de surmonter les difficultés liées au dépistage du cancer du sein chez les femmes ayant un tissu mammaire hétérogène ou dense; et, d'autre part, d'accroître la sensibilisation à ces difficultés.

Finalement, le projet de loi exige que l'on communique, au moyen de l'Initiative canadienne pour le dépistage du cancer du sein, l'information concernant la détection du tissu mammaire hétérogène ou dense durant le dépistage et toutes méthodes de suivi qui pourraient être jugées nécessaires.

Le projet de loi reconnaît également la responsabilité des provinces et des territoires en ce qui concerne le dépistage du cancer du sein.

Ce sont là des dispositions très importantes, et il est utile que nous prenions le temps d'examiner cette mesure législative. En sensibilisant la population à la densité mammaire, le projet de loi C-314 tient compte des préoccupations des Canadiens au sujet du cancer du sein.

Si vous me le permettez, avant d'aborder chacun des aspects du projet de loi, je vais expliquer en quoi la densité mammaire est liée au dépistage du cancer du sein et pourquoi c'est important. Il est crucial que nous soyons tous au courant des problèmes causés par des tissus mammaires denses et du fait que le dépistage du cancer du sein peut sauver des vies. Par densité mammaire, on entend la quantité de tissu dans les seins. Il y a plus de tissu dans les seins denses, et cela peut avoir une incidence sur les résultats des tests de dépistage. On effectue le dépistage du cancer par une mammographie, qui est une radiographie du sein. Les mammographies détectent le cancer du sein avant même que la patiente observe des symptômes.

(1110)

Cependant, il est plus difficile de dépister le cancer du sein chez les femmes qui ont un tissu mammaire dense. Tel qu'indiqué dans le projet de loi, tant le cancer que le tissu mammaire dense apparaissent en blanc sur les mammographies, rendant ainsi le dépistage plus difficile.

En outre, les femmes ayant un tissu mammaire dense sont plus à risque de développer un cancer du sein, mais on ne sait pas encore pourquoi.

De plus, nous ne disposons d'aucune statistique sur le nombre de Canadiennes qui ont un tissu mammaire dense. Grâce à la sensibilisation aux facteurs de risque associés au cancer du sein et aux méthodes actuelles de dépistage, les femmes et leurs médecins peuvent prendre des décisions éclairées concernant le dépistage du cancer du sein.

Bref, nous savons que le dépistage précoce pourrait augmenter les chances de survie au cancer du sein. C'est chez les femmes ayant un tissu mammaire dense que le cancer du sein est le plus difficile à dépister. De plus, il existe un lien entre le tissu mammaire dense et le risque accru de développer le cancer du sein.

Honorables sénateurs, voilà pourquoi ce projet de loi est important. Il fait ressortir l'importance de sensibiliser davantage le public et de mieux comprendre les tenants et les aboutissants de cette maladie, afin d'être en mesure de dépister le cancer du sein à un stade précoce. Il reconnaît que tous les intervenants ont un rôle à jouer pour donner aux Canadiens l'information et les outils dont ils ont besoin en vue de prendre des mesures préventives.

Les provinces et les territoires possèdent des programmes de dépistage précoce du cancer du sein, car les soins de santé relèvent de leur compétence. Ils sont notamment responsables de la collecte de données nationales sur le cancer du sein.

Dans le cadre de son rôle en matière de recherche et de surveillance, et grâce à ses programmes et réseaux, le gouvernement du Canada facilite le recensement et l'adoption de pratiques efficaces et le partage de l'information sur les méthodes et les résultats de dépistage. Plus que jamais, les Canadiens — c'est-à-dire les particuliers, les familles et les collectivités — prennent leur santé à cœur. Par conséquent, ils ont besoin d'information pertinente pour prendre des décisions éclairées.

En outre, honorables sénateurs, de nombreuses associations et organisations professionnelles jouent un rôle important en fournissant des renseignements fiables, qui facilitent la prise de décisions fondées sur des données probantes. Les Canadiens ont besoin de renseignements qui reposent sur des faits avérés et ils doivent comprendre ce qui est encore méconnu. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'ils pourront peser le pour et le contre des différentes pistes de solution.

Nous savons que nous devons tous disposer de renseignements fiables afin de prendre des décisions au sujet de notre santé, en tenant compte de l'avis des médecins. Ce dialogue est essentiel à la relation entre le médecin et son patient.

Des progrès ont été réalisés dans les domaines de la recherche, du diagnostic et du traitement relativement au cancer, et les femmes canadiennes bénéficient de ces découvertes. Il est important de poursuivre nos travaux de recherche afin de mieux comprendre le cancer du sein et les facteurs de risque qui y sont associés.

Il reste encore beaucoup de choses à apprendre sur le cancer du sein et le tissu mammaire dense. Il existe encore des lacunes dans les renseignements à cet égard. Il est essentiel de combler ces lacunes afin de sensibiliser davantage la population au dépistage du cancer du sein et aux conséquences de la densité mammaire et de mieux comprendre ces questions.

Maintenant que j'ai décrit les questions et les objectifs clés, permettez-moi de revenir aux éléments principaux du projet de loi C-314 et de brosser un tableau des initiatives en cours pour y donner suite.

Honorables sénateurs, le projet de loi à l'étude aujourd'hui demande au gouvernement fédéral d'utiliser les initiatives et les programmes existants afin de sensibiliser davantage les femmes canadiennes et leurs médecins à la densité mammaire et à ses conséquences pour le dépistage du cancer du sein. Il vise également à ce que l'on cerne les lacunes en matière de renseignements et les approches qui permettent d'améliorer les renseignements communiqués aux femmes et à ce que l'on échange des renseignements et des pratiques exemplaires au moyen de l'Initiative canadienne pour le dépistage du cancer du sein.

Le gouvernement fédéral a pris des mesures en vue de cerner les lacunes dans les renseignements actuels sur le cancer du sein, ce qui comprend le dépistage de cette forme de cancer et les questions touchant la densité mammaire.

Par l'entremise des Instituts de recherche en santé du Canada, les IRSC, le gouvernement du Canada finance un certain nombre de projets de recherche visant à examiner tous les aspects de la prévention du cancer et de la lutte contre cette maladie. Le dépistage précoce du cancer est l'une des priorités des IRSC, et ceux-ci travaillent actuellement avec des partenaires au Canada et ailleurs dans le monde pour faire avancer ce dossier et d'autres priorités.

L'Institut du cancer des IRSC appuie les recherches et les découvertes scientifiques visant tous les types de cancer, notamment le cancer du sein. Par exemple, l'institut envisage un partenariat avec la Fondation canadienne du cancer du sein pour mener des recherches sur le dépistage précoce. Ces recherches permettent de trouver des traitements plus efficaces et des stratégies de prévention pour lutter contre le cancer du sein. C'est en investissant dans la recherche qu'on peut trouver des solutions.

La recherche scientifique permet de mieux comprendre le cancer du sein, notamment en ce qui concerne la densité mammaire et l'amélioration des pratiques de dépistage. La recherche et l'information sont des éléments essentiels de la sensibilisation au dépistage du cancer du sein et à l'incidence de la densité mammaire.

Le projet de loi C-314 permettra de fournir aux femmes et à leurs familles l'information dont elles ont besoin pour jouer un rôle plus actif dans leur santé.

Cela m'amène au deuxième élément du projet de loi, qui exige de trouver des stratégies pour améliorer l'information fournie aux femmes et sensibiliser le public aux difficultés du dépistage du cancer chez les femmes qui ont une forte densité mammaire. Il est important que les femmes soient davantage sensibilisées à l'incidence d'un tissu mammaire dense dans le dépistage du cancer du sein. Ainsi, les femmes et leurs médecins seront mieux placés pour prendre des décisions au sujet de la santé de celles-ci.

Bien que le projet de loi C-314 mette la sensibilisation à la densité mammaire au premier plan, il reconnaît également que les provinces et les territoires sont responsables d'effectuer le dépistage du cancer du sein. Il tient compte du rôle des provinces et des territoires et s'appuie sur celui-ci. Le projet de loi favorise l'acquisition de connaissances à partir d'initiatives existantes de façon à contribuer aux activités et aux décisions futures sur le dépistage du cancer du sein.

Au Canada, nous avons la chance d'avoir des programmes de dépistage du cancer du sein. Les programmes des provinces et des territoires sont un outil très précieux pour la détection précoce de ce cancer chez les femmes canadiennes.

Le projet de loi souligne également le rôle du gouvernement fédéral dans le dépistage du cancer du sein. Ce rôle consiste à faciliter l'établissement et l'adoption de pratiques de dépistage efficaces.

De plus, le gouvernement fédéral favorise la communication d'information sur les méthodes de dépistage et leurs résultats grâce à ses initiatives de recherche et de surveillance. Plus précisément, il sensibilisera la population à la densité mammaire et à son incidence sur le dépistage du cancer du sein par l'intermédiaire de l'Initiative canadienne pour le dépistage du cancer du sein.

Cette initiative s'occupe de questions qui favorisent l'établissement de normes nationales pour la prévention et le dépistage précoce. Dans le cadre de celle-ci, le gouvernement fédéral travaille avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour mesurer le rendement des programmes de dépistage à l'échelle nationale et élaborer de meilleures méthodes de dépistage.

Grâce à l'Initiative canadienne pour le dépistage du cancer du sein, tous les ordres de gouvernement peuvent échanger des renseignements, et ce, de façon régulière. Ils discutent aussi régulièrement de ce qui fonctionne le mieux et des défis qu'ils doivent relever. L'initiative contribue ainsi à améliorer globalement les pratiques de dépistage à l'échelle du pays.

Le projet de loi C-314, qui porte essentiellement sur la collecte de renseignements et leur mise en commun, appuie le travail fructueux qui est déjà en cours. Ultimement, il permet de fournir à toutes les femmes des renseignements pertinents sur les différents aspects du dépistage du cancer du sein.

Le troisième élément du projet de loi est lié encore plus directement à l'Initiative canadienne pour le dépistage du cancer du sein. Le projet de loi exige que l'on communique, par l'entremise de l'initiative, l'information concernant les pratiques utilisées pour détecter le tissu mammaire dense durant le dépistage et les étapes de suivi. Communiquer de l'information sur les façons d'améliorer les programmes de dépistage du cancer permet aux femmes de bénéficier de tous les avantages d'un dépistage précoce, et notamment de se renseignements sur les différents aspects du dépistage du cancer du sein. C'est pourquoi, honorables sénateurs, le gouvernement a établi le comité national responsable de l'Initiative canadienne pour le dépistage du cancer du sein, composé de membres de tous les ordres de gouvernement, afin de faciliter l'évaluation collective des programmes de dépistage du cancer du sein.

(1120)

Je signale également que le comité national travaille étroitement avec des professionnels de la santé et d'autres intervenants. Faisant fond sur les connaissances issues de l'Initiative canadienne pour le dépistage du cancer du sein, le comité national est en mesure de mettre au point des recommandations et des protocoles liés au dépistage du sein. Le travail du comité national entraîne donc l'amélioration des pratiques sur le terrain, où se fait le dépistage

Par exemple, entre autres, le comité national se penche actuellement sur la mortalité attribuable au cancer du sein et sur l'amélioration du dépistage dans les populations mal desservies. De plus, le gouvernement fédéral favorise l'éducation et fournit de l'information et des ressources à toutes les collectivités du pays par l'entremise du programme de renforcement des capacités communautaires, volet clé de l'Initiative canadienne sur le cancer du sein.

Le programme de renforcement des capacités communautaires aide les organismes, les provinces et les territoires à se constituer en réseaux avec les groupes provinciaux et locaux de lutte contre le cancer. Cette collaboration pancanadienne permet de partager les pratiques exemplaires et de faire en sorte que les femmes aux prises avec le cancer du sein obtiennent de l'information et du soutien.

Afin d'appuyer tout l'excellent travail déjà mentionné, l'Initiative canadienne pour le dépistage du cancer du sein a créé un dépositaire national sur la question. Les programmes de dépistage provinciaux et territoriaux versent des renseignements sur le dépistage dans la base de données canadienne sur le dépistage du cancer du sein. Cette base de données sert au suivi et à l'évaluation des programmes de dépistage du cancer du sein. C'est une source d'information précieuse en la matière. Ces gestes et initiatives contribuent à la sensibilisation au sujet de l'efficacité du dépistage du cancer du sein, du taux de survie et d'autres questions importantes.

Honorables sénateurs, cela m'amène à vous parler d'un autre élément du tableau. Il est tout aussi important de partager les connaissances entre les organismes dans le domaine de la santé. Le projet de loi reconnaît que la prévention du cancer est l'affaire de tous et exige la participation des intervenants de tous les niveaux. Le gouvernement reconnaît que les organismes non gouvernementaux jouent un rôle capital dans la sensibilisation aux problèmes que pose le cancer du sein.

Honorables sénateurs, je suis heureuse que le gouvernement prenne des mesures pour lutter contre le cancer en maintenant les investissements dans le Partenariat canadien contre le cancer. En mars dernier, le premier ministre a annoncé le renouvellement du financement de 250 millions de dollars sur cinq ans pour ce partenariat. Cela lui assurera un financement stable jusqu'en avril 2017 et lui permettra de poursuivre son important travail de sensibilisation des femmes au dépistage du cancer. Ce partenariat est le premier en son genre. Il s'agit d'un organisme indépendant financé par le gouvernement fédéral pour accélérer la lutte contre le cancer pour tous les Canadiens.

Le Partenariat canadien contre le cancer a été établi pour mettre en œuvre la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer qui établit huit priorités : la prévention primaire, le dépistage ou la détection précoce; les initiatives sur la qualité et le rendement du système, les lignes directrices contre le cancer, l'expérience globale du cancer, les ressources humaines en santé, la recherche et la surveillance.

Le Partenariat canadien contre le cancer collabore avec des cancérologues, des organismes de bienfaisance, des agences gouvernementales de lutte contre le cancer, des organismes de santé nationaux et des patients qui ont survécu et d'autres intervenants partout au Canada pour innover et accélérer l'utilisation de stratégies efficaces de prévention et de lutte contre le cancer. Les objectifs du partenariat sont notamment la diminution du nombre global de cas de cancer au Canada, la diminution des décès attribuables au cancer et l'amélioration de la qualité de vie des patients.

Honorables sénateurs, le partenariat joue un rôle clé dans la transmission d'informations aux femmes et dans la sensibilisation au dépistage du cancer, dans le même esprit que le projet de loi C-314, le projet de loi sur la sensibilisation à la densité mammaire.

Le Partenariat canadien contre le cancer vise à faire une différence auprès des Canadiens, peu importe où ils vivent, par la collaboration et l'échange de connaissances. Le projet de loi reconnaît aussi le rôle des organismes de santé tels que la Société canadienne du cancer et la Fondation canadienne du cancer du sein, qui fournissent des renseignements fiables pour aider les femmes à prendre des décisions éclairées au sujet de leur santé.

Comme je l'ai souligné un peu plus tôt, nous devons nous serrer les coudes afin d'améliorer le dépistage du cancer, surtout pour les cas difficiles, c'est-à-dire les femmes dont le tissu mammaire est dense.

La Société canadienne du cancer est active dans bien des domaines à l'échelle nationale : prévention, recherche, diffusion d'information et soutien pour tous les types de cancers. Cet organisme bénévole travaille activement à sensibiliser la population et à recueillir des fonds pour la lutte contre le cancer du sein.

La Fondation canadienne du cancer du sein est un organisme national bénévole qui s'est donné pour but d'éradiquer le cancer du sein. Elle finance, soutient et défend les programmes de recherche, d'information et de sensibilisation, de diagnostic précoce et de traitement efficace, ainsi que les services visant à améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de cancer.

En outre, le projet de loi souligne le travail des organismes consacrés à la santé des femmes, comme le Réseau canadien pour la santé des femmes. Ces organismes contribuent eux aussi à sensibiliser les Canadiennes au sujet de problèmes de santé courants dont, bien sûr, le cancer du sein.

Qu'il s'agisse du Mois de la sensibilisation au cancer du sein, de la Course à la vie ou de toute autre activité caritative, la sensibilisation au cancer du sein demeure cruciale pour les milliers de Canadiennes à qui elle profite.

Honorables sénateurs, il s'agit d'une lutte qui ne peut être menée par une seule personne ou une seule organisation. Elle nécessite des efforts de collaboration soutenue sur une longue période par de nombreux intervenants, dont des spécialistes du cancer, des organismes de bienfaisance, des agences gouvernementales de lutte contre le cancer, des patients, des familles et des collectivités.

Ensemble, nous pouvons non seulement améliorer le dépistage et la détection précoce, mais fournir de l'information importante aux femmes, aux médecins et aux Canadiens.

La force du projet de loi C-314 réside dans l'importance qu'il accorde à la question de la densité mammaire. De concert avec des organismes consacrés à la lutte contre le cancer du sein, le gouvernement fédéral continuera d'avoir recours aux initiatives existantes pour sensibiliser les femmes et leur médecin à la densité mammaire dans le contexte du dépistage du cancer du sein.

Le projet de loi C-314 est un pas dans la bonne direction. Il cherche à démultiplier les initiatives existantes afin de favoriser la mise en commun de l'information et du savoir sur les difficultés que pose la densité mammaire dans le dépistage du cancer du sein.

Récapitulons. Le projet de loi C-314, Loi sur la sensibilisation à la densité mammaire, obligerait le gouvernement du Canada à recourir à ses programmes et autres initiatives existants, dans le respect de ses champs de compétence, afin de favoriser le repérage de toute lacune dans l'information relative à la densité mammaire, d'établir des façons d'améliorer l'information fournie aux femmes sur le dépistage du cancer du sein chez les femmes ayant un tissu mammaire dense et de communiquer, au moyen de l'Initiative canadienne pour le dépistage du cancer du sein, cette même information.

Pour conclure, le projet de loi est l'occasion parfaite pour le gouvernement du Canada et le Parlement de souligner à quel point il est important de sensibiliser les gens à la densité mammaire en s'inspirant de la nature nettement collaborative des activités de sensibilisation au cancer en cours actuellement au Canada. Les médecins ainsi que les femmes et leur famille en bénéficieront. Grâce aux efforts de sensibilisation, les femmes canadiennes et leur famille seront mieux informées à propos du cancer du sein.

(1130)

Elles apprendront ce qu'est la densité mammaire et quelle incidence a ce facteur sur le dépistage du cancer. Elles seront capables de prendre de bonnes décisions à la lumière de ces connaissances.

Honorables sénateurs, en adoptant ce projet de loi, nous pouvons veiller à ce que les femmes ayant un tissu mammaire dense soient sensibilisées à l'importance du dépistage du cancer du sein. Trop de familles sont touchées par cette forme de cancer. J'espère que ce projet de loi aidera les femmes à détecter tout cancer du sein plus rapidement, ce qui pourrait sauver des vies à l'avenir. C'est pourquoi je recommande fortement à tous les sénateurs d'appuyer ce projet de loi.

(Sur la motion du sénateur Fraser, pour le sénateur Merchant, le débat est ajourné.)

Peuples autochtones

Budget—L'étude sur l'évolution de la reconnaissance juridique et politique de l'identité collective et des droits des Métis au Canada—Adoption du septième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du septième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones (budget supplémentaire—étude sur l'évolution de la reconnaissance juridique et politique de l'identité collective et des droits des Métis au Canada), présenté au Sénat le 21 juin 2012.

L'honorable Dennis Glen Patterson propose que le rapport soit adopté.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, le sénateur Patterson pourrait-il nous expliquer en quelques mots ce dont il s'agit?

Le sénateur Patterson : Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a entrepris — pour la première fois de l'histoire du Sénat, si je me fie au président de longue date de notre comité, le sénateur St. Germain — une étude portant sur les Métis du Canada. C'est un sujet qui a été touché indirectement par des rapports, mais cette étude porte spécialement sur l'évolution de la reconnaissance juridique et politique dont ils jouissent ainsi que sur leur identité.

Le rapport dont le Sénat est saisi aujourd'hui modifierait la mission d'information du comité sénatorial et nous permettrait d'accepter une invitation à participer à une importante réunion nationale dans la capitale des Métis à Batoche cet été. On souhaite ainsi l'approbation du Sénat pour ajuster les frais de déplacement du Comité des peuples autochtones pour mener une mission d'information et rendre visite aux Métis qui vivent là-bas.

Le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Sécurité nationale et défense

Budget et autorisation de se déplacer—L'étude sur l'état des bases maritimes et aériennes des côtes est et ouest du Canada—Adoption du septième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du septième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense (budget—étude sur l'état des bases maritimes et aériennes des côtes est et ouest du Canada—autorisation de se déplacer), présenté au Sénat le 21 juin 2012.

L'honorable Pamela Wallin propose que le rapport soit adopté.

L'honorable Joan Fraser : Madame le sénateur pourrait-elle nous donner des renseignements à ce sujet?

Le sénateur Wallin : Oui. Honorables sénateurs, il s'agit d'une demande de fonds pour que le Comité de la défense puisse se rendre sur les côtes Est et Ouest du Canada. Nous avons rencontré le Comité de la régie interne il y a deux jours et ce voyage a été approuvé.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le rapport est adopté.)

La prévention et l'élimination des atrocités de masse

Interpellation—Fin du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Dallaire, attirant l'attention du Sénat sur le manque d'engagement constant du Canada en matière de prévention et d'élimination des atrocités de masse, et demandant également au Sénat de suivre la recommandation du Secrétaire général des Nations Unies en désignant 2012 comme l'année de la prévention des atrocités de masse.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, j'ai présenté cette interpellation non seulement en raison de mon expérience personnelle, mais également à titre d'agrégé supérieur du Carr Center for Human Rights Policy de l'école Kennedy de l'Université Harvard, où nous aidons l'administration Obama et son Cabinet à donner une nouvelle orientation en ce qui concerne la prévention et l'élimination des atrocités de masse, ainsi qu'à titre d'agrégé supérieur de l'Institut montréalais d'études sur le génocide et les droits de la personne de l'Université Concordia, qui a produit le rapport intitulé Mobiliser la volonté d'intervenir : leadership et action pour la prévention des atrocités de masse. L'administration Obama a pris acte de ce document et nous avons rencontré le ministre des Affaires étrangères pour en discuter.

Enfin, je me présente aux honorables sénateurs comme membre du bureau du conseiller spécial du secrétaire général des Nations Unies pour la prévention du génocide, où je travaille aux côtés de Gareth Evans, qui est le responsable désigné concernant le concept de la « responsabilité de protéger », et de Desmond Tutu, qui a été l'un des principaux conseillers.

Je rappellerai aux sénateurs quelques données historiques. Je remonterai plus loin que les histoires relatées par CNN, qui se rapportent uniquement à la semaine d'avant, et je ramènerai les sénateurs 18 ans en arrière, aux premiers jours du conflit au Rwanda, quand des pays ont envoyé des groupes en reconnaissance pour examiner la situation et leur recommander d'intervenir ou non pour mettre un terme au désastre. Comme aucun pays n'était intervenu, aucun n'avait répondu aux appels à l'aide lancés auparavant pour prévenir le conflit.

Tous ont répondu qu'ils ne recommanderaient pas l'envoi de troupes là-bas parce que rien ne justifiait leur intervention. Il n'y avait pas de ressources stratégiques — comme du pétrole — et la situation géographique du pays ne présentait, elle non plus, aucun intérêt stratégique. Il n'y avait là que des êtres humains, et il y en avait trop, de toute façon : le pays était surpeuplé. La dimension humaine n'a eu aucune influence sur les décideurs des 191 pays du monde.

Le 28 avril de la même année, soit trois semaines après le début du génocide, alors qu'environ 175 000 cadavres flottaient déjà sur les cours d'eau ou gisaient dans les champs, j'ai reçu un appel du conseiller militaire du secrétaire général. À l'époque, il s'agissait du général Baril, un Canadien, qui m'a essentiellement annoncé que la cavalerie ne viendrait pas à notre aide et que l'ONU avait retiré 2 100 de mes soldats même si j'avais présenté un plan demandant des renforts pour arrêter le génocide. Nous étions livrés à nous-mêmes, et personne ne voulait participer à ce plan, même si l'ONU l'avait accepté.

À partir du 17 mai, soit six semaines après le début des massacres, on a reconnu qu'il s'agissait d'un génocide. Il y avait alors déjà près de 400 000 morts et trois millions de réfugiés déplacés à l'intérieur du pays. Même si le Conseil de sécurité avait approuvé l'envoi de troupes destinées à m'aider à mettre fin aux massacres et aux mouvements de populations, aucun pays n'est venu à la rescousse. Pas un seul pays n'a répondu à l'appel pendant le génocide. Ce n'est qu'après coup qu'on a versé près de 2 milliards de dollars pour apporter de l'aide humanitaire aux réfugiés et aux populations déplacées au sein du pays, ce qui représentait à l'époque près de 4 millions de personnes.

(1140)

Nous étions incapables d'intervenir. Même si des pays africains étaient prêts à envoyer des troupes, ils n'avaient pas les moyens de se rendre sur les lieux ni l'équipement nécessaire à l'intervention. En fait, on nous a même refusé les munitions qu'il nous fallait pour intervenir. Cette incapacité à intervenir reflétait l'époque qui a suivi la bataille de Mogadiscio, au cours de laquelle des soldats américains ont été traînés dans les rues. Bill Clinton n'avait plus du tout l'intention de participer à l'aide humanitaire, surtout s'il risquait de perdre des soldats. Il n'y avait aucun intérêt national en jeu, seulement des vies humaines.

En 1996, le premier ministre Chrétien a accepté de bouger, et il a envoyé une équipe dans l'Est du Congo pour qu'elle amène au Canada les quelque 300 000 réfugiés ciblés par des attaques. Le Canada a dirigé une mission qui a finalement échoué. Nous avons échoué d'abord parce que nous ne sommes pas intervenus à temps, mais aussi parce que nous n'avions pas les ressources nécessaires pour mener la mission à bien, tant sur le plan du renseignement que sur le plan stratégique. Plusieurs des pays qui auraient pu nous fournir des ressources ne l'ont pas fait.

En 2005, le sénateur Jaffer, l'ambassadeur Fowler et moi avons été convoqués au bureau du premier ministre Paul Martin pour rencontrer le chef d'état-major de la Défense de l'époque ainsi que quelques-uns des principaux membres de son état-major, afin que nous déterminions ce que nous allions faire à l'égard de la situation au Darfour, où plus de 2,5 millions de personnes étaient alors la cible d'attaques. Ces gens étaient victimes de meurtres, d'assassinats et de viols. L'Union africaine essayait de déployer des forces pour mettre un terme au massacre.

Il s'agissait d'une réunion ponctuelle. Aucune planification effectuée par la Défense nationale, les Affaires étrangères ou même l'ACDI n'indiquait comment intervenir en cas d'atrocités de masse, quelles démarches entreprendre, avec quels partenaires et quels équipements, et s'il fallait passer par les Nations Unies ou un pouvoir régional. Depuis, nous avons été en mesure de faire valoir nos préoccupations à ce sujet et de tenter d'intervenir.

Le concept de la « responsabilité de protéger », accepté en septembre 2005, sert de guide, sinon de doctrine, et nous encourage à tenter d'intervenir lorsqu'on constate des violations généralisées des droits humains dans un État-nation. On a utilisé ce concept à quelques reprises en Côte d'Ivoire. On l'a même utilisé après les élections au Kenya, il y a quelques années, quand quatre postes de radio lançaient des encouragements au génocide qui déclenchaient des catastrophes ethniques. On l'a utilisé — sans le nommer — en Libye, avec d'excellents résultats.

Quand on regarde tous ces outils, il faut se demander ceci : avons-nous non seulement réussi à opérationnaliser efficacement notre capacité d'intervenir en cas d'atrocités de masse et de risque de génocide, mais aussi réussi à les prévenir, autrement dit, avons-nous bâti une capacité qui pourrait être assez convaincante pour empêcher les gens de suivre cette voie au sein d'un État-nation?

Permettez-moi de lire quelques notes à ce sujet. En mai, quand j'ai parlé de l'engagement du Canada envers la prévention et l'élimination des atrocités de masse, je savais que je n'étais pas le seul à nourrir des craintes. Je savais qu'un grand nombre de sénateurs et de Canadiens partageaient ces préoccupations.

Je le vois encore plus clairement aujourd'hui. Des sénateurs des deux côtés ont pris la parole et confirmé ce que je savais déjà. En tant que Canadiens, nous sommes profondément touchés par ce que vivent des citoyens d'autres parties du monde. Nous sommes profondément touchés quand des êtres de chair et de sang, comme nous, sont empilés le long d'une route comme des cordes de bois, quand le viol systématique des mères et des filles sert de méthode de guerre, quand des familles voient leur maison détruite par les bombes et sont exposées aux maladies et à la famine.

Nous sommes profondément touchés parce que nous savons qu'il ne s'agit pas seulement d'images à l'écran ou de mots sur une page. Ce sont de véritables personnes que nous pouvons regarder dans les yeux.

Je veux remercier le sénateur Eggleton de ses observations fort judicieuses, et plus particulièrement le sénateur Segal, grand humanitaire et internationaliste, de son appui et de sa perspective sur le sujet.

Je veux mentionner plus particulièrement madame le sénateur Jaffer, non parce que son intervention était émotive, mais parce qu'elle nous a fait comprendre que des Canadiens ont vécu ces catastrophes et ont été touchés par elles. Nous aurions pu atténuer, voire prévenir, ces catastrophes si nous avions eu, à l'époque, la volonté et les capacités nécessaires pour intervenir.

Je veux remercier ces personnes, et je tiens également à remercier les autres Canadiens qui ont fait front commun devant des souffrances et des horreurs inimaginables au Rwanda, au Kosovo, au Soudan, en République du Congo et en Libye, entre autres, et qui sont encore là, que ce soit en tant que soldats, civils, diplomates, responsables du développement, travailleurs humanitaires ou membres d'ONG.

[Français]

Honorables sénateurs, le message est clair : il est absolument impératif que nous agissions dès maintenant pour augmenter notre capacité de prévenir et d'éliminer les atrocités de masse. C'est à la fois un devoir moral et une responsabilité pratique.

Nous pouvons prendre des mesures concrètes et mettre à profit nos connaissances pour réduire la probabilité d'atrocités de masse dans toute la mesure du possible. Quand ce n'est pas possible, nous devons agir avec autant d'efficacité, de rapidité et d'esprit de décision que possible.

À cette fin, nous devons mettre au point, au sein de nos institutions, un cadre de prévention et d'élimination des atrocités de masse. Comme un certain nombre de pays se sont déjà attelés à cette tâche, ils peuvent nous faire profiter de leur expertise.

L'organisation Interagency Atrocity Prevention Board des États-Unis a déjà été mentionnée à cet égard. En fin de compte, toutefois, il nous faudra découvrir ce qui fonctionne le mieux pour nous. Une chose est claire, tout de même : notre objectif premier doit être la prévention, pas seulement la réaction.

Honorables sénateurs, la prévention n'intervient pas quand les atrocités sont en cours. Quand on commence à calculer le nombre de morts, il est déjà trop tard. Il faut regarder les causes profondes de la violence et de l'instabilité pour les prévenir.

Pour nous attaquer à ces causes profondes, il nous faut une politique cohérente qui va au-delà de nos capacités diplomatiques et militaires, une politique qui met en jeu les leviers diplomatiques, les projets de développement et les données du renseignement de sécurité. Tout cela est essentiel pour anticiper ces catastrophes.

En matière de développement et de renforcement des capacités, nous devons être conscients de la dynamique interne des pays, non seulement en termes de potentiel économique, mais de caractère politique et de dynamique sociale. En d'autres termes, il faut être conscient des griefs non aplanis et des clivages sociaux qui sont à l'origine des flambées massives de violence et de répression.

Outre le renforcement des capacités, il faut tirer parti de tous les mécanismes d'alerte précoce à notre disposition. Nous avons beaucoup à gagner au contact direct des ONG. Ce sont elles qui connaissent la situation sur le terrain. Elles sont les yeux et les oreilles de l'humanité.

Il en va de même de nos diplomates qui, en plus de faire valoir les intérêts canadiens, peuvent, dans le cadre de leur mission de l'ONU ou des instances régionales ou infrarégionales et bilatérales, mettre à profit leur connaissance intime de la dynamique politique et sociale locale pour sonner l'alarme.

Même quand l'information fait défaut, il nous reste encore des options. Le Service canadien du renseignement de sécurité a pour mandat d'enquêter et de faire rapport sur les menaces à la sécurité du Canada, y compris le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive, l'espionnage et les atteintes à la sécurité de l'information.

Son Honneur le Président intérimaire : Je dois vous informer, honorables sénateurs, que le temps de parole de l'honorable sénateur Dallaire est écoulé.

Le sénateur Dallaire : Je demande cinq minutes de plus.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'accorder cinq minutes de plus à l'honorable sénateur Dallaire?

Des voix : D'accord.

(1150)

[Traduction]

Le sénateur Dallaire : Le moment est probablement venu de vous parler de mes recommandations.

Permettez-moi de vous présenter mes recommandations concernant cette interpellation, qui est terminée, je l'espère, ce qui me permettra de m'adresser au ministre des Affaires étrangères afin d'obtenir son aide et ses conseils pour appliquer ces recommandations.

Le mois dernier, j'ai commencé par brosser un tableau d'ensemble faisant ressortir la gravité croissante des atrocités de masse qui troublent la paix et la sécurité à l'échelle internationale. Ces atrocités ont des répercussions sur nous, au Canada, et ces répercussions se font sentir jusqu'à l'échelon municipal, où les diasporas peuvent être entraînées dans ces scénarios complexes. Aujourd'hui, je voudrais vous communiquer quelques recommandations précises pour qu'il y ait des progrès dans ce dossier.

Premièrement, je recommande au premier ministre de faire de la prévention et de l'élimination des atrocités de masse une priorité nationale. Le président Obama cherche des appuis à l'initiative qu'il a prise dans son pays. Le premier ministre manifestera ainsi le sérieux avec lequel le Canada compte traiter le problème des atrocités de masse, ce qui nous permettra de tirer parti de la possibilité s'offrant à nous de discuter stratégie avec le gouvernement des États-Unis sur cette priorité commune.

Deuxièmement, il faut nommer au sein du Cabinet un ministre de la sécurité internationale ou créer un poste du genre, avec un mandat clair. Cette personne pourra s'approprier le dossier et prendre la responsabilité de réagir de manière rapide et décisive, au besoin, lorsque se présentent des cas d'atrocités de masse. Nous nous sommes dotés de la capacité, lorsque nous intervenons dans un conflit comme celui de l'Afghanistan, d'aider une démocratie naissante pour que s'y développent la saine gouvernance, la primauté du droit, le respect des droits de la personne et l'égalité des sexes. Cependant, dans le cas de ces atrocités, la capacité réelle n'existe pas et n'est pas à l'ordre du jour.

Comme le sénateur Segal l'a suggéré, cette position pourrait être occupée par un haut fonctionnaire, qui coordonnerait un groupe inter-agences composé, pour commencer, de représentants des ministères de la Défense nationale, des Affaires étrangères et du Commerce international et de l'ACDI.

Troisièmement, le Parlement du Canada pourrait transformer le Groupe parlementaire multipartite pour la prévention du génocide et autres crimes contre l'humanité en comité mixte permanent. Nous sommes tous conscients de l'importance des travaux des comités parlementaires dans l'atteinte des objectifs nationaux, pourtant le dossier de la prévention et de l'élimination des atrocités de masse est étudié par un groupe disparate de comités parlementaires, ce qui finit par fragmenter les efforts dans ce sens. Si nous voulons nous atteler sérieusement à la prévention et à l'élimination des atrocités de masse, il faudra nous doter d'un comité permanent ayant pour mandat exclusif de suivre de près les dossiers préoccupants, de se pencher sur les moyens de prévenir et d'éliminer les atrocités de masse et d'étudier des plans d'urgence.

Quatrièmement, nous devrions élaborer des programmes de formation spécialisée et établir des normes opérationnelles pour guider les membres des forces armées. Les recommandations de notre équipe à Harvard ont maintenant été adoptées par l'armée américaine, qui l'insère maintenant dans sa doctrine. Une politique cohérente nous permettra d'éviter d'avoir inutilement recours aux forces armées, de les mettre en danger et même d'avoir peur d'avoir recours à eux. Toutefois, si jamais nous nous trouvions dans la position de devoir user d'une force plus musclée, au-delà même de ce que nous avons déployé en Libye, il importera que nos hommes et nos femmes en uniforme aient reçu une formation spéciale leur permettant d'être prêts à réagir de manière sécuritaire et efficace à la situation très complexe où la population civile d'un pays est à la fois la cible et l'élément à protéger.

Cinquièmement, nous devons assurer la promotion d'un débat public sur le rôle du Canada dans la prévention des atrocités de masse. Le gouvernement devrait prendre part à un débat public sur le rôle que les Canadiens devraient exercer dans la prévention des atrocités de masse, voire même mener ce débat. C'est seulement en parvenant à un consensus à ce sujet que nous pourrons avoir une approche unifiée et logique et vraiment aller de l'avant au lieu de gérer les crises de manière improvisée. Nous pourrions même apprendre des choses.

Sixièmement et en dernier lieu, j'aimerais conclure par une recommandation facile à mettre en pratique et qui nous permettra de réaliser de réels progrès. Il y a quelques semaines, le 30 mai plus exactement, le Groupe parlementaire multipartite pour la prévention des génocides et autres crimes contre l'humanité, que je préside, et qui est coprésidé par les députés John McKay, Megan Leslie and Chris Alexander, a fait venir M. Simon Adams, du Global Centre for the Responsibility to Protect, de New York, pour parler d'un projet en cours pour les missions permanentes des Nations Unies. Il s'agit de créer, dans chaque pays, un centre de coordination des efforts nationaux. Ces centres communiqueront entre eux afin de coordonner à leur tour les efforts des pays qui sont disposés à intervenir dans le cas de telles crises.

Mon temps de parole est écoulé. Merci de votre attention.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme le sénateur Dallaire vient d'exercer son droit de dernière réplique, cela met fin au débat concernant cette interpellation.

(Le débat est terminé.)

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, si je puis me permettre, je vous signale la présence à la tribune de Mme Thérèse Bishagara, du Rwanda, qui est l'invitée du sénateur Dallaire.

Je lui souhaite la bienvenue au nom de tous les sénateurs.

Des voix : Bravo!

La réforme du Sénat

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Hugh Segal, ayant donné avis le 5 juin 2012 :

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur les motifs pour lesquels la réforme démocratique du Sénat :

a) est essentielle à l'avenir du Canada en tant qu'État fédéral fort et efficace qui préconise le respect des libertés fondamentales et de la primauté du droit;

b) tient compte des valeurs que sont l'équité, la collaboration et la confédération;

c) cadre avec l'objectif d'offrir des politiques publiques pancanadiennes au niveau fédéral.

— Honorables sénateurs, je cède la parole au sénateur Brown.

L'honorable Bert Brown : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de l'interpellation no 46. Je vais commencer par une question. Lorsque je suis arrivé au Sénat, il y avait 19 conservateurs et environ 77 libéraux. Le premier ministre a laissé 18 sièges se libérer avant qu'un sénateur libéral présente une motion visant à forcer le premier ministre à combler les sièges vacants. Je me contenterai de dire que c'est ce qu'il a fait.

Ce que j'espérais, et espère encore, c'est que les sénateurs de tous les partis soient élus à leur poste. J'en ai discuté avec de nombreux sénateurs des deux côtés au cours des cinq ans et demi qui ont suivi mon élection par les gens de l'Alberta. Plusieurs conservateurs sont en faveur d'élections, mais seulement un libéral appuie cette proposition.

Honorables sénateurs, il y a maintenant 58 conservateurs, trois sièges vacants — et il y en aura un de plus la semaine prochaine — et 41 libéraux. D'ici les prochaines élections fédérales, il y aura au moins 10 autres sièges vacants, car seulement deux caucus sont représentés dans cette enceinte. Lorsque 10 libéraux prendront leur retraite, ils seront fort probablement remplacés par 10 conservateurs. Il y aura alors 71 conservateurs et 31 libéraux.

Ce que j'espérais, lorsque j'ai tenté de convaincre les partis que les Canadiens veulent élire leurs futurs sénateurs, c'est qu'il finirait par y avoir un équilibre au fil du temps. Lorsque les libéraux étaient au pouvoir, il n'y avait pas d'équilibre. Or, les chiffres actuels montrent que nous nous dirigeons vers un autre déséquilibre.

Examinons maintenant la divergence d'opinions entre les conservateurs et les libéraux. Jusqu'à maintenant, je n'ai pas réussi à convaincre les libéraux de souscrire à l'idée d'élire les futurs sénateurs. Les Canadiens, les électeurs, n'ont pas changé d'idée. Ils veulent élire les sénateurs. En moyenne, c'est ce que 75 p. 100 d'entre eux souhaitent, le plus faible taux d'appui à l'égard de cette proposition étant de 68 p. 100 et le plus élevé, de 80 p. 100.

La première élection sénatoriale aura lieu dans une province libérale à la fin de l'année. Les électeurs ne changeront pas d'idée, où que ce soit au Canada.

(1200)

Quand mon collègue libéral se rendra-t-il compte que le premier ministre a dit, comme je l'ai plusieurs fois répété, que si une province a une loi qui prévoit l'élection des sénateurs et qu'elle a l'intention de tenir de telles élections, il en attendra l'issue avant de pourvoir le siège vacant?

Lorsque le premier ministre a été élu pour la première fois, il a tenu une réunion avec une vingtaine de sénateurs, dont certains sont ici présents, pour les informer qu'il souhaitait que les sénateurs soient élus et qu'ils aient un mandat fixe.

On peut voir, à la page 7 de l'ouvrage The Constitution Act, que la note marginale de l'article 22 est ainsi libellée : « Représentation des provinces au Sénat ». Cet article prévoit le nombre de sénateurs par province. Nous sommes nommés pour représenter les provinces, et non le parti du premier ministre au pouvoir ou celui du chef de l'opposition. À ceux qui pensent que nos efforts seront vains, veuillez prendre le temps de lire le paragraphe 47(1), qui se trouve à la page 75 du même ouvrage, jusqu'à ce que vous en compreniez toutes les ramifications.

Honorables sénateurs, je conclus mon intervention par une question. Même si nous débattions de ces projets de loi pendant une journée, une semaine ou des mois, le résultat du vote serait-il différent? Non. Seuls des sénateurs élus pourraient voter selon leur conscience et, ainsi, changer le résultat du vote. Tant que les sénateurs ne seront pas élus, nous serons obligés de suivre la parade.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour que l'interpellation du sénateur Dyck demeure inscrite au nom du sénateur Segal?

(Sur la motion du sénateur Segal, le débat est ajourné.)

Pêches et océans

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur l'étude sur la gestion de la population de phoques gris au large de la côte Est du Canada

L'honorable Fabian Manning, conformément à l'avis donné le 20 juin 2012, propose :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le 20 octobre 2011, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans relativement à son étude sur la gestion de la population de phoques gris au large de la côte Est du Canada soit reportée du 30 juin 2012 au 15 décembre 2012.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

L'ajournement

Adoption de la motion

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement :

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mardi 26 juin 2012, à 14 heures.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 26 juin 2012, à 14 heures.)


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