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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 125

Le mardi 4 décembre 2012
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mardi 4 décembre 2012

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'honorable Joyce Fairbairn, C.P.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, vendredi dernier, nous avons tous reçu un message du greffier nous informant de la démission du sénateur Joyce Fairbairn, qui quittera ses fonctions le mois prochain.

Je n'ai pas l'intention aujourd'hui de lui rendre hommage en relatant sa vie et sa carrière hors du commun. Tous ceux d'entre nous qui souhaitent le faire en auront l'occasion un autre jour. Toutefois, je ne pouvais pas laisser passer cette nouvelle sans faire un bref commentaire.

Madame le sénateur Fairbairn travaille sur la Colline du Parlement depuis une cinquantaine d'années, y ayant frayé son chemin de manière flamboyante. Elle a été l'une des premières journalistes à la tribune de la presse parlementaire, puis conseillère principale du premier ministre Pierre Elliott Trudeau, avant d'être nommée au Sénat, où elle a été la première femme leader du gouvernement. Elle a défendu avec vigueur et détermination d'innombrables causes sur la scène nationale, mais plus particulièrement celles de l'alphabétisme et des personnes qui ont des problèmes de santé.

Malheureusement, comme tant de Canadiens, madame le sénateur Fairbairn souffre maintenant de problèmes de santé. Toutefois, courageuse comme elle l'est, Joyce était déterminée à travailler pour les causes et les personnes qui en sont venues à compter sur elle et elle a fait de son mieux pour travailler le plus longtemps possible. En effet, il y a à peine quelques semaines, elle a assisté à plusieurs activités à l'occasion du jour du Souvenir et a déposé une couronne au monument commémoratif, à Lethbridge, au nom du Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Je ne puis qu'imaginer à quel point il a dû être difficile pour elle de prendre la décision de démissionner — de quitter la Colline du Parlement après y avoir passé pratiquement toute sa vie adulte. Toutefois, il arrive que le plus dévoué des serviteurs de l'État doive se retirer et penser d'abord à sa santé.

Après avoir passé sa vie à défendre les causes des autres, Joyce doit maintenant livrer une bataille personnelle. Avec l'aide, le soutien et l'amour des membres de sa famille et de ses amis, ainsi que des nombreux Canadiens qui se sont déjà adressé à elle pour obtenir de l'aide et du soutien, elle affronte maintenant ses troubles avec le courage qui la caractérise, mais elle souhaite naturellement le faire, autant que possible, en privé. Je crois qu'elle a raison et j'estime qu'il faut respecter son souhait.

J'espère que madame le sénateur Fairbairn se portera assez bien après la relâche pour venir nous faire personnellement ses adieux au Sénat. Bien des sénateurs ont hâte, comme moi, de lui rendre hommage, et tous ceux qui le souhaitent auront l'occasion de le faire à notre retour.

Dans la lettre qu'elle a envoyée à Son Excellence le gouverneur général, madame le sénateur Fairbairn a écrit ceci :

Ce fut un véritable honneur de pouvoir servir les Canadiens et, surtout, mes chers concitoyens albertains au Sénat.

Quant à moi, honorables sénateurs, ce fut un véritable honneur d'avoir pu connaître et côtoyer cette remarquable parlementaire. Je suis convaincu que tous les sénateurs lui offrent leurs meilleurs vœux dans ces circonstances éprouvantes.

Des voix : Bravo!

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je souhaite aussi dire quelques mots sur Joyce Fairbairn. Même si nous aurons l'occasion, je l'espère, de lui rendre hommage — comme le sénateur Cowan l'a dit —, je tenais à faire une brève déclaration aujourd'hui après avoir reçu la lettre du sénateur Fairbairn concernant sa démission du Sénat du Canada à compter du 18 janvier. Même si ce n'est pas une surprise pour personne, cette nouvelle est très triste, et nous sommes tous peinés de la voir partir. Madame le sénateur Joyce Fairbairn était une pionnière et elle a dignement représenté sa province, l'Alberta, et son cher Parti libéral du Canada au Sénat et d'un bout à l'autre du Canada.

Je connais Joyce Fairbairn depuis 47 ans, soit depuis nos premiers jours sur la Colline du Parlement. Elle était alors journaliste et je faisais partie du personnel de l'ancien premier ministre John George Diefenbaker. Joyce a toujours été une femme digne et chaleureuse qui entreprenait tout avec une énergie et un enthousiasme débordants. Nous étions alors loin de nous douter que, des années plus tard, nous aurions toutes deux la chance d'être nommées au Sénat du Canada.

Trois femmes seulement ont occupé le poste de leader du gouvernement au Sénat : madame le sénateur Fairbairn a été la première, puis il y a eu madame le sénateur Carstairs, et enfin moi, bien entendu, qui suis le premier leader conservateur du gouvernement au Sénat. Outre son travail en tant que leader du gouvernement au Sénat, madame le sénateur Fairbairn a œuvré au sein de nombreux comités sénatoriaux, beaucoup trop nombreux en fait pour les nommer. Elle a notamment fait partie des tout premiers membres du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, en 1989.

En 1993, l'ancien premier ministre Jean Chrétien l'a nommée au Cabinet en lui offrant le poste de ministre responsable de l'alphabétisation, une cause qui, comme nous le savons tous, lui tenait beaucoup à cœur et dont elle a longtemps été la championne. Je m'en voudrais de ne pas

mentionner également l'inébranlable soutien du sénateur Fairbairn à l'endroit des athlètes paralympiques canadiens, et sa participation de longue date au mouvement paralympique de notre pays. Tout groupe qui avait le bonheur d'avoir le sénateur Fairbarin à ses côtés avait vraiment de la chance, car elle était une militante tenace et dévouée.

Plusieurs sénateurs ont, parmi leur famille ou leurs amis, des personnes qui sont confrontées aux mêmes défis que le sénateur Fairbairn. L'avenir qui attend notre collègue et sa famille ne sera pas facile. Je ne voudrais pas que madame le sénateur Fairbairn quitte le Sénat sans que nous puissions lui exprimer notre gratitude pour les quelque 28 années qu'elle a passées au Sénat du Canada, sans parler de l'affection et de l'admiration que lui vouent les sénateurs des deux côtés de la Chambre. Sa présence et son sourire chaleureux vont me manquer. Je la revois, assise en face, me regardant d'un œil compréhensif. Je suis donc persuadée que je me fais la porte-parole de tous les sénateurs en offrant mes vœux les meilleurs au sénateur Fairbairn et à sa famille.

Des voix : Bravo!

(1410)

La violence faite aux femmes et aux enfants

La maison Anderson, à l'Île-du-Prince-Édouard

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, samedi soir dernier, j'ai eu le privilège de participer à la troisième soirée annuelle vins et chansons, une activité de financement pour la maison Anderson, qui a eu lieu au Harmony House Theatre de Hunter River, à l'Île-du-Prince-Édouard.

L'activité, qui a fait salle comble, a permis de recueillir plus de 13 500 $ pour la maison Anderson. Ce refuge provincial pour les femmes et les enfants victimes de violence physique, émotive ou sexuelle avait bien besoin de cet argent. Le programme de la soirée comprenait une réception, une vente aux enchères et des numéros par des vedettes locales, qui ont reçu une ovation à la fin de la soirée.

Il était particulièrement approprié que cette soirée se déroule quelques jours avant la Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes, qui aura lieu le jeudi 6 décembre. Malgré tous nos efforts, la violence faite aux femmes et aux jeunes filles n'a pas été éliminée au Canada.

En effet, entre le 1er avril 2009 et le 31 mars 2010, plus de 64 000 femmes ont été admises dans des refuges canadiens. Les femmes et les jeunes filles sont plus susceptibles d'être victimes de certains types d'actes de violence et d'agressions, et les jeunes femmes connaissent le plus haut taux de violence familiale. Les femmes autochtones sont presque trois fois plus susceptibles que les femmes non autochtones d'être victimes d'un crime de violence, y compris de violence conjugale. Honorables sénateurs, il est clair qu'il faut en faire davantage pour mettre fin à la tragédie de la violence familiale.

J'aimerais féliciter Patsy Doiron, qui a réussi avec brio à organiser cette activité de financement pour la maison Anderson au cours des trois dernières années. Elle s'est engagée à le faire de nouveau l'année prochaine. J'aimerais également féliciter le personnel des services de prévention de la violence familiale de l'Île-du-Prince- Édouard ainsi que tous ceux et celles qui ont travaillé si fort pour faire de cette soirée une réussite.

Toutes ces personnes, et beaucoup d'autres partout au Canada, contribuent à faire en sorte que la violence faite aux femmes et aux jeunes filles devienne finalement chose du passé.

Le décès de Krystyna Rudko

L'honorable Nicole Eaton : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour annoncer que Krystyna Rudko, ma conseillère en politiques, est décédée mercredi dernier, après une brève maladie. Krys n'était pas égocentrique,, elle était dévouée aux autres. Elle s'occupait des autres, mais pas d'elle-même. Sa mort fut un choc, une surprise et un coup terrible.

J'ai fait la connaissance de Krystyna au quartier général du Parti conservateur du Canada en 2008 alors qu'elle occupait le poste de coordonnatrice exécutive. Voici ce qu'a déclaré un de ses collègues : « Grâce à Krys, le chaos est devenu chose du passé; elle a pris les choses en main et a tout organisé. »

Je présidais le congrès d'orientation du Parti conservateur à Winnipeg et nous avons collaboré pendant la durée de cet événement. Lorsque le premier ministre Harper m'a nommée au Sénat en 2008, je ne connaissais rien à la Chambre rouge ou au Parlement, mais je me rappelais avoir travaillé avec cette femme merveilleuse, dynamique, compétente et souriante au congrès d'orientation.

Krystyna nous a rapidement installées dans l'édifice de l'Est. Elle a organisé, sans effort, le déménagement des meubles, l'installation des tableaux, l'embauche d'un collaborateur additionnel et m'a aidée, d'une main de fer dans un gant de velours, à comprendre les subtilités de mon nouveau travail de sénateur conservateur. Comme Krys ne parlait jamais d'elle, je ne me suis pas rendu compte de la chance que j'avais de pouvoir compter sur cette femme surqualifiée et très instruite pour organiser ma vie sur la Colline du Parlement. Comme je l'ai dit plus tôt, Krys n'était pas égocentrique, elle était dévouée aux autres.

Ce n'est que plus tard que j'ai appris que Krys avait travaillé pendant 20 ans dans le domaine de l'analyse démographique et l'analyse des tendances, qu'elle avait dirigé des projets pour le Fonds des Nations Unies pour la population, le Département de la coopération technique pour le développement des Nations Unies, USAID et le bureau municipal des statistiques de Shanghai. Elle avait également été chargée de cours dans plusieurs institutions prestigieuses, comme l'Université Queen's, l'Université de Chicago et le Centre canadien de gestion.

À l'époque où elle faisait carrière dans la fonction publique canadienne, elle a occupé divers postes liés à la gestion et aux politiques sociales à Santé Canada. C'est là qu'elle a appris comment se construisaient les politiques et qu'elle s'est familiarisée avec les rouages du processus législatif, ce dont j'ai énormément profité.

Dans notre bureau, il y avait deux énormes fauteuils devant son pupitre. Ils étaient presque toujours occupés, tantôt par quelqu'un qui avait besoin de conseils ou de réconfort, quand ce n'était pas des deux, tantôt par quelqu'un qui avait besoin d'elle pour une recherche ou qui venait simplement lui rendre visite. Je la taquinais souvent en lui disant qu'elle était la reine de l'édifice de l'Est, mais tous ceux qui la connaissaient vous diraient que ce n'était pas loin de la vérité.

Krys était une femme de passion qui avait un fort esprit de parti, mais c'était aussi une femme amusante, immensément gentille et fort intelligente. Je peux assurer à sa mère, Marie, que nous pleurerons son départ et qu'elle manquera cruellement à tous ceux qui ont eu le privilège de la connaître et de travailler avec elle.

Krystyna, puisses-tu trouver refuge à jamais dans la maison du Seigneur. Repose en paix.

Des voix : Bravo!

L'honorable Jim Munson : Quel bel hommage, sénateur Eaton, et c'est vrai que Krystyna était une femme extraordinaire.

La Journée internationale des personnes handicapées

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, le 3 décembre a été désigné par les Nations Unies Journée internationale des personnes handicapées. Cette année, les célébrations qui ont eu lieu un peu partout sur la planète se faisaient sous le thème « Éliminer les obstacles pour créer une société inclusive et accessible à tous ». J'ai la chance d'avoir des amis et des associés qui ont à cœur la cause des personnes handicapées. Hier soir, j'ai eu le plaisir d'assister, à titre de président d'honneur, au gala de remise de prix de l'organisme Célébration pour tous, ici à Ottawa, en compagnie de nombreux concitoyens qui réussissent à se démarquer dans une ville de champions. Je veux, bien entendu, parler des gens qui œuvrent auprès de l'organisme Parrainage civique. Ensemble, nous avons remis des prix à nombre de personnes handicapées d'exception, ainsi qu'à leurs accompagnateurs, afin de souligner leur contribution à la vie ottavienne. Chacun à leur façon, ceux et celles à qui nous avons rendu hommage tout au long de la soirée ont réussi à concrétiser une même vision, celle de permettre aux personnes handicapées de se sortir de la vulnérabilité et de l'isolement et de vivre leur vie comme des membres à part entière de la société.

Dans une lettre que j'ai reçue ce mois-ci, l'organisme Christian Blind Mission, de Toronto, me demande de faire une déclaration aujourd'hui dans cette enceinte pour rappeler aux sénateurs que les sociétés sont plus riches lorsque tous leurs membres bénéficient d'un traitement équitable.

En éliminant la discrimination et l'exclusion, nous pouvons créer une société caractérisée par la diversité et l'inclusion de tous. Voilà une vision de la société et de l'avenir qui suscitent la fierté. Avant d'abattre les barrières, nous devons premièrement les connaître. Nous devons savoir quelles répercussions elles ont sur les personnes handicapées. Dans une déclaration faite hier, le chef du Parti libéral, Bob Rae, a indiqué que trop de personnes handicapées se voient refuser l'accès à l'éducation, à un emploi et à la qualité de vie qu'elles méritent, y compris au Canada, où les personnes handicapées sont deux fois plus susceptibles de vivre dans la pauvreté.

C'était hier le 20e anniversaire de la Journée internationale des personnes handicapées, qui est certainement une bonne occasion de s'engager à améliorer concrètement la vie des personnes handicapées. Nous devons collaborer avec le gouvernement fédéral pour que les efforts à cet égard se poursuivent. Nous devons collaborer avec les autres pouvoirs publics du pays et avec les principaux intéressés pour élaborer un plan d'action. Plus de un milliard de personnes, soit 15 p. 100 de la population du globe, doivent vivre avec un handicap. C'est la minorité la plus importante sur Terre.

Apprendre à mieux connaître les difficultés rencontrées par les personnes handicapées et se fixer des objectifs pour surmonter ces difficultés n'est pas seulement une responsabilité canadienne ou une responsabilité internationale. C'est une responsabilité humaine, et il est temps que nous commencions à nous en acquitter pleinement.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, par un heureux concours de circonstances, je rencontrerai sous peu Son Excellence Kim Hwang-Sik, premier ministre de la République de Corée, alors que les visiteurs dont je voudrais vous signaler la présence à la tribune comprennent des membres influents de la communauté coréenne du Canada, des récipiendaires de la Médaille du jubilé de diamant et un ancien combattant de la guerre de Corée, Andy Barber. Ces visiteurs ont été invités par le sénateur Martin.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les récipiendaires de la Médaille du jubilé de diamant

L'honorable Yonah Martin : Honorables sénateurs, c'est un honneur pour moi de vous signaler la présence aujourd'hui à la tribune du Sénat de membres de la communauté coréenne du Canada. Plusieurs ont parcouru une grande distance, en avion et en automobile, à partir de diverses régions du Canada, pour participer à un programme spécial de deux jours comprenant la cérémonie de remise de la Médaille du jubilé de diamant, hier soir, ainsi qu'une cérémonie pour souligner, ce soir, le 50e anniversaire de l'établissement de relations diplomatiques entre le Canada et la Corée. L'année 2013 est également celle du 60e anniversaire de l'armistice de la guerre de Corée.

[Français]

Comme mes parents, Lee Sung et Kye Soon Kim, il y a dans notre Chambre des pionniers de ma communauté ethnoculturelle qui ont quitté la Corée au cours des années 1950, 1960 ou 1970 afin d'offrir une vie meilleure à leur famille ainsi que de plus grandes possibilités à leurs enfants.

[Traduction]

Permettez-moi de remercier tous les pionniers qui sont avec nous actuellement et ceux qui se trouvent ailleurs au Canada pour le courage, les sacrifices et la résilience incommensurables qui leur ont permis de bâtir la solide fondation dont nous bénéficions aujourd'hui.

(1420)

[Français]

Avec seulement 150 ou 200 dollars en poche, mes parents et bon nombre de gens avec nous aujourd'hui ont travaillé sans relâche 16 heures par jour, à gérer une petite entreprise, éviscérer du poisson ou balayer des planchers, tout en étudiant l'anglais ou en poursuivant des études universitaires avancées.

[Traduction]

Cela a permis à la communauté de prospérer et aux enfants des pionniers de connaître du succès dans tous les domaines. Présents parmi nous se trouvent de distingués Canadiens d'origine coréenne, comme Sandy Lee, qui a été ministre au sein du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et qui est la première politicienne d'origine coréenne élue de l'histoire du Canada, ainsi que d'autres pionniers bien connus, comme la superstar d'Hollywood, Sandra Oh, qui est née à Ottawa.

Honorables sénateurs, pour marquer le 50e anniversaire des relations diplomatiques entre le Canada et la Corée et le 60e anniversaire de la guerre de Corée, qui a comporté son lot de sacrifices, permettez-moi maintenant de lire les noms des récipiendaires de la Médaille du jubilé de diamant présents au Sénat aujourd'hui. Les voici, par ordre alphabétique : Andy Barber, un ancien combattant de la guerre de Corée, qui représente les quelque 30 000 Canadiens dont l'énorme sacrifice a aidé la Corée à devenir un pays libre et démocratique; Donald Cha; Hyun-Ju (Joe) Cho; le conseiller Raymond Cho; Young Sup Chung; Vivian Chung; Hoo Jung Jones; Jin Won Kang; le grand maître Keun Ha Kim; Won Kyum Kim; Maria Kim; John Kim; Young-Hae Lee; le révérend Sang Chul Lee; Byung Kee Min; Doo Ho Shin; Byung Gil (Ron) Suh; et Katherine Uhm Song. Ils sont tous membres de la merveilleuse communauté coréenne.

Le NCSM Ottawa

L'honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, je suis très fière d'attirer l'attention du Sénat sur l'opération remarquable qu'a réalisée le NCSM Ottawa. Alors qu'il était déployé dans l'océan Pacifique, au large de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud, afin d'appuyer la Force opérationnelle interorganisationnelle Sud, le NCSM Ottawa a participé directement à une opération antidrogue d'envergure, qui a permis de saisir plus de 1 000 kilos de stupéfiants d'une valeur totale sur le marché de plus de 29 millions de dollars américains.

De concert avec l'Aviation royale canadienne, la Marine royale canadienne travaille de manière très efficace avec nos alliés et des partenaires pangouvernementaux pour aider à lutter contre les activités criminelles en mer et pour empêcher la livraison de drogues illicites à destination de notre pays.

L'Aviation royale canadienne a également participé à l'opération Caribbe en déployant cinq aéronefs CP140 Aurora, des escadrons de patrouille à longue portée qui effectuent des missions de surveillance. Du 18 au 29 novembre, les opérations de surveillance et de détection réalisées par nos aéronefs Aurora ont contribué à la saisie de 144 balles de cocaïne, ce qui représente 4 300 kilos et une valeur sur le marché de plus de 116 millions de dollars américains.

Voici ce qu'a déclaré le vice-amiral Maddison, commandant de la Marine royale canadienne : « Nous luttons contre les narcoterroristes là où ils se trouvent. Nous les privons de leur liberté de mouvement en mer, nous appliquons la règle de droit et nous faisons en sorte que les rues des villes canadiennes soient sûres pour nos enfants. »

Je suis persuadée que les honorables sénateurs — y compris notre Président, qui est un marin — se joindront à moi pour féliciter les membres d'équipage du NCSM Ottawa de leur excellent travail. Comme on dit dans la marine : « Bravo, Zulu ».


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le Sénat

La Loi sur l'abrogation des lois—Préavis de motion tendant à faire opposition à l'abrogation de la loi et de dispositions d'autres lois

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l'article 3 de la Loi sur l'abrogation des lois, L.C. 2008, ch. 20, le Sénat a résolu que la loi suivante et les dispositions des autres lois ci-après, qui ne sont pas entrées en vigueur depuis leur adoption, ne soient pas abrogées :

1. Loi sur les programmes de commercialisation agricole, L.C. 1997, ch. 20 :

-articles 44 et 45;

2.  Loi modifiant la Loi sur les grains du Canada et la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire et abrogeant la Loi sur les marchés de grain à terme, L.C. 1998, ch. 22 :

-articles 1(1) et (3), 2 à 5, 6(1) et (2), 7, 9, 10, 13 à 16, 18 à 23, 24(2) et (3), et 26 à 28;

3. Loi portant mise en œuvre de l'Accord sur le commerce intérieur, L.C. 1996, ch. 17 :

-articles 17 et 18;

4. Loi d'exécution du budget de 1998, L.C. 1998, ch. 21 :

-articles 131 et 132;

5. Loi sur les grains du Canada, L.R.C. 1985, ch. G-10 :

-alinéas d) et e) de la définition « installation » ou « silo » à l'article 2, et paragraphes 55(2) et (3);

6. Loi maritime du Canada, L.C. 1998, ch. 10 :

-articles 140, 178, 185 et 201;

7. Loi de mise en œuvre du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, L.C. 1998, ch. 32;

8. Loi sur les contraventions, L.C. 1992, ch. 47 :

-articles 8(1)d), 9, 10, 12 à 16, 17(1) à (3), 18, 19, 21(1), 22, 23, 25, 26, 28 à 38, 40, 41, 44 à 47, 50 à 53, 56, 57, 60 à 62, 84 en ce qui concerne les articles 1, 2.1, 2.2, 3, 4, 5, 7, 7.1, 9 à 12, 14 et 16 de l'Annexe, et l'article 85;

9. Loi sur les armes à feu, L.C. 1995, ch. 39 :

-alinéa 24(2)d), articles 39, 42 à 46, 48 et 53;

10. Loi sur la responsabilité en matière maritime, L.C. 2001, ch. 6 :

-article 45;

11. Loi sur la modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations, L.C. 2000, ch. 12 :

-articles 89, 90, 107(1) et (3), et 109;

12. Loi sur le précontrôle, L.C. 1999, ch. 20 :

-article 37;

13. Loi sur l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public, L.C. 1999, ch. 34 :

-articles 155, 157, 158, et 161(1) et (4);

14. Loi sur le Yukon, L.C. 2002, ch. 7 :

-articles 70 à 75, 77, 117(2), 167, 168, 210, 211, 221, 227, 233 et 283.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, je tiens à signaler la présence à la tribune des élèves de l'école Béatrice Desloges d'Orléans et, tout particulièrement, de Jean-Gabriel De Bané, petit-fils du sénateur De Bané, et aux éducatrices, Mmes Isabelle Sabourin et Lally Durocher.

Ils sont les invités de l'honorable sénateur De Bané.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

[Traduction]

(1430)

Affaires sociales, sciences et technologie

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger pendant une séance du Sénat

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à siéger le lundi 10 décembre 2012, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur la cohésion et de l'inclusion sociales

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le 21 juin 2012, la date pour la présentation du rapport final du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie sur la cohésion et l'inclusion sociales au Canada soit reportée du 31 décembre 2012 au 30 juin 2013.

Le Sénat

Préavis de motion tendant à exprimer le soutien du Sénat à Malala Yusufzai et à sa famille

L'honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Sénat du Canada exprime son appui à Malala Yusufzai pour le courage, la ténacité et le soutien remarquables dont elle a fait preuve à l'égard du droit des filles à l'éducation partout dans le monde, qu'il lui offre ses meilleurs vœux de rétablissement, qu'il salue le courage de sa famille et remercie le personnel de l'hôpital de Birmingham, au Royaume-Uni, pour les soins qu'il lui dispense, et qu'il manifeste sa solidarité aux jeunes filles et aux jeunes femmes de partout dans le monde dont le droit absolu à l'égalité des chances et à une éducation de qualité doit être reconnu et appliqué universellement.

Pêches et océans

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et par dérogation à l'article 5-5a) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à siéger à 17 heures le mardi 4 décembre, 2012, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président intérimaire : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Puis- je demander à mon collègue la raison de sa requête?

Le sénateur Manning : Honorables sénateurs, des témoins qui viennent de Terre-Neuve-et-Labrador doivent comparaître devant le comité à 17 heures. Ce sont des fonctionnaires du ministère de Pêches et de l'Aquaculture du gouvernement de Terre-Neuve-et- Labrador dont nous voulons entendre le témoignage dans le cadre de notre étude sur la pêche au homard.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

Banques et commerce

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier le critère dit du « bénéfice net » qui figure dans la Loi sur Investissement Canada

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à définir et à rendre compte, aux moyens d'analyses et de témoignages d'experts, le critère dit du « bénéfice net » qui figure dans la Loi sur Investissement Canada et ce, afin d'assurer la transparence, la responsabilité du gouvernement et la protection de l'intérêt stratégique national;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat le 31 mars 2013 au plus tard.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires autochtones et le développement du Nord canadien

Les niveaux de financement accordés à l'éducation dans les réserves

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, le 3 octobre, le ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord et des fonctionnaires du ministère ont dit que le financement accordé pour les élèves des Premières nations de la maternelle à la 12e année était équivalent ou supérieur à celui accordé pour les élèves qui fréquentent les écoles provinciales. Cette annonce du ministre, qui affirme que les élèves des Premières nations ne sont pas sous-financés, a été accueillie avec stupéfaction car elle est ne correspond pas du tout à la réalité. Cette déclaration fera certainement l'objet de discussions lors de l'assemblée extraordinaire des chefs de l'Assemblée des Premières Nations qui a lieu cette semaine à Gatineau, de l'autre côté de la rivière.

La déclaration du ministre du 3 octobre est tout à fait contraire à ce que j'ai appris au Sénat au cours des sept dernières années et demie. Par exemple, lorsqu'il a témoigné en octobre 2008 dans le cadre de l'étude, par le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, du projet de loi C-292, Loi portant mise en œuvre de l'Accord de Kelowna, le très honorable Paul Martin a dit : « [...] dans les réserves, l'éducation primaire et secondaire relève de la compétence du gouvernement fédéral. Cela dit, les provinces dépensent beaucoup plus pour chaque élève que ne le fait le gouvernement fédéral. »

Comment madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle concilier cette déclaration avec ce qu'affirme aujourd'hui le ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord à propos du niveau de financement comparable du gouvernement fédéral et des provinces?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de sa question. Chaque année, nous investissons dans l'éducation de plus de 117 000 élèves dans les réserves. Comme je l'ai déjà affirmé au Sénat, nous avons annoncé des mesures additionnelles, comme les programmes d'alphabétisation pour les jeunes enfants, pour améliorer davantage les résultats scolaires des élèves des Premières nations. Depuis 2006, nous avons réalisé 263 projets touchant les écoles, dont la construction de 33 nouvelles écoles.

Nous continuerons de travailler avec les collectivités autochtones afin de prendre des mesures concrètes pour améliorer les résultats scolaires des élèves des Premières nations. Bien évidemment, nous avons pris l'engagement d'effectuer des consultations intensives avec les Premières nations sur les lois relatives à l'éducation. Cet engagement découle directement des recommandations du groupe national coparrainé par l'Assemblée des Premières Nations.

Comme je l'ai déjà dit, honorables sénateurs, il va dans l'intérêt de chacun des habitants du pays, surtout dans le contexte actuel où le gouvernement s'intéresse d'abord et avant tout aux emplois et à l'économie, de veiller à ce que les élèves des Premières Nations aient les mêmes possibilités que tous les autres Canadiens. Nous espérons continuer d'offrir ce programme et recueillir davantage de réaction de la part des collectivités des Premières nations, au fil des semaines et des mois à venir.

Le sénateur Dyck : Honorables sénateurs, au cours de la même séance de comité, l'ancien ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord, l'honorable Andrew Scott, a parlé de la formule de financement inadéquate du ministère. Il a dit avoir appliqué la même formule que celle utilisée par la Saskatchewan à la portion de la population relevant de son ministère, ce qui a immédiatement permis de constater à quel point l'éducation des Premières nations au Canada manquait de financement.

Je le répète, comment madame le leader du gouvernement au Sénat parvient-elle à réconcilier ces propos avec les dernières affirmations du ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord et de son ministère concernant la parité du financement? Nous sommes aux antipodes.

Le sénateur LeBreton : Le sénateur ne s'attend tout de même pas à ce que je parle au nom d'un ministre d'un ancien gouvernement. Tout ce que je peux dire, c'est que le gouvernement actuel a déployé des efforts considérables et fait des progrès importants à cet égard. Je n'ai rien à dire sur le point de vue d'anciens ministres. Je ne peux que répéter ce que j'ai dit il y a un instant, soit que, selon moi, le gouvernement a consenti des efforts et des ressources considérables à l'éducation chez les Autochtones, notamment un investissement pour construire ou moderniser un grand nombre d'écoles dont profiteront plusieurs élèves vivant dans des réserves.

Le sénateur Dyck : Je remercie madame le sénateur de sa réponse, bien qu'elle n'ait pas vraiment répondu à ma question. Cela ne m'empêchera pas de continuer.

Le Bureau du vérificateur général du Canada a présenté des rapports sur les problèmes liés à l'éducation chez les Premières nations en 2004 et en 2011. En 2004, la vérificatrice générale a recommandé qu'AADNC entreprenne un examen de toutes les formules de financement de l'éducation et détermine les facteurs de coût de la prestation de services dans les réserves pour des services d'éducation comparables. En 2011, le vérificateur général a signalé qu'aucun rajustement du financement n'avait été fait après cet examen.

(1440)

Pourquoi le ministère n'a-t-il pas suivi la recommandation du vérificateur général et n'a-t-il pas rajusté les formules de financement pour tenir compte de la réalité de la prestation de services équitables d'éducation dans les réserves?

Le sénateur LeBreton : Le sénateur se reporte à un rapport de la vérificatrice générale qui remonte à 2004. Je ne peux donner aucune réponse. Lorsque nous avons formé le gouvernement, en 2006, il était patent que les besoins étaient criants. Je suis prête à soutenir fermement que le gouvernement a agi. J'ai déjà énuméré les nombreuses mesures qu'il a prises, et j'ai dit aussi que le ministre et le gouvernement avaient hâte de poursuivre leur travail avec les collectivités des Premières nations dans les semaines et les mois à venir afin d'améliorer les nombreuses bonnes mesures que nous avons déjà prises.

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire à poser au leader. Il y a d'autres faits en cause dans ce dossier, en ce qui concerne les responsabilités fédérales et provinciales. Il me semble que les deux ordres de gouvernement doivent travailler en partenariat.

Malgré le fardeau écrasant de la preuve du contraire, le leader persiste à dire que les élèves des Premières nations dans les écoles des réserves ont droit à un financement égal ou supérieur à celui qui est prévu pour les élèves qui fréquentent les écoles provinciales.

Le budget de 2012 prévoyait des fonds supplémentaires de 275 millions de dollars sur trois ans pour la construction ou la réparation d'écoles dans les réserves ainsi que pour des programmes de littératie et de numératie. En soi, c'est l'aveu qu'il faut plus de fonds pour l'éducation des Premières nations.

Réagissant à ce budget de 2012, la ministre de l'Éducation de la Saskatchewan, Donna Harpauer, a exhorté le gouvernement à injecter plus de fonds dans l'enseignement aux enfants qui fréquentent l'école dans les réserves. Selon la ministre, il existe un large écart entre les fonds dépensés pour les enfants des Premières nations et ceux qui le sont pour les écoliers du réseau provincial. En fait, de plus en plus d'élèves des Premières nations fréquentent les écoles financées par la Saskatchewan.

Des élèves des Premières nations fréquentent donc des écoles provinciales, mais leur bande doit payer des frais de scolarité semblables au taux de financement par élève de la province. La conséquence, c'est que le gouvernement de la Saskatchewan reçoit environ 1,1 million de dollars des bandes des Premières nations pour les élèves de celles-ci qui fréquentent le réseau scolaire de la province.

Voilà qui est inacceptable, honorables sénateurs. Les bandes sont contraintes de financer les études de leurs élèves dans les écoles provinciales parce que les écoles des réserves ne sont pas à la hauteur. Que fera-t-on pour corriger la situation?

Le sénateur LeBreton : Le ministre a collaboré avec les diverses provinces afin d'améliorer la situation de l'éducation des Autochtones qui habitent dans les réserves.

Je ne puis que répéter ce que j'ai dit au sénateur Dyck : le gouvernement s'est très sérieusement engagé à poursuivre ses consultations intensives et son travail avec les Premières nations pour qu'on mette l'accent sur la question très grave de l'éducation des jeunes Autochtones des réserves. Cet engagement est réel, et il est pris très au sérieux. Le ministre travaille avec diligence avec les Premières nations pour bonifier les résultats déjà réels et constructifs obtenus jusqu'à maintenant.

Le sénateur Munson : Honorables sénateurs, à l'évidence, les chiffres que le leader avance ne conviennent guère à la ministre de l'Éducation de la Saskatchewan. Il semble que, comme d'habitude, le gouvernement se déleste de ses responsabilités à l'égard des jeunes Autochtones, ce qu'il devrait éviter de faire. Le gouvernement a une grave responsabilité, celle de s'occuper des jeunes Autochtones, de les instruire et de travailler avec les bandes des réserves.

Cette année encore, le 27 février, l'autre endroit a adopté à l'unanimité une motion concernant l'éducation des Premières nations, qui exhortait le gouvernement à réaliser le rêve de Shannen, notamment en finançant les écoles des réserves au même niveau que les écoles provinciales à l'extérieur des réserves.

Je vois là une contradiction. Comment le gouvernement peut-il appuyer cette notion et affirmer en même temps que les étudiants des Premières nations qui suivent les cours des écoles des réserves profitent du même financement que ceux des écoles provinciales? C'est une simple question.

Le sénateur LeBreton : C'est intéressant d'entendre cela parce que, à l'autre endroit, les collègues de l'honorable sénateur ont invariablement voté contre toutes les importantes décisions prises par notre gouvernement et contre toutes les mesures budgétaires proposées pour aider les Autochtones vivant dans des réserves et améliorer leur éducation.

Je puis seulement dire que nous avons beaucoup fait. Je vais répéter ce que j'ai dit au sénateur Dyck. Chaque année, nous investissons dans l'éducation de 117 000 étudiants vivant dans des réserves. Nous avons également annoncé des mesures supplémentaires, comme des programmes de littératie préscolaire, et avons investi dans l'infrastructure. Nous avons terminé 263 projets scolaires et avons bâti 33 nouvelles écoles. Je dirais que ce sont là des réalisations louables de la part du gouvernement.

Cela dit, comme je l'ai indiqué, le ministre des Affaires autochtones travaille de concert avec les dirigeants des Premières nations pour réaliser encore d'autres améliorations. Comme nous le savons, l'éducation a fait l'objet d'un rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, dont le gouvernement a mis en œuvre plusieurs des recommandations.

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Je voudrais poser une question complémentaire. Il y a de très nombreuses preuves que les élèves des Premières nations qui vont à l'école dans leur réserve ne sont pas financés au même niveau que les autres. Même le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, qui a publié l'année dernière son rapport sur l'éducation des Premières nations, a dit très clairement que les écoles des bandes recevaient moins de fonds que les autres. Il n'y a pas grand-chose qui a changé depuis l'année dernière.

Comment le gouvernement peut-il maintenir cette situation face aux preuves accablantes qui existent?

Le sénateur LeBreton : Le gouvernement admet bien entendu qu'il y a encore beaucoup à faire. C'est la raison pour laquelle le gouvernement et le ministre des Affaires autochtones travaillent très fort, de concert avec les dirigeants autochtones, pour améliorer encore plus la situation.

Le sénateur Dyck : Honorables sénateurs, je m'adresse encore au leader du gouvernement au Sénat. Nos questions ne portent pas sur les réalisations du gouvernement dans le domaine de l'éducation autochtone. Nous nous interrogeons sur la déclaration faite par le ministre le 3 octobre selon laquelle les étudiants des Premières nations, du jardin d'enfants à la 12e année, profitent dans les écoles des réserves du même niveau de financement que les étudiants des écoles à l'extérieur des réserves. C'est l'objet de nos questions.

La déclaration du ministre est tellement grotesque que le chef adjoint Simon Bird, de la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan, a qualifié les comptes du ministère de « comptes de Pinocchio » parce qu'ils rappellent les contes de fées et sont tout à fait insensés. Le fait que le ministre et ses collaborateurs aient refusé de publier le taux de financement par élève des écoles des réserves ne fait que nuire aux enfants des Premières nations qui sont inscrits dans ces écoles. Les déclarations du ministre et de son ministère ressemblent vraiment à des contes de fées.

Les honorables sénateurs se souviennent sûrement de l'histoire de Pinocchio. Pour devenir un vrai petit garçon, Pinocchio devait écouter sa conscience pour obtenir de la fée bleue sa transformation. Pinocchio était une marionnette dont le nez s'allongeait quand il ne disait pas toute la vérité. Ce n'est que lorsqu'il a écouté sa conscience, son ami le grillon et la fée bleue, qu'il a tiré des enseignements de ses erreurs et a commencé à dire la vérité et toute la vérité qu'il a pu devenir un vrai petit garçon.

Qui, du côté du gouvernement, jouera le rôle de Jiminy le grillon, pour faire parler la conscience de Pinocchio et faire publier les données réelles de financement?

(1450)

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, tous les membres du gouvernement, en particulier ceux qui s'occupent des graves problèmes auxquels sont confrontées certaines collectivités autochtones — notamment l'éducation —, font preuve de beaucoup de bonne volonté et travaillent très fort. Le gouvernement s'est lancé dans deux autres programmes, à savoir le Programme des partenariats en éducation et le Programme de réussite scolaire des étudiants des Premières nations. En fait, le gouvernement participe à nombre de programmes.

Comme je l'ai souligné, des ressources importantes sont consacrées à l'amélioration de l'éducation des Autochtones dans les réserves. Le ministre travaille avec les dirigeants des Premières nations et il va continuer de le faire.

Je tiens à dire sans équivoque que les courageux efforts de l'actuel ministre des Affaires autochtones et de ses prédécesseurs ont toujours été faits en toute bonne foi et en toute bonne conscience au nom des citoyens autochtones du pays.

Le sénateur Dyck : Madame le leader du gouvernement au Sénat va-t-elle déposer ici la méthodologie précise appliquée par Affaires autochtones et Développement du Nord Canada pour arriver au montant de 14 243 $ par étudiant des Premières nations, selon les déclarations faites par le ministre le 14 septembre et le 3 octobre de l'année en cours? Comment en est-on arrivé à ce montant et comment peut-on dire que les étudiants dans les réserves jouissent d'un financement égal ou supérieur à celui des étudiants hors réserve? Madame le leader va-t-elle fournir cette information au Sénat?

Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur Dyck de sa question. Je vais transmettre sa dernière question au ministre et au ministère des Affaires autochtones, et je vais leur demander de fournir le plus de renseignements possible dans une réponse écrite.

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, le ministre des Affaires autochtones a dit que les écoles situées dans les réserves jouissaient du même niveau de financement que les écoles hors réserve, mais nous savons que ce n'est pas le cas. Nous savons que les provinces ont augmenté leur financement d'au moins 3,8 p. 100 par année et que le financement fédéral est plafonné à 2 p. 100, et ce depuis plusieurs années. Nous savons également que les Autochtones âgés de moins de 25 ans constituent le segment de la population canadienne qui croît le plus rapidement.

Le gouvernement va-t-il éliminer le plafond de 2 p. 100? Ce plafond n'assure même pas le maintien du niveau de financement, compte tenu de l'augmentation importante du nombre d'élèves autochtones qui fréquentent l'école. Ce groupe est celui qui connaît la croissance la plus rapide. Nous ne maintenons même pas le niveau de financement. En fait, nous perdons du terrain pour ce qui est des montants versés aux écoles dans les réserves.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je peux seulement dire que le gouvernement va continuer de travailler très fort avec les dirigeants autochtones et toutes les personnes concernées, afin d'améliorer la réussite scolaire des élèves autochtones.

Le sénateur Cordy : Lorsque les dirigeants autochtones sont venus témoigner devant le Comité des affaires sociales, ils ont dit qu'ils ne voulaient pas du plafond de 2 p. 100 et que le manque de financement était un problème grave. Le leader n'a pas répondu à ma question. Le gouvernement Harper va-t-il supprimer le plafond de 2 p. 100 appliqué au financement de l'éducation des Autochtones?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, nous allons continuer de collaborer avec les collectivités autochtones afin d'améliorer la réussite scolaire des jeunes élèves autochtones.

Le Conseil du Trésor

La Commission de la fonction publique—L'équité en matière d'emploi pour les personnes handicapées

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Cette question revêt une importance particulière aujourd'hui, étant donné qu'on célébrait hier la Journée internationale des personnes handicapées des Nations Unies.

La Commission de la fonction publique s'efforce de nommer des personnes faisant partie de quatre groupes visés par le programme d'équité en matière d'emploi, afin que la fonction publique soit représentative de la population. L'un de ces groupes est celui des personnes handicapées, qui représente 4 p. 100 de la population active. Ce 4 p. 100 est censé être l'objectif d'embauche, mais l'an dernier le taux de nomination de personnes handicapées n'a été que de 3 p. 100. Par conséquent, la Commission de la fonction publique ne satisfait pas à ses obligations en matière d'équité en matière d'emploi.

Pourquoi le gouvernement n'atteint-il pas ses propres objectifs en matière de recrutement de personnes handicapées?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie madame le sénateur de sa question. Comme elle le souligne elle-même, ce dossier relève de la Commission de la fonction publique. Il est clair que les statistiques qu'elle rapporte sont insatisfaisantes à ses yeux. Je prends note de sa question; comme les sénateurs le savent, la Commission de la fonction publique agit indépendamment du gouvernement du Canada. Je vais tâcher d'obtenir une réponse écrite à la question.

Le sénateur Callbeck : J'apprécierais beaucoup une réponse écrite à cette question.

D'après le gouvernement lui-même, les Canadiens handicapés qui cherchent un emploi doivent composer avec des difficultés particulières. Leur nombre au sein de la fonction publique n'a pas augmenté au cours des trois dernières années. En 2009-2010, leur taux de nominations était de 3,1 p. 100; il est descendu à 2,6 p. 100 l'année suivante et, comme je l'ai dit plus tôt, il se chiffrait à 3 p. 100 l'an dernier.

Pire encore, cette tendance se complique du fait que, parmi ce groupe d'employés, ceux qui quittent la fonction publique sont deux fois plus nombreux que ceux qui y sont embauchés. Comment le gouvernement compte-t-il remédier à la situation?

Le sénateur LeBreton : Je le répète, honorables sénateurs, je prends note de la question. Il convient toutefois de dire que, dans le but d'attirer et de retenir les gens sur le marché du travail, le gouvernement offre plusieurs programmes pour recycler les gens ayant des besoins spéciaux, qu'il s'agisse de Canadiens handicapés ou âgés. et travailler avec eux. Notre bilan à cet égard est très bon.

Toutefois, en ce qui concerne l'embauche dans la fonction publique, comme je le disais, la Commission de la fonction publique est un organisme indépendant du gouvernement; je vais soumettre la question du sénateur à la commission afin qu'elle y réponde par écrit.

[Français]

La justice

L'efficacité des peines minimales

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement. La semaine dernière, le Barreau du Québec, qui compte 24 000 avocats, a déposé une requête devant la Cour supérieure du Québec pour contester certaines dispositions du projet de loi C-10, désormais faussement appelé Loi sur la sécurité des rues et des communautés.

En effet, le Barreau du Québec estime que cette loi ne garantit absolument pas la sécurité du citoyen. Il conteste l'efficacité des peines minimales en matière criminelle, efficacité que nos voisins du Sud ont déjà contestée lorsqu'ils ont témoigné devant nos comités. Le Barreau du Québec considère également que la loi porte atteinte à l'indépendance des tribunaux. Pour ces motifs, il demande aux tribunaux de statuer sur la constitutionnalité de ces dispositions.

Est-ce que le gouvernement entend respecter le pouvoir judiciaire et lui redonner sa pleine indépendance? Est-ce qu'il modifiera le projet de loi C-10 pour appliquer la Loi constitutionnelle du Canada?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le gouvernement a consulté toutes les provinces et tous les territoires, y compris le Québec, au sujet des changements proposés dans le projet de loi C-10. Évidemment, il y a eu au Québec un sondage qui révèle en fait que 77 p. 100 des Québécois sont en faveur de peines plus sévères pour les criminels, ce qui, dans bien des cas, est supérieur à la moyenne nationale.

Le sénateur Hervieux-Payette : Voici ce qu'on peut lire sur le site web de l'Association canadienne de justice pénale :

Une peine devrait être fondée sur des facteurs contextuels et individuels, propres à chaque infraction plutôt que sur des minimums imposés par la loi, qui donnent lieu à des peines d'emprisonnement inefficaces, coûteuses et indûment sévères.

Les peines minimales obligatoires et les peines consécutives ne dissuadent pas de la criminalité. Au contraire, des peines d'emprisonnement plus longues pourraient de fait contribuer à accroître les chances de récidive des contrevenants. Les délinquants ne s'arrêtent tout simplement pas à considérer la durée de la peine qu'ils pourraient encourir avant de décider s'ils devraient ou non commettre un crime. Ils s'inquiètent davantage de savoir s'ils risquent d'être pris et punis pour ce crime. Conséquemment, les mesures qui misent sur la sévérité du châtiment en tant que fondement de la détermination de la peine n'auront aucun effet dissuasif concret.

(1500)

Quand le gouvernement légiférera-t-il pour l'ensemble des Canadiens au lieu d'essayer de plaire à sa base réformiste et quand écoutera-t-il les professionnels de l'Association canadienne de justice pénale?

Le sénateur LeBreton : Tout d'abord, honorables sénateurs, je tiens à souligner que la Cour supérieure de justice de l'Ontario a confirmé cette semaine la constitutionnalité des dispositions sur les peines minimales obligatoires visant l'utilisation d'une arme à feu à partir d'une voiture et autres formes d'utilisation dangereuse d'une arme à feu. Je crois qu'il est juste d'affirmer que les Canadiens perdent confiance dans le système de justice pénale lorsqu'ils estiment que la peine n'est pas proportionnelle au crime. Nos mesures visent particulièrement les délinquants sexuels qui s'attaquent à nos enfants et aux vendeurs de drogues illicites.

En ce qui concerne la question du sénateur, les juges doivent tenir compte de ces changements. Ils statueront dans leurs propres cours, comme il se doit. Cependant, à mon avis, le sénateur et les autres sénateurs qui partagent son opinion auraient dû signaler leur opposition au projet de loi lorsque le Parlement en était saisi il n'y a pas si longtemps. Le projet de loi est déjà entré en vigueur.

Le sénateur Hervieux-Payette : Je fais partie de ceux qui se sont opposés au projet de loi et qui ont dit au leader que les trois quarts des gens qui en subiront les répercussions seront des femmes autochtones. Le projet de loi ne vise aucunement la réadaptation. Il est injuste envers ces personnes. Elles devraient être placées dans un endroit où on pourrait leur montrer comment prendre leur avenir en main et où elles pourraient recevoir les traitements dont elles ont besoin, le cas échéant. Ce ne sont pas les personnes que le gouvernement voulait punir qui le seront.

Le sénateur LeBreton : Je ne suis pas du tout de cet avis. Nous voulons punir les criminels qui s'attaquent aux enfants et les vendeurs de drogues illicites. Je serais très surprise que le sénateur trouve des femmes autochtones parmi ces individus.

La défense nationale

Les collèges militaires—Les programmes pour les jeunes Autochtones

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, ma question porte sur l'éducation et les jeunes Autochtones.

Toutes les données démographiques observées par le Comité des peuples autochtones montrent que les jeunes Autochtones forment le groupe de jeunes qui connaît la plus forte croissance au pays, et en leur offrant une meilleure éducation, on leur permettra d'assumer des rôles et des responsabilités de leader plus importants au sein de la mosaïque canadienne.

Il y a environ trois ans, les forces armées ont mis en place un programme au Collège militaire royal pour permettre aux jeunes Autochtones de passer un an dans cet établissement afin de les encadrer et de les aider à s'adapter au milieu universitaire et à développer leurs compétences en leadership. Les trois premières années ont été difficiles. L'année dernière, il y avait 19 étudiants. Ce programme est essentiel pour les Forces canadiennes, qui veulent recruter plus d'Autochtones. Les Autochtones ont servi avec distinction en temps de guerre, et nous croyons qu'ils devraient participer aux activités des forces armées actuelles.

Madame le leader peut-elle me dire pourquoi le ministère de la Défense nationale, qui s'est vu imposer des compressions budgétaires, a éliminé complètement ce programme au lieu de faire ce qui était prévu à l'origine dans le cadre de la stratégie Le Canada d'abord, c'est-à-dire étendre le programme de manière à inclure non seulement le CMR, mais également le Collège militaire royal de Saint-Jean?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, en janvier dernier, j'ai participé à la Rencontre de la Couronne et des Premières Nations. J'ai assisté à la séance d'une demi-journée sur le modèle d'éducation approprié pour les jeunes Autochtones, où on a discuté et fait des suggestions de manière constructive.

Honorables sénateurs, j'ai déjà parlé des mesures majeures prises par le gouvernement jusqu'à présent. Cela dit, il est évident qu'il y a beaucoup de travail à faire.

En ce qui a trait au CMR, tout programme ayant pour objet d'attirer les jeunes Autochtones dans les rangs des divers ordres de gouvernement est digne d'éloges. Je ne sais rien à propos des allégations du sénateur. Après m'être informée, je fournirai une réponse par écrit.

Réponse différée à une question orale

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer une réponse à la question orale posée par le sénateur Downe, le 19 juin 2012, concernant la participation du Canada aux négociations du partenariat transpacifique.

Le commerce international

Le partenariat transpacifique

(Réponse à la question posée le 19 juin 2012 par l'honorable Percy E. Downe)

Notre gouvernement conservateur s'est engagé envers la protection et le renforcement de la sécurité financière à long terme des Canadiens. La prospérité du Canada est directement liée aux possibilités économiques qui s'offrent hors de nos frontières et font croître notre commerce et nos investissements.

Depuis que les Canadiens ont confié au Premier ministre Stephen Harper un fort gouvernement majoritaire stable, nous avons poursuivi voire intensifié notre programme de développement de relations commerciales approfondies. Notre gouvernement est pleinement conscient que notre niveau de vie et la prospérité future des Canadiens dépendent de nos efforts en ce sens.

L'intérêt du Canada, en tant que pays du Pacifique, à adhérer au Partenariat transpacifique (PTP) cadre avec sa présence active, constante et croissante dans la région de l'Asie-Pacifique. Avec l'ajout du Canada et du Mexique, le marché du PTP compte maintenant plus de 658 millions de personnes et représente un PIB combiné de 20,5 billions de dollars. C'est pourquoi le Canada est heureux de se joindre officiellement aux pourparlers commerciaux du PTP.

Cette décision profitera aux familles de travailleurs canadiens. L'ouverture de nouveaux marchés et l'augmentation des exportations canadiennes à destination des marchés en forte croissance dans la région de l'Asie- Pacifique est un élément clé du plan du gouvernement en matière de création d'emplois, de croissance et de prospérité à long terme. La région est un marché prioritaire pour les entreprises canadiennes et offre d'énormes possibilités à nos exportateurs. Notre gouvernement continue de multiplier les occasions de faire profiter les familles de travailleurs canadiens.

Les travaux du Sénat

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, je prends la parole pour soulever une question concernant les travaux du Sénat, plus précisément les réponses différées.

Le 2 mai 2012, j'ai fait un suivi auprès du leader du gouvernement au Sénat au sujet d'une question qui portait sur le Programme pour l'autonomie des anciens combattants. Ce qui pose problème, c'est que, en raison d'un manque d'uniformité dans les critères d'admissibilité, les conjoints n'ont pas tous droit aux mêmes avantages. Madame le leader a pris note de la question et dit qu'elle demanderait des précisions au ministre des Anciens Combattants.

Le 27 mars 2012, j'ai posé une question à propos du financement réclamé par l'Île-du-Prince-Édouard, dans le cadre du Fonds pour l'infrastructure verte, pour un projet de ligne de transmission électrique entre le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard. Madame le leader a pris note de ma question.

Je n'ai toujours pas reçu de réponse à ces deux questions, et je me demande quand je pourrai en recevoir.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Nous ferons le suivi pour vérifier quand les réponses seront disponibles.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 4-13(3) du Règlement, j'avise le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l'ordre dans lequel ils apparaissent au Feuilleton, à l'exception de la troisième lecture du projet de loi S-10, qui sera appelée en dernier lieu.

[Traduction]

Projet de loi sur la transparence financière des Premières Nations

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Dennis Glen Patterson propose que le projet de loi C- 27, Loi visant à accroître l'obligation redditionnelle et la transparence des Premières Nations en matière financière, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, comme l'illustrent plusieurs arguments convaincants, ce projet de loi mérite l'appui du Sénat. Tout d'abord, le projet de loi C-27, Loi sur la transparence financière des Premières Nations, favorise la transparence et la reddition de comptes au sein des collectivités des Premières nations, puisqu'il exige que les chefs et les conseillers publient leurs salaires et leurs dépenses. En vertu du projet de loi C-27, les chefs et les conseillers seront aussi tenus d'utiliser des pratiques comptables reconnues et de saines pratiques d'affaires. Ainsi, les gouvernements des Premières nations seront soumis à des normes de comptabilité et de divulgation de renseignements semblables à celles qui encadrent déjà les autres gouvernements partout au pays. Les Premières nations pourront ainsi savoir, avec clarté, uniformité et certitude, comment leur argent est dépensé.

Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et les municipalités — tout comme le Sénat et le Parlement du Canada, je tiens à l'ajouter — publient des états financiers qui décrivent leurs dépenses et la rémunération versée aux élus. Ces renseignements sont communiqués régulièrement au public au moyen des rapports annuels et du web.

Ce projet de loi n'impose pas aux Premières nations des normes plus rigoureuses que celles auxquelles les autres gouvernements canadiens sont soumis. Il ne demande aux dirigeants des Premières nations rien de plus que ce qu'on demande déjà aux élus des autres administrations canadiennes, qui sont tous tenus, par la loi, de déclarer comment les fonds publics sont dépensés. Tous les Canadiens, y compris les Premières nations, devraient pouvoir bénéficier d'une telle transparence et d'une telle reddition de comptes; ils le méritent.

Il ne faut pas penser qu'aucune Première nation n'a actuellement de bonnes pratiques en matière de transparence et de reddition de comptes. Ce serait une erreur. Un certain nombre de Premières nations affichent déjà leurs états financiers vérifiés dans leurs bureaux de bande ou sur leurs sites web. Certaines Premières nations impriment et distribuent cette information aux ménages vivant dans les réserves. Certaines organisent des réunions communautaires où les membres peuvent poser des questions à leurs dirigeants, voire à leurs vérificateurs.

(1510)

Honorables sénateurs, ces Premières nations méritent d'être félicitées pour leurs efforts. Toutefois, il reste que certaines Premières nations ne font rien de cela, les dirigeants travaillant plutôt à cacher l'information de l'ensemble des membres ou de leurs opposants. Comme l'ont affirmé certains témoins qui ont comparu devant le comité de la Chambre des communes chargé d'étudier le projet de loi, dans certaines collectivités, les membres sont victimes d'intimidation lorsqu'ils demandent accès à ces renseignements financiers de base.

Honorables sénateurs, lorsqu'une poignée de dirigeants de Première nation refusent à leurs membres l'accès à ces renseignements de base, ils privent leurs électeurs d'information essentielle qu'ils ont le droit démocratique de recevoir. Ce faisant, ces dirigeants risquent de ternir la réputation de tous les gouvernements des Premières nations, y compris ceux qui s'appliquent à faire preuve de transparence. Trop de citoyens des Premières nations logent une plainte auprès d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada parce que leurs représentants élus refusent de rendre des comptes et les privent ainsi de leurs droits démocratiques en tant que citoyens.

Honorables sénateurs, les Premières nations ne devraient pas avoir à se tourner vers le gouvernement fédéral pour obtenir cette information. Elles devraient plutôt être en mesure de l'obtenir directement auprès de leur gouvernement. Cela fait longtemps que les peuples des Premières nations réclament une plus grande transparence et une plus grande reddition de comptes à l'égard de la rémunération de leurs dirigeants. C'est d'ailleurs ce qui ressort clairement des témoignages entendus par le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord à la Chambre des communes lors des audiences qu'il a récemment tenues à l'égard du projet de loi.

Les dirigeants des Premières nations aussi reconnaissent la nécessité d'une transparence et d'une obligation redditionnelle accrues. C'est la raison pour laquelle, en 2010, lors d'une réunion spéciale des chefs, l'Assemblée des Premières Nations a adopté une résolution dans laquelle les chefs se sont engagés à :

Choisir de prêcher par l'exemple et de démontrer aux autres ordres de gouvernement l'existence de processus de reddition de comptes [...] Veiller à ce que l'information au sujet des finances et de la prise de décisions des collectivités soit facilement accessible et disponible sur Internet, s'il y a lieu.

Toutefois, jusqu'à maintenant, à ma connaissance, seules 19 Premières nations ont mis leur information sur leur site web. Le projet de loi C-27 fait suite à cette résolution de l'APN et donne aux gouvernements des Premières nations la possibilité de montrer leur détermination à être transparents et à rendre des comptes à leurs membres.

Les sénateurs devraient trouver particulièrement intéressant que cette mesure législative complète nos récents travaux sur le projet de loi S-6, Loi sur les élections au sein de premières nations, et les fasse avancer. Comme le projet de loi S-6, la Loi sur la transparence financière des Premières Nations prévoit de nouveaux cadres qui favoriseront la solidité, la stabilité et l'efficacité des gouvernements des Premières nations.

Une fois la mesure législative proposée adoptée, les membres d'une Première nation pourront prendre connaissance directement de sa situation financière, y compris de la rémunération de son chef et de son conseil et des dépenses qui leur sont remboursées. Armés de cette information, ils pourront prendre des décisions en connaissance de cause sur les dépenses dans leur collectivité et la rémunération de leurs dirigeants.

En outre, grâce au projet de loi, les membres des Premières nations seront mieux informés sur les situations auxquelles est confrontée leur collectivité et seront ainsi plus aptes à voter aux élections dans leur collectivité et à déterminer, en connaissance de cause, pour qui ils voteront. En l'absence de cette information, le projet de loi donnera aux membres les moyens nécessaires pour demander des comptes à leur gouvernement.

Voilà qui souligne l'importance du projet de loi C-27 pour assurer la bonne gouvernance et promouvoir la démocratie, car la responsabilité est à la base de la démocratie. Les élus et ceux qu'ils nomment doivent rendre des comptes aux citoyens qu'ils représentent.

Le projet de loi C-27 créera aussi, ce qui est tout aussi important, un environnement propice aux investissements du secteur privé en inspirant confiance à d'éventuels partenaires d'affaires. Lorsque les sociétés voulant conclure des partenariats sauront clairement comment une Première nation donnée gère ses fonds et comment elle rend compte de ses dépenses, elles pourront davantage compter sur sa fiabilité. Les partenariats ainsi créés stimuleront donc la création d'empois et la croissance économique dans les réserves, ce qui permettra aux membres des Premières nations de profiter d'une plus grande autonomie et d'une meilleure qualité de vie. Au bout du compte, c'est ce que le gouvernement fédéral cherche à atteindre. Toutes les mesures législatives que nous présentons ont pour but de favoriser la réussite économique des Autochtones pour qu'ils puissent maximiser leur autosuffisance et leur prospérité.

Honorables sénateurs, maintenant que j'ai souligné les effets du projet de loi C-27, permettez-moi de parler brièvement de ce qu'il ne fera pas. En fait, il ne fixera pas le niveau de rémunération des chefs et des conseillers. Il incombera à la Première nation de fixer un niveau de rémunération adéquat pour ses représentants élus. Le projet de loi garantira tout simplement la divulgation publique des renseignements financiers et laissera aux membres des bandes le soin de décider eux-mêmes des niveaux de rémunération adéquats.

Il faut aussi préciser que la divulgation publique des états financiers des entreprises appartenant à la bande ne nuira pas à leur compétitivité. Le projet de loi C-27 n'obligera pas ces entreprises à publier leurs propres états financiers. Il exigera seulement de la Première nation qu'elle publie les états financiers consolidés vérifiés de l'ensemble de ses activités.

Ces états financiers comprendront les activités des entités qui, selon les principes comptables généralement acceptés, doivent être consolidées avec celles de la Première nation. Ils comprendront notamment les activités de la plupart des entreprises appartenant à la bande, et ce, pour que les principes et les règles comptables qui s'appliquent déjà aux entreprises d'État, d'un bout à l'autre du Canada, soient respectés.

Comme ces états financiers sont très largement regroupés, ils ne révéleraient aucun renseignement exclusif risquant de miner la compétitivité des entreprises. Pour faire ressortir ce point encore plus clairement, le gouvernement a présenté des amendements qui précisent que les exigences faites aux Premières nations doivent respecter les principes comptables généralement acceptés et que les entreprises appartenant à des bandes des Premières nations n'auraient pas à publier leurs états financiers complets.

Les amendements apportent aussi des définitions distinctes qui expliquent ce qu'on entend par salaires, par opposition aux dépenses, préoccupation qui a été soulevée au cours des audiences du comité de l'autre endroit et à laquelle on a répondu.

Le nouveau libellé concilie la nécessité de précision en rédaction législative et la conformité aux principes comptables généralement acceptés.

Honorables sénateurs, le dernier point que je veux souligner, c'est que la loi proposée n'alourdira pas les formalités administratives imposées aux gouvernements des Premières nations. Tout ce qui leur est demandé, c'est la publication des états financiers consolidés chaque année, vérifiés par des vérificateurs professionnels agréés indépendants. Comme c'est déjà là une exigence prévue dans les accords de financement, rien ne s'ajoute à la charge de travail. D'aucuns ont affirmé que, puisque les Premières nations préparent déjà ces renseignements et les remettent au gouvernement, le projet de loi est inutile. Au contraire, il corrige une situation qui n'a plus de sens. Il est vrai que l'information est communiquée au ministère, mais pourquoi un membre d'une Première nation à la recherche de renseignements élémentaires sur sa propre bande devrait-il être tenu de s'adresser au ministre pour les obtenir? Le rôle de surveillance du ministre à l'égard d'éléments qui devraient relever des comptes à rendre au niveau local est dépassé et sent le paternalisme. De plus, il empêche une plus grande responsabilisation de s'établir au niveau de la collectivité. Le projet de loi corrigera la situation en donnant à chacun des membres les moyens dont il a besoin pour exiger des comptes de son gouvernement. Ainsi, le rôle du ministre comme arbitre des différends locaux au sujet de l'accès à l'information perdra de l'importance. Je pense et j'espère que tous verront dans cette mesure un progrès considérable pour les gens des Premières nations.

Honorables sénateurs, nous n'avons ménagé aucun effort pour que ce projet de loi réponde aux besoins des membres des Premières nations qui veulent accéder aux renseignements dont ils ont besoin tout en allégeant les obligations des conseils de bande en matière de rapports. Comme je l'ai fait remarquer, ces documents, les états financiers consolidés et vérifiés ainsi que l'annexe des rémunérations et des dépenses sont déjà établis par les gouvernements des Premières nations, puisque c'est une exigence à satisfaire pour obtenir des fonds d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. Il y a d'autres documents que les Premières nations doivent préparer pour le gouvernement, beaucoup trop, dans bien des cas. Le projet de loi n'exige pas un seul nouveau document ou rapport.

De plus, les Premières nations reçoivent de l'argent, dans les fonds versés aux bandes, pour couvrir les coûts de la préparation d'états financiers consolidés et vérifiés. Elles font déjà le travail, reçoivent une aide financière pour le faire et devront désormais simplement rendre ces documents publics et les porter à la connaissance de leurs membres.

(1520)

J'aimerais préciser que, si une Première nation n'a pas de site web, rien dans le projet de loi ne l'obligera à en créer un. Elle pourra plutôt demander à une autre organisation ou à Affaires autochtones et Développement du Nord Canada de publier ces documents en son nom.

Commeon l'a déjà dit, l'allégation selon laquelle ce projet de loi augmentera les exigences en matière de rapport des Premières nations ou entraînera des hausses de coûts pour les gouvernements des Premières nations n'est pas corroborée par les faits. Ce projet de loi ne comporte pas de mesures déraisonnables ou dispendieuses, juste de bonnes pratiques.

En terminant, j'aimerais attirer l'attention des sénateurs sur un éditorial publié hier dans le Leader Post de Regina, et qui s'intitule « La nouvelle loi ne devrait pas être un fardeau ». On y dit ceci :

C'est une bonne chose que la Loi sur la transparence financière des Premières nations ait été adoptée à la Chambre des communes. Il est difficile de comprendre pourquoi quelqu'un pourrait s'opposer sincèrement à une loi qui oblige un gouvernement à publier des renseignements financiers de base.

J'aimerais également souligner que ce n'est pas la première fois qu'un ministre des Affaires autochtones présente une mesure législative à ce sujet. Il y a des similarités et des différences, mais le projet de loi C-7, qui a été présenté à la Chambre des communes par l'ancien ministre libéral Nault, couvrait une grande partie des mêmes aspects.

Je demande aux sénateurs d'appuyer cette mesure législative louable. Je crois que les membres des Premières nations comptent sur nous pour défendre leurs intérêts. Nous ne devons pas les laisser tomber.

Des voix : Bravo!

L'honorable Lillian Eva Dyck : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Patterson : Oui.

Le sénateur Dyck : Je voudrais poser une brève question au sénateur. Il a mentionné que le projet de loi C-27 complète le projet de loi S-6, qui concerne les élections dans les Premières nations, que nous avons étudié l'année dernière. Puisqu'il s'agit d'un projet de loi complémentaire, s'inscrit-il dans un plan global du gouvernement? Dans l'affirmative, si ces projets de loi se complètent, pourquoi le projet de loi C-27 a-t-il d'abord été proposé comme projet de loi d'initiative parlementaire et non comme projet de loi d'initiative ministérielle?

Le sénateur Patterson : Je remercie le sénateur de sa question. Il est vrai que la première mouture du projet de loi C-27 avait été présentée comme projet de loi d'initiative parlementaire, parrainé par un député de la Saskatchewan, dans une législature précédente. Néanmoins, je crois savoir que le projet de loi est mort au Feuilleton lors du déclenchement des dernières élections. De plus, depuis les dernières élections, le gouvernement a présenté cette mesure législative comme projet de loi d'initiative ministérielle.

Je suppose que c'est la preuve que de bons projets de loi d'initiative parlementaire, qui échouent au Parlement, peuvent être présentés de nouveau sous forme de projets de loi d'initiative ministérielle, comme c'est le cas de ce projet de loi.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions?

(Sur la motion du sénateur Dyck, le débat est ajourné.)

Le Code canadien du travail
La Loi sur l'assurance-emploi

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Eaton, appuyée par l'honorable sénateur Seidman, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-44, Loi modifiant le Code canadien du travail et la Loi sur l'assurance-emploi et modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu et le Règlement de l'impôt sur le revenu en conséquence.

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je suis ravie de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-44, Loi modifiant le Code canadien du travail et la Loi sur l'assurance- emploi et modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu et le Règlement de l'impôt sur le revenu en conséquence.

Les modifications proposées dans le projet de loi C-44 sont conçues pour aider davantage les familles qui éprouvent des difficultés énormes. Comme l'a mentionné le parrain du projet de loi, nous pouvons tous sympathiser avec les parents qui sont confrontés à des problèmes difficiles à imaginer, et nous devons faire ce que nous pouvons pour leur donner l'appui dont ils ont besoin.

Le projet de loi C-44 améliore l'accès aux prestations de maladie et aux prestations spéciales de l'assurance-emploi pour les parents d'enfants gravement malades et modifie le Code canadien du travail pour assurer aux parents s'occupant de tragédies familiales la possibilité d'obtenir un congé non payé sans risquer de perdre leur emploi.

Je crois que la plupart d'entre nous sommes d'avis que nous devons permettre à un parent qui s'occupe de son bébé de suspendre son congé parental pour obtenir des prestations de maladie s'il tombe malade et de prolonger d'autant son congé parental. Cette conversion des prestations parentales en prestations de maladie se ferait sans que le demandeur ait à prouver qu'il est autrement disponible pour travailler.

Le gouvernement affirme que le projet de loi C-44 donnera accès aux prestations de maladie aux demandeurs qui reçoivent des prestations parentales. Toutefois, il faut préciser que cet accès amélioré aux prestations de maladie n'est pas nouveau, étant actuellement prévu dans le programme d'assurance-emploi. En effet, il avait été introduit en 2002 par le gouvernement libéral dans le projet de loi C-49. Cette mesure législative avait supprimé les plafonds et les règles interdisant le cumul, ce qui permettait de demander des prestations de maladie pendant un congé parental.

En 2002, le projet de loi C-49 présenté par le gouvernement Chrétien visait à permettre à une personne qui tombe malade pendant un congé parental de toucher des prestations de maladie de l'assurance-emploi. Il est curieux de noter que, en 2002, les conservateurs avaient voté contre le projet de loi C-49.

Le projet de loi avait quand même été adopté. Malheureusement, le ministère l'avait interprété d'une façon qui lui permettait de refuser les prestations de maladie avant, pendant et après le congé parental. Il a fallu un appel au juge-arbitre de l'assurance-emploi en 2011 pour rétablir la situation. Le juge-arbitre a statué que les modifications législatives prévues dans le projet de loi C-49 avaient pour objet d'ouvrir l'accès des prestations de maladie aux femmes qui tombaient malade immédiatement avant, pendant ou après le congé de maternité ou le congé parental. Toutefois, les demandeurs continuent de se voir refuser ces prestations, même après la décision rendue par le juge-arbitre. J'espère que le nouveau projet de loi C-44 précisera suffisamment les règles actuelles pour remédier à cette injustice.

Malheureusement, le projet de loi d'exécution du budget présenté au printemps 2012 par les conservateurs — le projet de loi omnibus no C-38 — a fait disparaître les juges-arbitres et les conseils arbitraux du processus d'assurance-emploi. Ainsi, si la demande d'un prestataire est rejetée par le nouveau tribunal dont le siège sera situé ici, à Ottawa, le prestataire en question ne pourra plus faire appel devant un juge-arbitre comme il en avait la possibilité en 2011. De plus, si l'appel interjeté par un prestataire est rejeté par la seule et unique personne qui entendra sa demande au nom de ce tribunal ottavien, le prestataire en question ne pourra plus en référer à un juge-arbitre, parce que cette étape n'existe plus depuis l'adoption du projet de loi C-38, au printemps.

En revanche, le projet de loi C-44 prévoit aussi la création d'une prestation qui fournirait un revenu d'appoint pendant une période pouvant atteindre 35 semaines aux parents admissibles dont l'enfant est gravement malade ou grièvement blessé. J'insiste ici sur le mot « admissibles », car pour y avoir droit les parents devront avoir travaillé 600 heures en six mois.

Notre économie prend un virage de plus en plus marqué vers les emplois à temps partiel. En effet, selon des données récentes, un travailleur canadien sur sept travaille à temps partiel, et près de 80 p. 100 des pères et 70 p. 100 des mères n'atteignent pas les 600 heures requises. Si on fait le calcul, on s'aperçoit que ce sont 275 000 pères et 680 000 mères dont la demande serait refusée. Il faut faire en sorte que ces parents aient eux aussi accès aux programmes qui sont offerts aux autres parents.

Le nombre d'heures assurables devrait être réduit à 420 sur une période de six mois consécutifs, au lieu des 600 prévues dans le projet de loi. Les travailleurs à temps partiel auraient alors droit à des prestations, ce qui serait impossible autrement. Et c'est sans compter que nous aiderions concrètement les familles dans le besoin, ce qui devrait être l'objectif quand on parle d'un projet de loi intitulé Loi visant à aider les familles dans le besoin. Or, si nous voulons vraiment leur venir en aide, nous devrions envisager d'abaisser le seuil d'heures assurables, qui se situe actuellement à 600, pour l'abaisser à 420 sur une période de six mois consécutifs.

J'espère également que la définition d'une « maladie grave », qui ne se trouve pas dans le projet de loi mais qui devrait être dans le règlement d'application, sera assez large pour que les parents qui ont besoin de soutien financier dans une période aussi stressante pour leur famille puissent obtenir des prestations.

Je m'interroge également à propos de la période maximale de prestations, qui est établie à 35 semaines. Comme nous le savons tous, bien des maladies graves exigent des traitements qui vont bien au-delà de 35 semaines. Je songe notamment aux traitements contre le cancer, qui s'étendent sur des mois avec la chimiothérapie, la radiothérapie et la chirurgie.

(1530)

Je crois que le moins que nous puissions faire avec le projet de loi, c'est d'assurer un minimum de 52 semaines de prestations aux familles qui prennent soin d'un enfant malade.

Outre les changements au Code canadien du travail proposés dans le projet de loi, protéger l'emploi des parents dont l'enfant meurt ou disparaît par suite d'une infraction criminelle présumée, ou des parents qui doivent s'occuper d'un enfant gravement malade, et les autoriser à prendre un congé sans solde, est une mesure de compassion qui s'impose vraiment.

J'appuie les mesures initiales proposées dans le projet de loi afin que les parents n'éprouvent pas de difficultés financières supplémentaires lorsqu'ils prennent soin d'enfants gravement malades, ou lorsqu'ils vivent le deuil ou la disparition d'un enfant par suite d'une infraction criminelle présumée.

J'ai hâte d'avoir l'occasion d'étudier le projet de loi C-44 au comité.

Son Honneur le Président intérimaire : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Cordy : Oui.

L'honorable Catherine S. Callbeck : Je remercie madame le sénateur de ses explications au sujet du projet de loi dont nous sommes saisis. Il va de soi que je suis en faveur d'améliorer l'aide accordée aux familles. Toutefois, je veux poser une question au sénateur relativement à un changement que je ne vois pas ici, mais que j'aimerais bien retrouver dans la mesure législative. Je fais allusion au délai de carence de deux semaines dans le cas des prestations de maternité et des prestations parentales. Il s'agit d'une situation tout à fait particulière, dans laquelle le délai de deux semaines crée vraiment un fardeau injuste.

J'aimerais que le sénateur nous donne son opinion sur ce point.

Le sénateur Cordy : Je remercie madame le sénateur Callbeck de son excellente question. Je sais qu'elle a traité de cette question à plusieurs occasions au Sénat. Elle a tout à fait raison. Hier, lors de ma séance d'information avec le ministère, j'ai mentionné ce point précis et j'ai dit que le projet de loi portait un très beau titre, à savoir Loi visant à aider les familles dans le besoin. Pourtant, il y a des familles qui doivent attendre deux semaines sans aucun revenu. Si nous sommes censés aider les familles dans le besoin, je conviens que cette mesure, c'est-à-dire l'élimination du délai de carence de deux semaines, aurait dû constituer une partie importante du projet de loi. Comme le sénateur l'a mentionné ici par le passé, l'abolition du délai ne coûterait rien de plus au gouvernement. La seule différence serait que les gens commenceraient à toucher des prestations immédiatement.

Je ne sais pas pourquoi cette mesure n'a pas été incluse dans le projet de loi, qui était l'occasion idéale de se débarrasser des délais de carence. Nous en sommes tout à fait conscients. Le sénateur a traité de cette question à maintes occasions, et d'autres sénateurs l'ont fait aussi. C'était vraiment l'occasion rêvée d'inclure cette mesure, sans qu'il n'en coûte quoi que ce soit au gouvernement.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carignan, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du Gouverneur général d'un visiteur de marque, à savoir le premier ministre du Nouveau-Brunswick, David Alward.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Projet de loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes à sous-munitions

Troisième lecture—Rejet de la motion d'amendement

L'ordre du jour appelle

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Fortin-Duplessis, appuyée par l'honorable sénateur Nolin, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-10, Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes à sous-munitions;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Hubley, appuyée par l'honorable sénateur Downe, que le projet de loi S-10 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié,

a) à l'article 11,

(i) à la page 6,

(A) par substitution, aux lignes 24 à 32, de ce qui suit :

« et le contrôle sur celles-ci, si cette personne ne demande pas expressément que des armes à sous- munitions, des sous-munitions explosives ou des petites bombes explosives soient utilisées dans la réalisation des activités;

b) de demander que soient réalisées des activités pouvant comporter l'utilisation par les forces armées de cet État de telles armes, sous- munitions ou bombes si cette personne ne demande pas expressément que de telles armes soient utilisées et si le choix des munitions ne dépend pas exclusivement des Forces canadiennes;

c) de déplacer de telles armes, sous-munitions ou bombes d'un État ou d'un territoire »,

(B) par substitution, aux lignes 39 à 48, de ce qui suit :

« (2) L'article 6 n'a pas pour effet d'interdire les activités liées au transport — autres que le transport proprement dit —, par toute personne, dans le cadre de la coopération militaire ou d'opérations militaires combinées mettant en cause le Canada et un État non partie à la Convention, d'armes à sous-munitions, de sous- munitions explosives ou de petites bombes explosives qui sont en la possession ou sous le contrôle de cet État, ou sur lesquelles cet État a un droit de propriété. »,

(ii) à la page 7,

(A) par substitution, aux lignes 5 à 13, de ce qui suit :

« à la Convention, sachant qu'une personne a commis un tel »,

(B) par adjonction, après la ligne 17, de ce qui suit :

« (4) Nul ne contrevient à l'article 6 du seul fait de sa participation à de la coopération militaire ou à des opérations militaires combinées mettant en cause le Canada et un État non partie à la Convention qui pourrait s'engager dans une activité interdite visée à l'article 6.

(5) La personne qui est assujettie au code de discipline militaire au titre de l'un des alinéas 60(1) a) à g) et j) de la Loi sur la défense nationale ou qui est un fonctionnaire au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et qui dirige ou autorise des activités dans le cadre d'une coopération militaire ou d'opérations militaires combinées mettant en cause le Canada et un État non partie à la Convention met tout en œuvre pour décourager les forces armées de cet État d'utiliser

ou de prévoir l'utilisation d'armes à sous- munitions, de sous-munitions explosives ou de petites bombes dans le cadre de ces opérations et est tenue de les conseiller quant à la disponibilité d'autres munitions conventionnelles efficaces. »;

b) à la page 8, par adjonction, après la ligne 27, de ce qui suit :

« RELATIONS INTERNATIONALES

16.1 (1) Le ministre de la Défense nationale est tenu d'informer le gouvernement de tout État non partie à la Convention — avec lequel le Canada s'engage dans une coopération ou des opérations militaires combinées — des obligations du Canada aux termes de la Convention.

(2) Tout accord conclu entre le Canada et un État non partie à la Convention aux termes duquel une personne visée au paragraphe 11(1) fait l'objet d'un détachement, d'un échange, d'une affectation ou d'un arrangement semblable auprès des forces armées de cet État doit prévoir que cette personne ne peux recevoir d'un membre de celles- ci l'ordre de commettre un acte interdit par la présente loi et qu'elle n'est pas tenue de suivre un tel ordre. »;

c) à la page 9, par adjonction, après la ligne 8, de ce qui suit :

« 17.1 (1) Tout citoyen canadien, résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ou société constituée en personne morale sous le régime des lois du Canada ou d'une province qui commet à l'étranger une action ou une omission qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction à la présente loi, est réputé avoir commis cette action ou omission au Canada.

(2) Il est entendu que l'article 130 de la Loi sur la défense nationale s'applique relativement à la présente loi. »;

d) à la page 10, par adjonction, après la ligne 17, de ce qui suit :

« RAPPORT ANNUEL

23.1 (1) Dans les quatre mois suivant la fin de chaque exercice, le ministre des Affaires étrangères, le ministre de la Défense nationale et le procureur général du Canada préparent conjointement un rapport sur la mise en œuvre de la Convention et sur l'application de la présente loi, et le ministre des Affaires étrangères fait déposer une copie de ce rapport devant chacune des Chambres du Parlement dans les quinze premiers jours de séance de cette Chambre après l'établissement du rapport.

(2) Le rapport annuel contient notamment un compte rendu des progrès réalisés par le gouvernement du Canada à l'égard de chacune des questions suivantes :

a) la promotion des normes établies par la Convention;

b) les efforts déployés pour encourager les États non parties à la Convention à la ratifier, à l'accepter, à l'approuver ou à y adhérer;

c) la notification, aux États non parties à la Convention avec lesquels le Canada est engagé dans une coopération militaire ou dans des opérations militaires combinées, des obligations du Canada au titre de la Convention;

d) les efforts déployés pour décourager les États non parties à la Convention avec lesquels le Canada est engagé dans une coopération militaire ou dans des opérations militaires combinées d'utiliser des armes à sous-munitions, des sous- munitions explosives et des petites bombes explosives;

e) la désactivation, la disposition et la destruction des armes à sous-munitions, des sous-munitions explosives et des petites bombes explosives détenues par Sa Majesté du chef du Canada, d'une manière qui protège l'environnement et la santé humaine. ».

L'honorable Suzanne Fortin-Duplessis : Honorables sénateurs, j'aimerais remercier, une fois de plus, les honorables sénateurs des deux côtés de la Chambre d'avoir porté une attention particulière au projet de loi tout au long des délibérations. Aujourd'hui, je parlerai des modifications proposées par les honorables membres de l'opposition pendant le débat du 28 novembre. Au lieu de traiter de chaque modification de manière distincte, je les aborderai dans un contexte plus général, puisque la plupart d'entre nous sont déjà au fait des modifications proposées et de leurs justifications.

Je répondrai tout d'abord aux préoccupations qui ont été soulevées concernant l'article 11 du projet de loi, article qui a sans aucun doute attiré le plus d'attention pendant nos délibérations. L'opposition était d'avis que cet article est trop général et qu'il permet trop d'exceptions. Le gouvernement est d'avis que le projet de loi, dans sa forme actuelle, respecte entièrement l'esprit de la convention et qu'il permettra au Canada de remplir toutes ses obligations. La formulation de l'article 11 est très précise, car l'article 9 de la convention exige que le Canada, en tant qu'État, mette en œuvre des mesures législatives internes pour toutes les activités interdites par la convention, ce qu'il a fait. Les obligations générales de l'article 1, et les exceptions prévues à l'article 21, ont orienté la rédaction du projet de loi. Ces deux dispositions permettent la création d'infractions et d'exceptions en évitant d'utiliser une formulation trop générale.

J'aimerais rappeler à mes estimés collègues que les États parties ont également l'obligation d'encourager les États non parties à cesser d'utiliser, de posséder ou de stocker des armes à sous- munitions, ainsi que de ratifier la convention. Cette convention comporte à la fois des obligations positives et des interdictions, mais les obligations positives sont dirigées vers le Canada en tant qu'État, et non vers les membres individuels des Forces canadiennes; d'un point de vue juridique, il serait problématique de les inclure dans les dispositions définissant les interdictions.

Le dilemme éthique dans lequel pourraient se retrouver des membres des Forces canadiennes participant à des opérations conjointes a été soulevé à plusieurs reprises. Ces dilemmes éthiques surviennent souvent dans le cadre d'opérations militaires, mais nous croyons qu'il n'est ni approprié ni exigé par la convention de recourir au droit criminel interne pour les résoudre.

En vertu de la convention, les États parties doivent faire preuve de transparence en produisant des rapports, et nous sommes tout à fait d'avis que le Canada devrait faire état de ses progrès à l'égard de ses obligations envers la convention, ce qu'il a d'ailleurs déjà fait sur une base volontaire. Cependant, nous ne jugeons pas nécessaire de mettre en place un autre mécanisme de reddition de comptes dans le présent projet de loi, comme un rapport annuel au Parlement, car la convention comporte déjà sa propre structure de reddition de comptes.

(1540)

J'aimerais enfin souligner que nous souhaitons tous la même chose, c'est-à-dire l'élimination totale des armes à sous-munitions et l'adhésion de tous les pays à la convention. Cependant, avant que cela puisse se réaliser, nous devrons tenir compte du fait que des pays continuent d'utiliser ces armes et que certains d'entre eux figurent parmi nos plus importants alliés avec qui nous menons des opérations militaires conjointes en vue de renforcer la paix et la sécurité dans le monde et de protéger les valeurs et les intérêts du Canada.

Le gouvernement croit que le projet de loi, dans sa forme actuelle, établit un juste équilibre qui a été négocié au cours de la rédaction de la convention. Ce projet de loi comprend les interdictions que le Canada doit appliquer dans son droit criminel, ainsi que les exceptions prévues en matière de coopération militaire et il protège les membres des Forces canadiennes contre des poursuites criminelles inappropriées. Il laisse le soin au Canada, en tant qu'État partie, de remplir les obligations fondamentales de ne pas fabriquer, posséder ou utiliser ces armes, de détruire ses stocks existants et de mener des efforts de diplomatie afin d'exhorter les autres pays à renoncer aux armes à sous-munitions et à ratifier la convention.

Honorables sénateurs, je vous recommande de voter contre les amendements.

[Traduction]

Son Honneur le Président intérimaire : Devrait-on poursuivre le débat sur l'amendement?

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Avons-nous le droit de poser des questions?

Son Honneur le Président intérimaire : Madame le sénateur accepterait-elle de répondre à une question?

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Oui.

Le sénateur Dallaire : Merci.

Ce n'était certainement pas une tâche facile qu'on vous avait confiée à propos du monde militaire, qui est technique, ainsi que sur la technologie des armements, mais vous avez tout de même rempli votre rôle et je ne puis que le souligner et vous saluer.

Vous avez toutefois parlé plus tôt d'un volet sur lequel j'aimerais avoir des précisions. Vous avez essentiellement dit que la loi criminelle ne devrait pas résoudre des dilemmes éthiques. D'accord. Par contre, ne croyez-vous pas que la loi criminelle ne devrait pas créer des scénarios éthiques dans le cadre desquels l'individu devra faire face à ces mêmes valeurs, ce même sens du droit que l'on dit mettre en pratique en introduisant ce projet de loi?

Ne croyez-vous pas cela tout à fait inapproprié que le projet de loi crée ce scénario par l'entremise de l'exception énoncée à l'article 11?

Le sénateur Fortin-Duplessis : Honorables sénateurs, en tout premier lieu, puisque l'honorable sénateur Dallaire aborde le sujet de la loi criminelle, je vais lui répondre quelque chose en plus de ce qu'il m'a demandé. Le sénateur sait pertinemment que, conformément aux premiers articles du projet de loi, toute compagnie canadienne qui fabriquerait en tout ou en partie une arme à sous-munitions serait passible d'emprisonnement et aussi d'une amende de 500 000 $ et plus.

Le sénateur a mentionné, je crois, l'article 11; cet article a été rédigé pour faire en sorte que nos soldats, femmes et hommes qui participent à des opérations militaires, soient protégés de toute poursuite en matière criminelle. Je pense donc que l'article 11 apporte vraiment des garanties à nos soldats et je ne vois pas pourquoi il serait nécessaire d'y ajouter quelque chose. J'ai dit que c'était important afin que nous puissions participer à des opérations militaires.

Le sénateur Dallaire : J'aimerais poser une question supplémentaire.

L'article 11 va bien au-delà du fait de simplement protéger les gens contre des poursuites criminelles. Il y a tout de même 77 pays qui ont ratifié la convention et on nous dit que l'interprétation de l'article 21 de la convention, qui était interprété dans l'article 11 du projet de loi, est beaucoup plus dynamique et étendue, même sur le plan de la sauvegarde.

Les amendements proposés visaient simplement à atteindre un niveau d'objectivité afin d'empêcher que les militaires restent pris dans le carcan de l'utilisation de ces armes que, comme vous venez de nous le dire, nous voulons absolument éliminer de notre réserve et dont on ne veut absolument rien savoir.

Toutefois, s'ils sont avec des gens qui ont ces armes, ils sont tenus de s'en servir. Les modifications proposées à l'article 11 visaient à établir que, même s'ils étaient avec d'autres personnes, ils ne s'en serviraient tout de même pas. Cette situation n'aurait pas pu les amener en cour; au contraire, cela les protégerait encore bien plus parce qu'ils n'auraient, à ce moment-là, pas besoin d'y penser puisque cela ferait partie de la doctrine. N'avez-vous pas considéré des modifications dans cette perspective?

Le sénateur Fortin-Duplessis : Je remercie l'honorable sénateur Dallaire de cette question supplémentaire. En tout premier lieu, j'aimerais dire que, après le départ de M. Earl Turcotte, des négociateurs chevronnés ont beaucoup travaillé, tant ceux du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international que ceux du ministère de la Défense nationale. Ils ont travaillé d'arrache-pied pour faire du projet de loi S-10 un projet de loi conforme à la convention.

L'honorable sénateur Dallaire et son collègue ont proposé énormément d'amendements et le sénateur lui-même vient de donner son opinion, mais ce n'est pas la nôtre. Je crois que le gouvernement a fait tout ce qu'il y avait à faire, que c'est un bon projet de loi et que tout le monde devrait l'entériner.

Le sénateur Dallaire : Madame le sénateur fait référence, dans sa réponse, à M. Turcotte, qui était justement au cœur même des négociations. Elle fait également référence au fait que le ministère de la Défense nationale et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ont travaillé d'arrache-pied afin de garantir que nos militaires ne soient pas tenus criminellement responsables. D'emblée, il n'y a pas de problème avec cela. De plus,, ils ont travaillé d'arrache-pied pour s'assurer que la convention dans son ensemble soit appliquée dans le cadre de loi. Nous ne sommes pas contre cela, au contraire. Il y a eu nombre d'excellents énoncés qui répondaient aux besoins.

Là où je crois que nos fonctionnaires et diplomates du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, ainsi que ceux du ministère de la Défense nationale — et ils connaissent tous un peu les rouages —, c'est lorsque le juge-avocat général et les avocats —, j'en ai l'impression — ont pris le mors aux dents et sont allés même au-delà de ce qui pourrait être un scénario possible, dans lequel ces individus pourraient être pris dans un carcan légal.

Dans ce contexte, c'est bien qu'ils aient négocié entre eux, mais cela ne veut pas dire qu'ils ont la connaissance infuse. Ne croyez- vous pas qu'ils sont allés au-delà d'un besoin minimal non seulement en ce qui concerne la protection légale, mais aussi pour montrer que nos militaires, lorsqu'ils sont déployés avec d'autres forces, respecteront alors le désir de notre pays de ne pas utiliser ces armes?

Le sénateur Fortin-Duplessis : Encore une fois, je remercie l'honorable sénateur Dallaire pour cette troisième question. Je crois que le sénateur Dallaire est d'avis que ce projet de loi est trop général et qu'il permet trop d'exceptions, alors que nous sommes d'avis que le projet de loi, dans sa forme actuelle, respecte entièrement l'esprit de la convention et qu'il permettra au Canada de remplir toutes ses obligations.

(1550)

[Traduction]

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, permettez-moi de faire ma première intervention du débat, qui portera en particulier sur les amendements. D'abord, je crois qu'il serait nécessaire de corriger certaines inexactitudes qui ont été propagées en public au sujet des audiences du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Le sénateur Dallaire a indiqué publiquement, sans se rétracter par la suite, qu'il avait présenté des amendements. Il a fait cette déclaration à iPolitics. Or, en fait, il n'a présenté aucun amendement au comité. C'est le sénateur Hubley qui a présenté les amendements. De plus, le sénateur Dallaire a affirmé que nos audiences manquaient de transparence. Or, toutes nos audiences ont été publiques, y compris le débat et le vote.

Le sénateur Dallaire s'est plaint que son avis n'a pas été accepté. C'est peut-être vrai. Il ne faisait pas partie des témoins, et, manifestement, il n'a pas réussi à rallier ses collègues à sa position.

Je voudrais féliciter le sénateur Hubley. L'étude de ce projet de loi n'a pas été facile. C'est un projet de loi technique qui exige une bonne compréhension du droit international et du droit pénal canadien. Madame le sénateur a admirablement écouté tous les témoins, et en particulier ceux qui n'étaient pas favorables au projet de loi. Elle a exercé sa fonction de sénateur de l'opposition en tâchant d'améliorer le projet de loi. Elle a géré les propositions d'amendement et l'étude du projet de loi par le comité de manière tout à fait admirable. Je la remercie pour sa coopération et pour sa volonté d'agir dans le dossier des armes à sous-munitions et d'interdire ces armes. Travailleuse infatigable pour combattre les mines antipersonnel, elle manifestera sans doute la même ardeur pour combattre les armes à sous-munitions. Je tenais à le dire dans cette enceinte.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Andreychuk : Les amendements vont au-delà de la mise en œuvre de la convention. L'article 21 de la convention est celui qui dérange tout le monde. C'est l'article portant sur l'interopérabilité. On admet, dans la convention, que certains États qui n'en sont pas signataires utilisent des armes à sous- munitions ou pourraient en utiliser.

Il aurait mieux valu avoir une convention ne prévoyant absolument aucune exception, aucun article 21. Toutefois, comme la convention contient l'article 21, les pays signataires ont l'obligation de l'appliquer intégralement. L'article 11 du projet de loi S-10 constitue la réponse canadienne à l'article 21 de la convention.

À mon avis, le dilemme éthique que les modifications sont censées trancher continue à se poser à nos militaires. Je crois que l'équilibre réalisé dans le projet de loi S-10 offre une défense aux soldats et aux militaires qui se trouvent dans la situation envisagée par l'article 21 de la convention. Ce sera très clairement une défense que pourront invoquer nos militaires pour se disculper d'une accusation criminelle relative à leurs activités sur un théâtre d'opérations. Rien dans la convention ni dans le projet de loi S-10 ne dit que le Canada peut utiliser des armes à sous-munitions. Je remercie madame le sénateur Hubley d'avoir souligné ce point. Elle l'a mis en évidence d'une manière très énergique, que j'appuie. Aucun Canadien n'est favorable aux armes à sous-munitions ou à leur utilisation.

Nous devons cependant comprendre que notre défense et notre sécurité nous rendent solidaires de nos alliés, et que certains n'ont pas signé la convention. Il me semble que le gouvernement du Canada dit, dans ce projet de loi, que dans une situation d'interopérabilité, si nos soldats sont témoins de l'utilisation d'armes à sous-munitions par nos alliés, ils ne feront pas l'objet d'accusations criminelles dans les domaines particuliers mentionnés à l'article 11.

Accepter les amendements rendrait la situation encore plus confuse. Ils imposeraient un dilemme éthique aux soldats d'une manière que la convention n'a pas envisagée. Les amendements responsabilisent nos militaires plus fortement que ne le fait la convention. J'estime donc qu'il faut les rejeter.

Le sénateur Dallaire : Madame le sénateur Andreychuk accepterait-elle de répondre à des questions?

Le sénateur Andreychuk : Oui.

Le sénateur Dallaire : Je remercie madame le sénateur de sa récapitulation de nos discussions ainsi que de l'interaction qu'elle et moi nous avons eue avec le public. J'aimerais dire que, tout en maintenant l'essentiel de mon entrevue, je remarque que certains éléments auraient pu être améliorés. Je dirai donc au sénateur que j'en prends note, avec tout le respect que je lui dois, comme présidente du comité.

Pour l'essentiel du débat, madame le sénateur est vraiment allée au cœur du sujet lorsqu'elle a dit que, en l'absence de l'article 21, nous n'aurions pas eu l'article 11 du projet de loi. Pas de problème. À défaut de l'article 21, nous ne pourrions pas mener d'opérations conjointes avec des pays non signataires. Autrement dit, sans l'article 21, nous n'aurions pas d'interopérabilité avec ceux qui se servent d'armes à sous-munitions. Ceux qui les utilisent actuellement comprennent les Américains en particulier, de même que les Israéliens, qui l'ont encore fait récemment. Bien sûr, nous ne voudrions pas avoir d'interopérabilité avec certains États voyous qui s'en servent.

Bref, en l'absence de l'article 21, nous ne pourrions pas, dans le cadre d'une mission menée par une coalition, comme celle en Libye, permettre à l'un de nos officiers d'assumer des fonctions de commandement ou de participer à des échanges, particulièrement avec les États-Unis, parce qu'ils utilisent des armes à sous-munitions et que nous avons déclaré vouloir ne rien avoir à faire avec ces dernières.

Par rapport au cas des mines terrestres, n'est-il pas plus avantageux d'avoir prévu l'interopérabilité sans porter préjudice à ceux qui y participent? L'article 11, prévu en application de l'article 21 de la convention, est très sensé. Il vise à préciser les choses pour ceux qui se trouvent dans cette situation.

Toutefois, conviendrez-vous que, en agissant ainsi, nous disons dans ce projet de loi, d'une part : « Ne pensez même pas aux armes à sous-munitions parce qu'elles personnifient le mal » et, de l'autre, à l'article 11 : « Soit dit en passant, en cas de déploiement aux côtés des Américains, vous pouvez les utiliser si on vous en donne l'ordre »? N'est-ce pas là un dilemme éthique fondamental pour le militaire qui, par suite de son entraînement et de toutes les valeurs que défend son pays, ne veut rien savoir de ces armes, mais qui, à cause du libellé de l'article 11, peut s'en servir dans un théâtre d'opérations? Doit-il le faire la conscience tranquille parce qu'il ne fera pas l'objet d'accusations et ne sera pas jeté en prison? Je ne crois pas que ce soit suffisant. En conviendrez-vous?

Le sénateur Andreychuk : Je vais vous donner la réponse suivante. Plusieurs des témoins qui se sont présentés devant le comité n'aimaient pas l'article 11, mais ce sont aussi ceux qui étaient opposés à l'article 21. J'avais l'impression qu'ils essayaient de tirer des ficelles auxquelles les négociateurs de la convention n'avaient pas eu accès et qu'ils voulaient s'en servir contre les pays qui commençaient à la mettre en œuvre.

Il est bien beau de dire que nous aurions dû suivre l'exemple de la Nouvelle-Zélande au sujet de l'article 11, mais nous ne sommes pas la Nouvelle-Zélande. Nous ne sommes pas dans la même situation. Il incombe au gouvernement du Canada d'interpréter de son mieux l'article 21 pour les Canadiens et pour les besoins d'interopérabilité.

(1600)

Nous nous retrouvons dans une situation où nous sommes membres du NORAD et de l'OTAN; et je ne sais trop dans quelle autre situation nous serons plongés. L'article 21 est là parce que nous ne savons pas au juste comment les pays devront se défendre entre-temps.

Je ne veux pas de l'article 21 plus que quiconque, mais, une fois qu'il est là, il nous faut l'article 11. Je préférerais qu'on soit très précis pour que les soldats sachent ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas. Je veux que la politique, les pratiques et les procédures soient à la charge du gouvernement, et non des soldats.

Le gouvernement a la responsabilité de continuer à négocier avec les États-Unis, Israël et tous les autres pays pour éliminer les armes à sous-munitions. Le gouvernement du Canada a la responsabilité de se donner des politiques et des pratiques qui feront en sorte que ces armes ne seront pas utilisées et de convaincre autant que possible ses alliés de ne pas y avoir recours.

Je ne vois pas du tout l'article 11 de la même manière que l'honorable sénateur. Il permettra au soldat de savoir exactement ce qu'il peut faire et ce qu'il ne peut pas faire, et quand il risque de faire l'objet d'accusations au pénal, car ce sera le cas. Nous demanderons aux soldats de risquer leur vie pour nous et nous allons leur imposer de surcroît le stress de définir leur comportement éthique pour savoir quand et comment intervenir. Voilà l'enjeu des amendements. Le soldat ou l'officier devront exercer leur jugement en une fraction de seconde. Je préfère que le gouvernement ait la responsabilité d'éliminer partout les armes à sous-munitions. Toutefois, dans un contexte d'interopérabilité, ce sera aux termes de politiques et de pratiques que nous y serons, et le soldat s'acquittera de ses fonctions en sachant qu'il peut compter sur l'article 11.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, je pourrais reprendre tout ce que le sénateur a dit et l'utiliser a contrario, ce que nous avons essayé de faire au moyen des amendements à l'égard du soldat sur le terrain.

Un major qui commande une compagnie américaine, dont la doctrine prévoit peut-être l'utilisation d'armes à sous-munitions pour une cible particulière, et qui peut donc en ordonner l'utilisation aux termes de l'article 11, ne sera pas tenu responsable aux termes de la loi, mais il sera tenu moralement responsable. Ce même commandant de compagnie ira dans la zone visée et constatera l'impact de ces armes, comme nous l'avons vu dans toutes les opérations où elles ont été utilisées. En fait, 98 p. 100 des munitions tuent des civils et 97 p. 100 des munitions non explosées se retrouvent dans des zones bâties ou arborées ou dans la brousse.

Ce major sera hanté par ces faits, et il aura en tête les corps des victimes et l'impact. Voilà avec quoi il devra vivre. Il ne sera pas cité en cour martiale aux termes de la Loi sur la défense nationale ou du Code criminel, mais il sera tenu responsable du point de vue moral et éthique.

Madame le sénateur n'est-elle pas d'avis que les amendements que nous avons présentés n'ont aucune incidence sur l'interopérabilité? L'exemple qu'elle a utilisé porte à croire que, si nous n'agissons pas comme il est proposé, nos effectifs ne seront pas interopérables et ne pourront être déployés avec des Américains, notamment.

Honorables sénateurs, voilà où je veux en venir avec l'argument fondé sur l'interopérabilité. Les officiers de l'artillerie ont les moyens d'utiliser des armes nucléaires tactiques dans les opérations de l'OTAN. Dans la doctrine de l'OTAN, les armes nucléaires tactiques sont des instruments prévus dans la conception des opérations que nous avons eues en Europe centrale. Toutefois, nous avons décidé de ne pas les utiliser. Non seulement nous n'en avons pas fabriqué, ce que nous aurions pu faire, mais nous avons aussi décidé de ne pas les utiliser. Depuis les années 1960, nous n'avons dispensé au personnel l'entraînement pour utiliser les armes nucléaires tactiques. Cela n'a pas nui à notre interopérabilité avec les Américains ou les Allemands, car nous étions une réserve principale pour les uns et pour les autres.

À mon avis, interdire un type d'armes que les Américains ne veulent pas utiliser parce qu'ils en ont vu les effets en Syrie, et faire remarquer : « En passant, un Canadien qui sera avec vous ne se servira pas de ces armes », cela n'a aucun effet sur l'interopérabilité. Pourtant, le projet de loi étant ce qu'il est actuellement, l'article 11 rend cela tout à fait possible, étant donné notre préoccupation pour l'interopérabilité.

Le sénateur Andreychuk : Je fais respectueusement valoir que, à mon avis, on ne doit pas mettre l'accent sur l'aspect moral, mais plutôt sur la convention et sur le projet de loi S-11.

Honorables sénateurs, puis-je avoir quelques minutes pour répondre?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Andreychuk : Le sénateur met l'accent sur l'éthique et sur l'aspect moral. Les soldats sont confrontés à des questions d'éthique et de morale chaque jour qu'ils passent dans une zone de guerre, surtout lorsque des civils sont présents. Je ne suis pas d'accord pour en déduire que c'est le seul endroit où des questions d'éthique et de morale se posent. Cela dit, c'est pour cette raison que nous avons des politiques, des pratiques, des procédures, des tribunaux militaires et ainsi de suite.

Il n'y a rien à l'article 11 qui dit qu'il est correct pour un Canadien de commencer à réinterpréter la convention d'une façon large. En fait, l'article 11 restreint davantage l'interprétation de la convention, à tel point que je suis du même avis que le sénateur et bon nombre de témoins qui souhaitaient que l'article 21 de la convention n'existe pas.

Toutefois, comme le ministre l'a dit, dans la réalité, puisqu'il faut tenir compte de la sécurité des citoyens dans le théâtre d'opérations avec nos alliés, l'article 21 a été jugé nécessaire. Le débat est clos. L'article 21 est là. Si nous souhaitons renégocier la convention, et peut-être devrions-nous le faire, c'est là une tout autre question qui n'a rien à voir avec le projet de loi dont nous sommes saisis, le projet de loi S-10.

Je ne crois pas que mon opinion compte et je fais respectueusement valoir que tous aujourd'hui — les autorités militaires et les représentants de la Justice et des Affaires étrangères — disent que l'article 11 est la meilleure interprétation de l'article 21 aux fins de mise en œuvre dans notre droit pénal. Honorables sénateurs, notre responsabilité consiste maintenant à exercer une surveillance, afin de voir si c'est effectivement le cas. Cela dit, je ne veux pas tenter de déterminer si c'est bien le cas. Par conséquent, j'accepte leur opinion selon laquelle c'était le mieux qui pouvait être fait, dans l'anticipation de ce à quoi nous serons confrontés sur le plan militaire. Cela ne change pas le fait que, à compter de maintenant, je vais consacrer mon temps — et je sais que le sénateur Hubley fera de même — à tenter de nous débarrasser de l'article 21 en m'adressant à une autre tribune.

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, il y a une faille dans la défense de l'article 11, même si je ne crois pas qu'un seul témoin entendu par le comité ait appuyé cet article, à part les témoins représentant le gouvernement. Tous les groupes qui sont venus témoigner s'y opposaient, y compris un ancien haut fonctionnaire canadien qui, depuis, a quitté le gouvernement. Il n'aimait pas cet article. Il travaille maintenant pour les Nations Unies au Laos, où il voit constamment les ravages causés par les mines antipersonnel et les armes à sous-munitions.

La faille, c'est qu'il n'y a pas d'équivalent de l'article 11 dans l'accord interdisant les mines antipersonnel. Madame le sénateur est-elle en train de dire qu'il faut rouvrir cet accord afin d'y ajouter l'équivalent de l'article 11? Sauf erreur, personne n'a laissé entendre qu'une telle mesure était nécessaire. Je m'en remets à l'expérience du sénateur Dallaire pour ce qui est des opérations avec les alliés.

(1610)

Madame le sénateur croit-elle que le gouvernement doit rouvrir l'accord interdisant les mines antipersonnel afin d'y inclure l'équivalent de l'article 11? Pourquoi aurions-nous une telle disposition dans un document et non dans l'autre, étant donné qu'il s'agit de la même question?

Le sénateur Andreychuk : Honorables sénateurs, je fais respectueusement valoir que les mines antipersonnel et les armes à sous-munitions ne sont pas la même chose. Ce sont toutes deux des armes odieuses qui ne devraient pas être utilisées. Cela dit, on ne peut pas s'y prendre de la même façon pour se débarrasser des mines antipersonnel que pour se débarrasser des armes à sous-munitions. Ces deux choses sont très différentes.

Les mines antipersonnel sont enterrées. Elles doivent être désactivées et démantelées. Il faut savoir où elles se trouvent. Pour ce qui est des armes à sous-munitions, celles-ci sont habituellement utilisées du haut des airs, bien qu'on me dise que ce ne soit pas toujours le cas. Ces deux types d'arme sont très différents et les conventions qui les visent sont aussi très différentes. Il s'ensuit que la mise en application des deux conventions entraîne des réactions différentes.

Le sénateur a dit que tous les témoins étaient opposés à l'article 21. Je fais respectueusement valoir que les personnes qui sont venues témoigner devant nous étaient celles qui étaient mécontentes de l'article 21, et je sympathise beaucoup avec elles. Cela dit, les armes à sous-munitions et les mines antipersonnel sont deux choses différentes.

Je regrette de ne pas avoir avec moi le document sur les mines antipersonnel. Ce document renferme des exposés sur les endroits où ces mines ont été utilisées, sur la façon dont elles ont été utilisées et sur la façon de s'en débarrasser. Ce document s'appliquait expressément aux mines antipersonnel. De même, le document sur les armes à sous-munitions traite spécifiquement de ce type d'armes. Ce sont des armes différentes, mais elles sont toutes deux odieuses.

Je pense qu'il faut adopter une approche différente pour chacune d'elles, puisque c'est ce que font les conventions.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, je comprends qu'il faut protéger nos militaires canadiens, et le gouvernement a signé une convention pour éliminer l'utilisation de telles armes.

J'ai des problèmes avec l'article 11 lorsqu'on dit ce qui suit :

11. (1) L'article 6 n'a pas pour effet d'interdire à la personne visée [...]

À l'article 11. (1)b), on dit ceci :

b) de demander expressément l'utilisation par les forces armées de cet État de telles armes, sous-munitions ou bombes dans le cas où le choix des munitions utilisées ne dépend pas exclusivement des Forces canadiennes;

On donne la possibilité à un militaire canadien de demander expressément l'utilisation de ces armes. Là où j'ai un problème, c'est avec le fait qu'on ouvre cette porte. Je comprends que les militaires puissent se trouver dans des situations où d'autres pays, qui ne sont pas signataires de la convention, puissent utiliser ces armes. De là à dire qu'un Canadien peut demander expressément l'utilisation de telles armes, cela va tout à fait à l'encontre de la convention que nous avons signée.

[Traduction]

Le sénateur Andreychuk : Mon interprétation n'est pas la même que celle du sénateur.

Dans les situations d'interopérabilité, il y a des commandants et des soldats, et l'action se déroule rapidement. Le document envisage une défense dans n'importe quel scénario possible auquel les forces militaires peuvent penser. L'utilisation d'armes à sous-munitions doit être évaluée en une fraction de seconde, en fonction des moyens de défense nécessaires.

Nous devrions examiner le libellé pour veiller à ce qu'il n'ait pas pour effet d'élargir inutilement les fonctions de défense. Cependant, pour le moment, je peux simplement dire que je suis heureuse de constater que nos militaires ont le même objectif que nous, soit éliminer les armes à sous-munitions et assurer la sécurité de notre pays.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer sur la motion d'amendement?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Convoquez les sénateurs.

Les whips ont-ils une recommandation à faire?

Le sénateur Munson : Trente minutes, Votre Honneur.

Son Honneur le Président : La sonnerie se fera entendre pendant 30 minutes. Le vote aura lieu à 16 h 45.

(1640)

La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Callbeck Jaffer
Chaput Joyal
Charette-Poulin Lovelace Nicholas
Cordy Mahovlich
Cowan Massicotte
Dallaire Mercer
Dawson Moore
Day Munson
De Bané Ringuette
Downe Rivest
Dyck Robichaud
Eggleton Smith (Cobourg)
Fraser Tardif
Furey Watt
Harb Zimmer—30

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Marshall
Ataullahjan Martin
Bellemare McInnis
Boisvenu McIntyre
Braley Meredith
Brazeau Mockler
Brown Neufeld
Buth Ngo
Carignan Nolin
Comeau Ogilvie
Dagenais Oliver
Demers Patterson
Doyle Plett
Duffy Poirier
Eaton Raine
Enverga Rivard
Finley Runciman
Fortin-Duplessis Seidman
Frum Seth
Gerstein Smith (Saurel)
Greene Stewart Olsen
Housakos Stratton
Johnson Tkachuk
Lang Unger
LeBreton Verner
MacDonald Wallace
Maltais Wallin
Manning White—56

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous en sommes maintenant à l'étape de la troisième lecture, et le vote porte sur la motion principale. Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Débat. L'honorable sénateur Dallaire a la parole.

(1650)

Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, je voudrais d'abord remercier le sénateur Hubley et son personnel pour le travail considérable qu'ils ont fait relativement à ce projet de loi très technique. Je remercie aussi le sénateur Fortin-Duplessis.

[Français]

J'aimerais également remercier le sénateur Fortin-Duplessis pour son travail dans un dossier dont le sujet n'est pas, pour elle, des plus habituels.

[Traduction]

Je remercie le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères, qui a donné à ceux qui voulaient exprimer leur point de vue sur le projet de loi toutes les possibilités de le faire. Même si un bon nombre de ces intéressés s'opposaient à la mesure législative et ont formulé des observations négatives, ils ont quand même été entendus. Selon moi, c'est révélateur, surtout compte tenu du caractère d'un bon nombre de témoins.

Je vais parler d'un témoin en particulier auquel on a fait allusion quelques fois, et j'aimerais vous donner quelques citations et les situer dans le contexte.

Je prends maintenant la parole pour discuter du projet de loi S-10 à l'étape de la troisième lecture et pour expliquer pourquoi, selon moi, nous devrions voter contre cette mesure législative.

Comme les sénateurs le savent, les effets dévastateurs des armes à sous-munitions sont ressentis dans bien des régions du monde. Ces armes meurtrières sont utilisées principalement contre des cibles civiles plutôt que militaires, étant donné que la raison initiale de leur utilisation n'existe pratiquement plus, à savoir les grandes offensives militaires blindées. Les recherches révèlent que 98 p. 100 des victimes sont des civils, parce que la majorité des conflits surviennent à l'intérieur de pays en crise et d'États en déroute et prennent la forme de guerres civiles. Les belligérants sont donc souvent présents dans les infrastructures et ils sont mêlés à la population civile.

Il n'est pas rare que des bombettes renfermées dans les dispositifs n'explosent pas immédiatement, mais seulement des années plus tard, et qu'elles blessent ou tuent des adultes et des enfants. Les mines arrachent une jambe, tandis que les bombettes arrachent la tête. Or, les victimes n'ont absolument rien à voir avec le conflit. Elles sont tout simplement à la mauvaise place au mauvais moment. Un grand nombre d'enfants ont été blessés parce qu'ils croyaient que les bombes qu'ils avaient trouvées étaient de vieux jouets. En fait, ces armes ont une forme qui attire l'attention des jeunes enfants.

[Français]

Tout récemment, des armes à sous-munitions ont été utilisées en Syrie et ont causé d'horribles dégâts. Après qu'un avion de chasse ait déployé de ces armes, une dizaine d'enfants sont morts suite aux effets des sous-munitions et une quinzaine de personnes ont été blessées. Toutes ces victimes étaient civiles. Combien d'autres décès devront se produire avant que nous comprenions que ces armes ne doivent plus jamais être utilisées? Je dis bien : ne devraient plus jamais être utilisées par qui que ce soit. N'attendons pas que des soldats canadiens perdent la vie avant de se rendre compte que nous devons faire tout ce que nous pouvons pour éliminer l'utilisation de ces armes. Nous pouvons être un exemple dans la lutte contre ces armes. Or, il est possible que nos forces armées se trouvent un jour impliquées dans un conflit de guerre civile où ces armes seront utilisées contre elles. Pire encore, ces armes pourront avoir été utilisées, être demeurées sur le terrain et, par inadvertance, exploser, blessant ou tuant certains de nos soldats.

En droit militaire international, les décisions sont déterminées en comparant l'avantage militaire et les dommages collatéraux. Étant donné que plus de 95 p. 100 des victimes sont des civils, il est bien évident que l'avantage militaire est beaucoup plus faible que les dommages collatéraux. Il faut donc faire tout ce que nous pouvons pour éliminer ces armes.

Le Canada, qui a été un leader mondial lors des négociations du traité sur les mines antipersonnel, en 1997, n'a pas été en mesure de répéter l'exploit pour ce qui est des armes à sous-munitions. Il existe des nuances entre ces deux traités.

La célébration commémorant le 15e anniversaire de la Convention d'Ottawa a eu lieu hier. Fait marquant, malgré la présence d'associations d'amputés, peu d'honorables sénateurs de l'autre côté de cette enceinte étaient présents pour célébrer cet accord que notre pays a eu l'énorme courage de signer il y a 15 ans.

Plusieurs témoins qui ont comparu devant le Comité des affaires étrangères et du commerce international ont indiqué que la législation du Canada concernant ces armes était l'une des pires qu'ils aient vue. Il est inconcevable de penser que le Canada, pays qui a littéralement lancé le mouvement contre l'utilisation des mines antipersonnel, puisse appuyer une législation aussi faible, tout en demeurant inactif dans ce dossier.

Bien que plusieurs vantent le fait que le Canada a été l'une des premières nations à signer la convention d'Oslo, cela ne vaut absolument rien, car le Canada a poursuivi en adoptant une législation poreuse et insuffisante aux yeux de plusieurs experts.

[Traduction]

Earl Turcotte a dirigé la délégation canadienne lors des négociations qui ont mené à la Convention sur les armes à sous- munitions. Il s'est battu avec acharnement afin que des améliorations soient apportées à la mesure législative proposée, qu'il juge inadéquate.

(1700)

M. Turcotte était haut fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et, entre 2005 et 2011, il était le principal responsable de plusieurs instruments de contrôle des armes : le Programme d'action nations Unies pour la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre; la Convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination et la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel. En outre, il a eu l'immense honneur de diriger la délégation canadienne durant les négociations de la Convention sur les armes à sous-munitions.

M. Turcotte n'est pas juste une personne engagée ou qui s'intéresse au sujet, sans plus. Il a participé à l'élaboration de tous les aspects de la convention en faisant fond sur les énormes succès remportés dans le cadre d'autres traités au cours des six années précédentes, voire plus, pendant lesquelles le Canada faisait figure de chef de file dans l'application de bon nombre de ces conventions.

Tout au long des négociations, la délégation canadienne a travaillé en étroite collaboration avec le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne, l'Australie et d'autres pays afin d'atteindre la norme humanitaire la plus élevée possible dans la convention. En même temps, il était nécessaire pour certains d'entre nous de faire en sorte que nous puissions continuer de participer efficacement à des opérations militaires combinées avec des alliés comme les États-Unis qui ont décidé — du moins pour le moment — de ne pas être partie à la convention. Au terme d'un effort considérable, nous avons réussi à négocier l'inclusion dans la convention de l'article 21, disposition autorisant explicitement la coopération militaire avec des États non parties. Il se trouve que l'article 21 est fondé en grande partie sur un texte que M. Turcotte avait rédigé et présenté durant les négociations à Dublin.

Je cite M. Turcotte :

Je croyais à l'époque, et je continue de croire que cette disposition sur le maintien de l'interopérabilité est un élément essentiel de la convention. [...] Toutefois, il faut examiner l'article 21 dans son intégralité et dans le contexte d'ensemble de la convention.

L'ensemble de la convention est approprié, c'est l'interprétation de l'article 21 dans l'article 11 qui est erronée.

Il poursuit ainsi :

Il y a actuellement 111 États signataires de la convention, dont 77 qui l'ont ratifiée ou y ont adhéré, y compris de nombreux alliés du Canada. En 2009 et en 2010 — après que le Canada a signé la convention en 2008 —, des fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères, moi y compris, ont été mêlés à un intense débat avec le ministère de la Défense nationale concernant les types d'activités militaires qui devraient être interdits ou autorisés au cours d'opérations interarmées avec des États non parties.

Vers la fin de 2010, les hauts fonctionnaires des deux ministères sont parvenus à un accord. À l'époque, je croyais que certains des scénarios qui seraient autorisés dans le projet de loi étaient illégaux aux termes de la convention et tout à fait incompatibles avec le désir que nous avions exprimé publiquement et avec notre obligation légale découlant de la convention de protéger les civils contre les armes à sous- munitions.

C'est le but ultime. Il ajoute ce qui suit :

J'ai formulé une objection de conscience et demandé de retirer mon nom comme personne-ressource principale du ministère sur le projet de loi, car je ne pouvais pas, en toute conscience, le défendre sous sa forme actuelle.

Honorables sénateurs, il ne m'a pas été donné souvent de voir ce genre de courage. Il est remarquable qu'un fonctionnaire aussi haut placé adopte une position aussi courageuse en raison de ses convictions concernant une partie de la convention qui se trouve dans la mesure législative. Ce n'est pas l'expression d'une préoccupation futile sur la teneur du projet de loi. Il convient donc de considérer la chose avec le plus grand sérieux pendant l'examen de l'article 11, ce que nous avons fait, bien entendu, avant de proposer les amendements.

Je trouve troublant que cet homme, qui a travaillé d'aussi près à ce dossier et qui tient tellement à améliorer le bilan du Canada en matière d'armes à sous-munitions, ait demandé à ce que son nom soit retiré du dossier parce qu'il ne veut pas être associé à une mesure législative aussi imparfaite. C'est lui qui l'a dit. Je ne souhaite pas répéter ses propos, mais j'insiste sur le fait qu'il s'y est opposé et qu'il a pris la décision, dictée par sa conscience, de démissionner non seulement de l'équipe de négociation du traité, mais aussi du ministère des Affaires étrangères. Il a invoqué la raison suivante lorsqu'il s'est retiré des travaux d'élaboration du projet de loi. Le projet de loi S-10 ne respecte pas les fondements mêmes de la convention d'Oslo, dont nous avons dirigé les négociations. Si nous avions été des observateurs dans les coulisses et que nous avions participé au débat parce que nous en avions envie, ce serait différent, mais nous avons mené le débat. Nous l'avons lancé et fait avancer, et la convention contient des éléments remarquables, mais les choses sont allées de travers. Il y a eu dérapage lorsque les fonctionnaires sont entrés en jeu. À la Défense nationale, des officiers généraux ou le JAG — Dieu seul sait —, ont fait déraper la mesure législative et la convention, particulièrement en ce qui concerne notre interprétation de la convention.

L'un des problèmes de l'article 11 du projet de loi, c'est qu'il prévoit plusieurs exceptions à l'article 6. Par exemple, il permettrait que ces armes soient utilisées dans le cadre d'une coopération militaire lorsque la décision de les utiliser n'est pas prise par un officier canadien. Selon les experts du ministère de la Défense et du gouvernement, l'article 11 protégerait nos soldats au cours de missions interarmées avec des États qui n'ont pas signé la convention, ce qui est tout à fait exact. De nombreuses organisations non gouvernementales ont dit clairement que l'article 11 devrait être supprimé.

Je ne partage pas leur avis. Je n'ai jamais voulu que l'article 11 soit supprimé. Je préférais plutôt qu'il soit révisé, clarifié et approfondi afin que les commandants d'unités puissent avoir confiance dans son utilisation sans crainte d'être tenus criminellement responsables et aussi démontrer, conformément à notre philosophie à l'égard de ce type d'armes, qu'ils s'opposent à leur utilisation et que, loin d'y avoir passivement recours, ils agissent avec intelligence dans le respect de leur code d'éthique professionnelle et, bien évidemment, en suivant l'instinct professionnel qui leur permet de prendre les décisions nécessaires dans le feu de l'action.

Nous voulons éviter de les mettre dans une situation où ils devront prendre une décision dont ils ne sont pas sûrs. L'article 11 nourrit ce doute car il nous porte à violer le cadre philosophique de la doctrine que nous enseignons à ces mêmes officiers et qui les amène à croire que jamais nous n'utiliserons de telles armes.

[Français]

Un officier canadien qu'on a envoyé travailler dans un pays allié non signataire de la convention et qui, selon la doctrine alliée, ordonnerait l'utilisation d'armes à sous-munitions peut faire face à ce problème éthique. Cet officier est pris entre l'arbre et l'écorce, car, d'un côté, il est assujetti aux lois canadiennes alors que, de l'autre, il doit obéir aux doctrines des autres pays.

Les amendements que nous avions proposés concernaient cette clause qui permettrait aux militaires canadiens de travailler avec des alliés non signataires, mais qui explique clairement que l'ordre d'utiliser les armes en question ne viendrait jamais d'un officier canadien. C'est une nuance qui est tout à fait permise dans l'interopérabilité, dans les missions ou les opérations de l'OTAN ou de l'ONU. On a fait beaucoup de travail d'interopérabilité avec les munitions, même des armes légères, donc il est tout à fait plausible de le faire avec ceci.

Honorables sénateurs, je demanderais une extension de mon temps de parole de quelques minutes, s'il vous plaît.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'agréer à cette demande?

Des voix : D'accord.

[Traduction]

Honorables sénateurs, j'espère que vous me pardonnerez, ou au moins que vous remarquerez, l'état émotif dans lequel je me trouve lorsque nous débattons de ce projet de loi; j'étais officier sur le terrain dans ma précédente carrière, commandant d'unité obligé de résoudre des dilemmes moraux dans le feu de l'action. Je porte toujours les cicatrices et subis encore les séquelles de l'obligation qu'ont les officiers d'interpréter, dans le feu de l'action, les décisions et les politiques objectives qui nous sont imposées. J'ai servi dans les forces armées pendant 37 ans, expérience que je mets maintenant à contribution dans notre vénérable enceinte. Il est de ma responsabilité de faire connaître aux honorables sénateurs les dilemmes éthiques que peut créer notre manque d'expérience concrète et d'améliorer ce projet de loi afin d'éviter que de futurs officiers des Forces canadiennes portent un jour les mêmes cicatrices que moi. Nous aurions dû améliorer l'article 11, et c'est pourquoi j'estime que nous ne devrions pas approuver ce projet de loi dans sa forme actuelle.

(1710)

Je vais abréger mon intervention et conclure.

Les forces armées britanniques, françaises et, bien sûr, américaines font souvent appel aux Canadiens. Les Britanniques et les Français, deux de nos principaux alliés, chez qui nous envoyons des militaires en détachement, refusent catégoriquement d'utiliser les armes à sous-munitions et c'est pourquoi ils ont signé la convention. Nous parlons souvent du groupe des quatre ou des cinq; il s'agit de l'Australie, du Royaume-Uni, des États-Unis, du Canada et de la Nouvelle-Zélande. Tous ces pays, sauf les États-Unis, ont déclaré qu'ils n'utiliseraient pas ces armes. Les États-Unis, qui en possèdent une quantité énorme, sont les seuls à ne pas avoir ratifié la convention. Or, les médias, et je parle des médias américains, ont transmis des images stupéfiantes sur les horreurs commises en Syrie au moyen d'armes à sous-munitions. J'ai peine à imaginer qu'un commandant américain puisse ordonner l'usage de ces armes durant une guerre civile, où les forces ennemies sont complètement intégrées à la population civile et se battent principalement dans des zones habitées où les armes de ce type détruisent la population, y compris des enfants.

En améliorant ce projet de loi, nous donnerions au Canada l'occasion d'améliorer son image à l'étranger. J'aimerais conclure en rappelant pour la ixième fois que le Sénat et les sénateurs auraient pu contribuer à corriger les faiblesses de ce projet de loi. Dans sa forme actuelle, le projet de loi S-10 est boiteux et ne respecte pas pleinement l'esprit de la convention. Il nous incombait à nous, sénateurs, de l'améliorer et, étant donné les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons à l'étape de la troisième lecture, je recommande que nous votions contre ce projet de loi.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté avec dissidence.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Runciman, appuyée par l'honorable sénateur White, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-290, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs).

L'honorable Vernon White : Honorables sénateurs, j'aurais aujourd'hui beaucoup de choses à dire à chacun d'entre vous à propos du projet de loi C-290, mais je tâcherai de me concentrer sur ce qui me paraît être l'essentiel.

J'ai pris la parole une demi-douzaine de fois au Sénat, mais cette intervention-ci compte parmi les plus déterminantes. Je vous remercie de prendre le temps de l'écouter.

Tout d'abord, je tiens à remercier le président et la vice-présidente du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles de nous avoir laissés étudier la mesure législative en profondeur. Les sénateurs Fraser et Runciman ont illustré à merveille en quoi consiste le travail d'un sénateur lorsque nous avons examiné le projet de loi en long et en large afin de nous assurer de bien en comprendre les tenants et les aboutissants pour le Canada et les Canadiens. Je vous remercie tous les deux.

Pendant que je préparais mon intervention d'aujourd'hui, je me suis rendu compte que j'en avais beaucoup à dire sur les conséquences qu'aura, selon moi, le projet de loi C-290, mais j'ai décidé de vous révéler également ce dont je ne traiterai pas. Ainsi, j'ai envisagé de parler des répercussions sur nos familles des paris sportifs portant sur une seule épreuve ou manifestation sportive, car ils exacerberont la propension au jeu. D'ailleurs, j'aurais pu parler des témoins qui ont justement exposé les conséquences sur les familles du jeu compulsif, cette terrible dépendance qui brise des foyers. J'aurais même pu vous parler de gens normalement sans histoire sur qui j'ai personnellement enquêté avant de les arrêter parce qu'ils ont laissé leur dépendance prendre le contrôle de leur vie et porter atteinte à leur famille.

J'aurais pu vous parler de la recherche sur les jeunes de Windsor, en Ontario, qui a révélé que 8,1 p. 100 des jeunes de 14 à 19 ans sont des accros du jeu et que ce problème fait de plus en plus de ravages dans ce groupe. En fait, cette même recherche montre que les joueurs compulsifs sont six fois plus susceptibles que les autres de divorcer et quatre fois plus susceptibles d'avoir des problèmes d'alcool et de s'adonner au tabagisme. On a l'impression que le jeu est un facteur qui, parmi d'autres, peut aboutir à des résultats désastreux pour les jeunes gens et les familles.

Les études révèlent que les conflits familiaux peuvent être jusqu'à 50 fois plus graves dans les familles de joueurs compulsifs par rapport aux familles qui ne comptent pas de joueurs à problèmes parmi leurs membres. J'ai choisi de ne pas insister sur cet aspect du jeu et sur l'impact qu'il peut avoir, qu'il a en fait sur les Canadiens et leurs familles. Je suis sûr que d'autres le feront.

J'avais envisagé de parler de la hausse des taux de suicide depuis que le phénomène du jeu a pris de l'expansion au Canada. J'aurais pu mentionner que les villes ont noté une corrélation directe avec les taux de suicide dans les secteurs où le jeu avait pris de l'importance, et que le Conseil canadien de la sécurité a attribué près de 200 suicides au jeu dans son rapport de 2006, tout en observant que ces chiffres sont probablement inférieurs à la réalité parce que beaucoup de gens ne déclarent pas le jeu comme facteur pour éviter d'être embarrassés et que ces suicides sont probablement sous-déclarés. Toutefois, je vais laisser ce sujet à d'autres parce qu'il serait trop facile de laisser mon expérience personnelle me dicter d'insister sur un aspect aussi négatif du projet de loi dont nous sommes saisis.

J'aurais pu parler des gens qui fréquentent souvent les maisons de jeu, comme ceux qui n'ont qu'un revenu limité, les pensionnés, les membres des groupes vulnérables et à faible revenu et ceux qui ont d'autres dépendances. Ayant bavardé avec le directeur des opérations d'un casino, je sais que les casinos connaissent des pointes d'activité au même moment chaque mois, lors de la livraison des chèques du RPC et de la Sécurité de la vieillesse. D'après une étude, la légalisation des casinos a fait tripler le nombre des joueurs compulsifs dans un État américain, ce qui a fait passer à 5,4 p. 100 le taux des joueurs pathologiques ou à problèmes parmi les adultes de l'État.

Des témoins qui avaient comparu devant le Comité de la justice de la Chambre des représentants des États-Unis ont présenté des preuves — qui ont été acceptées — établissant que les casinos ne souhaitent pas réduire la dépendance au jeu parce qu'ils comptent sur les joueurs compulsifs pour réaliser un énorme pourcentage de leurs bénéfices. Le professeur d'université Earl Grinols avait présenté à ce comité des preuves montrant que les joueurs pathologiques et à problèmes représentaient 4 p. 100 de la population adulte, mais rapportaient en moyenne aux casinos 52 p. 100 de leurs recettes. En fait, un travailleur social m'a dit que, parmi ses clients, le nombre de joueurs compulsifs avait considérablement augmenté, particulièrement dans les groupes que j'ai mentionnés. Je ne vais cependant pas vous en parler aujourd'hui. Encore une fois, je laisse cela à quelqu'un d'autre.

Je pourrais parler du fait que le Canada a des dizaines de milliers d'endroits où on peut jouer et que les recettes tirées de cette activité sont passées de 2 milliards à 14 milliards de dollars par an en moins de deux décennies. Ce n'est pas un nouveau filon que nous avons découvert. C'est simplement le public canadien. Ce n'est pas du nouvel argent consacré au jeu, mais plutôt de l'argent appartenant à des familles qui est transféré à des casinos et aux caisses des provinces qui en supervisent l'activité. Des recherches menées à l'Université de Calgary montrent que la dépendance au jeu et l'alcoolisme ont des taux de prévalence assez proches au Canada, aux alentours de 5 p. 100. En fait, le Canada se classe maintenant quatrième au monde pour ce qui est des montants consacrés au jeu par habitant, derrière l'Australie, Singapour et l'Irlande, et très loin devant nos voisins du Sud, qui sont en treizième position, selon des recherches faites par The Economist.

Je suis tout à fait en faveur que le Canada tente de se hisser au premier rang. Je le dis tous les jours : Nous vivons dans le meilleur pays du monde, un pays qui concentre son énergie sur les Canadiens, qui est fondé sur la diversité grâce à nos Autochtones et à nos colons qui, au fil des générations, ont bâti un pays qui compte parmi les plus grands succès du monde. Je dis à tous ceux que je connais, d'où qu'ils viennent, qu'ils ne trouveront pas sur terre un pays où il fait aussi bon vivre. Toutefois, accorder la première place au jeu ne fait pas partie de mes aspirations, car je sais tout ce qu'implique cette terrible dépendance et tout ce qu'elle apporte à ceux qui en sont affligés.

Je pourrais parler du fait que nous suivrions l'exemple du seul État des États-Unis qui ait adopté ce genre de mesures législatives, le Nevada. Je n'ai rien contre le Nevada, mais je ne souhaite pas que mon pays devienne le Nevada du Nord. En fait, les États des États- Unis sont en grande majorité peu intéressés par ce genre de loi. Ceux qui s'y intéressent ont clairement dit que c'est à cause des revenus qu'elle peut rapporter. J'aborderai brièvement cette question plus tard, mais ce ne sera pas au centre de mes observations d'aujourd'hui. Je me limiterai à dire à cet égard que j'aimerais bien que ce qui se passe à Las Vegas reste à Las Vegas.

J'aurais pu insister sur ceux qui sont les plus dépendants du jeu dans notre grand pays. Ce groupe est tellement affecté qu'il ne se rend même pas compte des autres aspects que j'ai abordés aujourd'hui. Ses membres ont choisi d'en faire abstraction pour l'essentiel. Ils comprennent dans une certaine mesure les effets du jeu sur ceux qui en dépendent parce qu'ils donnent de l'argent aux organisations qui aident les joueurs compulsifs. C'est un peu comme de voir des trafiquants de drogue faire un don à un centre de désintoxication. Je suppose que ce serait drôle si on a un sens de l'humour un peu pervers.

Ce groupe, ceux qui sont le plus accrochés au jeu au Canada, ce sont précisément les provinces. Elles feront tout pour saigner celui qui est prêt à parier un dollar de plus, mais pas n'importe quel dollar : un dollar qui sort des poches de ceux dont j'ai parlé, souvent les plus vulnérables. Toutefois, je ne m'engagerai pas dans cette voie, de crainte qu'on ne me reproche de m'en prendre aux provinces. Je laisse aux sénateurs le soin de se faire une idée.

Je pourrais parler de ce que des députés ont fait remarquer, soit que ceux qui jouent en ligne dépensent des milliards à l'étranger, et c'est probablement vrai. Une autre vérité, c'est que l'Australie, où il y a des paris sur des épreuves ou des manifestations sportives uniques et qui a, par habitant, les plus grands joueurs au monde, dépense tout de même plus de 1 milliard de dollars par année à l'étranger. C'est que les paris à l'étranger comprennent le poker en ligne, qui serait la forme de jeu à l'étranger la plus courante. Le projet de loi à l'étude n'aura aucun effet là-dessus.

(1720)

Un certain nombre de chercheurs ont étudié le phénomène du jeu à l'étranger. Globalement, selon eux, le poker est trois fois plus présent en ligne que les paris sportifs. La réalité, c'est que le montant misé à l'étranger est bien inférieur aux chiffres avancés par les promoteurs du projet de loi C-290. Les travaux de PricewaterhouseCoopers montrent qu'un montant beaucoup plus faible est consacré aux paris sportifs à l'étranger, c'est-à-dire si le parieur décide de parier dans un casino au Canada plutôt qu'à l'étranger, à partir de son ordinateur. C'est ce qui arrivera si nous adoptons le projet de loi.

Des partisans du projet de loi prétendent que plus de 100 millions de personnes qui habitent à proximité de notre frontière seront peut- être tentées de venir au Canada en voiture pour miser sur une manifestation sportive unique. Soyons sérieux. Ce n'est pas pour cette raison que nous bâtissons un pont entre Windsor et Detroit. Je suis persuadé que ce n'est pas le commerce auquel nous songeons. En vérité, deux choses se produiront si nous adoptons le projet de loi. Les Canadiens joueront davantage, je suis prêt à le parier, et il y aura peut-être des Américains qui parieront à partir de chez eux, s'ils le peuvent, ce qui est illégal, soit dit en passant, si bien que notre propre industrie, propriété d'État, pourrait faire l'objet d'enquêtes de nos amis américains, en vertu de la Unlawful Internet Gambling Enforcement Act de 2006, c'est-à-dire la loi qui régit le jeu en ligne. Cette loi interdit aux entreprises de jeu d'accepter sciemment des paiements relativement à la participation par Internet d'une autre personne à un jeu ou à un pari, ce qui est illégal aux termes d'une loi fédérale ou d'État. Nos propres maisons de jeu pourraient faire l'objet d'enquêtes comme ce fut le cas d'autres pays qui offrent des occasions de jeu jugées illégales aux États-Unis.

Le plus important, c'est que nous n'aurons pas 100 millions d'Américains, ni aucun autre chiffre approchant, qui franchiront la frontière pour parier chez nous. Ne nous leurrons pas; il s'agit ici d'inciter une fois de plus les Canadiens à jouer davantage. La solution à notre problème de jeu à l'étranger serait peut-être de légiférer nous aussi, comme les États-Unis l'ont fait, pour combattre cette activité au lieu de nous y livrer nous-mêmes. Cela a sûrement dû être envisagé au cours de l'étude du projet de loi. Je vais laisser aux sénateurs le soin de prendre en considération ce qui a été examiné.

Les sénateurs se demandent peut-être de quoi je vais parler. Je vais parler d'intégrité, de l'intégrité dans le sport chez nous. Il s'agit ici d'un projet de loi difficile pour moi, étant donné les choses qui ont été mentionnées, mais non discutées, et dont je vais parler maintenant.

Si le projet de loi est adopté, nous compromettrons singulièrement l'intégrité dans le sport au Canada. Il ne s'agit pas seulement des paris sur les parties de la LNH, de la NBA, de la NFL ou d'autres ligues. S'il s'agissait seulement de cela, eh bien les représentants des ligues ont déclaré dans leurs témoignages au comité qu'il ne fallait pas compter sur eux.

En réalité, le projet de loi rendra les paris sur les manifestations sportives uniques possibles pour toutes les fins auxquelles les provinces voudront les utiliser. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous savons déjà à quel point elles sont accros. Elles pourraient permettre ces paris dans les sports amateurs. Et pourquoi pas, puisqu'il s'agit plus de retirer des revenus du jeu que de favoriser le sport?

Je n'ai pas entendu un seul témoin dire à quel point le projet de loi sera bon pour le bien-être des Canadiens. Pas un seul partisan de cette mesure n'a parlé de l'intérêt du projet de loi pour le bien des Canadiens, qui est directement en jeu, bien sûr. En fait, les organisations sportives nous disent qu'elles ne sont pas intéressées. Personne n'a dit que cette mesure serait bonne pour les Canadiens, pour les jeunes ou pour le sport.

Parlons donc du sport amateur. En octobre dernier, en Floride, un grand coup a été frappé contre un réseau de jeu illégal sur des manifestations sportives uniques. Plus de 100 000 $ avaient été misés, d'après les policiers. Soit dit en passant, tout cela se passait dans les gradins. Cette chose-là pourrait être légale au Canada, aux termes du projet de loi, si les provinces en décident ainsi. J'ai oublié de dire que la manifestation sur laquelle les parieurs misaient était une partie de football de catégorie pee-wee, avec des jeunes de 13 ans.

Ce pourrait être l'avenir du jeu au Canada, mais qu'importe, puisqu'il s'agit de recueillir des revenus. Ce qui compte, ce ne sont pas le bien des enfants, celui des familles, l'intégrité du sport, mais l'argent. Songez à l'impact que cela peut avoir sur les jeunes, sur leur bien, sur l'intégrité dans le sport au Canada.

Sur quels sports peut-on parier? Sur n'importe quel sport dont le preneur de paris s'occupe. Nous laisserons donc aux provinces dépendantes du jeu le soin de décider. La plupart du temps et dans la plupart des organisations de jeu, illégales ou non, il y aura le football professionnel et collégial, le basketball, le baseball, le hockey, les courses de chevaux et de chiens, et tout ce qu'elles voudront d'autre, d'habitude en fonction des possibilités de gain. Ceux qui espèrent que le projet de loi sera adopté se frottent les mains. Il le sera probablement.

Des témoins qui sont venus appuyer le projet de loi C-290 ont dit que les athlètes doivent signer une lettre dans laquelle ils s'engagent à ne pas tricher, ce qui englobe les paris. Évidemment, nous n'avons probablement jamais vu d'athlètes tricher par le passé.

Voyons de quoi il retourne. En 2003, la National Collegiate Athletic Association a mené une enquête auprès des étudiants athlètes au sujet des paris. Parmi les joueurs de football de division 1, les grands parmi les grands de la NCAA, 1 p. 100 ont dit avoir accepté de l'argent pour mal jouer; 2 p. 100 ont dit avoir été contactés par des gens de l'extérieur qui voulaient obtenir de l'information privilégiée; 3 p. 100 ont déclaré avoir communiqué cette information sur une partie. Nous croyons qu'ils ne vont pas tricher.

Plus tôt cette année, une association de joueurs a mené un sondage auprès de joueurs de soccer est-européens. Or, près de 12 p. 100 des répondants ont dit qu'on leur avait déjà demandé s'ils étaient ouverts à la perspective de truquer un match, alors que près de 24 p. 100 disent avoir eu connaissance que des matchs ont été truqués dans leur ligue. La plupart des pays visés par cette enquête permettent les paris sur une seule épreuve ou manifestation sportive. En fait, dans l'un pays des visés, 35 p. 100 des répondants ont dit qu'on leur avait déjà demandé de truquer un match, tandis que, dans un autre, 45 p. 100 ont dit qu'ils avaient eu connaissance qu'un match avait été truqué.

L'ancien arbitre professionnel de basketball Tim Donaghy a travaillé dans la NBA pendant 13 ans. Il a démissionné en 2007, parce que le FBI a alors conclu qu'il avait parié sur des matchs auxquels il avait pris part au cours de ses deux dernières saisons et que ses décisions avaient modifié l'écart de pointage pendant les matchs en question. Il a plaidé coupable à deux infractions fédérales, et il a été condamné à 15 mois d'emprisonnement.

Il s'agit d'un cas important, parce que les joueurs, les entraîneurs et les arbitres n'ont pas à garantir l'issue d'un match. Dans le cas de M. Donaghy, les seules garanties qu'il a eu à donner portaient sur l'écart de pointage, c'est-à-dire que son rôle a consisté à influencer le cours de la partie de telle sorte que le vainqueur gagne par un nombre X de points.

Les représentants des ligues majeures — la LNH, la NFL, la NBA et les deux ligues de baseball professionnel — qui nous ont parlé nous ont tous demandé de rejeter ce projet de loi, et de leur faire pour le bien de leur sport. Ils ont évoqué franchement les conséquences qu'il pourrait avoir sur les projets d'expansion de ces ligues au Canada, ou des ligues mineures qui y sont associées.

Nous avons reçu les représentants de l'Université Simon Fraser, qui est la seule université canadienne à évoluer au sein de la National Collegiate Athletic Association, ou NCAA, même si d'autres qu'elle ont soumis leur candidature. Ils nous ont dit que, si le projet de loi était adopté, ils ne pourraient plus organiser des championnats ou des tournois en sol canadien. En fait, aucune des ligues majeures n'est active dans l'État du Nevada, et la NCAA interdit qu'on y tienne des tournois parce qu'elle craint que la loi qui autorise les paris sur une seule épreuve ou manifestation sportive n'incite les gens à truquer les matchs, ce qui compromettrait nécessairement l'intégrité du sport.

Dans le cas des paris sur une seule épreuve sportive, la prolifération des paris peut avoir des répercussions sur tous les sports au Canada. Nos jeunes, nos athlètes amateurs et nos athlètes professionnels ont une excellente réputation dans le monde en raison de leur intégrité sportive, et nous ne devrions pas leur nuire avec cette mesure législative.

En résumé, au Canada, nous faisons des paris sur des épreuves sportives depuis quelque temps. Cependant, quand nous parions sur plusieurs parties, comme nous le faisons, les chances — pardonnez- moi le jeu de mots — d'influer sur leurs résultats sont beaucoup plus faibles, car il faut influencer plusieurs officiels, ainsi que plusieurs joueurs et entraîneurs de plusieurs équipes dans le cadre de plusieurs matchs. C'est presque impossible.

Dans le cas de paris sur une seule épreuve sportive, il faut seulement influencer un joueur, un entraîneur ou un officiel et, comme je l'ai dit, non pas obtenir de lui que l'équipe gagne ou perde, mais qu'il fasse en sorte de modifier l'écart de pointage entre l'équipe gagnante et l'équipe perdante. C'est beaucoup plus facile à faire et, comme on en a eu la démonstration ailleurs, cela porte atteinte à l'intégrité des sports au Canada.

Dans les pays où les paris sur une seule épreuve sportive sont légaux, c'est-à-dire surtout en Europe, il y a eu beaucoup de matchs truqués de cricket et de soccer, trop pour qu'on puisse les nommer tous et trop pour qu'on puisse les ignorer.

Declan Hill, un journaliste et auteur canadien, a parlé dans sa thèse de doctorat et dans son livre intitulé Comment truquer un match de foot? des problèmes relatifs aux matchs truqués en Europe et en Asie, ainsi que des possibilités que cela se produise au Canada.

Son Honneur le Président : Je regrette d'informer le sénateur que ses 15 minutes sont écoulées. Je veux également informer les sénateurs que les 45 minutes réservées à l'opposition seront utilisées par le sénateur Baker.

Le sénateur White demande cinq minutes de plus. D'accord?

Des voix : D'accord.

Le sénateur White : Declan Hill a examiné les répercussions des matchs truqués en Chine, à Singapour et en Europe, et il a prononcé des discours et exposé des preuves à plusieurs endroits sur cette question et sur les répercussions qu'elle a sur l'intégrité du sport, plus particulièrement en ce qui a trait aux paris sportifs. Il ne donne pas son opinion sur cette mesure législative, mais se prononce plutôt sur les répercussions globales des paris sur les sports.

(1730)

Declan Hill affirme catégoriquement que les rencontres arrangées sont la plus grande menace qui pèse sur l'intégrité du sport au Canada. Comme il le souligne, dans la réalité, le problème, ce ne sont pas les parties importantes où l'on s'attend à ce que l'équipe 1 subisse la défaite contre l'équipe 2, qui est meilleure, mais où l'équipe 1 remporterait la partie. Selon lui, l'issue des parties arrangées demeure la même, mais c'est l'écart des points qui diffère. Par exemple, l'équipe la plus faible perdra par quatre buts au lieu de deux. Le public qui s'attendait à une défaite n'est pas déçu. Les preneurs de paris qui prévoyaient une défaite ne sont pas surpris. Cependant, la défaite s'inscrit en dehors de l'écart de points prévu et le fait que la partie a été truquée entraîne des gains ou des pertes de millions de dollars.

Il souligne également que cela risque davantage de se produire dans les ligues mineures, où il y a moins de publicité et moins de surveillance, que dans les ligues majeures. Essentiellement, ce sont les paris sur un écart de points supérieur à la marge établie par les calculateurs de cote, lors d'un match de hockey junior ou d'une partie de soccer ou de baseball des ligues mineures, ou encore d'un match de football pee-wee, qui constituent le scénario le plus probable.

Lors d'un entretien avec M. Hill la semaine dernière, il a dit que les rencontres arrangées devraient être notre principale préoccupation en ce qui concerne l'intégrité dans les sports au Canada. À mon avis, l'adoption du projet de loi C-290 augmenterait la probabilité que des parties soient truquées.

J'aurais pu terminer mon intervention ici, mais il y a autre chose qui me dérange à propos de cette mesure législative et du rôle des équipes professionnelles. La semaine dernière, le sénateur Runciman a parlé des équipes et des ligues qui s'opposaient à cette mesure législative, et plus particulièrement de Ligue nationale de football. Je me suis demandé comment les preneurs de paris, comme la Société des loteries et des jeux de l'Ontario, qui peuvent prendre des paris sur plusieurs épreuves sportives et, si le projet de loi est adopté, sur une seule épreuve sportive, peuvent porter atteinte en toute impunité aux marques de commerce.

J'ai communiqué avec le service juridique de la Ligue nationale de football hier pour demander si le projet de loi, s'il est adopté, porterait atteinte aux marques de commerce de la ligue. Les avocats m'ont répondu que, selon eux, oui, et qu'ils avaient déjà intenté des poursuites au Canada contre des organisations qui avaient porté atteinte à leurs marques de commerce et qu'ils avaient réussi à obtenir des injonctions contre ces organisations.

Je leur ai ensuite demandé comment la Société des loteries et des jeux de l'Ontario se débrouillait pour ne pas être accusée de non- respect des marques de commerce en vertu de cette mesure législative fédérale si importante pour l'intégrité de notre pays. On m'a répondu que la société se sert seulement du nom de la ville, et non du nom de l'équipe. Elle ne parle pas des Chargers de San Diego, mais bien de San Diego.

Je trouve quelque peu outrageant qu'un organe gouvernemental, même s'il relève de la compétence provinciale, emploie de telles tactiques pour ne pas porter atteinte aux droits sur les marques de commerce d'une organisation; je dois dire que je ne lui ferais pas confiance pour gérer un système de paris sur une seule manifestation sportive.

Soit dit en passant, la Ligue nationale de football examine à nouveau le programme de la société pour évaluer la possibilité de prendre des mesures à l'égard du non-respect de ses marques de commerce; c'est donc un autre aspect du projet de loi qu'il faut étudier d'urgence. À mon avis, la société porte atteinte aux droits de marques des entités mêmes qu'elle utilise dans son système de jeu sans leur autorisation, entités qui nous ont demandé de rejeter le projet de loi dont nous sommes saisis et qui ont intenté des actions en justice pour mettre fin à une activité que celui-ci cherche explicitement à autoriser.

Cette mesure a plus de tentacules qu'une pieuvre; je vous demande aujourd'hui d'examiner chacune d'entre elles.

Pour conclure, étant donné que j'ai été agent de police dans trois provinces et dans trois territoires pendant plus de 30 ans, et ayant été commandant divisionnaire et chef de police pendant 10 de ces années, je suis en mesure d'affirmer que toute dépendance, dont la dépendance au jeu, entraîne nécessairement des conséquences tragiques. À mon avis, ce serait une erreur de notre part d'adopter quelque mesure que ce soit qui perpétuerait cette terrible maladie.

Enfin, on dit que, dans le jeu, le consommateur ne peut pas vraiment gagner. En effet, la maison finit toujours par gagner. Renversons la vapeur aujourd'hui. Si la Chambre avait entendu les mêmes témoignages que nous, je crois qu'elle partagerait notre avis et aurait considéré le projet de loi différemment. Je vous prie de m'aider à rejeter le projet de loi C-290.

L'honorable Bob Runciman : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur White : Absolument.

Le sénateur Runciman : Le sénateur n'est-il pas d'avis que, durant son témoignage, le professeur Derevensky, de l'Université McGill, a affirmé que l'adoption du projet de loi n'entraînera pas, selon lui, une hausse du nombre de joueurs compulsifs.

Le sénateur a mis l'accent sur l'intégrité des équipes de sport professionnelles. Il a entendu mon allocution la semaine dernière, quand je décrivais les actes qu'elles posent et qui compromettent leur intégrité. Le sénateur a aussi mentionné l'Université Simon Fraser, le seul établissement d'enseignement canadien membre de la NCAA.

Le sénateur sait-il que les conférences Western Atlantic, West Coast, Moutain West et Pac-12 vont toutes tenir leur championnat de basketball masculin à Las Vegas, dans le Nevada, au mois de mars prochain? Ce sont toutes des conférences de la NCAA. Par ailleurs, le sénateur sait-il que le Pac-12, l'une des ligues les plus prestigieuses de la NCAA, tient actuellement son événement à l'hôtel-casino MGM Grand? Quelles conclusions devrait-on tirer au sujet de leur intégrité?

Le sénateur White : Tout d'abord, pour répondre à la première question, j'ai entendu des témoins nous affirmer qu'ils ne croyaient pas que ce projet de loi entraînerait une hausse du jeu compulsif. Nous avons entendu la même chose lorsque le jeu a été introduit au Canada, il y a deux décennies et demie. On nous avait dit que le jeu n'aurait pas d'impact dans ce pays, alors qu'il a eu d'énormes conséquences.

Quant aux équipes de sport professionnelles et à leur participation, je me fie aux témoignages qu'elles ont livrés. À l'heure actuelle, la Ligue nationale de football est en cour au New Jersey pour tenter d'empêcher l'adoption d'un projet de loi de même nature. En Oregon, on a empêché l'équipe de la NBA à Portland de participer à des activités relatives aux paris sportifs. Voilà ce que je sais au sujet des équipes de sport professionnelles.

En ce qui concerne la NCAA, je ne puis me prononcer qu'au sujet du témoignage du représentant de l'Université Simon Fraser. Je n'ai parlé à aucun représentant de la NCAA. Le témoin était clair. Si cette mesure législative est adoptée, il n'y aura pas de tournois au Canada. C'est tout ce que je puis dire à ce sujet.

Son Honneur le Président : Si personne d'autre ne veut prendre la parole, êtes-vous d'accord que le débat soit ajourné au nom du sénateur Baker?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Baker, le débat est ajourné.)

La Loi sur les aliments et drogues

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie propose que le projet de loi C- 313, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue), soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, le projet de loi C-313 prévoit modifier la section des définitions de la Loi sur les aliments et les drogues de façon à ce que les lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue soient considérées comme des instruments. La définition actuelle d'« instrument » contenue dans la Loi sur les aliments et drogues n'inclut pas les lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue, aussi appelées lentilles cornéennes à but esthétique. Ces lentilles ne sont utilisées que pour des raisons esthétiques et n'ont aucune fonction thérapeutique dans le contexte de la Loi sur les aliments et drogues. Par contre, lorsqu'elles seront considérées comme des instruments, les lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue seront assujetties aux règles de classification du Règlement sur les instruments médicaux.

À titre informatif, honorables sénateurs, permettez-moi de faire un parallèle avec les lentilles de prescription. Les lentilles de prescription sont celles qui servent à corriger la vue d'une personne. Elles doivent être prescrites par quelqu'un qui détient les autorisations nécessaires. Ces lentilles doivent respecter la courbure de l'œil. Certaines personnes ne peuvent porter de lentilles de prescription et, bien entendu, les yeux peuvent présenter une multitude de courbures. Une lentille mal ajustée peut égratigner la surface de l'œil, provoquer une irritation et même une infection.

Comme je l'ai indiqué, les lentilles de prescription correspondent à diverses courbures. On nous a toutefois dit que les lentilles à but esthétique ne sont offertes qu'en un seul format, ce qu'a confirmé un porte-parole de l'industrie. De plus, on peut se procurer ces lentilles dans les magasins. L'intervention d'une personne formée dans la pose des lentilles n'est pas nécessaire.

Les sénateurs sont tous conscients qu'une lentille cornéenne qui ne s'ajuste pas parfaitement à un œil peut l'irriter, l'infecter et l'endommager. Plus cette situation perdure, plus les dommages seront importants.

Ce sont surtout les jeunes qui utilisent ces lentilles à but esthétique. On nous a dit que les jeunes renonçaient difficilement à ce qu'ils voient comme un atout pour leur apparence physique, même s'ils souffrent manifestement d'une infection à l'œil et que le port de lentilles cornéennes à but esthétique est néfaste pour eux.

(1740)

Honorables sénateurs, le projet de loi prévoit que les lentilles à but esthétique seront désormais prescrites par des personnes formées et dûment autorisées, comme dans le cas des lentilles correctrices. C'est dans l'ordre des choses. Je vous invite à appuyer l'adoption de ce projet de loi.

Des voix : Bravo.

L'honorable Art Eggleton : Si vous le permettez, j'ai une question à poser au sénateur. Je n'ai malheureusement pas pu assister à la séance, mais j'ai entendu parler des points qu'a fait valoir l'un des témoins. J'aimerais savoir ce qu'en pense le sénateur.

Je comprends ce qu'il veut dire, et c'est fort convaincant. Un témoin de l'industrie a indiqué que l'idée de désigner les lentilles comme des instruments est bonne, car cela permettra d'en assurer la qualité et la sûreté, ce qui est d'une importance primordiale dans ce cas-ci. Toutefois, des représentants de l'industrie ont dit que cela pourrait aussi avoir des conséquences imprévues. Il s'agit de lentilles à but esthétique, qui n'ont jamais fait l'objet d'ordonnances par le passé. À leur avis, exiger une ordonnance risque d'en faire augmenter le coût de manière substantielle. Il faudra aller chez l'optométriste, par exemple. La visite ne sera pas remboursée par l'assurance-maladie; leur coût augmentera donc considérablement.

Toutefois, il est aussi possible de commander ces lentilles en ligne pour environ 25 $ ou 35 $. Il semble qu'on puisse en faire venir d'Asie. Les représentants de l'industrie font valoir que cela contrecarrerait l'objectif de la mesure législative. À leur avis, la désignation est très bien, mais la partie concernant l'ordonnance va un peu trop loin. Le sénateur pourrait-il nous dire ce qu'il en pense?

Le sénateur Ogilvie : Je remercie le sénateur de sa question. De toute évidence, c'est ce qu'a soutenu le porte-parole de l'industrie. Il nous a dit — et nous en avons tous conscience, bien sûr — qu'aucune société ne peut totalement se prémunir contre la vente illicite sur son territoire. Cela dit, puisque ces lentilles seraient considérées comme des instruments pour l'application de la loi, leur utilisation serait réglementée au pays. Voilà qui couvre, à mon avis, l'essentiel de la question du sénateur. Ma réponse le satisfait-il?

Le sénateur Eggleton : Oui.

L'honorable Jim Munson : J'ai une petite question de procédure. Qui parraine le projet de loi? Le sénateur Ogilvie préside le comité, alors qui est-ce? Son intervention donne l'impression que c'est lui.

Son Honneur le Président : La seule motion dont le Sénat est saisi est celle du sénateur Ogilvie, qui a proposé, appuyé par le sénateur Duffy, que le projet de loi soit lu pour la troisième fois. Voilà la motion dont le Sénat est saisi.

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Il est proposé que le projet de loi C- 313, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue), soit lu pour la troisième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Avec dissidence? La motion est adoptée, avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence et le projet de loi est lu pour la troisième fois.)

[Français]

La Loi sur les langues officielles

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Chaput, appuyée par l'honorable sénateur Hubley, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-211, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (communications et services destinés au public).

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je pensais que d'autres sénateurs voulaient prendre la parole au sujet de ce projet de loi; je croyais d'ailleurs que le sénateur Fraser voulait s'adresser à la Chambre aujourd'hui, mais il semble que non. Quoi qu'il en soit, je vais proposer l'ajournement.

(Sur la motion du sénateur Carignan, le débat est ajourné.)

[Traduction]

La Loi sur les parcs nationaux du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Bob Runciman propose que le projet de loi C-370, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada (Parc national des Îles-du-Saint-Laurent du Canada), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-370, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada. Cette mesure législative remplacerait le nom du Parc national des Îles-du-Saint-Laurent du Canada par celui de Parc national des Mille-Îles du Canada. Rien de bien compliqué.

Un jour ou deux après que le premier ministre Harper m'eut nommé sénateur pour la province de l'Ontario en 2010, j'ai demandé de représenter la division sénatoriale Mille-Îles et lacs Rideau. Je voulais être associé à cette région que j'aime et en faire la promotion. Avant d'aborder la question du parc et de son nom, je vous parlerai brièvement de cette région.

J'ai vécu dans la région des Mille-Îles toute ma vie. J'ai passé d'innombrables heures en bateau dans les îles, et je suis fier de dire que je suis propriétaire de l'une des îles de la région des Mille-Îles. Ce n'est qu'un haut-fond surdimensionné, mais trois arbres y poussent, et c'est donc considéré comme une île. Les Mille-Îles s'étirent sur 80 kilomètres entre Kingston et Brockville sur le fleuve St-Laurent. Malgré son nom, cette région renferme 1 864 îles parsemées des deux côtés de la frontière canado-américaine. Les îles, qui ont été formées il y a 10 000 ans lors de la dernière période glaciaire, font partie de l'arche de Frontenac, une formation de granite qui relie le Bouclier canadien aux Adirondacks de l'État de New York.

Le parc visé par le projet de loi fait partie de la réserve de la biosphère de l'Arche de Frontenac, qui a été désignée officiellement en 2002 par l'UNESCO. Selon Don Ross, directeur général de la réserve, c'est dans cette réserve que l'on trouverait la biodiversité la plus variée du Canada.

La région a été le terrain de jeu de bien des riches industriels américains de l'âge d'or. Témoins de cette époque, deux châteaux et de nombreuses maisons d'été somptueuses constellent les îles. Ces dernières années, la région est devenue ce que je considère comme l'un des secrets les mieux gardés du Canada et de toute l'Amérique du Nord, et elle est loin d'atteindre son plein potentiel, malgré sa beauté extraordinaire, qui en fait l'un des endroits les plus remarquables de tout le Canada, et même si on peut y pratiquer la navigation de plaisance, la pêche et la plongée en eau douce dans des conditions inégalées ailleurs au pays. Il est inutile de préciser que l'industrie du tourisme est vitale pour la population locale, mais, à mon avis, il y a beaucoup plus que cela. On peut toujours aller plus loin.

Le Parc national des Îles-du-Saint-Laurent a d'abord été proposé comme parc national par sir John A. Macdonald, mais il n'a pas été établi avant 1904, année où il est devenu le premier parc national à l'est des montagnes Rocheuses. Composé d'à peine plus de 20 îles, c'était le plus petit parc national avant sa récente expansion. Le camping, la navigation de plaisance et l'observation des oiseaux comptent parmi les nombreuses activités qu'on peut y pratiquer, sans compter la variété de programmes d'interprétation qui y sont offerts. Le parc joue un rôle capital dans la préservation de l'environnement et l'interprétation de la riche histoire naturelle et humaine de la région, tant pour les résidants que pour les visiteurs.

C'est un parc magnifique que je visite fréquemment.

(1750)

Il ne fait aucun doute que le nom du parc ne reflète pas son emplacement de façon adéquate. Il pourrait se trouver n'importe où à l'est des Grands Lacs et à l'ouest de l'océan Atlantique. Son nom ne correspond pas à son emplacement. Plusieurs personnes de la région sont de cet avis, y compris celui qui parraine ce projet de loi à l'autre endroit, le député de Leeds—Grenville, Gord Brown.

Ce parc devrait s'appeler le parc national des Mille-Îles. Avant de présenter ce projet de loi, M. Brown a vérifié si d'autres personnes de la région partageaient son avis. Il a consulté plusieurs municipalités de Kingston à Brockville, et il a parlé avec des propriétaires d'entreprise, des organismes touristiques, les Autochtones et des électeurs de tous les milieux. Toutes les municipalités qui longent le parc ont adopté une résolution pour appuyer ce projet de loi; elles veulent que le parc change de nom.

Lorsqu'il s'agit de rebaptiser des parcs nationaux, Parcs Canada respecte les principes établis par la Commission de toponymie du Canada. Il faut consulter les habitants, les documents historiques, les dossiers et d'autres sources pour déterminer si le nom est approprié. C'est ce qu'a fait Parcs Canada dans le cas qui nous occupe.

J'ai déjà indiqué la principale raison de ce changement. Le nom proposé, « parc national des Mille-Îles », décrit l'endroit parfaitement, puisque le parc se trouve au cœur des Mille-Îles.

Cette initiative peut sembler modeste, mais elle pourrait s'avérer très importante, pour une raison dont j'ai déjà parlé. Bien que le tourisme soit important pour les Mille-Îles, ce trésor demeure quelque peu méconnu. Quand je voyage, je me fais un devoir de demander aux gens s'ils connaissent les Mille-Îles. Neuf personnes sur dix me disent que non. Les habitants des grandes villes du littoral est, comme New York et Boston, connaissaient sans doute mieux la région il y a un siècle.

Le nombre de touristes américains est plus bas que jamais. Au cours des dernières années, les entreprises touristiques se sont concentrées sur le marché de la Chine et du reste de l'Asie dans l'espoir d'attirer cette clientèle, et leurs efforts ont connu un certain succès. Cependant, c'est une industrie fort concurrentielle et, comme le savent les sénateurs, l'image de marque joue un rôle clé dans la commercialisation du tourisme. Il est difficile de promouvoir une destination qui ne jouit pas d'une image solide.

Les organismes touristiques de ma région font la promotion des Mille-Îles. Les résidants considèrent qu'ils vivent dans la région des Mille-Îles. Le parc se trouve entre ma ville, Brockville, qui se présente comme la « ville des Mille-Îles », et la résidence du député Brown à Gananoque, une ville qui se targue d'être la « porte d'entrée des Mille-Îles ». La route qui passe près du centre d'accueil et du centre administratif de la partie terrestre du parc s'appelle « promenade des Mille-Îles ». Cependant, le parc lui-même porte le nom de « Parc national des Îles-du-Saint-Laurent ».

Comme Ted Hsu, député de Kingston et les Îles, l'a souligné à l'autre endroit quand il a pris la parole pour appuyer ce projet de loi, il ne s'agit pas de créer une nouvelle image de marque, mais bien de donner au parc un nom qui décrit bien son emplacement et s'harmonise à l'image de marque qui existe déjà. Le changement de nom ne fera pas soudainement déferler des milliers de nouveaux touristes et des millions de dollars sur la région, mais c'est un pas dans la bonne direction. Grâce à ce changement, il sera plus facile de promouvoir la région et de la faire connaître partout en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde.

Selon Parcs Canada, c'est le changement de nom sur les panneaux qui entraînera le coût le plus important. Si le nom change, l'organisme prévoit mettre à jour immédiatement les quatre principaux panneaux, puis remplacer les autres graduellement sur une période de 10 ans. Il n'y aura pas de frais supplémentaires pour la modification du matériel promotionnel, puisqu'il est déjà modifié chaque année.

Honorables sénateurs, il s'agit d'une occasion d'aider les gens des Mille-Îles. Je vous demande d'appuyer le projet de loi C-370 afin de renommer le parc national des Îles-du-Saint-Laurent « parc national des Mille-Îles ».

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

L'étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance

Adoption du quatorzième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie et demande d'une réponse du gouvernement

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Ogilvie, appuyée par l'honorable sénateur Frum, que le quatorzième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, intitulé L'infrastructure des essais cliniques au Canada : Ordonnance pour améliorer l'accès aux médicaments, déposé au Sénat le 1er novembre 2012, soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, la ministre de la Santé étant désignée ministre chargée de répondre à ce rapport.

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Je parlerai brièvement du rapport et de seulement quelques-unes des douze recommandations.

Il s'agit de la première partie d'une étude en quatre étapes effectuée par le comité sur une assez longue période et portant sur la question très importante des produits pharmaceutiques sur ordonnance. Honorables sénateurs, croyez-moi, le fait de plonger dans ce dossier m'a permis de me rendre compte à quel point cette étude est importante pour la population du Canada.

Je félicite les membres du comité qui ont pris part aux travaux, et particulièrement le président, le sénateur Ogilvie. Ses vastes connaissances et l'expertise qu'il a acquise dans le domaine au cours de sa carrière de scientifique, à laquelle il s'est consacré presque toute sa vie, combinées aux témoignages des experts qui ont comparu devant le comité, contribuent à nous guider dans cette étude.

Le rapport recommande premièrement d'établir un cadre national de coordination des essais cliniques. C'est une recommandation vitale parce qu'on nous dit que le nombre d'essais cliniques au pays diminue. Par exemple, entre 2006 et 2010, la diminution a été de 30 p. 100, ce qui n'a pas uniquement des conséquences sur l'économie, mais également sur la présence au Canada de l'expertise nécessaire. Si nous ne faisons pas suffisamment d'essais cliniques ici, nous risquons de perdre les compétences. Beaucoup d'équipes formées pour les essais cliniques pourraient être démantelées.

Toutefois, sans oublier l'importance des essais cliniques, je pense qu'il est d'une importance vitale de s'assurer de l'innocuité et de l'efficacité des médicaments sur ordonnance. Nous devons avant tout nous intéresser aux conséquences pour le public.

J'ai remarqué que, lorsqu'il a été question de cette recommandation dans les médias, un médecin de l'Hôpital d'Ottawa a souligné que les normes strictes du Canada le désavantageaient lorsqu'il doit concurrencer des marchés comme le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine, où les essais cliniques sont considérablement moins chers à réaliser.

Loin de moi l'idée que nous devrions invoquer cette raison pour justifier l'application de la première recommandation du rapport. Il ne s'agit pas de chercher le nivellement par le bas. Je pense que nous souhaitons maintenir les normes strictes dont le Canada s'est doté. Si nous parvenons à maintenir ces normes tout en favorisant, grâce au cadre national, la réalisation d'un plus grand nombre d'essais cliniques, alors tant mieux. Cependant, nous ne devons pas négliger la sécurité du public ainsi que l'innocuité et l'efficacité des médicaments.

La deuxième recommandation du rapport porte sur la question qui a retenu plus que toute autre l'attention du comité, c'est-à-dire la transparence du système. Le Canada accuse du retard à cet égard. Nous sommes en retard sur l'Europe et sur les États-Unis pour ce qui est de la transparence des essais cliniques. Selon cette recommandation, l'enregistrement des essais cliniques devrait être obligatoire.

La première partie de la deuxième recommandation précise que l'enregistrement d'un plus grand nombre d'essais cliniques devrait se faire dans le cadre des pouvoirs législatifs et réglementaires actuels, mais on se demande à bien des égards si ces pouvoirs seront suffisants. Au point suivant de la deuxième recommandation, le rapport parle de la possibilité d'apporter des modifications à la loi et au règlement, de telle sorte que l'enregistrement se fasse un peu de la même manière qu'en Europe et aux États-Unis. Ce modèle a été au cœur de nos activités et de nos discussions pendant cette étude. Je crois que c'est l'orientation clé que nous devrions adopter.

(1800)

J'espère que le sénateur Ogilvie et ses collègues tenteront de bien faire comprendre à la ministre de la Santé que c'est la voie à suivre. Il y a quelques semaines, elle a annoncé qu'il y aurait une liste — non pas un enregistrement obligatoire, mais une liste en ligne — des essais cliniques de médicaments menés auprès de patients qui ont été autorisés par Santé Canada. Plus loin dans le communiqué, elle parle d'encourager les promoteurs à enregistrer les essais cliniques.

Je crois que nous avons conclu que nous devions aller plus loin et c'est là que la deuxième recommandation entre en jeu.

Son Honneur le Président : Comme il est 18 heures, sauf indication contraire, nous allons ajourner la séance.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je propose que l'on ne voit pas l'horloge afin que nous puissions poursuivre nos travaux.

Des voix : D'accord.

[Traduction]

Le sénateur Eggleton : Nous avons aussi remarqué, dans la deuxième recommandation, que cet enregistrement obligatoire devrait s'appliquer aux essais de phases II et III et, à un moment donné, au cours de l'étude, nous pourrions réexaminer la possibilité d'inclure les essais de phase I afin d'assurer un degré d'ouverture et de transparence suffisant pour protéger les intérêts de la population.

À la fin de la deuxième recommandation, il est question de veiller à la transparence du déroulement des essais cliniques et des processus en vigueur à Santé Canada. Nous avons entendu de nombreuses critiques de témoins au sujet des processus de Santé Canada, par exemple, le fait qu'ils n'étaient pas aussi ouverts qu'ils le devraient, loin de là. Si nous regardons la dixième recommandation, il est question du rapport du vérificateur général. Il a relevé des lacunes dans plusieurs domaines et nous avons dit clairement que Santé Canada devait redresser la situation et qu'il devait impérativement suivre les recommandations du vérificateur général. Le ministère ne fait pas assez d'inspections. Il s'était fixé un objectif de 2 p. 100. Cela semble bien peu, mais, à l'heure actuelle, il n'inspecte que 1,3 p. 100 des centres.

Santé Canada traite également une quantité importante de données manuellement, ce qui, à notre époque où les déclarations et la collecte de données électroniques prédominent, prend beaucoup de temps et est une pratique archaïque.

Les processus utilisés par Santé Canada soulèvent beaucoup de critiques et ce rapport cherche à y répondre.

La recommandation 3 concerne les comités d'éthique de la recherche, la mise en place d'un programme d'agrément et l'adoption d'une norme nationale applicable à ces comités. À l'heure actuelle, c'est la pagaille en ce qui concerne les comités d'éthique de la recherche. On peut faire beaucoup plus pour améliorer l'efficacité du système. C'est le but visé par la recommandation 3, entre autres.

La recommandation 6 porte sur les groupes de population qui risquent vraisemblablement de faire usage d'un médicament, une fois que sa mise en marché au Canada aura été approuvée, et qui devraient participer aux essais cliniques. Souvent, les enfants ou les femmes enceintes sont exclus de ces études. Il y a eu beaucoup de discussions à ce sujet. En effet, nous avons appris que, pour jusqu'à 75 p. 100 des pharmacothérapies destinées aux enfants, aucune donnée clinique ne confirme l'efficacité du médicament chez ce groupe de population. Il est tout à fait inacceptable qu'un médicament destiné à un groupe de population particulier soit mis sur le marché alors que ce dernier n'a pas participé aux essais cliniques.

Pour conclure, je vais parler d'un point qui ne fait pas l'objet d'une recommandation, mais que nous devrons surveiller de près. Selon le système actuel, mis en place par Santé Canada, c'est l'entreprise qui demande la mise en marché du médicament qui paie pour les essais cliniques. Ils ne sont pas financés par les recettes générales; c'est le demandeur qui paie les frais. Or, il existe un autre système, selon lequel les essais cliniques doivent être réalisés dans un délai de 300 jours ou de 180 jours, sinon Santé Canada doit assumer une partie des frais. Santé Canada a donc tout intérêt à accélérer le processus. Or, ce n'est pas forcément la meilleure chose à faire. Comme l'a souligné l'un des témoins ayant comparu au comité, un médicament sur cinq dont l'essai clinique dure 300 jours risque de présenter un grave problème d'innocuité, alors que pour ceux dont l'essai clinique dure 180 jours, c'est un sur trois. En accélérant le processus dans le but de percevoir de l'argent, on risque de compromettre l'innocuité. Apparemment, le lien entre les frais d'utilisation et les délais d'examen portant sur de nouveaux médicaments n'existe qu'au Canada et aux États-Unis. C'est un aspect qui doit encore être examiné de près.

Honorables sénateurs, il s'agit de la première des quatre études prévues. Elle fait avancer le dossier et pourrait être utile dans le domaine des médicaments sous ordonnance. Nous achevons l'étude qui porte sur la phase suivant l'approbation des médicaments.

Nous avons une excellente occasion de mieux encadrer les médicaments sous ordonnance, notamment en ce qui concerne leur utilisation, et de mieux protéger les Canadiens. Le Sénat fait œuvre utile.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Finances nationales

Rejet de la motion tendant à autoriser le comité à étudier les conséquences fiscales de diverses activités publiques et privées de promotion des intérêts menées par des entités qui ont le statut d'organisme de charité et par d'autres organismes qui n'ont pas ce statut

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Cowan, appuyée par l'honorable sénateur Tardif,

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les conséquences fiscales de diverses activités publiques et privées de promotion des intérêts menées, au Canada et à l'étranger, par des entités qui ont le statut d'organisme de charité et par d'autres organismes qui n'ont pas ce statut;

Que, lorsqu'il effectuera cet examen, le comité porte une attention spéciale :

a) aux organismes de bienfaisance qui reçoivent du financement de sources étrangères;

b) aux sociétés qui demandent, pour les activités de promotion des intérêts qu'elles mènent tant au Canada qu'à l'étranger, des déductions relatives à l'impôt payable au Canada;

c) aux organismes à vocation éducative qui se servent de leur statut d'organisme de bienfaisance pour promouvoir les intérêts d'entités privées;

Que le comité présente son rapport final au Sénat au plus tard le 30 juin 2013 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

L'honorable Nicole Eaton : Honorables sénateurs, j'aimerais vous faire part de quelques réflexions au sujet de la motion fort réfléchie que le sénateur Cowan a présentée le 8 mai 2012.

Je croyais que nous avions débattu en profondeur de la partie a) de la motion au printemps dernier. Il y a eu une interpellation au sujet de l'ingérence des fondations étrangères dans les affaires internes du Canada et de leur utilisation abusive du statut d'organisme de bienfaisance accordé par Revenu Canada. Nous avons tenu un débat très productif sur la question et de nombreux sénateurs sont intervenus.

Le sénateur Wallace a parlé du cadre législatif en vigueur au Canada. Le sénateur Smith a mené une enquête sur les conséquences économiques de cette ingérence étrangère et en a fait rapport. Le sénateur Finley a cherché à savoir exactement combien d'argent était investi au Canada, et par quels moyens. Le sénateur Lang a parlé des activités politiques et de lobbying de certains groupes de « bienfaisance ». Le sénateur Plett a exploré plus en détails comment ces activités empiétaient sur la souveraineté du Canada. Le sénateur Mockler a présenté des exemples éloquents d'activités véritablement positives et caritatives. Enfin, à la lumière de son expérience personnelle au Nunavut, le sénateur Patterson a présenté de véritables histoires d'horreur portant sur l'interférence, la manipulation et le manque de respect à l'endroit d'organismes caritatifs de là-bas.

Les constatations de ces sénateurs ont fortement joué en faveur de la prise immédiate de mesures destinées à accroître la transparence dans le secteur caritatif et d'étendre la surveillance de l'ARC à l'égard des organismes caritatifs canadiens.

Heureusement, le projet de loi C-38 contenait des modifications législatives ciblées et fort nécessaires qui ont facilité la présentation d'éléments que le Sénat a jugé essentiels à la résolution de ces importantes questions.

Selon le projet de loi C-38, l'Agence du revenu du Canada doit surveiller avec plus de diligence les activités politiques des organismes caritatifs; veiller à ce que les organismes de bienfaisance consacrent la quasi-totalité de leurs ressources à des fins de bienfaisance, et au plus 10 p. 100 de leurs ressources à des activités politiques; exiger que les organismes caritatifs soient plus transparents et fournissant davantage de renseignements sur leurs activités politiques dans le cadre de leurs rapports réguliers à l'ARC, incluant la part de leur financement qui provient de sources étrangères; et suspendre pendant un an le permis d'émission de reçus aux fins de l'impôt de tout organisme caritatif qui dépasse la limite de dépenses pour activités politiques, ou qui omet de fournir des renseignements complets et détaillés dans sa déclaration annuelle.

(1810)

Le gouvernement a attribué à l'ARC 8 millions de dollars supplémentaires sur deux ans pour qu'elle puisse se conformer à ces directives.

La Loi de l'impôt sur le revenu a aussi été modifiée pour limiter la possibilité qu'ont les organismes de bienfaisance de financer les activités politiques d'autres organismes de bienfaisance. Pour ce faire, on qualifie d'« activité politique » le fait qu'un organisme de bienfaisance verse un don à un autre organisme de bienfaisance s'il est raisonnable de croire que le but de ce don est d'appuyer les activités politiques de l'organisme qui en profite.

Grâce à ces nouvelles mesures, le niveau de transparence dans le secteur caritatif est en hausse, et la générosité et la philanthropie des Canadiens ne sont plus menacées par des recours abusifs au statut d'organisme de bienfaisance conféré par l'ARC.

J'espère vivement que le débat sur le projet de loi C-45 qui aura lieu à la Chambre des communes entraînera aussi une modification de la Loi de l'impôt sur le revenu qui exigera l'identification des dons faits par des entités étrangères à des organismes de bienfaisance canadiens et qui permettra d'assurer le suivi de cet argent, à partir du donateur jusqu'au bénéficiaire final.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Eaton : Honorables sénateurs, je dois dire que l'adoption de cette motion nous ferait perdre du temps. La première partie de la motion fait double emploi avec le travail qui a déjà été réalisé lors de mon interpellation sur le secteur caritatif, sans compter les changements législatifs qui ont été apportés afin de régler en très grande partie le problème de la transparence.

La deuxième partie de la motion du sénateur prévoit un examen des « sociétés qui demandent, pour les activités de promotion des intérêts qu'elles mènent tant au Canada qu'à l'étranger, des déductions relatives à l'impôt payable au Canada ».

Sans savoir exactement ce que nous cherchons et si le régime fiscal fait l'objet de manipulations, nous serions obligés de faire enquête sur des sociétés pour déterminer ce qu'elles demandent au juste à titre de déductions.

Selon Statistique Canada, en 2010, il y avait 1 337 940 sociétés sous contrôle canadien et 7 724 sociétés sous contrôle étranger exerçant leurs activités au Canada.

Par où commencerions-nous? Comment pourrions-nous trouver quelles sociétés réclament des déductions discutables? Il nous faudrait parcourir une liste de 1,3 million de sociétés. Sans preuves pour nous orienter dans une certaine direction, nous chercherions une aiguille dans une botte de foin, sans même savoir si une aiguille s'y trouve.

Si nous nous penchons sur notre système d'imposition, nous ouvrirons cette véritable boîte de Pandore qu'est notre législation fiscale, c'est-à-dire la Loi de l'impôt sur le revenu et ses 2 900 pages, sans parler de son règlement de 1 600 pages, des 96 pages de règles et des innombrables énoncés de politique de l'ARC.

À l'heure actuelle, le Parlement est saisi d'au moins sept projets de loi qui traitent directement de modifications à la législation fiscale canadienne : le projet de loi C-44, Loi visant à aider les familles dans le besoin; le projet de loi C-45, Loi de 2012 sur l'emploi et la croissance; les projets de loi C-48, C-377, C-458, C-463 et S-205, qui comportent des modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu en ce qui concerne les progrès technologiques, les organisations syndicales, les dons de charité, les frais de déplacement et le crédit d'impôt pour la compensation des émissions de carbone; et le projet de loi C-462, Loi sur les restrictions applicables aux promoteurs du crédit d'impôt pour personnes handicapées.

Comme le prouvent ces projets de loi dont le Parlement est actuellement saisi, nous évaluons et améliorons constamment et progressivement le régime fiscal, en y apportant des changements raisonnables au moment opportun.

Quant à la troisième partie de la motion du sénateur Cowan, qui consiste à porter une attention « aux organismes à vocation éducative qui se servent de leur statut d'organisme de bienfaisance pour promouvoir les intérêts d'entités privées, » cette question a aussi été réglée en grande partie par les changements apportés dans le cadre du projet de loi C-38. Les organismes à vocation éducative qui ont un statut d'organisme de bienfaisance sont, par définition, des organismes de bienfaisance et, à ce titre, ils sont tenus de respecter les mêmes règles et lignes directrices que l'ARC applique aux activités de tous les organismes de bienfaisance.

Par conséquent, tous les établissements d'enseignement qui ont le statut d'organisme de bienfaisance ne peuvent pas consacrer plus de 10 p. 100 de leurs ressources à des activités politiques.

Le statut d'organisme de bienfaisance aurait pour effet d'entraver la participation de l'organisme à des activités politiques ou de défense des droits, et non de faciliter cette participation. Comme l'établissement d'enseignement ne pourrait pas utiliser plus de 10 p. 100 de ses ressources, à titre d'organisme de bienfaisance, il ne serait pas avantageux pour un organisme privé d'avoir un tel établissement d'enseignement pour défendre des intérêts en son nom.

Étant donné la surveillance accrue qu'exerce l'Agence du revenu du Canada et les nouvelles règles entourant la déclaration des dons, il serait très difficile, ou même impossible, pour un organisme privé d'utiliser un organisme d'enseignement en catimini comme instrument de défense des droits.

Honorables sénateurs, voilà les raisons pour lesquelles je n'appuierai pas la motion du sénateur Cowan. Une grande partie de cette question a déjà été traitée, et la partie qui reste est d'une portée trop vaste pour qu'un comité du Sénat, qui est déjà débordé, puisse l'étudier avec le soin approprié.

Honorables sénateurs, je vous encourage vivement à prendre ces points en considération et à voter contre cette motion.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Si d'autres sénateurs souhaitent intervenir, je les invite à le faire. Sinon, j'ajouterai quelques mots pour clore ce débat avant que nous passions au vote.

Son Honneur le Président : Si le sénateur Cowan prend la parole, cela aura pour effet de clore le débat.

Le sénateur Cowan : Je ne retiendrai pas les sénateurs très longtemps. J'aimerais répondre brièvement à l'intervention du sénateur Eaton, que nous attendions depuis un certain temps déjà.

Je tiens à souligner un point qui m'apparaît évident, c'est-à-dire qu'il existe une grande différence entre une interpellation et une étude. Nous avons tous recours aux interpellations, qui nous sont très utiles. Nous pouvons ainsi attirer l'attention du Sénat sur une question, comme l'a fait madame le sénateur Eaton quand elle a attiré notre attention sur ce qu'elle a décrit comme un abus du système fiscal canadien par des fondations étrangères. Le sénateur et plusieurs de ses collègues ont pris la parole à ce sujet, et des sénateurs de ce côté-ci sont aussi intervenus et ont posé des questions.

C'était un débat utile, mais rien de plus. Il s'agissait d'un débat entre 105 sénateurs. Personne d'autre n'a eu la possibilité d'y prendre part. Personne n'a pu exposer un point de vue, se défendre ou soumettre des preuves. Lorsque vous ou moi intervenons dans le cadre d'une interpellation, nous exprimons l'opinion individuelle d'un sénateur, dans l'enceinte du Parlement et sous le couvert de l'immunité parlementaire.

Une étude, c'est tout autre chose. Elle permet à des témoins d'être entendus. On peut citer des experts à témoigner sous serment à l'appui ou à l'encontre d'une position donnée. Il y a une nette distinction. Madame le sénateur Eaton a dit que le sujet du renvoi proposé à notre Comité des finances nationales a déjà été couvert — du moins, en partie — dans le cadre d'une de ses interpellations. Elle a évoqué plusieurs de ses collègues qui sont intervenus à cette occasion. Elle n'a pas parlé de ceux d'entre nous qui eux aussi sont intervenus. Cela dit, ces contributions, aussi valables qu'elles aient été, n'étaient que l'expression de l'opinion de sénateurs individuels. Elles ne constituaient pas des preuves, et aucun des organismes mentionnés dans ces interventions n'a eu la possibilité de se faire entendre.

Ma motion vise à permettre aux organismes nommés dans l'interpellation du sénateur Eaton ou par d'autres sénateurs d'en face ou même de ce côté-ci, de s'exprimer sur la question. Y a-t-il réellement un problème avec le cadre qui régit nos organismes de bienfaisance? Ces organismes ignorent-ils vraiment ce qui sépare les activités qui leur sont permises et la défense légitime des intérêts publics? Le problème est-il réel, ou a-t-on plutôt cherché, une fois de plus, à en créer un de toutes pièces afin que le gouvernement vienne à la rescousse en annonçant : « J'ai maintenant détecté le problème et j'ai la solution »?

(1820)

À ce sujet, comme je l'ai dit en réponse au sénateur Eaton plus tôt, je ne savais pas que c'était un problème, mais, si c'est le cas, nous devrions nous y attarder et le rectifier. Voilà la raison d'être de la première partie.

À ma connaissance, l'utilisation, par une fondation canadienne, de sommes que lui a transféré une fondation internationale pour la réalisation d'activités légitimes dans le cadre de son mandat n'a aucune incidence sur le régime fiscal canadien. Si aucun reçu aux fins de l'impôt n'est émis, l'incidence est nulle. Le sénateur Day a déjà fait valoir ce point plus tôt. Il a affirmé ne pas comprendre le problème et a demandé qu'on le lui explique. On lui a répondu que c'était une question technique. Dans ce cas, c'est justement le genre de détail technique sur lequel le comité devrait se pencher.

Je n'arrive pas à comprendre comment l'interpellation du sénateur Eaton touche de près ou de loin le fonctionnement du régime fiscal canadien. Cependant, par souci d'équité et d'exhaustivité, je me suis dit que si c'était le cas on devrait également se pencher sur les activités qui ont une réelle incidence sur le régime fiscal canadien, notamment l'utilisation parfaitement légitime de l'argent des sociétés canadiennes pour embaucher des lobbyistes et autres particuliers et organisations pour les aider à exercer des pressions pour ou contre une mesure législative en particulier. Ces sociétés ont parfaitement le droit de déduire ces dépenses. Par souci d'équité, je me suis dit que si on se penchait sur un aspect de la question, il faudrait également se pencher sur les autres.

J'ai également trouvé qu'il serait approprié d'examiner les établissements d'enseignement. Beaucoup de sénateurs entretiennent des liens de longue date avec les universités. Nous nous vantons des sommes que ces établissements attirent au Canada. Selon mon expérience, j'estime qu'il n'y a rien de mal là- dedans. C'est quelque chose qui mérite d'être louangé plutôt que critiqué.

Je ferai maintenant un peu de publicité politique gratuite pour une autre interpellation. J'espère que, dans le cadre de l'interpellation où le sénateur Segal et moi prendrons la parole, d'autres sénateurs profiteront de l'occasion pour parler avec des représentants des universités de leur région et qu'ils nous feront état de ce qu'ils ont appris afin que nous puissions célébrer les réussites de ces institutions. Une partie de leur succès est attribuable à leur capacité à attirer des fonds de l'étranger. À mon avis, les universités canadiennes réussissent à obtenir ce financement international grâce aux excellentes recherches qu'elles mènent.

J'estime que c'est tout à fait légitime. Si quelque chose cloche, nous devrions nous pencher sur la question, et, à mon avis, c'est le Comité des finances nationales qui devrait être saisi de la question. Voilà pourquoi j'ai présenté cette motion. Je suis déçu que madame le sénateur Eaton estime qu'elle ne peut pas l'appuyer, mais j'espère que certains de ses collègues se joindront à nous de ce côté-ci et qu'ils appuieront la motion.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Afin d'être sûr, honorables sénateurs, je vais procéder de façon plus formelle. Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : De toute évidence, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Le sénateur Munson : J'ai envie de demander que la sonnerie se fasse entendre pendant 1 heure, mais je m'abstiendrai, 30 minutes suffiront.

Son Honneur le Président : Le vote aura lieu à 18 h 55.

Convoquez les sénateurs.

(1850)

La motion, mise aux voix, est rejetée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Callbeck Harb
Chaput Hervieux-Payette
Charette-Poulin Jaffer
Cordy Joyal
Cowan Lovelace Nicholas
Dallaire Mercer
Dawson Moore
Day Munson
De Bané Ringuette
Downe Rivest
Dyck Robichaud
Eggleton Tardif
Fraser Zimmer—27
Furey  

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Marshall
Ataullahjan McInnis
Bellemare McIntyre
Boisvenu Meredith
Braley Mockler
Brazeau Neufeld
Brown Ngo
Buth Nolin
Carignan Ogilvie
Comeau Oliver
Dagenais Patterson
Demers Plett
Doyle Poirier
Duffy Raine
Eaton Rivard
Enverga Runciman
Finley Seidman
Fortin-Duplessis Seth
Frum Smith (Saurel)
Gerstein Stewart Olsen
Greene Stratton
Housakos Tkachuk
Johnson Unger
Lang Verner
LeBreton Wallace
MacDonald Wallin
Maltais White—55
Manning

ABSTENTION
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun.

(1900)

Affaires juridiques et constitutionnelles

Autorisation au comité de siéger pendant une séance du Sénat

L'honorable Bob Runciman, conformément au préavis donné le 28 novembre 2012, propose :

Que, pour les fins de son examen du projet de loi S-12, Loi modifiant la Loi sur les textes réglementaires et le Règlement sur les textes réglementaires en conséquence et le projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel (maltraitance des aînés), le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à se réunir à 15 h 30 le mercredi 5 décembre 2012, même si le Sénat est en séance à ce moment- là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

— Honorables sénateurs, cette demande a pour but de faciliter les choses au ministre de la Justice, qui devait comparaître devant le comité pour parler des projets de loi S-12 et C-36.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à exhorter le gouvernement de la République islamique d'Iran à libérer Nasrin Sotoudeh

L'honorable Linda Frum, conformément au préavis donné le 29 novembre 2012, propose :

Que le Sénat du Canada, inquiet de la longue grève de la faim entamée par Nasrin Sotoudeh, avocate spécialisée dans la défense des droits de la personne incarcérée à tort, dénonce le traitement que lui fait subir le gouvernement de la République islamique d'Iran et encourage sa libération immédiate et inconditionnelle.

— Honorables sénateurs, c'est avec un immense soulagement que j'annonce que, depuis que j'ai donné préavis de cette motion à la dernière séance du Sénat, la courageuse activiste iranienne Nasrin Sotoudeh a mis fin aujourd'hui à sa grève de la faim, qui a duré 49 jours.

Elle l'a fait lorsque le gouvernement iranien a accédé à sa demande de lever les interdictions imposées à sa famille et, en particulier, à sa fille de 13 ans, qui n'était pas autorisée à quitter le pays. Cette interdiction était considérée par Mme Sotoudeh et son mari, Reza Khandan, comme un prélude à de fausses accusations qui seraient incessamment portées contre leur enfant. En Iran, les filles de 13 ans sont assujetties aux mêmes lois que les adultes et peuvent subir les mêmes peines — et on connaît les peines iraniennes. Selon le mari de Mme Sotoudeh, si celle-ci a entrepris une grève de la faim, c'était pour prouver qu'aucune accusation contre leur fille n'était fondée.

Parmi les nombreux gestes héroïques et courageux posés par Mme Sotoudeh, son plus récent geste de protestation semble le plus étonnant. Elle a décidé de risquer sa vie, qu'elle a d'ailleurs failli perdre, comme nous l'ont révélé des informations sur son état qui s'est affaibli. Mme Sotoudeh était cependant prête à mourir pour protéger la vie de sa fille. Voilà ce que cette femme bonne et noble a été obligée de faire.

Toutefois, même si sa grève de la faim est terminée, la situation de Mme Sotoudeh reste préoccupante. Sa santé demeure fragile, et le régime peut lui imposer des mesures arbitraires à tout moment. Elle a été punie pour avoir défendu les droits et la dignité de tous les Iraniens. Elle doit être libérée.

Honorables sénateurs, je vous demande d'exiger la libération immédiate et sans condition de Nasrin Sotoudeh, une avocate et militante héroïque, une mère aimante et une femme innocente. Honorables sénateurs, je vous prie d'adopter cette motion à l'unanimité pour que Nasrin Sotoudeh sache que le Canada et le reste du monde l'appuient dans sa lutte pour la liberté et la dignité.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, c'est avec grand honneur que j'appuie cette motion. Comme vous tous, j'étais très contente d'apprendre que Nasrin Sotoudeh a pu mettre fin à sa grève de la faim aujourd'hui. Cependant, je tiens à faire écho aux paroles du sénateur Frum en demandant à tous les sénateurs d'adopter cette motion, car, bien qu'elle soit terminée, la grève de la faim de Mme Sotoudeh a duré sept semaines. Imaginez l'état physique d'une personne qui a fait la grève de la faim pendant sept semaines. Imaginez ensuite la qualité des traitements médicaux qu'elle recevra en prison, si elle en reçoit. Si nous joignons notre voix à celle des gens du monde entier qui exigent sa libération, nous pouvons faire avancer les choses, et c'est ce que je vous exhorte à faire aujourd'hui. Le temps lui est compté.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions? Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Les femmes autochtones portées disparues ou assassinées

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Sandra Lovelace Nicholas, ayant donné avis le 28 novembre 2012 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur la tragédie continue des femmes autochtones portées disparues ou assassinées.

— Honorables sénateurs, il s'agit d'une interpellation sur la tragédie des femmes autochtones portées disparues ou assassinées. C'est un problème qui est au cœur des préoccupations des communautés autochtones depuis plus d'une décennie. Il a causé tellement de souffrances dans les foyers, les familles et l'ensemble des collectivités autochtones qu'il faut véritablement reconnaître qu'il ne s'agit pas d'une simple question de politique, de programmes ou de services.

(1910)

C'est le récit d'un drame humain, de pertes de vie, de rêves brisés et de familles détruites. De plus, c'est un problème d'une importance considérable pour tous les Canadiens, autochtones et non autochtones, car il fait ressortir la nécessité d'accroître la sécurité des collectivités, de protéger les familles à risque et de reconnaître que, en tant que pays, nous devons en faire plus — beaucoup plus — pour mettre fin à cette tragédie humaine.

Honorables sénateurs, vous avez sans doute vu ou entendu les statistiques : près de 600 cas de femmes autochtones portées disparues ou assassinées et 153 cas de meurtre, c'est-à-dire environ 10 p. 100 du nombre total de femmes assassinées au Canada. Pourtant, les femmes autochtones ne représentent que 3 p. 100 de la population féminine totale au Canada.

Ce qui est encore plus attristant dans l'examen de ces chiffres, c'est qu'ils racontent une tragédie encore plus grande : la plupart des victimes sont des femmes jeunes, âgées de moins de 31 ans. Qui plus est, 88 p. 100 des femmes autochtones portées disparues ou assassinées laissent derrière elles des enfants et des petits-enfants.

En ma qualité de mère, de sœur, de fille, de grand-mère et de femme des Premières nations fière, j'ai mal pour les familles de ces victimes. En tant que parlementaire, je me sens l'obligation de prendre la parole dans cette enceinte au nom de celles qu'on a réduites au silence et qui ne peuvent plus se faire entendre.

Je crois qu'il faut reconnaître que, pour se remettre de la tragique disparition de ces femmes et de ces filles autochtones, nous devons transcender la politique de parti. Si l'on souhaite prévenir d'autres pertes de vie alors que nous honorons la mémoire des disparues, nous devons agir dès maintenant.

Le Parlement canadien a du pain sur la planche. Les provinces devront accomplir un travail semblable. Les villes devront aussi mettre la main à la pâte, puisque la majorité des cas ont eu lieu en milieu urbain.

Ce qui ne veut pas dire qu'aucun effort n'a été déployé pour surmonter la tragédie des disparitions et des meurtres des femmes autochtones. L'Association des femmes autochtones du Canada travaille sans relâche pour défendre cette cause, par le biais de l'initiative Sœurs par l'esprit et le projet de recherche qui y a donné suite, intitulé « Ce que leurs histoires nous disent ».

On m'a dit que des rencontres avaient eu lieu sur cet enjeu crucial entre les provinces et les organisations autochtones nationales, dont la plus récente s'est tenue au Manitoba au début novembre. Voilà une autre étape importante qui aidera à faire avancer les choses en présence de tous les intervenants.

D'un point de vue fédéral, nous reconnaissons les mesures et le financement que le gouvernement a annoncé à cet égard dans son budget de 2012. Il reste qu'on nous réclame toujours une enquête nationale sur les femmes autochtones canadiennes assassinées ou portées disparues.

Certains estiment qu'une enquête publique devrait avoir lieu. Une telle question est toutefois hors de mes compétences en tant que sénateur. Tout ce que je peux faire, c'est attirer l'attention du Sénat sur le sujet, dans l'espoir de susciter une discussion respectueuse, sérieuse et constructive, qui pourrait jeter les bases d'une stratégie pour faire progresser les choses. C'est la façon la plus respectueuse que j'ai pu envisager pour honorer la mémoire de ces malheureuses femmes et jeunes filles.

Travaillons ensemble, par-delà les divisions partisanes et les frontières territoriales et provinciales, pour intervenir au nom des femmes et des jeunes filles autochtones du Canada ainsi que de leur famille. Faisons notre travail de législateurs et défendons la société canadienne.

Je propose que nous étudions la question au Sénat et par l'entremise du Sénat, que nous examinions les mesures prises par le gouvernement à ce jour, leurs répercussions et leur efficacité, et que nous amorcions un dialogue avec les dirigeants autochtones du pays, en particulier avec l'Association des femmes autochtones du Canada, pour trouver des moyens de collaborer afin de véritablement mettre un terme au sort déplorable des femmes autochtones.

Je demande humblement aux honorables sénateurs des deux côtés de notre Chambre de contribuer au débat et de songer à des solutions à cette tragédie nationale.

La présente interpellation exige que nous nous rendions à l'évidence que les progrès réalisés à ce jour ne sont probablement pas suffisants pour honorer la mémoire des femmes portées disparues et assassinées ni pour empêcher que d'autres femmes et jeunes filles autochtones subissent le même sort. Nous avons les moyens de faire plus. Nous avons l'occasion de faire plus.

Honorables sénateurs, si un segment de la population canadienne continue d'être ciblé et d'être exposé à de tels risques, alors c'est tout le Canada qui est en danger.

Le nombre de femmes autochtones portées disparues ou victimes de meurtre constitue une véritable crise sociale au Canada. J'ai bon espoir que nous, dans cette Chambre, par notre intendance et notre leadership, pouvons contribuer à surmonter cette crise.

Je suis déterminée à nous aider à y arriver. Voilà pourquoi, honorables sénateurs, je demande votre collaboration. Travaillons de façon constructive, mettons à profit tous les talents et tout le vécu qui nous ont menés jusqu'ici, afin de libérer le Canada une fois pour toute du terrible héritage laissé par les femmes autochtones portées disparues ou assassinées.

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, j'aimerais d'abord remercier ma collègue et amie madame le sénateur Sandra Lovelace Nicholas, qui a lancé cette interpellation au Sénat. Elle a consciencieusement utilisé les honneurs et les privilèges de cette Chambre pour intervenir dans ce dossier important, alors que le gouvernement continue de faire la sourde oreille aux voix qui réclament une enquête nationale sur les femmes autochtones du Canada portées disparues ou victimes de meurtre.

Je félicite le sénateur de ses efforts soutenus en vue de porter cette question à l'attention des autres sénateurs, du gouvernement et du grand public.

(1920)

Nous avons toutes deux cette question à cœur et partageons le même sentiment d'urgence. En fait, aux alentours de 2007, avec l'aide de mon amie, madame le sénateur Lovelace Nicholas, j'ai écrit une proposition sur les femmes autochtones portées disparues ou assassinées, que nous avons soumise au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Malheureusement, le comité, dans l'ensemble, ne souhaitait pas entreprendre d'étude à ce sujet à ce moment-là.

Au cours des trois dernières années, le sénateur Lovelace Nicholas et moi avons activement demandé au gouvernement d'agir, de lancer une enquête nationale sur cette question. Pendant ces trois années, j'ai soulevé cette question à 10 reprises, durant la période des déclarations de sénateurs, la période des questions et dans des allocutions au Sénat, ayant souvent eu de longs échanges à ce sujet avec le leader du gouvernement au Sénat durant la période des questions.

J'ai assisté à des conférences sur la question des femmes autochtones portées disparues ou assassinées. J'ai assisté à des manifestations silencieuses des Sœurs par l'esprit, à Saskatoon et à Ottawa, et j'y ai parfois pris la parole. En 2005, j'ai fondé, avec d'autres personnes, l'organisme Iskwewuk E-wichiwitochik, ce qui veut dire en cri « femmes qui marchent ensemble ». C'est un groupe local de gens issus de nombreux milieux et de diverses organisations communautaires dont le principal but est de soutenir les familles de femmes autochtones portées disparues ou assassinées en attirant l'attention sur cette question et en la rappelant constamment.

J'ai demandé à deux des principaux membres de la collectivité ce qui les préoccupait le plus. Les deux m'ont dit qu'on n'accordait pas suffisamment d'attention aux membres des familles des femmes autochtones portées disparues ou assassinées, que les membres des familles devraient avoir davantage leur mot à dire dans l'élaboration de la stratégie d'enquête nationale et que toutes les familles devraient pouvoir raconter leur histoire unique plus souvent, que ce soit verbalement, par écrit ou dans des vidéos.

Honorables sénateurs, j'ai aussi réclamé la tenue d'une enquête publique à l'extérieur du Sénat, lors de rencontres de l'initiative Sœurs par l'esprit et d'autres activités.

Les autres sénateurs libéraux et moi-même, qui formons l'opposition officielle au Sénat, avons constamment exercé des pressions sur le gouvernement pour qu'il s'intéresse au problème des femmes autochtones disparues ou assassinées.

J'ai fait plusieurs discours à ce sujet et on m'a même demandé de faire une synthèse de mes réflexions après la conférence sur les femmes autochtones disparues qui a eu lieu en août 2008 au collège Luther, à Regina. J'aurais voulu lire le chapitre que j'ai écrit, mais étant donné le délai très bref, je n'ai pas eu le temps d'obtenir la permission de l'éditeur du livre Torn From Our Midst : Voices of Grief, Healing and Action from the Missing Indigenous Women Conference, qui a été publié en 2008. J'ai aussi apporté de ma poche un soutien financier à des proches des femmes disparues pour qu'ils puissent assister à cette conférence.

Aujourd'hui, je n'ai plus besoin d'un texte pour faire un discours lors des vigiles de Sœurs par l'esprit. Je me fie à ce que j'ai appris au cours des sept dernières années et demie. Je parle surtout du fond du cœur, comme les anciens me l'ont appris. Je vous lirai toutefois un discours préparé que j'ai prononcé en 2008 lors d'une vigile de Sœurs par l'esprit. Le voici :

Bonjour. Je vous remercie de votre présence parmi nous ce matin. Je remercie aussi les anciennes Corrine Eyahpaise et Maria Linklater. Grâce à leurs prières, à leurs chants et aux rythmes qu'elles nous ont fait entendre, notre activité sera réussie. Mon but, aujourd'hui, c'est de vous donner des renseignements généraux sur la vigile que nous faisons et des statistiques alarmantes sur les femmes autochtones disparues.

Depuis 2006, l'organisme Sœurs par l'esprit organise chaque année des vigiles un peu partout au Canada en souvenir des femmes autochtones disparues ou assassinées. Cette année...

Rappelez-vous, honorable sénateurs, que j'ai fait ce discours en 2008.

...37 collectivités canadiennes organisent des manifestations silencieuses. L'Association des femmes autochtones du Canada a choisi d'utiliser comme symbole la pleine lune, représentée selon le style de la côte Ouest. Grand-Mère Lune représente le caractère sacré et la puissance des femmes. L'artiste a choisi le bleu pour la lune et, pour moi, cela représente l'eau. L'eau représente l'un des quatre éléments, et nos corps sont composés essentiellement d'eau. La force gravitationnelle que la lune exerce sur l'eau crée les marées, et cette force s'exerce également sur l'eau dans notre corps. Quand les femmes ont leurs menstruations, ont dit qu'elles sont dans leur période de lune. C'est un moment de grand pouvoir spirituel et un moment très sacré. Les menstruations ne sont pas quelque chose de honteux ou de sale, contrairement à ce que l'on enseigne dans la culture courante.

Grâce à ses recherches, l'AFAC a confirmé que plus de 500 femmes autochtones ont disparu ou ont été assassinées au Canada au cours des 30 dernières années. Approximativement la moitié de ces femmes avaient moins de 25 ans. Le tiers de celles-ci sont encore portées disparues, et le reste d'entre elles ont été tuées. Autrement dit, il y a environ 170 femmes autochtones qui sont disparues, et environ 340 qui ont été tuées. La Saskatchewan, le Manitoba et la Colombie- Britannique ont le plus grand nombre de femmes autochtones disparues ou assassinées.

D'après le site Web de l'association des chefs de police de la Saskatchewan, il y a 28 femmes disparues dans la province, et 16, ou près de 60 p. 100, d'entre elles sont Autochtones. Pourtant, seulement 14 p. 100 des habitants de la province sont Autochtones. Ces statistiques démontrent clairement que le risque d'être enlevée ou de disparaître est beaucoup plus élevé chez les femmes autochtones.

En 2004, Amnistie internationale a publié le rapport intitulé On a volé la vie de nos sœurs, qui montre que les femmes autochtones au Canada sont victimes de discrimination sexuelle et raciale et que ce problème est aggravé par la discrimination qu'elles subissent en raison de leur pauvreté, de leur mauvais état de santé et de leur implication dans le commerce du sexe. Selon ce rapport, les femmes autochtones âgées de 25 à 44 ans sont cinq fois plus susceptibles de mourir de façon violente.

En 2005, l'Association des femmes autochtones du Canada a lancé l'initiative Sœurs par l'esprit, dont l'objectif principal consiste à contrer la violence dont sont victimes les femmes autochtones. L'initiative Sœurs par l'esprit cherche à faire prendre conscience à la population canadienne des conséquences que la violence raciale et sexuelle peut avoir sur les femmes autochtones, au point qu'elles en meurent ou se font enlever.

Les statistiques dont je parlais tout à l'heure montrent que les femmes autochtones sont plus susceptibles d'être enlevées ou de se faire tuer que les autres, et l'indifférence générale ne fait hélas que perpétuer le problème. En 1996, le journaliste Warren Goulding a dit :

« Je n'ai pas l'impression que le grand public se soucie vraiment des femmes autochtones qui sont assassinées ou portées disparues. La vie des Autochtones indiffère les gens, comme s'ils n'étaient pas aussi importants que les Blancs. »

L'indifférence de la société fait peut-être partie du problème, mais à mon avis, les causes sont bien plus profondes et bien plus troublantes. Il y a en effet des hommes qui vont traduire en gestes le mépris et le dégoût que leur inspirent les femmes autochtones. Ces hommes, de par leur masculinité et leur prétendue supériorité, se sentent autorisés à violer et à tuer des femmes autochtones.

Il y a trois ans, l'organisme communautaire Iskwewuk E- Wichiwitochik a vu le jour parce qu'en Saskatchewan, les femmes autochtones continuaient à disparaître et à se faire tuer dans une proportion supérieure au reste de la population. Les gens et les organismes de Saskatoon ont été nombreux à joindre leurs efforts afin d'attirer l'attention du public sur ce problème et d'offrir leur soutien aux familles autochtones dont une des leurs avaient été tuée ou était portée disparue. L'organisme Iskwewuk E-Wichiwitochik est l'un des co- organisateurs de la vigile d'aujourd'hui.

Même si c'est honteux, force est de constater que l'enlèvement et le meurtre de femmes autochtones ou indigènes est un phénomène mondial. Au Mexique, par exemple, depuis le début des années 1990, des milliers de femmes ont disparu et des centaines d'autres ont été tuées dans la seule ville de Juarez. L'héritage colonial des sociétés mexicaine et canadienne se fait encore sentir, et c'est à cause de lui que la violence systémique de nature sexuelle et raciale est devenue la norme.

En août, j'ai assisté à la Conférence sur les femmes indigènes portées disparues, donnée à l'Université de Regina. Les mères d'indigènes mexicaines portées disparues nous ont raconté leurs difficultés et nous ont dit ce qu'elles faisaient pour ne pas oublier celles qui étaient tuées ou portées disparues et pour leur rendre hommage. Pour représenter l'esprit de ces indigènes mexicaines assassinées ou portées disparues, elles utilisent comme symbole une croix noire sur un fond rose.

(1930)

Lors de la conférence tenue à Regina, des bannières de tissu rose sur lesquelles on avait peint des croix noires avaient été attachées aux arbres entre le collège Luther et le centre des arts Conexus; ces bannières nous avaient guidés pendant notre marche de protestation, tout comme elles l'ont fait ce matin durant notre manifestation. Ces bannières m'ont fait penser aux tissus de prière que nous attachons autour des arbres; j'ai pris quelques-unes des bannières utilisées lors de la conférence à Regina et je les ai apportées dans une suerie afin qu'elles soient purifiées et bénies. Je remettrai ces bannières aux conférenciers afin qu'elles leur donnent la sagesse, la force et le courage de prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme à la violence contre toutes les femmes.

Les esprits de nos sœurs disparues, qui sont représentés par la grand-mère Lune et les bannières roses, nous guident et nous donnent la force de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour mettre un terme à la violence contre les femmes et contre nos sœurs autochtones en particulier.

Voilà comment se terminait le discours que j'ai prononcé en 2008.

Honorables sénateurs, je n'ai peut-être pas écrit de chansons sur les femmes autochtones qui ont disparu ou qui ont été tuées, mais j'ai souvent chanté la chanson « Strong Woman » lors de diverses marches de protestation contre la violence dont les femmes autochtones sont victimes. Pas plus tard que le 4 octobre dernier, j'ai chanté cette chanson avec d'autres femmes autochtones lors de la vigile organisée à Saskatoon par l'initiative Sœurs par l'esprit. Cette chanson honore la force et la résilience des femmes autochtones. Ce serait des autochtones détenues à l'établissement carcéral pour femmes de Kingston qui auraient chanté pour la première fois cette chanson afin que les esprits des grands-mères les protègent pendant une émeute. Elles n'ont pas été blessées. Si nous avions un tambour et que d'autres chanteurs se trouvaient ici, nous pourrions vous chanter la chanson « Strong Woman ».

En 2005, honorables sénateurs, l'Association des femmes autochtones du Canada a lancé le projet Sœurs par l'esprit et le logo de Grand-mère Lune. Pendant la première phase du projet, Sœurs par l'esprit a mené des recherches et rassemblé des données statistiques sur la violence envers les femmes autochtones comprenant plus de 200 variables et indicateurs. Cette base de données complexe a offert un premier aperçu du problème : plus de 582 femmes autochtones étaient portées disparues ou avaient été assassinées au Canada. Ces données ont été recueillies sur une période de cinq ans grâce à un financement initial de 5 millions de dollars du gouvernement libéral de l'époque.

Honorables sénateurs, je ne saurais trop insister sur l'importance de cette recherche sans précédent de Sœurs par l'esprit et de l'Association des femmes autochtones du Canada. Pour la première fois, nous avons pu, de façon statistique, rassembler et suivre des cas de femmes et de jeunes filles autochtones portées disparues ou assassinées, et faire enquête à leur sujet. Cette recherche a permis de jeter un peu de lumière sur les coins les plus sombres de nos communautés autochtones. Elle a permis à l'équipe Sœurs par l'esprit de chercher les causes profondes de la violence envers les femmes autochtones et d'offrir une expertise unique concernant l'élaboration d'outils destinés à endiguer cette violence. C'est cette recherche qui a incité tant de Canadiens à demander la tenue d'une enquête nationale.

Malheureusement, en 2010, le gouvernement a supprimé le financement de l'initiative Sœurs par l'esprit. Au lieu de récompenser ce remarquable groupe de chercheurs et de travailleurs de première ligne et de les inciter à étendre leur base de données, le gouvernement a veillé à ce que pas un sou des 10 millions de dollars promis dans le budget de 2010 pour s'attaquer au nombre inquiétant de femmes portées disparues ou assassinées ne soit versé à Sœurs par l'esprit. De plus, le gouvernement a imposé des conditions à l'Association des femmes autochtones du Canada et à l'initiative Sœurs par l'esprit si ces groupes souhaitaient obtenir un nouveau financement dans le cadre d'une autre entente. Premièrement, Sœurs par l'esprit devait promettre de cesser de travailler sur la base de données de renommée internationale. Deuxièmement, le groupe devait cesser d'utiliser des fonds publics à des fins de recherche et de politiques. Enfin, s'il utilisait des fonds publics, le groupe devait changer son nom et s'appeler Preuve et action, et éliminer le logo de Grand-mère Lune associé à Sœurs par l'esprit.

Lorsqu'on lui a demandé pourquoi ces changements étaient nécessaires pour toute nouvelle proposition de financement, la secrétaire parlementaire des Affaires autochtones de l'époque, Shelly Glover, a répondu : « Ce projet était terminé. Nous travaillons maintenant avec elles à d'autres projets. »

Honorables sénateurs, jamais l'Association des femmes autochtones du Canada ni l'organisme Sœurs par l'esprit n'ont affirmé que leur projet de recherche et de base de données était complété. Il ne faisait en fait que commencer.

Son Honneur le Président intérimaire : Je suis désolé d'informer madame le sénateur que ses 15 minutes sont écoulées. Veut-elle demander plus de temps à la Chambre?

Le sénateur Dyck : Pourrais-je avoir quelques minutes de plus, s'il vous plaît?

Son Honneur le Président intérimaire : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Dyck : L'organisme Sœurs par l'esprit et son logo, un pictogramme de la côte Ouest représentant Grand-mère Lune — j'en ai un épinglé à mon sac —, symbole de la vie et de la guérison pour les femmes autochtones, ont rendu hommage à la vie et à l'histoire de ces femmes disparues. La décision du gouvernement fédéral de demander à l'Association des femmes autochtones du Canada de n'utiliser ni le nom ni le logo des Sœurs par l'esprit a été une bien mauvaise décision, qui dénotait le mépris de l'importance culturelle de Grand-mère Lune pour les femmes autochtones. Néanmoins, malgré l'interdiction du gouvernement fédéral, les Autochtones, hommes et femmes, continuent de participer aux vigiles des Sœurs par l'esprit et de se rallier au logo de Grand-mère Lune.

Au début, nous avons espéré que le nouvel investissement de 10 millions de dollars du gouvernement fédéral signifiait que la question des femmes autochtones disparues et assassinées était prise au sérieux. Nous avons espéré que ce serait le coup d'envoi d'une enquête nationale sur la question des femmes et des jeunes filles autochtones disparues et assassinées. Malheureusement, nous avons été encore une fois déçus par le manque de leadership du gouvernement. Les 10 millions de dollars ne sont pas allés aux Sœurs par l'esprit, ils n'ont pas servi à une enquête nationale, ils ont été affectés à un nouveau groupe de la GRC chargé d'enquêter sur les personnes portées disparues. Ce nouveau groupe n'entrera pas en fonction avant le début de l'année prochaine et ne comportera pas de section consacrée aux femmes autochtones.

Honorables sénateurs, cela fera bientôt trois ans que le gouvernement a procédé à cette terrible élimination du financement. Trois ans se seront écoulés avant que le groupe des personnes disparues soit fonctionnel. Par ailleurs, rien ne garantit que ce nouveau groupe s'intéressera même aux femmes autochtones disparues ou assassinées : les mauvaises décisions se suivent et n'amènent que des déceptions.

Nous nous retrouvons donc dans la situation actuelle. L'Association des femmes autochtones du Canada continue tant bien que mal d'enrichir sa base de données grâce à d'autres sources de financement. Elle en est maintenant à 600 femmes autochtones disparues ou assassinées répertoriées. Nous n'avons toujours pas d'autre solution crédible de rechange qui s'offre à nous pour effectuer ces recherches ni d'autre base de données semblable et à jour. Nous avons maintenant perdu trois ans : trois ans sans mécanisme suffisant pour déceler les nouveaux cas de femmes autochtones portées disparues ou victimes de meurtre, pour mettre à jour les vieux dossiers, pour aider les familles à faire leur deuil en leur permettant de tourner la page et en leur fournissant un soutien adéquat.

J'espère que le gouvernement tiendra compte de la présente interpellation au Sénat. J'invite les sénateurs des deux côtés de la Chambre à y participer et à en étendre la portée en initiant le même dialogue dans leur province et leur collectivité. Écoutez les histoires de ces femmes autochtones et de leur famille. Alors peut-être les appels à la justice seront-ils entendus et le gouvernement décidera-t- il d'ordonner une enquête nationale. Je me réjouis que le sénateur Brazeau ait récemment reconnu la nécessité d'une enquête nationale. J'espère qu'il pourra convaincre ses collègues conservateurs de se joindre à notre cause et de concrétiser l'enquête nationale.

Comme je l'ai récemment signalé lors de la période des questions, trois ministres fédéraux ont été invités au Sommet national des femmes autochtones tenu à Winnipeg il y a quelques semaines. Aucun n'a fait acte de présence. C'est très décevant, c'est le moins qu'on puisse dire. Il est temps pour les ministres Ambrose, Duncan et Nicholson de se montrer à la hauteur et de prouver aux Canadiens que la question les préoccupe vraiment en prenant des mesures et en mettant sur pied une enquête nationale de même qu'un plan d'action national. Il est temps d'agir, comme le réclament l'Association des femmes autochtones du Canada et l'Assemblée des Premières Nations.

Amnistie internationale vient de lancer au Canada le volet « Assez de vies volées » de la campagne « Écrire pour les droits », dans le but d'inciter le premier ministre à travailler en collaboration avec des organisations de femmes autochtones pour élaborer et adopter un plan d'action national détaillé et coordonné, qui vise à mettre fin à la violence faite aux femmes, notamment en s'attaquant aux inégalités sociales et économiques qui font augmenter les risques que courent les femmes autochtones. Il est temps de passer à l'action.

Honorables sénateurs, en terminant, j'aimerais citer un dicton cherokee, qui dit ceci : un pays est vaincu uniquement quand le cœur de ses femmes est abattu; sa défaite est alors inévitable, peu importe la force de ses armes ou le courage de ses guerriers.

Permettez-moi de répéter ce dicton : un pays est vaincu uniquement quand le cœur de ses femmes est abattu; sa défaite est alors inévitable, peu importe la force de ses armes ou le courage de ses guerriers.

Combien de femmes encore auront le cœur abattu avant que le gouvernement fédéral se décide enfin à passer à l'action?

(Sur la motion du sénateur Jaffer, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mercredi 5 décembre 2012, à 13 h 30.)


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