Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 131

Le jeudi 13 décembre 2012
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 13 décembre 2012

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les droits de la personne

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, j'ai des notes de remerciements et de reconnaissance de la part du secrétaire général des Nations Unies qui, hier, par l'entremise de son secrétaire des droits de la personne, a souligné la présence et l'impact des Canadiens sur la scène internationale en ce qui a trait aux droits de la personne.

[Traduction]

Nous avons participé à cette activité hier, à la demande du sénateur Day, qui est un bienfaiteur de la Hampton John Peters Humphrey Foundation, à Hampton, au Nouveau-Brunswick.

John Peters Humphrey est l'auteur de l'ébauche originale de la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies. Hier, nous avons assisté au lancement d'un livre qui raconte l'histoire de sa vie — son cheminement et ses réalisations. Il a pour titre Au-delà de l'intimidation. M. Humphrey a été victime d'intimidation, parce qu'il avait perdu un bras, et qu'il est devenu orphelin à l'âge de 11 ans. Le livre raconte comment il a surmonté ces épreuves, et comment il a imaginé le concept des droits de la personne, qu'il a formulés et mis sur papier.

Il est intéressant que la principale raison invoquée par M. Humphrey pour se livrer à cet exercice ait été qu'il en avait assez de lutter contre les personnes qui le malmenaient. Il s'est dit que, en faisant la paix, il résoudrait peut-être le problème. En fait, en parlant de paix et de respect, il a vaincu de vieilles habitudes, qui consistaient à lutter contre les agresseurs, au risque d'engendrer d'autres conflits. Il a plutôt hissé le débat au niveau des droits de la personne, au niveau du respect plutôt qu'à celui de la simple tolérance.

Hier, nous avons aussi souligné le 64e anniversaire de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Nous arrivons à la fin d'une année spéciale, que le secrétaire général a appelée une « année de prévention ».

La création d'un organisme de prévention marque une nouvelle étape pour les Nations Unies. Certes, il y a le Programme des Nations Unies pour le développement et d'autres volets, mais cette fois-ci, il s'agit de créer un organisme de prévention. Étant donné que j'ai siégé au Comité consultatif sur la prévention du génocide du secrétaire général et ayant travaillé à l'application de la doctrine de la responsabilité de protéger — c'est-à-dire l'opérationnalisation de cet outil de prévention —, j'ai trouvé intéressant d'entendre que toutes ces idées sont issues des travaux de John Peters Humphrey et de l'équipe de rédaction en 1948.

J'aimerais porter à l'attention des sénateurs les propos du conseiller spécial du secrétaire général de l'ONU pour la prévention du génocide, M. Amada Dieng. Je rappelle aux sénateurs que, à l'heure actuelle, des groupes définis par leur identité nationale, ethnique, raciale ou religieuse vivent dans des conditions extrêmement difficiles dans de nombreux pays, notamment au Congo au Mali, au Soudan et en Syrie. Nous sommes encore très loin d'avoir réglé ces conflits, et encore plus loin du but ultime. qui est de prévenir ces conflits ainsi que les violations massives des droits de la personne qu'ils entraînent.

Le Sénat

La réforme parlementaire

L'honorable Betty Unger : Honorables sénateurs, avant que nous quittions cette enceinte pour l'ajournement de Noël, j'aimerais parler brièvement d'une question qui revêt une grande importance à mes yeux, soit la cause impérieuse de la réforme du Sénat.

Lorsqu'on leur demande s'ils souhaiteraient élire les sénateurs à l'avenir, une nette majorité de Canadiens répond systématiquement « oui ». La plupart s'entendent également pour dire que le rôle principal des sénateurs est de représenter et de défendre efficacement les intérêts des provinces, des régions et des minorités. Un Sénat qui fonctionne bien et dont les membres sont nommés par les provinces est essentiel pour créer un équilibre dans un pays aussi vaste que le Canada, compte tenu surtout de la forte concentration de la population au centre du pays.

En outre, les sénateurs créent et étudient les lois qui touchent directement l'ensemble des Canadiens au quotidien. J'estime que tous les législateurs, y compris les sénateurs, devraient être choisis par les Canadiens, par la population qui leur conférerait ainsi un mandat démocratique. Par ailleurs, des mandats de durée limitée permettraient aux Canadiens de choisir régulièrement leurs représentants au Sénat.

J'ai utilisé le mot « impérieuse » intentionnellement, car je suis plus optimiste aujourd'hui quant à la possibilité d'une réforme en profondeur du Sénat que je ne l'ai jamais été depuis 15 ans que je fais valoir cette cause publiquement. Je dis cela pour plusieurs raisons.

Premièrement, le maintien du statu quo au Sénat est politiquement intenable. Les Canadiens s'opposent de plus en plus à la nomination de sénateurs non élus, qui peuvent siéger pendant des décennies sans mandat démocratique.

Deuxièmement, aucun premier ministre, depuis la Confédération, n'a été aussi déterminé que Stephen Harper à nommer des sénateurs élus, ce que la nomination du sénateur Burt Brown et la mienne démontrent clairement.

Troisièmement, la Chambre des communes est maintenant saisie d'une mesure législative de réforme, qui est raisonnable et réalisable et qui ne modifie pas la Constitution.

Quatrièmement, la moitié des provinces ont adopté des lois permettant la sélection des sénateurs, présenté des projets de loi en ce sens ou parlé en faveur de ce type de mesures législatives.

Enfin, lors d'un récent sondage Angus Reid, plus de 70 p. 100 des Canadiens ont dit être en faveur d'un Sénat élu, y compris 72 p. 100 en Alberta, en Colombie-Britannique et en Ontario; 77 p. 100 au Manitoba et en Saskatchewan; 68 p. 100 au Québec; et 75 p. 100 dans les provinces de l'Atlantique.

À mon avis, tous ces facteurs signifient que, un jour, sept provinces ou plus, représentant au moins 50 p. 100 de la population, se joindront inexorablement au Parlement pour adopter une modification constitutionnelle qui permettra de créer un Sénat réformé qui soit véritablement représentatif du Canada et de sa population au XXIe siècle. Par conséquent, chers collègues, je...

Une voix : Le temps est écoulé.

Bilan-Faim 2012

Le recours aux banques alimentaires au Canada

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, s'il y avait un Sénat élu, je me porterais candidat et je gagnerais.

(1340)

Les sénateurs savent-ils que les enfants et les jeunes représentent 21 p. 100 de notre population, mais 38 p. 100 des Canadiens qui ont recours aux banques alimentaires? Savent-ils que, au Nunavut, les gens consacrent en moyenne 25 p. 100 de leur budget annuel à la nourriture, comparativement à 11 p. 100 ailleurs au Canada? Le prix exorbitant des aliments au Nunavut — il faut, par exemple, débourser 17 $ pour du lait, et 29 $ pour du fromage — est à l'origine de cette « insécurité alimentaire » et explique pourquoi un pourcentage si élevé de gens ont de la difficulté à se nourrir dans le Nord.

Les sénateurs savent-ils que, à cette époque-ci de l'année, les banques alimentaires canadiennes fournissent, chaque mois, l'équivalent de cinq jours de nourriture à une population égale à la population totale du Nouveau-Brunswick? Selon le septième rapport annuel de Banques alimentaires Canada, intitulé Bilan-Faim 2012, plus de 882 000 personnes se sont tournées vers les banques alimentaires en mars 2012 au Canada, soit 2,4 p 100 de plus qu'en 2011 et 31 p. 100 de plus qu'en 2008.

Parallèlement, les banques alimentaires peinent à répondre à la demande. Au cours de la dernière année, plus de la moitié des banques alimentaires du Canada ont dû réduire la quantité d'aliments qu'ils fournissent d'ordinaire aux ménages. En fait, plusieurs d'entre elles ont manqué de nourriture.

Les dons, même s'ils seront toujours nécessaires, ne permettent pas de s'attaquer aux causes profondes de ce problème préoccupant et inacceptable. Chacun de nous, dans chaque ordre de gouvernement, a la responsabilité morale et partagée de réduire l'ampleur du problème. Pourquoi, plus de 30 ans après l'ouverture de la première banque alimentaire du Canada, les gens ont-ils toujours besoin de recourir à leurs services?

Selon le Bilan-Faim 2012, le recours aux banques alimentaires a augmenté et est devenu plus complexe au fil des ans. Comme je le disais, certaines personnes, tels que les enfants, les jeunes et les Autochtones, sont nettement plus susceptibles d'y recourir. Plusieurs de sénateurs seront peut-être surpris d'apprendre que même des travailleurs, des familles biparentales, des aînés, des propriétaires et des étudiants y ont recours.

Il y a quelques années, lorsque j'étais journaliste, j'ai écrit un article sur des membres du personnel militaire à Halifax qui devaient recourir aux banques alimentaires pour arriver à joindre les deux bouts. La plupart des gens n'y ont recours que temporairement, mais une personne en manque de nourriture est toujours là pour venir après eux.

Banques alimentaires Canada a déterminé la principale raison qui explique pourquoi les Canadiens se tournent de plus en plus vers les banques alimentaires. Quelle est cette raison? C'est simple : un faible revenu. Voilà. Cet organisme a formulé une série de recommandations solides, basées sur des données objectives. Le gouvernement fédéral doit investir davantage dans le logement abordable, faire en sorte que les aînés vulnérables dispose d'une pension adéquate et améliorer les perspectives d'emplois bien rémunérés. Toutes les recommandations s'adressent à chacun des ordres de gouvernement et à chacun de nous. Je vous prie d'y réfléchir en cette saison des Fêtes.

Honorables sénateurs, je vous prie de considérer les recommandations de Banques alimentaires Canada et de contribuer comme vous le pouvez, à titre officiel ou personnel, aux banques alimentaires.

Les investissements étrangers dans nos ressources naturelles

L'honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, étant donné les décisions qu'a prises le gouvernement récemment au sujet des investissements étrangers dans les secteurs pétrolier et gazier, je souhaite aujourd'hui discuter de ces derniers d'un point de vue nordique. Selon moi, des investissements étrangers soutenus sont essentiels à la croissance future de l'industrie minière dans le Nord.

À l'heure actuelle, les petites entreprises minières indiquent sans exception que les capitaux d'investissement se font très rares, surtout les capitaux canadiens. Au Nunavut et au nord du 60e parallèle, l'éloignement et l'absence d'infrastructure entraînent une hausse importante des coûts, ce qui exacerbe le problème. Par conséquent, nombreuses sont les exploitations minières majeures dans les trois territoires du Nord qui sont soutenues par des investisseurs étrangers, qui sont propriétaires ou partenaires.

Globalement, on trouve au Nunavut des projets de mines de fer de plusieurs milliards de dollars, un projet de mine d'uranium, un projet de mine de diamants et un projet d'extraction de métaux de base et de métaux précieux. Or, tous ces projets ne progresseraient pas sans capital étranger. L'industrie du diamant des Territoires du Nord-Ouest se développe en grande partie grâce au capital étranger. Au Yukon, le capital étranger, investi surtout dans les projets de mines de zinc et de plomb de Selwyn et de Wolverine, s'élève aujourd'hui à 700 millions de dollars. À ma connaissance, ces entreprises ont respecté leurs obligations sociales et environnementales et les obligations découlant d'ententes sur les revendications territoriales.

Je tiens à féliciter le gouvernement pour les décisions judicieuses qu'il a prises récemment en ce qui concerne Nexen et Petronas, ce qui, selon moi, témoigne d'un environnement favorable aux investissements étrangers au Canada et dans le Nord du Canada. Ces décisions font en sorte que les mécanismes de protection des intérêts existent et qu'ils protègent, au cas par cas, les avantages nets du Canada.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du secrétaire général Franco Famularo et d'ambassadeurs de la paix : le révérend Stoyan Tadin, le révérend Mitch Dixon et l'ancien chef de police Armand La Barge, de la Universal Peace Federation. Ils sont les invités du sénateur Meredith.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale aussi la présence à la tribune du révérend Dean Dowle, d'Edmonton. L'archevêque lui a demandé de venir à Ottawa pour y étudier le droit canon. Il est l'invité du sénateur Unger.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La défense nationale

Les avions chasseurs—Dépôt de documents

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les documents suivants : le Rapport d'étape du Plan à sept volets, Secrétariat national d'approvisionnement en chasseurs, décembre 2012; Évaluation des options pour le maintien des capacités des avions chasseurs des Forces canadiennes : cadre de référence, gouvernement du Canada, décembre 2012; Capacité de la prochaine génération des chasseurs : Mise à jour annuelle, Défense nationale, décembre 2012; Chasseurs de la nouvelle génération : cadre du coût du cycle de vie, KPMG, novembre 2012; Chasseurs de la nouvelle génération : examen indépendant du coût du cycle de vie, KPMG, novembre 2012; et Participation de l'industrie canadienne au Programme d'avions de combat interarmées F-35, Industrie Canada, décembre 2012.

[Traduction]

La Commission de la santé mentale

Dépôt du rapport annuel de 2011-2012

L’honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 2011-2012 de la Commission de la santé mentale du Canada, intitulé Ensemble, nous accélérons le changement.

[Français]

Les affaires autochtones et le développement du Nord

L'Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador—Dépôt du rapport annuel de 2010-20111

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 2010-2011 du Comité de mise en œuvre de l'Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador.

Énergie, environnement et ressources naturelles

Budget et autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer—L'étude sur l'état actuel de la sécurité du transport en vrac des hydrocarbures—Présentation du sixième rapport du comité

L'honorable Grant Mitchell, vice-président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, présente le rapport suivant :

Le jeudi 13 décembre 2012

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles à l'honneur de présenter son

SIXIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le mercredi 28 novembre 2012 à examiner l'état actuel de la sécurité du transport en vrac des hydrocarbures au Canada et à en faire rapport demande respectueusement des fonds pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2013, et demande qu'il soit, aux fins de ses travaux, autorisé à embaucher tout conseiller juridique et personnel technique, de bureau ou autre dont il pourrait avoir besoin et à voyager à l'intérieur du Canada.

Conformément au chapitre 3:06, article 2(1)(c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le vice-président,
GRANT MITCHELL

(Le texte du budget figure à l'annexe A des Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1844.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du Mitchell, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la séance plus tard aujourd'hui.)

[Traduction]

Affaires étrangères et commerce international

Budget et autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer—L'étude de l'évolution de la situation économique et politique en Turquie—Présentation du dixième rapport du comité

L'honorable A. Raynell Andreychuk, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, présente le rapport suivant :

Le jeudi 13 décembre 2012

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a l'honneur de présenter son

DIXIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le mercredi 7 novembre 2012 à examiner, pour en faire rapport, l'évolution de la situation économique et politique en Turquie, ainsi que l'influence qu'exerce ce pays sur l'échiquier régional et mondial, les implications sur les intérêts et les perspectives du Canada et d'autres questions connexes, demande respectueusement des fonds pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2013 et demande qu'il soit, aux fins de ses travaux, autorisé à :

a) embaucher tout conseiller juridique et personnel technique, de bureau ou autre dont il pourrait avoir besoin; et

b) voyager à l'extérieur du Canada.

Conformément au chapitre 3:06, article 2(1)(c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,
A. RAYNELL ANDREYCHUK

(Le texte du budget figure à l'annexe B des Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1854.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Andreychuk, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)

(1350)

Régie interne, budgets et administration

Dépôt du dix-septième rapport du comité

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le dix-septième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, qui porte sur le rapport annuel concernant les vérifications internes de 2011-2012.

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Présentation du dix-neuvième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L'honorable Bob Runciman, président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :

Le jeudi 13 décembre 2012

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

DIX-NEUVIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-293, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (plaignants quérulents), a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 25 octobre 2012, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
ROBERT W. RUNCIMAN

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Boisvenu, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

L'examen législatif des dispositions et de l'application de la Loi modifiant le Code criminel (communication de dossiers dans les cas d'infraction d'ordre sexuel)

Dépôt du vingtième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L'honorable Bob Runciman : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le vingtième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, intitulé Examen législatif des dispositions et de l'application de la Loi modifiant le Code criminel (communication de dossiers dans les cas d'infraction d'ordre sexuel), L.C. 1997, ch. 30.

(Sur la motion du sénateur Runciman, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-37, Loi modifiant le Code criminel, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carignan, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

La Loi de l'impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières), accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carignan, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

Les droits de la personne

La campagne Un million de cœurs—Une voix—Présentation d'une pétition

L'honorable Thanh Hai Ngo : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter une pétition intitulée Un million de cœurs — Une voix, une initiative lancée et dirigée par M. Truc Ho, musicien et compositeur. La pétition est signée par les gens de la communauté vietnamo-canadienne de Montréal, avec l'appui du Vietnam Human Rights Network. Les pétitionnaires demandent au gouvernement du Canada de rappeler au Vietnam qu'il doit respecter la Déclaration universelle des droits de l'homme et d'exiger la libération immédiate de tous les écrivains, artistes et autres prisonniers de conscience qui sont emprisonnés par la République socialiste du Vietnam dans des conditions extrêmement pénibles pour avoir fait la promotion de la démocratie, de la liberté et des droits de la personne. Hier, soit le 12 décembre 2012, cette pétition a été présentée à l'autre endroit par les députés Hoang Mai et Anne Minh Thu Quach.


PÉRIODE DES QUESTIONS

La défense nationale

L'acquisition d'avions

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, vous ne serez pas surpris d'apprendre que ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat, et qu'elle porte sur le fiasco des F-35.

L'achat des F-35, la plus importante acquisition de matériel de défense jamais faite par le gouvernement du Canada constitue, selon Andrew Coyne, du Financial Post :

[...] un mélange d'incompétence coupable et de fausse représentation délibérée. Ce fut d'abord un manque catastrophique de surveillance, suivi de nombreux mois de malhonnêteté, de secrets et de réponses évasives, pour culminer par ce qu'on ne peut que qualifier de fraude électorale — puis il y a eu encore plus de malhonnêteté concernant tout ce qui s'était passé auparavant.

Votre gouvernement a présenté une série de chiffres aux Canadiens et aux parlementaires. Vous vous êtes ensuite fait prendre par le directeur parlementaire du budget, dont vous avez rejeté et dénigré le rapport. Vous vous êtes ensuite fait prendre par le vérificateur général, ce qui vous a incité à retenir les services d'autres vérificateurs, en l'occurrence ceux de KPMG, et vous vous êtes maintenant fait prendre par eux.

Vous dites vouloir aller de l'avant, tout reprendre à zéro. Or, nous savons tous que c'est impossible tant que vous n'aurez pas admis que vous aviez tort au départ. Que faudra-t-il pour que votre gouvernement admette ses torts et reconnaisse qu'il a induit les Canadiens et le Parlement en erreur?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, inutile de dire que les divagations d'Andrew Coyne ont peu d'influence sur moi ou sur quiconque. Elles ne tiennent pas debout. En fait, ce que nous prétendons depuis le début a été confirmé par...

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur LeBreton : Les fêtes de Noël auraient-elles déjà commencé en face?

Une voix : C'est exactement l'impression que cela donne.

Le sénateur LeBreton : Exactement, sénateur. C'est ce que je viens de dire.

Comme je l'ai dit hier, compte tenu des conclusions du vérificateur général, le ministère de la Défense nationale a voulu obtenir une estimation du cycle de vie complet de l'appareil. Ainsi, plutôt que d'établir les coûts sur 20 ans, comme c'était la norme depuis des années, on a établi les coûts sur toute la durée du programme, soit 42 ans. J'ai d'ailleurs donné l'exemple de ma petite Ford Focus il y a quelques jours.

Devinez ce qu'un autre cadre d'établissement des coûts, élaboré par KPMG, un vérificateur indépendant, a permis d'établir? Le coût d'achat estimé de 65 F-35 demeure le même. Les coûts estimés pour faire voler cet appareil pendant 20 ans demeurent très semblables à l'estimation d'origine.

Il va sans dire que les sommes correspondant à une période de 42 ans seront proportionnellement plus élevées que celles correspondant à une période de 20 ans. De plus, le coût annuel moyen du programme des F-35 est évalué à 1 milliard de dollars par année. Cela comprend les coûts qui seront engagés peu importe quel avion est choisi au final. Par conséquent, les coûts additionnels sont uniquement attribuables au prolongement de l'échéancier, que le vérificateur général a fait passer de 20 à 42 ans.

(1400)

Le sénateur Cowan : C'est tellement incroyable que je ne peux pas croire que le ministre vient de dire une telle chose. Passons.

Lors de la conférence de presse tenue hier, la ministre des Travaux publics, Rona Ambrose, a dit aux Canadiens que pas un sous n'avait été dépensé pour l'acquisition des appareils. Or, l'année dernière, le 25 février 2011 plus précisément, le ministre de la Défense nationale, Peter Mackay a dit ceci : « Si cet achat est annulé [...] pour qu'on puisse lancer une nouvelle demande de propositions, les contribuables devront débourser 1 milliard de dollars [...] ».

Qui a raison? Les Canadiens seront-ils tenus de débourser 1 milliard de dollars parce que le gouvernement dont le leader fait partie reprend le processus du début, ou rien du tout? Qui a trompé les Canadiens? Le ministre de la Défense nationale l'année dernière ou la ministre des Travaux publics hier?

Le sénateur LeBreton : Ni l'un ni l'autre n'a trompé les Canadiens, même si les sénateurs d'en face le souhaitent de tout cœur. Je le répète : aucun ministre n'a trompé les Canadiens. Aucune somme d'argent n'a été dépensée pour l'acquisition de nouveaux appareils. Les fonds visant l'acquisition d'appareils de remplacement sont encore gelés, et l'appareil qui remplacera le CF-18 ne sera pas choisi tant que le plan en sept points n'aura pas été mené à terme.

Le sénateur Cowan : Permettez-moi de citer de nouveau le ministre de la Défense nationale, Peter MacKay, qui a dit : « Si cet achat est annulé [...] », ce qui semble être le cas, « pour qu'on puisse lancer une nouvelle demande de propositions [...] », ce que le gouvernement a affirmé qu'il fera, « les contribuables devront débourser 1 milliard de dollars [...] ». Est-ce vrai?

Le sénateur LeBreton : Je viens tout juste de dire que le ministre de la Défense nationale n'a pas trompé le public. La ministre des Travaux publics et le ministre de la Défense nationale ont fait une apparition publique hier, comme ils l'avaient promis, et nous avons présenté aujourd'hui ces documents au Parlement.

Le sénateur a déclaré tout à l'heure qu'il n'arrivait pas à croire ce que je venais de dire. Il ne s'agissait pourtant pas de ce que je pensais, mais plutôt des constatations de KPMG.

Le sénateur Cowan : Qu'est-ce que le ministre de la Défense nationale a voulu dire lorsqu'il a fait la déclaration suivante : « Si cet achat est annulé [...] pour qu'on puisse lancer une nouvelle demande de propositions, les contribuables devront débourser 1 milliard de dollars [...] »? Que voulait-il dire?

Le sénateur Tardif : Bonne question.

Le sénateur LeBreton : Comme le sénateur le sait, c'est le gouvernement précédent qui a décidé de participer à ce programme. Comme nous le savons aussi, un nombre considérable d'entreprises aérospatiales canadiennes travaillent déjà au développement de cet appareil.

Le sénateur Cowan : Ma question n'avait rien à voir avec cela. Ma question était la suivante : qu'est-ce que le ministre de la Défense nationale a voulu dire lorsqu'il a fait la déclaration suivante : « Si cet achat est annulé [...] pour qu'on puisse lancer une nouvelle demande de propositions, les contribuables devront débourser 1 milliard de dollars [...] » Quelle est cette somme de 1 milliard de dollars dont il parlait alors?

Le sénateur Mitchell : Oui!

Le sénateur LeBreton : La seule somme de 1 milliard de dollars dont je peux parler, c'est le fait que, comme KMPG l'a souligné et comme nous le savons tous, le programme des avions de chasse va coûter environ 1 milliard de dollars par année. C'est la seule somme de 1 milliard de dollars à laquelle je peux penser.

Le sénateur Cowan : Je n'ai pas posé de question sur la somme de 1 milliard de dollars dont le leader vient de parler. Je parlais du milliard de dollars dont a fait mention le ministre de la Défense nationale dont madame le leader prend la défense ici aujourd'hui. Le singe du magasin IKEA est plus crédible que le ministre de la Défense nationale.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Le leader a dit tout à l'heure que, selon le gouvernement, le véritable enjeu maintenant, c'est le cycle de vie des appareils et la nécessité de tenir compte des coûts liés au développement, qui remontent à 2010. Permettez-moi de citer une autre déclaration. Voici ce qu'a dit le premier ministre le 8 avril 2011 :

Quant aux coûts du développement dont il est question aux États-Unis, les contrats que nous avons signés...

— je vais laisser cet aspect de côté —

... nous protègent de toute hausse liée aux frais de ce genre. Nous avons pleinement confiance en nos estimations, qui comprennent une certaine marge de manœuvre afin de parer à toute éventualité. Nous sommes confiants que nous ne dépasserons pas ces estimations.

Si ces contrats nous protégeaient en 2011, pourquoi ne nous protègent-ils pas aujourd'hui? Pourquoi le premier ministre a-t-il déclaré l'an dernier que les Canadiens ne devraient pas s'inquiéter des coûts de développement, mais que tout à coup, il affirme que ce sont précisément ces coûts qui font en sorte que le prix n'est plus 9 milliards de dollars, mais bien 45,8 milliards de dollars?

Le sénateur LeBreton : Le gouvernement a évalué la sommes requise pour l'achat de nouveaux chasseurs à 9 milliards de dollars. C'est le montant que nous avons réservé pour cet achat, et nous ne le dépasserons pas. Ce que le vérificateur général a publié — et ce qui a été publié hier — constitue l'ensemble des coûts pour toute la durée de vie de ces avions.

Le sénateur Tkachuk : C'est la même chose lorsqu'on achète une voiture.

Le sénateur LeBreton : Le sénateur a beau utiliser toutes sortes d'images amusantes et faire entre autres mention d'un singe, il n'en demeure pas moins que...

Le sénateur Cowan : J'ai cité le premier ministre, pas le singe.

Le sénateur LeBreton : Nous avons réservé 9 milliards de dollars pour l'achat de ces appareils. Ce montant n'a pas changé. La seule chose qui a changé, c'est que l'estimation d'origine, qui était fondée sur une période de 20 ans, est maintenant fondée sur une période de 42 ans, comme l'a exigé le vérificateur général. C'est à peu près le même montant, seulement, il s'étend maintenant sur une période de 42 ans.

L'honorable Pamela Wallin : J'ai une question complémentaire. Madame le leader, corrigez-moi si je me trompe. J'ai lu ces documents très attentivement. Les vérificateurs indépendants de la firme KPMG, qui ont examiné ces chiffres, ont confirmé dans leur rapport que la somme de 9 milliards de dollars réservée à l'achat des chasseurs était juste.

Le sénateur Oliver : Bravo!

Le sénateur Wallin : KPMG a vérifié la validité de ce chiffre. Au sujet de la demande d'évaluation des coûts pour une durée de vie de 42 ans, les vérificateurs indépendants ont déclaré que les chiffres avancés seraient, au mieux, une vague estimation, puisqu'il est impossible de prédire des éléments comme le coût de l'essence, des pensions, des salaires ou même des lacets de chaussure, et que les retombées industrielles à ce point-ci, même....

Le sénateur Munson : Avez-vous une question?

Le sénateur Wallin : J'y arrive.

Une voix : Nous attendons. C'est long.

Le sénateur Wallin : Le secteur canadien de l'aérospatiale profite encore des retombées industrielles tandis que nous procédons à cette évaluation. Le projet d'acquisition n'est pas annulé. Il progresse. Madame le leader me corrigera si j'ai tort.

Si elle avait des documents écrits en gros caractères et très faciles à lire, elle pourrait les transmettre aux sénateurs d'en face.

Le sénateur LeBreton : Je remercie madame le sénateur Wallin de sa question. Elle a lu les documents et les a compris. Nos collègues d'en face ne les ont pas lus ou, s'ils l'ont fait, ils n'ont pas voulu croire ce qui y était indiqué.

Pour répondre directement à sa question, je dirai que le Canada n'éliminera pas l'accès de l'industrie aux contrats liés aux F-35 tant que le plan en sept points ne sera pas mis en œuvre et que nous n'aurons pas pris une décision quant au remplacement des CF-18. Le secteur de l'aérospatiale continue de profiter des retombées industrielles — lesquelles sont considérables, comme le sénateur Wallin le sait; environ un demi-milliard de dollars — pendant que nous réalisons notre plan en sept points.

L'honorable Wilfred P. Moore : Ma question s'adresse également au leader du gouvernement au Sénat.

Le 26 mars 2011, premier jour de la campagne électorale de 2011, le premier ministre a remercié les Canadiens de la confiance qu'ils lui témoignaient. Seulement quatre jours plus tard, il a dit : « Toutes les données que nous avons indiquent que les coûts de ces chasseurs, dont nous avons besoin, sont parfaitement conformes aux estimations [...] les coûts ne dépassent pas les estimations et le projet va bon train. »

Nous savons que les données indiquaient autre chose, c'est-à-dire que les coûts avaient explosé, que le programme n'allait pas bon train et que c'est plutôt le contraire qui se produisait.

Madame le leader peut-elle demander aux membres du club des huit ans de se calmer afin que je puisse poser ma question? C'est irrésistible, tellement facile.

Je voudrais que le leader explique aux Canadiens la raison pour laquelle le premier ministre du Canada les a trompés au jour 4 de la campagne électorale.

(1410)

Le sénateur LeBreton : Comme quoi les chiffres du sénateur Moore ne sont pas plus fiables, c'est le club des neuf ans, pas le club des huit ans.

Quoi qu'il en soit, le premier ministre n'a pas trompé les Canadiens. Tout est confirmé par le rapport indépendant. Le sénateur Wallin devrait peut-être organiser une séance d'information.

Le sénateur Wallin : Je le ferai avec plaisir.

Le sénateur LeBreton : La vérification indépendante effectuée par KPMG a tout confirmé.

Le sénateur Moore : Honorables sénateurs, je répète la question que j'ai posée à madame le leader mardi. Le 8 avril 2011, M. Harper a déclaré, et je cite :

Il faut comprendre que nous avons été très transparents envers les Canadiens au sujet des coûts des F-35. Quant aux coûts du développement dont il est question aux États-Unis, les contrats que nous avons signés nous protègent de toute hausse liée aux frais de ce genre. Nous avons pleinement confiance en nos estimations, qui comprennent une certaine marge de manœuvre afin de parer à toute éventualité. Nous sommes confiants que nous ne dépasserons pas ces estimations.

Nous savons maintenant qu'il s'agissait d'une fausseté manifeste. Un flou entourait les coûts. La population canadienne n'a pas été informée. Voilà pourquoi, lamentablement et pour la première fois dans un Parlement modelé sur Westminster, un gouvernement — en l'occurrence celui de madame le leader — est reconnu coupable d'outrage au Parlement, et ce constat demeure à l'heure qu'il est. Vous n'avez pas satisfait la population. Vous n'avez pas détaillé les coûts. Je ne comprends pas ces cachotteries. Il s'agit de l'argent des contribuables. Le gouvernement n'a pas le droit de taire l'information. Il n'y avait aucun contrat. Le gouvernement était tenu de mettre les cartes sur table. Je cherche donc de nouveau à connaître l'avis de madame le leader : pourquoi le premier ministre a-t-il trompé les Canadiens? Selon elle, quel était le fond de sa pensée?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je répéterai ma réponse puisque, de toute évidence, le sénateur n'a pas entendu celle que j'ai donnée au sénateur Cowan. Ma réponse est très claire : le premier ministre et le gouvernement n'ont pas trompé la population canadienne. Le sénateur s'inspire des accusations qui circulent ces temps-ci au lieu de prendre connaissance des faits. Voici les faits.

À la suite des recommandations du vérificateur général, le MDN a évalué le coût des appareils sur 42 ans, c'est-à-dire sur toute leur durée de vie, au lieu d'utiliser une période de 20 ans comme le voulait la pratique établie depuis très longtemps. L'estimation demeure la même quand on évalue le coût d'achat de 65 F-35 en utilisant le nouveau cadre d'établissement des coûts élaboré par KPMG, un évaluateur indépendant. C'est KPMG qui le dit. Ce n'est pas moi, ni votre ami Andrew Coyne, ni Deborah, ni qui que ce soit d'autre.

Le coût requis pour faire fonctionner ces appareils pendant 20 ans, selon les estimations, est très près de la somme que nous avions annoncée aux contribuables canadiens. La différence, c'est que le vérificateur général a exigé une nouvelle façon de traiter ces achats, et que nous avons adopté cette méthode. Il est évident que le coût prévu pour assurer le fonctionnement des avions pendant 42 ans est proportionnellement plus élevé que le chiffre qui était fondé sur une période de 20 ans. Selon les estimations, le programme des F-35 coûtera environ 1 milliard de dollars par année, en moyenne.

Le sénateur Munson : Qu'est-ce qui coûtera 1 milliard?

Le sénateur LeBreton : Ce montant inclut les coûts qu'il faudra assumer quel que soit l'appareil choisi pour remplacer les CF-18.

Le sénateur Moore : J'aurais une autre question. Il est toujours agréable de voir le leader lire ses cartes. Toutefois, ma question est...

Le sénateur Tkachuk : Et vous, que lisez-vous?

Le sénateur Day : Quelque chose qui n'a pas été écrit par le premier ministre, je vous l'assure.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Moore : Ma question est celle-ci, et elle porte sur l'intégrité même de notre système. Madame le leader ne trouve-t-elle pas embarrassant que son gouvernement ait été reconnu coupable d'outrage au Parlement, et que le premier ministre ait trompé la population canadienne? Elle doit avoir beaucoup de mal à prendre la parole ici pour défendre des comportements comme ceux-là. J'aimerais savoir : de l'avis personnel de madame le leader — c'est-à-dire ce qu'elle pense en son for intérieur, sans regarder ses cartes —, pourquoi le premier ministre a-t-il agi ainsi?

Le sénateur LeBreton : Je lisais mes notes pour m'assurer que je répétais fidèlement ce que le vérificateur indépendant, KPMG, a dit. Je suis très fière de notre premier ministre.

Des voix : Bravo!

Le sénateur LeBreton : Le premier ministre est un homme bien un homme honnête, qui ne ménage pas ses efforts, qui a une conduite morale et qui ne trompe pas le public canadien. Je me demande comment le sénateur Moore peut proférer des accusations contre le gouvernement alors que lui et ses collègues ont subtilisé 40 millions de dollars aux contribuables, lors du scandale des commandites, et que nous n'avons toujours pas revu cet argent.

[Français]

L'honorable Dennis Dawson : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Quelle fin de session, honorables sénateurs! On dirait qu'en 2012 les 100 derniers jours du gouvernement conservateur à Ottawa sont pires que les 100 premiers jours du gouvernement Marois à Québec. C'est un peu gênant.

[Traduction]

Les 100 derniers jours du gouvernement sont pires que les 100 premiers jours au pouvoir de Pauline Marois, ce qui est pourtant difficile à battre, honorables sénateurs.

[Français]

D'ailleurs, il est difficile de dire qui est le plus menteur : Lisée ou MacKay?

Pourquoi encore induire les Canadiens en erreur? Quand allez-vous procéder à un processus d'appel d'offres compétitif? Vous dites que vous reprenez du début le projet, mais vous rebroussez à mi-chemin afin de vous protéger. Pourquoi ne pas procéder à un vrai nouveau départ et procéder à un véritable appel d'offres compétitif, ouvert et transparent?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Premièrement, honorables sénateurs, je vous dirais que, chaque jour depuis qu'il est au pouvoir, le gouvernement n'a jamais cessé de se concentrer avant tout sur l'emploi, l'économie et la prospérité à long terme. C'est pourquoi, depuis juillet 2009, près de 900 000 emplois ont été créés, net, au pays sous notre gouvernement. Parmi les grands pays développés, c'est au Canada que le fardeau de la dette publique est le plus bas. Nous avons réduit de moitié notre déficit. À l'inverse, le parti du sénateur n'a aucun plan économique.

Honorables sénateurs, je n'ai pas besoin de m'en tenir aux 100 derniers jours. Je pourrais vous parler de tout le mandat de notre gouvernement. Au cours des dix derniers jours, le premier ministre, fidèle à ses principes, a solidement pris position dans le dossier de l'acquisition de Nexen par CNOOC. Comme nous l'avons promis au Parlement, et comme les sénateurs le savent, nous avons donné suite au rapport du vérificateur général en établissant un plan en sept points, et c'est pourquoi nous avons assisté à l'annonce faite hier.

En fait, bien que les sénateurs et certaines personnes dans les médias tiennent à croire le contraire, KPMG a simplement confirmé ce que le gouvernement a toujours dit.

Le sénateur Dawson : Madame le ministre peut parler de ce que dit KPMG. Moi, je rapporterai les propos que M. MacKay a tenus le 25 février :

Si cet achat est annulé [...] pour qu'on puisse lancer une nouvelle demande de propositions, les contribuables devront débourser 1 milliard de dollars, et la Force aérienne manquera de moyens opérationnels.

Madame le leader ne peut pas changer le passé récent. L'achat est annulé. Cela coûtera-t-il 1 milliard de dollars, oui ou non? Quand nous a-t-on trompés, en février ou maintenant?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, c'est un fait, nous disons depuis le début que 9 milliards de dollars sont prévus pour l'achat d'un nouvel appareil. Je souligne de nouveau que pas un seul sou n'a été versé pour l'achat d'un nouvel avion, parce que nous suivons le processus que nous avons annoncé le printemps dernier. L'appareil qui remplacera les CF-18 ne sera pas choisi tant et aussi longtemps que notre plan en sept points n'aura pas été complètement mis en œuvre.

Cela dit, comme je viens de le mentionner en réponse à la question du sénateur Wallin, qui portait évidemment sur les F-35, plusieurs sociétés engagées dans ce processus sont situées dans la province, et même dans la ville, du sénateur Dawson et ce dernier devrait se soucier de l'industrie aérospatiale.

(1420)

Le fait est que les montants en question proviennent des documents déposés aujourd'hui parce que le vérificateur général a demandé au gouvernement de déterminer le coût des avions sur toute leur durée de vie. Quel que soit l'avion que le gouvernement décide d'acheter, le coût annuel du maintien de la capacité des avions de chasse s'élèvera à 1 milliard de dollars; soit dit en passant, c'est la même somme que payent les contribuables canadiens tous les ans pour CBC/Radio-Canada.

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je suis heureuse de constater que le ministre MacKay, la ministre Ambrose et le leader du gouvernement au Sénat lisent les mêmes notes d'allocution. Quel que soit le conservateur, c'est toujours la même histoire.

Le leader du gouvernement au Sénat a affirmé ici même que les contribuables n'ont pas perdu d'argent dans tout cela. Le ministre MacKay a affirmé, comme l'ont dit les sénateurs qui sont intervenus avant moi, que l'annulation coûtera 1 milliard de dollars aux contribuables. C'est à nous de décider qui croire.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle dire combien a coûté la séance photo hautement médiatisée durant laquelle les ministres Ambrose et MacKay s'étaient fièrement assis aux commandes d'un modèle de F-35?

Le sénateur LeBreton : L'absurdité de cette question me fait croire que ce n'est pas Noël qui approche, mais plutôt l'Halloween.

Honorables sénateurs, je sais que le sénateur Cordy est le nouveau fer de lance du Parti libéral du Canada.

Des voix : Bravo!

Le sénateur LeBreton : Elle s'en prend au NPD dans le courrier des lecteurs et les éditoriaux de tous les journaux du pays. Elle joue son rôle, soit, mais les faits sont les faits.

Le rapport qui a été rendu public hier montre que le montant d'argent mis de côté par le gouvernement pour l'achat de l'avion était de 9 milliards de dollars. C'est le même montant. Les coûts établis sur 20 ans sont pratiquement les mêmes. La différence, c'est que le montant couvre maintenant les coûts pour toute la durée de vie de l'avion.

Le sénateur Cordy : Je suis fort flattée que le leader lise mes analyses et commentaires dans les journaux au sujet de l'unité nationale, car, à l'instar de tous les libéraux, je considère cette question fort importante.

Des fonctionnaires ont passé des milliers d'heures à travailler sur le processus d'acquisition des F-35 — un processus non concurrentiel. Pourtant, madame le leader dit que cela n'a pas coûté un sou aux contribuables canadiens? C'est incroyable. En fait, on pourrait dire que ce n'est pas croyable. Prétend-elle toujours que les séances de photos du ministre MacKay et de la ministre Ambrose, les séances de photos du premier ministre assis fièrement à bord de l'appareil et les milliers d'heures de travail que les fonctionnaires ont consacré à ce dossier n'ont rien coûté?

Le sénateur LeBreton : Madame le sénateur Cordy considère-t-elle qu'il n'y a aucun coût associé à son rôle de sénateur? Je disais que le gouvernement n'a encore rien dépensé pour l'achat de ce nouvel avion.

En ce qui a trait à la question de la concurrence, comme je l'ai répété dans cette enceinte, nous avons mis en place un plan en sept points qui reprend à zéro le processus de remplacement des chasseurs. Des fonctionnaires impartiaux et deux spécialistes de l'extérieur, dont un ancien vérificateur général du Canada, surveillent la mise en œuvre du plan. Mercredi, le secrétariat a montré l'engagement du gouvernement d'envisager d'autres options que le F-35, en publiant les règles qui guideront l'examen d'autres chasseurs.

La question du sénateur Cordy sur le coût des heures travaillées par les fonctionnaires donne une tout autre dimension à l'affaire. Devrons-nous désormais comptabiliser ces coûts? Que ce soit au ministère de la Défense nationale, à Ressources humaines et Développement des compétences Canada ou au Sénat, les dépenses de bureau et le travail effectué par les fonctionnaires coûtent évidement de l'argent aux contribuables. Même chose pour les fonctionnaires qui travaillent sur ce dossier.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Claude Carignan, (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 4-13(3) du Règlement, j'avise le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l'ordre suivant : le projet de loi C-50, le projet de loi C-36, le projet de loi C-27, la motion no 54, le projet de loi C-45 et, enfin, les rapports de comités.

[Traduction]

Projet de loi de crédits no 4 pour 2012-2013

Troisième lecture

L'honorable Larry W. Smith propose que le projet de loi C-50, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2013, soit lu pour la troisième fois.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Smith d'avoir proposé la troisième lecture de ce projet de loi.

Honorables sénateurs, il s'agit d'un projet de loi de crédits fondé sur le Budget supplémentaire des dépenses (B), que nous avons étudié. Nous entamons donc immédiatement la troisième lecture de cette mesure. Le gouvernement demande, dans ce Budget supplémentaire des dépenses, des crédits totalisant 2,5 milliards de dollars. Mais à quelles fins, honorables sénateurs? La réponse se trouve dans les annexes 1 et 2 jointes au projet de loi C-50. Ces annexes sont exactement celles que le Comité sénatorial permanent des finances nationales a étudiées et au sujet desquelles il a fait rapport. Comme nous avons déjà débattu ce rapport, il n'est qu'approprié que nous procédions maintenant à la troisième lecture du projet de loi C-50.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, je veux attirer l'attention sur un aspect dans le cadre du débat sur le projet de loi C-50. À l'intérieur de l'enveloppe budgétaire de la Défense nationale, un important montant d'argent a été transféré des dépenses en capital aux dépenses de fonctionnement. Cela fait partie du projet de loi. Nous avons voté là-dessus hier.

Ce faisant, le gouvernement s'éloigne de sa philosophie des trois dernières années. En effet, ces trois dernières années, le gouvernement avait refusé de déplacer des fonds du crédit 5 — dépenses en capital —, au crédit 1 — dépenses de fonctionnement —, et avait donc privé la Défense nationale de ces fonds pour ses dépenses de fonctionnement et ses dépenses budgétaires globales.

Je suppose que le gouvernement voulait épargner de l'argent. Or, même s'il présente un budget des dépenses imposant, il a dépensé — du moins, ces années-là — de 450 à 500 millions de dollars par année.

Soudainement, cette année, on change de cap, même si les ministres avaient promis de protéger les dépenses en capital. Les ministres ont dit qu'ils ne transfèreraient pas de fonds du programme d'immobilisations pour financer les activités d'exploitation et d'entretien, parce que le dépassement du programme d'immobilisations fait en sorte que ce dernier a grandement besoin des fonds qui lui sont attribués. D'un côté, nous disons qu'il y a un dépassement du programme d'immobilisations de la Défense nationale et que le gouvernement retarde des projets, comme l'achat des F-35, mais de l'autre, nous revenons sur notre position et permettons que des fonds tirés du programme d'immobilisations soient transférés à l'exploitation et à l'entretien, après avoir dit que le programme connaissait un dépassement.

(1430)

À mon avis, honorables sénateurs, il y a un problème fondamental de gestion des finances à la Défense nationale, telles qu'elles sont administrées par le chef de la direction financière, le sous-ministre et, en définitive, le ministre. Le financement et le contrôle sur les fonds relève de leurs compétences. Au cours des dernières années, ils ont exprimé très clairement, sur ce même point, qu'ils ne pouvaient absolument pas transférer des fonds du crédit 5 au crédit 1 parce que le programme d'immobilisations est essentiel et que les fonds qui n'étaient pas dépensés devaient être reportés et rajustés l'année suivante. Eh bien, il n'y a ici aucun rajustement pour l'année prochaine en ce qui concerne les 370 millions de dollars qui seront dépensés maintenant pour veiller à pallier le manque de financement. Autrement dit, rien n'indique que les 370 millions de dollars seront récupérés.

Le major-général des finances a dit au comité de ne pas nous inquiéter, qu'ils pouvaient trouver l'argent. Cela signifie que, l'année prochaine, il traficotera encore avec les fonds d'exploitation et d'entretien pour rétablir le niveau de financement du programme d'immobilisations dont le ministère a besoin, parce qu'ils ont perdu ces 370 millions de dollars cette année. Ce n'est pas comme si l'on réduisait les dépenses pendant un an et que cela s'arrêtait là. Le programme d'immobilisations est un programme continu d'une durée de 15 ans. Il se prolonge dans le temps et se voit octroyer un financement chaque année en fonction d'une très longue liste de projets, dont certains se concrétisent au bout d'une vingtaine d'années. Le projet des F-35 prendra peut-être plus de temps que cela, mais c'est normal. Des sommes sont engagées chaque année et les fonds dépensés doivent garantir que le programme demeure sur la bonne voie. Premièrement, si les fonds ne sont pas dépensés et qu'ils sont transférés à l'exploitation et à l'entretien, cela nuit au projet en diminuant les ressources qu'on tente d'obtenir. Deuxièmement, si les ressources ne font pas que diminuer, cet écart peut entraîner le report de ces projets.

Le budget représente une réorientation stratégique considérable, mais le gouvernement n'a toujours pas expliqué comment il compte récupérer les fonds d'immobilisations. Il se contente de dire qu'il trouvera l'argent qu'il doit dépenser. Je n'en suis pas convaincu.

[Français]

Nous sommes en train d'hypothéquer, pour l'an prochain, le volet « Opération et entretien des Forces armées », qui inclut les infrastructures, l'entraînement, les munitions, la nourriture, les pièces de rechange, tous les carburants, tous les bénéfices à payer pour les soldats en devoir temporaire.

L'enveloppe nécessaire afin de garder les forces armées opérationnelles, afin qu'elles continuent à rouler et à se prévaloir de leurs compétences, subira encore énormément de pression parce qu'on devra aller chercher ces sommes dans l'enveloppe de l'an prochain pour s'assurer que l'argent soit disponible pour le programme capital qui sera dépensé au cours des années à venir.

Ce n'est pas qu'un exercice pour s'assurer qu'on peut boucler le budget de l'année. Les décisions prises cette année hypothéqueront le budget des années à venir, ainsi que la capacité opérationnelle des unités, et ce, honorables sénateurs, après avoir appris que 40 p. 100 des compressions au budget de la Défense nationale seront concentrées sur l'entretien et les opérations.

[Traduction]

Honorables sénateurs, étant donné les dépenses fixes, la nécessité de protéger les programmes d'immobilisations et la taille de l'effectif, la grande majorité des coupes imposées à la Défense nationale au cours des quelques dernières années ont été absorbées par le budget d'exploitation et d'entretien — et je ne parle pas de compressions de 10 ou 15 p. 100, mais plutôt d'environ 40 p. 100. Nous empêchons ainsi les forces armées de maintenir leur capacité opérationnelle à un niveau efficace. Ce n'est pas comme si on se croise les bras à rien faire lorsqu'on n'est pas en guerre. Mon beau-frère m'a demandé : « Qu'est-ce que vous faites au quotidien dans l'armée? On n'est pas en guerre. Que faites-vous? » Je lui ai répondu : « C'est plutôt simple. Chacun d'entre nous doit communiquer avec le quartier général à une heure donnée. Dans mon cas, c'était à 7 h 31 le matin. J'appelle pour demander si on a déclaré la guerre, et dans la négative, je reste chez moi. » J'ai également dit qu'on ne nous paie pas lorsqu'il pleut ou qu'il neige parce que nous ne nous entraînons pas ces jours-là. Ce n'est pas vrai; ce n'est pas du tout comme cela, en réalité.

Notre capacité opérationnelle diminue à mesure que nos activités ralentissent à cause des compressions massives qu'ont subies le budget d'exploitation et d'entretien et les fonds destinés aux infrastructures, ce qui explique l'incroyable retard accumulé dans l'entretien de nos infrastructures, sans parler de la construction de nouvelles infrastructures devant répondre aux exigences du nouvel équipement, et ainsi de suite. C'est ce qu'ont accompli les compressions budgétaires, mais le projet de loi C-50 dont nous sommes saisis ne fait qu'exacerber le problème : on affirme qu'on va couvrir une partie des frais d'exploitation et d'entretien cette année à cause de la pension de retraite, qui constitue une bonne portion des dépenses, mais il faudra puiser dans le budget d'immobilisations. L'année prochaine, on va pouvoir s'ajuster. Pour ce faire, il lui faudra trouver 370 millions de dollars quelque part parce que le programme d'immobilisations fonctionne avec des montants fixes. Une chose est sûre, les programmes d'immobilisations ont toujours besoin de plus d'argent — on en a la preuve avec les F-35. Qu'on effectue une estimation de catégorie « C » ou « D », où la marge d'erreur est de 25 p. 100, tous les projets sont toujours sous-financés et prévoient des échéanciers optimistes parce qu'il arrive que l'industrie ne puisse répondre aux exigences, administratives ou autres, ou encore que le Conseil du Trésor ou le Cabinet ne prenne tout simplement pas la décision en temps opportun. Cependant, il faut toujours de l'argent. Ce qui est fondamental et qu'on omet toujours de dire — et ce qui a semblé semer la confusion au comité —, c'est qu'on a beau réattribuer une partie des sommes destinées à l'exploitation et à l'entretien cette année pour répondre aux besoins, le ministre de la Défense nationale ne demandera pas de nouveaux fonds l'année prochaine, soit une augmentation de 370 millions de dollars. Son personnel a dit que le ministère absorbera les coûts et qu'il ajustera la donne. Ce qu'il faut comprendre à tout cela — parce qu'on sait qu'on n'a pas l'intention de réduire l'effectif des forces armées, selon une politique de longue date —, c'est qu'on coupera davantage dans l'exploitation et l'entretien.

Le Royaume-Uni a procédé à d'énormes compressions budgétaires. Nous avons même dépêché des Canadiens sur place pour voir comment il s'en sort et pour lui venir en aide, car les compressions étaient vraiment importantes, ce qui a entraîné des problèmes. En fait, les troupes britanniques ont reçu l'ordre de cesser toute activité pendant presque tout le mois de décembre et en janvier, parce qu'il n'y a plus d'essence pour les véhicules.

La dernière fois que les Forces canadiennes ont été incapables de s'entraîner en raison d'un manque d'essence pour faire le plein de leurs véhicules, c'était sous le gouvernement de John Diefenbaker. Ce dernier avait imposé un budget si restrictif qu'on a créé le slogan « mauvais usage, c'est gaspillage ». Il était apposé partout, absolument partout : sur les ampoules, les crayons, les règles, le papier et j'en passe. En fait, les forces armées ont cessé toute activité pendant trois mois; elles étaient immobilisées. Les militaires ont usé leurs bottes, qui n'ont pu être remplacées, parce que la dépense n'était pas prévue au programme.

Il est de plus en plus probable que les forces armées seront tout à coup immobilisées parce que nous voulons que ce programme d'immobilisations porte ses fruits. Oui, nous avons besoin de l'équipement et la seule façon de le financer, c'est par le biais du budget d'exploitation et d'entretien. Le budget de fonctionnement et d'entretien a déjà été réduit de 40 p. 100. Pour absorber cette somme de 370 millions de dollars l'année prochaine et au cours des années suivantes, il faudra encore couper. Cela créera une tendance : le recours à l'attrition.

(1440)

Les soldats, surtout les anciens combattants, qui sont habitués à un rythme soutenu, s'ajustent maintenant à un rythme d'entraînement plus lent. Ils doivent également maintenir leurs compétences opérationnelles alors qu'il n'y a pas d'argent pour l'entraînement, le carburant, les munitions, les expéditions en mer et les heures de vol. L'avion est là, mais vous ne pouvez pas l'utiliser parce que vous n'avez pas les heures de vol nécessaires, ce qui signifie que vous n'avez pas les capacités de ravitaillement et d'entretien pour les effectuer. Quand les répercussions commenceront à se faire sentir, il y aura une attrition importante dans les forces. Nous perdrons beaucoup de nos capacités opérationnelles, et nous nous enfoncerons dans une spirale.

C'est ce qui s'est passé sous un autre gouvernement pendant les années 1970. Personne ne se rendait jusqu'aux plus hauts niveaux d'instruction, parce que nous n'arrêtions pas de remplacer les membres de notre personnel. Dans les années 1970, nous ne faisions que remplacer les employés, et ceux-ci s'en allaient parce qu'ils recevaient seulement un entraînement de base. Il n'y avait jamais assez d'argent pour leur offrir mieux.

L'argent est là maintenant mais, en agissant ainsi, l'argent retournera dans le programme d'immobilisations. C'est le budget de fonctionnement et d'exploitation qui gobera tout, ce qui ralentira considérablement les forces et bloquera l'avancement du personnel. Il y aura une grande pénurie de personnes qualifiées qui peuvent faire le travail. Nous devrons donc instaurer un programme d'instruction de base pour mettre à niveau les membres du personnel, ce qui nous entraînera dans la même spirale.

Voilà ce qui arrive lorsqu'on traficote ainsi à la fin de l'année. Honorables sénateurs, c'est exactement ce qui est arrivé avec ce Budget supplémentaire des dépenses, et pas pour des pacotilles. Pour moi, 10 dollars ne sont pas des pacotilles, et certainement pas 370 millions de dollars, même s'il est question d'un budget de quelque 20 millions de dollars.

Voilà qui aura des répercussions importantes sur le budget d'exploitation et d'entretien. Les forces régulières vont s'en ressentir, mais ce sera bien pire pour les réserves. Le budget des réserves ne couvre pas seulement les véhicules, les pièces, l'essence, la nourriture et la formation dans les manèges militaires, et j'en passe, mais il couvre surtout les salaires. Le salaire des membres des réserves n'est pas protégé comme celui des membres des forces régulières, car il fait partie de l'enveloppe exploitation et entretien. Quand il s'agit de trouver de l'argent, il est toujours facile de dire : « Nous avons promis aux réservistes 37 jours et demi par année, plus une journée de formation, peut-être un exercice, ce qui au total équivaut environ à 50 jours. Ils survivront même si nous coupons à 45 jours. Bah! Donnons-leur 40 jours. » Et nous voilà de retour à nos vieilles habitudes.

Honorables sénateurs, vous avez dénoncé avec véhémence la « décennie de la noirceur ». Faites attention : vous être en train d'y retourner.

Le sénateur Mitchell : Le soleil se couche.

Le sénateur Dallaire : Vous y retournez et, pour répondre aux besoins actuels, vous traficotez avec l'avenir — et je crois que ne comprenez pas tout à fait ce que vous faites.

L'honorable Terry M. Mercer : Le sénateur Dallaire accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Dallaire : Je ne peux pas vraiment refuser.

Le sénateur Mercer : Il me semble que vous avez soulevé un problème extrêmement grave et je sais que, avec votre vaste expérience militaire, vous maîtrisez le sujet comme peu de Canadiens peuvent le faire.

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense est-il au courant de la situation et est-il prêt à réaliser une étude sur ce problème très grave?

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Dallaire, avant que vous répondiez à cette question, je dois vous signaler que vos 15 minutes sont écoulées. Souhaitez-vous demander plus de temps au Sénat pour pouvoir répondre à la question?

Le sénateur Dallaire : Ce serait pour moi un privilège.

Le sénateur Comeau : Pas plus de cinq minutes.

Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, nous avons examiné les différentes transformations apportées sur le plan du personnel. Vous vous rappellerez que le document du général Leslie sur les transformations décrivait comment les compressions budgétaires avaient été mises en application. Le ministre lui-même a comparu devant le comité et a dit : « Nous pouvons faire face à la situation et nous pouvons absorber des compressions de 5 ou 10 p. 100. » Cependant, à titre d'exemple, le dirigeant principal des finances n'a pas témoigné devant le comité. Nous aurions pu lui demander de nous expliquer le programme.

Par exemple, compte tenu des compressions budgétaires actuelles, on dénombre au moins 160 projets en cours, dont une vingtaine sont de grands projets de l'État. Un grand projet de l'État est un projet dont la valeur dépasse 100 millions de dollars. De l'argent est constamment consacré à ces projets. Le dossier des F-35 est un exemple des projets de ce genre. Il n'est pas tout à fait exact d'affirmer qu'aucune somme n'a été dépensée pour l'acquisition d'appareils.

Un processus d'acquisition est en cours, mais on n'est pas en train de faire l'acquisition d'avions de chasse. Le processus comprend une étape de développement, puis une étape d'acquisition ou d'achat. Pendant l'étape de développement, des centaines de militaires, de civils, d'entrepreneurs et de responsables des infrastructures — ils louent des locaux, dépensent de l'argent et ainsi de suite — dépensent des millions de dollars pour se conformer à l'ensemble des formalités administratives. Ces projets coûtent de l'argent, mais on ne nous a pas renseignés sur les répercussions de ces compressions budgétaires sur le programme d'immobilisations, par exemple.

Nous n'avons pas obtenu les détails des répercussions sur le programme de fonctionnement et d'entretien. On ne nous a pas dit que ce programme faisait l'objet de compressions tellement importantes qu'il avait été réduit de 40 p. 100. Quand on se rend dans les bases, voici ce que les gens nous disent : « Non, nous ne disposons pas du budget nécessaire pour faire ceci ou cela. Pourquoi? Parce qu'il s'agit du budget de fonctionnement et d'entretien. On parle de dépenses de fonctionnement. Les crédits ne sont pas allés là; ils sont allés ailleurs. »

Pour essayer de garder le programme d'immobilisations abordable — et il ne l'est toujours pas —, on retarde les projets. Prenons par exemple un projet sur 10 ans. Ses dépenses suivent une sorte de courbe. Quand on manque d'argent à un stade donné, on repousse les délais. On revoit l'échéancier. Les gens continuent de travailler, mais les délais sont repoussés. Un grand nombre de projets sont retardés.

On peut aussi en réduire la portée. Par exemple, si on manque d'argent au titre du programme d'immobilisations, au lieu d'acheter 5 000 camions d'un quart de tonne, on dit à l'armée qu'on ne peut se permettre 5 000 camions, mais qu'on la laissera en acheter 4 000. Que se passe-t-il alors? L'armée a besoin de 5 000 camions, mais n'en obtient que 4 000. Il en manque 1 000. Que faire? Quand les aura-t-elle? C'est le genre de détails que j'estime essentiels, car ils sont directement liés à l'efficacité opérationnelle de nos forces armées.

Le Comité de la défense de la Chambre des communes vient de produire un rapport sur la disponibilité opérationnelle. C'est un rapport superficiel pour dire le moins. Il ne fournit pas les données voulues. Le comité n'a pas obtenu les données utiles; il n'a même pas demandé à les avoir. Nous ne sommes pas allés en profondeur. Pour cela, il faut du temps. Pour bien comprendre les données, il faut consacrer pas mal de temps à les décortiquer, et cela n'a pas été fait.

Le sénateur Mitchell : Puis-je poser une question au sénateur Dallaire? Je crois que vous en avez parlé, mais j'ai besoin de précisions.

Le gouvernement actuel est en poste depuis sept ans. Il n'a pas fait l'acquisition de véhicules de combat rapproché ni d'hélicoptères Cyclone. Ceux-ci ne quittent pas le tarmac à Shearwater; ils ne servent pas. Le gouvernement n'a construit aucun navire. J'ignore combien de ses promesses de renouveler l'équipement de l'armée il a tenues.

Est-ce que le sénateur Dallaire est en train de dire que le gouvernement retarde ces projets parce qu'il manque d'argent et craint de ne pas pouvoir équilibrer son budget s'il fait l'acquisition de ces appareils? En effet, ce sont des réductions catastrophiques du budget militaire.

Le sénateur Dallaire : Paradoxalement, tout cela est lié à l'industrie. L'industrie ne produit tout simplement pas ce que nous lui avons demandé. Elle traîne la patte et, comme nous n'exerçons pas de pressions sur elle, elle tergiverse. Il faut s'interroger sur la société Irving. Quand donc commencera-t-elle les travaux au lieu de se perdre dans la paperasse? C'est un plan d'une durée de 40 ans, mais nous ne voulons pas obtenir le navire à la 40e année. Nous souhaitons l'obtenir plus tôt.

(1450)

Oui, ces projets ont été mis de côté. On en a réduit l'ampleur. Ils ne sont pas abandonnés, seulement réduits. C'est ce qui se produit actuellement.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Le président : L'honorable sénateur Smith (Saurel), avec l'appui de l'honorable sénateur Meredith, propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Dagenais, appuyée par l'honorable sénateur Frum, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel (maltraitance des aînés).

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel (maltraitance des aînés). Il n'existe pas vraiment de définition précise de la maltraitance des aînés; il est donc très difficile de parler d'un projet de loi qui porte là-dessus. Voici d'ailleurs un passage de la stratégie nationale de l'Afrique du Sud à ce sujet :

Comme il s'agit d'un domaine relativement nouveau et en constante évolution, il est difficile de s'entendre sur la définition générale de la maltraitance des aînés.

Les définitions ne sont pas uniquement nécessaires à des fins d'enseignement; elles sont aussi requises dans les lois et les politiques pour nous pousser à prendre certaines mesures et à diriger les ressources là où c'est nécessaire.

La diversité culturelle complique encore plus le débat sur ce qui constitue la maltraitance.

Pendant les audiences du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, le sénateur McIntyre a demandé à plusieurs reprises si le terme « maltraitance des aînés » devrait être défini dans le Code criminel. À ce sujet, Laura Tamblyn Watts, agrégée supérieure de recherche au Centre canadien d'étude sur le droit des aînés, a dit souhaiter qu'on ne perde pas de vue la notion de maltraitance des aînés.

Honorables sénateurs, dans le cadre du débat sur cette mesure législative, il est important de ne pas perdre de vue la notion de maltraitance des aînés, les nombreuses formes que la maltraitance peut prendre ainsi que les personnes qui sont visées par celle-ci. Que le projet de loi C-36 soit adopté ou non à l'étape de la troisième lecture, la maltraitance des aînés demeurera un problème complexe et non défini. Les personnes visées ont désespérément besoin qu'on adopte une politique globale pour prévenir, détecter et combattre la maltraitance. Si nous voulons protéger les aînés du Canada, nous devons faire bien plus que simplement modifier les principes de détermination de la peine. Dans ce cas, je m'inquiète du fait que la modification pourrait aggraver le problème.

Le projet de loi C-36 contient trois dispositions. Seule la deuxième revêt une importance particulière. Ainsi, la deuxième disposition modifierait l'alinéa 718.2a) du Code criminel, qui porte sur les principes de détermination de la peine. Comme les sénateurs le savent, le tribunal a la latitude d'infliger une peine plus lourde s'il y a des circonstances aggravantes.

Le projet de loi C-36 ajouterait une septième circonstance aggravante aux principes énoncés en ce qui concerne la peine à infliger, en l'occurrence la suivante : l'infraction a eu un effet important sur la victime en raison de son âge et de tout autre élément de sa situation personnelle, notamment sa santé et sa situation financière. Ce projet de loi a pour objectif de permettre aux tribunaux d'imposer une peine plus lourde aux contrevenants qui maltraitent un aîné. Cependant, elle n'envoie pas un message clair quant au fait que la maltraitance des aînés est inacceptable. En fait, le problème de la maltraitance des aînés n'y est pas du tout abordé de façon adéquate.

Honorables sénateurs, je me dois de vous signaler que j'ai trois réserves au sujet de ce projet de loi. Premièrement, l'ajout du mot « important » est ambigu et impose un fardeau indu à la poursuite. Deuxièmement, contrairement aux six autres circonstances aggravantes déjà incluses à l'alinéa 718.2a), cette circonstance aggravante met l'accent sur l'effet sur la victime et sur sa situation personnelle, ce qui impose également un fardeau indu à la poursuite et à la victime, et va à l'encontre de la notion voulant que toutes les formes de maltraitance des aînés sont inacceptables. Troisièmement, ce projet de loi ne parvient pas à créer le filet de sécurité essentiel à la prévention et à la détection des cas de maltraitance des aînés, et à l'intervention qui doit en découler.

Honorables sénateurs, le mot « important » n'apparaît qu'une seule fois dans le Code criminel dans le contexte de l'imposition de la peine, à l'article 380.1 en l'occurrence. Le projet de loi C-21, adopté à la législature précédente, ajoutait une circonstance aggravante en matière de fraude. On y retrouvait l'expression « conséquences importantes ». Le qualificatif « important » n'est défini nulle part dans le Code criminel. Il n'existe pas non plus de jurisprudence pertinente concernant les expressions « effet important » ou « conséquences importantes ».

Lorsque le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a examiné le projet de loi C-21, mon collègue, le sénateur Wallace, a émis des réserves semblables. Il a posé la question suivante :

Que signifie, en droit, le terme « important »? Est-ce qu'il revient au juge de déterminer, de façon subjective, ce que signifie le terme « important », ou est-ce que la jurisprudence ou le droit législatif énonce certains critères permettant de départager ce qui est important de ce qui l'est moins ou de ce qui est insignifiant?

Depuis l'adoption du projet de loi C-21, un ouvrage juridique, Tremeear's Annotated Criminal Code, a observé que « [...] certains termes employés [...] par exemple, ``effet important'', [...] manquent de précision. »

Honorables sénateurs, je crains énormément que, dans le contexte de cette mesure législative, l'utilisation d'un terme aussi imprécis que « important » impose un fardeau indu à la Couronne, qui pourrait avoir de la difficulté à intenter des poursuites et à obtenir des peines proportionnelles aux actes de maltraitance commis contre des aînés. L'expression « effet important » ouvrira la porte à de nombreuses interprétations de cette mesure législative. Les avocats de la défense ont le devoir d'agir dans l'intérêt de leurs clients. L'adoption d'une mesure législative à la terminologie ambiguë ne servirait toutefois pas l'intérêt du public.

Honorables sénateurs, il y a une différence entre une loi qui laisse un pouvoir discrétionnaire aux juges et une loi qui laisse place à diverses interprétations. Supprimer le mot « important » du projet de loi ne porterait aucune atteinte au pouvoir discrétionnaire des juges. La loi vise à montrer que la maltraitance des personnes âgées, sous toutes ses formes, est inadmissible. Je suis du même avis, c'est inadmissible.

Lorsqu'il a comparu devant notre comité, le ministre Nicholson a dit espérer que le projet de loi C-36 « renforcera les dispositions du Code criminel afin que des peines appropriées soient imposées dans les cas de maltraitance de personnes âgées ».

Cela dit, la présentation d'un avocat sur l'importance de l'effet d'une infraction sur une victime ne devrait pas influer sur la peine imposée. Lorsqu'un agresseur exploite quelqu'un en raison de son âge et que cette maltraitance est qualifiée d'acte criminel, la peine imposée devrait être plus lourde. Cependant, la situation personnelle de la victime ne devrait pas être pertinente. L'inclusion du mot « important » crée un flou en ce qui concerne la raison d'être de l'amendement et l'objet du projet de loi.

Ce qui m'amène à mon deuxième point, honorables sénateurs. L'amendement met l'accent sur l'effet qu'a une infraction sur la victime, ce qui ne cadre pas avec les autres circonstances aggravantes déjà prévues au Code criminel. Il causera un préjudice additionnel aux victimes et les dissuadera de signaler les mauvais traitements qu'elles subissent et d'entamer des démarches judiciaires.

Le sénateur Fraser a posé une question à ce sujet au cours de l'audience du comité :

Ce qui m'a le plus frappée dans le projet de loi, c'est qu'il ajouterait un septième facteur aggravant aux six que prévoit déjà l'article 718.2 du Code criminel. Or, ce facteur serait le seul à traiter de l'effet de l'infraction.

Tous les autres indiquent simplement que les circonstances sont aggravantes si l'infraction était motivée par de la haine ou des préjugés, qu'elle était assortie de mauvais traitements envers un époux ou un conjoint de fait, qu'elle a été perpétrée à l'égard d'une personne de moins de 18 ans ou qu'elle constituait une infraction de terrorisme.

Il n'est nullement question de la nature ou de l'ampleur de l'effet.

Pourquoi [le gouvernement rattache-t-il] cette [circonstance aggravante] à la notion d'effet?

La réponse qu'a obtenue le sénateur Fraser traitait essentiellement de l'article 380.1 du Code criminel, sur la fraude, dont j'ai parlé plus tôt. Malheureusement, honorables sénateurs, la réponse ne m'a pas vraiment éclairée quant à savoir pourquoi le septième facteur aggravant devrait être fondamentalement différent des autres déjà prévus à l'article 718.2.

(1500)

Si nous mettons l'accent sur l'effet, cela aura pour principale conséquence d'obliger les aînés victimes de violence à participer à une sorte de double procès : tout d'abord lors du procès même, puis lors de l'audience sur la détermination de la peine. Après le procès initial, les victimes seront tenues de participer à la détermination de la peine afin que les avocats puissent débattre de l'effet de l'infraction sur la victime et que le juge puisse trancher la question. Je ne suis pas convaincue qu'une simple déclaration de la victime suffira pour respecter les critères liés à cette circonstance aggravante. L'effet est une notion relative et subjective. Il serait très difficile pour les victimes et les familles d'interpréter cette notion devant le tribunal, surtout que les mauvais traitements contre les aînés sont souvent commis dans un contexte familial.

La directrice générale de l'organisme Social Services Network, la Dre Naila Butt, a témoigné au comité et elle a dit ce qui suit au sujet de la communauté sud-asiatique :

[...] il ne faut pas laver son linge sale en public. Cette façon de faire nuit à la communication. Dans cette communauté, vu les coutumes qui ont cours, ce n'est pas l'État qui est responsable des enfants, ce sont les parents, et surtout la mère, qui le sont. Par conséquent, le succès ou l'échec des enfants est directement attribuable aux parents.

Mme Maxine Lithwick, directrice des Services sociaux de l'Hôpital général juif de Montréal, a répondu ce qui suit au comité lorsqu'on lui a demandé à quel point il serait facile pour une personne victime de violence de raconter ce qu'elle a vécu devant un tribunal :

Ce serait très difficile. Voilà pourquoi il reste du travail à faire. Si nous souhaitons que les gens témoignent, il faut changer nos pratiques. Les témoins doivent se trouver dans un environnement qui les mette à l'aise, surtout si l'agresseur est un membre de la famille.

Honorables sénateurs, je ne saurais trop insister sur ce point : toute mesure législative qui exigerait que les victimes parlent devant le tribunal des conséquences des abus qu'elles ont subis, et qu'elles le fassent non pas une mais deux fois, aurait un effet dévastateur qui aggraverait leur situation. Une telle mesure dissuaderait les victimes de porter plainte. Pendant les audiences du comité, la Dre Butt a aussi souligné les barrières culturelles et linguistiques auxquelles sont confrontés les aînés victimes de maltraitance. Elle a déclaré ceci :

Ils craignent beaucoup de jeter la honte sur leur famille. Il est honteux d'avoir recours à quelqu'un de l'extérieur pour aider ses parents âgés. Ceux-ci ignorent à qui s'adresser et ne sont pas au courant de leurs droits. Les formalités d'immigration et d'établissement constituent les facteurs de stress les plus importants. Les barrières linguistiques, les conflits culturels, la perte de leur réseau social et leur nouveau rôle au sein de la société canadienne rendent également les aînés plus vulnérables.

Le stress et la pauvreté mettent à mal leur santé physique et mentale. Ils sont alors aux prises avec l'isolement, la frustration et la dépression [...]ils hésitent à recourir aux services communautaires de crainte qu'une telle intervention conduise à la désintégration de la famille, qui est d'une importance capitale.

Honorables sénateurs, pour déterminer quelles seraient les politiques appropriées, il est essentiel de tenir compte de toutes les formes de maltraitance des aînés et de toutes les personnes qui sont touchées.

Enfin, voici le troisième et dernier point que j'aimerais aborder. Ce sont les réseaux d'appui et de protection sociale qui sont les plus efficaces pour aider les aînés victimes de maltraitance. C'est Mme Bernice Cyr, directrice générale de la Maison-relais des femmes autochtones, qui a attiré mon attention sur le concept des réseaux de protection sociale lorsque nous étions à Winnipeg. Elle a dit ceci :

D'après mon expérience, le plus grand défi consiste à établir le juste équilibre pour à la fois contrer les risques et assurer la sécurité. Nous considérons que les personnes qui ont été victimes de violence économique ou systémique ou de gestes violents commis par des hommes sont « à risque », mais nous ne regardons pas leur réseau de protection sociale. Envisager une chose comme celle-là dans une mesure législative représente un immense changement de philosophie et d'attitude. Si nous cherchons à faire changer les choses, nous devons envisager de bâtir des réseaux de protection sociale autour de nos familles, des femmes, des enfants et des aînés. C'est un élément important quand vient le temps de décider où investir et quels secteurs développer. Il faut créer des réseaux de protection sociale et aider les agences comme celles qui sont ici aujourd'hui si nous voulons que les façons de penser puissent changer.

Honorables sénateurs, je regrette vraiment que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles n'ait pas entendu Mme Cyr quand il a étudié le projet de loi C-36. Il est cependant possible de tenir compte du témoignage de Mme Cyr, car il a été fourni devant le comité de la Chambre des communes chargé d'étudier les droits des membres des Premières nations vivant à l'extérieur des réserves dans le contexte de la maltraitance des aînés. Mme Cyr a signalé que la politique en la matière met essentiellement l'accent sur l'atténuation des risques. Son point de vue est extrêmement intéressant. Honorables sénateurs, il nous incite à revoir notre manière d'aborder la question.

Comme beaucoup de témoins l'ont affirmé, la meilleure façon de s'attaquer à la maltraitance des aînés, c'est de se concentrer sur l'établissement de filets de sécurité qui soutiennent les femmes, les enfants, les aînés, les personnes handicapées, les néo-Canadiens, les Autochtones et les autres membres vulnérables de la société.

Dans son témoignage, la Dre Butt a brossé un tableau de la maltraitance des aînés dans la communauté sud-asiatique. On lui a demandé ce qu'on pouvait faire de plus, et elle a répondu qu'il fallait plus de soutien et de fonds pour les programmes à l'intention des aînés sud-asiatiques qui sont offerts par des organismes, mais gérés par des Sud-Asiatiques et répondant à leurs besoins. Avant et après le processus d'immigration, les organismes doivent fournir aux personnes âgées et aux familles de la formation et du soutien qui leur seront donnés dans leur langue et par des gens de la même culture qu'eux. Les fournisseurs de services sociaux et de santé de première ligne doivent apprendre à reconnaître les signes et les symptômes et à intervenir adéquatement. Il faut davantage de programmes de counseling familial qui tiennent compte de la culture et de la langue des gens, plus de soutien pour les adultes, les enfants et les aidants, des campagnes de sensibilisation du public dans des contextes confessionnels et des centres résidentiels d'urgence adaptés aux besoins des Sud-Asiatiques.

Honorables sénateurs, partout, la maltraitance des aînés est une question complexe. Elle requiert l'intervention de professionnels de tous les secteurs. Plusieurs témoins ont fait ressortir la nécessité d'une approche multisectorielle, notamment Mme Lithwick, de l'Hôpital juif de Montréal, qui a dit ce qui suit :

[...] Les policiers, les travailleurs sociaux et les organismes communautaires doivent collaborer plus étroitement. Il est essentiel que les policiers, les procureurs et les juges reçoivent une formation sur la maltraitance des aînés. D'ailleurs, comme il y a de plus en plus d'aînés, il serait judicieux de faire appel à des équipes multidisciplinaires composées d'intervenants spécialisés et formés lorsqu'un acte criminel a été commis contre un aîné. Il faut aussi tenir compte des problèmes interculturels.

Honorables sénateurs, au comité, les témoins ont fait des recommandations axées sur la prévention et les interventions délicates. Ils ont recommandé non seulement d'atténuer les risques de maltraitance des aînés, mais aussi d'aider les victimes à accéder aux services et aux programmes d'aide. Mme Lithwick a dit que dans certaines situations, le recours au système de justice pénale n'est pas nécessairement la meilleure solution. Par ailleurs, comme je l'ai expliqué en détail dans mon discours à l'étape de la deuxième lecture, plusieurs formes de maltraitance des aînés ne constituent pas des actes criminels, mais les victimes ont quand même besoin d'aide ou de réseaux de protection sociale. Ces réseaux doivent être accessibles, adaptés en fonction de la langue et de l'origine culturelle de la victime, et comprendre des professionnels provenant de divers secteurs. Je cite Mme Catherine Drillis, coprésidente de l'équipe juridique du Centre canadien d'étude sur le droit des aînés, qui a témoigné devant le comité :

[...] on devrait créer et mettre en œuvre une stratégie nationale sur la prévention et l'intervention à l'égard de la maltraitance des aînés.

Il faudrait mettre en place des réseaux de protection sociale appropriés pour les aînés de l'ensemble du pays, y compris les femmes, les Autochtones et les néo-Canadiens. Honorables sénateurs, ces groupes sont particulièrement touchés par la maltraitance des aînés. Ils ont désespérément besoin d'avoir accès à des réseaux de protection sociale. Je félicite le gouvernement d'avoir financé une campagne de sensibilisation aux mauvais traitements envers les aînés. On a déterminé les risques, mais les réseaux n'ont pas été mis en place. Lorsqu'ils sont victimes de maltraitance, où les aînés peuvent-ils aller, et à qui peuvent-ils s'adresser?

Honorables sénateurs, au cours de ma carrière d'avocate, j'ai travaillé avec des gens qui ont dû faire face à des problèmes de violence et de maltraitance, et parmi eux, il y avait malheureusement beaucoup d'aînés. Malheureusement, je ne suis pas fière de le dire, mais beaucoup sont originaires du Sud-Est asiatique. Je crois que nous devons nommer le genre de violence et ses victimes avant de nous employer à la faire cesser. Il faut nommer la violence pour arrêter la violence.

(1510)

J'ai eu connaissance de nombreux cas de personnes âgées maltraitées. Aujourd'hui, je voudrais vous parler d'un couple d'octogénaires originaires du Sud-Est asiatique dont la vie a changé lorsque, ayant dépassé soixante-quinze ans, ils sont devenus dépendants de leurs enfants.

Ils avaient immigré au Canada à un très jeune âge. Leurs quatre enfants étaient nés au Canada, avaient fait des études universitaires et gagnaient très bien leur vie. Les deux parents avaient un emploi et s'occupaient de leurs petits-enfants lorsqu'un jour, malheureusement, leur santé s'étant détériorée ils ont commencé à avoir des problèmes. Au début, leur fils et sa femme oubliaient de faire leur épicerie. Ils étaient très occupés. Puis, ils se mirent à laisser leurs parents seuls pendant les longues périodes où ils étaient partis en vacances. Les autres enfants étaient censés prendre la relève, mais ils ne trouvaient pas le temps de s'occuper de leurs parents. Pendant des jours, les parents ne voyaient personne. De temps en temps, leur voisin leur apportait des plats préparés. Un jour, alors que les enfants étaient de retour, les parents ont abordé le sujet de leur abandon sans nourriture. Le fils a alors giflé sa mère. C'était la première fois.

La situation des parents a empiré. Lorsqu'ils m'ont rencontrée, la mère était couverte de marques laissées par la violence qu'elle subissait. Le père n'avait aucune marque, mais était visiblement abattu. Je connaissais cet homme depuis plusieurs années. Il avait été auparavant plein d'énergie et toujours prêt à aider les gens autour de lui, mais là, il avait changé. Il pouvait difficilement se mouvoir. Il était anéanti. Il tremblait, pleurait et était découragé. Il me disait sans cesse qu'il n'avait pas été capable de protéger sa femme.

Je leur ai suggéré que nous nous rendions au poste de police. Ils m'ont répondu qu'ils ne pouvaient pas parler de leur situation personnelle, car ce serait comme laver leur linge sale en public. Avant de quitter mon bureau, ils n'arrêtaient pas de me demander s'il existait une option pour eux où ils seraient en sécurité. Je n'avais pas grand-chose à leur suggérer, puisque les options pour échapper à la maltraitance sont limitées pour les aînés. La plupart des programmes d'aide aux aînés victimes de maltraitance ont été annulés. Je sais que ce couple a vécu le reste de ses jours dans la douleur.

Le projet de loi met le risque en lumière, mais la société ne crée pas de filet de sécurité pour nos aînés. Voilà le problème lorsqu'on n'adopte pas de stratégie globale. Une fois que le risque est cerné, nous ne bâtissons pas de filet de sécurité.

Honorables sénateurs, nul ici ne trouve acceptable la maltraitance des aînés. Nous croyons tous qu'elle est inacceptable, et que la maltraitance criminelle des aînés devrait être assortie de peines plus sévères proportionnelles au crime commis. Toutefois, l'ambiguïté du mot « important », qui joue un rôle déterminant dans l'unique article de fond du projet de loi, limiterait l'incidence de la mesure législative. De plus, le projet de loi met l'accent sur l'effet de l'infraction sur la victime plutôt que sur la nature de l'infraction en soi, ce qui contredit l'objet du projet de loi et impose un fardeau indu à la victime.

Enfin, les politiques fédérales n'ont, à ce jour, toujours pas réussi à instaurer le réseau de sécurité qui s'impose d'urgence et qui permettrait aux infirmières, aux travailleurs sociaux, aux autorités policières et aux autres intervenants de réellement prévenir les cas de maltraitance d'ainés, de les déceler et d'intervenir.

Honorables sénateurs, j'aimerais examiner l'article à nouveau. Il est très bref. L'article 2, qui modifie l'alinéa 718.2a) du Code criminel, dit notamment : « que l'infraction a eu un effet important ».

Qu'entend-on par « important », un coup, deux coups, trois coups? Lorsque j'étais une jeune avocate naïve, je croyais que donner un coup causait un préjudice important. Maintenant que je suis une avocate blasée par l'expérience, le préjudice causé par un coup ne me semble pas si important. Qu'entend-on par important? Voilà ce qui m'agace dans cette mesure législative. Pourquoi faut-il inclure le mot « important »?

Honorables sénateurs, je m'intéresse beaucoup à ce projet de loi, car je rencontre quotidiennement des personnes qui sont confrontées à la maltraitance envers les aînés. Je trouve très choquant que nous demandions aux personnes âgées d'expliquer leur situation personnelle, alors que nous ne l'exigeons de personne d'autre. Nous serons tous bientôt des personnes dites « âgées ». Aurons-nous envie de partager avec le public ce que nous font subir nos enfants? Voudrons-nous raconter pendant une audience publique que nos enfants ne nous nourrissent pas, ne nous lavent pas, mais qu'ils nous frappent? Est-ce là ce que nous voulons?

Honorables sénateurs, je ne suis pas contre le projet de loi. Tout ce que je demande, c'est que son libellé soit le suivant : « que l'infraction a eu un effet sur la victime en raison de son âge, de sa santé et de sa situation financière. » Pourquoi faut-il ajouter « important »? Pourquoi faut-il parler de « situation personnelle »? Cela ne fait qu'imposer un fardeau supplémentaire aux aînés.

Je ne connais pas une seule personne âgée victime de mauvais traitements qui acceptera d'exposer sa situation personnelle devant les tribunaux. Même si une personne en avait le courage, que lui arriverait-il ensuite? Elle ne pourrait pas retourner chez elle. Elle ne pourrait plus habiter chez son enfant. Que se passerait-il après? Il n'existe aucun programme ou maison de transition pour les aînés. Après son témoignage, devra-t-elle se résoudre à l'itinérance? Est-ce là notre solution à la maltraitance des aînés?

Mon collègue, le sénateur Dagenais, avec qui je travaille en étroite collaboration, a abordé cette question. Il nous a parlé d'un incident qui nous a tous choqué. Il a parlé d'une femme de 80 ans souffrant de la maladie d'Alzheimer qui a été agressée sexuellement dans un foyer, dont les gestionnaires n'ont pas signalé l'incident à la police. Le projet de loi ne change pas cela. Mon ami et collègue, le sénateur Dagenais, était troublé par cet incident. Je suis troublé aussi, et le projet de loi ne calmera en rien mes inquiétudes. Qui signalera ces incidents à la police? Où sont les filets de sécurité des aînés? Je suis de l'avis de mon ami. C'est une situation terrible, et rien ne changera pour cette femme de 80 ans.

Honorables sénateurs, le gouvernement a fait un bon travail avec le programme Nouveaux Horizons pour les aînés.. Il a sensibilisé la population au risque qui existait. Cependant, ce projet de loi indique aux gens qu'ils peuvent signaler un crime, mais qu'ils vont ensuite perdre leur maison. C'est le problème du projet de loi.

Lorsqu'il est question de lutter contre le problème de la maltraitance des aînés, honorable sénateurs, nous ne devrions pas chercher à atténuer les risques ou prendre des chances. Nous devons plutôt mettre en place une stratégie nationale, un ensemble de filets de sécurité qui permettra de faire en sorte qu'aucune personne âgée ne soit laissée pour compte, ignorée ou oubliée. Nous avons besoin d'un projet de loi sur la maltraitance des aînés, mais il faut en avoir un qui corrigera vraiment le problème. Je veux un projet de loi qui protégera réellement les personnes qui nous ont chéris.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Une voix : Non.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

(1520)

Projet de loi sur la transparence financière des Premières Nations

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Patterson, appuyée par l'honorable sénateur Ogilvie, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-27, Loi visant à accroître l'obligation redditionnelle et la transparence des Premières Nations en matière financière.

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour parler du projet de loi C-27, Loi sur la transparence financière des Premières Nations, qui se fonde sur le projet de loi d'initiative parlementaire C-575, présenté par la députée de Saskatoon±Rosetown±Biggar, Kelly Block, au cours de la dernière législature.

Le projet de loi exigerait que les Premières nations produisent annuellement des états financiers consolidés vérifiés et rendent publics les salaires des chefs et des membres des conseils, ainsi que leurs dépenses. La communication de ces renseignements se ferait de deux façons. Premièrement, les Premières nations devraient publier les états financiers vérifiés et les salaires des chefs et des membres des conseils sur leur propre site web ou un site géré par elles. Deuxièmement, le ministre devrait publier à son tour la même information sur le site Internet d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada.

Honorables sénateurs, la transparence et la divulgation proactive sont des objectifs importants pour tous les gouvernements, notamment ceux des Premières nations. Tout le monde appuie ces principes, moi y compris. À première vue, le projet de loi apparaît positif, mais le gouvernement n'a pas traité les Premières nations comme des partenaires égaux dans l'élaboration de cette mesure; ce qui n'est pas nouveau.

Le projet de loi C-27 est un autre exemple de mesure législative que le gouvernement veut faire adopter sans consulter au préalable les Premières nations et sans faire de compromis. Par conséquent, ce projet de loi contribue seulement à la détérioration de la relation entre le gouvernement fédéral et les Premières nations du Canada. L'effritement de cette relation se manifeste partout ces jours-ci, qu'il s'agisse des chefs en colère qui ont tenté d'entrer à l'autre endroit la semaine dernière des milliers de jeunes Autochtones qui se sont rassemblés pour manifester sous la bannière « Idle No More », ou des 500 manifestants qui se sont réunis devant le bureau de circonscription de Kelly Block lundi dernier à Saskatoon.

Cependant, honorables sénateurs, le plus décourageant, c'est que dans l'ensemble du pays, les Premières nations sont prêtes à participer aux réformes en matière de gouvernance, surtout en ce qui a trait à la transparence et à la reddition de comptes. Comme l'a dit le sénateur Patterson dans son intervention, l'Assemblée des Premières Nations a déjà adopté une résolution exigeant que les Premières nations mettent les renseignements financiers à la disposition de leurs membres. Avec le projet de loi C-27, le gouvernement continue d'infantiliser les Premières nations au lieu de les considérer comme des partenaires égaux.

Avant que ce projet de loi soit renvoyé à un comité, j'aimerais parler de trois de ses aspects qui posent problème. Le premier concerne le devoir de consulter les Premières nations et de tenir compte de leurs intérêts. Le deuxième a trait à l'ampleur des exigences en matière de publication de l'information financière. Le troisième porte sur le mécanisme d'exécution.

Comme il l'a fait lorsqu'il a présenté au Parlement d'autres projets de loi concernant les Premières nations, le gouvernement conservateur a une fois de plus manqué à son devoir de consulter les Premières nations et de tenir compte de leurs intérêts lors de la rédaction du projet de loi. Au lieu de consulter les Premières nations au sujet des dispositions de ce projet de loi, le gouvernement a présenté ce dernier en grande pompe à la Première nation dakota de Whitecap, tout près de Saskatoon.

Selon le témoignage du chef Darcy Bear, le gouvernement n'a même pas laissé le chef Bear ni ses conseillers lire le projet de loi avant que le ministre en fasse la présentation dans leur réserve. Le 11 décembre 2011, le chef Bear a écrit ceci à sa députée conservatrice :

Je tiens à indiquer que, lorsqu'on nous a demandé d'appuyer le nouveau projet de loi, nous avons seulement reçu un document d'information le 22 novembre 2011. Nous n'avons pas reçu copie de l'avant-projet de loi avant la présentation du projet de loi au Parlement, qui a eu lieu le 23 novembre 2011, après notre conférence de presse tenue le même jour. Nous n'avons pas pu examiner et analyser le projet de loi C-27 [...] Je tiens à indiquer que nous avons appuyé le nouveau projet de loi C-27 en tenant compte de notre appui à l'égard de l'ancien projet de loi C-575.

Lors des audiences tenues par le comité de l'autre endroit au sujet du projet de loi, le chef de la Première nation dakota de Whitecap, Darcy Bear, a soulevé plusieurs préoccupations à l'égard du projet de loi, des préoccupations auxquelles il aurait été facile de remédier si le gouvernement avait rempli son devoir constitutionnel et consulté au préalable l'ensemble des Premières nations du pays. En outre, les amendements apportés par le gouvernement à l'étape de l'étude en comité du projet de loi à l'autre endroit ne reflètent les préoccupations que d'une seule Première nation, soit la Première nation dakota de Whitecap.

Je le répète, si seulement le gouvernement s'était acquitté de son devoir constitutionnel, avait consulté les Premières nations et avait tenu compte des préoccupations de plus d'une Première nation dans ses amendements à l'étape de l'étude en comité à l'autre endroit, alors le projet de loi dont nous sommes saisis serait mieux adapté aux problèmes de transparence des Premières nations et ces dernières l'appuieraient plutôt que de s'y opposer.

Honorables sénateurs, je parlerai maintenant de la portée des dispositions du projet de loi liées à la reddition de comptes. Comme je l'ai mentionné plus tôt, la transparence et la reddition de comptes en matière de finances sont nécessaires à la santé des gouvernements des Premières nations. C'est ce qui permet aux citoyens de tenir responsable leur gouvernement. J'ai entendu le témoignage de membres des Premières nations à qui leur bureau de bande avait refusé de donner cette information. Il est inacceptable que des membres des Premières nations n'aient pas accès à ces renseignements essentiels. Toutefois, le gouvernement définit mal la relation redditionnelle dans le cadre de laquelle la divulgation de cette information doit avoir lieu. Les gouvernements des Premières nations doivent d'abord et avant tout rendre des comptes aux membres des Premières nations qu'ils représentent. Voilà la relation redditionnelle adéquate.

L'obligation de rendre des comptes devrait mettre l'accent sur l'accès des membres des Premières nations aux renseignements dont ils ont besoin pour tenir leurs dirigeants responsables. Les dispositions du projet de loi liées à la divulgation proactive devraient donc viser les citoyens des Premières nations et non le grand public. Comme l'a déclaré la chef régionale de l'Assemblée des Premières Nations, Jody Wilson-Raybould :

Les Premières Nations devraient avoir la responsabilité d'établir les règles qui s'appliquent à nos gouvernements et à nos organismes de réglementation.

Comme je l'ai signalé plus tôt, cependant, ce projet de loi va bien plus loin. Il oblige le ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord à publier ces renseignements sur le site web du gouvernement fédéral pour l'ensemble de la population canadienne, ce qui pourrait malheureusement donner lieu à du sensationnalisme et à une incompréhension des chiffres rapportés. C'est arrivé récemment. L'affichage de données salariales et de rapports financiers sans contexte a déjà entraîné de profondes incompréhensions et détourné l'attention des vraies questions qui sont d'une importance cruciale pour les communautés des Premières Nations, comme le sous-financement de l'éducation et de la santé.

Comme l'Association du barreau canadien l'a souligné dans une lettre au ministre à propos du projet de loi C-27 :

En mettant l'accent seulement sur les dépenses des Premières Nations, le projet de loi ne règle pas les grands problèmes systémiques que constituent le financement et la responsabilité relative à ces questions.

En outre, les exigences actuelles en matière de reddition de comptes font en sorte que la publication de renseignements sur les salaires et les dépenses peut encore créer de la confusion et conduire à une déformation des faits. Au chapitre de la déclaration des salaires du chef et des membres du conseil, les dirigeants des Premières nations sont encore obligés de faire connaître la rémunération qu'ils touchent à titre personnel. En plus de susciter de graves préoccupations au sujet de la protection de la vie privée, une telle situation risque d'entraîner la divulgation de renseignements trompeurs sur la rémunération des dirigeants des Premières nations.

Ce projet de loi va beaucoup plus loin que celui qui l'a précédé, qui était d'initiative parlementaire et qui prévoyait uniquement la publication de renseignements sur les salaires que les chefs et les conseillers des Premières Nations touchent à titre de titulaires de charges publiques. Le projet de loi C-27 oblige les chefs et les conseillers à publier des renseignements sur leur revenu personnel provenant de sources autres que le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord.

Enfin, l'article 13 confère au ministre le pouvoir de retenir les fonds dus à une Première Nation si elle ne se conforme pas aux exigences du projet de loi C-27 en matière de reddition de comptes.

(1530)

Voici donc cet article, dans sa forme actuelle :

13. (1) En cas d'inexécution de toute obligation incombant à la première nation au titre des articles 5 à 8, le ministre peut prendre une ou plusieurs des mesures suivantes :

a) exiger du conseil qu'il élabore un plan d'action approprié visant à remédier à la situation;

b) retenir, jusqu'à ce que la première nation s'acquitte de l'obligation en question, toute somme qui lui est due au titre d'un accord — en vigueur à la date où survient l'inexécution de l'obligation — visant le versement d'une subvention ou d'une contribution et conclu entre elle et Sa Majesté du chef du Canada, représentée par le ministre, seul ou avec d'autres ministres;

c) résilier tout accord visé à l'alinéa b).

Honorables sénateurs, les alinéas 13(1)b) et 13(1)c) sont tout simplement inacceptables. Si le gouvernement retenait certaines sommes ou résiliait un accord en cas d'inexécution, il pourrait manquer à son obligation constitutionnelle de fournir des services essentiels aux Premières nations du Canada. S'il y avait un problème parce que le chef et le conseil d'une Première nation ne respectaient pas les exigences relatives à la présentation de l'information énoncées dans le projet de loi C-27, il serait tout à fait aberrant que tous les membres de la Première nation en paient le prix et ne reçoivent pas les fonds prévus. Dans sa forme actuelle, la disposition prévoit que tout accord visant le versement d'une subvention ou d'une contribution peut être résilié ou que des sommes dues au titre de cet accord peuvent être retenues, y compris des sommes destinées à l'éducation, à la santé, aux infrastructures de traitement des eaux et au logement.

Il existe une meilleure solution, qui permettrait au ministre de ne pas punir les citoyens les plus vulnérables des Premières nations. Ainsi, on pourrait tout simplement retenir le salaire des chefs et des conseillers qui ne respectent pas les exigences. Mieux encore, on pourrait donner aux membres de la bande, plutôt qu'au ministre, le pouvoir d'exiger que le gestionnaire du bureau du conseil de bande ou les fonctionnaires chargés de verser le salaire du chef et des conseillers cessent de leur verser leur salaire et de rembourser leurs dépenses jusqu'à ce qu'ils divulguent les renseignements nécessaires aux autres membres de la Première nation.

Il est inadmissible et scandaleux qu'au XXIe siècle, le gouvernement conservateur confère au ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord le pouvoir draconien de retenir des fonds ou de mettre fin au financement des bandes des Premières nations simplement parce qu'elles n'ont pas publié sur leur site web leurs états financiers consolidés vérifiés.

À l'autre endroit, à l'étape de la troisième lecture du projet de loi, le gouvernement a limité le débat. Autrement dit, il n'a pas permis une discussion complète, ouverte et transparente des raisons pour lesquelles les conservateurs ont refusé d'accepter les nombreux amendements proposés par l'opposition pour améliorer le projet de loi de manière à mieux tenir compte des besoins des Premières nations. Pourquoi les conservateurs ont-ils voté contre les amendements qui auraient empêché le ministre de couper le financement des bandes non conformes?

Les chefs et les dirigeants des Premières nations sont déjà très mécontents du manque de consultation et d'adaptation qui a marqué le dernier projet de loi omnibus d'exécution du budget — le C-45 — qui contenait de nombreuses dispositions ayant d'importantes conséquences pour eux. En présentant le projet de loi C-27, Loi sur la transparence financière des premières nations, le gouvernement n'a fait que jeter de l'huile sur le feu, aggravant la frustration ressentie par les Autochtones par suite d'une série de mesures qui ne cessent d'affaiblir le droit des Premières nations à l'autonomie gouvernementale.

L'an dernier, le gouvernement a présenté au Sénat, plutôt qu'à l'autre endroit, trois projets de loi touchant les Premières nations. Nous avons vaillamment tenté d'y apporter des modifications, mais les conservateurs ont toujours voté contre.

Il y a eu le projet de loi S-2 concernant les intérêts matrimoniaux dans les réserves, qui accorde des droits de propriété à des non-membres des Premières nations qui vivent dans les réserves. De toute évidence, c'est injuste.

Il y a eu ensuite le projet de loi S-8 sur la salubrité de l'eau potable des Premières nations, qui a délibérément affaibli les droits constitutionnels des Premières nations.

Enfin, il y a eu le projet de loi S-6 sur les élections des Premières nations, qui permet au ministre d'imposer les modalités qui y sont prévues plutôt que de laisser aux Premières nations le choix de les adopter.

Nous avons maintenant au Sénat encore un autre projet de loi conforme au même schéma d'affaiblissement du droit des Premières nations de s'occuper de leurs propres affaires, et qui donne en outre des pouvoirs supplémentaires au ministre. Oui, le projet de loi confère plus de pouvoirs au ministre. Au XXIe siècle, le gouvernement affiche une forme de paternalisme colonialiste qui aurait mieux convenu au XIXe siècle dans son traitement des premiers habitants de notre pays, les Premières nations.

Même s'il y a un petit nombre de chefs ou de conseillers qui pourraient refuser de rendre publiques leur rémunération et leurs dépenses, les conséquences de leur non-conformité devraient s'appliquer directement à eux et non à l'ensemble de leur collectivité. Le fait de retenir des fonds ou de mettre fin à une entente de financement punit des gens qui n'ont eu aucun tort. Il y aura des femmes et des enfants qui seront punis. Le gouvernement aurait certainement pu prendre des mesures plus simples et plus directes pour assurer la conformité en retenant la rémunération des chefs ou des conseillers, et non le financement de l'ensemble de la collectivité.

Chaque jour apporte une nouvelle dose de frustration aux Premières nations parce que le parti au pouvoir refuse d'écouter et de donner suite à des préoccupations légitimes. Les chefs et les jeunes du mouvement « Idle No More » du réveil autochtone ont commencé à agir. Aujourd'hui, à midi, des membres de la Première nation d'Attawapiskat étaient sur les marches des édifices parlementaires. Ils étaient venus pour demander au gouvernement d'entendre les préoccupations de la chef Spence et de lui rendre visite pendant qu'elle fait sa grève de la faim sur l'île Victoria, à peu de distance de la Colline parlementaire.

Le gouvernement peut mettre fin à la vague de protestation des Premières nations qui est en train de déferler sur le pays. Il peut faire cesser la grève de la faim de la chef Spence. Il peut contribuer au démantèlement du barrage routier en Alberta. Pour cela, il n'a qu'à admettre que ce projet de loi présente de graves lacunes auxquelles il faut remédier avant qu'il ne soit adopté.

Ici, dans notre Chambre de second examen objectif, nous sommes censés faire preuve de sagesse. Les honorables sénateurs d'en face auront-ils la sagesse et le courage de faire ce qu'il faut à l'égard des Premières nations? Auront-ils la sagesse et le courage de proposer des amendements pour améliorer ce projet de loi? Auront-ils la sagesse d'appuyer les amendements que les Premières nations ont demandés? J'espère sincèrement que ce sera le cas.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Patterson, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.)

[Français]

Projet de loi de 2012 sur l'emploi et la croissance

Adoption de la motion de fixation de délai

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement), conformément au préavis donné le 12 décembre 2012, propose :

Que, conformément à l'article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles soient attribuées à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-45, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures.

— Honorables sénateurs, il s'agit d'une proposition pour gérer le temps accordé au débat sur le projet de loi C-45, ce projet de loi dont le débat à l'étape de la troisième lecture est déjà commencé et pour lequel, entre autres, le critique de l'opposition a eu le temps d'émettre son opinion. Il nous a livré un discours de plus de 45 minutes, nous montrant ainsi un travail de recherche assez approfondi. Son éloquent discours nous a prouvé qu'il a eu le temps de faire une étude assez complète du projet de loi.

Le projet de loi a été étudié par six comités, qui ont tenu plus de 62 heures de séances en 30 rencontres; 135 témoins ont été entendus par les différents membres des comités, qui ont pu poser des questions et étudier le projet de loi en profondeur.

(1540)

C'est pourquoi nous considérons qu'une période de temps de six heures supplémentaires serait amplement suffisante pour procéder à l'adoption de ce projet de loi.

J'invite donc les honorables sénateurs à appuyer cette motion.

[Traduction]

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'ai une perception légèrement différente de la situation, on s'en doute.

Nous voilà repartis. Nous sommes saisis d'un autre projet de loi omnibus, d'une autre motion du gouvernement Harper visant à interrompre le débat, à nous empêcher de nous exprimer sur les questions les plus cruciales pour les Canadiens : les emplois et la croissance économique.

Des sénateurs d'en face et le gouvernement Harper prétendent que c'est une question de procédure, que ce n'est pas important pour les Canadiens, et c'est un fait que la motion à l'étude semble sèche et technique, puisqu'il s'agit de l'attribution de temps. Qui pourrait bien s'intéresser à cela? Chacun de nous sait bien ce qui se cache derrière ces mots. Le Président, lorsqu'il siégeait de ce côté-ci, parlait à ce propos de « guillotine ». Le mot est parfaitement choisi, car il s'agit de couper court au débat pour empêcher chacun de nous de poser des questions sur le projet de loi très important et compliqué dont nous sommes saisis, de nous empêcher d'examiner de trop près les plans que le gouvernement propose pour notre pays.

Or, notre travail consiste justement à faire un examen minutieux des mesures proposées. C'est ce que les Canadiens attendent de nous et c'est ce pourquoi nous avons été invités à siéger au Sénat et ce pourquoi nous sommes payés. Le sénateur Lowell Murray, notre ancien collègue qui a été pendant des années le leader au Sénat d'un gouvernement conservateur bien différent de celui d'aujourd'hui, a toujours eu une conception très claire de notre rôle en tant que parlementaires : nous ne sommes pas ici pour gouverner, mais pour exiger des comptes de ceux qui gouvernent. Ce n'était pas une idée nouvelle. Le sénateur Murray citait en fait William Gladstone, un grand homme qui a été premier ministre de la Grande-Bretagne quatre fois.

L'essence même, le cœur de la démocratie parlementaire, c'est que le Parlement exige des dirigeants qu'ils rendent compte de leur façon de gouverner. Nous utilisons fréquemment, et le gouvernement le premier, le terme « responsabilisation ». Si souvent en fait qu'on en oublie parfois la signification. Ce n'est pas une tâche dont nous pouvons nous départir ou que nous pouvons confier à quelque fonctionnaire, ou même à un mandataire du Parlement. Les mandataires du Parlement jouent un rôle très important dans le processus, mais en démocratie parlementaire, la responsabilité ultime à cet égard est celle des deux Chambres du Parlement. Il s'agit là d'une tradition aussi vieille que l'institution parlementaire même. C'est vraiment la quintessence de notre travail. Le Parlement exige des comptes de l'exécutif, du gouvernement.

Malheureusement, le gouvernement Harper ne veut pas rendre de comptes. Il est sans conteste le plus secret, le plus fermé de l'histoire du Canada et celui qui rend le moins de comptes. Il ne manque pas d'exemples de cas où le gouvernement a réduit la critique au silence ou refusé de rendre publics des renseignements qui l'auraient exposé à la critique. Ceux qui ont un rôle de chien de garde à jouer sont réduits au silence ou congédiés; les dénonciateurs sont calomniés publiquement; des organisations se font couper les vivres ou font l'objet de vérifications de l'Agence du revenu du Canada.

Permettez-moi de citer seulement deux des incidents les plus récents pour illustrer mon propos.

Nous avons appris l'autre jour qu'un autre scientifique d'Environnement Canada s'était fait bâillonner par le cabinet du ministre de l'Environnement et le Bureau du Conseil privé. David Tarasick est un chercheur scientifique chevronné du Centre des recherches atmosphériques d'Environnement Canada à Toronto. Il a passé sa carrière à suivre l'évolution de la couche d'ozone, et il a fait un rapport sur le trou géant, consternant, qui s'est formé au-dessus de l'Arctique l'an dernier. On a beaucoup parlé de ce phénomène. Comme on pouvait s'y attendre, les journalistes ont voulu discuter de la question avec ce scientifique qui s'y connaît bien, puisqu'il est un spécialiste dans le domaine. Selon les documents obtenus par Postmedia News, M. Tarasick était disponible et voulait s'entretenir avec les journalistes, mais le cabinet du ministre lui a refusé la permission. Ces documents disent ce qui suit :

Le ministère a recommandé au cabinet du ministre d'autoriser cette interview, mais elle a été refusée.

Le comble, c'est que, après avoir refusé à M. Tarasick la possibilité de s'entretenir avec les journalistes comme il le voulait et était disposé à le faire, le gouvernement a dit aux reporters d'attribuer au scientifique une réponse écrite. Comme on l'explique dans l'article paru dans l'Ottawa Citizen, il était clair, d'après les documents obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, que la déclaration attribuée au scientifique avait été rédigée par des fonctionnaires d'Ottawa. Pendant tout ce temps, le ministre de l'Environnement, Peter Kent, répétait son mantra : « Nous ne muselons pas les scientifiques. »

Honorables sénateurs, si ce n'est pas là bâillonner un scientifique, qu'est-ce que c'est? Des scientifiques payés par les contribuables ne sont pas autorisés à leur parler de travaux qui ont une incidence directe sur notre climat et notre avenir.

Mon deuxième exemple montre que cette pratique du gouvernement Harper à l'égard des scientifiques a des ramifications internationales. Cette année, la prestigieuse American Association for the Advancement of Science a tenu sa 178e réunion annuelle au Canada, et plus précisément à Vancouver. La conférence portait sur l'édification d'une société mondiale du savoir. Des milliers de scientifiques, de décideurs et d'éducateurs venus d'une cinquantaine de pays ont assisté à cette conférence de six jours, et notre collègue, le sénateur Dyck, a entretenu cet auditoire distingué du sujet suivant : la roue médicinale et la science occidentale.

Honorables sénateurs, l'une des séances de la conférence portait le titre suivant : « Libérer les scientifiques du gouvernement : comment rouvrir le discours? » La description de la séance débutait en ces termes :

D'un bout à l'autre du Canada, les journalistes se font interdire de parler avec des scientifiques dont les travaux sont financés par les fonds publics, et les milieux de la recherche sont exaspérés du fait que le gouvernement bâillonne ses scientifiques. Certains font remarquer qu'il s'agit là d'une tendance du gouvernement du Canada à resserrer son contrôle sur les modalités des contacts entre les scientifiques fédéraux et les médias et sur le moment où ils peuvent avoir lieu.

Le but de cette séance, comme l'expliquait le programme, était de mieux comprendre ce qui se passait. L'une des questions était la suivante : « Comment l'obstruction des communications avec les scientifiques compromet-elle la progression des recherches scientifiques et mine-t-elle la démocratie? » Et enfin : « Que peut-on faire pour améliorer la situation? »

Une sous-ministre adjointe d'Environnement a été invitée à participer à la conférence. Elle a commencé par accepter, disant que cela l'intéressait beaucoup. Puis, la main lourde de la machine Harper s'est abattue, et la sous-ministre adjointe a été réduite au silence. Voici ce que dit à propos de la sous-ministre adjointe l'article de l'Ottawa Citizen paru la semaine dernière, sous la plume de Margaret Munro, incidemment, qui était présente à la conférence et a participé à un groupe de travail :

Elle s'est plutôt assise dans l'auditoire lors de la conférence de Vancouver, simple spectatrice de la séance d'information. On lui avait suggéré de se contenter de transmettre les questions portant sur les politiques strictes du gouvernement en matière de communication à Ottawa, où les tacticiens du gouvernement prépareraient une réponse [...]

L'article se poursuit ainsi :

La réponse, à savoir qu'Environnement Canada satisfaisait de façon « exemplaire » aux demandes des médias, a été rendue publique dans une lettre que Paul Boothe, alors sous-ministre de l'Environnement, a envoyée aux journaux, une lettre révisée et préautorisée par le bureau du ministre de l'Environnement, Peter Kent, et le Bureau du Conseil privé, qui doit rendre des comptes au premier ministre.

Le gouvernement Harper ne veut pas rendre compte aux Canadiens de ses actes. Il ne le fait que dans les conditions qu'il a choisies et qu'il tient en main. Les journaux en parlent lorsque le premier ministre permet aux médias de poser plus que deux questions lors de ces prétendues conférences de presse.

Certains Canadiens ont été expulsés d'activités conservatrices auxquelles prenait part le premier ministre parce que les organisateurs avaient découvert dans Facebook des photos de ces participants en compagnie du chef du Parti libéral de l'époque. Le gouvernement a même créé de toutes pièces des cérémonies de remise de certificats de citoyenneté, où des fonctionnaires choisis pour leur apparence se faisaient passer pour de nouveaux citoyens. Tout cela coûte des milliers de dollars aux contribuables.

Compte tenu des faux lacs, des cérémonies fictives et des photos mises en scène, on peut pardonner aux Canadiens de soupçonner que la même chose se passe au Parlement, qu'ils sont devant un simulacre d'examen parlementaire et que les audiences des comités sont truquées. C'est inquiétant parce que les Canadiens devraient accorder leur confiance au Parlement. Les journalistes peuvent contribuer à tenir le gouvernement responsable de ses actes, mais, dans une démocratie parlementaire, ce rôle incombe en fait aux parlementaires. Nous abdiquons ce rôle.

(1550)

Nous savons tous qu'il est tout simplement impossible de bien examiner un projet de loi qui compte plus de 400 pages et qui modifie une soixantaine de textes législatifs. Ce n'est certainement pas possible en quelques semaines. Étudier les mesures législatives proposées, prêter l'oreille aux préoccupations des Canadiens, et proposer et adopter les amendements voulus : voilà la tâche qui nous incombe.

De toute évidence, il n'y a aucune limite à l'arrogance du gouvernement Harper ni à sa détermination à miner, à écarter ou, carrément, à ignorer les freins et les contrepoids afin d'asseoir son pouvoir. En ce qui concerne le projet de loi que nous examinons, le gouvernement a tenté de faire valoir à l'autre endroit que, puisqu'il détient la majorité des sièges, le résultat du vote est connu d'avance, alors pourquoi ne pas activer la cadence, regrouper tous ces fichus amendements de l'opposition en une seule motion facile à défaire et passer carrément au vote? Heureusement, le Président, un conservateur, a reconnu que ce serait aller trop loin. M. Scheer a rendu la décision suivante :

Ce raisonnement, si sa logique était suivie jusqu'au bout, mènerait à des conclusions portant atteinte à d'importants principes de base de notre institution, indépendamment de sa composition.

Il a rappelé au leader du gouvernement à l'autre endroit que le Canada est :

[...] une démocratie parlementaire et non une démocratie de type exécutif ou de type administratif.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Honorables sénateurs, peut-être que le gouvernement veut faire fi du Parlement. Peut-être qu'il voit en nous une entrave procédurale, comme certains l'ont dit au fil des ans à propos du Parlement. Or, c'est nous qui perpétuons le problème en adoptant les projets de loi omnibus, et qui l'aggravons en nous censurant nous-mêmes au moyen de motions telles que celle dont nous sommes saisis.

En mai, Andrew Coyne a écrit un article intitulé « The degradation of Parliament is complete — l'état, c'est le PMO ». Honorables sénateurs, il ne peut en être ainsi que si nous le permettons.

Nous sommes ici pour demander des comptes à ceux qui gouvernent. L'une des entités créées à cette fin est le Bureau du directeur parlementaire du budget, qui a été instauré — quelle ironie — par le gouvernement minoritaire de Stephen Harper lorsqu'il a accédé au pouvoir pour la première fois en 2006.

Que s'est-il produit depuis? Malheureusement, on entend régulièrement dire que le directeur parlementaire du budget n'arrive pas à obtenir certains renseignements du gouvernement. Il y a quelques semaines, le 21 novembre, le directeur parlementaire du budget, Kevin Page, a intenté une action en Cour fédérale pour obliger le gouvernement Harper à lui fournir des renseignements.

En 2006, le président du Conseil du Trésor de l'époque, John Baird, a dit au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles...

Son Honneur le Président : Je regrette d'interrompre le sénateur, mais nos débats sont très importants, et l'article 2-8 du Règlement est très clair. Je vais le lire. Il prévoit que, au cours d'une séance, il est interdit « aux sénateurs d'avoir des entretiens privés en deçà de la barre et, le cas échéant, le Président doit leur ordonner d'aller au-delà de la barre ».

Je ne répéterai pas cette règle, mais nos travaux sont très importants, et nous devons tous la respecter.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Merci, Votre Honneur.

En 2006, le président du Conseil du Trésor de l'époque, John Baird, a dit au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles que le directeur parlementaire du budget permettrait aux parlementaires « d'avoir une idée claire des prévisions budgétaires du gouvernement » et du « contexte financier dans lequel notre pays évolue ». Or, nous avons pu constater que le gouvernement souhaitait en fait nous fournir un tableau incomplet de la situation, qui ne présentait que sa perspective financière et non la réalité.

Comme on le sait, le directeur parlementaire du budget n'est pas le seul. La Commission de vérité et de réconciliation du Canada — aussi créée en grande pompe par le gouvernement Harper — a dû elle aussi traîner le gouvernement devant les tribunaux. Il y a plusieurs années, on avait promis à la Commission des documents qui disent la vérité à propos des pensionnats indiens. Cette promesse n'a pas été tenue, encore une fois. Le gouvernement fait traîner les choses et présente une excuse après l'autre. La commission de vérité et de réconciliation a dû aller en cour pour obtenir des documents qui révèlent la vérité, honorables sénateurs. Harperland : terre de paradoxes.

Les poursuites judiciaires coûtent cher. L'an dernier, le gouvernement Harper a dépensé un montant record pour des services juridiques : 500 millions de dollars, donc un demi-milliard. C'est 38 p. 100 de plus que ce qu'il avait dépensé en 2008-2009. Le gouvernement Harper aime parler tout haut d'ouverture et de reddition de comptes, mais il dépense des millions de dollars pour combattre les demandes d'information soumises par des institutions qu'il a lui-même établies.

Honorables sénateurs, sans information, il n'y a aucune reddition de comptes.

Le sénateur Mitchell : Et aucune démocratie.

Le sénateur Cowan : Nous nous souvenons tous qu'il y a deux ans, le gouvernement Harper a été reconnu coupable d'outrage au Parlement parce qu'il refusait de fournir aux parlementaires les renseignements dont ils avaient besoin pour évaluer ce que coûteraient réellement aux Canadiens le programme de lutte contre la criminalité proposé par le gouvernement Harper, et le projet d'acquisition des chasseurs F-35.

Deux ans plus tard, nous ne savons toujours pas combien les nombreux projets de loi sur la criminalité coûteront véritablement aux Canadiens. Le gouvernement a aussi refusé de parler du coût réel des F-35 jusqu'à ce que les faits soient trop éloquents pour qu'il puisse continue de nier. Après avoir passé des années à fournir aux Canadiens et à leurs représentants élus des chiffres tout à fait inexacts, comme nous le savons maintenant, le premier ministre Harper a dit : « Oups! Les chiffres étaient faux. »

Andrew Coyne a écrit un article à ce sujet pour le National Post. Le titre indique que la débâcle des F-35 révèle l'échec général de la reddition de comptes démocratique. Voici ce que dit M. Coyne :

En somme, pratiquement tous les mécanismes censés garantir une saine utilisation de l'argent des contribuables et protéger l'intérêt public ont été corrompus, contournés ou neutralisés. Des ministres ont manqué à leur devoir de surveiller ce qui se passe dans leur ministère; le Parlement s'est vu empêcher de demander des comptes aux ministres; le public a été tenu dans l'ignorance du début à la fin. Nos mécanismes de contrôle ont été aussi inefficaces que si on avait laissé des gens tranquillement charger 40 milliards de dollars dans un camion au ministère de la Défense.

Je poursuis la lecture de l'article de M. Coyne :

[...] La question ne se limite pas au F-35 [...] C'est la démocratie qui est en cause.

S'il fallait trouver une preuve de la faiblesse de nos institutions démocratiques et de l'urgente nécessité de leur apporter des changements, nous avons maintenant cette preuve. Nous devrions aujourd'hui comprendre que la responsabilité démocratique n'est pas une question abstraite intéressant seulement les intellectuels, et non le public, sous prétexte que ce n'est pas près de la réalité quotidienne des gens. En fait, il est difficile d'imaginer un sujet plus près de la réalité quotidienne que celui-là. C'est l'argent des contribuables qui est en jeu.

Soit dit en passant, M. Coyne nous rappelle que l'achat des F-35 n'était « pas uniquement un enjeu central des dernières élections, mais la cause principale » de ces élections.

Il souligne que le gouvernement « a remporté la joute électorale en se servant de ses chiffres frauduleux ».

Honorables sénateurs, M. Coyne a raison. La responsabilité démocratique est aussi près de la réalité quotidienne des gens qu'on puisse l'imaginer. Nous sommes en présence d'un « échec général de la reddition de comptes démocratique », pour employer les mots de M. Coyne.

Honorables sénateurs, nous sommes capables de remédier à ce problème. Nous pouvons dire que c'en est assez. Nous nous attendons à mieux de la part de notre gouvernement et nous devrions nous attendre à mieux de nous-mêmes lorsque vient le temps de lui demander des comptes.

Nous devons affirmer d'abord qu'imposer la clôture des débats au Parlement est une mauvaise idée et ensuite que légiférer au moyen de projets de loi omnibus est également une mauvaise idée. Dans les deux cas, cela revient à refuser au Parlement le droit, qui est aussi notre devoir, d'examiner sérieusement les textes destinés à être les lois du pays. Dans les deux cas, on refuse au Parlement la possibilité de demander des comptes au gouvernement. Personne ne devrait participer en toute connaissance de cause à un échec de la reddition de comptes démocratique aussi retentissant que celui auquel nous assistons aujourd'hui.

Il est certainement important de s'opposer aux projets de loi omnibus.

(1600)

Comme bien d'autres personnes, j'ai déjà cité cette déclaration. Toutefois, un peu comme les gouttes d'eau qui tombent sur une pierre, il faut souvent répéter les choses pour qu'elles aient enfin l'effet voulu. En 1994, alors qu'il était député réformiste, M. Harper avait pris la parole à l'autre endroit pour exprimer son opposition à un projet de loi budgétaire omnibus beaucoup moins volumineux. Voici ce qu'il avait dit : « À mon avis, monsieur le Président, vous devriez déclarer qu'il est irrecevable [...] » Puis, il avait ajouté : « [...] je suis prêt à soutenir que le contenu du projet est tellement hétéroclite que, pour se prononcer par un seul vote, les députés devraient transiger avec leurs principes. »

Ce projet de loi ne faisait que 21 pages. Le premier ministre dit maintenant aux Canadiens qu'un projet de loi de 440 pages est tout à fait acceptable. Or, ce n'est pas vrai. Cela dénature complètement la procédure parlementaire normale. Les parlements n'ont pas été conçus pour se gaver inconsidérément de gigantesques projets de loi omnibus.

Honorables sénateurs, nous sommes très fiers de notre histoire et de notre patrimoine. La guerre de 1812 a été un tournant de notre histoire nationale, et nous avons bien raison de la commémorer. Cependant, notre histoire nationale ne se limite pas aux conflits qui ont marqué notre pays; elle concerne tout autant la façon dont nous collaborons et travaillons ensemble.

Permettez-moi de citer une lettre qui a été publiée dans le Globe and Mail du samedi 20 octobre. Elle a été rédigée par Hamar Foster, un professeur de droit qui enseigne à l'Université de Victoria. Voici ce qu'il a écrit :

Contrairement à certaines personnes, je n'ai rien contre l'idée que mes concitoyens canadiens en apprennent davantage au sujet de notre histoire, qui comprend notre héritage britannique. Le fait de passer sous silence cet héritage en 2012 n'est pas plus sensé que le fait de le glorifier sans réserve, comme ce fut le cas il y a 50 ans.

Cependant, cet héritage est loin de se limiter aux batailles et aux guerres. À titre d'exemple — et le gouvernement fédéral aurait tout intérêt à y réfléchir —, permettez-moi de citer l'extrait suivant des instructions que le gouvernement britannique avait données en 1858 à James Douglas, au moment de sa nomination au poste de gouverneur de la Colombie-Britannique :

Lorsque vous légiférez vous devez, dans la mesure du possible, vous assurer que chaque sujet fait l'objet d'une loi différente, sans mélanger dans une seule et même loi des sujets qui n'ont aucun lien entre eux. Vous devez en particulier veiller à ne pas ajouter à une loi, ou annexer à celle-ci, un article, ou des articles, n'ayant aucun lien avec ce qu'annonce le titre de ladite loi.

Autrement dit, sénateurs, un projet de loi omnibus est une mauvaise idée. Cette recommandation, ou une variante de celle-ci, faisait partie des instructions habituellement transmises aux gouverneurs des colonies.

Honorables sénateurs, c'est cette approche, utilisée depuis plus de 150 ans, qui a contribué à créer une nation remarquable. Il y a eu de rares exceptions, comme le projet de loi omnibus de 21 pages dont M. Harper a parlé avec tant d'éloquence en 1994. Malheureusement, ces exceptions sont maintenant devenues la norme sous la gouverne du premier ministre Stephen Harper. On met au rancart le cadre parlementaire qui a contribué à bâtir un pays qui fait l'envie du reste du monde, et on nous demande de nous faire complices de cet acte.

M. Louis Massicotte, professeur à l'Université Laval, a fait des recherches sur les projets de loi omnibus aux États-Unis. Il a découvert que 42 des 50 États possèdent, dans leur Constitution, des dispositions interdisant les projets de loi omnibus. Il a cité une décision de 1901 de la Cour de l'État de Pennsylvanie commentant la situation avant que la constitution de cet État ne soit modifiée en 1864 afin d'interdire les projets de loi omnibus. Voici un extrait de cette décision :

Les projets de loi communément appelés omnibus sont devenus une véritable plaie, non seulement à cause de la confusion et de la distraction qu'ils provoquent dans l'esprit du législateur en mélangeant ensemble des sujets incongrus, mais aussi et surtout à cause de la facilité avec laquelle ils corrompent diverses minorités aux intérêts différents dans le but de forcer l'adoption de projets de loi comprenant des dispositions qui n'auraient jamais été adoptées si elles avaient été présentées séparément.

Il est tout à fait clair que les projets de loi omnibus n'étaient pas acceptables dans les années 1800, au Canada — tel qu'il était à l'époque — comme aux États-Unis. Au XIXe siècle, les gouvernements avaient compris que c'était une mauvaise façon de gouverner, une véritable plaie, comme l'a dit la cour de la Pennsylvanie. Le passage du temps n'a pas rendu ces projets de loi plus acceptables.

Honorables sénateurs, récemment, les presses de l'Université d'Oxford ont choisi comme mot de l'année le mot « omnishambles », qui pourrait se traduire par « omnifouillis ». Ce mot décrit de façon appropriée le dernier projet de loi omnibus d'exécution du budget du gouvernement Harper, le projet de loi C-45. C'est un « omnisfouillis » parce que ce projet de loi, bien qu'il contienne des mesures budgétaires, contient des mesures qui n'ont absolument rien à voir avec le budget.

Plus tôt cette année, le projet de loi C-38, le projet de loi omnibus d'exécution du budget précédent, a radicalement modifié — bien des Canadiens diraient plutôt miné — les lois canadiennes de protection de l'environnement. Cependant, même ce projet de loi n'a pas démantelé les mesures de protection de l'environnement autant que le voulait le gouvernement Harper. À peine quelques mois plus tard, ce nouveau projet de loi omnibus d'exécution du budget vient modifier radicalement la Loi sur la protection des eaux navigables du Canada. Cette loi remonte à 1882. Elle a été adoptée lorsque sir John A. Macdonald était au pouvoir.

Pouvait-elle être améliorée? Fort probablement, et elle a effectivement été modifiée en 2009 par le gouvernement Harper, il y a seulement trois ans. Fait intéressant, ces modifications étaient également contenues dans un projet de loi omnibus d'exécution du budget, le projet de loi C-10. Les sénateurs se souviennent peut-être que, lors de son rapport au Sénat sur le projet de loi d'exécution du budget de 2009, le Comité sénatorial permanent des finances nationales avait, fait inhabituel, ajouté une observation sur le recours à des projets de loi omnibus d'exécution du budget qui, et je cite :

[...] a pour effet d'empêcher le Parlement d'effectuer un examen sérieux de la multitude de propositions de politiques qui s'y trouvent. Plus précisément, cette pratique fait qu'il est presque impossible pour les comités d'étudier en profondeur les projets de loi qui leur sont renvoyés.

Dans son rapport, le comité faisait état d'objections formulées à l'étape de la deuxième lecture par le sénateur progressiste-conservateur Lowell Murray, qui, les sénateurs s'en souviendront, a longtemps siégé au Comité des finances nationales, notamment comme président ou vice-président durant plusieurs années. Le sénateur Day en a lu des extraits à l'étape de la deuxième lecture, mais je crois que cela vaut la peine d'être répété. Le comité, dans son rapport, a cité les propos suivants du sénateur Murray :

Je le répète, honorables sénateurs, les modifications de la Loi sur la protection des eaux navigables, de la Loi sur la concurrence et de la Loi sur Investissement Canada, pas plus que la nouvelle Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public, n'ont pas leur place dans un projet de loi qui met en œuvre un budget. C'est d'autant plus flagrant que le projet de loi d'exécution du budget est axé, comme il doit l'être, sur la stimulation immédiate et la reprise de l'économie.

Il a poursuivi en disant ce qui suit :

Les modifications apportées à la Loi sur la protection des eaux navigables, à la Loi sur la concurrence et à la Loi sur Investissement Canada, ainsi que la nouvelle Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public, ont une grande portée. Dans certains cas, il s'agit de changements fondamentaux. Parfois, de changements historiques. Le plus important, c'est qu'il existe des divergences d'opinions bien ancrées sur ces propositions entre les Canadiens qui connaissent le mieux ces questions, s'en préoccupent le plus et seront le plus directement touchés.

Dans l'intérêt d'une saine politique d'intérêt public et même dans l'intérêt des valeurs démocratiques que nous chérissons, nous avons le devoir de les entendre. Il ne faut pas, par des moyens détournés, écarter leurs préoccupations au sujet de dispositions législatives préjudiciables, ce qui arrive lorsqu'on impose de force, dans un projet de loi d'exécution de budget, des mesures qui n'y ont pas leur place.

Honorables sénateurs, trois ans plus tard, le gouvernement Harper propose d'autres changements — encore plus draconiens — à la Loi sur la protection des eaux navigables. Encore une fois, il les a enfouis dans un projet de loi omnibus d'exécution du budget.

Pourquoi, à peine trois ans plus tard, nous demande-t-on encore d'approuver des changements considérables à l'une des plus vieilles lois du Canada? Et pourquoi sommes-nous obligés de les adopter à la hâte? Le gouvernement n'a-t-il pas fait les choses correctement en 2009? A-t-on omis, à l'époque, de corriger certaines erreurs compte tenu de l'aspect fourre-tout du projet de loi? Ou s'agit-il en fait, pour reprendre les mots du sénateur Murray, d'une autre tentative pour agir par des « moyens détournés »?

Si le gouvernement est convaincu qu'il a raison d'apporter ces modifications à ce moment-ci, pourquoi ne pas les présenter dans un projet de loi distinct et faire en sorte qu'elles soient étudiées comme il se doit et que les Canadiens concernés et les spécialistes puissent donner leur avis?

Le projet de loi modifie notamment le titre de cette loi vieille de 130 ans. Il remplace « Loi sur la protection des eaux navigables » par « Loi sur la protection de la navigation ». C'est un changement important, honorables sénateurs. Le gouvernement dit que la loi traite non de la protection des eaux, mais de la protection de la navigation. Ainsi, le gouvernement Harper veut non seulement changer ce que la loi fera à l'avenir, mais aussi réécrire l'histoire quant à ce que la loi a réalisé par le passé.

(1610)

Le site même du ministère des Transports disait clairement que l'un des importants objectifs de la Loi sur la protection des eaux navigables était de protéger l'environnement. Dans la foire aux questions concernant la loi, l'environnement était mentionné 23 fois. Le site disait, entre autres, que les rigoureuses nouvelles sanctions reflétaient la détermination du gouvernement à maintenir la sécurité de la navigation publique et de l'environnement.

Bien sûr, le gouvernement a affirmé que le changement du titre de la loi ne changeait absolument rien et que la loi initiale n'avait pour objet que de protéger la navigation. Lorsque des questions ont été posées à l'autre endroit le 23 octobre au sujet des divergences qui existaient entre les affirmations du gouvernement et ce que disait son propre site web, le jour même, honorables sénateurs, le site web a été modifié. Parties, toutes les mentions du rôle de la loi dans la protection de l'environnement. Comme je l'ai déjà dit, le présent gouvernement est plus orwellien que ce que dépeignait George Orwell lui-même dans 1984. Texte embarrassant sur Internet? Effacé! On n'a qu'à effacer l'histoire et à la réécrire pour l'adapter à la dernière version des faits du gouvernement.

Puis-je avoir cinq minutes de plus?

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Cowan : Je vous remercie.

Même le titre de la page Web a été modifié. On y trouve maintenant « Loi sur la protection de la navigation », des mois avant que le projet de loi prévoyant ce changement soit déposé au Sénat. Bien entendu, le gouvernement Harper n'a aucune inquiétude quant à la possibilité de faire adopter ce projet de loi « omnifouillis » sans amendements. Il était parfaitement sûr qu'aucun des membres de son propre caucus ne contesterait la décision de rebaptiser une loi qui remonte à 130 ans.

Peut-on s'étonner de ce que le gouvernement conservateur soit si sûr de l'appui des membres de son caucus? Les amendements supprimeront la surveillance fédérale qui s'exerçait sur des milliers et des milliers de lacs et de cours d'eau du pays. Seuls 97 lacs et 62 rivières, ruisseaux et canaux, sans compter les océans, demeureront sous la protection du gouvernement fédéral.

Bien sûr, les changements apportés à la Loi sur la protection des eaux navigables sont loin d'être les seules mesures controversées de ce projet de loi omnibus. La semaine dernière, les Canadiens ont pu voir un groupe de chefs des Premières nations se rendre à la porte de l'autre endroit pour essayer d'entrer pendant la discussion du projet de loi. Ils ont dit que leur voix n'était pas entendue au sujet d'une mesure législative qui les touchait d'une façon très directe et très immédiate. Depuis, il y a eu d'autres manifestations dans le pays, à Calgary, à Edmonton, à Regina, à Saskatoon, à Winnipeg et à Kenora.

Les Premières nations s'inquiètent particulièrement des modifications apportées à la Loi sur la protection des eaux navigables, à la Loi sur les pêches et à la Loi sur les Indiens.

Honorables sénateurs, que font ces dispositions dans un projet de loi d'exécution du budget? Pourquoi cherche-t-on à les faire adopter à toute vapeur sans une consultation adéquate des Premières nations? Notre Constitution dit très clairement que nous avons l'obligation de les consulter. C'est une obligation constitutionnelle. En toute franchise, c'est aussi une obligation morale.

Soit dit en passant, un certain nombre des modifications apportées à la Loi sur les pêches dans le projet de loi C-45 ont pour objet de corriger des erreurs faites dans le projet de loi C-38, le projet de loi omnibus que le gouvernement a fait adopter à la hâte il y a quelques mois. Il faut noter que le C-38 lui-même contenait des dispositions corrigeant ou abrogeant des dispositions de projets de loi omnibus antérieurs, et nous pouvons voir la même chose dans le projet de loi dont nous sommes saisis.

Pourtant, on pouvait s'y attendre. C'est ce qui arrive lorsqu'un gouvernement veut passer outre aux freins et contrepoids du système. C'est ce qui arrive lorsqu'un gouvernement aborde le processus législatif comme s'il s'agissait d'un devoir d'écolier : si on fait une erreur, eh bien, il n'y a qu'à la corriger. Maintenant, nous légiférons par tâtonnements. Nous essayons une chose et, si elle ne marche pas, nous l'enlevons et essayons autre chose.

Ce n'est pas la façon de rédiger et de faire adopter des lois, ni de gouverner d'ailleurs.

Beaucoup trop de questions dans ce projet de loi « omnifouillis » n'ont pas leur place dans un projet de loi de voies et moyens du gouvernement. Des autorisations de voyage électronique et des « mini visas » — voilà notamment ce dont traite le projet de loi. La commissaire à la protection de la vie privée du Canada a soulevé de graves questions concernant la vie privée. Permettez-moi de vous lire ce qu'elle dit à ce sujet :

Le Canada et les États-Unis négocieraient d'ailleurs encore les modalités du partage de l'information dans ce contexte. Parmi les données recueillies, mentionnons le nom de famille, la date de naissance, la citoyenneté, le pays de naissance, le pays de résidence, le sexe, les adresses électroniques, les numéros de téléphone et le numéro de passeport. Il y a également des questions très délicates quant à l'exposition aux maladies transmissibles, aux troubles physique ou mental, à l'abus d'alcool ou d'autres drogues et aux antécédents criminels.

Honorables sénateurs, c'est très grave. La commissaire à la protection de la vie privée a ajouté ceci :

Il est évident que ces enjeux ont été en bonne partie façonnés à huis clos, notamment par des accords avec les États-Unis plutôt que dans le cadre d'un débat public et ouvert.

Un « débat public et ouvert » — je partage son opinion. Or ces modifications n'apportent pas les précisions voulues. Elles sont elles-mêmes enfouies dans un projet de loi omnibus de plus de 400 pages, et le comble, c'est que leur adoption se fera à toute vapeur au moyen d'une motion d'attribution de temps. Ainsi, on limite l'actuel débat public et ouvert, qui était déjà limité.

Nous devrions peut-être nous pencher sur ce qui ne figure pas dans le projet de loi et nous demander pourquoi cela n'a pas été inclus. Par exemple, la nouvelle que Leurs Altesses Royales le duc et la duchesse de Cambridge attendent un bébé a réjoui les Canadiens et le reste de la planète. Par la même occasion, on a annoncé que les règles de la succession au trône seront modifiées afin de mettre fin à la discrimination de longue date à l'égard des femmes concernant l'accession au trône. C'est dans ce contexte que Jim Reynolds, de Niagara-on-the-Lake, a écrit une lettre au rédacteur en chef du Globe and Mail. Il disait :

Pourquoi les conservateurs n'ont-ils pas profité de ce projet de loi omnibus d'exécution du budget pour modifier la loi régissant l'ordre de succession? Ils auraient ensuite pu accuser l'opposition obstructionniste d'être sexiste et antimonarchiste.

Au printemps dernier, dans le cadre d'une autre motion d'attribution de temps, j'ai déclaré que, si nous tolérons le mépris que le gouvernement affiche pour notre avis réfléchi — si nous acceptons que des projets de loi soient adoptés à toute vapeur, de façon incessante et répétée, sans que nous puissions faire notre travail — ,les sénateurs, de ce côté-ci comme de l'autre, mettent eux-mêmes le Sénat sous la guillotine.

Pour conclure, comme je l'ai dit au printemps dernier, et je le répète, je ne crois pas qu'aucun d'entre nous ait accepté de venir au Sénat pour participer à une telle entreprise. Nous voulons tous contribuer à faire du Canada un endroit meilleur où vivre.

Nous avons le privilège de représenter les Canadiens dans cette Chambre, mais c'est un privilège que nous devons constamment mériter. Au fil des décennies, depuis plus d'un siècle, le Sénat a étudié des questions importantes, en a débattu, et a proposé et adopté des solutions réfléchies. Nous avons tous été nommés ici en raison des contributions uniques que nous pouvons apporter aux affaires publiques du pays. Nous sommes les héritiers d'une grande tradition. Or, les projets de loi omnibus et les motions d'attribution de temps que le gouvernement a présentés trahissent cette tradition. Honnêtement, il se moque de la tradition et de notre rôle. Ce n'est pas pour cela que j'ai accepté d'être nommé au Sénat. J'ose espérer et croire que mes collègues d'en face non plus.

L'honorable Bert Brown : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Son Honneur le Président : Le temps est écoulé

Selon le Règlement, lorsque le Sénat discute d'une motion d'attribution de temps, le leader du gouvernement et du leader de l'opposition disposent chacun de 30 minutes et tous les autres sénateurs, de 10 minutes. Le sénateur Cowan a utilisé ses 30 minutes et la Chambre a décidé, à l'unanimité, de lui allouer cinq minutes additionnelles. Son temps est maintenant écoulé. Reprise du débat. Le sénateur Tardif a la parole.

(1620)

[Français]

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'aimerais intervenir encore une fois au sujet d'une motion d'attribution de temps dans le cadre de la présente session parlementaire, cette fois-ci au sujet du projet de loi C-45, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Depuis le début de la présente session parlementaire, il y a un peu plus de 18 mois, le gouvernement s'est servi de la motion de fixation de délai à huit reprises afin d'adopter des projets de loi dans cette Chambre et à 28 reprises à l'autre endroit. Un tel scénario s'est produit la dernière fois pour l'adoption du projet de loi C-38, le très volumineux projet de loi d'exécution du budget qui a modifié plus de 70 lois par l'entremise d'une seule mesure législative.

Aujourd'hui, nous sommes en présence d'un projet de loi de 414 pages, qui contient plus de 516 articles, qui modifie 60 lois et qui s'étend bien au-delà de ce qu'on pourrait raisonnablement appeler de la politique fiscale. En fait, ce n'est plus d'un projet de loi dont il est question; c'est plutôt d'un programme législatif complexe.

À mon avis, le gouvernement fait preuve d'un profond manque de respect en menant ses affaires de cette façon; il rend un mauvais service à l'institution que nous représentons.

[Traduction]

Est-il particulièrement urgent d'adopter ce projet de loi? Je n'ai rien entendu de tel de la part du gouvernement. En fait, il est difficile d'apprendre quoi que ce soit au sujet de cette mesure législative simplement en écoutant le gouvernement. C'est peut-être là l'objectif de ce dernier. Personne ne peut connaître exactement tous les aspects de cette mesure législative. Comme beaucoup de sénateurs l'ont déjà mentionné, nous sommes saisis de l'un des plus gros projets de loi d'exécution du budget de l'histoire du pays. Si vous élaborez une mesure législative aussi complexe et que vous parvenez à la faire adopter très rapidement par le Parlement, peut-être aurez-vous la chance que personne ne remarque les choses qui, selon vous, devraient passer inaperçues.

Je suis convaincue que certains de mes collègues d'en face aimeraient signaler que plusieurs comités du Sénat ont entrepris l'étude préalable de ce projet de loi massif suivant l'adoption de la motion, le 30 octobre. En fait, le Comité des banques et du commerce, le Comité de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, le Comité des transports et des communications, le Comité des peuples autochtones et le Comité de l'agriculture et des forêts ont étudié les divers éléments du projet de loi. Ils ont ainsi tenu 34 réunions d'une durée totale de 49 heures et 11 minutes. C'est un très bon début.

Cela dit, aucun sénateur ne siège à tous ces comités. Il se peut qu'un sénateur qui siège au Comité de l'énergie et au Comité des peuples autochtones comprenne maintenant très bien les dispositions des sections 4, 8, 18 et 21 de la partie 4. Cependant, ce sénateur n'a à peu près pas eu l'occasion d'examiner le reste du projet de loi. Au point où nous en sommes, il est impossible que les sénateurs aient suffisamment de temps pour étudier à fond toutes les subtilités de la mesure législative.

Certains se demandent peut-être si le gouvernement s'attend vraiment à ce que les Canadiens et le Parlement puissent faire preuve de diligence raisonnable et veiller à ce que cette mesure législative serve l'intérêt public. Bien entendu, la réponse à cette question est « non ». Le gouvernement sait qu'aucun sénateur ne comprend parfaitement tous les aspects du projet de loi, mais cela ne l'empêche pas d'exiger que nous votions sur cette mesure législative plus tard aujourd'hui. Cela montre bien le cynisme caractéristique du gouvernement actuel, qui fait en sorte que les Canadiens ont de moins en moins confiance en leurs institutions démocratiques.

La semaine dernière, le Globe and Mail a publié les résultats d'une étude sur l'attitude des Canadiens à l'égard de la démocratie. Depuis huit ans, les Canadiens croient de moins en moins aux processus démocratiques du Parlement. Les Canadiens se sont déjà, et c'est peu dire, désengagés du dialogue politique au pays. Si la tendance se maintient, finiront-ils par y être totalement indifférents? Est-ce quelqu'un va réagir le jour où ce gouvernement conservateur décidera de présenter un projet de loi modifiant 200 ou 300 lois comme bon lui semble, puis de donner congé aux parlementaires le reste de l'année?

[Français]

Honorables sénateurs, je suis persuadée qu'il est de notre devoir de passer plus de temps dans cette Chambre afin de prendre le temps nécessaire pour débattre de ce volumineux projet de loi. Nous avons des opinions divergentes sur la façon de faire du Canada un des pays où la qualité de vie est la meilleure au monde.

Nous sommes tous ici parce que nous avons passionnément à cœur notre pays et parce que nous nous soucions sérieusement de son avenir. Pourquoi, alors, nous demander d'adopter une motion de fixation de délai en vue d'ajourner les travaux du Sénat plus tôt? Pourquoi nous demander d'adopter à toute vapeur ce volumineux projet de loi omnibus, plutôt que de prendre le temps d'examiner et de discuter du contenu d'une série de projets de loi distincts?

Je voudrais attirer l'attention des honorables sénateurs sur les observations formulées par un éminent parlementaire canadien à l'égard des projets de loi omnibus. Ce sont des observations que j'ai soulignées par le passé, des observations que mon honorable collègue a déjà mentionnées, mais je me permets de les souligner de nouveau, car elles méritent d'être entendues encore une fois, étant donné que de nouveaux sénateurs se sont joints à nous dernièrement.

Pendant la première session de la 35e législature, le député en question a invoqué le règlement, et je cite :

Monsieur le Président, j'invoque le règlement pour une question de procédure. Il s'agit de l'aspect fourre-tout du projet de loi dont nous sommes saisis [...]

Nous sommes en faveur de certaines mesures, mais nous nous opposons à d'autres. Comment pouvons-nous exprimer notre point de vue et celui de nos électeurs quand il y a une telle diversité de questions à examiner? Si on divisait le projet de loi en plusieurs segments, les députés pourraient faire valoir le point de vue de leurs électeurs sur chacune des composantes du projet de loi.

Honorables sénateurs, ces paroles ont été prononcées à la Chambre des communes par nul autre que le très honorable premier ministre Stephen Harper. M. Harper, qui s'opposait farouchement au projet de loi omnibus, a invoqué le Règlement le vendredi 25 mars 1994 à propos d'un projet de loi budgétaire du gouvernement.

[Traduction]

Comme mon collègue l'a indiqué plus tôt, le projet de loi omnibus auquel le jeune M. Harper s'était opposé faisait 21 pages et était entièrement consacré à des postes budgétaires et des dépenses visant 11 lois. Aujourd'hui, nous examinons un document de 414 pages qui prévoit modifier plus de 60 lois. Qu'est-ce qui a changé? Pour paraphraser M. Harper, comment peut-on s'attendre à ce que les sénateurs représentent leur région sur ce sujet alors qu'ils sont obligés de se prononcer en bloc sur une telle mesure législative et à la lumière de tant de préoccupations?

Je n'ai pas eu beaucoup de temps pour étudier ce projet de loi, mais ce que j'y ai vu m'a troublée. En effet, ce projet de loi affaiblit les lois qui protègent les voies navigables du Canada; il coupe les crédits d'impôt à la recherche et au développement; il modifie la définition de la pêche autochtone sans que les Premières nations n'aient été consultées; il élimine le Conseil de contrôle des renseignements relatifs aux matières dangereuses; il corrige de nombreuses erreurs incluses dans le projet de loi C-38, notamment en ce qui concerne l'évaluation environnementale et les pêches; il suspend les activités de l'Office de financement de l'assurance-emploi.

Honorables sénateurs, nous savons ce qui se produit lorsque ce gouvernement tente de faire adopter à la hâte des projets de loi. C'est ce qui est arrivé au projet de loi C-38, l'imposant prédécesseur du projet de loi actuel.

Comme le sénateur Day l'a indiqué hier dans le cadre de ses excellentes remarques, ce projet de loi comprend en fait plusieurs mesures destinées à corriger des erreurs contenues dans le projet de loi C-38.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Tardif, j'ai le regret de vous informer que votre temps de parole est écoulé. Souhaitez-vous demander aux sénateurs quelques minutes de plus?

Le sénateur Tardif : Deux minutes suffiront, honorables sénateurs. J'en suis à la conclusion.

Son Honneur le Président intérimaire : Veuillez continuer.

(1630)

Le sénateur Tardif : Merci, honorables sénateurs.

Honorables sénateurs, comme le sénateur Day l'a expliqué dans son excellente intervention hier, le projet de loi comporte un certain nombre de dispositions qui sont là pour corriger des erreurs du projet de loi C-38, notamment des omissions dans la Loi modifiée sur les pêches au sujet du passage du poisson; une rédaction médiocre des dispositions transitoires de la nouvelle Loi canadienne sur l'évaluation environnementale; une certaine ambiguïté au sujet de processus d'approbation ministérielle de certains placements des fonds d'investissement publics. Dans ces conditions, personne ne devrait s'étonner que le projet de loi C-45 lui-même contienne plusieurs erreurs. Le « crédit à l'embauche », ainsi qu'on l'appelle, prévu dans le projet de loi C-45 comprend en fait une hausse cachée de 7 cents du taux de cotisation à l'assurance-emploi pour les petites entreprises. Ce crédit à l'embauche a un effet pervers, celui de pénaliser les PME à l'égard du seuil de 10 000 $ des cotisations à l'assurance-emploi lorsqu'elles engagent de nouveaux employés ou accordent des hausses de salaires à leurs employés existants.

Mes collègues libéraux à l'autre endroit ont tenté de corriger ces erreurs en proposant des amendements au projet de loi C-45, mais les conservateurs ont refusé d'appuyer ces amendements.

Avant de conclure, je rappelle aux honorables sénateurs d'en face que le gouvernement possède la majorité au Sénat. Le projet de loi C-45 sera donc adopté. Ce n'est qu'une question de temps. Lorsque les sénateurs voteront sur la motion, je les invite à bien réfléchir aux raisons qui les poussent à agir ainsi. Êtes-vous convaincus qu'il est justifié de profiter de sa force relative pour réduire l'opposition au silence?

Des voix : Bravo!

Le sénateur Brown : Madame le sénateur Tardif accepterait-elle de répondre à une question?

Le sénateur Tardif : Oui, sénateur Brown.

Le sénateur Brown : Les sénateurs Tardif et Cowan ont tous deux parlé plusieurs fois de la démocratie et expliqué que notre institution serait meilleure si nous parlions plus longtemps et plus fort. Je dirais que madame le sénateur serait peut-être en meilleure position si son vote était fidèle à l'opinion de la province qu'elle représente. La même chose vaut pour le sénateur Cowan et tous les autres sénateurs. Nous représenterions alors les provinces dont nous sommes issus et nous pourrions tous avoir un vote qui compte vraiment.

Comme madame le sénateur l'a dit, elle est contrainte de voter en bloc, c'est-à-dire que tous ceux qui sont de son côté, les libéraux, voteront de la même façon.

Le sénateur Cowan : Vous pouvez voter comme vous le voulez.

Le sénateur Brown : De ce côté-ci nous allons voter, et nous le ferons tous de la même façon. Si chacun parle 30 minutes au Sénat, cela changera-t-il quoi que ce soit au résultat?

Le sénateur Tardif : Honorables sénateurs, j'ai du mal à établir un lien entre la question et les observations que j'ai faites sur le projet de loi C-45. Je dirai toutefois que, d'après ce que j'ai vu — et je dois peser mes mots —, il ne semble pas que les sénateurs d'en face exercent leur capacité individuelle de faire valoir leur position. Je reformule.

Je dirais, honorables sénateurs, que notre mandat est de représenter nos régions. Il est très difficile de le faire lorsqu'on nous demande de nous prononcer par un seul vote sur les différentes parties des projets de loi rassemblés dans cette énorme mesure omnibus.

Le sénateur Brown : Madame le sénateur veut-elle dire que tous les sénateurs de ce côté-là vont voter de la même façon?

Le sénateur Cowan : Nous verrons. Attendez de voir.

Le sénateur Brown : C'est justement ce que je veux dire : vous allez tous voter d'une certaine façon, et nous allons tous voter d'une certaine façon, et nous pourrions parler...

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le temps de parole est écoulé. Quelqu'un d'autre veut-il participer au débat?

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, j'ai quelques points à faire valoir. Deux excellentes interventions ont bien expliqué que le projet de loi constitue une attaque contre la démocratie.

Je trouve très intéressant que les deux sénateurs élus qui siègent aujourd'hui dans cette assemblée, le sénateur Brown à l'instant, et le sénateur Unger plus tôt, ont parlé de démocratie dans le contexte du Sénat et le sénateur Unger a exprimé l'espoir qu'un jour, le Sénat serait réformé. Pendant que madame le sénateur Unger parlait, je me suis dit qu'il était très naïf de croire ne fût-ce qu'un instant que, après sept ans au pouvoir, le gouvernement prend vraiment la réforme du Sénat au sérieux. Si c'était le cas, ce serait déjà chose faite. S'il la prenait au sérieux, il aurait ajouté les projets de loi sur cette réforme dans le projet de loi omnibus. Sénateurs Brown et Unger, si quiconque a besoin d'une indication claire du peu d'intérêt du gouvernement pour la réforme du Sénat, qu'il se demande pourquoi le projet de loi à l'étude touche 60 lois et pourquoi ces deux projets de loi ne sont pas du nombre. Le projet de loi aurait fort bien pu regrouper 62 projets de loi.

J'en viens maintenant à l'idée selon laquelle nous ne voterions pas en bloc comme nous le faisons à l'heure actuelle si nous étions élus. J'ai peut-être tort, mais à mon souvenir, le sénateur Brown n'a jamais voté contre le gouvernement. Je n'ai jamais vu le sénateur Unger voter contre le gouvernement non plus. Je ne pense pas qu'il y ait un lien direct entre le fait qu'une personne soit élue et la possibilité qu'elle vote contre le gouvernement. Cela dit, je pense qu'il faut sérieusement s'interroger sur le lien entre l'idée que se fait le gouvernement de la démocratie et son approche envers la réforme du Sénat; nous n'avons donc aucune leçon à recevoir de ces sénateurs-là.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mitchell : Je me contente d'attendre. Avant de partir à la retraite, auriez-vous l'obligeance de voter contre le gouvernement? Peut-être pourriez-vous le faire sur cette question-ci. Cela vous dit? Peut-être même pourriez-vous proposer un amendement et ensuite voter contre le gouvernement lorsqu'il sera mis aux voix.

Quoi qu'il en soit, mes collègues ont ciblé et abordé certaines questions, mais pour ma part, j'aimerais en soulever quelques autres. L'autre jour, j'ai assisté à une table ronde, composée en grande partie de femmes représentant divers groupes, sur les questions touchant l'égalité des femmes dans notre société à l'heure actuelle. Peu après son arrivée, une des femmes a fait remarquer qu'elle porte sur les courroies de son sac un certain nombre de macarons affichant des messages à saveur politique. Elle a signalé qu'elle en avait environ deux fois moins que lorsqu'elle est arrivée, parce que les gardes stationnés à la porte l'ont censurée sous prétexte que certains des messages affichés étaient trop provocateurs. J'étais totalement abasourdi d'apprendre qu'une personne n'a pas pu entrer au Parlement du Canada — le Parlement des Canadiens — avec un macaron de la taille d'une pièce d'un dollar portant un message que le gouvernement pourrait trouver dérangeant sans se faire demander de l'enlever. Que sommes-nous devenus? Le projet de loi omnibus n'est qu'un symptôme d'un problème bien plus profond. Ce n'est que la pointe de l'iceberg.

Comme je m'apprêtais à dire « la pointe de l'iceberg », je me suis interrogé sur l'analogie que les gens utiliseront dans 50 ans quand il n'y aura plus d'icebergs parce qu'ils auront tous fondu.

Cela m'amène à l'important thème de l'affaiblissement de la démocratie par gouvernement. Cela est très dangereux. Le présent gouvernement nie la science. Les choses finissent toujours mal lorsqu'un gouvernement refuse de reconnaître les faits scientifiques. Il nie également l'information. Il a muselé Statistique Canada pour l'empêcher de mesurer la moitié des choses dont nous avons besoin pour savoir si nous avons fait des progrès et pour apporter des changements si nous n'en avons pas fait. Chaque fois qu'un gouvernement rejette la science et l'information et fait taire ses propres experts, comme on nous l'a décrit, on peut être sûr que les choses finiront mal. Cela va directement à l'encontre des processus et des débats démocratiques en bonne et due forme. On ne peut jamais réussir si on cache l'information et étouffe les idées. Il ne sera jamais acceptable de le faire. Imaginez ce que cette jeune femme qui s'est fait enlever ses macarons de la taille d'une pièce d'un dollar en entrant au Parlement doit penser de cette institution. Y en a-t-il parmi nous qui soient venus ici pour être témoins d'une telle chose, pour assister à l'érosion de la démocratie et pour voir à l'œuvre un gouvernement qui, pour ses propres raisons, croit que les gens du pays sont ses ennemis et qu'il doit les combattre et les rabaisser?

(1640)

Cela m'amène à un autre thème, celui des relations entre le présent gouvernement et la population du Canada. Une étude de la sclérose en plaques est en cours, de même qu'un examen du projet de loi sur la SP, mais on n'a pas permis aux gens, aux patients, aux personnes qui souffrent de cette maladie de se présenter devant leur Parlement. C'est la quintessence de la démocratie. Ces gens ne demandaient pas grand-chose. Ils voulaient obtenir une heure pour parler d'un sujet qui est très important pour eux et peut-être pour résoudre un problème qui a de graves conséquences pour beaucoup de Canadiens.

Non, on les a rejetés. Pourtant, il aurait été très facile de les satisfaire, très facile de les laisser se prévaloir de cet élément du processus démocratique. Non, on les a considérés comme des ennemis parce qu'ils risquaient d'avoir une idée qui ne plairait pas. Ils auraient pu causer un problème. Ils auraient pu occasionner un embarras. Voilà où nous en sommes.

La raison pour laquelle le sénateur Brown et le sénateur Unger ne réaliseront jamais la réforme du Sénat, c'est que le premier ministre du Canada sait implicitement que si jamais nous sommes élus, plusieurs d'entre nous pourraient s'aviser d'exercer les pouvoirs correspondants, ce qui réduirait les pouvoirs du premier ministre, qui ne pense qu'au pouvoir et au contrôle. Exercées de cette façon, ces deux choses affaiblissent directement la démocratie.

Nous avons actuellement un gouvernement qui estime que, pour une grande part, le processus parlementaire est un inconvénient. Je sais que nos dirigeants croient vertueusement qu'ils doivent remédier aux problèmes, qu'il y a trop de ceci et pas assez de cela. Ils sont bien près de dire que la fin justifie les moyens, s'ils ne l'ont pas déjà fait. Si la négation de la science et de l'information ne peut que faire du tort, agir en se disant que la fin justifie les moyens est encore plus préjudiciable.

Qu'en est-il des autres thèmes? Le gouvernement présente les projets de loi d'une manière que je ne pense pas avoir vue auparavant. En réalité, il ne fait rien. Il transmet juste un message qui donne l'impression qu'il a fait quelque chose. Je prédis — souvenez-vous en — que les fonds de pension collectifs ne mèneront à rien. Ce n'est pas une amélioration, une extension ou un changement de ce qui existe déjà. Le présent gouvernement peut bien déclarer : « Nous nous inquiétons vraiment de ce que les gens feront à la retraite. Par conséquent, nous avons présenté un projet de loi. » Il ne mènera nulle part, mais le gouvernement dira : « Nous prenons votre part. Nous vous aidons. »

Voyons maintenant le cadre sur le suicide. Ils ne sont même pas capables de faire un plan sur le suicide. Ils ne sont pas capables d'élaborer une stratégie nationale de prévention du suicide. C'est à peine un cadre. Le projet de loi n'aura pratiquement aucun effet, sinon exprimer un vœu pieux. C'est une coquille vide.

Voyons aussi les dispositions contre les mauvais traitements infligés aux personnes âgées, qui ne font que répéter ce qui existe déjà dans toutes les provinces. C'est encore une fois une coquille vide qui ne fait rien d'autre que laisser entendre que le gouvernement s'intéresse à la question. Il veut avoir l'air d'agir, même s'il ne fait rien.

Lorsque vient le temps de passer aux choses sérieuses, le gouvernement ne prévoit ni aide, ni programmes, ni politiques, ni argent. Il abuse du processus démocratique. C'est même pire que cela; il trahit les gens qu'il est censé représenter.

Et que dire des attaques contre les organisations caritatives? Qui dit mieux en fait de trahison et d'érosion de la démocratie? On ne peut imaginer une illustration plus frappante du sentiment d'insécurité du gouvernement. Il a tellement peur des idées des autres qu'il est prêt à s'en prendre aux organisations caritatives. Il a commencé par s'en prendre aux groupes écologistes, puisque, bien entendu, il ne peut pas les sentir. Ce faisant, il ne se donne aucune chance de créer un consensus dans la société autour de la construction d'un pipeline qui nous permettrait de diversifier nos marchés. Et il est allé encore plus loin : les églises. Il a commencé à attaquer les églises pour avoir osé participer à la vie démocratique en se servant un peu des politiques fiscales sur les œuvres de charité. Imaginez la faiblesse du gouvernement s'il a peur que les églises participent aux débats politiques. Imaginez sa faiblesse s'il a peur d'écouter les gens qui s'efforcent d'assainir l'environnement au Canada et de rendre viables son économie et son mode de vie, comme d'ailleurs dans le reste du monde. Imaginez que vous avez peur d'entendre ce que disent ces gens. Que dire d'un gouvernement qui a peur d'entendre le point de vue de cinq ou six personnes atteintes de sclérose en plaques qui pourraient vouloir s'exprimer dans le cadre des travaux parlementaires? Imaginez cela. Imaginez un gouvernement qui ne veut pas laisser une jeune femme porter un macaron au Parlement du Canada, son Parlement. Par comparaison, le projet de loi omnibus a pratiquement l'air inoffensif, mais il ne l'est pas.

Je veux parler de tous les autres moyens qu'on a pris pour étouffer le débat. C'est une situation sans précédent. Est-ce que je pourrais avoir cinq minutes de plus?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Mitchell : J'ai presque fini. Je me suis très bien fait comprendre.

Parmi les choses qui montrent que le gouvernement n'a aucun respect pour cette institution, il y a la façon dont il traite les comités et impose le huis clos. De quoi a-t-il peur? S'il croyait que ce qu'il faisait était convenable et soutenable, il n'aurait pas à avoir peur des débats. Il n'aurait pas à les étouffer arbitrairement. Il n'aurait pas à siéger à huis clos pour que personne ne sache ce qu'il fait. C'est du jamais vu. Il se réunit même à huis clos pour les observations, qui sont essentiellement anodines.

Nous parlons tellement — et avec raison — de nos militaires, qui défendent la démocratie et qui luttent pour le respect des droits et des valeurs démocratiques dans différentes parties du monde. Pourtant, ici même, où nous sommes censés être un symbole profond des valeurs et des initiatives démocratiques et de tout ce que représente une démocratie, nous avons un gouvernement qui fait fi de la démocratie, qui l'amoindrit et qui la perçoit comme un inconvénient. Le système parlementaire n'est pas un inconvénient, pas plus que le travail que nous faisons ici. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles le Canada est respecté et envié partout dans le monde, ou du moins l'était-il il y a sept ans. La fin ne justifie jamais les moyens. En traitant le Parlement comme un inconvénient et en agissant comme si la fin justifie les moyens, le gouvernement ne nuit pas juste au Canada mais, ce qui est bien pire, il nuit à la démocratie et aux Canadiens. C'est impardonnable.

Des voix : Bravo!

[Français]

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, il y a environ deux semaines, alors que j'étais à Québec, un vieil ami m'a dit qu'il était bien content que les conservateurs soient au pouvoir parce qu'il en avait assez de l'arrogance de Jean Chrétien quand était lui-même au pouvoir.

Quand je vais à Shawinigan, je pense à Jean Chrétien et je ne peux m'empêcher de songer que si je compare M. Harper à M. Chrétien, ce dernier était un apprenti qui arrivait à peine à la cheville de M. Harper.

Je dis cela parce que je suis en train d'étudier le concept « omnibus ». Lorsque j'étais impliqué dans l'acquisition de matériel, on créait des projets omnibus, l'idée étant que l'on mettait sur pied plusieurs projets autour d'un élément central, une même philosophie, un même thème. À partir de projets disparates, on pouvait bâtir un ensemble.

L'achat de navires est un exemple de cela. Un navire est un projet omnibus fait de plusieurs choses différentes : les communications, un moteur, la protection, l'électricité, les toilettes. C'est un projet omnibus parce qu'on assemble tous ces morceaux et, à la fin, on a un navire.

Cette notion me semble logique et pleine de bon sens.

(1650)

[Traduction]

Dans ce cas, les mesures législatives sont essentiellement des multiplicateurs de force parce qu'elles se renforcent l'une l'autre pour former un tout. Par contre, le projet de loi dont nous sommes saisis n'est pas un programme « omnibus » de mesures législatives formant un ensemble cohérent. Il est plutôt constitué d'éléments disparates que les conservateurs ne voulaient pas faire adopter séparément en suivant le processus normal. Ils les ont donc rassemblés dans un seul projet de loi et ils essaient de nous les passer en douce en les intégrant dans quelque chose d'aussi essentiel que le budget.

Honorables sénateurs, c'est une astuce méthodologique. En fait c'est tout le processus que je remets en question. Lorsque je retournerai chez moi pour le temps des Fêtes, mes enfants me demanderont de leur expliquer le travail que nous faisons ici. Je leur dirai que j'essaierai de faire adopter tel projet de loi au cours de la prochaine année et que je devrai m'y prendre de toutes sortes de façons pour essayer de convaincre les gens. Il faudra des mois avant de pouvoir le faire adopter. Mes enfants me demanderont ensuite : « Pourquoi fais-tu tout cela? Pourquoi ne changes-tu pas de parti pour pouvoir faire adopter tes mesures législatives en douce dans un projet de loi omnibus qui sera adopté en quelques semaines? » C'est à se demander pourquoi je siège ici neuf ou 10 mois par année.

Hier, je me suis mis à penser au débat imminent sur le projet de loi C-45. J'étais aux Nations Unies, devant le siège de l'organisation. Les délégués de l'ONU siègent deux mois par année. Le reste du temps, ce sont les membres de leur personnel qui s'affairent. Ce sont eux qui s'occupent notamment des formalités administratives. Les délégués ne siègent que pendant deux mois et réussissent à faire le tour de tous les dossiers.

Honorables sénateurs, nous pourrions économiser beaucoup de temps et d'argent et, en fait, nous serions plus efficaces si nous exercions nos fonctions démocratiques dans nos circonscriptions et nos régions, si jamais nous sommes élus un jour pour les représenter. Au lieu de passer tout notre temps à Ottawa, nous pourrions y séjourner environ deux mois par année, lors de la présentation des projets de loi. Nous pourrions rester à Ottawa pendant un mois pour examiner le projet de loi omnibus, pour nous disputer à qui mieux mieux, puis pour adopter la mesure législative. Cinq mois plus tard, nous serions de retour à Ottawa pour recommencer le même processus.

Tout ce qui se passe entre ces deux périodes, à moins qu'il ne se produise une véritable crise, n'est que de la poudre aux yeux. Pourquoi demander aux comités de siéger tout le temps, alors que, en fait, ils ne produisent rien de concret?

On a trouvé un outil beaucoup plus efficace et plus efficient : le projet de loi omnibus. Voilà ce qu'on souhaite de l'autre côté : de l'efficience. Pourquoi perdre son temps? Cependant, permettez-moi de poser la question suivante : dans notre système de gouvernance, est-il vraiment responsable d'agir ainsi?

Honorables sénateurs, je ne suis pas constitutionnaliste. Même après avoir passé près de huit ans au Sénat, je me considère toujours un peu comme un apprenti. En effet, j'apprends toutes sortes de choses grâce à mes collègues d'en face, que ce soit au comité ou dans cette enceinte. Permettez-moi maintenant de parler de quelqu'un qui savait de quoi il parlait, en l'occurrence M. Eugene Forsey, un homme intègre et intéressant. J'aimerais citer quelques extraits d'un ouvrage qui porte sur lui. Voici la première citation :

Le conservatisme affiché par Eugene Forsey a joué un rôle essentiel dans la définition de ses valeurs et de son identité politique, tout comme d'ailleurs sa vision de ce que le Canada pourrait faire pour ses citoyens.

Cela m'apparaît très sensé. Poursuivons :

La vie d'Eugene Forsey a été ponctuée de réalisations remarquables et d'une généreuse contribution aux milieux de l'éducation et du travail, au progrès social et au Parlement du Canada. Toutefois, son héritage le plus précieux est l'ensemble des lettres, des commentaires et des articles qu'il a rédigés tout au long de sa carrière pour nous rappeler sans cesse que, pour que notre héritage politique démocratique conserve toujours sa valeur, nous devons continuer de le comprendre et d'y être fidèles.

Je poursuis :

Le projet d'Eugene Forsey était essentiellement un projet conservateur. Comme pour la plupart d'entre nous, ses premières opinions politiques sont largement demeurées inchangées et ont orienté toute sa vie. Les structures, les pratiques et les contraintes qui encadrent le pouvoir politique sont le reflet des objectifs et des valeurs qui rendent le pouvoir tolérable et nécessaire à l'ère moderne de la liberté. Les décisions prises par souci de commodité et d'efficacité nous ramènent souvent à un état obscur et dangereux. La société politique canadienne est organique et a été façonnée par des besoins et des contextes précis qui correspondent à nos valeurs fondamentales. Lorsque nous cherchons à résoudre des problèmes ou à faire des gains politiques en nous éloignant des règles constitutionnelles, nous risquons de perdre les liens essentiels et fondamentaux de l'État avec la légitimité et l'histoire.

Si je puis me permettre de continuer :

Eugene Forsey n'était pas seulement un constitutionnaliste engagé, il était également un brillant défenseur, reconnu pour son franc-parler, des règles qui nous gouvernent.

Il serait bien d'avoir des règles et de les suivre.

Quoique fervent partisan des politiques progressistes, son dévouement le plus profond n'allait pas à un parti ou un programme, mais à l'ordre constitutionnel.

Voilà qui correspond à la logique du sénateur Brown.

Il est possible qu'une politique contienne des choix à court terme et qu'elle poursuive des idéaux gravement erronés visant le bien commun...

Cela peut arriver.

...mais la démocratie se charge généralement d'apporter les correctifs appropriés avec le temps. Ce n'est toutefois possible que si les mécanismes établis sont maintenus et libres de toute manipulation... Forsey, dans sa grande sagesse, a reconnu qu'au cœur même d'un état démocratique libéral se trouve un système de nomination en bonne et due forme de ceux à qui l'on permet de gouverner et d'accéder au pouvoir. Il comprenait et défendait avec passion les contraintes, par ailleurs éprouvées, qui entourent le mécanisme d'acquisition du pouvoir et qui nous mettent à l'abri de toute oppression.

[...] Eugene Forsey était un constitutionnaliste, quelqu'un qui croyait que les règles éminentes qui régissent nos processus politiques et qui, tant sur papier que dans les faits, existent depuis longtemps doivent être connues, respectées et suivies. L'alternative aux politiques ordonnées est une sorte d'opportunisme qui, avec le temps, détruira la stabilité politique et peut-être même la nation politique qu'est le Canada.

Vous jouez avec le feu. Vous ne jouez pas seulement avec nos libertés démocratiques; vous jouez avec le feu. Nous pouvons soit respecter une procédure mûrement réfléchie et bien établie, soit improviser, ce qui mènera tôt ou tard à la catastrophe.

Merci beaucoup.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

L'honorable Elizabeth (Beth) Marshall : Nous sommes d'accord pour que la sonnerie se fasse entendre pendant 30 minutes.

Son Honneur le Président : Cela devra se faire à l'unanimité.

Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Par conséquent, le vote aura lieu à 17 h 29.

(1730)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion de l'honorable sénateur Carignan, appuyée par l'honorable sénateur Andreychuk, demandant que, conformément à l'article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles ne soient attribuées à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-45.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Marshall
Ataullahjan Martin
Bellemare McInnis
Boisvenu Meredith
Braley Mockler
Brazeau Ngo
Brown Nolin
Buth Ogilvie
Carignan Oliver
Comeau Patterson
Dagenais Plett
Demers Poirier
Doyle Raine
Duffy Rivard
Eaton Runciman
Enverga Segal
Finley Seidman
Fortin-Duplessis Seth
Frum Smith (Saurel)
Gerstein Stewart Olsen
Greene Stratton
Housakos Tkachuk
Johnson Unger
Lang Wallace
LeBreton Wallin
MacDonald White—53
Maltais

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Callbeck Hubley
Chaput Jaffer
Charette-Poulin Joyal
Cools Kenny
Cordy Mercer
Cowan Mitchell
Dallaire Moore
Dawson Munson
Day Ringuette
Downe Rivest
Dyck Robichaud
Eggleton Sibbeston
Fraser Smith (Cobourg)
Furey Tardif
Harb Watt—30

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun.

Troisième lecture—Rejet de la motion d'amendement

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Buth, appuyée par l'honorable sénateur Unger, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-45, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Mercer, que le projet de loi C-45 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, aux pages 175 à 414, par suppression de la partie 4 et des annexes 1 et 2.

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, six heures, c'est à peu près ce qu'il faudrait à chacun de nous pour à peine effleurer tout ce qui cloche dans le projet de loi C-45. Sa conception est mauvaise, nous venons d'en débattre pendant deux heures et demie. Elle est mauvaise parce que c'est un projet de loi omnibus, qui, pour toutes les raisons exposées, marque l'érosion de la démocratie. Quant à son fond, il est mauvais à tellement d'égards que tous ceux qui interviendront aujourd'hui devront établir un ordre de priorité dans tous les éléments préoccupants qu'il contient.

Pour ma part, je choisis de parler d'une lacune précise dans les politiques et le leadership du gouvernement, car c'est elle qui m'amène à conclure de façon inévitable et inexorable que je voterai contre le projet de loi C-45. Je sais que cela surprendra probablement les sénateurs, mais je ne peux l'appuyer. L'une des principales raisons de cette décision est que ce projet de loi omnibus, qui renferme tant d'éléments, ne règle pas la faiblesse fondamentale de l'approche du gouvernement à l'égard d'une stratégie nationale de l'énergie. Plus précisément, le gouvernement n'a pas de stratégie nationale de l'énergie.

Je doute qu'on l'ait déjà fait, mais je suis certain que si on le demandait à toutes les démocraties occidentales industrialisées, on constaterait que le Canada est le seul pays à ne pas avoir de stratégie de l'énergie. Pourtant, comme veut le faire croire le premier ministre, le Canada est un grand producteur d'énergie — ou une superpuissance énergétique, selon la formule qu'il privilégie d'une fois à l'autre — ou est sur le point de l'être. Il faudrait demander à M. Harper comment il croit que nous pourrons atteindre ou maintenir ce statut de superpuissance énergétique si nous n'avons pas de leadership. Cela se produira-t-il tout seul? Nous n'avons pas de stratégie nationale ni pour l'énergie, ni pour l'environnement, ni pour les soins de santé, ni pour la prévention du suicide. Il n'y a pas de « national » avec ce premier ministre. Il s'en lave les mains, et préfère laisser les marchés s'occuper de tout. Je pose la question, pour la forme, bien entendu : le marché aurait-il gagné la Seconde Guerre mondiale? Je ne crois pas. Je crois qu'il avait besoin d'un certain leadership.

Il est urgent que le premier ministre et le gouvernement se dotent d'une stratégie nationale de l'énergie pour deux raisons. La première, et c'était le thème de l'excellent rapport du Comité de l'énergie intitulé Maintenant ou jamais, est, pour reprendre la formule de notre ancien collègue, le sénateur Angus : la situation du Canada en tant que superpuissance énergétique est en danger. S'il en est ainsi, c'est parce nous n'avons qu'un seul marché d'exportation pour le pétrole et le gaz canadiens, et ce sont les États-Unis, qui pourront fort probablement subvenir à leurs propres besoins en pétrole et en gaz d'ici cinq ans, selon M. Prentice. D'autres pensent que cela prendra 10 ou 15 ans; quoi qu'il en soit, cela ne saurait tarder, et une fois que les États-Unis seront autosuffisants, ce secteur de notre économie perdra un de ses plus importants moteurs.

(1740)

S'il fallait définir ce qu'on entend par « gouvernement incompétent », le gouvernement fédéral canadien en serait un excellent exemple : même après sept ans au pouvoir, il est incapable de faire avancer la construction d'un pipeline dans un pays riche en énergie comme le Canada. Voilà la priorité absolue. Aucune infrastructure qui nous permettrait de diversifier nos marchés n'est en cours de construction.

Les changements climatiques constituent la seconde priorité. Je sais que certaines personnes, notamment le premier ministre, nient, dans leur for intérieur, l'existence des changements climatiques. Le premier ministre n'a pas le courage de le dire, mais ses actions révèlent qu'il ne doit pas y croire.

Comme je l'ai dit l'autre jour, il suffit de demander aux New Yorkais si les changements climatiques n'entraînent pas de graves conséquences économiques, sociales et humaines. Que ce soit sur la côte Est ou Ouest, demandez aux gens de l'industrie des pêches dont les emplois ont disparu en même temps que les poissons si les changements climatiques n'ont aucune conséquence. Demandez aux gens de l'industrie forestière, qui voient les forêts canadiennes mourir et emporter avec elles des milliers et des milliers d'emplois. Demandez aux habitants du Nord ainsi qu'aux agriculteurs qui ont été victimes d'inondations et de sécheresse sans précédent. Demandez aux gens qui ont été aux prises avec des tempêtes inouïes s'il n'y a pas péril en la demeure et s'il ne faut pas lutter contre les changements climatiques. Demandez-leur s'il n'y a pas de répercussions économiques.

Chose certaine, lorsque le Canada doit faire face à des problèmes de ce genre, qu'ils soient économiques ou d'une autre nature, ils ne sont pas résolus par 13 gouvernements travaillant en vase clos. Nous avons besoin de leadership à l'échelle nationale. La situation entre la Colombie-Britannique et l'Alberta prouve bien que le premier ministre ne comprend pas le rôle qu'il a à jouer; en fait, il faut tout le contraire. C'est un problème fondamental. Deux provinces n'arrivent pas à s'entendre sur la façon de construire un de ces oléoducs. Cela ne me surprend pas. La première ministre Clark est payée pour défendre les intérêts de la Colombie-Britannique, et la première ministre Redford, pour défendre ceux de l'Alberta. Elles sont payées pour défendre les intérêts de leur province respective.

J'y pense. Qui est responsable de la défense des intérêts nationaux? Il s'agit du premier ministre, mais ce dernier a-t-il rencontré les deux premières ministres? Non. Leur a-t-il dit non lorsqu'elles ont demandé expressément à le rencontrer? Oui, c'est ce qu'il a fait. Est-ce que les dirigeants de grandes entreprises de l'Alberta, et possiblement d'ailleurs, ont dit que le premier ministre devrait jouer le rôle de médiateur entre ces deux provinces? Oui, et le premier ministre a encore dit non.

Poursuivons notre réflexion avec l'exemple suivant. Comment se doter d'une stratégie économique, connaître la réussite économique, tirer parti de l'ensemble des intervenants, des ressources et des possibilités, ainsi que promouvoir et encourager l'action, la réussite et l'atteinte des objectifs si le PDG d'une société refuse de parler à ses 13 vice-présidents, les laissant à eux-mêmes, s'il ne les consulte pas pour déterminer comment les amener à collaborer ensemble, à s'entraider et à fournir des efforts complémentaires, s'il ne fait pas appel à des gens qui savent résoudre certains problèmes, et s'il ne cherche pas à régler les conflits entre les différents secteurs de l'entreprise?

C'est exactement ce qui se passe au Canada. Le Canada n'est plus celui que je connais. Dans le pays que je connais, nous avons un premier ministre qui fait preuve de leadership.

Les grands défis attirent les grands leaders. Les changements climatiques posent un défi d'une ampleur sans précédent. Les défis économiques que posent les ressources dans l'Ouest sont aussi d'une ampleur sans précédent. Les grands leaders veulent à tout prix s'attaquer à des défis comme ceux-là, tandis que les leaders faibles les laissent de côté et trouvent autre chose pour s'occuper. Ils admettent qu'il existe des problèmes, mais ils jettent le blâme sur quelqu'un d'autre. Honorables sénateurs, trouver des excuses et dire qu'il y a des problèmes, ce n'est pas la marque des grands leaders.

Nous n'avons pas élu le premier ministre pour qu'il voie aux tâches les plus simples, n'est-ce pas? Nous l'avons élu pour qu'il s'attaque aux plus grands enjeux. Oui, le travail est exigeant. Oui, traiter avec les provinces peut être difficile. Et oui, M. Harper se fait un peu malmener à l'occasion, mais c'est pour cela que nous l'avons élu. Or, pour s'attaquer aux plus grands enjeux, il faut du leadership; on ne peut se contenter d'excuses et nier les problèmes importants. Le leadership, c'est s'attaquer aux vrais problèmes et obtenir des résultats. Nous n'avons pas de résultats dans le dossier du pipeline; nous ne pouvons pas construire de pipeline. Nous n'avons pas de résultats à l'égard d'une stratégie économique nationale qui inclurait cet élément. Nous n'avons pas de leadership. Nous n'avons pas de résultats quant à une stratégie énergétique nationale.

Comment pourrions-nous obtenir tout cela? Premièrement, il faut commencer à formuler le problème différemment. L'impasse vient probablement du fait que, d'après le gouvernement, lutter contre les changements climatiques aurait pour effet de détruire l'économie. Comme je l'ai dit plusieurs fois, si vous voulez détruire l'économie, vous n'avez qu'à continuer d'agir comme vous le faites déjà; continuez de faire fi des changements climatiques, qui comportent pourtant des risques infinis. Demandez aux New Yorkais à quel point ces risques sont infinis. Demandez aux gens de Staten Island à quoi ressemblent des risques économiques infinis. Ils en subissent actuellement les contrecoups, comme beaucoup d'autres partout sur la planète.

En ce qui nous concerne, les risques sont encore plus grands, car lorsque les gens vont finalement comprendre, comme l'a fait M. Bloomberg lorsqu'il a appuyé M. Obama au sujet des changements climatiques, ils vont considérer ce pays — et c'est déjà le cas — de façon fort différente, et pas très positive. Cela pourrait avoir d'énormes répercussions sur notre économie, notre image, notre influence et notre capacité à négocier, notamment sur le plan économique, avec d'autres pays.

Il faut abandonner cette notion que la lutte contre les changements climatiques est un problème d'ordre économique, que cela va ruiner l'économie. C'est tout le contraire. Nous avons totalement restructuré l'économie afin de remporter la Seconde Guerre mondiale, et cela n'a pas ruiné l'économie pour autant. Cette restructuration a produit une des économies les plus prospères des pays occidentaux industrialisés, qui a permis de soutenir un niveau de vie presque inégalé ailleurs dans le monde au cours des — j'allais dire les 70 dernières années, mais il faut soustraire les sept dernières car les choses ne vont pas si bien sous le gouvernement actuel.

Cette notion a pour corollaire l'idée que les énergies de remplacement ou renouvelables sont inefficaces, car non rentables. Eh bien, grand leadership et vision vont de pair. Il y a eu un grand leadership au sujet des sables pétrolifères. Je me souviens être allé dans cette région en 1991 ou 1992 avec Eric Newell, qui était alors le PDG de Syncrude. Il en est ensuite devenu le président. C'est un homme charmant et remarquable. Je lui ai demandé combien coûtait la production d'un baril de pétrole des sables pétrolifères. Il m'a répondu 25 $. Je lui ai demandé combien il le vendait. Il m'a répondu 10 $. Ils perdaient 15 $ par baril de pétrole, ce qui signifie que ce n'était pas rentable, mais certains avaient suffisamment de vision pour entrevoir que des économies d'échelle, de nouvelles technologies, ainsi que l'évolution des marchés et des prix permettraient de rentabiliser tout cela et, finalement, en faire le moteur de notre économie, et c'est maintenant le cas. Les sables pétrolifères sont devenus un des principaux moteurs de notre économie.

Pourquoi le gouvernement fait-il preuve de réticence à l'égard des énergies renouvelables? Pourquoi fait-il marche arrière en ce qui concerne l'énergie solaire et pourquoi ne veut-il pas être un chef de file dans le secteur de l'énergie éolienne et de l'énergie marémotrice? Pourquoi ne tire-t-il pas parti de toutes ces idées et ces possibilités?

Puis, il y a cette croyance selon laquelle le gouvernement n'a aucun rôle à jouer là-dedans. J'aimerais parler de nouveau de Syncrude. Elle ne serait pas ce qu'elle est actuellement, et elle n'existerait peut-être même pas, si le gouvernement libéral du Canada n'y avait pas pris une participation de 12 p. 100 au milieu des années 1970. C'était un investissement important qui comportait certains risques, politiques et autres, mais c'était une bonne décision.

Alors, pourquoi faisons-nous maintenant preuve de réticence à l'égard des sources d'énergie renouvelables? C'est parce que nous n'avons ni leadership ni vision. Le gouvernement et le premier ministre ne comprennent pas que ce dernier doit adopter une approche différente de celle que nous avons actuellement, car elle n'est pas viable.

Quels autres éléments devraient être inclus dans une stratégie énergétique nationale? Je ne demande pas au premier ministre d'adopter une taxe sur le carbone ou un système de plafonnement et d'échange, bien qu'il ait déjà été favorable à ce type de système, mais il doit comprendre une chose qui a été répétée constamment au Comité de l'énergie par des entrepreneurs, surtout, mais aussi par d'autres personnes, et c'est que tout le monde sait que nous devons fixer le prix du carbone. Il n'y a pas une personne qui croyait que la réglementation était la solution à privilégier. En fait, c'est une solution beaucoup plus coûteuse.

Comme Bob Rae l'a dit dans un excellent discours sur la mise en place d'une stratégie énergétique il y a quelques semaines, nous devons avoir un débat sur cette question et arrêter de nous attaquer à toutes les personnes qui soulèvent la possibilité de fixer le prix du carbone. Les grands dirigeants politiques comprennent quand il est acceptable de se livrer à des jeux politiques. Il y a des occasions où c'est acceptable, mais pas ces jours-ci quand nous débattons de cette question.

Le premier ministre a une obligation particulière. Honorables sénateurs, s'il avait une attitude raisonnable et se montrait ouvert à la discussion, cela mettrait fin à la polarisation autour de cette question. Nous pourrions tenir un débat honnête, ce dont nous avons besoin. Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles aurait d'ailleurs une contribution très intéressante à apporter à un tel débat.

(1750)

La stratégie nationale de l'énergie doit comprendre un engagement important à l'égard des énergies renouvelables, qui sont synonymes d'investissements et d'emplois. À long terme, elles créeraient probablement davantage d'emplois que l'exploitation des formes traditionnelles d'énergie. Elles sont synonymes de créativité et d'innovation. Elles nous ouvriraient de nouveaux marchés que nous perdrons si nous n'agissons pas.

Nous devons mettre l'accent sur l'autonomie énergétique. Je suis vraiment frappé d'entendre à répétition l'argument voulant que le projet Keystone présente un avantage évident pour les États-Unis puisque ce pays a besoin d'un pétrole comme le nôtre, qui, sur le plan de l'éthique et des garanties d'approvisionnement, est préférable au pétrole venant de sources moins recommandables ailleurs dans le monde. Le gouvernement conservateur devrait se dire qu'en fait, les Maritimes et le Québec s'approvisionnent aussi de ces sources moins recommandables. Où sont le gouvernement et le premier ministre quand vient le temps de garantir à l'Est du Canada un approvisionnement en pétrole produit dans le respect de l'éthique?

M. Oliver affirme que nous ne subventionnerons jamais la construction d'un oléoduc allant d'ouest en est.

Puis-je avoir cinq minutes de plus, je vous prie?

Une voix : Certainement.

Des voix : D'accord.

Le sénateur Mitchell : Monsieur Oliver, il n'est peut-être pas nécessaire d'accorder des subventions. Il faut peut-être simplement oser voir les choses autrement. Mais comment le saurait-il, puisqu'il ne fait que gober tout rond ce que lui dit l'industrie? J'ai beaucoup de respect pour l'industrie, mais elle défend bien entendu ses intérêts à elle, et non les intérêts du pays. Elle représente les intérêts des actionnaires, comme ce doit être le cas. Nous acceptons comme parole d'évangile son affirmation voulant qu'il ne soit pas rentable d'expédier le pétrole vers l'est ni de le raffiner. Beaucoup d'entreprises ont une capacité de raffinage excédentaire à l'étranger, alors elles ne préconiseront pas la construction de raffineries au Canada.

Le gouvernement ne pourrait-il pas au moins réunir les acteurs du domaine et faire une étude sur la dimension économique de la construction d'un oléoduc transportant le pétrole d'ouest en est, une étude sur le raffinage du pétrole et la fabrication d'autres produits à partir du pétrole au Canada ainsi qu'une étude sur les marchés où nous pourrions vendre notre pétrole en Europe, après l'avoir raffiné par exemple à l'usine Irving, dans l'Est du Canada? Évidemment, nous aurions de meilleures chances de vendre notre pétrole à l'Europe si notre réputation lui permettait d'envisager une telle chose, mais nous avons un sérieux problème de réputation.

La stratégie nationale de l'énergie devrait miser sur la production décentralisée de l'énergie pour favoriser le développement économique des régions et soutenir les collectivités rurales et agricoles. La situation nous inquiète tous. Le sénateur Plett s'inquiète probablement tous les jours de ce qui se passe dans les collectivités rurales du Manitoba, qui ont du mal à faire fonctionner leur économie. La production décentralisée de l'énergie, qu'il s'agisse d'énergie solaire ou éolienne, se fait en bonne partie dans les régions. Ce serait donc une bonne façon de soutenir l'économie rurale. Les grandes centrales électriques produisent en un seul endroit de l'énergie qu'elles distribuent sur un vaste territoire. Dans une certaine mesure, c'est une bonne chose, mais les retombées économiques et les possibilités d'emploi ne sont pas réparties sur l'ensemble du territoire. Au contraire, la production décentralisée de l'énergie permet de les répartir, entre autres, dans les exploitations agricoles qui produisent de la biomasse.

Il ne faut pas faire fi de l'environnement et s'attaquer aux groupes de protection de l'environnement. Au contraire, il faut épouser leur cause. C'est ce qu'a fait l'industrie forestière. Elle a enfin changé sa façon de voir les choses, car elle ne dit plus : « Si les gens nous comprenaient, ils ne réagiraient pas négativement. » Vous savez quoi? C'est parce que les gens comprenaient qu'ils réagissaient négativement. On peut s'obstiner à répéter le même argument, mais ce n'est pas efficace parce que les gens le comprennent.

Ce qu'il faut, c'est savoir comment s'y prendre pour acquérir de la légitimé sociale. Pour obtenir l'assentiment des gens, il faut prendre de bonnes mesures de protection de l'environnement et réussir à réduire considérablement ses émissions de gaz à effet de serre. C'est ainsi qu'on peut réduire la polarisation des opinions exprimées dans le débat. Qu'on soit totalement en faveur de la protection de l'environnement ou totalement en faveur du développement économique, on n'acquerra pas de légitimité sociale si on ne prend pas de bonnes mesures de protection de l'environnement.

C'est la nouvelle réalité. Cette réalité sauterait aux yeux d'un chef de file qui, au lieu de se livrer à son habituel manège politique, relèverait les vrais défis. Mais voilà, c'est ce qui nous fait défaut. Le gouvernement ne joue pas un rôle de chef de file national, ni dans la mise en œuvre d'une stratégie énergétique nationale ni dans le cadre d'autres initiatives. En fait, je n'arrive pas à trouver un seul domaine dans lequel il joue un rôle de chef de file national et je me dis : « Est-ce que le premier ministre pourrait remédier à cette situation? Est-ce que quelqu'un pourrait y remédier? » C'est absolument nécessaire.

C'est l'une des principales raisons pour lesquelles je ne voterai pas en faveur de ce projet de loi. Si j'avais la parole pendant les six heures prévues, je pourrais trouver une multitude d'autres raisons. Merci.

L'honorable Lillian Eva Dyck : Comme le savent tous les sénateurs, l'Assemblée des Premières Nations a tenu son assemblée extraordinaire des chefs à Gatineau, de l'autre côté de la rivière des Outaouais, la semaine dernière. Les chefs ont manifesté sur la Colline du Parlement pour dénoncer le projet de loi C-45.

La section 8 du projet de loi C-45 modifie les dispositions de la Loi sur les Indiens relatives aux propositions de désignation de terres. Le projet de loi abolit l'exigence relative à la double majorité. Par conséquent, pour approuver une désignation de terres, il suffira que la majorité des électeurs d'une bande votent en faveur du projet, dans le cadre d'une réunion ou d'un référendum. Il ne sera plus nécessaire que la majorité des électeurs admissibles soient présents. En outre, le ministre aura l'autorité de convoquer des assemblées ou de tenir un référendum visant à sanctionner ou à rejeter une cession. Le but de cette section est d'accélérer le processus de désignation de terres, afin que les Premières nations puissent profiter plus rapidement des débouchés économiques qui s'offrent à eux.

Même si ces modifications ne devraient pas nuire aux Premières nations, il n'en reste pas moins que le gouvernement ne respecte pas ses obligations juridiques, prévues dans la Constitution, en décidant de modifier unilatéralement des dispositions de la Loi sur les Indiens, sans consultation ou arrangement préalable. En outre, le premier ministre rompt la promesse qu'il a faite récemment lors de la Rencontre de la Couronne et des Premières nations de ne pas modifier la loi sans consulter les Premières nations. Je le cite :

Il est certain que le gouvernement n'a pas le grand projet d'abroger ou de réécrire unilatéralement la Loi sur les Indiens.

Au cours de son étude préliminaire de la section 8, partie 4, du projet de loi C-45, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a tenu deux séances. Le ministre Duncan et des fonctionnaires ont comparu devant notre comité à une reprise, puis, la semaine suivante, nous avons entendu un témoin de l'Assemblée des Premières Nations. Mme Kathleen Lickers, conseillère juridique et technique externe auprès de l'APN, nous a parlé des ajouts aux réserves et de la réforme du processus de règlements des revendications particulières. Deux réunions, c'est tout. Je crois que nous avions aussi invité un vice-chef de la Fédération des Indiens de la Saskatchewan, mais, pour une raison que j'ignore, il n'a pas pu être présent.

Je pense que, dans l'ensemble, les communautés des Premières nations, l'Assemblée des Premières Nations et des chefs régionaux sont très insatisfaits de ce projet de loi parce qu'ils n'ont pas été consultés. Je crois que nos observations sur le projet de loi illustrent leur point de vue. Les mots utilisés sont forts, mais polis.

Comme nous le savons tous, la semaine dernière, les chefs des Premières nations sont venus manifester sur la Colline du Parlement et dans le foyer de la Chambre des communes. Ils étaient très fâchés. Le chef Wallace Fox, d'Onion Lake, en Saskatchewan, une Première nation très prospère, a parlé des raisons pour lesquelles les chefs s'opposaient au projet de loi. Les chefs étaient mécontents de l'absence de consultation et des répercussions que l'adoption de ce projet de loi pourrait avoir sur la propriété des terres. Ils ne sont pas persuadés que c'est la meilleure façon de faire les choses et c'est pourquoi ils sont contre l'adoption de cette mesure législative. Ils ne veulent pas que la Loi sur les Indiens soit modifiée sans qu'on les consulte et qu'on réponde à leurs besoins. Ils veulent que le gouvernement fédéral respecte leurs droits issus de traités.

Devant notre comité, le ministre a déclaré qu'il avait consulté les Premières nations. Toutefois, cette prétendue consultation a consisté à envoyer une lettre à tous les chefs des Premières nations du pays pour les informer que le projet de loi avait été présenté. Il a dit qu'aucune plainte ne lui avait été adressée. Cependant, le comité a reçu deux lettres après la présentation du projet de loi et après que le ministre a déclaré qu'il n'avait reçu aucun commentaire. Wallace Fox, un des chefs qui nous ont écrit, a déclaré : « Bloquez le projet de loi. Nous ne voulons pas qu'il soit adopté. »

Mme Lickers, qui représente l'APN, a également longuement parlé des mots « désignation » et « cession », qui reviennent souvent dans le projet de loi, ainsi que de leur signification au sein de celui-ci. Elle a dit que l'expression « cession d'une terre » a beau être utilisée en droit, elle est en fait plutôt vague et mal définie. Les Premières nations se soucient de ce que signifie la cession à l'égard de la propriété des terres. Pourtant, elle a ajouté que le projet de loi est un pas dans la bonne direction qui pourrait stimuler l'activité économique dans les réserves.

(1800)

Mme Lickers a dit ceci :

Avec l'arrivée de la désignation en 1988, on a créé cette confusion; le fait de louer des terres ne changeait pas le territoire de la réserve. On ne renonçait pas aux terres. Cependant, les dispositions ont été rédigées afin de décrire la désignation comme une sorte de cession conditionnelle. En d'autres mots, la Première nation cédait les terres à la Couronne, mais à la condition qu'elles soient cédées à des fins de location. Lorsque le bail expirait, elles reviendraient au territoire de la réserve. Même aujourd'hui, cela crée un problème énorme [dans l'interprétation].

Honorables sénateurs, Mme Lickers a bien dit que le mot « désignation » laissait place à interprétation mais qu'elle ne s'opposait pas particulièrement à son utilisation parce que c'est un mot d'usage courant, exprimant néanmoins la réserve suivante : son sens n'est vraiment pas très clair au sein des Premières nations elles-mêmes. Je répète que son sens n'est vraiment pas très clair.

Apparemment, d'après ce que m'ont dit certains chefs, on ne sait toujours pas quelles conséquences pourrait entraîner la faillite d'une société dans un cas où une terre est cédée et louée à une personne autre qu'un membre des Premières nations ou encore à une société. Puisque les terres louées par une société peuvent être utilisées par les banques comme garantie de prêts, dans une situation où la société fait faillite on ne sait pas si les terres en question appartiendraient à la banque ou si elles reviendraient à la Première nation. L'intention est bel et bien de céder les terres de façon temporaire, mais je répète qu'à cause des maintes interprétations possibles du mot « désignation », les Premières nations éprouvent certaines réserves, ce qui est tout à fait compréhensible.

C'est dommage, mais ce genre d'ambiguïté aurait pu être évitée si le gouvernement avait tout simplement consulté les Premières nations, comme il est tenu de le faire en vertu de la Constitution.

Honorables sénateurs, il convient de signaler que si davantage de consultations avaient été menées auprès des diverses parties intéressées au sein des Premières nations, la question de la cession aurait été abordée à l'avance, c'est-à-dire avant la présentation du projet de loi, et le projet de loi aurait pu contenir une disposition qui aurait répondu spécifiquement à leurs préoccupations. Ce n'est certainement pas trop demander.

Je vais lire la lettre que le chef Fox a envoyée au Comité des peuples autochtones. Je cite :

Nous sommes bâillonnés par le processus parlementaire. Nous ne pouvons pas intervenir de vive voix, ce pour quoi nous vous adressons la présente déclaration. Nous voulons que soient supprimés du projet de loi omnibus les articles 206 à 209 et que soit mis en place un processus qui respecte notre relation pour discuter des changements proposés. Nous sommes bâillonnés par le processus parlementaire d'une façon qui ne peut être qualifiée que d'antidémocratique.

Les observations et la frustration du chef Fox sont profondément ancrées dans les communautés autochtones du pays. Ce ne sont pas que les chefs qui s'opposent aux changements que le projet de loi omnibus C-45 impose à la communauté autochtone; les jeunes Autochtones aussi se sont mobilisés. Cette semaine, des milliers de jeunes se sont rassemblés dans 13 villes partout au pays pour manifester contre le projet de loi C-45 et contre la nature antidémocratique des changements unilatéraux qu'il contient. Sous le slogan « Idle No More », ou « l'inaction, c'est fini », de jeunes Autochtones ont tenu des manifestations lundi dernier. Plus de 300 personnes ont manifesté au Manitoba et, à Saskatoon, la foule a atteint 500 personnes.

Honorables sénateurs, j'ai été découragée d'entendre le ministre nier toute importance à ce mouvement en disant, mardi, qu'il s'agissait seulement de médias sociaux. J'espère que le ministre et le gouvernement regardent bien ce qui se passe et qu'ils se rendent compte que la voie de la coopération, du véritable partenariat et du respect mutuel est la seule qui permette d'aller de l'avant.

Les manifestations se poursuivent aujourd'hui. Comme je l'ai déjà dit dans mon intervention sur le projet de loi C-27, la chef Theresa Spence, de la Première nation Attawapiskat, fait la grève de la faim sur l'île Victoria, à deux pas d'ici. Aujourd'hui, à midi, il y a eu une autre manifestation en faveur de la chef Spence sur les marches à l'entrée du Parlement, à laquelle j'ai participé. Ils m'ont demandé de parler. Les manifestations se poursuivent; le mouvement ne s'arrêtera pas.

Honorables sénateurs, je me joins aux chefs et aux jeunes Autochtones de partout au pays et j'invite tous les sénateurs à voter contre l'adoption du projet de loi C-45.

[Français]

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, je lisais un commentaire d'un grand politicien du passé. Lorsqu'on garde le budget et les effets de mise en œuvre de certains programmes — et j'en reviens toujours à la défense — dont on promettait qu'on les ferait fructifier et qu'on les amènerait à un résultat positif... En particulier, je regarde le projet des F-35, mais il y en a d'autres, comme celui des hélicoptères et plusieurs autres projets qui sont en attente. J'ai donc lu ceci que j'ai trouvé intéressant.

[Traduction]

Lorsqu'on lui a demandé quelles sont les qualités d'un dont a besoin un politicien, Churchill a répondu ce qui suit :

La capacité de prédire ce qui se passera la semaine prochaine, le mois prochain et l'année prochaine, et la capacité d'expliquer, après coup, pourquoi cela ne s'est pas produit.

En examinant certains projets, certains programmes et certaines mesures budgétaires, on espère que le gouvernement saura montrer des capacités exceptionnelles pour expliquer pourquoi les choses ne se sont pas produites comme il l'avait prédit.

Cela m'amène à parler de promesses passées, et des pensions des membres des Forces armées et de la GRC. Les membres des Forces armées et de la GRC ne sont pas des fonctionnaires. Ils sont régis par leurs propres lois, la Loi sur la défense nationale et la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada. C'est pourquoi on calcule différemment leur salaire, leurs avantages sociaux et les indemnités auxquelles ils ont droit quand ils sont placés dans des situations qu'on ne pourrait forcer un fonctionnaire à accepter. Selon le concept pangouvernemental, les fonctionnaires peuvent prendre part à des opérations, mais ils se portent volontaires. Les soldats et la GRC reçoivent un ordre, puis sont déployés. Par conséquent, il y a différents niveaux d'indemnisation pour tenir compte de cet aspect.

Certains de nos militaires sont en mission depuis près de 20 ans. Pendant la guerre froide, les militaires restaient essentiellement dans leur garnison; ils s'entraînaient pour être prêts à combattre, c'est-à-dire à participer à une guerre traditionnelle en Europe centrale. Cependant, depuis la première guerre du Golfe, nos militaires sont déployés dans des zones de guerre et de conflit et subissent des pertes, que ce soit au Canada ou à l'étranger, pendant des insurrections et des conflits complexes dans des pays au bord de l'implosion. Quand ils reviennent enfin à leur garnison pour retrouver leur équilibre et panser leurs blessures, ils doivent se préparer à la prochaine ronde de missions que le gouvernement leur confiera.

Juste avant que commence cette période de participation intense à des conflits et que le rythme s'accélère — donc à la fin des années 1990, au tournant au millénaire —, nous avons finalement résolu la question des salaires des militaires, de leur qualité de vie et des programmes qui sont destinés aux militaires et à leur famille, car tous ces éléments étaient considérablement inférieurs à ce qui était offert dans la population en général et dans la fonction publique. On parle de 11 p. 100, et de 18 p. 100 pour certains grades. Certains militaires avaient un deuxième emploi. Les conjointes occupaient également deux emplois pour arriver à joindre les deux bouts pendant que leurs maris étaient déployés outre-mer. Je me rappelle, au début des années 1990, avant même que les libéraux accèdent au pouvoir, des militaires faisaient la queue pour avoir du pain, particulièrement ceux qui faisaient partie des déploiements, notamment les jeunes soldats et les jeunes caporaux.

(1810)

Nous avons réglé le problème de la rémunération avant que le gouvernement actuel n'accède au pouvoir et nous avons aussi réglé la question de la qualité de vie de sorte que, lorsque les troupes étaient déployées, elles n'avaient peut-être pas la bonne couleur d'uniforme, mais nous subvenions à leurs besoins et à ceux de leur famille. Ce soutien a été maintenu, ce qui favorisait le moral des troupes et de leur famille, et ces militaires sont demeurés en service.

De nos jours, lorsque les militaires reviennent d'un déploiement dans un conflit, la première chose qui les frappe est une réduction non seulement du rythme de vie, ce dont ils ont généralement bien besoin, mais aussi de leur capacité, en raison des compressions budgétaires au ministère de la Défense nationale. Ces compressions n'entraînent pas de réduction de l'équipement ni même du nombre de militaires, ce qui donnerait peut-être l'occasion à certains de travailler ailleurs, mais plutôt des réductions au chapitre de l'exploitation et de l'entretien, ce qui a une incidence directe sur la qualité de vie des militaires, leurs possibilités d'obtenir une hausse de salaire et leur capacité à maintenir un bon rendement professionnel et à occuper un emploi rémunéré.

Ces compressions les frappent dès leur retour au pays et ils doivent s'adapter à ce nouveau mode de vie. Leur qualité de vie s'effrite au moment où ils sont enfin réunis avec leur famille et ont des besoins. Nous décidons soudainement que nous allons leur offrir un traitement plus équitable au sein de l'industrie civile alors qu'il n'y a pas d'industrie civile, à l'exception des entreprises de sécurité, qui se font payer des sommes faramineuses pour faire le travail de soldats dans des zones de conflit outre-mer.

Ils reviennent et, soudainement, ils subissent une diminution importante de leur paie nette. Cette diminution les touche de deux façons. Premièrement, la rémunération qu'ils touchaient en mission et qui se chiffrait à plusieurs milliers de dollars disparaît puisqu'ils ne sont plus dans un théâtre d'opérations. Vous pensez peut-être qu'ils doivent s'adapter à la situation, même s'ils ont fait la guerre en Afghanistan durant de près de 10 ans et qu'ils ont touché cette rémunération pendant tout ce temps, ce qui a en quelque sorte donné une certaine capacité budgétaire à leur famille.

Outre le fait que cette rémunération disparaît et que leur paie nette est rajustée à la baisse, voilà que le gouvernement — celui-là même qui dit les aimer, avoir besoin d'eux et s'occuper d'eux — leur impose ce nouveau régime de pensions qui prévoit une contribution à part égales. Il existe une variante dans le cas des forces armées, mais le scénario est essentiellement du même ordre que dans le cas de la fonction publique. La coupe se situe entre 4,5 p. 100 et 5 p. 100. C'est la moitié de l'augmentation de traitement que nous leur avons accordée avant qu'ils partent à la guerre. Maintenant qu'ils rentrent au pays, nous allons réduire leur paie nette de 5 p. 100, puisque cela correspond à la part supplémentaire qu'ils vont devoir verser au régime de pensions. Ils vont le faire durant cinq ans, alors qu'ils ne toucheront plus la rémunération supplémentaire qui leur a été versée durant des années.

Cet aspect a-t-il été pris en considération? A-t-on simplement jugé que les militaires sont comme des fonctionnaires qui rentrent à la maison à la même heure chaque jour, qui arrivent tôt ou qui quittent tôt, qui connaissent leur chauffeur d'autobus par son prénom, qui habitent la même maison depuis 25 ans, qui ont une routine, qui connaissent les tâches qui les attendent et la façon dont ils vont s'en acquitter? Il y a une certaine constance dans l'environnement stable des fonctionnaires.

Toutefois, les militaires et les agents de la GRC qui sont affectés à divers endroits dans le monde à tous les deux ou trois ans doivent s'adapter à ces changements et au fait que, depuis 20 ans, ils sont présents dans des théâtres d'opérations qui ont fait des victimes et qui ont eu un impact sur leurs vies. Leurs familles doivent également s'adapter à cette réalité. Or, voilà que dans le cadre d'un exercice qui touche tout le monde, le gouvernement ajoute à la difficulté en réduisant la paie nette de ces gens. Je ne vois vraiment pas comment on peut agir de la sorte et continuer à dire : « Vous êtes des personnes spéciales. Vous êtes nos héros. Vous nous protégez et nous sommes fiers de vous envoyer en mission à l'étranger. »

Un de mes beaux-frères m'a demandé ce que nous faisions en temps de paix. J'en ai déjà parlé. J'ai dit que nous téléphonions le matin et que le reste du temps nous faisions ce que nous voulions. Un autre de mes beaux-frères a dit : « C'est une bonne chose que les médailles existent. » J'ai répondu : « Vraiment? » Il a dit : « Oui, vous recevez un paquet de médailles pour ce que vous avez fait. » J'ai répondu : « Oui, je vois. » Et il a ajouté : « Parce que les médailles ne coûtent pas cher. » C'est une façon économique de souligner le travail des militaires. Cela coûte beaucoup moins cher que de donner de l'argent ou d'accorder un avantage financier quelconque pour un acte de courage. Combien vaut un acte de bravoure? 20 000 $, 15 000 $? Peut-être pourrions-nous chiffrer de tels actes.

Mon beau-frère a ajouté : « C'était futé de donner aux militaires des médailles dont ils tirent fierté, d'ériger des monuments ici et là et d'y inscrire les noms de ceux qui ont été tués, afin d'exprimer notre reconnaissance à leur endroit. » Tout cela est bien beau, mais cela n'aide pas à acheter de la nourriture et à payer le loyer, et cela ne constitue pas une compensation pour le mode de vie imposé à ces gens. Cela ne compense certainement pas le fait qu'ils mènent une vie très différente afin d'être prêts lorsque nous les rappelons pour servir le pays.

Ou peut-être ne voulons-nous pas qu'ils servent encore notre pays. Peut-être sommes-nous heureux de nous en débarrasser et de tout recommencer depuis le début. Dieu sait combien grandes seront nos pertes si nous agissons de la sorte. Souvenez-vous que lors de la Seconde Guerre mondiale notre armée comptait à peine 4 000 soldats et environ 40 000 réservistes, qui se rencontraient quelques semaines par année. Il nous a fallu trois ans pour être opérationnels. Nous avons eu 40 000 victimes avant même d'avoir frappé l'ennemi. Les généraux ont appris leur travail en empilant les corps des soldats de ces bataillons, tout en essayant de trouver les bonnes tactiques de combat.

Nous ne pouvons plus nous permettre d'agir de cette façon, et nous ne pouvons pas nous permettre de perdre cette expertise, cette expérience et cette profondeur qui caractérisent nos forces armées et qui leur permettent de satisfaire à nos exigences. Nous voulons que nos soldats soient des experts et des héros, mais nous les traitons comme M. Tout-le-Monde. Nous leur disons : « Tant pis, vous êtes rentrés à la maison, nous sommes en temps de paix, par conséquent accommodez-vous d'une réduction de budget et faites comme le reste du monde. La prochaine fois que nous aurons besoin de vos services, nous nous attendrons à ce que vous répondiez présents et à ce que vous soyez aussi engagés que vous l'étiez la dernière fois. »

C'est tout à fait scandaleux. Il est scandaleux de mettre ces gens sur le même pied que les fonctionnaires, surtout que les conservateurs répètent constamment qu'ils aiment nos soldats, qu'ils veulent que ceux-ci servent notre pays, qu'ils souhaitent les traiter comme des héros, qu'ils les respectent énormément et qu'ils ont à cœur leurs intérêts et ceux de leurs familles.

Le sénateur Mitchell : Cela ressemble à la décennie de noirceur.

Le sénateur Dallaire : Sénateur, vous n'avez pas le droit de m'enlever les mots de la bouche.

Le sénateur Mitchell : Désolé. Je dis simplement que je suis de votre avis.

Le sénateur Dallaire : J'en arrive au deuxième point concernant cette question. Nous avons peut-être fait beaucoup lorsqu'on nous a imposé des compressions budgétaires, mais maintenant que vous n'avez plus besoin des soldats, vous les traiter comme M. Tout-le-Monde. Vous voulez leur imposer un nouveau régime en espérant qu'ils vont réagir favorablement. Vous êtes en train d'ouvrir la porte à la noirceur.

Nous parlons ici d'anciens combattants. Il ne s'agit pas de soldats qui ont travaillé en temps de paix, comme nous l'avons fait au début des années 1990. Ce sont d'anciens combattants. Comme nous l'avons appris après la Seconde Guerre mondiale et la guerre de Corée, les anciens combattants ne cadrent pas dans les mêmes scénarios que les autres soldats. Ces gens-là ont payé le prix. Ils vivent avec des cicatrices, et leurs familles aussi. Par conséquent, ils ne vont pas tolérer ce changement. Il s'ensuit que nous risquons de perdre une capacité importante pour laquelle nous avons payé un prix élevé en sang, en expérience et en ressources, une capacité qui nous permet d'accomplir des choses importantes à l'étranger et dans d'autres théâtres d'opérations où la sécurité est compromise et où nous devons absolument avoir des militaires prêts à tout donner encore une fois, avec une responsabilité illimitée, pour s'acquitter des missions que nous, dans ces édifices, décidons de leur confier.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions?

Le sénateur Carignan : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Le sénateur Fraser : Sur l'amendement.

Son Honneur le Président intérimaire : Sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Mercer, que le projet de loi C-45 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié par suppression, aux pages 175 à 414, de la partie 4 et des annexes 1 et 2.

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président intérimaire : Les whips se sont-ils entendus au sujet de la sonnerie?

L'honorable Elizabeth (Beth) Marshall : Une demi-heure.

L'honorable Jim Munson : Nous sommes d'accord.

Son Honneur le Président intérimaire : Le vote aura lieu à 18 h 50.

(1850)

La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée :

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Callbeck Jaffer
Chaput Joyal
Charette-Poulin Mercer
Cordy Mitchell
Cowan Moore
Dallaire Munson
Dawson Ringuette
Day Rivest
De Bané Robichaud
Downe Sibbeston
Dyck Smith (Cobourg)
Eggleton Tardif
Fraser Watt
Furey Zimmer—29
Hubley

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Manning
Ataullahjan Marshall
Bellemare Martin
Boisvenu McInnis
Braley Meredith
Brazeau Mockler
Brown Ngo
Buth Nolin
Carignan Ogilvie
Comeau Oliver
Dagenais Patterson
Demers Plett
Doyle Poirier
Duffy Raine
Eaton Rivard
Enverga Runciman
Finley Segal
Fortin-Duplessis Seidman
Frum Seth
Gerstein Smith (Saurel)
Greene Stewart Olsen
Housakos Tkachuk
Johnson Unger
Lang Wallace
LeBreton Wallin
MacDonald White—53
Maltais

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Cools—1

Son Honneur le Président : L'amendement est donc rejeté.

Honorables sénateurs, pour le reste du temps qui a été prévu, le débat portera sur la motion de troisième lecture du projet de loi C-45. Quelqu'un veut-il intervenir?

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole ce soir à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-45, le deuxième projet de loi d'exécution du budget. En tant que membre du Comité sénatorial permanent des finances nationales, j'ai participé à la majeure partie de l'examen de cette mesure législative effectué par le comité.

Comme les sénateurs le savent, le projet de loi C-45 est énorme. Il contient plus de 500 dispositions et comporte 414 pages. À titre de comparaison, j'ai consulté le projet de loi d'exécution du budget de 2001. Il contenait 47 dispositions et plus de 124 pages.

Honorables sénateurs, je ne suis pas la première à souligner que le plus récent projet de loi d'exécution du budget est énorme. Ned Franks, professeur émérite du Département de science politique de l'Université Queen's, qui est un habitué du Comité sénatorial permanent des finances nationales, a déclaré ceci en 2010 :

Entre 1995 et 2000, les projets de loi d'exécution du budget comptaient en moyenne 12 pages. De 2001 à 2008, ils comportaient 139 pages en moyenne. En 2009, les deux projets de loi faisaient 580 pages, soit 32 p. 100 du nombre total de pages des textes législatifs produits par le Parlement cette année-là.

Il a ajouté ceci :

La loi d'exécution du budget de 2010, le projet de loi C-9, contient 883 pages de dispositions législatives variées qui n'ont aucun rapport les unes avec les autres. Cette loi correspondrait à presque la moitié du nombre total de pages des textes législatifs produits par le Parlement en 2010. Ces projets de loi omnibus d'exécution du budget contrecarrent et contournent les principes normaux qui régissent l'examen parlementaire des mesures législatives.

Le projet de loi C-45 arrive de l'autre endroit sans le moindre amendement. Il faut donc croire que le gouvernement estime qu'il est parfait tel qu'il est. Or, il avait dit la même chose à propos du projet de loi C-38. Et voilà que le projet de loi C-45 rectifie un certain nombre de mesures qui ont pourtant été présentées il y a à peine quelques mois. Cela n'a rien d'étonnant. On se souvient très bien comme le projet de loi C-38 a été adopté à toute vapeur à l'autre endroit après un examen sommaire et avec très peu d'amendements. Le fait que nous devions corriger certaines de ces mesures aussi peu de temps après son adoption prouve à quel point ces projets de loi omnibus sont imparfaits.

Le projet de loi C-45 est le deuxième projet de loi d'exécution du budget. Il serait donc légitime de penser qu'il porte sur des mesures qui figurent dans le document budgétaire.

(1900)

Malheureusement, honorables sénateurs, ce n'est pas le cas, et le gouvernement en a pris l'habitude, ce qui est fort consternant. Le budget ne prévoit aucune modification à la Loi sur les pêches, mais le projet de loi en renferme. Même chose pour la section 8, qui modifie la Loi sur les Indiens; pour la section 9, qui modifie le salaire des juges; pour la section 10, qui modifie le Code canadien du travail; et pour la section 11, qui abolit la Commission d'indemnisation des marins marchands. Il ne s'agit que de quelques exemples, honorables sénateurs, il y en a bien d'autres, mais j'espère avoir réussi à faire valoir mon point.

Ce qui est le plus frustrant en ce qui concerne ce projet de loi, c'est qu'il prévoit certaines mesures que j'aurais appuyées si elles avaient été présentées dans un projet de loi distinct. Voici un exemple. Je siège au Comité de l'agriculture. Plusieurs intervenants nous ont répété que les modifications prévues à la Loi sur les grains du Canada constituaient un premier pas dans la bonne direction. Cependant, s'il s'agissait d'un projet de loi distinct, ce premier pas aurait pu se transformer en pas de géant, et l'industrie aurait pu avoir ce qu'elle souhaite immédiatement. Cependant, puisque nous sommes saisis d'un projet de loi omnibus, il nous est devenu presque impossible d'apporter ces modifications.

Je crois que la prolongation du crédit d'impôt dit à l'embauche continuera de profiter aux petites entreprises de l'Île-du-Prince-Édouard et de partout au Canada. J'aimerais que ce crédit d'impôt soit bonifié. C'est justement ce que les amendements que le Parti libéral a présentés au Comité des finances de la Chambre auraient permis de faire; or, le gouvernement les a rejetés. Je dois toutefois ajouter que j'appuie sans contredit ce programme, mais le mot « embauche » induit en erreur, parce qu'il n'est pas vraiment nécessaire que les entreprises embauchent un nouvel employé pour avoir droit à ce crédit.

Je suis également tout à fait favorable à la construction d'un pont reliant Windsor et Detroit. Cela accélérera le passage au poste frontalier et optimisera le commerce avec notre principal partenaire. Par contre, on aurait tort de saccager notre réglementation environnementale à cette fin.

Je suis aussi ravie des améliorations apportées au régime enregistré d'épargne-invalidité. Les personnes qui ont témoigné devant notre comité les accueillent à bras ouverts. Le régime y gagnera en souplesse pour les bénéficiaires.

Le problème, honorables sénateurs, c'est que ces quelques changements positifs sont noyés dans des centaines de pages de modifications carrément inacceptables.

Les compressions en tous genres imposées au Programme d'encouragement fiscal à la recherche scientifique et au développement expérimental nuiront à la compétitivité du Canada et nous coûteront des emplois. Ces changements considérables ramèneront de 25 à 15 p. 100 le taux du crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental, feront passer de 65 à 55 p. 100 le taux employé pour calculer le montant de remplacement applicable aux dépenses indirectes et retireront le capital de l'assiette des dépenses admissibles au crédit d'impôt. Étant donné que ce programme constitue la principale source de financement fédéral en recherche-développement industrielle, on ne s'étonnera pas que les changements proposés inquiètent profondément un grand nombre d'intervenants.

Par exemple, dans son mémoire au Comité permanent des finances de l'autre endroit, Les Algues acadiennes limitée, de Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, écrit ce qui suit :

Notre entreprise a vu le jour grâce au Programme d'encouragement fiscal à la recherche scientifique et au développement expérimental. Nous avons plus de 300 employés, nous exportons dans plus de 70 pays et nous employons 25 chercheurs, dont dix sont titulaires d'un doctorat. Les changements proposés décourageront les investissements en recherche-développement au Canada, ce qui représente un pas dans la mauvaise direction. Il faut trouver le moyen de stimuler la recherche-développement et non de la freiner.

Dans un autre mémoire au même comité, Teledyne DALSA Inc., une entreprise établie à Waterloo, en Ontario, et à Bromont, au Québec, écrit ceci :

Cette réduction touchant la recherche scientifique et le développement expérimental entraînera un changement inquiétant et profondément dommageable au chapitre des activités de recherche et de développement au Canada chez les plus grands investisseurs du pays dans ce domaine. [. . . ] Les répercussions à long terme de cette mesure commenceront à se faire sentir à Teledyne DALSA en 2014, alors que nous réduirons la croissance du personnel de recherche et développement, ralentirons le lancement de produits et mettrons un frein à l'expansion que nous connaissons depuis 20 ans.

La société Humble Manufacturing de Burnaby, en Colombie-Britannique, a fait valoir dans son mémoire que :

La réduction des incitatifs découragera les petites entreprises dont les ressources sont limitées, comme Humble Manufacturing, d'entreprendre la mise au point de nouveaux produits.

Honorables sénateurs, ces PME sont le moteur de notre économie. Elles sonnent l'alarme face aux changements proposés. En cette période d'incertitude économique — le gouvernement ne cesse de nous le rappeler —, nous devrions faire tout ce que nous pouvons pour stimuler l'investissement et soutenir la recherche et le développement au Canada. Le gouvernement a plutôt choisi de faire exactement le contraire.

Je suis également préoccupée par la suppression du crédit d'impôt des sociétés pour exploration et développement miniers et du crédit d'impôt à l'investissement dans la région de l'Atlantique pour les activités pétrolières, gazières et minières. Le gouvernement élimine ces crédits et, compte tenu de la vulnérabilité de notre économie et de l'importance de ces secteurs pour cette dernière, je pense que c'est manquer de vision que de décourager l'investissement dans ces domaines.

Les dispositions du projet de loi C-45 concernant les opérations de transfert des sociétés étrangères affiliées ont également suscité de vives inquiétudes dans les secteurs financier et minier. Dans une lettre datée du 14 novembre 2012, les représentants de la Bourse de Toronto et de TSX Venture Exchange exposent quelques-uns des principaux problèmes qu'elles soulèvent. Voici ce qu'ils disent :

D'après nos recherches préliminaires, plus de 700 sociétés canadiennes cotées en bourse ayant des activités dans un pays étranger ont de fortes chances d'être touchées négativement et par inadvertance par les règles proposées [...]

Voici ce que l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs a dit dans une lettre semblable, datée du 13 octobre :

Compte tenu des sommes importantes qui doivent être investies pour lancer un projet minier, les mesures proposées imposeront un niveau inacceptable de risque, puisqu'elles augmenteront le fardeau fiscal lié au développement du projet, ce qui rendra ce dernier moins attrayant pour les investisseurs étrangers souhaitant investir dans ce genre de société résidant au Canada. Par conséquent, si les dispositions proposées à l'égard des opérations de transfert de sociétés étrangères affiliées sont adoptées sous leur forme actuelle, les petites sociétés minières canadiennes auront beaucoup de difficulté à financer de grands projets.

Encore une fois, honorables sénateurs, mes collègues libéraux à l'autre endroit ont proposé, à l'étape de l'étude en comité, des amendements pour régler ces problèmes. Ils ont proposé que les sociétés cotées en bourse soient exemptées des nouvelles dispositions. Encore une fois, le gouvernement a rejeté ces amendements au projet de loi sans fournir de raison convaincante.

En outre, honorables sénateurs, le projet de loi propose d'énormes modifications à la Loi sur la protection des eaux navigables. Plusieurs changements majeurs sont proposés. Premièrement, le nombre de projets nécessitant une évaluation environnementale aux termes de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement sera réduit. Avec ces modifications, seulement 97 lacs, 62 rivières et trois océans feront l'objet d'évaluations complètes. Selon l'Université de Guelph, le Canada compte plus de trois millions de lacs, dont plus de 33 000 ont une superficie dépassant les trois kilomètres carrés. Avec ces modifications, moins d'un centième de 1 p. 100 des lacs canadiens nécessiteront une évaluation environnementale dans le cadre de grands projets.

De plus, ces modifications porteront atteinte aux droits de tous les Canadiens en ce qui concerne la navigation sur les cours d'eau. Les parties concernées semblent plutôt divisées à l'égard de ces modifications. Je crains que les modifications proposées n'affaiblissent davantage les lois et les normes en matière de protection de l'environnement. Il semble que, en proposant ces changements, le gouvernement ne fait que se plier aux exigences des industries pétrolières, gazières et minières, faisant fi des effets à long terme que cette mesure législative pourrait avoir sur l'environnement.

Un des aspects troublants révélés par les témoins que nous avons entendus, en particuliers les parties cincernées et les groupes autochtones, c'est le fait que le gouvernement n'ait pas consulté les gens qui seraient les plus touchés par ce projet de loi. Ce point est clairement mis en évidence dans le rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, présidé par le sénateur White. Le comité avait pour mandat d'examiner la section 8 de la partie 4, qui traite de modifications à la Loi sur les indiens. Dans le rapport que ce comité a produit à l'intention du Comité des finances nationales, le président a écrit ceci :

Le comité a toutefois entendu de tous les témoins qu'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada n'avait ni consulté les populations des Premières Nations éventuellement touchées ni entrepris de démarches auprès d'elles en prévision du dépôt des modifications, et ce, bien qu'un processus conjoint ait été mis en place avec l'Assemblée des Premières Nations afin de discuter de ces questions et d'autres questions connexes. Le Comité constate également, à son grand désarroi, que le ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord n'a envoyé aux chefs et aux conseils des Premières nations une lettre les informant de ce projet de loi qu'après que ce dernier eut été déposé. Une telle façon de faire est, de l'avis du Comité, inacceptable et constitue une insulte aux Premières nations. Le Comité s'en inquiète grandement, car il y voit une occasion manquée : il aurait fallu obtenir la participation significative des populations des Premières Nations pour arriver à un consensus sur une question importante pour l'ensemble des Premières Nations qui détiennent des terres de réserve régies en vertu de la Loi sur les Indiens.

(1910)

Honorables sénateurs, cette déclaration est fort troublante. On trouve aussi des plaintes semblables dans le rapport du Comité permanent de l'énergie et de l'environnement, qui dit ceci :

Un certain nombre de témoins ont signalé l'absence de consultations avant la présentation des modifications exposées dans le projet de loi C-45.

Et, un peu plus loin :

Le Fonds mondial pour la nature (Canada), Ecojustice et la West Coast Environmental Law Association ont également signalé l'absence de consultations véritables avec les parties intéressées et le public, de même que le peu de transparence dans le processus décisionnel avant la présentation du projet de loi C-45.

Honorables sénateurs, le projet de loi à l'étude porte atteinte à la démocratie et compromet la capacité des parlementaires d'étudier correctement les projets de loi, d'en débattre et de les amender. La majorité du contenu de cette mesure apporte des modifications que je ne peux tout simplement pas appuyer. Il est scandaleux que le gouvernement ait décidé d'entasser autant de modifications dans un seul projet de loi, car les bons éléments qui s'y trouvent sont relégués dans l'ombre des modifications à courte vue et mal inspirées qui composent la majeure partie du projet de loi C-45.

Pour ces raisons, honorables sénateurs, je vais voter contre le projet de loi C-45.

[Français]

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, je tiens, moi aussi, à participer brièvement au débat sur le projet de loi C-45.

Le projet de loi C-45 est un autre projet de loi omnibus qui comporte 414 pages et 516 articles que le gouvernement veut faire adopter à la hâte sans amendement.

Pourquoi, encore une fois, le gouvernement fédéral tient-il à se servir d'un projet de loi budgétaire pour faire adopter à toute vitesse des mesures législatives au Parlement?

Pourquoi inclure, dans un projet de loi budgétaire, des changements radicaux qu'il veut apporter dans toute une gamme de domaines tels que la recherche scientifique, la sécurité des aliments et les lacs?

Un projet de loi omnibus ne contient normalement que le budget et peut-être certaines mesures législatives pour corriger d'autres mesures antérieures qui doivent être adoptées de façon très rapide pour éviter des problèmes d'application.

Ce n'est pas le cas du projet de loi C-45. À titre d'exemple, on y retrouve la Loi sur les grains du Canada, qui comporte des dizaines de pages. Cette loi aurait dû être étudiée indépendamment. On aurait pu alors entendre des témoins de ce secteur et discuter ensemble de l'impact de ces changements sur nos agriculteurs. Il y en a qui sont pour et d'autres contre, mais tous ont le droit d'être entendus.

Ce processus ne respecte pas le processus démocratique habituel d'un Parlement, c'est-à-dire consulter ceux qui sont affectés.

Le projet de loi C-45 contient certains éléments que j'aurais aimé pouvoir appuyer, comme le régime d'épargne-invalidité, qui est une très bonne initiative, mais l'approche du gouvernement fédéral est « tout ou rien ». Je vous avoue que je suis inquiète des impacts qui découleront de ce projet de loi.

Je ne vous citerai que deux exemples parmi tant d'autres. Le premier, c'est l'impact négatif que le projet de loi C-45 aura sur les activités de recherche scientifique, puisque les crédits d'impôt pour les équipements scientifiques n'existeront plus. Si on n'encourage pas le volet technique, certains secteurs seront pénalisés car l'équipement est très dispendieux. Les plus petits ne pourront pas se payer cet équipement et leur productivité diminuera considérablement, pouvant aller jusqu'à des congédiements et des pertes d'emplois. Il y aura donc moins de recherche scientifique à un moment où cela devrait être l'inverse.

Le deuxième exemple est la question des Autochtones. On y retrouve, entre autres, des dispositions qui redéfinissent les pêches autochtones sans avoir consulté au préalable les communautés autochtones affectées. Le gouvernement a choisi d'ignorer son obligation de consultation les Autochtones, comme la Constitution l'exige, avant de procéder à des changements qui ont un impact sur eux.

Ce ne sont que quelques exemples, honorables sénateurs. Les éléments qui font partie du projet de loi C-45 et que j'aurais voulu appuyer méritaient d'être présentés par eux-mêmes, mais le gouvernement n'a pas jugé bon de le faire; il a préféré ne pas écouter.

Pour toutes ces raisons et bien d'autres, je me vois dans l'obligation de ne pas appuyer le projet de loi C-45.

[Traduction]

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, chaque année, à peu près à ce moment-ci de l'année, je prends la parole pour déplorer les mesures auxquelles le gouvernement a recours pour précipiter l'adoption de projets de loi. Chaque année, nous sommes mobilisés pendant un long moment par l'étude de projets de loi dont le gouvernement prétend qu'ils doivent être adoptés avant l'ajournement des Fêtes.

Nous y voici encore une fois, honorables sénateurs.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mercer : Je profite de l'occasion pour commenter brièvement les dispositions du projet de loi dont le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts a fait l'étude préalable. D'abord, je voudrais dire que je m'attends à ce que les honorables sénateurs d'en face prennent leur temps et réfléchissent d'ici demain, à la lumière des débats qu'ils auront écoutés, et à ce qu'ils se souviennent de leurs responsabilités de sénateurs. Le Sénat est la Chambre de second examen objectif et, par le passé, nous avons échappé aux contraintes des partis politiques et des whips.

J'ai particulièrement hâte de voir comment votera mon collègue de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Oliver, qui critique depuis longtemps les projets de loi omnibus. Il a dit qu'il s'agissait de mesures colossales, et a soutenu qu'elles étaient inacceptables. Voici donc sa chance. Il lui reste un peu moins d'un an à passer au Sénat. Il tient une chance de faire un coup d'éclat dans l'intérêt du reste de nos concitoyens néo-écossais et de se prononcer avec eux contre cette mesure, contre ce type de projet de loi, pour que les collègues de son propre caucus et de son propre gouvernement comprennent que ce n'est pas une bonne façon de s'y prendre. Ce n'était pas acceptable lorsque nous formions le gouvernement, et ce ne l'est pas davantage maintenant que les conservateurs sont au pouvoir.

C'est une occasion. J'ai hâte de voir comment le sénateur Oliver votera. Je surveillerai de près.

Honorables sénateurs, si vous regardez le projet de loi... Il est toujours difficile de se rappeler. Il fait 414 pages et compte 500 articles.

Le sénateur Mitchell : Combien de pages?

Le sénateur Mercer : Il fait 414 pages. Les sénateurs savent-ils combien de temps le sénateur Day a mis à lire ces 414 pages? Vous avez gâché la totalité d'un de ses week-ends. Je connais fort bien son épouse, et elle n'était pas très contente. Il arrive le vendredi après-midi et doit rester assis là, à lire les 414 pages de ce projet de loi.

Honorables sénateurs, si on fait un examen détaillé du projet de loi, on y trouve, comme le sénateur Callbeck l'a dit, beaucoup de bonnes dispositions que j'aurais pu appuyer si elles avaient été présentées au Sénat dans des projets de loi distincts. Quand je reviendrai à mon sujet, soit l'étude réalisée au Comité de l'agriculture et le débat sur la Loi sur les grains du Canada, nous verrons qu'il y a là de bons éléments.

Pensez simplement à ceci : nous sommes censés former des coalitions au Sénat. Nous sommes censés faire de bonnes choses au nom de ceux que nous représentons. Voilà ce que nous sommes censés faire, mais quelqu'un a fait en sorte que je sois incapable, à titre de représentant de la Nouvelle-Écosse, de voter en faveur des éléments du projet de loi qui me semblent bons. Je ne peux pas le faire parce que ces éléments sont noyés dans une mesure que je ne peux appuyer. Quelle belle attitude : « Mettons une pilule de poison dans toutes les mesures; compliquons les choses pour que tout le monde finisse par être exaspéré. »

Lorsque je suis ici, à mon siège de la deuxième rangée, et que je regarde de ce côté-là et observe le débat, je ne regarde pas nécessairement les dirigeants. Je regarde les autres sénateurs, surtout ceux qui siègent ici depuis un certain temps, et je ne vois pas beaucoup d'enthousiasme pour le projet de loi. Par contre, il n'y a pas si longtemps que le sénateur Ogilvie a été nommé, alors tout l'enthousiasme.

(1920)

Le sénateur Mitchell : Sauf les témoignages de personnes atteintes de sclérose en plaques.

Le sénateur Mercer : Sauf les témoignages, devant le comité, de personnes atteintes de sclérose en plaques. Je comprends.

Il faut absolument réfléchir au rôle qui nous incombe. Notre rôle consiste à représenter notre région, que ce soit le Québec, les Maritimes, l'Ouest canadien ou l'Ontario. Le travail des sénateurs, c'est de représenter leur région, mais actuellement, il leur est impossible de le faire. Le gouvernement leur a imposé le carcan d'une mesure législative si complexe — 516 dispositions réparties sur 414 pages et modifiant 60 lois distinctes — qu'il leur est quasi impossible de s'acquitter de leur rôle. Cela m'exaspère, car je suis du genre à rentrer au travail le matin en cherchant à mériter mon salaire du mieux possible, mais c'est extrêmement difficile actuellement. Le carcan de ce mauvais projet de loi nous empêche de faire quoi que ce soit.

Je tiens à parler du projet de loi dans le contexte du Comité de l'agriculture et des forêts.

La semaine dernière, le sénateur Mockler et moi avons présenté nos observations sur le projet de loi au Comité des finances, que préside le sénateur Day. Du 1er au 22 novembre dernier, le comité a tenu trois séances, totalisant environ sept heures, consacrées à la partie de cette mesure législative portant sur la Commission canadienne des grains. On nous a dit que cette mesure visait à moderniser la Loi sur les grains du Canada. Des témoins craignaient que cette partie du projet de loi omnibus n'aille pas assez loin mais, dans l'ensemble, les commentaires étaient positifs. Le gouvernement a plutôt bien fait les choses.

Comme je l'ai dit au comité, j'ai de grandes réserves, surtout en ce qui concerne la question du cautionnement et de l'assurance. Pour la gouverne des sénateurs qui ne prêtaient pas attention, les conservateurs abolissent l'exigence liée au cautionnement et ils remplacent ce cautionnement par une assurance. Voici la lacune que je crois déceler : le projet de loi ne prévoit pas expressément l'obligation de souscrire à la nouvelle assurance au titre de la Loi sur les grains du Canada, contrairement au cautionnement qui, lui, était requis.

On peut se demander quelle différence cela peut-il bien faire. Un témoin provenant de l'Ouest a comparu au comité, et nous lui avons justement posé des questions à ce sujet. Il nous a parlé d'un agriculteur qui éprouvait de la difficulté à vendre ses grains sur le marché. Le témoin lui a dit qu'il connaissait une entreprise à Lethbridge qui pourrait probablement s'en occuper. L'agriculteur a appelé un représentant de l'entreprise, qui lui a dit qu'il pourrait effectivement prendre les grains. L'agriculteur a fait parvenir les grains à Lethbridge et le marché a été conclu. Or, l'entreprise a fait faillite avant que l'agriculteur ne soit payé. Voilà une mauvaise nouvelle pour un agriculteur. Toutefois, le cautionnement est entré en jeu, et l'agriculteur s'est fait payer, ce qui prouve que le régime fonctionne.

Selon le nouveau régime, rien ne garantit que l'entreprise à qui l'agriculteur vend ses grains soit assurée. Les agriculteurs voient leurs risques augmenter.

De toute manière, l'agriculture comporte des risques. Je pense que les agriculteurs sont les meilleurs entrepreneurs du pays. Chaque printemps, ils investissent la totalité de leur capital dans la production agricole. Ils espèrent qu'il pleuvra suffisamment, qu'il y aura juste assez de soleil, que le gel ne viendra pas trop tôt et qu'ils récolteront les aliments que nous mangeons. Ce sont des gens formidables. Aucun autre groupe de Canadiens ne travaille aussi fort qu'eux, hormis peut-être les pêcheurs.

Le sénateur Mitchell : Il n'y a pas de poisson.

Le sénateur Mercer : C'est une autre histoire. Le sénateur veut-il que je parle aussi de poisson? Je peux le faire.

Une voix : Non, non!

Le sénateur Mercer : Il faudrait que les sénateurs me permettent de parler à la place de quelqu'un d'autre, si je raconte mes histoires de pêche.

Ma principale objection à un projet de loi omnibus comme celui-ci, c'est que, lorsqu'il est question de la Commission canadienne des grains, nous ne pouvons pas étudier les dispositions qui s'y rapportent aussi en profondeur que si elles faisaient l'objet d'un projet de loi distinct. Si c'était le cas, nous pourrions faire quelque chose d'excellent. Cependant, comme elles sont insérées dans le projet de loi omnibus, il nous est impossible de les examiner à fond et de faire ce qui, selon bien des gens, nous permettrait d'aller un peu plus loin. Elles ont été incluses dans un projet de loi d'exécution du budget auquel il est difficile d'apporter des amendements, et, évidemment, le méchant whip du gouvernement Harper est sur le dos de mes collègues d'en face.

Le sénateur Mitchell : Même le sénateur Brown?

Le sénateur Mercer : Même lui, qui prétend qu'il peut faire ce qu'il veut parce qu'il est élu. Il semble vouloir tout ce que Stephen Harper veut. On dirait que c'est comme cela que cela fonctionne.

Un projet de loi distinct nous aurait permis de nous pencher sur des aspects tout à fait nouveaux de l'industrie du grain que nous devons examiner. Le sénateur Mockler affirme que le temps est venu de moderniser le secteur, mais à quel coût et aux dépens de qui, quand la mesure est comprise dans un projet de loi aussi énorme? Nous devons nous demander si le projet de loi que nous adoptons aujourd'hui est bon. Au Comité des finances, j'ai demandé au ministre combien de personnes perdraient leur emploi à cause des modifications apportées par cette mesure. Devinez quoi? Il a été incapable de me le dire.

Si j'étais ministre et que j'apportais des changements touchant l'emploi de certaines personnes dans le pays, je voudrais connaître leur nombre. Qui sont ces gens? Pourrons-nous trouver un moyen de les aider? Y aura-t-il une transition? Pouvons-nous leur trouver du travail dans la fonction publique? Voilà ce que je ferais si j'étais un bon employeur, mais le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire n'a aucune idée. De toute façon, il n'a pas eu beaucoup de bonnes idées ces derniers temps. Cette situation ne prouve-t-elle pas que le projet de loi fait tant de choses touchant tant de ministères et d'organismes différents que les changements devraient faire l'objet de mesures législatives distinctes afin que nous puissions dire en toute conscience que ces dispositions ont fait l'objet d'une étude suffisante?

Honorables sénateurs, nous sommes en train d'adopter un projet de loi qui fera perdre leur emploi à un certain nombre de Canadiens. Une fois que nous l'aurons adopté et que le gouvernement l'aura mis en vigueur, des employés de la Commission des grains seront au chômage. Quel beau cadeau pour Noël! Quelle belle carte de vœux signée Gerry Ritz, Stephen Harper et Jim Flaherty!

Honorables sénateurs, le ministre ne connaissait même pas le nombre de personnes touchées. Il aurait dû le savoir. Le sénateur Plett lui aussi aurait dû être au courant.

Beaucoup de changements ont été regroupés dans ce projet de loi d'exécution du budget. Il y a énormément de sections qui auraient dû constituer des mesures législatives distinctes. Nous aurions fait un travail tellement meilleur. Nous aurions pu faire tellement mieux, cela ne fait aucun doute.

Je ne sais pas ce qu'il en est des autres honorables sénateurs, mais, personnellement, je ne suis pas très heureux quand je fais du travail médiocre. Ce que nous faisons ici, c'est du travail médiocre. Nous aurions dû non seulement être la Chambre du second examen objectif, mais aussi être la Chambre de l'excellence. Historiquement, le Sénat a toujours poursuivi sa mission d'amélioration de la législation. Je devrais dire qu'historiquement, nous avions la réputation d'être la Chambre qui améliore les projets de loi. Cela n'est plus parce que les ordres viennent désormais de l'édifice Langevin. Il n'y a pas de changement sauf, comme l'a signalé tout à l'heure notre ami, le sénateur Dallaire, que ce projet de loi corrige les erreurs que nous avons faites le printemps dernier.

Vous savez quoi? Le printemps prochain, nous essaierons de corriger les erreurs que nous avons faites dans ce projet de loi. Pourquoi ne pas bien faire les choses au départ? Pourquoi devons-nous dire aux Canadiens que nous trébuchons continuellement et que nous devons reprendre notre travail? Nous avons fait des erreurs le printemps dernier. Nous faisons des erreurs cet automne. Pourquoi ne pas dire : « Ça suffit! » Pourquoi ne pas subdiviser le projet de loi en petits textes bien nets pour pouvoir en discuter, mettre notre expertise à contribution et donner aux Canadiens de bonnes lois, un bon gouvernement et une bonne gouvernance?

Le sénateur Day : Bravo. Je suis bien d'accord.

Le sénateur Mercer : Honorables sénateurs, je suis fatigué d'approuver sans discussion des projets de loi, fatigué du caractère secret du présent gouvernement. Je suis fatigué d'être accusé de retarder des projets de loi qui méritent d'être sérieusement examinés. Je voterai contre cette mesure législative tout simplement parce qu'elle est mauvaise. La seule bonne chose que nous puissions faire est de voter contre ce projet de loi.

Le sénateur Dallaire : Le sénateur accepte-t-il de répondre à une question? Je renvoie l'ascenseur.

(1930)

Le sénateur Mercer : Oui, je vous en prie.

Le sénateur Dallaire : Que diriez-vous d'étudier la question des projets de loi omnibus et de les considérer comme un nouveau concept distinct, sans égard aux projets de loi d'exécution du budget? Ne serait-il pas intéressant d'économiser du temps et de l'énergie en réunissant plusieurs projets de loi, autres que celui-ci, et de simplement les adopter à la hâte comme nous le faisons avec ce projet de loi? Il semble que l'idée consiste à laisser le pouvoir exécutif de notre système de gouvernement torpiller le pouvoir législatif. Le Cabinet, dirigé par le premier ministre, fait sombrer le pouvoir législatif de notre système de gouvernement. Le sénateur ne croit-il pas que c'est ce qui se produit en ce moment?

Le sénateur Mercer : J'appelle cela un projet de loi qui tire sur tout ce qui bouge. C'est un projet de loi qui tire sur tout ce qui bouge, et c'est... Puis-je avoir encore cinq minutes?

Son Honneur le Président : D'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Mercer : Le sénateur a tout à fait raison. Ce sont des manœuvres d'intimidation. Nous nous faisons intimider.

Rien n'est plus important que ce que nous sommes en train de faire, c'est-à-dire administrer le budget de la population, ce qui permet d'établir les mesures fiscales afin que les Canadiens sachent quelle sera leur contribution au bien-être du pays, et afin que le gouvernement dans son ensemble sache ce qu'il fera pour eux. Rien n'est plus important que cela.

Ce projet de loi et les projets de loi omnibus qui l'ont précédé sèment la confusion chez tout le monde. Je ne sais pas comment le sénateur Day a réussi à trouver, parmi ces 414 pages, les vraies mesures budgétaires qui sont censées se trouver dans le projet de loi.

Le sénateur Day : Le sénateur Buth m'a aidé.

Le sénateur Mercer : Madame le sénateur Buth est très compétente. J'ai beaucoup de respect pour elle et pour ce qu'elle a fait dans le secteur du canola. Elle fait un boulot du tonnerre au Comité de l'agriculture et des forêts. Quoi qu'il en soit, elle aussi aurait beaucoup de mal à se retrouver...

Le sénateur Day : En effet.

Le sénateur Mercer : ... parmi toutes les dispositions que contient le projet de loi. Bien qu'elle soit aimable et intelligente, elle aurait beaucoup de mal à trouver l'information dont nous avons besoin pour prendre des décisions sur les taxes que paieront les Canadiens, sur les sommes que nous dépensons et sur les projets qui seront financés. C'est très embarrassant. Je pense que les Canadiens commencent à comprendre cela et à être mal à l'aise. Plus le temps passe, plus ils rougissent de honte. Je crois qu'ils s'en souviendront le jour des élections.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mitchell : Comme nous en sommes à l'étape de la troisième lecture du projet de loi, j'ai eu le temps de réfléchir, pendant le débat, sur le gouvernement actuel. Il est temps d'en discuter sérieusement.

Je m'interroge sur le gouvernement et j'essaie de trouver... Allez, du calme! En fait, je me suis demandé quelles étaient les caractéristiques fondamentales du gouvernement actuel, puis je les ai analysées afin de trouver le fondement qui permettrait de répondre globalement à toutes les questions qu'on se pose.

La première question que je me suis posée est la suivante : pourquoi le gouvernement ne fait-il pas preuve de leadership sur le plan national? J'en ai déjà parlé aujourd'hui et auparavant : il ne fait pas preuve de leadership dans le dossier de la stratégie nationale de l'énergie. Il n'y a pas de stratégie nationale ni sur les changements climatiques, ni sur la prévention du suicide, ni sur l'économie.

Soit dit en passant, il est très paradoxal que le gouvernement prétende avoir fait preuve d'un grand leadership en matière économique.

Je me demande ceci : mais qu'a-t-il donc fait? Il a dit qu'il réduirait les impôts. Cependant, en quoi ces réductions ont-elles contribué de quelque manière que ce soit à la relance économique? Le ministre lui-même, publiquement, implore fréquemment les entreprises canadiennes d'investir l'argent que les baisses d'impôt leur ont permis d'accumuler. Il les supplie de créer des emplois — ou plutôt il leur reproche de ne pas le faire. Les réductions d'impôt ne se sont pas traduites par des emplois créés. Le fait que le ministre passe son temps à supplier les entreprises d'investir cet argent prouve bien que le seul effet positif, c'est que le bilan des entreprises est excellent. Leur faible taux d'imposition leur a permis d'économiser beaucoup d'argent. Le gouvernement a réduit les impôts, mais cela n'a rien donné. Dieu merci, il n'a pas touché aux banques, qui sont solides. Il ne l'a pas fait. Heureusement, car il leur aurait nuit. Il n'a pas réduit la dette à la consommation, laquelle est très élevée, dangereusement élevée — M. Carney et le ministre des Finances le reconnaîtraient tous deux. Ainsi, le gouvernement n'a rien fait pour réduire la dette à la consommation. Ni pour éponger la dette publique. Non. Sous le gouvernement actuel, la dette publique a augmenté de — essayez de deviner — 150 milliards de dollars. Les conservateurs n'ont pas équilibré un budget déficitaire depuis 1912. Ils n'ont pas équilibré de budget au XXe siècle, et c'est à peine s'ils l'ont fait au XXIe siècle. Ils n'ont pas réduit la dette publique, ce qui se serait avéré une initiative économique décisive. Le gouvernement n'a pas non plus amélioré la balance commerciale. Celle-ci est maintenant déficitaire. Le Canada compte 1,4 million de chômeurs et il enregistrera cette année une croissance de moins de 1 p. 100 — peut-être 0,6 p. 100, ce qui représente 20 p. 100 de la croissance prévue aux États-Unis. Voilà un gouvernement qui se targue de donner l'exemple sur le plan économique. Mais est-ce le cas? Que l'on examine la question sous l'angle du leadership, de la relance ou de la politique économique, on ne peut pas dire que le gouvernement a accompli grand-chose.

Pourquoi le gouvernement n'assure-t-il pas un leadership national? C'était ma première question. Ma deuxième question est celle-ci : pourquoi le gouvernement est-il incapable d'équilibrer un budget?

J'ai lu un article intéressant à la suite du léger, tout léger remaniement ministériel — je ne me souviens plus si c'était cet été ou l'été précédent. Ce dont je me souviens, c'est de ce journaliste mielleux qui écrivait que M. Harper n'avait pas remanié son Cabinet parce qu'il croyait que les membres de son équipe étaient vraiment les meilleurs. Il disait que M. Harper était vraiment fier de M. Flaherty, car tout le monde sait que M. Flaherty va équilibrer le budget. Eh bien non. M. Flaherty ne parviendra jamais à équilibrer le budget. C'est ici que la nouvelle a éclaté. Il ne parviendra jamais à équilibrer le budget. Dès que les taux d'intérêt commenceront à monter, chaque point de pourcentage va représenter 6, 7, 8 ou 10 milliards de dollars. Il ne parviendra pas à équilibrer le budget. Au bout du compte, l'idéologie conservatrice ne le lui permettra pas. Voilà pour la deuxième question.

La troisième question est la suivante : pourquoi, dans tout ce qu'il fait, le gouvernement fait-il preuve d'un tel mépris envers la démocratie? Nous en avons débattu plus tôt à l'occasion du débat sur le projet de loi omnibus. Pourquoi un tel mépris pour la démocratie?

La prochaine question est la suivante : pourquoi voient-ils tant d'ennemis parmi les Canadiens? Pourquoi s'opposent-ils à tant de Canadiens? Pourquoi sont-ils contre les ONG environnementales? Pourquoi sont-ils contre les organismes de bienfaisance religieux? Pourquoi sont-ils contre tous les organismes de bienfaisance? Pourquoi? Pourquoi se retrouvent-ils à penser différemment des Canadiens sur tellement de sujets? Pourquoi ignorent-ils les personnes atteintes de sclérose en plaques? Pourquoi ne s'acquittent-ils pas de leurs obligations et n'entament-ils pas le dialogue avec les peuples autochtones? Pourquoi est-ce que les premiers ministres des provinces et des territoires se sont en quelque sorte ligués contre eux? Pourquoi?

Voilà les questions : pourquoi n'assurent-ils pas un leadership national? Pourquoi sont-ils incapables d'équilibrer un budget? Pourquoi font-ils preuve de tant de mépris envers la démocratie, et pourquoi voient-ils autant de Canadiens comme des étrangers et, en quelque sorte, comme des ennemis?

Naturellement, il existe une réponse simple à cela — le principe universel, si vous voulez — qui se résume à un véritable leadership. Ce qui caractérise principalement un grand leader — vous n'avez qu'à lire à ce sujet, vous verrez — c'est que celui-ci se concentre sur un objectif. Encore faut-il choisir le bon. Le problème du gouvernement actuel, c'est que son objectif est de réduire l'appareil gouvernemental. Les conservateurs ont le gouvernement en horreur, leur objectif est donc d'en réduire la taille. En un sens, cela pourrait constituer un objectif parfaitement acceptable, si l'on pouvait démontrer que les compressions effectuées permettent d'atteindre l'objectif qu'un bon gouvernement devrait chercher à atteindre : faire du Canada un meilleur pays et améliorer la qualité de vie des Canadiens. Le hic, c'est que si l'on choisit le mauvais objectif et que l'on se concentre sur celui-ci, comme le font les sénateurs ministériels, on se retrouvera en mauvaise posture. C'est exactement ce dont nous sommes témoins ici. Votre unique objectif est de réduire l'appareil gouvernemental. Cette idée fixe obnubile la vision du monde du gouvernement. J'y crois vraiment. C'est comme si Churchill avait dit : « Mon objectif est de réduire la taille du gouvernement. » Il n'aurait pas gagné la guerre. Son objectif était de gagner la guerre. L'objectif du gouvernement est de faire du Canada un pays meilleur et d'améliorer le sort des Canadiens.

(1940)

Je l'ai déjà dit et je le répète : si le président de Toyota détestait les voitures, quelle genre de société serait Toyota? Si le premier ministre du Canada déteste le gouvernement et se concentre presque exclusivement sur la réduction de sa taille, quel genre de gouvernement aurons-nous? Savez-vous quel genre de gouvernement nous aurons? Celui que nous avons à l'heure actuelle.

Dans cette optique, demandons-nous pourquoi le gouvernement n'assure pas un leadership à l'échelle nationale. Cela exigerait, dans un certain sens, une portée accrue du gouvernement fédéral. Comme il ne peut pas réduire la portée des provinces, il réduit simplement celle du fédéral. Pour y arriver, il peut, tout simplement, ne rien faire. Ne pas discuter avec les provinces des moyens leur permettant d'offrir de meilleurs soins de santé. Ne pas discuter avec les provinces d'une stratégie énergétique nationale. Ne pas discuter avec les provinces d'une stratégie économique nationale, parce que cela élargirait la portée du gouvernement. Pourtant, étendre la portée du gouvernement de cette façon permettrait d'atteindre les véritables objectifs, qui sont de faire du Canada un pays meilleur, de renforcer l'économie, de diminuer le chômage, d'améliorer la compétitivité, de diversifier les débouchés internationaux pour le pétrole et le gaz. Je pourrais continuer. Ces objectifs, qui feraient manifestement du Canada un meilleur pays, ne sont pas nécessairement bien servis par une obsession idéologique qui consiste à réduire la taille du gouvernement pour le principe. C'est pour cette raison que nous n'avons pas de leadership national. Voilà qui répond à la première question.

La deuxième question est la suivante : pourquoi les conservateurs ne parviennent-ils pas à équilibrer un budget? C'est parce qu'ils détestent l'appareil gouvernemental. Ils ne savent pas comment le gérer. Ils n'écoutent pas leurs fonctionnaires qui ne sont pourtant pas leurs ennemis. Je pense que, parfois, ils les perçoivent de cette façon. Les fonctionnaires leur donneraient de bons conseils. Ils leur diraient quoi faire, et ils les laisseraient fixer des priorités qui leur permettraient de faire avancer les choses et de se débarrasser de ce qui ne fonctionne pas. C'est ce qui s'est produit dans les années 1990, et c'est pourquoi nous avons eu neuf budgets excédentaires consécutifs. Si on déteste l'appareil gouvernemental, on ne saura pas comment le gérer. C'est pourquoi les conservateurs n'auront jamais un budget équilibré.

Pourquoi font-ils fi de la démocratie?

Les conservateurs ne réussiront jamais à équilibrer un budget. Ils n'y parviendront jamais, sénateur Plett, sauf s'ils mentent comme ils l'ont fait en Ontario.

Pourquoi un tel manque de respect envers la démocratie? Oui, les processus parlementaires et démocratiques, ainsi que tous les processus qui protègent nos droits, sont laborieux. Cependant, pour qu'une démocratie prospère, il ne peut pas y avoir de changements précipités. Cela ne fonctionne pas. Il y a des problèmes complexes et difficiles sur lesquels il faut se pencher. Il faut faire des compromis et permettre l'échange d'opinions contradictoires afin de faire surgir de meilleures idées et solutions. Si vous détestez l'appareil gouvernemental, vous détesterez également ce genre de choses. Cette notion vous échappe si vous percevez tout cela comme un inconvénient. Cependant, c'est un inconvénient nécessaire si vous voulez élaborer de meilleures politiques et atteindre l'objectif que vous devriez viser, à savoir un meilleur pays et une meilleure qualité de vie pour les Canadiens et pour nos enfants. C'est la réponse à la troisième question.

La quatrième question est la suivante : pourquoi le gouvernement se ligue-t-il contre tellement de Canadiens? Les Canadiens ont parfois besoin de lui. Les environnementalistes ont besoin de leadership de la part de leur gouvernement pour lutter contre les changements climatiques. Les conservateurs considèrent bien sûr ces personnes comme des ennemis parce qu'ils veulent réduire l'intervention de l'État. Les organismes de bienfaisance religieux ont le droit de participer aux débats. Je ne suis pas toujours d'accord avec eux, mais ils ont le droit de participer. Toutefois, les conservateurs ne veulent pas ce genre de débat parce qu'ils trouvent cela pénible et que cela nécessite une plus grande intervention de l'État. Ils se liguent donc contre ces organismes. Qui sait, les patients pourraient leur dire qu'il y a une façon d'enrayer la sclérose en plaques et qu'il y a des mesures qu'ils pourraient prendre. Cependant, cela nécessiterait une plus grande intervention du fédéral dans un secteur qui, à leur avis, relève de la compétence des provinces, même si, en réalité, c'est une compétence partagée. Alors, ils refusent de les écouter.

On peut répondre à ces quatre questions de la même façon. Bien d'autres questions pourraient être posées.

Vous voulez limiter à tout prix l'intervention du gouvernement, c'est l'une de vos obsessions idéologiques et vous avez perdu de vue le vrai objectif. Parfois, pour atteindre un objectif, il vaut mieux que le gouvernement intervienne le moins possible, mais ce n'est pas souvent le cas. Par exemple, si l'on réduit son importance, ou du moins son leadership, le gouvernement ne peut pas jouer un rôle de chef de file national. Organiser une réunion entre le premier ministre et ses homologues provinciaux et territoriaux ne coûte pas cher, n'est-ce pas? C'est minime comme intervention du gouvernement, mais c'est déjà trop pour vous.

Il m'arrive, lorsque je suis calme et généreux, de dire que le gouvernement n'est pas incompétent sur toute la ligne. Je crois cependant qu'il prône une idéologie malhabile, qu'il met en œuvre très habilement. Elle est malhabile. Est-ce qu'il existe un pays où une idéologie intraitable de droite a permis de faire progresser une société? Où? Donnez-moi un seul exemple. Ni le Royaume-Uni, ni l'Allemagne, ni les États-Unis n'y sont parvenus, pas plus que George Bush ou Mitt Romney. En fait, M. Romney a connu du succès en tant que gouverneur, parce qu'il gouvernait au centre, comme un libéral. Dites-moi quel pays y est parvenu. C'est une idéologie malhabile. Elle ne donne pas de résultats. Je reconnais que vous la mettez en œuvre très habilement, mais c'est tout. Cela ne change rien au résultat.

La seule réponse possible à certaines questions, c'est que vous détestez le gouvernement. Vous ne savez pas comment le gérer. Vous voulez réduire la taille du gouvernement et vous avez perdu de vue le vrai objectif, à savoir faire du Canada un pays où il fait meilleur vivre pour les Canadiens. C'est notre objectif et ce projet de loi ne permet pas de l'atteindre. Voilà une autre raison pour laquelle je m'y opposerai.

L'honorable Jim Munson : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question? Je pense qu'il y a une cinquième question à laquelle vous n'avez pas répondu concernant notre réputation internationale. Vous avez parlé de leadership national. Peut-être pourriez-vous nous parler du fait que notre pays semble prendre parti plutôt que d'agir à titre d'observateur ou encore de médiateur dans les dossiers internationaux? J'aimerais entendre votre avis au sujet du rôle du Canada dans le monde et de son leadership à l'échelle internationale. Il semble que nous brillions par notre absence.

Le sénateur Day : Quinze minutes de plus.

Le sénateur Mitchell : Il est clair que nous brillons par notre absence sur la scène internationale. Ils veulent gagner, ce qui cadre avec ma théorie. Ils sont également mus par la politique. Par conséquent, leur politique étrangère est simplement devenue une façon de faire passer des messages ici, au Canada. Ils n'ont pas obtenu un siège au Conseil de sécurité parce qu'ils ne comprennent pas comment un gouvernement doit fonctionner et entretenir des liens avec les autres gouvernements. Ils ont perdu leur siège. Imaginez ce que nous pourrions faire et l'influence que nous pourrions exercer dans le monde si nous avions obtenu ce siège au Conseil de sécurité. Imaginez combien nous pourrions vraiment appuyer Israël si nous siégions au Conseil de sécurité — car, bien évidemment, nous voulons tous appuyer Israël. Nous avons perdu notre siège au Conseil de sécurité parce que le gouvernement ne sait pas comment s'y prendre en politique extérieure pour entretenir des liens intergouvernementaux et les renforcer de manière à accroître notre influence dans le monde.

L'honorable Jane Cordy : Vous avez mentionné que, en matière de soins de santé, le gouvernement fédéral souhaite se décharger de toutes ses responsabilités sur les provinces et les territoires. Je partage absolument votre avis et je pense que vous avez dit qu'ils se dérobent à leurs responsabilités. Le sénateur sait-il que le gouvernement fédéral se classe au cinquième rang parmi les plus grands fournisseurs de services de santé au pays?

Peut-être pourriez-vous demander qu'on nous alloue cinq minutes de plus.

Des voix : Cinq minutes.

Le sénateur Cordy : Le gouvernement fédéral est, en fait, le cinquième fournisseur de soins de santé en importance au pays. Par conséquent, s'il souhaite abdiquer ses responsabilités, comme il l'a fait avec les provinces et les territoires, ne croyez-vous pas qu'il devrait donner l'exemple pour les groupes dont il est responsable, c'est-à-dire les anciens combattants, la GRC, les détenus et les Autochtones, qui vivent dans des conditions épouvantables? Nous savons que la ministre a récemment donné le feu vert à la production de la version générique du médicament OxyContin, malgré que les dirigeants de la communauté autochtone l'aient implorée de retarder l'autorisation jusqu'à ce que des recherches soient effectuées. Êtes-vous d'avis que le gouvernement fédéral a la responsabilité de faire preuve de véritable leadership en matière de soins de santé au pays?

Le sénateur Mitchell : Oui, je le crois. Le gouvernement joue un rôle pour plusieurs raisons. Certes, qu'il soit le cinquième en importance parmi les responsables des soins de santé au pays ne laisse aucun doute. Je me demande combien de personnes dont les soins de santé relèvent de la compétence fédérale ont la sclérose en plaques. Pourquoi le gouvernement ne montrerait-il pas l'exemple en appuyant la réalisation de cette étude spéciale?

(1950)

Il ne faut pas oublier non plus que le gouvernement a le pouvoir de dépenser et qu'il distribue des fonds. Mais comment peut-on donner de l'argent, tout simplement, sans qu'il y ait au moins une certaine norme nationale?

Voici un autre exemple de l'excellent leadership qu'ont offert les libéraux du temps de M. Martin. C'est dans un esprit de collaboration que M. Martin a négocié avec toutes les provinces et tous les territoires — donc 13 leaders — pour arriver à un programme de 10 ans concernant les soins de santé. M. Martin a établi des normes. Il a donné l'exemple d'un véritable leadership.

Hier, nous avons rencontré un psychiatre de la Nouvelle-Écosse, Stan Kutcher, qui a beaucoup travaillé à des programmes sur la santé mentale des jeunes. Il y a des recherches remarquables dans ce domaine. On sait maintenant que, si on peut repérer certains comportements chez les jeunes, il est possible d'intervenir et de prévenir des problèmes futurs, grâce aux connaissances actuelles.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Mitchell : Je sais que les sénateurs de l'autre côté ne veulent pas entendre parler de cela. Ils veulent du leadership, c'est le sujet qui les intéresse. Vous devriez écouter ces gens-là et leur dire ce que vous pensez. C'est contre eux que vous devriez crier, pas contre moi. Allez parler à votre premier ministre de demandez-lui s'il peut offrir à notre pays un peu de leadership.

Stan Kutcher a souligné qu'aucun fournisseur de soins de santé au Canada n'utilise ces techniques pour le moment, et que le gouvernement fédéral pourrait avoir un rôle à jouer. Il est dans l'intérêt du gouvernement fédéral de faire en sorte que les jeunes restent sur la bonne voie et de prévenir les problèmes possibles. Le gouvernement pourrait intervenir à l'échelon fédéral, avec une responsabilité fédérale, mais il ne le fait pas.

Cela prouve, encore une fois, ce que je disais : il n'y a pas de leadership, parce que le gouvernement pense simplement que quelqu'un d'autre devrait s'en occuper.

Le sénateur Cordy : Le sénateur a parlé aussi de l'absence de stratégies nationales. Stan Kutcher dit des choses très intéressantes. Je lui ai parlé à de nombreuses reprises. Il y a de belles réalisations au pays, et, bien entendu, Stan serait bien placé, étant donné ses compétences, pour nous parler du domaine de la santé mentale et des maladies mentales.

Le sénateur a-t-il remarqué qu'il semble y avoir un grand manque de stratégies nationales dans à peu près tous les domaines, mais en particulier dans le domaine des services de santé mentale?

Le sénateur Mitchell : Oui, tout à fait. Je me rappelle que l'une des cinq propositions de M. Harper dans la campagne électorale consistait à raccourcir les temps d'attente. Il a distribué de l'argent un peu partout au Canada. Il a même donné de l'argent pour raccourcir le temps d'attente dans des provinces où l'objectif fixé était déjà atteint. Cela revient encore une fois à abdiquer, et non à prendre ses responsabilités.

Honorables sénateurs, lorsqu'on a une responsabilité, on doit s'en acquitter. Je pense que cette responsabilité a essentiellement été négligée. Si le Canada n'a pas de norme nationale sur les services de santé, qui font partie de notre code génétique et qui définissent notre identité, on peut dire que le gouvernement a renoncé à prendre ses responsabilités. Le premier ministre a distribué de l'argent sans s'occuper des résultats. Il n'a pas mesuré les résultats et on ne peut pas gérer quelque chose qu'on ne mesure pas. Nous pourrions réussir beaucoup mieux dans le domaine des services de santé, et de beaucoup de manières, si le premier ministre comprenait qu'il a la responsabilité de prendre l'initiative et s'il s'acquittait de cette responsabilité. Pourquoi est-ce si difficile?

Le sénateur Munson : Le sénateur croit-il que nous avons atteint le point où le gouvernement s'apprête à annuler Noël?

Des voix : Oh, Oh!

[Français]

L'honorable Jean-Claude Rivest : Honorables sénateurs, j'aimerais faire quelques remarques sur le caractère démocratique de nos institutions parlementaires.

Les sénateurs du côté ministériel sont profondément convaincus du caractère démocratique de leur démarche dans ce projet de loi. Nous vivons dans un contexte de gouvernement majoritaire, et, conformément à notre démocratie, un gouvernement majoritaire décide pour les concitoyens. La règle démocratique est la fin, ce n'est pas tellement la sanction parlementaire mais plutôt la sanction électorale. Si le gouvernement n'agit pas de façon convenable, alors les électeurs le sanctionneront. Un gouvernement majoritaire peut prendre le type de décisions en suivant sa propre démarche. Le problème est que la démocratie ne se limite pas à cela.

La démocratie ne peut pas simplement se limiter à une sanction électorale. C'est une démarche continue des gouvernements avec les institutions, par l'entremise des institutions. Ces institutions sont parlementaires. C'est la raison pour laquelle le recours à la pratique de déposer des projets de loi dits « omnibus » ne nie pas complètement la démarche démocratique, mais affaiblit et entache profondément la viabilité et la crédibilité de nos institutions.

Des sénateurs d'en face ont dit qu'ils appuyaient certains aspects du projet de loi mais que, dans l'ensemble, ils étaient contre. Un vote ne peut pas être moitié oui et moitié non. Le vote est simple.

Selon le processus parlementaire traditionnel, lorsque le gouvernement dépose un projet de loi sur les allocations familiales, sur les pensions de vieillesse, sur l'environnement ou sur les institutions de radio et de télévision, son examen reste centré sur le sujet et il est soumis à l'attention des parlementaires qui se prononcent sur les projets de loi. D'ailleurs, les parlementaires se trouvent, pendant un certain moment, à parler de la même chose.

On l'a très bien vu dans le débat, avec un projet de loi omnibus, tous les parlementaires parlent de toutes sortes d'aspects du projet de loi, si bien qu'il y a une dispersion totale des propos. Sur les mesures proprement budgétaires, le gouvernement, à la suite de cette expérience, devrait être appelé à réfléchir et à se dire que les lois budgétaires doivent concerner le budget, les revenus, les dépenses et la fiscalité. Voilà ce qu'est un projet loi budgétaire. Les autres questions appartiennent à l'exercice parlementaire, car ne peut pas tout considérer en même temps, et on l'a souligné de façon très importante.

Ce débat devrait nous inciter à réfléchir sur la permanence de la vie démocratique. Ce n'est pas qu'une question de sanction ou de démarche propre aux institutions; il y a aussi l'opinion publique. Les parlements doivent voter sur des budgets, adopter des lois. Un vote doit être tenu à un moment donné. Il y a un débat parlementaire réduit, mais pourquoi les procédures parlementaires ralentissent-elles parfois le processus, sinon pour permettre au Parlement de garder devant l'opinion publique une question à la fois, pas 50 à la fois, comme dans les projets de loi omnibus? Une question est gardée devant l'opinion publique, si bien que l'opinion publique peut accompagner la démarche du gouvernement, comprendre chacun des tenants et aboutissants du projet de loi. Quand on bulldoze le processus et qu'on accepte une démarche comme celle-là, l'opinion publique y perd son latin, ne peut pas suivre ni comprendre ce qui se passe, ni participer à l'élaboration et à la démarche des parlementaires.

Le leader adjoint du gouvernement soulignait avec raison, dans sa motion d'allocation de temps, que les comités on consacré des centaines d'heures à entendre quantité de témoins, mais j'imagine que, après avoir entendu tout ce lot de témoins et d'expertises et de travaux au comité, le résultat net est qu'aucun amendement n'a été accepté par le gouvernement. Tous ces gens ont certainement appuyé chacune des dispositions du gouvernement. Sur le plan démocratique, en suivant le processus des comités, dans le respect de nos institutions, il faut un minimum d'ouverture. Il n'y a pas que des dogmes. Il y a des choix politiques éminemment contestables qui sont faits dans la démarche, mais on n'a rien vu de cela.

Le gouvernement est majoritaire, donc démocratiquement justifié de faire les choix qu'il a faits et de procéder de la façon dont il l'a fait, mais, comme on l'a souvent souligné, la raison d'être du Sénat est d'assurer que les projets de lois sont adoptés correctement. On pourrait mettre de côté, et on le fait très souvent, l'attitude partisane pour réfléchir sur la substance.

(2000)

Cependant, compte tenu des conditions dans lesquelles nous sommes tous plongés, je ne crois pas que cette façon de procéder du gouvernement rende service à la vie démocratique du Canada. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que le gouvernement s'engage dans cette voie.

Je crois que nous devrions tous, peu importe nos options politiques, réfléchir au métier de service public que nous exerçons. La vie démocratique, ce n'est pas simplement un choix majoritaire. Cette vie démocratique doit aussi mobiliser l'ensemble de l'opinion publique et est la raison d'être de nos institutions parlementaires.

La façon dont le gouvernement a procédé, c'est une négation relative, qui n'est, bien entendu, pas absolue parce que ce n'est quand même pas une démarche dictatoriale. À mon avis, cette démarche remet en cause la valeur et l'intégrité de nos institutions démocratiques.

Pour ma part, c'est la raison pour laquelle je ne puis participer à cet exercice et que je ne puis appuyer le projet de loi C-45.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Le sénateur Carignan : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Buth, avec l'appui de l'honorable sénateur Unger, propose que le projet de loi C-45, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures, soit lu pour la troisième fois. Que les sénateurs en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Conformément au Règlement du Sénat, le vote par appel nominal aura lieu à 17 h 30, le vendredi 14 décembre 2012.

Le sénateur Munson : Oui, c'est le Règlement.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Votre Honneur, après consultation auprès des leaders de l'opposition, nous avons convenu que le vote se tienne plutôt demain à 10 h 30 avec un timbre de 15 minutes qui se ferait entendre à 10 h 15. J'ai également obtenu le même consentement de la part de madame le sénateur Cools et des sénateurs indépendants.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour que la sonnerie se fasse entendre demain matin à 10 h 15, et que le vote par appel nominal ait lieu à 10 h 30?

Des voix : D'accord.

[Français]

Le huitième rapport du Comité des banques et du commerce; le septième rapport du Comité des transports et des communications; le dixième rapport du Comité des peuples autochtones; le cinquième rapport du Comité de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles; le cinquième rapport du Comité de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles; et le huitième rapport du Comité de l'agriculture et des forêts sur la teneur du projet de loi—Retrait des rapports

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'aimerais procéder au retrait de ces rapports puisqu'il n'est plus opportun d'étudier les différents rapports, étant donné qu'ils sont rattachés au projet de loi C-45. Je demande donc de procéder au retrait des articles des Rapports de comité portant les numéros 1 à 5.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le consentement est-il accordé?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Carignan, les rapports sont retirés.)

[Traduction]

Projet de loi concernant l'établissement d'un cadre fédéral de prévention du suicide

Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Ataullahjan, appuyée par l'honorable sénateur Meredith, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-300, Loi concernant l'établissement d'un cadre fédéral de prévention du suicide.

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie : Honorables sénateurs, j'aimerais prendre la parole au sujet de ce projet de loi ce soir, à la condition que l'ajournement reste au nom du sénateur Cordy.

Des voix : D'accord.

Le sénateur Ogilvie : Honorables sénateurs, toutes sortes de choses se produisent dans la vie. Ce ne sont pas les choses qui se produisent qui nous définissent, mais bien la façon dont nous y réagissons. J'aimerais donner un exemple aux sénateurs.

Cette semaine, dans un autre dossier, les membres du comité directeur du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie ont collaboré en parfaite harmonie et de façon non partisane...

Une voix : Oh, oh!

Le sénateur Ogilvie : Puisque ce que j'ai dit semble avoir suscité de la confusion, je vais répéter.

Nous, membres du comité directeur, avons travaillé en collaboration, en parfaite harmonie et de façon non partisane, et nous nous sommes mis d'accord sur ce que nous avions semble-t-il entendu. Pourtant, il semblerait que cela ait déçu certaines personnes, comme nous l'avons appris hier.

Ce sont des choses qui arrivent. Parlons maintenant de la réunion du Comité des affaires sociales et de l'étude du projet de loi C-300. Après avoir entendu les témoins et approuvé à l'unanimité le projet de loi et ses dispositions, nous avons discuté de la possibilité de faire des observations. Une motion a donc été présentée afin d'ajouter des observations à la mesure législative, mais elle a été rejetée.

Le sénateur Moore : Ce sont des choses qui arrivent.

Le sénateur Ogilvie : À ce moment-là, j'ai décidé...

Le sénateur Munson : Oui, vous...

Le sénateur Ogilvie : À ce moment-là, j'ai décidé d'écrire à la ministre de la Santé en mon propre nom pour lui présenter les principaux points qui ont, selon moi, été soulevés.

Le projet de loi C-300 prévoit l'établissement d'un cadre de prévention du suicide au Canada. Même si nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour étudier cette mesure législative, je crois que les témoins ont très bien exposé aux membres du comité la portée et l'ampleur du problème posé par le suicide. Nous avons constaté que tous étaient en faveur de la mesure législative et étaient d'avis qu'elle représentait un premier pas important. Néanmoins, certains témoins ont aussi affirmé que le Canada avait besoin d'une stratégie nationale pour aider efficacement ceux qui envisagent le suicide ou qui sont touchés par cette triste réalité.

Comme je l'ai dit il y a un instant, la motion visant à annexer les observations a été rejetée. À ce moment-là, j'ai décidé d'écrire à la ministre de la Santé pour lui faire part de mes observations. Par souci de transparence, je tiens à préciser au Sénat que je n'ai pas discuté de mon intention, pas plus que du contenu de ma lettre, avec qui que ce soit. Je dis cela à l'intention de certains sénateurs d'en face, qui aiment bien nous chanter le même refrain.

Tôt ce matin, j'ai demandé à mon parti la permission de prendre la parole au sujet de ce projet de loi avant l'ajournement du Sénat, permission qui m'a été accordée. J'aimerais maintenant lire la lettre que j'ai écrite à l'honorable Leona Aglukkaq, ministre de la Santé, le 11 décembre 2012 :

Objet : Projet de loi C-300, Loi concernant l'établissement d'un cadre fédéral de prévention du suicide

Madame la ministre,

Je vous écris à titre de président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie à la suite de l'examen du projet de loi C-300, et de la recommandation voulant que le Sénat approuve ce projet de loi. Même si le comité a décidé de ne pas inclure d'observations dans son rapport au Sénat, je vous prie ardemment de considérer les points suivants :

1. Le comité et les témoins ont félicité M. Albrecht pour son projet de loi et souligné son importance pour les Canadiens. Il est très clair que les éléments du cadre énumérés dans le projet de loi peuvent servir à guider l'élaboration d'une stratégie nationale de prévention du suicide pour le Canada. Le comité a été sensibilisé au fait qu'il était urgent d'établir une stratégie formelle, qu'une telle stratégie bénéficiait d'un vaste appui et qu'il existait des pays possédant une stratégie qui pourrait servir à guider davantage l'élaboration d'une stratégie pour le Canada.

2. Je vous prie instamment de mettre en œuvre ce projet de loi le plus rapidement possible dès qu'il aura reçu la sanction royale.

3. Je vous suggère fortement d'utiliser le compte rendu de la séance du 10 décembre 2012 du comité pour guider l'élaboration du cadre prévu dans le projet de loi C-300.

À cet égard, il faut reconnaître qu'il y a des sous-groupes de Canadiens dont le taux de suicide est bien supérieur à la moyenne nationale. L'élaboration du cadre stratégique national doit tenir compte plus particulièrement de ces groupes.

Le projet de loi C-300 fait l'objet d'un tel appui généralisé que je vous prie de faire état, le plus rapidement et le plus régulièrement possible, des progrès réalisés concernant l'élaboration du cadre stratégique, et ce, dès que ce projet de loi entrera en vigueur.

Enfin, je suis convaincu qu'un grand nombre de Canadiens sont favorables à l'élaboration d'une stratégie nationale sur le suicide. Le projet de loi C-300 est une étape très importante qui doit servir à élaborer une telle stratégie.

Veuillez agréer, Madame la Ministre, mes salutations distinguées.

(2010)

Honorables sénateurs, en cette période de l'année, le taux de suicide est à l'un des niveaux les plus élevés, et ce, dans pratiquement tous les pays. J'invite tous les sénateurs à se joindre à moi pour donner un peu d'espoir aux gens à ce point désespérés qu'ils songent au geste irrévocable qu'est le suicide. Soyons dignes de notre rôle de parlementaire : unissons nos efforts dans l'intérêt de tous les Canadiens pour adopter ce projet de loi avant l'ajournement. Je vous rappelle que ce n'est pas à ses erreurs qu'on juge une personne, mais à ce qu'elle fait pour les prévenir et y remédier.

Je vous remercie de votre patience, honorables sénateurs, et je demande la permission de déposer cette lettre dans les deux langues officielles.

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée de déposer cette lettre dans les deux langues officielles?

Des voix : D'accord.

L'honorable Jim Munson : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Ogilvie : Absolument.

Le sénateur Munson : Honorables sénateurs, lors d'une séance du comité, le sénateur Duffy a dit que nos observations lui faisaient penser à un arbre qui compterait beaucoup trop de décorations. Or, pendant le temps des Fêtes, il n'y a jamais trop de décorations dans un arbre.

J'aimerais que le président du comité me dise pourquoi il parle du comité en disant « je », plutôt que « nous ». Les observations n'ont jamais retardé la progression d'un rapport. Évidemment, nous remercions Harold Albrecht, qui a appuyé avec enthousiasme mon projet de loi sur l'autisme à la Chambre des communes. Toutefois, le sénateur s'exprime un peu trop souvent à la première personne du singulier. Je suis très heureux de savoir que le sénateur Ogilvie a écrit à la ministre pour lui faire part de tout cela, mais, compte tenu de toutes les platitudes qu'il débite et de sa façon de faire les choses, je lui rappelle qu'il devrait utiliser le « nous », plutôt que le « je », quand il parle du Comité des affaires sociales.

Le sénateur Ogilvie : Honorables sénateurs, il est difficile de trouver une véritable question dans ces commentaires. Je crois que le sénateur nous a plutôt fait part de son point de vue.

Je crois que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie fonctionne bien, et ce, probablement depuis le début de sa longue histoire. Les sénateurs qui sont membres d'un comité peuvent voter comme bon leur semble sur tous les sujets possibles et imaginables. C'est tout à fait normal dans le cadre des activités courantes d'un comité.

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, d'entrée de jeu, je tiens à remercier le député Harold Albrecht d'avoir présenté le projet de loi C-300, Loi concernant l'établissement d'un cadre fédéral de prévention du suicide. Si l'on se fie au témoignage qu'il a livré devant notre comité, sa sincérité ne fait aucun doute quand il dit souhaiter contribuer à la prévention du suicide au Canada.

Nous savons que, chaque année, au Canada, plus de 4 000 personnes s'enlèvent la vie et que plus de 400 000 autres tentent de faire de même. Ces chiffres sont ahurissants. Voici ce qu'a déclaré M. Albrecht devant le comité :

Nous savons que le suicide est un problème de santé publique, mais nous n'avons pas établi de pratiques exemplaires pour le traiter en tant que tel.

Nous savons que les parlementaires ont déjà essayé de travailler à cette question de façon non partisane. En octobre 2011, la journée de l'opposition des libéraux a été consacrée à un débat sur la prévention du suicide. La motion de Bob Rae concernant une stratégie nationale de prévention du suicide a été adoptée à l'unanimité à l'autre endroit.

Le projet de loi C-300 ne va pas jusqu'à prévoir une stratégie nationale de prévention du suicide; il propose plutôt un cadre national. Honorables sénateurs, ce n'est pas la même chose. Un cadre est un excellent premier pas, mais ce n'est pas une stratégie. Les Nations Unies et l'Organisation mondiale de la santé reconnaissent le suicide comme un important problème de santé. Elles ont élaboré des lignes directrices et demandé aux pays de mettre en place des stratégies nationales de prévention du suicide et de créer des organismes nationaux de coordination. Tous les pays développés l'ont fait, sauf le Canada.

Ce projet de loi est un premier pas dans la bonne direction. Espérons que le gouvernement se servira du cadre établi pour élaborer une stratégie nationale de prévention du suicide. Que le gouvernement fasse preuve d'un solide leadership en matière de soins de santé et qu'il mette en place une stratégie qui fera suite à ce bon premier pas que constitue le projet de loi de M. Albrecht.

Lors de l'étude du projet de loi par le comité, le sénateur Eggleton a tenté de faire joindre une observation au rapport du comité en proposant ceci :

Que le gouvernement soit tenu de proclamer l'entrée en vigueur de la loi dans les jours suivant la sanction royale.

Il voulait ainsi qu'on commence tout de suite après la sanction royale à travailler à la mise en œuvre de la loi. Il essayait de hâter le processus. Je crois qu'il s'agissait là d'une suggestion très positive.

La deuxième observation qu'il a suggérée était la suivante :

En ce qui concerne l'article 4, qu'on tâche de faire rapport aux deux Chambres des progrès accomplis avant la fin du délai de quatre ans prévu.

Le sénateur suggérait donc qu'un rapport soit produit avant le délai prévu dans le projet de loi. Ainsi, les parlementaires seraient informés plus tôt et seraient en mesure d'évaluer plus rapidement les progrès réalisés par le gouvernement en matière de prévention du suicide. Le projet de loi prévoit un délai de quatre ans avant la présentation d'un rapport d'étape, mais c'est un long laps de temps. En quatre ans, on enregistrera 16 000 suicides et 1,2 million de tentatives de plus.

Voici autre observation qui a été faite — j'avais d'ailleurs suggéré qu'on l'intègre dans le rapport ou qu'on la joigne au rapport :

Le gouvernement devrait envisager d'inclure dans le processus de consultation des groupes tels les jeunes, les membres de la communauté des gais, lesbiennes, bisexuels et transsexuels, les Autochtones — notamment les jeunes — et les médias.

C'est à la lumière des excellents témoignages que nous avions entendus que cette observation a été faite. Les médias peuvent jouer un rôle utile dans la promotion de stratégies de prévention du suicide. Les gais, lesbiennes, bisexuels et transsexuels de même que les jeunes et surtout les jeunes Autochtones — étant donné que le taux de suicide est plus élevé que la moyenne dans ces populations — peuvent certainement apporter une contribution importante.

Je me réjouis que le sénateur Ogilvie ait parlé de ces observations dans le cadre de son allocution aujourd'hui.

D'ailleurs, en ce qui concerne la décision du comité de ne pas inclure les observations dans le rapport, sachez que les sénateurs libéraux ont tous voté pour leur inclusion, et que les sénateurs conservateurs ont tous voté contre. Un sénateur conservateur nous a dit que les observations retarderaient l'adoption du projet de loi. Il a comparé les observations à des décorations — oui, des décorations. Voici ce qu'il a dit :

À mon sens, plus nous accrochons de décorations dans l'arbre, plus nous risquons de restreindre la base de nos travaux au lieu de l'élargir.

Il a fait allusion aux décorations à deux autres reprises dans le cadre des discussions.

Honorables sénateurs, c'est un problème très grave. Je sais que les sénateurs des deux côtés ont entrepris d'examiner ce projet de loi avec sérieux. Je pense que les observations du sénateur Eggleton permettraient d'accélérer le processus après que le projet de loi aura reçu la sanction royale. Les suggestions relatives aux personnes consultées visaient à rendre le processus de consultation plus inclusif.

(2020)

Les membres du comité, peu importe leur allégeance politique, devraient tenter sincèrement d'améliorer cette mesure législative importante. Le fait qu'un sénateur ait traité cette question sérieuse de manière si frivole et désinvolte en comparant les observations faites à ce sujet à des décorations dans un arbre démontre une insensibilité et un manque de respect incroyables envers les membres du comité et les familles qui ont perdu des êtres chers qui se sont suicidés..

Le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie a publié un excellent rapport sur la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie intitulé De l'ombre à la lumière. Ce rapport a été très bien accueilli par des Canadiens et des intervenants de l'ensemble du pays en raison des recommandations qu'il contient. Il a également mené à la création de la Commission de la santé mentale.

Honorables sénateurs, le Sénat est la Chambre de second examen objectif, et les Canadiens s'attendent à ce que nous prenions notre rôle très au sérieux quand nous examinons des mesures législatives.

Honorables sénateurs, les témoignages que nous avons entendus au comité étaient très touchants et illustraient les réalités du suicide et ses effets sur les proches des disparus. Le Dr Alex Drossos, membre du conseil d'administration de l'Association canadienne pour la prévention du suicide, a très bien résumé la tragédie et le traumatisme du suicide. Il a déclaré ce qui suit :

Malheureusement, le suicide ne met fin à aucune douleur. En effet, elle se répercute dans la famille, sur les amis, dans la collectivité, qui souffrent alors d'une blessure en grande partie invisible et, la plupart du temps, silencieuse.

J'aimerais de nouveau remercier M. Albrecht, qui est le parrain de ce projet de loi. Il devrait être félicité pour le travail qu'il a fait afin d'attirer l'attention du Parlement sur la prévention du suicide. Honorables sénateurs, le projet de loi C-300 représente un pas dans la bonne direction.

Le sénateur Ogilvie : Je me demande si le sénateur Cordy accepterait de répondre à une question.

Le sénateur Cordy : Oui, bien sûr.

Le sénateur Ogilvie : Madame le sénateur maintient-elle que tous les sénateurs conservateurs ont voté à l'unanimité? Si ma mémoire est bonne, le résultat du vote était de six voix contre quatre, avec 11 sénateurs présents.

Le sénateur Cordy : Le sénateur Ogilvie présidait le comité et, si ma mémoire est bonne, il n'a pas voté. Je suis désolée, j'aurais dû exclure le président. Le sénateur a entièrement raison et je le remercie d'avoir corrigé mon erreur. Les autres sénateurs conservateurs qui siégeaient au comité ont voté contre l'inclusion des observations, mais le président n'a pas voté. Je remercie le sénateur Ogilvie de cette précision et d'avoir attiré mon attention sur ce point.

L'honorable Joseph A. Day : Madame le sénateur Cordy accepterait-elle que je lui pose, moi aussi, une question?

Le sénateur Cordy : Oui.

Le sénateur Day : Je remercie le sénateur Ogilvie d'avoir déposé la lettre datée du 11 décembre. Je l'ai lue. J'ai constaté que beaucoup de gens ont reçu une copie de cette lettre que le président du comité a envoyée au ministre.

Madame le sénateur Cordy pourrait-elle me dire si les membres du comité étaient tous d'accord pour que le président envoie une lettre résumant ses points de vue ou ceux du comité à la suite des audiences du comité?

Le sénateur Cordy : J'ai reçu une copie de la lettre en même temps que tous les autres destinataires. Donc, non, le contenu de la lettre n'a pas été discuté lors de la réunion du comité. Je crois que le sénateur Ogilvie a déclaré, dans son discours, qu'il a lui-même décidé d'écrire la lettre. Elle n'a pas été écrite au nom du comité.

Le sénateur Day : Merci.

Le sénateur Munson : Madame le sénateur Cordy accepterait-elle de répondre à une autre question? J'aimerais clarifier un point. Le résultat du vote était de six voix contre quatre, mais qui a dirigé le débat entourant les observations avant la tenue du vote?

Le sénateur Cordy : J'essaie de me souvenir de qui c'était. Les sénateurs libéraux étaient sans doute ceux qui voulaient inclure les observations. Nous avons tout fait pour tenter d'améliorer considérablement le rapport présenté au Sénat.

En fait, lors des audiences du comité, ce sont les sénateurs libéraux qui ont posé des questions aux témoins. Les témoignages ont duré trois heures. Le sénateur Martin a posé une question à M. Albrecht. À part cela, chaque sénateur libéral a posé une question lors de chaque audience au cours de ces trois heures. Les sénateurs conservateurs n'ont posé aucune question et ils n'ont entamé les discussions qu'au moment où nous avons dit que nous devrions présenter des observations.

Je ne suis pas certaine d'avoir répondu à la question du sénateur.

Le sénateur Munson : Je remercie le sénateur de sa réponse. Est-ce que le président a participé au débat et donné son point de vue avant que les sénateurs conservateurs participent au débat et avant la tenue du vote?

Le sénateur Cordy : J'essaie de trouver qui a dit quoi. J'ai ici la transcription des délibérations du comité. Donnez-moi un instant.

Son Honneur le Président intérimaire : Je sais que le sénateur Dallaire désire prendre la parole. Madame le sénateur Cordy accepterait-elle qu'il le fasse maintenant, pendant qu'elle fait sa recherche? Je m'engage à revenir à elle plus tard.

Le sénateur Cordy : Je vous en serais reconnaissante. Merci.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, serait-il possible que le temps alloué pour poser des questions au sénateur Cordy lui soit réattribué? D'autres collègues souhaitent lui poser des questions.

Son Honneur le Président intérimaire : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, le suicide chez les adolescents, le mimétisme et les médias, nous nous penchons aujourd'hui sur un enjeu de société complexe : le suicide, les préjugés qui y sont associés et les mesures que la société prend pour essayer de l'enrayer. De plus, il y a la question de savoir si les engagements des gouvernements améliorent les choses ou, comme certains le font valoir, aggravent la situation dans certains cas.

Permettez-moi de vous lire un extrait d'un article paru dans le Globe and Mail :

Le conseil scolaire de Vancouver demande aux agences de presse de la Colombie-Britannique de respecter les lignes directrices de l'Association des psychiatres du Canada en ce qui concerne la manière dont on parle des suicides dans les médias. Le conseil scolaire est d'avis que la couverture médiatique du suicide d'Amanda Todd, qui était âgée de 15 ans lorsqu'elle s'est enlevé la vie en octobre dernier, aurait pu faire en sorte que des adolescents l'imitent.

Le conseil scolaire souhaiterait museler les médias avec des lignes directrices canadiennes qui sont complètement dépassées.

Il n'est pas seulement question du cadre, ici. Il faut remonter loin en arrière et examiner les doctrines archaïques concernant cette affliction qui se révèle fatale.

Ces lignes directrices renverraient les suicidés dans le coin du cimetière, là où on les mettait auparavant. [...]

Le silence entourant le suicide et la maladie mentale fait partie du problème. Ce silence a fait en sorte que les gens et les familles ont eu beaucoup de difficulté à demander de l'aide. Les préjugés, l'isolation et la maladie mentale créent un cercle vicieux. [...]

Le fait de parler des suicides dans les médias s'est révélé être un puissant moteur de changement [...]

Nous commençons à le constater. Cette mesure législative a justement pour but d'encadrer ce changement, de fournir des lignes directrices visant à sensibiliser le public au sujet du suicide, puis de diffuser de l'information sur le suicide, de rendre publiques les statistiques existantes sur le suicide, de promouvoir la collaboration et l'échange de connaissances dans différents domaines et secteurs, d'établir les pratiques exemplaires et, bien entendu, de promouvoir le recours à la recherche. Voilà une nouvelle approche concrète : effectuer des recherches sur le suicide afin de trouver des moyens pour peut-être réussir à prévenir les suicides.

(2030)

C'est ainsi que j'en suis venu à examiner la situation dans le contexte d'une organisation très structurée et très méticuleuse quand il s'agit de ses gens, les Forces canadiennes. Dans les Forces canadiennes, la réaction aux cas de suicide a été très semblable à ce que nous avons pu constater à l'Association des psychiatres du Canada et à la commission scolaire : on a essayé de les camoufler, pas seulement de les cacher.

On en trouve un exemple en Afghanistan. On peut aussi prendre l'exemple des anciens combattants de la guerre du Golfe, car parmi eux aussi, il y a eu des suicides et des tentatives de suicide. Toutefois, le cas de l'Afghanistan est plus actuel parce qu'il n'est pas encore fini.

Le conflit afghan a occasionné deux suicides sur le théâtre des opérations. Deux soldats se sont enlevé la vie pendant qu'ils étaient en mission. On parle de 158 morts au combat, mais ce chiffre comprend deux suicides. Ils comptent parce qu'ils se sont produits sur le théâtre des opérations.

Il y a un problème parce qu'un certain nombre de soldats, de marins et d'aviateurs sont rentrés avec des blessures physiques et mentales. Dans quelques cas, les blessures étaient tellement graves que ceux qui les avaient subies se sont suicidés.

Enfin, des commissions d'enquête ont été formées à la Défense nationale à partir de 2008. Nos forces étaient au combat depuis six ans déjà. Les commissions voulaient essayer de prouver, comme le veulent les juristes et les médecins experts, que les blessures ont provoqué le décès par suicide sur le théâtre des opérations. Les commissions sont en train d'établir ce fait et de le reconnaître. Il y a des soldats qui ont fait 10 rotations et qui, au terme de leur dixième rotation, se sont suicidés. Il y a aussi d'autres soldats qui, après une seule rotation, ont perdu une jambe et ont reçu tous les soins nécessaires, de façon à avoir une prothèse et à redevenir mobiles le plus rapidement possible. Des efforts considérables leur ont été consacrés, mais cela ne les a pas empêchés de se suicider.

Le problème, dans ce cas, c'est que nous consacrions beaucoup de temps à la jambe perdue, sans trop nous soucier de ce qui se passait dans la tête de ces gens. Le soldat en question s'est suicidé. Dans la note qu'il a laissée, il a dit qu'il a été fier de servir, il a reconnu qu'après avoir été blessé, il a profité de tous les soins nécessaires, mais il a ajouté qu'il ne pouvait plus vivre avec cette blessure. Il ne pouvait plus être soldat.

Nous n'avons pas pu aider cet homme à faire la transition entre une vie de soldat pleine d'action et une vie de civil blessé, qui aurait quand même pu fonctionner adéquatement dans la société. Nous ne l'avons pas fait. Nous avons soigné son corps, mais nous n'avons pas su lui dire : « Vous ne pouvez plus remplir les fonctions d'un soldat, mais vous pouvez certainement devenir un civil efficace et trouver toutes sortes d'autres activités, y compris des activités physiques, parce que vous vous êtes maintenu en forme pendant votre carrière militaire. » Parce que nous avons oublié de le faire, cet homme s'est tiré une balle dans le visage et en est mort.

D'autres sont passés par le théâtre des opérations et ont obtenu un soutien psychologique. Toutefois, ce soutien était occasionnel, pas constant. La supervision était absente. Le soutien des pairs entre les séances officielles de traitement était absent. Ces gens connaissent des périodes de vide pendant lesquelles ils n'ont personne qui puisse simplement les écouter ou demander de leurs nouvelles.

Un suicide peut se produire en quelques minutes. Certains font de longs préparatifs, mais d'autres agissent en quelques instants. Sans le soutien des pairs, nous avons vu des soldats blessés — je parle surtout de l'Afghanistan — qui recouraient au suicide.

Que devraient faire les Forces canadiennes? Elles subissent plus de pertes. J'ose dire que nous ne sommes pas encore au bout de ces pertes.

En 1997, j'ai effectué une visite au département des Anciens combattants des États-Unis pour demander des conseils parce qu'il nous fallait bâtir notre système en partant de zéro. Les Américains ont eu le Vietnam, qui leur a donné beaucoup d'expérience. Lorsque je leur ai parlé, ils m'ont dit : « Nous ne voulons pas vous voir commettre les mêmes erreurs que nous. » J'ai répondu : « De quoi parlez-vous? » Ils m'ont dit qu'ils avaient perdu 58 000 soldats — oui, tant que ça — au combat. On peut voir leur nom sur le magnifique monument qu'ils ont élevé à Washington. Toutefois, en 1997, soit 22 ans après la fin de la guerre du Vietnam, il y avait eu plus de 102 000 suicides directement liés à l'expérience du combat au Vietnam.

Honorables sénateurs, il y a encore des victimes. Au cours des cinq dernières semaines, trois personnes se sont enlevé la vie dans les bases militaires de Gagetown et de Petawawa, de jeunes personnes, des caporaux et un sergent. L'une de ces personnes avait participé à cinq rotations.

Cette situation se produit dans une organisation très structurée. Il y a la chaîne de commandement, le processus de sélection, l'entraînement, et j'en passe. Malgré cela, les gens sont poussés au suicide par leurs expériences traumatisantes, et cette tendance ne semble pas être à la baisse. Au contraire, les cas se multiplient. La blessure prend le dessus. Les militaires ont plus de temps pour panser leurs blessures, et ils ont du mal à s'adapter. De plus, le programme de soutien par les pairs n'est pas assez efficace. Je ne parle pas seulement des séances de thérapie comme telles, mais aussi du soutien par les pairs, des gens qui assurent un suivi et qui sont au bout de la ligne, des gens qui sont là pour les militaires.

Honorables sénateurs, mes quatre tentatives de suicide ont échoué seulement parce que j'ai eu l'aide d'un pair, et j'ai failli y rester à une occasion. Cette situation est causée par une souffrance réelle, une souffrance physique. Bien que cela cause une souffrance énorme aux survivants, cette souffrance est loin d'être aussi grande que celle subie par ceux qui souffrent dans la solitude, qui sont isolés et tenus à l'écart, et qui croient que la seule solution, c'est de mettre fin à leur souffrance de la façon la plus terrible, c'est-à-dire en se suicidant.

Le suicide tue, mais le silence aussi. Même au sein des forces, nous comptons 158 victimes, y compris les deux personnes qui se sont suicidées alors qu'elles étaient en mission. Nous ne comptons pas les 178 personnes, peut-être même les 188 personnes, qui se sont suicidées ou qui sont mortes à cause des déploiements opérationnels auxquels elles ont participé.

Le ministère de la Défense nationale et le ministère des Anciens Combattants ne font pas bonne figure, non seulement pour ce qui est d'établir le nombre de victimes, mais aussi en ce qui concerne la prévention du suicide à grande échelle. Le chef d'état-major de la Défense a présenté un programme qui était un cadre. Il a appelé cela un cadre. Il a encouragé tout le monde à garder un œil sur ses pairs, à mettre en place un système d'entraide. Même avec cela, il y a encore beaucoup de victimes. Ce n'est qu'un premier pas, modeste, pour prévenir la mort de personnes innocentes.

Il est déjà assez catastrophique que nous ne rendions pas hommage à ces personnes sur nos monuments comme des soldats morts à la guerre, même si une commission d'enquête a établi que leur mort était attribuable aux blessures psychologiques qu'ils avaient subies dans un théâtre d'opérations. Nous ne leur rendons même pas cet hommage, alors la stigmatisation existe encore.

Comme je l'ai indiqué il y a une semaine ou 10 jours, nous avons enfin créé l'Institut de la recherche sur la santé des militaires et des vétérans, auquel participent 25 universités qui demandent au gouvernement de prévoir dans le prochain budget 15 millions de dollars pour continuer de faire de la recherche en vue de trouver de meilleurs outils pour prévenir le stress opérationnel, de meilleurs outils d'aide sur les théâtres d'opérations et des outils grandement améliorés pour empêcher les problèmes de santé mentale d'avoir des conséquences funestes, une fois que le déploiement a pris fin.

(2040)

J'ai déjà parlé du constat selon lequel les familles des militaires qui ont subi des blessures psychologiques vivent elles aussi les missions, puisque les médias en parlent. Le stress est très fort, et il est difficile de gérer la vie au quotidien dans ces familles, ce qui cause beaucoup de souffrance, parce qu'elles ne savent jamais ce que fera le militaire le lendemain. On observe maintenant des suicides parmi les enfants des militaires blessés, et aucune aide n'est prévue pour eux. Nous nous sommes engagés auprès du militaire et de sa famille, mais nous n'avons rien à offrir. Il existe des programmes encore embryonnaires, mais rien d'important n'a encore été mis en œuvre.

Honorables sénateurs, je voterai sûrement en faveur de ce projet de loi, même s'il ne risque pas de changer grand-chose. Pour agir vraiment, il leur aurait fallu avoir le courage nécessaire. Pourquoi nous offrir des demi-mesures au lieu de se comporter comme le chef de file dont le pays a besoin? Vous auriez pu faire de ce projet de loi une initiative déterminante pour le pays, mais vous vous contentez de quelques encouragements. Beaucoup d'objections vous seront adressées parce que vous ne joignez pas à ce nouveau texte de loi les moyens nécessaires pour que tous ces organismes puissent véritablement agir, notamment le ministère des Anciens Combattants et le ministère de la Défense nationale, sans compter le reste de la fonction publique, qui vit également de graves difficultés actuellement. C'est une occasion ratée. C'est regrettable, car nous devrons encore déplorer des décès.

Je voudrais dire, en terminant, que l'effort énorme de Kirby ne sera plus financé. Il n'y aura plus d'argent pour ce programme national. Le système national de soutien par les pairs qui avait vu le jour au sein du ministère de la Défense nationale et que Kirby voulait étendre à tout le pays est désormais dépourvu de financement. Il y a trois ans, on avait publié une statistique sur ce système : malgré le peu de ressources qui lui étaient consacrées, il prévenait un suicide par jour. Je voterai pour le projet de loi, mais il est vraiment honteux que nous ne nous donnions pas les moyens d'atteindre les objectifs que nous visons, mais nous n'avons pas réussi à atteindre.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président intérimaire : Comme prévu, honorables sénateurs, j'accorde de nouveau la parole à l'honorable sénateur Cordy pour le temps de parole qu'il lui reste. Je lui rappelle qu'elle dispose de seulement deux minutes et demie.

Le sénateur Cordy : Le Président est si généreux. Je lui en suis reconnaissante. Je pense que, parfois, plus on cherche à lire quelque chose rapidement, plus cela semble confus.

Après avoir lu la transcription de la séance, je confirme être intervenue après le sénateur Eggleton. Les sénateurs se souviendront que j'ai précisé que les consultations devraient être inclusives. Puis, le président a pris la parole et a dit, à propos de mes observations, qui concernent l'article 2 :

Honnêtement, j'étais plutôt satisfait des modalités prévues à l'article 2; je pense que leur adoption contribuera énormément à l'établissement d'une stratégie nationale. D'ailleurs, beaucoup des choses qu'ont réclamées les témoins qui ont comparu devant nous aujourd'hui y figuraient déjà [...]

Puis, il a dit ceci :

Pour ce qui est du temps...

— l'objet de l'observation du sénateur Eggleton —

[...] je ne remets pas en question le fondement de la demande du sénateur Eggleton, mais honnêtement, je serais très surpris si le projet de loi n'est pas adopté rapidement, compte tenu de l'appui considérable dont jouit le concept et des mesures mêmes prises par le gouvernement lui-même...

Je pense qu'il a dit tout cela avant le vote; le président a donc tout à fait raison, il n'a pas voté. Par contre, il a fait connaître aux membres du comité sa propre opinion quant aux observations du sénateur.

L'honorable Wilfred P. Moore : Madame le sénateur Cordy accepterait-elle de répondre à une autre question?

Le sénateur Cordy : Oui.

Le sénateur Moore : Honorables sénateurs, cette procédure est tout à fait inhabituelle. Je ne voudrais pas qu'on en fasse un précédent. Il est question du dépôt d'une lettre provenant strictement du président du comité. Or, j'aurais cru qu'elle aurait d'abord été soumise aux membres du comité, mais ce n'est pas ainsi qu'on a procédé.

Le contenu de la lettre reflète-t-il raisonnablement les observations que le sénateur aurait souhaité y trouver?

Le sénateur Cordy : Je suis d'accord. La lettre aurait dû provenir de l'ensemble des membres du comité. Je crois qu'il aurait été préférable de leur en soumettre une version préliminaire.

Dans la lettre, on lit notamment : « Je vous prie instamment de mettre en œuvre ce projet de loi le plus rapidement possible dès qu'il aura reçu la sanction royale. » Je crois que les observations du sénateur Eggleton auraient été beaucoup plus détaillées et que... Puis-je disposer de cinq minutes de plus, s'il vous plaît?

Son Honneur le Président intérimaire : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Cordy : Je remercie les sénateurs.

J'ai cité les observations du sénateur Eggleton. Elles étaient limpides et très précises pour ce qui est de faire avancer les choses. La lettre aborde certainement le même sujet, mais je trouve que ces observations auraient beaucoup mieux précisé les choses.

Je cite de nouveau la lettre : « Le projet de loi C-300 fait l'objet d'un tel appui généralisé que je vous prie de faire état [...] des progrès réalisés concernant l'élaboration du cadre stratégique ». Elle rejoint donc, encore une fois, les observations du sénateur Eggleton, qui, cependant, étaient très précises. Le projet de loi indique qu'un rapport périodique doit être remis quatre ans après l'entrée en vigueur de la loi, puis tous les deux ans, mais le sénateur Eggleton a signalé qu'il serait préférable que le premier rapport soit remis après deux ans, et non quatre. Cette suggestion aurait grandement accéléré les choses. La lettre aborde la question, mais, une fois de plus, je dirais que les observations du sénateur Eggleton auraient été plus claires.

La lettre parle aussi de tenir compte des sous-groupes et des taux de suicide au sein de la population canadienne. Je crois qu'il importe de porter une attention particulière aux sous-groupes, et j'arrive au but de mon observation, il importe de porter une attention particulière aux jeunes, aux membres de la communauté GLBT, où les taux de suicide sont très élevés, et, certainement, à l'ensemble des populations autochtones, mais surtout aux jeunes Autochtones.

Il ne s'agissait même pas d'un amendement; c'était une observation. Elle établissait clairement que la ministre devait déterminer qui sont les sous-groupes ayant un taux de suicide élevé au sein de la population canadienne. Cette observation aurait permis d'établir clairement quels sont ces sous-groupes.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions? Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Projet de loi sur la Journée des anciens combattants de la guerre de Corée

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Martin, appuyée par l'honorable sénateur Neufeld, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-213, Loi instituant une journée nationale de commémoration pour honorer les anciens combattants de la guerre de Corée.

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, j'aimerais féliciter madame le sénateur Martin de son projet de loi et de la présentation qu'elle en a fait. C'était une allocution fort convaincante et très touchante, qui avait une signification particulière pour moi.

Mon père a passé un an et demi avec les Forces canadiennes en Corée, affiliées aux forces de l'ONU. Cette mission et le rôle que mon père y a joué m'inspirent de profonds sentiments. Mon père a servi comme officier dans les forces armées canadiennes pendant 32 ans. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il s'est porté volontaire pour combattre avec le Black Watch britannique, un régiment qui avait perdu tellement d'officiers qu'il a emprunté des officiers canadiens. Mon père s'est retrouvé au Vietnam — on en a parlé plus tôt aujourd'hui —, dans la Commission internationale de contrôle. Tout cela a fait partie de ma vie.

(2050)

Tout d'abord, je suis allé en Corée pour le 55e anniversaire de l'armistice. Il est intéressant de noter qu'il n'y a pas de traité et que cette guerre n'est pas terminée. C'est un armistice.

J'étais avec le ministre des Anciens Combattants, Greg Thompson, celui qui a trouvé la maquette. Il y a eu un moment très émouvant pendant le dîner, quand le ministre a dévoilé la maquette et raconté son histoire, que le sénateur a superbement racontée.

C'est à Kapyong que s'est tenue la cérémonie de dépôt de couronnes. On a rappelé que le régiment canadien du PPCLI s'était fortement distingué à cet endroit. Alors que l'ennemi assaillait les alliés de toutes parts, certaines forces ont battu en retraite, mais les Canadiens ont tenu bon, et le commandant du PPCLI a demandé l'appui du feu d'artillerie sur sa propre position. Ce fut un point tournant de cette bataille, qui fut elle-même un point tournant de cette guerre.

Pour terminer, j'aimerais revenir au voyage que j'ai fait et mentionner que quelques anciens combattants autochtones y ont aussi participé. Il est important de souligner que ces anciens militaires ont combattu au nom du Canada pendant la guerre de Corée, où 516 Canadiens ont été tués. Je crois qu'ils ont dû abandonner leur statut d'autochtones pour combattre, qu'ils n'avaient pas le droit de vote et qu'ils ne l'ont obtenu que des années plus tard. Il faut garder ce contexte à l'esprit quand on se rappelle le courage et le dévouement dont ils ont fait preuve pendant cette campagne d'une immense importance.

Je remercie le sénateur Martin de nous donner l'occasion de parler de cette excellente initiative et de l'appuyer.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions? Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Le sénateur Martin, avec l'appui du sénateur Neufeld, propose que le projet de loi S-213, Loi instituant une journée nationale de commémoration pour honorer les anciens combattants de la guerre de Corée, soit maintenant lu pour la deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carignan, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense).

[Français]

La Loi sur les réseaux de cartes de paiement

Projet de loi modificatif— Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Pierrette Ringuette propose que le projet de loi S-215, Loi modifiant la Loi sur les réseaux de cartes de paiement (frais d'acceptation d'une carte de crédit), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour proposer la deuxième lecture du projet de loi S-215, qui a été déposé mardi au Sénat.

Honorables sénateurs, ce projet de loi ne devrait pas vous surprendre, non plus qu'il ne devrait surprendre le ministre Flaherty.

J'ai soulevé la question des frais d'utilisation exorbitants des cartes de crédit imposés aux marchands en 2007; vous vous souviendrez certainement du tollé qu'elle avait soulevé parmi les marchands. À quelques reprises, j'ai déposé au Sénat des projets de loi visant à réduire ces frais. Toutefois, tous ces projets de loi sont morts au Feuilleton soit en raison de la prorogation du Parlement ou du déclenchement des élections. J'espère que cela ne sera pas le cas avec le projet de loi S-215.

Dans l'intervalle, devant un tel tollé, deux événements se sont produits : en 2009, le Bureau de la concurrence du Canada a fait enquête sur la question et a présenté une requête devant le Tribunal de la concurrence en décembre 2010 relativement à Visa et à MasterCard. En mai 2012, le tribunal a commencé à entendre la cause; nous attendons toujours sa décision.

En avril 2010 — le deuxième événement —, le ministre Flaherty a lancé ce qu'on appelle un « Code de conduite volontaire » destiné à l'industrie des cartes de crédit. C'était là un premier pas dans la bonne direction. Toutefois, et comme je l'ai indiqué à l'époque, le principal défaut du code est qu'il ne règle pas le problème fondamental de cette industrie, et je parle ici des frais d'acceptation exorbitants que facturent les joueurs dominants de cette industrie, c'est-à-dire Visa et MasterCard.

[Traduction]

Comme pour prouver ce que j'avance, le mois dernier, Visa a annoncé une hausse de 30 p. 100 à ses utilisateurs en avril 2013. De nombreux marchands lui ont envoyé des lettres de protestation. Dans une lettre datée du 21 novembre 2012, le chef du service de l'acceptation de Visa Canada, Paul Rogers, a répondu ceci :

Conformément au code de conduite de l'industrie des cartes de crédit et de débit (le « code »), les marchands disposent de nombreuses possibilités pour gérer les frais d'acceptation des cartes de crédit et de débit, y compris celles d'offrir des rabais pour favoriser d'autres formes de paiement et de résilier leur contrat sans pénalité après l'annonce d'une hausse des frais.

Autrement dit, si vous n'aimez pas la hausse, annulez votre contrat, de sorte que vos clients ne pourront plus utiliser leur carte Visa pour payer leurs achats chez vous. Ils savent que les marchands n'ont pas d'autre choix que d'accepter leurs conditions, faute de quoi ils perdront des clients. Jusqu'où Visa peut-elle pousser l'arrogance? On nous a dit à maintes reprises que les marchands n'ont aucun pouvoir de négociation avec Visa ou MasterCard.

Chaque année, Visa investit 1 milliard de dollars dans la publicité afin que les consommateurs deviennent dépendants de ses cartes de crédit. Au Canada, les consommateurs avaient l'habitude de payer leur épicerie en argent comptant ou avec leur carte de débit. Les sénateurs se rappelleront qu'il y a deux ans, Visa a lancé une campagne publicitaire de grande envergure mettant en vedette deux amies qui se trouvent à la caisse pour payer leur épicerie. L'une demande à l'autre ce qu'elle a eu en plus de son épicerie, ce à quoi elle répond qu'elle n'a rien reçu, et la première renchérit en disant qu'elle a reçu une ristourne de 2 p. 100 parce qu'elle a payé avec sa carte de crédit.

Honorables sénateurs, en raison de cet important incitatif financier, des millions de Canadiens paient maintenant leur épicerie avec une carte de crédit afin d'obtenir cette ristourne de 2 p. 100. Au bout du compte, ce sont les frais supplémentaires imposés aux marchands et, par extension, à tous les Canadiens, qui permettent de verser cette ristourne aux consommateurs. Ne nous leurrons pas.

(2100)

Il semblerait aussi que le gouvernement actuel et le ministre des Finances n'ont pas le pouvoir de négocier avec Visa et MasterCard. Après quatre ans, ils n'ont toujours pas été en mesure de résoudre le principal problème qui oppose l'industrie des cartes de crédits aux marchands. Visa vient tout juste de le prouver. De toute évidence, le code n'a eu qu'une valeur symbolique puisque les frais n'ont pas cessé d'augmenter, tant pour les marchands que pour les consommateurs.

Sachant très bien que leurs frais de traitement ne sont pas déterminés par le code de conduite, ces sociétés peuvent décider de les augmenter, en autant qu'elles donnent un préavis. Voici ce que le Bureau de la concurrence a déjà déclaré sur son propre site web :

Les commerçants canadiens qui acceptent les cartes de crédit Visa et MasterCard doivent payer des frais allant de 1,5 p. 100 à plus de 3 p. 100 par achat, tandis que les frais de traitement dans les autres pays sont sensiblement moins élevés.

Les sénateurs peuvent consulter le site du Bureau de la concurrence; ils y liront exactement la même chose.

Voyons ce qui s'est passé depuis que j'ai présenté pour la première fois des projets de loi visant à réduire les frais de traitement excessifs. Je tiens à rappeler aux sénateurs que, parmi les frais de traitement, on compte les frais de réseau, qui sont établis et encaissés par Visa et Mastercard, les frais d'interchange, qui sont établis par Visa et Mastercard, mais encaissés par les émetteurs, en l'occurrence les institutions financières, et les frais de service, qui sont encaissés par ceux qui fournissent les terminaux et les réseaux aux points de vente.

En novembre 2008, j'ai mentionné au Sénat que les Canadiens détenaient alors 64 millions de cartes de crédit, que 80 p. 100 de celles-ci étaient des cartes Visa et MasterCard, et qu'en 2007, près de 65 p. 100 des achats, dont la valeur totale se chiffrait à 294 milliards de dollars, étaient effectués à l'aide de cartes de crédit. Toujours en 2007, les marchands et les consommateurs canadiens ont payé 4,5 milliards de dollars de frais de traitement.

Selon les plus récentes données, qui datent de 2011 — soit trois ans plus tard —, les Canadiens ont acheté 322 milliards de dollars de biens et services à l'aide de cartes de crédit au cours de cette année-là seulement. Ils ont payé 42 milliards de dollars en taxes de vente lors de leurs achats avec une carte de crédit. Ils ont utilisé Visa ou MasterCard dans 92 p. 100 des cas, non plus dans 65 p. 100 des cas.

En 2011 seulement, 670 000 marchands et l'ensemble des consommateurs canadiens ont payé des frais d'acceptation à un taux moyen de 2,5 p. 100, pour un total de 9 milliards de dollars — je dis bien 9 milliards —, répartis comme suit : 8 milliards sur les achats et 1 milliard destiné tout simplement à prélever les taxes de vente. Selon moi, Visa et MasterCard imposent ainsi une taxe sur une taxe. Cela ne fait aucun doute.

De 2007 à 2011, les achats effectués par les Canadiens au moyen de leurs cartes de crédit ont augmenté de 28 milliards de dollars par année. Les frais d'acceptation des cartes de crédit ont presque doublé, passant de 4,5 milliards de dollars en 2007 à 9 milliards de dollars en 2011.

Si le Parlement et le gouvernement Harper avaient adopté, en 2008, mon projet de loi qui prévoyait de limiter les frais, comme en Australie, à 0,5 p. 100 dans le cas des marchands et des consommateurs, nous aurions économisé 7,2 milliards de dollars en 2011. Ces économies se seraient répercutées sur les produits alimentaires, l'essence, les vêtements, le chauffage, les billets d'avion, les restaurants, les hôtels — en fait, sur tout ce qu'on peut acheter à l'aide d'une carte de crédit. Ces économies auraient totalisé 7,2 milliards de dollars en 2011.

Cet argent serait resté au pays. Il aurait permis de créer des emplois et il aurait aidé les consommateurs canadiens moyens à payer moins cher les produits essentiels à la vie quotidienne. Il aurait aussi aidé nos PME à poursuivre leurs activités.

Le sénateur Mitchell : Nous aurions été plus concurrentiels.

Le sénateur Ringuette : Pour vous donner un ordre de grandeur quant à ces économies annuelles de 7,2 milliards de dollars, disons que ce chiffre représente le double de la diminution annuelle de 3,6 milliards de dollars que le gouvernement fédéral a effectuée dans les transferts aux provinces au titre des soins de santé. Il représente aussi la moitié des salaires versés aux 237 000 infirmières de la santé publique au Canada, ou bien 30 p 100 — je dis bien 30 p. 100 — des redevances et des taxes fédérales et provinciales tirées du pétrole et du gaz naturel. Enfin, ce chiffre est égal au revenu annuel du secteur forestier.

Nous pouvons facilement établir que, entre 2008 et 2011, les marchands et les consommateurs canadiens ont payé à Visa et à MasterCard environ 15 milliards de dollars en frais excessifs, parce que nous n'avons pas adopté mon projet de loi en 2008, lorsque c'était le moment de le faire.

[Français]

Au début de 2009, les experts de la Banque du Canada ont étudié le coût que représente, pour les marchands, un achat de 36,50 $ exempté de taxes, selon trois différents modes de paiement : argent comptant, carte de débit ou carte de crédit. La variable du coût de la transaction pour le commerçant était de 25 cents, si le consommateur payait en argent comptant, de 19 cents, s'il payait avec une carte de débit, et de 82 cents, si le consommateur payait avec sa carte de crédit. Le coût le plus faible pour le commerçant est le paiement par carte de débit, pour lequel les frais de traitement par transaction s'élevaient — et s'élèvent toujours aujourd'hui — à 12 cents par transaction et ne correspond pas à un pourcentage de la facture, comme c'est le cas pour les cartes de crédit.

Il faut également prendre en considération les frais d'acceptation pour les autres entités canadiennes, comme le gouvernement fédéral et ses sociétés d'État, les gouvernements provinciaux et territoriaux et leurs sociétés d'État, les gouvernements municipaux, les universités, les collèges et les organismes de bienfaisance qui utilisent ce fantastique plastique.

Exemples : entre 2000 et 2010, les frais d'acceptation de carte de crédit de l'Université de la Saskatchewan sont passés de 140 000 $ à 900 000 $.

En 2010, la Ville d'Ottawa a payé 1,4 million de dollars en frais d'acceptation.

En 2009-2010, le gouvernement fédéral, à l'exclusion des sociétés d'État, a payé 13 millions de dollars en frais d'acceptation.

En 2009-2010 encore, Parcs Canada, à lui seul, a payé 800 000 $ en frais d'acceptation pour Visa et MasterCard.

(2110)

Le projet de loi S-215 fixe non seulement les frais d'acceptation payés par les consommateurs et les marchands, mais également, comme en Australie, les frais d'acceptation des gouvernements à 0,3 p. 100, et aux organismes de bienfaisance à 0 p. 100, comme par exemple pour la Croix-Rouge canadienne et la Société canadienne du cancer.

Si l'on tient compte des coûts associés aux frais d'acceptation ci-dessus pour 2010, le gouvernement du Canada et ses contribuables auraient payé 10 millions de dollars en frais au lieu de 18; la Ville d'Ottawa : 1,2 million de dollars au lieu de 1,4 millions de dollars; Parcs Canada : 700 000 $ au lieu de 900 000 $ et la liste des économies s'allonge si l'on examine les frais d'acceptation exorbitants qui ont cours sur le marché canadien.

D'autres pays ont fixé des limites, il y a des années. Depuis 2006, l'Australie fixe les frais d'acceptation à 0,5 p. 100 pour les transactions commerciales, à 0,3 p. 100 pour les gouvernements et à 0 p. 100 pour les organisations de bienfaisance. Tous les trois ans, l'Australie revoit ces limites mais, malgré cela, elle ne les a pas augmentés depuis 2006. Visa et MasterCard, ainsi que leurs partenaires australiens, continuent d'engranger des profits raisonnables sur le marché australien.

Au Royaume-Uni, la maison-mère a fixé les frais d'acceptation de toutes les cartes de crédit à 0,9 p. 100 et ce. depuis bien longtemps. D'autres pays européens ont plafonné les frais de Visa et de MasterCard : l'Allemagne en 1990; l'Autriche, la Belgique, Chypre, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l'Irlande, l'Italie, la Lituanie, la Lettonie et les Pays-Bas en 2004; la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Suède, la Slovénie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, l'Argentine et le Brésil étudient présentement la question. Malgré les discussions souvent sans fin qui sont la norme aux États-Unis, la Chambre des représentants et le Sénat américains ont réussi à limiter les frais de cartes de débit facturés par Visa et MasterCard.

Pour vous donner un aperçu des abus, cinq banques canadiennes sont les principales émettrices de cartes de crédit. Pour mettre les choses en contexte, l'an dernier, toujours la même année pour laquelle vous pouvez analyser le dossier, en 2011 donc, les cinq grandes banques canadiennes ont augmenté leur profit net, profit après taxe, de 15 p. 100 de plus, pour récolter 22,4 milliards de dollars.

Jusqu'à maintenant, pour 2012, les cinq grandes banques canadiennes ont engrangé des profits nets de 7,8 milliards de dollars au cours du troisième quart uniquement, ce qui représente une hausse de 45 p. 100 par rapport à la même période l'an dernier.

Si on regarde le troisième quart des cinq grandes banques :

La Banque Royale : 2,24 milliards de dollars, soit une hausse par rapport à l'an dernier de 73 p. 100. C'est acceptable, non? La banque TD : 1,7 milliard de dollars, une augmentation de 14 p. 100. La banque Scotia : 2,5 milliards de dollars, une augmentation de 57 p. 100. la CIBC : 841 millions de dollars, une augmentation de 42 p. 100. Finalement, la Banque de Montréal : 971 millions de dollars pour son troisième quart, soit une augmentation de 37 p. 100.

Honorables sénateurs, ne vous demandez pas où vont les frais excessifs qui sont facturés par Visa et MasterCard, parce que, si on regarde les revenus générés tant par Visa que par MasterCard, entre les années 2009 et 2011, Visa est passée de 6,9 milliards de dollars à 9,2 milliards de dollars de profit en 2011; MasterCard est passée de 1,3 milliard de dollars en 2009 à 1,72 milliard de dollars en 2011.

Drôle de coïncidence, chers collègues, que le fait que tant Visa et MasterCard, entre les années 2009 et 2011, ont toutes deux vu leurs profits augmenter de 33 p. 100. Toutes les deux! Quelle coïncidence!

[Traduction]

Honorables sénateurs, je vais vous épargner la liste des augmentations de traitement et des bonus accordés aux PDG suite à ces augmentations énormes depuis la crise financière de 2008.

Je vous invite à rechercher l'expression « bonus indécents » sur Google. Vous aurez de la lecture jusqu'au jour de l'An. C'est un fait que les riches s'enrichissent et que les pauvres s'appauvrissent.

Je ne doute pas qu'il faille réaliser des profits pour rester en affaires. Cela est vrai pour les petites, moyennes et grandes entreprises.

Toutefois, on doit se demander jusqu'où les PME et les consommateurs doivent assumer des coûts injustifiables pour satisfaire les grandes entreprises.

Combien de temps le gouvernement va-t-il faire preuve d'aveuglement volontaire? La majorité des emplois au pays sont créés par les PME. Pendant ce temps, les marchands et les consommateurs se font escroquer par les grands partenaires des sociétés émettrices de cartes de crédit.

Comment le gouvernement fédéral peut-il continuer à appuyer, par son silence, ces frais excessifs pour les PME, les gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux, les universités et collèges, et tous les consommateurs canadiens?

Les consommateurs canadiens paient plus que leurs vis-à-vis américains pour la nourriture, l'essence, les vêtements, le transport aérien, les hôtels, les restaurants et ainsi de suite, à cause des frais anormalement élevés exigés par Visa et MasterCard. Ces frais font partie intégrante de la différence de prix entre le Canada et les États-Unis.

Dans les mêmes circonstances, les consommateurs canadiens paient 7,2 milliards de dollars de plus pour acheter les mêmes produits et services que leurs vis-à-vis australiens.

La réalité c'est que, il y a deux ans, devant le Comité sénatorial des banques et du commerce, Tim Wilson, chef de Visa Canada, a dit que le paiement électronique était une devise numérique. Si le propriétaire d'un produit confirme une telle caractéristique, je pense que, indépendamment du projet de loi dont nous sommes saisis, le ministre des Finances et la Banque du Canada ont le devoir et l'obligation de réglementer cette « devise ».

(2120)

Le paragraphe 91.14 de la Loi constitutionnelle indique clairement que le cours monétaire est un pouvoir fédéral exclusif du Parlement du Canada. Il me semble que l'établissement du prix des produits de Visa et de MasterCard n'a rien à voir avec le coût, mais concerne davantage la question de savoir à quel point ces sociétés peuvent convaincre les Canadiens d'utiliser leurs produits par. Plus il y a de Canadiens qui possèdent des cartes de crédit Visa et MasterCard, plus les consommateurs seront nombreux à s'en servir pour leur caractère pratique et pour les autres avantages et gadgets qu'elles procurent. Or, plus les consommateurs les utilisent, plus ils donnent de pouvoir à Visa et à MasterCard sur le marché. Et plus ces sociétés augmentent les frais d'acceptation, plus le pouvoir des marchands et des consommateurs est réduit.

Les sociétés Visa et MasterCard, les émetteurs et les acquéreurs, ont créé le scénario parfait qui obligent tous les marchands et les consommateurs à payer toujours plus. La question des frais excessifs de Visa et de MasterCard est encore plus patente depuis que ces sociétés sont devenues des entreprises à but lucratif distinctes et cotées en bourses. MasterCard s'est inscrite à la bourse en 2006 et Visa, en 2008.

Honorables sénateurs, au bout du compte, ce sont tous les Canadiens, quels que soient leur niveau de revenu et le secteur où ils travaillent, qui paient les frais excessifs de Visa et de MasterCard.

Pour conclure, je dirais que, si le ministre Flaherty entreprend des consultations budgétaires, je l'inviterai à consulter le projet de loi, à l'approuver et à le faire adopter avant l'augmentation prévue en avril 2013. Au lieu d'entraîner des coûts pour tous les gouvernements, cette mesure législative leur fera faire des économies. Elle permettra de limiter les abus commis par Visa et MasterCard sur le marché canadien. Le Canada mettra un frein aux abus tout comme d'autres pays l'ont fait. La mesure législative fera épargner 7,2 milliards de dollars par année aux marchands et à tous les Canadiens. Il ne s'agit pas de miettes, mais de 7,2 milliards de dollars par année, une somme qui pourrait permettre à des PME de survivre, qui protégerait des emplois dans ces entreprises et qui serait injectée chaque année dans l'économie canadienne.

Honorables sénateurs, je souhaite à tous un joyeux Noël. N'utilisez pas vos cartes de crédit pendant le congé parlementaire, mais n'oubliez pas de vous munir d'un exemplaire du projet de loi et de mon discours, au cas où le ministre Flaherty serait dans votre région pour mener des consultations budgétaires.

L'honorable Catherine S. Callbeck : Madame le sénateur accepterait-elle de répondre à une question?

Le sénateur Ringuette : Oui, si nous en avons le temps.

Le sénateur Callbeck : Tout d'abord, je tiens à la remercier d'avoir présenté ce projet de loi. À mon avis, c'est une mesure dont nous avons réellement besoin; les consommateurs et les petites entreprises en profiteront énormément. Comme le sénateur Ringuette nous l'a rappelé, ce sont les petites entreprises qui contribuent réellement à la création d'emplois.

Ma question porte sur le code de conduite volontaire que le ministre a mis en place en 2010, avec beaucoup d'éclat, si ma mémoire est bonne. Au titre de ce code, MasterCard et Visa peuvent encore augmenter les frais, pourvu qu'elles donnent un préavis, est-ce exact?

Le sénateur Ringuette : Oui.

Le sénateur Callbeck : Ce code de conduite volontaire a-t-il servi à quelque chose? A-t-il eu le moindre effet?

Le sénateur Ringuette : Il a eu un effet minime, car Visa et MasterCard doivent maintenant prévenir les commerçants avant d'augmenter leurs frais. Le code prévoit aussi que Visa et MasterCard doivent indiquer plus clairement le taux facturé au commerçant pour chaque type de carte. Il s'agit d'une légère amélioration.

Pour les utilisateurs de carte de crédit, le relevé à la fin du mois indique plus clairement les frais qui lui sont facturés. Toutefois, le code volontaire de conduite ne fait nulle part mention de la principale question qu'étudient le Parlement et le ministre des Finances depuis 2007 : la question des frais.

Les sénateurs peuvent me croire sur parole, mais s'ils souhaitent contre-vérifier, ils n'ont qu'à consulter le site web du Bureau de la concurrence du Canada pour obtenir de plus amples renseignements.

Il est clair que Visa et MasterCard dominent 92 p. 100 du marché canadien. Ils sont donc les rois; ce sont eux qui décident. En tant que parlementaires, nous devons reconnaître l'abus flagrant qui a cours dans cette industrie depuis 2006. Les Canadiens ne semblent pas avoir autant de cran que l'Australie, l'Allemagne et le Royaume-Uni. Ces pays ont mis un frein à ces frais imposés aux marchands et aux consommateurs. Toutes les études réalisées dans le monde sur ces frais excessifs montrent que non seulement les marchands paient, mais tous les consommateurs paient, que ce soit avec une carte de crédit, une carte de débit ou en espèces. Tout le monde paie.

Si je le pouvais, je le crierais du haut de la tour de la Paix.

Honorables sénateurs, je crois que notre capacité à analyser une situation est supérieure à cela. Jamais plus cette Chambre ne devrait accepter, lorsqu'elle est saisie d'une telle question, un énoncé qui parle de « libre marché ». Il n'y a pas de libre marché au Canada, ni en Chine d'ailleurs. Les marchés sont la somme des lois et règlements que le Parlement du Canada, les gouvernements provinciaux et les administrations municipales mettent en place pour que nous puissions vivre en société. Les parlementaires, les assemblées législatives et les municipalités créent le marché. Autrement, il n'y a pas de marché. Par conséquent, il n'y a absolument aucun libre marché au monde. Cela n'existe pas. C'est une pure invention des idéologues de droite.

(Sur la motion du sénateur Carignan, le débat est ajourné.)

(2130)

[Français]

La Loi canadienne sur les droits de la personne

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Finley, appuyée par l'honorable sénateur Frum, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-304, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne (protection des libertés).

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, compte tenu de l'heure tardive, je serai bref et j'irai droit au but, bien que j'aurais aimé faire un exposé très étoffé sur ce que je considère comme étant défectueux dans le projet de loi C-304.

Le projet de loi C-304 vise à abroger la Loi canadienne sur les droits de la personne. L'article 13 vise la propagande haineuse lorsqu'elle est provoquée et propagée en utilisant le téléphone ou l'Internet.

La Cour suprême s'est prononcée sur la constitutionnalité de cet article dans sa formulation originale, celle qui existait en 1990. Le problème, c'est que les tribunaux ont commencé à se poser des questions sur les amendements qui ont été apportés à la loi en 1998, quand nous avons modifié le processus de conciliation qui existait dans la loi et que nous avons durci les peines.

À mon avis, le problème, ce n'est pas l'article 13, mais plutôt les peines associées à l'article 13 depuis 1998. J'aimerais vous convaincre du fait que l'article 13 ne fait pas défaut, même si c'est l'argument des promoteurs du projet de loi de dire que l'article 13 brime la liberté d'expression des Canadiens.

La Cour suprême a reconnu que cela brimait effectivement la liberté d'expression, mais elle a aussi dit que le respect de la dignité et de l'égalité des personnes, surtout en tant que membres d'un groupe particulier, justifie la restriction de cette liberté d'expression. D'après moi, il ne faut pas s'en prendre à l'attaque à la liberté d'expression provoquée par l'article 13.

Je crois qu'il faut examiner la loi telle qu'elle était lorsque la Cour suprême l'a étudiée en 1990. J'espère que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles examinera les amendements qui ont été apportés en 1998.

Je me souviens très bien des débats à l'époque. Certains d'entre nous y étions et je crois même qu'on avait même manifesté quelques craintes quant à l'augmentation des amendes associées aux actes discriminatoires prévus à l'article 13.

Étant donné que je veux que le projet de loi C-304 soit renvoyé au comité, je ne l'appuierai pas. Je vais voter contre le projet de loi en espérant qu'il sera examiné adéquatement au comité.

(Sur la motion du sénateur Comeau, au nom du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Règlement, procédure et droits du Parlement

Quatrième rapport du comité—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du quatrième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement (modifications au Règlement du Sénat), présenté au Sénat le 12 décembre 2012.

L'honorable David P. Smith propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, je sais qu'il est tard, mais je tiens à présenter mes observations. Vous serez peut-être soulagés d'apprendre qu'elles se résument à une page.

Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole au sujet du quatrième rapport du Comité du Règlement. Comme je l'ai indiqué au début de novembre au sujet du troisième rapport, notre objectif, ainsi que celui de l'examen que nous faisons du Règlement, consiste à aller au-delà de la simple clarification et de la réorganisation du Règlement, et de proposer des modifications qui, selon le comité, comblent des lacunes ou sont préférables aux pratiques courantes.

Le comité présente délibérément un petit nombre de propositions à la fois afin d'en faciliter l'examen et, je l'espère, l'adoption. Le rapport présente deux modifications, que voici.

La première recommandation vise à supprimer l'article 13-2, qui porte sur les atteintes aux privilèges commises par les médias. Le comité ne croit pas que cette disposition ait une quelconque utilité, car les articles 13-4.(1) et (4) exigent maintenant clairement qu'un sénateur qui désire soulever une question de privilège indique la nature de l'atteinte prétendue. Autrement dit, si l'atteinte prétendue concerne une déclaration diffusée par les médias, le sénateur devrait en indiquer la matière, la source et la nature. Selon nous, l'article 13-2 est superflu.

Plus fondamentalement, le comité est mal à l'aise avec une disposition qui cible aussi directement les médias. Ce n'est pas conforme aux principes de la société canadienne moderne, où la liberté d'expression est un droit protégé par la Constitution. Nous n'allons pas aussi loin que d'autres administrations, le Parlement australien par exemple, qui ne traite pas des plaintes d'outrage contre les médias. Il est possible qu'un sénateur éprouve le besoin de soulever une telle question, mais la chose resterait possible sans l'article 13-2. Nous croyons que le maintien de cette disposition enverrait le mauvais message.

Je vais expliquer le contexte, afin d'aider les sénateurs à évaluer cette proposition. C'est au début du XXe siècle qu'on a modifié le Règlement du Sénat afin d'y inclure des dispositions explicites sur le privilège. Trois modifications en ce sens ont été apportées en 1906. Premièrement, on a inclus une disposition donnant préséance aux questions de privilège sur les autres affaires. Cette dernière a été abolie en 1991 et remplacée par un processus plus détaillé de gestion des questions de privilège. Deuxièmement, on a inclus la disposition qui, jusqu'en septembre dernier, figurait à l'article 59(10). Cette disposition a été abolie et remplacée par l'article 13-5. Troisièmement, on a inclus une disposition relative aux plaintes contre les médias. Il s'agit de l'actuel article 13-2, la seule des trois modifications qui subsiste dans le Règlement et le seul relent d'une période où les règles entourant les questions de privilège étaient moins strictes.

La deuxième recommandation du comité donne des précisions sur le déroulement des séances du Sénat lorsque des projets de loi sont en attente de la sanction royale. En vertu des dispositions du Règlement actuellement en vigueur, lorsqu'on annonce que le souverain, le gouverneur général ou son suppléant viendra au Sénat, le Sénat doit attendre la sanction royale avant d'ajourner. Cela s'applique aux situations où la cérémonie traditionnelle est utilisée pour donner la sanction royale. Or, depuis 2002, la sanction royale peut également être donnée par déclaration écrite. La nouvelle disposition proposée prévoit un système simple selon lequel, lorsque le leader ou le leader adjoint du gouvernement déclare qu'un message concernant la sanction royale par déclaration écrite est attendu, le Sénat suit la procédure existante jusqu'à la réception de la déclaration écrite ou jusqu'à ce qu'on indique que la déclaration prévue n'est plus attendue. Cette disposition pourrait être utilisée uniquement lorsqu'au moins un projet de loi est en attente de la sanction royale.

Honorables sénateurs, le comité fait preuve de prudence tandis qu'il poursuit l'examen du Règlement du Sénat. Je vous recommande d'examiner et d'adopter ces modifications que le comité a adoptées.

(Sur la motion du sénateur Carignan, au nom du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

(2140)

La politique étrangère canadienne relative à l'Iran

Neuvième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, intitulé L'Iran dans la mire : enjeux actuels de la politique étrangère canadienne, déposé au Sénat le 12 décembre 2012.

L'honorable A. Raynell Andreychuk propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international qui porte sur la politique étrangère canadienne relative à l'Iran, ses répercussions et d'autres questions connexes. Nous avons entrepris cette étude en février dernier à la demande du ministre des Affaires étrangères. La situation en Iran préoccupe les Canadiens et le gouvernement du Canada. Le 7 septembre 2012, pendant l'étude du comité, le ministre des Affaires étrangères a annoncé sa décision de déménager à Ankara, en Turquie, la section des visas et de l'immigration de l'ambassade de Téhéran, de rompre les relations diplomatiques avec le régime iranien, de déclarer persona non grata tous les diplomates iraniens se trouvant au Canada et de placer l'Iran sur la liste des États qui parrainent le terrorisme.

Cette semaine, le ministre des Affaires étrangères a annoncé des sanctions supplémentaires contre des entités, des personnes et des secteurs désignés qui entretiennent des liens avec le programme nucléaire iranien.

Nous avons été ravis de constater que ces mesures reflétaient directement certaines des recommandations de notre rapport. Ce dernier fait état de trois points importants à prendre en considération dans le cadre de la politique étrangère canadienne relative à l'Iran : les activités nucléaires de l'Iran, le bilan de l'Iran relativement aux droits de la personne et l'évolution de la dynamique dans le voisinage de l'Iran au sens large.

Les activités nucléaires de l'Iran sont la principale préoccupation du Canada et de la communauté internationale. Ce pays refuse toujours de collaborer pleinement avec l'Agence internationale de l'énergie atomique. Cette attitude soulève de sérieuses questions à propos de la nature soi-disant pacifique des intentions du régime iranien concernant le nucléaire. Il est impossible de déterminer quand l'Iran serait en mesure de fabriquer une arme nucléaire. Cependant, des témoins ont affirmé que l'Iran a réussi à enrichir de l'uranium à 20 p. 100, ce qui est bien supérieur au taux nécessaire pour accéder à la puissance nucléaire.

Quand on obtient un taux d'enrichissement de 20 p. 100, il est beaucoup plus facile d'atteindre le taux de 90 p. 100 requis pour assembler une bombe nucléaire. Cependant, les témoins signalent que la communauté internationale ne peut attendre que l'Iran dispose de l'arme nucléaire. Même si l'Iran dispose d'une capacité nucléaire, il sera essentiellement à l'abri de toute intervention militaire. Voilà qui pourrait accorder au régime iranien une mesure de protection qui, selon un des témoins, pourrait « contribuer à le renforcer, ce qui l'encouragerait à mener ses activités déplorables ».

Plusieurs membres de la communauté internationale, dont le Canada est ses alliés, ont pris maintes mesures pour éviter que l'Iran ne traverse le seuil de la capacité nucléaire. Entre autres, des sanctions ont été imposées et des négociations entreprises avec le P5 +1, qui regroupe les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies ainsi que l'Allemagne. Si on ne peut arriver à une solution politique, Israël et les États-Unis affirment qu'ils auraient recours à une frappe militaire contre les installations nucléaires de l'Iran, quoique les deux pays ne s'entendent pas sur le moment auquel de tels gestes seraient posés.

Bien que les sanctions prennent du temps à avoir un effet, elles demeurent d'importances mesures de coercition. Les sanctions internationales contre l'Iran comprennent les mesures prises durant quatre rondes de sanctions en vertu du chapitre 7 de la Charte des Nations Unies ainsi que des mesures complémentaires prises par l'Union européenne, les États-Unis, le Canada et d'autres. Notre étude a démontré que ces sanctions commençaient à approfondir l'isolement économique de l'Iran. À propos des estimations selon lesquelles les sanctions actuelles pourraient réduire de 50 p. 100 les recettes pétrolières de l'Iran, un témoin a dit que c'était « comme si une armée bloquait les ports de l'Iran, ce qui constitue un acte de guerre ».

Les sanctions peuvent également avoir un impact humanitaire grave. Par exemple, le comité a entendu dire que des citoyens iraniens ordinaires envisagent ouvertement la possibilité d'une famine. Plusieurs témoins ont proposé des façons pour le Canada de cibler l'incidence de ses sanctions sur le régime iranien. Entre autres, ils ont proposé d'accroître le nombre d'États imposant des sanctions à l'Iran, d'élargir la liste des principaux cadres supérieurs du régime iranien ciblés par les sanctions et de viser la ressource iranienne la plus vulnérable : le pétrole.

Je félicite le ministre des Affaires étrangères d'avoir pris des mesures en ce sens. L'efficacité de la réglementation en matière de sanctions peut être encore améliorée. Le comité propose que le gouvernement du Canada examine la possibilité de simplifier et de coordonner notre réglementation sur les transactions financières avec l'Iran. Par ailleurs, des témoins ont souligné qu'il fallait laisser à l'Iran la possibilité de revenir à la table des négociations. Le Canada doit continuer d'appuyer les négociations P5+1 et d'être à l'affût de tout signal indiquant que l'Iran est prêt à chercher une solution politique. Cela dit, il convient de ne pas avoir d'attentes trop élevées. L'Iran a beaucoup investi dans son programme nucléaire et, dans le passé, ce pays s'est servi des négociations pour gagner du temps. La probabilité que l'Iran accepte de suspendre complètement son programme d'enrichissement de l'uranium et d'autoriser des inspections est faible, même si elle n'est pas complètement nulle.

Des témoins ont donné leur point de vue quant au moment, à l'efficacité et aux conséquences probables d'une éventuelle frappe militaire contre les installations nucléaires de l'Iran. Cette option a été examinée principalement par Israël et les États-Unis. Les témoins ont signalé qu'une intervention militaire risque de fournir des arguments politiques au régime et de renforcer sa volonté de poursuivre son programme de militarisation nucléaire. Un témoin a résumé la situation en disant :

À long terme, l'existence d'un Iran nucléaire serait pire que les conséquences d'une frappe contre l'Iran.

Même si l'option militaire doit rester sur la table à titre de solution ultime, nous devons donner une chance aux sanctions et aux négociations de fonctionner.

Notre étude disait aussi à quel point il est important de rester centrés sur les droits de la personne. Plusieurs sénateurs ont exprimé des préoccupations ici face aux violations répétées des droits sociaux, nationaux, politiques et culturels en Iran. Je mentionne madame le sénateur Frum, parce qu'elle siégeait au comité et qu'elle continue de suivre ce dossier avec intérêt. Le comité a entendu beaucoup de témoignages sur les mauvais traitements infligés aux minorités religieuses et ethniques, sur les restrictions imposées à la liberté d'expression, à la liberté d'association, aux médias et au droit à l'éducation, sur l'absence de garanties procédurales, sur les poursuites visant des députés de l'opposition, des défenseurs des droits de la personne, des avocats de la défense et des syndicats, ainsi que sur le recours fréquent à la peine de mort.

Les témoins ont décrit un régime paranoïaque qui a tendance à être encore plus répressif et à faire preuve de mépris à l'égard des droits de la personne et des libertés fondamentales.

La communauté internationale a pris plusieurs mesures face à la situation des droits de la personne en Iran. Ces mesures incluent l'examen périodique universel, qui est un processus d'évaluation par les pairs mené par les États eux-mêmes, sous les auspices du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, ainsi que la nomination de M. Ahmed Shaheed à titre de rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de la personne dans la République islamique d'Iran. Par ailleurs, le Canada a, pendant neuf années consécutives, coparrainé une résolution à l'Assemblée générale des Nations Unies, qui fait état d'une vive préoccupation face à la situation des droits de la personne en Iran. Des témoins ont encouragé le Canada à maintenir ces initiatives et même à les accélérer, mais d'autres ont poussé leur analyse plus loin. Ils ont souligné que les communications étaient indispensables à la survie des mouvements en faveur de la démocratie et des droits de la personne en Iran. Les activités de ces mouvements sont gravement restreintes depuis la défaite de la révolution verte, en 2009.

(2150)

Étant donné que les relations bilatérales du Canada avec l'Iran sont limitées, des témoins ont souligné le potentiel de la diaspora iranienne au Canada comme circuit de communication avec les militants iraniens des droits de la personne et entre ces militants. À cet égard, le comité propose que le gouvernement du Canada envisage d'accorder plus de fonds à ces groupes.

Le troisième grand point de préoccupation du comité est l'évolution de la dynamique dans le voisinage élargi de l'Iran. On a dit au comité que les relations de l'Iran avec d'autres pays du Moyen-Orient sont complexes et sujettes à des tensions, et que le Printemps arabe est considéré comme une perte nette pour l'Iran. Au milieu d'un enthousiasme public croissant pour la réforme démocratique et les droits de la personne au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, l'Iran a continué de sévir contre la dissidence et la liberté d'expression, ce qui a précipité le déclin de l'influence de l'Iran dans la région.

La situation qui règne en Syrie, seul allié restant de l'Iran dans le monde arabe, risque d'accélérer ce déclin. Si le président Bachar Al-Assad finit par tomber, l'Iran sera encore plus isolé. Sinon, le soutien que l'Iran lui aura accordé lui sera reproché.

Dans une optique plus large, le régime iranien est une force déstabilisatrice dans la région et une menace à la paix et à la stabilité internationales. Il a fourni du soutien à des organisations terroristes comme le Hamas et le Hezbollah, et les tensions entre l'Iran et Israël demeurent l'un des grands sujets d'inquiétude dans la région.

Des témoins ont fait remarquer qu'un Iran doté de l'arme nucléaire serait non seulement une menace à l'existence même d'Israël, mais risquait aussi de déclencher une prolifération des armes nucléaires dans la région.

Chacun de ces problèmes — les activités nucléaires de l'Iran, son bilan en matière de droits de la personne et la dynamique instable dans la région — est grave en soi et a des conséquences pour les intérêts du Canada.

Le Canada doit continuer d'examiner de près l'évolution de la situation en Iran et être prêt à intervenir au besoin. Les mesures que le gouvernement a prises récemment témoignent de sa perception de la gravité de la menace que l'Iran fait peser sur la région, la sécurité mondiale et sa propre population. Il importe néanmoins de souligner que les mesures prises par le gouvernement ne visent pas le peuple iranien, mais plutôt le régime qui réprime ses droits et libertés.

Le Canada doit continuer de collaborer avec ses alliés pour aider l'Iran à évoluer vers un régime démocratique, la bonne gouvernance et le respect des droits de la personne afin de devenir un membre productif de la communauté internationale.

La situation continuant d'évoluer, le comité espère que son rapport donne des indications sur la façon dont le Canada peut appuyer les aspirations du peuple iranien tout en se donnant une politique étrangère plus ferme et efficace à l'égard du gouvernement iranien.

Le comité continuera de suivre de près l'évolution de la situation en Iran.

[Français]

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Puis-je poser une question? Ma question aura deux volets.

[Traduction]

Le premier volet concerne les baha'is. Le sénateur a parlé de l'ostracisation de leur religion. A-t-on analysé la situation des baha'is et la possibilité qu'on risque d'être témoins d' un génocide qui ferait disparaître la foi baha'ie en Iran? Voilà le premier volet de ma question.

L'autre volet concerne le fait que le sénateur Andreychuk a beaucoup insisté sur le désarmement et la non-prolifération des armes nucléaires auxquels nous tenons, bien entendu. Les Iraniens refusent les inspections de l'ONU. Par ailleurs, Israël a refusé de laisser l'ONU inspecter sa capacité nucléaire et nous avons été d'accord.

Madame le sénateur peut-elle me dire pourquoi nous abordons différemment un important problème de prolifération des armes nucléaires dans la région?

Le sénateur Andreychuk : Honorables sénateurs, en ce qui concerne le deuxième volet, je serais ravie de donner mon opinion personnelle sur ce que le gouvernement a fait dans le deuxième cas, sur le vote en Iran. Toutefois, cela ne faisait pas partie de notre étude. Nous avons étudié très attentivement le cas de l'Iran.

Est-ce que je pourrais avoir quelques minutes pour conclure mon intervention?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Andreychuk : Par conséquent, nous examinions les mesures que le Canada pourrait prendre et avait prises à l'égard de l'Iran. Nous nous sommes seulement penchés sur les activités de l'Iran. Nous étions au courant des remarques d'Israël sur l'Iran et vice-versa, mais nous ne voulions pas faire d'autres commentaires à ce sujet. Cela ne faisait pas partie de notre étude. Je refuse donc de me prononcer sur cette question.

Pour ce qui est du traitement des baha'is, nous en avons certainement pris note, mais ce n'est pas le seul groupe. Comme les sénateurs le savent, les Nations Unies et les gouvernements canadiens, au fil des ans, se sont toujours beaucoup préoccupés du sort des baha'is, ainsi que de celui des personnes qui n'ont pas la même conception du monde que l'Iran, que ce soit sur des questions relatives au mariage, à la condition féminine ou à l'homosexualité, entre autres. Toutes ces questions ont été abordées par plusieurs parlementaires depuis mon arrivée au Sénat. Ces activités se poursuivent.

J'utilise le mot « génocide » avec beaucoup de prudence. Je l'emploierai seulement quand je parlerai de la Cour pénale internationale. Un processus est en cours. Toutefois, il ne fait aucun doute que le recours à la peine de mort a augmenté, et qu'il y a plus de persécutions et de poursuites. C'est pourquoi nous avons tenté de faire entrer en Iran le rapporteur spécial des Nations Unies, et tous les pays devraient encourager l'Iran à le laisser pénétrer sur son territoire. Nous savons que le rapporteur spécial éprouve les mêmes difficultés que les inspecteurs nucléaires.

Nous avons une communauté baha'ie très active. Ses membres ont comparu devant le comité sénatorial. Leurs commentaires se trouvent dans notre rapport et dans les témoignages.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

L'étude sur la question de la cyberintimidation

Neuvième rapport du Comité des droits de la personne et demande de réponse du gouvernement—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé La cyberintimidation, ça blesse : Respect des droits à l'ère numérique, déposé au Sénat le 12 décembre 2012.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer propose :

Que le neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé La cyberintimidation, ça blesse! Respect des droits à l'ère numérique, déposé au Sénat le 12 décembre 2012, soit adopté et que, conformément à l'article 12-24.(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de la Sécurité publique étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre de Justice et procureur général du Canada et la ministre de la Santé.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet du rapport du Comité sénatorial permanent sur les droits de la personne sur la cyberintimidation. Ce rapport s'intitule La cyberintimidation, ça blesse! Respect des droits à l'ère numérique.

[Français]

La cyberintimidation, ça blesse! Respect des droits à l'ère numérique.

[Traduction]

En novembre 2011, le Sénat a autorisé le Comité sénatorial permanent des droits de la personne à étudier la question de la cyberintimidation au Canada en ce qui concerne les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne aux termes de l'article 19 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, et à faire rapport sur la question.

Avant de poursuivre, je tiens à remercier sincèrement madame le sénateur Ataullahjan d'avoir proposé cet ordre de renvoi et d'avoir travaillé inlassablement sur cette question.

Honorables sénateurs, le Comité des droits de la personne a entendu 60 témoins dans le cadre de cette étude, dont, pour la première fois dans l'histoire du Sénat, des jeunes, au cours d'audiences publiques et à huis clos. Ces jeunes ont vraiment changé notre façon de voir les choses. Ils nous ont encouragés à examiner des solutions qui font appel à l'ensemble de la collectivité. Dans notre rapport, nous demandons l'adoption d'une approche en matière de lutte contre la cyberintimidation qui fait participer toute la collectivité. Nos six recommandations tiennent compte du fait que tous les membres de la collectivité ont un rôle à jouer à cet égard.

Le rapport fait ressortir des témoignages qui insistent sur la nécessité que les élèves, les parents, les enseignants et la collectivité définissent ce qu'est la citoyenneté numérique.

Enfin, il met en lumière l'approche axée sur les droits que le comité a adoptée pour son étude de la cyberintimidation. Cette approche veut que tous les enfants aient les mêmes droits et participent activement à l'instauration d'un climat où ces droits sont respectés. Notre approche met aussi l'accent sur la responsabilité de l'État de garantir le respect de ces droits.

Aux termes de l'article 19 de la Convention relative aux droits de l'enfant de l'ONU, il incombe au gouvernement fédéral de protéger les enfants canadiens contre toute forme de violence physique ou mentale.

[Français]

Durant notre étude, nous avons entendu plus de 60 témoins, dont des chercheurs universitaires, des bénévoles, des exploitants de site web, des ministères, des organisations non gouvernementales, des enseignants et, surtout, des adolescents.

(2200)

Ces jeunes courageux qui sont venus nous raconter leurs histoires, et les nombreux experts du domaine, nous ont dit que nos efforts à tous devraient être axés sur la sensibilisation et la prévention.

Il faut que tous prennent part à la lutte contre la cyberintimidation et tout le monde a un rôle à jouer dans la promotion de ce que l'on appelle la « citoyenneté numérique ».

Il s'agit en fait de susciter un climat où la cyberintimidation est considérée comme inacceptable et comme une violation des droits de la personne —tout le monde a un rôle à jouer à cet égard, que ce soit les parents, les écoles, les pouvoirs publics, les organisations non gouvernementales, les entreprises privées, les fournisseurs de services Internet ou les jeunes eux-mêmes.

Nous avons examiné la question de la cyberintimidation à titre de violation des droits des enfants, tels qu'ils sont énoncés dans la Convention relative aux droits de l'enfant dont le Canada est signataire.

Nous demandons au gouvernement fédéral de travailler avec les provinces et les territoires à la coordination de la stratégie anticyberintimidation, qui comprenne un plan visant à accroître la sensibilisation à la cyberintimidation dans tout le pays ainsi que des programmes de soutien offerts aux enfants et aux parents.

[Traduction]

Je veux me faire l'écho de certains témoignages entendus. Shelby Anderson, une élève de l'école intermédiaire Springbank, a tenu les propos suivants au comité :

La cyberintimidation est partout, et ça fait vraiment mal. Ça donne envie de se tapir dans un trou et d'y rester. Ça donne l'impression qu'on est tout seul et que personne n'est là pour nous aider, que personne ne peut nous aider.

Il faut que les familles sachent qu'elles peuvent avoir accès à des services et à de l'aide, peu importe la région du pays où elles habitent. Elles doivent avoir l'assurance que des programmes appropriés existent. Des témoins nous ont dit que mettre en œuvre un programme qui n'est pas adapté à un certain milieu peut faire plus de mal que de bien. À l'heure actuelle, les programmes offerts au Canada sont disparates, ce qui signifie que les jeunes reçoivent souvent différents messages au sujet de la cyberintimidation.

L'absence de définition commune du mot « cyberintimidation » pose problème pour les chercheurs lorsque vient le temps de communiquer les résultats de leurs études. Une stratégie concertée pourrait permettre aux chercheurs de collaborer efficacement afin de mieux comprendre les conséquences de la cyberintimidation sur le développement social et affectif des enfants. Des études plus approfondies contribueraient à déterminer les différences entre les sexes, les facteurs de risque et d'autres facteurs de protection liés à la cyberintimidation.

À la lumière des résultats de telles recherches, nous pourrons élaborer des programmes et des services appropriés dont pourront bénéficier les divers milieux et écoles où des problèmes d'intimidation existent. Il importe que nous déployions plus d'efforts pour comprendre la cyberintimidation du point de vue des victimes.

Au cours d'une séance à huis clos, le comité a entendu le témoignage suivant :

Chaque jour de ma vie, depuis que je suis arrivé à cette école, ils vont sur MSN et rient de moi. Ça a commencé quand j'étais en 2e année du secondaire. Des filles se moquaient de moi en ligne, elles m'insultaient en disant « tu es une tapette, tu es gay, tu es stupide, tu es un perdant, un nègre, , tu es laid, » et plein d'autres choses.

Voici ce que Bill Belsey, un professeur, a dit au comité :

[...] la nouvelle génération utilise la technologie comme elle respire.

La victime de cyberintimidation est en proie à une souffrance constante et dévorante. Comme le comité l'a entendu à plusieurs reprises, la cyberintimidation dure sans interruption.

[Français]

Nous demandons également au gouvernement fédéral de collaborer davantage avec l'industrie afin de rendre Internet plus sûr pour les enfants, notamment en trouvant des moyens de surveiller et de supprimer le contenu en ligne injurieux, diffamatoire ou autrement illégal, tout en respectant la vie privée et la liberté d'expression et d'autres droits applicables.

[Traduction]

La cyberintimidation est une forme d'intimidation et elle constitue une nouvelle réalité à laquelle les jeunes doivent s'adapter puisqu'ils grandissent dans l'ère numérique, ce qui peut se révéler complexe. Ils naviguent dans un monde virtuel dont les frontières et les possibilités ne cessent de changer, alors que les parents et les pourvoyeurs de soins ne sont souvent pas au courant du rôle central qu'Internet et les appareils mobiles peuvent jouer dans la vie des jeunes. Chaque nouvelle génération doit surmonter des obstacles que les générations précédentes ont de la difficulté à comprendre.

Pour les jeunes, la technologie dicte la façon dont ils accèdent à l'information, communiquent les uns avec les autres et se définissent en tant qu'individu. Malgré tout, bon nombre de jeunes ne comprennent pas vraiment les conséquences à court ou à long terme, et tant sur eux que sur les autres, de leurs actions lorsqu'ils naviguent en ligne, et ils ne mettent pas en pratique la maxime voulant qu'il faille y penser à deux fois avant d'afficher un message en ligne.

Les jeunes nous ont appris que les victimes de cyberintimidation ont parfois l'impression qu'il n'y a aucune issue. Bon nombre de ces victimes souffrent en silence de peur que leurs parents leur interdisent d'accéder à Internet ou leur confisquent leur téléphone intelligent. Pour les jeunes, ces punitions reviendraient à les priver d'une grande partie de leur vie sociale. Les jeunes peuvent avoir de la difficulté à savoir à qui s'adresser pour obtenir de l'aide.

Nous, les adultes, devons nous assurer que les jeunes aient le soutien dont ils ont besoin. Les parents et les pourvoyeurs de soins ont un rôle important à jouer pour protéger les enfants des cyberintimidateurs et pour faire en sorte que la navigation en ligne soit une expérience positive. Plus d'un témoin nous a dit avoir vu des parents refuser d'acheter des automobiles à leurs enfants avant que ces derniers n'aient suivi des cours de conduite. Malheureusement, nombreux sont ceux qui achètent un téléphone intelligent à leur enfant sans le mettre en garde contre les risques d'un appareil qui ne procure pas que des avantages.

Les parents et les pourvoyeurs de soins ne connaissent peut-être pas aussi bien Internet que les enfants et ils n'ont peut-être pas leurs compétences numériques, mais, comme un grand nombre de témoins experts l'ont souligné, ils peuvent en revanche établir une communication franche et ouverte afin que les jeunes se sentent à l'aise de discuter de ce qu'ils vivent.

[Français]

Les experts ont fait valoir que les comportements que les enfants observent à la maison peuvent être un modèle, pour le meilleur et pour le pire, pour leur vie en ligne.

Si, à la maison, ils apprennent à se respecter les uns les autres et à se respecter eux-mêmes, et si, à la maison, règne un climat de tolérance et d'ouverture, il est plus que probable que les enfants disposeront des outils nécessaires pour ne pas tomber dans le piège de la cyberintimidation — comme les victimes, agresseurs ou témoins passifs qui regardent sans intervenir.

La Convention relative aux droits de l'enfant nous oblige à protéger les enfants contre la violence physique et mentale — y compris la cyberintimidation. La cyberintimidation viole le droit des enfants d'être traités de manière équitable et d'être protégés contre la discrimination, peu importe qui ils sont. Quand elle empoisonne l'atmosphère à l'école et nuit à la paix de l'esprit des enfants, la cyberintimidation viole leur droit à l'éducation. Si nous les traitons comme des personnes possédant leurs propres droits, ils finiront par comprendre leurs responsabilités dans la société.

La cyberintimidation peut être vue comme un obstacle insurmontable. La bonne nouvelle, c'est qu'il y a des écoles et des communautés qui sont parvenues à contrer l'intimidation en mettant en œuvre de bons programmes et en prenant l'engagement à long terme de changer les comportements.

Nous avons appris que les punitions à l'école, comme les suspensions et les expulsions, ne sont pas susceptibles d'entraîner de réels changements de comportements.

[Traduction]

Les méthodes qui reposent sur la justice réparatrice de même que les programmes qui favorisent l'empathie et le respect des droits sont plus susceptibles de transformer la mentalité dans les écoles et les milieux où la cyberintimidation constitue un problème. C'est parce que ces initiatives connaissent un tel succès qu'il faut absolument diffuser auprès de tous les ordres de gouvernement les pratiques exemplaires et les évaluations factuelles relatives aux politiques et aux programmes de lutte contre la cyberintimidation. C'est la seule manière que les gens ont de savoir que l'on peut vraiment améliorer les choses.

Voici ce que disait Katie Allen, une élève du secondaire :

Il est beaucoup plus facile d'insulter quelqu'un sur Facebook ou au moyen de textos, car on ne peut voir sur son visage les sentiments de douleur et de trahison.

Les témoins nous ont dit que les sanctions et les tribunaux étaient sans effet sur les mentalités, contrairement à la justice réparatrice et aux programmes qui favorisent l'empathie. C'est donc là-dessus que, de l'avis du comité, nous devrions concentrer nos efforts. Shelley Hymel, qui enseigne la psychologie de l'orientation et de l'éducation à l'Université de la Colombie-Britannique, a déclaré ce qui suit au comité :

Il faut que nous arrêtions de voir l'intimidation comme un problème de discipline et commencions à l'envisager comme un objet de l'enseignement. Aujourd'hui encore, la vaste majorité des écoles appliquent les méthodes de la discipline punitive. Une façon de faire plus efficace, c'est d'enseigner aux enfants à être responsables de leur comportement par des pratiques réparatrices et de restitution qui favorisent l'empathie et aident les enfants qui posent des gestes d'intimidation à se responsabiliser à l'égard de leur comportement.

(2210)

Honorables sénateurs, le comité a appris que l'enseignement est absolument essentiel. Voici ce que Mme Hymel a dit au comité :

[...] la plupart des enfants sont considérés comme étant à ce moment-là à l'étape préconventionnelle du développement moral, ils voient surtout ce qu'une situation peut leur rapporter. Ce n'est pas qu'ils soient immoraux. Nos recherches montrent plutôt que les enfants ne font que commencer à comprendre à ce moment-là que la société est un système social dans lequel nous devons collaborer et nous entraider.

Honorables sénateurs, compte tenu de ce témoignage et de celui plusieurs autres témoins, le comité recommande une approche faisant intervenir toute la collectivité qui soit axée sur l'apprentissage et la prévention. Le rapport recommande la participation de tous les membres de la collectivité. Nous recommandons que le gouvernement fédéral travaille avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour établir une stratégie coordonnée axée sur le principe voulant que tous les droits soient égaux et universels partout au pays. Nous recommandons que l'enseignement des droits de la personne, la citoyenneté numérique et la justice réparatrice soient des composantes essentielles de cette stratégie afin que les élèves, les parents et les enseignants travaillent ensemble pour prévenir la cyberintimidation et promouvoir les relations positives. Nous recommandons que le gouvernement travaille avec les intervenants de l'industrie pour trouver des façons de rendre Internet plus sécuritaire pour les enfants. Nous recommandons que le gouvernement fédéral songe à la possibilité d'établir, en collaboration avec les provinces et les territoires, un groupe de travail qui aurait pour mandat de définir et de surveiller le phénomène de la cyberintimidation. Enfin, honorables sénateurs, nous recommandons que le gouvernement appuie les initiatives de recherche afin d'accroître notre compréhension de la cyberintimidation.

Les conclusions et les recommandations de notre comité reflètent la complexité d'un problème qui exige la participation active de tous les membres de la collectivité, mais surtout des jeunes. Afin de permettre aux Canadiens de tous âges d'accéder à l'important savoir que nous avons acquis dans le cadre de l'étude, nous avons créé deux guides d'accompagnement.

Honorables sénateurs, j'ai conscience de vous avoir fait languir aujourd'hui. J'avais hâte de prononcer mon discours, car beaucoup de sénateurs m'ont posé des questions sur les deux guides d'accompagnement afin de pouvoir en parler et en remettre un exemplaire aux jeunes qu'ils rencontreront dans le temps des Fêtes. Les guides seront publiés en ligne. L'un est destiné aux parents et aux tuteurs, et l'autre, aux jeunes.

Les membres de notre comité tenaient à apprendre au contact des adolescents et à écouter ce qu'ils avaient à raconter. Les jeunes nous ont dit que, même s'il est question de cyberintimidation dans les médias, personne n'en parle directement avec eux.

Son Honneur le Président : J'ai le regret d'informer le sénateur que son temps de parole est écoulé.

Le sénateur Jaffer : Puis-je avoir cinq minutes de plus, s'il vous plaît?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Jaffer : Notre comité voulait diffuser les conclusions du rapport directement auprès des adolescents qui ont été consultés et de tous les autres jeunes Canadiens. Pour la première fois dans l'histoire du Sénat, nous avons accompagné le rapport d'un guide rédigé expressément à leur intention. Comme nous avions aussi l'occasion de faire connaître nos conclusions directement aux parents et aux tuteurs, nous avons élaboré un second guide d'accompagnement, qui présente les conclusions du rapport dans le contexte le plus pertinent pour eux et qui leur fournit un outil pour entamer un dialogue sur la cyberintimidation avec leurs enfants. Les membres de notre comité sont très fiers de ces guides et espèrent qu'ils s'avéreront utiles aux sénateurs qui se rendront aux quatre coins du pays de même qu'aux jeunes et à leurs parents.

Honorables sénateurs, cette étude représentait un défi et une entreprise énormes pour le comité. Je remercie tous les membres du comité de leur appui : le vice-président, c'est-à-dire le sénateur Brazeau, le sénateur Andreychuk, le sénateur Ataullahjan, le sénateur Harb, le sénateur Hubley, le sénateur Ngo, le sénateur White et le sénateur Zimmer.

Honorables sénateurs, nous sommes tous conscients qu'à titre de sénateurs nous faisons partie de la même équipe qui travaille afin de sauver des Canadiens. Le travail du comité rejaillit sur tous les sénateurs, y compris ceux qui n'en font pas partie. Par conséquent, nous vous remercions tous de votre appui.

Au nom du comité, je tiens à remercier particulièrement les membres du comité directeur du Comité de la régie interne, le sénateur Tkachuk, le sénateur Furey et le sénateur Stewart Olsen, de leur appui pour la production de nos deux guides d'accompagnement. Nous remercions aussi les membres du Sous-comité d'examen des budgets des comités et des voyages à l'étranger, le sénateur Comeau, le sénateur Cordy et le sénateur Larry Smith, de leur appui et de leur aide dans la production des deux guides d'accompagnement.

Honorables sénateurs, je veux remercier Daniel Charbonneau, greffier du comité, ainsi que son adjointe, Debbie Larocque, pour le travail remarquable qu'ils ont fait pour produire les guides d'accompagnement. Nous savons tous combien d'efforts exige la production d'un seul rapport. Ces personnes ont fait encore davantage en s'assurant que les deux guides soient aussi produits.

Je veux aussi remercier Julian Walker et Lyne Casavan, les analystes du comité, ainsi que l'agente de communications de notre comité, Ceri Au, qui a fait plus que ce qu'on attendait d'elle. Les guides d'accompagnement étaient son idée.

Honorables sénateurs, je suis heureuse de vous dire que le comité a pu rejoindre un auditoire de plus d'un demi-million d'usagers au moyen de la messagerie Twitter du Sénat, en se servant des hashtags, qui sont des identificateurs de sujet permettant de mieux cibler l'auditoire potentiel d'un message sur Twitter. Les guides destinés aux enfants et aux parents étaient aussi l'idée de Ceri Au. Merci à tous de votre appui.

Honorables sénateurs, avant de conclure, j'aimerais exprimer la gratitude du comité aux jeunes qui nous ont fait part de leurs expériences dans le cadre de notre étude. Je remercie M. Belsey et sa classe de l'école intermédiaire Springbank, de Calgary, qui nous ont fourni des témoignages. Je remercie tous les jeunes qui sont venus témoigner de façon très courageuse, tant à huis clos qu'en public. Ils ont apporté une contribution importante à notre étude.

Dépôt de documents

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je demande la permission de déposer les documents auxquels j'ai fait allusion : La cyberintimidation, ça blesse! Le respect des droits de la personne à l'ère numérique, Guide à l'intention des parents, et La cyberintimidation, ça blesse! Respect des droits à l'ère numérique, Guide pour les jeunes.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée pour le dépôt des documents?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Carignan, le débat est ajourné.)

Énergie, environnement et ressources naturelles

Budget et autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer—L'étude de l'état actuel de la sécurité du transport en vrac des hydrocarbures—Adoption du sixième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du sixième rapport du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles (budget—étude de l'état actuel de la sécurité du transport en vrac des hydrocarbures—autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer), présenté au Sénat plus tôt aujourd'hui.

L'honorable Grant Mitchell propose que le rapport soit adopté.

— Ce rapport a été adopté à l'unanimité par le comité aux fins d'étude ici aujourd'hui. Il présente le budget nécessaire afin que le Comité de l'énergie et de l'environnement commence son étude financée à la fin de mars sur la sécurité du transport des hydrocarbures par oléoduc. Le rapport a été approuvé par le Comité de la régie interne. Honorables sénateurs, je sollicite votre appui.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Affaires étrangères et commerce international

Budget et autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer—L'étude sur la situation économique et politique en Turquie—Adoption du dixième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du dixième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international (budget—étude sur la situation économique et politique en Turquie—autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer), présenté au Sénat plus tôt aujourd'hui.

L'honorable A. Raynell Andreychuk propose que le rapport soit adopté.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter le rapport?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

(2220)

La littératie

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Callbeck, attirant l'attention du Sénat sur l'importance de la littératie étant donné que le Canada a plus que jamais besoin de connaissances et de compétences pour demeurer compétitif dans le monde et pour accroître sa capacité de s'adapter à l'évolution des marchés du travail.

L'honorable Daniel Lang : Honorables sénateurs, étant donné qu'il est tard et que je n'ai pas fini de préparer mes notes, je voudrais que nous ajournions le débat pour le reste du temps de parole dont je dispose.

(Sur la motion du sénateur Lang, le débat est ajourné.)

Peuples autochtones

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur l'étude des responsabilités du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis

L'honorable Vernon White, conformément au préavis donné le 6 décembre 2012, propose :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le jeudi 16 juin 2011, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones relativement à son étude sur les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada soit reportée du 31 décembre 2012 au 31 décembre 2013.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Finances nationales

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur l'étude des raisons pouvant expliquer les inégalités entre les prix de certains articles vendus au Canada et aux États-Unis

L'honorable Joseph A. Day, conformément au préavis donné le 11 décembre 2012, propose :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le jeudi 6 octobre 2011, et le lundi 11 juin 2012, la date pour la présentation du rapport final du Comité sénatorial permanent des finances nationales dans le cadre de son étude des raisons pouvant expliquer les inégalités entre les prix de certains articles vendus au Canada et aux États-Unis, étant donné la valeur du dollar canadien et les répercussions du magasinage transfrontalier sur l'économie canadienne, soit reportée du 31adécembre 2012 au 28 mars 2013;

Que le comité conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions pendant les 90 jours suivant le dépôt de son rapport final.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à souligner le soixante-quinzième anniversaire de la division de la Nouvelle-Écosse des Commissionnaires

L'honorable Jane Cordy, conformément au préavis donné le 12 décembre 2012, propose :

Que le Sénat du Canada reconnaisse que le 24 janvier 2013 marque le 75e anniversaire de Les Commissionnaires Nouvelle-Écosse, une division de Les Commissionnaires.

— Honorables sénateurs, le 24 janvier 2013, nous soulignerons le fait que depuis 75 ans, les fidèles agents de Les Commissionnaires Nouvelle-Écosse, une division de Les Commissionnaires, assurent la sécurité des Néo-Écossais.

Le 24 janvier 1938, 20 commissionnaires ont été embauchés. Au cours des 75 années qui ont suivi, la division de Les Commissionnaires Nouvelle-Écosse est devenue l'un des plus importants employeurs de cette province. La division compte maintenant 1 700 commissionnaires, et 1 200 d'entre eux sont d'anciens combattants des Forces canadiennes. Les commissionnaires ont commencé leurs activités en 1938; ils avaient alors établi temporairement leur bureau à la caserne de l'armée, à Halifax. La division a ensuite pris de l'expansion, et elle est maintenant établie partout en Nouvelle-Écosse. Son siège social est situé à Halifax et son centre de formation, à Dartmouth. Elle a aussi des bureaux à Kentville, à Truro et à Sydney.

Honorables sénateurs, bien souvent, les anciens combattants ont encore besoin d'un emploi et de soutien lorsqu'ils réintègrent la vie civile. Les Commissionnaires Nouvelle-Écosse est un organisme à but non lucratif qui se consacre à la sécurité et offre des postes à plein temps, à temps partiel ou saisonniers à des anciens combattants, à plus de 200 endroits à l'échelle de la province. La qualité des services offerts par les commissionnaires, la formation qu'ils ont reçue de même que le professionnalisme et l'intégrité dont ils font preuve ont permis de faire de Les Commissionnaires Nouvelle-Écosse un partenaire de confiance pour tout ce qui a trait à la sécurité.

Au cours des 75 dernières années, des milliers de commissionnaires soucieux d'assurer la sécurité ont répondu à l'appel et protégé la population, les biens et les renseignements partout en Nouvelle-Écosse. C'est grâce à la compétence, à la fiabilité et à la loyauté de ses anciens membres et des membres actuels, de même qu'à la confiance dont ils jouissent, que la division a pu acquérir une solide réputation dans le secteur de la sécurité.

Je suis très heureuse de signaler aujourd'hui que Les Commissionnaires Nouvelle-Écosse célébrera son 75e anniversaire le 24 janvier 2013. J'aimerais féliciter cet organisme et le remercier pour ses années de service dans notre province. Je remercie le colonel Mike Brownlow, PDG de la division et originaire de Dartmouth, de tout le travail qu'il a accompli avec le Corps des commissionnaires. Je suis heureuse qu'il m'ait signalé cet anniversaire spécial.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

Les travaux du Sénat

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je propose que la séance soit maintenant levée.

Auparavant, j'aimerais accorder une mention spéciale aux greffiers au Bureau, au Président et au personnel de soutien, interprètes et sténographes, qui ont passé une journée assez impressionnante. Je leur adresse mes félicitations et je les remercie.

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au vendredi 14 décembre 2012. à 9 heures.)


Haut de page