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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 149

Le mardi 26 mars 2013
L'honorable Pierre Claude Nolin, Président suppléant

LE SÉNAT

Le mardi 26 mars 2013

La séance est ouverte à 14 heures, l'honorable Pierre Claude Nolin, Président suppléant, étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence Enkhbold Zandaakhuu, Président du Grand Khural de Mongolie.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, je vous signale également la présence à la tribune des participants au Programme d'études des hauts fonctionnaires parlementaires.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


[Français]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Sûreté du Québec

L'honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénateurs, je suis membre de cette Chambre depuis maintenant un an. Un an déjà.

Aujourd'hui, je veux profiter d'un événement historique qui a marqué le Québec et le Canada tout entier il y a 50 ans, soit l'arrestation du tueur d'enfants Léopold Dion, dont les médias on fait état ce week-end. Surtout, je veux vous parler d'une grande institution canadienne pour laquelle j'ai travaillé pendant 39 ans, soit la Sûreté du Québec, ce grand corps de police qui, à la même période, il y a un demi-siècle, amorçait sa modernisation en changeant la couleur de ses uniformes et de ses véhicules.

Ce corps de police a été créé le 1er février 1870 et s'appelait alors la Police provinciale du Québec (the QPP — Quebec Provincial Police as known outside of Province of Québec). À l'époque, la direction avait été confiée au juge Pierre-Antoine Doucet, qui portait le titre de commissaire, et le quartier général avait été établi dans celui de la police municipale de la Ville de Québec, qui avait été dissoute à ce moment-là.

Depuis sa création, 23 directeurs se sont succédé à la tête de ce grand corps de police qui compte aujourd'hui 5 400 policiers et policières pour servir la population du Québec dans 10 districts, en plus d'assurer, depuis quelques années, le rôle de police municipale dans plusieurs villes de la province comme Drummondville, Saint-Hyacinthe, Shawinigan et Roberval, pour ne nommer que celles-ci.

Parmi ces 23 directeurs, on compte Alexandre Chauveau, qui a dirigé le service pendant neuf ans. Je me permets de faire un peu d'histoire pour vous dire qu'Alexandre Chauveau a d'abord été député conservateur indépendant de la circonscription de Rimouski à l'Assemblée législative du Québec. En 1880, il a été nommé juge de la Cour des sessions de la paix avant d'accéder à cette fonction de directeur de police en 1882.

D'ailleurs, la Police provinciale du Québec avait toujours été dirigée par un juge depuis sa création et ce n'est qu'en 1902 qu'un policier de carrière, comme moi, a pu accéder à cette fonction. Il s'agissait d'Augustin McCarthy, qui a occupé le poste pendant une période record de 30 ans.

C'est sous McCarthy que la Police provinciale a intégré la Police des Liqueurs, mis en place la Police de la circulation et créé, en 1925, les patrouilles à moto.

Parmi les changements importants survenus à la Sûreté du Québec au milieu des années 1960, il y a eu la création de l'Association des policiers provinciaux du Québec, l'APPQ. Et c'est précisément quelques années plus tard, en février 1968, il y a donc 45 ans, que les policiers de cette grande organisation signaient une première convention collective de travail après que leur association fut reconnue par le premier ministre de l'époque, Daniel Johnson. Ce grand changement a permis d'améliorer de façon significative les conditions de travail de ses policiers.

L'autre changement marquant de cette époque est survenu en juin 1968, lorsque le nom de Police provinciale du Québec a été modifié par celui de Sûreté du Québec telle qu'on la connaît aujourd'hui. De plus, c'est en 1975 qu'une première femme a été admise dans ce service de police.

[Traduction]

Aujourd'hui, je tiens à rendre hommage aux hommes et aux femmes de la Sûreté du Québec qui, jour après jour, se consacrent à assurer la sécurité de la population, qui tient particulièrement à cœur au gouvernement. Je suis également fier d'avoir servi dans ce service de police.

[Français]

Je serai toujours fier de dire que j'ai fait partie de la Sûreté du Québec.

[Traduction]

Le Jour du tartan

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui pour souligner le Jour du tartan. En effet, partout au pays, le 6 avril est une journée spéciale pour tous les Écossais et pour moi également, qui suis de descendance écossaise. Je suis donc très heureuse de cette occasion de célébrer cette journée et de souligner les nombreux rôles que les Écossais ont joués dans l'histoire, la politique, la médecine, la justice, l'éducation, les sports, les sciences, les affaires — et j'en passe — de notre pays. Ils ont partagé avec le monde leur culture dynamique, leur langue, leur musique, leur danse et leur art culinaire.

En 1992, à l'Assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard, j'ai eu l'honneur et le privilège d'appuyer la motion du député de 4th Kings, M. Stanley Bruce, visant à faire du 6 avril le Jour du tartan dans notre province.

(1410)

Le Jour du tartan a été créé en Nouvelle-Écosse en 1986. L'assemblée législative de la province l'a officiellement reconnu le 6 avril 1987. Depuis, la Chambre des communes et toutes les assemblées législatives provinciales ont proclamé le 6 avril le Jour du tartan. Le 9 mars 2011, la Chambre des communes a fait du tartan de la feuille d'érable, conçu par le célèbre Canadien David Weiser, le tartan officiel du Canada.

Le nom de cette journée a été choisi pour mettre en valeur le patrimoine écossais de la façon la plus éclatante possible, c'est-à-dire en portant le kilt, et ce, surtout là où on ne le porte pas habituellement. Les Écossais portent fièrement leur tartan, qui symbolise ce qu'ils sont. Diverses activités sont organisées d'un bout à l'autre du Canada à l'occasion du Jour du tartan : corps de cornemuses, danse écossaise et autres activités thématiques.

Environ 5 millions de Canadiens sont d'origine écossaise, ce qui représente environ 15 p. 100 de la population canadienne. Les Écossais ont marqué bien des aspects de notre société. Il est donc tout à fait pertinent de saluer leur contribution. Je suis impatiente de souligner le Jour du tartan avec plusieurs de mes concitoyens écossais de l'Île-du-Prince-Édouard et j'espère que d'autres gens auront aussi l'occasion de participer aux festivités organisées.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de deux visiteurs de marque, qui sont les invités de la sénatrice Seth : Mme Shanthi Johnson et le Dr Arun Seth.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L'Institut indo-canadien Shastri

L'honorable Asha Seth : Honorables sénateurs, je veux parler aujourd'hui d'un organisme qui me tient beaucoup à cœur : l'Institut indo-canadien Shastri. Depuis plus de 40 ans, cet institut, qui fait la promotion de la recherche, du dialogue et des échanges, est le principal intermédiaire entre les universités canadiennes et indiennes

D'ailleurs, comme nous le savons tous, sa nouvelle présidente, Shanthi Johnson, se trouve aujourd'hui à la tribune.

L'attachement à l'excellence, à l'innovation et à l'enrichissement des connaissances et des capacités qui caractérisent l'institut Shastri en ont fait un organisme inestimable. À l'origine modeste, l'institut comprend aujourd'hui 90 établissements membres au Canada et en Inde; il s'agit dans tous les cas d'universités réputées dans le monde entier.

Aujourd'hui, l'institut Shastri forme un réseau de 51 établissements membres en Inde et de 41 au Canada, un réseau qui, je l'espère, continuera de prendre de l'ampleur. Quel que soit le champ de recherche en cause, cet organisme sans but lucratif propose un encadrement sur divers plans, qu'il s'agisse d'échanger des idées, de distribuer des livres et des périodiques, de favoriser les échanges, de stimuler les débats ou de promouvoir la collaboration entre chercheurs.

Notre gouvernement est assurément enthousiaste à l'idée de resserrer ses liens avec ses partenaires indiens, et l'éducation est un domaine névralgique où canaliser les efforts en ce sens. Les établissements et les économies canadiens ont beaucoup à apprendre d'un échange culturel et universitaire dynamique tel que celui-là. Après tout, en plus d'échanger des idées, les étudiants indiens et canadiens apportent beaucoup à leur économie locale.

Nelson Mandela a dit : « L'éducation est l'arme la plus puissante pour changer le monde. » Grâce à l'appui des sénateurs, l'institut sera en mesure de continuer à défendre sa vision d'une société civile bienveillante, progressiste et durable, aussi bien au Canada qu'en Inde, une société solidaire qui puise sa force dans la confiance et le respect mutuels.

Je vous invite à vous joindre à Mme Johnson et à moi à 17 h 30, dans la salle 256-S, afin d'en apprendre davantage à propos de cet organisme exceptionnel. N'oublions pas les paroles du Mahatma Gandhi : « Vis comme si tu devais mourir demain. Apprends comme si tu devais vivre toujours. »

[Français]

Les Jeunes Manitobains des communautés associées

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, le vendredi 8 mars, j'ai eu le privilège de m'adresser à une centaine d'élèves des écoles françaises de la Division scolaire franco-manitobaine (DSFM), réunis à l'École Roméo-Dallaire, à Winnipeg, au Manitoba. Ils sont membres d'un regroupement qui s'appelle Jeunes Manitobains des communautés associées.

Ces jeunes Manitobains, provenant et représentant 13 écoles secondaires de la DSFM, participaient à une des activités prévues qui favorise l'identité francophone et l'engagement envers sa collectivité.

Ces jeunes sont membres d'un regroupement qui vise plusieurs objectifs, dont celui de promouvoir la langue française et la culture francophone et de faciliter l'éveil de l'élève à la francophonie manitobaine, canadienne et mondiale.

Ces élèves sont sélectionnés selon plusieurs critères, comme l'engagement personnel à promouvoir la diversité d'expression culturelle et l'héritage des multiples cultures, ethnies et identités de la jeunesse franco-manitobaine.

Ils signent une lettre d'engagement, s'engagent à consacrer un minimum de six heures de bénévolat par mois et, de plus, doivent débourser un montant de 100 $ pour aider à défrayer les coûts liés à ces activités et projets de regroupement. Quel engagement personnel!

Je tiens à féliciter la DSFM, et plus particulièrement l'agent des services culturels, M. Stéphane Tétreault, de cette initiative extraordinaire.

Grâce à ces efforts, la construction identitaire francophone est développée dans nos écoles par l'entremise des élèves qui en ont pris sérieusement l'engagement, assurant ainsi la vitalité culturelle des jeunes francophones au Manitoba et l'avenir du français dans une province majoritairement anglophone.

La Journée internationale de l'épilepsie

L'honorable Jacques Demers : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour souligner la journée lavande, Journée internationale de l'épilepsie, en l'honneur de laquelle je porte du mauve.

Cet automne, j'ai eu le privilège de remettre une Médaille du jubilé de diamant de la reine Elizabeth II à la maman d'une petite fille très spéciale, qui s'appelle Élizabeth, qui souffre d'une forme rare et sévère d'épilepsie. Élizabeth doit prendre de nombreux médicaments quotidiennement et souffre de troubles de l'apprentissage attribuables à sa maladie.

Élizabeth devra recevoir des soins spécialisés toute sa vie. Chantal, sa maman, consacre sa vie à sa fille et, pour cela, elle mérite toute mon admiration. S'il est déjà exigeant d'être la maman d'un enfant en bonne santé, être la maman d'un enfant atteint d'une maladie grave est un travail à temps plein.

[Traduction]

En ce moment même, plus de 300 000 Canadiens sont atteints de cette maladie actuellement incurable qu'est l'épilepsie. Pour plus de la moitié d'entre eux, les médicaments constituent l'unique moyen de contrôler leurs crises, car seul un petit pourcentage des personnes souffrant de cette maladie peuvent subir l'ablation chirurgicale de la partie du cerveau qui est à l'origine de ces crises. Lorsque j'ai rencontré la mère d'Élizabeth pour lui décerner la Médaille du jubilé de diamant, je lui ai fait une promesse. Je tiens à remercier le sénateur Mercer de m'avoir permis de parler de cette demoiselle extraordinaire qu'est Élizabeth.

Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour veiller à ce que nous ne laissions pas à eux-mêmes les 300 000 Canadiens souffrant d'épilepsie.

[Français]

Nous devons consacrer davantage de fonds et de ressources à la recherche et à la sensibilisation à l'épilepsie et, en tant que sénateurs, nous devrions être les porte-étendards de cette cause.

[Traduction]

J'ai quatre enfants et huit petits-enfants. Je suis très chanceux parce qu'ils sont tous en bonne santé. Il est difficile de comprendre à quel point la vie est dure pour les parents d'enfants malades. Je souhaite remercier de nouveau le sénateur Mercer d'avoir attiré l'attention sur l'épilepsie comme le sénateur Munson l'a fait pour l'autisme. Il est très important de prendre des mesures pour s'occuper des enfants et de penser à eux.

La radicalisation

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j'interviens pour parler du problème de radicalisation au sein de la société canadienne. La gravité de ce problème a récemment été confirmée par des attaques terroristes contre une centrale de production de gaz en Algérie qui ont causé plus de 80 décès. Cette tragédie et l'implication présumée de Canadiens dans ces attaques devraient nous rappeler l'importance de comprendre les racines du terrorisme. Nous pourrons ainsi mettre en place des stratégies proactives afin d'empêcher nos jeunes de choisir la voie de la violence.

(1420)

Aujourd'hui, je veux aborder trois questions. Premièrement, qu'est-ce que la radicalisation? La Gendarmerie royale du Canada définit la radicalisation comme étant « le processus selon lequel des personnes, surtout des jeunes, [...] [remplacent] leurs croyances modérées et généralement admises par des opinions extrêmes. »

Il est important de souligner que les radicaux ne sont pas tous des terroristes. Certaines des figures les plus marquantes de l'histoire, comme Martin Luther King, Jr. ou Nelson Mandela, étaient qualifiés de radicaux à leur époque. Nous devrions toutefois nous inquiéter chaque fois que des gens utilisent la violence pour atteindre leurs objectifs.

Deuxièmement, qui devient un radical violent? Récemment, le Service canadien du renseignement de sécurité a publié une étude sur la radicalisation. La principale conclusion, c'est qu'on ne peut pas établir le profil des personnes à risque. C'est avant tout un processus idiosyncrasique. L'une des perceptions erronées les plus répandues, c'est que la radicalisation résulte de la pauvreté, de la marginalisation ou du fait que les immigrants ne s'intègrent pas à la culture canadienne. Les données montrent toutefois que la plupart des extrémistes nationaux sont nés et ont grandi au Canada, ont fait des études postsecondaires et sont issus de divers milieux socioéconomiques.

Troisièmement, quelle est l'origine de la radicalisation? Il n'existe aucune réponse claire à cette question. Les parents peuvent influencer la radicalisation de leurs enfants, les épouses peuvent influencer leurs maris vice versa. Internet peut également jouer un rôle prépondérant. En effet, les groupes terroristes utilisent souvent les médias sociaux pour faire de la propagande et recruter leurs membres. La prison est un autre lieu propice à la radicalisation. Des études montrent que les prisonniers sont particulièrement enclins à se convertir à des idéologies extrêmes. Cependant, il ne faut pas oublier que la radicalisation est un processus social et que, par conséquent, tout lieu où des humains interagissent y est propice.

Honorables sénateurs, je vous demande de vous joindre à moi afin que nous nous engagions, ensemble, à redoubler d'efforts pour empêcher que de jeunes Canadiens deviennent des radicaux violents. Certes, les attaques récemment perpétrées en Algérie sont particulièrement troublantes, mais le terrorisme présente également une grave menace à l'intérieur de nos frontières. À preuve, la condamnation des membres des « 18 de Toronto ». Heureusement, dans leur cas, nos forces de police et nos services de renseignement ont réussi à éviter une tragédie.

Toutefois, nous ne pouvons pas uniquement compter sur les forces de sécurité publique pour nous protéger. Nous devons adopter une approche communautaire pour contrer la radicalisation. Une telle stratégie devrait tenter d'identifier les jeunes à risque au moyen de programmes sociaux et favoriser la participation accrue de nos collectivités au processus démocratique.

Honorables sénateurs, le Sénat doit faire sa part pour mettre fin à la violence dans nos collectivités.

[Français]

Mikael Kingsbury

Félicitations au champion du monde et lauréat du Globe de Cristal en ski acrobatique

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui pour souligner l'exploit d'un jeune athlète de ma région sénatoriale, le skieur acrobatique Mikael Kingsbury.

En effet, au Championnat du monde de ski acrobatique qui se déroulait le 6 mars à Voss, en Norvège, Mikael a été consacré champion du monde de l'épreuve individuelle des bosses.

Cet athlète de la ville de Deux-Montagnes a auparavant obtenu six victoires en sept épreuves cette saison dans les épreuves individuelles de la Coupe du monde. Il a fini au premier rang au classement général, devenant champion de la Coupe du monde pour une deuxième année consécutive, et il réalise cette année son rêve d'être champion du monde. Mikael devient ainsi le grand favori de cette discipline en prévision des Jeux olympiques de Sotchi en 2014.

Il faut rendre hommage à ce jeune homme de 20 ans qui, par sa persévérance, sa détermination et sa discipline, a su gravir les échelons et se hisser ainsi au sommet de l'élite internationale du ski acrobatique. Voilà plusieurs années que j'observe ce jeune talent de chez nous, et je suis impressionné par la rapidité avec laquelle il s'est imposé comme un incontournable dans cette sa discipline. Mikael devient peu à peu un modèle pour nombre de jeunes Canadiens.

L'an dernier, Mikael a reçu pour la première fois le prestigieux Globe de cristal, récompense suprême attribuée chaque année au champion de la Coupe du monde de la discipline du ski acrobatique. J'ai d'ailleurs pris la parole en cette Chambre pour souligner son exploit et mentionner qu'il visait alors le classement pour les prochains Jeux olympiques d'hiver de 2014. C'est maintenant chose faite. Mikael est maintenant champion du monde et détenteur de deux Globes de cristal.

D'ailleurs, afin de souligner ses nombreux exploits passés et futurs, j'ai eu l'extrême plaisir de lui remettre, le 3 janvier dernier, la Médaille du jubilé de diamant de la reine Elizabeth II, lors d'une de ses visites dans sa ville natale de Deux-Montagnes.

Si les qualités exceptionnelles de Mikael l'ont mené là où il est aujourd'hui, c'est qu'il a été indéfectiblement appuyé et soutenu dans son parcours. Ainsi donc, je veux également rendre hommage à ses parents, Robert et Julie, qui l'ont toujours guidé et encouragé dans sa passion du ski acrobatique. Ce soutien parental est indispensable pour permettre à nos jeunes de se dépasser et d'atteindre des objectifs aussi ambitieux que celui de représenter leur pays aux Jeux olympiques et d'y décrocher des victoires.

Bravo, Mikael, nous te soutenons et sommes fiers de toi.


[Traduction]

AFFAIRES COURANTES

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Dépôt du vingt-troisième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L'honorable Bob Runciman, président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :

Le mardi 26 mars 2013

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

VINGT-TROISIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-55, Loi modifiant le Code criminel, a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 21 mars 2013, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
BOB RUNCIMAN

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 5-5b) du Règlement, je propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois plus tard aujourd'hui.

Son Honneur le Président suppléant : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Carignan, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)

[Français]

Le Budget des dépenses de 2013-2014

Le Budget principal des dépenses—Dépôt du dix-neuvième rapport du Comité des finances nationales

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le dix-neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, portant sur le Budget des dépenses de 2013-2014.

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

Le sénateur Day : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5b) du Règlement, je propose qu'il soit inscrit pour étude à l'ordre du jour de la présente séance.

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, le consentement est-il accordé?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Day, nonobstant l'article 5-5b) du Règlement, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)

L'étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance

Dépôt du vingtième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le vingtième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, intitulé Les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada : Suivi post-approbation effectué pour en assurer l'innocuité et l'efficacité.

(Sur la motion du sénateur Ogilvie, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1430)

[Traduction]

Énergie, environnement et ressources naturelles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Richard Neufeld : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et par dérogation à l'article 5-5a) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit autorisé à siéger à 18 heures le mardi 26 mars 2013, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président suppléant : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

[Français]

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'aimerais savoir quelle est l'urgence. Un ministre comparaît-il ce soir? Quelle urgence justifie que le comité siège ce soir, même si le Sénat siège?

[Traduction]

Le sénateur Neufeld : Honorables sénateurs, après moult difficultés, nous avons pu fixer une rencontre avec des représentants de Transports Canada — pas le ministre — afin de discuter de la question importante que constitue le transport d'hydrocarbures par pipeline, train ou bateau. Tout de suite après cette réunion, nous devons partir pour Sarnia et Hamilton.

J'ai discuté de cette question avec le vice-président du comité, le sénateur Mitchell, et il a convenu qu'il serait sage de tenir cette réunion ce soir. Je vous saurais gré de nous donner l'autorisation pour ce faire.

La sénatrice Tardif : Je remercie le sénateur de ses explications.

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)


[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les ressources humaines et le développement des compétences

Le budget de 2013—Les programmes de formation de la main-d'œuvre

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Le gouvernement a déposé son dernier budget avec l'objectif de donner du travail aux Canadiens en adaptant les besoins en formation.

À part le Programme de formation de la Gendarmerie royale du Canada, il y a un collège à Ottawa, madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire quel autre programme de formation est constitutionnellement sous la responsabilité du gouvernement fédéral?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je remercie la sénatrice de sa question. Comme je l'ai expliqué hier, le ministre des Finances et le gouvernement se sont engagés à travailler avec les provinces, les territoires et l'industrie, dans le cadre de la subvention canadienne pour l'emploi et d'autres programmes, pour jumeler les travailleurs qualifiés avec les emplois disponibles. C'est aussi simple que cela.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Madame le leader du gouvernement au Sénat ne répond pas à ma question, mais je vais poursuivre avec une question complémentaire afin de voir si on peut finir par s'entendre à ce sujet.

Voyons notamment comment les sommes d'argent des différents budgets sont assignées à la formation de la main d'œuvre. Il faut savoir que cette formation se fait au secondaire et au collégial, en particulier à Ottawa, où on trouve le Collège Algonquin, et à Montréal, où on trouve l'École de technologie supérieure. Ce sont des institutions de très grande qualité qui forment des travailleurs très appréciés dans le secteur privé.

En exigeant la participation des provinces, on n'a pas dit que ces montants seraient ajoutés ou que les budgets existants seraient indexés. On effectue plutôt des compressions budgétaires et on demande aux provinces et aux employeurs de contribuer.

À ce que je sache, il y a déjà une grande partie des programmes de formation à la main-d'œuvre qui sont payés par les employeurs. Au Québec, par exemple, 1 p. 100 de la masse salariale doit être consacrée à la formation.

On demande qu'il y ait beaucoup plus d'harmonisation entre les besoins du marché du travail et les travailleurs, mais on diminue les budgets dans l'ensemble et on demande aux autres de contribuer, et on veut nous faire croire que c'est sérieux.

Comment allons-nous permettre à un père de famille du Québec, de la Gaspésie, par exemple, d'aller travailler dans l'Ouest et de s'acheter une maison de 500 000 $, de payer les frais pour tous ses enfants et sa famille, de changer les enfants d'école? Quels montants seront alloués dans le budget pour permettre à ces familles de déménager là où sont les emplois?

[Traduction]

La sénatrice LeBreton : Nous ne forçons pas les familles à déménager, honorables sénateurs.

La sénatrice a mentionné le Collège Algonquin. Je m'empresse de signaler qu'un important projet de construction, financé par le gouvernement fédéral et la province à même le Fond de stimulation de l'infrastructure, a été réalisé au Collège Algonquin. Le collège possède maintenant un immense bâtiment voué à l'enseignement des métiers de la construction. Ce bâtiment, situé sur l'avenue Woodroffe, est magnifique. J'encourage les sénateurs à aller y jeter un coup d'œil. C'est un projet qui a été mené conjointement avec la province et la ville dans le cadre du programme de relance économique.

Pour répondre à la question de la sénatrice, comme nous le savons tous, il y a trop d'emplois vacants au Canada. Les employeurs n'arrivent pas à trouver de travailleurs possédant les compétences voulues. L'automne dernier, il y avait près de 250 000 emplois vacants au pays. Voici ce que pense l'Association des comptables généraux accrédités du Canada :

En créant cette subvention pour l'emploi, le gouvernement fédéral fait preuve de leadership et s'attaque à la pénurie croissante de main-d'œuvre qualifiée. Nous encourageons les gouvernements provinciaux à appuyer ce projet. Tout le monde devrait y gagner, tant les employeurs que les travailleurs et les gouvernements.

La Chambre de commerce du Canada a pour sa part déclaré ce qui suit :

Les mesures annoncées dans le budget d'aujourd'hui représentent une réforme de taille qui permettra au gouvernement fédéral de relever le défi des compétences au pays.

Honorables sénateurs, le ministre des Finances l'a dit et je l'ai répété hier en répondant à une question semblable : évidemment, nous consulterons les provinces. L'industrie se réjouit de ce programme. Il est à espérer que les provinces où ces entreprises sont situées verront l'occasion qui s'offre à elles et participeront pleinement au programme.

La sénatrice Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, madame le leader n'a pas répondu à une partie de ma question. J'ai dit que, depuis 2007, le budget alloué à la formation a diminué de 10 p. 100. Quelles sommes supplémentaires le gouvernement a-t-il prévues dans le budget pour que les provinces dispensent de la formation? Au lieu d'accroître le financement, le gouvernement le réduit. Il dit une chose, mais fait le contraire dans le budget.

La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, je vais donner des exemples à la sénatrice.

En ce qui concerne les jeunes Canadiens en particulier — car les besoins sont grands dans ce segment de la population —, le Plan d'action économique de 2013, le budget de jeudi dernier, permettra de financer plus de stages et affectera des fonds à la promotion de l'éducation dans des domaines à forte demande de main-d'œuvre. Nous investissons 70 millions de dollars sur trois ans pour soutenir la création de 5 000 stages rémunérés à l'intention des récents diplômés. Nous renouvelons notre appui à l'initiative Passeport pour ma réussite, qui aide les étudiants à risque. Nous octroyons 18 millions de dollars sur deux ans à la Fondation canadienne des jeunes entrepreneurs, qui offre du mentorat, des conseils et des fonds de démarrage aux jeunes entrepreneurs. Nous appuierons le recours aux stages d'apprentissage, et nous faisons la promotion des études dans des domaines où la demande est forte, comme les métiers spécialisés, les sciences, la technologie, le génie et les mathématiques.

(1440)

Ces mesures viennent s'ajouter au soutien que nous offrons depuis 2006 en ce qui concerne les jeunes. Nous avons majoré de façon permanente le budget du programme Emplois d'été Canada, qui offre 36 000 emplois chaque année aux jeunes. Nous injectons plus de 330 millions de dollars par année dans la Stratégie emploi jeunesse pour aider les jeunes à acquérir des compétences et une expérience de travail. Le programme Sensibilisation jeunesse est complémentaire de la Stratégie emploi jeunesse, et j'ai donné hier les chiffres pour l'Île-du-Prince-Édouard concernant le programme Connexion compétences. Tout cela, pour l'emploi des jeunes, et il y a bien entendu d'autres programmes annoncés dans le budget. Loin d'avoir réduit les dépenses dans ce domaine, nous les avons augmentées.

La coopération internationale

L'Agence canadienne de développement international—L'aide à l'étranger

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Comme les honorables sénateurs le savent, le ministre Flaherty a annoncé jeudi dernier que l'Agence canadienne de développement international sera intégrée au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Cette décision constitue une occasion importante de faire une évaluation critique de la politique canadienne en matière de développement.

Au cours d'une entrevue donnée en décembre 2012, le ministre Fantino a déclaré que les investissements du Canada dans le développement international devraient promouvoir les valeurs canadiennes, l'entreprise canadienne, l'économie canadienne, les retombées pour le Canada.

Le professeur Roland Paris affirme que la mise en place de conditions favorables à une croissance durable axée sur le marché dans les sociétés en développement semble le meilleur remède contre la pauvreté.

Toutefois, les partenariats d'aide avec le secteur privé devraient viser à aider les pays qui ont des besoins criants, non à accroître les bénéfices du Canada. Ni la crédibilité du Canada à l'étranger, ni les milliards de pauvres sur la planète ne sont bien servis si la politique canadienne sur le développement vise d'abord à promouvoir les intérêts commerciaux du Canada.

Voici la question que j'ai à poser à madame le leader du gouvernement au Sénat : nos dépenses en matière de développement viseront-elles en priorité à réduire la pauvreté ou à promouvoir les intérêts commerciaux du Canada?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, nous avons rendu l'aide du Canada plus efficace et nous continuerons de le faire. Nous consacrons dans la loi les importants rôles et responsabilités du ministre à l'égard du développement international et de l'aide humanitaire. Cette réorganisation renforcera la coordination de l'aide internationale avec les valeurs et les objectifs plus larges du Canada et placera le développement sur un pied d'égalité avec le commerce et la diplomatie.

Comme me l'ont fait remarquer plusieurs fonctionnaires que j'ai rencontrés au cours du week-end, une grande partie de l'aide du Canada est actuellement acheminée vers des pays où le Canada injecte des sommes considérables dans le développement. Le budget de l'aide au développement sera maintenu. Le nouveau ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement conservera le mandat de la lutte contre la pauvreté et de l'aide humanitaire. Selon le Globe and Mail d'il y a deux jours, l'honorable Lloyd Axworthy aurait dit : « Je félicite le gouvernement d'avoir pris cette mesure. »

À l'avenir, honorables sénateurs, les choses se passeront dans les pays ciblés. Par le passé, nous avons donné accès à l'éducation à plus de 2 millions de personnes, vacciné plus de 9 millions de personnes contre la polio et nourri plus de 18 millions de personnes. Nous avons délié 100 p. 100 de notre aide alimentaire, et notre stratégie de sécurité alimentaire donne des résultats. En Éthiopie, par exemple, nous avons secouru environ 7,8 millions de personnes en leur donnant des vivres et de l'aide. Nous avons également injecté un montant appréciable dans le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

La sénatrice Jaffer : Le professeur Paris fait valoir dans ses observations que l'aide au développement nécessite des engagements à long terme à l'égard des projets et des pays choisis. Beaucoup de gouvernements du Canada, y compris le gouvernement actuel, ont trop souvent réinventé les priorités canadiennes en matière de développement à long terme. C'est là un problème politique urgent.

En 2009, par exemple, le gouvernement a annoncé qu'il concentrait son aide dans 20 pays. Cinq des six pays dont les budgets bilatéraux ont été réduits par le gouvernement sont parmi les 20 pays ciblés en 2009.

D'après certains reportages, les problèmes de sécurité et de reddition des comptes rendent certains pays moins attrayants pour le soutien direct. La politique du Canada sur le développement ne devrait pas être axée sur les pays attrayants ni promouvoir les priorités à la mode en matière d'orientation. Le développement ne se fait pas en l'espace d'un ou deux cycles électoraux. Il faut parfois des décennies.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle expliquer comment le gouvernement entend donner plus de stabilité et de cohérence à la politique d'aide du Canada?

La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, les faits sont suffisamment éloquents. Le gouvernement a adopté une approche plus ciblée de l'aide et il a obtenu d'excellents résultats. Je souligne de nouveau, à propos de l'ACDI, que cette réorganisation va renforcer la coordination de l'aide internationale avec les valeurs et objectifs plus larges du Canada, et le développement sera placé sur un pied d'égalité avec le commerce et la diplomatie. Comme on l'a fait remarquer, nous nous efforçons également de développer un grand nombre des pays que nous aidons afin qu'ils soient en meilleure posture pour progresser.

Cette mesure va simplement assurer une meilleure coordination, par le ministère des Affaires étrangères, des efforts très importants que le Canada déploie sur le front de l'aide humanitaire.

La sénatrice Jaffer : Honorables sénateurs, j'ai une autre question à poser à madame le leader du gouvernement au Sénat. Le gouvernement du Canada est-il toujours déterminé à éradiquer la pauvreté, ou les intérêts commerciaux auront-ils la priorité?

La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, comme je l'ai déjà dit, le gouvernement applique une approche très équilibrée. Il a un bilan remarquable, et j'en ai énuméré quelques éléments, pour ce qui est de l'aide à ces pays et de l'éradication de la pauvreté. Nos programmes de santé de la mère et de l'enfant sont incomparables. Nous avons consacré beaucoup d'efforts et d'argent à l'éradication de la polio. La lutte contre l'épidémie de sida est aussi un effort que le gouvernement continuera de promouvoir et de soutenir, ce qui englobe l'éradication de la pauvreté.

Les ressources humaines et le développement des compétences

Le congé parental—Les prestations de maladie

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat.

En décembre, le Sénat a adopté le projet de loi C-44, couramment appelé Loi visant à aider les familles dans le besoin. Entre autres dispositions, cette loi permet à des personnes qui bénéficient de prestations d'assurance-emploi et d'un congé parental d'accéder aussi à des prestations de maladie si elles tombent malades. Auparavant, pour accéder à ces prestations, il fallait, « si ce n'était de la maladie, être disponible pour travailler ».

Ce projet de loi avait été déposé par suite d'une décision rendue dans le cas d'une mère torontoise, Natalya Rougas, qui avait appris en 2010 qu'elle était atteinte d'un cancer du sein pendant son congé maternité. À ce moment, un juge-arbitre de l'assurance-emploi, juge de la Cour fédérale qui revoit les décisions rendues par les conseils arbitraux de l'assurance-emploi, a statué que le gouvernement interprétait mal l'esprit de la loi et qu'il devrait soit interpréter les règles d'une manière plus libérale soit modifier la loi. Nous avons eu ce débat ici. L'année dernière, le gouvernement a choisi la seconde solution en déposant le projet de loi C-44.

Pendant que nous examinions cette mesure législative en décembre, une mère de la région de Stratford, Jane Kittmer, a également appris pendant son congé parental qu'elle avait un cancer du sein. Son cas, soumis à un juge-arbitre, était quasiment identique au précédent. Après s'être battue pendant deux ans et demi pour obtenir des prestations de maladie, Jane Kittmer a finalement obtenu gain de cause. Toutefois, nous avons appris hier que le gouvernement conservateur comptait s'opposer à sa demande. Pourquoi le gouvernement veut-il traiter différemment deux cas aussi semblables? Comment peut-il croire qu'il est équitable envers Jane Kittmer et sa famille?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, cette affaire est devant les tribunaux, comme le sénateur vient de le dire. Il est question de mesures législatives du gouvernement précédent, que nous avons modifiées depuis. Bien entendu, nous cherchons des moyens de résoudre le problème. Comme le sénateur l'a mentionné, nous avons adopté la Loi visant à aider les familles dans le besoin pour permettre aux parents qui tombent malades pendant un congé parental d'accéder aux prestations de maladie. Comme je viens de le dire, nous cherchons des moyens de régler cette situation. Il faut comprendre cependant que la loi qui s'applique à cette situation a été adoptée non par notre gouvernement, mais par le gouvernement précédent.

Le sénateur Munson : Cela ne rend pas la situation plus équitable.

(1450)

Elle a dit : « J'étais choquée. Je ne comprenais pas pourquoi le gouvernement agissait ainsi. Cela m'a blessée. »

Cette mère de deux enfants a triomphé de son cancer, mais, à cause des effets de la chimiothérapie, elle est incapable de rentrer au travail. Il y a ici deux poids, deux mesures.

Le projet de loi a pris effet dimanche. Je ne vois aucune raison qui justifie un appel du gouvernement. Je ne comprends pas. Pourquoi le gouvernement ferait-il appel de cette décision? C'est à peu près la même période et à peu près les mêmes circonstances que dans le cas de Mme Rougas, qui avait motivé le dépôt du projet de loi.

Selon l'article qui a paru hier dans le Toronto Star, le cabinet de la ministre des Ressources humaines, Diane Finley s'est borné à dire que le gouvernement aide les familles « à réaliser l'équilibre entre le travail et les responsabilités familiales » et qu'il « offre de nouvelles mesures d'aide aux familles canadiennes au moment où elles en ont le plus besoin ».

Pourquoi le gouvernement ne peut-il pas expliquer les raisons pour lesquelles Jane Kittmer est traitée selon des critères différents? Qu'arrivera-t-il aux autres Canadiens qui se trouveront dans la même situation?

La sénatrice LeBreton : J'ai en fait donné les explications nécessaires, honorables sénateurs. Cette affaire particulière relève d'une loi de l'ancien gouvernement que nous avons modifiée depuis. Le cas de Jane Kittmer a été traité en fonction de l'ancienne loi.

J'ai également expliqué que nous avons adopté la Loi visant à aider les familles dans le besoin afin de permettre aux parents qui tombent malade pendant leur congé parental d'accéder aux prestations de maladie. Cela fait partie de la nouvelle loi.

J'ai également dit que nous étions à la recherche de moyens pour régler ce cas particulier.

Le sénateur Munson : Honorables sénateurs, le gouvernement de madame le leader avait un choix. Il aurait pu s'abstenir d'en appeler de la décision. Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé de traiter ainsi cette pauvre femme?

La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, je vais simplement répéter ce que j'ai dit et ce que la ministre a dit à l'autre endroit. Ce cas relevait de l'ancienne loi. Nous avons adopté une nouvelle loi. Nous essayons maintenant de régler ce cas particulier.

[Français]

Les sciences et la technologie

La recherche et le développement

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement. En matière de recherche et de développement, le budget présenté la semaine dernière met l'accent sur la recherche appliquée et commerciale. C'est une tendance inquiétante qui se confirme. Tout le monde est d'accord pour dire qu'il est essentiel d'investir dans la recherche et les sciences, mais la recherche appliquée ne doit pas occulter la recherche fondamentale. Sans la recherche fondamentale, il n'y aurait pas de recherche appliquée motivée par les besoins et les intérêts commerciaux. La recherche fondamentale est la première pierre dans l'édification de produits commerciaux. Les exemples sont nombreux. Le gouvernement a la responsabilité de favoriser un équilibre et d'investir à tous les niveaux du cycle d'innovation. Pourquoi le gouvernement délaisse-t- il la recherche fondamentale?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, nous n'avons rien fait de tel. Je me demande en fait si tous les sénateurs de l'autre côté ont lu le budget.

Notre gouvernement est vraiment déterminé à appuyer les sciences, la technologie et l'innovation au Canada. Depuis 2006, nous avons prévu des milliards de dollars de nouveaux crédits pour financer des initiatives appuyant les sciences, la technologie et la croissance d'entreprises innovantes.

Les nouvelles mesures figurant dans le Plan d'action économique de 2013, c'est-à-dire dans le budget de jeudi dernier, faisaient fond sur cette solide base. Elles contribueront à la création d'emplois, en insistant sur la nouvelle approche de promotion de l'innovation commerciale lancée dans le budget de l'année dernière. Le budget 2013 propose en outre des mesures pour renforcer les capacités canadiennes de recherche avancée, dont 37 millions de dollars par an à l'appui de partenariats de recherche avec le secteur privé par l'entremise des conseils subventionnaires fédéraux, 225 millions de dollars à la Fondation canadienne pour l'innovation afin de financer des infrastructures de recherche de pointe et 13 millions de dollars pour le programme Globalink de Mitacs afin d'attirer au Canada les étudiants les plus brillants. À en juger par les nombreuses réactions positives de la communauté scientifique, ces mesures ont été très bien accueillies.

La sénatrice Tardif : Honorables sénateurs, l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université a fait un relevé des subventions de recherche accordées par l'entremise des conseils subventionnaires fédéraux. Elle a constaté, après avoir tenu compte de l'inflation, que le financement de base de la recherche a baissé de 7,5 p. 100 depuis 2007. Comme le bassin de financement est moindre, une plus grande part est ciblée, peut-être en fonction d'un secteur commercial ou d'objectifs politiques particuliers. Cette tendance alarmante peut affaiblir à long terme les capacités scientifiques du pays. Malgré toute son insistance sur les compétences et la formation, le gouvernement semble avoir oublié que la recherche fondamentale constitue un excellent moyen de formation d'une population active ayant des compétences scientifiques.

Le gouvernement s'engagera-t-il à apporter un soutien adéquat à la recherche scientifique fondamentale?

La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, je viens de lire au compte rendu les sommes importantes que le gouvernement s'est engagé à investir. Il est donc inexact de dire que le gouvernement n'appuie pas pleinement la recherche en sciences et en technologie.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, tout est une question d'équilibre. On peut toujours se demander si financement de la recherche a diminué de façon générale, mais le fait est que, pour reprendre les mots de madame le leader, il y a un déséquilibre entre la recherche appliquée, la recherche dirigée et la recherche fondamentale. C'est de cela que la sénatrice Tardif veut parler.

J'aimerais que la leader réponde à la partie de la question qui concerne la réorientation des sommes, quelles qu'elles soient, rendues disponibles par le gouvernement pour la recherche dirigée au détriment de la recherche fondamentale, un phénomène qui s'intensifie. Qu'a à dire la leader à ce sujet?

La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, ce que j'ai à dire à ce sujet, c'est que le gouvernement actuel préconise une approche totalement différente de celle du gouvernement précédent. Nous concentrons nos efforts sur les sciences, la technologie et l'innovation. Nous mettons l'accent sur les emplois, l'économie et la prospérité future du pays. En ce qui concerne les sciences et la technologie, tout ce que fait le gouvernement, qu'il s'agisse d'investir dans la recherche médicale ou dans des fonds d'innovation, vise à faire progresser le pays. Il en va de même pour l'éducation, car les moyens que nous prenons pour attirer des étudiants du monde entier ne visent pas seulement à les instruire, mais, avec un peu de chance, à les encourager à s'établir ici. Depuis le début, depuis notre arrivée au pouvoir, tout ce que nous faisons vise à promouvoir le Canada, à créer des emplois, à encourager l'innovation et à renforcer les entreprises et le secteur des ressources naturelles.

Je comprends que d'autres gouvernements avaient une autre façon de faire, mais c'est ainsi que le gouvernement actuel fonctionne.

[Français]

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, en ce qui concerne les fonds accordés par le gouvernement pour la recherche, quel pourcentage est investi dans la recherche et dans les centres de recherche universitaires à travers le Canada? Comment cela se compare-t-il à ce qui a été investi auparavant dans les centres de recherche établis dans les universités canadiennes?

[Traduction]

La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, dans tous les budgets, des sommes considérables ont été consacrées à la recherche universitaire. Quelqu'un comme Lloyd Axworthy n'aurait pas félicité le gouvernement si ce n'était pas le cas. Il a couvert le budget de louanges, tout comme il l'avait fait il y a quelques années lorsque nous avons participé à une autre initiative de financement universitaire. Je doute que Lloyd Axworthy aurait félicité le gouvernement de son bon travail sur le budget si celui-ci ne prévoyait aucune contribution importante aux sciences, à la technologie et à la recherche.

La sénatrice Tardif : Honorables sénateurs, en 2007, le gouvernement a annoncé la Stratégie nationale des sciences et de la technologie, dont le but était d'accroître nos actifs et nos compétences en matière scientifique et technologique. Au lieu d'une stratégie nationale cohérente, on se retrouve avec une approche fragmentaire centrée sur la commercialisation. C'est un manque de vision que de réduire l'investissement dans la recherche pure pour affecter plus de ressources aux dernières étapes du cycle d'innovation. Qu'est-il advenu de la stratégie? Est-elle toujours une priorité?

La sénatrice LeBreton : La sénatrice semble oublier que c'est notre gouvernement qui, en 2007 si ma mémoire ne me fait pas défaut, a lancé la Stratégie nationale des sciences et de la technologie. Je demanderais aux honorables sénateurs de repenser au début de ce programme. Je prends note de la question, et je me renseignerai. Je pense que c'est en 2007 ou en 2008 que nous avons adopté la stratégie et il me fera grand plaisir de communiquer à la sénatrice toutes les sommes qui ont été accordées aux divers établissements de recherche, aux universités et autres organismes novateurs depuis le lancement de la stratégie.

(1500)

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, la réponse à la question du sénateur Munson m'intéresse, parce le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie s'est longtemps penché sur ce projet de loi. En fait, une personne pourrait recevoir des prestations de maladie sans cesser de recevoir ses prestations de maternité. Il est consternant que le gouvernement porte en appel la cause dont le sénateur parle. La leader affirme que c'est parce que la personne en question est tombée enceinte et devenue malade alors que la loi précédente était en vigueur, et que cette loi a été changée depuis.

Le gouvernement ne pourrait-il pas faire preuve d'un peu de compassion en décidant de ne pas porter la cause en appel?

La sénatrice LeBreton : Le sénateur Tkachuk a raison sur ce point. Nous essayons de résoudre un problème causé par une loi adoptée par le gouvernement précédent. Or, nous avons adopté une nouvelle loi. La cause est devant les tribunaux. Comme on l'a souligné à l'autre endroit, nous nous efforçons de régler le problème. La nouvelle loi que nous avons adoptée vient tout juste d'entrer en vigueur, et le gouvernement tâche de résoudre ce cas particulier.

La sénatrice Cordy : Si vous n'interjetiez pas appel de la décision, le problème serait résolu. Le gouvernement a choisi d'en appeler de la décision, et c'est pourquoi le problème persiste. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement agit ainsi.

La sénatrice LeBreton : Je ne suis pas avocate, et c'est tant mieux. Comme je viens de le dire à la sénatrice, l'affaire est devant les tribunaux. Je ne sais pas exactement à quel point je peux en discuter, puisque les tribunaux en sont saisis. Il s'agit d'une affaire à laquelle s'applique une ancienne loi. Nous en avons proposé une nouvelle, la Loi visant à aider les familles dans le besoin, pour que les parents qui tombent malades pendant un congé parental aient accès aux prestations de maladie de l'assurance-emploi. Voilà ce que permet notre nouvelle loi. Ce qui est arrivé à la personne en question est attribuable à une loi mise en œuvre par un gouvernement précédent et, comme je l'ai déjà dit, le gouvernement s'efforce de régler ce cas unique.

La sénatrice Cordy : Honorables sénateurs, la décision dont il est question dans cette mesure législative découle d'une décision du juge-arbitre. Malheureusement, la nouvelle mesure législative sur l'assurance-emploi qui a été présentée par le gouvernement a aboli le poste de juge-arbitre. Par le passé, les gens pouvaient présenter un appel à une commission, et si la décision de celle-ci n'était pas favorable, ils pouvaient faire appel à une instance supérieure. Il y avait une première instance d'appel. Or, si cette première instance d'appel n'existe plus, le poste de juge-arbitre n'a plus lieu d'être.

Cela dit, cette mesure législative a été présentée en réponse à la décision du juge-arbitre. Dans sa décision, le juge-arbitre a déterminé que la personne en question — j'oublie son nom — avait droit à la fois à des prestations d'assurance-emploi et à des prestations de maladie. La mesure législative a été adoptée, ce qui est positif. Bien entendu, les sénateurs de ce côté-ci ont voté en faveur de cette mesure législative.

Cependant, il y a maintenant un autre cas très semblable, et le gouvernement n'a fait preuve d'aucune compassion en faisant appel, au mépris de la loi, de la décision du juge-arbitre, qui avait pourtant indiqué la voie à suivre.

La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, nous avons apporté de nombreux changements au régime d'assurance-emploi afin de le renforcer et de voir à ce qu'il puisse mieux aider les gens qui en ont besoin, tout en jumelant les gens aux emplois disponibles.

Je ne puis que répéter ce que j'ai déjà dit cinq fois : le gouvernement s'efforce de régler la situation.

[Français]

Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton

Les finances—La Banque européenne pour la reconstruction et le développement

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 37 inscrite au Feuilleton par le sénateur Downe.

Les anciens combattants—La dotation

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 51 inscrite au Feuilleton par le sénateur Downe.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 4-13(3) du Règlement, j'avise le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera ses travaux dans l'ordre suivant : le 19e rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales; le 17e rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales; le projet de loi C-58; le projet de loi C-59 et, enfin, les autres points tels qu'ils apparaissent au Feuilleton.

[Traduction]

Le Budget des dépenses de 2013-2014

Le Budget principal des dépenses—Adoption du dix-neuvième rapport du Comité des finances nationales

Le Sénat passe à l'étude du dix-neuvième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des finances nationales (Budget des dépenses de 2013-2014), déposé aujourd'hui.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'ai indiqué hier que ce rapport était sur le point d'être déposé. Notre comité y a travaillé ce matin, et je suis maintenant très heureux de pouvoir vous le soumettre maintenant.

Vous devriez trouver, parmi les papiers qui sont sur votre pupitre, le rapport intitulé Premier rapport intérimaire sur le Budget principal des dépenses 2013-2014, qui est notre 19e rapport. Honorables sénateurs, ce rapport nous servira de point de départ pour poursuivre, cet après-midi, l'étude du projet de loi de crédits, le projet de loi C-59, à l'étape de la troisième lecture.

Il est tout à fait logique et important que les sénateurs puissent savoir ce que contiennent les annexes de ce projet de loi de crédits et ce qu'elles sous-tendent. Ce genre de projet de loi prévoit généralement des crédits pour la période allant du 1er avril à la fin de juin. Dans certains cas, comme je l'ai souligné hier, le projet de loi prévoit un financement provisoire supplémentaire parce que certains ministères ont besoin de plus d'argent dès le début de l'année. Si les dépenses étaient également réparties sur la durée de l'année, le projet de loi accorderait des crédits provisoires pour trois mois à chaque ministère. L'adoption de ce projet de loi nous permet de disposer du temps nécessaire pour examiner plus en détail le Budget principal des dépenses, puis de vous remettre vers la fin de juin notre rapport à ce sujet, avec nos constatations.

Il s'agit du premier regard que nous jetons sur cette question, alors je voudrais attirer l'attention des sénateurs sur certains éléments de notre rapport. Vous pouvez néanmoins examiner l'ensemble du rapport. N'oubliez pas que ce budget des dépenses est présenté selon le nouveau format. De l'extérieur, la présentation semble la même, mais elle est assez différente à l'intérieur. Alors que nous commencions à nous habituer à la présentation des budgets des dépenses, après quelques années, voilà qu'on décide d'en modifier le format. Les sénateurs se souviendront que les budgets des dépenses sont divisés en crédits approuvés et crédits législatifs. Le projet de loi C-59 contient des crédits approuvés. Par le passé, les crédits étaient assez détaillés. On trouvait une ventilation des crédits législatifs qui découlaient d'autres lois, mais désormais, nous ne trouvons plus qu'une seule ligne indiquant le total des crédits législatifs. Si vous voulez connaître les détails de ces crédits, comme vous devriez normalement vouloir les connaître puisque les dépenses prévues par le gouvernement sont habituellement en deux parties, soit les crédits législatifs et les crédits approuvés, vous devez consulter le site web du Conseil du Trésor, où les détails de tous les crédits sont énumérés. Mais je ne vous propose pas de parler maintenant des crédits législatifs, car le présent rapport porte sur les crédits approuvés. C'est ce dont je voudrais vous parler brièvement et ce sur quoi vous serez appelés à voter très bientôt. Il est donc important de comprendre ce que contient le projet de loi de crédits.

(1510)

Par la suite, nous examinerons le Budget principal des dépenses et les Budgets supplémentaires des dépenses, dans lesquels les dépenses budgétaires fédérales ont été annoncées. Le gouvernement annonce dans divers budgets les projets et les fonds qui seront consacrés à certaines initiatives. Ces données ne sont pas toujours immédiatement incluses. Elles peuvent parfois être communiquées un an ou deux plus tard. Par le passé, nous nous sommes parfois posé la question : « D'où vient ce poste de dépenses? Il figure dans le projet de loi omnibus. D'où vient-il? » Dorénavant, à la demande des parlementaires, le Conseil du Trésor précisera de quel budget relève un poste de dépenses donné. Il nous incombera d'approuver ce poste, mais au moins nous saurons d'où il vient.

Je rappelle aussi aux honorables sénateurs que l'élaboration de ce rapport et du Budget principal des dépenses a commencé avant Noël, soit à l'automne. Les documents nous ont été remis il y a deux ou trois semaines, avant la sortie du budget. Le budget est sacré et confidentiel. Par conséquent, ce document ne dit rien sur la teneur du dernier budget. Il fait plutôt état de questions budgétaires antérieures qui sont rendues au stade où le gouvernement souhaite aller de l'avant. Je signale aussi qu'il ne s'agit pas d'un processus de comptabilité à base zéro. Bon nombre de ministères regardent les dépenses qu'ils ont engagées au cours de l'année écoulée, puis ils les reconduisent en disant : « C'est ce que nous prévoyons dépenser cette année. Par conséquent, nous vous demandons d'approuver ce montant. »

Pour ce qui est des salaires, il va de soi qu'à moins d'avoir reçu la consigne de réduire ceux-ci, les ministères demandent à peu près le même montant pour la nouvelle année, assorti d'une clause d'indexation au coût de la vie. Les ministères en sont déjà là parce qu'une grande partie de leurs dépenses est liée aux salaires et aux avantages sociaux.

Honorables sénateurs, hier j'ai fait allusion au montant de 200 ou 300 millions de dollars visant à régler le problème du ministère de la Défense nationale, qui a déduit une allocation d'invalidité versée par Anciens Combattants Canada de la pension que les militaires touchent lorsqu'ils prennent leur retraite du gouvernement et des forces armées. Cette situation découle d'une décision rendue par un tribunal, qui ne fera pas l'objet d'un appel selon ce que le ministre a annoncé, et qui a entraîné ce montant de plusieurs centaines de millions de dollars lié à des retenues qui n'auraient pas dû être prélevées. Des montants forfaitaires seront versés aux militaires blessés dont l'allocation a été défalquée de leur pension. Les sommes retenues leur seront remboursées.

Il y a aussi une reconduction. J'en ai fait mention hier. Il y aura une reconduction à chaque année, à compter de maintenant. Un montant supplémentaire sera prévu bientôt. L'année prochaine, ce montant fera probablement partie des dépenses de personnel, mais il constitue quand même ici un poste de dépenses. Il se chiffre à 71 millions de dollars pour Anciens Combattants Canada et il est lié à la décision rendue par la cour. Ce montant nous donne une idée des répercussions de cette décision de la cour.

Honorables sénateurs, nous avons discuté de la dette fédérale en comité. On nous a renvoyés au document publié annuellement par le ministère des Finances, intitulé Rapport sur la gestion de la dette. J'ai noté ce point ici. Chaque année, ce rapport fait état de la dette accumulée, qui correspond au déficit annuel. Ces montants sont tous accumulés, ce qui crée une obligation. Nous avons été chanceux d'avoir des taux d'intérêt faibles, puisqu'il s'ensuit que le montant que le gouvernement doit consacrer à l'intérêt sur la dette accumulée est relativement peu élevé, comparé à certaines années antérieures.

La dette fédérale accumulée, estimée à la fin de la semaine prochaine, à la fin de l'exercice financier, avec un déficit budgétaire pour cet exercice estimé à 25 milliards de dollars, dépassera les 600 milliards de dollars. Les honorables sénateurs peuvent comparer ce chiffre à celui de 2006, une année charnière. Nous avions alors une dette accumulée de 460 milliards de dollars. Elle est aujourd'hui de plus de 600 milliards de dollars, et le prochain exercice y ajoutera sans doute encore 20 milliards de dollars.

Des voix : C'est scandaleux!

Le sénateur Day : Ce sont des chiffres importants que les sénateurs voudront bien garder en mémoire.

Des montants appréciables sont affectés chaque année aux Affaires autochtones. Il faut contrôler ces dépenses parce qu'elles continuent d'augmenter rapidement. Au ministère des Affaires autochtones, le budget s'élève à environ 8 milliards de dollars chaque année. Huit milliards de dollars en période de difficultés économiques, c'est beaucoup d'argent. Ce montant se répartit entre un certain nombre de postes, mais il y a un ajout de 224 millions de dollars par rapport à l'exercice précédent pour poursuivre l'application de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens. Ce règlement se compose de deux volets. Le premier est le paiement d'expérience commune : quiconque est allé dans un pensionnat a reçu un certain montant, à condition d'avoir fait la demande et prouvé qu'il est allé dans un pensionnat. Puis, il y a le deuxième volet, beaucoup plus difficile. Un tribunal doit intervenir, et la situation fait l'objet d'une évaluation lorsqu'une personne soutient avoir été victime d'agressions sexuelles pendant son séjour au pensionnat.

Pour ce qui est du paiement d'expérience commune, la date limite pour présenter une demande est passée. C'était en septembre 2012. Jusqu'en décembre, il y a à peine deux mois, les Affaires autochtones ont reçu 106 000 demandes, sans poser de question. Il suffit de prouver qu'on est allé dans un pensionnat. L'obligation s'élève à 1,62 milliard de dollars en tout. Voilà pour ce volet. Quant à l'autre, nous ne pouvons pas dire quel montant sera nécessaire. Il n'y aura pas autant de demandeurs, mais le chiffre demeure élevé. Je crois me souvenir qu'environ 75 p. 100 de ceux qui sont allés dans un pensionnat disent avoir été injuriés, victimes d'agressions sexuelles ou harcelés d'une façon ou d'une autre, et ils demandent de l'aide.

Honorables sénateurs, mon temps de parole tire à sa fin, mais j'essaie de vous signaler certains des faits saillants. Travaux publics et Services gouvernementaux Canada prévoit des dépenses budgétaires brutes de 5,9 milliards de dollars. Tout ce ministère a un budget de 5,9 milliards de dollars. Pour se faire une idée de ce que cela représente, il suffit de comparer avec les 8 milliards de dollars des Affaires autochtones.

Il y a une augmentation de budget de 256 millions de dollars pour la rénovation des édifices du Parlement. Les coûts continuent d'augmenter. Un montant de 54 millions de dollars est prévu pour acquérir un complexe à Gatineau, les Terrasses de la Chaudière. Le gouvernement a payé un loyer de 12 millions de dollars par année pour occuper ces immeubles, qu'il achète maintenant pour 54 millions de dollars. En quatre ans, ils seront payés. La période de remboursement s'étale sur un peu plus de quatre ans.

Honorables sénateurs, il y a une dépense de 32 millions de dollars dont les sénateurs de l'Est du pays sont au courant; je parle bien sûr du regroupement des services de paie dans une direction générale à Miramichi, au Nouveau-Brunswick. Évidemment, à cause de la nouvelle technologie, il y aura moins de gens qui y travailleront, mais il reste que 32 millions de dollars sont prévus pour ce projet.

En ce qui concerne la GRC, il y a un certain nombre de modifications, étant donné qu'elle a conclu de nouveaux contrats de service, ce qui a demandé un certain temps. Nous avons eu une discussion très intéressante. La règle générale veut que la ville, la localité ou la province qui retient les services de la GRC signe un contrat prévoyant qu'elle paie 70 p. 100 des coûts, alors que les 30 p. 100 restants sont à la charge du gouvernement fédéral.

(1520)

Les projections de la GRC quant à la présence des femmes dans ses rangs disent qu'on devrait atteindre les 30 p. 100 d'ici 2025. L'objectif semble assez peu ambitieux, d'autant plus que la proportion est actuellement de 20 p. 100. Je sais qu'il n'y a que 12 ans d'ici 2025, mais on serait porté à penser que, compte tenu du nombre d'embauches chaque année, il serait possible de relever quelque peu l'objectif.

Honorables sénateurs, puis-je avoir encore cinq minutes?

Son Honneur le Président suppléant : D'accord?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Day : Merci, honorables sénateurs.

Je vais dire un mot au sujet d'un secteur important de Transports Canada où les dépenses projetées s'élèvent à 1,5 milliard de dollars. C'est un recul de 27 p. 100 par rapport aux prévisions budgétaires de l'an dernier. Les fonctionnaires ont expliqué que les dépenses de fonctionnement sont à la baisse à cause des compressions annoncées dans le budget de 2012. Les réductions nettes de 560,3 millions de dollars comprennent une diminution des contributions au Fonds pour les portes d'entrée et les passages frontaliers, l'un des projets qui devaient recevoir des sommes appréciables.

Un montant intéressant de 113 millions de dollars est prévu pour l'acquisition de terrains afin de réaliser le projet du passage frontalier international de la rivière Detroit. Je crois me souvenir que le gouvernement fédéral achète des terrains du côté américain du cours d'eau pour pouvoir bâtir le pont parce qu'il y avait beaucoup de réticence chez nos voisins.

Chez Infrastructure Canada, le Fonds de la taxe sur l'essence est maintenu pour une autre année environ. Il a été annoncé que ce fonds serait permanent, mais on ne le prolonge toujours que d'une année à la fois. Il représente 2 milliards de dollars. Je ne savais pas que, de ce montant, 25 millions de dollars allaient aux Affaires autochtones pour les collectivités autochtones, alors que le reste, soit 1,974 milliard de dollars, est réservé à Infrastructure Canada.

Honorables sénateurs, le ministère de la Défense nationale est le dernier que j'aborderai aujourd'hui. Le MDN estime ses dépenses à 17,9 milliards de dollars, ce qui représente une baisse de 1,8 milliard ou 9 p. 100 des autorisations nettes de dépenser. La diminution est essentiellement due à une réduction de 1,25 milliard des dépenses de fonctionnement, principalement attribuable à l'examen stratégique.

Le MDN semble avoir fait cet examen d'une façon un peu différente. Le gouvernement avait imposé deux examens. Le premier visait une réduction du déficit, et le second consistait en un examen stratégique. Nous avons constaté qu'un ministère pouvait dire : « Nous avons économisé tant de millions de dollars. » Ensuite, dans le budget supplémentaire, il pouvait essayer d'attribuer ce montant à un nouveau projet. Le gouvernement l'approuve, puis le Conseil du Trésor permet que le montant soit dépensé. Par conséquent, une nouvelle dépense est créée pour utiliser ce qu'on est censé avoir économisé. Voilà pourquoi la projection globale des dépenses reste la même tandis que le gouvernement annonce qu'il a économisé tant de millions de dollars. En réalité, le montant a été économisé, puis utilisé à nouveau. Le ministère de la Défense nationale n'obtiendra pas la permission d'agir ainsi. Il est donc différent de ce point de vue.

Je voudrais renvoyer les sénateurs à la page 23 du rapport afin de faire une petite correction. Le troisième paragraphe de la page 23 dit ce qui suit :

Les fonctionnaires ont expliqué que leur Ministère ne présentait pas de demande de fonds au titre de la Stratégie de défense dans ce budget principal des dépenses car, bien que le gouvernement ait prévu un financement de 20 ans, certains éléments de ce plan d'investissement doivent être approuvés annuellement par le Parlement.

Il faudrait supprimer les mots « certains éléments de ce plan d'investissement doivent être approuvés » et les remplacer par « les dépenses doivent être approuvées ».

Les ministères font toute leur planification sur un bon nombre d'années, mais les sénateurs doivent comprendre que le Parlement doit chaque année approuver les dépenses. Voilà le changement apporté. Le Parlement n'approuve ni des programmes de 20 ans ni des éléments de tels programmes. J'espère que les sénateurs ne se sont pas trompés et ont noté ce changement. C'est le seul autre qu'il fallait apporter pour faciliter la compréhension du rapport.

Le rapport reflète le travail préliminaire fait par le comité. Au nom du vice-président et de tous les membres du comité, je tiens à remercier les représentants de la Bibliothèque du Parlement pour l'excellent travail qu'ils ont fait dans des délais très courts concernant la rédaction, la traduction et la modification de ce rapport.

Je recommande le rapport aux sénateurs en espérant qu'ils le liront et l'approuveront.

L'honorable Larry W. Smith : Honorables sénateurs, je remercie le président pour son excellent travail. Des gens ont dit que le sénateur Day est l'une des très rares personnes qui comprennent vraiment le processus du Budget principal des dépenses.

J'attire l'attention des honorables sénateurs sur les notes qui figurent au bas de la page 2, car elles facilitent la compréhension du document. Je n'essaie pas d'être condescendant, je dis simplement que le budget est difficile à comprendre. Les notes 1 et 2 devraient permettre une compréhension claire du contenu de ce document.

Le sénateur Day a mentionné que le Conseil du Trésor avait rationalisé le processus. La rationalisation avait pour but de le rendre plus efficace dans sa présentation et plus facile à comprendre. Bien sûr, il est important que les projets de loi C-58 et C-59 franchissent aujourd'hui l'étape de la troisième lecture.

À part cela, le document est relativement simple. Lorsque nous parlons de la dette publique de 582 milliards de dollars, il importe de ne pas perdre de vue le fait suivant : le service de la dette publique — vous verrez cela à la page 7 — a été en baisse ces dernières années en pourcentage des recettes, passant de 37,6 p. 100 en 1990-1991 à 12,7 p. 100 en 2011-2012. Quand les sénateurs entendent tous ces gros chiffres, il est important qu'ils sachent comment les interpréter en fonction du pourcentage des recettes.

Le président a fait un excellent travail, de même que les membres du comité et le comité directeur.

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, le sénateur Smith m'a fait penser à quelque chose. Il a parlé du service de la dette publique qui a baissé ces dernières années, passant de 37,6 à 12,7 p. 100 de 1990-1991 à 2011-2012.

Toutefois, que fait-on des taux d'intérêt? Qu'arrivera-t-il s'ils montent?

(1530)

Le sénateur L. Smith : Je vous remercie de votre question. Si je n'arrive pas à y répondre, j'espère que le sénateur Day voudra bien me prêter main-forte.

Je suppose que c'est à cause de la baisse des taux d'intérêt, qui a eu des effets positifs sur le pourcentage. La menace qui existe toujours est liée à une hausse éventuelle des taux d'intérêt, comme dans le cas d'un prêt hypothécaire. Si une simple hypothèque de 300 000 $ passe d'un taux d'intérêt de 3 p. 100 à un taux de 6 p. 100, c'est plus qu'une hausse de trois points. C'est, en fait, un passage du simple au double.

C'est l'un des problèmes que les États-Unis ont affronté lorsque les banques ont accordé des prêts à des gens qui ne pouvaient même pas se permettre un prêt hypothécaire de 300 000 $ à 3 p. 100 parce que leur revenu annuel ne s'élevait qu'à 10 000 $ ou 15 000 $. Ces choses arrivent. Elles dépendent des taux d'intérêt et des rajustements.

Le sénateur Moore : Qu'arrive-t-il si les taux montent au cours de l'exercice et font grimper le service de la dette publique?

Le sénateur L. Smith : Ayant écouté le témoignage de Mark Carney devant le Comité des banques, lorsque j'avais la chance d'y siéger, je peux simplement dire que la plupart des experts croient que la fragilité de l'économie mondiale aura probablement pour effet de maintenir les taux d'intérêt à un niveau assez bas pendant les 18 à 24 prochains mois. Selon certains, une hausse des taux d'intérêt aux États-Unis pourrait faire monter les marchés boursiers à mesure que les États deviennent économiquement plus forts.

Il y a toujours un risque de voir les taux grimper et fluctuer, mais il est vraisemblable qu'ils resteront stables pendant les 18 à 24 prochains mois. C'est ce que dit le gouverneur de la Banque du Canada.

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, j'ai deux questions d'ordre technique. Je remercie le sénateur pour ce rapport. Il est très bien présenté.

Premièrement, j'ai constaté que le budget du ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord est augmenté de 2,3 p. 100 alors que celui de la GRC le sera de 7 p. 100. L'augmentation de 2,3 p. 100 est-elle attribuable à la décision qui a été prise il y a si longtemps, en 1996, de limiter l'augmentation du budget du ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord à 2 p. 100, ou bien y a-t-il une autre raison?

Le sénateur L. Smith : J'avoue franchement que je n'en ai aucune idée, parce que je n'étais pas au Sénat à cette époque. Peut-être que le président du comité pourrait répondre à cette question. Ou peut- être que la sénatrice Buth voudrait ajouter quelque chose.

Je suis désolé. Je pourrais faire un suivi et essayer de trouver une réponse à cette question, si cela vous convient.

La sénatrice Dyck : Merci.

Deuxièmement, selon le rapport, la GRC compte environ 30 000 employés, mais aucun chiffre précis n'est donné pour le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord. Le sénateur pourrait-il me dire où je pourrais trouver cette information? Je soupçonne que ce ministère compte probablement aussi de 10 000 à 30 000 employés. Je suppose qu'on n'a pas posé cette question aux témoins. Et j'aimerais aussi savoir combien il y a d'Autochtones.

Le sénateur Smith : Je pense qu'il faudra faire des recherches afin de trouver le nombre exact d'employés, et nous en informerons la sénatrice.

En ce qui concerne la GRC, nous connaissons la proportion d'hommes et de femmes qui y travaillent, par exemple. À l'heure actuelle, 21 p. 100 des employés de la GRC sont des femmes, et je pense que l'on vise à ce pourcentage atteigne 30 p. 100 d'ici cinq ou sept ans, ou peut-être 12 ans.

La sénatrice Dyck : Je demanderais à mon honorable collègue de vérifier aussi combien de fonctionnaires d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada sont Autochtones.

Le sénateur L. Smith : Merci.

Son Honneur le Président suppléant : Est-ce que d'autres sénateurs auraient des questions?

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président suppléant : L'honorable sénateur Day, avec l'appui de l'honorable sénateur Moore, propose que le rapport soit adopté.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Projet de loi de crédits no 5 pour 2012-2013

Troisième lecture

L'honorable Larry W. Smith propose que le projet de loi C-58, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2013, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je n'ai rien à ajouter. Je me contenterai de souhaiter que ce projet de loi suive son cours.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, je n'ai pas grand-chose à ajouter aux observations. J'aimerais toutefois mentionner deux ou trois points qui ont été portés à mon attention, de même qu'une question qui est restée en suspens plus tôt et que j'aimerais clarifier afin que les sénateurs comprennent le contenu de ce projet de loi.

Tout d'abord, nous avons parlé hier du Haut-commissariat du Canada au Royaume-Uni, situé à Londres. J'ai mentionné que la propriété achetée était adjacente à la Maison du Canada et à Trafalgar Square, et mentionné une somme de 71 millions de dollars, selon mes souvenirs. Le gouvernement a l'intention de vendre la résidence et l'immeuble du haut-commissariat qui se trouvent à Grosvenor Square, dans le quartier Mayfair de Londres.

À partir de ces faits, j'ai malheureusement tiré une conclusion erronée — je vous prie de m'excuser si j'ai induit quelqu'un en erreur. J'ai conclu que le nouvel immeuble acheté deviendrait la résidence, mais ce n'est pas nécessairement le cas. Nous ne savons pas où la nouvelle résidence sera située. Nous ne savons pas, non plus, si le nouvel immeuble abritera des logements pouvant accueillir certains employés. Nous savons toutefois qu'en raison de ses vastes dimensions, la Maison du Canada peut accueillir toutes les réunions qui ont eu lieu jusqu'ici. Ainsi, une bonne partie du travail et des tâches de chancellerie effectués par le Haut-commissariat de Londres seront faits à la Maison du Canada et dans l'immeuble voisin que nous venons d'acquérir.

Je ne sais pas ce qu'il adviendra du reste. Je suis cependant chamboulé voir les questions posées et les réponses fournies lors de réunions de notre comité. La question suivante a été posée.

Je sais que la résidence se situe également à Grosvenor Square ainsi que les salles de réunion. Je me demandais ce qu'il allait advenir de la résidence, mais jusqu'à maintenant, elle appartient toujours au ministère.

C'est ce que nous avons demandé et le témoin a répondu : « C'est exact; elle nous appartient toujours pour l'instant. »

Nous avons posé la même question plus tard, et M. Patel, un représentant du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, nous a répondu ce qui suit :

[...] nous appliquons les normes Milieu de travail 2.0...

— ce doit être une expression gouvernementale —

... ce qui permet de réaliser des économies de 20 p. 100. Comme vous le savez, la Maison Macdonald comprend des logements du personnel et une résidence officielle.

C'est la maison qui se trouve à Grosvenor Square.

Conformément à l'engagement pris dans le budget de 2012...

— le budget de l'année dernière —

... visant à réduire les dimensions de la résidence officielle, nous allons emménager dans une résidence plus petite. Ce déménagement permettra de dégager des économies aussi dans les budgets des immobilisations et de fonctionnement. Les dimensions des logements du personnel seront également réduites; les logements du personnel seront plus petits, et encore une fois, il en découlera des économies en immobilisations et en fonctionnement.

Nous avons ensuite demandé ceci :

À titre de précision, vous parlez de la réduction des dimensions de la résidence. S'agira-t-il d'un logement de location, ou bien est-ce qu'on prévoit l'achat d'une nouvelle résidence dans le cadre de cet ensemble de mesures?

Ce sera un troisième immeuble. Mme Renetta Siemens, une autre représentante, nous a répondu ce qui suit :

En vertu des politiques et des directives du Conseil du Trésor, et compte tenu des prix élevés de l'immobilier à Londres, on estime qu'il est préférable d'acheter à Londres plutôt que de louer. Par conséquent, nous présumons que nous achèterions une nouvelle résidence officielle. Encore une fois, cet achat serait financé par la vente de la Maison Macdonald.

(1540)

C'est l'information la plus récente que nous ayons à ce sujet. Il y a une légère différence avec ce que j'ai dit hier, honorables sénateurs, et c'est pour cela que je tenais à apporter cette précision.

Je comptais préciser un autre aspect concernant les programmes de publicité du gouvernement. Mon intervention était déjà terminée, alors je n'ai pas eu la possibilité de répondre à cette question. Les sénateurs devraient savoir que notre rapport parle des activités de publicité du gouvernement. Il ne s'agit pas du rapport dont nous sommes maintenant saisis, mais du rapport sur le Budget supplémentaire des dépenses (C). Les renseignements figurent aux pages 6 et 7.

Le gouvernement peut engager des dépenses publicitaires de deux façons. Premièrement, les ministères et organismes peuvent faire des dépenses de publicité dans le cadre du plan de publicité du gouvernement fédéral, un poste horizontal qui est présenté dans les budgets supplémentaires des dépenses. Deuxièmement, les ministères et organismes peuvent financer des dépenses de publicité à partir de leur propre budget de fonctionnement. Voici qui pourrait aider ceux qui s'intéressaient à la question. Les fonctionnaires du Conseil du Trésor ont ensuite suggéré au comité de consulter le Rapport annuel sur les activités de publicité du gouvernement du Canada, publié par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, pour obtenir plus de détails sur les dépenses fédérales en matière de publicité.

Le rapport révèle que les dépenses publicitaires du gouvernement fédéral ont atteint 86,9 millions de dollars en 2006-2007, et 84,1 millions de dollars en 2007-2008. Fait intéressant, elles se sont élevées à 136 millions de dollars en 2008-2009.

Le sénateur Mitchell : Combien cela représente-t-il pour chaque voix?

Le sénateur Day : Honorables sénateurs, j'ai calculé les dépenses mensuelles et annuelles du gouvernement du Canada. N'oubliez pas qu'il y a aussi des dépenses publicitaires engagées par les ministères, mais pour la période entre 2002-2003 et 2006-2007, c'est-à-dire quatre ans, le gouvernement a engagé des dépenses publicitaires de 271,6 millions de dollars. Pour la période entre 2006 et 2010-2011, les dépenses publicitaires du gouvernement se sont élevées à 470 millions de dollars.

Le sénateur Mitchell : Qu'essaient-ils de vendre?

Le sénateur Day : Honorables sénateurs, j'espère que cela contribue à clarifier ce point.

La dernière précision que j'aimerais apporter pour faire suite à la discussion d'hier concerne le fonds d'urgence que l'ACDI et Affaires étrangères souhaitaient créer. Ils demandaient 60 millions de dollars auxquels ils voulaient pouvoir accéder sans avoir à se soumettre aux contrôles habituels, ce qui devrait déclencher la sonnette d'alarme. L'Agence canadienne de développement international nous a dit souhaiter que cette somme passe à 100 millions de dollars. Nous sommes appelés à approuver annuellement ce poste de dépenses et, s'il est utilisé, à approuver les fonds dépensés et à le réapprovisionner pour le ramener à son niveau actuel de 60 millions de dollars. Je m'attendais à trouver cela dans le budget principal de cette année. Toutefois, j'ai parlé à l'ACDI après mon intervention d'hier ici et on m'a informé que le temps avait manqué pour rassembler tous les documents nécessaires, mais que nous pouvons nous attendre à voir cette proposition se concrétiser au cours de l'exercice financier, dans l'un des budgets supplémentaires des dépenses.

Honorables sénateurs, nous débattons actuellement du projet de loi C-58, à l'étape de la troisième lecture, qui est expliqué par le rapport sur le Budget supplémentaire des dépenses (C). Il prévoit l'octroi de 1 545 milliards de dollars afin de clore l'exercice financier en cours, qui est sur le point de se terminer. Certaines dépenses et activités du gouvernement devaient être couvertes, et c'est essentiellement ce dont il s'agit. Je félicite le comité de son rapport et de ses efforts en vue de vous livrer ces renseignements.

Son Honneur le Président suppléant : Poursuivons-nous le débat? Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté avec dissidence.)

Projet de loi de crédits no 1 pour 2013-2014

Troisième lecture

L'honorable Larry W. Smith propose que le projet de loi C-59, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2014, soit lu pour la troisième fois.

— Après la discussion que nous venons d'avoir, je n'ai rien d'autre à ajouter et je m'en remettrais à la présidence si, avec votre permission, le sénateur a des observations à formuler.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, le projet de loi C-59 porte sur l'octroi de crédits provisoires. Je l'ai mentionné lorsque nous parlions du rapport intérimaire. Le projet de loi demande au gouvernement — c'est-à-dire à l'exécutif, au Parlement qui décide de tous les crédits, à vous et à moi — d'approuver de façon provisoire les dépenses qui sont prévues pour le prochain exercice commençant le 1er avril et qui se chiffrent à 26 392 186 039,19 $.

Le projet de loi comporte deux annexes, soit les annexes 1 et 2, qui sont des addenda au budget des dépenses. Le comité a étudié le budget des dépenses ainsi que les annexes. Nous devions étudier ces documents et nous venons de vous présenter notre rapport. Les annexes renfermées dans le projet de loi que nous venons de recevoir sont identiques à celles qui se trouvent dans le budget des dépenses. Il n'y a aucune différence. Il est arrivé une fois que l'on trouve des différences — parce que nous faisons une vérification — ce qui est très important, étant donné que cela prouve que nous nous acquittons de nos responsabilités.

Hier, j'ai mentionné que la plupart de ces crédits provisoires portent sur une période de trois mois. Ils portent sur les trois douzièmes de l'exercice, soit jusqu'à la fin de juin; nous nous occuperons alors du budget principal. Cela dit, les annexes comportent plusieurs sous-ensembles. Je ne vais pas tous les passer en revue, mais j'ai jeté un coup d'œil à certains de ces sous- ensembles afin que vous sachiez ce qui se passe. Par exemple, l'annexe 1.2 porte sur une période de neuf mois. Certains ministères obtiennent plus de financement provisoire. Pourquoi en est-il ainsi? Probablement parce que leurs dépenses ne sont pas linéaires. Comme je l'ai mentionné hier, si les ministères ont des dépenses initiales plus élevées, ils obtiennent plus de financement provisoire.

Jetons un coup d'œil à l'annexe 1.1, dans laquelle un montant initial élevé est demandé. Il s'agit de Ressources naturelles Canada et du Conseil du Trésor. Le Conseil du Trésor demande des fonds immédiatement pour un projet en particulier. C'est son crédit 5 pour éventualités.

(1550)

Voilà une autre de ces réserves d'argent qu'on peut utiliser sans les vérifications normales, et il nous faut garder un œil là-dessus. Il y en a deux dont nous avons parlé aujourd'hui. Au Comité des finances, nous sommes très conscients de la nécessité de surveiller de près ces fonds dont l'utilisation n'est pas soumise au processus normal.

De ce crédit 5 pour éventualités, nous accordons les onze douzièmes dès le départ. Ce n'est là qu'un exemple, car je n'ai pas l'intention d'analyser chaque cas.

Il y a également une annexe 2, honorables sénateurs. Comme je l'ai signalé à l'occasion de budgets antérieurs, cette annexe comprend les postes qui sont approuvés pour deux ans. Pour tous les ministères autres que ceux qui figurent à l'annexe 2, l'approbation est donnée pour un an. On trouve à l'annexe 2 l'Agence du revenu du Canada, Environnement Canada, Parcs Canada et Sécurité publique et Protection civile. Ces ministères obtiennent une approbation des crédits pour deux ans. Il arrive parfois que nous les voyions dépenser de l'argent l'année suivante sans nous souvenir d'avoir donné l'approbation. Nous l'avons fait, mais un an et demi plus tôt. C'est un cas plus délicat, et il importe d'en être conscient. Jusqu'à maintenant, seuls ces ministères ont reçu l'autorisation du gouvernement, et donc la nôtre, puisque nous approuvons ces crédits qui s'étalent sur deux ans. La plupart des autres ministères peuvent faire des reports, mais ils doivent nous consulter, reporter les crédits et demander les fonds de nouveau.

C'est là notre travail : approuver l'affectation des fonds et veiller ensuite à ce qu'ils soient dépensés de la manière proposée. Si un ministère veut retirer de l'argent du crédit 1 pour le fonctionnement et le verser dans le crédit 5 pour les immobilisations, il doit s'adresser au Parlement, à nous, à l'occasion d'un budget supplémentaire des dépenses. Nous étudions la question au comité et nous posons des questions : pourquoi faites-vous cela? Comment se fait-il que vous aviez de l'argent qui restait dans un crédit et que vous puissiez le virer dans un autre? Voilà le genre de questions que nous posons pour accomplir le travail que les sénateurs sont appelés à faire dans cette Chambre de second examen objectif.

Merci, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président suppléant : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté avec dissidence.)

La Loi sur la corruption d'agents publics étrangers

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'honorable Janis G. Johnson propose que le projet de loi S-14, Loi modifiant la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole pour lancer le débat sur le projet de loi S-14, qui vise à lutter sur la corruption à l'étranger. Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a eu la possibilité d'étudier le contenu et le contexte des modifications proposées à la loi existante. Un solide consensus global s'est dégagé parmi les membres des deux côtés pour dire que non seulement ces modifications sont nécessaires, mais aussi qu'elles n'ont que beaucoup trop tardé.

Des intervenants de l'extérieur ont exprimé des préoccupations au sujet de deux modifications, et les fonctionnaires de la Direction du droit criminel, de la sécurité et de la diplomatie du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ont répondu comme il se doit. Le gouvernement est conscient des réalités qui existent sur le terrain dans les pays moins développés, et il n'édicterait pas des modifications susceptibles d'exposer à des poursuites pénales des Canadiens qui sont placés par des agents étrangers corrompus dans une situation où leur vie est menacée. Au contraire, le projet de loi vise à resserrer les lois existantes et à éliminer les échappatoires, de façon à empêcher que des Canadiens ou des entreprises canadiennes ne se livrent à des actes qui constituent carrément des actes de corruption afin de conclure des ententes commerciales.

Honorables sénateurs, le Canada a longtemps joué un rôle de premier plan sur la scène internationale dans la lutte contre la corruption. Nos lois contre la corruption sont un rappel que la corruption n'est pas une méthode employée par les Canadiens pour faire des affaires. Le projet de loi S-14 témoigne de l'engagement du gouvernement à demeurer vigilant. Il montre son engagement à redoubler d'efforts dans la lutte contre la corruption, et il lance un message : nous nous attendons à ce que les autres pays fassent la même chose.

Honorables sénateurs, je suis fière de dire que le gouvernement reste déterminé à combattre la corruption à l'étranger, et le projet de loi S-14 répond, croyons-nous, aux vœux des Canadiens, des entreprises et des intervenants canadiens.

En janvier 2012, plus de 30 spécialistes venant d'entreprises, de cabinets d'avocats, d'établissements universitaires et d'organisations non gouvernementales du Canada ont participé à des consultations que le gouvernement a organisées à Ottawa au sujet de la corruption et des pots-de-vin versés à l'étranger. Ce fut l'occasion de mener des discussions poussées sur les mesures concrètes à prendre pour améliorer l'application de la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers, et aussi d'encourager les entreprises canadiennes à prévenir le versement de pots-de-vin et à déceler cette pratique. Réaction directe aux opinions des intervenants, les six modifications proposées feront en sorte que les entreprises canadiennes continuent d'agir de bonne foi dans leur recherche de marchés plus libres et d'un commerce mondial plus considérable.

Le Canada est un pays commerçant, honorables sénateurs. Son économie et sa prospérité future dépendent de liens commerciaux plus importants avec le reste du monde. Alors que nous continuons à élargir nos relations commerciales dans le monde entier, il est essentiel que notre pays préserve son intégrité face à tous ses partenaires étrangers. Le Canada est déterminé à poursuivre ses efforts de lutte contre la corruption à l'étranger et à appuyer un cadre permettant une vigilance constante afin de garantir les emplois, la croissance et la prospérité économique auxquels les Canadiens ont droit. Le gouvernement est déterminé à faire tous les efforts nécessaires pour combattre la corruption à l'étranger. Le projet de loi va précisément dans ce sens.

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, je pourrais faire une longue intervention, mais je m'abstiendrai. De ce côté-ci, nous appuyons le projet de loi. En 1998, le gouvernement libéral a ratifié la Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, et le projet de loi à l'étude permettra de mieux appliquer cette convention.

Nous appuyons cette mesure législative et, si les sénateurs veulent savoir pourquoi, ils peuvent lire le discours que j'ai prononcé à l'étape de la deuxième lecture dans le hansard du 27 février. Afin d'accélérer l'adoption du projet de loi et d'aider à faire avancer les choses ici, je ne vais pas prendre la parole mais me contenter de dire que nous appuyons le projet de loi.

Ce serait bien si, dans un esprit de collaboration, les ministériels adoptaient la même attitude relativement aux rapports de comités permanents qui ont été approuvés à l'unanimité, au lieu de retarder le processus.

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je félicite la sénatrice Johnson et le sénateur David Smith de leurs observations sur le projet de loi. Il a fallu un certain temps avant que cette mesure nous parvienne avec les amendements proposés, et je pense que nos deux collègues ont fait beaucoup pour faciliter son adoption au Sénat.

Je tiens à signaler qu'il y a eu un malentendu au comité lorsque les représentants du ministère des Affaires étrangères qui sont venus témoigner ont répondu à certaines questions du sénateur Downe. Ils ont dit qu'ils n'avaient pas encore les réponses lorsque le moment est venu de tenir le vote. Toutefois, ils ont pu, par la suite, répondre aux préoccupations du sénateur Downe. En conséquence, ce que j'avais dit que je mentionnerais ici n'a plus sa raison d'être.

La question avait trait à une suggestion portant que les membres de l'OCDE envisagent d'exiger des autorités fiscales qu'elles identifient et divulguent les cas de corruption aux organismes d'application de la loi.

(1600)

Cette recommandation a été portée à notre attention dans une lettre envoyée par un citoyen canadien qui a une bonne compréhension de ces questions. Celui-ci était préoccupé par le fait que le projet de loi S-14 ne renferme aucune disposition semblable. Malheureusement, cette personne n'a pu venir témoigner devant le comité.

Nous avons quand même décidé de nous pencher sur cette question. Nous avons appris qu'il s'agissait simplement d'une recommandation générale de l'OCDE, et non d'une obligation en vertu de la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales. Par conséquent, la recommandation déborde le cadre du projet de loi S-14.

Nous avons appris que le ministère des Finances essaie de voir comment il pourrait contribuer à la lutte contre la corruption. Cela dit, la mise en œuvre de la recommandation de l'OCDE ou d'une variante de celle-ci nécessiterait des changements en profondeur à la Loi de l'impôt sur le revenu. On nous a aussi dit qu'il faudrait que la recommandation fasse l'objet d'une mesure législative distincte si l'étude — et les négociations qui en découleraient — étaient menées à terme.

Honorables sénateurs, je veux simplement mentionner que l'autre point avait trait à la facilitation des paiements et à la question de savoir si d'autres discussions et négociations devraient avoir lieu. Je pense que le comité a été satisfait d'apprendre que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international va continuer à travailler avec les entreprises canadiennes pour s'assurer qu'elles comprennent bien le sens du mot « exécution », et que la mise en œuvre et l'adoption de la mesure législative ne se feront qu'après de telles consultations.

Encore une fois, je suis heureuse que ce projet de loi aille de l'avant, et je remercie tous les membres du comité de leur appui, de leur compréhension et de leur engagement dans la lutte contre la corruption.

Son Honneur le Président suppléant : Y a-t-il d'autres interventions?

Le sénateur Carignan : Le vote!

Son Honneur le Président suppléant : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Projet de loi d'assentiment aux modifications apportées à la loi concernant la succession au trône

Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur LeBreton, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Carignan, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-53, Loi d'assentiment aux modifications apportées à la loi concernant la succession au trône.

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, je suis heureux d'avoir l'occasion de partager avec vous mes conclusions à la fin de ce débat sur le projet de loi C-53.

Je voudrais soulever trois points. Le premier porte sur le contexte dans lequel s'inscrivent les changements proposés dans le projet de loi C-53. Le premier changement vise à garantir que l'ordre de succession est déterminé indépendamment du sexe des héritiers. Le deuxième changement vise à permettre le mariage à un catholique. Finalement, le troisième changement vise à restreindre à la sixième branche le pouvoir de la reine ou du roi de donner son consentement aux mariages.

Le deuxième point que je veux soulever porte essentiellement sur le travail du comité. J'aimerais parler de la manière dont le gouvernement s'y est pris pour présenter le projet de loi C-53 et des conséquences que son choix pourrait avoir, parce qu'il a établi un précédent. Nous devons comprendre que ce sont les précédents qui font évoluer le droit constitutionnel. Ce que nous faisons aujourd'hui pourrait entraîner des modifications supplémentaires à la loi concernant la succession au trône.

Comme je l'ai dit dans mes observations préliminaires, on peut s'attendre à ce qu'il y ait des changements un jour. Je ne peux évidemment pas prévoir dans combien d'années.

Je tiens enfin à répondre à deux questions que la sénatrice Fraser a posées hier au sujet du projet de loi. La première portait sur le fait que le premier ministre a envoyé une lettre à Westminster au lieu d'un décret, comme en 1936-1937. La seconde question portait sur le libellé du projet de loi, qui, parce qu'il demande au Parlement d'approuver un projet de loi déposé à Westminster, soulève la question des amendements que pourrait présenter la Chambre des communes de Westminster, car ces amendements changeraient de facto la lettre de la mesure législative dont nous sommes saisis.

Je reviens à mes premières observations, qui portaient sur le contexte historique dans lequel s'inscrivent ces changements. Les sénateurs savent que les lois qui sont en vigueur depuis 1689 ou 1700 ne se changent pas rapidement. Elles ne changent pas comme par miracle. On ne peut pas s'attendre, à l'heure actuelle, à ce que d'importants changements soient faits au moment même où on les propose au Parlement, surtout dans le cadre de la monarchie constitutionnelle, le régime dans lequel nous vivons.

J'ai été étonné d'apprendre en lisant les délibérations de Westminster que les changements dont j'ai parlé proviennent d'un rapport publié en 2003 par la Société fabienne, un groupe socialiste qui a été fondé à la fin du XIXe siècle par des gens comme Virginia Woolf, Oscar Wilde, Bertrand Russell et George Bernard Shaw, qui ont marqué leur époque et la nôtre et qui sont, bien sûr, des figures emblématiques de la culture britannique que tout un chacun aime citer dans un discours, autour d'un repas ou dans un texte, parce que les fondateurs de cette société étaient fermement convaincus que les changements ne devaient pas découler d'une révolution, mais se faire progressivement. Ces gens s'emploient donc, depuis une centaine d'années, à proposer des changements à apporter à la société britannique.

Ce qui est étonnant, c'est que la Société fabienne a publié, en 2003, un livre intitulé The Future of the Monarchy, et que toutes les modifications qu'on nous demande aujourd'hui d'approuver sont, en fait, tirées de ce livre. Ce n'est pas étrange, mais lorsqu'une idée est exprimée pour la première fois, elle semble trop marginale ou originale pour être vraiment prise au sérieux. Or, après un certain temps, les gens assimilent ces idées, puis les adoptent. Je pense que c'est le cas du livre publié en 2003 par la Société fabienne. Le gouvernement de Tony Blair, un gouvernement travailliste, l'a adopté. Puis, il a été adopté par le gouvernement de David Cameron, un gouvernement minoritaire, ainsi que par les libéraux- démocrates. Ces idées font aujourd'hui l'objet d'un consensus dans la société britannique, alors qu'il y a dix ans elles paraissaient plutôt radicales. J'ai vérifié auprès de la BBC ce qu'il en était, en 2003, quand le livre a été publié. Voici le titre de l'article publié en manchette en juillet 2003 :

Proposition d'apporter des changements radicaux à la monarchie

[...] Ces propositions s'inscrivent dans une série de changements en profondeur recommandés par la Société fabienne. Le groupe de réflexion de gauche est cependant loin d'avoir proposé l'abolition de la famille royale.

L'auteur de l'article ajoute ceci :

Après avoir analysé l'avenir de la monarchie pendant une année, on propose d'abolir l'interdiction, vieille de plusieurs siècles, d'épouser une personne de confession catholique.

Puis :

[...] il conviendrait d'abolir le principe selon lequel les fils des monarques ont préséance sur les filles dans l'ordre de succession au trône.

Autrement dit, madame le leader du gouvernement vante aujourd'hui les mérites des idéaux qui paraissaient radicaux il y a 10 ans, et dit qu'ils permettent de moderniser l'« institution ».

Personnellement, je ne qualifierais pas ces changements de modernisation. Je pense qu'ils dépassent le cadre de la modernisation et s'attaquent aux fondements de la monarchie constitutionnelle. C'est pour cette raison que je pense qu'il était sage que la Chambre haute essaie d'examiner les travaux de son comité pour s'occuper de ces questions.

(1610)

Bien entendu, il y a des enjeux que le comité n'a pas abordés. Je ne dirais pas que je le déplore, mais je voudrais les exposer ici parce qu'à l'avenir — je ne saurais pas dire quand — je suis sûr que nous- mêmes ou nos successeurs au Sénat aurons à nous en occuper. Ces enjeux sont liés au statut du roi ou de la reine comme chef de l'Église anglicane.

Le rapport Fabian recommandait certains changements qui ne faisaient pas partie du projet de loi 123 déposé à Westminster, auquel nous avons donné notre assentiment, mais je crois que les changements proposés feront un jour l'objet de discussions dans le public et au Parlement. Je pense que le rapport Fabian explique pourquoi. Beaucoup de gens estiment que tout ce qui entoure l'Église anglicane n'est plus aussi important pour la société britannique qu'il l'a déjà été. On peut le déplorer, mais il faut reconnaître le fait.

Bien que cela ne fasse pas partie de ce projet de loi, l'article 2 proposé rouvre cette question secondaire en permettant à un futur prétendant au trône d'épouser une personne appartenant à la foi catholique romaine. Si on avait dit une telle chose du temps d'Henri VIII ou de la reine Elizabeth Ire, je crois qu'on aurait eu la tête coupée à la Tour de Londres. Cela est lié au fondement même de la monarchie, qui a des rapports tellement étroits avec l'Église anglicane.

Je dis cela avec le plus grand respect pour l'Église anglicane à cause de l'importance et de l'influence qu'elle a eues, non seulement en Angleterre, mais aussi au Canada et, en général, dans les pays du Commonwealth. Les changements qui, à l'époque, auraient semblé particulièrement radicaux, paraissent normaux aujourd'hui et sont même souhaités par la majorité de la population.

Je voudrais évoquer un autre fait. Quand le projet de loi 123 a été déposé aux Communes britanniques en janvier, la définition du mariage a changé en Grande-Bretagne.

Les honorables sénateurs ne se souviennent peut-être pas que, le 5 février, Westminster a modifié la définition du mariage. Nous donnons notre assentiment à une définition du mariage qui, au cours des débats qui ont eu lieu aux Communes et à la Chambre des lords de Westminster, a été élargie pour reconnaître le mariage entre des personnes du même sexe et pour permettre aux couples homosexuels ainsi mariés d'adopter des enfants.

Je ne veux pas trop m'étendre là-dessus parce que les honorables sénateurs diront que je suis ridicule, mais on peut s'attendre, une fois que l'article 2 proposé aura été adopté, à ce qu'un prétendant au trône soit couvert par cette nouvelle définition du mariage.

Je ne sais pas si la plupart des honorables sénateurs ont vu le fameux film de Spielberg sur Lincoln. Vous souvenez-vous du débat sur l'abolition de l'esclavage? L'un des secrétaire d'État avait dit : « Si nous abolissons l'esclavage, un jour les esclaves voudront voter. » Je ne sais pas si les honorables sénateurs se souviennent de ce passage. J'étais assis dans mon siège en train d'écouter, et je pensais : « Et que dirait-il s'il apprenait qu'un jour un Noir serait élu président des États-Unis? »

Avec le temps et l'évolution de la société, des choses qui paraissaient impensables deviennent la norme. Pourquoi? Parce qu'une société civilisée évolue toujours vers les plus hauts niveaux de liberté et de dignité. Cela est au cœur même de ce que nous appelons la civilisation.

Toute société semblable à la société britannique — qui, au XIXe siècle, était à l'avant-garde des institutions politiques en ce qui concerne la notion des droits de la personne — est ouverte à ce genre d'évolution et de redéfinition de la nature de la liberté et de la dignité humaine. Nous pouvons nous attendre à voir un jour des changements que nous ne pouvons pas prévoir ni même envisager aujourd'hui parce qu'on nous croirait fous. Toutefois, c'est une partie de la réalité que renferme ce projet de loi.

Comme je viens de le dire, honorables sénateurs, il y a eu un grand changement entre le moment où ce projet de loi a été présenté et maintenant, et ce changement, c'est-à-dire la redéfinition du mariage, touche au cœur même du projet de loi. Je répète que nous n'avons pas abordé cette question au comité. Il aurait été intéressant de le faire parce que nous donnons aujourd'hui notre assentiment à cette évolution. C'est un élément important que nous devons garder à l'esprit et évoquer en public parce que nous pourrions être appelés un jour à consentir à d'autres changements qui paraîtraient aujourd'hui impensables et inconcevables pour un esprit sain.

Le comité a eu l'avantage d'examiner le processus. Nous avons entendu M. Andrew Heard, professeur à l'Université Simon Fraser.

[Français]

Nous avons entendu le professeur Benoît Pelletier, ancien ministre des Affaires gouvernementales du Québec. Il est l'un des experts sur l'interprétation de l'article 44 de la Constitution canadienne, article qui se situe au cœur de la référence que le gouvernement du jour a adressée à la Cour suprême du Canada. Le professeur Pelletier était tout à fait apte à répondre à la question de savoir si les changements que le gouvernement propose devraient recevoir l'appui des provinces.

Je m'adresse en particulier à l'honorable sénateur Rivest, un vétéran des débats constitutionnels, autant au début des années 1980 qu'à l'époque de l'Accord du Lac Meech et de l'accord de Charlottetown. Nous avons posé clairement la question suivante au professeur Pelletier : est-ce que ce projet de loi devrait normalement recevoir l'appui des provinces?

J'aimerais pouvoir lire les propos du sénateur Rivest. C'est pourquoi je demande que le compte rendu officiel des débats d'aujourd'hui reflète bien sa réponse parce que, à l'avenir, il pourrait être important de savoir comment les choses se sont déroulées et comment nous avons procédé à l'étude du projet de loi C-43.

Lors de sa comparution le 20 mars dernier, j'ai posé la question au professeur Pelletier de la façon suivante :

Le sénateur Joyal : Monsieur Pelletier, je me permets de revenir sur la question de l'application de l'article 41. Le professeur Patrick Taillon, qui enseigne à la faculté de droit de l'Université de Laval, a publié un article le 3 février dernier sur le projet de loi sur la succession. Dans son article, il soutient que le projet de loi en question, et je cite :

[...] touche directement à la charge de la reine qui est constitutionnellement protégée par la Constitution de 1982.

Toute sa théorie, son interprétation dans le long article qu'il publie est fondée sur le fait que l'article 31 prévoit que toute modification à la charge de la reine doit être soumise évidemment à la formule de l'unanimité. Il concluait son article en disant que par conséquent, les provinces devraient chacune exprimer leur consentement aux modifications contenues au projet de loi C-53.

Je répète que M. Pelletier a été ministre des Affaires gouvernementales sous le gouvernement du premier ministre Jean Charest. Sa réponse fut la suivante. Je cite :

(1620)

Effectivement, en tout respect pour M. Taillon qui est un grand juriste, je vous dirai que je ne suis pas du tout de son avis.

L'article 41 parle de la charge, the office. À mon avis, cela renvoie au pouvoir, au statut, au rôle constitutionnel du monarque, mais pas à la question de savoir qui peut succéder à la reine.

[...]

Des juristes sérieux et crédibles le prétendent. Je suis convaincu que si la question devait être posée à la Cour suprême du Canada, à savoir si les provinces ont le droit de veto sur la question en cause ici, je crois que la réponse serait non [...]

[Traduction]

C'est très clair. Je partage l'opinion de M. Pelletier, et je crois que les sénateurs qui prenaient place à la table du comité sont du même avis. Nous avons posé la même question à M. Heard, professeur à l'Université Simon Fraser, et il était d'accord. Je renvoie les sénateurs au compte rendu de la séance du comité.

Il est très clair que cette modification ou une modification des titres royaux ou des règles de succession ne nécessitent pas le consentement des provinces. Je tiens à ce que ce soit clair. Selon mon opinion, que je vous soumets humblement, ces modifications sont fondamentales et nous pourrions être appelés de nouveau à donner notre assentiment à d'autres modifications.

Cela dit, le comité s'est également penché sur la légitimité du processus suivi. M. Pelletier a soulevé une autre question, qui nous a aussi été soumise par le deuxième groupe de témoins que nous avons entendus. Le représentant du Canadian Royal Heritage Trust a soutenu que, si nous voulions consentir aux modifications apportées aux règles de succession et aux titres royaux, nous devrions adopter le même texte que celui qui est actuellement à l'étude à Westminster. Autrement dit, nous devrions adopter un texte en tous points identique.

Voilà la thèse de ce groupe. Il prétend que la loi de succession fait partie de la Constitution canadienne, même si l'annexe ajoutée à la Loi constitutionnelle de 1982 ne mentionne aucune de ces lois, et même si la Cour suprême, dans un grand nombre de ses décisions, a reconnu que notre Constitution est définie selon les mêmes principes que celle du Royaume-Uni, mais pas essentiellement selon le texte même qui a défini la Constitution de la Grande-Bretagne ou du Royaume-Uni.

Cette affirmation nous a été présentée et je pense que le témoignage de M. Pelletier y répond bien. Le Statut de Westminster est clair et il fait partie de notre Constitution. Que dit ce statut? Une chose toute simple, à savoir que les parlements du Dominion doivent donner leur accord. Nous devons donner notre assentiment. Le statut ne dit pas que nous devons adopter la même mesure législative. Il dit que nous devons donner notre accord.

Comment faisons-nous cela? Nous le faisons en deux étapes. Premièrement, nous convenons de discuter des changements avec Londres et les autres royaumes du Commonwealth. Cette première étape consiste à participer aux discussions sur les changements qui seront apportés. C'est un peu comme recevoir un avis de réunion pour définir les changements qui pourraient être apportés à une institution. Le fait de participer à la discussion sur les changements équivaut dans une certaine mesure à donner son approbation. Une fois que les changements ont fait l'objet d'une discussion et d'un consensus, on en arrive à la deuxième étape.

La sénatrice Tardif : À l'ordre.

Le sénateur Cowan : À l'ordre.

Le sénateur Joyal : Je suis désolé, Votre Honneur et honorables sénateurs. Comme c'est le cas à l'autre endroit, certains ne s'intéressent pas à cette question. Cela dit, nous, de ce côté-ci, manifestons un intérêt plus grand pour ce dossier.

La sénatrice LeBreton : Non. Cela n'a rien à voir avec vous.

Le sénateur Joyal : Je suis heureux de voir que la leader du gouvernement au Sénat est venue participer à ce débat à l'étape de la troisième lecture et je l'en remercie.

La seconde étape du processus de participation consiste essentiellement à donner son accord officiel, soit à dire « oui » aux changements afin de les approuver. Autrement dit, on signe le document si on est d'accord. Lorsque le gouverneur général donnera la sanction royale à ces changements, il exprimera officiellement, en notre nom, notre consentement. À mon avis, il est très important de respecter cette façon de faire. Pourquoi? Parce que nous sommes sur le même pied que le Royaume-Uni pour ce qui est de définir les changements apportés à la Couronne. Nous avons en quelque sorte un droit de veto — si je puis m'exprimer dans des termes chers au gouvernement du Québec...

[Français]

... et dans les mots que mon collègue, le sénateur Rivest, aime bien utiliser.

[Traduction]

En fait, si nous disons « non » au principe de ces modifications, Sa Majesté a dit assez clairement qu'elle ne donnera pas sa sanction aux modifications. Autrement dit, nous sommes intimement liés au Royaume-Uni et aux 15 autres royaumes pour ce qui est d'exprimer notre assentiment à la définition des modifications et de consentir à ces modifications. À mon avis, c'est là un élément très important, et c'est normal, puisque nous sommes un pays souverain, non comme à l'époque coloniale, mais comme un pays de plein droit depuis 1982. Nous sommes le maître à l'égard de tout ce qui peut arriver à notre chef d'État. J'estime que c'est la bonne formule, que c'est le processus à suivre. Dans ce contexte, ce que nous faisons correspond à la pleine expression de la souveraineté du Canada.

Enfin, je voudrais aborder deux points soulevés hier par l'honorable sénatrice Fraser. Elle a d'abord signalé que le premier ministre Harper avait fait savoir, dans une lettre adressée à Westminster, que nous acceptions la modification. Bien sûr, il est important qu'il fasse savoir, au nom du gouvernement, qu'un projet de loi sera présenté. Toutefois, aux termes du Statut de Westminster, cela ne suffirait pas pour apporter les modifications, car, comme je vous l'ai dit, il faut que le Parlement donne son approbation. Voilà ce que dit le Statut de Westminster, qui a été repris dans la Constitution. Le premier ministre ne peut pas se substituer au Parlement. Cela me semble très clair.

Le point que la sénatrice Fraser a soulevé est le suivant : le premier ministre aurait-il dû plutôt proposer un décret? À mon humble avis, non. Selon moi, c'est le Parlement qui exprime la volonté souveraine du peuple. Je comprends que, en 1936, il était assez urgent d'avoir une expression de crédibilité, un assentiment au nouveau monarque, puisque le Royaume-Uni, tout comme le Canada, se retrouvait sans monarque parce que le roi avait abdiqué. Il fallait consentir aux modifications. Pour éviter que le trône soit inoccupé, il fallait un document juridique officiel liant le gouvernement du Canada ou exprimant son opinion, d'où le décret du conseil.

Toutefois, nous ne sommes pas dans cette situation à l'heure actuelle. Le Parlement siège et il peut discuter de ces questions et exprimer sa volonté souveraine. Je pense que l'approche adoptée par le premier ministre est celle qui convient dans les circonstances. Ce serait complètement différent si nous avions prorogé et que nous nous trouvions dans une situation semblable à celle qui prévalait en 1936. Je fais humblement valoir que l'approche retenue par le premier ministre, qui consiste à envoyer une lettre au nom du gouvernement, est celle qui convient.

Le deuxième point soulevé par la sénatrice Fraser est un peu plus technique mais il est néanmoins important, à savoir que le projet de loi C-53 dit que nous approuvons la mesure législative présentée à Westminster. Autrement dit, le projet de loi se réduit essentiellement à un titre. Le projet de loi C-53 ne reproduit pas tous les articles du projet de loi de Westminster, uniquement le titre.

(1630)

Quel est le titre d'un projet de loi qui n'a pas été adopté? Quel est l'effet juridique d'un projet de loi qui n'a pas été adopté? Il pourrait être très intéressant de poser cette question à l'examen du barreau. Je vais donner la réponse aux sénateurs. Il s'agit essentiellement d'une intention législative. Le projet de loi n'est pas contraignant. Il n'a pas encore été adopté. C'est une intention législative.

[Français]

C'est une intention législative. C'est ce que l'on propose de faire.

[Traduction]

Quelles modifications ont été apportées à Westminster? C'était la troisième question de la sénatrice Fraser. Elle a soutenu qu'à Westminster, pendant un débat à la Chambre des communes, les députés avaient proposé un amendement. Elle a dit qu'ils avaient modifié le projet de loi. Ils n'ont pas modifié le projet de loi, car celui-ci n'a pas encore été adopté. Ils ont modifié l'intention législative. Tant et aussi longtemps qu'il s'agit d'une intention législative, on peut y apporter des précisions. En fait, si on lit les amendements apportés au projet de loi, on se rend compte qu'ils portent sur le consentement que le roi ou la reine devrait accorder au mariage des six personnes qui figurent dans l'ordre de succession au trône. Ces amendements disent que si une personne ne respecte pas la volonté de la reine, cette personne et ses descendants ne sont plus admissibles au trône.

Permettez-moi d'expliquer cette situation en termes simples. Si la reine ne consent pas au mariage de l'une des six personnes qui figurent dans l'ordre de succession au trône, les descendants de cette personne ne peuvent pas prétendre figurer dans l'ordre de succession. Cependant, cette personne pourrait se remarier avec une personne à laquelle la reine a accordé son consentement. Nous savons que cette situation se produit de nos jours. Je ne sais pas si les sénateurs ont des personnes qui ont divorcé dans leur famille immédiate ou élargie. Dans ma province, le Québec, la moitié des couples sont divorcés, remariés ou vivent au sein d'une union ou d'une autre. Les membres de la famille royale, comme tout autre être humain, pourraient se retrouver dans la même situation.

Le projet de loi précise l'intention initiale, qui a été approuvée par les dirigeants des 16 pays du Commonwealth. On voulait veiller à ce que, dans le cas où une personne se marie sans le consentement de la reine, les mariages subséquents de cette personne ne soient pas tous exclus par la reine. L'intention initiale n'a pas été modifiée.

Lorsqu'on parle d'approuver une intention législative, il est question, en fait, d'accorder son consentement ou son assentiment — comme le dit le projet de loi — à l'intention initiale du législateur, qui n'est pas modifiée par cette précision.

Je tiens à signaler que la sénatrice Fraser a soulevé une question très utile. Si, à l'avenir, nous sommes appelés à discuter d'autres changements, nous suivrons la même approche et le même processus que Westminster. Je pense qu'il serait juste, pour dissiper tout doute et afin d'éviter tout malentendu, que le royaume, c'est-à-dire les pays sur lesquels la reine règne, soit informé par la Chambre de communes ou la Chambre des lords quand une légère modification est apportée pour préciser l'intention initiale sans la changer. Cela aurait justement évité que surgisse la question soulevée par la sénatrice Fraser. Ce serait aussi une simple question de courtoisie car nous partageons cette institution et nous souhaitons procéder de la façon décrite par la sénatrice Fraser et madame le leader du gouvernement au Sénat. Il est très important qu'il n'y ait aucun doute sur le fonctionnement et sur l'évolution du processus.

Dans ce contexte, j'appuie aujourd'hui le projet de loi sans hésiter parce que, comme la leader du gouvernement l'a mentionné hier, la Chambre des lords a discuté des amendements à l'étape de l'étude en comité. Ces amendements ont été laissés de côté et n'ont pas été adoptés. Contrairement à nous, la Chambre des lords a une règle en vertu de laquelle, et je cite :

Une question ayant fait l'objet d'un débat approfondi et d'un vote, ou qui a été rejetée à une étape précédente de l'étude d'un projet de loi ne peut être réexaminée dans le cadre d'un amendement à l'étape de la troisième lecture.

Autrement dit, un amendement qui a été rejeté à l'étape de l'étude en comité ne peut être présenté de nouveau à l'étape de la troisième lecture. Nous pouvons le faire, comme les sénateurs le savent. Nous le faisons régulièrement dans le cadre de nos propres travaux.

Les règles à la Chambre des lords sont beaucoup plus strictes. Les amendements à l'étape de la troisième lecture ne peuvent servir qu'à :

[...] préciser toute incertitude restante, améliorer le libellé et permettre au gouvernement de tenir des promesses faites aux étapes précédentes du projet de loi.

Il est très clair qu'on ne peut modifier la teneur de l'objectif initial à l'étape de la troisième lecture à la Chambre des lords, même si celle-ci ne doit se prononcer que le 22 avril. Je ne crois pas que la teneur de l'intention d'origine, à laquelle nous devons donner notre assentiment, risque d'être modifiée de façon substantielle. Si c'est le cas, comme je l'ai indiqué plus tôt, la Chambre des lords remettrait ainsi en question le premier assentiment, qui a été donné à l'occasion de la Réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth qui s'est déroulée à Perth, en Australie, en 2011. Tous les gouvernements, y compris celui du premier ministre Harper, avaient donné leur assentiment au principe de ces modifications.

Je n'hésite pas un instant à dire que nous pouvons voter aujourd'hui sans courir le risque que le projet de loi soit modifié d'ici à son adoption et à la sanction royale, que sa majesté n'accordera que lorsque tout le reste de son royaume aura donné son assentiment à ces modifications. Autrement dit, sa majesté est parfaitement au courant du principe que j'ai énoncé plus tôt, selon lequel elle ne donnera suite à ce projet de loi dont le Parlement de Westminster est saisi que si tout le monde y consent.

Je vous remercie, sénateurs. Je crois qu'il est important que nous comprenions tout cela. Encore une fois, je déplore que, à l'autre endroit, on n'ait pas consacré ne serait-ce que deux minutes à cette mesure. C'est malheureux, car le ministre de la Justice a fait un excellent exposé au comité. Je suis persuadé que les députés de l'autre endroit, tous partis confondus, auraient eu avantage à en apprendre un peu plus sur les rouages de notre institution et sur nos responsabilités relativement à son bon fonctionnement, pour le bénéfice de tous les Canadiens.

[Français]

Son Honneur le Président suppléant : L'honorable sénateur Joyal accepte-t-il de répondre à des questions?

Le sénateur Joyal : Oui, s'il me reste du temps.

L'honorable Jean-Claude Rivest : Honorables sénateurs, j'aimerais d'abord féliciter l'honorable sénateur Joyal de son excellent exposé. J'aimerais aborder une question qui a été soulevée au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles en ce qui a trait à la discrimination. Nous ne penserions jamais à invoquer un critère religieux pour occuper une charge publique au Canada, car ce serait contraire à la Charte canadienne des droits et libertés dans la mesure où la reine est le chef d'État au Canada et que nous avons des exigences religieuses qui sont maintenues.

En adoptant ce projet de loi, est-ce que l'on ne se trouve pas à « cautionner » une forme de discrimination au sens de la Charte canadienne des droits et libertés?

Le sénateur Joyal : La question de l'honorable sénateur Rivest est excellente parce qu'elle a déjà fait l'objet d'une décision de la Cour suprême de l'Ontario dans une affaire mettant en cause un citoyen du nom de Donahue, d'où le fait évidemment que l'on fait référence à cette cause comme étant l'arrêt Donahue. Le savant juge dans cette cause devait précisément décider si la loi de succession ne violait pas les dispositions d'égalité de la Charte.

Cette cause soulève un principe bien connu dans le droit constitutionnel, soit qu'une partie de la Constitution ne peut pas nier une autre partie de la Constitution. En d'autres mots, si dans la Constitution il y a déjà une disposition préalable qui peut en principe être vue comme une violation de la Charte, nous savions déjà, lorsque la Charte a été adoptée en 1982, que cette disposition de la Constitution était en vigueur.

(1640)

Plus particulièrement dans le cas de la Loi de succession, les dispositions relatives à l'exclusion de toute approche de la religion catholique étaient fermement incluses dans la Loi de succession. Il suffisait pour un membre de la famille royale d'assister à une messe pour être automatiquement exclu de la ligne de succession, à telle enseigne que l'histoire le montre : Sa Majesté la reine Elisabeth II est allée dans des églises catholiques puisqu'elle a des sujets catholiques, mais elle n'a jamais assisté à une messe. Elle a cependant assisté à des Vêspres, qui ne sont pas une forme d'expression religieuse liée aux croyances fondamentales de la religion catholique. Je crois que la reine a fait la chose qu'elle devait faire dans les circonstances. Par conséquent, pour être plus précis sur votre question, lorsque la Charte a été adoptée, on savait qu'il y avait déjà des dispositions dans la Constitution qui étaient reconnues en particulier dans le préambule, qui dit clairement que nous avons une Constitution similaire en principe à celle du Royaume-Uni, et que, par conséquent, la Charte ne peut pas être invoquée pour nier des principes qui avaient déjà été inclus dans la Constitution auparavant.

La Cour suprême, d'ailleurs, s'est prononcée à plusieurs reprises sur cette question, en particulier dans une affaire que le sénateur Nolin connaît très bien, la fameuse cause de New Brunswick Broadcasting, qui remettait en cause les privilèges de l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick de télédiffuser ses débats. C'est sur cette base que repose l'invocation du droit à la libre expression par rapport au privilège de l'assemblée législative de refuser de télédiffuser ses débats puisque ce privilège existait avant l'adoption de la Charte et que, par conséquent, ce privilège continuait d'exister malgré la Charte. Il y a peu de risque, selon moi, qu'une cause réussisse à renouveler le débat suscité par l'affaire Donahue.

Son Honneur le Président suppléant : Poursuivons-nous le débat?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président suppléant : L'honorable sénatrice LeBreton propose, avec l'appui de l'honorable sénateur Carignan, que le projet de loi soit lu pour la troisième fois. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

(La motion est adoptée et le projet de loi lu la troisième fois, est adopté.)

[Traduction]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suspension du débat

L'honorable Denise Batters propose que le projet de loi C-55, Loi modifiant le Code criminel, soit lu pour la troisième fois.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, comme je l'ai dit dans mon discours à l'étape de la deuxième lecture, il s'agit d'un projet de loi important, et nous n'avons pas le choix de l'adopter étant donné la date limite que nous a fixée il y a près d'un an la Cour suprême du Canada. Si le projet de loi nous avait été envoyé plus tôt, nous aurions pu l'étudier plus en détail, mais je dois dire que, malgré le délai très serré qui lui était imposé, le comité s'est démené pour l'étudier et pour en comprendre les répercussions. Je félicite tous les membres du comité, à commencer par le président, de leur travail.

Je rappelle aux honorables sénateurs que notre obligation d'adopter ce projet de loi découle du fait que la Cour suprême a invalidé, pour des motifs d'ordre constitutionnel, la disposition du Code criminel qui permet à la police, dans des circonstances urgentes, d'avoir recours à l'écoute électronique ou d'intercepter des communications privées sans mandat. Cette disposition touche à toutes sortes de communications mais nous nous sommes contentés de parler d'écoute électronique sans mandat; rappelez-vous seulement qu'il ne s'agit pas seulement d'écoute électronique.

Notre étude a révélé des lacunes dans le projet de loi. J'insiste sur le fait que ce ne sont pas des lacunes fatales, mais j'espère néanmoins qu'elles seront corrigées dans les versions futures du projet de loi. Essentiellement, la Cour suprême a confirmé l'admissibilité de l'écoute électronique sans mandat dans des circonstances urgentes, si elle est nécessaire pour empêcher un danger imminent — des sévices physiques ou des dommages contre les biens. On parle d'enlèvements, d'attentats à la bombe et d'assassinats imminents. « Imminent » signifie « quasi immédiat ». Il s'agit d'avoir recours à l'écoute électronique pour empêcher de tels torts, de telles infractions. C'est donc une disposition plutôt inhabituelle du Code criminel puisqu'elle cherche à prévenir d'éventuels actes futurs plutôt qu'à pénaliser les auteurs d'infractions déjà commises.

Comme le savent les sénateurs, le Code criminel permet déjà de faire de l'écoute électronique au moyen d'un mandat. C'est fort intéressant, car la Cour suprême a conclu que les dispositions actuelles — les dispositions avec mandat — protègent en fait davantage les citoyens canadiens que ne le font désormais les dispositions d'écoute électronique sans mandat. Plus précisément, la présente disposition du Code criminel permet aux policiers de faire de l'écoute électronique sans mandat, mais ne précise pas si ceux-ci doivent aviser les personnes dont les communications ont été interceptées. Cela signifie qu'il n'existe aucune mesure de protection. Les policiers n'ont l'obligation d'informer ni les personnes dont les communications ont été interceptées ni les assemblées législatives ou le Parlement de leur geste.

De toute évidence, les policiers auront recours à l'écoute électronique sans mandat pour ce qu'ils jugent être des raisons légitimes et urgentes, mais il ne faut pas pour autant en conclure qu'il est inutile de prévoir des mécanismes de surveillance ultérieure. C'est le défaut d'aviser la personne dont les communications avaient fait l'objet d'une interception qui a fait en sorte que la Cour suprême a jugé que cette disposition était constitutionnellement invalide en vertu de l'article 8 de la Charte contre les perquisitions et les fouilles abusives. Par conséquent, il faut corriger la loi, et c'est ce que fait le projet de loi que nous étudions.

Le projet de loi C-55 traite aussi, du moins en partie, d'autres préoccupations que la Cour suprême a exprimées, des points sur lesquels elle n'a pas statué, mais qu'elle a plutôt soulevés pour examen ultérieur. Que prévoit le projet de loi? Permettez-moi d'en faire un examen en règle.

(1650)

La première chose qu'il convient de souligner, c'est que la mesure législative détermine qui a le droit de faire de l'écoute électronique sans mandat. En vertu des lois en vigueur, il peut s'agir d'un agent de la paix. Le terme « agent de la paix » englobe un large éventail de professions, dont celles de maire, de préfet et d'huissier. Or, nous ne souhaitons pas nécessairement que ces gens puissent avoir le droit d'intercepter sans mandat nos communications privées.

Dans le projet de loi, ce terme est remplacé par le mot « policier », qui convient bien mieux, car après tout, nous préférerions que seuls les policiers aient ce pouvoir. Cela dit, cette définition semble créer de nouvelles échappatoires. En effet, dans le projet de loi, on peut lire que le terme « policier » s'entend « d'un officier ou d'un agent de police ou de toute autre personne chargée du maintien de la paix publique ». Bien entendu, c'est cet extrait qui a attiré notre attention, et comme le sénateur Baker nous l'a rappelé au comité, même les préposés au ramassage des chiens sont chargés d'assurer le maintien de la paix publique.

Au comité, nous avons demandé de qui il était question dans cet article. Est-il question des agents des services frontaliers? Le ministre et les fonctionnaires nous ont dit que non. Est-il question de ceux qui font de la surveillance dans les centres d'achats et des services de sécurité privés? Encore une fois, ils ont répondu non. Nous avons insisté, et ils ont fini par nous dire que ceux qui ont rédigé la mesure législative pensaient à la police militaire lorsqu'ils ont ajouté cet élément d'information à la définition du terme « policier ». La police militaire dispose des mêmes pouvoirs que les forces policières sur les bases militaires. On peut supposer que la police militaire pourrait devoir faire face à des actes terroristes sur les bases, ce qui signifie donc qu'elle pourrait avoir besoin qu'on lui accorde ce pouvoir. Ceux qui ont rédigé la mesure législative ont voulu que le libellé de cette disposition du projet de loi tienne compte cette situation, car autrement, la police militaire n'aurait pas pu obtenir ce pouvoir dans la nouvelle version de la mesure législative.

Il est possible que les sénateurs considèrent que le projet de loi, tel qu'il est rédigé, est suffisamment restreint pour exclure les huissiers tout en comprenant la police militaire. Je ne serais pas surprise de voir la question soulevée devant les tribunaux éventuellement. L'intention du projet de loi est clairement formulée : il s'applique aux policiers, au sens où on l'entend habituellement, ainsi qu'à la police militaire.

Honorables sénateurs, je poursuis ma revue du projet de loi dans l'ordre où il a été écrit; il y a la question des rapports au Parlement et à la population, qui pose certaines difficultés. Ces rapports, que l'on exige une fois l'an de la part du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et du procureur général de chaque province, seront énormément détaillés, au point de comprendre la durée de chaque écoute électronique effectuée sans mandat et la durée totale de toutes les écoutes liées à l'infraction que la police tente de prévenir.

Un élément est absent de la longue liste des choses qui doivent figurer dans ces rapports : le nombre d'interceptions qui n'ont donné aucun résultat, c'est-à-dire celles qui ne fournissent pas de renseignements au sujet d'une infraction, qu'il s'agisse de l'infraction sur laquelle le policier enquête ou d'une autre infraction que le policier découvre par hasard, grâce à l'interception.

Bien entendu, certaines interceptions, sans aller jusqu'à dire qu'elles se font à l'aveuglette, ne mèneront à rien et ne donneront pas les résultats escomptés. Il serait utile pour les sénateurs qui étudient les répercussions de cette loi de savoir à quel point ces méthodes franchement indiscrètes ont aidé le travail des policiers. Cet élément ne fait toutefois pas partie de la liste des renseignements à consigner, puisqu'on n'a pas à le fournir pour les interceptions effectuées avec mandat, et les nouvelles dispositions pour les interceptions sans mandat reflètent celles qui existent déjà pour les interceptions avec mandat.

Un autre problème tient au fait que les provinces sont simplement tenues de mettre les rapports d'écoute électronique à la disposition du public d'une manière ou d'une autre. Même la Bibliothèque du Parlement a beaucoup de difficulté à trouver ces rapports. Nous devrions peut-être formuler cette obligation de manière plus stricte.

De plus, ces rapports sont censés être annuels. Les critères renvoient à plusieurs reprises aux interceptions effectuées ou aux procédures entreprises — c'est-à-dire les accusations portées — au cours de l'année précédente. Or, comme nous le savons tous, la police et les tribunaux finissent rarement leur travail sur un dossier donné en l'espace d'une seule année, en particulier si le dossier est important. De plus, s'il faut faire de l'écoute électronique de toute urgence, c'est qu'il s'agit vraisemblablement d'un dossier très important. Il sera particulièrement difficile, dans certains cas, de s'assurer que les rapports représentent fidèlement ce qui s'est produit au cours d'une année donnée, et des mises à jour devraient être faites dans les années subséquentes.

Une question distincte de celle des rapports destinés au public est au cœur de la décision de la Cour suprême : l'avis doit indiquer le but de l'interception. Le projet de loi dit que le ministre doit aviser par écrit toute personne ayant fait l'objet d'une interception dans les 90 jours qui suivent cette interception. Dans certains cas, manifestement, on voudra attendre beaucoup plus longtemps avant d'informer les gens. Les terroristes passent parfois beaucoup plus que 90 jours à planifier leurs attentats.

Il me semble quelque peu inquiétant qu'un juge puisse prolonger le délai pour une période maximale de trois ans, au cours de laquelle il ne sera pas nécessaire de donner un avis, et que cette prolongation puisse être renouvelée pour trois autres années. Comme je l'ai indiqué dans mon discours à l'étape de la deuxième lecture, lorsque le ministre a comparu devant le comité, au cours de l'étude préalable, il a indiqué que nous devrions faire confiance aux juges. Il me semble difficile de remettre en question ce principe. C'est un principe que mon parti défend depuis des années au Sénat, mais pas toujours avec beaucoup de succès.

Ce qui est plus problématique encore, c'est le sens de l'expression « toute personne qui a fait l'objet d'une telle interception ». Il semble y avoir passablement de confusion quant au sens à donner à cette expression. Permettez-moi d'indiquer aux sénateurs les interprétations que nous avons entendues.

Selon le ministre, la police a l'obligation d'aviser toutes les personnes, et non uniquement la personne accusée. En rétrospective, je ne suis pas absolument certaine de ce que l'on entend par « toute personne », mais je continue de vous citer ce qu'on nous a dit.

Un représentant du Commissariat à la protection de la vie privée s'est dit très heureux du projet de loi, en particulier de l'obligation d'aviser toute personne concernée par l'interception des communications.

Je le répète : toute personne concernée. J'ai l'impression qu'il ne s'agit donc pas uniquement des personnes dont les policiers cherchent à tirer de l'information, mais de toutes celles dont on aurait intercepté une communication.

(1700)

J'interprète peut-être mal les propos des fonctionnaires du Commissariat à la protection de la vie privée, mais voici ce qu'écrivait l'Association canadienne des libertés civiles dans son mémoire au comité. Le témoin était un avocat d'expérience. Je cite le mémoire :

Selon l'interprétation de l'ACLC, le projet de loi C-55 exigerait qu'on avise toutes les personnes dont les communications privées ont pu être interceptées au moyen de l'écoute électronique, même les tierces parties. Toutes ces personnes seraient, en effet, l'« objet » d'une interception de communications aux termes du paragraphe 196.1(1) du projet de loi.

J'ignore ce qu'en pensent les sénateurs, mais j'avais personnellement l'impression que les exigences en matière de notification seraient plutôt élargies, ce qui me paraissait approprié étant donné qu'une mise sous écoute électronique entreprise sans autorisation judiciaire — sans mandat, donc — devrait, il me semble, faire l'objet d'une surveillance a posteriori plus serrée que si elle avait été autorisée au préalable.

Cependant, nous avons ensuite entendu le témoignage d'un cadre supérieur de l'Association canadienne des chefs de police, M. Lemcke, de Vancouver. Selon lui, on n'aviserait que les sujets de l'enquête. Voilà qui réduit de nouveau le nombre de personnes avisées que des policiers ont écouté leurs communications privées. Seules celles qui étaient visées par l'interception de communications en seraient donc informées, pas même leur famille ni d'autres relations.

J'étais très confuse, alors j'ai posé la question au ministère de la Justice du Canada : « Alors, qui est l'objet de l'interception? » J'ai obtenu une réponse typiquement canadienne : cela varie selon les provinces. Les exigences en matière de notification sont plus ou moins restrictives d'un endroit à l'autre. Impossible d'obtenir de réponse plus précise.

Honorables sénateurs, je crois en fait que nous constaterons, au fil du temps, qu'il faudra peut-être préciser bien davantage qui a le droit d'être avisé que ses communications ont été interceptées sans autorisation.

Le dernier point qui a soulevé des questions au comité portait sur la disposition d'entrée en vigueur qui est prévue dans le projet de loi. Le volet essentiel du projet de loi, soit les dispositions qui doivent entrer en vigueur d'ici le 13 avril 2013 suivant la décision de la Cour suprême, entrera en vigueur immédiatement, parce que la date butoir approche à grands pas. Toutefois, l'entrée en vigueur de l'exigence de faire rapport au Parlement et au public est retardée de six mois. Nous avons voulu savoir pourquoi, et on nous a répondu que ce sont les gens qui seront chargés de la production de ces rapports qui ont demandé ce report parce que, selon eux, ce processus sera difficile à instaurer, et c'est peut-être vrai.

Or, nous avons notamment appris lors des audiences du comité que le recours à l'écoute électronique sans mandat est en fait très rare au Canada, et les sénateurs White et Dagenais peuvent certainement le confirmer. Rien ne donne à penser que cette pratique se répandra. Je ne pense pas que ces gens seront ensevelis sous de grandes quantités de données qu'ils devront digérer et présenter à toute vitesse sous forme de rapport. J'estime que le report de l'entrée en vigueur de cette exigence n'est pas nécessaire.

Comme c'est le cas pour toutes mes autres propositions, il ne s'agit pas d'une grave lacune, mais c'est bel et bien une lacune. Les autres points dont j'ai parlé ce soir et qui constituent, à notre avis, des lacunes pourront être corrigés en cours de route. Cependant, le projet de loi, que nous avons adopté avec dissidence au comité, sera et doit être adopté parce que personne ne peut faire fi d'une échéance fixée par la Cour suprême du Canada.

Son Honneur le Président suppléant : Poursuivons-nous le débat?

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, je serai bref. Je regarde le temps.

Je tiens à faire remarquer aux sénateurs qu'il s'agit là d'un autre exemple du rôle essentiel que joue le Sénat. Il y a une raison pour laquelle la Cour suprême du Canada a décidé qu'un mécanisme de reddition de comptes plus important que ce que prévoit le Code criminel était nécessaire en ce qui concerne l'écoute électronique de conversations téléphoniques privées. Je me souviens quand cette disposition y a été insérée. Je siégeais à l'autre endroit. Pour expliquer l'intention du législateur, la Cour suprême s'est entièrement inspirée non pas de ce qui s'est dit à la Chambre des communes, mais aux comités du Sénat.

Comme je l'ai déjà dit, cela se produit bien souvent. Ceux qui demandent à quoi sert le Sénat devraient se tourner du côté de la Cour suprême. Qu'ils examinent les jugements des cours supérieures, des cours provinciales et des tribunaux quasi judiciaires du pays et ils comprendront le rôle du Sénat.

C'est toutefois un peu ennuyeux, n'est-ce pas, d'avoir constamment à étudier des projets de loi? C'est néanmoins, comme l'a souligné la Cour suprême du Canada dans ce cas particulier, un rôle crucial, qui a permis l'adoption de ce projet de loi. Honorables sénateurs, l'adoption de ce projet de loi fera en sorte que vos conversations privées, par téléphone, cellulaire ou ordinateur, chez vous, dans votre chambre ou dans votre voiture, pourront être interceptées, sans l'autorisation d'un juge, par un policier qui a des motifs raisonnables de croire... De croire quoi? Qu'une interception immédiate est nécessaire pour « empêcher une infraction qui causerait des dommages sérieux à une personne ou à un bien ».

Les sénateurs qui sont policiers pourront confirmer que l'interprétation de cette mesure peut être très large. Chaque fois que je parlais de l'obligation de la police de rendre des comptes, les sénateurs White et Dagenais me regardaient et me faisaient des signes. Si nous avions une idée des interceptions qu'ils ont faites ou que le sénateur Larry Campbell a effectuées au cours de sa carrière... Je ne suis pas en train de dire qu'ils ont procédé à des interceptions sans autorisation judiciaire, mais ils savent que les mandats comportent des dispositions fourre-tout. Si l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique avait une idée du nombre d'interceptions effectuées grâce à ces dispositions fourre- tout, elle serait complètement effarée. Cela fait partie du cours normal des enquêtes policières.

Ce projet de loi a aussi comme titre Loi donnant suite à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Tse. Le ministère de la Justice du Canada a la fâcheuse habitude d'ajouter un titre trompeur aux projets de loi. Lorsqu'on lit le jugement rendu dans l'affaire R. c. Tse, on constate qu'il n'a rien à voir avec l'objet de ce projet de loi. Imaginez qu'on veuille installer immédiatement un dispositif d'écoute électronique dans une voiture, sans mandat. Le ministre a dit que c'était tout à fait possible.

La motionnaire, qui a fait, au nom du gouvernement du Canada, un travail exceptionnel à l'égard de ce projet de loi — elle occupe le deuxième siège derrière moi —, fait valoir qu'une affaire d'enlèvement illustrerait bien la situation. Cet exemple a été donné à plusieurs reprises. Dans le cas de l'affaire mentionnée dans ce sous-titre, je suppose que certains diraient qu'il s'agissait d'un enlèvement, mais la victime d'enlèvement purge maintenant une longue peine d'emprisonnement.

(1710)

L'homme prétendument enlevé avait été accusé d'avoir importé au Canada pour plus de 100 millions de dollars d'une substance désignée ainsi que d'autres drogues. Il avait été libéré sous caution à la condition de porter un bracelet de surveillance. J'ignore ce qu'il est advenu du bracelet si l'homme a disparu. Toujours est-il que la police de Vancouver a dit que c'était une ruse, un stratagème, un plan pour que l'homme échappe à la justice.

Pendant l'enquête, une valise contenant 400 000 $ a disparu. L'affaire est devenue très compliquée. Cependant, il s'agit d'un cas inhabituel, et c'est davantage pour les cas dits « typiques », comme les rapts d'enfant, que la police avait été forcée de demander qu'on inclue ces dispositions dans le Code criminel.

Honorables sénateurs, j'adhère à tout ce qu'a dit ma collègue. Toutefois, la police craint que le projet de loi lui demande encore une fois de réaliser l'impossible, c'est-à-dire de préciser le nombre de personnes dont on a mis le téléphone sur écoute électronique, mais qui n'ont pas été accusées; en d'autres termes, le nombre de personnes innocentes dont la ligne téléphonique a été mise sur écoute lors d'une opération policière.

Un affidavit fait sur la foi de renseignements tenus pour véridiques en vertu de l'article 186 du Code criminel pourra contenir deux ou trois objets. Or, à la lecture des éléments de preuve, on verra qu'il n'est pas rare que 50 numéros de téléphone associés à l'objet de la mise sur écoute électronique soient aussi mis sur écoute. La police n'a pas le choix. Il peut s'agir d'appels entre des enfants, mais ils sont interceptés. Qui devrait être avisé que son téléphone, son ordinateur ou tout autre appareil est mis sur écoute? Ce genre d'écoute peut durer des années. Combien de personnes ont été reconnues coupables?

Je vois que Son Honneur se lève, alors j'arrêterai ici.

(Le débat est suspendu.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, comme il est 17 h 15, conformément à l'article 9-6 du Règlement, je dois interrompre les délibérations — nous reprendrons le débat sur le projet de loi C-55 tout à l'heure — et demander que la sonnerie retentisse jusqu'à 17 h 30, auquel moment le Sénat passera au vote reporté sur la motion de troisième lecture du projet de loi C- 27.

Convoquez les sénateurs.

(1730)

Projet de loi sur la transparence financière des Premières Nations

Troisième lecture

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Patterson, avec l'appui de l'honorable sénateur Wallace, propose :

Que le projet de loi C-27, Loi visant à accroître l'obligation redditionnelle et la transparence des Premières Nations en matière financière, soit lu pour la troisième fois.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Martin
Batters McInnis
Bellemare McIntyre
Beyak Meredith
Black Nancy Ruth
Boisvenu Neufeld
Braley Ngo
Buth Ogilvie
Carignan Oh
Champagne Patterson
Comeau Plett
Dagenais Poirier
Demers Raine
Doyle Rivard
Duffy Runciman
Enverga Seidman
Fortin-Duplessis Seth
Frum Smith (Saurel)
Greene Stewart Olsen
Housakos Tkachuk
Johnson Unger
Lang Verner
LeBreton Wallace
MacDonald Wallin
Maltais Wells
Manning White—53
Marshall

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Baker Hubley
Callbeck Jaffer
Campbell Joyal
Chaput Lovelace Nicholas
Cordy Massicotte
Cowan Mercer
Day Mitchell
De Bané Moore
Downe Munson
Dyck Ringuette
Eggleton Rivest
Fraser Robichaud
Furey Smith (Cobourg)
Harb Tardif
Hervieux-Payette Watt—30

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun.

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Batters, appuyée par l'honorable sénatrice Beyak, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-55, Loi modifiant le Code criminel.

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, nous reprenons le débat sur le projet de loi C-55. Le sénateur Baker dispose encore de six minutes.

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, je ne prendrai pas les six minutes en entier, car je sais que nous avons du pain sur la planche.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Baker : Cela dit, je tiens à féliciter la sénatrice Batters de la façon dont elle a géré ce projet de loi au nom du gouvernement du Canada, ainsi que le sénateur Runciman pour avoir dirigé nos séances d'une main de maître. Le Sénat a fait son travail.

Comme je l'ai mentionné, c'est au Sénat, et non à la Chambre des communes, que l'on doit ce projet de loi visant à corriger un problème d'ordre constitutionnel dans le Code criminel, puisque, pour appuyer son jugement dans cette affaire, la Cour suprême du Canada cite quatre transcriptions de séances de comités sénatoriaux.

Honorables sénateurs, maintenant que le comité s'est penché sur la question, quiconque s'intéresse comme moi à la jurisprudence et lit quotidiennement les décisions des tribunaux verra les délibérations du comité y être citées en ce qui concerne ces arguments. Voilà une fonction du Parlement dont ne peut s'acquitter la Chambre des communes. Selon moi, ce serait impossible.

Comme je l'ai signalé la semaine dernière, au cours des six derniers mois, six comités sénatoriaux — il s'agit bien de six comités différents — ont été cités dans des décisions des cours supérieures du Canada. Je le répète : les cours ont cité le compte rendu des délibérations de six comités sénatoriaux. Combien de comités de la Chambre des communes ont-elles cités? Aucun. Elles n'ont cité aucun comité de la Chambre des communes au cours des six derniers mois.

Honorables sénateurs, je dois convenir que certaines de ces références datent un peu. À titre d'exemple, la Cour d'appel de l'Ontario a mentionné Son Honneur la semaine dernière, plus précisément lorsqu'un rapport connu sous le nom de « rapport Nolin », parce que Son Honneur présidait le comité à l'époque, a été admis en tant qu'élément de preuve pour un procès.

Votre Honneur peut deviner ce que je m'apprête à dire. La cour du Québec a parlé de Votre Honneur et du rapport en termes assez peu élogieux. En fait, elle s'est insurgée contre les conclusions du rapport et a rendu une décision qui déplairait probablement à Votre Honneur. C'est ce qui se produit, parfois.

Pour sa part, la sénatrice Andreychuk a été juge à la Cour supérieure de la Saskatchewan. Un rapport sur les enfants et leurs droits, qui a été produit dernièrement par un comité sénatorial et auquel la sénatrice a participé, a été cité il y a six semaines à peine. Ce rapport a d'ailleurs été cité à de multiples reprises, tout comme les témoignages entendus par le comité et ses conclusions.

(1740)

Les deux fonctions du Sénat — à savoir les rapports des comités, qui sont constamment cités par les tribunaux canadiens, les enquêtes menées dans divers domaines, ainsi que les renvois du Sénat, sur lesquels s'appuient les jugements des tribunaux, et de la Cour suprême du Canada dans l'affaire dont nous débattons aujourd'hui — ne peuvent être exercées par la Chambre des communes parce qu'elle est un organe politique. Elle exerce une seule fonction. Elle oblige le gouvernement à rendre des comptes aux Canadiens, avec l'aide des médias. En effet, sans les médias, il n'y aurait pas une grande reddition de comptes. Est-ce qu'un arbre qui tombe dans la forêt fera du bruit?

Le Sénat exerce très bien cette deuxième fonction. Tous les tribunaux se servent de ces deux fonctions. Peu de gens lisent les jugements. Les journaux citent rarement les jugements qui se fondent sur des renvois du Sénat, mais c'est une fonction nécessaire de la loi. Nous devons avoir une interprétation de la loi. Nous devons savoir pourquoi le gouvernement a adopté un projet de loi.

La sénatrice Batters a précisé l'intention du gouvernement dans ses interventions. Il doit y avoir une intention pour qu'il puisse y avoir un second examen objectif et logique. Regardez la période des questions à la Chambre des communes et dites-moi si on peut parler de second examen objectif.

Le Sénat exerce cette fonction législative tous les jours où il siège, où ses comités siègent et où il adopte des mesures législatives. Tous les membres du comité ont fait un excellent travail sur ce projet de loi et devraient être félicités.

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président suppléant : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président suppléant : L'honorable sénatrice Batters, avec l'appui de l'honorable sénatrice Beyak, propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté avec dissidence.)

La Loi sur la gestion des finances publiques

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Wilfred P. Moore propose que le projet de loi S-217, Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques (emprunts de fonds), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi S-217, Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques. C'est avec beaucoup de fierté que je présente de nouveau ce projet de loi, qui a déjà été présenté à trois reprises par notre ami et ancien collègue, l'honorable Lowell Murray, mais qui est mort au Feuilleton, comme beaucoup d'autres mesures dignes d'intérêt.

Je serai bref, puisque le sénateur Murray a déjà expliqué les événements qui ont mené à l'élaboration de ce projet de loi et les raisons pour lesquelles nous devrions l'adopter.

La situation dont il est question s'est produite parce qu'un petit détail contenu dans la Loi d'exécution du budget de 2007 a échappé à l'opposition, tant à la Chambre des communes qu'au Sénat. Notons qu'il est difficile d'en tenir rigueur aux parlementaires de l'époque, puisqu'il s'agissait du premier de ces projets de loi omnibus que le gouvernement actuel se plaît à utiliser non seulement pour susciter la division, mais aussi pour glisser en douce quelques éléments comme celui que le projet de loi S-217 vise à corriger. Voici ce qu'en a dit le sénateur Murray :

Le pouvoir du Parlement concernant les emprunts gouvernementaux lui a été enlevé dans le cadre d'un projet de loi d'exécution du budget en 2007. Il s'agissait d'un projet omnibus. Une telle manœuvre vous rappelle-t-elle quelque chose? La mesure législative comportait 154 articles en 14 parties; elle comptait 134 pages et modifiait 25 autres lois. À titre de parlementaires, tant au Sénat qu'à la Chambre des communes, nous mettions l'accent sur un certain nombre de grandes initiatives contenues dans ce budget et reflétées dans le projet de loi d'exécution. Je me rappelle tout particulièrement l'Accord atlantique et certains changements apportés à la formule de péréquation, entre autres. Alors que nous faisions porter notre attention sur ces grandes questions, et sans que personne ici au Sénat ou à l'autre endroit n'en ait connaissance, on a, tout en douceur, ajouté un nouvel article 43.1 à la Loi sur la gestion des finances publiques, sous la rubrique « Autorisation d'emprunter » :

43.1 Le gouverneur en conseil peut autoriser le ministre à contracter des emprunts pour le compte de Sa Majesté du chef du Canada.

Ces quelque 20 mots ont suffi pour supprimer une prérogative parlementaire qui existait au Canada depuis plus d'un siècle. Personne ne s'en est rendu compte.

Au Canada, le pouvoir du Parlement de contrôler les emprunts du gouvernement découle pour l'essentiel de la raison d'être du Parlement. L'instauration du contrôle parlementaire sur le Trésor est le premier pas qui a mené de la monarchie absolue à notre démocratie parlementaire.

Au Moyen Âge, la dette des États était principalement attribuable aux emprunts nécessaires pour guerroyer, et les souverains pouvaient emprunter impunément, à n'importe quel taux. Dans un discours prononcé en 2012, le professeur Michael McConnell, de la faculté de droit de l'Université Stanford, a dit qu'il était notoirement risqué d'avancer de l'argent aux rois parce qu'ils n'aimaient pas rembourser leurs dettes. Par exemple, Charles II a emprunté de l'argent à des Hollandais à un taux d'intérêt de 15 à 20 p. 100, alors que les taux d'intérêt pour les particuliers s'élevaient à 3 p. 100.

La Glorieuse Révolution de 1688, qui mis un terme au règne du roi Jacques II et l'a poussé à l'exil en France, a mis fin à cette situation. Le Parlement a assuré par la suite un contrôle plus serré des impôts, des dépenses et des emprunts. Ces contrôles forment ce qu'on appelle la révolution financière britannique, et ils constituent le fondement de nos procédures financières modernes.

Selon l'ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes, les principaux éléments de la procédure financière du Parlement sont le Trésor, la recommandation royale, les subsides, les voies et moyens, les comptes publics et le pouvoir d'emprunt. Le pouvoir d'emprunt est l'autorisation que le gouvernement peut obtenir lorsque les recettes n'arrivent pas à couvrir les dépenses.

Les provinces ont aussi leurs propres lois qui établissent leur pouvoir d'emprunt. En Colombie-Britannique, il faut que le Parlement approuve l'emprunt au nom du Cabinet, des ministères ou des organismes, avec une possibilité d'exception limitée.

En Alberta, par ailleurs, on ne suit pas la même procédure. Les emprunts sont limités, mais le Cabinet peut utiliser tous les moyens à sa disposition pour trouver les fonds dont il a besoin.

Au Manitoba, le gouvernement peut temporairement emprunter de l'argent et les raisons pour lesquelles il peut emprunter sont prévues par la loi. Tout autre emprunt doit être autorisé par le Parlement.

En Saskatchewan, c'est le Parlement qui détient le pouvoir d'emprunter, à quelques exceptions près.

(1750)

En Ontario, il faut obtenir la permission de l'assemblée législative pour emprunter, sauf pour trois exceptions, à savoir les remboursements d'emprunt et les paiements relatifs à des titres dont la période n'excède pas 12 mois au moment de la dissolution, les remboursements de dettes et les remboursements au Trésor. Au Québec, c'est le gouvernement qui confie le pouvoir d'emprunter par l'entremise du ministre des Finances. En Nouvelle-Écosse, la patrie du premier gouvernement responsable au Canada, de même qu'à Terre-Neuve-et-Labrador, le Cabinet doit d'abord obtenir l'autorisation de l'assemblée législative pour emprunter de l'argent. Il existe certaines exceptions, mais le Cabinet est légalement obligé de s'adresser à l'assemblée législative pour obtenir la permission d'emprunter en son nom et en celui des ministères ou des agences.

Le Nouveau-Brunswick prévoit certaines exceptions relativement au pouvoir d'emprunt, mais en général l'autorisation de l'assemblée législative est requise. À l'Île-du-Prince-Édouard, la loi prévoit que les emprunts peuvent uniquement être autorisés par l'assemblée législative, sauf si l'argent sert au fonds de roulement ou aux paiements relatifs à des titres. Au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut, aucun emprunt ne peut être fait sans le consentement du Cabinet fédéral.

Honorables sénateurs, comme vous pouvez le constater, les assemblées législatives jouent un rôle important dans le contrôle et l'approbation des emprunts d'argent par le gouvernement. Il serait tout à fait logique que ce soit aussi le cas au niveau fédéral.

Le numéro de février-mars 2013 du magazine Inside Policy, publiée par l'Institut Macdonald-Laurier, renferme un article sur le budget rédigé par Scott Clark et Peter DeVries. Dans cet article, les auteurs font valoir que le processus est devenu trop secret et que sa crédibilité a été minée au cours des dernières années. L'une des principales raisons de cette détérioration du processus est le recours aux projets de loi omnibus déguisés en projets de loi budgétaires.

Inclure toutes sortes de choses dans le projet de loi d'exécution du budget n'est pas la bonne façon d'agir. En fait, M. Clark et M. DeVries utilisent des termes plus forts. Ils ont dit :

Le recours à des projets de loi budgétaires omnibus a augmenté au point où ceux-ci minent sérieusement l'intégrité et la crédibilité du processus budgétaire et de l'autorité du Parlement.

Les auteurs de l'article poursuivent en s'interrogeant sur la clarté des objectifs du gouvernement lorsque des choses sont cachées dans un projet de loi omnibus. Un principe aussi fondamental que la surveillance parlementaire du pouvoir d'emprunter du gouvernement ne devrait pas être coincé dans un projet de loi de 400 pages. Où est la transparence dans cette façon d'agir?

Honorables sénateurs, aujourd'hui nous devons insister afin que le pouvoir d'emprunt du gouvernement fasse l'objet d'une surveillance plus étroite. C'est un principe fondamental de notre système parlementaire. Le contrôle des deniers publics est la raison pour laquelle les parlements existent. En fait, c'était un principe de notre système parlementaire avant que le suffrage universel soit adopté pour nous permettre de voter au sein de notre démocratie.

Honorables sénateurs, je vous signale qu'entre 2007, au moment où ce changement a été apporté à la Loi sur la gestion des finances publiques, et le 31 mars 2012, le gouvernement fédéral a emprunté 1,254 billion de dollars sans l'approbation du Parlement. Ce n'est pas la bonne façon de diriger un gouvernement transparent et responsable. Une surveillance parlementaire adéquate permettrait de poser des questions sur les emprunts, par exemple : combien? quand? pourquoi? Comment et quand allons-nous rembourser? Quel est le taux d'intérêt sur ces emprunts? Une fois qu'il aurait obtenu des réponses satisfaisantes à ces questions, le Parlement donnerait son accord. Il importe de rétablir le processus de surveillance et d'approbation par le Parlement.

Peu importe que le gouvernement emprunte 5 $ ou 5 milliards de dollars, les gens ont le droit de le savoir et d'approuver ces emprunts. Par conséquent, je vous demande d'examiner attentivement le bien-fondé du projet de loi, d'appuyer cette mesure et de rétablir pleinement le processus de surveillance parlementaire.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'aimerais d'abord remercier le sénateur Moore d'avoir présenté de nouveau ce projet de loi. Je crois que celui-ci a du mérite.

L'honorable Gerald J. Comeau : Je tiens à m'assurer de quelque chose. Si j'ai bien compris, le sénateur Moore a proposé une motion. Normalement, le temps du deuxième intervenant est réservé à l'autre côté. Je me demandais simplement si nous pourrions respecter cela.

Son Honneur le Président suppléant : Si j'ai bien compris, le sénateur Day a l'intention de poser une question au sénateur Moore. Voilà comment j'interprète les délibérations.

Le sénateur Comeau : Je reconnais mon erreur.

Le sénateur Day : Honorables sénateurs, merci. Il y a deux autres sénateurs que ce dossier avait fort intéressés la dernière fois qu'il en avait été question. Leurs noms devraient être consignés officiellement. Le sénateur pourrait-il les confirmer? Il a mentionné le sénateur Murray. L'autre sénateur, c'est le sénateur Banks. Je me rappelle que nous avions d'abord appris la chose après coup. Quoi qu'il en soit, mon collègue pourrait-il confirmer l'information?

Le sénateur Moore : Oui, honorables sénateurs. Il me semble que c'était le sénateur Day qui a d'abord constaté cela. Il l'a ensuite signalée au sénateur Banks, mon voisin de banquette, qui en a parlé au sénateur Murray. De là, le sénateur Murray a rédigé le projet de loi. Il a tenté de le faire adopter à trois reprises, afin de corriger l'erreur du Parlement. Nous devrions aller de l'avant. À l'heure actuelle, il y a quelque chose qui cloche. J'aimerais avoir le concours des sénateurs à cet égard. Je remercie le sénateur de la question.

Le sénateur Day : Honorables sénateurs, si personne de l'autre côté ne souhaite intervenir à ce sujet, j'aimerais ajourner le débat à mon nom.

(Sur la motion du sénateur Carignan, le débat est ajourné.)

[Français]

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, il est de mon devoir d'informer la Chambre qu'il est maintenant 18 heures. À moins d'une entente entre les leaders adjoints, je vais devoir appliquer le Règlement.

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je propose que nous ne voyions pas l'horloge.

Son Honneur le Président suppléant : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

[Traduction]

La Loi canadienne sur les droits de la personne

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Finley, appuyée par l'honorable sénatrice Frum, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-304, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne (protection des libertés).

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, j'ai convenu avec le sénateur Day que je prendrais la parole aujourd'hui et que, lorsque j'aurai terminé, l'ajournement demeurerait inscrit au nom du sénateur Day.

Honorable sénateurs, j'interviens à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-304, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne (protection des libertés), et mes observations porteront sur l'article 2, qui propose l'abrogation de l'article 13 de la loi.

Je tiens à remercier les sénateurs Munson, Jaffer et Fraser, qui ont exposé avec éloquence les raisons pour lesquelles ce projet de loi devrait être rejeté. Franchement, je ne comprends pas que quiconque puisse vouloir supprimer l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, simplement pour avoir le droit de transmettre des messages qualifiés de blessants. Ce changement à la loi aurait pour effet d'autoriser les extrémistes, comme les tenants de la suprématie blanche, à diffuser leur propagande haineuse, ce qui risquerait de susciter de la haine à l'égard de groupes raciaux précis qui appartiennent à la société canadienne et pourrait compromettre le bien-être et la sécurité de ces groupes.

En tant que femme d'origine crie et chinoise, faisant donc partie d'une minorité visible, toute ma vie j'ai été confrontée à la haine, à la discrimination pure et simple et à la discrimination qualifiée de subtile. Cependant, ce que j'ai vécu est loin d'être aussi grave que ce qu'ont connu mes parents. Heureusement, au fil des ans, grâce au travail acharné des victimes d'oppression et d'autres personnes qui exerçaient des pressions pour que la société canadienne devienne plus juste et plus tolérante, diverses mesures ont vu le jour, notamment la Charte canadienne des droits et libertés et la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cette loi a pour objet de promouvoir l'égalité des chances indépendamment des considérations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, l'état matrimonial, la situation de famille, la déficience ou l'état de personne graciée.

Le paragraphe 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit que le fait de communiquer de façon répétée, par téléphone ou par d'autres moyens de télécommunications, des questions susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base de motifs de distinction illicite constitue un acte discriminatoire.

(1800)

Les partisans de l'abrogation de l'article 13 avancent essentiellement trois arguments, qui ont maintenant été discrédités par de récentes décisions judiciaires et aussi par des études scientifiques.

Leur premier argument en faveur de l'abrogation de l'article 13 est que les messages haineux sont simplement vexants pour ceux à qui ils sont adressés. Toutefois, cela nie clairement les effets négatifs d'une haine répétée. Ces effets seraient de loin plus graves si la Loi canadienne sur les droits de la personne était amputée de l'article 13 car cela signalerait que les messages haineux sont acceptables pour l'ensemble de la société, ce qui ne peut qu'en intensifier la fréquence et la gravité. Le paragraphe 13(1) parle de questions « susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable ».

La personne ciblée est sans doute vexée, mais la propagande haineuse crée et renforce des stéréotypes négatifs touchant le groupe ciblé, qui portent atteinte au droit de chacun des membres du groupe d'être jugé en fonction de son propre mérite plutôt que comme membre d'un groupe haï. Autrement dit, tous les membres d'un tel groupe sont considérés d'un point de vue négatif et stéréotypé.

Par exemple, si nous tolérons que la notion selon laquelle tous ceux qui sont bruns de peau méritent d'être haïs ou méprisés soit constamment communiquée sur Internet, toute personne ayant la peau brune aura de la difficulté à se faire juger en fonction de son propre mérite à l'école ou au travail. De plus, une telle propagande haineuse empiéterait sur son droit de vivre à l'abri de la crainte d'être constamment insultée, rabaissée, harcelée ou diminuée.

Honorables sénateurs, vous serez peut-être surpris par ce que je vais dire ensuite. Récemment, des neuroscientifiques ont établi que l'ADN de l'hippocampe du cerveau des adultes qui ont subi des sévices émotionnels ou physiques dans leur enfance subit des altérations permanentes. Autrement dit, notre constitution génétique peut être biochimiquement modifiée à jamais si nous sommes exposés à des événements traumatisants. Cette récente étude de l'Université McGill montre qu'il existe un lien clair entre l'environnement social d'une personne et son code épigénétique. Puisque les gènes d'une personne peuvent être altérés par des sévices émotionnels subis dans l'enfance, il n'est pas difficile de postuler que l'exposition à de constants messages haineux peut aussi affecter les gènes. En d'autres termes, les messages haineux peuvent bien causer des vexations, mais la neuroscience nous apprend que ces vexations peuvent, à leur tour, causer des changements permanents de l'ADN du cerveau. Or on a établi une corrélation entre ces changements et le suicide chez les adultes.

Honorables sénateurs, cette récente découverte neuroscientifique dissipe le mythe selon lequel les préjudices moraux sont sans conséquence. Les recherches psychologiques montrent déjà que les personnes ayant subi de graves préjudices moraux peuvent développer des séquelles psychologiques; or, les études neuroscientifiques ont découvert qu'il y a aussi des séquelles biochimiques, c'est-à-dire une modification permanente de l'ADN dans le cerveau. Autrement dit, des paroles blessantes peuvent entraîner des conséquences, des dommages physiques au cerveau.

Le deuxième argument présenté par les partisans du projet de loi est que l'article 13 entrave leur liberté d'expression. Si la Charte canadienne des droits et libertés indique que chacun a la liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication, elle indique également que les droits et libertés qui y sont énoncés « ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique ». Autrement dit, la liberté d'expression n'est pas un droit absolu; elle peut être restreinte. Je suis certaine que la grande majorité des Canadiens sont prêts à renoncer à la notion sans fondement d'une liberté d'expression absolue pour favoriser l'égalité des chances pour ceux qui pourraient être la cible de messages haineux en raison de leur race, de leur orientation sexuelle ou d'autres facteurs.

Honorables sénateurs, il importe de souligner que les personnes qui prétendent que leur liberté de parole ou d'expression est injustement limitée par l'article 13 ne semblent pas réaliser que les gens ciblés par leurs messages haineux ont tout aussi droit à être protégés de messages haineux. Le paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés dit ceci :

La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

Autrement dit, ceux qui sont la cible de propos haineux ont droit à la même protection que celle conférée par l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Les tenants de la liberté d'expression absolue semblent aussi ne pas tenir compte du droit à l'égalité des chances des personnes ciblées. L'article 2 de la Loi canadienne sur les droits de la personne dit que la loi a pour objet :

[...] de compléter la législation canadienne en donnant effet [...] au principe suivant : le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l'égalité des chances d'épanouissement et à la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins, indépendamment des considérations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe [ou] la déficience [mentale ou physique].

Honorables sénateurs, il est vraiment paradoxal que ceux qui font valoir que la liberté d'expression est limitée par l'article 13 ne tiennent pas compte du fait, tout aussi important, que les propos haineux font obstacle à la liberté d'expression des groupes ciblés. C'est un aspect important. La propagande haineuse limite la liberté de croyance, d'opinion et d'expression du groupe ciblé. Comment peut-on à la fois défendre la liberté d'expression et ne pas tenir compte du fait que l'intention des auteurs de propos haineux est de priver les personnes ciblées de leur liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression? Les propos haineux adressés à un groupe identifiable visent à discréditer les personnes ciblées ou à miner leur crédibilité. La voix de ces personnes n'a pas la même portée. Elles sont désavantagées seulement en raison du groupe auquel elles appartiennent.

Dans le contexte de ce qu'on appelle les échanges libres ou la libre circulation des idées, l'opinion des personnes qui sont la cible de manifestations de haine n'a pas une valeur égale, ni un pouvoir égal. L'un des principaux objectifs des messages haineux est de faire taire les membres d'un groupe cible.

Comme je l'ai déjà mentionné, honorables sénateurs, la liberté d'expression n'est pas un droit absolu. L'égalité des chances et la liberté d'expression sont deux notions qui sont liées. Ceux qui prétendent que leur droit à la liberté d'expression est injustement limité ne doivent pas oublier que leur droit n'a pas préséance sur le droit d'une personne de mener sa vie sans perpétuellement craindre le harcèlement et la discrimination, qui sont des manifestations ouvertes de haine. Rien ne justifie qu'une personne prétende que ses droits ont préséance sur ceux d'une autre personne. Quiconque prétend que son droit de diffuser des propos haineux au sujet d'un groupe cible devrait avoir préséance sur d'autres droits fait preuve de sectarisme.

Honorables sénateurs, même dans cette enceinte, nous ne jouissons pas d'une liberté d'expression absolue. Voici ce qu'on peut lire à l'article 6-13(1) du Règlement :

Les propos injurieux ou offensants sont non parlementaires et contraires au Règlement.

Quant à l'article 6-13(2), il prévoit ceci :

Lorsqu'un sénateur est rappelé à l'ordre parce qu'il a tenu des propos non parlementaires, tout sénateur peut exiger que ces paroles soient consignées par le greffier.

Enfin, on peut lire ceci à l'article 6-13(3) :

Le Sénat prend les mesures disciplinaires qu'il estime indiquées à l'égard du sénateur qui a tenu des propos non parlementaires sans se justifier, se rétracter ou présenter des excuses jugées satisfaisantes par le Sénat.

De toute évidence, ces règles ont été instaurées pour éviter que des propos incendiaires provoquent des réactions émotives indues, qui pourraient donner lieu à des réactions physiques, voire à des confrontations, comme cela s'est produit à l'autre endroit en décembre dernier.

Les sénateurs ont peut-être de la difficulté à comprendre à quel point la discrimination enlève tout pouvoir au groupe ciblé et le réduit au silence. Vous serez peut-être étonnés d'apprendre que, en ce qui me concerne, dans cette Chambre de second examen objectif, pour la première fois de ma vie, je n'ai pas eu peur de dire ce que je pense. J'ai été visée par le mépris et la haine, ce qui a limité ma liberté d'expression. Chaque fois que je me suis défendue, j'ai été la cible de propos et de comportements de plus en plus déplacés et malveillants. Je devais être prudente en parlant, mais je n'ai jamais cessé de combattre, même en présence de spectateurs qui regardaient sans rien dire. Je soupçonne qu'ils étaient soulagés de voir que c'était moi la cible, et non eux.

(1810)

Honorables sénateurs, je suis une femme forte et instruite, mais les propos pleins de haine et de mépris qui m'étaient constamment adressés au travail m'ont beaucoup affectée. Bien des gens qui sont ciblés par des messages haineux n'ont pas le même niveau d'instruction ou la force intérieure que j'ai la chance de posséder. D'autres peuvent être plus vulnérables que moi aux effets insidieux de tels messages. Ils ont le droit d'être protégés. Nous ne vivons pas dans une société parfaite. Les groupes vulnérables de notre société doivent être protégés contre des gens tels qu'Ernst Zundel, qui se servait d'Internet pour diffuser ses messages de haine. Ce serait une erreur de supprimer la protection que l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne assure aux victimes de ces messages.

À titre de sénateurs, n'avons-nous pas le devoir de conserver les mesures législatives qui protègent les personnes vulnérables des messages haineux répétés diffusés sur Internet? Ne sommes-nous pas tenus de protéger le droit de ces personnes à l'égalité des chances, leur droit de vivre leur propre vie et de satisfaire leurs besoins sans manquer à leurs obligations comme membres de la société canadienne?

Honorables sénateurs, ceux qui ont été accusés de violation de l'article 13 ont essayé d'invoquer la violation de leur liberté d'expression comme moyen de défense devant les tribunaux, mais cette tentative n'a pas réussi. En 1990, la Cour suprême du Canada s'est prononcée sur le droit à la liberté d'expression de John Taylor dans l'arrêt Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor. Dans son jugement en faveur du maintien de l'article 13, le juge en chef Dickson a soutenu ce qui suit :

On peut donc en conclure que les messages constituant de la propagande haineuse portent atteinte à la dignité et à l'estime de soi des membres de groupes cibles et, d'une façon plus générale, contribuent à semer la discorde entre divers groupes sociaux, culturels et religieux [...]

Honorables sénateurs, puis-je avoir cinq minutes de plus?

Son Honneur le Président suppléant : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Dyck : Il continue en disant ce qui suit :

[...] minant ainsi la tolérance et l'ouverture d'esprit qui doivent fleurir dans une société multiculturelle vouée à la réalisation de l'égalité.

De plus, comme l'a signalé la sénatrice Fraser, la Cour fédérale a statué il y a quelques mois que le Tribunal canadien des droits de la personne aurait dû invoquer l'article 13 dans la décision Lemire de 2009. Le tribunal a déterminé que les peines prévues dans la loi n'étaient pas conformes aux dispositions de la Charte garantissant la liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression. Toutefois, Richard Mosley, juge de la Cour fédérale, a indiqué que le tribunal aurait dû dissocier les dispositions liées à la peine et appliquer l'article 13 et les autres réparations possibles. Il a dit :

L'atteinte minimale portée par l'article 13 à la liberté d'expression est largement compensée par l'effet bénéfique sur les groupes vulnérables et la promotion de l'égalité.

Cette décision a été confirmée il y a quelques semaines lorsque la Cour suprême du Canada a maintenu les dispositions clés interdisant le discours haineux dans le Code des droits de la personne de la Saskatchewan, mais a décidé d'invalider certains libellés du code dans une affaire concernant des dépliants distribués par un opposant aux droits des homosexuels, William Whatcott. Dans sa décision, le juge Marshall Rothstein a dit ceci :

La haine cherche à marginaliser certains particuliers en fonction de leur adhésion à un groupe. Les discours haineux, qui exposent le groupe à la haine, viennent contester la légitimité de membres du groupe aux yeux de la majorité, fragilisant leur statut social et leur acceptation au sein de la société. Ainsi, les discours haineux font plus qu'affliger certains membres d'un groupe. Ils peuvent avoir une incidence sur la société.

Il a ajouté ce qui suit :

Les propos haineux vont directement à l'encontre de cet objectif du fait qu'ils empêchent tout dialogue, en rendant difficile, voire impossible, pour les membres du groupe vulnérable de réagir, entravant ainsi l'échange d'idées.

Un discours qui a pour effet d'empêcher la tenue d'un débat public ne peut échapper à l'interdiction prévue par la loi pour la raison qu'il favorise le débat.

Le juge David Arnot, commissaire en chef de la Commission des droits de la personne de la Saskatchewan, a salué cette décision. Il a déclaré qu'elle touche au cœur même de ce que signifie le fait d'être Canadien. Voici ce qu'il a déclaré : « En somme, cette décision indique que les propos haineux ne devraient jamais être tolérés, peu importe les circonstances. »

La cour a retranché la partie de la loi où il est question d'une forme d'expression qui, « pour un motif de distinction illicite, les [une personne ou une catégorie de personne] ridiculise, les rabaisse ou porte par ailleurs atteinte à leur dignité ». La cour a conclu qu'il n'existe pas de lien rationnel entre ces mots et l'objectif qui vise à protéger les personnes contre les propos haineux. Toutefois, la cour n'a pas touché à l'interdiction des propos qui exposent ou qui tendent à exposer une personne ou une catégorie de personnes à la haine.

Honorables sénateurs, selon le troisième argument invoqué par les partisans du projet de loi C-304, l'article 13 n'est pas vraiment nécessaire puisque l'article 319 du Code criminel du Canada fournit aux Canadiens toute la protection juridique dont ils ont besoin contre les propos haineux. Cependant, selon l'Association du Barreau canadien, l'article 13 a un objectif différent : il fournit des recours aux groupes ciblés relativement au tort que leur causent les messages haineux. Il favorise un plus grand respect à l'endroit des groupes ciblés et il modifie les comportements. L'article 13 s'applique aux comportements qui ne sont pas considérés comme des actes criminels en tant que tels, mais qui causent tout de même du tort à des groupes vulnérables. En d'autres mots, l'article 13 sert de moyen de prévention et vise à arrêter une personne dont le comportement est susceptible d'inciter à la haine. L'article 13 protège les membres d'un groupe ciblé contre les messages haineux.

Au fond, il serait certainement plus sage de conserver l'article 13 pour dissuader les personnes d'adopter un comportement qui incite à la haine contre le groupe cible. L'article 13 protège non seulement le groupe cible, mais l'ensemble de la population contre des troubles civils attisés par la haine. En outre, il arrête les semeurs de haine avant que leur comportement ne devienne criminel. Par conséquent, il leur évite de se retrouver avec un dossier criminel, de finir en prison ou de s'exposer à d'autres pénalités.

Honorables sénateurs, la Loi canadienne sur les droits de la personne en général, et l'article 13 en particulier, dissuade les gens d'adopter des comportements discriminatoires. C'est une considération importante. Nous ne connaissons pas l'ampleur de l'effet dissuasif, elle n'est peut-être pas mesurable. Or, compte tenu de la virulence des discours prononcés par les opposants à la Loi canadienne sur les droits de la personne en général, et à l'article 13 en particulier, on peut supposer qu'elle est considérable. Il appert que la protection des groupes vulnérables ciblés par les messages haineux est non seulement légitime, mais essentielle et nécessaire.

Son Honneur le Président suppléant : Le temps de parole de la sénatrice est malheureusement écoulé.

(Sur la motion du sénateur Day, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mercredi 27 mars 2013, à 13 h 30.)

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