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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 180

Le mardi 25 juin 2013
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le mardi 25 juin 2013

La séance est ouverte à 18 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les inondations en Alberta

Le rôle exemplaire du maire de Calgary, Naheed Nenshi

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je souscris à la déclaration faite vendredi par le sénateur Black à propos des inondations qui touchent le Sud de l'Alberta et des efforts héroïques déployés par de nombreux fonctionnaires et bénévoles.

Aujourd'hui, je tiens aussi à souligner et à saluer le leadership exemplaire dont le maire de Calgary, Naheed Nenshi, fait preuve en réaction à cette crise.

Dans un éditorial du Calgary Herald publié lundi, on peut lire ceci :

Lorsque la catastrophe a frappé, le maire Naheed Nenshi a pris l'avion pour revenir chez lui, interrompant un voyage à Ottawa et à Toronto.

M. Nenshi a pris la barre dès son retour dans la ville. Il a affronté calmement la situation, rassurant les citoyens sur la salubrité de l'eau potable de Calgary et sur le sort des animaux du zoo de Calgary, visitant les zones inondées avec le premier ministre Harper et la première ministre Redford, prenant le temps de remercier les employés de la ville et tenant les habitants de Calgary au courant du moment où ils pourraient rentrer chez eux en toute sécurité.

Dans l'éditorial du Globe and Mail, on pouvait lire ceci :

M. Nenshi est un leader extrêmement efficace depuis le début des inondations [...] au point où il semble être en voie d'acquérir le statut de héros populaire. Sur Twitter, un mouvement s'est amorcé pour exiger qu'il fasse une sieste. Il est présent 24 heures sur 24 et donne des conférences de presse au milieu de la nuit pour tenir les habitants de Calgary informés. [...]

Ce qui est le plus impressionnant, ce n'est pas sa volonté de communiquer les informations, mais sa présence chaleureuse et charismatique. On ne peut s'empêcher de reprendre courage en l'écoutant. Et si on le regarde à la télévision nationale, on se sent comme si on vivait à Calgary durant les inondations, peu importe où on se trouve.

Comme l'auteur de Calgary Leanne Shirtliffe a écrit dans le Huffington Post, le maire Nenshi « travaille fort et répond aux gens personnellement. » Il est « bienveillant » et « intelligent ». Il trouve le moyen de faire preuve d'humour, d'inspirer ses électeurs et de célébrer les arts, même en pleine catastrophe. Il écoute les autres et les fait participer à la prise de décisions, et il met à contribution le pouvoir des familles et des bénévoles de la collectivité.

Surtout, honorables sénateurs, il montre à quel point le gouvernement peut constituer une influence puissante et positive, qui fait en sorte que personne ne se sente exclu ou laissé pour compte.

Ce qui ne cesse de m'impressionner, c'est la lucidité avec laquelle le maire Nenshi se concentre sur la sécurité et le bien-être de ses électeurs. Comme il le dit lui-même : « On peut réparer ou remplacer des choses; on ne peut pas réparer des gens. »

À mon avis, honorables sénateurs, le maire Nenshi peut tous nous servir d'exemple. Je vous invite à vous joindre à moi pour le remercier du service qu'il rend aux Calgariens et aux Canadiens.

La station de baleiniers basques de Red Bay

Le désignation en tant site du patrimoine mondial de l'UNESCO

L'honorable Elizabeth (Beth) Marshall : Honorables sénateurs, samedi dernier, le 22 juin, la station de baleiniers basques de Red Bay à Terre- Neuve-et-Labrador a été inscrite à la Liste du patrimoine mondial de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, aussi connue sous le sigle UNESCO, lors de sa séance annuelle tenue au Cambodge cette année.

La station de baleiniers de Red Bay, site archéologique du XVIe siècle situé à Terre-Neuve-et-Labrador, est le 17e site canadien à être inclus par le comité du patrimoine mondial de l'UNESCO dans la liste des 981 sites qui forment le patrimoine culturel et naturel mondial, en raison de leur valeur universelle exceptionnelle.

Red Bay, qui est situé le long du détroit de Belle-Isle, au Labrador, est le troisième site du patrimoine de l'UNESCO de Terre-Neuve-et- Labrador. Les deux autres sites qui en font partie sont le village viking de L'Anse aux Meadows, établi il y a 1 000 ans, et le parc national du Gros-Morne. On trouve à Red Bay les vestiges les plus anciens, les plus complets et les mieux préservés de l'époque où les Européens venaient ici pour chasser la baleine.

Si l'on tient compte de sa zone tampon, le site de la station de baleiniers basques de Red Bay couvre une superficie de quelque 600 hectares de ressources terrestres et immergées. Les recherches archéologiques et historiques ont permis de découvrir que, à partir des années 1540 jusqu'au début du XVIIe siècle, environ 1 000 hommes et jeunes garçons basques quittaient chaque année leur famille du Sud de la France ou du Nord de l'Espagne pour faire une traversée de plus de 4 000 kilomètres dans l'océan Atlantique Nord. Ils allaient pêcher la baleine noire dans l'Atlantique Nord et au Groenland et en transformaient le gras en huile, une ressource précieuse à cette époque.

C'est grâce aux recherches archéologiques de Mme Selma Barkham que ce chapitre extraordinaire de l'histoire canadienne, inconnu avant les années 1970, a pu être mis au jour. De 1977 à 1992, les fouilles terrestres ont été menées par des spécialistes de l'Université Memorial de Terre-Neuve et le gouvernement de Terre- Neuve-et-Labrador, et les fouilles sous-marines, par Parcs Canada.

Honorables sénateurs, les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador et tous les Canadiens sont fiers que ce site important de l'histoire canadienne ait été désigné site du patrimoine de l'UNESCO et qu'il soit ainsi protégé et préservé.

M. Christopher Goddard

La Commission des pêcheries des Grands Lacs

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je tiens ce soir à saluer M. Christopher Goddard.

La Commission des pêcheries des Grands Lacs, qui réunit les esprits les plus brillants, est un organisme international fondé en 1955 dont l'unique but est de protéger et de mettre en valeur les Grands Lacs, une ressource naturelle extraordinaire qui appartient à tous les Canadiens.

Plus précisément, la Commission des pêcheries des Grands Lacs a deux responsabilités principales, à savoir mettre sur pied des programmes coordonnés de recherche sur les Grands Lacs et, en fonction des conclusions tirées, recommander des mesures devant assurer la productivité maximale et constante de tout stock de poisson qui présente un intérêt commun; ainsi qu'établir et mettre en œuvre un programme visant à faire disparaître ou à minimiser la lamproie marine dans les Grands Lacs.

Pour remplir ce mandat au cours des six dernières décennies, la Commission des pêcheries des Grands Lacs a lutté contre les espèces envahissantes comme la lamproie marine, la carpe asiatique et les moules zébrées, a mené des recherches sur les répercussions de l'augmentation du trafic maritime dans les voies navigables et s'est battue sans relâche pour protéger l'habitat et la qualité de l'eau du bassin des Grands Lacs, qui a une superficie de plus de 750 000 kilomètres carrés et qui se trouve dans l'une des régions les plus biologiquement diversifiées du Canada.

C'est une lourde tâche, mais la petite équipe d'experts de la Commission des pêcheries des Grands Lacs est l'une des meilleures.

Aujourd'hui, je désire rendre hommage à l'un des membres de cette équipe, qui est sur le point de prendre sa retraite. En effet, plus tard cet été, Christopher Goddard quittera ses fonctions après avoir occupé pendant 18 ans le poste de secrétaire exécutif de la Commission des pêcheries des Grands Lacs.

(1810)

Après avoir obtenu un baccalauréat ès sciences, une maîtrise en sciences et un doctorat de l'Université York, il a commencé sa carrière au ministère des Ressources naturelles de l'Ontario, où il était responsable des pêches, assurait la liaison avec d'autres pays au sujet des ressources partagées et œuvrait à la protection des ressources naturelles canadiennes. Ce fut les prémices d'une brillante carrière pour M. Goddard, laquelle lui a valu des éloges et des prix, y compris le prix du service méritoire décerné par la société américaine des pêches.

Outre le travail qu'il fait pour la Commission des pêcheries des Grands Lacs, il occupe un poste de professeur à la Michigan State University et à l'Université du Michigan, car il reconnaît l'importance de transférer sa passion et son expertise aux jeunes universitaires et aux générations futures.

Les services qu'il rend à la Commission des pêcheries des Grands Lacs et aux Canadiens non seulement témoignent de son caractère, mais sont un exemple extraordinaire de service passionné et patriotique pour les Canadiens. Nous remercions M. Goddard de son dévouement et de ses contributions au Canada, toute sa vie durant, et lui souhaitons une belle retraite bien méritée.

[Français]

Le décès de l'honorable Andy Scott, C.P.

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, j'espère que vous allez excuser le fait que je fasse ma déclaration sans notes manuscrites. Je suis encore un peu sous le choc de la nouvelle du décès d'un ancien collègue, un ex-ministre libéral fédéral du Nouveau-Brunswick, l'honorable Andy Scott. Effectivement, tôt ce matin, Andy nous a quittés à la suite de son combat contre le cancer.

Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse : il semble que nous soyons beaucoup affectés par le cancer depuis quelque temps, de façon presque hebdomadaire.

J'ai rencontré Andy lorsque j'ai commencé à m'impliquer au sein du Parti libéral du Nouveau-Brunswick, en 1986. Déjà, tout jeune homme, il était impliqué dans sa communauté. Comme francophone, j'ai vite constaté le dévouement d'Andy envers les Acadiens et les francophones du Nouveau-Brunswick. Il avait à cœur les minorités. Il avait à cœur tout ce qui était perçu comme une injustice.

Durant les 15 années où il a siégé à la Chambre des communes comme député de Fredericton, il a travaillé avec acharnement pour la population de Fredericton et de l'ensemble du pays. Que ce soit en matière d'éducation ou de défenseur peuples autochtones, Andy était toujours disponible pour recevoir les commentaires et les suggestions de tous afin que le Canada puisse profiter de meilleures politiques sociales.

Quand Andy a été ministre des Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, il était certainement très impliqué dans le développement de l'Accord de Kelowna.

C'était dans son caractère. Andy était exceptionnel : il n'était pas un politicien partisan, mais bien un homme qui faisait de la politique afin d'instaurer des mesures pour le mieux-être de tous. Il faut reconnaître que tous les politiciens ne sont pas de cette trempe.

J'ai été choyée de pouvoir rencontrer et connaître Andy.

Il a quitté la politique en 2008 pour s'occuper de sa nouvelle épouse et de leur fils, Noah, dont ils étaient extrêmement fiers.

Andy va nous manquer. Denise et Noah auront besoin de notre appui.

Je vous remercie, honorables sénateurs, d'avoir écouté mes doléances et mes émotions.

L'honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, j'aimerais me joindre à la sénatrice Ringuette pour partager ses doléances.

[Traduction]

L'honorable Vernon White

Félicitations pour avoir obtenu un doctorat professionnel en leadership dans les services de police

L'honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, c'est un grand honneur pour moi ce soir de prendre la parole pour rendre hommage à l'un de nos collègues, le sénateur Vernon White.

Honorables sénateurs, le sénateur White a entrepris un doctorat professionnel à l'Université Charles Sturt, dans le cadre duquel il a dû faire des travaux, mener à bien un projet de recherche et rédiger une dissertation. Sa dissertation s'intitule Tenure in a Police Environment : Its Impact on Morale.

Honorables sénateurs, cette politique a été mise en place au Service de police d'Ottawa alors que le sénateur White était chef de police et visait à améliorer la mobilité des policiers entre les divers rôles et à accroître les compétences et l'expérience des policiers en première ligne. À la suite de cette recherche, des recommandations ont été formulées concernant la gestion des ressources humaines, la planification de la relève et le leadership dans les services de police.

[Français]

Le sénateur White a étudié à temps partiel pendant quatre ans à l'Université Charles-Sturt pour recevoir son diplôme. Aujourd'hui, on le reconnaît comme docteur White.

[Traduction]

En guise de conclusion, il convient de dire que Vernon White était un chef extraordinaire, et qu'il est un sénateur extraordinaire.

Honorables sénateurs, la différence entre ordinaire et extraordinaire est ce petit mot de cinq lettres, « extra ». Personne ne peut le nier. Depuis ses humbles débuts, le sénateur White a appris que ce n'est pas l'échec qui fait d'une personne un raté, mais plutôt son incapacité à s'en remettre. Nul doute que le modèle qu'il est ne s' est jamais laissé abattre par un échec.

Merci, sénateur White, du leadership dont vous avez fait preuve à l'échelle du pays dans le domaine policier. Vous avez connu une carrière remarquable. Vous avez laissé votre marque. Merci beaucoup pour un travail bien fait. Nous sommes fiers de vous. Que Dieu vous bénisse, vous et votre famille.

L'Ordre de l'Île-du-Prince-Édouard

Félicitations aux récipiendaires de 2013

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, j'aimerais féliciter trois insulaires remarquables à qui on a décerné l'Ordre de l'Île-du-Prince-Édouard. Il s'agit de Mme Vera Elizabeth Dewar, de l'honorable Alex B. Campbell, et de la Dre Joyce Madigane. Ces trois personnes ont contribué de façon exceptionnelle à ma province.

Mme Vera Dewar travaille depuis près de 50 ans dans le monde des soins infirmiers, où elle a occupé divers postes. Elle a milité assidûment en faveur d'une école provinciale de sciences infirmières et ses efforts ont été récompensés en 1982 par la création de l'École des sciences infirmières de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard. Elle a reçu de nombreux prix, dont l'Ordre du Canada en 2011, pour ses multiples contributions aux soins infirmiers. Généalogiste passionnée, elle a également publié Perthshire to Three Rivers, la généalogie des descendants des colons écossais de la région de Brudenell.

L'honorable Alex Campbell est le premier ministre de l'Île-du- Prince-Édouard qui a été en poste le plus longtemps, soit de 1966 à 1978. Pendant cette période, il a présidé à certaines des plus importantes réformes jamais entreprises dans la province, et on dit souvent de lui qu'il a jeté les bases de la modernisation de la province. Il a été extrêmement populaire en tant que premier ministre, et son leadership sûr lui a valu le respect et l'admiration de ses concitoyens. Après avoir été premier ministre, M Campbell a été nommé juge à la Cour suprême de l'Île-du-Prince-Édouard, poste qu'il a occupé jusqu'en 1994.

La Dre Joyce Madigane a servi les habitants de Tyne Valley et de Lennox Island pendant quatre décennies. Elle est arrivée de Rhodésie en 1974 et s'est rapidement intégrée à la collectivité. Au fil des ans, elle s'est consacrée avec un zèle indéfectible au bien-être de ses patients, qui peuvent témoigner de son travail acharné. Elle a reçu la Médaille du jubilé d'or de la reine Elizabeth II en 2002 et a été nommée citoyenne de l'année de Tyne Valley en 2005 et aînée de l'année par la Première Nation de Lennox Island en 2010.

(1820)

Honorables sénateurs, l'Ordre de l'Île-du-Prince-Édouard est le plus grand honneur que peut décerner la province. Depuis la création de l'ordre en 1996, plus de 45 Prince-Édouardiens de tous les horizons ont été reconnus pour leurs contributions importantes à leur collectivité.

Il ne fait aucun doute que ces trois nouveaux récipiendaires sont dignes de l'honneur qui leur sera accordé à l'occasion d'une cérémonie d'investiture spéciale en octobre. Veuillez vous joindre à moi pour féliciter Mme Vera Elizabeth Dewar, l'honorable Alex B. Campbell et la Dre Joyce Madigane pour leur nomination imminente en tant que membres de l'Ordre de l'Île-du-Prince- Édouard.

Le Sénat

Hommage aux pages à l'occasion de leur départ

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de passer au dépôt de documents, je souhaiterais saluer deux de nos pages qui nous quittent.

Adriana Da Silva Bellini a grandi dans sa ville natale de Montréal. Elle commencera sa troisième année en droit civil à l'Université d'Ottawa et compte obtenir son diplôme à Rio de Janeiro dans le cadre d'un programme d'échange. Elle espère ensuite compléter ses études en droit dans le programme national d'un an en common law à l'Université Dalhousie avant d'entreprendre un stage dans un cabinet d'avocats national à Montréal, qui l'a déjà sélectionnée.

[Français]

À ma gauche se trouve Geneviève Beebe, née à Laval et ayant grandi à Montréal. Elle ira terminer ses cours d'espagnol à Cadiz, en Espagne, en juillet de cette année, afin d'obtenir son baccalauréat en études internationales et langues modernes de l'Université d'Ottawa. En septembre 2013, Geneviève poursuivra ses études à l'Université McGill au baccalauréat intégré en droit civil et en common law.

[Traduction]

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous remercie de vos services.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

L'étude sur les obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne

Dépôt du treizième rapport du Comité des droits de la personne

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le treizième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, qui porte sur diverses questions ayant trait aux droits de la personne et examine, entre autres choses, les mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne.

(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Le Sénat

Préavis de motion tendant à prolonger la séance de mercredi et à autoriser les comités à siéger même si le Sénat siège

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre adopté par le Sénat le 18 octobre 2011, lorsque le Sénat siégera le mercredi 26 juin 2013, il poursuive ses travaux après 16 heures et qu'il suive la procédure normale d'ajournement conformément à l'article 3-4 du Règlement;

Que les comités sénatoriaux devant se réunir le mercredi 26 juin 2013 soient autorisés à siéger même si le Sénat siège, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard;

Que l'application de l'article 3-3(1) du Règlement soit suspendue pour la séance du mercredi 26 juin 2013.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

La sécurité publique

Les inondations en Alberta—Les accords d'aide financière en cas de catastrophe

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, en tant qu'Albertaine, je suis à la fois triste et bouleversée de constater l'ampleur de la destruction causée par les inondations sans précédent qui ont ravagé l'Alberta et, comme tous les sénateurs, je m'inquiète du bien-être et de la sécurité des personnes touchées par cette catastrophe.

J'aimerais louer les efforts déployés par les travailleurs d'urgence, qui ont fait preuve d'un grand courage, ainsi que par tous ceux qui se sont portés volontaires pour aider leurs voisins pendant cette période difficile. J'aimerais aussi remercier le gouvernement pour la compassion qu'il a manifestée et le soutien qu'il a offert. Je sais que le premier ministre, lui-même originaire de Calgary, est tout à fait conscient de l'ampleur de la destruction.

Il est fort probable qu'un nouveau record sera établi dans le Sud de l'Alberta pour ce qui est des dégâts causés par les inondations, autant du point de vue des coûts que du nombre de personnes ayant été chassées de leur domicile. Quant aux dommages matériels causés par les inondations, ils semblent être sans précédent. Malheureusement, de façon générale, les polices d'assurance ne couvrent pas les dommages causés par les inondations. La première ministre Redford s'est engagée à allouer 1 milliard de dollars afin que l'on puisse amorcer la reconstruction.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire quel sera le montant de l'aide que le gouvernement du Canada accordera aux Albertains? Des fonds seront-ils alloués dans le cadre des accords d'aide financière en cas de catastrophe?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je remercie la sénatrice Tardif de sa question. Je suis certaine que nous sommes tous horrifiés par l'ampleur du problème des très graves inondations dans beaucoup de splendides municipalités du Sud de l'Alberta, une région que la plupart d'entre nous connaissent très bien. Notre collègue, le sénateur Tannas, habite à High River et a été évacué de chez lui.

Vendredi, le premier ministre a pris l'avion pour l'Alberta, où il a rencontré le maire de Calgary, la première ministre de l'Alberta, les premiers intervenants et d'autres représentants du gouvernement de l'Alberta et de l'administration municipale de Calgary.

Il est vrai que, dans de nombreux cas, l'assurance ne couvrira pas les dommages causés par ce désastre, et c'est là que le Programme d'aide aux sinistrés sera utile.

Grâce aux Accords d'aide financière en cas de catastrophe, le gouvernement du Canada paie une partie des frais admissibles d'intervention et de rétablissement en cas de catastrophe lorsque ces frais dépassent ce dont les provinces et les territoires peuvent raisonnablement s'acquitter. Les frais admissibles comprennent entre autres les opérations d'évacuation, les opérations de sauvetage, la remise des services publics et des infrastructures à leur état initial et le remplacement ou la réparation des biens essentiels et fondamentaux des particuliers, des petites entreprises et des petites exploitations agricoles.

Les Accords d'aide financière en cas de catastrophe constituent un moyen éprouvé de fournir de l'aide financière aux provinces et aux territoires selon des lignes directrices établies et une formule de partage des coûts. Comme le premier ministre et d'autres ministres l'ont indiqué, le gouvernement du Canada participera pleinement à l'effort et prendra à sa charge une partie du fardeau financier, conjointement avec la province de l'Alberta et les municipalités éprouvées par cette situation épouvantable.

L'environnement

La recherche sur les changements climatiques

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Je remercie la ministre pour cette réponse et je remercie le gouvernement pour l'aide fournie.

Ce matin, j'ai entendu le ministre d'État Ted Menzies dire à la radio que les phénomènes météorologiques extrêmes comme les inondations en Alberta sont de plus en plus courants. Selon lui, il ne fait aucun doute que le climat est en train de changer dans le monde. Malgré cela, le gouvernement a réduit, au cours des dernières années, les programmes de surveillance météorologique. Il a notamment sabré le financement de la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l'atmosphère, qui subventionne les scientifiques dont le travail consiste à étudier les phénomènes météorologiques. Ces réductions ont entraîné la fermeture des stations de surveillance météorologique et l'élimination de la recherche sur les changements climatiques.

Compte tenu de ces événements troublants, des avertissements des scientifiques, qui nous préviennent que nous devrions nous attendre à voir de plus en plus souvent des phénomènes météorologiques imprévisibles et extrêmes, et des propos du ministre Menzies, le gouvernement croit-il encore que sabrer les programmes de surveillance météorologique et fermer les stations de recherche comme la station PEARL et la station du lac Kluane était une bonne idée?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Premièrement, honorables sénateurs, ce qui s'est passé en Alberta est une catastrophe sans précédent.

(1830)

À la télévision, un chercheur a expliqué les circonstances bien particulières qui sont à l'origine de cette grave inondation : une énorme calotte de neige sur les Rocheuses, un sol qui n'était pas complètement dégelé à cause du printemps très tardif et qui n'a donc pas pu absorber beaucoup d'eau, de 24 à 30 heures de précipitations record ainsi que des ruisseaux et des rivières incapables de canaliser le débit excédentaire. Il s'agit d'un concours de circonstances tout à fait exceptionnel.

Je pense qu'il faudra un jour ou l'autre tenir un débat sur les changements climatiques. Pour ce qui est de l'inondation elle-même, je précise qu'il y en a eu une autre aussi grave il y a plus d'un siècle; la différence, c'est que, à l'époque, une bonne partie des secteurs inondés n'étaient pas habités.

La sécurité publique

Les inondations en Alberta—Les Accords d'aide financière en cas de catastrophe

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je veux poursuivre sur le même sujet.

Je me demande si madame le leader est en mesure de fournir des précisions. Elle a dit expressément qu'une aide financière serait offerte, selon certains critères, pour la réparation d'infrastructures, d'entreprises et de résidences. Veut-elle dire que quiconque satisfait aux critères pourra obtenir cette aide sans que l'enveloppe soit plafonnée? Ou est-ce que le gouvernement fédéral pourrait finir par décider qu'il ne versera pas un sou de plus, même si tout le monde n'a pas été dédommagé?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Merci, sénateur Mitchell. J'ai indiqué comment le gouvernement entend procéder. Il s'agit d'une catastrophe d'une ampleur considérable. Le gouvernement est fermement résolu à appliquer le programme d'aide en cas de catastrophe.

Des sommes considérables seront évidemment nécessaires. Cependant, je crois qu'il est un peu prématuré de se prononcer sur ce point tant que nous ne connaîtrons pas concrètement l'ampleur de l'aide dont les propriétaires fonciers, les agriculteurs, les municipalités et la province auront besoin. Il en va de même en ce qui concerne les infrastructures, car, avant de savoir à combien s'élèvera la note, sénateur Mitchell, il faut d'abord que tous les ordres de gouvernement puissent évaluer complètement la situation.

Je pense qu'il est un peu trop tôt pour parler des infrastructures, parce que, bien franchement, sénateur Mitchell, tant et aussi longtemps que les divers ordres de gouvernement n'auront pas eu la chance de pleinement évaluer la situation, nous ne saurons pas à quel montant s'élèvent les dégâts.

Le sénateur Mitchell : Merci. La première ministre Redford a clairement dit que l'Alberta débloquera des fonds d'ici 10 à 15 jours, ce qui rassure les nombreuses personnes dont la vie a été si profondément bouleversée ainsi que, de façon générale, les régions dont les infrastructures ont été gravement touchées.

Je me demande comment le programme fonctionnera. Est-ce la province qui commencera à octroyer de l'argent, puis le gouvernement fédéral fera sa part? Le gouvernement fédéral ne pourrait-il pas lui aussi s'engager à allouer des fonds d'ici 10 à 15 jours?

La sénatrice LeBreton : Merci, sénateur Mitchell. Voici la procédure. Le pourcentage des coûts admissibles remboursés au titre des accords d'aide financière en cas de catastrophe est déterminé par une formule de partage des coûts très précise; la politique est claire. Toute dépense admissible est vérifiée avant qu'un versement ne soit effectué.

Soyons très clairs, honorables sénateurs. Il n'y a aucune limite aux paiements qui peuvent être faits au titre des Accords d'aide financière en cas de catastrophe.

L'environnement

Les recherches scientifiques sur les changements climatiques

L'honorable Grant Mitchell : Madame le leader a formulé des observations intéressantes sur ce qu'elle pense des changements climatiques. Je me demande si elle ne pourrait pas au moins reconnaître que, lorsque la planète se réchauffe, l'air aussi se réchauffe, et l'air peut alors retenir davantage d'eau, d'humidité, et que, selon toute vraisemblance, c'est ce qui expliquerait notamment que de plus en plus de tempêtes toujours plus dévastatrices se déchaînent.

Madame le leader pourrait-elle au moins envisager la possibilité que c'est ce qui se passe ici et ailleurs au Canada et que cela pourrait encore se produire à l'avenir et qu'il faut dès maintenant commencer à en tenir compte dans les budgets?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Sénateur Mitchell, je n'étais pas en train de donner mon propre discours; j'ai simplement dit que ce n'est pas le temps de se servir de ce problème très grave pour faire de la politique au sujet des changements climatiques. J'ai simplement souligné que nous avons dû faire face à des catastrophes semblables auparavant. Lorsque les conditions sur la Terre... Il n'y avait pas autant de voitures il y a 100 ans.

J'ai dit cela, sénateur Mitchell, seulement parce que je crois qu'il est encore trop tôt pour se prononcer de façon définitive sur l'ensemble des causes liées à ces inondations.

[Français]

Les anciens combattants

Les niveaux de dotation et de services à la clientèle—Politique d'embauche

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat et concerne le ministère des Anciens Combattants.

On sait que la terminologie de la transformation se résume essentiellement au mot « suppression ». Et « make more with less » est une autre expression qui veut dire « suppression ». On vient de nous annoncer qu'il y a encore des suppressions de personnel au ministère des Anciens Combattants à un moment où le volume d'activités augmente, ainsi que la complexité des dossiers. Cela implique beaucoup plus les provinces dans des dossiers qui sont intégrés au problème des familles.

Les problèmes augmentent et on réduit les services. On remarque qu'il s'agit particulièrement de services directs destinés aux anciens combattants, des services essentiels. On met des gens à pied pour engager du personnel contractuel. On a octroyé un contrat de 318 millions de dollars à une compagnie privée qui est responsable d'assurer ces services aux anciens combattants.

La compagnie qui a été choisie a-t-elle une politique d'embauche d'anciens combattants?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Premièrement, sénateur Dallaire, près de 700 employés d'Anciens Combattants Canada pourront prendre leur retraite au cours des deux prochaines années. Avec les nouvelles procédures de travail et les nouvelles technologies qui sont en place, le gouvernement est convaincu que la plus grande partie de ces réductions pourront se faire grâce à une gestion efficace des ressources humaines. L'ensemble des changements que l'attrition et les départs à la retraite apporteront au personnel n'influenceront pas les services offerts aux anciens combattants.

En ce qui concerne l'organisation du secteur privé dont le sénateur a parlé, je vais devoir prendre note de la question. Je n'ai aucun renseignement sur cette organisation.

Le sénateur Dallaire : Merci, madame le leader. Nous parlons non seulement des personnes qui quittent leur poste, mais aussi de la suppression de postes de première ligne occupés par des gens qui sont en relation directe avec les anciens combattants. On est en train de dire aux anciens combattants d'aller sur le Web pour trouver bon nombre de réponses. Ces anciens combattants doivent vivre avec des blessures, surtout psychologiques, ce qui veut dire qu'ils ne sont tout simplement pas en mesure de faire cela. Ils ont besoin d'une rencontre en personne avec l'agent chargé de leur dossier. Il faut habituellement leur consacrer encore plus de temps qu'auparavant en raison de la complexité des problèmes auxquels ils doivent faire face.

Ce ministère doit déjà rendre des comptes pour la piètre qualité des services de première ligne qu'il offre aux anciens combattants. Maintenant, non seulement il réduit son personnel mais il confie également ces services au premier sous-traitant venu. De plus, nous disons aux anciens combattants de s'adresser à Service Canada, qui n'a aucune idée de ce qui se passe chez Anciens Combattants Canada.

Pouvez-vous me dire si Anciens Combattants Canada est en train de se transformer de façon fondamentale et d'abandonner la dimension humaine associée aux services de première nécessité qu'il offre aux anciens combattants qui doivent vivre avec des blessures ainsi qu'à leur famille, en se cachant notamment derrière des règles et des règlements afin de ne pas nécessairement avoir à faire face à la colère que soulève ce genre de décisions chez les anciens combattants?

La sénatrice LeBreton : C'est exactement l'inverse qui se passe, sénateur Dallaire.

(1840)

Nous investissions dans 24 centres intégrés de soutien du personnel répartis partout au pays pour réunir un certain nombre de services importants des Anciens Combattants et des Forces canadiennes car, comme nous le savons, nous avons maintenant une nouvelle cohorte d'anciens combattants, une cohorte plus jeune. C'est pourquoi nous ne réduisons pas les services. Au contraire, nous ajoutons 24 centres intégrés de soutien du personnel.

Je répète, toute modification aux effectifs du ministère des Anciens combattants est le résultat de départs à la retraite. À Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard, nous sommes résolus à maintenir en place un personnel de plus de 1 000 employés. Évidemment, nous avons des gens là-bas qui sont également admissibles à la retraite.

Nous avons un bilan remarquable pour ce qui est de collaborer avec nos anciens combattants et, bien entendu, de collaborer plus étroitement avec le ministère de la Défense nationale.

Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Je demanderais à madame le leader d'avoir l'obligeance de demander au ministre des Anciens Combattants de lui transmettre les véritables données sur les anciens combattants qui travaillent dans ces 24 unités de soutien conjointes. Celles-ci ont été créées conjointement par la Défense nationale et Anciens Combattants Canada, et je peux dire avec certitude aux honorables sénateurs qu'Anciens Combattants Canada réduit son personnel dans ces centres et confie à Défense nationale certaines tâches administratives dont il assurait habituellement la prestation, si bien que ce sont maintenant des employés qui n'ont pas nécessairement les connaissances techniques nécessaires qui doivent remplir tous ces formulaires pour les anciens combattants.

Madame le leader pourrait-elle nous revenir pour confirmer si le ministre augmente effectivement les effectifs de première ligne ou s'il ne les a pas plutôt réduits pour confier une partie de la prestation des services à Service Canada et à la Défense nationale?

La sénatrice LeBreton : Je pense que ce qui compte, honorables sénateurs, c'est que les anciens combattants reçoivent les services qu'il leur faut, peu importe qu'ils les obtiennent du ministère de la Défense nationale ou du ministère des Anciens Combattants. Là n'est pas la question. Ce qu'il faut se demander, c'est si nous faisons tout ce que nous pouvons pour aider et soutenir les anciens combattants. La réponse est, de toute évidence, « oui ».

Le sénateur Dallaire : Si vous me le permettez, honorables sénateurs, j'aimerais poser une autre question supplémentaire. La leader a déclaré que la réponse était « oui ». Cependant, ceux qui travaillent déjà dans ces unités de soutien conjointes sont débordés par le nombre croissant des dossiers et, surtout, leur complexité. Il s'ensuit qu'ils n'arrivent pas à s'occuper des anciens combattants comme ils le devraient et à faire en sorte que le lien avec le ministère des Anciens Combattants se fasse vraiment dans l'intérêt de la personne concernée et de sa famille, afin que la personne ne soit pas laissée pour compte.

Je pose de nouveau ma question à madame le leader : pourrait-elle demander au ministre si le service est encore efficace? Réduit-il le personnel de première ligne? Le MDN est-il débordé?

Incidemment, c'était très habile de dire que nous n'allons pas faire double emploi avec le MDN. Ainsi, nous pourrons lui refiler le travail et c'est lui qui paiera la note.

La sénatrice LeBreton : Encore une fois, je tiens à assurer aux honorables sénateurs que nous avons les bonnes personnes aux bons postes et aux bons endroits pour aider les anciens combattants et leurs familles. Ces personnes sont déjà à l'œuvre.

Le sénateur semble croire que le système ne fonctionne pas et que les gens sont stressés et incapables de traiter les dossiers. J'ai entendu dire le contraire. Ce n'est pas tout : ces employés non seulement réussissent à faire leur travail dans les bureaux intégrés, mais en outre ils travaillent en étroite collaboration avec Service Canada pour offrir aux anciens combattants de tous les coins du pays des services auxquels ils n'avaient pas accès auparavant.

Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, je ne voudrais pas paraître arrogant, même si je suis le président du Sous-comité des anciens combattants de cette noble institution. Je peux cependant dire à madame le leader du gouvernement au Sénat que les affirmations qu'elle vient de faire sont, malheureusement, fausses. C'est pour cela que je lui demande de faire des vérifications auprès de son ministre et de me prouver que j'ai tort et que ses affirmations sont correctes.

La sénatrice LeBreton : Tout ce que je peux dire au sénateur Dallaire, c'est qu'il y a aujourd'hui 600 points d'accès mis à la disposition des anciens combattants dans tout le pays. À mon avis, c'est remarquable.

Nous sommes bien évidemment très reconnaissants envers nos anciens combattants. Nous ne ménageons pas nos efforts pour qu'ils soient bien traités par le gouvernement et reçoivent les soins adéquats et pour que les anciens combattants plus jeunes aient accès à des emplois intéressants. Nous avons mis sur pied de nombreux programmes pour aider les anciens combattants.

Je ne puis parler que de mon expérience personnelle, et je n'ai pas l'expérience du sénateur dans l'armée. Je ne puis parler que des anciens combattants que je rencontre dans les différentes sections de la légion que j'ai l'occasion de visiter. En règle générale, ils se disent très satisfaits des nombreux services que le gouvernement leur offre.

Le sénateur Dallaire : Ceci sera mon dernier commentaire, honorables sénateurs.

Avant tout, la leader peut-elle nous confirmer que Service Canada a mis en place une politique visant à embaucher des anciens combattants pour combler ces 600 postes, et ce, afin que les gens comprennent la nature des problèmes et y trouvent des solutions? De fait, il s'agit de 600 sites où il y a plus d'un poste à combler. Le ministre Blaney lui-même a dit qu'il aimerait que son ministère compte plus d'anciens militaires parce que, il l'a compris, le manque de compréhension du monde militaire et de sa philosophie rend les choses difficiles à comprendre et les réponses difficiles à trouver.

Madame le leader peut-elle confirmer que, pour combler ces emplois précis, Service Canada embauche en priorité des anciens combattants afin d'offrir ces services qui, selon elle, sont si efficaces?

La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, je suis persuadée que le ministre Blaney et le gouvernement sont à la recherche d'anciens combattants pour combler les postes disponibles, mais nous faisons plus encore.

Dans le cadre du Plan d'action de transition des vétérans, nous travaillons en partenariat avec la fondation La patrie gravée sur le cœur et des entreprises comme le CN et J.P. Morgan pour permettre à nos anciens combattants de saisir de nouvelles possibilités de carrière.

Je vais m'informer pour le sénateur, mais je suis persuadée que le ministre Blaney dispose d'un programme pour veiller à ce que les postes disponibles au ministère des Anciens Combattants soient offerts aux anciens combattants; je ne peux pas croire qu'il n'en existe pas.

Le Conseil du Trésor

Les compressions dans la fonction publique à l'Île-du-Prince-Édouard

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Elle porte aussi sur le ministère des Anciens Combattants.

La semaine dernière, on a annoncé que 224 postes seraient éliminés à l'échelle du pays. Ma province sera encore une fois la plus durement touchée. En effet, 143 de ces postes se trouvent à Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard, ce qui représente environ 64 p. 100 des compressions. Il s'agit d'une nouvelle dévastatrice pour une province comme la mienne, qui doit déjà composer avec un pourcentage disproportionné des suppressions d'emplois enregistrées dans la fonction publique.

En mai dernier, McInnes Cooper, une entreprise très fiable de l'Atlantique, a publié un rapport dans lequel elle estime que, d'ici 2015, les suppressions d'emplois représenteront de 10 à 12 p. 100 des effectifs permanents actuels de la fonction publique fédérale à l'Île- du-Prince-Édouard, alors que, dans le reste du Canada, elles compteront pour 5 p. 100.

Voici ma question : pourquoi le gouvernement supprime-t-il plus d'emplois à l'Île-du-Prince-Édouard qu'ailleurs au pays?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai déjà répondu à cette question quand j'ai répondu au sénateur Dallaire. Comme le gouvernement l'a promis, nous allons maintenir un effectif de plus de 1 000 employés à l'Île-du-Prince-Édouard. N'oubliez pas qu'à Charlottetown, plus de 200 employés seront admissibles à la retraite d'ici deux ans. Cependant, nous nous sommes engagés à maintenir un effectif de plus de 1 000 employés dans cette province. Il y aura donc des postes à pourvoir.

Le gouvernement est persuadé que les réductions d'emplois pourront être réalisées au moyen de bonnes pratiques de gestion des ressources humaines, tant à l'Île-du-Prince-Édouard qu'ailleurs au pays. Je tiens à redire à la sénatrice que le maintien d'un effectif de plus de 1 000 employés au ministère des Anciens Combattants à Charlottetown représente un engagement très solide de la part du gouvernement.

(1850)

La sénatrice Callbeck : Cela ne répond pas du tout à ma question. En fait, l'Île-du-Prince-Édouard est la province la plus durement touchée, et ces pertes d'emplois pourraient y avoir des conséquences désastreuses sur l'économie.

Selon le rapport de McInnis Cooper, les pertes d'emplois dans les secteurs public et privé pourraient priver l'économie de la province de 50 à 61 millions de dollars, soit plus de 1 p. 100 de son PIB.

La province a déjà perdu énormément d'emplois. Le gouvernement ferme le centre de traitement des demandes d'assurance-emploi de Montague et le bureau régional du ministère des Anciens Combattants à Charlottetown. Il a déjà fermé le bureau de Citoyenneté et Immigration et les comptoirs de service de l'Agence du revenu du Canada. Ces fermetures et ces suppressions d'emplois sont de très mauvaises nouvelles pour l'Île- du-Prince-Édouard, où le taux de chômage est habituellement plus élevé que la moyenne nationale. En fait, il est actuellement de 11 p. 100. Pourquoi ma province fait-elle les frais de ces pertes d'emplois?

La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, je soutiens exactement le contraire. Le gouvernement s'est engagé à conserver plus de 1 000 employés au bureau du ministère des Anciens Combattants de Charlottetown, ce qui est loin d'être négligeable. En outre, 200 employés prendront leur retraite au cours de la prochaine année, ou très prochainement, ce qui pourrait libérer 200 postes. Je rejette complètement ce que dit la sénatrice. À mon avis, l'engagement qu'a pris le gouvernement de conserver un effectif important au bureau du ministère des Anciens Combattants est très ferme, et nous sommes satisfaits du travail des employés d'Anciens Combattants Canada à l'Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Callbeck : J'ai une question complémentaire à poser. Si madame le leader ne veut pas accepter ce que je dis, acceptera-t- elle ce que McInnis Cooper dit dans son étude, à savoir que, d'ici 2015, de 10 à 12 p. 100 des effectifs fédéraux de la province seront perdus à cause des compressions, alors que ce pourcentage sera de 5 p. 100 dans le reste du pays?

La sénatrice LeBreton : Je pourrais passer ma vie à réagir à des rapports indépendants qui sont souvent inexacts. Je vais simplement me fonder sur l'engagement pris par le gouvernement, et je ne me prononcerai pas sur une étude indépendante menée par une organisation que je ne connais pas bien.

L'honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire.

Dans la réponse donnée au Sénat à une question que j'avais posée en mars 2010, on précise que l'administration centrale du ministère des Anciens Combattants avait en tout 1 509 employés à Charlottetown, y compris des employés nommés pour une période déterminée, des étudiants à temps partiel, et des employés occasionnels. Est-ce que madame le leader affirme aujourd'hui que Charlottetown perdra 509 postes parce que le gouvernement s'est engagé à conserver 1 000 postes?

La sénatrice LeBreton : Ma réponse était que nous conserverions un effectif de plus de 1 000 personnes.

Le sénateur Downe : Pour donner suite à la question de la sénatrice Callbeck, le gouvernement se rend-il compte que la suppression de 143 postes qu'il a annoncée la semaine dernière réduira à elle seule la contribution salariale à la province de 10 millions de dollars?

Une terrible inquiétude règne. Le plan de réduction de l'emploi du gouvernement est bien compris dans la fonction publique fédérale. On craint que le Canada atlantique soit touché de manière disproportionnée. En effet, si on examine les données sur l'emploi de la Commission de la fonction publique au fil des années, on constate que le Canada atlantique semble payer un prix plus élevé que la région de la capitale nationale.

Est-ce que la ministre a des chiffres à jour?

La sénatrice LeBreton : En fait, j'entends le même genre de réflexion ici, dans la région de la capitale nationale. Encore une fois, tous les ministères, en collaboration avec le Conseil du Trésor, examinent leur main-d'œuvre. Nous essayons de la moderniser et de la rendre plus efficace. Je n'ai pas de chiffres pour comparer, mais je peux assurer au sénateur que tous les ministères essaient de trouver des économies. En tout cas, nous avons promis que les services de première ligne ne seraient pas touchés et que nous rechercherions plutôt les gains d'efficience, que ce soit grâce à la technologie ou la réaffectation des ressources humaines.

Encore une fois, rien de tout cela n'entraînera des coupes dans les services offerts aux anciens combattants. Tous les ministères se sont engagés à couper dans leurs dépenses. Je ne pense pas qu'il y ait une région qui soit touchée de manière disproportionnelle. Quoi qu'il en soit, j'essaierai de trouver des chiffres plus récents pour le sénateur.

[Français]

Dépôt des réponses à des questions inscrites au Feuilleton

La sécurité publique—Le programme de soutien social

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 69 inscrite au Feuilleton par le sénateur Mitchell.

La sécurité publique—Les services médicaux offerts aux officiers de la GRC

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 73 inscrite au Feuilleton par le sénateur Mitchell.

La sécurité publique—Le programme de perfectionnement pour les superviseurs et les gestionnaires de la GRC

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 74 inscrite au Feuilleton par le sénateur Mitchell.

Réponse différée à une question orale

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer en cette Chambre une réponse différée à la question posée par le sénateur Dawson, le 24 avril 2013, concernant l'Organisation de l'aviation civile internationale

Les affaires étrangères

Les Nations Unies—L'Organisation de l'aviation civile internationale

(Réponse à la question posée le 24 avril 2013 par l'honorable Dennis Dawson)

Montréal accueille avec fierté le siège de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) depuis la création de l'organisme en 1947. En tant qu'important centre d'excellence international en aviation et à titre de métropole cosmopolite de renommée mondiale, Montréal est un foyer naturel pour l'OACI. Le Canada possède l'un des plus grands systèmes d'aviation civile du monde, proposant des vols vers de nombreuses destinations internationales. Montréal et sa région comptent des centres de recherche en aviation, des compagnies aériennes et des constructeurs aériens de calibre mondial, en plus de se classer au deuxième rang mondial du nombre d'emplois dans le secteur de l'aérospatiale. La province du Québec compte plus de 13 000 ingénieurs et scientifiques dans ce secteur. Par conséquent, l'OACI peut collaborer directement avec les principaux experts mondiaux de l'industrie de l'aérospatiale qui se trouvent à Montréal et ailleurs au Québec.

Le 27 mai 2013, le gouvernement du Canada, la province du Québec et la ville de Montréal se sont réjouis de la signature d'un accord supplémentaire entre le secrétaire général de l'OACI et le Canada visant à maintenir le siège de l'organisme à Montréal pour encore 20 ans après 2016.

Le gouvernement du Canada prend très au sérieux ses responsabilités de pays hôte et joue un rôle actif au sein de l'OACI afin de veiller à ce que les positions et les intérêts du Canada en matière d'aviation soient bien représentés sur la scène mondiale. Les trois ordres de gouvernement ont écouté attentivement les membres de l'OACI qui leur ont fait part de leurs besoins et de la façon d'appuyer au mieux, en tant que pays hôte, l'efficacité de l'organisme.

Équipe Montréal a réussi à rassembler des dirigeants et représentants politiques des trois ordres de gouvernement du Canada, ainsi que d'autres intervenants, afin que ces derniers puissent unir leurs efforts pour veiller à ce que le siège de l'OACI demeure à Montréal. L'accord supplémentaire étant maintenant signé, l'OACI peut reprendre ses activités : exercer une influence concrète sur la vie de milliards de passagers en améliorant la sécurité du transport aérien et en aidant l'aviation internationale à établir des liens entre les communautés, à ouvrir de nouveaux marchés et à stimuler la croissance économique.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Projet de loi nº 1 sur le Plan d'action économique de 2013

Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Buth, appuyée par l'honorable sénatrice Marshall, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-60, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Adoptée, avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

La Loi de l'impôt sur le revenu
La Loi sur la taxe d'accise
La Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces
La Loi sur la taxe sur les produits et services des premières nations et des textes connexes

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Black, appuyée par l'honorable sénatrice Bellemare, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-48, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, la Loi sur la taxe sur les produits et services des premières nations et des textes connexes.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

La Loi de l'impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Motions d'amendement et de sous-amendement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carignan, appuyée par l'honorable sénatrice Marshall, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières);

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l'honorable sénatrice Jaffer, que le projet de loi C-377 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 1 :

a) à la page 2, par substitution, à la ligne 27, de ce qui suit :

« bénéficiaire donné est supérieure à une somme égale à la rémunération annuelle totale en argent maximale qui pourrait être versée à un sous-ministre »;

b) à la page 3, par substitution, à la ligne 6, de ce qui suit :

« à la rémunération annuelle totale en argent maximale qui pourrait être versée à un sous-ministre, et des personnes exerçant des »;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Segal, appuyée par l'honorable sénatrice Nancy Ruth, que le projet de loi C-377 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 1 :

a) à la page 2 :

(i) par substitution, à la ligne 4, de ce qui suit :

« (2) Sous réserve du paragraphe 149.01(6), dans les six mois suivant la fin de chaque »

(ii) par substitution, à la ligne 27, de ce qui suit :

« bénéficiaire donné est supérieure à 150 000 $ »;

b) à la page 3, par substitution, aux lignes 5 et 6, de ce qui suit :

« ployés dont la rémunération annuelle est égale ou supérieure à 444 661 $ et des personnes exerçant des »;

c) à la page 5, par substitution, à la ligne 34, de ce qui suit :

« b) à la subdivision ou à la section locale d'une organisation ouvrière;

c) à l'organisation ouvrière qui compte moins de 50 000 membres;

d) aux fiducies de syndicat relativement à une ou plusieurs organisations ouvrières qui totalisent moins de 50 000 membres;

e) aux fiducies de syndicat dont les activités »;

d) à la page 6 :

(i) par substitution, à la ligne 6, de ce qui suit :

« sauf une fiducie visée à l'alinéa (6)e), et à la »,

(ii) par substitution, à la ligne 11, de ce qui suit :

« une police visé à l'alinéa (6)e); »,

(iii) par adjonction, après la ligne 16, de ce qui suit :

« (8) Il est entendu que le présent article n'a pas pour effet de porter atteinte au secret professionnel qui lie un avocat à son client. »;

Et sur le sous-amendement de l'honorable sénateur Cowan, appuyée par l'honorable sénatrice Tardif, que la motion d'amendement soit modifiée comme suit :

Que le projet de loi C-377 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 1, à la page 2, par substitution :

a) à la ligne 21, de ce qui suit :

« b) les états ci-après pour l'exercice indiquant le »;

b) à la ligne 32, de ce qui suit :

« ou à payer ou à recevoir, soit les états suivants : »;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénatrice Chaput, appuyée par l'honorable sénateur Mercer, que le projet de loi C-377 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 1 :

a) à la page 4 :

(i) par substitution, à la ligne 12, de ce qui suit :

« sés relatifs aux activités de recrutement, »,

(ii) par substitution, à la ligne 22, de ce qui suit :

« liés aux activités juridiques, sauf s'ils ont trait à des »;

b) à la page 5, par substitution, à la ligne 35, de ce qui suit :

« ont trait à l'administration, à la ».

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, le débat sur cette question est actuellement ajourné au nom de la sénatrice Cools. Je demande qu'il soit à nouveau ajourné à son nom à la fin du débat.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-377 est un projet de loi d'initiative parlementaire qui a été présenté à l'autre endroit il y a quelque temps. Nous en débattons maintenant à l'étape de la troisième lecture. Nous avons entendu nombre de discours éloquents au sujet de ce projet de loi — des discours qui soulignaient ses incohérences, ainsi que les questions ou batailles constitutionnelles qu'il risque de soulever.

Honorables sénateurs, ce projet de loi met à l'épreuve la capacité de cette Chambre de procéder à un second examen objectif. À un moment où le public canadien est de plus en plus sceptique à l'égard de notre rôle et du travail que nous accomplissons, ce projet de loi est pour nous l'occasion de montrer que nous jouons un rôle important dans le processus parlementaire.

J'ai suivi les audiences au sujet de ce projet de loi et j'ai vu les observations faites par le comité. J'accorde une grande importance aux observations formulées par les sénateurs ayant eu l'occasion de participer aux longues audiences qui ont eu lieu et ayant examiné tous les documents avant de se réunir pour décider ce qu'il fallait faire avec ce projet de loi.

(1900)

Honorables sénateurs, près de 500 courriels ont été envoyés à mon bureau par des particuliers et des groupes qui ont soulevé leurs préoccupations à propos de ce projet de loi. J'ai estimé qu'il m'incombait de préciser ma position en raison des nombreuses lettres et mémoires que j'ai reçus.

Avant de prendre la parole à ce sujet, j'ai attendu les interventions de certains partisans du projet de loi, pour mieux comprendre cette mesure législative et saisir pour quelle raison elle est nécessaire. Cependant, tout ce que j'ai entendu et lu concerne les problèmes posés par cette mesure législative, de même que par les observations qui y sont jointes. Je pense qu'il vaut la peine d'examiner les observations qui ont été jointes au projet de loi C-377 lorsqu'il nous est revenu.

Bien que le Comité des banques, présidé de façon compétente par le sénateur Gerstein, ait fait rapport sur le projet de loi C-377 sans amendement, il tient à souligner que, après une étude de trois semaines, au cours de laquelle le comité a entendu 44 témoins et reçu plusieurs mémoires d'organismes gouvernementaux, de syndicats, d'universitaires, d'associations professionnelles et d'autres intervenants, la grande majorité des témoignages et des mémoires ont soulevé de graves préoccupations au sujet de cette mesure législative. L'une des principales préoccupations concerne sa validité constitutionnelle, en ce qui a trait à la fois à la répartition des pouvoirs et à la Charte. Parmi les autres problèmes soulevés, on compte notamment la protection des renseignements personnels, le coût et le besoin d'une plus grande transparence, ainsi que le manque de précision quant aux personnes ou entités visées par cette mesure législative. Le comité partage ces préoccupations. Il n'a toutefois proposé aucun amendement parce qu'il est plus approprié que le Sénat dans son ensemble débatte de ces questions importantes.

Comme il aurait été agréable que les partisans du projet de loi puissent en débattre davantage.

Lorsque nous expliquons l'objet d'un projet de loi, comme le font les sénateurs dans le cadre de leurs études, nous recueillons toutes les observations possibles à son sujet. En l'occurrence, je suis revenu à l'intervention de la sénatrice Eaton à l'étape de la deuxième lecture. Dans son discours, elle a expliqué que les syndicats et leurs membres bénéficient d'importantes exemptions et déductions fiscales et que les travailleurs ont le droit de savoir comment leurs cotisations sont dépensées.

Cependant, la sénatrice Eaton, ainsi que le parrain du projet de loi à l'autre endroit, M. Hiebert, vont encore plus loin lorsqu'ils parlent de divulgation publique; c'est le grand public, et pas seulement les travailleurs et les syndicats, qui sauront comment l'argent est investi. Voilà qui soulève certaines questions, honorables sénateurs.

La première concerne la Loi de l'impôt sur le revenu. Le projet de loi est censé découler de cette loi. Il y a également la question de la divulgation publique, que j'ai déjà abordée. Lorsqu'elle a comparu devant le comité, la commissaire à la protection de la vie privée a exprimé de grandes réserves à l'égard de cet aspect-là du projet de loi.

Trop peu de partisans du projet de loi sont intervenus. Depuis le discours de la sénatrice Eaton à l'étape de la deuxième lecture, je pense que l'opposition au projet de loi s'est avérée écrasante, tant à l'étape de l'étude au comité qu'à l'étape de la troisième lecture.

Le principal objectif du projet de loi a beau être de favoriser la reddition de comptes et la transparence, ce à quoi personne ne s'oppose — personne ici ne s'oppose à ces grands idéaux —, c'est la façon dont on propose d'atteindre cet objectif qui suscite une si grande opposition.

Premièrement, il y a le fait que le projet de loi touche à la Loi de l'impôt sur le revenu. Je vais vous faire part de ce que certains spécialistes du droit constitutionnel nous ont dit, au cours de leur témoignage ou dans leur mémoire au Comité des banques, sur le fait qu'on tentait de se servir de la Loi de l'impôt sur le revenu pour que des renseignements personnels soient divulgués, ce qui va totalement à l'encontre des principes qui ont étayé cette loi jusqu'à présent.

Alain Barré, de l'Université Laval, a déclaré ce qui suit :

Je suis venu à la conclusion qu'il s'agissait d'une législation déguisée. Le législateur cherche à utiliser un vêtement juridique approprié afin de faire augmenter ses chances d'obtenir un jugement favorable en cas de contestation constitutionnelle.

Le professeur Ryder, qui a lui aussi témoigné devant le comité, a dit que le projet de loi « utilise la Loi de l'impôt sur le revenu comme un cheval de Troie », une manœuvre inconstitutionnelle qui vise à « réglementer les syndicats. »

Voilà comment les personnes qui ont témoigné devant le Comité sur les banques décrivent l'utilisation de la Loi de l'impôt sur le revenu pour atteindre le but visé par ce projet de loi.

Honorables sénateurs, le Conseil privé a décrété en 1925 que les relations de travail relèvent principalement des provinces. Plusieurs témoins et cinq provinces — le Québec, l'Ontario, le Manitoba, la Nouvelle-Écosse et la belle province du Nouveau-Brunswick — se sont tous prononcés auprès du comité, de vive voix ou par écrit, contre le projet de loi.

Le ministre Soucy, un ministre conservateur du Nouveau- Brunswick, a déclaré : « [...] je recommande fortement que ce projet de loi ne soit pas adopté. »

L'affaire Snider, en 1925, a permis d'établir que, selon la Constitution, les lois touchant le droit pénal et la fiscalité relèvent du gouvernement fédéral, et que celles concernant la propriété et les droits civils relèvent du gouvernement provincial. Il a été convenu que les relations de travail étaient du domaine de la propriété et des droits civils.

Jetons un coup d'œil sur ce projet de loi, afin de nous pencher sur d'autres problèmes qui ont été soulevés par divers intéressés qui l'ont étudié. Nous aurons ainsi une meilleure idée de quoi il retourne.

L'article 1 dit « [l]a Loi de l'impôt sur le revenu est modifiée par adjonction, après l'article 149, de ce qui suit ». Au début de l'article se trouve une définition de « organisation ouvrière » dont le libellé comprend des termes inclusifs, ce qui dans le domaine juridique veut dire qu'il pourrait s'agir de choses autres que ce qui est précisé. Plus loin dans la définition, divers éléments assimilables à une telle organisation se trouvent dans une liste fourre-tout.

Honorables sénateurs, ce projet de loi de quatre pages est truffé de termes inclusifs de ce genre. Il n'est guère souhaitable que la définition de divers termes soit rédigée de manière imprécise.

Honorables sénateurs, le projet de loi parle ensuite des organisations ouvrières et des fiducies de syndicat. Elles devront fournir des renseignements chaque année, et ces renseignements devront comprendre ceux indiqués au paragraphe 149.01(3). On peut lire que « la déclaration de renseignements doit comprendre notamment », puis on fournit une liste comprenant entre autres les bilans. Plus loin, on peut lire « comprenant l'état des comptes débiteurs ». Quoi d'autre doit-on inclure? C'est toujours la question qu'on se pose.

La liste des renseignements financiers à fournir comprend 20 éléments différents. Comme si ce n'était pas suffisant, on indique à la fin de la liste qu'il faut fournir « tout autre état prescrit ». Il faut déclarer tout ce qui est indiqué ainsi que tout le reste.

(1910)

Le projet de loi prévoit également que les renseignements devant être communiqués au gouvernement doivent être publiés sur le site web afin que le public puisse y avoir accès.

Honorables sénateurs, voilà ce sur quoi vous serez appelés à voter. Cette mesure législative est si imprécise qu'il est presque impossible de savoir sur quoi porte notre vote.

Je tiens à souligner certains enjeux qui ont été soulevés par diverses organisations qui s'opposent à cette mesure législative.

L'Agence du revenu du Canada a parlé du travail que représentera la mise en œuvre cette mesure législative et des millions de dollars, voire des dizaines de millions de dollars, que cela nécessitera.

La commissaire à la protection de la vie privée a, quant à elle, fait état de préoccupations relatives à la protection de la vie privée.

Cette mesure législative entraînera des coûts non seulement pour l'Agence du revenu du Canada, qui recueillera et publiera ces renseignements, mais aussi pour les syndicats et les fiducies. Ces dernières sont entre autres des entreprises qui investissent de l'argent pour les régimes de retraite. Elles n'auront pas le choix de se conformer au projet de loi. Comme vous le devinez, il ne s'agit pas de syndicats.

Quant à l'Association du Barreau canadien, elle a exprimé des préoccupations au sujet du secret professionnel qui lie l'avocat à son client. Vous avez d'ailleurs constaté que le sénateur Cowan a essayé d'aider l'association en proposant un amendement visant à protéger le secret professionnel qui lie l'avocat à son client.

Il ne faut pas non plus oublier les préoccupations liées à la Charte, comme la liberté d'association, la liberté d'expression et le droit de participer à des activités politiques.

Ces aspects ont été abordés par les témoins, et les sénateurs en ont aussi fait état dans leurs discours dans cette enceinte. À mon avis, ces discours ont tous été convaincants et très utiles. Honorables sénateurs, tous les arguments invoqués pourraient servir de fondement à une contestation judiciaire.

Il ne fait aucun doute que, si nous adoptons cette mesure législative, elle donnera lieu à des contestations judiciaires, pour l'une ou l'autre de ces raisons ou pour toutes ces raisons. De toute évidence, ce n'est pas l'approche que nous, sénateurs, désirons suivre, c'est-à-dire adopter une mesure législative trop ambitieuse et d'une trop grande portée et nous contenter d'attendre que les tribunaux fassent le travail à notre place.

Honorables sénateurs, la réalité correspond à ce qu'expliquent les représentants provinciaux, qui soulignent que le projet de loi fédéral n'est ni désiré ni nécessaire. Les relations de travail relèvent des provinces, donc c'est aux provinces que le Sénat devrait laisser le soin de gérer les questions de cet ordre.

Honorables sénateurs, puis-je avoir encore cinq minutes?

Son Honneur le Président : D'accord.

Le sénateur Day : Je tiens à mentionner quelques-uns des 500 organismes qui ont communiqué avec mon personnel. La section locale 1953 — celle de Winnipeg — de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale a dénoncé l'attaque aussi injuste qu'inconstitutionnelle du gouvernement Harper contre les travailleurs canadiens. Il y a la section locale 37 — celle du Nouveau-Brunswick — de la Fraternité internationale des ouvriers en électricité et la section locale 444 de TCA-Canada. Des agents de la GRC m'ont écrit, honorables sénateurs. Il y a aussi la section locale 1975 de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale; le Syndicat canadien de la fonction publique, au Nouveau-Brunswick; le Healthcare of Ontario Pension Plan — parce que, comme je vous l'ai dit, la fiducie est prise dans tout cela —; le régime de pensions des employés de la santé de la Nouvelle-Écosse; et, enfin, le régime de pensions des employés de la santé de la Saskatchewan, auquel adhèrent 348 000 travailleurs et retraités qui subiront les contrecoups du projet de loi étant donné les dispositions sur la fiducie de syndicat. Ils sont aussi préoccupés par la question de la protection des renseignements personnels. Ils redoutent que leur nom soit rendu public.

Il y a l'Association médicale canadienne. Toutes les provinces et tous les territoires y sont représentés. Il y a également la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants. L'Association des juristes de justice nous a aussi écrit. Elle représente les avocats fédéraux.

L'Agence du revenu du Canada a dit qu'il lui en coûterait quelque part entre un et des dizaines de millions de dollars pour assumer cette tâche supplémentaire. Si elle devait puiser ces fonds dans son budget, cela se ferait au détriment de quoi?

Le directeur parlementaire du budget a dit que le projet de loi était si vague — et cela rejoint ce que je disais tout à l'heure — qu'on ne peut en deviner le coût et que l'Agence du revenu du Canada sous- estime gravement ce qu'il en coûterait pour le mettre à exécution.

Le Congrès du travail du Canada nous a écrit, tout comme le Syndicat canadien de la fonction publique.

[Français]

Enfin, au Fonds de solidarité du Québec, ils ne sont pas contents non plus.

[Traduction]

Honorables sénateurs, comme ces observations de plusieurs syndicats différents vous permettent de le constater — et ce n'est là qu'un petit échantillon des 500 entités qui ont communiqué avec mon bureau —, si nous adoptions le projet de loi, nous déséquilibrerions un système qui fonctionne bien en compromettant l'équilibre entre la direction et les travailleurs syndiqués.

À mon avis, c'est là l'argument le plus convaincant. Le Canada n'a aucunement besoin d'une loi qui vienne chambouler le marché du travail, surtout pas en période de ralentissement économique.

Les sénateurs sont appelés à étudier quatre ensembles d'amendements, et je ferai de même. Toutefois, honorables sénateurs, pendant le court délai qui nous est imparti pour traiter de la question, je ne suis pas convaincu que ces quatre ensembles d'amendements suffisent à rectifier le projet de loi et à lui donner une forme que nous serions prêts à appuyer.

Je ne crois pas que les faits présentés tiennent compte des objectifs énoncés par le parrain du projet de loi, ni qu'aucune des objections formulées à l'égard de celui-ci puisse être résolue.

Espérons, honorables sénateurs, que, après avoir examiné l'objectif énoncé et pris en considération le fait qu'on a essayé de se servir de la Loi de l'impôt sur le revenu pour régler la question des relations de travail, vous serez convaincus, comme je l'ai été, qu'il est préférable de laisser les choses comme elles sont. Nous devrions voter contre ce projet de loi.

Des voix : Bravo!

L'honorable Terry M. Mercer : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Day : Certainement, avec plaisir.

Le sénateur Mercer : Honorables sénateurs, cette mesure législative draconienne semble avoir sur les relations de travail au pays des répercussions si considérables qu'il serait sage de demander l'avis du ministère du Travail.

Le ministre ou des représentants du ministère ont-ils été appelés à témoigner?

Le sénateur Day : Je n'ai pas assisté à toutes les réunions. J'aurais bien voulu, mais j'étais occupé par d'autres questions financières qui concernent le Sénat.

J'ai cependant passé en revue tous les témoignages. Je n'ai pas vu d'intervention de la part du ministre du Travail. S'il a été appelé à comparaître, je ne le sais pas.

Son Honneur le Président : Y a-t-il d'autres interventions?

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, le projet de loi C-377 est une mesure législative épouvantable. C'est une véritable chasse aux sorcières qui cible le fonctionnement et les relations des syndicats. Ce projet de loi soulève bien des questions liées à la protection des renseignements personnels, est fort probablement inconstitutionnel, entraînera des formalités administratives à n'en plus finir et coûtera cher non seulement aux syndicats, mais aussi aux contribuables. Il contrevient probablement à la Convention 87 de l'Organisation internationale du travail, que le Canada a ratifiée.

(1920)

Honorables sénateurs, si l'objet du projet de loi est l'accroissement de la transparence, pourquoi ne vise-t-il que les syndicats? Il exclut d'autres organisations professionnelles telles que les associations juridiques, comptables et médicales, dont les membres peuvent également déduire de leurs impôts leurs cotisations professionnelles à titre de dépenses d'emploi.

L'article 110 du Code canadien du travail oblige déjà les syndicats à fournir leurs états financiers à leurs membres. Autrement dit, les syndicats doivent rendre des comptes à leurs membres. Si ces derniers veulent des renseignements, la loi leur permet de les obtenir. Rien ne porte à croire que le régime légal et réglementaire actuel qui exige la communication des renseignements financiers des syndicats ne fonctionne pas. Moins de 1 p. 100 des 4 millions de syndiqués canadiens ont déjà porté plainte.

Honorables sénateurs, le projet de loi empiète sur les compétences des provinces. Les relations de travail sont, pour l'essentiel, du ressort des provinces. Cinq provinces représentant la majorité des Canadiens se sont déjà opposées au projet de loi parce qu'elles estiment que cette mesure empiète sur leurs droits.

L'Association du barreau canadien affirme que le projet de loi C- 377 « [...] fait naître de sérieuses préoccupations du point de vue du droit de la vie privée, du droit constitutionnel » et qu'il « risque de susciter des contestations constitutionnelles et des litiges ». Honorables sénateurs, pourquoi adopterait-on une loi qui, de l'avis des plus éminents juristes canadiens, sera annulée par les tribunaux?

Voici ce que la commissaire à la vie privée du Canada, Jennifer Stoddart, a dit en ce qui concerne les préoccupations en matière de vie privée :

[...] je dois souligner qu'il faut établir un juste équilibre entre la transparence et la reddition de comptes, d'un côté, et la protection du droit à la vie privée des individus [...]

[...] les noms de toutes les personnes ayant reçu des sommes [...] seront encore divulgués [...] pour certains versements [...] Il est évident que des renseignements personnels, et même, dans de nombreux cas, des renseignements personnels de nature délicate, figureront parmi les renseignements divulgués.

Mme Stoddart a ajouté ceci :

[...] à mon humble avis, n'est pas nécessaire pour atteindre l'objectif énoncé.

Honorables sénateurs, ce projet de loi créerait également des formalités administratives inutiles non seulement pour les syndicats, mais aussi pour le gouvernement et les entreprises; il coûtera des millions et réduira l'efficacité. Par exemple, les entreprises qui gèrent des régimes de pension devront présenter des rapports supplémentaires, dont certains feront double emploi avec ceux qu'elles doivent déjà produire, conformément aux exigences réglementaires existantes auxquelles elles doivent se conformer. En une année, les directeurs de placements exécutent généralement 11 000 transactions au nom d'un petit régime de retraite, ce qui représente environ 200 millions de dollars d'opérations financières. En vertu du projet de loi C-377, ils seraient obligés de consigner et de signaler au gouvernement des milliers de versements supérieurs à 5 000 $ aux bénéficiaires.

Le Multi-Employer Benefit Plan Council of Canada et des actuaires spécialisés dans les régimes de retraite ont prévenu que les coûts administratifs et de vérification supplémentaires liés au respect du projet de loi C-377pourraient entraîner une baisse du montant des prestations de retraite versées aux bénéficiaires. Le coût d'administration de ces régimes augmenterait, ce qui réduirait les fonds nets disponibles pour le versement des prestations de retraite. C'est totalement contre-productif.

L'administration du projet de loi C-377 serait également très coûteuse pour le gouvernement fédéral, et ces coûts seront absorbés par les contribuables. Comme il existe plus de 25 000 syndicats et organisations ouvrières représentant plus de 4 millions de Canadiens, les coûts de mise en œuvre et d'administration se chiffreraient dans les millions de dollars.

Je croyais que le gouvernement faisait la lutte aux tracasseries administratives.

En outre, le projet de loi C-377 va à l'encontre de nos obligations internationales en vertu de l'article 3 de la Convention 87 de l'Organisation internationale du travail, que le Canada a ratifiée en 1972. Selon cet article, les syndicats ont l'entière liberté d'organiser leurs activités administratives, et les autorités publiques ne devraient en aucun cas chercher à restreindre ce droit. Avec l'adoption de ce projet de loi, le Canada rejoindrait les rangs de pays qui contrôlent indûment les syndicats. En passant, ces pays font actuellement l'objet d'une enquête de la part de l'OIT. Le gouvernement tient-il vraiment à rejoindre des pays tels que le Zimbabwe, le Pakistan et le Guatemala dans ce domaine?

Honorables sénateurs, la Chambre doit bien réfléchir à ce projet de loi, qui a vraiment besoin d'un second examen objectif.

Honorables sénateurs, je voudrais aussi attirer votre attention sur certaines conséquences du projet de loi. Comme je l'ai indiqué précédemment dans cette enceinte — la semaine dernière, en fait — l'inégalité des revenus au Canada menace vraiment le tissu social et la cohésion sociale. Statistique Canada nous apprend que, entre 1980 et 2005, les revenus du segment représentant 20 p. 100 des Canadiens les plus riches ont augmenté de plus de 16 p. 100, tandis que les revenus du segment représentant 20 p. 100 de nos concitoyens les plus pauvres ont diminué de 21 p. 100. Quant à la classe moyenne, ses revenus ont stagné.

L'écart qui s'agrandit entre les riches et le reste de la société est une bombe à retardement. Une société dans laquelle un petit groupe jouit d'avantages inéquitables s'expose à la dissension, à la hausse de la criminalité, au désengagement social et à l'isolement.

Honorables sénateurs, l'érosion du mouvement syndical au cours des trois dernières décennies a été un facteur important dans l'inégalité croissante des revenus et dans la diminution des salaires des Canadiens de la classe moyenne. Depuis les années 1980, le taux de syndicalisation des travailleurs a constamment reculé. Cette tendance est particulièrement évidente dans le secteur privé, où les taux de syndicalisation ont diminué de 20 p. 100 au cours de cette période.

Voici ce qu'écrit à ce sujet Timothy Noah, dans The Great Divergence :

Dessinez sur un graphique la courbe de la diminution du taux de syndicalisation, puis superposez sur ce même graphique la courbe de la diminution proportionnelle des revenus de la classe moyenne [...] et vous verrez que les deux lignes sont pratiquement identiques.

Évidemment, les observations de cet auteur portent sur les États- Unis, mais la situation est la même au Canada.

Vouloir nuire davantage aux syndicats, comme ce projet de loi le propose, devrait être une mauvaise idée aux yeux de tous les Canadiens. En minant davantage les syndicats, nous favorisons le nivellement par le bas des salaires des Canadiens. Les syndicats constituent une force fondamentale d'égalisation des revenus aux niveaux national et local. Grâce au pouvoir de négociation des syndicats, les travailleurs obtiennent des salaires convenables, ce qui leur assure un bon niveau de vie. Voilà qui est essentiel pour qu'existe une solide classe moyenne.

Les syndicats sont également bons pour l'économie. Un rapport de la Banque mondiale fondé sur plus de 1 000 études a révélé que les pays qui comptent un grand nombre d'employés syndiqués présentent un meilleur rendement économique que les autres. On apprend aussi que des taux de syndicalisation élevés sont associés à des taux de chômage et d'inflation plus faibles, à des taux de productivité plus élevés et à des ajustements plus rapides aux chocs économiques. En termes simples, les gens bien rémunérés peuvent faire des achats sans s'endetter jusqu'au cou. Cette situation est bonne pour les ménages et essentielle à la croissance des entreprises.

Nous ne devrions pas appuyer ce projet de loi, car il nuira aux syndicats, aux entreprises et à notre économie.

Des voix : Bravo!

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, depuis des semaines, une quantité impressionnante de preuves solides nous ont été présentées pour nous inciter à rejeter le projet de loi C-377.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Munson : Le parrain de ce projet de loi d'initiative parlementaire, le député Russ Hiebert, prétend qu'il vise à accroître la reddition de comptes et la transparence, comme d'autres mesures prises par le gouvernement conservateur.

Comme nous l'avons entendu, le projet de loi de ce député obligera les organisations ouvrières à divulguer une foule de renseignements financiers, qui seront tous affichés sur le site web de l'Agence du revenu du Canada. Voici comment M. Hiebert justifie l'imposition d'un tel fardeau aux organisations ouvrières canadiennes :

Si les Canadiens, syndiqués ou non, estiment que l'argent qu'ils versent à ces organisations ouvrières, soit environ 500 millions de dollars par an, a comme contrepartie un régime de responsabilité et de transparence, ils auront également davantage confiance.

C'est ce qu'il a dit. Dans cette enceinte, la sénatrice Eaton a aussi soutenu que les syndicats devraient rendre des comptes à leurs membres.

La sénatrice et M. Hiebert ont raison. C'est d'ailleurs pourquoi, en vertu du Code canadien du travail, les syndicats et les organisations d'employeurs doivent présenter des états financiers à leurs membres. Des exigences analogues existent aussi dans la plupart des provinces. En d'autres mots, le but prétendument visé par le projet de loi C-377 est déjà atteint, et ce, de manière très efficace.

Des sources fiables ont souligné le nombre extrêmement faible de plaintes au sujet du processus existant en vertu duquel les organisations ouvrières rendent des comptes.

M. Kenneth Georgetti, président du Congrès du travail du Canada, a déclaré ce qui suit :

(1930)

Dans les six provinces et à l'échelle fédérale où il y a des lois régissant la communication de renseignements financiers aux syndiqués, il y a eu, en 2010-2011, en tout six plaintes déposées auprès des commissions des relations de travail, et elles ont toutes été réglées.

Il y a 4,2 millions de syndiqués au Canada, et six plaintes ont été déposées.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-377 est inutile. Il ne sert pas l'intérêt public. Comme nous l'avons entendu auparavant, « ce projet de loi est une solution en quête d'un problème ». C'est une expression qui résume bien la situation, à l'exception du fait que le projet de loi C-377 constitue lui-même un grave problème.

L'Association du Barreau canadien, le Barreau du Québec, la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada — nous avons eu le privilège d'entendre le témoignage de groupes représentant essentiellement tous les avocats du pays. Ces groupes nous disent que le projet de loi viole les droits à la liberté d'association et à la liberté d'expression qui sont garantis par la Charte, qu'il enfreint la Loi sur la protection des renseignements personnels et qu'il empiète sur un champ de compétence provinciale.

Les exigences de déclaration du projet de loi sont excessives. Elles exposent des questions qui devraient être confidentielles et compromettent les résultats des activités politiques, des activités de lobbying, des activités d'organisation et des activités de négociation collective; autrement dit, les activités au cœur de ce que sont les syndicats et de ce qu'ils font.

Les avocats spécialisés en droit du travail participent généralement à ce type d'activités, ce qui signifie que le projet de loi porte atteinte au secret professionnel, un principe de justice fondamentale. Selon M. Michael Mazucca, de l'Association du Barreau :

Tous les clients — que ce soit un syndicat ou un employeur — devraient avoir l'assurance que les renseignements et les documents qu'ils communiquent à leur avocat et les échanges qu'ils ont avec lui sont protégés.

Malgré ces critiques et d'autres, M. Hiebert insiste pour dire que le milieu juridique l'a assuré de la constitutionnalité du projet de loi.

La sénatrice Ringuette a tout à fait raison d'être sceptique. Elle a expressément demandé des preuves de cet appui, mais M. Hiebert n'en a encore fourni aucune.

On croirait pourtant que le parrain du projet de loi disposerait d'une preuve concrète — même s'il s'agit d'une lettre — qu'il garderait à portée de la main au cas où quelqu'un poserait une question comme celle-là.

Comme la sénatrice Ringuette l'a déclaré récemment au Toronto Star :

Cela me porte à croire qu'il s'agit d'un projet de loi purement politique, dans un premier temps. Dans un deuxième temps, ce projet de loi, s'il est adopté par les conservateurs majoritaires au Sénat, coûtera des centaines de millions de dollars aux contribuables et se retrouvera devant la Cour suprême du Canada.

L'Agence du revenu du Canada estime que, au cours des deux premières années, la mise en œuvre de ce projet de loi coûtera 10,6 millions de dollars, en plus des coûts « permanents » — peu importe ce que cela signifie — de 2,1 millions de dollars.

Si les juristes auxquels nous avons parlé ont raison — et je suppose que c'est le cas — les tribunaux rejetteront éventuellement cette mesure législative parce qu'elle est inconstitutionnelle.

Pour reprendre les propos de la sénatrice Ringuette, ce projet de loi coûtera des millions de dollars aux contribuables et dans quel but? C'est du gaspillage.

Le sénateur Segal a exprimé sa désapprobation à plusieurs égards, et a dit entre autres que ce projet de loi va à l'encontre de la conviction conservatrice qui favorise une présence gouvernementale moins, et non plus importante. Il a établi des liens entre ce projet de loi et des régimes dictatoriaux, où le droit fiscal sert à écraser l'autonomie et la liberté d'expression. Le projet de loi s'oppose à sa vision globale du Canada et de la société. Voici les propos qu'a tenus le sénateur Segal :

Comme je suis conservateur, j'estime que la société prospère lorsque différents points de vue, de gauche et de droite, au sujet des priorités publiques sont exprimés par une diversité de groupes, de personnes et d'intérêts. Le débat entre groupes opposés en cette enceinte, à l'autre endroit et dans l'ensemble de la société est l'essence même de la démocratie. Il n'est jamais dans l'intérêt à long terme d'une société libre et ordonnée de limiter la portée ou la profondeur des débats.

Je suis reconnaissant au sénateur Segal d'avoir su ramener la discussion à la dynamique des relations de travail, soit entre les syndiqués et les entreprises, et de nous rappeler qu'il faut que les discussions et la planification se fassent librement.

Honorables sénateurs, le sénateur Moore a récemment posé la question suivante lors d'une audience du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce sur ce projet de loi. Il a dit ceci :

Croyez-vous qu'il soit juste que les syndicats soient tenus de révéler leurs stratégies et leurs objectifs à la population et, par le fait même, aux patrons? Que fait-on de la dynamique des négociations collectives, au cours desquelles deux parties doivent trouver leur propre façon de faire progresser les choses et d'en arriver à une solution?

Quand je vois les détails qu'il faudra fournir en vertu du projet de loi et les formalités ahurissantes qui en découleront, j'entrevois immédiatement les limites et les obstacles qui nuiront à la créativité et à l'innovation.

Le projet de loi établit un seuil de divulgation de 5 000 $ pour quiconque fait affaire avec un syndicat, notamment les employés, les employeurs et les créanciers. Il faut que leur nom et la somme due soient rendus publics. La publication de ces données aura très certainement une autre conséquence fâcheuse : elle découragera quiconque de travailler pour une organisation ouvrière. Le sénateur Massicotte a d'ailleurs dit ceci au comité :

Les entrepreneurs ne veulent pas qu'on publie leur nom avec le montant du compte. Leurs concurrents vont s'emparer de cette information. Ce renseignement n'est pas d'intérêt public.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-377 est aussi discriminatoire. Selon le professeur David Doorey, de l'Université York, à Toronto :

[...] il impose à un seul type d'associations — c'est-à-dire celles que le gouvernement veut faire taire, les syndicats — une vaste gamme de formalités administratives coûteuses et laborieuses, mais laisse tranquilles toutes les autres associations dont les membres cotisants profitent d'avantages fiscaux.

M. Hiebert a comparé les exigences imposées par ce projet de loi à celles que les organismes de bienfaisance sont tenus de respecter, mais les ressemblances sont pour le moins superficielles. La raison d'être des syndicats et leurs façons de procéder sont très différentes. M. Georgetti, du Congrès du travail du Canada, l'explique ainsi :

Même si on nous appelle des syndicats, nous sommes des organisations privées, et ces organisations appartiennent aux membres, qui se trouvent à jouir d'un avantage fiscal lié à leurs cotisations. Les syndicats ont le droit de prendre leurs propres décisions et n'ont pas à se soumettre à un examen minutieux par quiconque.

M. Hiebert défend son projet de loi en le comparant à des modèles législatifs d'autres pays, comme les États-Unis.

M. John Logan, qui est professeur en relations de travail à la San Francisco State University, a comparu devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes, l'automne dernier, afin de parler de l'expérience des États-Unis. Il ne fait aucun doute que son témoignage était très intéressant, mais il ne correspondait sans doute pas aux attentes de M. Hiebert et d'autres personnes appuyant cette mesure législative. M. Logan a déclaré que les coûts de la loi américaine visant les organisations ouvrières, qui a une portée beaucoup plus restreinte que le projet de loi C-377, sont considérables et que rien n'indique que les états financiers détaillés des syndicats se soient avérés d'une quelconque utilité pour un simple syndiqué. Voici ce qu'il a déclaré :

Je crois que les seuls groupes qui les ont utilisés étaient ceux qui auraient milité initialement pour une telle réforme de la réglementation, et il s'agit de groupes qui veulent affaiblir les syndicats et utiliser ces renseignements contre eux, souvent de façon trompeuse et tordue.

Le directeur de l'exploitation de la Fédération américaine du travail et Congrès des organisations industrielles, M. Robert Blakely, a aussi participé aux audiences du comité avec M. Logan. D'après lui, le projet de loi entraînera une hausse de 20 p. 100 des coûts administratifs de la Fédération américaine du travail et Congrès des organisations industrielles. Ainsi, il a expliqué qu'il faudrait que, à lui seul, le fonds de pension produise un rapport aussi épais que l'annuaire téléphonique d'une grande ville.

Parlant des intérêts particuliers et immédiats des membres de son syndicat, il a décrit les répercussions du projet de loi de cette façon :

Il faudra utiliser l'argent qui servirait autrement à offrir des services aux gens, à verser des pensions, à fournir des soins dentaires aux enfants [...].

La plupart d'entre nous comprennent immédiatement ce que M. Blakely a décrit comme étant une source d'inquiétude et une menace. Bien entendu, ce sont là des inquiétudes propres à ceux qui ont une responsabilité non seulement envers eux-mêmes, mais aussi envers leur famille, leurs proches.

Honorables sénateurs, tout cela est bien inquiétant. Le Canada semble s'éloigner de plus en plus des croyances et des valeurs qui, au fil des générations, l'ont défini et en ont fait un merveilleux pays. Environ 30 p. 100 des travailleurs canadiens sont syndiqués alors que, pendant les années 1980, presque 40 p. 100 d'entre eux l'étaient. Les syndicats sont plus fragiles que jamais à cause de la diminution du nombre de syndiqués et des nouvelles pressions qui se font sentir, comme les récessions et la nécessité de protéger les travailleurs au sein d'une économie mondiale.

(1940)

Les syndicats ne sont pas parfaits. Certains membres peuvent ne pas souscrire aux causes et aux partis politiques que les syndicats appuient grâce à leurs cotisations. Les processus de négociation et de griefs peuvent être lourds et traîner en longueur, mais ces lacunes, notamment, sont occultées par la contribution passée — et à venir — des syndicats.

Honorables sénateurs, même si nous n'avons jamais fait partie d'un syndicat et même si nous n'avons jamais eu directement affaire à un syndicat, nous connaissons l'histoire du Canada. Dans un article portant sur l'importance des syndicats, le Centre canadien de politiques alternatives a souligné les plus grandes réalisations des syndicats. On peut notamment y lire ce qui suit :

[...] Aucun pays n'a réussi à bâtir une prospérité généralisée et à créer une classe moyenne considérable sans syndicats forts.

Des générations successives se sont battues pour que les Canadiens obtiennent les gains suivants : des journées de huit heures et le repos la fin de semaine; des lois sur la santé et la sécurité au travail et des normes d'emploi; du soutien au revenu pour les nouveaux parents et de la formation pour les travailleurs sans emploi; des régimes de pension publique et le salaire minimum; la protection des travailleurs blessés et un salaire égal pour un travail égal.

Honorables sénateurs, il me semble que les organisations ouvrières canadiennes nous en ont vraiment donné pour notre argent, comme M. Hiebert l'a dit.

En avril, l'Institut Broadbent a publié un rapport intitulé Des communautés syndiquées, des communautés en santé. On y trouve plusieurs exemples qui établissent une corrélation positive entre la stabilité de la croissance économique et la vigueur des syndicats dans les pays industrialisés. Voici une conclusion des plus pertinentes du rapport :

Tous les éléments probants démontrent que les syndicats ont été, et demeurent, d'importants défenseurs des droits de la personne et d'une plus grande justice économique, et l'une des principales raisons pour lesquelles l'inégalité est moins prononcée au Canada qu'aux États-Unis.

Si nous souhaitons continuer à améliorer l'égalité sociale, la justice sociale et la démocratie sociale au Canada, nous devons renforcer nos syndicats plutôt que de les affaiblir.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-377 est le fruit odieux d'un travail bâclé. Voici certaines des façons dont il a été décrit au Parlement. La quasi-totalité des avocats canadiens ont affirmé qu'il contrevient à la Charte. De plus, aucune personne crédible n'a encore confirmé sa constitutionnalité.

La commissaire à la protection de la vie privée affirme que le projet de loi va trop loin en exigeant la divulgation du nom des personnes qui sont payées par les syndicats. Selon elle, c'est une atteinte considérable à la vie privée.

Son Honneur le Président intérimaire : J'ai le regret d'informer le sénateur que son temps de parole est écoulé. Le sénateur Munson veut-il demander plus de temps?

Le sénateur Munson : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Acceptez-vous de lui accorder plus de temps, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président intérimaire : Cinq minutes.

Le sénateur Munson : Il faudra des dizaines de millions de dollars au gouvernement du Canada pour mettre en œuvre le projet de loi C-377. Contrairement à ce que l'on prétend, le projet de loi engendrera des coûts. L'effet immédiat et collatéral de l'adoption et de la mise en œuvre du projet de loi sera de couper l'herbe sous le pied des syndicats, et ce, au moment où le nombre de travailleurs dont la situation est précaire ne cesse de croître et où il faudrait plutôt tenir des discussions libres et inspirées nous permettant de trouver de nouvelles façons de renforcer notre économie.

La seule explication possible du projet de loi est qu'il s'inscrit dans le cadre du programme des conservateurs consistant à étouffer les voix dissidentes. Le sénateur Cowan a décrit longuement et de façon convaincante comment le gouvernement musèle et étouffe systématiquement les organisations comme celles qui s'intéressent aux questions féminines, au développement international et à l'environnement, et c'est maintenant au tour des organisations syndicales. Le gouvernement ne finance pas les organisations syndicales, c'est pourquoi cette offensive-ci revêt une tout autre dimension. Je conseille fortement aux sénateurs de demeurer vigilants, car il est fort probable qu'il ne s'arrête pas là.

Honorables sénateurs, notre qualité de vie est un juste reflet de l'état de notre économie. Lorsqu'elle est stable et qu'elle fonctionne selon des principes véritablement démocratiques, l'apport et les intérêts de toutes les parties sont pris en considération.

Tout cela se résume essentiellement à des questions telles que le juste salaire, les pensions et les avantages décents ainsi que la protection contre la discrimination et le traitement injuste en milieu de travail. Il faut protéger les forces mêmes qui veillent sur les besoins des travailleurs canadiens : nos syndicats.

Honorables sénateurs, je remercie aussi la sénatrice Ringuette de son travail.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Munson : Tout tend à prouver que le projet de loi C- 377 comporte des problèmes, des problèmes que nous créerons si nous l'adoptons. Ce serait une erreur de l'appuyer.

Honorables sénateurs, je vous exhorte à faire appel à votre sagesse et à votre raison. Donnez-vous et donnez-nous à tous une raison d'avoir la certitude que nous avons pris une décision qui est dans l'intérêt des Canadiens. Votez contre le projet de loi C-377.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président intérimaire : Le sénateur Munson accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Munson : Oui.

L'honorable Pierrette Ringuette : Je remercie le sénateur Munson de nous avoir dit ce qu'il pense du projet de loi C-377.

Revenu Canada a estimé qu'il en coûterait annuellement 10 millions de dollars pour traiter les rapports de 5 000 sections locales. Or, 25 000 sections locales seront touchées, sans compter toutes les unités de fonds communs de placement aussi tenues de rendre des comptes. Les contribuables devront donc dépenser à peu près 60 millions de dollars par année afin qu'on rende publics les renseignements personnels de 9 à 11 millions de Canadiens.

Honorables sénateurs, j'ai très souvent entendu le sénateur Munson parler ici de l'autisme et de la nécessité de se doter d'un plan d'action national à ce sujet. À son avis, ne serait-il pas plus sage d'investir ces 60 millions de dollars par année dans une telle stratégie plutôt que dans la publication sur un site web gouvernemental des renseignements personnels de 9 à 11 millions de courageux Canadiens?

Le sénateur Munson : Je remercie la sénatrice de cette question. La solution est simple : laissons les syndicats tranquilles.

Pour répondre à l'autre partie de la question, au sujet de l'autisme, une cause que plusieurs ont à cœur, 60 millions de dollars serait un début.

La sénatrice Ringuette : Chaque année.

Le sénateur Munson : Je n'aime pas parler à la première personne, car plusieurs personnes défendent maintenant la cause. Une stratégie nationale relative aux troubles du spectre autistique serait probablement l'une des choses les plus progressistes et les plus justifiées sur le plan social qu'un gouvernement puisse faire, dès maintenant. Nous connaissons tous une personne autiste. Je crois qu'investir dans une stratégie nationale relative aux troubles du spectre autistique serait de l'argent bien dépensé pour notre société et que ce serait un très bon début.

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, comme le sénateur Day l'a dit plus tôt, le débat est ajourné au nom de la sénatrice Cools, donc je demande qu'il demeure ajourné à son nom une fois que les sénateurs qui souhaitent prendre la parole ce soir auront terminé.

À l'instar de la sénatrice Ringuette et d'autres qui ont fait une excellente intervention ce soir, je souhaite prendre la parole pour m'opposer au projet de loi C-377. J'aimerais également remercier la sénatrice Ringuette du travail extraordinaire qu'elle a accompli pour défendre les travailleurs canadiens, en tant que porte-parole libérale pour le projet de loi C-377.

Le comité qui a étudié le projet de loi a reçu des lettres et des mémoires des gouvernements du Québec, du Manitoba, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau- Brunswick et de l'Ontario, qui ont tous fait valoir que les relations de travail sont de compétence provinciale.

Honorables sénateurs, en vertu de la Loi constitutionnelle, la réglementation des syndicats de travailleurs relève exclusivement des provinces. Je ne comprends donc pas pourquoi nous appuierions un projet de loi qui s'ingérerait dans les affaires provinciales.

(1950)

Ce soir, je souhaite également lire des extraits de lettres et de courriels que j'ai reçus de la part de centaines de Canadiens. Ils représentent des gens de partout au pays, et je crois qu'il est très important que leur voix soit entendue au Sénat, la Chambre de second examen objectif.

Voici ce que Vinay m'a dit, ainsi qu'à tout le monde dans cette enceinte, j'en suis certaine :

En tant que contribuable canadien, je m'inquiète des coûts outranciers (les estimations varient entre 10,6 et 150 millions de dollars pour la mise sur pied du registre) et de la lourdeur bureaucratique (environ 25 000 organisations devront fournir les détails de TOUTES les transactions de plus de 5 000 $).

Vinay affirme aussi qu'il revient au Sénat canadien d'effectuer un second examen objectif des projets de loi adoptés par la Chambre des communes et de mettre un frein au pouvoir de celle-ci au besoin.

Ian a dit ceci :

Bien que le projet de loi C-377 concerne prétendument la reddition de comptes et la transparence de la part des syndicats, nous savons qu'il vise en réalité à réduire les syndicats et ses membres au silence.

Le projet de loi cible uniquement les organisations ouvrières, car il ne s'applique pas aux autres organisations professionnelles qui perçoivent des cotisations.

Danny Cavanagh, de la Nouvelle-Écosse, a quant à lui affirmé ceci :

Le projet de loi C-377 vise à forcer les organisations ouvrières à divulguer des quantités considérables de renseignements financiers et de nature délicate. On omet de mentionner dans ce projet de loi que les syndicats sont des organisations démocratiques, qui divulguent déjà leurs états financiers aux membres qui en font la demande. Ce projet de loi créera une montagne de paperasse administrative et environ 25 000 organismes devront fournir les détails de TOUTES les transactions de plus de 5 000 $. [...] Ce projet de loi entraînera des coûts extrêmement importants, estimés entre 10,6 et 150 millions de dollars pour la mise sur pied du registre.

Tom Lee a dit ceci :

Je vous écris pour vous remercier de votre opposition de principe au projet de loi C-377, qui constitue une attaque déloyale et inconstitutionnelle du gouvernement Harper contre les travailleurs canadiens.

Richard a dit ceci :

L'argument de la transparence servant à justifier ce projet de loi ne représente qu'une diversion. Les syndicats divulguent toutes leurs dépenses à leurs membres respectifs, qui décident alors de manière démocratique comment leurs cotisations doivent être dépensées. Tout membre croyant ne pas avoir été informé n'a qu'à téléphoner ou envoyer un courriel à sa section locale ou nationale et il recevra alors les données concernant toutes les dépenses [...] Les syndicats doivent tenir des registres, faire des vérifications et avoir des administrateurs dont le rôle est de vérifier les comptes régulièrement.

Mark a dit ceci :

Je vous supplie de vous opposer à ce projet de loi parce qu'il vous a été proposé avec de mauvaises intentions. Suis-je naïf de croire que ce pays défend les droits de la personne et de la justice et que les gens qui sont élus ou nommés aux postes de pouvoir sont censés promouvoir l'impartialité? Ce projet ne vise à rien d'autre qu'attaquer les organisations ouvrières et les travailleurs de ce beau pays. Par le biais de ce projet de loi, il est demandé aux organisations ouvrières de faire preuve de transparence et de dire à leurs membres à quoi leurs cotisations servent. En tant que président de section, je fais cela tous les mois lors de nos réunions.

Ce qui suit vient de Marcel :

Je suis le président d'une petite section locale de l'Alliance internationale des employés de la scène, en Nouvelle-Écosse [...]

Je vous écris aujourd'hui pour vous encourager à faire tout ce qui est en votre pouvoir afin de bloquer le projet de loi C- 377. Ma section n'a pas de personnel à temps plein. Nous travaillons bénévolement. Ce projet de loi va nous créer des problèmes insurmontables.

L'idée selon laquelle la divulgation des dépenses est positive pour les membres parce qu'elle est synonyme de transparence n'est rien d'autre qu'une distraction de la part des conservateurs. La Trade Union Act of Nova Scotia traite déjà de la transparence financière [...]

Outre le fait qu'il s'agit d'une attaque flagrante contre les syndicats, je crains fort que la publication de renseignements sur les régimes d'assurance médicale et d'assurance-vie des membres porte atteinte à leur vie privée et à celle de leur conjoint.

Todd dit ceci :

Je vous écris afin de m'opposer au projet de loi C-377 et de vous demander de rejeter ouvertement et officiellement cette attaque contre les syndicats et les travailleurs. Je vous demande de voter contre ce projet de loi et de montrer ce dont il s'agit réellement, c'est-à-dire une mesure draconienne visant à empêcher ou à limiter la tenue d'un véritable débat ouvert sur la scène politique nationale.

Mary écrit ceci :

Je suis à la retraite et je vous écris afin de vous demander de dénoncer le projet de loi C-377 et de voter contre cette mesure.

[...] Il s'agit clairement d'une atteinte à la vie privée et d'une pratique dangereuse, puisque les renseignements publiés sur le site web de l'ARC pourraient être employés à des fins commerciales déloyales, notamment dans le cadre d'un processus de soumission [...]

Ce projet de loi n'est rien d'autre qu'une attaque malveillante contre plus de 4 millions de travailleurs canadiens, et je vous exhorte à voter contre cette mesure.

Je cite Des :

Je vous écris aujourd'hui au nom du Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (Esquimalt) et de ses 11 syndicats constitutifs afin de vous remercier de votre opposition ferme à ce projet de loi régressif et draconien que le gouvernement Harper propose pour s'attaquer aux travailleurs canadiens et à leurs représentants en milieu de travail.

Angelo dit ceci :

Comme vous pouvez certainement l'imaginer, le projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, consiste davantage à faire crouler les syndicats sous les formulaires, les dépenses et une multitude de déclarations inutiles plutôt qu'à favoriser la justice et la transparence dans le milieu syndical.

Sandy a écrit ceci :

Je vous prie de me compter parmi ceux qui vous exhortent vivement à rejeter cette mesure antisyndicale que représente le projet de loi C-377. Il faut prévenir cette attaque contre les syndicats.

Tom dit ceci :

La présente vise à vous remercier de votre opposition raisonnée au projet de loi C-377.

Gary écrit ceci :

Je vous écris pour vous exhorter à faire tout en votre pouvoir afin de faire échouer l'adoption du projet de loi C- 377, une mesure méprisable du gouvernement Harper qui s'en prend aux syndicats canadiens.

Je suis l'agent d'affaires d'une petite section locale de techniciens de l'industrie cinématographique du Canada atlantique. Nos membres vivent la vie précaire des pigistes, ne sachant pas d'une année à l'autre quelles productions seront tournées sur la côte Est. Comme ils ne peuvent compter sur un emploi permanent, ils s'en remettent à leur syndicat pour la coordination de leurs fonds de retraite, de leur régime de soins de santé et de leur formation. Nos dirigeants syndicaux élus font leur possible pour gérer aussi judicieusement que possible les cotisations des membres et les fonds de retraite, de formation et de soins médicaux. Nous n'apprécions pas que le gouvernement Harper laisse entendre que nos dirigeants bénévoles qui travaillent fort posent des gestes répréhensibles. Nos livres comptables font l'objet de vérifications régulières et sont soumis à nos membres lors des assemblées ordinaires. Je crois que nos livres comptables font l'objet de vérifications plus minutieuses que ceux du Cabinet du premier ministre.

Voici ce que Dan a écrit :

L'adoption de ce projet de loi coûtera aux contribuables canadiens des sommes encore non déterminées pour régler un problème inexistant.

Ken Georgetti a écrit ceci :

Ce projet de loi est une solution à la recherche d'un problème [...]

L'Association des comptables généraux agréés du Canada a déclaré que ce projet de loi ne concerne pas l'administration fiscale du Parlement fédéral, mais la réglementation des syndicats et des relations de travail [...]

Cinq provinces, soit le Manitoba, l'Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, ont indiqué au ministre du Travail ou au comité que ce projet de loi outrepasse la compétence du Parlement et empiète sur celle des provinces.

Honorables sénateurs, j'ai aussi plusieurs courriels de Joan Jessome. Ceux d'entre nous qui viennent de la Nouvelle-Écosse la connaissent bien. Voici ce qu'a déclaré Joan en réponse à un de mes courriels :

Merci de votre réponse. Je suis dirigeante syndicale depuis 15 ans, et j'ai peine à croire toute cette haine que le gouvernement fédéral éprouve à notre égard.

Honorables sénateurs, les Canadiens s'attendent à de l'ouverture et à de la transparence. Les syndicats font preuve de transparence à l'égard de leurs membres. Toutefois, ce projet de loi ne porte pas sur la transparence. Il constitue tout simplement une attaque du gouvernement Harper contre les syndicats. Il représente une attaque contre les Canadiens syndiqués, qui travaillent fort.

La semaine dernière, un sénateur conservateur a déclaré à l'extérieur du Sénat que le projet de loi C-377 était extrêmement mauvais, mais qu'ils allaient voter massivement en sa faveur.

Honorables sénateurs, lorsque nous adoptons des projets de loi au Sénat, nous ne devons pas oublier les visages des Canadiens qui seront visés par nos décisions. Cette mesure législative est bancale et inconstitutionnelle. Nous sommes censés former la Chambre de second examen objectif. Je demande aux sénateurs de voter contre le projet de loi C-377. C'est ce que je ferai. Je me demande également pourquoi les sénateurs voteraient en faveur d'un projet de loi extrêmement mauvais.

(2000)

La sénatrice Ringuette : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Cordy : Oui.

La sénatrice Ringuette : Je remercie la sénatrice de son discours. Elle a indiqué à plusieurs reprises que cinq provinces avaient écrit au comité pour lui exprimer leur opposition à ce projet de loi. Or, chaque sénateur représente une province. Nous trouvons au Sénat six sénateurs du Manitoba, 24 de l'Ontario, 24 du Québec, 10 du Nouveau-Brunswick et 10 de la Nouvelle-Écosse. Par conséquent, 74 sénateurs représentent ces cinq provinces. Selon la sénatrice, serait-il convenable que ces 74 sénateurs votent en faveur de ce projet de loi?

La sénatrice Cordy : C'est une excellente question. Je remercie beaucoup la sénatrice de l'avoir posée.

Le Sénat a été créé pour représenter les régions du pays. Je représente la Nouvelle-Écosse, qui est l'une des provinces énumérées par la sénatrice. Le ministre de la Main-d'œuvre de la Nouvelle- Écosse a témoigné devant le comité et il a indiqué que le projet de loi concernait un domaine de compétence provinciale.

Nous avons la responsabilité de représenter les gens de nos provinces. Je crois que, si le gouvernement d'une province a dit au comité sénatorial que le projet de loi empiéterait sur un de ses champs de compétence, nous avons la responsabilité de voter contre.

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, bien des sénateurs sont intervenus avec éloquence au sujet de ce projet de loi et en ont résumé les problèmes et les conséquences très graves. Je voudrais remercier la sénatrice Ringuette en particulier pour tout le travail qu'elle a accompli au sujet de ce projet de loi.

Permettez-moi de lire un paragraphe du rapport final du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, à l'issue de son étude de ce projet de loi :

Bien que le Comité adopte le projet de loi C-377 sans amendement, il tient à noter qu'à la suite de trois semaines d'étude — après avoir entendu le témoignage de 44 témoins et reçu de nombreux mémoires de la part de gouvernements, d'organisations syndicales, d'universitaires et d'associations professionnelles, entre autres — on a soulevé dans la grande majorité des témoignages et mémoires d'importantes préoccupations au sujet de cette mesure législative.

Le Comité partage ces préoccupations.

Même les provinces se sont jetées dans la mêlée. Cinq d'entre elles ont déjà exprimé leur opposition au projet de loi : l'Ontario, le Québec, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. J'ai reçu des centaines de courriels de Canadiens, dont des habitants de l'Île-du-Prince-Édouard, qui sont préoccupés par les coûts, l'iniquité et la portée de cette mesure législative.

J'aimerais prendre quelques instants pour exposer certaines des raisons pour lesquelles je m'oppose au projet de loi C-377, qui porte atteinte à la vie privée. Premièrement, je crois que cette mesure législative est complètement inutile. Les syndicats sont régis par leurs membres, qui tiennent des élections démocratiques pour choisir leurs dirigeants syndicaux. Par conséquent, les syndicats sont responsables et rendent des comptes à leurs membres.

En vertu du Code canadien du travail, les syndicats sont déjà tenus de fournir des états financiers à leurs membres, sur demande et gratuitement. Sept provinces sur 10 obligent aussi les syndicats à communiquer des renseignements financiers à leurs membres qui en font officiellement la demande.

Le gouvernement prêche l'austérité et les compressions budgétaires, mais ce projet de loi imposera des coûts supplémentaires à un organisme qui ne dispose pas des moyens nécessaires pour les absorber. Comme le sénateur Cowan l'a souligné dans le discours réfléchi et bien documenté qu'il a prononcé le 16 avril, l'Agence du revenu du Canada procédera à des coupes de l'ordre d'environ 250 millions de dollars au cours des prochaines années et perdra quelque 3 000 postes à temps plein.

Dans la foulée de telles compressions, l'agence aura énormément de difficulté à mettre en application cette mesure législative. M. Russ Hiebert, le député conservateur qui a présenté le projet de loi C-377, a déclaré au Comité sénatorial des banques que les coûts de mise en œuvre sont estimés à 1,2 million de dollars pour chacune des deux premières années, puis à environ 800 000 $ par année.

On est bien loin des prévisions que l'Agence du revenu du Canada a communiquées au directeur parlementaire du budget. L'agence elle-même estime que les coûts initiaux seront de près de 11 millions de dollars au cours des deux premières années, et que les frais d'exploitation et d'entretien seront par la suite de plus de 2 millions de dollars par année. Il s'agit de sommes faramineuses pour une agence qui a subi d'énormes compressions budgétaires. Il semble malavisé de lui imposer une charge de travail supplémentaire aussi inutile.

Les coûts seront encore plus élevés pour les syndicats, qui devront satisfaire aux nouvelles exigences. Au cours de son témoignage devant le Comité des banques, Ken Georgetti, président du Congrès du travail du Canada, a déclaré ce qui suit :

Lorsque nous avons vu ce projet de loi, j'ai demandé à notre service de comptabilité de nous fournir un coût. Notre budget s'élève à environ 20 millions de dollars par année, et le coût de la mise sur pied d'une base de données pour recueillir ces renseignements serait de 400 000 $. Nos coûts permanents pour recueillir l'information — pour pouvoir la ventiler et la colliger de manière à ce qu'elle soit présentable — seraient de 400 000 $ par année. Si on l'étend à l'ensemble du système, on parle de dizaines voire de centaines de millions de dollars que notre mouvement syndical [...]

J'aimerais signaler comment cette mesure législative touchera un petit syndicat local de la région atlantique. J'ai reçu, comme tous les sénateurs, j'en suis certain, une lettre de M. Gary Vermeir, qui est agent d'un petit syndicat de techniciens de l'industrie cinématographique dans la région de l'Atlantique. Les membres du conseil d'administration de ce syndicat sont bénévoles. Voici ce que M. Vermeir a écrit :

L'obligation de rendre des comptes qu'imposera ce projet de loi écrasera notre petit syndicat, c'est certain. Les peines insensées prévues en cas de retard dans la production des rapports nous mèneront à la faillite. Ce projet de loi est conçu dans l'unique but de détruire notre syndicat — et à quelle fin? Pour forcer les techniciens de longs métrages talentueux et compétents à quitter le pays et, ainsi, faire mourir l'industrie du cinéma et de la télévision au Canada?

Comme d'autres sénateurs l'ont fait remarquer, les répercussions de ce projet de loi sur les petits syndicats pourraient être désastreuses.

En outre, nous avons aussi entendu dire que cette mesure législative était inconstitutionnelle. Le professeur Bruce Ryder, de l'Osgoode Hall Law School, qui a comparu devant le Comité sénatorial des banques, a été très clair sur ce point :

Je suis ici pour nous annoncer une mauvaise nouvelle. Le projet de loi C-377 ne relève pas de la compétence législative du Parlement du Canada. Sa caractéristique dominante est la réglementation des activités des organisations ouvrières, une question qui relève avant tout de la compétence provinciale pour adopter des lois portant sur la propriété et les droits civils, aux termes de l'article 92.13 de la Loi constitutionnelle de 1867. Si le projet de loi C-377 est adopté par le Parlement, il sera déclaré inconstitutionnel et inopérant par les tribunaux.

Autrement dit, ce projet de loi sera fort probablement contesté devant les tribunaux, et le gouvernement, les syndicats et d'autres instances devront peut-être perdre du temps et de l'argent pour défendre une loi inconstitutionnelle. Il est beaucoup plus censé d'en empêcher l'adoption avant d'en venir là.

(2010)

Le projet de loi C-377 me préoccupe également du point de vue de la protection de la vie privée. Ce projet de loi exigera que les syndicats divulguent publiquement plusieurs catégories de dépenses pour les opérations et les versements dont la valeur est supérieure à 5 000 $. De plus, toutes les entreprises qui sont payées plus de 5 000 $ par année doivent être nommées publiquement, et les montants seront dévoilés publiquement par l'ARC. Tous ceux qui feront des affaires de plus de 5 000 $ avec un syndicat seront jetés dans l'arène publique.

Cela nuira sans aucun doute à la volonté de certaines personnes et entreprises de travailler avec des organisations ouvrières. La commissaire à la protection de la vie privée, Jennifer Stoddart, a dit au Comité des banques que c'était sa principale préoccupation.

Dans l'ensemble, cette mesure législative est incontestablement injuste. Le gouvernement s'en prend aux syndicats parce qu'il veut entraver leur fonctionnement. Les ministériels aiment prétendre que ce n'est pas le cas, mais aucune autre entité similaire exonérée d'impôt, à l'exception des organismes de bienfaisance, ont de telles exigences de divulgation en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Même les organismes de bienfaisance n'ont pas les exigences de divulgation publique que le projet de loi propose pour les syndicats.

Je ne puis tout simplement pas accepter cette mesure législative. Je voterai contre, et j'exhorte les sénateurs à suivre mon exemple.

La sénatrice Ringuette : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Callbeck : Oui, avec plaisir.

La sénatrice Ringuette : La sénatrice Callbeck est dans une position unique au Sénat, puisqu'elle a été première ministre provinciale, même si je sais que certains sénateurs ici ont été des premiers ministres territoriaux. La sénatrice Callbeck a fort bien servi l'Île-du-Prince-Édouard.

Le compromis et la coopération sont à la base de notre pays, mais, depuis 2006, le gouvernement fédéral n'a pas encore tenu de réunion fédérale-provinciale. Qu'il s'agisse de questions concernant l'économie, la formation, le commerce extérieur, l'énergie ou la santé, le gouvernement fédéral ne coopère pas avec les premiers ministres des provinces.

Cinq premiers ministres provinciaux nous ont écrit pour nous demander de ne pas adopter le projet de loi.

En sa qualité d'ancienne première ministre de l'Île-du-Prince- Édouard, la sénatrice peut-elle nous dire ce qu'elle pense du fait que le gouvernement fédéral refuse de coopérer avec les premiers ministres provinciaux et ne cherche pas à comprendre leurs demandes?

La sénatrice Callbeck : Je remercie la sénatrice de sa question. Elle a tout à fait raison. C'est en faisant des compromis et en coopérant qu'on a construit notre pays. Je suis abasourdie par le grand nombre de questions dont le premier ministre n'a pas voulu discuter avec les premiers ministres provinciaux.

Comme le savent bien les honorables sénateurs, il va bientôt falloir renouveler l'accord sur la santé; c'est un dossier d'envergure. Il semble que le gouvernement fédéral se dérobe à ses responsabilités, indiquant aux provinces qu'elles devront composer avec l'argent qu'il leur donnera.

Le gouvernement fait preuve d'un manque total de leadership dans un grand nombre de domaines; c'est l'ensemble du pays qui écopera.

Je répète que je suis abasourdie par le comportement du gouvernement fédéral.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Ringuette : Je suis du même avis que la sénatrice.

Dans leurs communications, les premiers ministres provinciaux invoquent les sphères de compétence provinciale. Comme on dit chez nous, « tes bébelles et dans ta cour ».

Il est du devoir des premiers ministres provinciaux d'assurer la paix et la prospérité dans leur province, mais il faut pour cela que les lois soient équilibrées. Comme les syndicats et les employeurs sont assujettis aux lois provinciales en matière de travail, ils ont tous exprimé de grandes craintes à l'égard du déséquilibre que créerait un tel projet de loi dans leur province. La sénatrice pourrait-elle nous donner son opinion sur cette question?

La sénatrice Callbeck : Je crois que c'est vrai. Cela entraînera un déséquilibre. Je comprends le point de vue des premiers ministres provinciaux. Il est inconcevable — et il est dommage pour le Canada — que le gouvernement fédéral ne fasse pas preuve de leadership et qu'il ne consulte pas les provinces dans bien des domaines.

J'ai parlé tout à l'heure de la santé. En 2006, nous faisions des progrès dans le dossier du régime d'assurance pour les médicaments onéreux. L'étude sur la santé qui avait été faite au Sénat recommandait d'ailleurs la création de ce régime. Le comité était alors coprésidé par le ministre fédéral et un groupe de ministres de la santé. Or, après 2006, le gouvernement fédéral a cessé de participer aux négociations et d'en discuter. Le projet de régime d'assurance est donc tombé à l'eau.

Il ne s'agit que d'un exemple, mais, dans ce cas-là comme dans le cas qui nous occupe, le gouvernement fédéral ne fait preuve d'aucun leadership, et c'est très dommage pour le Canada.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions, honorables sénateurs? Si aucun autre sénateur ne souhaite participer au débat, nous allons faire comme convenu et considérer que le débat sur cette question est ajourné au nom de la sénatrice Cools.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion de la sénatrice Callbeck, au nom de la sénatrice Cools, le débat est ajourné.)

[Français]

Projet de loi sur les compétences linguistiques

Troisième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carignan, appuyée par l'honorable sénatrice Poirier, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-419, Loi concernant les compétences linguistiques.

L'honorable Paul E. McIntyre : Honorables sénateurs, j'ai le plaisir de prendre la parole aujourd'hui à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-419.

Comme vous le savez, le projet de loi C-419, concernant les compétences linguistiques, a été déposé à la Chambre des communes le 1er mai 2012 et adopté à l'étape de la troisième lecture le 5 juin 2013; il a été renvoyé au Sénat la même journée. Le 11 juin 2013, le projet de loi a été lu pour la deuxième fois au Sénat et renvoyé au Comité sénatorial permanent des langues officielles.

En tant que membre de ce comité, j'ai eu la chance d'étudier en détail ce projet de loi et j'ai pu constater son bien-fondé et sa nécessité. C'est donc avec fierté que je l'appuie.

Cet excellent projet de loi cherche à garantir le bilinguisme comme critère d'embauche des principaux agents du Parlement. Il stipule que 10 agents du Parlement doivent être capables de parler et de comprendre clairement les deux langues officielles sans l'aide d'un interprète et ce, dès leur nomination. Autrement dit, si le projet de loi C-419 est adopté par le Parlement, le bilinguisme, pour ces 10 agents du Parlement, deviendra un critère de sélection.

Les hauts fonctionnaires du Parlement doivent être capables de comprendre les deux langues officielles et de communiquer dans ces deux langues avec les membres du Sénat et de la Chambre des communes. Ils doivent également être capables de communiquer avec les Canadiens dans la langue officielle de leur choix.

Il importe, pour bien comprendre, d'énumérer les 10 hauts fonctionnaires touchés par cette loi. Ce sont les suivants : le vérificateur général, le directeur général des élections, le commissaire aux langues officielles, le commissaire à la protection de la vie privée, le commissaire à l'information, le conseiller sénatorial à l'éthique, le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, le commissaire au lobbying, le commissaire à l'intégrité du secteur public et le président de la Commission de la fonction publique.

(2020)

Ce projet de loi aborde sans aucun doute la question de la dualité linguistique, Il tombe bien, d'autant plus que nous soulignons cette année le cinquantenaire de la Commission Laurendeau-Dunton. Comme nous le savons tous, c'est cette commission qui a jeté les bases de la politique en matière de bilinguisme au Canada.

En terminant, j'ose croire que ce projet de loi encouragera nos universités à en faire davantage pour offrir des programmes d'apprentissage en langue seconde à leurs étudiants. D'ailleurs, le commissaire aux langues officielles, M. Graham Fraser, a fait une recommandation à cet effet, dans le cadre de son rapport annuel de 2011-2012.

Honorables sénateurs, j'ai confiance que vous vous joindrez à moi pour appuyer cet excellent projet de loi qu'est le projet de loi C-419.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

[Traduction]

La Loi sur l'assurance-emploi

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Boisvenu, appuyée par l'honorable sénateur Braley, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-316, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi (incarcération).

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-316, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi. Ce dernier vise à supprimer des articles de la Loi sur l'assurance-emploi afin de priver de prestations ceux qui ne pouvaient pas travailler parce qu'ils étaient incarcérés. Actuellement, le paragraphe 8(2) de la loi énonce les critères visant à prolonger la période de référence. Voici ce qu'on peut lire au paragraphe 8(2) :

Lorsqu'une personne prouve, de la manière que la Commission peut ordonner, qu'au cours d'une période de référence visée à l'alinéa (1)a) elle n'a pas exercé, pendant une ou plusieurs semaines, un emploi assurable pour l'une ou l'autre des raisons ci-après, cette période de référence est prolongée d'un nombre équivalent de semaines :a) elle était incapable de travailler par suite d'une maladie, d'une blessure, d'une mise en quarantaine ou d'une grossesse prévue par règlement;

b) elle était détenue dans une prison, un pénitencier ou une autre institution de même nature;

c) elle recevait de l'aide dans le cadre d'une prestation d'emploi;

d) elle touchait des indemnités en vertu d'une loi provinciale [...]

Soit dit en passant, cette disposition a été introduite par le gouvernement Diefenbaker.

Le projet de loi C-316 vise à abroger l'alinéa b) de ce paragraphe qui se lit ainsi : « elle était détenue dans une prison, un pénitencier ou une autre institution de même nature. »

Nous avons appris que ce qui a motivé le dépôt de ce projet de loi d'initiative parlementaire, c'est le cas d'une jeune mère qui a décidé d'arrêter de travailler pendant un an pour retourner à l'école et perfectionner ses compétences. Au terme de sa formation, elle a recommencé à travailler, mais au bout de trois mois on lui a diagnostiqué un cancer, raison pour laquelle elle a dû arrêter de travailler pour commencer son traitement. Elle n'était pas admissible aux prestations de l'assurance-emploi, puisqu'elle n'avait repris le travail que depuis 12 semaines.

Elle a demandé au parrain du projet de loi de l'aider avec sa demande de prestations d'assurance-emploi. Après s'être penché sur son cas et avoir étudié attentivement la Loi sur l'assurance-emploi, le parrain a conclu que le système comportait une injustice. En effet, une personne reconnue coupable d'un crime, qui a purgé une peine de moins de deux ans et qui est admissible à des prestations d'assurance-emploi peut demander une prolongation de la période de prestations pour couvrir la durée de son incarcération.

Il faut souligner ici que seuls ceux qui ont cotisé à l'assurance- emploi et qui remplissent les critères peuvent toucher des prestations d'assurance-emploi. Celles-ci ne sont pas versées aux personnes incarcérées; le versement des prestations est suspendu durant l'incarcération. Personne ne touche de prestations d'assurance- emploi en prison.

Je tiens aussi à préciser que l'assurance-emploi n'est pas une aumône du gouvernement. L'assurance-emploi est un programme auquel les employés et les employeurs contribuent; il s'agit d'un filet de sécurité au cas où l'employé se trouve sans emploi sans le vouloir.

Peut-être que le système est inéquitable. Aucun système n'est parfait. Toutefois, l'injustice réside, à mon avis, dans le fait qu'une mère au travail n'a pas eu droit à des prestations lorsqu'elle est tombée malade et avait le plus besoin d'aide, et non dans le fait que des Canadiens admissibles qui ont purgé leur peine peuvent prolonger leur période de référence de façon à ce qu'ils puissent toucher leurs prestations d'assurance-emploi une fois qu'ils seront libérés.

Dans sa forme actuelle, le système de l'assurance-emploi fournit un léger soutien pour aider ces gens à réussir leur réintégration dans la société. Pour plusieurs d'entre eux, ce n'est pas une mince affaire, puisqu'ils sont déjà marginalisés par les gens de leur collectivité. Trouver un appartement et du travail est donc d'autant plus difficile. Ces obstacles contribuent grandement à la récidive. Et voilà que ce projet de loi rendra les choses encore plus ardues pour eux. L'objectif devrait être de réduire le plus possible le taux de récidive, ce qui réduirait la criminalité et le nombre de victimes, en plus de rendre la société plus productive. Il s'agit d'un projet de loi rétrograde et de mauvaise gouvernance.

Le parrain du projet de loi estime que tout Canadien qui a purgé sa peine doit s'en remettre aux œuvres de bienfaisance pour obtenir de l'aide. Lorsque j'ai demandé aux témoins qui ont comparu devant le comité ce qu'ils pensaient de cette observation du parrain du projet de loi, les représentantes de la Société John Howard et de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, deux œuvres de bienfaisance communautaires, ont toutes deux répondu essentiellement que c'est une attente irréaliste.

Catherine Latimer, directrice générale de la Société John Howard du Canada, a dit ceci :

Pour ce qui est de la capacité de la Société John Howard, je trouve cela très intéressant. C'est une organisation caritative. Nous faisons ce que nous pouvons, mais nos ressources sont limitées. Nous aimerions le faire, mais nous ne pouvons pas faire le poids devant toutes les mesures de répression de la criminalité sévères qui produisent des effets néfastes sur des gens de partout au pays. Nos téléphones ne dérougissent pas. Les demandes d'aide augmentent. J'aimerais que nous puissions acquiescer à toutes les demandes d'aide, mais ce n'est pas possible.

Kim Pate, directrice générale de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, a dit ceci :

J'aimerais que nous puissions répondre à la demande. Nous ne répondons qu'à une fraction de la demande actuelle. Nous faisons de notre mieux. Nous avons des milliers et des milliers de bénévoles, des membres de la collectivité qui nous consacrent du temps et qui donnent des ressources, mais la demande augmente de façon astronomique.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-316 vise tout simplement à punir et à marginaliser encore davantage certains membres de la société à un moment où ils ont besoin de notre aide.

Justin Piché, membre du conseil d'examen des politiques de l'Association canadienne de justice pénale, est venu témoigner devant le comité. Il a dit ceci :

Au Canada, le programme d'assurance-emploi du Canada est un régime fondé sur les cotisations; il serait donc logique qu'une personne qui y contribue puisse recevoir des prestations quand le besoin se fait sentir. Une fois qu'une personne a été condamnée, nous considérons qu'il ne convient pas de la punir davantage en restreignant sa capacité de recevoir des prestations d'assurance-emploi après avoir purgé la peine qui lui est imposée. [...]

D'aucuns considèrent que cette mesure législative appuie les droits des victimes d'actes criminels, mais il est difficile de voir comment le fait de priver un criminel de prestations ou de services améliore la situation des victimes.

Il a poursuivi par ces mots :

L'adoption de ce projet de loi risque de faire augmenter le nombre de victimes en élargissant la punition imposée aux criminels à leurs familles. Tous les ménages ont des comptes et des dépenses à payer. Quand un ancien prisonnier a une famille, la perte de revenus qui résulterait de son inadmissibilité aux prestations d'assurance-emploi lors de sa remise en liberté pourrait exposer les êtres chers vers lesquels il retourne à des difficultés financières

Nous avons entendu à plusieurs reprises le parrain du projet de loi parler d'équité et de traitement préférentiel. Mais faire pression sur le gouvernement pour qu'au lieu d'envisager des sanctions, il entreprenne plutôt des changements dans l'assurance-emploi pour qu'elle soit plus inclusive, voilà ce qui aurait été vraiment juste

Enlever à un groupe de Canadiens le soutien qu'ils ont parce qu'un autre groupe de Canadiens n'en bénéficie pas est mesquin et dommageable pour les collectivités.

(2030)

Mme Latimer, de la Société John Howard, a dit ce qui suit à propos de ce que le parrain du projet de loi perçoit comme un traitement préférentiel :

Je doute fort que quiconque a vécu une période de détention avant son procès, ou de détention dans un établissement de garde provincial, trouve qu'il s'agit d'un traitement préférentiel. [...] Elles [les prisons] sont surpeuplées, dangereuses et violentes. Ce ne sont pas des lieux de prédilection.

Lorsque le comité a posé des questions sur l'étendue des recherches effectuées en vue de l'élaboration de ce projet de loi, nous avons appris qu'en fait aucune recherche n'avait été effectuée. Le projet de loi a été créé sans avoir fait l'objet d'une réflexion soigneuse. Lors de l'étude au comité, beaucoup de questions sont demeurées sans réponse.

Le parrain du projet de loi a été incapable de citer des recherches effectuées dans le cadre du projet de loi, si ce n'est qu'il a parlé à des gens dans sa région. Il n'a pas été en mesure de nous dire quels genres de crimes les personnes qui sont détenues pendant moins de deux ans ont commis. Je pense que si nous modifions nos lois, les modifications en question doivent être fondées sur des recherches et sur des données probantes.

Comme l'a dit Justin Piché, de l'Association canadienne de justice pénale, au cours de son témoignage :

[...] le projet de loi dont est saisi le Sénat devrait être abandonné. S'il est adopté sans qu'on en ait adéquatement évalué les conséquences collatérales, on pourrait causer plus de torts aux familles qui en seraient victimes. Les législateurs ne devraient pas adopter de loi avant qu'on ait effectué des recherches pour évaluer les effets potentiels des mesures proposées.

D'ailleurs, les témoins de Centraide, de la Société John Howard et de la Société Elizabeth Fry nous ont appris que ce projet de loi aura des répercussions négatives sur les plus désespérés de la société : les Autochtones, les femmes et les pauvres.

La prison est le prix à payer pour avoir commis un crime. Nous sommes certainement tous convaincus qu'une personne qui commet un crime doit être incarcérée ou subir un châtiment. Cependant, si une personne se retrouve en prison parce qu'elle est pauvre ou incapable de payer une amende, devrait-elle se voir infliger une autre sanction en plus?

Lors des audiences du comité, la Société John Howard est venue nous dire que 40 p. 100 des détenus purgeant une peine de moins de deux ans dans les prisons de la Nouvelle-Écosse sont incarcérés parce qu'ils sont trop pauvres pour payer une amende.

Devrions-nous sanctionner les pauvres deux fois : une fois en les emprisonnant ou en leur infligeant une sanction pénale, puis une autre fois en leur enlevant leur droit à une aide qui leur est fournie en raison des cotisations qu'ils ont versées?

Je le répète, l'assurance-emploi n'est pas un cadeau du gouvernement; c'est un régime d'assurance pour ceux qui perdent leur emploi. Personne ne touche des prestations d'assurance-emploi pendant qu'il est en prison.

Le projet de loi fait disparaître les critères qui permettent la prolongation de la période d'admissibilité aux prestations d'assurance-emploi. La loi permet une telle prolongation dans le cas des personnes condamnées à une peine maximale de deux ans moins un jour.

Le projet de loi aura des conséquences disproportionnées pour les pauvres. Devrions-nous punir les gens parce qu'ils sont pauvres? Ce sont les pauvres qui seront les plus touchés. Ce sont eux qui sont incapables de payer les amendes. Ce sont eux qui ne peuvent pas payer une caution. Ce sont eux qui sont emprisonnés parce qu'ils n'ont pas d'argent. Ils seront punis deux fois.

Le ministre du Travail du gouvernement Diefenbaker comprenait cette réalité lorsqu'il a fait adopter cette disposition. Voici ce que disait à l'époque le ministre Michael Starr :

D'ordinaire, une personne qui a passé jusqu'à deux ans dans un pénitencier perdrait le bénéfice de ses contributions d'assurance-chômage, ce qui imposerait une peine supplémentaire à celles qui lui sont imposées par le tribunal. Cette cause d'inadmissibilité est maintenant éliminée; cela aidera beaucoup à la réadaptation de ceux qui ont eu le malheur d'encourir une punition des tribunaux.

Je crois que les choses n'ont pas tellement changé.

Honorables sénateurs, lorsque le comité a étudié le projet de loi C- 316, il a pris connaissance des nombreuses raisons qui font craindre que cette mesure législative n'ait des effets dommageables sur les membres les plus vulnérables de notre société. Les représentants de l'Association des femmes autochtones, de l'Association canadienne de justice pénale, de la Société John Howard du Canada, de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry et de Centraide de Calgary ont tous témoigné contre l'adoption du projet de loi.

Il a souvent été question des victimes d'actes criminels. Personne ne nie que le gouvernement doit en faire davantage afin de venir en aide aux personnes directement concernées par un crime. Beaucoup de gens ont vécu des choses horribles. Cependant, lorsque j'ai interrogé Heidi Illingworth, directrice générale du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes, à propos du rôle qu'occupe le projet de loi C-316 dans la stratégie gouvernementale d'aide aux victimes, elle a répondu ce qui suit :

[...] ce projet de loi ne s'applique pas précisément aux victimes.

Outre celui de son parrain, peu de témoignages ont été favorables au projet de loi. Il n'y a pas la moindre donnée. En fait, c'est comme si on avait rédigé le projet de loi en se contentant d'effectuer des recherches sommaires.

Honorables sénateurs, je suis contre ce projet de loi qui érige davantage d'obstacles pour les Canadiens les plus vulnérables et qui ne fait rien de plus que de les punir une seconde fois.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions?

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : L'honorable sénateur Boisvenu, avec l'appui de l'honorable sénateur Braley, propose que le projet de loi C-316, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi (incarcération), soit lu pour la troisième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : À mon avis, les oui l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président intérimaire : Je vois deux sénateurs se lever.

Y a-t-il entente entre les whips au sujet de la durée de la sonnerie?

Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour que la sonnerie retentisse pendant 30 minutes?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, le vote se tiendra dans 30 minutes.

(2100)

La motion, mise aux voix, est adoptée, et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Manning
Ataullahjan Marshall
Batters Martin
Bellemare McInnis
Beyak McIntyre
Black Meredith
Boisvenu Mockler
Braley Neufeld
Buth Ngo
Carignan Nolin
Champagne Ogilvie
Comeau Oh
Dagenais Oliver
Demers Patterson
Doyle Plett
Eaton Poirier
Enverga Rivard
Fortin-Duplessis Runciman
Frum Seidman
Gerstein Seth
Greene Smith (Saurel)
Housakos Stewart Olsen
Johnson Unger
Lang Verner
LeBreton Wallace
MacDonald Wells
Maltais White—54

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Callbeck Lovelace Nicholas
Campbell McCoy
Cordy Mercer
Cowan Merchant
Dallaire Mitchell
Dawson Moore
Day Munson
Downe Ringuette
Dyck Rivest
Eggleton Robichaud
Fraser Smith (Cobourg)
Hervieux-Payette Tardif
Hubley Watt
Jaffer Zimmer—29
Joyal

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun.

(2110)

Règlement, procédure et droits du Parlement

Le huitième rapport du comité—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Braley, appuyée par l'honorable sénatrice Martin, tendant à l'adoption du huitième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement (rapport sur un cas de privilège concernant la comparution d'un témoin devant un comité), présenté au Sénat le 20 juin 2013.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, j'avais l'intention de prendre la parole à ce sujet, mais j'ai demandé conseil afin de l'étudier davantage. J'aimerais donc ajourner le débat à demain.

L'honorable Elaine McCoy : Honorables sénateurs, avec l'accord du sénateur Dallaire, je vais prendre la parole et ajourner le débat à son nom.

Puisque j'ai l'intention d'être très brève et de souligner l'excellent travail que le comité a accompli, je vais aborder le contexte dans lequel nous avons évolué. Si je procède de cette façon, c'est entre autres parce que, bien souvent, notre travail est fondé sur les piliers de notre démocratie, qui sont en place depuis fort longtemps et n'ont cessé d'évoluer. La façon dont ils ont évolué au fil du temps nous éclaire sur la démarche qu'il faut suivre aujourd'hui pour continuer d'assurer la bonne santé de notre démocratie et de voir à ce qu'elle demeure dynamique, dans l'intérêt de tous les citoyens canadiens.

L'un des termes propres au langage parlementaire est le mot « privilège ». Au sens courant et de nos jours, le terme « privilège » a le sens de « prérogative »; il s'agit d'une chose que seule une personne ayant un certain statut peut obtenir et qui n'est pas accessible à la moyenne des gens.

Cependant, dans le langage parlementaire, ce mot n'a pas cette signification. Il vaut la peine de prendre quelques instants pour se souvenir de sa signification et aider les autres à comprendre pourquoi nous accordons autant d'importance à toute procédure qui empiète ou qui pourrait empiéter sur ce que nous appelons plus couramment, de nos jours, un droit du Parlement.

Je tiens à retourner en arrière et à parler du contexte dans lequel la notion de « privilège », l'un des droits du Parlement, a fait son apparition.

En fait, il faut remonter très, très loin, à la Déclaration des droits de 1689 en Angleterre pour être exact, au temps de Guillaume et de Marie. Vous vous souviendrez, honorables sénateurs, surtout ceux qui sont de descendance irlandaise, de Guillaume d'Orange et de son épouse, Marie. Ils ont été invités à régner ensemble sur l'Angleterre. Leur accession au trône arrivait au terme de décennies de troubles sociaux et politiques et d'une lignée de rois qui croyaient détenir le droit divin de régner, soit les Stuart. Il convient aussi de souligner que la guerre civile en Angleterre a été menée, comme nous le savons tous, par Oliver Cromwell.

Fait intéressant, Oliver Cromwell était issu du peuple, mais, à la fin de son mandat, il était connu sous le nom de lord-protecteur d'Angleterre. En fait, on l'appelait Sa Majesté Royale, et il a tout fait sauf porter une couronne : son siège ressemblait à un trône, et on lui a permis de choisir son successeur sans que son choix soit remis en question. On se rapproche grandement du droit divin que les rois s'étaient arrogé, n'est-ce pas? L'attrait de la monarchie absolue captivait même les hommes du peuple.

Il va de soi qu'un monarque absolu voit le Parlement d'un mauvais œil; il s'agit plutôt d'une entrave et il faut, si possible, l'éviter. Charles 1er y est d'ailleurs parvenu avec succès. En 11 ans, il n'a pas convoqué le Parlement une seule fois.

(2120)

Le sénateur Mercer : Ne leur dites pas ça à eux!

La sénatrice McCoy : Heureusement, on parle ici des années 1629 à 1640, et la mémoire est une faculté qui oublie. On en parle souvent comme des 11 années de tyrannie.

La sénatrice Ringuette : Cela me rappelle quelque chose.

La sénatrice McCoy : Il a notamment collecté de l'argent sans le consentement des représentants du peuple, ce qui a suscité bien des remous.

La Déclaration des droits faisait partie de l'entente rédigée par les Britanniques. Guillaume et Marie ont accepté de se conformer à cette constitution, qui n'est ni plus ni moins que le point de départ de la monarchie constitutionnelle telle qu'on la connaît aujourd'hui. On y disait essentiellement que le monarque ne verrait aux affaires du gouvernement que sur les conseils et avec l'aval des représentants du peuple.

Comme l'un des articles de la Déclaration des droits décrétait que le Parlement devait se réunir sur une base régulière, on garantissait ainsi au peuple que des élections auraient lieu fréquemment, ce qui constitue la base même de la démocratie. La Déclaration des droits prévoyait aussi qu'aucune loi ne pouvait être suspendue ou adoptée sans le consentement du Parlement. Même chose pour les impôts qui, vous l'aurez deviné, ne pouvaient être perçus sans l'autorisation des parlementaires.

Elle disposait en outre que la liberté d'expression et les débats ou délibérations du Parlement ne pouvaient être contestés ou mis en doute devant aucun tribunal ou en aucun autre lieu que le Parlement. C'est de cet article que découlent les droits du Parlement — que l'on désigne aussi sous le vocable de « privilège » —, parce qu'il fait en sorte que ce sont les citoyens qui ont le dernier mot sur la manière dont ils sont gouvernés, et non un monarque absolu.

Comme nous l'indiquons dans notre rapport, la Charte des droits a fini par faire partie des lois canadiennes. Nous avons d'abord été une colonie, puis une nation à part entière. Les privilèges historiques sur lesquels le Parlement s'appuie pour faire son travail de façon indépendante et sans interférence de qui que ce soit de l'extérieur du Parlement ont continué d'évoluer. Nous l'indiquons dans notre rapport.

Ils continueront probablement d'évoluer pour s'adapter aux réalités modernes. Comme notre rapport l'indique, aux XXe et XXIe siècles, il est devenu primordial pour le Parlement de tenir un dialogue avec le public et d'entendre différents points de vue et opinions sur n'importe quelle affaire dont il est saisi. C'est primordial, car nous convoquons des témoins à nos comités, ce qui est une des façons dont nous défendons la démocratie et le droit des gens à y participer.

Le droit de comparaître devant un comité parlementaire fait également partie des droits individuels des Canadiens garanti en grande partie par la Charte des droits et libertés. Ce droit offre en quelque sorte aux Canadiens la garantie de pouvoir exercer leurs droits démocratiques de diverses manières en participant par exemple aux processus démocratiques ou en exprimant leur opinion librement et sans restrictions raisonnables. À mesure que nous avons acquis maturité et expérience en matière de démocratie et de monarchie constitutionnelle, nous avons également renforcé les droits des citoyens, afin que ce soit eux qui continuent d'avoir le dernier mot.

Voilà le contexte dans lequel nous évoluions.

Un des points qui m'a le plus préoccupée, dans les témoignages que nous avons entendus, est que rien n'indique que la GRC comprend les droits du Parlement. Ce n'est pas parce qu'il s'agit des droits du Parlement, mais parce que la GRC ne comprend pas le contexte entourant le maintien de notre démocratie. Je ne crois pas que la GRC soit seule dans cette situation. Je crois que nous sommes nombreux à être tellement habitués aux garanties que nous avons et aux privilèges démocratiques dont nous jouissons que nous avons tendance à les tenir pour acquis, sans y penser outre mesure.

La démarche que nous avons faite et qui nous a permis, je crois, de régler la question en respectant les droits de tout le monde est importante parce qu'elle nous a aussi permis d'apprendre. Elle a été enrichissante pour nous et pourrait l'être pour toute notre assemblée, qui pourrait ainsi réaffirmer les fondements sur lesquels reposent les droits du Parlement, c'est-à-dire garantir les droits démocratiques des Canadiens. Elle est enrichissante pour le témoin, qui a fini par comparaître, et pour la GRC.

J'espère que la discussion de ce soir sera enrichissante pour tous les Canadiens, autant pour ceux qui la suivent maintenant que pour ceux qui en liront le compte rendu un jour ou l'autre, car elle ne concerne pas seulement les sénateurs. Il ne nous incombe pas seulement de sensibiliser les parlementaires, mais également tous les Canadiens, à l'importance de défendre ces droits démocratiques.

L'honorable Pierre Claude Nolin : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice McCoy : Oui.

Le sénateur Nolin : Je comprends l'argument de la sénatrice McCoy, mais transposons la question qui nous occupe à l'Association médicale canadienne. Pour reprendre le rapprochement entre l'AMC et la GRC qu'a fait la sénatrice, supposons que le président de l'AMC n'est pas au courant des privilèges des parlementaires canadiens.

Dois-je comprendre que, si le président ou un autre membre du conseil d'administration de l'AMC ne connaissait pas nos privilèges et qu'il interdisait à un médecin de comparaître au comité, pour une raison ou une autre, il ne violerait pas nos privilèges, car il n'aurait aucune intention coupable et il ne saurait pas qu'il empiète ainsi sur nos droits parlementaires?

La sénatrice McCoy : Cette question a toujours suscité un vif débat chez les spécialistes.

J'estime pour ma part que le droit de participer aux débats sur les règles qui nous gouvernent est des plus fondamental. Au Parlement, les citoyens peuvent exercer ce droit en comparaissant devant les comités.

L'Association médicale canadienne serait un exemple d'intérêt privé. Aucun intérêt privé ne devrait avoir préséance sur un intérêt public de cette importance.

Je dirai aussi que les conséquences de cette mesure doivent être envisagées très attentivement et modulées d'une telle façon que nous ne favorisions pas une culture axée sur la dénonciation et le blâme, mais plutôt une culture qui encourage les expériences d'apprentissage et que nous saisissions les occasions, comme c'était le cas ici, de soutenir les piliers de notre démocratie.

Il y aurait d'autres circonstances. On aurait pu imaginer une approche plus punitive mais, comme les membres du comité l'ont affirmé unanimement, nous ne croyons pas que c'était nécessaire dans cette affaire. Aucun d'entre nous ne voulait recourir à la censure ou à une approche punitive. Je crois que c'est également une décision appropriée. Il faut se livrer à une réflexion judicieuse et se concentrer surtout sur le résultat désiré, à savoir l'obtention d'une démocratie pleinement participative.

Le sénateur Nolin : La sénatrice n'a-t-elle pas peur du précédent que le comité établit en permettant à la GRC, qui est censée connaître la loi et l'institution, de ne pas respecter les droits du Sénat sous prétexte qu'elle ne les connaissait pas?

(2130)

Je peux comprendre que nous ne souhaitions pas imposer une sanction pour des mesures qui n'étaient pas mal intentionnées de la part de la GRC. Néanmoins, la GRC a bel et bien respecté notre institution, et le comité aurait dû à tout le moins affirmer qu'elle avait tort. Décider de ne pas imposer de sanction à la GRC, c'est autre chose que de dire qu'elle avait cependant tort. Il y a dorénavant un précédent.

J'ai utilisé l'exemple de l'Association médicale canadienne, mais n'importe qui aurait pu en fin de compte dire : « Eh bien, je n'étais pas au courant. Je ne savais pas que vous déteniez un tel privilège. Je n'étais pas mal intentionné lorsque j'ai décidé de ne pas comparaître devant votre comité. »

Je ne comprends pas pourquoi, dans son raisonnement, le comité n'a pas tenu compte du fait qu'un précédent avait été établi.

La sénatrice McCoy : Pourrait-on m'accorder un peu de temps pour répondre à la question du sénateur?

Ce n'est pas ce que nous avons dit. Mon interprétation du rapport de notre comité ne va pas aussi loin que ce que le sénateur laisse entendre. Nous n'avons pas déclaré qu'aucun acte répréhensible n'avait été commis. À mon avis, le précédent dont parle le sénateur n'a pas été établi.

Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Il n'est pas question de l'Association médicale canadienne dans cette affaire. Il est question d'une organisation paramilitaire dont tous les officiers prêtent serment à la reine et s'engagent à mettre en application judicieusement les règles et les règlements d'une institution dont la philosophie et la culture ne se limitent pas au simple fait de porter une tunique et un chapeau particuliers.

Si la haute direction n'était pas consciente des répercussions de sa décision relativement au privilège — et le premier dirigeant de l'organisme n'a pas comparu devant le comité —, la sénatrice a déclaré, en réponse à des questions posées précédemment, que la GRC ferait de son mieux pour être au courant de la situation, pour communiquer les renseignements aux personnes compétentes et pour corriger la situation.

Comment la sénatrice pense-t-elle que la GRC pourra faire cela? Je ne dis pas qu'il faut exiger son dû, mais presque. Comment une institution qui présente de tels antécédents peut-elle tout à coup faire volte-face et imposer ce changement de culture à son personnel? Les représentants de la GRC ont-ils examiné cette question en détail devant le comité?

La sénatrice McCoy : Non, et nous ne leur avons pas demandé de présenter un plan d'action pour modifier leurs procédures d'octroi d'une permission de voyager pendant qu'un membre est en congé maladie. Or, il existe suffisamment de preuves pour montrer qu'ils vont revoir leurs procédures.

Plus important encore, je dirais que c'est important pour notre discussion, qui est publiée dans le hansard, et je suis certaine que plusieurs membres de la GRC liront ce que le sénateur Dallaire et d'autres collègues ont déclaré ici même et insisteront sur le fait qu'ils ont le droit de comparaître devant des comités parlementaires. Ils n'hésiteront pas à faire respecter leurs droits.

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, j'ai l'intention d'intervenir sur cette question demain. Je n'étais pas ici vendredi et le vice-président, le sénateur Braley, est intervenu à ce sujet. Je n'étais pas là. J'étais en France ce matin. Je deviens un peu irritable, mais je serai prêt à intervenir demain. J'espère que nous pourrons nous pencher sur ces questions.

(Sur la motion du sénateur Dallaire, le débat est ajourné.)

L'étude sur la situation économique et politique en Turquie

Le treizième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du treizième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, intitulé Jeter des ponts : les liens entre le Canada et la Turquie et leur potentiel, déposé au Sénat le 20 juin 2013.

L'honorable A. Raynell Andreychuk propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, je prends la parole ce soir pour parler d'un rapport important produit par un comité du Sénat. Je parlerai du potentiel du Canada de renouveler ses relations bilatérales avec la Turquie, de la nécessité de renforcer la sensibilisation et la compréhension entre nos deux pays ainsi que des avantages pour les priorités canadiennes, internationales et commerciales.

Voilà les conclusions du rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international intitulé Jeter des ponts : les liens entre le Canada et la Turquie et leur potentiel.

Bien qu'on y souligne combien la diplomatie commerciale est essentielle au renouvellement de nos rapports avec le pays, on précise également qu'elle ne suffit pas. L'engagement du Canada doit être soutenu et constant si on veut qu'il profite à toutes les dimensions de la relation bilatérale entre nos deux pays. C'est là un thème récurrent dans l'étude du comité sur les pays émergeants dans un monde en pleine évolution, qu'il s'agisse du Brésil, de la Chine, de l'Inde, de la Russie ou de la Turquie. Il faut faire preuve de créativité pour mettre au point une politique étrangère complètement coordonnée. Il faut privilégier une approche à plusieurs volets en collaboration avec la société civile, les entreprises et les établissements d'enseignement canadiens.

Dans le cadre de nos études sur les pays BRIC, nos interlocuteurs ont souvent mentionné les grands progrès politiques et économiques réalisés en Turquie. Le comité a décidé de les examiner de plus près. Nous avons constaté que le pays a beaucoup changé en une seule génération, même comparativement à la dernière décennie. La nouvelle Turquie est dotée d'une grande population jeune et entreprenante de plus en plus instruite et affiche des salaires croissants, un taux de consommation élevé et une classe moyenne en plein essor. L'économie de la Turquie se classe maintenant au 17e rang mondial. Son taux de croissance est également un des plus élevée au monde.

Il y a 10 ans que la Turquie enregistre un taux de croissance supérieur à 5.1 p. 100. De 2002 à 2012, le PIB par habitant est passé de 3 500 $ à plus de 10 000 $. La Turquie espère se classer au nombre des 10 principales économies du monde d'ici 2023, année marquant le 100e anniversaire de la fondation de la Turquie moderne.

Il est tout aussi impressionnant de voir la Turquie exploiter ses avantages commerciaux à cette fin, avantages comme sa proximité de l'Europe, de l'Asie, du Moyen-Orient et de l'Afrique et ses liens économiques très étroits avec l'Union européenne, son plus important partenaire en matière de commerce et d'investissement.

La Turquie multiplie ses investissements dans certaines des économies du monde qui connaissent la croissance la plus rapide, mais qui présentent également le plus de risques. Les entreprises de construction turques, par exemple, sont présentes dans 95 p. 100 du marché irakien de la construction. Les intérêts turcs en Afrique ont connu un récent essor lorsque le pays a ouvert 23 nouvelles ambassades et nouveaux consulats sur le continent.

La Turquie renforce également sa présence en Asie et en Amérique latine. Turkish Airlines aide Istanbul à devenir un aéroport central. Si le projet d'agrandissement se concrétise, ce sera le plus grand aéroport au monde. L'aide au développement officielle de la Turquie est mobilisée pour stimuler la bonne volonté internationale.

Il ressort de notre étude qu'il n'est pas trop tard pour le Canada de profiter des possibilités qu'offre cette nouvelle Turquie. De plus, les priorités stratégiques et les forces commerciales du Canada sont compatibles avec la politique étrangère, les objectifs commerciaux ainsi que les besoins en matière de biens et d'importation de la Turquie.

Les bases d'une relation bilatérale plus solide sont actuellement jetées par les fonctionnaires, les entreprises et les établissements d'enseignement, et grâce à des ententes bilatérales sur le transport aérien, la double imposition, la sécurité sociale, l'agriculture et l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques. De plus, depuis 2009, un nombre croissant de délégations canadiennes politiques et commerciales de haut niveau se sont rendues en Turquie.

Or, il y a énormément de place à l'amélioration. En 2012, des produits d'une valeur de 2,3 milliards de dollars ont été échangés entre le Canada et la Turquie. C'est une hausse de 48 p. 100 par rapport à 2010, mais une légère baisse par rapport aux 2,4 milliards de dollars de 2011.

(2140)

En 2012, la Turquie était le 25e marché d'exportation de marchandises du Canada, son 32e marché d'importation et son 34e partenaire commercial mondial. En 2012, les exportations du Canada en Turquie se sont chiffrées à 850 millions de dollars, contre des importations de 1,5 milliard de dollars.

L'investissement direct du Canada en Turquie a été de 909 millions de dollars en 2012, ce qui place ce pays au trente-quatrième rang des destinations de l'investissement étranger canadien et représente 0,1 p. 100 du total de cet investissement.

Certains ont invoqué la collaboration de longue date du Canada et de la Turquie au sein de l'OTAN et d'autres organisations, ou notre récente coopération dans des forums tels que le G20, pour argumenter que nos relations sont déjà orientées vers ce qui importe pour nous. Cette perspective omet l'essentiel du rapport du comité, soit que la dimension bilatérale de notre relation est lacunaire et que le multilatéralisme ne s'est pas traduit par la solidification des relations bilatérales.

Le comité a discerné un besoin de connaissance et de compréhension mutuelles accrues entre le Canada et la Turquie. Nos deux pays sont aujourd'hui prêts à passer outre les divergences d'opinions et à renouveler nos relations pour notre avantage mutuel.

Après avoir entendu plus d'une cinquantaine de témoins et d'interlocuteurs, ici à Ottawa ainsi qu'au cours de notre mission d'étude à Istanbul et à Ankara en mars, nous offrons six recommandations et plusieurs suggestions au gouvernement du Canada.

Le comité estime que le Canada et la Turquie doivent approfondir leurs partenariats commerciaux. La croissance du commerce et de l'investissement doit cibler les secteurs où le savoir-faire des entreprises canadiennes est le complément des priorités économiques de la Turquie.

Les secteurs de l'économie turque présentant le meilleur potentiel pour les entreprises canadiennes comprennent l'agriculture, l'exploitation minière, l'énergie, l'infrastructure, le transport et l'éducation. Notre rapport souligne qu'un engagement politique accru doit sous-tendre la diplomatie commerciale du Canada.

Nous recommandons que le gouvernement du Canada maintienne un engagement constant à l'égard du gouvernement de la République de Turquie aux plus hautes instances politiques. Un dialogue positif et constructif dans les plus hautes sphères politiques peut s'avérer essentiel pour renforcer les relations entre le Canada et la Turquie, accroître la visibilité du Canada et aider les entreprises canadiennes à réussir en Turquie.

La Turquie, comme le Canada, est un pays commerçant, et le comité estime que les deux gouvernements devraient collaborer afin de déterminer s'ils peuvent trouver un terrain d'entente pour conclure un accord de libre-échange bilatéral. Au départ, lors des discussions préliminaires, le gouvernement turc ne nourrissait pas de grandes ambitions concernant un tel accord, si bien que l'initiative n'en valait pas la peine. Toutefois, à l'occasion de sa visite à Ankara, le comité a été encouragé par les propos du ministre turc du Commerce et des Douanes, qui a manifesté la volonté de son pays de reprendre les négociations et qui les juge urgentes. Par conséquent, le comité recommande que le gouvernement du Canada désigne la Turquie comme une priorité commerciale stratégique et accélère les négociations avec le gouvernement de la République de Turquie en vue de conclure un accord de libre-échange.

Le comité pense aussi qu'il serait bon de resserrer les liens avec la Turquie en favorisant davantage la création de partenariats en Turquie et dans des pays tiers. Les partenariats sont essentiels pour tirer parti des possibilités commerciales, obtenir des renseignements utiles sur le marché et naviguer dans la culture des affaires turque.

Le comité encourage fortement le gouvernement du Canada à renforcer la capacité d'Exportation et développement Canada en Turquie et à promouvoir des partenariats entre les entreprises canadiennes et les associations d'affaires turques.

Le comité estime également qu'il existe des possibilités de partenariat avec la Turquie dans les pays tiers de l'Afrique, au Moyen-Orient et en Asie afin de tirer profit au maximum de leurs forces commerciales convergentes. Par exemple, les entreprises turques étant moins réticentes à prendre des risques, elles seraient un bon complément du savoir-faire du Canada dans plusieurs secteurs où il est en tête de peloton. De tels partenariats seraient particulièrement avantageux dans les cas où chaque pays peine à trouver du financement. Ils permettraient aux deux pays de mettre leurs ressources en commun pour en tirer le maximum.

Le comité recommande que le gouvernement du Canada facilite de tels partenariats entre entreprises turques et canadiennes, y compris les initiatives novatrices de collaboration financière dans les pays tiers.

Le Canada aurait aussi intérêt à collaborer avec la Turquie concernant ses priorités en matière d'éducation et de formation. Un accord permettant aux jeunes Turcs de travailler et d'étudier au Canada pendant au plus un an donnerait aux Turcs et aux Canadiens la chance de vivre une expérience d'étude et d'emploi sans égal et les amènerait à contribuer davantage à la vie économique de leur pays.

Par conséquent, le comité recommande que le gouvernement du Canada entreprenne de conclure un accord sur la mobilité des jeunes avec le gouvernement de la République de Turquie. Cet accord pourrait englober les jeunes professionnels et les stages coopératifs à l'étranger.

Compte tenu que les jeunes Canadiens sont eux-mêmes confrontés à d'importants défis en matière d'emploi, le comité recommande que l'accord fixe des quotas pour chaque catégorie selon les conditions de notre marché du travail. L'éducation peut être un élément clé favorisant l'approfondissement de l'engagement entre le Canada et la Turquie, d'où peuvent fleurir les occasions commerciales et d'investissement. En fait, le comité considère que les deux pays se connaissent trop peu et que les jeunes doivent en savoir davantage pour que ce projet réussisse. Nous comprenons toutefois que le marché des étudiants internationaux est très compétitif. Le comité estime que le Canada doit promouvoir de manière proactive ses établissements comme destinations d'études de choix et établir des relations avec les responsables du domaine de l'éducation en Turquie.

Le comité croit fermement que le renforcement et la promotion de « l'image de marque du Canada » feraient mieux connaître le Canada en Turquie. Il est nécessaire de mettre en valeur les atouts du Canada et de le démarquer de ses compétiteurs dans tous les secteurs. La « marque du Canada » contribuerait à promouvoir l'avantage canadien dans les secteurs comme l'innovation et la technologie.

La Turquie a déployé des efforts pour améliorer sa capacité de recherche et de développement, ainsi que son secteur des technologies de l'information et des communications, mais ses besoins ne sont pas comblés suffisamment rapidement pour appuyer le programme économique turc. Par conséquent, il est possible de créer des partenariats Canada-Turquie visant le transfert de connaissances et le renforcement de la capacité technologique de la Turquie dans les secteurs où le Canada se démarque à l'échelle mondiale.

Pour faciliter ces transferts, le comité recommande que le gouvernement du Canada envisage de conclure des protocoles d'entente avec le gouvernement de la République de Turquie dans les domaines des sciences et de la technologie.

Enfin, le Canada et la Turquie ont plusieurs intérêts communs dans la région : régler le conflit en Syrie; encourager la normalisation des relations avec Israël; persuader l'Iran de coopérer avec l'Agence internationale de l'énergie atomique; promouvoir le développement économique de l'Égypte à l'aide de programmes d'emplois pour les jeunes et de projets de formation à l'emploi.

Le comité a complété son étude et a produit son rapport au début de juin. Naturellement, certains se sont demandé si notre rapport et ses conclusions restaient pertinents à la lumière des récents événements survenus en Turquie, à savoir les grandes manifestations déclenchées à Istanbul et dans d'autres villes ainsi que la réaction de l'État turc à leur égard. Cadrant avec les revendications des manifestants, notre rapport décrit les difficultés et les problèmes internes que la Turquie devra régler tout au long de son processus de modernisation démocratique et économique. Ainsi, il fait état de signes préoccupants indiquant que les libertés de presse et d'expression sont réprimées et que l'État est devenu de plus en plus intolérant à la critique et à la dissension.

Notre rapport traite aussi des préoccupations que suscite la domination du premier ministre Erdogan sur les sphères politique et commerciale de la Turquie. Nous verrons avec le temps les effets à long terme qu'auront ces récents événements sur la stabilité intérieure relative de la Turquie et sur son statut en tant que modèle de démocratie laïque dans la région.

(2150)

Comme l'a dit l'un des témoins : « La direction que prendra la Turquie reste très incertaine. »

Le comité estime que ce rapport demeure un compte rendu fidèle et à jour de la relation entre le Canada et la Turquie, qui est en constante évolution. Il reflète une volonté sincère de la part de nos interlocuteurs au sein du gouvernement turc et des dirigeants du monde des affaires d'approfondir leur engagement bilatéral.

Alors que la Turquie continue à évoluer, les faits d'actualité doivent être interprétés en fonction des réalisations importantes de la Turquie en matière de politique intérieure et étrangère au cours des deux dernières décennies. Ces réalisations comprennent la subordination de l'armée turque au pouvoir civil et la hausse de la surveillance civile pour l'arrimer aux normes de l'OTAN et de l'Union européenne, ainsi que la réconciliation avec le Parti des travailleurs du Kurdistan, après un conflit de 30 ans.

Ce n'est pas une coïncidence si les messages présentés dans ce rapport font écho à ceux qui se trouvent dans nos rapports sur la Chine, l'Inde, la Russie et le Brésil, et qui traitent de secteurs clés tels que l'agriculture, les mines, l'énergie, les infrastructures, les transports, ainsi que l'éducation. Nous avons aussi répété qu'il était nécessaire de développer « l'image de marque du Canada », afin d'accroître la visibilité du pays.

Collectivement, nos rapports attirent tout simplement l'attention sur ce qui apparaît comme ce qui est nécessaire pour que le Canada réussisse dans sa recherche de nouveaux débouchés dans un monde en mutation.

Au fil des ans, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international s'est bâti une réputation, je suis fière de le dire aujourd'hui, qui précède chacune de ses publications. Bien avant que le rapport soit déposé, notre décision d'étudier la situation de la Turquie a généré au gouvernement du Canada un intérêt tout neuf envers ce pays. J'espère que les idées et les recommandations qui se trouvent dans le rapport aideront les efforts du gouvernement canadien, du monde des affaires, des institutions d'enseignement et de la société civile pour que le partenariat Canada-Turquie se développe pleinement.

Honorables sénateurs, le travail du comité vise à changer les attitudes au Canada et à susciter une prise de conscience de ce potentiel que la société canadienne peut exploiter à son avantage dans un monde en pleine évolution.

(Sur la motion de la sénatrice Fortin-Duplessis, le débat est ajourné.)

Règlement, procédure et droits du Parlement

Le septième rapport du comité—Report du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Smith, C.P. (Cobourg), appuyée par l'honorable sénateur Comeau, tendant à l'adoption du septième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement (modifications au Règlement du Sénat), présenté au Sénat le 19 mars 2013.

L'honorable David P. Smith : Sénateur Carignan, au sujet d'une question touchant les travaux du Sénat, vous avez dit, il y a à peu près trois semaines — je pourrais retrouver l'extrait dans le hansard —, que vous nous donneriez une réponse.

Les membres du Comité du Règlement ont adopté quatre rapports à l'unanimité. Ces rapports sont retenus par vous et par la sénatrice Cools. Vous en retenez trois et elle en retient un. Le premier date de plus de six mois et les trois autres remontent à mars.

Vous nous avez dit, il y a trois semaines, que vous nous donneriez une réponse. Pouvez-vous nous fournir une réponse honnête? Les retenez-vous pour qu'ils restent en plan, comme certains d'entre nous le croient malheureusement, ou vous en occuperez-vous demain, ou avant que nous ajournions pour l'été? Allez-vous nous donner une réponse honnête, pour une fois?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je ne suis pas prêt à prendre position sur le rapport. Quand je serai prêt, je me prononcerai.

[Traduction]

Le sénateur Smith : Sénateur Carignan?

Le sénateur Carignan : Je suis désolé; je n'ai pas compris la question.

Le sénateur Smith : Vous l'avez comprise.

(Le débat est reporté.)

Le Sénat

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Kinsella, attirant l'attention du Sénat sur la place fondamentale qu'occupe le Sénat du Canada dans l'édification et la préservation du monument à la liberté et à l'égalité qu'est le Canada.

L'honorable Elaine McCoy : Honorables sénateurs, j'aimerais parler de cette interpellation avant la pause estivale, puis l'ajourner au nom du sénateur Joyal.

Je dois dire que j'ai été inspirée par le Président du Sénat, le sénateur Kinsella, qui a présenté cette interpellation attirant l'attention du Sénat sur la place fondamentale qu'occupe le Sénat du Canada dans l'édification et la préservation du monument à la liberté et à l'égalité qu'est le Canada. Nous devrions toujours garder ce rôle à l'esprit et ne pas le tenir pour acquis.

J'ai aussi été inspirée par l'intervention du sénateur De Bané, qui a parlé de sa longue carrière au Sénat et de la fierté qu'il a toujours éprouvée d'être sénateur.

Bien entendu, notre réputation a été grandement mise à mal récemment, et bon nombre d'entre nous ont été profondément affectés; nous nous demandons comment nous pourrons accuser un coup si dur. Certains sénateurs m'ont même dit qu'ils ne savaient pas s'ils seraient capables, sur le plan personnel, de s'en remettre et qu'ils envisageaient de démissionner parce que leur réputation dans leur région avait été entachée. L'onde de choc s'est fait ressentir très profondément.

Il n'y a pas si longtemps, j'étais dans le bureau d'un membre du personnel administratif et je lui ai demandé comment les choses allaient compte tenu des circonstances. Je lui ai dit : « Les journées doivent être très mouvementées, ce doit être très difficile pour toi. » Elle m'a répondu que c'était pire à la maison ou lorsqu'elle se rendait chez des amis parce qu'on lui disait : « Tu travailles pour qui? Pour quoi? Pour cette institution? » Je lui ai dit, bien franchement : « La prochaine fois qu'on te parlera ainsi, réponds que ce n'est pas ta faute, que c'est à cause des sénateurs que nous en sommes arrivés là. »

Je trouve que les gens sont très polis et qu'ils ne me posent pas ces questions, mais ils les posent aux membres du personnel, ce qui les ennuie beaucoup. Pourtant, la vérité, comme nous le savons, c'est que notre réputation a été mise à mal.

Nous allons la rétablir de deux façons. Premièrement, nous continuerons, comme nous l'avons toujours fait, de remplir nos fonctions avec la même intégrité et le même souci d'excellence. Le rapport qu'a présenté ce soir la sénatrice Andreychuk n'est qu'un exemple parmi tant d'autres de l'excellent travail que nous avons accompli.

Deuxièmement, nous allons bien entendu améliorer les règles qui nous gouvernent. J'en profite pour féliciter les membres du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, car ce qu'ils ont fait est très important. Ils ont formé le sous-comité de la vérification interne, qui est complètement distinct du comité directeur. C'est la sénatrice Marshall, pour qui j'ai le plus grand respect, qui en est la présidente. Elle a occupé les fonctions de vérificatrice générale à Terre-Neuve-et-Labrador durant 10 ans, alors je sais qu'elle a ce qu'il faut pour s'acquitter de cette tâche. Si je dis tout cela, c'est parce que tiens à ce que le public sache que le Sénat évolue et que les sénateurs prennent des mesures pour améliorer la manière dont ils s'occupent des questions de régie interne.

(2200)

J'aimerais cependant que nous allions un peu plus loin. Si on se fie aux pratiques exemplaires dans le domaine, nous devrions créer un comité indépendant de vérification, ou à tout le moins un comité qui serait présidé par un membre du parti qui n'est pas au pouvoir, comme l'est le Comité des finances nationales. Idéalement, il serait présidé par une personne indépendante de l'interne ou, mieux encore, de l'externe. J'incite les sénateurs à continuer de viser l'excellence et à appliquer ces méthodes éprouvées à nos pratiques de régie interne.

J'espère que, au lieu de désigner des coupables, de distribuer les blâmes et de sacrifier tel ou tel sénateur, ce qui serait hautement contreproductif, on cherchera plutôt à instaurer une culture reposant sur les pratiques exemplaires. J'espère que l'on créera un poste semblable à celui de conseiller déontologique que l'on trouve dans les associations du barreau ou les ordres de comptables du pays. Nous en sortirions gagnants.

D'ici là, je tiens à féliciter Son Honneur et le greffier pour avoir organisé l'activité de ce matin et pour voir rappelé au personnel que le Sénat, la Chambre haute, est bien perçu, que la recherche de l'excellence est pour nous un objectif de tous les instants et que les employés ont leur rôle à jouer. Nous devons leur donner les moyens d'atteindre l'excellence, mais, pour ce faire, nous devons rompre avec la culture actuelle et cesser de désigner des coupables et de distribuer les blâmes, car nous leur mettons ainsi des bâtons dans les roues.

Revenons à l'idée d'aider les gens à comprendre ce que fait le Sénat. C'est un moyen de soutenir le bon travail que nous accomplissons. Il y a quatre ans, un groupe de six sénateurs, dont je faisais partie, a retenu les services de la firme Nanos Research afin de savoir ce que les Canadiens pensaient du Sénat.

Le sondage portait notamment sur l'importance que les Canadiens accordaient aux façons de maintenir la vigueur démocratique au Canada. On a demandé aux gens quelle importance ils accordaient à certains éléments devant permettre d'y parvenir. Un de ces éléments consistait à donner une voix aux régions du pays; 87 p. 100 des répondants ont indiqué que c'était « important », « très important » ou « extrêmement important ». Quatre-vingt-un pour cent des répondants voyaient d'un œil très positif la tenue d'un plus grand nombre de votes libres. Le même pourcentage de répondants était très en faveur d'un examen indépendant des lois et des politiques gouvernementales. Toujours le même pourcentage de répondants, soit 81 p. 100, était très ouvert à une représentation raisonnable des femmes et des minorités au Parlement.

Ces quatre caractéristiques décrivent le Sénat. On n'a pas demandé aux gens s'ils croyaient que le Sénat devrait faire ces choses; on leur a demandé s'ils croyaient que ces quatre caractéristiques permettraient de maintenir la vigueur de la démocratie canadienne.

Nous sommes l'incarnation de ces caractéristiques. C'est pourquoi il est si important que nous continuions de garder la tête haute et de nous conduire de façon honorable, comme nous le faisons habituellement. Je contemple cette assemblée, et je sais que c'est ce que font les sénateurs ici présents ce soir et d'autres qui sont absents. Je peux dire que je suis fière d'être sénatrice et que je suis fière d'être une de vos collègues.

Des voix : Bravo!

La sénatrice McCoy : Nous avons formé deux groupes de discussion. Nous avons demandé aux gens de nous décrire le sénateur parfait, dont voici les caractéristiques : le sénateur parfait a des antécédents variés; il possède de l'expérience; il a une vision à long terme des politiques; il est capable d'expliquer ses choix; il fait preuve de bon sens; il ne fait pas preuve d'esprit partisan; il se présente au travail — j'aime bien celle-là — et il rend des comptes à quelqu'un.

Quand je regarde autour de moi, je vois ces caractéristiques à l'œuvre tous les jours. Ce que le Comité du Règlement a fait dans le dossier des droits du Parlement en était un parfait exemple. C'était des sénateurs parfaits au travail. Je suis fière d'être membre du comité et d'avoir travaillé avec ces personnes sur ce dossier.

Lorsque nous rentrerons chez nous cet été, j'espère que nous choisirons tous de nous montrer fiers, fiers de notre institution et fiers de notre mission, qui est de veiller à la bonne santé de la démocratie.

Je reste souvent muette quand on me demande « Que faites-vous? » C'est pourquoi je me suis préparée une carte aide-mémoire qui énumère plusieurs choses que le Sénat fait et, au haut de la liste, j'indique que je suis fière d'être sénatrice juste pour me rappeler de garder la tête haute.

Le Sénat est à l'origine d'études approfondies et indépendantes. Il choisit des sujets chers à tous les Canadiens, leur donne leur mot à dire sur leur avenir, et les invite tous à partager leurs connaissances. Il est le meilleur et le premier groupe de réflexion du Canada. C'est un microcosme des régions et des habitants du pays, et il renforce la démocratie canadienne en améliorant les mesures législatives gouvernementales.

Honorables sénateurs, c'est ce que nous faisons régulièrement. À l'endos de la carte aide-mémoire, j'ai inscrit trois des réalisations du Sénat. Sur mon site web du Sénat, il y a une section qui s'appelle « Savvy Senate », ou le bon sens du Sénat. Une de ses sous-sections s'intitule « Brains Trust », ou les grands penseurs, et porte sur un grand nombre des rapports et des débats du Sénat qui ont laissé leur marque au fil des années. En 1973, nous avons produit le rapport Lamontagne, qui est toujours considéré comme le fondement de la politique canadienne sur les sciences et la technologie. En 2006, nous avons publié le rapport Kirby sur la santé mentale. J'ai également parlé du rapport intitulé Maintenant ou jamais : Le Canada doit agir d'urgence pour prendre sa place dans le nouvel ordre mondial de l'énergie. C'est le rapport qu'a publié l'année dernière le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, et qui nous a mis en plein cœur du débat actuel sur l'élaboration d'une stratégie énergétique pancanadienne.

Les sénateurs pourraient choisir des exemples à mettre sur leurs cartes aide-mémoire, s'ils le souhaitent. Je vais donner des cartes à tous. Demain, vous aurez quelques-unes de ces cartes en main. Je prie mes collègues francophones de m'excuser — je suis de l'Alberta —; les cartes ont été envoyées à la traduction. Nous avons le modèle de ces cartes et je serais ravie de le faire parvenir par courriel aux sénateurs pour qu'ils puissent s'en inspirer. J'ai trouvé ces cartes très utiles, et j'espère qu'elles le seront pour d'autres sénateurs également.

C'est avec plaisir que j'envisage la rentrée après la relâche estivale. Je suis sûre que vous aurez tous grandement contribué à rétablir notre réputation.

L'honorable Lillian Eva Dyck : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice McCoy : Oui.

La sénatrice Dyck : Ma collègue fait toujours des observations très claires et fait preuve d'un grand bon sens. Elle a décrit notre situation actuelle avec justesse.

(2210)

La première question que je voulais poser, c'était de savoir si je pouvais emprunter les cartons aide-mémoire de la sénatrice, mais elle a déjà proposé de nous les remettre. Je possède une présentation PowerPoint qui explique les tâches d'un sénateur et je vous l'enverrai volontiers.

J'aimerais quand même poser une question. Dans la situation actuelle, la sénatrice ne pense-t-elle pas que le public confond le Sénat — c'est-à-dire la fonction parlementaire du Sénat — avec les sénateurs? Ce qui se passe avec certains sénateurs n'a rien à voir avec la fonction parlementaire, mais le public ne fait pas la différence entre les actions des sénateurs — qui relèvent de la fonction administrative — et la fonction parlementaire du Sénat.

Dans ces discussions, nous devrions préciser que le Sénat joue un rôle important. Parfois, le comportement de certains sénateurs ne cadre pas avec ce rôle, mais il n'en reste pas moins que le Sénat existe et joue un rôle important.

La sénatrice McCoy : Oui, je pense que c'est une distinction importante. Je vous remercie, sénatrice Dyck, de vous conduire comme vous le faites, de défendre le Sénat dans votre collectivité, de garder la tête haute, de désapprouver ce genre de comportement, de dire que vous et vos collègues prenez des mesures pour améliorer notre gouvernance. Nous veillerons à ce que ce genre de malversations soient détectées à l'avenir; cela changera le cours des choses.

De telles choses arrivent dans toutes les organisations. Cela arrive dans de grandes organisations. Nous devons adopter de nouvelles pratiques exemplaires, car elles ont évolué au cours des 10 ou 15 dernières années. Je crois que nous devons nous mettre à jour.

Son Honneur le Président : Le Sénat est-il d'accord pour que cet article reste inscrit au nom du sénateur Joyal?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Joyal, le débat est ajourné.)

Les universités et les établissements d'enseignement postsecondaire

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Cowan, attirant l'attention du Sénat sur les nombreuses contributions des universités et autres établissements d'enseignement postsecondaire du Canada, ainsi que de leurs instituts de recherche, à l'innovation et à la recherche dans notre pays, et en particulier aux activités que ceux-ci entreprennent, en partenariat avec le secteur privé et celui sans but lucratif, avec un appui financier de sources nationales et internationales, dans l'intérêt des Canadiens et des gens un peu partout dans le monde.

L'honorable Nancy Greene Raine : Honorables sénateurs, j'aimerais vous faire part de mes réflexions sur l'importance de la recherche dans les universités canadiennes. Je vois d'un œil favorable les occasions de formation et d'élargissement des connaissances qu'offrent les travaux de recherche. Bien que plus de 100 établissements mènent des travaux de recherche au pays, c'est en tant que chancelière de l'Université Thompson Rivers que j'ai acquis la plus grande partie des connaissances que je possède sur la question. C'est donc l'UTR que j'utiliserai comme exemple.

Avant de parler de recherche, cependant, je veux donner un aperçu de cette institution universitaire, qui compte parmi les plus jeunes du pays. Lorsque le University College of the Caribou a obtenu son statut d'université, j'ai été invitée à en être la première chancelière, ce dont j'ai été très fière. Les origines de l'Université Thompson Rivers sont la formation professionnelle, technique et académique. Lorsque l'UTR est devenue une université, il fut décidé que les trois types de formations demeureraient, ce qui a créé une maison d'enseignement unique et polyvalente où les étudiants peuvent suivre des cours en vue d'obtenir un diplôme ou d'apprendre un métier; on peut aussi s'inscrire à un programme de perfectionnement technique ou à un programme académique complet, comme un diplôme en arts, en sciences, en éducation, en soins infirmiers et en administration. L'an dernier, la plus jeune faculté de droit a ouvert ses portes à UTR.

Située sur un magnifique campus qui donne sur la jonction des deux plus importantes rivières de la Colombie-Britannique, l'UTR est fière d'être bien intégrée à la ville de Kamloops et d'offrir à ses habitants l'occasion de profiter de ses installations sportives de calibre international et de participer aux activités de l'université.

Le cadre spectaculaire de l'Université Thompson Rivers, ainsi que la qualité des cours qui y sont offerts, en fait une université de choix pour les étudiants étrangers. Cette internationalisation est avantageuse pour tous les étudiants de l'établissement. Les possibilités étendues de renforcer la compréhension interculturelle, tant en classe que dans les échanges internationaux et les sorties pédagogiques, ont mené à la création de titres de compétences reconnus internationalement à l'Université Thompson Rivers. Par conséquent, plusieurs anciens étudiants de l'établissement deviennent des chefs de file en matière de facilitation des affaires et du commerce, au Canada comme à l'étranger.

L'université est également un pionnier mondial de l'évaluation et de la reconnaissance des acquis; un moyen de reconnaître les connaissances acquises dans d'autres établissements d'enseignement, au travail ou dans le cadre d'autres expériences vécues. L'Université Thompson Rivers est investie d'un mandat provincial qui consiste à offrir une éducation postsecondaire accessible, reconnue et de qualité au moyen de méthodes d'apprentissage flexibles. Les cours offerts en ligne et à distance par l'entremise de l'Open Learning Institute rejoignent des étudiants de tous les âges, des milieux ruraux et urbains, de Colombie-Britannique et de l'ensemble du Canada. Environ 3 000 étudiants y sont inscrits.

Honorables sénateurs, l'Université Thompson Rivers est située sur les terres ancestrales du peuple Secwepemc et la Première Nation locale soutient fermement l'université depuis ses tout débuts. La bande indienne Tk'emlups collabore avec des archéologues et, ensemble, ils ont retracé les établissements ancestraux des 10 000 dernières années et plus. De nos jours, l'Université Thompson Rivers est à l'avant-garde sur le plan de la prestation de services aux étudiants autochtones, 10 p. 100 de son effectif étudiant provenant des Premières Nations de la Colombie-Britannique et d'ailleurs.

Le directeur de l'enseignement aux Autochtones de l'établissement, Nathan Mathews, est reconnu nationalement pour son travail auprès du comité de coordination de l'éducation des Premières Nations de la Colombie-Britannique, un partenariat unique entre le gouvernement fédéral, la province et les Premières Nations afin d'élaborer des programmes d'études complets. L'éducation est la clé de la réussite chez les Autochtones et c'est bien connu dans l'ensemble de la Colombie-Britannique.

L'honorable Len Marchand, un des premiers députés fédéraux autochtones, qui est ensuite devenu sénateur, a aussi été l'un des premiers Autochtones à obtenir un diplôme de l'Université de la Colombie-Britannique. Diplômé dans le domaine de l'agriculture, le sénateur Marchand a travaillé à la station de recherche d'Agriculture et Agroalimentaire Canada de Kamloops.

L'annonce récente de la fermeture de cette station de recherche pourrait fort bien constituer un débouché à long terme pour les programmes de recherche réalisés à l'Université Thompson Rivers. La station avait décidé récemment de passer de la recherche animale à la recherche sur les prairies, qui est également un des domaines de compétence de l'université. Les installations de la station de recherche sont en excellent état, et ses terres se composent d'un mélange de prairies à différents niveaux d'altitude, ce qui constitue un milieu unique pour la recherche sur les écosystèmes.

La députée locale, Cathy McLeod, s'emploie à réunir les intervenants intéressés, dont l'association des éleveurs de bovins de la Colombie-Britannique, des éleveurs de la région, des Premières Nations, des fonctionnaires provinciaux et l'Université Thompson Rivers, afin d'examiner des solutions et des débouchés pour la station.

Honorables sénateurs, je me suis un peu écartée du sujet, mais je souhaitais vous donner une idée du genre de recherche réalisé à l'Université Thompson Rivers.

Aujourd'hui, l'Université Thompson Rivers abrite plusieurs centres de recherche où se déroule toute une gamme d'activités. Le corps professoral de l'université comprend des chercheurs de renommée nationale, qui s'affairent à trouver des solutions à des problèmes qui pourraient façonner notre avenir et améliorer notre vie quotidienne : améliorer l'efficacité de médicaments; comprendre les écosystèmes; tisser des liens entre les arts et les sciences; définir les frontières de l'apprentissage électronique; et, enfin, trouver des façons novatrices et axées sur la collaboration d'appuyer les collectivités.

Les diplômés de l'Université Thompson Rivers sont en mesure d'effectuer de la recherche sous la supervision d'éminents experts dans leur domaine respectif, de l'éducation au travail social, en passant par les sciences infirmières et les sciences liées aux ressources naturelles. En plus d'appuyer les travaux de recherche réalisés par les diplômés, l'Université Thompson Rivers est en train de se tailler une réputation nationale dans le domaine de la formation des chercheurs de premier cycle et organise une conférence annuelle sur l'innovation et la recherche pour les étudiants de premier cycle. Pour l'université, la recherche réalisée par les étudiants constitue une méthode d'apprentissage créative et fondée sur l'investigation.

Les étudiants canadiens doivent naviguer dans un monde de plus en plus complexe et ils doivent surmonter bien des défis. Grâce à la recherche de pointe, ils peuvent participer au développement de connaissances qui mèneront à de nouvelles découvertes, à de nouvelles technologies ainsi qu'à de nouvelles façons de concevoir les problèmes sociaux et économiques, qui ne cessent de se complexifier.

À l'Université Thompson Rivers, les étudiants du premier cycle peuvent profiter de programmes de recherche qui étaient autrefois réservés aux étudiants aux cycles supérieurs et au post-doctorat. Ils collaborent étroitement avec leurs professeurs, et ils ont accès à de nouveaux modes d'apprentissage qui révolutionneront le monde.

Honorables sénateurs, voici quelques exemples de recherches qui sont menées à l'Université Thompson Rivers.

M. Lauchlan Fraser est président de la Chaire de recherche du Canada en écologie des communautés et des écosystèmes. Il s'intéresse principalement au pâturage, et il travaille aux côtés d'autres chercheurs spécialisés dans la gestion des grands pâturages ainsi que dans la biodiversité et la vie sauvage des pâturages. Ils se penchent tous ensemble sur la question de la viabilité des écosystèmes des pâturages.

Honorables sénateurs, voici un autre exemple de recherche menée à l'Université Thompson Rivers. M. Karl Larsen et son équipe travaillent de concert avec des partenaires de l'industrie minière pour comprendre comment les pratiques de remise en état permettent aux plantes et aux animaux de revenir vivre sur des terres qui ont été altérées.

(2220)

Bien des travaux de recherche de M. Larsen portent sur la préservation d'espèces qu'on peut observer dans la prairie sèche et aride du centre de la Colombie-Britannique.

Cette prairie est un écosystème unique où vivent une grande variété d'animaux, dont plusieurs espèces qu'on ne retrouve nulle part au pays. La durabilité de l'environnement est l'un des facteurs importants des méthodes modernes d'exploitation minière, et la recherche appliquée contribuera grandement à améliorer la capacité de notre industrie à mettre en valeur les ressources minérales si importantes pour notre économie.

John Church, de la Chaire d'innovation régionale de la Colombie- Britannique en durabilité du secteur de l'élevage bovin, effectue des travaux d'avant-garde en matière d'élevage, de gestion des grands pâturages et de produits de la viande. M. Church et son équipe de recherche à l'Université Thompson Rivers participent à un projet d'analyse de la viande tout à fait unique, qui fournira au secteur de l'élevage des bovins et des bisons des renseignements cruciaux sur le profil nutritionnel de la viande de bœuf et de bison et sur les bienfaits pour la santé de la viande provenant d'animaux d'embouche plutôt que d'animaux de grain.

Le professeur de mathématique Roger Yu dirige le Centre d'optimisation et de prise de décisions. Ses travaux tendent à accroître notre compréhension de l'optimisation et de la prise de décisions grâce à la recherche interdisciplinaire de même qu'à l'élaboration et à l'innovation de méthodes quantitatives appliquées à des systèmes complexes. Autrement dit, trouver des réponses simples à des questions complexes.

M. Yu et son équipe de l'Université Thompson Rivers travaillent en partenariat avec des entreprises privées. Par exemple, en partenariat avec Pelesys Learning Systems, ils ont conçu un système automatisé d'ordonnancement de la formation des pilotes de ligne pour pallier la pénurie de simulateurs de vol. Par le passé, ils se sont penchés sur l'exploration de données et ont ainsi contribué à élaborer un système de gestion des ressources en soins de santé exploitant efficacement l'espace disponible ainsi que les ressources humaines et matérielles. Ces travaux leur ont d'ailleurs valu un prix. L'équipe collabore actuellement avec des manufacturiers de la région pour améliorer les outils techniques robotiques, notamment dans le cadre des opérations de la mine de cuivre de Teck dans le district de Highland Valley dans le but d'élaborer un indice de rendement.

Honorables sénateurs, les chercheurs de l'Université Thompson Rivers et d'autres établissements de recherche canadiens effectuent des recherches qui ont une incidence sur les collectivités du Canada et du monde entier. En créant des environnements d'apprentissage qui suscitent l'enthousiasme des jeunes et en donnant à ces derniers la possibilité de travailler avec des chercheurs de calibre mondial, les universités du Canada encouragent l'engagement envers la recherche pour la prochaine génération. L'Université Thompson Rivers et d'autres établissements universitaires, du reste, fournissent de pareilles occasions et favorisent la croissance responsable, l'innovation et une meilleure compréhension de notre monde de plus en plus interconnecté.

Honorables sénateurs, nos universités sont une source de nouveau savoir, d'innovation et d'expérience pratique pour nos apprenants. Nous devons maintenir et accroître l'investissement dans ce processus afin que le Canada et les Canadiens demeurent à la fine pointe de la recherche.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions? Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour que le débat soit ajourné au nom de la sénatrice Fraser?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

L'organisme Child, Family and Adolescent Mental Health

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Mitchell, attirant l'attention du Sénat sur le travail de l'organisme Child, Family and Adolescent Mental Health et sur la nécessité de soutenir cet organisme et son infrastructure.

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je sais qu'il est tard et que, après bien des soirées prolongées, nous sommes tous fatigués. Je vous sais gré de votre patience et de l'attention que vous porterez à une question qui me semble d'un grand intérêt et d'une grande importance.

Je veux vous parler ce soir des efforts acharnés et inlassables de l'organisme CASA, un organisme sans but lucratif du Nord de l'Alberta qui offre depuis trois décennies, souvent malgré de grandes difficultés, des services aux enfants et aux adolescents aux prises avec des troubles mentaux et des problèmes d'apprentissage. Par ricochet, l'organisme soutient les familles de ces enfants, qui souffrent profondément, elles aussi, et travaille avec elles.

L'organisme, basé à Edmonton, offre depuis plusieurs années des services remarquables à un grand nombre d'enfants et de familles dans tout le Nord de l'Alberta.

Je prends la parole aujourd'hui d'abord et avant tout pour attirer l'attention du Sénat sur l'état lamentable des installations de cet organisme et la nécessité de lui accorder des fonds pour qu'il puisse remplacer l'édifice en ruines qu'il occupe par un centre moderne d'éducation et de traitement. Je veux attirer l'attention du Sénat sur le fait que, malgré son travail inlassable, CASA n'a pas été en mesure d'obtenir les fonds nécessaires pour accomplir l'important travail de haut niveau qu'il souhaite accomplir et doit accomplir, dans notre intérêt.

Il semblerait que l'expérience de CASA à cet égard montre que l'aide consentie pour les services de santé mentale offerts aux enfants, y compris par le gouvernement fédéral, est inadéquate partout au pays et que nous devons nous attarder à cette question.

Le fait de négliger de la sorte les services de santé mentale offerts aux enfants peut avoir et a de graves conséquences sur la vie de ces enfants et, de façon plus générale, sur la société, qui devra payer le prix de cette négligence. Les déficiences mentales et les problèmes de santé mentale, y compris les troubles d'apprentissage, qui ne sont pas traités chez les enfants et les adolescents continuent de se manifester à l'âge adulte. Ainsi, la qualité de vie de ces personnes et des membres de leur famille est amoindrie en raison de leurs problèmes de maladie mentale qui perdurent, voire qui empirent. En outre, elles ne parviennent pas à trouver ou à garder un emploi productif et valorisant, leurs problèmes persistants finissent par avoir des répercussions sur leurs réseaux de soutien social au fil du temps, et bien souvent, leur comportement fera en sorte qu'elles auront des démêlés avec la justice.

Les recherches montrent également que ceux qui sont aux prises avec une maladie mentale tout au long de leur vie sont jusqu'à quatre fois plus susceptibles d'être victimes d'un crime. Depuis 30 ans, CASA veille à ce que plusieurs enfants vulnérables du Nord de l'Alberta ne se retrouvent pas dans cette situation. CASA a aidé ces gens et les aide encore, et maintenant, c'est à son tour d'avoir besoin de notre aide.

CASA est une institution tout à fait remarquable. Il s'agit d'un organisme sans but lucratif qui est dirigé par un conseil composé de bénévoles, comme c'est le cas pour bon nombre d'organismes similaires. Depuis 1978, CASA offre des services d'éducation et de santé mentale à certains des enfants et des adolescents les plus vulnérables et les plus désavantagés des collectivités du Nord de l'Alberta. CASA peut compter sur une équipe incomparable, qui est composée de professionnels de divers domaines, y compris des psychiatres, des infirmières, des travailleurs sociaux, des enseignants et des thérapeutes. Ces professionnels offrent différents services, comme du soutien académique, de la formation visant le développement d'habiletés sociales, de la psychothérapie ainsi que d'autres formes de thérapie, y compris des thérapies s'adressant aux personnes ayant subi de graves traumatismes ou ayant des troubles d'attachement. Ils offrent aussi des programmes spécialisés, comme Headstart, de même que des services d'intervention directe auprès des enfants autochtones.

J'aimerais citer quelques lignes du récent bulletin de l'organisme CASA à l'intention des sénateurs pour les éclairer sur le genre de problèmes dont il s'occupe :

Commencez avec un enfant en chair et en os, un enfant que vous connaissez et qui vous est cher. Incorporez une double portion de dépression ou de trouble anxieux, un zeste de trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention et, pour couronner le tout, un trouble d'apprentissage ou peut-être un retard du développement. Ces nombreux problèmes sont souvent rassemblés en un certain nombre de combinaisons qui rendent la vie d'un enfant très stressante à la maison, à l'école et dans la collectivité. La souffrance de l'enfant est aggravée par l'incidence de sa situation sur les adultes aimants, mais inquiets et stressés, qui l'entourent. Lorsqu'on ne s'occupe pas de ces problèmes, cela entraîne de graves répercussions à long terme sur le bien-être affectif de l'enfant et sur son développement social et pédagogique [...] et si un enfant est atteint de l'un de ces troubles, il est fort probable qu'il soit aussi atteint de l'un des autres troubles, chacun ayant un degré d'intensité qui lui est propre.

Les témoignages présentés par CASA comprennent l'histoire déchirante d'un enfant de quatre ans qui a dit vouloir se poignarder; celle d'une fillette de neuf ans qui songe au suicide; et, enfin, celle d'une jeune fille de 14 ans qui a mis le feu à son école à la suite du traumatisme causé par une agression violente.

CASA offre des programmes de traitement de jour aux enfants et aux jeunes qui souffrent de trouble oppositionnel avec provocation, de trouble des conduites et de trouble de la personnalité antisociale, ce qui est particulièrement important dans le cadre de la prévention de la criminalité. Environ 10 p. 100 des enfants sont atteints de trouble oppositionnel avec provocation. L'enfant atteint de ce trouble grave se distingue par un très mauvais caractère et par le fait de reprocher ses propres erreurs aux autres ainsi que par un comportement méchant et vindicatif et par une attitude cruelle et fourbe. En l'absence de traitement, dans un environnement familial normal et relativement stable, environ la moitié des enfants s'en sortiront avec le temps. L'autre moitié des enfants atteints de ce trouble, qui n'ont peut-être pas la chance de vivre dans un foyer stable et de jouir de l'attention constante de leurs parents, développeront souvent par la suite un trouble des conduites et même un trouble de la personnalité antisociale.

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Les personnes qui souffrent de ces troubles se caractérisent par un comportement criminel — incendies, vols, voies de fait. Ce ne sont pas de simples jeux d'enfants, mais bien des infractions graves commises sous l'impulsion d'une maladie mentale trop souvent non traitée.

Pour vous donner une idée de l'ampleur de la mission dont CASA s'est investi pour le bien commun, honorables sénateurs, je vous renvoie à une étude que le département de la Justice des États-Unis a réalisée en 2006. Selon celle-ci, bon an mal an, pas moins de 87 p. 100 des délinquants incarcérés dans un centre de détention pour jeunes contrevenants, partout au pays, ont un trouble du comportement diagnostiqué. Il en va de même au Canada : la vaste majorité des adolescents incarcérés dans un centre pour délinquants juvéniles ont un trouble des conduites ou d'apprentissage ou d'autres problèmes du même ordre.

Ce n'est pas qu'une question de criminalité. En effet, une étude sur le suicide chez les jeunes menée en 1997 dans une région métropolitaine canadienne conclut que, dans 89 p. 100 des lettres de suicide, les fautes d'orthographe et l'écriture dénotent un trouble d'apprentissage. Selon une autre étude, effectuée en 2009, les gens qui déclarent avoir un trouble d'apprentissage sont deux fois plus susceptibles de rapporter une grande détresse psychologique, une dépression ou un trouble de l'anxiété ou encore des pensées suicidaires, des symptômes qui ne vont qu'en s'aggravant avec l'âge.

Voilà les genres de troubles dont sont atteints les enfants et les adolescents qu'aide CASA au quotidien et avec lesquels ils doivent apprendre à vivre. CASA traite ces personnes avec compassion, dignité et respect avec le concours d'une équipe de professionnels, notamment en matière de santé mentale.

Bon an mal an, CASA vient en aide à 3 000 bébés, enfants et jeunes, y compris environ 13 p. 100 d'Autochtones. Au total, ses programmes servent à peu près 200 patients par jour.

Combien nous en coûte-t-il à tous de ne pas traiter adéquatement ces enfants et ces jeunes? L'Alberta vient de construire à Edmonton un centre de détention provisoire au coût de 600 millions de dollars. Or, 80 p. 100 des détenus qui y seront incarcérés manifesteront un traumatisme psychologique infantile, un trouble d'apprentissage ou une maladie mentale. Des preuves crédibles démontrent que chaque dollar investi dans le traitement de la maladie mentale chez les enfants et les adolescents permettra au fil du temps de faire économiser 7 $ au trésor public plus tard, sans compter les coûts économiques et sociaux associés à la productivité perdue tout au long de la vie de ces personnes.

Quatre-vingt-dix-huit pour cent des parents d'enfants traités par la fondation affirment que la qualité des soins était excellente. On peut voir dans leurs yeux leur profonde reconnaissance pour ce que CASA fait pour leurs enfants et leur famille. Par contraste, 87 p. 100 des jeunes incarcérés ont des troubles mentaux comme le trouble oppositionnel ou des troubles de conduite, ce qui illustre à merveille la valeur du travail remarquable de CASA.

Il faut souvent plusieurs années avant qu'un jeune cerveau soit endommagé par les traumatismes successifs d'une vie de famille dysfonctionnelle ou inexistante. Les troubles mentaux d'origine génétique se développent sur plusieurs années, et peuvent également considérablement empirer au fil des ans.

Les connaissances scientifiques en matière de maladies mentales et de problèmes de comportement permettent aujourd'hui de prédire avec une certaine exactitude ce qu'il adviendra d'un très jeune enfant affichant certains types de comportements, si celui-ci n'est pas traité. Il arrive souvent qu'on sache d'avance qu'il finira par avoir des démêlés avec la justice.

Le plus accablant dans toutes ces tragédies est l'insuffisance des ressources destinées aux traitements nécessaires, et ce, malgré le fait qu'une bonne partie de ces maladies sont traitables. Les connaissances scientifiques qui permettent de prédire les résultats permettent également de les modifier; il faut souvent plusieurs années de soins et de traitements spécialisés pour guérir ces maladies, ou à tout le moins en diminuer les effets les plus néfastes.

Pour ce faire, il faut assurer une continuité, être persistants, et avoir les ressources humaines et les installations nécessaires. Il faut le genre de traitements et de soins offerts par CASA. La fondation peut assurer la continuité, la persistance et les ressources humaines — ou du moins elle a pu le faire jusqu'à présent —, mais elle n'a pas les installations nécessaires.

Malheureusement, les locaux de CASA se trouvent dans un bâtiment vieux de 62 ans qui abritait autrefois une école et qui tombe aujourd'hui en ruines. J'ai vu les fissures dans les murs. À certains endroits, on peut littéralement voir à travers. Le bâtiment ne peut être chauffé adéquatement en hiver et ne peut être climatisé en été. Les locaux ne sont pas assez grands pour toutes les activités bénéfiques de CASA. C'est un bâtiment qui a été conçu pour servir d'école, et non de centre moderne de traitement des maladies mentales. Ce n'est pas le centre de traitement dont CASA aurait besoin pour fournir tous les services nécessaires.

CASA a besoin de 18 millions de dollars pour se doter de nouvelles installations, mais ne peut pas l'obtenir. Elle ne peut pas obtenir d'aide financière ni de la province ni du gouvernement fédéral.

Le centre de détention préventive a coûté 600 millions de dollars et récemment, l'hôpital pour enfants Stollery, à Edmonton, a reçu 55 millions de dollars. Cet hôpital est, lui aussi, un établissement remarquable et merveilleux, qui mérite la somme de 55 millions de dollars et qui en a besoin. Pourtant, les problèmes de santé mentale dont CASA s'occupe sont tout aussi sérieux que les problèmes de santé traités à l'hôpital Stollery, qui s'occupe du reste très bien de plusieurs enfants. Malheureusement, les problèmes de santé mentale dont CASA s'occupe sont frappés d'un tabou, et on semble vouloir les oublier.

L'état de délabrement du bâtiment est une triste métaphore de ce tabou qui a pour conséquence d'en aggraver l'effet. Les enfants qui séjournent à cet endroit y trouvent une raison de plus de ressentir ce qu'ils ressentent tous les jours de leur vie. Il faudrait 18 millions de dollars.

En 2011, il en coûtait 250 000 $ pour héberger un détenu en prison pendant un an, sans compter le coût de construction de la cellule. Pourtant nous semblons voir l'incarcération comme le premier moyen de lutter contre la criminalité. Si CASA parvenait à éviter à seulement 72 de ses 3000 patients actuels un séjour d'un an en prison, on aurait déjà récupéré la somme de 18 millions de dollars nécessaire pour construire un nouveau bâtiment. Les économies? Songez à la somme de 250 000 $ par année que coûte un détenu en prison et comparez-la à la somme de 3 500 $ qu'il en coûte à CASA pour s'occuper d'un patient pendant un an.

Nous formons une société éclairée. Le Canada est un endroit où on fait preuve d'une générosité et d'une compassion remarquables. Notre société est plus riche que jamais, mais il semble que la richesse se trouve entre les mains de très peu de gens ou qu'elle ne soit pas distribuée là où il le faudrait pour améliorer considérablement des vies.

Je sais que certains prétendent que nous sommes responsables de notre destinée, et qu'il existe un certain attrait romantique à cette idée d'individualisme farouche, mais aucun de ces concepts ne s'applique à ces enfants perturbés et à leurs familles en difficulté. Elles n'ont pas les moyens de régler ces problèmes, d'affronter seules cette douleur. Elles ont besoin de notre aide. Ces familles ont besoin de notre aide, et CASA a besoin de notre aide. Le gouvernement fédéral doit s'attaquer à ce problème et à d'autres problèmes identiques qui, j'en suis persuadé, existent ailleurs au Canada.

Certains, dont le gouvernement fédéral lui-même, prétendent que cela ne relève pas de la compétence du fédéral. Toutefois, l'aide dont ces jeunes gens auront besoin une fois devenus adultes est souvent de compétence fédérale, et c'est le contribuable fédéral qui devra en assumer le coût.

Le gouvernement fédéral doit dénouer cette impasse. C'est la bonne chose à faire. Nous en ressortirons tous meilleurs et plus forts de l'avoir fait, tout comme ces enfants et ces familles qui ont désespérément besoin de toute l'aide que CASA peut leur procurer.

L'honorable Jane Cordy : Puis-je poser une question au sénateur?

Le sénateur Mitchell : Oui.

La sénatrice Cordy : Je remercie le sénateur de cette excellente interpellation. J'ai demandé au Comité des affaires sociales que nous menions une étude sur la santé mentale des enfants et des jeunes. J'espère que le comité directeur rendra une décision favorable à cet égard. Tout comme le sénateur, je crois qu'il s'agit d'un sujet d'une grande importance.

En fait, l'ancien sénateur Michael Kirby qui, comme les sénateurs le savent, a présidé la Commission de la santé mentale, a indiqué qu'il y a beaucoup de travail à accomplir au sujet de la santé mentale des enfants et des jeunes, car les enfants qui ont des problèmes de santé mentale passent entre les mailles du filet.

Dans son discours, le sénateur a parlé indirectement du fait que les mesures d'intervention précoce permettraient d'aider les enfants et les jeunes. Beaucoup d'adultes qui ont des troubles de santé mentale disent que ceux-ci se sont manifestés pour la première fois à l'adolescence. Le sénateur est-il d'avis que les mesures d'intervention précoce seraient utiles aux enfants et aux jeunes?

Le sénateur Mitchell : M'accordez-vous cinq minutes de plus?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Mitchell : Honorables sénateurs, je voudrais aborder plusieurs points.

Je dois dire, d'abord, que je suis content que nous ayons envisagé la possibilité que le Comité des affaires sociales entreprenne une étude. S'il en est ainsi, je propose que l'organisme CASA soit invité à comparaître et que le comité aille à Edmonton pour visiter ses locaux. Ce serait instructif et marquant. J'ai moi-même été profondément touché lorsque je m'y suis rendu.

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Je veux attirer votre attention sur l'importance de l'intervention précoce. Stan Kutcher est un psychiatre bien connu de la Nouvelle- Écosse à qui l'on doit plusieurs travaux. J'ai assisté à une présentation où il a fait valoir que le milieu où vivent les jeunes et les très jeunes enfants — même les nouveau-nés — peut endommager leur cerveau; pensons aux familles dysfonctionnelles et aux types de pressions et de stress auxquels les jeunes peuvent être assujettis. Au fil du temps, de telles circonstances peuvent aggraver une maladie à laquelle les jeunes ont une prédisposition génétique, ou carrément développer chez eux une maladie mentale.

Il ressort clairement de la présentation du Dr Kutcher, et même des autres recherches et études qui ont été menées, que l'intervention précoce, à n'importe quel âge, même à un âge avancé, est préférable; mais plus l'intervention est précoce, plus les chances de réussites augmentent. Il faut que l'intervention soit poussée et qu'elle englobe tout, parce que, souvent, ces enfants ont vécu dans des milieux toxiques et étouffants. Ils ont donc besoin d'un centre comme celui qui a été imaginé par les responsables de CASA, où ils peuvent passer jour après jours dans un milieu structuré et rassurant. Les enfants atteints de maladies mentales et de troubles d'apprentissage peuvent y recevoir l'appui dont ils ont besoin, ce qui leur facilitera la vie et leur permettra, à long terme, de vraiment participer à la société.

(Sur la motion de la sénatrice Cordy, le débat est ajourné.)

Le bénévolat au Canada

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Mercer, attirant l'attention du Sénat sur le niveau actuel du bénévolat au Canada, son impact sur notre société et son avenir au Canada.

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, le sénateur Robichaud m'a permis de parler pendant 60 secondes à ce sujet, et je ne dépasserai pas cette limite.

Cette interpellation concerne l'importance du bénévolat, et je souhaite présenter, dans les deux langues officielles, deux rapports sur le travail bénévole effectué par des groupes communautaires afin de réduire la pauvreté à Kingston. Il n'est pas question du gouvernement. Il ne s'agit pas de demander au gouvernement de faire quoi que ce soit, mais plutôt de parler notamment de Centraide, d'organisations qui travaillent auprès des enfants, d'organisations religieuses ainsi que d'autres personnes qui, pendant deux ans, ont travaillé dans l'ensemble de notre magnifique collectivité afin de trouver des solutions qu'ils pourraient eux-mêmes mettre en place en vue de rendre la vie des personnes vivant dans la pauvreté plus facile et plus constructive. Avec la permission et le consentement unanime du Sénat, j'aimerais déposer ces rapports, dans les deux langues officielles, afin que tous les sénateurs puissent tirer parti de leur contenu.

J'espère que les sénateurs envisageront de communiquer ces renseignements dans leur propre région du pays où des efforts semblables sont déployés afin que nous puissions mieux comprendre les aspects liés à ce sujet.

(Sur la motion du sénateur Robichaud, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mercredi 26 juin 2013, à 10 heures.)

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