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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 5

Le jeudi 24 octobre 2013
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le jeudi 24 octobre 2013

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Nouvelle-Écosse

Les élections de 2013

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, le 8 octobre dernier, les Néo-Écossais ont voté pour le changement. Stephen McNeil, chef du Parti libéral et maintenant premier ministre, a promis de donner la priorité à la Nouvelle-Écosse. Son programme a été bien entendu dans toute la province. Il est axé sur le changement et il reflète les intérêts de tous les Néo-Écossais. Ceux-ci ont voté en faveur d'un plan progressiste et positif qui propose entre autres de mettre un terme au monopole de la Nova Scotia Power, de réduire les tarifs d'électricité et d'encourager les entreprises à embaucher des diplômés afin que ceux-ci puissent rester dans la province, y vivre et apporter leur contribution à la collectivité. Les Néo-Écossais ont appuyé le plan de Stephen McNeil pour l'avenir.

Honorables sénateurs, M. McNeil, qui était appuyé par un groupe diversifié de 50 candidats et de plusieurs centaines de bénévoles, a parcouru la province d'un bout à l'autre, du Cap-Breton à Yarmouth, et d'Amherst à Halifax, pour parler aux Néo-Écossais et entendre leurs préoccupations. Ses concitoyens ont cru en lui et au plan du Parti libéral pour la province. Ils ont voté de façon à donner la priorité à la Nouvelle-Écosse.

Honorables sénateurs, nous parlons ici d'un groupe de députés provinciaux très diversifié. Dix femmes ont été élues, ce qui représente près du tiers du caucus libéral. La première femme à occuper le poste de procureur général de la province a été assermentée mardi, tout comme le premier ministre et le reste du Cabinet. Deux Néo-Écossais d'origine africaine ont été élus au sein du nouveau gouvernement libéral, et l'un d'eux est membre du Cabinet. L'assemblée législative compte aussi dans ses rangs la première élue à afficher publiquement son homosexualité. Celle-ci fait aussi partie du Cabinet. Nous avons donc un groupe très varié de personnes issues de tous les milieux qui veulent faire de la Nouvelle-Écosse un endroit meilleur, une province meilleure pour tous ses citoyens et, par voie de conséquence, un Canada meilleur.

Honorables sénateurs, je suis convaincu que vous vous joindrez à moi pour féliciter le nouveau premier ministre, Stephen McNeil, ainsi que tous ceux qui ont été élus députés provinciaux. Nous remercions également tous les candidats qui ont eu le courage d'inscrire leur nom sur le bulletin de vote et de défendre leurs convictions. Aux milliers de bénévoles, quel que soit le parti politique, nous disons merci d'avoir accordé la priorité à la Nouvelle-Écosse.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Mmes Vera Yuzyk, Vicky Karpiak et Eve Yuzyk- Duravetz, filles du regretté sénateur Paul Yuzyk. Elles sont les invitées de notre collègue, la sénatrice Andreychuk.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

L'honorable Paul Yuzyk

Les timbres-photos permanents de Postes Canada

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je prends la parole pour me réjouir de l'émission d'un timbre commémorant feu l'honorable Paul Yuzyk, professeur d'histoire, auteur, leader communautaire et sénateur. Paul Yuzyk a consacré ses 23 ans de service en cet endroit à promouvoir une identité canadienne entièrement inclusive, une identité qui reconnaisse les contributions des Canadiens de toutes les origines ethniques à l'édification de la nation.

On se souvient de Paul Yuzyk pour ses contributions en tant que « père du multiculturalisme ». Grâce à la société ukrainienne d'objets de collection de Toronto, Postes Canada émettra ce samedi un timbre honorant ses réalisations.

Né de parents immigrants ukrainiens près d'Estevan, en Saskatchewan, en 1913, Paul Yuzyk tirait sa détermination des préjudices et de la discrimination qu'il a lui-même vécus. Aspirant à devenir enseignant, il a été étiqueté comme étant un « étranger » et s'est vu refuser des emplois pour lesquels il était qualifié. Plutôt que de dissimuler son patrimoine ukrainien, Paul Yuzyk a décidé de le faire valoir. Après avoir obtenu son doctorat, il est devenu professeur d'université et a enseigné l'histoire soviétique, l'histoire canado-ukrainienne et les relations canado- soviétiques. Il a également publié de nombreux ouvrages importants.

Il a servi sa communauté à titre de fondateur et président de la Ukrainian National Youth Federation, de directeur du Conseil canadien des chrétiens et des juifs, de président du Conseil canadien des arts populaires et de directeur suprême pour le Canada à la Ukrainian National Association.

Nommé au Sénat par le premier ministre Diefenbaker en 1963, le sénateur Yuzyk a décrit sa vision d'un multiculturalisme canadien dans son premier discours :

En conformité avec les idéaux de la démocratie et dans l'esprit de la Confédération, le Canada devrait reconnaître et garantir le principe du partenariat entre tous les peuples qui ont contribué à son développement et à son essor.

En 1971, cette vision est devenue une politique fédérale.

J'invite tous les sénateurs à se joindre à moi pour applaudir à la décision de mettre en circulation un timbre commémorant l'héritage du sénateur Paul Yuzyk et pour rappeler la contribution d'une personne remarquable qui a aidé le Canada à embrasser le principe de « l'unité dans la diversité ».

La Nouvelle-Écosse

Les élections de 2013

L'honorable Jane Cordy : Comme le sénateur Mercer, je vais parler des dernières élections en Nouvelle-Écosse.

Honorables sénateurs, le 8 octobre, les Néo-Écossais se sont rendus aux urnes et, pour la première fois en plus de 100 ans, ils n'ont pas reporté au pouvoir le gouvernement en fonction pour un deuxième mandat provincial. Le Parti libéral de la Nouvelle-Écosse, qui est dirigé par Stephen McNeil, a remporté 33 sièges sur les 51 de la province et les progressistes-conservateurs en ont obtenu 11. Le NPD, qui formait le gouvernement sortant, a été relégué au rang de troisième parti, n'ayant conservé que sept sièges.

Lorsque Stephen McNeil a été élu chef du Parti libéral, en 2007, le parti était le troisième en importance à l'assemblée législative. Lors des élections provinciales de 2009, M. McNeil a réussi à ramener le Parti libéral dans l'opposition officielle. Maintenant, en 2013, le Parti libéral de la Nouvelle-Écosse forme un gouvernement majoritaire.

(1410)

Stephen et son épouse, Andrea, ont deux enfants, Colleen et Jeffrey. M. McNeil est le 12e d'une grande famille de 17 enfants. Avant de se lancer dans la politique provinciale, il a possédé une petite entreprise pendant près de 15 ans. Sa vie de famille et son expérience à la tête d'une petite entreprise de la vallée de l'Annapolis ont façonné sa carrière politique.

M. McNeil est le 28e premier ministre de la Nouvelle-Écosse et il a été assermenté mardi dernier par le lieutenant-gouverneur J.J. Grant. L'assermentation a eu lieu dans la circonscription de M. McNeil, Annapolis Royal. C'est la première fois depuis longtemps que l'assermentation du premier ministre de la Nouvelle-Écosse et des membres du Cabinet se fait ailleurs qu'à Halifax. Je souligne que près du tiers des membres du Cabinet de M. McNeil sont des femmes. Diana Whalen a été nommée vice-première ministre et ministre des Finances. Kelly Regan, dont le mari est le député Geoff Regan, est ministre du Travail et de l'Éducation supérieure. Joanne Bernard est ministre des Services communautaires. Lena Diab est ministre de la Justice et de l'Immigration et Karen Casey, ancien chef intérimaire du Parti progressiste-conservateur, est ministre de l'Éducation et du Développement de la petite enfance.

Je me réjouis que, parmi les 33 libéraux élus, 10 soient des femmes.

Je tiens aussi à féliciter mon nouveau député provincial, Allan Rowe, qui a été élu dans la circonscription de Dartmouth South. Il sera un excellent député pour cette circonscription. Les autres qui représenteront, avec M. Rowe, la région de Dartmouth sont la députée libérale Joyce Treen, le ministre Andrew Younger, la ministre Joanne Bernard, le ministre Keith Colwell et le ministre Tony Ince. En passant, lors des élections, M. Ince a causé la surprise en battant le premier ministre sortant Darrell Dexter.

Je tiens à remercier tout spécialement l'équipe de bénévoles libéraux qui ont travaillé sans relâche, pas seulement pendant la campagne qui vient de prendre fin, mais durant toutes ces années où le parti s'est employé à se rebâtir. Comme le sénateur Mercer le disait plus tôt, les bénévoles sont essentiels à la bonne marche de tout bon parti politique.

Honorables sénateurs, c'est un plaisir pour moi de m'adresser au Sénat du Canada pour féliciter le premier ministre Stephen McNeil, les membres de son nouveau Cabinet ainsi que les députés libéraux provinciaux, tant ceux qui ont été réélus que les nouveaux arrivés.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d'un groupe de représentants du Conseil canadien multiculturel asiatique en Ontario. Ils sont les invités des sénateurs Ngo, Enverga et Oh.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

La Semaine de la citoyenneté

L'honorable Tobias C. Enverga, Jr. : Honorables sénateurs, c'est avec beaucoup de fierté que j'aimerais vous parler aujourd'hui de la Semaine canadienne de la citoyenneté, qui nous permet de célébrer les valeurs que défend le Canada, de faire valoir notre identité canadienne et d'exprimer la valeur que la citoyenneté canadienne a à nos yeux.

Honorables sénateurs, notre pays est l'amalgame de plusieurs nations. C'est un pays d'immigrants venus de loin dans l'espoir de mener ici une vie meilleure : une vie libre, certes, mais aussi une vie plus riche sur le plan économique.

Je suis venu au Canada pour offrir un avenir meilleur à mes enfants. Ce pays m'a donné la possibilité de réussir et je sais que mes petits-enfants auront la même possibilité un jour.

Honorables sénateurs, le Canada n'est pas le symbole de la diversité, il en est l'incarnation. La diversité croît sans cesse et, avec 43 p. 100 de sa population qui est issue des minorités visibles, il n'y a pas de meilleur exemple que la ville d'où je viens, Toronto.

Aujourd'hui, les sénateurs Thanh Hai Ngo, Victor Oh et moi accueillons les délégués du Conseil canadien multiculturel asiatique en Ontario, qui nous arrivent justement de Toronto. Cet organisme- cadre à but non lucratif illustre à merveille la mosaïque extraordinaire qui forme le Canada. Les organismes qui en sont membres représentent des immigrants venant autant de l'Afghanistan que du Myanmar, du Laos, de l'Inde, du Japon, de la Chine, du Vietnam, du Sri Lanka, de la Corée et des Philippines, pour ne nommer que ceux-là.

Selon l'Enquête nationale auprès des ménages de 2011 réalisée par Statistique Canada, 6,8 millions de personnes nées à l'étranger vivent au Canada, ce qui représente plus de 20 p. 100 de la population, soit la proportion la plus élevée de tous les pays du G8.

Honorables sénateurs, la diversité du Canada nous rend plus forts puisque nous sommes ouverts à tous. Notre force réside dans notre capacité à tirer parti des origines diverses de notre peuple pour faire avancer notre pays.

Honorables sénateurs, la Semaine de la citoyenneté est l'occasion de nous remémorer l'histoire de notre pays et de rendre hommage à nos ancêtres qui se sont battus pour jeter les fondements de notre société stable, démocratique et libre, où nos droits sont protégés en vertu de la Constitution, des droits dont beaucoup de peuples sont privés ailleurs dans le monde. De la Confédération en 1867 jusqu'au rapatriement de la Constitution en 1982, le Sénat s'est fait la voix des régions et des minorités d'un bout à l'autre du pays.

Honorables sénateurs, le Sénat du Canada joue un rôle important dans le pays diversifié mais ouvert à tous qui est le nôtre. Le rôle de la Chambre haute du Canada est de défendre les intérêts des régions et des minorités en leur donnant une voix égale. Le Sénat se fait de plus en plus le reflet de l'extraordinaire mosaïque qu'est la nation canadienne.

Honorables sénateurs, je suis fier de servir le Canada dans cette vénérable enceinte et je suis fier d'être Canadien.

L'exposition de la Délégation de l'imamat ismaili

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, une exposition spéciale sur la vie et l'œuvre de Son Altesse l'Aga Khan a lieu à la Délégation de l'imamat ismaili à Ottawa.

L'exposition Rays of Light : Glimpses into the Ismaili Imamat présente l'institution fondée par l'Aga Khan et les efforts que Son Altesse a déployés au cours 50 dernières années pour servir les gens de tous les pays, de toutes les religions et de toutes les cultures.

Le Canada est un partenaire important dans bon nombre de ces initiatives. L'Aga Khan a vu dans le Canada un chef de file pour promouvoir un cadre éthique commun, qui repose notamment sur les valeurs communes que sont le pluralisme, la démocratie et l'engagement civique.

Son Altesse l'Aga Khan est le 49e imam héréditaire des musulmans chiites ismaéliens et il est le dirigeant spirituel d'environ 15 millions de musulmans ismaéliens. Il est également le fondateur et le président du Réseau Aga Khan de développement, qui regroupe plusieurs organismes de développement non confessionnels travaillant principalement dans les parties les plus pauvres de l'Asie et de l'Afrique.

L'exposition rend compte du lien étroit qui unit l'Aga Khan et le Canada. Je pense notamment à la Délégation de l'imamat ismaili et au Centre mondial du pluralisme à Ottawa, au centre Ismaili de Burnaby et aux futurs centre ismaélien, Musée Aga Khan et parc à Toronto.

En effet, le Canada et le Réseau Aga Khan de développement au Canada entretiennent une relation remarquable depuis 30 ans. Ce partenariat a une influence durable. Il a transformé la vie de 1 million de personnes au Pakistan, a soutenu la création d'une université de réputation mondiale, et a formé la prochaine génération de chefs de file canadiens en matière de développement international à l'aide d'un programme de bourses.

En 2009, Son Altesse est devenu un citoyen honoraire du Canada. À l'époque, il était seulement la cinquième personne à recevoir cette désignation. Le premier ministre Harper a dit que l'Aga Khan était « un phare de l'humanitarisme, du pluralisme et de la tolérance ». L'exposition Rays of Light montre toutes les dimensions des efforts de Son Altesse l'Aga Khan pour servir l'humanité avec pour toile de fond les 1 400 ans d'histoire de l'imamat ismaili.

Honorables sénateurs, si vous n'avez pas pu assister à cette exposition exceptionnelle hier soir, vous pouvez encore aller la voir ce soir et demain. Je vous encourage tous à le faire. Merci.

Régie interne, budgets et de l'administration

La présence aux séances du comité

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, je veux parler d'une question qui me préoccupe. En trois jours, deux de nos collègues ont donné la fausse impression qu'ils n'ont pas accès aux réunions du Comité de la régie interne.

Dans son intervention ici le 22 octobre, le sénateur Brazeau a déclaré ceci :

Je demande depuis un bon bout de temps qu'on m'accorde une réunion ouverte avec le Bureau de la régie interne, car nous ne savons rien de ce qui se passe derrière les portes closes. Nous ne siégeons pas à ce comité.

Le sénateur ne fait peut-être pas partie du comité, mais nous savons tous que, en tant que sénateur, il peut assister aux réunions de ce comité ou d'un autre comité du Sénat quand il le désire.

Le sénateur Brazeau : Je n'ai pas pu. Je n'ai pas pu.

Le sénateur Tkachuk : Même pas deux jours plus tard — hier soir, en fait —, la sénatrice Hervieux-Payette, dans une entrevue téléphonique à CTV...

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : J'invoque le Règlement...

Son Honneur le Président : Ce n'est pas le moment de faire un rappel au Règlement, mais le Président n'est pas sûr que cette intervention soit conforme aux paramètres des déclarations de sénateurs. En tout cas, si elle l'est, c'est tout juste.

(1420)

Le sénateur Tkachuk : J'ai dit des choses bien pires.

La sénatrice Cordy : Vous vous en êtes tiré sans que personne ne réagisse; estimez-vous chanceux.

Le sénateur Tkachuk : Que se passe-t-il? Le temps est-il écoulé?

Des voix : Oui.

Le sénateur Tkachuk : Monsieur le Président, c'est vous qui décidez.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La Commissaire à la protection de la vie privée

La Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes—Dépôt du rapport de vérification

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de vérification du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada concernant le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, en vertu de l'article 72.2 de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.

[Traduction]

Les frais de logement

Dépôt d'un document

L'honorable Patrick Brazeau : Honorables sénateurs, je tiens dans ma main un document, rédigé dans les deux langues officielles, daté du 8 mars 2011. Il s'agit d'un courriel dans lequel l'Administration du Sénat confirme que je suis admissible au remboursement des frais de logement. Je demande donc la permission du Sénat de déposer ce document.

Des voix : D'accord.

Comité de sélection

Adoption du premier rapport du comité

L'honorable Elizabeth (Beth) Marshall, présidente du Comité de sélection, présente le rapport suivant :

Le jeudi 24 octobre 2013

Le Comité de sélection a l'honneur de présenter son

PREMIER RAPPORT

Conformément à l'article 12-2(1)a) du Règlement du Sénat, votre comité informe le Sénat qu'il désigne l'honorable sénateur Oliver au poste de président à titre intérimaire.

Respectueusement soumis,

La présidente,
ELIZABETH MARSHALL

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

Des voix : Maintenant.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : L'honorable sénatrice Marshall, avec l'appui de l'honorable sénatrice Poirier, propose que le rapport soit adopté.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Présentation du deuxième rapport du comité

L'honorable Elizabeth (Beth) Marshall, présidente du Comité de sélection, présente le rapport suivant :

Le jeudi 24 octobre 2013

Le Comité de sélection a l'honneur de présenter son

DEUXIÈME RAPPORT

Conformément à l'article 12-2(2) du Règlement du Sénat, votre comité présente la liste des sénateurs qu'il a désignés pour faire partie des comités suivants :

Comité sénatorial permanent des peuples autochtones

Les honorables sénateurs Beyak, Dyck, Lovelace Nicholas, Meredith, Munson, Ngo, Patterson, Raine, Sibbeston, Tannas, Unger et White.

Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts

Les honorables sénateurs Buth, Callbeck, Dagenais, Eaton, Maltais, Mercer, Merchant, Mockler, Ogilvie, Oh, Rivard et Tardif.

Comité sénatorial permanent des banques et du commerce

Les honorables sénateurs Black, Gerstein, Greene, Hervieux-Payette, C.P., Maltais, Massicotte, Moore, Nancy Ruth, Oliver, Ringuette, Rivard et Tkachuk.

Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Les honorables sénateurs Black, Boisvenu, Frum, MacDonald, Massicotte, Mitchell, Neufeld, Patterson, Ringuette, Seidman, Sibbeston et Wallace.

Comité sénatorial permanent des pêches et des océans

Les honorables sénateurs Baker, C.P., Beyak, Hubley, Lovelace Nicholas, Manning, McInnis, Plett, Poirier, Raine, Robichaud, C.P., Stewart Olsen et Wells.

Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international

Les honorables sénateurs Andreychuk, Ataullahjan, Dawson, Demers, Downe, Fortin-Duplessis, Housakos, Johnson, Oh, Robichaud, C.P., Smith (Cobourg), C.P. et Verner, C.P.

Comité sénatorial permanent des droits de la personne

Les honorables sénateurs Andreychuk, Ataullahjan, Eggleton, C.P., Hubley, Jaffer, Marshall, Meredith, Ngo et Seidman.

Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration

Les honorables sénateurs Campbell, Cordy, Comeau, C.P., Downe, Doyle, Furey, Johnson, Kinsella, Lang, LeBreton, C.P., Manning, Marshall, Munson, Smith (Saurel) et Tkachuk.

Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles

Les honorables sénateurs Baker, C.P., Batters, Boisvenu, Braley, Dagenais, Frum, Jaffer, Joyal, C.P., McIntyre, Rivest, Runciman et White.

Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement

Les honorables sénateurs Champagne, C.P., Cools, Mercer, Charrette-Poulin et Rivard.

Comité sénatorial permanent des finances nationales

Les honorables sénateurs Bellemare, Buth, Callbeck, Chaput, Day, Doyle, Gerstein, Hervieux-Payette, C.P., Mockler, Seth, Smith (Saurel) et Wells.

Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense

Les honorables sénateurs Dallaire, Day, Lang, Manning, Mitchell, Nolin, Plett, Segal et Wells.

Comité sénatorial permanent des langues officielles

Les honorables sénateurs Beyak, Champagne, C.P., Chaput, Fortin-Duplessis, McIntyre, Poirier, Charrette- Poulin, Tardif et White.

Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement

Les honorables sénateurs Batters, Beyak, Braley, Comeau, C.P., Cools, Enverga, Furey, Jaffer, Joyal, C.P., Martin, McCoy, Nolin, Smith (Cobourg), C.P., Tannas et Wallace.

Comité mixte permanent d'examen de la réglementation

Les honorables sénateurs Batters, Campbell, Hervieux- Payette, C.P., Moore, Nancy Ruth, Runciman, Tannas et Unger.

Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie

Les honorables sénateurs Bellemare, Chaput, Cordy, Dyck, Eaton, Eggleton, C.P., Enverga, Ogilvie, Segal, Seidman, Seth et Stewart Olsen.

Comité sénatorial permanent des transports et des communications

Les honorables sénateurs Dawson, Demers, Eggleton, C.P., Greene, Housakos, MacDonald, Manning, McInnis, Mercer, Merchant, Plett et Verner, C.P.

Conformément à l'article 12-3(3) du Règlement du Sénat, l'honorable sénateur Carignan, C.P. (ou Martin) et l'honorable sénateur Cowan (ou Fraser) sont membres d'office de tous les comités sauf le Comité permanent sur les conflits d'intérêts des sénateurs et les comités mixtes.

Respectueusement soumis,

La présidente,
ELIZABETH MARSHALL

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

Des voix : Maintenant.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, nous avons dit que nous ferions cela plus tard aujourd'hui.

Son Honneur le Président : Y reviendrons-nous plus tard aujourd'hui? Il faut le consentement unanime du Sénat pour étudier ce rapport maintenant.

Des voix : D'accord.

(Sur la motion de la sénatrice Marshall, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)

(1430)

[Français]

Les travaux du Sénat

Préavis de motion d'ajournement du Sénat le mercredi 30 octobre 2013 jusqu'au 5 novembre 2013

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera le mercredi 30 octobre, il demeure ajourné jusqu'au mardi 5 novembre 2013, à 14 heures.

[Traduction]

Préavis de motion tendant à changer l'heure du début des séances du mercredi et du jeudi et à modifier l'heure de l'ajournement du mercredi

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, pour le reste de la présente session,

a) lorsque le Sénat siège un mercredi ou un jeudi, il siège à 13 h 30 nonobstant ce que prévoit l'article 3-1(1) du Règlement;

b) lorsque le Sénat siège un mercredi, il s'ajourne à 16 heures ou à la fin des affaires du gouvernement, selon la dernière éventualité, à condition de ne pas dépasser l'heure prévue dans le Règlement, à moins qu'il ait suspendu ses travaux pour la tenue d'un vote différé ou qu'il se soit ajourné plus tôt;

c) lorsque le Sénat siège un mercredi après 16 heures, les comités devant siéger soient autorisés à le faire pour recevoir et publier des témoignages, même si le Sénat siège à ce moment-là, l'application de l'article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard;

d) si un vote est différé jusqu'à 17 h 30 un mercredi, le Président interrompe les délibérations au besoin immédiatement avant l'ajournement sans toutefois dépasser l'heure prévue au paragraphe b) et suspende la séance jusqu'à 17 h 30, heure de la tenue du vote différé, et que les comités soient autorisés à se réunir durant la suspension de la séance.

Préavis de motion tendant à autoriser tous les comités à engager du personnel

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l'article 1(2) du chapitre 3:06 du Règlement administratif du Sénat, tous les comités soient autorisés, pour le reste de la présente session, à retenir les services de conseillers juridiques, de personnel technique, d'employés de bureau et d'autres personnes au besoin, pour les aider à examiner les projets de loi, la teneur de ces derniers et les prévisions budgétaires qui leur sont renvoyés.

L'accord sur la santé

Préavis d'interpellation

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, conformément à l'article 57(2) du Règlement, je donne préavis que, après-demain :

J'attirerai l'attention du Sénat sur le besoin croissant, pour le gouvernement fédéral, de collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, ainsi qu'avec les autres parties intéressées, en vue d'assurer la pérennité du système canadien de soins de santé et de mener des négociations en vue de conclure un nouvel Accord sur la santé qui puisse entrer en vigueur à l'expiration du Plan décennal pour consolider les soins de santé de 2004.

Les travaux du Sénat

Préavis de motion tendant à autoriser les Comités des droits de la personne, des langues officielles et de la sécurité nationale et de la défense à siéger les lundis pour le reste de la présente session

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l'article 12-18(2) du Règlement, les Comités sénatoriaux permanents des droits de la personne, des langues officielles et de la sécurité nationale et de la défense soient autorisés, pour le reste de la présente session, à se réunir aux heures habituelles approuvées telles qu'établies par le whip du gouvernement et le whip de l'opposition le lundi précédant immédiatement un mardi où le Sénat doit siéger, même si le Sénat est alors ajourné pour une période de plus d'une semaine.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le Sénat

La Cour d'appel du Québec—La réforme du Sénat

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Aujourd'hui, la Cour d'appel du Québec a statué, dans une décision unanime, que la tentative du gouvernement de réformer le Sénat unilatéralement est inconstitutionnelle et que, contrairement aux affirmations du gouvernement au cours des sept dernières années, le consentement des provinces est effectivement nécessaire.

C'est ce que nous, de ce côté-ci de la Chambre, disons depuis des années. Pendant plus de six ans, nous avons exhorté le gouvernement à consulter les provinces et à ainsi faire des progrès concrets en vue de la réforme du Sénat. Au lieu de cela, nous ne sommes pas plus avancés aujourd'hui que nous ne l'étions lorsque le gouvernement est arrivé au pouvoir en 2006.

Permettez-moi de lire un extrait de la décision rendue aujourd'hui par la Cour d'appel du Québec :

[...] le projet de loi [C-7], s'il avait été adopté, aurait été inconstitutionnel sans l'assentiment d'une majorité des provinces donné conformément au paragraphe 38(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, puisqu'il constituait, par sa nature véritable, une modification au mode de sélection des sénateurs et aux pouvoirs du Sénat, et ce, sans respecter le processus prévu, mais en tentant plutôt de le contourner.

Pouvez-vous me dire quelle est la réaction du gouvernement? Cessera-t-il enfin de tenter de contourner la Constitution pour la modifier, et discutera-t-il sérieusement avec les provinces d'une réforme concrète et efficace du Sénat? Ou bien, au contraire, le gouvernement croit-il toujours, en dépit de la décision rendue à l'unanimité par la Cour d'appel du Québec, qu'il peut agir à sa guise relativement à la réforme du Sénat qu'il propose, sans obtenir le consentement des provinces ni même les consulter?

Des voix : Bravo!

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, comme pour toute décision rendue, nous allons prendre le temps d'étudier cette décision de la Cour d'appel du Québec.

Comme vous le savez, un renvoi sur le même sujet est actuellement devant la Cour suprême sur lequel elle devrait se pencher bientôt. Nous avons hâte de connaître la décision finale de la Cour suprême, qui débutera ses auditions au cours des prochaines semaines.

(1440)

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, je voudrais informer mes collègues, qui se sont engagés à siéger au Sénat seulement pour neuf ans, d'une bonne nouvelle. Si la décision de la Cour d'appel du Québec est maintenue par la Cour suprême, vous pourrez siéger selon les termes de la Constitution ou aller de l'avant avec les modifications, incluant les provinces.

Quand le premier ministre va-t-il s'asseoir avec les premiers ministres des provinces et commencera-t-il à discuter sérieusement — s'il est vraiment sérieux — de la modification des opérations du Sénat?

Le sénateur Carignan : Écoutez. Comme je l'ai déjà dit, nous attendons la décision de la Cour suprême. La décision de la Cour suprême constituera un manuel d'instructions juridiques sur la manière dont nous pouvons procéder à la réforme du Sénat. Le gouvernement agira dès que la Cour suprême se sera prononcée.

La sénatrice Hervieux-Payette : J'étais leader de l'opposition lorsque nous avons étudié le projet de loi de modification des règles qui gouvernent le Sénat et, à ce moment-là, nous nous sommes rendus jusqu'à l'étape de la troisième lecture. Nous voulions en référer à la Cour suprême, ce que votre premier ministre a refusé d'entendre.

Regrette-t-il de ne pas avoir accepté? Pourquoi a-t-il besoin de la décision de la Cour suprême alors que nous savons pertinemment que les provinces doivent faire partie du processus pour apporter des modifications?

Quelle que soit la décision de la Cour suprême, rien ne changera. C'est écrit dans la première loi du pays et cette loi ne peut être changée que par le premier ministre et sept provinces avec une majorité de 50 p. 100.

Allez-vous procéder dès maintenant ou traîner la question encore deux, trois ans? Si vous êtes sérieux en ce qui concerne une réforme, pourquoi ne pas commencer dès maintenant?

Le sénateur Carignan : Écoutez. Je crois rêver. Madame la sénatrice, nous vous avons entendue à de multiples reprises nous dire que nous devrions faire un renvoi à la Cour suprême. Nous l'avons fait; l'audition aura lieu bientôt. La Cour suprême établira un manuel d'instructions juridiques complet sur la façon dont nous pouvons procéder pour réformer le Sénat et là, vous nous dites : « Ne respectez pas la demande de renvoi de la Cour suprême et commencez à procéder immédiatement. » Franchement, j'ai de la difficulté à vous suivre.

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, j'aurais une question supplémentaire. Sénateur Carignan, dans sa première question, la sénatrice Hervieux-Payette faisait référence à l'intention du premier ministre de modifier les opérations du Sénat. J'ose croire que ce n'était pas l'intention dans votre réponse de donner votre assentiment à cette question-là puisque le premier ministre — on le sait tous — n'a aucun pouvoir sur les opérations de cette Chambre.

Le sénateur Carignan : Écoutez. Je vous remercie de votre question. Elle me permet de donner des précisions. Je traitais des questions qui sont actuellement à l'étude dans le renvoi à la Cour suprême.

[Traduction]

L'environnement

Les émissions de gaz à effet de serre

L'honorable Grant Mitchell : Chers collègues, on a beaucoup dit que, avec le discours du Trône, le gouvernement avait essayé de faire diversion. Or, il a peut-être réussi à mélanger un peu les cartes, mais la donne reste la même, et les conservateurs n'ont pas d'atout dans leur jeu. Les changements climatiques ne sont pas mentionnés une seule fois dans le discours du Trône. Lorsque, dans le discours du Trône, le gouvernement prétend vouloir enchâsser dans la loi le principe du « pollueur-payeur », considère-t-il que les émissions de gaz à effet de serre sont une forme de pollution? A-t-il l'intention de faire payer les pollueurs dans ce cas?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Écoutez. Nous n'avons aucune leçon à recevoir de la part du gouvernement libéral sur les changements climatiques. Contrairement aux libéraux, qui ont laissé les émissions de gaz à effet de serre augmenter de près de 30 p. 100, notre gouvernement a réduit les gaz à effet de serre et protège les emplois canadiens. Nous avons déjà réduit les émissions prévues de 130 mégatonnes par rapport aux niveaux qui auraient été atteints sous la gouverne des libéraux. Alors, nous, nous agissons.

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : La réalisation du projet Keystone XL est remise en question parce que les États-Unis savent que le Canada est loin d'en faire assez pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre et lutter contre les changements climatiques. Tout le monde le sait. Les États-Unis le savent. Le projet se réalisera à condition d'avoir la légitimité sociale nécessaire.

Lorsque, dans le discours du Trône, le gouvernement affirme vouloir protéger les emplois et œuvrer dans le domaine de la pêche avec les gens qui en vivent, lorsqu'il dit vouloir protéger les emplois et en créer d'autres dans le domaine de la pêche, comment peut-il honnêtement défendre cette position sans reconnaître qu'il doit prendre des mesures contre les changements climatiques qui ont déjà perturbé la pêche et décimé les stocks de poissons du pays?

[Français]

Le sénateur Carignan : Écoutez. Notre gouvernement a pour engagement continuel de travailler avec les partenaires. Vous avez parlé de pipeline aux États-Unis. Avec les États-Unis — nos partenaires internationaux en matière de changements climatiques —, nous allons continuer d'avoir une approche, comme celle que nous avons eue avec les véhicules à essence. Nous allons continuer à prendre des mesures concrètes dans les différents domaines pour nous assurer d'être le plus efficaces possible dans le cadre de la réduction des gaz à effet de serre et de ne pas laisser un bilan comme celui que vous nous avez laissé en augmentant les gaz à effet de serre de 30 p. 100.

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : Les États-Unis et leur président savent que le Canada est loin d'en faire assez pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Lorsque, dans le discours du Trône, le gouvernement dit vouloir protéger les 200 000 emplois du secteur forestier et en créer d'autres, ne sait-il pas que les changements climatiques ont un effet dramatique sur nos forêts et sur les perspectives d'emploi dans l'industrie forestière?

[Français]

Le sénateur Carignan : Écoutez. Si nous agissons, c'est parce que nous pensons que l'environnement doit être protégé, particulièrement en ce qui concerne la réduction des gaz à effet de serre. Comme je l'ai expliqué, nous avons déjà réduit les émissions prévues de 130 mégatonnes par rapport aux niveaux qui auraient été atteints sous la gouverne des libéraux. Nous allons continuer à travailler, à faire des efforts avec les différents secteurs et nos partenaires internationaux.

[Traduction]

La défense nationale

La surveillance par le Parlement du Centre de la sécurité des télécommunications Canada

L'honorable Wilfred P. Moore : Ma question s'adresse aussi au leader du gouvernement au Sénat.

Monsieur le leader, croyez-vous qu'il est temps de charger un comité parlementaire de surveiller les activités du Centre de la sécurité des télécommunications Canada?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Écoutez. Le Centre de la sécurité des télécommunications Canada respecte la loi. Il a un mandat spécifique. Un commissaire est chargé de la surveillance des activités dans le cadre de la loi, et il n'a pas le droit de viser les activités ou les communications des Canadiens. Nous croyons qu'il fait bien son travail.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Le Canada a-t-il espionné la société pétrolière d'État brésilienne ou le ministère de l'Énergie du Brésil?

[Français]

Le sénateur Carignan : Écoutez. C'est la même réponse. Le centre doit respecter le cadre prévu par la loi. Un commissaire est nommé et est chargé de s'assurer que la loi est respectée dans le cadre de la surveillance et du rapport d'activité qui est rendu. Nous nous attendons à ce que le centre respecte la loi.

(1450)

[Traduction]

Le sénateur Moore : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire.

En juin 2012, le CSTC, c'est-à-dire le Centre de la sécurité des télécommunications du Canada, a fait une présentation intitulée « Advanced Network Tradecraft » pour les cinq pays partenaires — soit le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande — dans laquelle on décrivait une mission de reconnaissance faisant appel à une technologie appelée « Olympia ». Cette mission était dirigée contre le ministère de l'Énergie du Brésil. Si l'on se fie aux articles parus dans les journaux, cet exercice a été couronné de succès.

Le leader peut-il nous dire ce qu'on a fait des données obtenues par le CSTC auprès du ministère de l'Énergie et des Mines du Brésil?

[Français]

Le sénateur Carignan : Écoutez. En ce qui concerne le centre de la sécurité, nous avons étudié la question et sommes satisfaits des activités du Centre de télécommunications du Canada, qui sont légales. Toutes les activités du centre font l'objet d'un examen indépendant, comme je l'ai expliqué, et ce depuis 16 ans. On rapporte que le centre continue d'effectuer ses activités dans le respect de la loi. Je ne pourrais pas commenter les activités ou les capacités spécifiques de collecte de renseignements étrangers.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Honorables sénateurs, la demande d'accès à l'information a permis d'apprendre que le CSTC avait rencontré des compagnies actives dans le secteur de l'énergie au Canada. Ces rencontres avaient pour but de permettre aux entreprises et aux ministères et agences du Canada d'échanger des renseignements en privé.

Le leader peut-il nous renseigner sur la nature des renseignements que le CSTC pourrait fournir à ces entreprises du secteur de l'énergie au Canada?

[Français]

Le sénateur Carignan : Écoutez. Le centre a un mandat prévu par la loi, et on s'attend à ce qu'il soit respecté. Le centre mène ses activités à l'intérieur de son cadre légal. Il est surveillé par un commissaire indépendant, et on s'attend à ce qu'il remplisse son mandat. Si des aspects consistent à informer certaines entreprises d'éléments de risques pour la sécurité et que c'est dans le cadre de son mandat, on s'attend à ce que ce soit fait.

[Traduction]

Le sénateur Moore : En 2007, le gouvernement du Brésil a annoncé la découverte des plus grands champs pétrolifères à l'extérieur de l'APEC. On estime que ces champs renferment 8 milliards de barils de pétrole. Pourtant, lorsque la vente aux enchères des droits d'exploitation a pris fin tout récemment, aucune compagnie du Canada, des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Australie ou de la Nouvelle-Zélande — qu'on appelle le Groupe des cinq — ne s'est manifestée. La question qui se pose est évidemment celle de savoir pourquoi. Était-ce en raison des renseignements piratés par le CSTC et partagés avec des entreprises du secteur de l'énergie au Canada?

[Français]

Le sénateur Carignan : Écoutez. L'honorable sénateur semble faire un lien assez particulier en ce qui a trait aux activités du centre. Il y a un respect de la loi dans le cadre des activités du centre de surveillance. Un ancien juge a le mandat de s'assurer du respect des activités du centre de surveillance. Je ne commenterai pas davantage ces éléments de sécurité.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Plus tôt ce mois-ci, l'ancien chef du CSTC a dit qu'il était temps d'accroître le contrôle parlementaire de l'agence, ajoutant que celle-ci gardait délibérément les Canadiens dans le noir quant à ses activités.

J'aimerais savoir si le leader appuierait un projet de loi visant à accroître le contrôle parlementaire du CSTC.

[Français]

Le sénateur Carignan : Écoutez. La surveillance indépendante du centre, comme je l'ai mentionné, est sous la responsabilité du commissaire actuel du centre. C'est l'ancien juge de la Cour d'appel de la Cour martiale du Canada, l'honorable Jean-Pierre Plouffe, qui assure déjà une surveillance indépendante, y compris des vérifications indépendantes, pour faire en sorte que les activités du Centre de sécurité des télécommunications continuent de s'effectuer dans l'aspect de la loi. Il y a donc déjà une commission au départ.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Honorables sénateurs, les rapports de vérification indépendante du seul commissaire de l'agence sont-ils disponibles pour le public, les autres membres du Groupe des cinq ou les États plaignants, comme le Brésil?

[Français]

Le sénateur Carignan : Écoutez. Le centre et le commissaire doivent respecter la loi, et ils doivent, dans le cadre de leurs activités, s'assurer qu'ils sont à l'intérieur de leur mandat. Je ne commenterai pas.

[Traduction]

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, le leader du gouvernement pourrait-il me dire, en sa capacité de membre du Conseil privé et de comités clés du Cabinet, s'il serait disposé à porter à l'attention de ses collègues le fait que tous les autres pays du G8 et de l'OTAN ont des organes de surveillance législative dans le secteur du renseignement et de la sécurité?

[Français]

On parle de la République française, de la Grande-Bretagne, des États-Unis, de l'Australie et de tous les autres pays alliés.

[Traduction]

Ces pays disposent d'un processus législatif assorti d'un niveau de discrétion approprié qui rend possible la discussion des stratégies et des plans envisagés.

C'est comme ça que fonctionne le Royaume-Uni depuis 1994. Il n'y a jamais eu une seule fuite. Les rapports sont soumis directement au premier ministre du Royaume-Uni, qui les remet au Parlement de ce pays dans un délai d'un mois et, si certains renseignements sont supprimés dans l'intérêt de la sécurité nationale, une note de bas de page le précise.

Voilà ce que font nos alliés. Le Canada est le seul pays à n'exercer aucune surveillance législative sur ses services de sécurité nationale. Beaucoup de dirigeants des services de sécurité nationale aimeraient avoir la chance de parler aux parlementaires des difficultés avec lesquelles ils doivent composer.

L'honorable leader du gouvernement au Sénat pourrait-il me dire s'il aurait l'amabilité d'envisager la suggestion, de la présenter à ses collègues du Cabinet et de faire le point au Sénat dans les meilleurs délais?

[Français]

Le sénateur Carignan : Écoutez. L'actuel commissaire du centre de sécurité a le mandat clair d'assurer une surveillance indépendante et de faire des vérifications sur les activités. Je puis vous affirmer que le centre ne partage pas de renseignements étrangers avec les compagnies canadiennes pour leur donner un avantage commercial. Le rôle est joué pleinement.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Je ne sais pas pourquoi il débute toutes ses réponses avec « écoutez », car c'est certainement notre objectif de l'écouter attentivement.

Revenons toutefois à la question. Il ne suffit pas de nous dire qu'un commissaire est chargé d'examiner cela. Nous avons connu des commissaires qui examinaient, sans se rapporter à la Chambre des communes, et des désastres sont survenus sur les plans de la sécurité et de l'intelligence dans ce pays, qui font la risée de nos collègues, à un point tel que l'état des communications entre les différents groupes d'intelligence chez nos alliés, comme on les appelle, les 5 A, les ABCA et la Nouvelle-Zélande, en a souffert et que ceux-ci sont réticents à échanger avec nous. Il existe donc un problème de fond.

Le général John Adams, qui était chef du centre de sécurité, a lui- même énoncé le besoin d'un autre outil. Dans ce pays où l'on dit vouloir une représentation démocratique de gens élus pour assurer la transparence et l'imputabilité, l'entité qui reflète le mieux ces valeurs est la Chambre des communes. Or, je ne comprends pas pourquoi la Chambre des communes — entre autres, car le Sénat devrait également participer — est tenue à l'écart afin de revoir non seulement les opérations, mais le budget de toutes nos entités affectées à l'intelligence. Il faudrait voir également s'il y a communication entre celles-ci, car on ne sait pas si c'est le cas. Lorsque le Comité de la défense nationale tente de poser des questions, il n'obtient aucune réponse, étant donné qu'il n'a droit à aucun document privilégié qui pourrait répondre à ces questions.

Pourquoi, alors, être réticent à ouvrir le débat sur ce point et donner le mandat à notre comité de se pencher sur la question?

(1500)

Le sénateur Carignan : Vous voyez l'importance, pour moi, de toujours dire le mot « écoutez »; c'est parce que vous revenez avec les mêmes questions, ce qui m'oblige à vous donner les mêmes réponses.

[Traduction]

Le sénateur Dallaire : J'aimerais poser une question complémentaire, si vous le permettez.

Il y a quelques années, lorsque j'étais élève-officier, j'ai dû parader devant l'instructeur en chef de l'artillerie à l'École de l'artillerie, à Shilo. Il m'a dit : « Vous êtes désinvolte, jeune homme! » J'ignorais ce que ça voulait dire. Je ne sais pas si vous le savez, mais vous avez certainement réagi comme si c'était le cas.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Dallaire : Je vais essayer de le dire autrement.

Nous n'avons pas obtenu de réponses aux différentes questions que nous vous avons posées, et il y en a eu beaucoup. On pourrait répondre par oui ou par non à la mienne, qui revenait à ceci : selon vous, est-il essentiel que l'organe législatif de notre système de gouvernance exerce une surveillance sur les réseaux de renseignement de notre pays pour faire en sorte qu'ils fonctionnent adéquatement, et non comme une passoire, comme c'est le cas actuellement?

[Français]

Le sénateur Carignan : Eh bien, je vous dis : écoutez... Il doit y avoir une surveillance indépendante du centre de sécurité. Il y en a une, elle est effectuée par l'actuel commissaire du centre, l'ancien juge de la Cour d'appel de la Cour martiale du Canada, l'honorable Jean-Pierre Plouffe, qui assure déjà une surveillance indépendante, y compris des vérifications des activités du centre.

L'honorable Pierre Claude Nolin : Question complémentaire. Sénateur Carignan, simplifions. Pourquoi le Canada, contrairement à tous ses alliés principaux, refuse-t-il qu'un comité parlementaire se penche sur la vérification de ce qui se passe dans cette agence? Pourquoi? C'est cela la question.

Le sénateur Carignan : Écoutez, comme je l'explique, il y a déjà une activité de surveillance, un commissaire indépendant qui s'assure de la surveillance des activités. Le centre respecte la loi.

Le sénateur Nolin : Ma question va un peu plus loin. Certains de nos alliés avaient une opération qui ressemblait à la nôtre — la Grande-Bretagne. Ils ont décidé d'aller un peu plus loin et de confier à un comité parlementaire cette surveillance. La question se pose : pourquoi, au Canada — il doit y avoir une raison — est-ce qu'on s'entête à ne pas considérer l'exemple de nos alliés et qu'on tente de conserver une approche qui, pour tous nos alliés, est dépassée? La question est simple : pourquoi? Où est le raisonnement?

Le sénateur Carignan : Écoutez, je pense que c'est un choix qui est effectué. Pour nous, c'est un commissaire indépendant. Peut-être que, dans le cadre de leurs activités à eux, nos alliés, il est préférable d'avoir une commission. Pour nous, le choix, c'est d'avoir un commissaire indépendant. Qui sait si nos alliés ne reviendront pas à un commissaire indépendant? Pour nous, actuellement, cela fonctionne et nous avons des rapports qui sont faits au niveau des activités, nous avons une surveillance.

[Traduction]

Le sénateur Segal : J'ai une question complémentaire à poser.

Je respecte tout à fait le point de vue du leader du gouvernement, selon lequel un commissaire indépendant suffit pour surveiller les activités du CSTC et notre responsabilité s'arrête là. Cependant, dans les pays alliés, comme le souligne le sénateur Nolin, la surveillance de la sécurité touche la sécurité militaire, elle comprend l'équivalent du SCRS et l'équivalent des activités antiterroristes menées par la Gendarmerie royale du Canada. Elle offre un large contexte qui sensibilise les parlementaires et les aide à accomplir leur travail, c'est-à-dire faire en sorte que les ressources nécessaires soient allouées à ces organismes afin qu'ils protègent les Canadiens. Le leader nous dit que « nous avons un commissaire et cela nous suffit », mais je ne suis pas sûr de comprendre en quoi cela nous permet de nous acquitter de la responsabilité plus étendue que nous avons tous envers la sécurité nationale.

[Français]

Le sénateur Carignan : Écoutez, cela fait plus de 16 ans que les rapports sont faits par le commissaire indépendant sur les activités. Les rapports démontrent que les activités sont conformes à la loi depuis plus de 16 ans.

Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, chers, collègues, le monde a changé depuis quelques années. Nous nous trouvons dans

un milieu international beaucoup plus complexe, beaucoup plus ambigu. Les problèmes de sécurité, pendant la guerre froide, avaient une orientation très classique. La guerre froide, c'était « nous contre eux », c'était bien localisé, en Europe, et bien identifié.

Le monde a complètement changé dans le contexte où nous nous trouvons aujourd'hui. La question de la sécurité a pris énormément plus d'ampleur et concerne plus de cibles. On voit des éléments extrémistes qui œuvrent sans égard pour quelque droit humanitaire que ce soit, pour l'État de droit ou quoi que ce soit d'autre.

Donc, le volet de la sécurité a pris une dimension complètement différente de ce qu'elle était, et on a investi comme jamais auparavant — rappelez-vous, on a dépensé 13 milliards de dollars — dans la sécurité nationale, et créé des entités tout à fait nouvelles qui œuvrent dans ce domaine.

En dernier lieu, on voit que même notre sécurité interne est menacée. On a vu des éléments terroristes au sein de notre pays, sans compter, peut-être, d'autres opérations qui peuvent exister; il y a eu Oka et d'autres événements qui ont menacé la sécurité des Canadiens.

La nature de la bête a significativement changé et devient de plus en plus complexe. Je termine cette longue introduction à ma question en mentionnant que tout le domaine informatique ouvre également une dimension sans précédent à notre vulnérabilité.

Tout cela nécessite des outils différents. L'actuel commissaire — comme l'ancien commissaire, Me Paul Gauthier de Québec, que j'ai connu — a un rôle limité de vérifier si on respecte la loi au sein de cette entité-là, mais pas au niveau de l'ensemble de la capacité de renseignement de notre pays.

C'est sur ce volet qu'on appelle votre attention; pas seulement sur le rôle du commissaire, mais sur cet ensemble qui nécessite, selon moi, et vu l'investissement massif dont il fait l'objet, que le corps législatif de notre pays ait son mot à dire, comme c'est le cas chez tous nos alliés et comme ils en ont exprimé le besoin absolu. Il n'y a aucune chance que ces pays reviennent à la formule de n'avoir qu'un commissaire. C'est impossible.

Pourquoi ne pas au moins nous dire que vous allez soulever ce point, avec le ministre de la Sécurité publique ou peut-être même avec le premier ministre, afin de nous donner au moins la satisfaction de savoir qu'on considère d'autres options?

Le sénateur Carignan : Je vous ai écouté.


(1510)

[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Décisions du Président

Motion no 2 et motion de renvoi à un comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai une décision concernant la motion no 2. C'est sur cette motion que porte ma décision.

Honorables sénateurs, pendant la séance d'hier, un rappel au Règlement a été soulevé pour savoir si la motion de suspension du sénateur Brazeau était finale ou si le renvoi à l'article 5-5(i) du Règlement prévoyait un mécanisme permettant d'en appeler de la suspension ou de l'annuler.

Aux termes du Règlement, un rappel au Règlement s'entend d'une « [p]lainte ou question formulée par un sénateur qui estime que les règles, les pratiques ou les procédures du Sénat n'ont pas été appliquées correctement ou ont été passées sous silence au cours des travaux, soit au Sénat ou au sein d'un comité ».

À l'examen des Débats d'hier, il semble que la question n'a pas trait au Règlement, mais plutôt au débat. Par conséquent, le rappel au Règlement n'est pas fondé, et le débat peut se poursuivre lorsque l'article est appelé.

Motion no 3

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je passe maintenant au recours au Règlement présenté pendant l'étude de la motion no 3. Au début du débat sur la motion proposant de suspendre la sénatrice Wallin, le sénateur Segal a invoqué le Règlement à propos du bien-fondé de la proposition dont le Sénat était saisi. Le sénateur Segal a comparé cette motion aux anciennes procédures reliées aux projets de loi portant condamnation. Il l'a qualifiée d'arbitraire, soutenant qu'elle portait atteinte aux droits fondamentaux garantis par la Charte canadienne des droits et libertés. Il s'est aussi dit troublé par le fait que le Sénat n'avait pas eu l'occasion d'étudier le rapport du Comité de la régie interne, présenté en août avant la prorogation de la session précédente. En outre, il a dit craindre que l'adoption de cette motion puisse avoir des répercussions sur une enquête policière. En résumé, le sénateur Segal estimait que cette motion nuit à l'application régulière de la loi et à la présomption d'innocence, des principes fondamentaux de justice au Canada. Le Sénat ne devrait donc pas l'étudier à son avis.

[Français]

Honorables sénateurs, le leader du gouvernement, le sénateur Carignan, n'était pas d'accord avec le sénateur Segal. À son avis, le Sénat peut, à sa discrétion, suspendre un sénateur. Ce pouvoir lui est conféré par l'article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867, et a été mis en œuvre conformément à la Loi sur le Parlement du Canada. Il a soutenu que le reproche de négligence grossière fait dans la motion est complètement différent d'une procédure criminelle et qu'il représente plutôt, si la motion est adoptée, l'opinion du Sénat sur le mépris délibéré qui a lésé l'institution.

[Traduction]

Après ces interventions, les sénateurs Fraser et Comeau ont tous deux pris la parole. La sénatrice Fraser a reconnu que le Sénat pouvait, à la suite d'un examen en bonne et due forme des faits, suspendre un sénateur, ajoutant toutefois qu'il était difficile d'examiner adéquatement cette motion à cause du manque de données. En raison de la prorogation de la session précédente, le Sénat n'a pas pu examiner le rapport du Comité de la régie interne sur les dépenses de la sénatrice Wallin, qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le 13 août. Le sénateur Comeau, cependant, a souligné que le rapport est à la disposition des sénateurs depuis sa présentation. Il a ajouté que le Comité de la régie interne, contrairement à d'autres comités sénatoriaux, fonctionne en permanence et qu'il n'est pas touché par les prorogations.

[Français]

Honorables sénateurs, aux fins de l'examen de cette question, il convient de préciser une chose : le Sénat possède, entre autres pouvoirs et privilèges, celui de suspendre un sénateur. Aux termes de l'article 15-2(1) du Règlement, « [l]e Sénat peut ordonner le congé ou la suspension d'un sénateur s'il l'estime justifié ». Or, cette disposition n'est pas à l'origine de ce pouvoir; elle en reconnaît simplement l'existence. Tout organe parlementaire a le pouvoir inhérent de réglementer ses propres affaires et de sanctionner ses membres, la suspension étant l'une des mesures possibles. À la page 64 de la quatrième édition de l'ouvrage de Bourinot, on peut lire que « le droit d'un corps législatif de suspendre ou d'expulser l'un de ses membres lorsqu'il estime avoir une raison suffisante de le faire ne fait aucun doute. Un tel pouvoir est absolument nécessaire pour préserver la dignité et l'utilité d'une assemblée ».

[Traduction]

Au Canada, l'article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867 permet au Parlement de définir les privilèges, immunités et pouvoirs des deux Chambres fédérales, ces privilèges, immunités et pouvoirs ne devant pas excéder ceux de la Chambre des communes du Royaume-Uni. Aux termes de l'article 4 de la Loi sur le Parlement du Canada, le Sénat possède les pouvoirs que possédait la Chambre des communes du Royaume-Uni en 1867, plus les pouvoirs additionnels définis par la loi.

La Chambre des communes du Royaume-Uni a depuis longtemps le pouvoir de suspendre ses membres, pouvoir qu'elle a déjà exercé au moins depuis 1641. L'article 4 de la Loi sur le Parlement du Canada confère donc au Sénat ce même pouvoir de suspendre un membre. Ce pouvoir est tout à fait indépendant et distinct des mesures pénales prises par les autorités compétentes.

[Français]

Il va sans dire que la suspension d'un membre est une mesure grave. Ce n'est pas une chose qu'on fait à la légère. Le Sénat a procédé à une suspension une fois seulement, le 19 février 1998, lorsqu'il a suspendu le sénateur Thompson. L'indemnité de session du sénateur avait également été touchée en vertu de règlements qui existent toujours et qui sont encore en vigueur.

[Traduction]

La décision du Sénat d'exercer ce pouvoir est, bien entendu, une question importante sur laquelle nous devrons nous pencher pendant ce débat. C'est au cours des débats que les honorables sénateurs parviennent à se convaincre les uns les autres de la pertinence ou non d'une proposition. En fin de compte, c'est le Sénat lui-même qui décidera s'il est souhaitable ou non de suspendre un sénateur.

[Français]

De même, c'est en débattant de la question que les honorables sénateurs pourront exposer les raisons, les arguments et les faits en faveur de l'adoption ou du rejet d'une motion de suspension. Si un examen détaillé ou des preuves plus poussées sont requis, le renvoi de la question à un comité — proposition qui a déjà été faite dans le cas de la motion concernant le sénateur Brazeau — est une option possible.

[Traduction]

Il ne revient pas à la présidence de commenter le fond ou la pertinence de la motion dont le Sénat est saisi. Le pouvoir de la présidence se limite à déterminer si la motion est recevable, sur le plan de la procédure. La décision établit qu'elle l'est. Les délibérations qui se sont déroulées jusqu'à maintenant ont respecté le pouvoir, les règles et les pratiques du Sénat. Le débat sur la question pourra se poursuivre lorsque l'article sera appelé.

(1520)

Comité de sélection

Adoption du deuxième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du deuxième rapport du Comité de sélection (composition des comités du Sénat), présenté plus tôt aujourd'hui.

L'honorable Elizabeth (Beth) Marshall : Honorables sénateurs, je propose l'adoption du deuxième rapport.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Cools : Non. Où sont les exemplaires du rapport?

Son Honneur le Président : Le rapport a été lu en entier.

La sénatrice Cools : Où est le rapport? Honorables sénateurs, le rapport...

Son Honneur le Président : Le rapport a été lu en entier et distribué. C'est un fait, honorables sénateurs.

Vous plaît-il d'adopter la motion de l'honorable sénatrice Marshall, appuyée par l'honorable sénatrice Poirier?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Le Sénat

Motion tendant à suspendre l'honorable sénateur Patrick Brazeau—Motion subsidiaire—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carignan, C.P., appuyée par l'honorable sénatrice Fortin- Duplessis :

Que, nonobstant toute pratique habituelle ou toute disposition du Règlement, afin de protéger la dignité et la réputation du Sénat et de préserver la confiance du public envers le Parlement, le Sénat ordonne la suspension de l'honorable sénateur Brazeau pour cause, considérant sa négligence grossière dans la gestion de ses ressources parlementaires, et ce jusqu'à l'annulation de cet ordre conformément à l'article 5-5(i) du Règlement, selon les conditions suivantes :

a) le sénateur Brazeau ne recevra, pendant la durée de la suspension, aucune rémunération ou remboursement de dépenses de la part du Sénat, incluant toute indemnité de session ou indemnité de subsistance;

b) le droit du sénateur Brazeau d'utiliser les ressources du Sénat, notamment les fonds, les biens, les services et les locaux, de même que les indemnités de déménagement, de transport, de déplacement et de télécommunications, sera suspendu pour la durée de la suspension;

c) le sénateur Brazeau ne recevra aucun autre bénéfice du Sénat pendant la durée de la suspension;

Que, nonobstant les dispositions de cette motion de suspension, le Sénat confirme que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration conserve l'autorité, s'il le juge approprié, à poser tout geste relatif à la gestion du bureau et du personnel du sénateur Brazeau pendant la durée de la suspension;

Et sur la motion de l'honorable sénateur Cowan, appuyée par l'honorable sénatrice Fraser,

Que cette motion soit renvoyée à notre Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement qui, lorsqu'il sera formé, l'étudiera et rendra compte de ses conclusions;

Que le sénateur Brazeau soit invité à comparaître; que les délibérations soient télévisées, compte tenu de l'intérêt public que suscite la question et conformément à l'article 14-7(2) du Règlement.

L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui à propos de la motion du sénateur Cowan.

L'un de mes plus grands moments de fierté remonte au 15 septembre 2009 : c'est lorsque j'ai prêté serment pour siéger au Sénat du Canada à titre de représentant du Manitoba. Je suis fier de l'excellent travail que le Sénat accomplit et c'est en toute humilité que je sers cette grande institution.

Honorables sénateurs, cette semaine a été l'une des plus éprouvantes de ma vie. Pour la toute première fois de ma carrière politique, j'envisage de voter contre une motion proposée par mon leader.

Je respecte mon leader et je comprends la raison de sa motion. Je suis convaincu que ses intentions sont louables. Depuis plusieurs mois, notre institution — une institution qui fait notre fierté à tous — est constamment remise en question. Je me désole que notre premier ministre et notre gouvernement soient en butte aux critiques des médias et des partis de l'opposition ainsi qu'au scepticisme des Canadiens à cause d'une situation dont ils ne sont pas du tout responsables.

Je comprends que l'on puisse vouloir faire table rase au Sénat et repartir à neuf. Le problème, c'est que nous essayons de trop simplifier une question complexe en y apportant une solution expéditive au détriment de trois personnes, et ce, avant qu'elles aient eu la possibilité de se défendre et que nous ayons pu examiner tous les faits dans chacun de leurs cas.

Nous discutons de l'avenir de trois sénateurs — de trois collègues — et, comme l'a dit le leader de l'opposition, nous allons tout leur enlever, sauf le titre de « sénateur ».

Une telle mesure est pour le moins prématurée. Honorables sénateurs, comme vous le savez, je ne suis pas un avocat. Le sénateur Carignan a présenté son point de vue relativement aux pouvoirs du Sénat. On nous a dit que le Sénat est maître de ses affaires.

Honorables sénateurs, même si nous avons le droit de prendre une mesure, cela ne signifie pas pour autant que c'est la chose à faire.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Plett : Je ne suis pas ici pour défendre les actes répréhensibles commis par un sénateur. Je suis d'abord et avant tout un conservateur parce que je crois aux principes d'équité et de justice.

Nous sommes au Sénat du Canada. Au Canada, nous jouissons de certains droits et de certaines libertés. Surtout, nous avons droit à l'application régulière de la loi et à la présomption d'innocence. Le sénateur Carignan a fait valoir que la présomption d'innocence est un droit accordé dans le cadre d'une enquête criminelle. Toutefois, c'est aussi un principe fondamental qui guide notre démocratie.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Plett : C'est un principe qui, selon moi, devrait guider la Chambre de second examen objectif.

Le Comité de la régie interne a confié ces dossiers à la GRC aux fins d'une enquête plus poussée. Or, voilà que tout à coup nous jugeons que ces personnes sont coupables et nous leur imposons des sanctions avant que la police ait pu faire son travail.

Si nous n'avions pas renvoyé cette affaire à la GRC, je comprendrais que nous nous sentions l'obligation de proposer des sanctions après avoir suivi une procédure régulière. Si nous avions eu suffisamment d'information et si nous avions disposé de tous les faits, nous n'aurions probablement pas eu besoin de faire appel à la GRC. Maintenant, nous sommes en train de mettre sérieusement en péril la possibilité que l'enquête ou les éventuels procès se tiennent en toute équité.

Nous considérerions nos collègues comme coupables avant même qu'ils aient été inculpés.

Le sénateur Cowan, leader de l'opposition au Sénat, a déclaré ce qui suit à raison. Je crois, sénateur Cowan, que c'est la première fois que j'emploie l'expression « à raison » concernant vos propos.

Le sénateur Cowan : Je vois un gros changement.

Le sénateur Plett :

[...] que des accusations soient portées ou non et que le tribunal condamne ou acquitte une personne —, le Sénat aura toujours le droit d'envisager des sanctions dans le respect de nos normes.

Ces normes sont complètement différentes de celles du Code criminel. Le fardeau de la preuve, les règles de la preuve et la comparution des témoins sont complètement différents. Cela montre les divergences fondamentales entre une enquête sénatoriale et une procédure pénale. Cependant, elles ont un élément en commun : la nécessité d'appliquer les principes fondamentaux d'équité, de respect des garanties procédurales et de primauté du droit. Cela ne peut jamais changer.

Le sénateur Cowan a présenté une motion subsidiaire voulant que, dans l'éventualité où nous ne pourrions pas obtenir le consensus nécessaire, la motion soit renvoyée au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, les sénateurs en question soient invités à comparaître devant le comité et, étant donné l'intérêt du public pour l'affaire, les audiences soient télévisées. Je pense que la motion du sénateur Cowan concerne le sénateur Brazeau, mais il a précisé qu'il présenterait des motions semblables pour les autres sénateurs.

Bien que de telles audiences puissent donner à nos collègues l'occasion de se défendre — et j'envisage d'appuyer cette motion —, j'ai de sérieuses réserves à ce sujet.

Le comité serait constitué par les deux leaders au Sénat, mais cela n'en garantit pas le caractère non partisan. Je serais plus favorable à la motion si les membres du comité étaient élus ou si le dossier était confié à un comité externe et indépendant pour que nous ne nous heurtions pas au même problème d'apparence ou de risque de partialité que nous avons vécu lors des audiences du Comité de la régie interne.

La sénatrice Wallin a souligné dans son discours l'importance du droit à un jury sans préjugé. Je ne suis pas sûr que cette motion le permette.

(1530)

Deuxièmement, si un tel comité est formé, il faudra évidemment fixer des limites de temps pour que ces affaires puissent être réglées d'une manière équitable et opportune pour tous les intéressés.

Je ne suis pas sûr de pouvoir appuyer la motion du sénateur Cowan, mais je sais aussi que je ne peux pas appuyer la motion de mon leader dans sa forme actuelle. Par conséquent, si la motion du sénateur Cowan n'est pas adoptée, je vais peut-être proposer mes propres amendements.

Lors de ma nomination au Sénat, j'avais demandé à un fonctionnaire des Finances de préciser les caractéristiques de ce qui constitue les travaux du Sénat. Il m'avait dit : « Sénateur, les travaux du Sénat, c'est tout ce qui, à votre avis, relève du Sénat. » À ce moment-là, j'avais dit que je ne trouvais pas cette situation très acceptable. Depuis, j'exerce des pressions en faveur de l'adoption de règles claires et d'un code de conduite au Sénat. Dans toute institution raisonnable, il y a un code de conduite clair prévoyant des mesures disciplinaires.

D'autres parlementaires — y compris certains sénateurs l'année dernière — ont dû rembourser des dépenses qu'ils avaient réclamées sans y avoir droit. On n'avait pas envisagé alors de leur imposer des sanctions. Nous n'avons pas défini une norme. Nous n'avons pas établi une série de règles prévoyant une sanction précise lorsqu'on doit des montants donnés d'argent ou qu'on a commis un certain nombre d'erreurs d'une nature particulière. Dans le cas présent, nous imposons simplement des sanctions, et des sanctions très graves.

Non seulement ces motions sont-elles sans précédent dans l'histoire du Canada, mais si nous les adoptions, nous établirions un très dangereux précédent auquel tous les parlementaires seraient soumis si des doutes étaient exprimés au sujet de leurs dépenses ou de leur conduite. Nous soumettrions nos collègues à des sanctions similaires avant qu'ils aient eu la possibilité de se défendre. Sans contexte historique et sans norme établie, nous créerions un précédent qui permettrait d'exclure tout parlementaire qui nous irrite ou nous contrarie ou, comme l'a suggéré le sénateur Segal, qui est impopulaire.

De nombreuses opinions juridiques ont été exprimées au cours de ce débat. Comme je l'ai dit plus tôt, je ne suis pas avocat. Toutefois, ayant pris cette affaire très au sérieux, j'ai essayé d'obtenir un avis juridique. Il y a une semaine, juste après le dépôt de cette motion, j'ai dîné avec un juriste manitobain de renom. Je lui ai demandé son avis sur la conduite à tenir. Il a dit sans hésiter que si une enquête est en cours, il serait déplacé de prendre des mesures. Si une personne est accusée de quelque chose, une suspension avec traitement est indiquée. C'est seulement si la personne a été officiellement mise en accusation ou a été condamnée qu'il conviendrait d'imposer des sanctions de cet ordre, c'est-à-dire une suspension sans traitement. Je trouve cette approche raisonnable et équitable et, en toute franchise, je crois qu'il est difficile de la contester.

Le sénateur Dallaire a déclaré ici qu'il vient d'une organisation où un système disciplinaire est en place. Si une personne est reconnue coupable de quelque chose, elle est relevée de ses fonctions. Elle ne perd pas son traitement, mais elle est déchargée de ses responsabilités, ce qui est en soi une lourde punition, comme l'a dit à juste titre le sénateur Dallaire.

Comme plusieurs d'entre vous le savent, le policier torontois James Forcillo a été officiellement accusé du meurtre au deuxième degré de Sammy Yatim. Le Service de police de Toronto l'a suspendu avec plein traitement. Il s'agissait pourtant d'une personne accusée de meurtre.

Plus tôt aujourd'hui, mon ami, le sénateur Tkachuk, a déclaré que tous les sénateurs peuvent assister aux réunions des comités, voulant dire par là qu'ils peuvent ainsi être entendus et se défendre. J'ai de la difficulté à croire que le fait de permettre à un sénateur d'assister à une séance régulière de comité et de poser des questions si le président l'y autorise, sans qu'il ait vraiment la possibilité de se défendre, de faire une déclaration ou d'être accompagné d'un avocat, puisse être considéré comme un traitement adéquat.

Honorables collègues, nous devons envisager d'autres options, comme la suspension avec traitement, ou trouver d'autres moyens de permettre au moins à ces sénateurs de conserver leurs avantages jusqu'à ce que nous ayons la certitude qu'un crime a été commis. Nous proposons de les suspendre sans traitement, et ce, avant qu'une accusation quelconque n'ait été portée contre eux. Nous pourrions donc déclarer ces sénateurs coupables sans leur donner accès à un procès équitable.

La sénatrice Wallin a été invitée à une réunion du Comité de la régie interne où les témoins étaient ses accusateurs. Elle n'a pas eu droit à plus de considération qu'aucun autre sénateur. Je m'excuse, j'ai lu cet énoncé un peu trop tôt. J'aurais dû le lire plus tard. Ni elle ni son avocat n'ont été autorisés à présenter leur cas. Elle n'a jamais été convoquée comme témoin devant le Comité de la régie interne et n'a pu parler et poser des questions que si le président lui donnait la parole.

Pour justifier cette motion, le sénateur Carignan a invoqué deux cas qu'il a qualifiés de précédents. Le premier est celui du sénateur Andrew Thompson. Le sénateur Thompson avait été suspendu pour absentéisme chronique. Il avait été invité à se présenter — alors qu'il se trouvait au Mexique, je crois — pour se défendre, mais il avait décidé de ne pas venir. De toute évidence, il ne voulait plus faire partie du Sénat. Par conséquent, le Sénat a cessé de lui verser son traitement à un moment donné.

Se servir de ce cas comme précédent est un peu extrême, car il est difficile de reprocher aux trois sénateurs en cause un manque quelconque d'assiduité, sans compter qu'ils se sont montrés prêts à venir ici pour se défendre.

Le second cas cité concernait la Chambre des lords. Le sénateur Carignan a mentionné que trois membres de cette Chambre avaient été suspendus à cause de dépenses excessives qui avaient fait scandale. Je crois qu'il est absolument essentiel de signaler que les membres de la Chambre des lords ne reçoivent aucune rémunération pour leurs services.

Nous ne pouvons pas comparer directement la présente situation avec une affaire où le gaspillage dépassait largement les sommes dont il est question ici et où les sanctions étaient si différentes.

En ce qui concerne la Chambre des lords, personne n'était menacé de perdre son gagne-pain ou ses bénéfices sur le plan médical. Il est inadmissible, à mon avis, que l'on retire de façon prématurée les bénéfices médicaux d'une survivante du cancer, d'une personne qui souffre de problèmes cardiaques et d'un père de jeunes enfants avant qu'un processus en bonne et due forme ait été suivi.

Mais voici ce qui est plus important encore, et je cite le sénateur Segal, qui parlait alors de la Chambre des lords :

Elle a décidé d'étudier de près chacun des cas. Personne n'a suggéré que la même motion soit présentée, avec le même

libellé pour chaque personne, comme si le cas de tous ceux concernés était pareil et comme si les problèmes qui leur sont associés, à tort ou à raison, sont de la même envergure.

Honorables sénateurs, le scandale de la Chambre des lords ne peut servir de précédent dans le débat sur la présente motion.

J'aimerais remercier personnellement mon leader, le sénateur Carignan, de ne pas avoir présenté cette motion en tant qu'initiative ministérielle et de me permettre de voter selon ma conscience sur cette importante question.

Je ne vote pas et ne voterai pas contre mon gouvernement, et cela me réconforte. Je crois que la motion a été présentée parce que l'on croit que les Canadiens sont en colère. Honorables sénateurs, les Canadiens comprennent et reconnaissent l'importance des principes de la primauté du droit et du respect des garanties procédurales. Un seul Canadien m'a écrit depuis la présentation de cette motion, et il souhaite que la primauté du droit soit respectée et que les jeux politiques ne fassent pas obstacle à ce qu'il convient de faire.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Plett : Nous devons rendre des comptes aux Canadiens et faire triompher les principes d'équité et de justice. Il ne faut pas, honorables sénateurs, politiser la présente affaire et voter par opportunisme politique.

Mon père m'a initié à la politique lorsque j'avais 15 ans. Il m'a donné des conseils et il a été mon mentor. Il a été conservateur toute sa vie mais, d'abord et avant tout, il était un homme respectueux de l'éthique et intègre. Il m'a enseigné qu'il ne fallait pas laisser la politique m'empêcher de faire ce qui est juste. Il m'a enseigné à voter en obéissant à ma conscience. Honorables sénateurs, je vous en prie, faites ce qui est juste.

(1540)

Le sénateur Segal : Bravo!

Des voix : Bravo!

L'honorable Marjory LeBreton : Je doute fort de recevoir une ovation semblable de mes collègues d'en face.

Honorables sénateurs, je voudrais participer brièvement au débat sur les motions de suspension, et plus particulièrement au débat sur la motion et l'amendement concernant le sénateur Duffy.

Plus précisément, je voudrais répondre directement aux observations que le sénateur Duffy a faites au Sénat le mardi 22 octobre. Il a fait plusieurs allusions à moi et également à certains faits, dont je suis directement au courant pour certains, mais dont je ne sais absolument rien pour d'autres.

Honorables sénateurs, il ne fait aucun doute que le sénateur Duffy est un bon communicateur. Nous le savons tous. Après tout, il est journaliste de profession, et il a eu une longue carrière dans deux grands réseaux canadiens de télévision. Il a une façon intéressante et divertissante de se présenter, et il est reconnu pour ses talents de conteur.

Lorsqu'il travaillait dans les médias comme hôte de l'émission Mike Duffy Live, son approche de la politique me laissait parfois perplexe. J'étais parfois exaspérée par son style de journalisme, car le plus souvent, il abusait des commérages et des rumeurs qui avaient cours, et j'étais parfois dégoûtée au point d'avoir envie de donner un coup de pied dans le téléviseur. On a souvent dit qu'il aurait été capable de vendre des climatiseurs en Sibérie.

C'est un compliment qu'on ne vous a jamais fait, malheureusement, sénateur Munson.

Je me souviens fort bien de ce qu'il me disait, ainsi qu'à d'autres qui trouvaient à redire à son style propre de journalisme politique : c'est du spectacle, disait-il. Du spectacle. Combien de fois l'avons- nous entendu dire cela?

Lorsque le sénateur Duffy a pris la parole, je m'attendais à ce qu'il consacre une partie de son intervention à une défense vigoureuse de ses actes, je croyais qu'il expliquerait dans ses propres mots pourquoi il croyait avoir agi correctement. Malheureusement, toute son intervention a porté sur une présumée conspiration, et il a employé des mots comme « corruption », « menaces » et « extorsion ». Je laisse à d'autres le soin de départager ce qui est digne de foi ou non. Je m'en tiendrai aujourd'hui aux éléments de l'intervention du sénateur Duffy qui portent sur des faits dont j'ai une connaissance directe.

Le premier élément que je vais aborder est la description que le sénateur Duffy a faite d'un échange qu'il a eu avec le premier ministre et Nigel Wright le 13 février 2012. Le sénateur a dit : « Ainsi, après la réunion du caucus le 13 février 2013, j'ai rencontré le premier ministre et Nigel Wright en privé. »

Voilà une formulation adroite qui donne à penser qu'il s'agissait d'une réunion à part, privée. Ce qu'il aurait dû dire, s'il avait respecté la vérité des faits, c'est ceci : « À la fin de la réunion du caucus, le 13 février, j'ai parlé au premier ministre et à Nigel Wright dans la salle du caucus. » Ce serait là une description plus fidèle de l'échange au cours duquel le premier ministre lui aurait dit qu'il fallait rembourser. Les paroles qu'il prête au premier ministre, sa version de ce que le premier ministre aurait dit ne sont pas exactes. Hier, le premier ministre a fait la mise au point à la Chambre des communes, pendant la période des questions. Le sénateur a tout de même raison sur un point : le premier ministre lui a « ordonné de rembourser l'argent. »

Il n'y avait rien de nouveau dans cette nouvelle, en dépit de la jubilation, de la fébrilité et de l'enthousiasme de certains dans les médias, plus particulièrement l'animateur d'une émission d'affaires politiques diffusée en soirée, qui n'a présenté que des parties choisies du discours du sénateur Duffy. L'échange à la fin du caucus du 13 février a été rapporté dans les médias plusieurs fois — en avril, en mai — plusieurs fois, dis-je. Ce fut le seul échange entre le premier ministre et le sénateur Duffy sur cette affaire et il s'est déroulé dans la salle de caucus, à l'issue de la réunion du caucus.

Poursuivant sur sa lancée, le sénateur Duffy cite le discours qu'il a prononcé ici, au Sénat :

Des manœuvres complexes ont été négociées par les divers avocats s'occupant de ce dossier. Ces derniers suivaient les directives de leurs clients. Il y avait au moins deux avocats du CPM, un avocat du parti conservateur que je connais et mon propre avocat. Le CPM a promis, avec le consentement des leaders au Sénat, que je ne ferais pas l'objet d'une vérification de la part de la firme Deloitte, que l'on me donnerait un passe- droit et que, si cette combine éclatait au grand jour, la sénatrice LeBreton, qui était le leader du gouvernement à l'époque, fouetterait les troupes conservatrices afin d'empêcher mon expulsion du Sénat.

Je répète :

[...] avec le consentement des leaders au Sénat, que je ne ferais pas l'objet d'une vérification de la part de la firme Deloitte, que l'on me donnerait un passe-droit et que, si cette combine éclatait au grand jour, la sénatrice LeBreton, qui était le leader du gouvernement à l'époque, fouetterait les troupes conservatrices afin d'empêcher mon expulsion du Sénat.

Honorables sénateurs, ce n'est pas la vérité. C'est faux. Personne, absolument personne, ne m'a suggéré de procéder ainsi. Je n'ai jamais entendu parler d'une telle combine. Même que, mardi, lorsque le sénateur Duffy a tenu ces propos, c'était la toute première fois que j'en entendais parler. C'était nouveau pour moi. Il n'y a même pas eu de rumeur à cet effet ici, ce qui montre à quel point cette allégation est complètement grotesque.

Pour ce qui est de la vérification par Deloitte, comment le sénateur Duffy a-t-il pu s'imaginer que, à titre de leader du Sénat, je serais d'accord pour qu'il ne fasse pas l'objet d'une vérification, pour qu'il ait un passe-droit? C'est là un autre mensonge flagrant. J'ai déclaré publiquement à maintes occasions que j'approuvais sans réserve le recours à des vérificateurs de l'extérieur. J'étais d'avis que la décision prise par le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration était la bonne. Cette décision illustrait la volonté du Sénat d'aller au fond des choses. Elle montrait au public que nous ne nous occupions pas de ces questions à l'interne, ce qui aurait engendré beaucoup de scepticisme. Les gens se seraient demandé comment le Sénat pouvait s'autodiscipliner.

Les sénateurs des deux côtés étaient d'accord. Insinuer par la suite que j'aurais été d'accord pour qu'il ne fasse pas l'objet d'une vérification, pour qu'il ait un passe-droit — alors qu'en fait j'appuyais sans réserve le recours à des vérificateurs indépendants —, n'est que fausseté. En langage familier, je dirais que c'était vraiment gros comme propos. Je n'ai jamais posé de questions au sujet de la vérification, sauf en ce qui avait trait aux échéanciers. Je n'ai jamais rencontré les vérificateurs. Je ne connais aucun des vérificateurs qui ont étudié le dossier. En outre, j'ai délibérément évité d'assister aux réunions du Comité de la régie interne afin de ne pas donner l'impression de faire de l'ingérence. De l'ingérence? Certainement pas. Je me suis plutôt réjouie de la décision de faire appel aux vérificateurs.

Honorables sénateurs, permettez-moi maintenant de présenter les faits réels liés à l'appel téléphonique entre le sénateur Duffy, moi et Ray Novak, du cabinet du premier ministre. La description faite par le sénateur Duffy de cet appel est inexacte.

(1550)

Voici ce qu'a déclaré le sénateur Duffy dans son discours :

Puis, en mai, après que quelqu'un a dévoilé des extraits choisis d'un courriel confidentiel que j'avais envoyé à mon avocat en février, dans lequel je lui mentionnais que je m'opposais à une telle entente et que j'éprouvais des inquiétudes à cet égard, le cabinet du premier ministre est revenu à la charge. L'adjoint principal du premier ministre, Ray Novak, m'a appelé chez moi, à ma résidence de Cavendish. Il était accompagné de la sénatrice LeBreton, le leader du gouvernement au Sénat. La sénatrice LeBreton a été catégorique : il n'y avait plus d'entente. Si je ne démissionnais pas du caucus conservateur dans un délai de 90 minutes, on m'expulserait immédiatement, sans tenir une réunion ou un vote. En outre, elle m'a dit que si je ne démissionnais pas immédiatement, je devrais comparaître devant le comité d'éthique du Sénat, qui aurait reçu des hautes instances du parti l'ordre de m'expulser du Sénat.

Lors de cet appel de Ray Novak, que mon épouse et ma sœur écoutaient, la sénatrice LeBreton s'est montrée insistante. Elle m'a dit : « Mike, c'est ce que tu dois faire. Fais ce que je te dis. Quitte le caucus au cours des 90 prochaines minutes. C'est la seule façon de garder ton chèque de paie. »

Honorables sénateurs, je vais maintenant vous dire ce qui s'est réellement dit lors de cet appel téléphonique. C'était le 16 mai, un jeudi soir, à l'heure du souper. Ray Novak et moi avons appelé le sénateur Duffy et lui avons exposé deux scénarios.

Je peux parler uniquement en mon nom et me référer à mes notes, mais je vous pose la question : de quelle entente parle-t-il lorsqu'il dit qu'il n'y avait plus d'entente? Voici la chronologie des faits, honorables sénateurs. Le 9 mai, nous avons fait rapport des vérifications au Sénat. À notre connaissance, le sénateur Duffy avait emprunté de l'argent à la Banque Royale et avait remboursé les dépenses inappropriées au Sénat. Ensuite, nous avons appris qu'il avait réclamé d'autres dépenses au Sénat et au Parti conservateur encourues durant la campagne électorale. Le 14 mai, on nous a informés de la provenance réelle des fonds et cette information a été confirmée le 15 mai. Remettez donc son affirmation, voulant que j'aie dit qu'il n'y a plus d'entente, dans son contexte. Cela n'a pas de sens.

Nous avons donc présenté les deux scénarios suivants au sénateur Duffy : soit je ferais une déclaration dans laquelle je dirais que le sénateur Duffy m'avait informée qu'il démissionnait du caucus et qu'il siégerait désormais comme sénateur indépendant; soit je ferais une déclaration à savoir que le sénateur Duffy avait été expulsé du caucus conservateur, étant donné les questions de plus en plus nombreuses concernant ses agissements.

Après que ces deux options lui eurent été présentées, je lui ai dit, et je reprends mes mots exacts puisque je les ai notés : « Mike, fais le bon choix et prends les devants. » Bien entendu, la nouvelle ne l'enchantait guère. Nous avons eu quelques échanges au sujet de ce que tout cela impliquait et de la façon dont on ferait cette annonce. Honorables sénateurs, je savais que le sénateur Duffy était inquiet et, pour lui assurer que le fait de siéger comme indépendant ne changeait rien à son rôle de sénateur, je lui ai dit : « Mike, c'est la seule façon d'assurer ton avenir. » Il a proféré des gros mots, puis il a raccroché. Une fois la poussière retombée, il nous a fait savoir qu'il ferait une déclaration et annoncerait qu'il quittait le caucus conservateur pour siéger comme indépendant jusqu'à ce que sa situation soit réglée.

En terminant, honorables sénateurs, je vais dire quelques mots sur la multitude de documents auxquels il a fait allusion dans son discours, et je vais encore lire un extrait de ce discours :

J'ai suivi les règles et j'ai en main une multitude de documents, y compris une note de deux pages du bureau de la sénatrice LeBreton, qui le confirment. Je n'ai jamais reçu une seule note des services financiers ou de la direction du Sénat pour me dire que quelque chose clochait dans mes frais de déplacement. En fait, les sénateurs d'en face se souviendront à quel point le premier ministre a vanté mes mérites...

Je dois admettre, par ailleurs, que Mike Duffy est un orateur intéressant. Je dois également reconnaître qu'il a accepté beaucoup d'invitations de notre caucus parce qu'il était célèbre et que les gens voulaient l'entendre. Le premier ministre l'a louangé, comme il a louangé beaucoup d'autres membres du caucus qui avaient fait du bon travail.

J'en viens maintenant à la note de deux pages. Quelle note de deux pages? J'ai cherché partout, j'ai fouillé mes dossiers, mais je n'ai trouvé aucune note dans laquelle j'aurais approuvé la demande du sénateur Duffy concernant l'utilisation de sa propriété de l'Île-du- Prince-Édouard comme résidence principale pour lui permettre de réclamer des frais de logement à Ottawa. Pensez-y un instant, honorables sénateurs. Cette note de deux pages aurait été écrite début janvier 2009, deux ou trois semaines avant l'ouverture du Parlement et la présentation du nouveau discours du Trône, c'est-à-dire deux ou trois semaines avant que Mike Duffy ne prête serment comme sénateur.

C'est insensé. Le leader du gouvernement au Sénat ne dirige pas le Sénat. C'est le Sénat lui-même qui s'administre par l'entremise du greffier et du Comité de la régie interne. À ce moment, en 2009, les libéraux formaient la majorité au Sénat ainsi qu'au Comité de la régie interne, dont ils assumaient la présidence. Le leader du gouvernement au Sénat répond aux questions au nom du gouvernement. Il ne s'occupe pas des dépenses des sénateurs et n'approuve pas les demandes de remboursement. Prétendre que cette note mystérieuse autorisait le sénateur Duffy à réclamer le remboursement de frais plusieurs semaines avant qu'il ne prête serment est vraiment difficile à croire. Comme je l'ai dit, je n'ai aucune idée de ce que veulent dire le sénateur Duffy et son avocat, M. Bayne.

Par conséquent, je me joins à notre collègue, la sénatrice Ringuette, pour demander le dépôt de ces documents.

En conclusion, honorables sénateurs, je voudrais dire, une fois de plus, que je ne peux présenter les faits qu'au sujet des questions dont je suis au courant. Honorables sénateurs, j'en ai encore pour quelques minutes.

Des voix : D'accord.

La sénatrice LeBreton : Je voudrais simplement ajouter que l'histoire que le sénateur Duffy a racontée ici ne se fonde pas sur des faits. On est sûrement en droit de se demander de quoi il parlait et à quoi il pouvait bien penser.

Honorables sénateurs, ce n'est pas de gaieté de cœur que je songe à cette affaire. Le sénateur Duffy a eu la possibilité d'expliquer ici pourquoi il estimait que ses demandes de remboursement étaient justifiées. Il ne l'a pas fait. Par conséquent, honorables sénateurs, je félicite le leader du gouvernement au Sénat d'avoir présenté cette motion et d'avoir proposé que le Sénat règle lui-même cette affaire. Je crois que c'est la bonne chose à faire. Je crois que c'est ainsi que nous devons agir. Dans le monde réel, les gens ne continuent pas à recevoir leur traitement quand de graves questions se posent, comme c'est le cas pour le sénateur Duffy et d'autres. Je dirai simplement, honorables sénateurs, que j'applaudis la direction du Sénat. J'appuie les excellents arguments que le sénateur Carignan nous a présentés. Je voterai donc contre la motion du sénateur Cowan et en faveur de la motion du sénateur Carignan.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Nous en sommes à la période des questions et observations.

L'honorable Art Eggleton : Sénatrice LeBreton, vous avez dit que, lors de votre discussion avec le sénateur Duffy au sujet de son départ du caucus conservateur pour siéger comme indépendant, vous lui avez dit en substance : « Mike, fais le bon choix. » Je crois que c'est l'une de vos citations. Plus tard, vous avez ajouté : « Tu devrais le faire pour assurer ton avenir », ou quelque chose du même ordre. Est-ce que je me trompe?

Vous avez ensuite dit qu'en fin de compte, il avait compris la situation et avait agi en conséquence en quittant le caucus. Vous lui aviez en quelque sorte laissé entendre que tout irait bien à l'avenir s'il le faisait. Pourtant, aujourd'hui, vous dites que vous comptez appuyer la motion du sénateur Carignan, qui constitue une punition aussi sévère que ruineuse.

Comment pouvez-vous concilier ce que vous aviez alors dit au sénateur Duffy et la motion dont nous sommes saisis?

La sénatrice LeBreton : Eh bien, comme je l'ai signalé, sénateur Eggleton, la situation au 16 mai était très différente de celle qui existait au Sénat le 9 mai, moment où nous pensions que l'affaire Duffy était en fait classée. L'argent avait été remboursé. Il n'y avait plus rien à ajouter au sujet du sénateur Duffy.

(1600)

Toutefois, le 16 mai, il y avait beaucoup d'autres éléments d'information, comme nous le savons maintenant, y compris l'allégation selon laquelle il avait réclamé au Sénat le remboursement de dépenses au cours de la campagne électorale, ce qui n'est pas permis et que nous évitons tous très soigneusement. En même temps, il était payé par le Parti conservateur.

La vraie source de l'argent remboursé a fait l'objet d'une émission d'actualités à la télévision nationale dans la soirée du 14 mai et a été confirmée le 15 mai. Le 16 mai, compte tenu de tous ces nouveaux renseignements et des graves préoccupations qu'ils avaient suscitées parmi nos collègues du caucus, aussi bien ici que dans la Chambre élue, nous avons estimé qu'il valait mieux, dans l'intérêt de tous et surtout dans l'intérêt du sénateur Duffy, qu'il quitte le caucus en attendant que l'affaire soit réglée.

À ce moment-là, je n'avais aucune raison de croire que l'affaire ne serait pas réglée. J'envisageais une situation dans laquelle tous les nouveaux renseignements pouvaient être expliqués, ce qui aurait permis au sénateur Duffy de garder ses fonctions.

Je l'ai donc rassuré en lui disant que le fait de quitter le caucus et de siéger comme indépendant n'aurait d'effets ni sur son traitement de sénateur ni sur les ressources dont il peut user à ce titre.

Beaucoup d'autres renseignements ont été révélés depuis. Vous me demandez d'appliquer ce que nous savons aujourd'hui à ce que je croyais alors et à la situation que nous devions affronter le 16 mai.

La sénatrice Cools : Je voudrais poser une question.

Le sénateur Munson : Non. Nous poursuivons le débat.

Son Honneur le Président : C'est très bien. Le problème, honorables sénateurs, c'est que le temps supplémentaire est aussi écoulé. Nous poursuivons donc le débat. La sénatrice Dyck a la parole.

L'honorable Lillian Eva Dyck : Je vous remercie, monsieur le Président.

Je prends la parole pour appuyer l'amendement du sénateur Cowan, mais je n'appuie pas la motion du sénateur Carignan. Cette motion survient trop tard dans le processus et elle est fondamentalement injuste. De plus, la sanction qu'elle prévoit est beaucoup trop sévère.

Ce que nous faisons équivaut essentiellement à changer nos règles en cours de route, et ce, uniquement pour ces trois cas. Nous sommes peut-être en droit de le faire, mais cela ne veut pas dire que ce soit approprié.

J'aimerais vous lire quelques passages de la motion, que j'ai étudiée attentivement. À mon avis, elle contient une faute de logique.

La motion du sénateur Carignan commence ainsi :

Que, nonobstant toute pratique habituelle ou toute disposition du Règlement...

Nous savons tous que les dispositions de dérogation permettent de transgresser une règle en vigueur. Nous allons donc contrevenir à l'une de nos règles.

La motion dont nous sommes saisis propose donc de transgresser l'une de nos règles afin de punir des sénateurs qui ont contrevenu à d'autres règles administratives. Nous transgressons une règle; eux, ils ont contrevenu à des règles administratives. Comment peut-on réparer une injustice par une autre injustice?

Vous nous demandez de transgresser nos propres règles pour punir ces sénateurs. C'est absurde. Comment la transgression de nos propres règles peut-elle être considérée comme un moyen de protéger la dignité et la réputation du Sénat? Comme je l'ai dit, on ne peut pas réparer une injustice par une autre injustice.

Tout au long du débat, il a été précisé clairement que nous pouvions contrevenir à nos propres règles, mais cela ne veut pas dire que c'est approprié de le faire.

Dans le cas du sénateur Brazeau, nous avons suivi nos anciennes règles lors de la dernière session parlementaire. Une motion a été présentée pour ordonner le congé du sénateur, et elle a été adoptée par le Sénat.

Si nous examinons le début de cette motion sur le sénateur Brazeau qui a été présentée lors de la session parlementaire précédente, nous pouvons y lire que, conformément à l'article 15- 2(1) du Règlement, afin de protéger la dignité et la réputation du Sénat et de préserver la confiance du public envers le Parlement, le Sénat ordonne le congé du sénateur.

Cependant, les motions dont nous sommes saisis maintenant ordonnent, entre autres, une suspension sans solde et sans avantages pour les sénateurs. Ce sont des sanctions beaucoup plus sévères.

Pourquoi changeons-nous la motion concernant le sénateur Brazeau? Rien n'a changé dans cette affaire. C'est incohérent, illogique et inadmissible.

Nos règles nous permettent clairement d'ordonner le congé d'un sénateur quand il est accusé d'une infraction criminelle. C'est ce que le sénateur Carignan a confirmé en réponse aux questions que j'ai posées hier. Je vais lire ce qu'il a dit :

Le leave of absence a été créé dans l'optique où des accusations criminelles sont portées.

Il a aussi dit ceci :

Il va donc se terminer si la personne est déclarée coupable; elle va devoir tomber à ce moment-là dans l'autre section, qui est la partie concernant la suspension.

C'est une catégorie complètement différente. Le sénateur apporte la précision suivante :

C'est le cas où on a des accusations criminelles qui sont portées. Mais, dans une situation où le Sénat exerce son pouvoir disciplinaire, peu importe la raison, c'est le mot « suspension ».

Comme on l'a indiqué auparavant, il y a eu des accusations criminelles portées contre le sénateur Brazeau, mais pas contre les sénateurs Duffy et Wallin.

Rien n'a changé dans le cas du sénateur Brazeau. Pourquoi maintenant sommes-nous saisis d'une motion proposant qu'on le suspende avec salaire? Nous devrions présenter la même motion.

En proposant de suspendre sans salaire les trois sénateurs, nous enfreignons nos propres règles intentionnellement, surtout l'article 15-5(1), où il est question de la suspension des sénateurs.

L'article 15-5(1) se lit comme suit :

Le sénateur qui est déclaré coupable d'une infraction criminelle par mise en accusation et qui reçoit une sentence autre qu'une absolution est suspendu du Sénat dès la réception de sa sentence.

Lorsqu'un sénateur est déclaré coupable d'une infraction criminelle, on peut le suspendre. C'est clair que c'est le cas. Quand un sénateur est déclaré coupable d'une infraction criminelle, il ou elle peut être suspendu.

Dans un des cas, le sénateur a été accusé. Selon notre Règlement, nous pouvons mettre cette personne en congé, ce que nous avons fait.

Jusqu'à présent, les trois sénateurs n'ont pas été déclarés coupables d'une infraction criminelle. Si nous les suspendons, nous contrevenons à notre propre Règlement. La motion dont nous sommes saisis, qui vise à suspendre les trois sénateurs en question, va à l'encontre de notre propre Règlement. Il est conforme au Règlement d'ordonner un congé, mais pas une suspension sans salaire.

Comment une telle motion peut-elle rétablir la confiance du public envers le Parlement, alors que la Chambre de réflexion enfreint délibérément son propre Règlement?

Si l'intention de la motion est d'imposer une amende administrative, il est alors injuste d'imposer la sanction qu'entraînerait une condamnation au criminel.

La situation est injuste pour les trois sénateurs. Les motions dont nous sommes saisis visent non seulement à les suspendre, mais aussi à les priver de leur salaire et de leurs avantages sociaux. Le Règlement du Sénat ne permet la retenue du salaire d'un sénateur que s'il a été reconnu coupable d'une infraction criminelle. Il s'agit de l'article 15-3(4), qui porte sur la suspension des indemnités. Cet article se lit comme suit :

Lorsqu'un verdict de culpabilité est prononcé à l'endroit d'un sénateur qui était accusé d'une infraction criminelle pour laquelle il pouvait être poursuivi par voie de mise en accusation, le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration peut ordonner que soit retenue conformément à l'alinéa [article15-3](1)a) la partie de l'indemnité de session qui serait payable comme si le sénateur faisait l'objet d'une suspension.

(1610)

Honorables sénateurs, les gens s'attendent à ce que les trois sénateurs subissent certaines conséquences pour avoir apparemment utilisé à mauvais escient des fonds publics. Les gens sont en colère. J'étais en colère. On nous a tous mis dans le même panier. Cependant, l'intense couverture médiatique a provoqué une réaction exagérée et elle continue de l'alimenter. Évitons de tomber dans le panneau en agissant de façon inappropriée et en enfreignant nos propres règles. N'oublions pas le principe fondamental énoncé à l'article 15-4(5) du Règlement du Sénat. Permettez-moi de le citer :

Il est entendu que le Sénat confirme le droit du sénateur accusé d'une infraction criminelle d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l'issue d'un procès public et équitable. On ne peut attribuer au Sénat, du fait de l'application du présent article, l'intention d'émettre un commentaire ou un jugement à l'égard d'un sénateur.

En terminant, j'aimerais faire quelques brèves observations sur le processus. Si nous lisons la motion dont nous sommes saisis, nous voyons vers la fin qu'il y a une autre disposition de dérogation. Elle se lit comme suit :

Que, nonobstant les dispositions de cette motion de suspension, le Sénat confirme que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration conserve l'autorité, s'il le juge approprié, à poser tout geste relatif à la gestion du bureau et du personnel du sénateur Brazeau pendant la durée de la suspension.

Cette partie de la motion me porte à croire qu'elle cherche à retirer au Comité de la régie interne le pouvoir d'avoir imposé la sanction tout en lui rendant le pouvoir de prendre les mesures administratives qu'il juge indiquées. Est-ce acceptable? À mon avis, non.

À mon sens, la motion a usurpé le rôle du Comité de la régie interne. Toutefois, le paragraphe 19.6(1) de la Loi sur le Parlement du Canada, intitulé « compétence exclusive », dit que le comité, soit le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration :

[...] a compétence exclusive pour statuer, compte tenu de la nature de leurs fonctions, sur la régularité de l'utilisation — passée, présente ou prévue — par les sénateurs de fonds, de biens, de services ou de locaux mis à leur disposition dans le cadre de leurs fonctions parlementaires, et notamment sur la régularité de pareille utilisation au regard de l'esprit et de l'objet des règlements pris aux termes du paragraphe 19.5(1).

À mon avis, cela signifie que la Loi sur le Parlement du Canada accorde au comité la compétence exclusive, que la présente motion a usurpé cette compétence, en quelque sorte, et qu'elle propose une règle différente, prenant le contrôle du processus.

C'est comme si l'on faisait marche arrière dans les cas des sénateurs Brazeau et Duffy. Nous avons déjà adopté des motions sur les conséquences qu'ils devraient assumer. Pourquoi revenons- nous en arrière maintenant? Dans le cas de la sénatrice Wallin, c'est comme si l'on brûlait des étapes. Nous n'avons même pas encore pris connaissance du rapport la concernant.

À mon avis, la motion cherche à changer le cours normal des affaires au Sénat, et ce, en réponse aux protestations et aux pressions du public.

Adopter cette motion afin de suspendre les trois sénateurs sans rémunération ni autre indemnité n'est pas une solution juste. Et son adoption ne rétablira pas la confiance du public à l'égard du Sénat. La motion ne rétablira ni la dignité ni la réputation du Sénat. Elle fera exactement le contraire. Les Canadiens constateront que nous avons réagi de façon excessive aux pressions de l'opinion et manqué aux principes de l'équité, de la démocratie et de la justice. Par conséquent, je refuse d'appuyer la motion du sénateur Carignan.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il des sénateurs qui souhaitent poser des questions?

L'honorable David P. Smith : Oui, j'aurais une question à poser.

Sénatrice Dyck, vous vous êtes reportée à l'article 15-5(1) du Règlement et vous l'avez cité :

Le sénateur qui est déclaré coupable d'une infraction criminelle par mise en accusation...

Selon vous, l'infraction dont le sénateur Brazeau est inculpé, et qui n'a aucun lien avec les dépenses, fait-elle l'objet d'une procédure sommaire et non d'une mise en accusation? C'est votre interprétation? Cela donnerait-il plus de force au point que vous faites ressortir?

La sénatrice Dyck : Comme je ne suis pas juriste, je ne saurais répondre à cette question.

Le sénateur D. Smith : Je crois qu'en fait, il s'agit d'une accusation par procédure sommaire, ce qui renforcerait votre point de vue.

La sénatrice Dyck : Oui. Je vous en remercie.

L'honorable Jane Cordy : Je ne suis pas juriste non plus, et ma question n'aura donc rien de juridique.

Merci beaucoup de ce qui a été un excellent discours. Estimez- vous, comme j'en ai eu l'impression pendant votre intervention, que voter en faveur de la motion équivaut à prononcer une peine avant même le verdict, puisque l'enquête de la GRC n'est pas encore terminée?

La sénatrice Dyck : Oui, j'ai l'impression que la motion équivaut à une peine. C'est inadmissible. Les sénateurs ont droit à l'application régulière de la loi. Il faut respecter leurs droits. Peu importe si le public est indigné ou si je le suis, les sénateurs ont le droit à l'application régulière de la loi.

L'honorable Anne C. Cools : L'honorable sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

On nous rappelle sans cesse que le Comité de la régie interne a fait appel à la GRC. Avait-il le pouvoir de le faire? J'aurais été portée à penser que la décision devait être prise par le Sénat.

La sénatrice Dyck : Je crois que la Loi sur le Parlement du Canada autorise le comité à agir de la sorte, mais il se peut que je me trompe. Je ne connais pas tous les tenants et aboutissants de cette loi, mais peu importe qui possède ce pouvoir. Le fait demeure que la motion nous invite à enfreindre nos règles. La motion inflige une peine à ces sénateurs avant qu'ils aient eu l'occasion de se défendre. Cette question sur le pouvoir est excellente sur le plan juridique, mais le résultat demeure le même.

La sénatrice Cools : Je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est simplement qu'on en parle sans cesse. Il me semble que si le pouvoir, censément, d'adopter cette motion de suspension est revendiqué en vertu du pouvoir que le Sénat et les sénateurs possèdent à l'égard les uns des autres, ce même pouvoir aurait exigé que le Sénat lui-même prenne la décision sur l'intervention de la GRC.

C'est une réflexion qui m'est venue en vous écoutant. Il demeure que c'est une chose horrible, absolument horrible, qui est en train de se passer ici.

Son Honneur le Président intérimaire : L'honorable sénateur Nolin a la parole pour la suite du débat. Ce sera ensuite le sénateur Dallaire.

[Français]

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, dans un premier temps, je crois comprendre que nous sommes à débattre de la motion d'amendement du sénateur Cowan. Ai-je raison?

Son Honneur le Président intérimaire : Oui.

Le sénateur Nolin : Je voudrais prendre la parole sur la motion principale, mais, si je dois faire tout ensemble, je suis prêt à le faire. Je veux premièrement soulever la question de la motion d'amendement

Honorables sénateurs, cela fait plus de 20 ans que je suis ici et j'ai un énorme respect pour le droit à la dissidence qui s'exerce la plupart du temps en cette Chambre. Je ne le remets pas en question, au contraire. Je voue un énorme respect à mes collègues, de quelque côté qu'ils soient, qui décident d'exprimer leur dissidence face à une majorité, quelle qu'elle soit.

Ceci étant dit, plus tôt aujourd'hui, le Président, à l'invitation du sénateur Segal hier, a rendu sa décision. Malheureusement, j'étais absent hier, mais j'ai pris le soin de lire dans le compte rendu des débats d'hier l'étendue du rappel au Règlement de notre collègue. Je remercie le Président d'avoir rendu sa décision aussi rapidement. Il était bien éclairé de le faire parce que cette décision va nous influencer sur le rejet, malheureusement, de la motion d'amendement du sénateur Cowan.

(1620)

Son Honneur le Président a très bien saisi l'importance de la motion principale qui est devant nous. Il a aussi relevé et accepté les arguments qui ont été soulevés dans son réquisitoire par le sénateur Carignan, selon lequel personne d'autre que cette Chambre n'a l'entière autorité de trancher sur la motion présentée par l'honorable sénateur Carignan. Le Président, dans sa décision, nous dit et nous rappelle le pouvoir qui nous vient du privilège parlementaire, pouvoir que nous partageons avec nos collègues de la Chambre des communes de la Grande-Bretagne, que nous avions en 1867 et que nous avons toujours. C'est ce pouvoir — et je cite le texte de la décision prononcée un peu plus tôt aujourd'hui — qui est tout à fait indépendant et distinct des mesures pénales prises par les autorités compétentes.

J'ai beaucoup de respect pour mes collègues qui soulèvent le droit à l'aide d'un avocat, le droit à la procédure pénale, mais ce n'est pas ce dont on parle. Nous sommes confrontés à une question et nous avons à décider, nous-mêmes, et personne d'autre, si la motion présentée par le sénateur Carignan est recevable ou non. Certains vont argumenter pour et d'autres contre. Toutefois, en bout de ligne, c'est cette Chambre uniquement qui devra décider qu'elle a entendu suffisamment d'arguments pour ou contre et trancher.

Le Président nous a clairement identifié ce pouvoir. Personne d'autre que nous n'a ce pouvoir. Il revient maintenant à ceux qui ont des arguments contraires à ceux qui furent adéquatement et, d'après moi, habilement présentés par le sénateur Carignan lors de son réquisitoire, de déposer devant cette Chambre, comme l'a fait un peu plus tôt aujourd'hui l'honorable sénateur Brazeau, une ou des documentations qu'il ou elle juge appropriées pour que le débat soit fructueux. Toutefois, en bout de ligne, la décision doit être prise par nous, et personne d'autre.

Il ne faut pas tomber dans le piège. Je respecte cet argument du due process, mais nous ne sommes pas en matière pénale. Nous sommes en matière disciplinaire. Nous sommes une Chambre parlementaire, nous avons la responsabilité de nous discipliner et personne ne peut nous contester. Même les tribunaux ne peuvent contester l'exercice de ce pouvoir. La seule façon dont ce pouvoir pourrait nous être enlevé, c'est par un amendement constitutionnel en bonne et due forme. Je préviens ceux ou celles qui décideront de faire la promotion d'un tel amendement qu'ils ou elles devront se lever tôt. Ce pouvoir, nous l'avons depuis 1867 et nous avons bien l'intention de l'exercer adéquatement, dans le respect des droits de chacun. La décision doit toutefois être prise par cette Chambre.

Honorables sénateurs, par conséquent, je m'oppose à la motion d'amendement du sénateur Cowan, et je me réserve le droit de prendre la parole sur la motion principale, soit dit en passant, que je juge adéquate et recevable.

[Traduction]

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il des questions à poser à l'honorable sénateur Nolin?

Le sénateur Segal : Sénateur Nolin, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Nolin : Absolument.

Le sénateur Segal : En guise d'introduction, je dirai que je ne conteste pas le droit du Sénat de discipliner ses propres membres. J'ajouterai par contre que, si nous nous engageons dans la voie du régime disciplinaire des professions, comme le leader du gouvernement le laisse entendre, il y a des règles à respecter dans ce genre de démarche. Il y a des règles à respecter lorsque le Barreau du Québec convoque un avocat pour lui imposer des mesures disciplinaires, il y a des règles à respecter lorsque le Barreau du Haut-Canada fait la même chose. Il y a aussi des règles au collège des dentistes et au collège des médecins. Ces règles supposent que, même dans le domaine de la discipline imposée par les ordres professionnels, situation dans laquelle nous sommes, d'après le leader du gouvernement, des normes très exigeantes s'imposent lorsqu'il s'agit d'appliquer l'équivalent de la peine capitale, du point de vue professionnel, à trois de nos collègues. Voilà ce que nous faisons. La norme très sévère de l'application régulière des règles s'impose à nous autant qu'à tout le monde. Je ne remets pas en question notre droit de mettre ces principes de côté. Voici ma question : si on accepte qu'il existe un droit constitutionnel d'être arbitraire, injuste, mesquin et cruel, soutenez-vous que nous devons défendre ce droit et nous comporter en conséquence?

[Français]

Le sénateur Nolin : Nous avons le privilège parlementaire de prendre la décision que nous jugeons appropriée compte tenu des faits présentés.

Encore une fois, j'aimerais vous citer le texte de cette décision rendue un peu plus tôt aujourd'hui par Son Honneur le Président. Premièrement, le Président nous rappelle que la suspension d'un membre est une mesure grave — et vous venez d'élaborer sur les conséquences d'une telle décision. Il n'en reste pas moins, et j'ai cité un peu plus tôt ce passage de la décision, que ce pouvoir est tout à fait indépendant et distinct des mesures pénales prises par les autorités compétentes.

Un peu plus loin, le Président dit ce qui suit :

La décision du Sénat d'exercer ce pouvoir est, bien entendu, une question importante sur laquelle nous devrons nous pencher pendant ce débat.

« Nous devrons nous pencher pendant ce débat. »

C'est au cours des débats que les honorables sénateurs parviennent à se convaincre les uns les autres de la pertinence ou non d'une proposition. En fin de compte, c'est le Sénat lui- même qui décidera s'il est souhaitable ou non de suspendre un sénateur.

Je ne demande pas à cette Chambre d'avaliser une mesure illégale. Au contraire, je demande de respecter le droit parlementaire de cette Chambre, qui est de trancher sur le droit et la décision de suspendre ou non un de nos collègues. Le Président nous l'a rappelé, c'est une décision grave — j'ajouterais même très grave. C'est à nous de soupeser les faits et les preuves. On a abondamment entendu le sénateur Carignan, un peu plus tôt cette semaine, présenter ses arguments, ce que j'appelle son réquisitoire. J'ai lu les interventions de mes trois collègues identifiés dans ces trois motions. Je crois qu'ils ont soulevé des arguments qui méritent d'être approfondis.

Toutefois, cela doit être fait dans un débat ici et nulle part ailleurs. Il nous revient de trancher.

[Traduction]

Le sénateur Segal : J'accepte la prémisse de votre intervention, ainsi que votre réponse mûrement réfléchie : nous avons la responsabilité et le droit.

[Français]

Comme on dit au Québec, nous avons le droit de trancher la chose nous-mêmes, comme institution dans la Constitution fédérale et en tant qu'institution du Parlement du Canada.

[Traduction]

Quand vous dites que vous avez le droit, cependant, d'exposer les faits et de parvenir à une décision, dites-vous — et je serais étonné que vous disiez jamais chose pareille — que la façon de s'y prendre et le processus utilisé à cette fin importent peu?

[Français]

Le sénateur Nolin : J'ai trop de respect pour votre compétence pour ne pas tomber dans le piège d'une question suggestive aussi bête et méchante que celle que vous posez. Au contraire, c'est notre responsabilité de juger.

Lorsque le Président nous rappelle l'importance de notre rôle, ce n'est pas juste de dire oui ou non. Il s'agit justement d'évaluer les propositions, les faits qui sont présentés, et d'analyser les contre- arguments et les contrefaits.

Nous avons entendu quelques-uns de ces faits. Je n'étais pas ici, mais je les ai lus dans le compte rendu des débats. Il revient à chaque sénateur d'évaluer s'il ou elle désire pencher d'un côté ou de l'autre.

Nous avons entendu l'honorable sénateur Plett dire qu'il va voter contre. C'est son droit. Je vous ai parlé, au début, de mon respect pour le droit à la dissidence. Je respecte ce principe. Je suis le premier à respecter ce droit. Toutefois, loin de moi l'idée de prétendre que cette Chambre veut avaliser un déni de justice. Au contraire, j'estime qu'il nous incombe de prendre nos responsabilités et à personne d'autre.

(1630)

[Traduction]

Le sénateur Segal : Je voudrais simplement demander ceci à mon collègue. Je crois qu'il souhaite que le processus soit équitable, qu'on respecte la procédure établie et que les faits soient groupés et discutés de différentes façons. Il s'oppose à l'amendement proposé par le sénateur Cowan, qui permettrait à un comité spécial de le faire en présence d'avocats et dans le cadre d'une présentation ordonnée des faits. Croit-il vraiment — en fait, il nous a dit que c'était le cas — que nous pouvons le faire sans comité spécial, sans accorder le droit d'être accompagné par un avocat, que nous pouvons agir comme nous le faisons maintenant sans nous soucier de l'application régulière de la loi? À titre de membre distingué du Sénat, ne voit-il aucun inconvénient à ce que nous procédions de la façon dont nous le faisons maintenant?

[Français]

Le sénateur Nolin : C'est ce que j'appelle une question insidieuse. Je suis l'idée principale de votre question, mais j'ai un problème avec l'idée secondaire.

Notre Chambre a tous les pouvoirs. Le Président nous a rappelé la procédure à suivre et nos responsabilités. C'est à nous de décider si notre procédure est adéquate ou pas, et le Président reconnaît que notre procédure est adéquate.

Le Président nous a dit, à la toute fin de sa décision, que si la Chambre en vient à la conclusion que nous manquons d'information, on décidera à ce moment-là. Donc, à la limite, la motion de l'honorable sénateur Cowan est prématurée puisque nous n'avons pas terminé le débat sur la motion principale. Ce sera la Chambre qui devra décider si les arguments qui ont été présentés pour la motion et ceux qui ont été présentés contre la motion méritent d'être explorés un peu plus à fond.

Pour le moment, je crois que c'est, à la limite, prématuré. Je ne pense pas que cette motion soit recevable pour le moment, parce que nous avons devant nous suffisamment d'information, et ceux qui sont contre l'information ont tout le loisir de venir présenter, dans cette Chambre, comme l'honorable sénateur Brazeau vient de le faire un peu plus tôt aujourd'hui, de la documentation qui devrait nous aider à réfléchir sur une décision sans appel.

[Traduction]

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Je voudrais formuler un commentaire, puis poser une question si possible. Sénateur Nolin, je vous ai écouté et je suis d'accord avec vous. Je crois que nous sommes tous d'accord. Le sénateur Carignan a décrit en long et en large tous les pouvoirs que nous avons, comme le pouvoir de discipliner nos collègues. J'ai dit la même chose dans mon discours. Je ne sais pas si vous étiez présent lorsque j'ai pris la parole, mais je suis sûr que vous avez eu l'occasion de lire mon discours. Là n'est pas le problème. Le problème est celui que soulève le sénateur Segal, c'est-à-dire le processus dont vous vous servez pour parvenir à une décision.

Je vais vous lire une partie de l'amendement que je propose. Il est semblable à chacune des trois motions présentées par le sénateur Carignan. Il propose que chacune des trois motions soit renvoyée au Comité du Règlement pour étude et rapport. J'aimerais vous demander si vous convenez avec moi que rien, dans le libellé de cet amendement, ne vise à limiter en quoi que ce soit le pouvoir ultime qu'a le Sénat de prendre une décision.

Je vous affirme, en espérant que vous en conviendrez et en vous demandant si c'est le cas, que cette motion ne serait qu'un moyen de nous aider à en arriver à une solution et à une décision, en permettant à ceux d'entre nous qui ne disposent pas de renseignements suffisants pour voter sur la motion du sénateur Carignan de trouver ces renseignements. C'est une simple question de processus. J'estime — j'espère que vous êtes d'accord et je vous demande si vous l'êtes — que c'est le meilleur moyen d'aboutir à la décision qui, nous en sommes tous conscients, doit être prise par le Sénat.

Son Honneur le Président intérimaire : Honorable sénateur Nolin, demandez-vous au Sénat de vous accorder plus de temps?

Le sénateur Nolin : Oui, bien sûr.

Son Honneur le Président intérimaire : Accordez-vous plus de temps, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président intérimaire : Cinq minutes.

Le sénateur Nolin : Sénateur Cowan, je crois que nous devrions nous en tenir à la décision rendue plus tôt aujourd'hui par le Président. Le Président nous montre en détail comment procéder. Si nous aboutissons en définitive à la conclusion qu'il nous manque certains renseignements ou éléments de preuve, nous déciderons ou devrions décider de nous en remettre à un comité. Toutefois, il est encore trop tôt pour prendre cette décision.

Personnellement, je crois que nous sommes assez qualifiés pour examiner les arguments proposés par le sénateur Carignan et pour les peser par rapport aux arguments et éléments de preuve que nous ont présentés certains de nos collègues. À la fin du processus, si nous nous apercevons que nous avons besoin de plus de renseignements, il appartiendra au Sénat d'en décider. Pour le moment, je dis humblement au Sénat que votre motion est inappropriée.

L'honorable Elaine McCoy : Je crois que j'en suis à peu près au même point que les sénateurs Segal et Cowan, qui m'ont précédée. J'ai moi aussi beaucoup de respect pour vous, sénateur Nolin. J'ai pu constater au fil des ans votre connaissance approfondie du droit ainsi que le cœur avec lequel vous jugez habituellement les choses.

J'estime moi aussi que la question n'est pas de savoir si nous avons le pouvoir d'agir. Je l'ai dit plus tôt cette semaine. Nous avons de grands pouvoirs, qui entraînent de grandes responsabilités.

Je pourrais peut-être vous poser la question suivante : en nous acquittant de nos responsabilités, croyez-vous que nous devons faire preuve d'un soin particulier ou même respecter des normes de conduite dans notre comportement et les appliquer les uns envers les autres? Y a-t-il des principes quelconques qu'à votre avis, nous devrions appliquer en prenant une décision?

Le sénateur Nolin : Vous avez parfaitement raison : nous avons de grandes responsabilités.

Tout d'abord, je vous remercie de vos commentaires. Il est toujours important pour un sénateur de recevoir toutes ces fleurs, d'autant plus qu'il y a des gens qui nous écoutent.

Vous avez raison. Il nous appartient de décider si nous appliquons ces principes de justice et de respect des droits fondamentaux. Il nous appartient de décider si le processus convient. J'estime que notre Règlement nous confère les pouvoirs nécessaires et que nous avons un Président qui est là pour superviser le débat et veiller au respect des règles. Chacun de nous a le droit d'invoquer le Règlement pour assurer l'application de ces dispositions par un sénateur ou un groupe de sénateurs.

J'en arrive à votre question. Oui, absolument, nous avons le pouvoir. Il nous appartient, et à personne d'autre, de décider de la façon de nous comporter pour aboutir à la conclusion que nous demande le sénateur Carignan.

La sénatrice McCoy : Avez-vous des propositions à cet égard? Le chapitre 15 du Règlement traite des congés et des suspensions. Je l'ai relu une fois de plus. Je suppose que cela fait double emploi, n'est-ce pas? Il est question de congé en cas d'inculpation, de mise en accusation. Le congé dure jusqu'à la condamnation ou à l'acquittement. Le Règlement ajoute qu'il y a suspension en cas de déclaration de culpabilité par voie de mise en accusation. Il énumère ce qui peut arriver ensuite. Soit il y a appel et le sénateur est jugé innocent en appel, soit la condamnation est remplacée par une libération ou « le Sénat décide si le siège du sénateur doit devenir vacant en raison de sa condamnation ». Cette règle reflète évidemment les dispositions constitutionnelles. J'ai oublié l'article en question. Ce doit être l'article 33 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Le Règlement porte en fait sur ceci : une inculpation au criminel, une infraction par mise en accusation et ce qui se passe jusqu'à ce que l'affaire soit réglée, ainsi que les diverses étapes qui vont du congé à la suspension. Rien de tout cela ne s'applique en l'espèce, pas même dans le cas du sénateur Brazeau. J'ai posé la question plus tôt aujourd'hui pour confirmer mon interprétation. Son inculpation au pénal est une accusation par procédure sommaire.

(1640)

En fait, aucune de nos règles ne s'applique pour le moment. Nous sommes en territoire inconnu, mais cela ne veut pas dire que nous n'avons pas le pouvoir de faire le débat et de parvenir à une conclusion sur la motion dont nous sommes saisis, la motion du sénateur Carignan.

Diriez-vous qu'il y a pour nous des principes de conduite ou des principes de droit que nous devrions appliquer, ou encore des principes de procédure et d'application régulière de la loi auxquels nous pourrions faire appel dans l'étude de cette affaire?

[Français]

Le sénateur Nolin : Dans un premier temps, monsieur le Président, je dois redemander la permission à mes collègues de poursuivre le débat pour cinq minutes supplémentaires, si c'est possible.

Des voix : D'accord.

[Traduction]

Le sénateur Nolin : La réponse est la suivante : le Règlement prévoit déjà ce pouvoir. D'abord, il faut lire correctement ce que le sénateur Carignan nous demande et la partie du Règlement qu'il invoque. En somme, il cite l'article 15-2(1) :

Le Sénat peut ordonner le congé ou la suspension d'un sénateur s'il l'estime justifié.

Voilà ce que le sénateur Carignan nous demande. Il ne s'agit pas d'approche pénale, de procédure sommaire ni de condamnation. C'est le piège que nous devons éviter et dont je parlais tout à l'heure. Il ne s'agit pas d'une accusation au pénal, et le Président nous l'a rappelé dans sa décision. Il n'y a rien de pénal. C'est une affaire disciplinaire. Cela est du domaine de ce qu'on demande au Sénat, aux termes de l'article 15-2 du Règlement.

Il nous appartient de décider si nous avons le pouvoir. Sauf erreur, nous convenons tous que nous l'avons.

Vous me demandez s'il y a des règles ou des procédures que nous devrions adopter. J'estime que tout se trouve déjà dans le Règlement et les coutumes. N'oublions pas que le Sénat s'inspire du vieux processus parlementaire britannique, ce que la sénatrice Cools nous rappelle. J'aime bien ses interventions, car elle nous explique que nous avons derrière nous une très longue histoire de coutumes. Toutes ces coutumes s'appliquent, sous la gouverne éclairée du Président, lorsque nous sommes appelés à prendre des décisions très graves, après nous être prononcés sur les trois motions du sénateur Carignan.

Nous avons toutes les règles et, s'il nous en manque une, c'est à nous de la créer, mais je ne vois pas quelle règle que nous devrions avoir nous fait défaut.

La sénatrice Fraser : La période des questions est terminée.

Le sénateur D. Smith : Pourrais-je avoir cinq minutes?

La sénatrice Fraser : Il en a eu plus de cinq.

Le sénateur D. Smith : Il m'a donné la parole.

La sénatrice Fraser : Votre Honneur, nous avons accordé cinq minutes, et elles ont pris fin juste après la dernière question de la sénatrice McCoy, et, de ce côté-ci, nous avons permis au sénateur Nolin de répondre.

Le sénateur Smith veut participer au débat, maintenant? Formidable.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je croyais que nous en étions toujours au temps de parole du sénateur Nolin, puisqu'on lui a accordé plus de temps. Je sais que d'autres sénateurs ont des observations à faire ou des questions à poser. Je croyais que le sénateur Smith voulait faire un commentaire ou poser une question, mais on me dit maintenant qu'il veut intervenir dans le débat.

Le sénateur D. Smith : Si je peux poser une question au sénateur, je le ferai. Sinon, je ferai ma propre intervention.

Son Honneur le Président : Vous avez parfaitement le droit de participer au débat. Pourquoi ne vous réservez-vous pas, de façon que le sénateur Eggleton puisse poser une question?

Le sénateur Eggleton : Honorables sénateurs, il y a un autre élément dont il a été question hier, et cela ne concerne ni la question du pouvoir ni celle du droit du Sénat de se prononcer en la matière. Il s'agit plutôt de savoir s'il est sage d'agir comme nous le faisons, compte tenu de l'enquête de la GRC qui se poursuit.

Hier, le sénateur Baker a cité une abondante jurisprudence qui montre qu'il s'agit ici d'un processus judiciaire qui, en fait, risque d'entraver la capacité de la GRC de mener son enquête et de saisir les tribunaux. Le sénateur s'est expliqué longuement, et peut-être avez-vous lu son intervention.

Que pensez-vous de cet aspect, du fait de s'ingérer dans l'enquête policière et peut-être d'empêcher les policiers de faire leur travail?

Le sénateur Nolin : Sénateur Eggleton, ce n'est pas nouveau. Vous et moi aimons notre profession d'avocat : moi au Québec, et vous en Ontario.

Une voix : Il n'est pas avocat.

Le sénateur Nolin : Il n'est pas avocat? Désolé. Certains d'entre nous ont ce privilège et nous sommes habitués à nous faire poser des questions de nature disciplinaire. Vous ne voulez pas ça et vous essayez de faire en sorte que cela n'arrive pas, mais cela pourrait se produire lorsque la police fait enquête sur ce que vous avez fait avec votre compte en fiducie, ou sur ce que vous n'avez pas fait en défendant vos clients. Il n'est pas rare de voir les deux coexister : le volet disciplinaire et le volet pénal. Les êtres humains et les juges — les Parlements sont composés d'êtres humains — sont, je l'espère, capables de faire la distinction entre des droits, des responsabilités, des accusations criminelles et des mesures disciplinaires. C'est ce qui fait que nous sommes des êtres humains. Je pense que les gens qui sont ici sont tout à fait capables d'évaluer les conséquences des décisions qu'on nous demande de prendre.

Si l'on demande aux tribunaux de trancher, ce que je ne souhaite pas, ceux-ci vont le faire en se fondant sur les éléments de preuve dont ils disposeront.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous reprenons le débat. Le temps accordé au sénateur Nolin, même avec les quelques minutes supplémentaires, est écoulé.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, je ne veux en aucune façon interrompre le débat. Je sais qu'un bon nombre de sénateurs souhaitent encore prendre la parole, mais je veux mentionner quelques points.

Premièrement, je veux dire très clairement qu'au moment où le Comité de la régie interne a rédigé ses rapports originaux sur les trois sénateurs, j'étais un membre substitut du comité. J'ai voté en faveur des rapports. Je les ai appuyés sans réserve. J'ai voté en faveur de deux de ces trois rapports au Sénat — à savoir les deux qui ont été présentés au Sénat — et je me suis exprimée en faveur de ces documents. Je pense qu'il est essentiel que l'argent qui a été réclamé à tort — des deniers publics, l'argent des contribuables — soit remboursé avec les intérêts. Je ne changerai jamais d'idée sur ce point.

Comme tout le monde, je suis d'avis que le Sénat a le droit et même le devoir de sanctionner les sénateurs qui ont commis des actes qu'ils n'auraient pas dû commettre.

J'étais d'accord avec le sénateur Cowan le printemps dernier lorsqu'il disait regretter que le Comité de la régie interne n'ait pas proposé de sanctions. À mon avis, cela aurait été le moment approprié de le faire. Cela dit, je crois comprendre pourquoi le comité ne l'a pas fait. À l'époque, le comité, qui a fait une étude minutieuse et réfléchie, ne s'est pas préoccupé des circonstances entourant les réclamations qui n'auraient pas dû être approuvées. Il ne s'est pas non plus arrêté aux motifs. Je ne vais pas utiliser l'expression mens rea, parce que je ne veux pas parler d'affaires criminelles. Quoi qu'il en soit, le Comité de la régie interne ne s'est pas penché sur cet aspect. Il a seulement tenté de déterminer si des montants avaient été réclamés alors qu'ils n'auraient pas dû l'être, et si ces montants devraient être remboursés. Les vérificateurs et le comité se sont uniquement intéressés à cet aspect. Je peux comprendre pourquoi le comité n'a pas imposé de sanctions.

C'est là où nous en étions le printemps dernier et, comme certains l'ont mentionné, cette façon de faire correspondait à ce qui s'était fait par le passé.

Voilà maintenant que, plusieurs mois plus tard, trois motions identiques prévoyant des sanctions surgissent de nulle part. Ce sont des motions identiques, même si les trois cas sont différents. Les circonstances de chacune de ces affaires ne sont pas les mêmes, les comportements recensés par les vérificateurs ne sont pas les mêmes et les montants d'argent ne sont pas les mêmes, mais qu'à cela ne tienne, à la dernière minute, on nous propose une approche unique en ce qui concerne les sanctions.

(1650)

Si je peux m'exprimer ainsi, il s'agit d'une tout autre façon d'envisager la politique relative aux peines minimales obligatoires. En fait, on pourrait même faire valoir qu'on instaure ainsi des peines maximales obligatoires, car comme vous le savez, chers collègues, la suspension sans salaire arrive au second rang des sanctions les plus sévères que le Sénat peut imposer, la plus sévère consistant à déclarer un siège vacant. La suspension sans salaire est la seconde sanction la plus sévère. Elle est rarement imposée, et elle ne devrait l'être qu'après qu'on eut très bien pesé la situation, car le fait d'imposer une suspension sans salaire, et plus particulièrement une suspension de durée illimitée, comme on le propose dans les cas qui nous occupent, pourrait créer un précédent très dangereux. En effet, une majorité de sénateurs — et je ne parle pas nécessairement d'une majorité de sénateurs de la même allégeance, mais bien d'une majorité de sénateurs déterminés et en colère — pourrait imposer une sanction à n'importe quel sénateur si elle juge que sa conduite est répréhensible, et ce, même si le sénateur ne faisait qu'exercer son droit à la dissidence, comme le sénateur Nolin l'a dit de façon si éloquente plus tôt. C'est un précédent dangereux.

Oui, nous avons le pouvoir légal de procéder de cette façon, mais, pour paraphraser ce que le sénateur Plett a dit plus tôt, ce n'est pas parce qu'une chose est légale qu'elle est correcte. Je dois dire que les Canadiens suivent de près nos délibérations et que mon bureau reçoit beaucoup de courriels, qui indiquent précisément que nous ne devons pas porter de jugement hâtif dans cette affaire.

Dès le départ, j'ai appuyé la motion du sénateur Cowan, qui consiste à renvoyer la question au Comité du Règlement afin qu'il l'étudie soigneusement. J'étais déjà convaincue qu'il était nécessaire que le comité étudie ces motions, et cette conviction a été renforcée après les débats qui ont eu lieu jusqu'à maintenant, qui d'ailleurs se poursuivront. Cela dit, cette semaine, nous avons déjà entendu des déclarations selon lesquelles on aurait confirmé par écrit à certains de ces sénateurs que les dépenses pour lesquelles ils réclamaient un remboursement étaient admissibles. Dans un tel contexte, on peut facilement comprendre pourquoi une personne a agi comme elle l'a fait, même si, par la suite, on a appris que ces dépenses n'étaient finalement pas admissibles.

Nous avons entendu des affirmations carrément contradictoires à propos de ces déclarations. La sénatrice LeBreton a carrément dit que certains des propos du sénateur Duffy et de la sénatrice Wallin étaient faux. Ce n'est pas quelque chose que nous pouvons trancher dans cette enceinte. Nous tenons pour acquis que les sénateurs, lorsqu'ils prennent la parole au Sénat, disent la vérité. Peut-être croient-ils tous dire la vérité, mais nous ne pouvons pas tirer cela au clair simplement en débattant ici.

L'essentiel, c'est d'étudier très attentivement les arguments que le sénateur Baker a soulevés hier dans son discours percutant sur les ramifications juridiques de ce que nous envisageons de faire. Je sais que les juristes ne partagent pas tous son avis, mais j'en connais tout de même certains qui sont d'accord avec lui. Il est inconcevable de même envisager d'entreprendre au Sénat une procédure qui pourrait compromettre une enquête criminelle. Ce n'est pas ainsi qu'on fait les choses dans ce pays. Il faudrait nous assurer autant que possible que nos actions ne pourraient pas avoir une telle conséquence. Là encore, c'est quelque chose qui ne peut se décider qu'au moyen d'un examen du comité, avec l'aide de témoignages d'experts.

J'ai aussi été frappée par une suggestion que le sénateur Carignan a formulée, mardi, dans son discours-fleuve, à savoir que les trois sénateurs en cause avaient commis un outrage au Parlement. Le discours-fleuve évoluait surtout en terrain connu, mais, sur ce point, il nous a proposé un élément de réflexion encore inédit. En fait, cela tend à me conforter dans mon opinion : il faut renvoyer la question au Comité du Règlement, car l'outrage s'apparente à une question de privilège, quelque chose qui relève habituellement du Comité du Règlement. Cependant, il y a d'autres éléments à considérer.

À l'avant-plan, il y a l'intérêt public, dans le meilleur sens du terme, mais aussi en ce sens que la population s'intéresse à ce dossier. Il est nettement dans l'intérêt public de trancher ces questions de manière équitable, après les avoir étudiées comme il se doit, mais sans retard indu. Je constate que le Comité du Règlement n'existe pas encore, mais il risque d'exister à la fin de la séance d'aujourd'hui.

Oh, il existe, mais il n'a pas encore tenu sa réunion d'organisation. Il faudra du temps. Rien ne sera fait avant la semaine prochaine, mais surtout, le Comité du Règlement n'a aucun élément d'appréciation par rapport à ces dossiers. Il partirait de zéro.

Par contre, on pourrait soutenir que le Comité de la régie interne a déjà effectué la moitié du travail dans ces dossiers. Et il existe déjà. Il a déjà tenu une réunion depuis la prorogation.

Je conclus, par conséquent, que, tout bien considéré, il serait dans l'intérêt du public que l'affaire soit confiée au Comité de la régie interne. J'estime, par ailleurs, que les membres de ce comité dont la conduite a été directement en cause dans ce débat devraient se récuser. Je pense que le Comité de la régie interne pourrait achever le travail qu'il a entrepris avec tant de rigueur l'hiver dernier. Par conséquent, je propose un amendement.

Motion d'amendement

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose :

Que la motion soit modifiée par remplacement des mots « du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement » par les mots « de la régie interne, des budgets et de l'administration ».

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Ce sous-amendement peut maintenant être débattu. Le sénateur Segal voudrait poser une question à la sénatrice Fraser.

L'honorable Hugh Segal : Sénatrice, vous avez indiqué avoir pris part aux débats, ici et au comité, sur deux des trois rapports en cause concernant la question des dépenses. J'ai eu l'occasion d'assister à la troisième série de réunions, qui ont eu lieu les 12 et 13 août et se rapportaient à la sénatrice Wallin. Même si je crois fermement à l'intégrité et à la bonne foi de tous ceux qui ont siégé à ce comité, y compris vous, je suis persuadé — et j'exposerai mon point de vue quand la motion concernant la sénatrice Wallin sera appelée — que la structure et le processus général d'examen du comité manquaient totalement d'objectivité.

Mon problème — j'aimerais savoir ce que vous en pensez — est le suivant : si on renvoie au même comité, dont on exclut une ou deux personnes, une proposition au sujet de laquelle certains d'entre nous seront d'avis qu'ils n'ont aucunement fait preuve de mauvaise foi, mais dont la façon de procéder a donné un résultat qui, selon moi, manque sérieusement d'impartialité, n'engendre-t-on pas une situation qui rendra encore plus difficile de découvrir la vérité, car le comité maintiendra les conclusions auxquelles il était parvenu auparavant, même s'il était mal informé et que la manière dont il y est arrivé était erronée et injuste?

La sénatrice Fraser : Sénateur Segal, après mes observations, vous aurez compris que je ne suis pas d'accord pour dire qu'ils ont travaillé de façon biaisée. Je pense qu'ils ont voulu se prononcer sur des faits, ce qui est très différent de l'étude dont nous discutons relativement à l'amendement du sénateur Cowan. Ils ont tenté de déterminer si des dépenses ont été réclamées alors qu'elles n'auraient pas dû l'être. Ils ne se sont pas penchés sur la question des sanctions. Par conséquent, ils n'ont pas cherché à savoir s'il existait des motifs ou des circonstances atténuantes ou aggravantes. Ils ont simplement regardé les faits, comme les agents du fisc. Les agents du fisc ne se préoccupent pas de savoir pourquoi vous avez présenté une réclamation à laquelle vous n'aviez pas droit. Ils rendent uniquement une décision. C'est ce qu'a fait le Comité de la régie interne.

(1700)

L'étude dont je parle maintenant est très différente, et je crois savoir que c'est le genre d'étude à laquelle le sénateur fait allusion. J'essaie simplement de concilier tout cela. Je crois vraiment qu'il est dans l'intérêt public de régler ce dossier équitablement et sans retard inutile.

Je soutiens que le Comité de la régie interne, qui a déjà examiné les faits, serait en mesure de terminer l'étude. Après avoir vu le comité à l'œuvre et avoir compris sa démarche à l'époque, je crois qu'il est parfaitement capable de mener cet exercice. Je pense que n'importe quel comité du Sénat, particulièrement lorsqu'il s'agit d'un dossier aussi important, travaillerait avec diligence et ferait tous les efforts possibles pour assurer l'équité. Toutefois, ce dont nous discutons maintenant n'est pas la même chose que ce dont parlait le comité le printemps dernier, ce qui peut expliquer la frustration ressentie par certains sénateurs qui ont participé au processus à ce moment-là.

Le sénateur Segal : J'ai une question complémentaire.

Dois-je comprendre que l'objet de votre amendement est de faire en sorte que le comité, moins une ou deux personnes, se penche sur le libellé des motions qui nous ont été présentées par le leader du gouvernement, afin de pouvoir examiner librement des expressions comme « négligence grossière », par opposition à « négligence »? Le comité serait libre d'examiner les horribles sanctions prévues dans la motion et de dire s'il estime que ces sanctions sont appropriées. Il pourrait aussi obtenir des avis juridiques, comme l'a proposé le sénateur Cowan, relativement à des considérations telles que les options, la latitude, l'équilibre et l'équité dans le cadre de son fonctionnement. Ces aspects seraient abordés et, selon vous, même si ce n'est pas ce que fait le comité dont nous parlons maintenant, la proposition dont vous parlez garantirait aux personnes la possibilité d'avoir recours à un avocat et d'être pleinement représentées afin de donner leur version des faits. Évidemment, une telle façon de faire pourrait nécessiter un renvoi distinct du Sénat au comité. J'aimerais avoir votre avis éclairé là-dessus, puisque vous êtes ici depuis bien plus longtemps que moi.

La sénatrice Fraser : Je suis plus âgée que vous également!

Je ne veux pas me mettre à donner des conseils aux comités sur la méthode précise qu'ils doivent employer pour faire leur travail. Je prétends que, ce qu'il faut, c'est procéder à une étude approfondie et attentive de la question, sans qu'elle soit retardée indûment.

Le sous-amendement que je propose donnerait au Sénat le droit de choisir entre deux comités. Je ne peux imposer ni l'un ni l'autre. Je fais une suggestion de bonne foi.

Son Honneur le Président : Honorable sénateurs, la période accordée à la sénatrice Fraser est écoulée. Toutefois, plusieurs sénateurs ont indiqué qu'ils souhaitaient formuler d'autres observations ou poser des questions. C'est à la sénatrice Fraser de décider si elle veut demander davantage de temps.

L'honorable Gerald J. Comeau : Cinq minutes?

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord?

La sénatrice Fraser : Oui.

Son Honneur le Président : Le sénateur Comeau a la parole.

Le sénateur Comeau : Merci beaucoup. Je ne dirai pas si j'appuie votre sous-amendement ou non.

Je vous sais gré des dernières observations que vous avez formulées à propos du travail du comité, en réponse à la question du sénateur Segal. À mon avis, le comité est composé des personnes les plus compétentes avec lesquelles j'ai eu l'honneur de travailler au fil des ans, et je ne souscris pas à l'idée qu'elles soient le moindrement partiales. J'apprécie le bon travail que ces personnes ont effectué au nom du Sénat et je les en félicite.

Au début de vos observations, sénatrice Fraser, vous avez mentionné que le sénateur Cowan avait été déçu que le Comité de la régie interne n'ait pas prévu de sanctions. Je me demande si le sénateur sait que le comité n'a pas l'autorité nécessaire pour le faire et qu'il s'en est strictement tenu aux pouvoirs prévus dans le cadre de son mandat, qui consistaient à faire une analyse des demandes d'indemnités fondée sur les faits, et qu'il ne pouvait pas se lancer dans la question des sanctions. Je me demandais si vous étiez au courant de cela.

La sénatrice Fraser : Si j'ai dit que je pensais que le comité aurait dû imposer des sanctions, je me suis mal exprimée, mais je crois que le mandat du comité lui permettait de formuler dans son rapport à l'intention du Sénat des recommandations concernant des sanctions.

Le sénateur Cowan : C'est aussi ce que j'ai dit.

L'honorable Elaine McCoy : Sénatrice Fraser, accepteriez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Fraser : Oui.

La sénatrice McCoy : Je commencerai par un commentaire. Je pense que le Comité du Règlement sera prêt à commencer ses travaux assez rapidement, mais passons rapidement sur ce commentaire. Je me demande si cette proposition a été mûrement réfléchie parce que, comme vous l'avez mentionné, et je pense que vous avez parfaitement raison, il s'agit d'une question d'intérêt public très importante, et ce, dans les deux sens du terme, comme vous l'avez aussi souligné. Je me demande si le comité sera considéré comme étant suffisamment impartial, étant donné qu'il est déjà intervenu dans ces dossiers et vu l'intérêt que le public a porté à la façon dont ces dossiers ont été traités dans certains cas. Je me demande simplement si, ainsi, nous ne poussons pas le public au cynisme.

La sénatrice Fraser : D'une certaine façon, sénatrice McCoy, vous reprenez quelques-unes des observations que le sénateur Plett a formulées plus tôt aujourd'hui.

Je répète que nous avons maintenant le choix entre deux comités, et les sénateurs peuvent certainement choisir l'un ou l'autre. Mais j'ajouterais que la nature même du Sénat fait en sorte qu'il est composé en grande partie de politiciens partisans, bien que ce ne soit pas votre cas. Selon mon expérience dans cette enceinte, les sénateurs s'acquittent de leur mandat avec beaucoup d'attention et de sérieux lorsqu'ils sont saisis de graves questions d'actualité, et, ce qui compte, c'est la qualité du travail que nous faisons.

Il y aura toujours des sceptiques et des détracteurs, mais je crois que le travail des sénateurs dans cette enceinte et dans l'un ou l'autre des comités sera fait de manière juste et équitable.

La sénatrice McCoy : Je n'ai aucune objection à me fier aux talents de nos sénateurs. C'est également ce que mon expérience m'a permis de constater.

Je vous remercie de reconnaître mon indépendance. Vous savez à quel point j'abhorre les jeux politiques qui, à mon avis, sont surabondants au Sénat; toutefois, j'ai vu de l'excellent travail s'effectuer au sein des comités. C'est la force du Sénat, et je continue de féliciter chaque sénateur qui participe de cette façon.

J'ai une question complémentaire. D'ailleurs, le sénateur Segal s'en allait dans cette direction. Je n'ai pas bien compris le mandat de l'étude que vous confieriez au comité. Le sénateur Comeau a mentionné le mandat officiel du comité. Selon le Règlement du Sénat, le Comité de la régie interne est notamment chargé « de prendre des mesures à l'égard des questions financières et administratives, de donner son avis et de statuer sur la régularité de l'utilisation des ressources du Sénat », alors que le Comité du Règlement est chargé notamment d'examiner les pratiques du Sénat et donc, implicitement, des sénateurs. N'est-ce pas là un facteur auquel il faut réfléchir davantage?

La sénatrice Fraser : Puis-je répondre brièvement, chers collègues?

Son Honneur le Président : La sénatrice Fraser a la parole pour une brève réponse.

La sénatrice Fraser : Sénatrice McCoy, à mon avis, un ordre de renvoi du Sénat, car c'est ce dont il s'agirait, a préséance sur tout mandat permanent énoncé dans le Règlement. Il arrive que nous confiions une étude à un comité qui n'est pas le choix le plus évident, mais il y a de bonnes raisons de le faire dans les circonstances.

Son Honneur le Président : Nous reprenons le débat. La sénatrice Champagne a la parole.

(1710)

[Français]

L'honorable Andrée Champagne : Honorables sénateurs, je voudrais avoir votre permission pour prendre trois minutes de notre temps, pas davantage, pour tenter d'alléger un peu l'atmosphère qui nous entoure depuis 48 heures. À certains et certaines d'entre vous, je rappellerai des souvenirs de collège, mais, à mon avis, ce texte s'avère un conseil amical qui devrait être lu à tous les parlementaires le jour de leur assermentation.

Braves gens, prenez garde aux choses que vous dites!
Tout peut sortir d'un mot qu'en passant vous perdîtes;
Tout, la haine et le deuil!
Et ne m'objectez pas que vos amis sont sûrs et que vous parlez bas.
Écoutez bien ceci :
Tête-à-tête, en pantoufle,
Portes closes, chez vous, sans un témoin qui souffle,
Vous dites à l'oreille du plus mystérieux
De vos amis de cœur ou si vous aimez mieux,
Vous murmurez tout seul, croyant presque vous taire,
Dans le fond d'une cave à trente pieds sous terre,
Un mot désagréable à quelque individu.
Ce mot — que vous croyez que l'on n'a pas entendu,
Que vous disiez si bas dans un lieu sourd et sombre — Court à peine lâché, part, bondit, sort de l'ombre;
Tenez, il est dehors! Il connaît son chemin;
Il marche, il a deux pieds, un bâton à la main,
De bons souliers ferrés, un passeport en règle;
Au besoin, il prendrait des ailes, comme l'aigle!
Il vous échappe, il fuit, rien ne l'arrêtera;
Il suit le quai, franchit la place, et caetera;
Passe l'eau sans bateau dans la saison des crues,
Et va, tout à travers un dédale de rues,
Droit chez le citoyen dont vous avez parlé.
Il sait le numéro, l'étage; il a la clé,
Il monte l'escalier, ouvre la porte, passe, entre, arrive
Et railleur, regardant l'homme en face dit :
« Me voilà ! Je sors de la bouche d'un tel. »Et c'est fait. Vous avez un ennemi mortel.

Je n'ai pas écrit ce texte, il est de Victor Hugo. Je m'excuse auprès de nos interprètes, que j'ai dû amener dans des chemins bien tortueux.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je précise que l'intervention du sénateur Smith portera sur l'amendement proposé par la sénatrice Fraser.

Le sénateur Mercer : Le sous-amendement.

L'honorable David P. Smith : Merci, Votre Honneur.

Mon avis sur ce sous-amendement est très clair. Je reviens à l'argument avancé par le sénateur Nolin, qui croit fermement que nous sommes les maîtres de notre propre Chambre et de sa procédure.

Supposons que ce soit juste. L'autre jour, j'ai cité quelques dispositions de la Charte des droits — une phrase ou deux seulement — selon lesquelles tout inculpé — on ne parle pas d'infraction criminelle, pas plus qu'on ne se limite à ce genre d'infraction — a le droit d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l'issue d'un procès public et équitable.

Si nous allons de l'avant, et je ne m'y opposerai pas, je tiens à ce que nous exercions ces droits conformément à des principes d'éthique, et ceux inscrits dans la Charte me paraissent tout à fait convenables. Je ne débattrai pas en long et en large de l'applicabilité de la Charte, mais je crois que l'article 32 démontre qu'elle s'applique au cas qui nous occupe.

Prenons l'exemple du processus mené par le comité précédent. Si on veut un procès public et équitable mené par un tribunal indépendant et impartial, il me semble qu'on devrait avoir droit aux services d'un avocat, compte tenu de la sévérité de ces sanctions...

Le sénateur Moore : Cela ne fait aucun doute.

Le sénateur D. Smith : — qui sont beaucoup plus lourdes que les peines associées à bon nombre d'actes criminels —, ainsi que le droit d'avoir recours à un avocat et celui de poser des questions aux témoins qui ont fourni les éléments de preuve sur lesquels se fondent la conclusion que vous avez enfreint les règles.

Voilà le genre de cadre éthique qui me rassurerait. Oui, nous pouvons être maîtres chez nous, mais je ne voudrais pas qu'on devienne une bande de lyncheurs. Je veux pouvoir compter sur une boussole morale. S'il m'apparaît que nous pourrons en créer une, alors d'accord. Je crois fermement qu'une personne qui fait face à des accusations aussi graves... Le Canada est-il vraiment un pays où on respecte les droits de la personne et la procédure établie? Eh bien, prouvons-le.

Des voix : Bravo!

L'honorable John D. Wallace : Sénatrice Fraser, accepteriez-vous de répondre à une ou deux questions?

La sénatrice Fraser : Oui. Donnez-moi un instant pour placer mon écouteur.

Son Honneur le Président : Sénateur Wallace, nous poursuivons le débat. Souhaitez-vous y participer?

Le sénateur Wallace : Nous avons devant nous deux propositions concernant l'amendement de la motion, l'une soumise par le sénateur Cowan, l'autre par la sénatrice Fraser. Je me pencherai d'abord sur la proposition de la sénatrice Fraser. Je crois qu'en fait, elles reposent toutes les deux sur la même question fondamentale, celle de l'application de la procédure établie.

Le sénateur Moore : Exactement.

Le sénateur Wallace : La sénatrice Wallin nous a parlé avec beaucoup de conviction de ses préoccupations à l'époque où son dossier, ce même dossier que nous étudions aujourd'hui, était entre les mains du Comité permanent de la régie interne. Si je me souviens bien, elle a fortement critiqué la façon de procéder adoptée par le Comité et indiqué qu'on ne l'avait pas laissée comparaître aux moments où elle l'aurait souhaité ni faire appel à un avocat. Est-ce exact ou non, je ne saurais le dire, mais je crois que nous avons tous entendu ces remarques.

Compte tenu de cela, je pense que ce serait une grave erreur de proposer, dans l'intérêt du respect des règles et de la transparence, que la question soit à nouveau renvoyée au bureau de la régie interne; en effet, la sénatrice Wallin a déjà fait savoir au Sénat que des garanties procédurales ne lui avaient pas été accordées jusqu'à présent. Il ne nous suffit pas de veiller ou de chercher à veiller au respect de toutes nos procédures, mais il faut qu'il y ait clairement perception, surtout de la part des personnes directement concernées par ces procédures, en l'occurrence les trois sénateurs, de nos efforts en ce sens.

J'aimerais également ajouter que le bureau de la régie interne a joué un rôle essentiel dans les motions principales concernant ces trois sénateurs.

Les motions présentées par le sénateur Carignan sont très sérieuses et prévoient de graves sanctions à l'endroit de nos collègues. Lorsque nous les étudierons, nous devrons, bien connaître les règles en vigueur au Sénat et la façon dont elles s'appliquent, en l'occurrence.

Il est tout aussi important, toutefois, de prendre connaissance des faits se rapportant à chacun des cas, de comprendre comment les règles s'appliquent dans ces circonstances et de soupeser le tout par rapport aux sanctions qu'on nous demande d'imposer aux termes des motions du sénateur Carignan.

Nous avons pris connaissance des faits dans le rapport du bureau de la régie interne et des rapports de Deloitte que le comité avait commissionnés. À mon avis, le bureau de la régie interne et la firme ont fait leur travail et chacun d'entre nous aura l'occasion de juger leur travail ainsi que les faits qu'on nous a présentés. La sénatrice Wallin, par exemple, a exprimé ses opinions à ce sujet, et je suis sûr qu'on en reparlera davantage à une date ultérieure.

Cela dit, les faits ayant été présentés, seul le Sénat a le pouvoir de se prononcer sur les sanctions visant les trois sénateurs qui sont proposées dans les motions du sénateur Carignan.

(1720)

C'est nous qui devons prendre la décision, à la lumière de toute l'information factuelle qui aura été présentée pour chaque motion visant un sénateur. Les faits sur lesquels sera fondée notre décision nous seront fournis par le travail du Comité de la régie interne, le rapport de Deloitte et toute autre information factuelle qui sera transmise au Sénat par les trois sénateurs.

Le sénateur Brazeau, par exemple, a déposé un document, que j'ai bien hâte de voir, et je suis certain que nous en tiendrons tous compte. D'autres faits seront présentés.

En conclusion, je vous dirais que, ayant déjà demandé au Comité de la régie interne de procéder à l'examen nécessaire et fort utile des motions du sénateur Carignan, de formuler une opinion et de se prononcer sur les questions mêmes auxquelles nous devons répondre en cette enceinte — à savoir : Les sanctions sont-elles appropriées? Y a-t-il eu faute grave? Les actes commis constituent-il des fautes graves? — et compte tenu des procédures suivies et des faits dont nous disposons, il serait tout à fait déplacé de demander au Comité de la régie interne de s'en mêler. Merci.

La sénatrice Fraser : Le vote!

L'honorable Patrick Brazeau : Est-ce que le sénateur Wallace accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Wallace : Certainement.

Le sénateur Brazeau : Sénateur Wallace, je vous remercie de votre intervention, bien que je ne sois pas vraiment surpris. Vous avez dit que vous aviez hâte de voir le document que j'ai déposé ici aujourd'hui et cela ne me surprend pas. Je me suis entretenu personnellement avec un grand nombre de nos collègues ici et ils n'étaient pas au courant de certains faits que j'ai présentés, y compris du document que j'ai mentionné aujourd'hui.

En fait, j'ai parlé de ce document pour la première fois lorsque j'ai comparu devant le sous-comité de la régie interne, et j'ai aussi mentionné son existence aux médias, au printemps dernier.

Nous parlons beaucoup des droits et des pouvoirs dont cette Chambre dispose et qui lui permettent de décider de la suite des événements dans trois affaires tout à fait différentes et distinctes, mais ce qui me préoccupe d'abord et avant tout et fait l'objet de nombreuses questions de ma part est le processus, et ce, depuis le tout début.

J'ai comparu devant le sous-comité. J'ai demandé à plusieurs reprises de pouvoir comparaître devant le Comité de la régie interne, car je ne savais même pas quels étaient les faits qu'il avait utilisés pour tirer ses conclusions dans mon cas. Je ne peux pas parler au nom de mes deux autres collègues.

J'ai demandé qu'on me dise précisément quelles étaient les règles que j'avais enfreintes. Je n'ai pas eu de réponse.

J'ai demandé qu'on me dise précisément à quel endroit on pouvait lire, dans le rapport de la firme Deloitte, que j'avais enfreint une quelconque règle. Je n'ai pas eu de réponse.

J'ai écrit à chacun d'entre vous pour vous demander de me permettre de comparaître devant le Comité de la régie interne ou une autre instance afin que je puisse défendre mes arguments, car chaque fois que j'ai formulé cette demande, j'ai essuyé un refus.

Il est question du respect des garanties procédurales. Croyez-vous que, en ce qui me concerne, on a respecté la procédure établie?

Le sénateur D. Smith : Non, ce n'est pas ce qu'on a fait.

Le sénateur Wallace : Sénateur, le sénateur Carignan a dit que, dans cette enceinte, nous pouvons exercer un contrôle sur les procédures et déterminer si elles sont appropriées. Lorsque vous parlez de respect des garanties procédurales, on peut faire la comparaison avec un contexte judiciaire, et dans ce cas, je crois qu'il est probablement juste de dire que le processus qui a été suivi jusqu'à maintenant ne respecte pas les mêmes normes. Cela dit, la réalité, c'est que dans cette enceinte et aux comités, nous avons le pouvoir de faire ce qui a été fait.

Vous avez posé une question. Il ne doit pas y avoir de confusion quant au rôle que nous sommes appelés à jouer en lien avec les motions présentées par le sénateur Carignan. Je ne pense pas que notre rôle en tant que sénateurs consiste à faire office d'instance d'appel pour les décisions du Comité de la régie interne. Ses membres ont fait ce qu'ils croyaient et jugeaient être juste. Ils nous ont fourni ces renseignements. Ce que nous devons faire ici, dans cette enceinte, c'est prendre ces renseignements en compte afin de déterminer s'il existe des preuves à l'appui des allégations de négligence grossière faites à votre encontre, si la suspension proposée dans la motion constitue une sanction appropriée et si les autres conséquences de la motion — en l'occurrence la suspension de votre salaire et tous les autres avantages dont vous bénéficiez — constituent une sanction appropriée.

En somme, nous devons trancher la question au Sénat. C'est notre responsabilité. Nous sommes saisis de l'affaire, et nous devons la régler. Tous les points que vous allez soulever, ayez l'assurance que, pour ma part, je vais en tenir compte tout à fait sérieusement pour parvenir à ma propre conclusion sur la question que le Sénat doit trancher. Il ne s'agit pas de revenir sur la décision du bureau de la régie interne.

Le sénateur Brazeau : J'ai une question complémentaire. Accepteriez-vous de répondre à une autre question, sénateur Wallace?

Le sénateur Wallace : Certainement.

Le sénateur Brazeau : En toute déférence, je ne pense pas comme vous que nous ne devrions pas revenir sur les décisions initiales qui ont été prises. Je viens de dire que j'ai présenté antérieurement des renseignements au sous-comité de la régie interne. Par la suite, je suis sûr que le Comité de la régie interne a examiné le rapport du sous-comité, que je n'ai pas encore vu, et le comité a présenté le rapport au Sénat, ce qui veut dire que ceux qui ont voté en faveur de ce rapport — et j'ai appris cette semaine que le vote en faveur du rapport a été unanime —, comment ont-ils donc pu se prononcer sur un rapport avant que tous les faits ne leur soient présentés?

Le sénateur Wallace : Sénateur, vous avez déduit de mes propos que nous ne devrions pas revenir en arrière et examiner le rapport qui, dans votre cas, est venu du bureau de la régie interne. Si c'est bien ce que vous avez retenu de mes propos, je peux vous dire que c'est faux. Vous pouvez avoir l'assurance que j'ai étudié de long en large le rapport de la régie interne et les rapports de Deloitte. Je peux vous assurer que les observations que je pourrai faire à partir de chacun de ces rapports influenceront grandement la conclusion que je tirerai à propos de la motion du sénateur Carignan.

S'il y a des questions sur lesquelles vous ou l'un ou l'autre des sénateurs visés par la motion du sénateur Carignan voulez attirer notre attention, je dirai que vous devez nous présenter cette information, comme vous l'avez fait aujourd'hui. Continuez à le faire. Nous ne voulons pas d'à-peu-près. Nous voulons que la décision se fonde sur des faits.

Le sénateur Brazeau : J'ai une question complémentaire. Je ne veux pas insister trop lourdement. On m'a donné cette semaine la possibilité de commencer à donner cette information qui, de toute évidence, vous était inconnue. Si j'ai déjà présenté cette information au sous-comité, pourquoi celui-ci ne l'a-t-il pas transmise au bureau de la régie interne, qui a ensuite présenté un rapport sur lequel, je présume, vous vous êtes prononcés favorablement sans connaître tous les faits? C'est une question d'application régulière des règles. Voilà ce que je veux dire.

Nous devrions revenir sur ces décisions et permettre un processus équitable, ce qui nous donnerait la possibilité de présenter cette information. La simple présentation d'un document tel ou tel jour à l'ensemble du Sénat ne permettra de rendre justice à personne.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Wallace : Je ne vois pas au juste quelle est la question, mais j'ai entendu votre point de vue.

Le sénateur Brazeau : Êtes-vous d'accord?

Le sénateur Wallace : Sénateur, vous m'avez adressé cette observation, et j'ai pensé que vous disiez que je siégeais au bureau de la régie interne et que j'ai vu cet échange. Ce n'est pas le cas.

(1730)

Comme je l'ai dit, ce que j'ai examiné attentivement, c'est le rapport du bureau de la régie interne. J'ai observé le processus que ses membres ont suivi, d'après ce que j'ai compris, pour obtenir les renseignements dont ils disposent. Je vais prendre tout cela en considération lorsque je prendrai ma décision. Tout ce que je puis dire, c'est que c'est au Sénat qu'il incombe de décider quelle doit être l'issue des motions du sénateur Carignan. Si vous ou les autres sénateurs possédez de l'information que, à votre avis nous devrions connaître, je vous recommande de nous la divulguer, aussi difficile cela soit-il.

La sénatrice Fraser : Peut-on préciser quelque chose?

Son Honneur le Président : Sénatrice Fraser, demandez-vous que le sénateur Wallace apporte une précision?

La sénatrice Fraser : Je voudrais préciser quelque chose qu'a dit le sénateur Wallace. Il sait combien je le respecte, mais il a commis un lapsus qu'on fait trop souvent dans cette enceinte. Le bureau de la régie interne, c'est à l'autre endroit. Ici, nous avons le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. Peut-être est-ce par déformation professionnelle à la suite des longues années que j'ai passées comme rédactrice pointilleuse, mais je n'ai pu m'empêcher de le souligner.

Le sénateur Wallace : Sénatrice Fraser, je suis désolé d'avoir employé le mauvais nom lorsque j'ai fait allusion au comité.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Sénateur Wallace, croyez-vous sincèrement que, en demandant à des sénateurs de déposer ce document, comme le sénateur Brazeau l'a dit, aujourd'hui, et un autre document auquel il a fait allusion, demain, nous aurons une autre occasion d'examiner les sanctions à prendre? Nous avons suivi le débat, et il n'y a rien eu de tel. Ne convenez-vous pas que ce qui est le plus approprié, c'est de reconnaître et d'accepter que la décision revient au Sénat — et nous sommes tous d'accord, je n'ai pas entendu personne exprimer son désaccord? Ne convenez-vous pas que la procédure que nous appliquerons pour décider du sort de ces sénateurs est extrêmement importante?

Le sénateur Wallace : Oui, j'estime que le processus est important. En fait, nous examinons les motions du sénateur Carignan en nous fondant sur les rapports du bureau de la régie interne — je sais que je n'emploie pas le nom exact et je m'en excuse; nous savons de qui il s'agit — et les rapports de la firme Deloitte. Voilà ce que nous devons étudier. S'il y a des documents supplémentaires pour étayer le tout, je suggère, comme je l'ai déjà dit, de les remettre au Sénat.

Son Honneur le Président : Nous poursuivons le débat. Le sénateur Dallaire a la parole.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Je voudrais avoir une précision, Votre Honneur. Nous poursuivons le débat sur l'amendement, pas sur le sous-amendement. Est-ce exact?

Son Honneur le Président : Oui, c'est bien cela.

Le sénateur Dallaire : Merci beaucoup.

Chers collègues, j'ai déjà dû porter des accusations contre 109 soldats pour consommation de drogues. Chacun des soldats, qui faisaient partie du même régiment, a eu un procès distinct. Ils ont pu plaider individuellement leur cause devant le commandant. Chaque soldat était accompagné d'un officier désigné qui devait aussi défendre le soldat en exposant les faits. Après avoir été reconnu coupable, le soldat avait ensuite la possibilité de faire valoir des circonstances atténuantes. Cette étape a bien sûr eu une incidence sur la peine imposée par le commandant.

J'ai aussi participé à une cour martiale chargée de juger un groupe de soldats impliqués dans un réseau de trafic de drogues dans l'Ouest. Leur crime étant semblable, les soldats ont d'abord comparu ensemble devant la cour martiale, mais on les a ensuite déférés à quatre cours martiales distinctes parce que chacun avait joué un rôle différent. Ce fut prouvé. La première cour martiale a donc été annulée; les soldats ont subi des procès différents devant quatre cours martiales distinctes. Ils ont présenté leur point de vue devant le juge. Puis, quand ils ont été reconnus coupables, leur conseiller juridique a pu faire valoir des circonstances atténuantes. On leur a ensuite imposé des sanctions.

Nous assistons ici aujourd'hui à ce qui me semble être une justice précipitée. Je n'arrive pas à comprendre comment on peut être en présence de trois affaires comme celles-ci, et qu'on tienne les personnes responsables de la même façon. L'interprétation des faits comporte des différences importantes. Comment est-il possible que, bien que nous soyons saisis de trois motions, nous les traitions toutes les trois ensemble et, de surcroît, ce qui m'a vraiment pris par surprise, les trois personnes visées se voient imposer la même peine? La même chose pour les trois personnes. C'est comme si on tenait trois cours martiales en même temps.

Je soupçonne que quelqu'un a dit : « Nous pourrions aussi bien régler tout cela d'un coup et nous pouvons peut-être le faire plus rapidement. Nous pourrions rendre les choses moins difficiles pour nous, au Sénat, mais aussi pour tous les journalistes et pour le reste du pays qui suivent cette histoire. »

Je ne suis pas certain qu'il s'agisse de justice. Cela ne me poserait pas de problème si le gouvernement avait présenté sa motion pour sanctionner l'une de ces personnes, puis que nous ayons suivi la procédure établie, ici ou en comité, au sujet de laquelle certains ont probablement une opinion. Ensuite, une décision serait prise au sujet de cette personne. Puis, ultérieurement, la deuxième personne serait appelée, une motion serait proposée et nous étudierions l'affaire. Enfin, nous procéderions de la même façon pour la troisième personne.

Évidemment, il y aurait potentiellement des répétitions, et alors? Cela prendra du temps. Et alors? C'est ainsi que même une institution disciplinaire fonctionne, j'en sais quelque chose puisque je viens d'une organisation qui comporte un aspect vraiment disciplinaire et administratif, et un aspect judiciaire ou juridique ou même criminel. Nous avons même eu la peine capitale jusque pendant les années 1990, je suis donc très conscient de la distinction entre les deux aspects. Même dans de telles circonstances, on ne précipite pas le jugement des gens au cours d'un même exercice. On ne fait tout simplement pas cela. Comment expliquer que l'une des institutions les plus importantes du pays — nous participons en fait à l'approbation des lois du pays — procédera d'une manière qui va absolument à l'encontre de toutes les règles fondamentales de justice sur lesquelles chaque personne peut compter? Je dirais que ce que nous faisons ici est terriblement inapproprié.

Le sénateur Nolin et le Président nous ont dit avec beaucoup d'éloquence que, sur le plan juridique, nous avions le droit de procéder de cette manière. Je ne prétends pas le contraire. Toutefois, on a aussi dit que, même si notre façon de procéder est légale, ce n'est pas forcément la bonne chose à faire. Permettez-moi d'avoir recours à un exemple personnel pour bien me faire comprendre.

Il y a 20 ans, j'ai reçu l'ordre légal de me retirer d'un pays aux prises avec une situation catastrophique. J'ai reçu l'ordre d'une autorité légale, soit le secrétaire général des Nations Unies, d'abandonner une mission, un pays et sa population. Cependant, j'ai refusé d'obéir à cet ordre légal. J'ai refusé parce que cet ordre était immoral et contraire à l'éthique. Il était tout simplement inacceptable parce que, à cette époque, quelque 30 000 personnes se trouvaient sous notre protection. Si nous nous étions retirés du pays, ces gens auraient été massacrés comme tous les autres. Nous avions la preuve que cette situation s'était produite parce qu'un contingent était parti sans en avoir reçu l'ordre. C'était légal, mais immoral. C'était inacceptable. J'ai refusé d'obtempérer à l'ordre parce qu'il était contraire à l'éthique.

Si je cite cet exemple, c'est simplement parce que nous devons faire face à une situation analogue ici. Il est vrai que ce que nous faisons est légal et que nous avons la pleine autorité de prendre ces décisions, comme l'ont signalé si clairement un grand nombre de sénateurs. Cependant, nous devrions nous poser les questions suivantes : est-ce que nous procédons correctement? Est-ce la bonne voie à suivre?

(1740)

J'aimerais d'abord dire que je ne voterai jamais en faveur de ces motions parce que je crois que le Sénat n'a pas procédé correctement en les présentant de manière expéditive et en les regroupant dès le début.

Je voudrais maintenant vous lire un extrait d'un ouvrage.

Je préférerais que ce soit du gin, mais bon!

Le sénateur Mercer : C'est ce que nous préférerions tous!

Le sénateur Dallaire : Je lirai maintenant un extrait d'un ouvrage à propos d'une des éminences grises du parti d'en face, Eugene Forsey. Je vais lire un extrait qui, d'après moi, cherche à mettre en contexte ce que nous faisons. On n'y précise pas si nos gestes sont légaux ou non, mais on les situe plutôt dans le contexte de nos responsabilités à l'égard de l'institution et des responsabilités dont est investie cette institution dans notre système de gouvernance, ainsi qu'envers les Canadiens.

Le projet d'Eugene Forsey était essentiellement un projet conservateur. Comme pour la plupart d'entre nous, ses premières opinions politiques sont largement demeurées inchangées et ont orienté toute sa vie.

On fait état de ses titres de compétences. Il est ensuite question de ce qu'il a fait, et ce qui suit provient de ses écrits.

Les structures, les pratiques et les contraintes qui encadrent le pouvoir politique sont le reflet des objectifs et des valeurs qui rendent le pouvoir tolérable et nécessaire à l'ère moderne de la liberté. Les décisions prises par souci de commodité et d'efficacité nous ramènent souvent à un état obscur et dangereux.

Pensez à ce que nous faisons.

La société politique canadienne est organique et a été façonnée par des besoins et des contextes précis qui correspondent à nos valeurs fondamentales. Lorsque nous cherchons à résoudre des problèmes ou à faire des gains politiques en nous éloignant des règles constitutionnelles...

— ou des règles que nous avons établies afin de pouvoir faire notre travail correctement —

... nous risquons de perdre les liens essentiels et fondamentaux de l'État avec la légitimité et l'histoire. Le type de conservatisme préconisé par Forsey engendre une dynamique politique et des choix d'orientation audacieux, réformateurs, novateurs et, par-dessus tout, capables d'évoluer avec nos besoins.

Le conservatisme affiché par Eugene Forsey a joué un rôle essentiel dans la définition de ses valeurs et de son identité politique, tout comme d'ailleurs sa vision de ce que le Canada pourrait faire pour ses citoyens.

Nous trafiquons les règles, nous hypothéquons l'avenir de cette institution et nous nous comportons comme des cow-boys.

Je suis en faveur de l'amendement proposé par le leader de l'opposition au Sénat, qui propose de renvoyer la question dont nous sommes saisis depuis quelques jours au Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, afin qu'il prenne une décision appropriée.

La crise actuelle testera les limites de la confiance du public dans le gouvernement, et si elle est mal gérée, elle risque par surcroît d'ébranler le cœur institutionnel de notre démocratie.

Le Sénat a toujours sa raison d'être, même si on veut le réformer. Beaucoup de sénateurs sont en faveur de réformes, mais contre la destruction. Pas besoin de faire éclater une bombe nucléaire au Sénat pour régler le problème. À cet égard, je vous demande de tenir compte de ce qui suit avant de décider comment vous allez voter sur l'amendement et la motion, dont je vous parlerai plus tard.

Cette semaine, le leader du gouvernement au Sénat a déclaré que cet exercice n'était pas de nature judiciaire et qu'il n'avait rien à voir avec les procès sommaires. Je ne suis pas d'accord. Ce que nous faisons, ce qu'on nous demande de faire, c'est de prononcer une sentence pour trois de nos collègues sans d'abord examiner de manière réfléchie et responsable les faits pertinents à leur condamnation, en considérant chaque cas individuellement, avec tous les faits en main et, bien entendu, avec la participation des personnes concernées, afin qu'elles puissent intervenir et s'objecter aussi librement.

Bien que le Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration ait examiné leurs dépenses et découvert quelques exemples d'actes répréhensibles, il n'a pas établi que la suspension sans salaire constituait la sanction appropriée. Nous en avons discuté précédemment et le sénateur Comeau a présenté ses arguments en cette enceinte.

Si on demande au Sénat de se prononcer et d'imposer une sanction à nos collègues, alors le Sénat devrait être celui qui examine les faits et entend les témoins liés aux graves accusations qui sont faites. Convoquons les témoins. On le fait bien en d'autres circonstances. Amenons les témoins à la barre afin qu'on leur pose les questions que nous jugeons nécessaires pour bien comprendre toute l'ampleur des accusations et des comptes qu'on demande à ces personnes de rendre. Nous serons alors en mesure de prendre pour chaque cas les décisions appropriées concernant la sanction, car c'est de sanction dont il s'agit. Se prononcer sans que les faits pertinents soient complètement expliqués et défendus va à l'encontre des principes fondamentaux de justice et est indigne de cette auguste institution. Dans l'armée, on nous accusait de dire, lors des procès sommaires : « Sergent-major, faites entrer le scélérat. »

Nous tentons de régler les nombreuses questions qui continuent à orienter la mission et à agir sur les fondements de notre institution, mais pour répondre à de tels enjeux, aujourd'hui et à l'avenir, il faut non pas réagir au moyen d'exercices de relations publiques impromptus, mais avec le souci réfléchi et délibéré de clairement faire comprendre aux Canadiens quels sont notre mission et le rôle que tient encore notre institution dans l'élaboration de politiques publiques au Canada. Tout en cherchant à mener à bon terme un exercice aussi fondamental d'analyse de l'utilisation appropriée des deniers publics dans le cadre de nos fonctions, nous devons nous garder de tomber dans la mascarade politique grandiloquente.

Toute cette histoire se complique au fur et à mesure que de nouveaux éléments sont révélés. Les sénateurs se sont exprimés. Certains ont dit que les membres du Comité de la régie interne font de leur mieux et qu'ils sont des gens probes et responsables. D'autres se sont félicités mutuellement en déclarant avoir un immense respect pour l'opinion et les propos de leurs homologues. Cependant, tout à coup, parce que trois personnes accablées tentent de s'expliquer, leur opinion devient suspecte, perd toute crédibilité et n'est plus prise en considération dans le débat.

Puis-je avoir encore cinq minutes?

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'accorder cinq minutes de plus?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Dallaire : Il y a encore trop d'inconnues. Si les nouvelles allégations sont véridiques, il pourrait falloir excuser le Comité de la régie interne, par exemple, en ce qui concerne le sous- amendement, compte tenu du rôle qu'il aurait malencontreusement joué dans toute cette histoire. Peut-être les membres du comité ne devraient-ils même pas se joindre aux délibérations, étant donné leur engagement très concret dans le processus initial.

À l'analyse de ces motions, le Sénat doit se garder de succomber à quelque pression que ce soit. Si l'on veut que toute l'histoire soit tirée au clair, il faut examiner la question attentivement, sous tous les angles juridiques et techniques possibles.

(1750)

J'aimerais dire un mot sur les circonstances atténuantes. Les motions réclament la même peine pour les trois personnes en cause. Elles ne donnent pas de grandes explications, mais indiquent simplement que ces personnes sont privées de leur salaire et de leurs avantages, tout en conservant le titre de sénateur.

Quelle sorte de charabia ou de jargon de la Colline est-ce là? Si ces personnes conservent le titre de sénateur, peut-être qu'on pourra leur permettre de revenir à la fin de la session. Prendre une mesure aussi draconienne que de priver quelqu'un de ce qu'il lui faut pour vivre, de saisir son salaire et de supprimer les avantages dont jouissent sa famille et lui, c'est imposer une peine passablement sévère. Il faut cependant aller jusqu'au bout. Là où j'étais avant, la cour martiale aurait imposé une telle peine, mais il y aurait aussi pu y avoir une peine administrative prévoyant le congédiement de l'armée.

Les deux sont donc possibles. Le sénateur Nolin l'a expliqué. Dans ces circonstances, on aurait cependant la possibilité, une fois la personne déclarée coupable, de faire valoir les circonstances atténuantes — en s'appuyant sur des éléments techniques ou autres — afin de discuter de la peine possible.

Je pense à la sénatrice Wallin. J'étais vice-président de son comité. Nous avons passé de bons moments et nous en avons passé de moins bons dans l'exercice de nos fonctions. Elle représente le pays depuis des décennies, chez nous et à l'étranger. Elle s'est employée avec énergie à faire en sorte que cette institution ne soit plus ignorée, mais qu'on commence à se rendre compte qu'elle existe. Il faut certainement tenir compte d'un tel engagement dans la détermination de la peine, advenant le cas où la sénatrice serait trouvée coupable.

Je connais moins les sénateurs Duffy et Brazeau, mais je suppose qu'eux-mêmes, ou quelqu'un d'autre, pourraient faire valoir leur point de vue, dans leur défense, et, en fin de compte, influer sur la détermination de la peine.

Par conséquent, chers collègues, cet exercice était vicié dès le début. Ce n'est pas ainsi que l'on rend justice. Il s'agit de justice précipitée.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Dallaire : Il ne s'agit là pas du niveau de responsabilité auquel ces personnes devraient s'astreindre. Je ne débattrai même pas de la question de savoir s'ils sont coupables, ni des faits. Cet examen reste à faire. Nous n'avons pas utilisé la bonne méthode, voilà ce que je veux dire. Grâce à la solution que le sénateur Cowan propose, nous pourrions faire en sorte que les sénateurs plaident séparément leur cause et que tous les faits soient examinés; ainsi, ils pourraient présenter une défense pleine et entière, puis le Sénat pourrait se saisir des rapports. Soit dit en passant, le 37e rapport du Comité de la régie interne, qui est daté du 13 août, n'a pas encore été adopté au Sénat.

Le sénateur Segal : Bravo!

Le sénateur Dallaire : Nous allons tout de même crucifier quelqu'un sur le fondement d'un rapport qui n'a pas encore été adopté. J'ai déjà essayé, et je me suis fait rabrouer.

J'appuie entièrement la première étape, le renvoi au comité, et la deuxième étape, soit que le Sénat soit saisi de nouveau de chaque cas individuellement afin qu'il prenne les décisions qui s'imposent, quelles qu'elles soient.

Son Honneur le Président intérimaire : J'ai le regret de vous informer que votre temps de parole est écoulé. Y a-t-il d'autres interventions?

Le sénateur Dallaire : Je suis prêt à répondre à des questions.

Son Honneur le Président intérimaire : Souhaitez-vous plus de temps? Acceptez-vous de lui accorder plus de temps, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

[Français]

L'honorable Pierre Claude Nolin : Sénateur Dallaire, nous avons beaucoup de respect pour votre expérience militaire. Au début de vos remarques, vous avez fait référence à la cour martiale et à des mesures qui ont, à votre connaissance, été prises.

Ces mesures étaient animées par le non-respect d'une loi fédérale, une loi criminelle. C'est pour cette raison que vos officiers se sont permis d'accuser ces militaires d'avoir enfreint des lois fédérales. Est-ce bien la situation qui s'est produite?

Le sénateur Dallaire : Oui, il n'y a pas de doute. C'est une loi fédérale dans le contexte des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, lesquels ont été promulgués. De ce fait, c'est une loi fédérale.

Cependant, que pensez-vous que l'on fait ici? Nous mettons en place des lois fédérales. Nous abordons des questions relatives à la fédération. Nous sommes une institution fédérale. Alors, je ne vois pas vraiment la différence, sauf le fait qu'un cas est criminel et l'autre disciplinaire. Il s'agit tout de même de la même institution.

Le sénateur Nolin : Vous m'ouvrez la porte pour une deuxième question. Vous l'avez bien résumée. Ce que vous nous avez présenté comme une expérience fort importante relève du droit criminel. Ces militaires ont été accusés par vos officiers d'avoir enfreint des lois criminelles canadiennes. Ce n'est pas ce qui se passe ici. Ce n'est pas ce que le sénateur Carignan nous demande de faire. C'est pour cette raison que je vous ai demandé de préciser si votre expérience se situait dans un contexte criminel. La réponse est oui. Ce n'est pas disciplinaire. Il existe, sur le plan militaire, tout un cadre disciplinaire qui n'a rien à voir avec le droit criminel, mais tout à voir avec l'efficacité militaire.

Le sénateur Dallaire : Rappelez-vous que j'ai donné comme premier exemple les 109 soldats que j'ai accusés. Dans ce contexte, ce n'était pas en vertu du Code criminel que je les trouvais coupables; c'était en vertu des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, qui me permettaient de rendre un jugement.

Je ne commencerai pas à en débattre, car on l'a fait en comité. Toutes les accusations portées par le ministère de la Défense nationale ne sont pas d'ordre criminel, et on ne veut justement pas que ce soit le cas. Elles peuvent être d'ordre administratif et elles peuvent engendrer une punition afin de rééduquer l'individu en cause. Il y a aussi toute une série d'accusations beaucoup plus graves qui sont de nature criminelle, que ce soit pour les membres de la Défense nationale ou pour le public en général.

Le sénateur Nolin : Vous serez d'accord avec moi. Consommer du cannabis — parce que je présume que c'est ce que vos militaires avaient fait — est une infraction à une loi criminelle. Je comprends que ce n'est pas dans le Code criminel, et on pourrait lancer tout un débat sur le fait que cela ne le soit pas. Il s'agit d'une loi fédérale de nature criminelle, et vos 109 militaires ont été accusés d'avoir posé un geste criminel. Ils ont été accusés et peut-être trouvés coupables.

Le sénateur Dallaire : J'ai passé 36 ans dans l'armée et je pourrais vous donner plusieurs autres exemples que celui-là. Ce que j'essaie de dire, c'est que chaque individu, lors d'un procès par voie sommaire ou devant une cour martiale, que ce soit d'ordre criminel ou même disciplinaire — j'aime bien le terme, parce que vous avez fait la différence —, donc non administratif, a le droit d'être traité de façon individuelle, de comparaître individuellement devant l'autorité, d'être individuellement défendu afin qu'il soit, ultimement, reconnu coupable ou non, et qu'il subisse sa peine. Mon point, c'est que ce n'est pas ce qu'on est en train de faire ici.

[Traduction]

L'honorable George Baker : Permettez-moi de vous poser la question suivante. Est-il vrai que, avant que la cour martiale ne soit autorisée, en 2002, à se saisir d'accusations prévues au Code criminel, de nombreuses causes en matière disciplinaire ont été intentées au titre des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes? Pourrait-il le vérifier?

(1800)

Est-ce qu'il voudrait également vérifier si les décisions rendues par ces tribunaux disciplinaires pouvaient faire l'objet d'un appel — contrairement aux mesures que nous étudions actuellement —, et s'il existe un ensemble de règles en droit administratif qui ont trait non pas à la criminalité, mais à des mesures disciplinaires fondées sur les principes d'équité procédurale et de justice naturelle, qui, si elles étaient appliquées à cette motion, entraîneraient son rejet?

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : À l'ordre. À l'ordre.

Le sénateur Dallaire : Si c'était le cas, personne d'autre ne porterait un uniforme.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est 18 heures, la séance est suspendue jusqu'à 20 heures.

(La séance est suspendue.)

(2000)

(Le Sénat reprend sa séance.)

Son Honneur le Président : À l'ordre!

Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

Le débat porte sur la motion d'amendement proposée par la sénatrice Fraser.

Nous poursuivons le débat.

Le sénateur Carignan : Le vote!

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Non.

Le sénateur Munson : Je souhaite ajourner le débat.

(Sur la motion du sénateur Munson, le débat est ajourné.)

[Français]

Motion tendant à suspendre l'honorable sénatrice Pamela Wallin—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carignan, C.P., appuyée par l'honorable sénatrice Poirier,

Que, nonobstant toute pratique habituelle ou toute disposition du Règlement, afin de protéger la dignité et la réputation du Sénat et de préserver la confiance du public envers le Parlement, le Sénat ordonne la suspension de l'honorable sénatrice Wallin pour cause, considérant sa négligence grossière dans la gestion de ses ressources parlementaires, et ce jusqu'à l'annulation de cet ordre conformément à l'article 5-5i) du Règlement, selon les conditions suivantes :

a) la sénatrice Wallin ne recevra, pendant la durée de la suspension, aucune rémunération ou remboursement de dépenses de la part du Sénat, incluant toute indemnité de session ou indemnité de subsistance;

b) le droit de la sénatrice Wallin d'utiliser les ressources du Sénat, notamment les fonds, les biens, les services et les locaux, de même que les indemnités de déménagement, de transport, de déplacement et de télécommunications, sera suspendu pour la durée de la suspension;

c) la sénatrice Wallin ne recevra aucun autre bénéfice du Sénat pendant la durée de la suspension.

Que, nonobstant les dispositions de cette motion de suspension, le Sénat confirme que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration conserve l'autorité, s'il le juge approprié, à poser tout geste relatif à la gestion du bureau et du personnel de la sénatrice Wallin pendant la durée de la suspension.

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, nous en sommes à la motion concernant la sénatrice Wallin.

Son Honneur le Président : À l'ordre! Cette motion est déjà proposée par le sénateur Carignan, et, avant que le Président n'ordonne l'ajournement pour réfléchir à sa décision sur le rappel au Règlement, le sénateur Cowan était prêt à prendre la parole, n'est-ce pas?

[Traduction]

Le sénateur Cowan allait intervenir. Si j'ai bien compris, la motion a été proposée par le sénateur Carignan, et celui-ci souhaite poursuivre le débat. Est-ce bien cela?

Le sénateur Carignan : Oui.

Le sénateur Munson : Oui, monsieur. Quelques mots.

[Français]

Le sénateur Carignan : Honorables sénateurs, quelques mots pour résumer le dossier concernant la sénatrice Wallin. Il s'agit du 27e rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration.

[Traduction]

Recours au Règlement

L'honorable Hugh Segal : J'invoque le Règlement.

Son Honneur le Président : Le sénateur Segal a la parole pour un recours au Règlement.

Le sénateur Segal : Puisqu'il a été établi par la sénatrice Fraser que le Sénat n'a jamais été saisi du 27e rapport — celui-ci a été diffusé par d'autres moyens, mais il n'a jamais été déposé au Sénat — est-il approprié que le sénateur Carignan en cite des passages comme si le Sénat en avait été saisi alors que le rapport en question n'a jamais été déposé et n'a jamais fait l'objet d'un débat ou d'une discussion en cet endroit? Je pose simplement la question de sorte que nous soyons bien éclairés.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il a été indiqué dans le cadre du débat, je crois par le sénateur Comeau, que le dépôt du rapport avait été approuvé par le Sénat, mais qu'il venait d'être déposé quand la prorogation a été annoncée. Cependant, cela ne signifie pas que les sénateurs ne sont pas au courant du contenu du rapport, surtout qu'il a été publié dans tout le pays il y a quelque temps de cela. Je n'ai donc aucune objection à ce qu'on puisse le citer comme document public.

Le sénateur Segal : Monsieur le Président, si je puis me permettre, le rapport a été soumis au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, et il y a eu des séances les 12 et 13 août pour en discuter. Il y a des comptes rendus de ces séances, même si le comité s'est réuni à huis clos.

Une voix : J'invoque le Règlement, Votre Honneur.

Le sénateur Cowan : Il est déjà en train d'entendre un recours au Règlement.

Une voix : Oh, oh!

Le sénateur Mercer : Ce n'est pas votre Chambre, c'est celle de tout le monde.

[Français]

Le sénateur Carignan : Monsieur le Président, vous avez rendu votre décision et j'entends un sénateur qui la remet en question. Ce n'est pas la façon de remettre en question la décision du Président.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Il est en train d'entendre un recours au Règlement!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le rapport auquel le sénateur Carignan a fait référence est du domaine public depuis un certain temps. Voilà ma décision.

Je ne serai pas offensé si ma décision est contestée. Toutefois, si vous voulez que je demande formellement aux sénateurs si la décision du Président devrait être maintenue, je mettrai cette question aux voix. Est-ce que c'est nécessaire?

Le sénateur Segal : Non, monsieur le Président.

Son Honneur le Président : Bien.

Le sénateur Segal : J'accepte évidemment votre décision, mais j'étais sur le point de soulever une autre question, si vous me le permettez.

Son Honneur le Président : Absolument.

Le sénateur Segal : Merci.

Le rapport de Deloitte dont le sénateur Carignan a parlé a été présenté le 12 et le 13 au comité qui se penche sur les dépenses. Il y a de nombreux échanges pendant les séances entre les représentants de Deloitte et ceux qui siègent au comité. La transcription de ces échanges ne peut pas être rendue publique. Ce dont il a été question à ces séances, ce qui a été dit — les échanges, quoi — ne peuvent aucunement être utilisés dans le présent débat.

Je me demande, en toute bonne foi, s'il est approprié de citer un rapport qui pourrait être, en fait, du domaine public, alors que le comité en a débattu à huis clos et alors que les sénateurs n'ont pas accès aux transcriptions pour déterminer la véracité ou la pertinence des conclusions dont on pourrait débattre ou pour se prononcer sur ce qui s'est passé au comité.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je serais heureux d'entendre vos observations et vos préoccupations concernant cette question.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, je sais que le Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a les pouvoirs d'agir lorsqu'il y a prorogation, mais quels sont ces pouvoirs? Je crois qu'ils sont limités à une certaine administration des affaires du Sénat.

Concernant le rapport qui nous a été soumis, il n'a pas été discuté ni adopté en Chambre. Cela fait un certain temps qu'il est devant nous et l'on nous a dit, hier, qu'on avait reçu des copies, mais le fait est quand même que la différence entre ce rapport et les deux autres, c'est que les deux autres ont été soumis et adoptés. Celui-ci n'a pas été débattu et n'a pas été adopté. Il pourrait bien y avoir des choses dans ce rapport qui auraient poussé certains sénateurs à voter contre le rapport, et peut-être même l'ensemble des sénateurs. Je crois qu'il s'agit quand même d'un point litigieux. Monsieur le Président, je ne crois pas vous avoir aidé énormément, mais c'est ma vision. Je vous remercie.

(2010)

Le sénateur Carignan : Je vous réfère au 27e rapport du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration.

Le 29 novembre 2012, un sous-comité de ce Comité a ordonné la tenue d'un examen externe des habitudes de déplacements inusitées de la sénatrice Pamela Wallin. Ces habitudes consistent en de fréquents arrêts à Toronto, ainsi que des trajets de retour entre Ottawa et Toronto et entre la Saskatchewan et Toronto. Les déplacements des sénateurs entre Ottawa et la province ou le territoire qu'ils représentent pour qu'ils puissent retourner à leur domicile sont pratique courante et constituent en fait le fondement du système des points de déplacement. Toutefois, les déplacements vers d'autres destinations au Canada que la province ou le territoire de résidence ne peuvent être remboursés que si le sénateur participe à des activités parlementaires à ces destinations.

Un marché a été officiellement conclu avec Deloitte le 3 janvier 2013. Deloitte devait, d'une part, effectuer un examen des demandes de remboursement de la sénatrice Wallin et des pièces justificatives fournies afin de déterminer si elles sont soit conformes aux pratiques du Sénat, soit sujettes à remboursement au receveur général ou soumises à l'interprétation et à la décision du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration et, d'autre part, examiner les dépenses de subsistance engagées par la sénatrice Wallin dans la région de la capitale nationale (RCN).

Les conclusions contenues dans le Rapport de Deloitte en annexe portent sur les habitudes de déplacement de la sénatrice Wallin et la conformité de ses dépenses

La période d'examen s'étendait de janvier 2009 au 30 septembre 2012. Les habitudes de déplacement inusitées visées par l'examen consistaient en des arrêts fréquents à Toronto, où la sénatrice Wallin possède une résidence. Deloitte a conclu que, au cours de la période d'examen, la sénatrice a effectué 94 voyages entre la Saskatchewan et Ottawa, et que 75 d'entre eux comportaient un arrêt d'une nuit ou plus à Toronto. Dans les cas où il a été prouvé que l'arrêt était motivé par des activités parlementaires ou effectué pour éviter une arrivée tardive à la destination finale, Deloitte a déterminé que la demande de remboursement était conforme. Dans les cas contraires, les surcoûts engendrés par les arrêts ont été désignés comme remboursables. D'autres frais de déplacement ont été désignés comme entièrement remboursables. Le montant total à rembourser s'élève à 121 348 $. De ce montant, la sénatrice Wallin a déjà remboursé 38 369 $, d'après les conclusions d'un examen qu'elle a elle-même effectué. À titre de comparaison, 390 182 $ du total des frais de déplacement, soit 532 508 $, ont été désignés comme conformes (73 p. 100).

Deloitte a également désigné certains frais de déplacement et activités comme étant soumis à l'interprétation et à la décision du comité directeur du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. Ces frais s'élèvent à 20 978 $.

Au cours de son examen, Deloitte a relevé des manques de cohérence entre les renseignements fournis par la sénatrice Wallin et son adjointe de direction et les renseignements subséquemment obtenus par des recherches et dans les sauvegardes du calendrier Outlook. Les divergences citées dans le Rapport Deloitte soulèvent de sérieuses préoccupations et le comité estime que celles-ci ne peuvent être réglées à l'interne.

En ce qui concerne les frais de subsistance, Deloitte a indiqué dans son rapport que la sénatrice Wallin a présenté une déclaration concernant ses résidences principale et secondaire le 26 mars 2009. Celle-ci contenait les coordonnées d'une résidence privée à Ottawa (la preuve de propriété a été présentée le 26 juin 2009) et celles de sa résidence principale à Wadena, en Saskatchewan. La résidence de la sénatrice Wallin dans la RCN est demeurée la même jusqu'au 25 juin 2011, date où elle a présenté une nouvelle déclaration indiquant qu'elle ne possédait plus de résidence privée à Ottawa. À partir de ce moment, les demandes de remboursement des frais de subsistance de la sénatrice visaient des frais d'hébergement commercial. Au cours de cette période de 26 mois, du mois d'avril 2009 au mois de juin 2011, la sénatrice a reçu au total 22 960 $ en remboursement de dépenses de subsistance, conformément aux dispositions sur le remboursement des dépenses d'hébergement privé.

Dans le cadre de son analyse des demandes de remboursement des frais de subsistance, Deloitte a effectué un examen exhaustif de la localisation de la sénatrice Wallin, empruntant la même méthodologie que celle utilisée pour l'examen des dépenses de subsistance des sénateurs Brazeau, Harb et Duffy. Des documents du Sénat, comme le registre des présences du Sénat et les demandes de frais de déplacement (appuyées par des reçus de transporteurs commerciaux, etc.), et des documents de tierces parties comme les factures de service de téléphonie cellulaire et des relevés de carte de crédit ont été utilisés pour déterminer l'emplacement de la sénatrice Wallin au cours de la période d'examen, qui s'étendait de janvier 2009 au 30 septembre 2012. Deloitte a été en mesure d'établir avec certitude la localisation de la sénatrice Wallin — c'est-à-dire Ottawa, sa résidence principale déclarée en Saskatchewan ou ailleurs — pour 93 p. 100 des jours de la période d'examen.

Deloitte a déterminé qu'au cours des 1 369 jours de la période d'examen, la sénatrice Wallin a passé 22 p. 100 de son temps à Ottawa pour affaires du Sénat; 27 p. 100 de son temps en Saskatchewan; et 35 p. 100 de son temps à Toronto, dont une partie pour des activités parlementaires. Elle a passé le restant de son temps dans d'autres lieux, dont 6 p. 100 pour des affaires du Sénat et 9 p. 100 pour des affaires privées. Compte tenu des habitudes de déplacement de la sénatrice, du fait qu'elle ne possédait pas de résidence à Ottawa au cours de 19 des 45 mois de la période d'examen et du fait qu'elle a rarement passé du temps à Ottawa pour des affaires autres que celles du Sénat, Deloitte a pu conclure que la résidence principale de la sénatrice se trouvait à plus de 100 km de la RCN et que les demandes de remboursement des frais de subsistance semblaient conformes.

En conclusion, votre comité est d'accord avec l'analyse présentée par Deloitte dans son rapport. Nous tenons à souligner que, dans le cadre de son examen, Deloitte a appliqué les principes et le cadre stratégique du Sénat avec rigueur et que la firme a tenu compte, lorsque nécessaire, des pratiques générales du Sénat.

Par conséquent, votre comité détermine et recommande :

  • Que les demandes de remboursement des frais de déplacement présentées par la sénatrice Wallin jusqu'à ce jour ont été reçues adéquatement;
  • Que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ordonne à la sénatrice Wallin de rembourser les montants additionnels relevés dans le Rapport Deloitte, et que le Sénat ordonne le remboursement des intérêts au taux préférentiel plus 1 p. 100;
  • Que les montants désignés comme « soumis à l'interprétation et à la décision du Comité » soient examinés et que l'on avise dans les plus brefs délais la sénatrice Wallin de tout remboursement supplémentaire découlant de cet examen;
  • Que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration suspend le droit de la sénatrice Wallin d'utiliser les ressources du Sénat pour les déplacements de la façon suivante :
    • sont uniquement admissibles les vols directs ou avec correspondances immédiates entre Saskatchewan et Ottawa pour participer à des affaires du Sénat;
    • tout autre itinéraire doit être approuvé au préalable par le Sous-comité du programme et de la procédure (directeur);
    • les frais de déplacement réclamés par la sénatrice Wallin continueront de faire l'objet d'un contrôle constant pour une période d'au moins un an suivant la date d'adoption du présent rapport;

(2020)

  • Nonobstant la pratique usuelle du Sénat, que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration demande aux autorités compétentes d'examiner les questions faisant l'objet du Rapport Deloitte et les renseignements connexes, et que le Comité renvoie les documents qu'il juge appropriés aux autorités compétentes aux fins de son enquête;
  • Que, suite à l'adoption par votre Comité, ce rapport soit déposé auprès du greffier du Sénat et, de ce fait, soit réputé avoir été déposé à la Chambre, et que son étude soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat, conformément à l'ordre du Sénat du 20 juin 2013.

Honorables sénateurs, le rapport du Comité de la régie interne était accompagné du rapport d'examen des frais de déplacement et de subsistance de la sénatrice Wallin effectués par la firme Deloitte, présenté en août 2013. Je dois souligner que c'est un rapport qui est volumineux et qui représente une étude complète. J'attire d'ailleurs votre attention sur la page 1 du rapport de Deloitte; au deuxième paragraphe, on dit :

Nommée vers la fin décembre 2008, la sénatrice Pamela Wallin voyage régulièrement à destination et en provenance de la Saskatchewan avec des arrêts et des séjours à Toronto. Elle justifie le plus souvent ses demandes de frais en invoquant les « affaires du Sénat ». Comme ces demandes semblent conformes aux règles, elles sont traitées comme telles par les services financiers du Sénat. Fin 2012, les demandes de frais de la sénatrice Wallin ont été soumises à examen après que le Sénat eut appris que, bien que la sénatrice les ait présentées dans les formes, le but de ses déplacements et ses habitudes de voyage ne cadraient peut-être pas avec les politiques et lignes directrices du Sénat.

Le mandat a été donné à Deloitte — je cite le même rapport, paragraphe 1.2 :

La période d'examen s'étendait à l'origine du 1er avril 2011 au 30 septembre 2012, mais après un compte rendu des résultats provisoires de notre examen, le Sénat nous a demandé d'examiner toutes les demandes présentées par la sénatrice Wallin entre le 1er janvier 2009 et le 30 septembre 2012, y compris les demandes de frais de subsistance dans la Région de la capitale nationale.

Deloitte, comme dans les autres rapports, cite les politiques et lignes directrices sur les frais de déplacement et de subsistance des sénateurs.

Au paragraphe 1.3 du rapport :

Les sénateurs se font rembourser leurs frais de bureau et de déplacement conformément à la Loi sur le Parlement du Canada et aux politiques et lignes directrices du Sénat. Ils indiquent sur la demande de remboursement qu'ils ont engagé les frais pour « affaires parlementaires » ou « affaires du Sénat » sans avoir à donner de plus amples justifications aux services financiers du Sénat pour démontrer le bien-fondé des demandes de remboursement. Ils doivent conserver dans leurs dossiers pendant sept ans les détails relatifs à la nature des affaires parlementaires invoquées.

On cite ensuite l'article 1 du chapitre 4 du Guide sur les ressources pour les sénateurs :

Les sénateurs ont le droit de voyager aux frais du Sénat pour leurs fonctions parlementaires dans leur région, à destination ou en provenance d'Ottawa, et ailleurs au Canada [...]

On cite également l'alinéa 2.1.1 de la Politique sur les déplacements, adoptée le 5 juin 2012, qui va dans le même sens, et l'annexe A de cette politique qui donne des exemples. On nous dit :

Pour évaluer les demandes de frais de déplacement de la sénatrice Wallin [...]

— donc, on l'a rencontrée —

[...] nous avons obtenu d'elle et d'autres sources des renseignements sur la nature de ses engagements et le but de ses déplacements. Pour déterminer si ces engagements cadrent avec ses « fonctions parlementaires », nous nous sommes référés aux documents suivants :

  • L'annexe A de la Politique régissant les déplacements des sénateurs. Bien qu'elle soit entrée en vigueur le 5 juin 2012, nous avons appliqué les exemples qui s'y trouvent à l'ensemble de la période d'examen car ils nous paraissent mettre en lumière les principes directeurs existants.

On nous dit ici que l'annexe A de la politique, qui donnait des exemples, a servi à titre de guide parce qu'elle mettait en lumière des exemples de principes directeurs qui existaient avant l'adoption de la politique du 5 juin.

  • Les observations du comité directeur de la Régie interne sur les points mis en évidence par Deloitte à l'issue de notre examen de la première période.

Suite à l'examen, la somme des frais réclamés par la sénatrice qui ont donné lieu à une demande de remboursement au receveur général s'élevait à 121 348 $, et celle des frais soumis à l'interprétation du comité directeur de la régie interne, à 20 978 $.

On explique également la démarche employée :

La sénatrice Wallin justifie la plupart de ses demandes de frais de déplacement en invoquant les « affaires du Sénat » comme il est d'usage, semble-t-il, au Sénat. Dans un nombre limité de cas, elle ajoute à la demande remise aux services financiers du Sénat un supplément d'information sur le but du déplacement.

On a également fait appel aux ressources suivantes :

  • la sénatrice Wallin et son actuelle adjointe de direction;
  • les calendriers de la sénatrice Wallin;
  • la recherche sur Internet et auprès de tierces parties.

On nous détaille les frais sujets à remboursement au receveur général, soit 90 323 $, et on nous explique que les différents frais étaient, entre autres, des frais remboursés parce que la sénatrice estimait les avoir engagés pour des affaires personnelles.

Donc, pour un certain nombre de frais, la sénatrice a admis qu'il s'agissait de frais pour affaires privées.

Certains frais engagés concernaient des engagements personnels que la sénatrice avait contractés avant sa nomination au Sénat. Donc, il est apparu que des frais pour des engagements effectués avant d'entrer au Sénat, mais qui se sont produits après son arrivée au Sénat, avaient également été réclamés.

On mentionne également les frais engagés lorsque la sénatrice revenait à Ottawa d'un voyage pour affaires personnelles; les frais engagés pour donner des conférences ou participer à des activités sans lien avec les affaires du Sénat; et, finalement, des frais reliés à des activités partisanes, par exemple des activités de collecte de fonds.

Il y a aussi des frais additionnels de 31 025 $. Il s'agit de frais que la sénatrice a engagés lorsque, entre Ottawa et la Saskatchewan, elle faisait un arrêt à Toronto. Deloitte a quantifié ces frais à rembourser au receveur général, en précisant toutefois que ces frais pourraient sans doute être imputés au Sénat dans certaines circonstances, à savoir dans les situations où — page 3 du rapport :

  • la sénatrice se trouvait à Toronto au moment de l'arrêt pour affaires du Sénat;
  • la sénatrice devait se trouver à Ottawa ou en Saskatchewan pour affaires du Sénat à des moments de la journée où un vol direct ou de correspondance à destination ou en provenance de la Saskatchewan n'aurait pas été raisonnable étant donné qu'une fois arrivée là-bas, elle doit faire deux heures de route pour se rendre à Wadena.

La section de la page 5 du rapport recense une série de documents examinés et d'entretiens réalisés.

(2030)

Je vous en fais la nomenclature pour vous montrer jusqu'à quel point l'étude de Deloitte a pris en compte une quantité importante de faits et de documents.

Le premier document est une lettre datée du 24 août 2012 par Alison Stodin. C'est une ancienne employée du bureau de la sénatrice Wallin. Cette lettre a été adressée à la sénatrice Stewart Olsen en sa qualité de membre du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. C'est une employée qui est demeurée à l'embauche de la sénatrice Wallin pour deux mois, juillet 2012 et août 2012.

Nous avons le compte rendu d'un examen des dépenses de la sénatrice, dressé par les services financiers du Sénat en octobre 2012 et les politiques et lignes directrices du Sénat en vigueur au 1er janvier 2009 jusqu'au 30 septembre 2012. Donc, tous les documents d'application et d'interprétation pour cette période en vigueur ont été examinés, entre autres, le Règlement administratif du Sénat, la Politique régissant les déplacements des sénateurs, les Lignes directrices régissant les déplacements des sénateurs, le Guide des ressources pour les sénateurs, les Lignes directrices sur les frais de subsistance des sénateurs dans la RCN.

Comme documents supplémentaires, nous avons les demandes de frais de déplacement de la sénatrice Wallin et pièces justificatives, de janvier 2009 à septembre 2012; la description de déplacements et d'activités et les calendriers mensuels Outlook fournis par le bureau de la sénatrice Wallin à l'appui des demandes de frais de déplacement; les rapports médiatiques et bulletins du bureau de la sénatrice Wallin faisant état de sa participation à diverses activités; les réponses du bureau de la sénatrice Wallin aux demandes de renseignement de Deloitte concernant ses demandes de frais de déplacement et les activités auxquelles elle a participé, et les pièces justificatives afférentes; les recherches sur Internet relatives aux activités auxquelles a participé la sénatrice durant la période d'examen; des notes de bureau de la sénatrice Wallin adressées aux services financiers du Sénat concernant les remboursements de ses frais de déplacement; les rapports de présence et justificatifs de congés de maladie; les renseignements reçus des associations de circonscriptions de Saskatchewan et de certaines associations de circonscriptions de l'Ontario concernant les activités auxquelles a participé la sénatrice Wallin; un résumé public de la sénatrice Wallin remis au Bureau du conseiller sénatorial en éthique; ses relevés de téléphone cellulaire pour la période d'examen; ses états de compte Visa pour la période d'examen; sa déclaration de résidence principale et les pièces justificatives; les versions électroniques des calendriers Outlook de la sénatrice Wallin sauvegardés le 30 septembre 2011, le 27 décembre 2012 et le 28 juin 2013; et, finalement, un résumé dressé par le greffier principal adjoint des comités des réunions des comités prévus au calendrier et la participation de la sénatrice Wallin aux réunions de comité durant la période d'examen.

Vous pouvez donc voir qu'il y a eu une étude exhaustive de l'ensemble de la documentation et des pièces justificatives du bureau de la sénatrice Wallin.

Nous avons également des entretiens de la sénatrice Wallin avec son adjointe Renée Montpellier, adjointe de la sénatrice depuis octobre 2012; Helen Krzyzewski, adjointe de la sénatrice Wallin, de septembre 2009 à octobre 2010; Sabrina Hamilton, adjointe de direction de la sénatrice de décembre 2010 à juin 2012; Alison Stodin, adjointe de direction de la sénatrice de juillet 2012 à août 2012 environ; des discussions avec le greffier, M. O'Brien, avec Jill Anne Joseph, notre directrice de la vérification interne et de la planification stratégique; des discussions et rencontres avec les agents des services financiers du Sénat, dont Mme Nicole Proulx, Bonnie Marga, Maggie Bourgeau et Mélissa Lalande, et Peter Feltham, chef d'exploitation des réseaux au Sénat du Canada.

Honorables sénateurs, il y a une quantité importante de documentation et de pièces justificatives. Il y a eu plusieurs rencontres avec les employés de la sénatrice, entre elle-même et les services administratifs, et il y a l'ensemble des documents qui sont pertinents pour faire une évaluation complète.

Parmi ces documents, nous retrouvons un tableau, à la page 9, qui résume les différents outils d'application pour les périodes pertinentes. J'attire votre attention, particulièrement sur la page 9, à la section 3.2, où on dit que :

Durant la période d'examen, le droit des sénateurs à se déplacer aux frais du Sénat était encadré par le Guide des ressources pour les sénateurs et, après son entrée en vigueur le 5 juin 2012, par la Politique régissant les déplacements des sénateurs.

Et on cite le Guide des ressources pour les sénateurs, au chapitre 4, où il est dit :

Les sénateurs ont le droit de voyager aux frais du Sénat pour leurs fonctions parlementaires dans leur région, à destination ou en provenance d'Ottawa, et ailleurs au Canada.

Le paragraphe 2.1.1 de la Politique régissant les déplacements des sénateurs dit :

Conformément à la présente politique, les déplacements font partie intégrante des fonctions parlementaires des sénateurs. Les fonctions parlementaires sont généralement exercées à Ottawa et les sénateurs doivent se déplacer afin d'assister aux séances du Sénat et aux réunions des divers comités. Les sénateurs assument également ces fonctions parlementaires dans leur région et, de temps à autre, ils peuvent être appelés à se rendre ailleurs au pays et dans le monde, au service du Sénat.

On identifie, au paragraphe 2.7.1, le système de 64 points pour l'exercice des fonctions parlementaires.

Honorables sénateurs, je ne vous remontrerai pas une autre fois la formule pour réclamer des frais de déplacement. Vous la connaissez bien et vous l'avez vue. Vous la complétez. C'est toujours le même formulaire de frais de déplacement où on doit justifier la notion de fonction parlementaire et les différents montants ou les différentes réclamations.

Au cours de son enquête, la firme Deloitte a identifié une problématique de calendriers. Ils ont fait une section, à la page 15, qui s'intitule, au numéro 4.2.1, Renseignements contradictoires et inscriptions aux calendriers Microsoft Outlook. Il semble qu'il y avait trois versions différentes du calendrier Outlook et qu'ils aient amené certaines non-concordances entre les différentes inscriptions. Je n'entrerai pas dans le détail de chacune de ces non-concordances. Vous pouvez les trouver, le document est public. Cela va de la page 15 à la page 17 du rapport, où on démontre qu'il y a des non- concordances entre les versions des différentes sections du calendrier.

(2040)

Vous avez une lettre de l'avocat de la sénatrice Wallin. Elle était aussi représentée par l' avocat dans cette démarche de vérification. Il y a une lettre de l'avocat qui est jointe et qui explique la raison des différentes versions du calendrier.

Honorables sénateurs, j'aimerais aller de façon plus détaillée dans les différentes demandes de remboursement. Et j'ai fait un décompte...

[Traduction]

L'honorable Anne C. Cools : J'invoque le Règlement.

Son Honneur le Président : La sénatrice Cools invoque le Règlement.

La sénatrice Cools : Je ne suis pas certaine de bien comprendre pourquoi nous sommes encore ici alors qu'il est presque 21 heures. Je ne comprends vraiment pas. Il serait peut-être bon qu'on nous explique pourquoi.

J'aimerais savoir jusqu'à quelle heure je peux m'attendre à siéger, ce soir. Je n'appartiens à aucun caucus, alors je ne reçois jamais l'information donnée aux caucus. Vous avez l'obligation de nous expliquer. Nous sommes ici depuis pas mal longtemps. Je n'ai pas la moindre idée du calendrier des séances. Je viens d'apprendre par hasard que nous siégeons demain matin.

Pensez-vous vraiment cela, madame la sénatrice LeBreton? Je crois que ce qui se passe actuellement dans cette enceinte est absolument honteux. C'est un scandale terrible. Vous êtes en train de ruiner la vie des gens. Quel déshonneur! Nous sommes au Sénat du Canada. Je veux savoir quand nous allons siéger.

Son Honneur le Président : À l'ordre, honorables sénateurs.

La sénatrice Cools invoque le Règlement pour soulever une question importante. Elle voudrait savoir si quelqu'un est capable de lui indiquer combien de temps nous siégerons ce soir et de lui indiquer aussi si nous allons siéger demain matin.

Je sais qu'il est toujours plus prudent de porter le chapeau de l'historien que celui du prophète, mais le Règlement dit que nous ne pouvons siéger plus tard que minuit ce soir. À minuit, le Règlement prévoit que la séance sera levée. Si nous ne sommes pas capables de nous entendre sur le moment de la reprise de nos travaux, alors ce sera à neuf heures demain matin. C'est ce que prévoit le Règlement.

Débat. Le sénateur Carignan a la parole.

[Français]

Le sénateur Carignan : J'aimerais continuer avec les différentes réclamations. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, j'ai fait un décompte de la quantité de réclamations qui étaient qualifiées de recevables par rapport aux fonctions parlementaires, celles qui étaient partiellement ou complètement irrecevables et celles qui touchaient les activités personnelles.

Pour la période de janvier 2009 jusqu'à septembre 2012, les réclamations qui ont été effectuées, qui sont en tout ou partiellement sans lien avec les affaires du Sénat, étaient au nombre de 78.

Il y avait 43 demandes qui ont occasionné un coût supplémentaire dû au fait qu'il y avait un arrêt; ce sont surtout des arrêts à Toronto qui étaient plus longs qu'une journée et qui amenaient une surcharge, et que cet arrêt n'était pas justifié par des affaires parlementaires. Cela fait un total de 121 réclamations qui, en tout ou partiellement, n'étaient pas reliées aux affaires parlementaires de la sénatrice.

À cela s'ajoutent 31 autres réclamations que la firme Deloitte n'était pas capable de trancher parce qu'ils trouvaient qu'il leur manquait de l'information; ils avaient besoin de l'expérience des sénateurs. C'est nous qui exerçons, en tant que sénateurs, la fonction parlementaire, donc on la connaît davantage, et Deloitte a demandé l'interprétation du Comité de la régie interne. Il y a 31 réclamations qui ont dû être tranchées par le Comité de la régie interne.

Vous avez entendu la question de l'interprétation, à savoir que la notion de fonction parlementaire n'est pas clairement définie, qu'elle dépend des activités de chacun. Quand on fait plus d'activités, c'est plus difficile à déterminer. Un sénateur actif rencontre plus de gens. Les fonctions parlementaires peuvent être assez diverses.

On peut avoir des problèmes d'interprétation, ce qui fait que, selon la sénatrice Wallin, il y a 121 réclamations qu'elle a faites en pensant que c'était des fonctions parlementaires, mais qui ont été rejetées par le Comité de la régie interne suite à la recommandation du rapport Deloitte.

J'aimerais attirer votre attention sur 31 réclamations. Je ne parle pas des 31 qui ont été tranchées par le comité; c'est le même nombre, mais ce ne sont pas les mêmes réclamations. La sénatrice Wallin a elle-même admis que 31 réclamations étaient de nature privée. Suite à la révision de ces dossiers, lorsque la vérification et l'enquête ont commencé, il y avait 31 réclamations distinctes qui étaient, en tout ou en partie, de nature complètement privée, ce que la sénatrice Wallin a elle-même admis, et qui ne prêtaient donc pas à interprétation.

Pour la réclamation no 5382, du 9 au 13 février 2009, au montant de 1 077 $ pour un vol de Toronto-Ottawa, Ottawa-Toronto, il a été jugé qu'un montant de 505,85 $ devait être remis au procureur général. D'après la version de la sénatrice Wallin, elle a pris l'avion d'Ottawa à Toronto, le 13 février 2009. Son bureau a déclaré qu'il s'agissait d'un déplacement concernant des intérêts privés antérieurs à sa nomination. Il a ajouté que pendant cette période de transition, la sénatrice croyait qu'elle était autorisée à honorer ses engagements antérieurs à sa nomination au Sénat. Elle a admis que c'était une activité de nature privée.

La réclamation no 5387, du 16 au 20 mars 2009, au montant de 114,11 $ : la sénatrice Wallin a pris l'avion d'Ottawa à Toronto dans la soirée du 20 mars 2009. Le bureau de la sénatrice a déclaré qu'il agissait d'un déplacement concernant des intérêts privés antérieurs à sa nomination au Sénat. Je m'excuse, ce montant n'est pas 114 $ mais bien de 3 843,71$.

La réclamation no 5388, du 23 au 26 mars 2009 : la sénatrice Wallin a pris l'avion de Toronto en direction d'Ottawa; il s'agissait de son vol de retour. Dans ce document, un peu plus bas, on nous dit : « La sénatrice a pris un vol d'Ottawa. Son bureau a indiqué que ce voyage avait été fait dans le cadre d'intérêts privés qui existaient avant sa nomination. »

Ce sont donc trois réclamations de nature privée qui, semble-t-il, avaient été prises avant la période de nomination.

(2050)

Au numéro 5394, du 3 au 8 mai, 5 519,02 $, un vol Toronto- Calgary — la motivation : toujours affaires du Sénat. La sénatrice Wallin a pris l'avion de Toronto à Calgary le 3 mai 2009. Son bureau a indiqué que ce voyage était motivé par les intérêts privés de la sénatrice et que les dépenses afférentes n'auraient pas dû être assumées par le Sénat. La somme de 4 794,90 $ a donc dû être remboursée le 9 mai 2013.

La somme au complet est 5 519,02 $, et la somme est de 4 794,90 $. Vous me direz que c'est une somme entre le mois de février, mars; on est rendus à mai, cela fait trois ou quatre mois, et nous sommes au mois de mai, on est à la quatrième demande qui est de nature privée, un montant de 4 754,74 $, et elle admet elle-même que c'est de nature privée. Donc, cela ne prête pas à interprétation.

Du 22 au 26 juin 2009, 2 856,05 $ — la motivation : toujours affaires du Sénat. Et on nous indique que la sénatrice a pris l'avion d'Ottawa à Calgary, le 23 juin 2009. Son bureau a indiqué que ce déplacement avait été motivé par des intérêts privés et que les dépenses afférentes n'auraient pas dû être payées par le Sénat. Donc, un remboursement de 2 561,50 $.

Au mois de juillet, du 21 au 26 juillet, une autre réclamation motivée « affaires du Sénat ». La justification : la sénatrice Wallin a fait un voyage à Calgary du 22 au 26 juillet. Son bureau a indiqué ce qui suit : « voyage pour raisons personnelles aux frais de la sénatrice, du 22 au 25 juillet, à Calgary ». Certaines indemnités quotidiennes ont été réclamées à tort. Erreur administrative. La sénatrice a obtenu du Sénat un remboursement d'indemnité quotidienne.

Les 16, 21 et 22 janvier 2010, une réclamation de 1 769,95 $, Ottawa-Toronto, Ottawa-Toronto. Justification : affaires du Sénat. On nous dit que la sénatrice Wallin a pris l'avion d'Ottawa à Toronto le 16 janvier 2010 et est retournée à Ottawa le 21 janvier 2010. Son bureau a indiqué que le 19 janvier 2010, la sénatrice avait été invitée à prendre part à un déjeuner de l'Empire Club au cours duquel le président et chef de la direction de la compagnie aérienne Porter devait intervenir comme conférencier invité. Le calendrier Outlook de 2013 contient une nouvelle entrée « Empire Club event » et l'indication suivante : « déjeuner, septième cérémonie du p.d.g. de l'année Porter ». Donc, une somme qui avait été justifiée aussi sous « affaires du Sénat » et qui devait être remboursée, pour une somme de 1 281,95 $.

La réclamation du 3 au 12 mai 2010, 707,78 $, pour affaires du Sénat. Justification : la sénatrice a pris l'avion Toronto-Ottawa, le 10 mai 2010. Selon son bureau, comme elle revenait d'un voyage d'affaires privé, elle n'aurait pas dû se faire rembourser les frais engagés. Remboursement de la somme.

Le 16 juillet 2010, 99,23 $, non précisé. Entrevue pour le Sénat. Selon son bureau, la sénatrice s'est occupée d'affaires personnelles du 14 au 16 juillet 2010, et elle n'aurait pas dû réclamer ce montant.

Du 2 au 13 décembre 2010, 1 252,71 $, un vol Ottawa-Toronto- Ottawa justifié « affaires du Sénat ». La sénatrice a pris l'avion Ottawa-Toronto le 2 décembre 2010. Selon son bureau, le déplacement était pour affaires personnelles et n'aurait pas dû se faire aux frais du Sénat. Remboursement de la somme.

Le 5 septembre 2011, 1 779,62 $, Toronto-Ottawa-Toronto, « affaires du Sénat » comme justification. La sénatrice Wallin a pris l'avion. Le bureau de la sénatrice a fait savoir qu'il s'agissait d'affaires privées et que les frais connexes n'auraient pas dû être réclamés au Sénat.

La semaine d'après, du 7 au 14 septembre 2011, une réclamation encore, affaires du Sénat. Une partie de 723,83 $, on nous dit que le bureau de la sénatrice a effectué des vérifications à l'issue desquelles la sénatrice a remis la somme de 738 $ qu'elle avait réclamée pour ses dépenses et qu'elle avait remboursée à tort.

Le 31 octobre 2011, une autre réclamation, 1 251,17 $, justifiée « affaires du Sénat ». La sénatrice Wallin a pris l'avion d'Ottawa pour se rendre à Toronto. Le bureau de la sénatrice a fait savoir qu'il s'agissait d'affaires privées et que les frais connexes n'auraient pas dû être réclamés.

Quelques jours plus tard, le 1er novembre 2011, 1 861,77 $, justification « affaires du Sénat ». On nous dit que la sénatrice Wallin a pris l'avion d'Ottawa pour se rendre à Toronto, le 1er novembre 2011, dans la soirée. Le bureau de la sénatrice a fait savoir qu'il s'agissait d'une affaire privée et que les frais connexes n'auraient pas dû être réclamés. Remboursement du montant.

Le 2 novembre 2011, 1 251,17 $, Toronto-Ottawa-Toronto, toujours la même justification. La sénatrice, après avoir effectué des vérifications à l'issue desquelles la sénatrice a remis la somme de 763 $ qu'elle avait réclamée pour ses dépenses et qui lui auraient été remboursée à tort.

Du 9 au 13 novembre 2011, 1 703,03 $, « affaires du Sénat » comme justification. La sénatrice a pris l'avion d'Ottawa pour se rendre à Toronto le 13 novembre. Le bureau de la sénatrice a fait valoir qu'il s'agissait d'affaires privées et que les frais connexes n'auraient pas dû être réclamés. Remboursement de 1 128,34 $.

Du 14 au 20 novembre 2011, une autre réclamation justifiée « affaires du Sénat », remboursement d'une partie des sommes en disant que le bureau de la sénatrice a effectué des vérifications à l'issue desquelles la sénatrice a remis la somme de 761,78 $ qu'elle avait réclamée pour ses dépenses et qui lui avait été remboursée à tort.

Du 21 au 27 décembre 2011, 5 130,94 $, affaires du Sénat. La sénatrice Wallin a pris l'avion à Saskatoon pour se rendre à Toronto le 27 décembre 2011. Le bureau de la sénatrice a fait savoir qu'il s'agissait d'affaires privées et que les frais connexes n'auraient pas dû être réclamés au Sénat. Remboursement de 2 492,81 $.

Du 7 au 17 janvier 2012, 5 300,89 $ de réclamation, affaires du Sénat. Le bureau de la sénatrice a effectué des vérifications à l'issue desquelles la sénatrice a remis la somme de 2 790 $ qu'elle avait réclamée pour ses dépenses et qui lui avait été remboursée à tort.

Du 27 février au 2 mars 2012, 1 573,01 $, réclamation. Justification : affaires du Sénat. La sénatrice Wallin a signalé qu'il s'agissait d'affaires privées et que les frais connexes n'auraient pas dû être réclamés au Sénat. Remboursement de la somme : 1 516,16 $.

Du 4 au 8 mars 2012, c'est la même chose.

(2100)

Ensuite, du 7 au 9 mai 2012, 10 mai 2012, du 11 au 13 juin 2012, du 13 au 14 juin 2012, du 18 au 22 juin 2012, du 25 au 29 juin 2012, du 9 au 13 juillet 2012, du 26 au 29 juillet 2012, du 20 au 23 septembre 2012, du 23 au 25 septembre 2012; ce sont toutes des réclamations qui ont été remboursées en tout ou en partie en justifiant « affaires privées » et réclamées à tort.

Vous vous rappelez la formule selon laquelle on doit certifier que les montants réclamés respectent le Règlement administratif du Sénat, le guide et les politiques, qu'on a fait la vérification et que tout est conforme. Comment peut-on savoir, trois ans après, qu'il s'agissait d'affaires privées et ne pas le savoir 30 jours plus tard? On a un maximum de 60 jours pour soumettre nos réclamations. Normalement, on se souvient de la nature de la demande qu'on a faite. Si on est capable de savoir trois ans plus tard que c'était de nature privée, on devait nécessairement le savoir 30 jours après la réclamation.

Comme je l'ai dit pour les autres sénateurs, ce sont des sommes importantes, ce ne sont pas des montants qui prêtent à interprétation. La sénatrice a elle-même admis que c'était de nature privée. Ce n'est pas : « J'ai rencontré le président Untel dans le cadre de mes fonctions », ou « J'ai rencontré l'ambassadeur dans le cadre de mes affaires étrangères », ou « Je suis allée manger avec tel président de compagnie, puis je pense que c'est dans le cadre de mes fonctions parlementaires »; ce sont des événements qui ont été désignés comme n'étant pas des fonctions parlementaires. Ce sont des admissions de sa part que l'évènement était de nature privée.

Quand on a 31 réclamations claires, qu'elle a elle-même admises et qu'elle a signées comme étant des fonctions parlementaires, manifestement, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans le bureau ou dans l'apposition de sa signature. Il y a eu quatre secrétaires différentes, donc on ne peut pas dire que c'est l'erreur d'une secrétaire en particulier qui ne savait pas comment appliquer la règle. De toute façon, la sénatrice l'atteste avec sa signature. Donc, 121 réclamations qui, selon l'interprétation du Comité de la régie interne et de Deloitte, n'étaient pas, en tout ou en partie, associées à des fonctions parlementaires; 31 réclamations qu'elle a elle-même admises, et 121, de janvier 2009 à septembre 2012. Environ deux, trois par mois sont jugées non conformes.

Honorables sénateurs, il apparaît manifeste qu'à répétition, la sénatrice Wallin a signé des réclamations en ne faisant pas le minimum requis pour s'assurer que la demande était justifiée. Quand on sait trois ans plus tard qu'une réclamation était de nature privée, on devait sûrement le savoir 30 jours après la réclamation ou la dépense qu'elle était de nature privée.

On nous a dit — on l'a su par les médias — que la sénatrice prétendait ne pas avoir eu la chance d'expliquer sa position. Ici, le rapport est clair. Selon ce dernier, il y a eu plusieurs rencontres de sa part. La position de la sénatrice est inscrite sur chacune des réclamations, de même que la position du vérificateur ou la recommandation du vérificateur. Le rapport a été étudié par le Comité de la régie interne le 13 août 2013, auquel la sénatrice a pu faire valoir son point de vue au cours des heures qui ont précédé la rédaction du rapport.

Il peut, honorables sénateurs, y avoir quelques erreurs ponctuelles qui se glissent en produisant des réclamations. Cependant, comme je le disais, les réclamations sont produites dans les 60 jours qui suivent les dépenses. Avoir autant d'erreurs démontre un sérieux problème de gestion, d'imprudence et d'insouciance. Lorsqu'on appose notre signature et qu'on atteste que tout est conforme au Règlement, cela doit être vrai, surtout quand la conséquence de la réclamation fait en sorte — comme je l'ai dit pour les autres — de transférer de l'argent public dans notre compte privé. Un minimum d'attention de la sénatrice aurait permis d'éviter cette quantité d'erreurs. C'est d'autant plus important quand on occupe des fonctions de la nature de celles qu'exerce la sénatrice Wallin.

Je suis d'avis, et c'est assez évident, qu'il y avait une incurie, une imprudence de sa part lorsqu'elle complétait ses formulaires. Quand on réclame 4 500 $ et que ces dépenses sont de nature privée, on doit prêter une attention sérieuse. Il m'apparaît évident que cela n'a pas été fait et qu'il y a eu une grossière négligence dans la gestion de ses affaires et de ses comptes de dépenses.

C'est pour cette raison que je vous invite à appuyer la motion que j'ai déposée.

L'honorable Pierre Claude Nolin : Sénateur Carignan, vous avez parlé d'un montant total de 121 348 $. Est-ce exact, après avoir examiné toute la documentation et les pièces justificatives, que toutes les réclamations totalisent 121 348 $?

Le sénateur Carignan : Oui. Je n'ai pas refait le calcul, mais cela semble correspondre, sinon il y aurait une différence de quelques dollars, mais cela me paraît conforme.

Le sénateur Nolin : Est-ce que tous ces documents que vous avez consultés et que vous avez cités pendant votre allocution sont des documents en provenance du Comité de la régie interne ou qui ont été soumis au Comité de la régie interne par les vérificateurs?

Le sénateur Carignan : Écoutez, plusieurs de ces documents sont des documents du Sénat comme les règlements, les politiques, les directives. Plusieurs de ces documents ont été fournis par la directrice des finances, Mme Proulx, à la firme comptable. Mais est-ce que le Comité de la régie interne a examiné les comptes Visa? Ou est-ce plutôt Deloitte? À mon avis, c'est plutôt Deloitte. Je n'ai pas assisté à cette réunion précise du Comité de la régie interne. J'étais à l'extérieur du pays. Je me suis fait remplacer par le sénateur White, cette journée-là. Les éléments du rapport en font état, mais la sénatrice Wallin a obtenu ce rapport et a pu faire des commentaires, et peut toujours faire des commentaires s'il y a des éléments d'inexactitude quant aux chiffres.

(2110)

Le sénateur Nolin : Tout au long de votre examen, avez-vous vu ou lu ou demandé un document qui aurait pu, d'une façon ou d'une autre, atténuer la demande que vous nous faites suite à votre motion?

Le sénateur Carignan : Franchement, non.

Le sénateur Nolin : Non? Je vous remercie.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Si je ne fais pas erreur, hier, nous avons eu une réunion avec des vérificateurs qui nous ont expliqué ce qui va se passer dans le futur pour nous tous. On leur a demandé de nous donner la définition de « fonction parlementaire » et ils n'ont pas été capables de nous répondre. Ils ne se sont même pas engagés à s'enquérir de l'information auprès de parlementaires pour répondre à notre question ultérieurement.

Dans le rapport du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, pouvons-nous y trouver une définition de « fonction parlementaire »? Y retrouve-t-on un guide afin de nous aider à comprendre exactement de quoi il s'agit?

Le sénateur Carignan : Écoutez... Écoutez, il va vraiment falloir que je casse cette habitude; je m'y engage d'ici la fin de la session.

La notion de « fonction parlementaire » est définie aux termes du Règlement administratif du Sénat, à l'article 1.03(1), et à la politique 1.5(3), la politique de frais de déplacement, et elle s'étend aux obligations et activités se rattachant à la charge du sénateur. Où commence notre charge? Où se termine-t-elle? Il peut y avoir des zones grises, et c'est pour cela que la politique de 2012 comporte un guide, une annexe qui comprend certains exemples de « fonction parlementaire » et de « fonction non parlementaire ».

Après avoir entendu les différents commentaires, arguments et critiques que la sénatrice Wallin a faits par rapport aux déclarations publiques sur le contenu, j'ai décidé de me concentrer sur les plus faciles. Il y a 31 réclamations. Je me suis dit, oublions-les toutes, je vais lui donner 100 p. 100 raison sur toutes les autres.

Je vais me concentrer sur les 31 réclamations qui ont fait l'objet d'une admission de sa part en me disant que si, selon elle, c'est de nature privée trois ans plus tard, normalement, 30 jours plus tard, elle devrait arriver à la même conclusion. S'il y en a juste 31, et que c'est évident que c'est de nature privée, elle-même l'a reconnu, pour moi, il y a un problème, il y a un sérieux problème.

Le sénateur Dallaire : La charge de parlementaire, c'est nébuleux. Ensuite, dans l'analyse faite par le Comité de la régie interne ainsi que dans celle des vérificateurs, est-ce que « nature privée » en 2009 et « nature privée » en 2013 ont la même définition? On sait que les choses changent, les traditions changent ainsi que les interprétations. On est aussi très fort avec le Monday morning quarter backing. Des révisions se font couramment. J'essaie de m'assurer que la définition de « nature privée » était la même au moment des vérifications et en 2009.

Le sénateur Carignan : Écoutez, si vous regardez le document, pour ce qui est des fonctions parlementaires qui sont contestées, sur la notion de « fonction parlementaire », la position de la sénatrice est toujours écrite. Chaque fois, elle précise qu'elle considère que c'est une fonction parlementaire parce qu'elle a rencontré monsieur X, qui est président de telle entreprise. Je donne un exemple comme cela, parce qu'il y a 121 réclamations. Elle a fait valoir son point de vue sur chacune des réclamations. Et lorsque la firme était en désaccord, elle le justifiait et le disait chaque fois. Je tiens donc pour acquis que lorsqu'elle a dit que c'était de nature privée, c'était vraiment de nature privée, parce que lorsqu'elle a contesté les différentes réclamations, sa position était très bien écrite et la décision ou la recommandation de la firme l'était aussi; ce qui a permis au Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration de trancher et de recommander la même interprétation ou la même application que la firme Deloitte. Le Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration aurait pu dire à Deloitte qu'il n'était pas d'accord avec leur interprétation de « fonction parlementaire », que ce n'est pas comme cela qu'on l'entend dans notre pratique de tous les jours. Cela n'a pas été le cas, et il y a une trentaine de mille dollars qui ont été soumis à interprétation; je crois que 17 000 dollars ont été tranchés, qu'elle devait rembourser en plus. L'autre partie, on a considéré que c'étaient des affaires parlementaires, justement. Cela a très bien été identifié : « nature privée », « affaire parlementaire » selon la sénatrice Wallin, « affaire non parlementaire » selon Deloitte et une autre zone, une zone grise qui a été déterminée par le Comité de la régie interne.

Le sénateur Dallaire : C'est important, parce que c'est la seule chance qu'il semble que nous aurons de poser des questions par opposition à l'option proposée d'un comité qui pourrait poser ces questions. En 2009, quand elle a fait une activité privée, l'administration, le service des finances avait le rôle de réviser, tout de même? Selon mon expérience, le service des finances doit faire une certaine révision des demandes de remboursement des dépenses. Ils ne remboursent pas aveuglément parce qu'un sénateur a signé. Ils ont la responsabilité de faire le suivi des règlements. En 2009, la définition d'« affaire privée » était-elle la même que cet été?

(2120)

Le sénateur Carignan : Dans le rapport, il semble que toutes les réclamations de la sénatrice avaient la justification générale « fonction parlementaire » ou « affaires du Sénat ». À quelques reprises, l'administration a demandé des précisions ou des justifications supplémentaires lorsqu'ils voyaient une indication qui pouvait leur permettre d'avoir un doute ou de creuser un peu plus, mais c'est notifié dans chacune des réclamations lorsque l'administration a requis un complément. Vous le savez, ces réclamations sont beaucoup sur l'honneur. On réclamait « fonction parlementaire ». Si à première vue pour l'administration rien ne cloche, si le sénateur nous a dit que c'étaient des fonctions parlementaires, on tient pour acquis que c'étaient des fonctions parlementaires. Si je vais manger avec mon fils et que j'écris « fonction parlementaire », l'administration ne le sait pas. Ils voient une facture « fonction parlementaire », ils ne savent pas avec qui j'ai mangé, il suffit que quelqu'un d'autre m'ait vu avec mon fils pour savoir que ce n'était pas une « fonction parlementaire », mais une « fonction parentale ». L'administration a besoin d'indices pour pouvoir aller creuser et pousser plus loin, mais lorsque c'est général, c'est plus difficile.

Le sénateur Dallaire : Quand la personne a écrit ce que vous nous avez dit et que cela n'a pas été une activité parlementaire, êtes-vous en train de dire que le document a été falsifié de façon délibérée ou est-ce une interprétation de l'individu à ce moment-là? Je sais que vous en avez plusieurs. C'est pour cette raison que je vous pose la question. Vous avez une meilleure connaissance du dossier que nous.

Le sénateur Carignan : Ce n'est pas possible de le savoir. C'est une des raisons pour lesquelles le Comité de la régie interne en a référé aux autorités compétentes pour voir s'il s'agissait d'une série d'imprudences ou s'il y avait une intention frauduleuse. Ce n'était pas possible de le déterminer et cela a été transféré aux autorités compétentes pour qu'ils puissent faire une enquête pour savoir si c'était de cette nature.

Le comité ne peut pas, et je crois que nous ne pouvons pas tirer la conclusion que c'était de cette nature-là, et c'est pour cette raison que le Comité de la régie interne a demandé une enquête à l'externe pour cette partie-là. Mais le Comité de la régie interne, comme je l'ai expliqué hier, a le pouvoir de trancher si c'est conforme au Règlement ou non. C'était tellement non conforme que même la sénatrice Wallin a admis que ce n'était pas conforme au Règlement.

[Traduction]

L'honorable Terry M. Mercer : Sénateur Carignan, j'ai écouté avec intérêt votre discours. Vous avez parlé tout à l'heure des allers- retours de la sénatrice Wallin à Toronto et en Saskatchewan, et du pourcentage du temps qu'elle passait à chaque endroit. Tout cela est très intéressant, mais pourriez-vous me dire le pourcentage de temps que les sénateurs doivent passer dans la province ou le territoire qu'ils représentent? Quel est le point de référence? Quel est le pourcentage qu'ils doivent respecter pour pouvoir dire qu'ils font leur travail et qu'ils représentent leur province ou leur territoire?

[Français]

Le sénateur Carignan : Cette question ne se posait pas dans le cas de la sénatrice Wallin, contrairement aux sénateurs Brazeau et Duffy. Pour le sénateur Brazeau, la question était une question de résidences; résidence principale, résidence secondaire. Pour le sénateur Duffy, il y avait deux questions; résidence principale, résidence secondaire, à savoir un litige sur cet aspect-là en plus des 49 jours qui ont été réclamés alors qu'il n'était manifestement pas à Ottawa à cette période. Tandis qu'ici, la question de la résidence secondaire était claire, elle était à l'extérieur des 100 kilomètres pour ce qui est de sa résidence principale. Quand la sénatrice Wallin vient à Ottawa, c'est évident que sa résidence principale n'est pas dans la RCN. Elle avait et elle a droit au remboursement de subsistance dans la capitale. Le litige n'est pas de savoir où est sa résidence principale pour les frais de subsistance. Cela a peut-être joué pour Toronto parce que son pourcentage de temps à Toronto est plus élevé que son pourcentage de temps en Saskatchewan ou à Ottawa, mais cela n'avait pas de pertinence directe sur le plan des fonctions. Elle aurait pu exercer sa fonction parlementaire à Charlottetown; cela dépend de la nature de la demande et des personnes présentées compte tenu de ses tâches ici, au Sénat.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Vous n'avez pas répondu à la question. En fait, selon le Règlement, les sénateurs pourraient n'avoir passé qu'un seul jour dans la région ou le territoire représenté pour respecter la condition qui demande d'y être allé.

Le problème — il faudrait d'ailleurs que nos amis des médias le reconnaissent —, c'est qu'il n'y a rien d'écrit nulle part. Dans notre édifice, il y a 413 personnes qui n'ont pas de description de travail : 105 au Sénat et 308 à l'autre endroit. Il n'y a pas de descriptions de travail pour ce que nous faisons, en l'occurrence légiférer, et il ne devrait pas y en avoir parce que nous avons tous des intérêts très différents à défendre et des façons différentes de faire notre travail. Votre façon de travailler, sénateur Carignan, est complètement différente de la mienne. Je respecte cela et j'espère que vous respectez aussi ma façon de travailler.

Je ne suis pas ici pour défendre les sénateurs Wallin, Duffy ou Brazeau, je suis ici pour défendre le Sénat. Je pense qu'il est important que les gens reconnaissent qu'il n'existe pas de description de travail universelle pour la fonction de sénateur. On ne peut pas définir précisément le travail d'un sénateur. La manière de travailler du sénateur Dallaire, de la sénatrice Wallin ou du sénateur Segal diffère de la mienne. Une telle description de travail n'existe tout simplement pas.

Par conséquent, je pense qu'il n'est pas du tout pertinent de continuer à discuter du nombre de jours passés ou non à Toronto, de souligner que la sénatrice Wallin n'a passé que tant de jours en Saskatchewan ou que le sénateur Duffy n'a passé que tant de jours à l'Île-du-Prince-Édouard. Aucune ligne directrice ne stipule que le sénateur Andreychuk doit passer tant de jours en Saskatchewan ou que je dois passer tant de jours en Nouvelle-Écosse. J'essaie d'y passer autant de jours que je peux, mais cela m'a valu d'être critiqué dans les médias. Je pense qu'il est très important que nous comprenions cela. Je ne comprends pas pourquoi vous continuez à dire que la sénatrice Wallin et le sénateur Duffy ne passent pas assez de temps dans leur région ou qu'ils ne s'y rendent pas assez souvent — par contre, je comprends pourquoi vous ne dites pas la même chose pour le sénateur Brazeau. Il n'existe aucune ligne directrice à ce sujet. Vous ne pouvez pas reprocher à quelqu'un d'avoir enfreint des règles qui n'existent pas. Il n'existe aucune règle à ce sujet.

Le sénateur Dallaire pourrait aller à Québec une ou deux fois par année et quand même remplir ses obligations de sénateur. Je pourrais aller en Nouvelle-Écosse une fois par an et remplir les miennes.

[Français]

Le sénateur Carignan : Écoutez, je veux juste vous référer. Il y a des normes. Si vous ne les connaissez pas, il y a un vérificateur général qui va nous rencontrer. Vous êtes peut-être mieux de les lire avant qu'il se présente devant nous.

À la page 10 du rapport de Deloitte, elles sont citées au chapitre 1:03.1 du Règlement administratif du Sénat et la politique « fonctions parlementaires » :

« « Fonctions parlementaires » s'entend des obligations et des activités se rattachant à la charge de sénateur, où qu'elles soient exécutées, y compris les engagements publics et officiels et les questions partisanes, mais qui ne comprennent pas les activités relatives :

a) à l'élection d'un membre de la Chambre des communes lors d'une élection tenue en vertu de la Loi électorale du Canada,

b) aux intérêts privés d'un sénateur ou d'un membre de sa famille ou de son foyer. »

Donc, quand c'est relatif à vos intérêts privés, cela ne fait pas partie du travail de sénateur.

(2130)

Il y a également la définition d'« engagement public », prévue au chapitre 1:03.1 du Règlement administratif du Sénat, qui prévoit :

« Engagement public » Tous les engagements qu'un sénateur exerce à des fins publiques, qu'ils soient ou non autorisés par le Sénat ou le gouvernement du Canada, notamment les engagements officiels, les fonctions de représentation, les activités partisanes et les déplacements connexes, mais à l'exclusion des engagements liés à ses affaires personnelles.

Il y a donc une définition, un encadrement qui donne une certaine marge de manœuvre. Et c'est pour cela que je ne voulais pas nécessairement entrer dans les 90 autres réclamations qui ont été jugées non recevables, en tout ou en partie, et que je me suis concentré sur les 31 réclamations qui sont de nature privée, admises par la sénatrice Wallin elle-même.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Vous avez mal compris la question. La question portait sur le fait que vous avez parlé de ce que nous ne pouvons pas faire, et je suis d'accord. Je connais ces règles et je m'efforce de les respecter. Toutefois, certains concepts ne sont pas définis. Le terme « fonctions parlementaires » n'est pas défini clairement. Les fonctions parlementaires du sénateur Dallaire, du sénateur Robichaud, du sénateur Segal ou du sénateur Greene sont différentes de celles du sénateur Mercer, puisque nous faisons tous notre travail différemment. Il n'existe pas de description de tâche ici. Le sénateur Dallaire se déplace pour parler des enfants soldats. Je passe beaucoup de temps dans le monde des sociétés à but non lucratif à parler aux organismes et aux gens du mouvement caritatif. Le sénateur Munson s'investit dans la question de l'autisme et parle aux gens de ce milieu. Ces choses-là ne sont écrites nulle part. Le vérificateur général aura beaucoup de difficulté avec cela; lui et son équipe auront beaucoup de mal à définir ces activités.

Mais revenons à ma question : combien de temps les 105 sénateurs doivent-ils passer dans leur région pour répondre aux exigences? Une journée? Est-ce dix jours? Est-ce 10 p. 100? Est-ce 15 p. 100? Est-ce 60 p. 100? Il n'existe pas de ligne directrice sur cette question, sénateur Carignan, et vous le savez. Il vous est impossible de citer une directive qui porte là-dessus.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je vais répondre à votre question, mais avant, je veux revenir sur votre introduction à votre question. Les « affaires parlementaires », ce n'est pas n'importe quoi. Ce que vous dites m'inquiète et vous devez commencer à avoir une petite nervosité, parce que, en ce qui concerne les affaires privées, quand je retourne chez moi et que je vais faire des activités à la fondation de l'hôpital de Saint-Eustache, je n'y vais pas à titre de sénateur, c'est mon intérêt privé d'aider la fondation; cela n'a rien à voir avec mes fonctions de sénateur. Même si je n'étais pas sénateur, j'irais quand même.

Le test est de savoir si j'irais si je n'étais pas sénateur. Oui. Donc, pour moi, c'est de nature privée. Si je suis sénateur et qu'il y a une activité ou une rencontre, c'est un premier test, une première question que je me pose.

Je vous invite, si vous n'êtes pas certains de vos fonctions, à demander au Comité de la régie interne de vous donner leur opinion. C'est leur rôle exclusif de le faire lorsque vous n'êtes pas certain si une dépense est de nature parlementaire. Je ne sais pas si cela pourra vous aider rétroactivement.

Sur la question du pourcentage que vous devez utiliser pour être considéré comme résidant dans la province, ce sont des points d'attache, ce sont des points de rattachement au niveau de la résidence. Mais ici, ce n'était pas pertinent pour le calcul de la réclamation qui a été faite.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : C'est pertinent, sénateur Carignan, parce que nos amis des médias s'intéressent à la quantité de temps que passe, ou non, le sénateur Duffy à l'Île-du-Prince-Édouard. Ils parlent aussi du temps que la sénatrice Wallin passe, ou non, en Saskatchewan.

Le problème, c'est que je ne pense pas que vous compreniez le genre de travail que nous faisons ici, au Sénat.

Après ma nomination au Sénat, j'ai pris un avion pour rentrer à Halifax. À bord, j'ai rencontré Bill Casey, qui était alors député progressiste-conservateur de Cumberland-Colchester- Musquodoboit Valley. C'est un type bien. Il a été député très longtemps. Vous l'avez expulsé du caucus parce qu'il avait eu le courage de tenir tête au premier ministre.

Bill Casey m'a dit ceci : « Terry, félicitations pour votre nomination. Vous avez un gros avantage par rapport à moi. » Je lui ai demandé pourquoi. Il a répondu : « En tant que membre d'un caucus important à la Chambre des communes, je ne peux pas faire grand-chose à cause de mes fonctions et du fait que je dois me faire réélire tous les trois ou quatre ans. Vous... » — il faisait allusion à mes fonctions de sénateur — « ... pouvez accomplir beaucoup de choses, car vous pouvez choisir vos causes. » On peut penser ici à la cause des enfants-soldats, au travail réalisé pour le secteur caritatif, à la lutte contre l'autisme, à la lutte antitabac — une cause qu'a épousée le sénateur Kenny —, ou encore à la question de la drogue — un enjeu qu'a approfondi le sénateur Nolin. Il m'a dit que nous pouvions accomplir quelque chose, car notre mandat est long ici, nous ne sommes pas obligés de nous faire réélire tous les quatre ans. Nous pouvons commencer à travailler sur une question dès aujourd'hui. Il se peut que cela nous prenne quatre ou six ans. Il est parfois nécessaire de se vouer à une cause pendant 20 ans avant d'atteindre ses objectifs, mais nous disposons de cet avantage.

Nous nous intéressons tous à des choses différentes, mais il ne s'agit pas d'intérêts personnels. Il s'agit d'intérêts publics, car nous travaillons au nom de la population partout au pays. Quand je rentre dans mon village de Mount Uniacke, en Nouvelle-Écosse, je ne voyage évidemment pas pour les affaires du Sénat. Si j'assiste à certaines réunions à Halifax, cela ne fait pas partie de mes activités sénatoriales. Toutefois, si je vais rencontrer divers groupes pour essayer de comprendre des enjeux dans des domaines qui m'intéressent en tant que sénateur, je pense que ces activités font partie de mes fonctions de sénateur.

[Français]

Le sénateur Carignan : La définition d'« affaires parlementaires », comme je l'ai dit, est dans le Règlement. Je ne suis pas certain que l'on ait la même définition. Cela m'inquiète, pas pour moi, mais cela m'inquiète de vous entendre parler ainsi et de me poser des questions de cette nature. Depuis le temps que vous êtes ici, vous devriez savoir que les fonctions parlementaires c'est ce qui se rattache au Sénat, et on doit faire une distinction avec nos intérêts privés ou les éléments qui nous touchent de façon particulière.

La zone peut quand même être assez bien délimitée. C'est ce qui fait qu'on doit être prudent et, lorsqu'on n'est pas certain, on peut demander une opinion à notre conseiller juridique ou au Comité de la régie interne qui nous diront si, selon eux, ce sont des fonctions parlementaires ou non avant d'engager des dépenses.

Le vérificateur général va sûrement pouvoir vous aider plus que moi et vous aurez peut-être des remboursements à faire.

Le sénateur Robichaud : Vous allez m'écouter! On voit, dans le rapport qui a été soumis par le Comité de la régie interne au sujet de l'honorable sénatrice Wallin, un montant de 121 348 $.

Si je comprends bien les reportages que j'ai entendus, le montant total plus les intérêts ont été remboursés au Sénat par l'entremise du receveur général du Canada, n'est-ce pas?

(2140)

Le sénateur Carignan : Oui, le montant a été remboursé parce qu'il y a eu une ordonnance du Comité de la régie interne. Cependant, le montant remboursé volontairement, si je peux dire, est un montant de 38 369 $. Ce qui laisse un montant net de 82 979 $ qui a été remboursé par la sénatrice Wallin. Il ne semble toutefois pas qu'elle ait admis devoir ces montants, parce que, quand elle est sortie du Comité de la régie interne, elle a tenu des propos plutôt désobligeants que je n'oserais pas citer. Je n'ai donc pas senti qu'elle était d'accord avec la décision.

Le sénateur Robichaud : Honorables sénateurs, je ne crois pas que l'on doive faire l'interprétation des propos d'une personne qui sort d'une réunion. En fait, le montant a été remboursé, n'est-ce pas?

Le sénateur Carignan : Oui.

Le sénateur Robichaud : Lorsque vous avez considéré les conditions de suspension, avez-vous tenu compte de ce remboursement?

Le sénateur Segal : Pas du tout.

Le sénateur Robichaud : Parce qu'en fait, les conditions de suspension sont les mêmes pour les trois sénateurs en question. Je trouve un peu curieux qu'on ait tous la même punition, si on peut dire ainsi, sans savoir la gravité ou les montants en question des trois personnes. Lorsqu'on veut faire en sorte qu'une personne est punie — et j'emploie un terme qui n'est pas le bon — que l'on tienne compte de ce qui a été fait et ce qui a été remboursé. Je ne nie pas que des choses ont été réclamées et qui n'auraient pas dû l'être. Je crois qu'on aurait tout de même dû tenir compte du fait que les montants ont été remboursés.

Le sénateur Carignan : Oui, mais il y a une différence entre un montant de 38 369 $, qui a été remboursé dès le début, lors de l'enquête, lorsqu'elle a réalisé que c'étaient des éléments de nature privée, et l'autre, où elle a été forcée de rembourser parce qu'il y avait une décision du Comité de la régie interne qui lui disait : « tu le paies, sinon on le prend sur ton salaire », qui est la conséquence, comme ce qui est arrivé avec le sénateur Brazeau.

Vous dites que je propose la même sanction même s'il s'agit de trois situations différentes. Ce sont trois situations graves, selon moi, qui nécessitent la même sanction, mais pour des raisons différentes. Dans le cas, par exemple, du sénateur Brazeau, le montant est moins élevé. Il n'a jamais admis qu'il devait le montant ou accepté qu'il avait induit en erreur en faisant sa déclaration. Il le conteste. Il nous a amené un document qui explique que l'administration lui avait dit, en 2011 — on l'a vu et il a été déposé — que oui, il pouvait se louer un logement. Si je lui avais répondu : « Oui, tu peux te louer un logement et tu vas y avoir droit si c'est ta résidence secondaire, pas si c'est ta résidence principale ». Toutefois, il est à 133 kilomètres. Vous comprendrez que lorsque vous avez une résidence supposément secondaire à Ottawa avec, supposément, une résidence principale à Maniwaki, située à 133 kilomètres, et que vous passez seulement 10 p. 100 de votre temps à votre résidence principale et 80 quelque p. 100 à votre résidence secondaire, il y a une intention qui est beaucoup plus forte.

Dans le cas du sénateur Duffy, nous sommes devant deux situations. Il y a la question de la résidence principale versus la résidence secondaire. Je vous ai cité un cas identique à Londres où une suspension a eu lieu jusqu'à la fin de la session. S'ajoutent en plus les 49 jours où il a réclamé en disant : « Je suis à Ottawa », alors qu'il était à Charlottetown, qu'il était en Floride ou qu'il était ici. Dans cette situation, on a 121 réclamations non conformes. On peut estimer qu'il y a eu autour de 230 ou 240 réclamations au maximum. Donc, plus de la moitié des réclamations ne sont pas conformes à la notion de fonctions parlementaires, en tout ou en partie, et 31 de ces réclamations sont de nature complètement privée.

Par conséquent, compte tenu de l'importance des montants, si la réclamation complète est de 5 500 $, que les évènements sont de nature privée, que j'appose ma signature et que je dis qu'il s'agit de fonctions parlementaires, la situation est grave, très grave. C'est pourquoi je demande la suspension jusqu'à la fin de la session.

Rappelez-vous les journaux qui suggéraient qu'il devrait rembourser 80 000 $, alors que seule l'enquête comptable a coûté 100 000 $. Le simple remboursement, sans me rappeler du montant exact, est de plus de 100 000 $.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Qui a appuyé cela? Où voulez-vous en venir?

La sénatrice Fraser : Les formalités administratives coûtent cher.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je dis donc que la faute du sénateur découle non seulement du fait d'avoir remboursé, mais aussi du fait que cela a amené des dépenses pour le Sénat liées aux enquêtes et aux vérifications. Un coût se rattache donc à tout cela pour notre institution.

Sénateur Robichaud, vous vous êtes promené tout l'été. Disiez- vous à tout le monde, avec fierté, que vous étiez sénateur? Vous vous êtes fait achaler combien de fois par des personnes qui vous disaient : « Ah! tu es sénateur? Toi, je te connais. Tu es bon, tu es gentil, mais toute la gang, ça fait dur chez vous, hein? » Vous vous l'êtes fait dire et on se l'est tous fait dire. On était indigné. Les gens sont indignés. Voilà ce que signifie porter une atteinte à la dignité de l'institution.

Le sénateur Robichaud : Oui, je me suis promené chez nous, mais je n'ai jamais hésité à dire que j'étais sénateur. Comme vous le dites, on me regardait avec un petit sourire en disant : « Bien, peut-être que tu n'es pas pareil, mais tout le reste de la gang... » C'est peut- être arrivé à tout le monde. Je ne conteste pas qu'il y a eu des choses qui n'auraient pas dû être remboursées, ou réclamées et ensuite remboursées. Ce que je trouve curieux, c'est la mesure dont vous vous êtes servie pour arriver à comparer ou à considérer les trois cas avec la même gravité où on impose, en fait, les mêmes conditions de suspension. C'est là où je suis très mal à l'aise.

Le sénateur Carignan : Ce sont trois situations qui ont des éléments de similarité. D'autres ont des facteurs différents, mais tous aussi graves les uns que les autres. Nous avons eu un cas, par le passé, qui est le cas Thompson, pour le défaut d'un ordre du Sénat. Je crois que le sénateur Plett a indiqué qu'il avait été suspendu parce qu'il n'assistait pas aux séances du Sénat. Je ne veux pas corriger mon collègue, mais ce n'est pas tout à fait exact. C'est parce qu'il avait reçu un ordre du Sénat qu'il n'avait pas respecté.

Le sénateur Segal : Cela n'a rien à voir.

Le sénateur Carignan : C'est le précédent que l'on a au Canada, au Sénat, d'outrage au Parlement. C'est le seul cas que nous avons.

À la Chambre des lords, j'ai cité le cas où il était question d'allocation, comme le cas du sénateur Duffy, et où on avait imposé une suspension jusqu'à la fin de la session. Or, il n'y avait pas le facteur aggravant dont j'ai parlé tout à l'heure en ce qui a trait aux 49 jours.

Les trois cas sont graves et méritent une sanction sévère.

Le sénateur Robichaud : Lorsque vous avez dit, honorable sénateur, que l'on n'a qu'un seul exemple d'outrage au Parlement, ce n'est pas le cas. Il s'en est produit un à la Chambre des communes il n'y a pas si longtemps.

Le sénateur Carignan : Nous allons étaler la jurisprudence. Malheureusement, nous sommes les premiers. Est-ce parce que nous sommes les premiers à le faire que l'on doive être gentil, en disant que le vérificateur s'en vient, il est possible qu'il y ait d'autres cas, je ne veux pas me faire taper sur les doigts, je vais donc être gentil avec lui parce que si c'est moi, je veux qu'il soit gentil? Non. Alors la question...

Des voix : Oh, oh!

(2150)

Le sénateur Carignan : Sénateur, c'est moi qui parle ou c'est vous? Si c'est vous qui parlez, je vais m'asseoir, puis allez-y!

Le sénateur Segal : Écoutez avec une perspective.

Le sénateur Nolin : Il n'y a pas de « écoutez », c'est l'ordre.

Le sénateur Carignan : C'est une situation extrêmement sérieuse. On doit prendre cela au sérieux. Le sénateur Mercer a donné un bon exemple tout à l'heure quand il parlait du député qui lui disait : « T'es chanceux toi, t'es sénateur, puis tu peux agir sur une plus longue période ». Oui, t'es sénateur, mais ça n'amène pas juste une chance, ça amène aussi des responsabilités. Contrairement à la Chambre de l'autre côté qui, chaque quatre ans, est obligée d'aller en élections, s'il y a quelqu'un qui fait quelque chose de pas tout à fait correct, et on en a vu des situations, bien, il démissionne assez vite. Et s'il ne démissionne pas, le chef du parti ne signe pas sa lettre, il ne sera pas candidat pour le parti.

Donc, tous les quatre ans, il y a un certain renouvellement qui se fait pour que ces gens soient responsabilisés. Nous, on n'a pas d'élections. Comme on n'a pas d'élections, si on veut s'assurer que l'on soit responsable dans notre gestion, on doit, lorsqu'il arrive des évènements comme ceux-là, des infractions flagrantes à notre Règlement à répétitions, discipliner nos membres. Et les meilleures personnes qui sont ici pour déterminer quelle est la meilleure sanction, c'est nous, les pairs.

En matière disciplinaire, dans les comités de discipline, qui discipline? Ce sont les pairs. Pourquoi? Parce que nous sommes les mieux placés pour connaître les standards de la profession ou les standards du groupe. C'est pour cela que les sanctions disciplinaires sont toujours jugées par les pairs. Et les pairs, c'est nous, ici en cette Chambre.

Le sénateur Dallaire : Oui, mais pas toute la gang, là!

[Traduction]

Le sénateur Wallace : Sénateur Carignan, accepteriez-vous de répondre à une question?

[Français]

Le sénateur Carignan : Mais oui, je réponds à tellement de libéraux, ça va me faire plaisir de répondre à un conservateur.

[Traduction]

Le sénateur Wallace : Sénateur, j'ai écouté très attentivement ce que vous aviez à dire, en particulier au sujet de la façon dont vous avez catégorisé les demandes de remboursement qu'a faites la sénatrice Wallin et du fait que 121 d'entre elles ont été rejetées. J'ai cru comprendre que les demandes se classent en deux catégories : celles qui pouvaient être contestées sur la base de ce qui constitue les « affaires du Sénat », ou ce qui est désigné par le terme « fonction parlementaire » dans le Règlement administratif du Sénat, et celles qui ont trait à des activités personnelles.

Tout d'abord, j'aimerais vous poser une question concernant les fonctions parlementaires, ou les « affaires du Sénat », et sur la façon dont vous interprétez ces termes. Je dirai ensuite quelques mots sur la façon dont ces termes ont été examinés lors d'une vérification il y a quelques années.

Je sais que vous le savez fort bien, mais dans le cas des fonctions parlementaires, ou ce qui est désigné ici comme les « affaires du Sénat », aucune information n'est fournie pour indiquer de quoi il est question exactement. Il s'agit de ce qu'on désigne sous le terme « fonctions parlementaires » dans le Règlement administratif du Sénat et qui sont définies comme les « obligations et activités se rattachant à la charge de sénateur, où qu'elles soient exécutées, y compris les engagements publics et officiels et les questions partisanes ». Toutefois, « ne sont pas comprises dans les fonctions parlementaires les activités liées à l'élection d'un député » ou « aux intérêts commerciaux privés d'un sénateur ». Les fonctions parlementaires comprennent donc les engagements publics et officiels.

Dans le Règlement administratif du Sénat, « engagement public » comprend « tous les engagements qu'un sénateur exerce à des fins publiques, qu'ils soient ou non autorisés par le Sénat ou le gouvernement du Canada », et il englobe les activités partisanes. Le Règlement ne définit pas ce qu'est une activité partisane.

Quand j'examine la description des activités auxquelles les sénateurs peuvent participer, il me semble qu'il y a des zones grises. C'est ce que je crois, et je vous demanderai votre opinion à ce sujet d'ici peu.

J'imagine que vous êtes au courant de ce rapport. Dans le Rapport annuel sur les vérifications internes de 2009-2010, il y avait un rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration — je crois que c'est le nom du comité —, daté de décembre 2010. Dans le cadre de cette vérification, on trouve quelques observations intéressantes faites par Ernst & Young, un cabinet national de comptables très réputé que je sais que vous connaissez. À la page 3 du rapport, on trouve la déclaration suivante :

Les vérifications ont fait ressortir le caractère désuet ou inadéquat de certaines politiques administratives, voire l'absence de certaines politiques. On a ainsi découvert que, dans certains cas, il y avait un problème au niveau de la communication des politiques ou de la compréhension de celles-ci par leurs utilisateurs.

À la page 4, il est écrit ceci : « Le Sénat devrait établir des critères et des directives clairs pour préciser quelles activités sont considérées comme fonctions parlementaires. »

À la page 8, on lit ce qui suit :

Comme le RAS donne une définition assez générale des fonctions parlementaires, il se peut que les sénateurs ne différencient pas clairement les dépenses admissibles au titre d'une fonction parlementaire et celles qui ne le sont pas.

À la page 9, le rapport dit : « Il peut y avoir un manque d'uniformité dans l'application et dans la compréhension des politiques d'un bureau de sénateur à un autre. »

À la page 11, on affirme ceci :

Les fonctions parlementaires sont définies dans le RAS, mais il n'y a pas de lignes directrices ou de critères clairs précisant quelles activités correspondent à une fonction parlementaire. Par exemple, aucune directive claire ne permet de faire la différence entre les activités partisanes liées aux activités sénatoriales (dépenses admissibles) et les activités partisanes menées pour un parti politique, activités dont les dépenses peuvent ne pas être admissibles. Cette lacune a une incidence sur le personnel de la Direction des finances chargé du traitement des demandes de remboursement ainsi que sur le degré de compréhension des règles par les bureaux des sénateurs et entraîne un manque d'uniformité dans l'interprétation et le traitement des demandes de remboursement.

La réponse du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration au rapport de la firme Ernst & Young se trouve à la page 18 de la version anglaise. Voici ce qu'on peut y lire :

Il y a lieu de souligner que le comité ne souscrit pas à la recommandation selon laquelle le Sénat devrait envisager d'instaurer un second échelon d'approbation des demandes de remboursement des sénateurs. Le comité est d'avis que le processus d'examen de ces demandes est suffisamment rigoureux et qu'il existe des mécanismes efficaces permettant d'atténuer les risques typiques associés aux demandes de remboursement.

Monsieur le sénateur, j'aimerais que vous me donniez votre opinion et que vous me disiez si vous pensez qu'on a clairement établi en quoi consistent les fonctions parlementaires ou les travaux du Sénat, ou si cela demeure nébuleux, car je crois qu'il s'agit d'une question très importante, surtout dans le cas de la sénatrice Wallin.

[Français]

Le sénateur Carignan : C'est pour cela, sénateur Wallace, que j'ai attiré l'attention sur ses affaires privées, parce qu'elles ne prêtent pas à interprétation. La sénatrice est certaine. Elle l'a elle-même admis. C'est une partie du sens. Je ne voulais pas vous présenter cela en vous disant : regardez, c'est discutable.

(2220)

Si on se lance dans des questions d'interprétation, chacun disant : « Moi, je pense que ce sont des fonctions parlementaires », c’est certain qu’il y en a énormément. Je suis conscient que, dans certaines situations, il peut y avoir des discussions sur la nature de la fonction. Sauf que, si on se concentre sur les affaires privées, c’est assez facile de savoir si c’est privé ou non. Donc, si on se concentre sur les 31 demandes pour affaires privées, cela enlève toutes ces questions de possible interprétation.

Je vous signalerai aussi que les politiques et les lignes directrices régissant les déplacements des sénateurs ont été adoptées le 26 juin 2009, et il y a eu des modifications qui sont entrées en vigueur le 26 novembre 2009. C’est à peu près pendant la période dont on parle dans le rapport. Je ne sais pas s’il y a eu un recoupement des lignes prêtant à interprétation compte tenu des dates dont vous parlez. Mais une chose est certaine, la notion de nature privée, elle, est claire.

[Traduction]

Le sénateur Wallace : Je vous remercie de votre réponse.

D'après ce que vous avez dit, 121 réclamations ont été rejetées par Deloitte et le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration parce qu'elles visaient des activités non parlementaires ou non reliées aux fonctions parlementaires.

Je comprends que vous mettiez l'accent sur les 31 réclamations pour affaires privées, mais il me semble que d'autres demandes de remboursement en cause sont pertinentes pour permettre à l'administration et aux sénateurs de bien distinguer ce qui constitue une activité admissible à un remboursement des dépenses et ce qui constitue une activité inadmissible.

En ce qui a trait aux 31 réclamations pour des dépenses relatives à des affaires que la sénatrice reconnaît comme étant de nature personnelle, comme vous dites, une explication a-t-elle été fournie? A-t-on demandé précisément à la sénatrice Wallin ou à son personnel pour chacune de ces 31 demandes de remboursement : comment cela a-t-il pu arriver? Comment se fait-il que des réclamations aient été effectuées pour des dépenses relatives à des affaires personnelles?

[Français]

Le sénateur Carignan : Dans chaque cas il y a une justification, soit de la sénatrice, soit de son bureau. Or, elle a fait un chèque pour le rembourser; donc j'imagine qu'elle convenait, dans ce cas, que c'était pour des affaires personnelles et qu'elles n'auraient pas dû se faire aux frais du Sénat. J'ai ici un exemple de demande, du 2 au 13 décembre, pour un montant de 1 652,71 $; c'était le montant au complet. C'est assez clair, pour ce qui est de la justification, pour chacun des cas.

[Traduction]

Le sénateur Wallace : Nous avons effectivement entendu qu'elles avaient été remboursées; la sénatrice Wallin l'a reconnu. Je crois que la question que chacun d'entre nous se pose, c'est comment cela a-t- il pu arriver? Était-ce une erreur administrative? Comment cela a-t-il pu se produire dans son bureau?

Certains diront peut-être que l'intention n'a pas d'importance. Les demandes ont été remplies inadéquatement, un point c'est tout. L'intention n'a aucune pertinence. Eh bien, elle en a pour moi. A-t- on demandé à la sénatrice pourquoi 31 réclamations pour des

dépenses personnelles ont été présentées? Y avait-il un problème administratif ou quoi?

[Français]

Le sénateur Carignan : Je suis content que vous posiez cette question, sénateur Wallace. C'est justement pour cela qu'il est important que nous puissions en débattre ici. La sénatrice Wallin est ici, elle a un droit de parole, elle peut l'exercer pour nous expliquer, pour chacune des situations, ce qui s'est passé pour qu'elle fasse des réclamations pour des affaires de nature privée. Comme vous, je me demande comment il se fait que, pour des questions de nature personnelle, cela a été réclamé. La sénatrice a la possibilité de s'exprimer et de nous expliquer pourquoi elle a réclamé des sommes pour des frais de nature privée, et de les décortiquer chacune, les 31 réclamations. Je suis certain qu'on va lui donner une extension de temps si elle a besoin de plus de 15 minutes, et on pourrait traiter de cette situation-là.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Vous inventez cela au fur et à mesure.

Le sénateur Wallace : Sénateur Carignan, si je peux me permettre, je crois que la sénatrice Wallin devra le faire — en fait, c'est libre à elle, mais je suppose que c'est pour cela que nous sommes ici. C'est pourquoi, au Sénat...

Le sénateur Mercer : C'est ce que nous voulons faire : lui donner la chance de parler.

Le sénateur Wallace : Je croyais que c'était moi qui avais la parole.

Nous aurons cette possibilité; elle l'aura dans cette enceinte. Comme je l'ai fait remarquer plus tôt, c'est à cela que sert le Sénat. Nous n'avons pas à déléguer la responsabilité de recueillir les faits. Nous les obtiendrons ici.

Pour vous répondre, oui, nous allons trouver cela ici. Il serait étonnant d'apprendre que Deloitte et le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration n'aient pas demandé pourquoi ces réclamations ont été faites. Nous allons donc le découvrir ici. Je serais surpris que dans une vérification de ce genre de ses dossiers, cette information n'ait pas été trouvée. En tout cas, il semble qu'elle ne l'a pas été. Je n'en dirai pas plus.

Rapidement, vous avez parlé de trois réclamations présentées par la sénatrice Wallin au sujet de vols qui ont eu lieu avant sa nomination. Quand j'y pense, je trouve cela absolument aberrant. Je n'arrive pas à comprendre comment ces réclamations auraient pu être traitées par le service des finances du Sénat.

Nous le savons : quand nous présentons des réclamations pour des vols, nous devons fournir tous les détails concernant les vols en question. Nous présentons nos cartes d'embarquement, de sorte que la date du vol est clairement consignée dans le dossier, afin que le service des finances puisse donner son approbation.

Comment a-t-il pu approuver et traiter ces réclamations en constatant que les dates auxquelles elles se rapportaient étaient antérieures à la nomination de la sénatrice? Je faisais partie du groupe des 18 sénateurs qui, en janvier dernier, avec la sénatrice Wallin...

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur Wallace, si c'est ce que vous avez compris, c'est soit que je me suis mal exprimé, soit que vous ne m'avez pas compris. Ce sont des voyages en avion qui ont eu lieu après sa nomination, mais pour des engagements qu'elle avait pris avant sa nomination. Les vols ont eu lieu quand elle était sénatrice.

[Traduction]

Le sénateur Wallace : Merci. Maintenant, je comprends.

Sénateur, parmi les diverses réclamations qui ont été rejetées, y en avait-il de la sénatrice Wallin qui concernaient des voyages effectués en partie dans le cadre de fonctions parlementaires et en partie pour des affaires privées?

[Français]

Le sénateur Carignan : Oui. Il y en a quelques-unes. C'est justifié à chaque fois. Dans les chiffres que je vous ai donnés, vous voyez la réclamation, et lorsque le montant est remboursé au complet, c'était parce que c'était de nature complètement privées; et lorsque c'est partiellement remboursé, c'est parce que c'était partiellement admissible et partiellement privé. On a les deux situations.

(2210)

[Traduction]

Le sénateur Wallace : J'aimerais poser une dernière question, si possible. Un certain nombre de demandes concernent des voyages que la sénatrice Wallin a effectués entre Ottawa et Toronto, et entre Toronto et le lieu de résidence principal de la sénatrice, en Saskatchewan. Le caractère approprié de certaines de ces demandes a été remis en question, et certaines ont été rejetées par le Comité de la régie interne.

Vous faites allusion à des habitudes de voyage ou à un comportement qui sont inhabituels ou qui sortent de l'ordinaire. Ce pourrait être le cas pour la plupart d'entre nous. Je sais que, avec tous les délais d'attente entre les vols que j'ai dû prendre, il aurait peut-être mieux valu que mes voyages se fassent en plusieurs jours au lieu d'un seul.

Cette tendance aurait été évidente depuis le début. Lorsque le service des finances du Sénat s'est penché sur les demandes de remboursement concernant ces voyages entre Ottawa et Toronto, et entre Toronto et la Saskatchewan, je crois qu'il aurait remarqué cette tendance, et qu'il l'aurait jugée un peu inhabituelle; il y avait peut-être une raison.

Le service des finances du Sénat a-t-il déjà interrogé la sénatrice Wallin au sujet de cette tendance que vous jugez inhabituelle et anormale?

[Français]

Le sénateur Carignan : Elle s'est fait poser la question par la firme Deloitte, à la page 21. Vous avez le tableau 4 « Résumé des déplacements entre la Saskatchewan et la Région de la capitale nationale ». Vous avez des données, pour chacune des périodes, soit du 1er janvier 2009 au 31 mars 2009; ensuite du 1er avril 2009 au 31 mars 2010; du 1er avril 2010 au 31 mars 2011; 1er avril 2011 au 31 mars 2012; et 1er avril 2012 au 30 septembre 2012.

Vous avez les directions entre la Saskatchewan et Ottawa; le nombre de vols; le nombre de vols avec correspondance à Toronto sans arrêt; le nombre de vols avec une visite d'une nuit à Toronto; et le nombre de vols avec visite de plus d'une nuit à Toronto. On a 11 vols directs entre Ottawa et la Saskatchewan; un vol pour toute la période de quatre ans ou quatre ans et demi; un vol avec correspondance à Toronto direct; 43 vols où on a un arrêt d'une nuit à Toronto; et 32 vols avec un arrêt de plus d'une nuit. La sénatrice a donné des explications lorsqu'il y avait des fonctions parlementaires qui demandaient un arrêt plus long.

La firme Deloitte a considéré que si c'était justifié et qu'il y avait un vol de correspondance et que la sénatrice demeure une nuit parce que la correspondance était trop serrée ou qu'elle était pour arriver plus tard, ils l'ont considérée justifiée. Lorsqu'il y avait une fonction parlementaire qui était exercée au niveau de la correspondance, ils l'ont considérée justifiée. Par contre, lorsqu'il n'y avait pas d'attestation de fonction parlementaire ou de rencontre en particulier, ou lorsque c'était plus qu'une journée, ils ont considéré que ce n'était pas justifié et ils ont réclamé seulement la surcharge, donc la différence du prix entre un prix régulier et le prix plus élevé qui a été appliqué en considération de l'arrêt plus long.

[Traduction]

Le sénateur Wallace : Sénateur, nos politiques et lignes directrices prévoient-elles des dispositions concernant les escales de plus d'une journée?

[Français]

Le sénateur Carignan : Il y a 32 escales à Toronto qui ont duré plus d'une journée.

[Traduction]

Son Honneur le Président intérimaire : Le sénateur Dallaire invoque le Règlement.

Le sénateur Dallaire : C'est un recours au Règlement ou une question de procédure. Je vous demande pardon; je suis sénateur depuis huit ans seulement, et je suis encore en apprentissage.

J'ai entendu le sénateur Carignan dire que la sénatrice Wallin aura droit au temps de parole habituel de 15 minutes, avec possibilités de prolongation, pour répondre. Je ne vois aucun inconvénient à ce qu'on m'accorde un temps de parole de ce genre, mais si cette auguste assemblée lui demande d'expliquer tous ces renseignements, son temps de parole ne se limitera certainement pas à 15 minutes et quelques prolongations, n'est-ce pas?

Son Honneur le Président intérimaire : Elle devra demander aux sénateurs de lui accorder davantage de temps, et la décision leur reviendra.

Le sénateur Dallaire : La Chambre n'est pas reconnue pour sa générosité à ce chapitre. C'est au compte-gouttes qu'elle accepte de prolonger le temps de parole de cinq minutes. Je me dis simplement que, dans le cadre du processus évoqué initialement — à savoir qu'il ne s'agit même pas d'un procès sommaire —, si quelqu'un obtient toutes sortes de renseignements auprès de toutes sortes de sources, la procédure devrait lui permettre de disposer d'autant de temps de parole qu'il le juge nécessaire, ou quelque chose du genre, afin de pouvoir y réagir, au lieu de se faire dire simplement qu'il n'est qu'un sénateur parmi d'autres et que, comme tout autre sénateur, son temps de parole est limité à 15 minutes. Je ne vois pas où est la justice dans tout cela. Cela me semble tout simplement injuste.

Son Honneur le Président : Le sénateur Dallaire a invoqué le Règlement. Le débat se déroule très bien, tout à fait dans les règles, et la présidence fera tout en son pouvoir pour que cela continue.

Je dois dire qu'il est à l'honneur de tous les sénateurs que le débat se soit si bien déroulé jusqu'à présent et je suis tout à fait convaincu, compte tenu de la mosaïque de compétences dont vous faites bénéficier la Chambre, qu'il demeurera aussi sain, rigoureux et harmonieux qu'il l'a été jusqu'à présent.

Je vous remercie, sénateur Dallaire, mais cette affaire, ces délibérations complexes et quelque peu historiques, se déroule très bien.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : J'ai ce que je considère comme une question très sérieuse. Elle me taraude depuis le début de la semaine, mais particulièrement depuis que j'ai écouté vos observations de ce soir, sénateur Carignan.

Dans les longs discours que vous avez prononcés cette semaine — en fait, je ne sais pas où vous puisez votre endurance — vous avez fourni énormément de détails. Vous nous avez lu de très longs extraits détaillés des rapports de Deloitte. Vous avez cité la jurisprudence de l'affaire Stockdale à nos jours, et j'ai peut-être manqué une référence plus ancienne encore, mais deux siècles de jurisprudence c'est déjà beaucoup et je pense que vous avez cité à peu près tous les exemples. Vous avez cité des lois, des fondements législatifs...

Le sénateur Carignan : Non, ce n'est pas vrai.

La sénatrice Fraser : Je pense que si. Vous avez cité un fondement législatif relatif à la discipline que nous pouvons imposer aux membres de notre caucus. Si j'ai tort, je vous prie de m'excuser, mais je pensais vraiment que vous l'aviez cité.

Par contre, vous ne nous avez pas fourni le fondement détaillé et comparable des critères qui sous-tendent votre conclusion que les sanctions que vous proposez dans vos motions sont appropriées dans ces cas-ci.

Pouvez-vous nous expliquer ces critères et nous donner leur fondement?

[Français]

Le sénateur Carignan : Il y a des précédents sur lesquels on peut se fier. On en a un ici, qui est la cause Thompson, qui est la seule décision que nous ayons. On en a quelques-uns à la Chambre des lords, comme je l'ai expliqué. Et le cas qui était semblable au niveau de la résidence donnait un an de suspension.

Normalement, les critères pour établir une peine sont la gravité de l'offense, la répétition, le fait pour la personne de s'amender ou de reconnaître qu'elle a commis une faute et la gravité de l'acte par rapport à son statut, à sa fonction, au devoir qu'elle a.

(2220)

Il s'agit de différents critères.

Je peux présenter de la jurisprudence en matière de sanction disciplinaire. On peut s'inspirer du droit disciplinaire, mais je vous dirais qu'il nous revient d'établir nos propres balises.

On peut s'inspirer des critères qui existent pour les corporations professionnelles. Par exemple, les juges sont nommés et, en principe, ils sont indépendants, inamovibles et nommés jusqu'à 75 ans. On peut regarder la jurisprudence qui concerne les juges. Si un juge effectuait à répétition des réclamations de cette nature-là, je ne sais pas quelle serait la recommandation du Conseil de la magistrature. J'ai l'impression qu'il y aurait une recommandation de destitution ou que le juge aurait démissionné avant.

Je pense que la fonction qui se rapproche le plus de la nôtre, c'est celle d'un juge. Je peux vérifier et revenir, lors d'une autre séance, avec des décisions du Conseil de la magistrature qui pourraient nous guider, les juges ayant un poste garanti et étant inamovibles jusqu'à l'âge de 75 ans. Cependant, je ne pense pas que cela va être à l'avantage de nos collègues.

[Traduction]

La sénatrice Fraser : Vous pensez peut-être que ce ne sera pas à l'avantage de nos collègues, mais moi, je crois que ça pourrait leur être très utile. Nous examinons ici un cas dont la gravité est sans précédent.

Laissez-moi vous expliquer davantage l'une des raisons pour lesquelles je suis si troublée. Dans la plupart des cas — nous avons certes entendu cela souvent au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel j'ai siégé pendant quelques années aux côtés de certains d'entre vous —, les peines ou les sanctions sont censées être proportionnelles à l'infraction commise. Dans ce cas, vous proposez d'imposer une sanction qui arrive au second rang des sanctions les plus sévères que le Sénat peut imposer, la plus sévère consistant à déclarer un siège vacant. Je l'ai dit cet après-midi et je le répète tout simplement pour ceux d'entre vous qui étaient peut-être assoupis pendant mon discours, cet après- midi.

Par conséquent, quelle peine ou sanction réserveriez-vous aux infractions que la plupart des gens considèrent comme étant beaucoup plus graves? Il existe des infractions que la majorité de la population pourrait considérer comme étant plus graves, comme le fait d'enfreindre les lois électorales, par exemple. Cela dit, comme nous avons pu le constater, de telles infractions ne font pas toujours l'objet d'une mise en accusation, et par conséquent, elles ne sont pas visées par le chapitre 15 du Règlement.

Selon vous, serait-il plus grave qu'un sénateur, par exemple un avocat de formation, soit reconnu coupable d'avoir détourné des fonds d'une fiducie? De toute évidence, le barreau imposerait des mesures disciplinaires à l'avocat, mais dans le cas qui nous occupe, il est question d'un sénateur.

Quel type d'infraction serait à votre avis plus grave que celle commise par ces sénateurs, et parmi les sanctions que nous avons le pouvoir d'imposer, laquelle serait encore plus lourde que celle que nous avons l'intention de leur imposer?

[Français]

Le sénateur Carignan : Une sanction plus lourde pourrait être l'expulsion. C'est un élément qui mériterait une étude approfondie. Je pense qu'on a le pouvoir de procéder à l'expulsion. C'est certain que cela demeure la sanction la plus sévère. La Constitution prévoit des cas d'expulsion, à l'article 31, dans le cas de perte de qualification. Ce sont des cas qui sont documentés. Dans le cas des crimes infamants, si un jour quelqu'un décide de rouvrir la Constitution, on devrait mettre à jour les éléments où on doit disqualifier un sénateur. Je pense que les termes devraient être modernisés, tout comme l'institution d'ailleurs. Mais la sanction la plus grave, c'est l'expulsion.

Il y a évidemment la possibilité d'être plus sévère. Après avoir consulté des collègues, j'ai fait une recommandation qui venait un peu d'un consensus. Plusieurs suggéraient l'expulsion. Je trouvais que la suspension pour la session était plus appropriée et que l'expulsion était peut-être trop sévère. Certaines des personnes que j'ai consultées étaient tellement indignées qu'elles songeaient aussi à requérir l'expulsion. Cela peut être amendé si des gens veulent demander l'expulsion, mais je pense que la suspension jusqu'à la fin de la session est sévère.

Par contre, j'ai parlé de l'article 5-5i) du Règlement, qui figure dans la motion, et qui permet de reconsidérer la sanction dans les mois à venir si un sénateur voulait revenir sur la question.

[Traduction]

La sénatrice Fraser : Je ne pensais pas que j'aurais l'occasion de vous féliciter dans le cadre de ce débat, mais je vous félicite d'avoir refusé d'envisager l'expulsion dans ces cas, même si on vous a pressé de le faire. Il s'agit de situations où les torts causés ont été réparés. Personne — sauf peut-être les sénateurs eux-mêmes — n'a subi de préjudice. Je suis convaincue qu'on aurait causé un scandale d'importance historique si on avait procédé à l'expulsion de ces sénateurs.

J'ai hâte que vous indiquiez, sénateur, les critères que vous avez appliqués pour parvenir à la décision de demander ces sanctions, que je considère excessives. Je regrette que, d'après ce que j'en déduis, vous soyez opposé à ce que le comité étudie cette question, car j'ai en tête quelques éléments dans ces dossiers qu'il conviendrait davantage d'étudier en profondeur au comité que les pénalités qu'il y a lieu d'imposer pour diverses entorses au Règlement et, plus particulièrement, pour ces transgressions. Merci.

[Français]

Le sénateur Carignan : Est-ce que c'était une question?

La sénatrice Fraser : C'était un commentaire.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Le sénateur Cowan veut-il prendre la parole?

Le sénateur Cowan : Non. Allez-y. Je m'incline toujours devant le sénateur Plett.

L'honorable Donald Neil Plett : J'aimerais demander...

Le sénateur Tkachuk : Vous l'appelez un « ami ».

Le sénateur Plett : Eh bien, sénateur Tkachuk, j'espère que vous aussi me considérez comme un ami.

Monsieur le leader, accepteriez-vous de répondre à une question? Je ne veux pas vous mettre sur la sellette, mais n'ayant pas le même bagage juridique que vous, ou d'autres, pourriez-vous me donner la définition de « consensus », s'il vous plaît?

[Français]

Le sénateur Carignan : Je n'ose pas sortir une étymologie latine devant le Président, mais c'est ce qui converge, ce qui va dans le même sens. Ce sont différents points de vue qui sont exprimés et qui vont dans la même direction. Cela ne veut pas nécessairement dire que la direction est une ligne fine. Cela peut parfois être un peu plus large et avoir une certaine flexibilité, mais c'est aller dans la même direction.

(2230)

[Traduction]

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, je pense que le fait que nous soyons en train d'établir un précédent constitue à l'heure actuelle l'un des problèmes les plus graves, et nous n'avons aucun texte qui établit comment nous devrions interpréter la notion de « négligence grossière » dans les circonstances.

J'aimerais poser la question suivante au sénateur Carignan — je ne sais pas s'il souhaitera y répondre. D'après ce que j'ai compris des dernières interventions, le fardeau de la preuve pourrait être inversé. Les réponses que vous avez données aux questions du sénateur Wallace, qui était un juriste accompli dans une autre vie, m'ont donné à penser qu'il y a ici inversion du fardeau de la preuve. En outre, je suppose que, si les sénateurs pouvaient fournir des éléments de preuve, ces derniers seraient appréciés selon la prépondérance des probabilités. Je ne sais pas si le sénateur souhaite répondre.

Les choses se corsent même davantage, parce que, si l'on consulte la jurisprudence — et je suis certain que le sénateur Carignan sera d'accord —, pour établir qu'il y a eu « négligence grossière », il faut prouver dans une certaine mesure la mens rea. Autrement dit, il faut que les circonstances démontrent s'il y a eu négligence grossière de manière délibérée ou non.

Les tribunaux ont établi que, si la mens rea, l'intention coupable, n'est pas prouvée, alors l'accusation est réduite et il s'agit seulement de négligence. Il est question ici de lois fédérales telle la Loi de l'impôt sur le revenu. Je vous cite un extrait de la décision Boileau c. Ministre du Revenu national : « [...] l'application du paragraphe en question exige que l'on fasse la preuve d'une intention ou d'une conduite coupable. »

Puisqu'on nous demande de nous pencher sur une question très complexe, puisqu'il n'y a aucun texte sur lequel nous pouvons nous fier, comme la Loi de l'impôt sur le revenu, et puisqu'il n'y a aucun précédent pertinent concernant la négligence grossière, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet? Vous avez parlé de cette notion au regard de décisions qui ne portaient pas sur la négligence grossière. Il est donc difficile de définir cette notion en fonction des décisions que vous avez citées.

Avez-vous des commentaires à cet égard? Car, en vérité, nous devons connaître ce que vous appelez communément en droit les éléments constitutifs de l'infraction. Quels sont ces éléments? Vous avez dit que l'intention n'en faisait pas partie.

Si je vous ai bien compris — je n'en suis pas certain, car je me fais vieux, mais il me semble que c'est ce que vous avez dit — la négligence n'est pas nécessairement un facteur. Vous me faites signe que non. D'accord, je retire mes paroles.

Qu'est-ce que ça prend alors? Quels seraient, selon vous, les éléments essentiels de l'infraction? S'agit-il, selon vous, des mêmes éléments de l'infraction qui s'appliquent à la notion de « faute lourde » dans la Loi de l'impôt sur le revenu? Y a-t-il, en fait, une inversion du fardeau de la preuve dans le cas présent et quelle serait la norme de preuve pour une personne accusée de négligence grossière? Je ne sais pas si vous avez des commentaires sur l'une ou l'autre de ces questions.

[Français]

Le sénateur Carignan : C'est certain que je vais commenter. L'infraction est l'outrage au Parlement. Ce sont des gestes, des faits, une imprudence, une violation au Règlement de la Chambre qui porte atteinte à la dignité et à l'intégrité du Parlement. Un peu comme en matière disciplinaire ou en matière d'éthique, l'infraction, par exemple, peut être dans le comportement d'un avocat qui portera atteinte à la dignité et à l'intégrité de la profession. Qui sont les meilleures personnes pour juger de l'atteinte à la dignité ou à l'intégrité de la profession? Ce sont les pairs, parce qu'ils connaissent les standards, ils sont les experts dans ce milieu, ils savent ce qui est correct ou non. Je suis avocat. J'ai une bonne idée, pour un avocat, de ce qui constitue un conflit d'intérêts ou non. Dans le cas d'un médecin, je suis un peu moins bon, et c'est la même chose ici.

L'infraction est donc d'avoir un comportement négligent grave, à un point tel qu'il porte atteinte à la dignité et à l'intégrité du Sénat et du Parlement. Comment le voit-on? C'est ce que nous vivons. C'est pourquoi, au cours de l'été, la gêne que vous avez éprouvée et dont je parlais plus tôt avec le sénateur Robichaud, les commentaires désobligeants qui ont été portés à notre connaissance nous ont permis de mesurer l'impact de cette atteinte à la dignité, à l'intégrité et à l'honneur. Notre expérience et notre expertise, en tant qu'individus et sénateurs, nous permettent de juger de cette atteinte à la dignité.

C'est un peu technique, mais il n'est pas question de « hors de tout doute raisonnable ». Nous ne sommes pas en matière criminelle. Je vous suggérerais la prépondérance de la preuve. Si j'avais à plaider en sanction disciplinaire, ce serait le cas. C'est à ce niveau que, selon moi, cela doit s'appliquer.

Comme je vous l'ai expliqué, la négligence grossière, dans le sens de ma motion ici, est une incurie, une imprudence. Dans les faits

que je vous ai présentés, on regarde et on n'a pas de réponse logique

autre, de conclusion, qu'il s'est passé quelque chose pour que l'on réclame 31 fois des affaires privées alors qu'on a inscrit que c'était une fonction parlementaire.

Est-ce intentionnel? Si c'est intentionnel, ce n'est pas de la négligence grave. Si c'est intentionnel, c'est un autre type d'acte. C'est une enfreinte à notre Règlement, mais c'est aussi une autre enfreinte à une Loi du Parlement qui sera sanctionnée et enquêtée par une autre autorité. Pour ce qui est de l'enfreinte à la dignité et à l'intégrité, de l'outrage au Parlement, c'est à nous de juger des standards de la profession.

Nous écrivons ici, comme vous le dites, et c'est nouveau. En adoptant ces décisions — si on les adopte, évidemment — on va créer une jurisprudence qui créera un standard, on va créer un précédent. Et si cela se reproduit dans deux ans, 10 ans ou 15 ans, dépendamment comment le Sénat existera à ce moment-là, ce sera un standard.

[Traduction]

Le sénateur Baker : Par rapport à l'application de la Loi sur le Barreau?

Le sénateur Nolin : Par rapport à la question que vous venez de poser.

[Français]

Le sénateur Nolin : Sénateur Carignan, le sénateur Baker soulève un point fort intéressant. L'intention coupable qui soulève l'infraction criminelle est-elle nécessaire? J'entends dans votre réponse que vous parlez de l'intention sans la qualifier d'intention criminelle. Est-ce que vous voyez là une nuance, qui m'apparaît importante, pour répondre au sénateur Baker? Parce qu'on est en matière disciplinaire.

Le sénateur Carignan : On est en matière disciplinaire, mais on est dans une rédaction de négligence.

Le sénateur Nolin : Il y a une notion d'intention, mais peut-être pas criminelle.

Le sénateur Carignan : C'est de l'insouciance ici. Je ne prétends pas que nos collègues avaient l'intention de frauder. J'ai dit le contraire depuis que nous débattons de cette décision. Ce sont d'honorables collègues, et je ne peux pas croire que c'est la situation. Je n'ai pas d'éléments pour me démontrer cela, le Comité de la régie interne non plus. C'est pour cela que le comité a dit que cela ne faisait pas partie de son champ de compétence, que ce n'était pas à lui de juger des lois de nature criminelle et qu'il enverrait cela à une autre autorité qui fera enquête. Si c'est cette nature, elle prendra des poursuites, car ce n'est pas dans le champ de compétence du comité.

(2240)

Notre champ de compétence, c'est notre Règlement et de juger de l'outrage au Parlement. Je n'ose pas vous réciter le premier discours que je vous ai fait, mais les auteurs citaient que les outrages au Parlement se créent à mesure que l'histoire avance, parce que ce n'est pas défini comme acte, parce que c'est ce qui porte atteinte à la dignité et à l'intégrité du Parlement.

Toute conduite inappropriée ou inconduite peut constituer un outrage au Parlement, qu'il se crée à l'intérieur de la Chambre ou même à l'extérieur complètement du Parlement. Je résume et paraphrase, mais c'est le contenu de ce que les auteurs en privilège et en immunité parlementaire ont donné dans la doctrine.

[Traduction]

Le sénateur Baker : Je suppose donc que ce qui distingue la négligence grossière de la simple négligence, c'est son ampleur. Pourriez-vous préciser ce point?

Le second point se rapporte à l'exemple que vous avez donné concernant le barreau dont vous faites partie. J'ai eu plusieurs fois l'occasion de lire son règlement au fil des ans. Lorsqu'une plainte interne ou externe est déposée concernant une faute disciplinaire, le Barreau du Québec lance une enquête. Ensuite, s'il y a lieu, si le comité du barreau qui procède à l'enquête conclut que la plainte a un certain fondement, un tribunal est constitué. C'est ce qu'on appelle un tribunal disciplinaire.

Lorsqu'un avocat comparaît devant ce tribunal, il est accompagné d'un conseiller juridique. Il faudrait être fou pour se présenter seul. Ce conseiller représente le barreau devant le tribunal disciplinaire, et l'infraction dont l'avocat est accusé pourrait être n'importe quelle infraction de la liste que contient le code de déontologie des avocats du Barreau du Québec. Je regrette, mais dans certains cas, ces infractions sont très explicites. Elles se rapportent à des circonstances particulières qui se sont déjà produites ou elles sont tirées du code de déontologie de l'Association du Barreau canadien, que doivent suivre les avocats des autres provinces et territoires du Canada.

Ensuite, le tribunal fait un compte rendu au barreau, qui décide ensuite s'il mettra en œuvre la mesure disciplinaire. Le barreau établira alors les peines qui pourraient être appliquées : il déterminera le montant de l'amende ou encore la sanction qui sera imposée.

Il s'agit d'un processus ouvert où les éléments de preuve sont clairement énoncés et où vous savez à quoi vous devez répondre. On vous dit de quoi vous êtes accusé, puis une audience entière et complète qui dure plusieurs jours a lieu devant un tribunal. Ce dernier fait un compte rendu au barreau, qui, à son tour, prend une décision. De plus, la Loi sur le Barreau du Québec prévoit une protection. Vous pouvez interjeter appel à la Cour supérieure du Québec. Puis, si vous n'êtes pas satisfait de sa décision, vous avez le droit d'interjeter appel à la Cour d'appel du Québec. Enfin, si vous n'êtes toujours pas satisfait, vous pouvez interjeter appel à la Cour suprême du Canada, si elle accepte d'entendre la cause.

Autrement dit, des mesures de protection sont prévues explicitement au cours de l'affaire à laquelle la personne doit répondre. Conviendrez-vous avec moi que le processus suivi dans la situation qui nous intéresse n'atteint pas la norme du barreau que vous avez mentionnée?

[Français]

Le sénateur Carignan : Votre question est intéressante. J'aimerais faire un parallèle. Premièrement, en ce qui concerne l'infraction, le Code de déontologie des avocats du Barreau du Québec prévoit, à l'article 2.00.01, ce qui suit :

L'avocat doit agir avec dignité, intégrité, honneur, respect, modération et courtoisie.

C'est large. Donc oui, il y a des situations particulières qui sont citées une par une pour prévoir des obligations particulières, mais si cela n'entre pas dans ce contexte, on y va avec la ligne générale. Je vous le dis, parce que j'en ai rédigé des plaintes disciplinaires. On a donc cet aspect qui est jugé par les pairs.

Vous dites que, normalement, une enquête est menée par le Bureau du syndic qui arrive à une conclusion et qui décide de porter plainte contre un avocat qui n'aurait pas respecté ce devoir d'agir dans la dignité et dans l'intégrité. C'est un peu ce que je reproche ici, dans ma motion : qui a porté atteinte à la dignité et à l'intégrité du Parlement? Vous voyez le parallèle? Donc, il y a enquête, plainte et présence devant le comité de discipline composé de pairs.

Ici, pour les infractions d'outrage au Parlement, qui est le tribunal? C'est nous. Quelle est la procédure? Nos procédures. Et nos procédures font en sorte qu'il y a eu une enquête faite par le Comité de la régie interne, qui a le pouvoir exclusif de déterminer si une dépense est conforme ou non, qui a pris une décision et qui a dit que ces dépenses sont non conformes. Qui peut porter plainte? Nous tous, en tant qu'individus, en tant que sénateurs, pouvons porter plainte contre un autre membre pour dire : vous avez porté atteinte à l'intégrité et à la dignité de mon institution. Comment on le fait? Par une motion qu'on introduit sur préavis, comme je l'ai fait, en disant pourquoi je pense que vous avez porté atteinte à la dignité et à l'intégrité. Le tribunal, c'est nous. La jurisprudence, c'est nous qui allons la déterminer, c'est nous qui avons à établir les critères pour la sanction.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Je donne la parole au leader de l'opposition s'il souhaite poser une question.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Merci, monsieur le Président.

Sénateur Carignan, j'éprouve un grand respect à votre égard — je partage d'ailleurs l'admiration de la sénatrice Fraser envers votre vigueur — et j'ai écouté attentivement vos propos et vos réponses aux questions pendant près de sept heures au cours des trois derniers jours. J'attendais que vous abordiez ce que je considère comme les sujets essentiels. Je les ai abordés brièvement pendant mon discours l'autre jour, et j'y reviendrai peut-être parce que, à mon avis, il n'en a pas été question. Nous avons écouté vos réponses ou plutôt, avec tout le respect que je vous dois, l'absence de réponse aux questions de la sénatrice Fraser, du sénateur Dallaire, du sénateur Eggleton l'autre jour et d'autres sénateurs à propos des critères sur lesquels vous vous êtes fondé pour en arriver à la conclusion que la sanction que vous avez choisi d'inclure dans vos motions était appropriée.

Cependant, fondamentalement, je me demande pourquoi nous sommes ici à faire cela. Je me demande pourquoi — à part, évidemment, pour plaire à votre base politique et pour étouffer le débat et priver les personnes concernées de l'occasion d'affronter les accusations qui pèsent contre elles, dans le respect des principes de l'application régulière de la loi et de la primauté du droit au pays — je me demande, dis-je, ce qui vous a amené à proposer que nous soyons saisis de ces trois motions à ce moment-ci.

Le sénateur Mercer : Bonne question.

(2250)

[Français]

Le sénateur Carignan : Nous avons pris la décision à la première occasion. Nous avons reçu le rapport de la sénatrice Wallin à la mi- août, et nous devions aussi décider du maintien ou non du congé qui était accordé au sénateur Brazeau.

On avait à décider si on renouvelait ou non le congé du sénateur Brazeau. Comme on avait un rapport dans le dossier de la sénatrice Wallin au cours de la mi-août, et que la Chambre ne siégeait pas, je croyais qu'il était approprié — et je crois qu'il est toujours approprié — de se pencher sur ces trois dossiers à la première occasion.

Comme la juge McLachlin l'a dit dans son jugement de la Cour suprême, dans Harvey, nous sommes tenus d'agir. Lorsqu'on considère qu'il y a eu une atteinte à la dignité et à l'intégrité du Parlement, nous sommes tenus d'agir. Nous sommes les seuls à pouvoir agir. Si nous ne le faisons pas, cela ne viendra pas de l'externe. Nous sommes les seuls à avoir ce pouvoir et nous avons une obligation constitutionnelle de le faire.

Je l'ai donc déposé.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Nous avons déjà discuté de tout cela, sénateur Carignan. Personne ne nie que c'est à nous qu'il incombe d'agir. Nous en avons l'obligation. On l'a répété à maintes et maintes reprises. Personne ne remet cela en question.

Ce que vous dites, au sujet de la sénatrice Wallin, c'est que vous nous saisissez de cela maintenant parce que c'est la première occasion qui se présente depuis que nous avons reçu le rapport, déposé à la mi-août. Qu'est-ce qui a changé dans les situations des sénateurs Brazeau et Duffy depuis, et pourquoi voulez-vous agir...

Une voix : Oh, oh!

Le sénateur Cowan : Sénateur Tkachuk, c'est au sénateur Carignan que je pose ces questions. Vous aurez peut-être l'occasion de prendre la parole à un moment donné, mais pas ce soir. Puisque vous n'avez pas très bien su répondre aux questions qui vous ont été posées avant, vous devriez être attentif.

Pourquoi jugez-vous que le moment est maintenant bien choisi pour agir à leur endroit? Pourquoi sont-ils dans la même situation que la sénatrice Wallin?

[Français]

Le sénateur Carignan : Je l'ai expliqué hier. Le processus, pour moi, s'est établi particulièrement dans le dossier du sénateur Duffy, parce que le sénateur Brazeau était déjà en congé avec solde. Le processus s'est établi plus au niveau du sénateur Duffy, le 28 mai, lorsqu'on a eu l'audience et qu'il a demandé avec son avocat à ce que l'audience soit publique. Et j'ai été particulièrement choqué par son absence et par la nature des découvertes qu'on a faites. Je vous ai lu les transcriptions, tous les membres du Comité de la régie interne étaient vraiment, vraiment fâchés. Et je l'étais aussi.

J'ai commencé ma réflexion à ce moment-là, et il y avait le dossier de la sénatrice Wallin qui était en cours. Comme cela arrive assez peu fréquemment dans l'histoire d'un Parlement, parce qu'il n'y a pas de cas qui ont été cités, il m'apparaissait approprié de pouvoir traiter les trois dossiers en même temps pour pouvoir faire une bonne balance de la situation de chacun.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Une autre question fondamentale que je me pose et que j'ai soulevée dans mon discours l'autre jour — et à laquelle d'autres ont fait référence également, en particulier mon collègue le sénateur Baker —, a trait à un aspect qui nous préoccupe tous. Je suis certain qu'aucun d'entre nous, ni d'un côté ni de l'autre de la Chambre, ne veut prendre quelque mesure que ce soit qui nuirait aux enquêtes policières ou les compromettrait de quelque façon que ce soit.

Hier, lorsqu'on vous a questionné à ce sujet, vous avez dit que avez un goût pour la recherche, particulièrement en droit, et que vous étiez capable de vous faire votre propre opinion juridique. Je ne doute nullement de vos capacités et de vos compétences en tant que juriste et chercheur en droit, mais comme nous devons tous nous faire notre propre opinion et que nous devons avoir la conscience tranquille sur des questions fondamentales, je vous demande donc une nouvelle fois ceci : êtes-vous prêt à déposer au Sénat — si ce n'est pas dans votre intérêt, car peut-être n'en avez- vous pas besoin, mais dans l'intérêt de tous les autres sénateurs — aujourd'hui ou avant que nous soyons tenus de voter sur ces motions, les opinions juridiques que vous avez reçues ou que vous pouvez obtenir qui nous donneraient une garantie absolue que, si ces motions sont adoptées, elles ne nuiront pas aux enquêtes policières en cours ou aux accusations qui pourraient être portées à la suite de ces enquêtes et qu'elles ne les compromettront pas? Êtes- vous prêt à faire cette promesse?

[Français]

Le sénateur Carignan : Ce n'est pas à moi de vous donner des opinions juridiques. Nous avons accès à des juristes, vous comme moi, auxquels vous pouvez poser une opinion juridique. Et si vous croyez qu'il y a un risque ou que cela peut être le concept de « autrefois acquit, autrefois convict », comme le disait le sénateur Baker, hier — je ne suis pas en accord avec l'application de ce principe ici —, vous pouvez les déposer si vous en avez.

J'ai dit hier que je me suis fait ma propre opinion, que j'ai basée sur ma propre recherche et celle de mon équipe, de mon personnel direct et non pas provenant de l'extérieur. On m'a d'ailleurs posé la question si j'avais eu accès à une opinion juridique provenant de BCO, et la réponse est non.

Mon opinion juridique, celle que j'ai, je vous l'ai lue dans ma plaidoirie, la première journée.

[Traduction]

Recours au Règlement

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : J'invoque le Règlement.

Son Honneur le Président : La sénatrice Fraser invoque le Règlement.

La sénatrice Fraser : J'ai attendu pour invoquer le Règlement. Je voulais consulter les autorités et, surtout, obtenir confirmation du greffier que j'avais bien compris ce que le sénateur Carignan avait dit en français. Veuillez donc me pardonner si je vous ramène quelques minutes en arrière.

À plusieurs reprises ce soir et, plus particulièrement, dans une de ses réponses au sénateur Baker, le sénateur Carignan a parlé d'outrage au Parlement dans ces affaires. Plus précisément, il l'a dit quand le sénateur Baker a demandé quels étaient les éléments communs dans les infractions présumées. Peut-être que le sénateur Carignan a raison. Je ne juge pas d'avance. Je pourrais, mais je ne le fais pas dans ce cas. Il me semble qu'il a sauté aux conclusions un peu vite, de manière plutôt grave. L'outrage au Parlement est chose extrêmement grave. Il est traité comme le privilège qui, comme nous le savons tous, a préséance sur toute autre question dans le Règlement. Ce n'est pas une chose qu'un sénateur peut affirmer, établissant, ce faisant, qu'il y a eu outrage.

J'ai parcouru rapidement la deuxième édition de l'ouvrage d'O'Brien-Bosc et j'ai trouvé intéressant de voir que, dans une série de notes en bas de page commençant par la note 123 à la page 84 et se poursuivant jusqu'à la page 88 de cette édition, on mentionne et présente divers cas d'outrage au Parlement. Et dans chaque cas, d'après ce que je comprends, soit un comité d'abord, ou peut-être la Chambre seulement, ce n'est pas très clair — mais certainement pas un seul sénateur — un comité sous l'autorité de la Chambre ou la Chambre elle-même, dis-je, détermine après enquête et débat s'il y a eu violation de privilège.

(2300)

Je crois qu'il est antiréglementaire de la part du leader du gouvernement au Sénat de faire une telle affirmation durant un débat aussi important, et je vous demande humblement de trancher.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme la question est survenue durant le débat, il serait utile que le sénateur dont l'allocution est remise en question nous dise si l'expression « outrage au Parlement » ou « contempt of Parliament » a été employée dans son sens non équivoque, ou s'agissait-il d'une expression ambiguë qui aurait pu être remplacée par d'autres mots? Ce serait utile, et peut-être que la question pourrait être réglée sur le champ, si le sénateur Carignan pouvait nous donner quelques explications à cet égard.

[Français]

Le sénateur Carignan : Écoutez, je faisais une suggestion. Je vous dirais que ce qui est reproché ici en termes exacts, c'est une atteinte à l'intégrité et à la dignité du Parlement.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Je crois en avoir assez entendu sur ce point, honorables sénateurs, pour conclure qu'il s'agit d'un choix terminologique. Je remercie la sénatrice Fraser d'avoir soulevé la question parce que cela aurait pu causer une autre sorte de problème.

La présidence estime satisfaisante l'explication fournie par le sénateur Carignan. Merci.

Autres questions?

[Français]

Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, je suis le débat depuis le début et j'avoue que je suis surpris de voir à quel point les sénateurs de ce côté-ci participent au débat en grand nombre comparativement aux sénateurs de l'autre côté qui, à quelques exceptions près, alors qu'ils sont deux fois plus nombreux, ne s'expriment à peu près pas. Cela me met mal à l'aise.

Encore une fois, la procédure qui est utilisée présentement me met mal à l'aise, car j'ai l'impression que plusieurs de nos pairs attendent impatiemment que cela finisse pour pouvoir voter. Peut-être sont-ils déjà bien à l'aise avec cette méthode et qu'ils n'ont pas de problèmes? Si c'est le cas, c'est peut-être nous qui ne faisons que retarder le processus? Ou c'est peut-être autre chose.

Dans un autre ordre d'idée, le sénateur Baker a mentionné l'exemple de notre province, le Québec, qui suit une procédure bien établie lorsqu'une personne porte outrage à une profession, qu'il s'agisse des médecins ou autres. Dans cette procédure, il est prévu que ce sont des pairs expérimentés qui recevront les informations et débattront ultimement pour prendre une décision. Par contre, si je prends l'exemple du Barreau du Québec, ce ne sont pas tous les membres du Barreau qui écoperont de cette tâche, mais bien une entité qui les représentera. Ces gens sont nommés, je crois, pour siéger à ce comité spécial qui analyse la problématique et remet son rapport au Barreau. Je ne comprends pas pourquoi on ne peut pas faire la même chose au Sénat.

Quand un général est accusé d'outrage ou d'indiscipline, on ne parade pas les 74 généraux pour étudier la problématique, on a une méthodologie bien établie. Des pairs sont nommés pour faire ce travail. L'accusé peut se défendre, il a un droit d'appel et ultimement la décision est prise. Je ne comprends pas pourquoi vous, qui confirmez que cette décision fera jurisprudence, vous refusez de vouloir établir cette procédure. On semble être exceptionnellement réticent à vouloir utiliser une méthode plus juste, pour nous permettre ultimement de prendre une décision.

Nous avons bénéficié d'un tout petit discours de la part de la sénatrice Wallin et des sénateurs Brazeau et Duffy et nous sommes censés rendre un jugement aussi fondamental que de retirer le salaire et les privilèges à une personne et sa famille pour peut-être deux ans et demi. Aucune organisation dans notre pays ne ferait une action semblable, qu'elle ait été insultée ou non. Je trouve la méthode utilisée ici horriblement irresponsable. Je ne me sens pas en mesure de prendre une décision de cette envergure avec l'information que j'ai reçue et la méthode utilisée. Non seulement vous avez mis les trois sénateurs dans le même bateau, vous passez de l'un à l'autre quasiment d'une minute à l'autre, mais en plus, on ne nous donne aucun outil au-delà du Comité de la régie interne, aucun outil qui nous permettrait de faire une révision complète du dossier.

Pourquoi refusez-vous de reconnaître qu'on peut établir cette jurisprudence? On nous dit qu'on va traiter la sénatrice avec une certaine dignité, alors qu'on lui accorde 15 minutes de parole. Si cela nous convient, on va peut-être lui en donner plus. On ne lui donne pas une période de temps raisonnable pour se préparer. J'ai passé 36 ans dans une institution qui a des règles pour envoyer des gens en prison, réduire leur carrière ou même rendre des décisions de vie et de mort dans certains cas; je trouve que c'est tout à fait irresponsable et cela va porter atteinte à notre dignité beaucoup plus que de mettre ces sénateurs sur la sellette, comme vous êtes en train de le faire, à leur enlever des privilèges et ultimement leur salaire. Pourquoi? Pourquoi cette hâte? Pourquoi cette méthodologie quasi irresponsable vis-à-vis de l'un de nos pairs ou trois de nos pairs? Je ne leur pardonne pas, mais je vous demande seulement d'être justes à leur égard.

Le sénateur Carignan : Premièrement, concernant votre commentaire disant que les gens de ce côté-ci ne posent pas de questions : comme je le dis souvent, ils écoutent. Cela ne veut pas dire qu'ils sont inactifs. Je vous dirais que c'est une question de responsabilité. On peut prendre la responsabilité puis l'exercer ou on peut refuser de la prendre. On a accepté un mandat de l'État, selon la Constitution, pour adopter des lois, exercer nos fonctions puis nos obligations constitutionnelles.

(2310)

Nous pouvons décider d'exercer nos responsabilités. Exercer ses responsabilités cela veut dire parfois prendre des décisions difficiles, qui ne nous plaisent pas nécessairement, mais que l'on doit prendre. On peut ne pas les prendre, balayer la question en dessous du tapis, faire semblant que le problème n'existe pas. On va dire « ça va bien », mais à un moment donné cela nous rattrape. Cela nous rattrape tellement, que la plus grosse crise de l'histoire de ce Sénat-ci se produit actuellement, probablement parce que des responsabilités n'ont pas été prises auparavant.

Présentement, je vous demande, à l'ensemble de la Chambre, de régler cette crise en prenant nos responsabilités, en tranchant cette question, en arrivant avec une sanction appropriée, si c'est le cas; et par la suite que nous faisions notre travail. Si nous ne prenons pas nos responsabilités — nous sommes les seuls à pouvoir prendre cette décision — nous allons perdre le respect des gens. Et quand nous nous promènerons dans la rue et irons parler aux médias — qui sont encore ici à cette heure avancée — et leur dirons : « Regardez comme on est bons au Sénat, regardez comment on fait un bon travail; et puis, n'abolissez pas le Sénat, on est tellement utiles! », qu'aurons-nous comme crédibilité? Ils vont dire : «On le sait bien, vous autres, vous ne réglez pas les problèmes, et puis c'est la doctrine du ``tout m'est dû'' ». Combien de journalistes ai-je entendus, dans leurs commentaires, dans leurs analyses, dire que c'est la doctrine du « tout m'est dû »?

Ce n'est pas la doctrine du « tout m'est dû ». Nous avons des obligations; ce n'est pas notre argent, c'est l'argent du public. Et quand vous signez avec votre stylo, et que cela amène de l'argent du public dans votre compte de banque, vous devez être prudents. Je l'ai souvent dit, on a vu parfois des avocats surcharger avec un stylo; et j'ai surpris un stagiaire à faire cela. J'ai dit « tu ne peux pas faire ça; que ce soit avec un couteau ou avec un stylo, c'est un vol pareil; tu n'es pas mieux que celui qui va voler au dépanneur parce que tu voles avec un stylo ».

Le sénateur Dallaire : Dommage que nous ne soyons pas assez nombreux pour applaudir de mon côté aussi; en tout cas nous ne sommes pas là pour répondre aux applaudissements mais pour répondre à nos devoirs. Je suis certain que vous ne pensez pas que, moi et d'autres de mes collègues, avons peur de prendre une décision. Nous en avons vu bien d'autres. Et ce n'est pas parce que je me fais écœurer sur la rue par des gens qui, premièrement, trop souvent ne connaissent même pas notre job, mais qui, en plus, confondent les méfaits de certains individus avec la valeur de l'institution dans son ensemble — et même les journalistes le font —, ce n'est pas parce qu'il y a quelques pommes pourries que toute l'organisation ne vaut pas un clou et qu'on ferme la boutique. Certainement ce n'est pas cela qui est supposé nous influencer, ici dans cette enceinte.

Ce n'est pas que je craigne de prendre une décision, ultimement. Je veux le faire avec le sens de responsabilité qu'on attend de moi et de nous tous, s'agissant de rendre justice à un de nos pairs. On ne parle pas de l'huissier du bâton noir, par exemple; encore moins d'un enfant à qui on serait en train de demander des comptes. On parle ici de l'un de nous. Et dans ce contexte, nous n'avons pas, non plus, le droit d'agir en réaction à l'opinion publique ou autre; nous devons agir pour assurer que l'institution ne se verra pas dire : « Quelle est cette assemblée qui prend des décisions avec si peu d'information, si peu de méthodologie, et d'une façon qui n'est dans la nature d'aucune autre institution dans notre pays? »

Nous ne sommes pas les seuls à être payés par le public. Les policiers sont payés par le public, les procureurs sont payés par le public, les juges sont payés par le public; un grand nombre de personnes sont payées par le public. Et ils ont établi des méthodes.

Nous avons la chance de pouvoir établir une méthode. Ce n'est pas que je veuille que cela prenne trois ou quatre mois, pendant lesquels nos collègues continueraient de recevoir leur paye tandis que nous continuerions à examiner leur cas pour déterminer s'ils ont, oui ou non, commis une faute fondamentale. Ils n'ont pas encore été trouvés coupables. Nous pourrions choisir une méthodologie. Pourquoi, au lieu de faire cela tous ensemble ici, maintenant, ne pas avoir un groupe choisi de nos pairs qui iraient dans le menu détail et nous reviendraient avec un rapport? Cela nous permettrait, à la Chambre, de prendre cette décision, et cela permettrait à nos trois collègues de se défendre devant leurs pairs.

Parce que, ce qui est prévu ici, ce n'est pas vraiment pour eux de pouvoir se défendre devant leurs pairs.

Le sénateur Carignan : Écoutez, le Règlement prévoit des dispositions particulières. La sénatrice Wallin aurait pu m'interroger pendant trois heures de temps, comme vous le faites actuellement.

Le sénateur Dallaire : J'essaie.

Le sénateur Carignan : C'est comme cela que nous fonctionnons dans nos délibérations. Le Règlement prévoit que le Sénat peut suspendre lorsqu'il l'estime justifié. Le Sénat c'est nous; quand on parle de nous individuellement, c'est l'esprit collectif qui finit par sortir de l'ensemble; « du choc des idées vient la lumière » — ou quelque chose du genre. C'est par le cumul de ces délibérations que nous allons en arriver à une décision juste. C'est une décision collégiale. C'est la façon établie au Sénat. Nous avons une méthode, c'est celle-là. Elle n'est pas peut-être parfaite. Elle est peut-être perfectible, mais pour l'instant c'est celle que nous avons.

Les sénateurs qui sont visés par les trois motions, car nous avons trois motions indépendantes, peuvent poser des questions, peuvent amener des éléments. Je suis sûre que la sénatrice connaît mieux le rapport que moi. Elle a travaillé dessus, sa version est toute annotée. Elle a fourni des pièces, des documents. Elle peut me contredire sur un tas de choses, j'imagine, si ce qu'il y a là-dedans n'est pas vrai. Elle peut me le dire.

Compte tenu du dossier, compte tenu de la sagesse qu'on trouve en cette Chambre et compte tenu de la situation, il est certain que si un sénateur demande plus que 15 minutes de temps de parole, on va dire « oui, prenez le temps qu'il vous faut, une, deux, trois heures »; ce n'est pas un problème.

[Traduction]

Le sénateur Baker : Le sénateur Carignan fait constamment un parallèle avec le barreau. Je ne connais aucune procédure disciplinaire prévue par une loi provinciale touchant les avocats et les procédures disciplinaires adoptées par les barreaux qui ne déclenche pas aussi l'application de la Loi sur les enquêtes. En fait, je ne connais aucune réglementation au Canada qui ne déclenche pas l'application de la Loi sur les enquêtes.

Autrement dit, si un tiers a un intérêt dans une affaire faisant l'objet d'une procédure disciplinaire du barreau, il a le droit de présenter une demande d'intervention auprès de l'instance, et les règles régissant cela se trouvent dans les lois provinciales sur les enquêtes. Bref, le tribunal a les mêmes pouvoirs que ceux dont sont investis les commissaires par la Loi sur les enquêtes. Ainsi, dans le cas d'une procédure disciplinaire mettant en cause un avocat, une tierce partie peut adresser une lettre au président du tribunal disciplinaire, comme ça s'appelle, citant tel ou tel article de la loi provinciale sur les enquêtes pour demander le droit d'intervenir, c'est-à-dire la qualité d'intervenant. Au Québec, on utilise un terme différent, quelque chose comme « partie intéressée dans une affaire ».

(2320)

On demande ensuite à cette personne, et à toutes les autres personnes concernées, de présenter un exposé établissant d'abord leur droit d'intervenir au tribunal, puis les raisons pour lesquelles on devrait leur accorder un statut d'intervenant afin qu'elles puissent participer à l'enquête.

Ce que je veux dire, c'est que ce ne sont pas que le barreau et la procédure complexe suivie lors de l'audition des témoins qui sont en cause. Pour l'audition des témoins, on procède comme avec toute autre procédure judiciaire, comme toute demande initiale soumise à une cour supérieure. Autrement dit, on présente une demande, par exemple : l'avocat untel contre le Barreau du Québec. On expose les faits, et on présente ses arguments. Même les tiers sont autorisés à participer à ces procédures, si elles présentent pour eux un intérêt, quel qu'il soit.

À l'échelle provinciale, les dispositions de la Loi sur les enquêtes sont assez générales. L'intérêt de la personne peut être de nature financière, juridique ou scolaire. La procédure suivie par les barreaux est plus complexe que cette procédure judiciaire.

Je ne veux pas dire que cette procédure judiciaire comporte des failles suffisamment importantes pour qu'elle soit invalidée, mais que, même dans le cas d'une enquête menée par le vérificateur général, on fait appel à la Loi sur les enquêtes, et aux commissaires nommés aux termes de cette loi. Je veux dire que, peu importe la nature de l'enquête, quel que soit le tribunal disciplinaire, et quels que soient les avocats en cause, cette procédure est bien plus complexe que celle qui nous intéresse.

Je ne sais pas si le sénateur Carignan croit nécessaire d'élargir l'organe décisionnel dans le cas qui nous occupe. Il a dit assez clairement qu'il juge la procédure adéquate en soi. Elle ne s'apparente pas à une audience disciplinaire du barreau, mais elle est suffisamment adaptée à ses fins. Est-ce exact?

[Français]

Le sénateur Carignan : Écoutez, je ne peux pas élargir le corps décisionnel plus que je le fais maintenant. Le Sénat au complet compte 99 sièges et six sièges vacants. Nous sommes 99 à décider. De plus, les personnes visées par la motion peuvent aussi participer. Il est assez rare que la personne poursuivie participe à la rédaction du jugement. Voyez-vous, c'est particulier, mais c'est comme cela un parlement. Vous ne pouvez pas avoir plus grande justice naturelle que de participer à la rédaction du jugement. Nous nous entendons là-dessus. C'est le fonctionnement en décision collégiale.

Lorsque vous me parlez des éléments de l'infraction, il ne faut pas oublier que la première partie de l'élément comprend les réclamations faites jugées non conformes au Règlement. Un comité a décidé. Ce comité qui a le pouvoir exclusif de décider a rencontré la sénatrice Wallin. Deloitte a eu plusieurs rencontres avec les trois sénateurs visés. La sénatrice Wallin a eu la chance de présenter son point de vue. Tellement, qu'elle avait 532 508 $ en réclamation et 390 000 $ pour lesquels on lui a donné raison. Elle a gagné deux tiers de sa cause et il est resté 121 348 $. C'est pour cette partie des réclamations qu'elle n'a pas réussi à convaincre le comité qu'elles étaient conformes. Selon le comité, un peu moins du quart des réclamations n'étaient pas conformes. Elle a gagné le trois quarts de sa cause devant le Comité de la régie interne.

Il y a eu des étapes ultérieures. Il y a eu des évaluations de la balance de la preuve qui ont été faites, mais le Comité de la régie interne a décidé et pris la décision de demander le remboursement de 121 000$.

La partie de la violation du Règlement est déjà établie. Quelle est la partie qui manque? Atteinte à la dignité et à l'intégrité. Qui est le mieux placé pour décider de cela? Nous.

[Traduction]

Le sénateur Segal : Je souhaite poser une question au leader du gouvernement et j'aimerais qu'il réponde à titre de leader du gouvernement au Sénat et non à titre de procureur de l'État, un rôle qu'il doit se sentir obligé de jouer, j'en suis sûr. Je comprends, tout comme lui, la différence entre les deux. Je comprends la complexité de la situation et le fait qu'il doit porter les deux chapeaux ne me trouble pas du tout.

Je ne pose donc pas la question au procureur de l'État, mais bien au leader du gouvernement au Sénat. Il a un devoir plus vaste que celui d'un procureur, chose qu'il comprend mieux que personne.

Les rencontres qui ont eu lieu les 12 et 13 août concernant la sénatrice Wallin se sont déroulées à huis clos. Je crois savoir qu'il aurait normalement dû y assister, mais qu'il en a été incapable. Un remplaçant a siégé pour lui. J'ai eu moi-même le privilège d'y être et, en voyant le leader du gouvernement au Sénat se fier au rapport de ce comité et à celui du vérificateur, je me suis rendu compte de ce qui y manquait. Ceux qui ont assisté à ces rencontres l'ont, mais ceux qui n'y étaient pas ne l'ont pas, parce que ce dont je parle ne paraît pas dans le rapport. Je parle des échanges entre les vérificateurs concernant les règles utilisées pour arriver à une décision et s'ils avaient vérifié de manière indépendante les règles qui avaient été utilisées. Je ne vais pas entrer dans le détail de ce qu'ils ont dit; ce n'est pas à moi d'en faire rapport. La question concernant les commentaires attribués aux vérificateurs — ce qu'ils ont vivement nié, et de façon officielle, par surcroît — rien de tout cela n'existe ailleurs que dans les comptes rendus secrets de ce comité.

N'a-t-il aucun remords de conscience? Non pas en tant que procureur, parce que je sais que les procureurs cherchent à faire condamner les gens; c'est leur travail. En tant que chef du gouvernement au Sénat, ne ressent-il pas une pointe de regret à la pensée que personne, dans cette Chambre, à part ceux qui se trouvaient à la réunion du comité, n'a la moindre idée de ce qui s'est passé et des échanges qui ont eu lieu? Pour aider les sénateurs de tous les partis à voter selon leur conscience, comme il les invite à le faire, ne voudrait-il pas, en tant que leader du gouvernement au Sénat, communiquer avec l'administration du Sénat afin que les transcriptions confidentielles des réunions des 12 et 13, de la réunion du comité où on a décidé quoi dire aux vérificateurs au sujet des règles à suivre et de toutes les réunions qui ont eu lieu entre des membres du comité directeur et les vérificateurs soient déposées au Sénat pour que les sénateurs puissent les consulter et se faire une opinion? Ne voudrait-il pas réfléchir à cette possibilité et voir en son for intérieur si l'absence de cette information ne lui cause pas, en tant que leader du gouvernement au Sénat, quelques remords de conscience?

Des voix : Bravo!

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur Segal, vous remettez en cause deux principes importants. Le premier, c'est le huis clos. Pourquoi avoir un huis clos dans ces situations-là? Le Règlement nous le permet. Le huis clos permet de protéger la vie privée des individus. Toutes les décisions prises au Comité de la régie interne lors de rencontres à huis clos qui touchent du personnel, des individus ont pour but de protéger leur vie privée. Donc, si c'était à huis clos, ce n'était pas pour cacher des choses, mais pour protéger l'individu.

(2330)

L'individu est là. Il assiste et a droit à toute l'information. Nous, en tant que sénateurs, pouvons tous assister à cette rencontre. D'ailleurs, vous étiez là, même si vous n'étiez pas membre du Comité de la régie interne. C'est un principe que l'on a et que l'on peut revoir, si vous voulez.

Vous m'avez posé la question comme leader du gouvernement. À ce titre, je veux ouvrir les portes de cette institution, je veux qu'on soit plus transparent et qu'on ait plus d'ouverture. Je suis très ouvert à ce qu'on discute des éléments, au Comité de la régie interne, pour donner plus de publicité. Ce n'est pas parce que les choses se passent à huis clos qu'elles sont fausses. C'est notre méthode qui est ainsi. Le Comité de la régie interne décide toujours de cette façon. On a le 27e rapport. Est-ce que cela signifie que les 26 autres rapports ne sont pas bons? C'est toujours ainsi que l'on fonctionne. On ne remet pas en cause notre Règlement et notre façon de fonctionner. Les rapports sont là, les sénateurs sont présents et peuvent poser des questions.

La sénatrice Wallin aurait pu demander que la séance soit publique. Le sénateur Duffy l'a fait, le 28 mai. Il a demandé que ce soit public. Or, il ne s'est pas présenté. Le fait que ce soit public m'a permis d'obtenir la transcription, que j'ai pu utiliser hier dans la motion du sénateur Duffy. Je me base sur ce qui fait autorité ici au Sénat, actuellement, soit la décision du Comité de la régie interne, qui a le pouvoir exclusif de déterminer si les règles ont été respectées. L'autorité, pour moi, ce sont les 15 collègues qui siègent au Comité de la régie interne, et je leur fais pleinement confiance.

[Traduction]

Le sénateur Segal : Je veux être sûr de bien comprendre. Je crois que le leader a répondu avec clarté et précision. Je le crois même s'il a dit dans cette enceinte, ce soir, que nous sommes en train d'établir un énorme précédent dans notre traitement des gens qui se montrent négligents. Même s'il a dit, en réponse au sénateur Baker, que la négligence grossière était une forme d'outrage au Parlement, ce qui ne semble pas problématique aux yeux de la sénatrice Fraser, comme elle l'a clairement indiqué. Il a eu la bonne idée de faire marche arrière à cet égard. Le leader pense toujours qu'un rapport qui ne précise pas le contenu de la réunion et qui n'indique pas quelles questions y ont été posées et comment le vérificateur y a répondu est suffisant pour établir un tel précédent. Selon lui, c'est suffisant pour imposer les sanctions les plus sévères jamais imposées par le Sénat. Il est prêt à invoquer cette assise factuelle limitée pour forcer tout le monde à voter selon leur conscience sans disposer de toute l'information. Je comprends pourquoi il protège le principe du huis clos. Il est difficile de changer rétroactivement la décision de tenir une réunion à huis clos, mais, comme nous sommes en train d'établir un précédent et d'imposer une sanction jamais imposée auparavant, il faudrait peut-être invoquer la nécessité de la transparence non après avoir envoyé des gens à l'échafaud, mais pendant que la procédure a lieu, c'est-à-dire au moment où il nous invite à prendre une décision aussi grave dans cette enceinte.

[Français]

Le sénateur Carignan : Nous touchons aux droits individuels chaque fois que nous prenons des décisions. On prend toujours de telles décisions. Au Comité de la régie interne parfois on donne des contrats, on en enlève et on affecte les droits. Dans toutes nos décisions, on affecte les droits. Au Comité de la régie interne on affecte les droits, dans nos décisions individuelles. En cette Chambre, on affecte les droits collectifs et individuels. On adopte des lois, on fait le droit, on affecte toujours les droits. Ce sont nos règles, on les adopte et on les affecte avec les règles qui sont ici. On ne fait que respecter notre fonctionnement. C'est notre façon de fonctionner. Et si la sénatrice Wallin est en désaccord, elle peut nous le dire. Elle est là. Elle a une chance. Le vérificateur général n'est pas ici. En droit, je vais avoir un témoignage contre un document écrit par quelqu'un d'autre qui n'est pas là pour certifier. Techniquement, elle a une chance de plus qu'elle n'aurait pas dans un procès.

[Traduction]

L'honorable Elaine McCoy : Il est tard, et nous commençons peut- être à avoir de la difficulté à nous concentrer. J'espère sincèrement que nous ajournerons nos travaux sous peu.

Je suis très impressionnée, toutefois, par la teneur des questions et du débat en général. Nous attachons à juste titre de l'importance à notre conduite dans cette affaire. Je crois que c'est très important. Je suis heureuse de voir que cette tendance ne semble pas faiblir.

Mais — et peut-être que mon commentaire devrait s'adresser plutôt au sénateur Baker — je veux revenir à la comparaison qui a été établie avec les audiences disciplinaires d'un barreau. L'exemple concernait le Barreau du Québec même si, pour ma part, comme on se l'imagine, je connais mieux le Barreau de l'Alberta. J'étais d'accord avec l'essentiel de ce qu'a dit le sénateur Baker. Oui, c'est vrai, il y a toutes ces procédures. Mais j'ai eu l'impression que l'analogie n'était pas parfaite. Ce n'était pas une analogie complète, pour ainsi dire. Même si, pour mon plus grand bonheur, je n'en ai jamais été l'objet, j'ai déjà assisté à de telles procédures — ou, du moins, je m'y suis intéressé — lorsque je pratiquais le droit en Alberta.

Selon ce que je comprends, une procédure disciplinaire — tout comme, vraisemblablement, une procédure civile — n'est enclenchée que lorsque toute possibilité de procédure criminelle a été écartée. Je crois qu'il faut garder ce point à l'esprit pendant le débat, même à une heure aussi tardive, non pas parce qu'il s'agit d'un facteur déterminant, mais simplement parce qu'il faut chercher à ne pas perdre de vue qu'il y a toutes sortes de démarches en cours. Je pense qu'il faut aussi tenir compte de cela pour décider de la manière dont nous procéderons et du moment où nous le ferons.

Je crois cependant que, chez nous du moins, un avocat ne continuerait pas à pratiquer le droit. Je crois qu'il serait suspendu, pour ainsi dire, tant qu'une procédure criminelle serait envisagée, avant même que des accusations soient portées, quoi que le barreau pourrait remettre toute audience disciplinaire jusqu'à ce que l'issue de ces démarches soit décidée.

Je vous laisse réfléchir à cela. Si vous désirez répondre, sénateur Carignan, allez-y, mais c'est un commentaire plus que n'importe quoi, bref, quelque chose à cogiter d'ici au débat de demain matin.

(2340)

[Français]

Le sénateur Carignan : Sur la question de la discipline versus l'action criminelle, les mêmes faits, qualifiés avec différentes lois, peuvent créer des infractions distinctes. Donc, la situation factuelle qualifiée du droit civil va donner une responsabilité civile; les mêmes faits qualifiés avec le Code criminel donneront un acte criminel; les mêmes faits qualifiés avec une disposition disciplinaire donneront une faute disciplinaire.

Les trois constituent des fautes pour une même situation factuelle, et la condamnation au civil n'a pas nécessairement un impact sur la faute éthique. Pourquoi? Parce que dans la discipline, c'est le lien avec la dignité et l'intégrité de la profession. Il y a un élément qui se rattache qui est différent; dans l'un, au niveau du civil, c'est en fonction du Code civil, et dans l'autre, les conditions sont différentes. C'est beaucoup au niveau de la mens rea, qui est l'intention criminelle et le niveau de la preuve qui est hors de tout doute. L'un n'empêche donc pas l'autre.

[Traduction]

L'honorable Pamela Wallin : Je veux juste faire quelques commentaires et je pense qu'ils se solderont par une question qui vous est adressée. Vous m'avez, à plusieurs reprises, exhortée à vous poser des questions, comme si cela pouvait constituer une défense. J'ai rédigé environ neuf pages de notes, de questions et d'observations que je veux formuler concernant des éléments qui constituent, à mon avis, une déformation des faits ou une mauvaise compréhension de la façon dont les choses se sont vraiment passées.

Je trouve bizarre qu'on m'autorise à me présenter dans cette Chambre ou même devant le Comité de la régie interne pour me défendre en posant des questions à mes collègues. Cela me semble, à tout le moins, injuste. Comme je l'ai mentionné dans les déclarations que j'ai faites hier, ce que je veux et que j'ai demandé, c'est un processus et une audience justes et équitables, un jury ouvert d'esprit et du temps pour répondre aux accusations.

Je réfute l'idée selon laquelle c'est un processus productif, sensé ou équitable. Nous siégeons depuis 20 heures, cela fait donc quatre heures d'accusations et d'observations. Même si je disposais de 15 minutes, auxquelles s'ajouteraient cinq autres minutes, pour vous poser des questions, on ne peut pas dire que le processus et l'audience sont justes et équitables. Je n'arrive pas à croire que vous puissiez penser le contraire.

[Français]

Le sénateur Carignan : La façon de fonctionner dans une Chambre délibérante, comme un parlement, c'est de pouvoir débattre, d'émettre son point de vue, de poser des questions, et d'arriver avec des documents, comme le sénateur Brazeau l'a fait ce matin, en déposant un document.

On a des règles, des façons de présenter notre point de vue. Vous avez souvent présenté votre point de vue ici. Vous avez sûrement la possibilité, aussi, de pouvoir présenter votre point de vue sur le rapport, sur les éléments qui y ont été soulevés, et nous dire si, effectivement, dans le cadre, par exemple, des 31 réclamations où vous avez admis que c'était de nature privée, c'était de nature privée. Et nous dire pourquoi vous avez écrit que c'était pour une fonction parlementaire.

[Traduction]

Le sénateur Baker : Je pense que le sénateur Segal marque un point concernant la publication des transcriptions de ces deux réunions. Sans vouloir divulguer tout le contenu de cette réunion — et pourquoi pas d'ailleurs? — il se rappelle probablement que j'étais préoccupé. Nous sommes réunis en instance judiciaire. Si on dit telle chose devant une instance judiciaire, autrement dit le comité, et qu'on tient ensuite des propos contradictoires devant une future instance judiciaire dans le but d'induire en erreur, on enfreint l'article 135 du Code criminel et on risque une peine d'emprisonnement de 14 ans. Les transcriptions de ces réunions sont importantes.

J'ai dénoncé le fait que, dans leur rapport, les juricomptables avaient inscrit textuellement ce que leur avait dit l'Administration du Sénat au sujet des règles qui s'appliquaient, sans poser de questions. J'ai cité un extrait des normes de l'association des juricomptables du Canada. À la règle générale .001, on dit qu'il ne faut pas prendre les dires du client au pied de la lettre. Il faut plutôt adopter une approche — je crois que le mot utilisé était « prudente » —, poser des questions et mener une enquête approfondie afin de déterminer si ce que dit le client est absolument véridique. J'ai lu les sections dans le sommaire. Je pense qu'il est intéressant et très important de le souligner.

Je suis d'accord avec le sénateur Segal pour dire que les délibérations de ces réunions devraient être communiquées aux autres sénateurs.

Son Honneur le Président : Y a-t-il d'autres questions ou observations à l'intention du sénateur Carignan?

Sommes-nous prêts à poursuivre le débat? Le sénateur Cowan a la parole.

Le sénateur Cowan : Je vous remercie, monsieur le Président. Je souhaite évidemment répondre au sénateur Carignan. J'avais préparé quelques notes, mais j'aimerais d'abord examiner ce que le sénateur Carignan et d'autres collègues nous ont dit ce soir. Étant donné l'heure, je demande que le débat soit ajourné à mon nom sur la promesse solennelle que, demain, mon discours sera plus court que celui prononcé par le sénateur Carignan ce soir.

(Sur la motion du sénateur Cowan, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne à demain, à 9 heures.)

© Sénat du Canada

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