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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 21

Le mardi 3 décembre 2013
L'honorable Pierre Claude Nolin, Pr�sident int�rimaire

LE SÉNAT

Le mardi 3 décembre 2013

La séance est ouverte à 14 heures, le Président intérimaire étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Traité d'interdiction des mines

Le seizième anniversaire

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, j'ai le plaisir de souligner qu'aujourd'hui, le 3 décembre, nous célébrons le 16e anniversaire de la signature du Traité d'interdiction des mines, ici même à Ottawa.

Ce processus inhabituel, historique et sans précédent a été amorcé en 1996, lorsque les représentants de 75 gouvernements du monde entier se sont réunis à Ottawa pour discuter des problèmes liés aux mines terrestres antipersonnel. Dans ses observations finales au terme de cette conférence fructueuse, le ministre des Affaires étrangères de l'époque, Lloyd Axworthy, a lancé un défi aux gouvernements présents, à savoir revenir à Ottawa l'année suivante pour signer un traité international interdisant les mines terrestres antipersonnel.

Suite à cet appel, la communauté internationale a relevé le défi et a amorcé ce qu'on appelle maintenant le processus d'Ottawa. Le traité a été rédigé au terme d'une série de rencontres qui se sont déroulées un peu partout dans le monde, en marge des voies diplomatiques traditionnelles.

Le Traité d'interdiction des mines a été adopté à Oslo, en Norvège, au mois de septembre 1997. Au départ, l'entente a été entérinée par 122 États signataires, ici à Ottawa. Le traité est entré en vigueur moins de deux ans plus tard, soit plus rapidement que tout autre traité semblable.

Le travail fait par le Canada relativement au Traité d'interdiction des mines se perpétue encore aujourd'hui. Dans son rapport annuel intitulé L'Observatoire des mines, la Campagne internationale pour interdire les mines terrestres mentionne que, au 1er novembre 2013, 161 États étaient parties au Traité d'interdiction des mines. L'organisme ajoute qu'en 2012, la République du Congo, le Danemark, la Gambie, la Jordanie et l'Ouganda ont déclaré officiellement que tous les endroits minés connus avaient été déminés. Dans son rapport, l'organisme fait aussi état d'une diminution de 19 p. 100 du nombre de victimes par rapport à 2011. En fait, leur nombre actuel correspond à seulement 40 p. 100 du chiffre enregistré en 1999.

Cela dit, honorables sénateurs, la tâche est loin d'être terminée. Les mines antipersonnel sont l'une des armes les plus inhumaines qui existent. Elles tuent et estropient non seulement des combattants, mais aussi des milliers de victimes innocentes, et cela longtemps après la fin des hostilités. Au cours de la dernière année, ces mines ont fait 3 628 victimes, soit en moyenne une dizaine par jour. En outre, 1 168 de ces victimes, soit 47 p. 100, étaient des enfants. Dans bien des États et des régions, beaucoup de victimes ne sont même pas signalées, de sorte que le nombre réel est sans doute bien plus élevé.

Le 16e anniversaire du Traité d'interdiction des mines se veut une occasion de réfléchir au leadership dont le Canada a fait preuve lors du processus d'Ottawa, tout en étant conscients de tout le travail qui reste à faire pour éliminer ces armes horribles qui tuent et blessent sans distinction un si grand nombre d'innocents.

[Français]

L'Université de Moncton

Le cent cinquantième anniversaire

L'honorable Paul E. McIntyre : Honorables sénateurs, cette année, l'Université de Moncton fête le 150e anniversaire de sa création. Étant diplômé de cette institution, il me fait grand plaisir d'aborder avec vous certains aspects de l'université, notamment ses caractéristiques, son rôle et l'importance de son avenir.

L'Université de Moncton a été créée en 1963, suite à la fusion de trois université francophones du Nouveau-Brunswick. L'Université de Moncton est aujourd'hui la plus grosse université unilingue francophone hors Québec. Elle accueille quelque 6 000 étudiants et 400 professeurs en arts, sciences humaines, sciences sociales, sciences pures et sciences appliquées.

L'Université de Moncton compte trois campus situés dans les trois principales régions francophones du Nouveau-Brunswick, soit celui d'Edmundston, au nord-ouest, celui de Shippagan, au nord-est, et celui de Moncton, situé au sud-est de la province.

L'Université de Moncton offre 180 programmes dont 48 au niveau du baccalauréat et 6 au niveau du doctorat. Le campus principal de l'Université de Moncton compte huit facultés : administration, arts et sciences sociales, droit, ingénierie, sciences, sciences de l'éducation, sciences de la santé et des services communautaires, études supérieures et de la recherche.

L'Université de Moncton accueille le seul centre de formation médicale francophone des provinces maritimes. Ouvert en 2006, en partenariat avec la faculté de médecine et des sciences de la santé de l'Université de Sherbrooke, le Centre de formation médicale du Nouveau-Brunswick a décerné en 2010 ses premiers baccalauréats.

L'Université de Moncton répond aux besoins de l'importante minorité francophone du Nouveau-Brunswick. Environ 33 p. 100 des habitants de la province sont de langue maternelle française. Depuis sa fondation, l'Université de Moncton a décerné plus de 43 000 diplômes et est devenue, selon le matériel promotionnel disponible sur son site web, le plus important foyer de développement social, culturel et économique de la population acadienne du Nouveau-Brunswick. La faculté de droit de l'Université de Moncton, qui est l'une des deux seules facultés au Canada à offrir un programme de common law en français, répond aux besoins des Canadiens francophones résidant dans des juridictions de common law.

Le Centre de formation médicale du Nouveau-Brunswick permet aux médecins acadiens de se former dans les Maritimes, à proximité de leur domicile. Une formation au sein des régions francophones du Nouveau-Brunswick permet aux diplômés de mieux connaître et comprendre les besoins de la population acadienne francophone.

Selon son énoncé de mission, l'Université de Moncton est reconnue en Acadie et dans la francophonie pour l'excellence de son enseignement, de sa recherche et de sa contribution au développement de la société acadienne et universelle.

Le Centre d'études acadiennes Anselme-Chiasson de l'Université de Moncton possède la plus importance collection d'archives acadiennes au monde.

En ce qui a trait aux perspectives sur l'importance de son avenir, l'université procède actuellement à un exercice de planification stratégique intitulé « Planification stratégique 2020 : Osez rêver! », afin de baliser son développement à venir.

(1410)

Cet exercice est motivé par son énoncé de mission. L'Université de Moncton aspire à devenir la meilleure parmi les universités généralistes de taille comparable au sein de la francophonie. Ses diplômés et ses diplômes joueront un rôle de chef de file dans leur société.

Lorsqu'il fut interrogé sur son legs politique, l'ancien premier ministre et ancien sénateur Louis J. Robichaud a mentionné que la création de cette institution était ce dont il était le plus fier. Pour lui, la création d'une université de langue française représentait la clé de voûte même de son projet d'égalité, peut-on lire dans sa biographie. Il avait vu juste.

Ajoutons que l'Université de Moncton a transformé l'Acadie tout entière. Sa contribution est immense. Des générations de gens d'affaires et de politiciens, des leaders communautaires et des spécialistes de tous les horizons ont été formés dans ses classes. Malgré tous les défis et les polémiques, l'Université de Moncton se porte bien. Elle demeure notre plus grand atout, notre plus grand levier.

[Traduction]

La Journée internationale des personnes handicapées

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, les Nations Unies célèbrent aujourd'hui la Journée internationale des personnes handicapées. Cette journée constitue, pour les simples citoyens comme pour les groupes, l'occasion rêvée de faire valoir la contribution des personnes qui ont des limitations fonctionnelles — ou, comme je me plais à le dire, qui ont la capacité de faire des choses qui nous dépassent. Cette année, les célébrations ont pour thème « Briser les barrières, ouvrir les portes — Vers une société inclusive [pour] tous ». L'objectif est de favoriser l'emploi chez les personnes ayant un retard de développement ou une déficience physique.

Selon les Nations Unies, 1 milliard de personnes — oui, 1 milliard de personnes dans le monde — vivent avec une forme ou une autre de déficience. On parle ici de 15 p. 100 de la population mondiale. En fait, on parle surtout d'un potentiel illimité. Malheureusement pour nous, certaines barrières empêchent les personnes handicapées de participer pleinement à la société. Il peut s'agir de barrières physiques autant que sociales ou économiques, sans oublier les préjugés. Elles sont partout et peuvent prendre toutes sortes de formes.

Ce soir, j'aurai le plaisir de participer à la cérémonie de remise des prix Célébration pour tous, ici à Ottawa. Cette activité bien spéciale, qui a lieu chaque année à la même date, vise à favoriser la participation citoyenne en rendant hommage aux personnes et aux organismes de la région d'Ottawa qui tentent d'améliorer l'accessibilité pour les personnes handicapées. Ces jours-ci, l'accent est mis sur l'emploi, et pas n'importe quel type d'emploi : le plein emploi, celui qui est synonyme d'inclusion.

Je tiens à dire que l'Association canadienne pour l'intégration communautaire vient de lancer un programme formidable. Elle a d'ailleurs organisé une magnifique réception, ce matin, pour le déjeuner. Ce programme fantastique, qui s'appelle Prêts, désireux et capables : tirer parti du potentiel qu'offrent les personnes ayant un retard de développement pour rendre le marché du travail inclusif et efficace, commence d'ailleurs à trouver écho chez plusieurs employeurs, comme Costco, Rogers Communications, Canadian Tire, Starwood Hotels & Resorts, Pharmaprix et Loblaws. Le gouvernement va également jouer un rôle. Je le sais, parce que j'ai cru comprendre que les démarches entreprises par l'association avaient porté leurs fruits. Le programme Prêts, désireux et capables sera extraordinaire.

En reconnaissant et en présentant l'exemple formidable de ceux qui ont et pratiquent des valeurs de diversité et d'égalité sociale, nous pouvons en inciter d'autres à en faire autant. C'est une approche extraordinaire et courageuse qui part du principe que notre collectivité — et là, je veux dire le Canada — est compatissante et que chacun d'entre nous est capable de changer pour le mieux la vie de personnes handicapées.

Je termine en disant que, tant qu'il y aura des obstacles à l'épanouissement de certaines personnes, nous serons tous privés des riches expériences et des avantages qu'offre une société véritablement inclusive. Je vous invite, honorables sénateurs, à y réfléchir et à visiter les sites web des Nations Unies et de Célébration pour tous, pour en savoir plus sur ce qui se fait et comment vous pouvez aider des personnes handicapées à mener la vie qu'elles devraient mener comme membres acceptés et actifs de la société. Je vous invite à suivre l'initiative Prêts, désireux et capables.

L'Accord économique et commercial global Canada-Union européenne

L'honorable Norman E. Doyle : Honorables sénateurs, je veux féliciter publiquement le gouvernement du Canada pour l'accord commercial qu'il a conclu avec l'Union européenne. Compte tenu de l'étendue des marchés européens qu'il nous ouvrira, c'est de loin notre plus gros accord de libre-échange. Il aura des retombées positives pour la province de Terre-Neuve-et-Labrador.

À l'époque où Brian Mulroney a négocié la première version de l'Accord de libre-échange nord-américain avec les Américains, la notion de libre-échange avait quelque chose de radical, même qu'elle a été le principal enjeu d'une campagne électorale fédérale. L'Accord de libre-échange nord-américain a complètement transformé l'économie canadienne et a mené à une période de croissance économique et de prospérité sans précédent, tant au Canada qu'aux États-Unis.

Or, cela ne signifie pas pour autant que la mise en œuvre du nouvel accord s'est faite sans douleur, ce n'est pas le cas. Les industries obsolètes et inefficaces qui étaient artificiellement protégées par les droits de douane ont éprouvé beaucoup de difficultés, mais la libéralisation et l'augmentation des échanges commerciaux ont largement compensé nos pertes dans ces secteurs.

L'accord commercial conclu avec l'Europe se fera certainement sentir dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Voilà des années que les barrières tarifaires nous empêchent d'avoir accès au plus grand marché de fruits de mer. L'ouverture de ce nouveau marché, où l'on pourra vendre nos fruits de mer, renforcera grandement l'industrie des pêches au pays. Il y cependant un prix à payer. Si le secteur des pêches aura accès à plusieurs nouveaux marchés, le secteur de la transformation, selon toute vraisemblance, écopera quelque peu. Les provinces devront notamment éliminer progressivement, sur une période de cinq ans, les quotas minimaux en matière de transformation, lesquels garantissaient, de manière artificielle, des emplois aux travailleurs de nombreuses petites localités rurales. Je suis heureux que le fédéral et les provinces se soient entendus afin de créer un fonds de transition à coûts partagés de 400 millions de dollars pour aider l'industrie à profiter pleinement des occasions qui s'ouvriront à elle et pour atténuer les répercussions que l'accord aura sur les gens qui perdront leur emploi saisonnier dans le secteur de la transformation.

Honorables sénateurs, la libéralisation des échanges commerciaux n'est plus une notion radicale. Cette façon de faire, si l'on s'y prend convenablement, est largement acceptée et elle permet de stimuler la croissance économique nationale et internationale. Le gouvernement du Canada s'est montré très actif en matière d'économie, et l'accord conclu avec l'Union européenne n'est qu'un exemple — le plus récent — parmi tous les autres accords commerciaux qui ont été conçus pour garder le Canada fort, prospère et libre.

La fermeture du bureau du ministère des Anciens Combattants à Sydney

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, le 9 novembre, j'ai eu le privilège de participer à une manifestation à Sydney, au Cap-Breton, qui visait à appuyer nos anciens combattants; de 3 000 à 4 000 personnes se sont déplacées. Je tiens à rendre hommage aux nombreuses personnes qui ont participé à la manifestation organisée en appui aux vétérans des forces armées et de la GRC. L'activité a été coordonnée par des anciens combattants et des bénévoles de la région afin de permettre à la population de se réunir pour exprimer son mécontentement face à la décision du gouvernement de fermer le bureau du ministère des Anciens Combattants à Sydney. Je tiens à les remercier pour leur travail.

Les gens du Cap-Breton ont manifesté aux anciens membres de la GRC et des forces armées un appui réconfortant et émouvant. C'était très touchant de voir les anciens combattants défiler le long de la rue George, à pied ou en fauteuil roulant, entourés de milliers de personnes. Ces gens ont lutté dans le monde entier au nom du Canada pour défendre la justice et l'équité. Ils ne devraient pas avoir à se battre pour obtenir un traitement équitable quand ils reviennent au pays.

En raison de sa fermeture, le bureau de Sydney cessera d'offrir du soutien à 4 200 anciens membres de la GRC et des forces armées et à leur famille. Le gouvernement leur dit plutôt qu'ils devront composer un numéro 1-800, utiliser un site web, obtenir une application pour iPhone ou se rendre à Halifax s'ils veulent obtenir de l'aide.

Les anciens combattants étaient nombreux à participer à la marche contre la fermeture des bureaux, le 9 novembre. Parmi les associations représentées, mentionnons les 28 filiales de la Légion royale canadienne situées au Cap-Breton; la Cape Breton Naval Veterans Association; l'Association canadienne de Vétérans des forces de la paix des Nations Unies, section du Cap-Breton; les Anciens combattants de l'armée, de la marine et des forces aériennes au Canada; l'Association canadienne des vétérans de la Corée; la Cape Breton Highlanders Association; et, enfin, l'Association des anciens de la Gendarmerie royale du Canada.

Les membres de la communauté qui ont participé au rassemblement ont choisi de consacrer une partie de leur fin de semaine à cet hommage aux anciens combattants, un hommage auquel j'ai eu l'honneur de contribuer. Soulignons toutefois, honorables sénateurs, qu'il faut davantage que l'appui de la population pour répondre aux besoins des anciens combattants. Il faut aussi que le gouvernement les écoute et écoute tous les Néo-Écossais.

J'aimerais citer Mel Birmingham, un ancien combattant de Southside Boularderie. Voici ce qu'il a écrit dans le Cape Breton Post :

Les anciens combattants qui ont servi le pays au front méritent mieux qu'un service téléphonique. Ils méritent un service personnel, face à face, offert par les personnes les mieux placées pour répondre à leurs questions et régler leurs préoccupations à propos des pensions, des soins de santé et d'autres services qui contribueront à la qualité de leur vie civile après les efforts qu'ils ont déployés pour servir notre pays.

(1420)

Le ministre Fantino a annoncé jeudi dernier que le bureau de Sydney fermerait ses portes le 31 janvier 2014. Les 13 employés à plein temps ainsi que les quatre employés à temps partiel du bureau ne seront plus là. Dans ce qu'il qualifie de compromis, le ministre prévoit affecter un agent d'Anciens Combattants Canada aux bureaux de Service Canada.

Pour reprendre les propos de Ron Clarke, ancien combattant de 73 ans et organisateur du rassemblement, « l'idée est complètement ridicule. Les anciens combattants n'ont pas besoin d'un billet pour faire la file. »

Honorables sénateurs, le ministre Fantino peut sûrement rencontrer les anciens combattants du Cap-Breton. Nos anciens combattants méritent sans nul doute le respect et notre aide lorsqu'ils reviennent après avoir servi notre pays.

[Français]

Incident sur la Colline du Parlement

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, je désire m'adresser à chacun de vous individuellement pour vous transmettre mes sincères excuses concernant un incident que j'ai créé sur la Colline du Parlement ce matin.

[Traduction]

En me rendant au travail ce matin, je me suis endormi au volant et mon véhicule a heurté la barrière près de l'édifice de l'Est. Je suis fort soulagé que personne n'ait été blessé, ou pis encore, par suite de ma négligence à porter davantage attention à mon niveau de fatigue.

Les suicides survenus la semaine dernière, et le fait que je revis quotidiennement ma période de commandement au Rwanda à l'occasion du 20e anniversaire du génocide, nuisent beaucoup à mon sommeil ces derniers temps, malgré mes médicaments. Par conséquent, j'ai simplement eu un moment d'épuisement et je me suis endormi au volant de mon véhicule sur la Colline du Parlement.

J'espère que le fait que j'aie négligé de tenir compte de mon état physique et que j'aie pris un tel risque n'auront causé aucun déshonneur à mes collègues ni à l'institution.

Je vous remercie.


AFFAIRES COURANTES

Les affaires autochtones et le développement du Nord

La Fondation autochtone de guérison—Dépôt du rapport annuel de 2013

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la Fondation autochtone de guérison, de même que le rapport des vérificateurs, pour l'exercice se terminant le 31 mars 2013.

Le Comité de coordination de la mise en œuvre de l'Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador—Dépôt du rapport annuel de 2011-2012

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document intitulé Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador pour la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2012.

L'Accord définitif nisga'a—Dépôt du rapport annuel de 2010-2011

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de mise en œuvre de l'Accord définitif nisga'a pour l'année 2010-2011.

La situation de la culture et de la société inuites dans la région du Nunavut—Dépôt du rapport annuel de 2010-2011

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport sur la situation de la culture et de la société inuites dans la région du Nunavut pour l'exercice 2010-2011.

Le Sénat

La Loi sur l'abrogation des lois—Préavis de motion tendant à faire opposition à l'abrogation de la loi et de dispositions d'autres lois

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l'article 3 de la Loi sur l'abrogation des lois, L.C. 2008, ch. 20, le Sénat a résolu que la loi et les dispositions des autres lois ci-après, qui ne sont pas entrées en vigueur depuis leur adoption, ne soient pas abrogées :

1. Loi sur les programmes de commercialisation agricole, L.C. 1997, ch. 20 :

-articles 44 et 45;

2. Loi modifiant la Loi sur les grains du Canada et la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire et abrogeant la Loi sur les marchés de grain à terme, L.C. 1998, ch. 22 :

-paragraphe 1(3) et articles 5, 9, 13 à 15, 18 à 23 et 26 à 28;

3. Loi modifiant la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes et d'autres lois en conséquence, L.C. 2003, ch. 26 :

-articles 4 et 5, paragraphe 13(3), article 21, paragraphes 26(1) à (3), articles 30, 32, 34, 36, en ce qui concerne l'article 81 de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, et articles 42 et 43;

4. Loi modifiant le Code criminel (armes à feu) et la Loi sur les armes à feu, L.C. 2003, ch. 8 :

-articles 23, 26 à 35 et 37;

5. Loi portant mise en œuvre de l'Accord sur le commerce intérieur, L.C. 1996, ch. 17 :

-articles 17 et 18;

6. Loi sur les grains du Canada, L.R., ch. G 10 :

-alinéas d) et e) de la définition de « installation » ou « silo » à l'article 2, et paragraphes 55(2) et (3);

7. Loi maritime du Canada, L.C. 1998, ch. 10 :

-articles 140, 178 et 185;

8. Loi de mise en œuvre du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, L.C. 1998, ch. 32;

9. Loi sur les contraventions, L.C. 1992, ch. 47 :

-alinéa 8(1)d), articles 9, 10, 12 à 16, paragraphes 17(1) à (3), articles 18 et 19, paragraphe 21(1), articles 22, 23, 25, 26, 28 à 38, 40, 41, 44 à 47, 50 à 53, 56, 57, 60 à 62, 84, en ce qui concerne les articles 1, 2.1, 2.2, 3, 4, 5, 7, 7.1, 9, 10, 11, 12, 14 et 16 de l'annexe, et article 85;

10. Loi sur les armes à feu, L.C. 1995, ch. 39 :

-articles 37 à 53;

11. Loi sur la responsabilité en matière maritime, L.C. 2001, ch. 6 :

-article 45;

12. Loi sur la modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations, L.C. 2000, ch. 12 :

-articles 89 et 90, paragraphes 107(1) et (3) et article 109;

13. Loi sur le précontrôle, L.C. 1999, ch. 20 :

-article 37;

14. Loi sur l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public, L.C. 1999, ch. 34 :

-articles 155, 157 et 158 et paragraphes 161(1) et (4);

15. Loi sur le Yukon, L.C. 2002, ch. 7 :

-articles 70 à 75, 77, paragraphe 117(2) et articles 167, 168, 210, 211, 221, 227, 233 et 283.

(1430)

Affaires sociales, sciences et technologie

L'étude sur la cohésion et l'inclusion sociales—Préavis de motion tendant à autoriser le comité à demander au gouvernement une réponse au vingt-sixième rapport du comité, déposé durant la première session de la quarante et unième législature

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement au vingt-sixième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, intitulé : Réduire les obstacles à l'inclusion et à la cohésion sociales pour lutter contre la marginalité, déposé au Sénat le 18 juin 2013, durant la première session de la quarante et unième législature, et adopté le 21 juin 2013, le ministre de l'Emploi et du Développement social étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.

[Français]

Transports et communications

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier les défis que doit relever la Société Radio-Canada

L'honorable Dennis Dawson : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à examiner, en vue d'en faire rapport, les défis que doit relever la Société Radio-Canada en matière d'évolution du milieu de la radiodiffusion et des communications;

Que le comité fasse périodiquement rapport au Sénat, avec présentation d'un rapport final au plus tard le 30 juin 2015, et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour faire connaître ses conclusions pendant 180 jours après le dépôt du rapport final.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Le cabinet du premier ministre

Le versement de fonds au sénateur Duffy—Le rôle de Benjamin Perrin—La correspondance

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Les 21, 28 et 29 mai, j'ai posé à votre prédécesseur, l'ancien leader du gouvernement au Sénat, des questions sur le rôle joué par Benjamin Perrin au cabinet du premier ministre en ce qui concerne le cadeau de 90 000 $ fait par Nigel Wright au sénateur Duffy. Le 29 mai, la sénatrice LeBreton — qui, je vous le rappelle, s'exprimait au nom du gouvernement — a répondu ceci au sujet de M. Perrin :

Il n'a pas été consulté, et s'il n'a pas été consulté, comment aurait-il pu prendre part à une quelconque décision concernant la rédaction du chèque?

La même journée, la sénatrice LeBreton a également dit ceci :

Nous croyons comprendre par ailleurs qu'il n'existe ni documents ni avis concernant la décision de M. Wright.

Elle m'a ensuite accusé de me livrer à un interrogatoire à l'aveuglette et d'échafauder des théories du complot.

La situation a changé. En effet, grâce à la déclaration du caporal Horton, nous savons maintenant qu'il existait des milliers de documents sur cette transaction. Au cours de la fin de semaine, nous avons également appris que, après avoir d'abord prétendu que tous les courriels de Benjamin Perrin avaient été effacés, le cabinet du premier ministre reconnaît finalement maintenant qu'ils existent et qu'ils ont été remis à la GRC.

Ma question est donc la suivante : pourquoi l'ancienne leader au Sénat, parlant au nom du gouvernement, a-t-elle dit à notre Chambre que Benjamin Perrin n'avait joué aucun rôle dans la transaction entre Nigel Wright et le sénateur Duffy et qu'il n'y avait pas de documents?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : J'aimerais remercier le leader de l'opposition pour sa question, et surtout lui dire que je suis content qu'il soit des nôtres après avoir dû s'absenter durant quelques jours pour cause de maladie. Je vois toutefois que la maladie ne l'a pas empêché de suivre l'actualité et d'apprendre, comme nous, dimanche, que des courriels existaient et qu'ils avaient été transmis.

Je crois que la bureaucratie s'est excusée de cette erreur auprès de la GRC et également du cabinet du premier ministre. Nous avons répondu pleinement et librement à toutes les demandes d'assistance, notamment en fournissant tous les documents qui ont été demandés dans ce dossier. Maintenant que le Bureau du Conseil privé a confirmé qu'il existe des copies de courriels de M. Perrin, ces courriels seront également mis à la disposition de la GRC pour l'assister dans le cadre de son enquête en cours.

La GRC a indiqué que le cabinet du premier ministre l'avait assisté, notamment que les conseillers juridiques du cabinet du premier ministre avaient reçu des ordres clairs de la part du premier ministre pour coopérer pleinement à l'enquête et fournir toute l'assistance ou la documentation demandée par la GRC. Les employés du cabinet du premier ministre, actuels ou anciens, dont les courriels lui paraissaient pertinents, ont tous fourni des renonciations à la protection de leur vie privée, en lien avec le contenu de leurs courriels, par l'intermédiaire de leur conseiller juridique respectif.

Le cabinet du premier ministre a aussi levé le secret professionnel de l'avocat pour ses courriels, d'après le mandat de perquisition de la GRC du 20 novembre 2013.

Donc, honorables sénateurs, je pense que la collaboration du Bureau du premier ministre dans le cadre de ces enquêtes est entière.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Merci d'avoir récité ces lignes, sénateur Carignan, mais pensez-vous vraiment que les Canadiens croient que, pendant des mois, aucun membre du cabinet du premier ministre et du Bureau du Conseil privé ne savait que ces courriels n'avaient pas été effacés? C'est une question qui a été soulevée à plusieurs reprises, pas une seule fois. Il est impossible de croire que personne au sein du cabinet du premier ministre ou le Bureau du Conseil privé n'a jamais songé qu'il était possible que ces courriels existent encore. Je crois que les Canadiens ont beaucoup de difficulté à accepter cette explication et les excuses présentées par le Bureau du Conseil privé. J'aimerais connaître votre opinion sur cette question.

[Français]

Le sénateur Carignan : Écoutez, sénateur, je ne vous demande pas d'être d'accord ou d'accepter les excuses. La bureaucratie s'est excusée de son erreur auprès de la GRC et du cabinet du premier ministre. Je crois que la ou les personnes qui ont commis cette erreur l'ont reconnue, et dès que les documents ont été trouvés et identifiés, ils ont été expédiés, ce qui démontre l'entière collaboration du cabinet du premier ministre dans ce dossier.

La défense nationale

La prévention du suicide

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. J'avoue que je suis content de voir qu'on parle beaucoup plus en français depuis votre nomination, et, comme je trouve difficile de m'adresser à un francophone en anglais, je vais m'efforcer d'utiliser mon français, qui a été quand même affecté par trop d'années passées à Ottawa.

Je veux parler du dossier des suicides au sein des Forces armées canadiennes. Pendant que vous cherchez vos fiches, je veux tout simplement soulever quelques questions spécifiques.

La semaine dernière, j'étais au Forum de recherche sur la santé mentale des militaires et des vétérans, où le département des forces nationales nous a donné des statistiques qui reflètent des données qui ne sont pas complètes, mais dont on se permet de dire qu'elles ne sont « pas si pires ». Ce sont les termes employés, « ce n'est pas si pire », parce qu'on est dans une situation comparable à ce qui se passe, en termes de pourcentage, au sein de la population civile.

Je trouve concevable qu'on puisse comparer la situation des forces armées à celle du milieu civil, après la sélection, les entraînements et la « nature de la bête ». Si autant de gens se suicident après tout cela, il doit sûrement y avoir un problème.

Mais, lorsqu'on regarde les chiffres, et c'est l'objet de ma question, ils ne font pas mention des suicides parmi les réservistes ni parmi les vétérans qui sont maintenant sous la responsabilité du ministère des Anciens Combattants, parce que celui-ci ne dispose d'aucune méthode de suivi pour cela.

(1440)

Pour le bien de ceux qui servent et de ceux qui veulent les aider, est-ce qu'on est en mesure de donner des chiffres concrets au sujet du taux de suicide afin de déterminer s'il s'agit d'un problème au sein des forces armées parmi les vétérans blessés?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Sénateur Dallaire, je suis content que vous soyez là, en chair et en os, et que vous n'ayez pas été blessé lors de votre petit incident. Si on veut faire de la prévention du suicide, il faut aussi faire de la prévention des accidents. Lorsque vous vous endormez au volant, pensez à moi. Pensez à vos questions et à mes réponses. C'est peut-être un bon truc de prévention pour demeurer éveillé.

Au cours des dernières années, les forces armées ont fait de grands pas dans le traitement du personnel militaire souffrant de problèmes de santé mentale à la suite d'un déploiement.

Actuellement, pour ce qui est du stress post-traumatique, on compte environ 378 professionnels de la santé mentale qui travaillent à temps plein et qui cherchent à embaucher d'autre personnel. En fait, si on compare avec nos alliés de l'OTAN, les Forces armées canadiennes affichent la plus grande proportion de travailleurs en santé mentale par rapport au nombre de soldats.

Elles offrent des soins de santé mentale par l'entremise de 38 cliniques et détachements de soins primaires et de 26 cliniques d'hygiène mentale à travers le Canada, et ce, pendant toute la carrière du militaire. En ce qui concerne les effectifs qui sont aux prises avec ce problème de santé mentale, on constate que les Forces armées canadiennes prennent très au sérieux la question du suicide chez les militaires.

Vous avez cité une conférence à laquelle vous avez assisté lors de laquelle les gens ont dit que « ce n'était pas si pire » par rapport à ce qu'il y a comme statistiques. Même dans le milieu de la population civile, nous prenons très au sérieux chaque suicide et chaque personne qui vit un stress post-traumatique.

C'est la raison pour laquelle les Forces armées canadiennes ne ménagent pas les efforts pour identifier les membres à risque de développer un problème de santé mentale. L'aide offerte prend diverses formes et peut consister en des traitements, de la consultation et d'autres besoins identifiés.

Cette problématique du suicide, on l'a déjà soulevée lors de la motion de la prévention du suicide en général. Avec le sénateur Dawson, entre autres, on avait formulé une motion commune il y a quelques années. C'est une problématique qu'on prend très au sérieux.

Le sénateur Dallaire : Je prends de la médication pour ne pas faire de cauchemars. Je n'ai donc certainement pas l'intention de rêver de votre gouvernement pendant que je conduis ma voiture!

Il y a cinq ans, un des douze officiers qui m'accompagnaient au Rwanda s'est suicidé. Il a fallu plus de deux ans pour que l'investigation en arrive à la conclusion que le suicide était dû au traumatisme et, ultimement, à la blessure qu'il avait subie lors des opérations. Depuis 2008, il y a 74 cas qui sont sous investigation et qui n'ont pas encore de réponse. Cela fait en sorte que les gens ne peuvent pas bénéficier des programmes de soutien.

Pourquoi le ministère ne s'empresse-t-il pas d'analyser ces cas de suicide afin d'en déterminer les causes? Cela réduirait le nombre déjà trop élevé de cas et, par le biais de ces investigations, les familles touchées seraient plus sereines puisqu'elles connaîtraient exactement la cause de la catastrophe qui leur est arrivée.

Le sénateur Carignan : Sénateur Dallaire, vous faites bien de mentionner que des enquêtes sont effectuées lorsqu'il y a un suicide dans les Forces canadiennes, contrairement à la société civile, dans laquelle il n'y a pas toujours nécessairement des enquêtes du coroner ou des services policiers qui sont effectuées.

Dans le cadre des Forces armées canadiennes, il y a une commission d'enquête interne qui existe afin de mieux comprendre les causes des incidents qui touchent les Forces canadiennes et cette commission d'enquête est mise sur pied chaque fois qu'il y a un suicide. Dans les semaines qui suivent l'incident, des professionnels de la santé procèdent à un examen technique des suicides. Les Forces armées canadiennes tiennent à ce que les commissions effectuent un bon travail.

En 2011 et en 2012, ils ont revu le processus entourant les commissions d'enquête afin de les rendre les plus efficaces possible pour que les conclusions puissent être connues.

Le sénateur Dallaire : Est-ce qu'on peut s'attendre à des résultats qui peuvent affecter les soins qu'on donne à d'autres blessés afin de prévenir les suicides?

Nous avons déjà constaté que, en ce qui concerne le contenu quantitatif au sujet des suicides, les chiffres ne sont pas exacts. Il manque de l'information au sujet des réservistes qui sont éparpillés partout et des vétérans qui sont au ministère des Anciens Combattants.

On tient compte seulement de ceux qui sont encore en service ou qui, essentiellement, sont proches de ces endroits. Ces chiffres ne sont pas limités, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de limite à un chiffre parce qu'il y a eu une habitude du passé et parce qu'on a eu des opérations.

Pour vous donner un exemple, au Vietnam, les Américains ont perdu quelque 58 300 soldats en opération. Pourtant, en 1997, quand je leur ai demandé leur aide pour notre programme, 22 ans plus tard, ils comptaient plus de 102 000 suicides directement liés aux opérations au Vietnam.

Ils sont conscients qu'une analyse qualitative est nécessaire, et non seulement une analyse quantitative. Qu'est-ce qui amène une personne à faire une tentative de suicide? Qu'est-ce qui la fait trébucher?

Deuxièmement, pourquoi d'autres réussissent-ils à le faire? Ceux qui ont tenté de se suicider peuvent nous fournir énormément d'information, mais il n'y a aucune étude financée par le ministère de la Défense nationale pour faire cette analyse qualitative qui pourrait fournir des informations quantitatives.

J'ai moi-même tenté de me suicider quatre fois. J'irais parler à ces gens pour essayer de les aider et d'aider les familles. Est-ce que le leader du gouvernement au Sénat peut me donner l'assurance qu'il parlera au ministre de la Défense au sujet de cette dimension qualitative des enquêtes sur les raisons qui ont mené aux cas de suicides, dont le nombre va continuer d'augmenter?

Le sénateur Carignan : Je peux vous affirmer que le ministre est déjà conscient de la problématique du suicide au sein des forces armées et que les forces mettent l'énergie et les ressources nécessaires pour s'assurer que les personnes à risque ou qui sont dans le besoin puissent avoir accès aux professionnels et à l'aide dont ils ont besoin pour passer à travers les périodes plus difficiles liées au syndrome post-traumatique.

[Traduction]

L'honorable Wilfred P. Moore : Je signale au leader du gouvernement que les forces armées américaines connaissent une hausse alarmante du nombre de suicides parmi les militaires qui télécommandent des drones. Ceux-ci programment ces armes et constatent les pertes de vie humaine, ce qui a un impact important sur certains d'entre eux. Sauf erreur, certains font fonctionner de telles armes aux États-Unis, ce qui entraîne parfois des suicides. Je me demande si nos forces armées se penchent sur cette situation. Dans l'affirmative, que font-elles pour préparer en conséquence ceux qui pourraient être appelés à faire fonctionner de tels appareils?

(1450)

[Français]

Le sénateur Carignan : Il va sans dire que nous nous concentrons sur la prévision et le traitement de nos membres des Forces armées canadiennes. Dans les Forces armées canadiennes, nous avons l'un des plus grand nombre de professionnels de l'OTAN qui s'occupent de la prévention et du traitement pour prévenir le suicide. Je le dis parce qu'on regarde aussi ce qui se fait ailleurs.

Je puis vous dire, encore une fois, que les Forces armées canadiennes prennent très au sérieux la problématique du suicide. C'est pourquoi on y met autant de ressources.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Je suis sûr qu'elles prennent ce problème au sérieux. Lorsque je siégeais au Comité de la sécurité nationale et de la défense, nous avons visité des bases et nous avons entendu parler de ces situations. Vous pourriez vérifier auprès du ministre si nos professionnels sont au courant de la situation qui se produit aux États-Unis au sein du personnel militaire qui télécommande ces drones armés, et si un service quelconque est en place pour s'occuper de cet aspect et préparer nos militaires à faire face à ces éventualités. J'ai lu que, dans certains cas, des commandants ont tenté de faire croire qu'un drone avait tué un chien alors qu'en fait la victime était un jeune enfant. De tels événements ont démoralisé les gens qui faisaient fonctionner ces appareils. Je veux simplement avoir la confirmation que nous sommes au courant de cette situation et que nous l'étudions, parce que nos soldats pourraient fort bien la vivre à leur tour.

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme je l'ai expliqué plus tôt en réponse à la question du sénateur Dallaire, 378 professionnels de la santé mentale s'occupent de la prévention et des traitements dans les Forces armées canadiennes. Évidemment, qui dit professionnels dit gens compétents ayant toute la formation, l'éducation et les renseignements requis pour agir de façon appropriée dans le cadre de ces interventions.

[Traduction]

Le sénateur Moore : J'ai une question complémentaire. Je ne conteste pas leurs compétences. Je suis convaincu qu'ils sont très bons. Je veux simplement qu'ils soient au courant du problème, si ce n'est pas déjà le cas. Vous pourriez peut-être signaler aux autorités appropriées que c'est un aspect qu'il convient d'examiner. Je vous remercie.

[Français]

La santé

La prévention du suicide

L'honorable Dennis Dawson : Le leader du gouvernement au Sénat a parlé de la motion. Comme vous le savez, un an plus tard, nous avons adopté un projet de loi d'intérêt privé, qui demandait la préparation par le gouvernement d'un plan de prévention du suicide.

Le leader du gouvernement peut-il nous faire un rapport d'étape ou s'assurer que nous en ayons un pour savoir où est rendu le plan de prévention du suicide? Ce problème existe dans l'armée, mais aussi chez les Autochtones et au sein de plusieurs groupes au Canada. On a demandé un plan d'action, or nous n'avons toujours pas obtenu de nouvelles sur celui-ci.

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je transmettrai la question à la ministre de la Santé, de façon à vous fournir une réponse plus complète sur les actions concrètes prises par le gouvernement, particulièrement en matière de prévention du suicide.

[Traduction]

La défense nationale

La prévention du suicide

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, dans le même ordre d'idées, le fait que trois militaires se soient suicidés en un peu plus d'une semaine montre que quelque chose ne tourne pas rond, que quelque chose cloche. Je sais que le ministre a déclaré qu'il y aura une enquête, mais j'ai examiné la question de plus près et j'ai appris que plus de 70 enquêtes sur des suicides dans les forces armées sont actuellement en cours. Je le répète, quelque chose ne tourne pas rond.

Je sais que vous avez déclaré, en réponse à une question antérieure, que le nombre de professionnels de la santé des forces armées qui s'occupent de ces dossiers est suffisant, mais quelque chose cloche. Quel est le plan? Étant donné que plus de 70 enquêtes sont en cours, il me semble que nous devrions examiner cette question en priorité, afin de pouvoir mettre en œuvre un plan. Je comprends que nous avons besoin d'un plan à long terme, mais je crois qu'il est important que nous examinions les préoccupations immédiates. Quelles mesures le gouvernement s'engage-t-il à prendre immédiatement pour s'assurer que nos militaires obtiennent l'aide dont ils ont besoin?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Comme je l'ai indiqué en réponse à la question du sénateur Dallaire, des actions concrètes sont posées. Trois cent soixante-dix-huit professionnels travaillent à temps plein en matière de traitement et de conseils en santé mentale pour prévenir le suicide. On a le plus grand nombre de professionnels, si on se compare avec les autres pays de l'OTAN, qui s'occupent de ces problématiques de santé mentale reliées au syndrome de stress post-traumatique.

Des actions concrètes sont donc posées, et je ne veux pas que votre question sous-entende qu'aucune action concrète n'est posée. En général, dans la société civile, des actions concrètes sont également posées pour la prévention du suicide.

J'ai pris la question du sénateur Dawson en note, car je veux lui donner la réponse la plus complète possible. C'est une préoccupation que l'on partage, et ce fut le cas lorsque nous avons adopté cette motion, il y a un an. J'aimerais déposer au Sénat la réponse la plus complète possible de la ministre.

Des sommes sont investies. On a investi, entre autres, 5,2 millions de dollars par le biais du Plan d'action économique, en 2012, pour appuyer la recherche sur le traitement de la dépression. On a investi 75 millions de dollars dans le cadre de la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les jeunes Autochtones. Des actions concrètes sont posées tant au niveau de la société civile qu'au niveau des Forces armées canadiennes.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Je vous remercie d'avoir énuméré toutes les mesures prises, mais, de toute évidence quelque chose ne tourne pas rond, puisque trois militaires se sont suicidés en un peu plus d'une semaine. Le fait même que 70 suicides de militaires font actuellement l'objet d'une enquête montre que quelque chose ne tourne pas rond.

Vous avez dit qu'il y a 370 professionnels de la santé à temps plein. Ces derniers sont-ils de garde 24 heures par jour, 7 jours par semaine?

[Français]

Le sénateur Carignan : Des cliniques sont ouvertes et disponibles. Vous dites que quelque chose ne fonctionne pas parce qu'il y a 70 enquêtes. Il y a 70 enquêtes parce qu'il y a des suicides. Si 70 enquêtes sont ouvertes, c'est parce qu'il s'est produit 70 suicides. À chaque suicide qui se produit dans les Forces armées canadiennes, une commission est mise sur pied pour enquêter sur ce suicide et tenter d'identifier ce qui s'est produit dans ce cas particulier afin que l'on puisse éviter ces situations.

Je suis ici pour répondre au nom du gouvernement. Je pourrais discuter de suicide dans un autre contexte, à titre de sénateur ou à titre individuel, et non à titre de leader du gouvernement. Le taux de suicide chez les policiers, en particulier, est plus élevé que dans la société civile en général, étant donné qu'ils ont accès à une arme. Ces personnes ont donc accès à un moyen plus rapidement que d'autres. Cela augmente le taux de suicide chez les policiers.

Il y a toutes sortes d'éléments et de contextes dont on pourrait discuter. Toutefois, étant donné que je suis ici pour répondre aux questions à titre de leader du gouvernement au Sénat, j'aimerais concentrer ma réponse sur vos questions au sujet des actions concrètes qui sont posées, notamment au niveau des Forces armées canadiennes et de la Stratégie nationale de prévention du suicide.

(1500)

[Traduction]

La sénatrice Cordy : En réponse à la question, vous avez dit qu'il y a des cliniques, mais ce que je veux savoir, c'est si elles sont ouvertes 7 jours sur 7, 24 heures sur 24?

Je sais que, lorsque le Comité des affaires sociales a réalisé l'étude sur la santé mentale et la maladie mentale, nous avons entendu les témoins parler d'une ville canadienne où la ligne téléphonique de prévention du suicide n'était en service que de 9 h à 17 h, du lundi au vendredi, ce qui est utile uniquement si on prévoit se suicider pendant cette période. Lorsque vous parlez des cliniques, sont-elles accessibles aux militaires 24 heures sur 24, 7 jours sur 7?

Réponse différée à une question orale

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer une réponse à la question orale posée au Sénat le 29 octobre 2013 par le sénateur Wilfred P. Moore, concernant les pêches et les océans — la déclaration d'Hamilton.

Les pêches et les océans

La déclaration d'Hamilton

(Réponse à la question posée par l'honorable Wilfred P. Moore le 29 octobre 2013)

Le Canada soutient les efforts internationaux visant à identifier les zones écologiques et biologiques qui sont significatives. Il préfère une approche qui a recours aux mécanismes déjà en place afin de préserver et d'utiliser de façon durable la biodiversité dans les endroits qui vont au-delà de notre juridiction nationale, plutôt que de créer, à des frais élevés, de nouvelles structures de gouvernance.

Le Canada n'a pas reçu d'invitation pour participer aux négociations de la « Déclaration d'Hamilton ». D'après les informations dont nous disposons au sujet de cette initiative, il n'est pas clair que le Canada ait un intérêt direct envers la mer des Sargasses et ses environs. Nous ne sommes pas non plus au courant d'activités de pêche à cet endroit.

De plus, la valeur ajoutée qu'aurait un organisme de contrôle international pour la mer des Sargasses n'est pas claire, et c'est ce type d'organisme de contrôle qui est proposé par la « Déclaration d'Hamilton ». Il y a déjà des organismes internationaux qui peuvent mettre en œuvre des mesures de conservation et de gestion. En matière de pêches, l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest et la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique existent déjà; en matière de transport maritime, l'Organisation maritime internationale; et la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction joue déjà un rôle important en ce qui a trait au commerce international de certaines espèces.

Le Canada est déjà membre de ces organismes et nous soutenons leurs efforts. En tant que membres, les pays tels que le Canada peuvent soumettre et ont d'ailleurs soumis des propositions à ces organismes afin de soutenir et d'encourager les efforts de conservation dans le but de protéger l'écosystème de la mer des Sargasses. Dans cette mesure, la participation du Canada à la « Déclaration d'Hamilton » ne nous semble pas nécessaire afin d'assurer la mise en œuvre des efforts de conservation.


ORDRE DU JOUR

La Loi réglementant certaines drogues et autres substances
Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Mobina S. B. Jaffer propose que le projet de loi S-203, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et le Code criminel (traitement en santé mentale), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je vais parler plus longuement de cette question à notre retour en février et j'aimerais ajourner le débat pour le reste du temps de parole dont je dispose.

(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, le débat est ajourné.)

[Français]

L'étude sur la situation économique et politique en Turquie

Le deuxième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, intitulé Jeter des ponts : les liens entre le Canada et la Turquie et leur potentiel, déposé au Sénat le 28 novembre 2013.

L'honorable Suzanne Fortin-Duplessis, au nom de l'honorable sénatrice Andreychuk, propose l'adoption du rapport.

— Honorables sénateurs, je tiens à profiter du temps qui m'est offert aujourd'hui afin de commenter les relations grandissantes que le Canada entretient avec son allié et partenaire, la Turquie.

Il me semble approprié de rappeler à cette Chambre la multiplication des échanges diplomatiques et économiques que nous avons avec la République turque et le rôle important que cette dernière joue à l'échelle régionale et mondiale.

L'augmentation des interactions avec la Turquie et notre prise de conscience de son apport à l'économie mondiale et à la sécurité internationale se perçoivent par l'attention récente que nous lui accordons. D'ailleurs, c'est lors de la dernière session parlementaire que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a procédé à la rédaction du rapport portant sur nos liens, intitulé Jeter les ponts entre le Canada et la Turquie. Ce rapport, déposé une première fois le 20 juin dernier, fait suite à la comparution de divers témoins devant le comité et d'une mission d'étude en Turquie entreprise en mars 2013. Le rapport ayant été déposé peu de temps avant l'ajournement de nos travaux pour la période estivale, je n'ai pas eu l'occasion de m'exprimer sur le sujet.

C'est donc avec beaucoup d'enthousiasme que je prends la parole aujourd'hui afin de rappeler à cette Chambre l'importance de ce rapport dans la poursuite de nos liens d'amitié avec la République de Turquie.

Mandaté pour étudier l'évolution de la situation économique et politique en Turquie ainsi que l'influence qu'exerce ce pays sur l'échiquier régional et mondial, le comité a présenté un rapport de grande qualité qui dresse avec exactitude le portrait d'une Turquie moderne et qui met en relief les relations que nous entretenons avec elle.

En effet, le Canada et la Turquie jouissent d'une profonde amitié, et ce, depuis de nombreuses années. Le Canada a nommé son premier ambassadeur auprès de la République de Turquie, le major général Victor Odlum, en 1947, alors que le premier ambassadeur turc a présenté ses lettres de créance à Ottawa en mars 1944.

Depuis l'établissement de ces relations diplomatiques officielles par l'entremise de l'ouverture d'ambassades dans nos capitales respectives, nous avons accentué notre présence en Turquie en ouvrant un consulat canadien à Istanbul, qui est la capitale économique du pays.

Par ailleurs, le Canada dirige ses relations diplomatiques avec la Géorgie, l'Azerbaïdjan et le Turkménistan à partir de sa mission à Ankara, en accordant une accréditation simultanée à notre ambassadeur en Turquie auprès de ces pays. Pour sa part, la Turquie a procédé à l'ouverture d'un consulat général à Toronto en décembre 2010.

Depuis l'époque de l'après-guerre, nos deux pays ont vu fleurir une relation économique et diplomatique grandissante basée sur le respect et la confiance. D'ailleurs, de nombreuses visites ministérielles bilatérales ont eu lieu au cours des dernières années, témoignant ainsi de notre étroite coopération et des liens privilégiés qui nous unissent. Je pense, entre autres, à la récente visite de notre honorable ministre des Affaires étrangères, l'honorable John Baird, qui, en septembre dernier, a eu un entretien avec le président turc. Durant son passage en Turquie, le ministre en a profité pour élever le statut de notre consulat à Istanbul à celui de consulat général.

(1510)

À cette occasion, il a déclaré que ce geste symbolique témoignait de l'importance que le Canada attache à ses relations avec la Turquie et mettait en relief le travail important effectué à Istanbul, l'une des villes les plus dynamiques au monde.

Comme vous le savez tous, honorables sénateurs, le Canada et la Turquie entretiennent d'excellentes relations bilatérales, tout comme nous partageons un membership auprès de prestigieuses organisations internationales multilatérales telles que l'OSCE, l'ONU, le G20 et l'OTAN.

La Turquie s'est avérée un partenaire important et fiable, en particulier lors des dernières années, lorsqu'une situation difficile et incertaine s'est propagée dans la région immédiate de notre allié. Ce pays a joué un rôle fondamental de stabilisation dans la crise qui a secoué le Proche-Orient et l'Afrique du Nord, ce que nous avons appelé « le Printemps arabe ». À cet égard, je tiens à saluer l'effort incroyable que déploie actuellement la Turquie en offrant un refuge aux Syriens qui fuient les combats chez eux.

Au mois d'octobre 2013, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés nous apprenait avec effroi la détérioration de la situation pour la population syrienne. Environ 6,8 millions de Syriens sont affectés par le conflit et 2,2 millions de personnes se sont réfugiées à l'extérieur des frontières de la Syrie. De ce nombre, l'État turc et l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés établissent à plus de 500 000 le nombre de Syriens trouvant présentement refuge en sol turc, soit plus de 20 p. 100 de tous les réfugiés syriens dispersés dans les pays limitrophes.

L'effort exemplaire de la Turquie mérite d'être souligné ici, tout comme l'a fait au préalable le ministre de la Citoyenneté, de l'Immigration et du Multiculturalisme du Canada, l'honorable Jason Kenney, lors de sa visite des camps de réfugiés syriens en Turquie en janvier 2013. Depuis quelques années, la Turquie constitue une véritable source d'inspiration pour les peuples et les gouvernements voisins. Elle a su offrir un canevas à partir duquel de nombreux États arabo-musulmans peuvent puiser des idées pour moderniser leur système politique et économique.

La Turquie a entrepris un vaste chantier de libéralisation de son économie au cours des dernières décennies. Ses efforts ont porté leurs fruits. Le PIB de l'économie turque a fait un bond de géant, passant de 231 milliards de dollars américains, en 2002, à 770 milliards de dollars américains, en 2011, soit une hausse spectaculaire de 220 p. 100 en neuf ans. Le dynamisme de l'économie turque se révèle par une croissance soutenue de certains secteurs d'activité dont on ne peut que constater la vitalité et l'élan — un dynamisme qui se perçoit au-delà des cinq considérations du produit intérieur brut. À titre d'exemple, je souligne entre autres la vigueur du secteur des transports. L'emplacement géographique de la Turquie, qui est la plaque tournante entre l'Europe et l'Asie, lui confère un avantage notable dans ce secteur.

En matière de transport aérien, Turkish Airlines fait figure de proue dans le domaine. Un des principaux transporteurs aériens mondiaux, Turkish Airlines dessert plus de 200 destinations dans 99 pays et offre, sur une base hebdomadaire, de nombreux vols entre le Canada et la Turquie. Récemment, Turkish Airlines s'est même vu décerner de nombreux World Airline Awards par l'organisme Skytrax. Ce n'est pas un hasard si la Turquie est ainsi considérée comme un marché intéressant notamment par Bombardier, qui y multiplie les affaires non seulement dans le secteur aérien, mais aussi dans le secteur ferroviaire.

Le potentiel commercial de la Turquie pour le Canada s'étend à plusieurs domaines, notamment celui de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Selon les données de 2012, le Canada exporte environ 138 millions de dollars de produits agricoles et agroalimentaires vers la Turquie, et cela ne constitue que 2 p. 100 des importations totales de ce secteur d'activité en Turquie. Vous comprendrez qu'il y a d'innombrables opportunités d'affaires pour les entreprises canadiennes qui peuvent et doivent être explorées, d'autant plus que certains estiment que la Turquie sera, d'ici 10 ou 15 ans, un importateur net de produits agricoles et agroalimentaires.

Je crois que notre gouvernement réalise pleinement le potentiel de ce secteur en Turquie, puisque le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Gerry Ritz, s'est déjà rendu sur place et a annoncé, en mai dernier, la conclusion d'ententes permettant aux exportateurs canadiens un meilleur accès au marché turc.

À plusieurs occasions durant notre mission d'étude, les membres du comité se sont fait indiquer que le secteur minier représentait lui aussi un domaine où les opportunités d'affaires pour les entreprises canadiennes sont prometteuses. Étant donné que le Canada et ses entreprises minières sont des chefs de file mondiaux dans le secteur, il va de soi que le Canada et ses entreprises prennent part au développement minier en Turquie. En ce sens, la valeur du secteur minier en Turquie a plus que quadruplé, entre 2002 et 2010, pour atteindre 7,7 milliards de dollars.

Après cette entrée en matière, j'aimerais aborder en détail les recommandations contenues dans le rapport. Le comité recommande, en tout premier lieu, que le gouvernement canadien maintienne un engagement constant à l'égard du gouvernement de la République turque. Sans surprise, je partage cet avis, puisqu'il est connu que des relations bilatérales entre les plus hautes instances politiques favorisent des rapports significatifs entre les États, mais aussi entre leurs populations.

Je me réjouis du fait que le nombre de visites bilatérales entre nos deux pays tend à augmenter depuis quelques années. De nombreux ministres canadiens se sont rendus en Turquie au cours des dernières années, voire au cours des derniers mois. De nouveaux liens se tissent alors que d'autres se raffermissent. Je ne peux qu'espérer être en mesure d'assister à une multiplication des rencontres entre nos deux pays.

En second lieu, le comité encourage le gouvernement à considérer la Turquie comme une priorité stratégique commerciale et à accélérer les négociations avec le gouvernement de la Turquie en vue de conclure un accord de libre-échange. Peu importe l'envergure d'un tel accord, les avantages mutuels sont sans aucun doute fort intéressants.

Comme je le mentionnais plus tôt, de nombreux secteurs d'activité commerciale présentent des opportunités d'affaires pour nos entreprises. Bien que la Turquie soit notre 34e partenaire commercial mondial, le potentiel d'accroissement existe bel et bien. Les activités commerciales et d'investissements entre nos deux pays croissent depuis quelques années, et la mise en œuvre des mesures favorisant les échanges permettra de profiter du plein potentiel de ce que chacun a à offrir à l'autre.

Toujours dans le domaine commercial et entrepreneurial, la troisième recommandation du comité à l'endroit du gouvernement du Canada est de faciliter les partenariats entre les entreprises turques et canadiennes, y compris les initiatives de collaboration financière dans les pays tiers. Il a été porté à l'attention des membres du comité que les partenariats entre les entreprises étrangères et turques servent grandement les premières lorsqu'elles tentent de percer le marché turc. Ces partenariats seront d'autant plus utiles pour nos entreprises lorsque viendra le temps de procéder à des investissements dans les pays tiers, en particulier là où les entreprises turques se trouvent déjà.

On nous a mentionné, à titre d'exemple, le secteur de l'énergie en Azerbaïdjan et en Libye, où des opportunités d'affaires s'offrent aux entreprises canadiennes et turques. Nos relations avec nos alliés turcs doivent dépasser le simple cadre de relations politiques et économiques, et s'étendre aussi aux différentes sphères d'activité où des lacunes ont été constatées, notamment dans le domaine de l'éducation.

La quatrième recommandation du rapport porte à juste titre sur la nécessité d'accroître les échanges internationaux d'étudiants et de conclure un accord sur la mobilité des jeunes.

(1520)

L'éducation joue un rôle clé dans les relations que nous entretenons avec nos nombreux partenaires.

Le fait d'exposer des étudiants internationaux aux réalités du Canada permet de créer des liens personnels forts et facilite le développement de relations à long terme entre les étudiants internationaux et notre pays. Moins de 3 000 étudiants turcs faisaient des études au Canada en 2011. Comme vous pouvez le constater, honorables sénateurs, il y a place à l'amélioration.

La cinquième recommandation du rapport, quant à elle, a une portée plus large que nos liens avec la Turquie. Nous recommandons au gouvernement d'élaborer une stratégie de politique étrangère qui mettra en valeur l'image de marque de notre pays et nos avantages, plus particulièrement en ce qui a trait aux domaines de la technologie et de l'éducation.

Dans la foulée de son mandat d'étude, le comité a fréquemment entendu des témoins parler de l'importance de présenter le Canada tel qu'il est, mais aussi en adaptant son image aux particularités du pays cible.

Finalement, notre comité sénatorial suggère au gouvernement canadien d'envisager la signature de protocoles d'entente avec le gouvernement turc dans les domaines des sciences, de la technologie, des mines et de l'énergie. Il s'agit ici de domaines où l'expertise canadienne, tant sur le plan des conseils techniques que sur celui de la gouvernance et de la réglementation, serait un atout précieux pour la Turquie, qui cherche à accroître sa capacité de recherche et de développement.

Force est de constater que le Canada et la Turquie possèdent un immense potentiel de coopération politique et économique. Nous bénéficions déjà d'une excellente relation avec l'État turc, et le présent rapport propose d'élargir et d'enrichir nos liens. Les recommandations qu'il contient proposent une feuille de route à laquelle j'adhère, dans le but d'accroître notre partenariat avec notre allié, la Turquie.

En terminant, je tiens à remercier mes honorables collègues qui ont pris part à cette étude, ainsi que le personnel du comité, pour tout leur travail et pour la rédaction du rapport qui, je l'espère, trouvera écho auprès du gouvernement.

Honorables sénateurs, je vous remercie infiniment de votre écoute attentive.

(Sur la motion de la sénatrice Andreychuk, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Banques et commerce

Autorisation au comité d'étudier la capacité des particuliers à se prévaloir d'un régime enregistré d'épargne-invalidité

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Gerstein, appuyée par l'honorable sénatrice LeBreton, C.P.,

Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, la capacité des particuliers à se prévaloir d'un régime enregistré d'épargne-invalidité (REEI), notamment la représentation par un avocat et la capacité des particuliers à conclure un contrat;

Que le comité présente son rapport final au Sénat au plus tard le 31 mars 2014 et conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions jusqu'à 180 jours après le dépôt du rapport final.

L'honorable Pierrette Ringuette : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Le Sénat

Motion tendant à reconnaître le mois de mai à titre de Mois national de la vision—Ajournement du débat

L'honorable Asha Seth, conformément au préavis donné le 26 novembre 2013, propose :

Que, puisque la perte de vision peut arriver à n'importe qui et à n'importe quel âge et que cela amène des milliers de canadiens à travers le pays à perdre la vue sans raison à chaque année et puisque plusieurs canadiens ne sont pas au courant que la situation peut être prévenue ou traitée dans soixante-quinze pour cent des cas, le Sénat reconnaît le mois de mai à titre de « mois national de la vision » pour éduquer les canadiens au sujet de leur santé visuelle et pour aider à éliminer les pertes de vision qui peuvent être évitées à travers le pays.

— Honorables sénateurs, je souhaite parler de ma motion tendant à reconnaître le mois de mai à titre de mois national de la vision. Je propose ainsi une stratégie efficiente pour éduquer les Canadiens à propos de l'importance de la vision. Si cette motion est adoptée, le mois de mai deviendra une période de promotion des mesures de prévention contre les problèmes de vision. Ainsi, nous pourrons encourager les pratiques qui permettent de protéger la vue et de prévenir la perte de vision pour des milliers de Canadiens vulnérables. De plus, les parlementaires, les organismes sans but lucratif, les éducateurs et les intervenants pourront organiser des activités au cours du mois de mai afin d'informer les Canadiens au sujet des méthodes bien établies et des plus récentes avancées technologiques dans le domaine de la prévention des maladies des yeux.

J'ai plus de 40 ans d'expérience comme médecin, et je peux vous dire que mieux vaut prévenir que guérir, surtout lorsqu'il s'agit des maladies de l'œil. Comme vous l'avez appris au cours du débat suscité par mon interpellation sur le même sujet, au cours de la dernière session, n'importe qui peut perdre la vue, et à n'importe quel âge, mais, ce dont bien des gens ne sont pas conscients, c'est que 75 p. 100 des pertes de vision peuvent être prévenues ou traitées si elles sont décelées de façon précoce.

Nous avons nos yeux pour la vie, mais si nous n'en prenons pas soin, nous risquons de perdre toute une vie de vision et beaucoup plus. Contrairement à ce qu'on croit généralement, les maladies des yeux ne vont pas de pair avec le vieillissement. Les maladies de l'œil, à tout âge, sont un problème médical dont il faut s'occuper. Si elles sont dépistées tôt, ces maladies peuvent se traiter efficacement et, avec la prévention, il est possible de les éviter complètement.

Tel est l'objectif du mois national de la vision. Il visera à donner aux Canadiens des connaissances sur la santé visuelle pour que, un jour, nous puissions éliminer les pertes de vision évitables partout au Canada.

Si nous n'agissons pas, les coûts financiers et personnels de la perte de vision augmenteront rapidement à l'avenir, ce qui surchargera encore plus le système de santé et imposera un poids plus lourd aux Canadiens. Les coûts économiques et les souffrances humaines attribuables aux pertes de vision sont un fardeau énorme pour les Canadiens, bien plus lourd que celui de la plupart des autres maladies. Les chiffres montrent que le coût financier réel des pertes de vision au Canada est estimé à 15,8 milliards de dollars, soit près de 2 p. 100 du PIB du Canada.

Comme je l'ai déjà dit, cela représente 500 $ pour chaque Canadien ou près de 20 000 $ pour tous les Canadiens victimes d'une perte de vision. Les coûts ne feront que s'alourdir avec le vieillissement de la génération du baby-boom, qui devient plus vulnérable aux maladies de l'œil et à la perte de vision.

Pendant des décennies, nous avons laissé augmenter les taux de cécité et de perte de vision et s'aggraver l'ignorance au sujet de ce problème. Voilà pourquoi il faut maintenant mener la charge et promouvoir la prévention, la recherche et le traitement des problèmes de perte de vision au Canada pour aider à éliminer les cas de cécité et de perte de vision qu'il est possible de prévenir.

(1530)

Plus une maladie de l'œil est décelée tôt, plus grandes sont les chances de prévenir ou de réduire au minimum au moyen de traitements, la perte de vision occasionnée par la maladie.

Voilà qui me rappelle l'histoire de Carol Mondesir, de Toronto. À 70 ans, après une longue et brillante carrière comme consultante en gestion et conférencière spécialiste de la motivation, elle a commencé à s'apercevoir que sa vision se détériorait. Elle a rapidement consulté un ophtalmologue, qui a diagnostiqué une maladie liée à l'âge, la dégénérescence maculaire. Le médecin l'a rapidement traitée avec trois injections de ranibizumab, médicament qui aide à ralentir la perte de vision et améliore souvent la vision en stoppant la cause de la DMLA.

Grâce à cette intervention rapide, Carol a stoppé la dégradation de sa vue, et, depuis 2010, elle n'a pas eu besoin d'autres injections. Elle peut continuer de mener une vie productive avec confiance. Carol dirige maintenant un groupe de soutien pour les aveugles et les personnes partiellement voyantes.

Voilà pourquoi il est essentiel de se faire examiner les yeux régulièrement.

Aujourd'hui, toute une série de problèmes aux yeux peuvent se traiter avec succès, sans perte de vision, grâce à la technologie de pointe et à la recherche. Toute une série d'innovations et de nouvelles technologies arrivent de plus en plus rapidement dans le domaine des soins de la vue. De nouvelles découvertes dans des domaines comme la science des cellules souches, la nanotechnologie et l'imagerie oculaire promettent de maintenir cette tendance.

Ainsi, le Panoramic 200 est un instrument capable de balayer l'arrière de l'œil pour produire en champ ultralarge une carte à haute résolution qui montre un maximum de 80 p. 100 de la rétine en une seule image et aide le médecin à diagnostiquer, analyser et contrôler une pathologie oculaire qui peut être présente à la périphérie de l'œil et passer inaperçue si on se contente des techniques et du matériel classiques d'examen.

Honorables sénateurs, souligner le mois national de la vision en mai sera l'occasion de présenter les progrès de la technologie qui révolutionnent les soins de la vue et permettent aux médecins de lutter contre l'épidémie de pertes de vision, qui gagne de plus en plus le Canada. En faisant de mai le mois national de la vision, on sensibilisera la population au nombre croissant d'aveugles et de personnes partiellement voyantes au Canada, qui s'élève actuellement à près d'un million. On ne peut plus négliger pareille statistique.

Le mois national de la vision mettra en lumière le problème de la perte de vision dans les populations vulnérables et les minorités visibles. Les femmes, les enfants, les Autochtones, les néo-Canadiens et les aînés pourront se faire entendre tous les ans.

Le mois national de la vision permettra de promouvoir l'expansion de la recherche au Canada sur la santé visuelle, domaine souvent oublié et négligé. Plus important encore, ce mois sera un moyen de sensibilisation. Il fera comprendre aux Canadiens l'importance, pour le soin des yeux, de la prévention et du traitement.

Tout au long du mois de mai, nous exhorterons tous les Canadiens à faire une chose fort simple qui pourrait leur sauver la vue : se faire examiner par un optométriste. Si nous réussissons à diffuser ce message, le mois national de la vision sauvera la vue de millions de Canadiens, jeunes et vieux, riches et pauvres.

Aujourd'hui, j'ai sur moi mes lunettes de soleil, car, même en hiver, nous devons nous protéger les yeux contre le soleil. Le port de verres avec protection contre les UV est l'un des moyens les plus simples et les plus efficaces de prévenir les maladies des yeux. Je vous encourage à toujours les porter, en toute saison.

Les pertes de vision touchent tout le monde et je puis vous assurer que tous ceux qui sont ici présents sont vulnérables à cet égard. Savez-vous comment vos habitudes alimentaires, de consommation et de tabagisme peuvent vous exposer, vous et ceux que vous aimez, au risque de la cécité? Savez-vous que de nouvelles découvertes en santé visuelle peuvent un jour vous sauver la vue? Savez-vous que, chaque année, des dizaines de milliers de Canadiens perdent la vue pour toujours, alors qu'on aurait pu la sauver?

Ne devrions-nous pas être nous-mêmes la voix de la raison? Ne devrions-nous pas avertir les Canadiens pour qu'ils préservent leurs yeux? Oui, nous devons le faire et nous le ferons.

Je crois que vous conviendrez tous avec moi que c'est une question pour laquelle nous pouvons unir nos efforts à l'appui des citoyens. En reconnaissant mai comme mois national de la vision, nous nous engageons à lutter contre la cécité. Nous disons : « Non, nous ne permettrons pas que nos citoyens perdent la vue, nous ne permettrons pas à l'ignorance de l'emporter, nous ne laisserons pas plus de Canadiens devenir inutilement aveugles. »

L'écrivain, philosophe et poète anglais Jonathan Swift a dit : « La vision est l'art de voir les choses invisibles. » À la Chambre haute, nous devons comprendre que la perte de la vision a constitué pendant trop longtemps une épidémie invisible au Canada et qu'il nous incombe de faire la lumière sur cet affreux problème qui menace de détruire la vie de plusieurs d'entre nous.

Avec votre appui et votre aide, nous pouvons en faire une réalité. Nous aurons alors eu une influence réelle sur la vie des Canadiens. Faisons donc le premier pas : joignez-vous à moi pour reconnaître mai comme mois national de la vision.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénatrice Seth, acceptez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Seth : Oui.

L'honorable Percy E. Downe : Je vous remercie de ces excellentes observations.

Comme vous le savez, le Sénat a discuté l'année dernière des lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue et qui ont occasionné de grands problèmes dans le domaine de la santé visuelle. Ces lentilles étaient vendues dans les dépanneurs et à d'autres endroits et portaient différents dessins de différentes couleurs visant particulièrement les jeunes. Elles ont maintenant été retirées du marché.

Il me semble qu'il y a un deuxième grand problème auquel nous ne nous sommes pas attaqués : la vente en ligne des lunettes et des verres de contact. Comme vous le savez, on peut obtenir une ordonnance et la transmettre aux vendeurs en ligne, mais on ne dispose pas alors des services d'ajustement offerts par des professionnels compétents chez les opticiens. Quand on va chercher ses lunettes à la poste au lieu de se prévaloir de ces services, la différence est considérable. Est-ce que cela vous inquiète?

La sénatrice Seth : Oui. Je vous remercie de votre question. Elle est très importante.

Quand on va acheter chez un opticien les verres de contact prescrits par un médecin ou un ophtalmologue, on obtient certains services. Les verres achetés en ligne sont pour nous une source de préoccupation, car nous ne connaissons pas la façon de procéder de ceux qui les fabriquent. En fait, le principal problème que nous affrontons, c'est qu'il s'agit souvent de verres de contact très bon marché, que les jeunes vont acheter en ligne. Ils ne sont pas réglementés, ce qui constitue une source de préoccupation. Je suis bien d'accord avec vous. Il faudrait faire quelque chose à ce sujet.

Le sénateur Downe : Je vous remercie. Après le débat de l'année dernière, j'avais écrit à la ministre de la Santé d'alors au sujet des ventes en ligne. Le gouvernement fédéral n'a pas semblé très disposé à prendre des mesures. J'espère que vous et d'autres qui partagent cette préoccupation voudrez bien vous joindre à moi pour exercer des pressions sur la ministre de la Santé afin de remédier à cet oubli. C'est un grave problème.

On peut voir les publicités à la télévision et dans les médias sociaux. Les prix sont très bas par comparaison à ce qu'on achète chez les opticiens. La raison est exactement celle que vous avez mentionnée : il s'agit de lentilles de très basse qualité, produites n'importe comment, peu durables et pouvant considérablement nuire à la vue à long terme. La plupart de ces produits visent les jeunes qui sont attirés par les bas prix et qui pourraient ne souffrir d'aucun préjudice avant plusieurs années. Ces préjudices ajouteraient aux coûts des services de santé que vous avez mentionnés dans vos observations. J'espère que vous vous joindrez à d'autres personnes pour exprimer vos inquiétudes à ce sujet à la ministre de la Santé.

(1540)

La sénatrice Seth : Je suis de votre avis et je pense que nous devrions nous pencher là-dessus. Notre comité a d'ailleurs discuté de cette question.

Le sénateur Downe : Je vous remercie.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, au nom de la sénatrice Eaton, le débat est ajourné.)

Conflits d'intérêts des sénateurs

Autorisation au comité de recevoir les documents reçus lors de la première session de la quarante et unième législature et de l'autorité intersessionnelle

L'honorable A. Raynell Andreychuk, conformément au préavis donné le 26 novembre 2013, propose :

Que les documents reçus du Comité permanent sur les conflits d'intérêts des sénateurs ou produits par lui au cours de la première session de la quarante et unième législature et de l'autorité intersessionnelle soient renvoyés au Comité permanent sur les conflits d'intérêts des sénateurs.

— Honorables sénateurs, je pense que la motion se passe d'explications. Elle vise à faire en sorte que les documents reçus précédemment s'appliquent à la présente session. Je pense donc qu'il n'est pas nécessaire de débattre de cette motion.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Régie interne, budgets et administration

Motion donnant instruction au comité d'entendre des témoins—Report du vote

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition), ayant donné préavis le 28 novembre 2013 :

Qu'instruction soit donnée au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration d'entendre, avant la fin de l'année 2013, M. Michael Runia, Associé directeur, Ontario, à Deloitte LLP au sujet du rapport d'audit des dépenses du sénateur Duffy.

— Je pense que si les sénateurs se reportent à l'article 6-11 du Règlement, ils constateront que j'ai le droit de réserver mon temps de parole pour plus tard. C'est ce que je propose maintenant.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je suis sûr que je parle au nom de plusieurs d'entre nous, sinon de nous tous, quand je dis que je suis profondément troublé par les allégations soulevées dans l'affidavit du caporal Greg Horton. Selon ces allégations, il y aurait eu des tentatives d'ingérence dans la vérification judiciaire ordonnée par le Sénat au sujet des demandes de remboursement du sénateur Duffy.

Nous venons de passer plusieurs semaines à étudier des motions présentées par le gouvernement afin de suspendre sans solde trois de nos membres. Le leader du gouvernement nous a dit que cette mesure sans précédent était nécessaire, et je le cite, « afin de protéger la dignité et la réputation du Sénat et de préserver la confiance du public envers le Parlement ».

Si des allégations concernant des demandes de remboursement inappropriées menaçaient la dignité et la réputation du Sénat, ainsi que la confiance du public envers le Parlement, celles-ci seront encore plus menacées par des allégations de tentatives secrètes d'ingérence, dirigées par le cabinet du premier ministre, dans une vérification judiciaire ordonnée par le Sénat à propos de ces mêmes demandes de remboursement.

Il serait peut-être utile que je prenne quelques minutes pour résumer des passages de la déclaration de la GRC qui justifient ces soupçons.

Commençons par la page 37 de la déclaration de M. Horton. Ces échanges ont eu lieu le 1er mars. La chronologie des événements est importante pour notre compréhension de la situation, chers collègues.

Le 1er mars, les échanges ont commencé par un courriel de Nigel Wright à la sénatrice Carolyn Stewart Olsen, qui siégeait alors, bien sûr, au comité directeur du Comité de la régie interne, lequel était chargé de la vérification des demandes de remboursement du sénateur Duffy.

Le 1er mars, M. Wright a écrit ceci :

Merci Carolyn. Je suis d'accord que le vérificateur (il ne s'agit pas vraiment d'une vérification) devrait faire rapport. Mais le rapport pourrait dire : « Si la maison de Kanata était la résidence principale, voici le montant qui serait dû. » Il ne devrait pas...

— « Il » pour le rapport des vérificateurs —

... conclure que « la maison de Kanata est la résidence principale ». Nul besoin d'arriver à cette conclusion, puisque Mike s'est engagé à faire un remboursement, le cas échéant. J'ai besoin de votre aide pour les amener à comprendre et faire en sorte que cela se fasse ainsi.

Le caporal Horton fait la remarque suivante :

Nigel Wright a transféré l'échange de courriels ci-dessus à Chris Woodcock et Patrick Rogers, et a dit qu'il comptait demander l'aide du sénateur Gerstein dans cette affaire.

Comme nous le savons tous maintenant, Chris Woodcock et Patrick Rogers travaillaient tous deux au cabinet du premier ministre.

Donc, chers collègues, voilà que le chef de cabinet du premier ministre dit à l'un des deux sénateurs conservateurs, membres du comité directeur du Comité de la régie interne, les conclusions qu'il souhaite voir dans le rapport de Deloitte, ainsi que celles qu'il ne veut pas voir.

Il demande même l'aide de la sénatrice pour « amener [Deloitte] à comprendre et faire en sorte que cela se fasse ainsi ».

Par la suite, M. Wright est allé encore plus loin. Il a enrôlé non seulement la sénatrice Stewart Olsen pour l'aider concernant la vérification de la firme Deloitte, mais également le sénateur Gerstein.

Dans son affidavit, le caporal Horton écrit encore ceci :

De plus, le 1er mars, Janice Payne...

— l'avocate du sénateur Duffy —

... a envoyé un courriel à Benjamin Perrin...

— qui était avocat au cabinet du premier ministre —

... pour savoir s'il y avait du nouveau dans le projet de soustraire le sénateur Duffy à la vérification de Deloitte. M. Perrin s'est alors adressé à Nigel Wright, qui lui a répondu ceci :

Non, nous n'avons rien de nouveau à lui communiquer sur la vérification de Deloitte...

— « lui » renvoyait à Janice Payne.

Chris, Patrick et moi nous nous y employons [...] Aujourd'hui, j'ai demandé au sénateur Gerstein de communiquer avec des hauts placés chez Deloitte et avec la sénatrice LeBreton [...] Nous voudrions que le rapport de Deloitte indique publiquement que, SI la résidence de Kanata était la résidence principale, la somme due serait de 90 000 $ et que comme le sénateur Duffy s'est engagé à rembourser il n'est plus nécessaire que Deloitte détermine quelle était la résidence principale.

Comme nous le savons, Deloitte entretient depuis longtemps de bonnes relations avec le Parti conservateur du Canada. C'est cette firme qui s'occupe de vérifier le Fonds conservateur, que le sénateur Gerstein gère pour le parti. C'est pourquoi le sénateur Gerstein communique régulièrement avec Deloitte, et en particulier avec Michael Runia, qui est associé directeur du département des vérifications pour la région de l'Ontario, c'est-à-dire pour tout l'Ontario sauf Toronto, ce qui inclut Ottawa. M. Runia est tellement proche du Parti conservateur qu'il a fait un exposé lors du récent congrès de ce parti à Calgary.

Donc, dans le courriel que je viens de vous lire, Nigel Wright dit avoir demandé au sénateur Gerstein de communiquer avec des hauts placés chez Deloitte pour que le rapport arrive à certaines conclusions, et en particulier pour que certaines conclusions en soient exclues. Compte tenu de l'information qui a filtré depuis, il semble que les hauts placés en question comprenaient M. Runia.

Le 5 mars, il a été encore question du désir de M. Wright de « vérifier auprès d'Irving » — vraisemblablement auprès du sénateur Gerstein. Dans un courriel, M. Wright écrit qu'il serait favorable à l'idée que le sénateur Duffy remette volontairement l'indemnité de logement qui lui avait été versée depuis sa nomination, « à condition d'avoir l'assurance que Deloitte accepte la proposition ».

Nous voici maintenant le 8 mars. Je vous lis un extrait de l'affidavit du caporal Horton :

Le 8 mars, dans un courriel concernant le mandat donné par le Sénat à Deloitte, Patrick Rogers écrit ceci :

Le sénateur Gerstein vient de nous appeler. Il partage notre vision des choses, et son interlocuteur chez Deloitte également.

Cet interlocuteur chez Deloitte est Michael Runia.

Nous attendons maintenant que l'interlocuteur du sénateur obtienne l'assentiment du vérificateur lui-même, chez Deloitte. Le sénateur...

— il s'agit du sénateur Gerstein —

... nous rappellera une fois que Deloitte sera dans le coup.

(1550)

Donc, chers collègues, à moins qu'il ne s'agisse d'une tentative du sénateur Gerstein pour tromper ceux avec qui il traitait au cabinet du premier ministre, on doit en conclure qu'il a bel et bien appelé l'un de ses contacts chez Deloitte, M. Runia, l'associé directeur de la région de l'Ontario, qui a accepté le plan proposé par le cabinet du premier ministre. Le but était de voir à ce que le vérificateur de Deloitte responsable du dossier accepte lui aussi ce plan. Ainsi, Deloitte aurait été « dans le coup », pour reprendre l'expression qu'il a utilisée.

Chers collègues, est-ce que quelqu'un dans cette enceinte aurait pu imaginer que c'est de cette façon que se déroulerait la vérification judiciaire indépendante que nous avons commandée relativement aux dépenses du sénateur Duffy? Qui aurait pu croire qu'il y aurait des conversations secrètes avec un associé directeur de Deloitte et que celui-ci aurait ensuite pris les mesures nécessaires pour que les vérificateurs responsables du dossier soient « dans le coup » et que les résultats de la vérification correspondent aux plans du cabinet du premier ministre?

Le point suivant de la déclaration sous serment de la GRC est daté du 20 mars. On y trouve un courriel que M. Wright a envoyé à Chris Woodcock pour lui faire part de l'objectif du cabinet du premier ministre. Il y est question de discussions entre Janice Payne, l'avocate du sénateur Duffy; Benjamin Perrin, l'avocat du cabinet du premier ministre; Arthur Hamilton, l'avocat du Parti conservateur; et, enfin, le sénateur Tkachuk. Mme Payne a envoyé un courriel à chacune de ces personnes pour leur demander de confirmer que la vérification prendrait fin lorsque les sommes seraient remboursées. Voici ce que M. Wright a indiqué dans son courriel à ce sujet :

Elle emploie une tactique très dangereuse.

— par « elle », il entend Janice Payne —

Aussi, je me demande si elle est attentive. Ben a dû lui expliquer plusieurs fois qu'il ne s'agit pas de mettre fin à la vérification. En fait, Deloitte n'aura pas à tirer de conclusions en ce qui concerne les notions de résidence principale et de résidence secondaire puisqu'on suppose que la résidence de Kanata est la résidence principale du sénateur Duffy, ce qu'il a confirmé en décidant de ne pas contester cet aspect.

Chers collègues, nous voilà à un point critique aux fins de la motion dont nous sommes saisis. Voici ce qu'on lit, à la page 39 de la déclaration sous serment du caporal Horton :

Le 21 mars, Patrick Rogers a signalé à Nigel Wright et à d'autres personnes que le sénateur Gerstein l'avait mis au courant de ses démarches auprès de la firme Deloitte. Il a dit :

Je vais citer textuellement un extrait d'un courriel que Patrick Rogers, employé du cabinet du premier ministre, a envoyé à Nigel Wright, chef de cabinet du premier ministre, pour l'informer du rapport que le sénateur Gerstein lui avait fait après avoir communiqué avec M. Runia, qui avait à son tour communiqué avec ses collègues de la firme Deloitte. Voici donc cet extrait :

Les remboursements ne changeront en rien les conclusions des vérificateurs de Deloitte, parce que c'est sur le droit aux allocations de résidence qu'ils doivent se prononcer. Ils ne peuvent cependant pas arriver à une conclusion à ce sujet parce que l'avocat de Duffy ne leur a rien fourni, bien qu'ils aient tenté d'utiliser des « renseignements publics » au sujet de la résidence de Duffy. Leur rapport indiquera que l'avocat de Duffy ne leur a pas fourni l'information qu'ils lui ont demandée. On leur a demandé de terminer leur travail d'ici la fin de mars, et c'est ce qu'ils comptent faire.

Chers collègues, comment le sénateur Gerstein a-t-il pu fournir cette information au cabinet du premier ministre? Comment était-il au courant de tout cela — l'effet du remboursement sur les conclusions des vérificateurs de Deloitte, la capacité de ces derniers d'arriver à des conclusions sur le droit aux allocations de résidence, les raisons pour lesquelles ils n'ont pas pu tirer de conclusions et ce qu'allait contenir leur rapport?

Bien sûr, la semaine dernière, le Comité sénatorial de la régie interne a entendu plusieurs vérificateurs de la firme Deloitte. Selon la lettre de mission entre le comité et la firme, M. Gary Trimm, associé leader du service à la clientèle, devait être chargé de l'enquête. Il a signalé au comité, la semaine dernière, que M. Runia lui avait téléphoné une fois. Voici ce qu'il a dit au sujet de la conversation qu'il a eue avec ce dernier :

M. Timm : Il m'a téléphoné une fois. Il voulait savoir quel montant le sénateur Duffy allait rembourser, le cas échéant. Je lui ai répondu que je ne pouvais divulguer aucun renseignement confidentiel. Il a compris ce que je voulais dire. Je lui ai suggéré de s'adresser à des sources de renseignements publics s'il voulait apprendre à combien s'élève l'indemnité de subsistance totale d'un sénateur. C'est ainsi que s'est terminée cette brève conversation.

C'était un extrait du témoignage de M. Timm, la semaine dernière.

Honorables sénateurs, comment alors le sénateur Gerstein a-t-il découvert l'information qu'il a transmise au cabinet du premier ministre? Évidemment, ce que M. Wright et d'autres membres du cabinet cherchaient à savoir, ce dont ils ont demandé au sénateur Gerstein de s'informer auprès de son contact aux plus hauts échelons de Deloitte, ce n'était pas combien devait le sénateur Duffy. Le 1er mars, lorsque M. Wright a demandé au sénateur Gerstein de faire jouer ses contacts chez Deloitte, les personnes au sein du cabinet du premier ministre savaient que la dette s'élevait à 90 000 $. Ils l'avaient appris le 26 février ou, au plus tard, le 27 février. C'est ce qui figure à la page 35 de la déclaration de la GRC.

Il faudrait avaler des couleuvres pour croire qu'il s'agit là de l'information qu'ils voulaient obtenir en demandant au sénateur Gerstein de faire jouer son contact aux plus hauts échelons de Deloitte. Pourquoi recourir aux grands moyens — pourquoi procéder de manière à sciemment ouvrir une brèche dans le mur éthique de la vérification — si c'est pour obtenir de l'information qu'ils connaissaient déjà, d'autant plus qu'il ressort clairement des courriels que ce sont d'autres renseignements qu'ils cherchaient réellement à découvrir? D'ailleurs, selon le courriel du 21 mars, ce sont, bien sûr, ces autres renseignements qui ont été fournis au sénateur Gerstein.

Honorables sénateurs, les vérificateurs qui ont témoigné jeudi dernier au comité ont maintenu catégoriquement que l'appel de M. Runia n'avait aucunement influé sur leurs conclusions, mais nous savons que les renseignements rapportés par le sénateur Gerstein, eux, ont eu une incidence sur la vérification. Selon le courriel que Patrick Rogers a adressé à diverses personnes, dont Nigel Wright, à propos du rapport qu'il avait reçu du sénateur Gerstein — que j'ai cité il y a un moment, mais que je cite de nouveau —, Deloitte :

[...] n'a pu arriver à une conclusion quant à la résidence du sénateur Duffy parce que son avocat ne lui a soumis aucune information.

Chers collègues, comme le démontre le courriel que je viens de vous lire, l'objectif du cabinet du premier ministre était de faire en sorte que Deloitte ne puisse arriver à une conclusion concernant les résidences primaire et secondaire du sénateur Duffy. C'est pourquoi il est troublant de constater que, après que M. Rogers ait parlé de sa conversation avec le sénateur Gerstein, il aurait écrit ce qui suit :

[...] je propose que le sénateur...

— il s'agit ici du sénateur Duffy —

... continue de n'avoir aucun contact avec Deloitte. Je pense qu'on devrait prendre des dispositions pour rembourser l'argent, sachant que Deloitte ne se prononcera pas, d'une façon ou d'une autre, sur la question de la résidence.

Bien évidemment, le sénateur Duffy n'a eu aucun contact avec Deloitte. Ni lui ni son avocat n'ont coopéré dans le cadre de la vérification. Autrement dit, la connaissance anticipée des constatations qui devaient figurer dans le rapport de Deloitte semble avoir eu un impact considérable sur la vérification. Elle a amené le cabinet du premier ministre à demander au sénateur Duffy de ne pas coopérer dans le cadre de la vérification judiciaire dont nous avions ordonné la tenue au Sénat.

Je n'ai aucun doute que vous êtes tous aussi renversés et insultés par cette révélation, si elle est vraie. Il faut donc déterminer si les choses se sont vraiment déroulées ainsi et, pour ce faire, il faut en premier lieu inviter M. Runia à comparaître devant le Comité de la régie interne pour qu'il réponde à nos questions.

Le sénateur Comeau s'oppose à l'idée. Il a dit que la GRC fait enquête et que nous devrions la laisser faire son travail.

Chers collègues, ni M. Runia ni le sénateur Gerstein ne font l'objet d'une enquête par la GRC, d'après ce que je sais. En effet, le premier ministre Harper, à l'autre endroit, insiste sur le fait que les seules personnes visées par une enquête de la GRC sont Nigel Wright et le sénateur Duffy. Pourquoi donc l'enquête de la GRC sur M. Wright et le sénateur Duffy devrait-elle nous empêcher de faire toute la lumière sur les allégations concernant le sénateur Gerstein et Michael Runia, allégations qui portent atteinte au processus que nous avons ordonné, processus qui, pour citer le leader du gouvernement au Sénat, a été lancé « afin de protéger la dignité et la réputation du Sénat et de préserver la confiance du public envers le Parlement »?

Quelle réputation aurons-nous si le cabinet du premier ministre peut ordonner à un conservateur de se prévaloir de ses contacts parmi les hauts placés de la firme de vérification et de tirer profit de leur relation de longue date pour amener les vérificateurs à adhérer aux plans du cabinet du premier ministre? Comment le public peut-il faire le moindrement confiance au Parlement? Chers collègues, ces allégations touchent en plein cœur ma confiance envers l'intégrité de cette institution. C'est trop demander.

(1600)

Bien entendu, les enquêtes que la GRC est en train de faire n'ont pas empêché la majorité au Sénat de suspendre les sénateurs Duffy, Brazeau et Wallin. Le leader du gouvernement nous a alors dit et répété qu'il n'y aurait aucune incidence sur ces enquêtes et, bien sûr, nous savions que la GRC faisait enquête sur les sénateurs qu'on nous demandait de suspendre. Alors, comment se fait-il qu'une enquête de la GRC sur d'autres personnes nous empêche de convoquer comme témoin M. Runia, qui ne fait l'objet d'aucune enquête? Cet argument est complètement illogique.

Chers collègues, les allégations d'ingérence dans la vérification juricomptable que nous avons commandée sont très graves, et elles sont profondément troublantes. Si le cabinet du premier ministre contrôlait les vérificateurs qui ont examiné les comptes de dépense du sénateur Duffy, à quoi pouvait servir cette vérification? L'indépendance est essentielle — l'indépendance du processus de vérification et, à dire vrai, l'indépendance et l'intégrité du Sénat.

Nous devons voir si ces allégations ont un certain poids. De toute évidence, la convocation de MM. Timm, Dent et Stewart, de Deloitte, n'a pas permis de faire toute la lumière. La prochaine étape logique consiste à convoquer M. Runia.

Chers collègues, si j'étais à la place de M. Runia ou même à celle du sénateur Gerstein, je serais heureux d'avoir l'occasion de mettre les choses au point et de lever les soupçons qui planent sur eux.

Si nous ne faisons pas tout en notre pouvoir pour savoir exactement ce qui s'est passé, alors, chers collègues, nous sommes complices de cette affaire sordide, de ce qui se présente comme un camouflage massif, une duperie orchestrée par les conseillers les plus chevronnés du premier ministre, ceux à qui il fait le plus confiance.

Je vous exhorte à appuyer la motion de ma collègue, la sénatrice Fraser.

L'honorable Donald Neil Plett : Le sénateur Cowan accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Cowan : Absolument.

Le sénateur Plett : Sénateur Cowan, merci de votre intervention. Comme vous l'avez dit au début, il y a environ un mois, nous étions saisis d'une question très troublante et, paradoxalement, vous et moi partagions, du moins en partie, le même point de vue.

Lorsque j'ai livré mes observations sur cette question, que j'ai dit clairement à quel point j'étais inquiet de ce que nous faisions et que j'ai exprimé mon désaccord, l'un de mes principaux arguments était que, même s'il n'y avait pas d'enquête de la GRC en cours, il était possible qu'il y en ait une. C'était l'une des raisons pour lesquelles je voulais que nous nous abstenions d'intervenir et que nous laissions la GRC faire son travail, si elle avait un travail à faire.

Vous dites que le sénateur Gerstein et même M. Runia ne sont visés par aucune enquête, mais il y a certainement possibilité qu'il y ait une enquête. Le sénateur Gerstein a dit publiquement qu'il avait été interrogé par la GRC au sujet des questions qui se posent en ce moment. Je dirais donc, monsieur, qu'il y a une enquête de la GRC.

Lorsque j'ai fait mon intervention, il y a un mois, j'ai été heureux de me faire applaudir. Je ne suis pas sûr que ce fut mon plus grand moment de fierté, lorsque j'ai eu droit à une ovation des sénateurs d'en face, mais je l'ai eue, et je l'ai acceptée. J'ai retenu que, au moins, vous étiez d'accord avec moi sur la plupart de mes observations. J'ai alors dit : attendons. Montrons que nous sommes la Chambre du second examen objectif. Laissons la GRC faire son travail, et, une fois qu'elle aura décidé si elle fait une enquête ou non, nous pourrons faire la nôtre.

Je partage votre préoccupation au sujet de la confiance envers le Sénat. Je crois que nous sommes tous d'accord là-dessus. Nous avons peut-être des divergences d'opinions sur la façon d'agir, mais je vous le demande, sénateur Cowan : alors que, pour ma part en tout cas, j'avais la nette impression que, dans une grande mesure, nous avions le même argumentaire il y a un mois, comment pouvez-vous aujourd'hui demander que nous nous précipitions? Commençons à interroger des gens. Interrogeons M. Runia et peut-être aussi, après, le sénateur Gerstein avant que la GRC ne puisse faire son travail. Je dirai donc qu'il est possible qu'il y ait une enquête de la GRC. En fait, il y en a déjà une. Pourquoi ne pas attendre qu'elle aille jusqu'au bout?

Le sénateur Cowan : Merci, sénateur Plett. Il me semble que les deux situations sont tout à fait différentes. Vous et moi étions d'accord pour dire qu'il était inacceptable de suspendre comme nous l'avons fait les trois sénateurs parce qu'ils faisaient l'objet d'une enquête policière. Comme je l'ai dit dans mon intervention, que vous avez du reste correctement citée, autant que nous sachions, il n'y a pas d'enquête policière sur le sénateur Gerstein ou M. Runia. Le Comité de la régie interne a dit que nous devions faire toute la lumière sur la question. Nous devons savoir si l'audit que nous avons tous appuyé a été réalisé comme nous voulions qu'il le soit et l'avons dit publiquement, c'est-à-dire de façon complètement indépendante.

Lorsque le rapport nous a été remis, nous avons tous remercié Deloitte du travail accompli, à l'exception peut-être de ceux qui étaient visés par les rapports d'audit. Aucun de nous — sauf un, en fait — n'avait alors l'idée que quelqu'un avait communiqué avec les vérificateurs.

Nous savons maintenant que le sénateur Gerstein a appelé son contact chez Deloitte qui, à son tour, s'est adressé aux vérificateurs chargés du dossier. Nous ne le savions pas — du moins, je ne le savais pas — jusqu'à ce que nous ayons pris connaissance du rapport produit par le caporal Horton. Par conséquent, je crois que le sénateur Gerstein nous doit des explications. Je crois que M. Runia nous en doit aussi au sujet de ce qu'on lui a demandé exactement et de ce qu'il a lui-même fait en conséquence. Je dis cela parce qu'il est clair, du moins en apparence, que des mesures ont été prises lorsque certaines informations sont parvenues au cabinet du premier ministre.

À titre de sénateurs ayant appuyé la motion et ayant cru à l'indépendance de la vérification, nous avons le droit d'exiger cette information et ces réponses. Pour moi, la différence entre les deux situations — les suspensions imposées il y a quelques semaines et ce qui se passe maintenant — réside dans le fait qu'une enquête policière était en cours relativement aux trois sénateurs. Vous vous souvenez que votre leader nous a donné l'assurance que ces mesures n'auraient absolument aucune répercussion sur l'enquête policière. J'espère qu'il avait raison. Je l'avais dit alors et je le répète aujourd'hui. Nous verrons bien.

Toutefois, nous n'avons pas la même préoccupation maintenant parce qu'il n'y a pas d'enquête en cours sur les actes du sénateur Gerstein ou de M. Runia. Je crois que nous avons le droit d'exiger de savoir — cette motion vise exclusivement M. Runia — pourquoi il a appelé les vérificateurs chargés du dossier et leur a demandé combien Mike Duffy devait. Pourquoi poserait-il cette question quand nous savons, d'après les éléments de preuve contenus dans la déclaration sous serment de la GRC, qu'au moment où la question a été posée, le cabinet du premier ministre savait que la somme en cause était de 90 000 $? Le CPM était déjà au courant. Par conséquent, il est difficile pour moi de croire, sénateur Plett, que le CPM a eu recours au sénateur Gerstein pour qu'il parle à M. Runia et aux vérificateurs afin d'obtenir des renseignements qu'il possédait déjà.

Il y a peut-être une explication. J'aimerais savoir ce que M. Runia a à dire à ce sujet. Je pense cependant que, comme sénateurs, nous devrions nous inquiéter des allégations qui circulent. La façon la plus simple d'aller au fond des choses est d'inviter M. Runia à venir nous expliquer qui a pris contact avec lui, ce qu'on lui a demandé précisément, quelles questions il a lui-même posées, quels renseignements il a reçus et quels renseignements il a transmis à son tour au sénateur Gerstein.

Le sénateur Plett : J'ai une question complémentaire.

Vous n'avez probablement pas tort. Toutefois, la GRC a interrogé le sénateur Gerstein. Nous ne savons pas ce qu'on lui a demandé, mais nous savons certainement qu'il a été interrogé. Nous ne connaissons ni les questions ni les réponses. Dans ces conditions, comment pouvez-vous affirmer qu'il n'y a absolument pas d'analogie entre les deux cas et qu'il n'y a pas d'enquête? La GRC a bel et bien interrogé le sénateur Gerstein.

Le sénateur Cowan : Je me fie aux paroles de votre premier ministre, de notre premier ministre, qui a dit que les deux seules personnes faisant l'objet d'une enquête sont le sénateur Duffy et Nigel Wright.

Des voix : Bravo!

(1610)

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Sénateur Cowan, j'aimerais faire une correction concernant les trois situations que nous avons vécues auparavant.

Alors que des sénateurs, comme l'a reconnu le Sénat, avaient manifestement violé les règles du Sénat, il a été demandé sans répit, durant deux semaines, qu'ils soient sanctionnés parce qu'ils avaient violé les règles du Sénat. Durant deux semaines, vous avez répété que si on ne les sanctionnait pas pour avoir violé les règles du Sénat, c'était parce que cela pouvait occasionner une interférence dans l'enquête de la GRC, alors que c'étaient deux éléments très différents pour ce qui est de la violation.

Dans ce cas-ci, c'est très clair qu'une enquête de la GRC est en cours. Tout ce que vous avez cité vient d'un affidavit de la GRC dans le cadre d'une enquête. De plus, le 28 novembre 2013, un député à l'autre endroit a cité certains courriels auxquels vous faites référence et a demandé à la GRC, dans une lettre — comme si cela n'était pas assez clair qu'une enquête de la GRC était en cours —, d'enquêter encore afin de s'assurer qu'une enquête de la GRC ait lieu.

Je ne peux pas croire que, durant deux semaines, vous ayez cru à un risque d'interférence avec une enquête de la GRC dans le cas des sénateurs Duffy, Wallin et Brazeau, et que, dans ce cas-ci, vous ne le voyez pas.

De plus, je m'inquiète : avez-vous eu des discussions avec Justin Trudeau ou avez-vous reçu des instructions de Justin Trudeau pour présenter cette motion?

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Non, je peux répondre à cette question. Il est certain que je n'ai pas discuté de cette affaire avec M. Trudeau et que j'aurais trouvé déplacé de le faire. Voici la question qui se pose. Je vais répéter exactement ce que j'ai dit : vous avez pris la parole et avez sans arrêt présenté des arguments pour persuader la majorité des sénateurs présents qu'il n'y avait absolument aucun danger. Vous avez basé vos arguments sur les résultats de longues recherches juridiques que vous avez faites vous-même. Vous avez dit qu'il n'y avait absolument aucun danger que nos délibérations visant à suspendre les trois sénateurs puissent, d'une façon quelconque, compromettre les enquêtes en cours de la police. Nous savions alors que la police enquêtait effectivement sur les trois sénateurs. De ce côté-ci, nous avions exprimé notre préoccupation. Vous l'avez rejetée et avez réussi à persuader une majorité de vos collègues d'appuyer votre position. Je l'accepte. J'espère que vous avez raison, sénateur Carignan. Je l'avais aussi dit à ce moment-là.

La position actuelle du premier ministre, qu'il maintient depuis un certain temps, c'est que seules deux personnes font l'objet d'une enquête : le sénateur Duffy et Nigel Wright. La police n'enquête sur personne d'autre. C'est ce qu'il dit. Je l'accepte. Nous savons maintenant — mais nous ne le savions pas alors, tout comme nous ne le savions pas jusqu'à la semaine dernière — que, pour une raison ou une autre, le cabinet du premier ministre a demandé au sénateur Gerstein d'appeler son contact chez Deloitte et que ce contact a à son tour appelé les vérificateurs chargés de la vérification indépendante que nous avions tous convenu de demander. Je ne vois aucune raison qui puisse empêcher M. Runia de venir nous parler de ce qu'on lui a demandé de faire, de ce qu'il a fait et des renseignements qu'il a transmis. Je ne vois pas pourquoi ce témoignage compromettrait une enquête policière quelconque puisqu'à notre connaissance, la police ne procède actuellement à aucune enquête.

Je ne crois pas que les préoccupations que j'ai exprimées à l'époque au sujet des mesures que vous nous demandiez de prendre à l'endroit de ces trois sénateurs aient quoi que ce soit à voir avec ce dont nous discutons ici, c'est-à-dire la motion visant à demander à M. Runia de venir ici et de fournir les renseignements dont nous ne connaissions pas l'existence à l'époque, mais dont nous sommes au courant maintenant. Nous n'avons aucune raison de croire que cette personne est visée par une enquête policière.

La sénatrice Fraser : Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Je suis la sénatrice qui a donné préavis de cette motion et qui l'a proposée il y a quelques instants. Je tiens à assurer tous les sénateurs qu'il ne m'est jamais venu à l'esprit de consulter le chef de mon parti. Si celui-ci m'avait ordonné de poser ce geste, je crois bien que j'aurais résisté. En fait, ce préavis et la motion qui en découle ont leur origine au Sénat. J'ai consulté le sénateur Furey au sujet du libellé de la motion. Vous conviendrez que celui-ci n'accepte pas d'ordres de quelqu'un qu'il n'aime pas ou dont il ne veut pas recevoir d'ordres. Encore une fois, je tiens à assurer mes collègues que, dans ce dossier, il n'y a eu absolument aucune ingérence provenant de l'extérieur du Sénat.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres sénateurs qui désirent intervenir relativement à la question de privilège soulevée par la sénatrice Fraser? Il s'agit d'une question importante qu'il incombe au Sénat de trancher. Par conséquent, je dois entendre des points de vue. Je dois prendre une décision relativement à cette question de privilège, mais je veux d'abord entendre d'autres sénateurs. S'il n'y a pas d'autres intervenants concernant la question de privilège, je vais y réfléchir. Dans l'intervalle, nous allons passer au débat.

[Français]

Le sénateur Carignan : J'ai posé la question. La raison est claire, c'est que, le 28 novembre 2013, un membre de l'autre Chambre a écrit une lettre pour demander une enquête supplémentaire — comme s'il n'y en avait pas assez. S'ils s'étaient parlé avant, cela justifierait qu'il est clair qu'une enquête de la GRC puisse interférer, ou qu'il risque d'y avoir une enquête de la GRC et que cela puisse interférer avec l'enquête.

Lorsque la motion pour entendre les trois vérificateurs de Deloitte a été présentée, le Comité de la régie interne a justifié cette demande par la nécessité de s'assurer qu'il n'y avait pas eu interférence dans l'enquête ou dans le rapport, ou que cela aurait pu modifier le rapport. La réponse des trois experts qui ont témoigné a été très claire : cela n'avait pas interféré dans leur rapport et le rapport n'avait été modifié d'aucune façon. Le processus avait donc été suivi ainsi que le processus décisionnel du Sénat. Lorsque vous avez proposé cette motion pour entendre les trois experts, de notre côté, nous avons immédiatement accepté de les entendre, de façon à nous assurer que l'intégrité du processus décisionnel ne soit pas affectée.

Maintenant, ne trouvez-vous pas que vous vous abaissez à faire de la partisanerie à force d'essayer de faire témoigner l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours, alors que les trois experts ont été très clairs sur le fait qu'il n'y avait pas eu d'interférence? Ne trouvez-vous pas que vous tombez bien bas dans la partisanerie?

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Sénateur Carignan, vous avez droit à votre opinion sur la situation. Je vous lis le témoignage de M. Timm. Il a dit :

Il voulait savoir quel serait le montant si le sénateur Duffy remboursait ses dépenses.

À première vue, c'est une question très raisonnable. Toutefois, si c'est la question qui a été posée, pourquoi a-t-elle été posée à ce moment-là? Comme je vous l'ai montré, et comme l'affidavit de Horton l'établit clairement, plusieurs jours avant cela le cabinet du premier ministre savait précisément, ou presque, que le montant devant être remboursé était de 90 000 $. Nigel Wright n'avait pas à demander au sénateur Gerstein de dire à M. Runia de communiquer avec M. Timm pour obtenir ce chiffre. Ils savaient déjà quel était le montant. Par conséquent, sachant cela, il y a quelque chose qui cloche quelque part. Il y a quelque chose qui ne colle tout simplement pas. Cela n'a pas de sens que M. Wright demande au sénateur Gerstein d'appeler M. Runia pour lui dire de communiquer avec M. Timm afin d'obtenir un renseignement qu'ils avaient déjà. Cela n'a pas sens.

(1620)

Par conséquent, de deux choses l'une : ou bien M. Runia a demandé autre chose à M. Timm, ou bien le sénateur Gerstein a demandé autre chose à M. Runia. Tout le monde ne peut pas avoir raison dans ce dossier.

Ce sont des allégations et c'est pourquoi nous devons aller au fond des choses. Ces allégations sont graves. Elles sont directement liées à l'intégrité et à l'indépendance de notre institution. Elles sont liées à l'indépendance et à l'intégrité de la vérification que le Sénat a ordonnée et c'est pourquoi nous devons faire toute la lumière sur cette affaire.

Si la réponse donnée à M. Wright avait été : « J'ai vérifié auprès de mes contacts chez Deloitte, qui ont communiqué avec les vérificateurs, et le montant que le sénateur Duffy devrait rembourser s'élève à 90 000 $ », vous diriez probablement que c'est curieux qu'ils aient enclenché ce processus pour obtenir un renseignement qu'ils possédaient déjà, mais bon... Il était peut-être inapproprié de faire ces appels.

Le cabinet du premier ministre en a appris beaucoup plus du sénateur Gerstein. La question n'était pas de savoir quel montant devait être remboursé, mais plutôt de savoir ce que Deloitte allait faire ou, ce qui était tout aussi important, n'allait pas faire. En effet, il était clair que si le sénateur Duffy ne collaborait pas avec les vérificateurs, ceux-ci ne seraient pas en mesure de déterminer si sa résidence principale était à Kanata ou à l'Île-du-Prince-Édouard. Comme l'illustrent clairement ces courriels, le CPM souhaitait que le rapport de vérification établisse, non pas que la résidence principale du sénateur Duffy était à Kanata, mais plutôt que, si c'était le cas, tel montant d'argent était en cause.

Voilà ce qui a été rapporté. Dans ces courriels, le cabinet du premier ministre établit clairement que ce qu'il a appris du sénateur Gerstein — qui le tenait vraisemblablement de Deloitte — concernait non les 90 000 $, mais ce qui devait figurer dans le rapport et, chose toute aussi importante, ce qui ne devait pas y figurer. C'est pour cette raison qu'ils ont parlé de mettre Deloitte dans le coup. Et ensuite, par conséquent, ils diraient au sénateur Duffy de ne pas coopérer avec les vérificateurs afin qu'ils ne soient pas en mesure d'aboutir à une conclusion. Ils rembourseraient ensuite le montant et tout serait dit. De toute évidence, c'est ce qui était prévu. Personne ne l'a contesté.

Il n'en reste pas moins que, sur la base des allégations figurant dans la déclaration sous serment de Horton, le cabinet du premier ministre a essayé de connaître le contenu du rapport. Il ne l'a pas fait en s'adressant au sénateur Tkachuk, président du comité. Il ne s'est pas adressé au comité lui-même. Il a choisi d'agir en coulisse en chargeant le sénateur Gerstein de parler à M. Runia pour que celui-ci se renseigne auprès des vérificateurs de Deloitte. Ce fait n'a jamais été divulgué. Je suis sûr que le sénateur Tkachuk n'était pas au courant.

Il y a donc là quelque chose qui cloche. Il y a eu tentative d'influencer le résultat de la vérification et, comme nous le savons tous, la tentative a réussi. D'une façon ou d'une autre, le cabinet du premier ministre a obtenu l'information, ce qui n'aurait pas dû se produire. L'information aurait dû être gardée secrète chez Deloitte jusqu'à ce que les vérificateurs présentent leur rapport au comité de direction du Comité de la régie interne. Voilà le processus qui a été mis en place.

Nous savons maintenant qu'il y a eu des contacts avec l'extérieur. Nous devons tous nous en inquiéter. Je crois que la meilleure façon d'aller au fond des choses est d'inviter M. Runia à venir nous en parler. Va-t-il dire : « Oui, c'est vrai, j'ai reçu un appel du sénateur Gerstein qui voulait que je découvre auprès de Deloitte combien d'argent le sénateur Duffy devait rembourser. J'ai donc appelé mes contacts et voici ce qu'ils m'ont dit. C'est tout ce que j'ai transmis au sénateur Gerstein »? Mais d'où est venu tout le reste des renseignements? Nous ne le savons pas.

Il y a beaucoup de questions à poser, sénateur Carignan. Je crois que le Sénat a la responsabilité d'aller au fond de cette affaire.

Son Honneur le Président intérimaire : Nous en sommes encore au temps de parole illimité du sénateur Cowan. Le sénateur Carignan a la parole pour poser des questions.

J'ai ensuite, dans l'ordre, le sénateur White, puis le sénateur Tkachuk. S'il y en a d'autres qui souhaitent poser des questions, je les prie de s'assurer que je les voie.

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur Cowan, j'ai beaucoup de respect pour vous, mais plus je vous écoute essayer de justifier la motion de la sénatrice Fraser, plus j'ai l'impression que c'est une intéressante discussion de 5 à 7 dans un pub de la rue Sparks.

Nous sommes très loin ici d'une tentative d'influence sur un rapport qui a été demandé par le Sénat. Toutes les questions que vous posez, suppositions que vous faites ou rumeurs que vous tentez de faire courir sont des discussions intéressantes autour d'une bière dans un pub. C'est la raison pour laquelle je vous demande de retirer cette motion.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Avec tout le respect que je vous dois, sénateur Carignan, je vous dirai que je serais heureux d'en discuter avec vous en prenant une bière dans un pub de la rue Sparks. Cependant, tout ce que je vous ai dit et tout ce que je vous ai lu est tiré de la déclaration sous serment du sergent Horton. Je ne vous rapporte pas des ragots recueillis au cours d'un cocktail. Je vous ai cité des passages de la déclaration sous serment du caporal Horton. J'estime que vous banalisez l'affaire en laissant entendre que ce ne sont que des ragots racontés en prenant une bière dans un pub.

L'honorable David Tkachuk : Évidemment, comme j'ai présidé le comité de vérification, je m'intéresse quelque peu à la préservation de l'intégrité de la vérification, sénateur Cowan.

Dans tous ces courriels issus de l'enquête de la police que vous nous avez lus dans cette enceinte et que j'ai moi-même lus, il est question tantôt du critère constitutionnel de la résidence, tantôt du critère de la résidence principale. Il y a en fait beaucoup de confusion parmi nous relativement à ces questions, entre autres.

Alors, dans ces courriels que vous avez cités aujourd'hui au cours de votre discours, est-il question du critère constitutionnel de la résidence — autrement dit, le sénateur Duffy était-il admissible à sa nomination au Sénat — ou est-il question du critère de la résidence principale?

Le sénateur Cowan : Je conviens que beaucoup de confusion entoure ces deux questions. L'enquête et le travail effectué par votre comité ne consistait pas tant à déterminer si le sénateur Duffy était admissible, en vertu de la Constitution, à devenir sénateur de l'Île-du-Prince-Édouard et s'il répondait au critère de résidence établi dans la Constitution à cet égard. Je vous ai félicité pour vos efforts à l'époque et je vous félicite encore aujourd'hui. Le travail du comité et des vérificateurs consistait à déterminer si la résidence principale du sénateur Duffy était à Kanata ou à l'Île-du-Prince-Édouard. S'ils avaient déterminé que sa résidence principale était à l'Île-du-Prince-Édouard, il aurait eu le droit de réclamer une indemnité de logement et une indemnité quotidienne lorsqu'il se trouvait à sa résidence secondaire d'Ottawa, plus précisément à Kanata.

Cependant, les vérificateurs ont déclaré avoir dû se fier à de l'information publique parce que le sénateur Duffy et ses avocats n'ont pas collaboré et ne leur ont pas fourni l'information habituelle — c'est-à-dire une déclaration de revenus, un permis de conduire, une carte d'assurance-maladie et une preuve d'inscription sur une liste électorale — que nous avons tous fournie et qui permet à votre comité de déterminer où sont nos résidences principales. Je crois d'ailleurs que vous avez pu vous assurer, pour plus de 90 d'entre nous en tout cas, que, si nous demandions des indemnités relatives à une résidence secondaire dans la région d'Ottawa, notre résidence principale se trouvait bel et bien dans la province que nous représentions.

(1630)

Cela me semble une juste interprétation des courriels. Rappelons que le travail de la firme Deloitte à ce moment-là consistait essentiellement à déterminer, non pas si le sénateur Duffy avait le droit de siéger au Sénat, mais s'il avait le droit de déclarer comme résidence secondaire la maison qu'il gardait à Ottawa.

Je pense que vous vous souviendrez qu'à un moment, dans l'un des communiqués que votre comité a publiés, vous disiez que vous et le sénateur Furey aviez demandé un avis juridique sur sa résidence. J'ai compris que cela signifiait que c'était à des fins constitutionnelles. La question n'était pas de déterminer si c'était une résidence principale ou secondaire, ce qui faisait l'objet de l'audit de Deloitte. Je pense que les vérificateurs de Deloitte disaient que, n'ayant pu obtenir cette information, il leur était impossible de tirer une conclusion à cet égard. Je pense que les mentions dans ces courriels portaient sur cette notion de résidence et non sur la notion de résidence selon la Constitution.

Le sénateur Tkachuk : Je tiens à préciser que nous avons demandé aux vérificateurs d'entreprendre un examen des demandes d'indemnité de subsistance, notamment d'évaluer si la résidence était sa résidence principale ou une résidence secondaire, et c'est tout. Il aurait été très facile de dire cela dans un courriel — vous savez, je ne sais pas ce que les autres pensaient. C'est ce qui est difficile avec toutes ces choses. Il était très clair que nous ne voulions pas de rapport sur la question constitutionnelle. Nous avons dit publiquement et l'avons dit clairement aux vérificateurs — en fait, à la seule réunion que nous avons tenue avec eux sur l'étape du rapport, nous avons dit très clairement que nous ne voulions pas qu'ils commencent à se pencher là-dessus. Nous leur avons dit de se concentrer sur la question de la résidence principale et de la résidence secondaire.

Selon moi, d'après leurs courriels, certains d'entre eux ne savaient pas exactement ce que nous leur demandions. Il a donc pu y avoir beaucoup d'erreurs et de confusion dans leurs courriels au sujet d'un aspect qui ne nous intéressait pas vraiment.

Le sénateur Cowan : Oui, je vous le concède, sénateur Tkachuk. Et vous avez tout à fait raison : vous aviez demandé très clairement aux vérificateurs ou au comité d'examiner exclusivement la question des résidences principale et secondaire, et non l'autre aspect. Je le sais.

Nous parlons des échanges de courriels concernant le remboursement des dépenses, ce qui n'a rien à voir avec le droit de siéger au Sénat en vertu de la Constitution. Le remboursement visait les réclamations pour des indemnités de logement, des indemnités quotidiennes et ce genre de choses, ce qui concernait la question des résidences principale et secondaire. À mon avis, il n'a pas pu y avoir de confusion. Évidemment, je ne peux parler au nom des auteurs ou des destinataires de ces courriels puisque, heureusement, je n'ai pas participé aux échanges.

Une voix : Heureusement, moi non plus.

Le sénateur Cowan : Eh bien, tant mieux.

À mon avis, il semble très clair que, à ce moment-là, on ne s'inquiétait pas trop de savoir si le sénateur Duffy respectait l'exigence constitutionnelle. On s'inquiétait du remboursement de certaines dépenses au Sénat, remboursement qui visait les réclamations pour des indemnités de logement, et qui n'avait rien à voir avec les exigences relatives à la résidence en vertu de la Constitution.

L'honorable Don Meredith : Sénateur Cowan, compte tenu de tout le temps que nous avons consacré, au cours des deux derniers mois, à débattre de cette question, sur laquelle nous avons voté, vous connaissez ma position et savez ce que je pense du processus qui nous amenés à suspendre nos trois collègues. J'essaie seulement de savoir ce que vous espérez obtenir en demandant à M. Runia de comparaître devant le comité, d'autant plus que nous avons beaucoup de travail à faire ici. J'essaie seulement de savoir, dans l'intérêt des Canadiens, combien de temps sera consacré à cette question.

Pouvez-vous nous expliquer quels résultats vous espérez obtenir en le convoquant devant le comité? J'aimerais également poser une question complémentaire.

Le sénateur Cowan : Cet après-midi, nous consacrons beaucoup de temps aux questions auxquelles M. Runia aurait pu répondre très rapidement. Au fond, nous voulons savoir quelles questions on lui a demandé de poser, quelles questions il a posées et quelles réponses il a obtenues.

Nous devons connaître la réponse à ces quelques questions. Nous ne lui poserions pas des questions à l'aveuglette. On nous a dit qu'il y avait eu une seule conversation et c'est sur celle-ci que porteraient les questions.

Combien de temps prendrait son témoignage? Le temps de lui poser les questions suivantes : « M. Runia, vous a-t-on demandé d'appeler vos associés chez Deloitte? Qui vous l'a demandé? Que vous a-t-on demandé de faire? Quelles questions vous a-t-on demandé de poser? Avez-vous fait cet appel? À qui avez-vous parlé? Quelles questions avez-vous posées à cette personne? Que vous a-t-elle répondu? Qu'avez-vous dit ensuite à la personne qui vous a demandé de poser ces questions? » C'est tout.

À mon avis, ce ne sera pas long, mais nous devons prendre cette question au sérieux, sénateur Meredith, et aller au fond des choses.

Le sénateur Meredith : Sénateur, je partage votre avis en ce qui concerne les processus et les réponses données par les témoins que nous convoquons aux comités, mais je me demande si ces réponses suffiront, ou si cela ouvrira la voie à d'autres enquêtes.

Comme vous l'avez si bien dit, la GRC n'enquête pas sur M. Runia à l'heure actuelle. Je me demande où cela nous mènera. De notre côté, et je pense que mes collègues en conviendront, nous voulons éviter de camoufler l'affaire. Nous voulons aller au fond des choses. Or, en ce qui concerne l'intérêt et le travail que nous accomplissons dans cette auguste Chambre au nom des Canadiens, il est important que nous fassions avancer les points à l'ordre du jour, les projets de loi dont nous sommes saisis.

Je ne dis pas qu'il n'est pas important que vous receviez ces réponses, mais je me demande si ces réponses, lorsque vous les aurez, seront suffisantes ou si elles donneront lieu à d'autres enquêtes ou demandes d'enquête.

Le sénateur Cowan : Sénateur Meredith, je vous dirais tout simplement que cela dépend des réponses. Je pense connaître les questions qui devraient être posées. Nous avons besoin des réponses à ces questions, et nous saurons si elles sont suffisantes seulement quand nous les obtiendrons. Disons que M. Runia réponde simplement : « Oui, j'ai reçu un appel du sénateur Gerstein, qui m'a demandé de communiquer avec les vérificateurs de Deloitte pour savoir combien d'argent le sénateur Duffy devait. Lorsque j'ai appelé, on m'a dit où trouver ces renseignements, et j'en ai informé le sénateur Gerstein. » Dans ce cas, les choses en resteraient là. En effet, il n'y a aucune personne qui pourra dire qu'elle a écouté cette conversation et qu'elle sait qu'elle ne s'est pas déroulée ainsi.

Comme je vous l'ai dit, je ne crois pas que la réponse donnée par M. Timm au comité explique pourquoi le cabinet du premier ministre a agi ainsi. C'est impossible. Il doit y avoir une autre raison.

Ceux d'entre nous qui croient dans l'institution du Sénat doivent tirer cette affaire au clair. La seule façon d'y parvenir, ou la première chose à faire, est de demander à M. Runia une explication au sujet de cette situation qui, vous devez l'admettre, semble inhabituelle à première vue. Elle ne peut rester sans explication, et M. Runia est la personne qui peut nous fournir cette explication.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Mitchell, souhaitez-vous poser une question?

Le sénateur Mitchell : Oui, deux, en fait.

La première question, sénateur Cowan, porte sur l'apparente contradiction qui existe dans l'argumentation du sénateur Carignan. D'une part, il a dit que son parti s'était empressé — trop rapidement peut-être — d'accepter que le premier groupe de vérificateurs de la firme Deloitte comparaisse devant le Comité de la régie interne. Le risque que l'on nuise à l'enquête de la GRC, qu'il soit réel ou non, n'a pas semblé l'inquiéter.

D'autre part, il fait valoir maintenant que l'on nuirait à cette même enquête si l'on convoquait l'autre partie à la vérification, M. Runia, alors qu'il vient de la même firme et qu'il a participé au même exercice.

Selon moi, le sénateur Carignan n'a rien dit dans son argumentation qui permette de concilier ces deux choses. Peut-être avez-vous entendu quelque chose qui le permette?

Le sénateur Cowan : Non, pas du tout. Je ne voudrais certainement pas faire dire au sénateur Carignan des choses qu'il n'a pas dites. J'espère qu'il participera au débat et, lorsqu'il le fera, peut-être qu'il faudrait lui poser cette question.

(1640)

Le sénateur Mitchell : L'autre élément dont il faut tenir compte, c'est qu'il est évident que les communications qui ont eu lieu avec les vérificateurs s'inscrivaient toutes dans le cadre — cela semble évident pour moi, du moins — de la rédaction du rapport, puisqu'elles ont eu lieu pendant que le comité était en train de rédiger le rapport à huis clos. Ces communications ont eu lieu en parallèle avec des consultations que certains membres du comité ont apparemment eues avec le personnel du cabinet du premier ministre.

Comment le fait qu'un membre d'un comité consulte quelqu'un au cabinet du premier ministre, par exemple, au sujet d'un rapport auquel on travaille encore à huis clos peut-il être conforme aux pratiques, à la tradition et au Règlement du Sénat, ainsi qu'au processus de rédaction à huis clos des rapports? Comment peut-on expliquer cela?

Le sénateur Cowan : D'après mon expérience, qui est la même que la vôtre, c'est effectivement inhabituel.

L'autre jour, je suis resté perplexe à la lecture, dans le Hill Times, d'un article relatant une entrevue avec notre ancien collègue, le sénateur Murray, dont l'expérience remonte à très loin. Évidemment, il n'a pas participé aux travaux dans cette affaire, ni au Sénat ni au sein des comités, mais, selon son expérience, qui remonte à plusieurs années, il n'a jamais rien vu de tel. Les gouvernements sont manifestement impatients de faire adopter leurs mesures législatives et leur façon de faire par le Parlement. Ils peuvent peut-être comprendre pourquoi, quand leur parti n'a pas la majorité au Sénat, il est parfois difficile de faire adopter les projets de loi aussi rapidement qu'ils le voudraient. Toutefois, une fois qu'ils sont devenus majoritaires dans les deux Chambres, je pense que l'expérience vécue avec tous les gouvernements est qu'ils ont fait preuve de plus d'impatience et qu'ils s'attendaient à ce que leurs collègues au Sénat appuient les mesures que le gouvernement souhaitait faire adopter.

M. Murray a affirmé qu'il devait constamment expliquer aux dirigeants de son parti à l'autre endroit que le Sénat ne fonctionne pas de cette façon. Ainsi, selon son expérience — et elle est beaucoup plus vaste que la nôtre —, le gouvernement ne s'est jamais tant mêlé des affaires du Sénat ou, plus particulièrement, de celles du comité.

Ce qui s'est produit est fort troublant. J'espère que, peu importe les résultats de ces procédures et de cette affaire, nous pourrons tous en tirer une leçon et que, à l'avenir, nous saurons résister aux tentatives de nos collègues à l'autre endroit de nous imposer leur volonté. Nous allons continuer de faire ce que nous sommes censés faire, c'est-à-dire étudier avec sagesse les projets de loi, le faire à notre façon et nous comporter comme une Chambre véritablement indépendante.

Toute cette affaire est profondément troublante, et nous tentons simplement de traiter d'un petit aspect de celle-ci au moyen de cette motion.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres questions à l'intention du sénateur Cowan? Le sénateur White a la parole.

L'honorable Vernon White : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour vous demander de ne pas appuyer la motion présentée par la sénatrice Fraser, qui demande qu'instruction soit donnée au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration d'entendre, avant la fin de l'année 2013, M. Michael Runia, associé directeur de la firme Deloitte, au sujet du rapport de vérification des dépenses du sénateur Duffy.

Honorables sénateurs, bien que je comprenne pourquoi cette motion a été présentée, je tiens à vous faire part de mes réserves, tout comme je l'ai fait lorsque le Comité permanent de la régie interne a été saisi de cette question.

La proposition visant à faire témoigner M. Runia devant ce comité semble découler de renseignements obtenus par un enquêteur de la GRC dans le cadre d'une enquête criminelle en cours.

Je conviens que l'information que l'on cherche à obtenir est ou pourrait être une source réelle ou potentielle de préoccupations, mais ce qui importe avant tout, ce n'est pas de savoir si le comité devrait ou non entendre le témoignage de M. Runia, mais plutôt de reconnaître que cela ne devrait pas se faire en plein milieu de l'enquête criminelle actuellement en cours.

Certes, il est possible que le Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration souhaite connaître certains renseignements — et certains diront qu'il y a des renseignements qu'il devrait connaître —, mais il ne faut pas oublier que les témoins potentiels, y compris M. Runia, sont également des témoins potentiels dans l'enquête criminelle qui est en cours. Je crois que la GRC doit pouvoir poursuivre son travail sans qu'il y ait apparence d'ingérence. Et faire comparaître devant le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration des témoins potentiels identifiés dans le cadre de l'enquête criminelle pourrait être perçu comme une forme d'ingérence dans celle-ci.

C'est pourquoi je recommande aux sénateurs de ne pas appuyer la motion pour l'instant. Il y aura peut-être lieu de revoir cette décision ultérieurement, mais, comme je l'ai dit, nous devrions permettre à la GRC d'accomplir son travail en évitant toute ingérence réelle ou perçue.

Son Honneur le Président intérimaire : Débat. Le sénateur Furey a la parole.

L'honorable George J. Furey : Merci, monsieur le Président. Chers collègues, je vous invite aujourd'hui à appuyer la motion.

Le jeudi 28 novembre, le Comité de la régie interne a entendu les vérificateurs de Deloitte relativement aux allégations d'ingérence formulées par le caporal Horton dans la déclaration de la GRC. Nous avons appris que Michael Runia s'était immiscé dans la vérification du Sénat en téléphonant au vérificateur principal, M. Timm.

J'ai alors demandé que M. Runia soit invité à comparaître devant le comité pour expliquer ses gestes. La majorité conservatrice du comité a aussitôt décrété que l'audience était terminée, que le comité était satisfait et que le travail de celui-ci sur la question était achevé. Je me suis opposé à cette conclusion, tout comme mes collègues libéraux.

Les travaux du comité ne sont pas terminés. Nous n'avons pas entendu le témoignage de M. Runia, la personne qui s'est ingérée dans une vérification ordonnée par le Sénat. C'est un affront à l'intelligence que de voir le comité se déclarer satisfait après qu'on nous a informés directement du fait que Michael Runia a téléphoné au vérificateur Gary Timm. C'est une façon de procéder pour le moins inhabituelle. Il s'agit en fait d'inconduite. C'est d'ailleurs ce que Deloitte nous a dit le 28 novembre. Ils étaient tellement préoccupés par la situation qu'ils ont fait venir de Toronto leur principal expert en vérification juridique pour expliquer comment ils avaient discuté de cette ingérence.

Gary Timm nous a dit qu'il existe des processus réglementaires précis pour documenter par écrit chaque appel téléphonique lié à la vérification. Pour une raison obscure, l'appel en question n'a pas été consigné.

M. Timm nous a dit qu'après s'être consultés au sujet de l'appel de M. Runia, les vérificateurs ont décidé de ne pas en informer leur client, le Comité de la régie interne.

Ce qui est troublant, ce ne sont pas les renseignements eux-mêmes, mais plutôt le fait que le cabinet du premier ministre savait que Deloitte ne se prononcerait pas sur la résidence du sénateur Duffy. Il le savait depuis le 21 mars 2013, soit un mois avant que les vérificateurs présentent leur rapport complet au Sénat.

Ces faits ne m'auraient pas tant troublé si la vérification était arrivée à une conclusion contraire à celle que souhaitait le cabinet du premier ministre, comme en font foi les courriels. Si la vérification avait abouti à la conclusion dont ne voulait pas le cabinet du premier ministre, cette ingérence m'inquiéterait moins. Elle me dérangerait, mais elle me préoccuperait moins. Cependant, ce n'est pas ce qui s'est produit.

À la page 37 de la déclaration du caporal Horton, on peut lire ce qui suit :

[...] Janice Payne a écrit un courriel à Benjamin Perrin pour demander des nouvelles concernant le retrait du sénateur Duffy de la vérification de Deloitte. M. Perrin s'est informé auprès de Nigel Wright, qui a répondu ceci :

« Non, nous n'avons rien de nouveau à lui communiquer sur la vérification de Deloitte [...] Chris, Patrick et moi nous nous y employons [...] Aujourd'hui, j'ai demandé au sénateur Gerstein de communiquer avec des hauts placés chez Deloitte et avec la sénatrice LeBreton [...] Nous voudrions que le rapport de Deloitte indique publiquement que, SI la résidence de Kanata était la résidence principale, la somme due serait de 90 000 $ et que comme le sénateur Duffy s'est engagé à rembourser, il n'est plus nécessaire que Deloitte détermine quelle était la résidence principale [...] Grosso modo, j'ai dit à Mike qu'il devrait de toute façon rembourser ses dépenses, mais que la vérification pouvait ou non conclure qu'elles étaient indues. C'est ce que nous cherchons à accomplir [...] »

Toujours à la page 38 de ce document, on lit que Nigel Wright a écrit ce qui suit, le 5 mars :

« J'aimerais qu'on puisse vérifier auprès d'Irving [...] Je suis prêt à procéder de cette manière à condition d'avoir l'assurance que Deloitte accepte la proposition. Je ne suis pas convaincu que le sénateur Tkachuk s'est assuré de tout cela auprès de Deloitte avant de faire la suggestion au sénateur Duffy [...] »

(1650)

Plus loin :

Le 8 mars, dans un courriel au sujet du mandat confié par le Sénat à la firme Deloitte, Patrick Rogers a écrit :

« Le sénateur Gerstein vient de téléphoner. Il est d'accord avec notre interprétation de la situation et son contact chez Deloitte l'est aussi. Pour le moment, nous attendons que le contact du sénateur convainque le vérificateur de Deloitte qui est responsable du dossier de collaborer. Le sénateur va nous rappeler dès que Deloitte sera dans le coup. »

Le cabinet du premier ministre voulait que Deloitte mette fin à la vérification. C'est ce qui ressort clairement des courriels. Comme ce n'était pas possible, il voulait la meilleure solution de rechange. Il se serait, semble-t-il, ingéré dans la vérification, car il voulait que les vérificateurs n'arrivent pas à une conclusion au sujet de la résidence principale du sénateur Duffy. S'ils étaient arrivés à une conclusion, chers collègues, ils auraient aussi dû conclure, comme votre comité l'a fait à l'unanimité, que le sénateur avait indûment réclamé le remboursement de ses dépenses.

Selon l'une des règles établies par l'ICCA, avant de présenter une lettre de mission à son client, le vérificateur est censé déterminer s'il dispose de critères lui permettant d'effectuer la vérification demandée. Les vérificateurs de Deloitte nous ont présenté une lettre de mission. Ils n'y ont pas fait mention de l'absence de critères leur permettant d'effectuer la vérification et d'arriver à une conclusion concernant la résidence principale.

Or, ils disent maintenant qu'il leur a été impossible de se prononcer en raison de l'absence de critères. S'ils ne disposaient pas de critères, ils auraient dû le préciser dans leur lettre de mission. Ils ne l'ont pas fait.

Ce qui est étonnant et troublant, dans tout cela, c'est qu'en août, les vérificateurs ont pu parvenir à une conclusion au sujet de la résidence principale de la sénatrice Wallin et déterminer, à juste titre, que les demandes de remboursement des frais de subsistance de la sénatrice pendant qu'elle habitait dans la région de la capitale nationale étaient appropriées.

À la page 31 du rapport de vérification concernant la sénatrice Wallin, la firme Deloitte affirme ceci :

[...] nous concluons que sa résidence principale est à plus de 100 km de la RCN. Les demandes de frais de subsistance dans la RCN présentées par la sénatrice Wallin semblent donc conformes aux pratiques du Sénat.

Chers collègues, entre juin et août, absolument rien n'a changé. Les règles et les politiques sont demeurées les mêmes.

Comment les vérificateurs ont-ils pu à la fois se fonder sur des critères pour valider les renseignements sur la résidence principale de la sénatrice Wallin et admettre qu'ils ne pouvaient pas appliquer les mêmes critères pour déterminer le lieu de résidence principal du sénateur Duffy? Si aucun critère n'était applicable au cas du sénateur Duffy, la même situation aurait dû s'appliquer dans le cas de la sénatrice Wallin. Cependant, tous les sénateurs savent parfaitement qu'il y a toujours eu des critères. Ils ont été respectés par 95 p. 100 des sénateurs, qui ont signé chaque année un document fondé sur ces critères.

Il est impossible que le Sénat ne cherche pas à en savoir davantage sur cette affaire. Nous ne pouvons pas rester inactifs en invoquant le risque de nuire à une enquête de la GRC. Ce n'est qu'un argument fallacieux. Nous ne sommes pas en train de soutenir qu'un crime a été commis. Nous voulons seulement savoir pourquoi M. Runia a voulu s'immiscer dans notre vérification.

M. Timm nous a dit avoir reçu un appel de M. Runia et avoir fait en sorte que cet appel soit le plus bref possible. M. Timm a bien fait, mais il ne peut pas répondre à notre question la plus importante. Pourquoi M. Runia a-t-il téléphoné? Seul M. Runia peut nous le dire.

La population n'est pas prête à tourner la page sur cette affaire. À l'époque du Watergate, le président Nixon a fait des pieds et des mains pour empêcher la diffusion des enregistrements qui allaient entraîner sa démission, mais cette détermination a fini par convaincre la population des États-Unis que ses tentatives d'obstruction visaient à cacher la vérité.

Si nous ne faisons pas notre devoir ici, aujourd'hui, ce n'est pas seulement le cabinet du premier ministre qui s'attirera la foudre du public pour avoir fait de l'obstruction et mené une opération de camouflage, mais le Sénat du Canada aussi.

C'est la première fois dans notre histoire que le plus grand scandale au pays se déroule au Sénat lui-même. Les règles habituelles de la partisannerie ne s'appliquent pas aujourd'hui. Il faut veiller avant tout à notre institution.

Chers collègues, ne compromettons pas davantage la survie du Sénat en appuyant ce qui est manifestement un scandale. Le témoignage donné par Deloitte le 28 novembre soulève une question très importante que nous avons le droit de poser. Nous avons dit, en mai, que les conclusions de la vérification étaient erronées quand nous en avons pris connaissance, et, à l'époque, nous ne savions pas que le cabinet du premier ministre s'était ingéré dans l'affaire. Nous comprenons aujourd'hui que d'autres facteurs ont peut-être influencé la vérification du sénateur Duffy. Il est impossible de mettre fin de la sorte à une enquête effectuée en bonne et due forme.

Cette enquête concerne le Sénat, pas la police. Pourquoi a-t-on interféré avec la vérification de Deloitte? Ce n'est pas une question criminelle qui intéresserait la GRC, et il est inélégant de chercher à décrire ainsi la question afin d'avoir une excuse pour éviter que le Sénat, ou encore un de ses comités, n'effectue un examen adéquat.

Nous avons déjà vécu une situation semblable, sénateurs. Lorsque le sénateur Lavigne a dépensé le budget de son bureau à mauvais escient, nous étions majoritaires de ce côté-ci. Nous n'avons pas mis fin à l'enquête. Nous n'avons pas prétendu que c'était une question pour la police. Nous avons effectué notre propre enquête interne en bonne et due forme en invitant des gens à témoigner sous serment, et nous avons fait toute la lumière sur la question. L'enquête de la police n'a pas été bouleversée par le travail que nous avons fait au Sénat.

On prétend que notre désir de faire toute la lumière sur la question interférera avec l'enquête policière. De telles affirmations génériques risquent de nous valoir le mépris des Canadiens, qui viendrait s'ajouter au mépris des sénateurs. L'enquête sur l'ingérence dans notre vérification concerne le Parlement. Les sénateurs savent très bien, comme le confirme le précédent établi par l'affaire Lavigne, que ce qui se dit ou se fait au Parlement n'a aucune incidence sur une enquête de la police ou une procédure judiciaire.

On a également affirmé que les policiers peuvent mener une enquête à ce sujet s'ils le souhaitent. C'est une réponse inadéquate et inappropriée. L'enquête policière en cours peut se poursuivre et se terminer sans qu'il soit nécessaire de poser des questions au sujet de la vérification effectuée par Deloitte. Cependant, ces agissements scandaleux et inappropriés passeraient alors sous silence et ne feraient pas l'objet d'une enquête. Les sénateurs doivent se pencher sur cette question s'ils veulent garder la confiance des Canadiens. Il nous incombe de déterminer s'il y a eu ingérence dans la vérification externe que nous avons commandée. Nous devons également déterminer si cette vérification est pertinente. Lorsque le Sénat apprend qu'il y a bel et bien eu ingérence et que ces agissements n'ont pas été consignés et qu'il n'en a pas été informé, il se doit d'examiner la situation.

Si nous disons aux Canadiens qu'ils ne doivent pas abolir cette institution et qu'elle est essentielle au bon fonctionnement de notre pays, nous ne pouvons pas leur dire aujourd'hui, le 3 décembre 2013, que l'esprit partisan a érodé notre indépendance à un point tel que nous ne nous soucions même plus de la vérité, ni des raisons pour lesquelles quelqu'un s'est ingéré dans une vérification payée par les contribuables, ni de l'aspect le plus fondamental de notre rôle dans cette enceinte, notre indépendance même.

Chers collègues, nous devons appuyer cette motion. Nous devons revenir au rôle du Sénat. Nous devons montrer aux Canadiens qu'au lieu de faire preuve de partisanerie, une tendance qu'on observe à l'autre endroit, nous accomplissons plutôt notre devoir, qui consiste à être une Chambre d'examen réfléchi et à prendre les bonnes décisions au nom des régions et du pays que nous représentons. Si nous ne le faisons pas maintenant, notre institution aura échoué dans son rôle, et ceux qui ont tenté de faire de l'ingérence auront réussi à atteindre leur objectif, avec votre aide.

Chers collègues, je vous remercie.

(1700)

Le sénateur Tkachuk : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Furey : Oui.

Le sénateur Tkachuk : Dans le cas de la sénatrice Wallin, je ne crois pas que les experts-conseils aient vérifié sa résidence principale. Ce qu'ils ont fait, c'est conclure que sa résidence secondaire était à Ottawa et donc, qu'elle pouvait réclamer des dépenses lorsqu'elle s'y trouvait, car elle séjournait dans un hôtel.

Le sénateur Furey : Il y a eu confusion à cet égard en août, sénateur Tkachuk, mais j'ai relu le rapport. Permettez-moi de citer la page 31 du rapport de Deloitte concernant la sénatrice Wallin : « [...] nous concluons que sa résidence principale est à plus de 100 km de la RCN. »

Le sénateur Tkachuk : Je crois qu'ils ont conclu que sa résidence principale était à plus de 100 km de la RCN parce qu'elle demeurait dans un hôtel lorsqu'elle était à Ottawa et qu'ils en ont déduit que l'hôtel où elle demeurait n'était pas sa résidence principale.

Pourrions-nous demander un peu plus de temps?

Son Honneur le Président intérimaire : Posez votre question.

Le sénateur Tkachuk : J'aimerais poser une autre question.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Furey, votre temps de parole est écoulé. Avez-vous besoin de plus de temps?

Le sénateur Furey : Oui, s'il vous plaît.

Son Honneur le Président intérimaire : Le Sénat accorde-t-il plus de temps au sénateur Furey?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Furey : Pour répondre à votre question, sénateur Tkachuk, ils ont utilisé les mêmes critères dont vous et moi avons débattu avec eux : déplacements, temps. À mon avis, ils sont parvenus à la bonne conclusion dans le cas de la sénatrice Wallin. Cependant, vous vous rappellerez que nous avons soutenu vigoureusement au comité que l'établissement de la résidence principale d'un sénateur pour déterminer l'admissibilité de ce dernier à une indemnité lorsqu'il se trouve à Ottawa est une question très simple, qui n'a posé aucun problème à 95 p. 100 d'entre nous.

Le sénateur Tkachuk : J'aimerais simplement souligner, sénateur Furey, que nous poursuivons tous les mêmes objectifs. Nous voulons tous confirmer que la vérification a été menée correctement. Je n'oublie pas que la police mène actuellement son enquête. Bref, nous ne nous entendons peut-être pas sur les méthodes à employer, mais je crois que nous visons tous les mêmes objectifs.

J'aimerais aussi signaler que, dans les dossiers des sénateurs Brazeau et Harb, les vérificateurs sont arrivés aux mêmes conclusions que dans le cas du sénateur Duffy.

Le sénateur Furey : Effectivement. Vous vous rappellerez, sénateur Tkachuk, qu'ils sont arrivés à ces conclusions en même temps dans les trois dossiers.

Le sénateur Tkachuk : Sans révéler trop de renseignements confidentiels, sénateur Furey, je crois que nous avons tous convenu que ces conclusions nous semblaient inexactes. Nous tous, membres des deux comités, étions assis dans la salle à discuter de cette question, et nous avons conclu que leurs propos ne tenaient pas vraiment la route et que nous connaissions leur résidence principale. Nous nous sommes fondés sur ce constat pour aller de l'avant. Nous étions arrivés à la bonne conclusion.

Le sénateur Furey : Je dois en convenir. Nous débattions de cette question. Vous et moi étions du même côté; nous faisions valoir les mêmes arguments.

Le sénateur Tkachuk : En effet.

Le sénateur Furey : Vous vous rappellerez que, lorsque le rapport concernant le sénateur Duffy a été soumis à notre comité pour la deuxième fois, le comité s'est rangé unanimement à notre avis; nous étions tous en désaccord avec Deloitte. Le Sénat a adopté le rapport, indiquant qu'il partageait unanimement notre opinion et qu'il était en désaccord avec Deloitte.

À ce moment-ci toutefois, sénateur Tkachuk, le scénario est celui-ci : nous faisons venir les vérificateurs. Ils nous disent que quelqu'un s'est ingéré dans leur travail. C'est un point que nous ne pouvons pas déterminer; nous ne pouvons pas nous adresser à la personne qui s'est ingérée dans ce travail et lui poser des questions sur la nature et les raisons de cette ingérence. Nous devons agir. Nous avons le devoir de le faire. C'est la raison d'être de cette motion.

Son Honneur le Président intérimaire : Débat. La sénatrice Fraser a la parole.

La sénatrice Fraser : Chers collègues, il me sera impossible de défendre cette motion avec autant de brio que les sénateurs Cowan et Furey, mais, puisque je suis l'auteure de la motion, je tiens à expliquer mon raisonnement au Sénat.

C'est sans hésitation que je fais miennes toutes les observations formulées par les sénateurs Cowan et Furey, mais j'aimerais ajouter quelques points.

J'ai souvent répété, tant cet automne qu'au printemps dernier, que j'avais la conviction que le Comité de la régie interne avait fait du bon travail sur le fondement d'une série de rapports des plus professionnels et impartiaux que les vérificateurs avaient produits. À l'instar du Comité de la régie interne et des autres sénateurs qui en font partie, je n'étais pas du tout d'accord avec Deloitte sur un point, soit la question de savoir s'il existait un critère pour établir, aux fins du remboursement des dépenses, ce qu'est une résidence principale et ce qu'est une résidence secondaire. Voilà le seul point sur lequel nous étions tous en désaccord avec Deloitte.

La qualité du travail des vérificateurs n'a pas été contestée, et c'est sur le fondement de leur vérification que j'ai appuyé les motions visant le remboursement des dépenses, avec intérêts, dont le Sénat a été saisi. Et je pense encore que, compte tenu de ce que je savais à l'époque, c'était la bonne décision. Qui sait, j'en aurai peut-être la confirmation lorsque nous en saurons davantage.

Cependant, ce que nous avons appris grâce à la déclaration sous serment du caporal Horton a grandement ébranlé ma conviction. Nous avons appris bien des choses.

J'ignorais, par exemple, que M. Michael Runia, de Deloitte, jouait un rôle si important dans la vérification du Fonds conservateur, ce qui, je suppose, est une activité de longue haleine. Au meilleur de ma connaissance, personne de ce côté-ci du Sénat ne le savait. Ce fut une grande surprise de découvrir que Deloitte était le vérificateur du Fonds conservateur ainsi que le vérificateur judiciaire prétendument objectif chargé du cas de nos quatre collègues.

J'aurais cru que Deloitte aurait voulu faire une déclaration officielle à tous les sénateurs, devant le Comité de la régie interne. La firme ne semble pas croire que cela posait problème. La semaine dernière, M. Timm — ou un autre des vérificateurs de Deloitte qui ont comparu devant le Comité de la régie interne — a dit que ce n'était pas vraiment un problème parce que les personnes responsables de la vérification judiciaire ne relèvent pas de M. Runia, qui travaille dans une toute autre direction. Celui-ci s'occupe de vérification ordinaire alors que ceux qui se sont intéressés à notre affaire sont des vérificateurs judiciaires; il n'y avait donc aucun conflit d'intérêts.

Je suppose que c'est une position qui se défendait, jusqu'au jour où M. Runia a appelés ces vérificateurs, outrepassant son domaine de compétence.

On ne sait toujours pas très clairement ce qui s'est dit durant cet appel et qui cherchait à accomplir quoi. M. Runia a dit à la GRC, et je cite la page 62 du rapport :

[...] que le sénateur Gerstein l'avait en effet appelé pour lui demander ce qui se passerait si le sénateur Duffy remboursait l'argent. Il a répondu qu'il pensait que les vérificateurs poursuivraient leur enquête tout en précisant dans le rapport que le sénateur avait remboursé l'argent.

Bien évidemment, cela ne semble pas être ce que souhaitait le cabinet du premier ministre, mais c'est ce que M. Runia a dit à la police.

Cependant, comme vous l'avez entendu, M. Timm a dit au Comité de la régie interne que M. Runia ne lui a rien demandé de la sorte. M. Runia lui aurait demandé combien d'argent le sénateur Duffy devait. Comme on l'a montré, tout le monde connaissait déjà la réponse à cette question. Je pense que tout le monde au Canada connaissait la réponse à cette question.

Il y a anguille sous roche.

De plus, les vérificateurs ne nous ont pas parlé de cet appel; le sénateur Furey a fait remarquer qu'ils auraient dû le signaler.

(1710)

Je ne suis pas comptable, mais j'ai consulté le code de déontologie de l'Institut des comptables agréés de l'Ontario. Permettez-moi de lire deux très courts extraits de ce document assez long.

Le code exige que « [...] les membres [...] évitent les conflits d'intérêts dans toutes les relations avec leurs clients ». Plusieurs pages plus loin, on ajoute ceci :

[...] lorsqu'un conflit inconnu jusque-là [...] apparaît ou est découvert dans le cadre d'un ou de plusieurs engagements existants [...] le membre ou la firme informe tous les clients touchés de l'existence du conflit et des techniques qui seront utilisées pour le gérer;

Aucun avis ni renseignement de ce genre n'a été reçu. Pourquoi?

Il me semble que, lors de leur témoignage la semaine dernière, MM. Timm, Stewart et Dent ont montré qu'ils souhaitaient vraiment réaliser une vérification conforme aux normes professionnelles. Il me semble aussi qu'ils étaient extrêmement mal à l'aise devant deux ou trois situations particulières.

M. Runia est un des acteurs clés dans cette affaire. Étant donné le très grand nombre de questions toujours sans réponse, il est de notre devoir envers le Sénat et les Canadiens d'entendre son témoignage. Il se pourrait qu'il ait d'excellentes réponses à des questions qui sont fort importantes. Afin de protéger l'intégrité de notre institution, il nous incombe d'obtenir des réponses à ces questions. Par conséquent, chers collègues, je vous exhorte à appuyer cette motion.

Son Honneur le Président intérimaire : Poursuivons le débat.

Une voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux sénateurs s'étant levés :

L'honorable Jim Munson : Monsieur le Président, pour permettre au gouvernement de réfléchir à ce qui a été dit aujourd'hui, je souhaite reporter le vote.

Son Honneur le Président intérimaire : Le vote est reporté à demain, 17 h 30, et je ferai part au Sénat de ma décision au sujet de la question de privilège soulevée par la sénatrice Fraser.

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mercredi 4 décembre 2013, à 13 h 30.)

© Sénat du Canada

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