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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 99

Le mercredi 26 novembre 2014
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le mercredi 26 novembre 2014

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

Visiteurs à la tribune

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, tout d'abord, je me sens un peu obligé d'enfreindre le Règlement en commençant ma déclaration en soulignant la présence, à la tribune du public, de membres de la famille du sénateur Noël Kinsella : son épouse, Ann, ses frères, Leonard et Donald, sa sœur, Theresa Rose Barban, ainsi que ses neveux et nièces, Debra, Carla, David et épouse, Krista. Je vous remercie tous d'être avec nous aujourd'hui et, comme dirait le sénateur Kinsella, soyez les bienvenus au Sénat du Canada.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Hommages

L'honorable Noël A. Kinsella

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, c'est avec difficulté que je prends la parole aujourd'hui afin de souligner la retraite de notre collègue et ami, le sénateur Noël Kinsella. Avec difficulté car, dans la vie, il y a des personnes qui nous marquent davantage, et le sénateur Kinsella en est une. Il est toujours plus ardu de dire au revoir à une personne que l'on apprécie énormément.

Noël Kinsella est un homme d'exception, et sa feuille de route est impressionnante. Actuel Président du Sénat, où il fut nommé le 12 septembre 1990 par le premier ministre Brian Mulroney, M. Kinsella a occupé les postes de whip de l'opposition, de leader adjoint, de leader de l'opposition, et il a été nommé Président de notre Chambre en février 2006 par le gouverneur général, sur la recommandation du premier ministre actuel, Stephen Harper.

Il y a donc plus de 24 ans que notre collègue siège au Sénat. On peut dire qu'il est une institution au sein de notre institution.

[Traduction]

Sa mémoire institutionnelle fait incontestablement autorité et, par surcroît, il représente d'abord et avant tout un excellent modèle en tant que Président, ainsi que dans ses relations avec les autres sénateurs et la population dans son ensemble.

[Français]

Toujours affable, courtois, chaleureux, brillant et accueillant, le sénateur Kinsella laisse, chez ceux qui le rencontrent, une impression forte et rassurante.

Chaque fois que j'avais des invités que je voulais impressionner un peu, je m'arrangeais toujours pour qu'ils puissent passer cinq minutes avec le sénateur Kinsella dans ses bureaux. Naturellement, ces 5 minutes se transformaient souvent en 30, voire 45 minutes, car il avait toujours une, deux, trois ou même quatre anecdotes politico-historiques à nous raconter. Naturellement, un homme de cette stature, qui a vu se produire bien des événements et défiler un grand nombre de personnalités publiques, est une source intarissable à laquelle il est fort agréable de s'abreuver et d'en redemander.

[Traduction]

Je ne pourrais pas conclure mes remarques en hommage au sénateur Kinsella sans le remercier du fond du cœur de sa contribution au Sénat et de ce qu'il nous a apporté à tous. Le sénateur Kinsella est un homme brillant, juste, discipliné et profondément humain. Pendant sa présidence, nous avons tous énormément profité de ses merveilleuses qualités.

[Français]

Merci, sénateur Kinsella, pour tout ce que vous avez apporté au Sénat durant ces 24 dernières années, et merci aussi pour tout ce que vous avez apporté à la société civile tout au long de votre prolifique carrière comme serviteur de l'État.

Votre retraite est assurément méritée, mais elle représente néanmoins une grande perte pour notre institution que vous aimez tant. Je connais votre penchant pour les relations diplomatiques et je me rassure en me disant que le Sénat aura un ambassadeur de haut niveau qui continuera d'utiliser ses talents pour promouvoir la grande valeur de cette institution et celle des femmes et des hommes qui la composent.

Il me reste à vous offrir, cher ami, mes meilleurs vœux de retraite. Puissiez-vous profiter des nombreuses années qui s'offrent à vous pour vous laisser bercer par une vie douce auprès de ceux qui vous aiment et que vous chérissez tant.

Ce fut un honneur de vous côtoyer, honorable sénateur Noël Kinsella.

[Traduction]

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables collègues, je tiens à me joindre à mon ami, le sénateur Carignan, pour rendre hommage à notre Président, l'honorable sénateur Noël Kinsella, à l'occasion de son départ à la retraite du Sénat qui, comme on le sait, est absolument volontaire.

Si mes calculs sont exacts, le sénateur Kinsella se classe au deuxième rang des Présidents ayant servi le plus longtemps dans l'histoire du Sénat. Encore quatre mois et il serait devenu le Président ayant occupé le plus longtemps ce fauteuil dans l'histoire de notre pays.

Des voix : Bravo! Quatre mois de plus!

Le sénateur Cowan : Comme je connais bien l'esprit de compétition qui habite discrètement le sénateur Kinsella, je pense qu'il est possible de comprendre un peu mieux pourquoi il s'opposait si résolument à la retraite obligatoire.

(1340)

Cependant, un record de longévité n'est qu'une statistique. La véritable mesure n'est pas le nombre d'années de service, mais plutôt si la personne s'est bien acquittée de ses tâches. Si l'on se fie à cette mesure, le sénateur Kinsella a peu de rivaux.

Sa connaissance des règles et des traditions du Sénat est encyclopédique. Aussi impressionnante et essentielle soit-elle, j'accorde encore plus de valeur au fait que le sénateur Kinsella a toujours appliqué cette connaissance en respectant l'institution du Sénat et son rôle dans notre système parlementaire bicaméral de type britannique.

Le sénateur Kinsella s'est toujours montré parfaitement juste lorsqu'il présidait les travaux du Sénat. Il comprend le rôle vital que nous jouons tous, nous sénateurs des deux côtés de cette enceinte, pour que le Sénat puisse accomplir son travail au sein du système parlementaire. Bien entendu, cela n'a jamais été une simple question de théorie pour lui. Le sénateur Kinsella a joué divers rôles au Sénat, comme l'a signalé le sénateur Carignan. Il a siégé à plusieurs comités, notamment en tant que président et vice-président. Il a été whip de l'opposition, leader adjoint de l'opposition, puis, bien entendu, leader de l'opposition, avant d'être nommé Président du Sénat. C'est sans doute le fait d'avoir été leader de l'opposition qui l'a amené à vraiment prendre conscience de l'importance fondamentale des règles de notre institution, qui font en sorte que tant le gouvernement que l'opposition peuvent participer pleinement aux délibérations nationales. C'est seulement de cette façon que le Sénat, l'une des deux assemblées législatives du Parlement du Canada, peut atteindre son plein potentiel.

Ce n'est pas seulement son expérience en tant que leader de l'opposition qui lui a servi dans le cadre de ses fonctions de Président, mais également son engagement permanent et bien connu en matière de droits de la personne. Pendant 22 ans, il a présidé la Commission des droits de la personne du Nouveau-Brunswick et a été président de la Fondation canadienne des droits de la personne. Ce n'est pas par simple coïncidence que le sénateur Kinsella a choisi de prendre la parole pour la première fois au Sénat le 19 décembre 1990 afin de proposer la deuxième lecture du projet de loi visant à créer la Fondation canadienne des relations raciales. Il a abordé ce jour-là la question de la lutte pour éliminer toute forme de discrimination. Voici ce qu'il a dit :

Aujourd'hui, et tous les jours, nous ne devons jamais oublier que nous sommes tous des citoyens de la première nation du monde à garantir le caractère multiculturel de notre pays dans ses lois.

Honorables sénateurs, ces paroles ont été prononcées en 1990, il y a près de 24 ans, et elles sont toujours aussi vraies et pertinentes aujourd'hui.

Le Président du Sénat est au quatrième rang du Tableau de la préséance pour le Canada. Il se situe après le gouverneur général, le premier ministre et le juge en chef de la Cour suprême du Canada. Le Président est donc souvent appelé à remplir une fonction diplomatique et à représenter le Canada, le Parlement du Canada et, évidemment, le Sénat. Le sénateur Kinsella a toujours pris ce rôle très au sérieux. Il a toujours été convaincu de l'importance de la diplomatie parlementaire et de la grande utilité des interactions entre les parlementaires de différents pays. J'ai eu l'honneur de voir notre Président à l'œuvre au Canada et à l'étranger. Le professionnalisme et la cordialité dont il a fait preuve en assumant ces fonctions m'ont toujours impressionné et rempli de fierté. Il a toujours représenté dignement et efficacement le Parlement du Canada et notre assemblée.

Il y a une autre chose que je dois dire avant de conclure. Honorables sénateurs, les sénateurs ont toujours profité de la compagnie d'éminents Canadiens, mais je n'ai jamais connu de sénateur dont la liste de diplômes et de diplômes honorifiques soit aussi longue que celle du sénateur Kinsella. Je sais que je dépasserais de beaucoup le temps qui m'est alloué si je vous la lisais au complet, mais je dirai au moins ceci. Saviez-vous que notre Président a été fait chevalier, et deux fois plutôt qu'une? Il est en effet chevalier de l'Ordre souverain militaire et hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte et chevalier de l'Ordre très vénérable de l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem.

Sénateur Kinsella, votre amitié, votre voix calme et votre prestance vont nous manquer. Nous vous souhaitons, à vous ainsi qu'à Ann, le plus grand bonheur pour le chapitre de votre vie qui s'amorce.

Des voix : Bravo!

L'honorable Noël A. Kinsella

Remerciements

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, permettez-moi de dire quelques mots. Je vais faire bien attention de ne pas dépasser les trois minutes réglementaires, même s'il faut pour cela que je fasse fi des nombreuses années que j'ai passées derrière un pupitre d'université, où on risquait de perdre son emploi si on parlait moins de 40 minutes.

Je suis absolument ravi que des membres de ma famille soient ici cet après-midi. Ils viennent de Sault Ste. Marie, du Canada atlantique ou de la ville natale de sir John A. Macdonald, Kingston, pas très loin d'ici. À vous tous, je dis merci d'être là, à la tribune du gouverneur général.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Permettez-moi de vous remercier vous aussi. Merci à nos leaders, mais aussi à chacun des membres de cette honorable assemblée, pour leur générosité. Vous m'avez tant appris. En fait, nous avons tous appris les uns des autres, et je tiens à remercier sincèrement chacun et chacune d'entre vous d'avoir été de si bons enseignants.

Mon cher collègue, le sénateur Robichaud, a été beaucoup plus rusé que moi en trouvant un moyen de faire ses adieux sans trop faire perdre de temps à notre honorable institution. Il nous a tous impressionnés hier.

Je profite de ces quelques minutes pour remercier chacun et chacune d'entre vous pour les services que vous avez rendus à notre merveilleux pays, le Canada. Le travail de législateur, votre travail, figure parmi les plus nobles qui soient. À mon sens, les grands Canadiens, ce sont ceux qui embrassent la cause publique. Très peu d'entre nous doivent se lever tôt le lundi matin et se frayer un chemin dans la neige pour attraper l'avion qui les amènera de l'Ouest, du Nord ou de l'Est jusqu'ici. C'est la même chose quand je pense aux longues soirées, le jeudi ou même le vendredi. Vous n'étiez pas obligés de dire oui, mais c'est le choix que vous avez accepté de faire. À mes yeux, c'est le signe d'un dévouement authentique envers la population canadienne.

Notre pays, qui jouit d'une grande liberté, est très privilégié. Quand des enfants venaient nous visiter au Parlement, je leur demandais souvent : « Croyez-vous qu'il existe un pays dans le monde où vous seriez plus libres qu'au Canada? » Au cours de mes neuf années à la présidence du Sénat, personne n'a nommé un pays où, selon lui, les gens jouissaient d'une plus grande liberté qu'au Canada. Quand des gens s'interrogent sur notre système de gouvernance, j'utilise souvent cette anecdote pour leur rappeler ce qui découle du système que nous ont légué nos fondateurs, ceux qui ont établi la Confédération en 1867, mais aussi ceux qui étaient ici auparavant et ceux qui sont arrivés avant la Confédération.

Nous avons l'honneur de siéger et de débattre dans cette magnifique enceinte. À plusieurs reprises, j'ai écouté depuis ce fauteuil des débats sur un vaste éventail de sujets en me disant : « Dieu merci, il y a quelqu'un au Canada qui aborde ce sujet. » Quant aux débats qui s'étirent — nous nous demandons parfois jusqu'où ils iront —, il est important qu'ils se prolongent, parce que ce sont les parlementaires, honorables sénateurs, qui doivent, dans bien des cas, creuser des questions importantes en matière de politique publique. Le travail réalisé par tous les honorables sénateurs, à l'heure actuelle et à l'avenir, est de l'excellent travail que l'on fait pour les Canadiens.

Je vous remercie tous de votre amitié. Je souligne une fois de plus les services rendus au Canada par les législateurs, surtout ceux du Sénat, mais aussi par les fonctionnaires, notamment ceux qui sont au service du Sénat et, bien entendu, de nos collègues de l'autre endroit. Ils méritent toute notre gratitude pour leur dévouement, à l'instar des politiciens qui, aux échelons provincial et municipal, décident de consacrer une bonne partie de leurs meilleures années à servir leurs concitoyens, au détriment de leur famille et de leur carrière. Honorables sénateurs, n'oubliez pas que votre vocation est noble et que vous êtes les dignes successeurs de ceux qui ont apporté une contribution semblable avant vous.

(1350)

Comme vous m'avez entendu le dire auparavant, en particulier dans cette enceinte canadienne que je considère comme très spéciale, le Parlement du Canada comprend trois éléments essentiels définis dans la Constitution : la Chambre des communes, le Sénat et la Couronne. C'est dans l'enceinte du Sénat que ces trois éléments se rassemblent pour la nomination d'un nouveau gouverneur général, pour les discours du Trône et pour la sanction royale des projets de loi. Nous avons le privilège de tenir nos débats dans une salle où le trône du Canada est exposé en permanence.

Songez aux deux colonnes du côté sud du Sénat. La colonne de gauche porte les armoiries des rois de France, et l'on reconnaît immédiatement la fleur de lys. La colonne de droite porte les armoiries des rois d'Angleterre. Le Canada a toujours eu un souverain, d'abord entre l'arrivée de Jacques Cartier et le Traité de Paris, puis sous le régime de la couronne d'Angleterre.

Comme je l'ai mentionné hier, nous avons eu le grand privilège de rendre visite à Sa Majesté dimanche dernier, au château de Windsor, où elle a gracieusement conféré une chaîne de fonction à l'huissier du bâton noir. Elle nous a exprimé la grande importance qu'a le Canada pour elle, et nous lui avons répondu : « Votre Majesté a une importance très grande et fort particulière pour le Canada. »

Vous vous rappellerez que, il y a deux semaines, les greffiers nous ont présenté une publication spéciale sur les trésors du Sénat. Sa Majesté l'a ouverte et était absolument enchantée de la recevoir. Par hasard, elle est tombée tout de suite sur la page montrant le vitrail du jubilé de diamant. Elle s'en est dite très heureuse.

Puis, Sa Majesté nous a demandé comment tout le monde allait depuis les terribles événements du 22 octobre. Nous lui avons répondu que le peuple canadien ne se laisse jamais abattre et que nous gérons ce dossier comme nous savons le faire. Nos prédécesseurs ont été capables de surmonter de telles difficultés par le passé.

Elle nous a dit : « Lorsque j'ai vu des images du soldat décédé, j'ai constaté immédiatement qu'il était membre de l'Argyll, dont je suis colonel honoraire », ce qui nous a beaucoup étonnés. Elle nous a ensuite demandé si l'attaque avait perturbé beaucoup de personnes. Nous lui avons répondu oui et avons ajouté qu'un excellent programme d'aide aux employés est offert aux sénateurs et aux membres du personnel administratif. Elle était vivement intéressée et savait tout des événements tragiques que nous avons subis.

Elle appelle affectueusement notre couronne la « couronne de feuilles d'érable ». Je lui ai rappelé les deux piliers. La couronne canadienne a évolué, sous les régimes français et britannique, pour devenir ce que Sa Majesté nomme affectueusement la couronne de feuilles d'érable. Le fait qu'elle désigne ainsi la couronne canadienne, symbole de la force des peuples canadiens, est particulier à bien des égards. En effet, la couronne canadienne n'a rien d'étranger. Elle est le symbole de la souveraineté des peuples canadiens et de notre système de monarchie constitutionnelle. Comme je l'ai dit au début de mon intervention, pardi, le système ne doit pas être si mal, car la liberté se porte plutôt bien au pays.

On devrait me rappeler à l'ordre, car j'ai dépassé mon temps de parole. Sénatrice Cools, rappelez-moi à l'ordre, comme je l'ai fait de temps à autre à votre endroit.

Je tiens à exprimer l'affection que je ressens pour tous les sénateurs. Il est important de le faire lorsque l'occasion se présente, et c'est le cas en ce moment. Je vous remercie du fond du cœur pour tout ce que vous m'avez transmis. Que Dieu vous bénisse tous.

Des voix : Bravo!

[Français]

CBC/Radio-Canada

L'honorable Marie-P. Charette-Poulin : Merci, monsieur le Président, d'avoir su demeurer notre modèle, au service du pays, au service de votre région et au service de vos collègues.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui afin de joindre ma voix à toutes celles qui demandent un engagement renouvelé à l'égard de CBC/Radio-Canada et le rétablissement du financement à un niveau qui permettra à l'institution de poursuivre sa mission comme principale force unificatrice du Canada. Les Canadiens et Canadiennes comprennent et respectent le rôle important de cette institution et le lien vivant qu'elle crée dans l'immense pays diversifié qui est le nôtre, un lien qui unit les gens à l'intérieur de chaque région et d'une région à l'autre, un lien humain et quotidien entre le Nord et le Sud, entre l'Est et l'Ouest, entre tous les horizons du pays.

CBC/Radio-Canada est notre diffuseur public et assure l'accès immédiat et gratuit à un service de communication. CBC/Radio-Canada est un producteur de contenu canadien, au moment même où les diffuseurs du monde entier, tant traditionnels qu'électroniques, sont à la recherche de contenu de qualité.

N'oublions jamais que les communautés de langue officielle en situation minoritaire dépendent de CBC/Radio-Canada pour se faire entendre et se faire connaître. Le commissaire aux langues officielles du Canada, Graham Fraser, a déclaré ce qui suit :

[...] j'ai toujours affirmé clairement l'importance de CBC/ Radio-Canada à titre de diffuseur public et son rôle essentiel à la vitalité des communautés de langue officielle au Canada.

En plus de favoriser l'expression de ces communautés, CBC/ Radio-Canada favorise l'expression des nombreuses collectivités autochtones. Celles-ci, aussi, comptent sur CBC/Radio-Canada pour perpétuer leur langue et leur culture.

Depuis plus de 75 ans, tous les Canadiens se tournent vers CBC/ Radio-Canada régulièrement pour s'informer, s'éclairer et se divertir. Comme le disait l'honorable Stéphane Dion lors du congrès annuel de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, le 15 novembre dernier, « Le Canada a besoin d'un diffuseur public éveillé, objectif, créatif et libre ». CBC/Radio-Canada n'a toutefois plus les moyens.

[Traduction]

Honorables sénateurs, le financement accordé à notre radiodiffuseur public national a atteint un niveau dangereusement bas. La semaine dernière, Linden MacIntyre — un animateur qui a travaillé très longtemps à CBC/Radio-Canada — a déclaré ce qui suit dans un discours prononcé à l'Université de Toronto :

Le Canada est l'un des pays du monde où le coût des services est le plus élevé, en raison de sa diversité culturelle et de son vaste territoire. Les données que je cite datent d'il y a quelques années, mais elles font quand même ressortir le point important. Les Canadiens dépensent une fraction de ce que d'autres pays dépensent dans ce secteur. En effet, nous dépensons 33 $ par habitant. Ce montant est de 154 $ par habitant en Suisse, de 134 $ par habitant en Allemagne, et de 67 $ par habitant en Irlande. Parmi les 18 pays occidentaux qui estiment qu'un radiodiffuseur public doit recevoir une partie des fonds publics, nous nous classons au 16e rang.

(1400)

Il faut arrêter dès maintenant de négliger la principale institution culturelle du Canada qui, tous les jours, unit les Canadiens d'un océan à l'autre. Le gouvernement commence à délier les cordons de la bourse, et je lui demande de profiter de cette occasion pour renouveler son engagement envers CBC/Radio Canada et pour réinvestir dans notre diffuseur public national afin qu'il puisse continuer de rapprocher les Canadiens, ce que les autres diffuseurs n'ont ni la capacité ni le mandat de faire.

Sport pur

L'honorable Nancy Greene Raine : Honorables sénateurs, j'aimerais moi aussi souhaiter au Président Kinsella tout ce qu'il y a de mieux pour l'avenir. Hier, il m'a dit quelque chose que je crois que vous devriez et que vous aimeriez savoir. Le Président Kinsella prend une retraite anticipée. Comme il a fait campagne contre la retraite obligatoire toute sa vie, il refuse de prendre sa retraite à la date requise. Il s'en va donc une journée plus tôt.

Honorables sénateurs, comme vous le savez certainement, la 102e édition de la Coupe Grey aura lieu cette fin de semaine. Cette année, ce sont les Stampeders de Calgary et les Tiger-Cats d'Hamilton qui se disputeront l'un des trophées canadiens les plus convoités. Je suis triste que les Lions de la Colombie-Britannique ne soient pas de la partie, mais je sais que les amateurs de football apprécieront l'hospitalité de Vancouver.

Il y aura deux autres événements cette fin de semaine : la Coupe Vanier TELUS et la cinquième Journée du sport RBC au Canada. Vendredi, les amateurs de sports pourront s'amuser et montrer leur loyauté à leur équipe lors de la Journée nationale du maillot sportif.

Les sports peuvent nous diviser ou nous unir. Ils font appel à des émotions et à des besoins humains très primaires : la joie de maîtriser un sport, l'euphorie de la compétition et, oui, l'agonie de la défaite. Jouer avec ses coéquipiers sur un terrain, un court ou une patinoire contribue à forger le caractère et à créer un sentiment d'appartenance. Les sports permettent aux enfants et aux jeunes de participer à des activités saines qui, lorsqu'elles se font selon les règles, leur apprennent à travailler en équipe, à se fixer des objectifs et à travailler fort, et les aident à lier des amitiés durables.

Nous savons tous, par contre, que le sport peut avoir un côté négatif, lorsque la victoire à tout prix peut mener à la corruption des règles et à la tricherie pure et simple.

Honorable sénateurs, je suis fière que le Canada soit à l'avant-garde en matière de prévention de l'usage de substances visant à augmenter la performance et de sensibilisation à l'éthique dans le sport. Il y a quelques années, grâce au travail du Centre canadien pour l'éthique dans le sport, est né un mouvement visant à sensibiliser aux bonnes valeurs du sport et à faire en sorte que les expériences sportives soient positives, éducatives et mettent un sourire sur le visage des enfants. Le slogan de leur mouvement Sport pur dit tout : « Gagner le cœur et les esprits pour le sport sain ».

Sept principes forment les valeurs fondamentales de Sport pur : vas-y, fais preuve d'esprit sportif, respecte les autres, amuse-toi, garde une bonne santé, inclus tout le monde et donne en retour. Des messages simples et puissants qui, je l'espère, seront célébrés partout au Canada, non seulement samedi, mais chaque fois que des Canadiens, quel que soit l'endroit, se rassembleront pour pratiquer un sport, que ce soit pour s'amuser ou dans le cadre d'une compétition sérieuse.

La Fondation Sport pur a pour membres des organismes sportifs, des municipalités et des particuliers qui s'engagent tous à respecter ses valeurs fondamentales. Sport pur met l'accent sur le pouvoir du sport axé sur des principes, qui contribue au bien-être physique, mais apporte en outre les bienfaits de l'enseignement de valeurs éthiques aux jeunes et à leur collectivité.

Honorables sénateurs, en respectant les valeurs de Sport pur, nous gagnerons tous au change. Merci.

La Semaine nationale de sensibilisation au syndrome de Down

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, puisque les Canadiens ne peuvent nous voir, je viens de publier un gazouillis disant : « Magnifique hommage au Président du Sénat, Noël Kinsella, éternel juste et défenseur des droits de la personne. Prend sa retraite aujourd'hui. » Au moins, nous pouvons communiquer avec les Canadiens par gazouillis.

Parlant des droits de la personne, j'aimerais parler des personnes atteintes du syndrome de Down et de leur famille. La Semaine nationale de sensibilisation au syndrome de Down s'est tenue plus tôt ce mois-ci, mais, quelle que soit la date, l'important, c'est de célébrer les personnes spéciales dans nos vies et dans notre pays. Je suis donc ravi de prononcer ma déclaration aujourd'hui.

Au Canada, environ 1 bébé sur 100 naît avec le syndrome de Down. Cela fait beaucoup de gens avec des expériences uniques et des histoires de développement personnel, de détermination et d'affirmation de soi.

Je me demande si, parmi vous, il y en a qui ont vu les panneaux d'affichage marquants de la Société canadienne du syndrome de Down. La campagne de sensibilisation est intitulée Voir la capacité. L'un de mes panneaux préférés, c'est celui où on voit une belle photo d'une vraie famille — une jeune mère, son fils et sa fillette atteinte du syndrome de Down qui rient et font de la peinture — sur lequel est inscrit le slogan suivant : « Elle nous apprend à dépasser les lignes. »

Le syndrome de Down n'est pas une maladie, un trouble, une déficience ou une maladie. Les personnes atteintes du syndrome de Down travaillent, font du bénévolat, sont des sportifs et des artistes.

Je me souviens d'une publicité pour les Jeux olympiques spéciaux mettant en scène un jeune homme qui fait de la musculation et qui ne cesse de répéter : « Montrez-moi l'argent! Montrez-moi l'argent! Montrez-moi l'argent! » À la fin de la publicité, il dit : « L'argent, ce n'est pas important. »

L'autre soir, j'ai dansé avec des athlètes atteints du syndrome de Down jusqu'à deux heures du matin à l'hôtel Royal York, après la cérémonie de récompenses spéciales qui s'est déroulée la semaine dernière. C'était vraiment gratifiant.

Ma vie fait en sorte que j'ai la chance d'être régulièrement en contact avec des personnes atteintes du syndrome de Down. Olympiques spéciaux Canada, par exemple, transforme des vies et change des attitudes sociales simplement en réunissant les personnes par le sport. L'entraînement, les compétitions et l'atteinte d'objectifs sont des expériences qui captent notre attention et notre intérêt. Ils allument en nous tous une passion distincte, une passion pour la symbiose entre la discipline, les efforts soutenus et la concentration.

En parlant du Sénat, la plupart d'entre vous savent qu'au sein de mon équipe, il y a un jeune homme qui travaille pour moi tous les mercredis depuis quatre ans. Il est atteint du syndrome de Down. Il s'appelle Michael Trinque. Il travaille dans mon bureau un jour par semaine. Le mercredi, c'est son jour, et c'est également devenu le mien. Chaque mercredi, Michael, par son enthousiasme, son sens de l'humour et ses observations au sujet du Sénat, me fait prendre conscience de ce qui est vraiment important dans la vie. C'est un jeune homme bien spécial.

Monsieur le Président, vous vous souviendrez sans doute qu'il a chanté l'Ô Canada lors du lunch d'été que vous avez organisé dans la cour de l'édifice de l'Est. C'est son anniversaire la semaine prochaine, et sa chanson favorite s'intitule Hark! The Herald Angels Sing. Cela tombe bien, car il est l'un des anges du Sénat.

En terminant, monsieur le Président, comme vous le savez, et comme la plupart des sénateurs le savent aussi, ma femme et moi avions un fils, Timmy, qui était atteint du syndrome de Down. Il aurait aujourd'hui 46 ans, mais il est mort d'une pneumonie à l'âge d'un an. Timmy m'inspire dans tout ce que j'accomplis et accomplirai ici, au Sénat.

J'ai la chance de pouvoir compter sur des gens qui m'enseignent de nouvelles choses et qui m'aident à ne pas perdre de vue ce qui est vraiment important, puisqu'ils ont cette qualité rare et merveilleuse. Je le sais, je m'en rends compte et je leur en suis reconnaissant, et c'est pour cette raison que je rends aujourd'hui hommage aux Canadiens atteints du syndrome de Down.

Le gaz naturel liquéfié

L'honorable Douglas Black : Monsieur le Président, je joins ma voix à celle de mes collègues qui ont pris la parole avant moi aujourd'hui. Vous vous êtes acquitté de votre rôle avec distinction, discipline et pondération, et nous avons tous beaucoup appris de vous.

Honorables sénateurs, aujourd'hui, je prends la parole pour souligner à quel point il est important et nécessaire d'appuyer le développement de l'industrie du gaz naturel liquéfié, ou GNL, au Canada.

Les pays en développement veulent du gaz naturel. Étant donné que la croissance mondiale est forte et que la classe moyenne est en expansion à l'échelle mondiale, et puisque les gens sont davantage sensibilisés aux enjeux environnementaux, le gaz naturel est perçu comme une ressource importante qui fait de plus en plus partie des choix énergétiques à l'échelle internationale.

Le Canada peut répondre avec brio à la demande de gaz naturel, plus particulièrement à la demande de la Chine et d'autres économies asiatiques en forte croissance.

Nous pourrons exporter du gaz naturel liquéfié de la côte Ouest vers ces marchés en forte croissance si nous prenons rapidement des mesures pour favoriser le développement de l'industrie. Cela dit, les autres pays n'attendent pas que le Canada se décide. L'Australie, le Qatar et les États-Unis figurent parmi les autres puissances énergétiques mondiales qui nous font concurrence pour obtenir une part du marché du gaz naturel liquéfié. Aujourd'hui, le Canada accuse un retard par rapport à ses concurrents.

Quelle est la situation à l'heure actuelle? En ce moment, 18 projets de GNL sont proposés en Colombie-Britannique; la planification de certains d'entre eux est déjà bien avancée, tandis que d'autres ne sont encore qu'un rêve lointain. Il y a également plusieurs propositions visant la côte Est du Canada, dont celles de la société Bear Head et de la collectivité de Goldboro.

Il est largement reconnu que seulement quelques-unes des propositions existantes sont susceptibles d'être menées à bien.

(1410)

Par conséquent, pour assurer la réussite des projets, nous devons veiller à ce que le gouvernement crée le climat économique, social et réglementaire nécessaire pour soutenir cette activité potentielle, et à ce qu'il le fasse sans tarder. Bref, si le Canada ne se dote pas d'une bonne capacité d'exportation de gaz naturel liquéfié, le gaz naturel canadien ne sera pas écoulé et sa valeur plongera, de même que les recettes fiscales et les emplois qui pourraient en découler. Les États-Unis n'ont pas besoin de notre gaz, mais l'Asie, si. Nous devons donc prendre des mesures pour en permettre l'exportation.

C'est aussi un impératif social, puisque les recettes fiscales provenant de l'exploitation gazière nous aident à payer les infrastructures et les services sociaux qui profitent à tous les Canadiens. Selon le Conference Board du Canada, le secteur du gaz naturel de la Colombie-Britannique pourrait attirer pour plus de 180 milliards de dollars d'investissements entre 2012 et 2035. C'est en moyenne 7,5 milliards de dollars d'investissements par année. Le Conference Board estime aussi que ces investissements financeront 54 000 emplois par année, en moyenne. Comme pour les sables pétrolifères du Canada, l'exploitation du gaz naturel liquéfié aura des retombées dans tout le Canada, stimulera la croissance économique, créera des emplois et augmentera les recettes fiscales.

Cependant, nous avons encore beaucoup à faire. Récemment, le gouvernement de la Colombie-Britannique a pris des mesures pour garantir des investissements dans le gaz naturel liquéfié en présentant une nouvelle proposition pour le régime provincial d'imposition du gaz naturel liquéfié. La proposition a été bien accueillie par l'industrie et devrait être applaudie.

Au fédéral, nous devrions réfléchir sérieusement à ce que nous pouvons faire pour faciliter l'exploitation du gaz naturel liquéfié. Par exemple, pourrions-nous songer à modifier le taux de la déduction pour amortissement pour les installations de GNL, de manière à stimuler la réalisation de projets d'exportation et de projets canadiens?

Le temps ne joue pas en faveur du secteur canadien du gaz naturel liquéfié. Les acheteurs potentiels de notre gaz doivent agir dans leur intérêt et nous devons agir dans l'intérêt du Canada, en permettant le développement ordonné et rapide du secteur canadien du gaz naturel liquéfié.

[Français]

L'Observatoire de la langue française

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, je tiens à dire à Son Honneur le Président qu'il est un grand Canadien et qu'il a été un Président remarquable.

Honorables sénateurs, l'Observatoire de la langue française, l'organe de recherche de l'Organisation internationale de la Francophonie, a publié le rapport 2014 sur la langue française dans le monde. Dans ce nouveau rapport, l'observatoire recense 274 millions de francophones dans le monde et prévoit qu'ils seront 767 millions en 2060. Ce qui est le plus intéressant dans cette recherche, et peut-être aussi le plus inspirant, c'est que la Francophonie est perçue comme étant inclusive. Ce n'est pas une ethnie qui exclurait qui que ce soit. C'est une vision du monde qui englobe tous ceux qui parlent le français, que ce soit leur langue première, la langue dans laquelle ils vivent ou même la langue étrangère qu'ils ont choisie.

En fait, aux yeux de l'observatoire, le Canada est francophone à 29 p. 100. Tous ceux qui ont fait le choix d'apprendre le français et de vivre ne serait-ce qu'une partie de leur vie en français ne devraient-ils pas être les bienvenus au sein de la grande famille de la Francophonie?

Honorables sénateurs, à titre de Canadienne et à titre de membre de la Francophonie, je suis fière de faire partie d'une telle fraternité mondiale et de la vision qu'elle propose de notre belle langue française, dynamique, moderne et, surtout, inclusive. Merci.

[Traduction]

Les qualités de l'érable canadien

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, je ne comptais pas faire de déclaration, mais lorsque Son Honneur nous a dit que la reine avait parlé de la couronne de feuilles d'érable, je n'ai pas pu m'empêcher de vouloir dire que notre Président, lui aussi, est à l'image de cet arbre qu'est l'érable.

Le symbole de l'érable s'applique bel et bien à vous, Votre Honneur, dans la mesure où cet arbre a de fortes racines et se tient debout; il est en constante croissance et peut affronter toutes les tempêtes; il est parfois assez coloré, et il se renouvelle en tout temps, mais surtout, il adoucit la vie des Canadiens au quotidien.

[Français]

La dualité linguistique

L'honorable Jean-Claude Rivest : Honorables sénateurs, je voudrais me joindre à l'ensemble de mes collègues qui ont apporté leur témoignage pour souligner la contribution remarquable de notre Président à l'évolution du Sénat canadien et, en particulier, pour lui dire toute l'appréciation que les francophones de ce pays ont à son endroit, dans la mesure où il a su se faire, au fil des jours, des mois et des années, un fidèle serviteur de la cause de la langue française, ici, à Ottawa, mais également à l'étranger.

Honorables sénateurs, nous avions adressé au gouvernement des reproches très sévères au moment où il avait nommé au poste de vérificateur général du Canada une personne qui, malheureusement, ne connaissait pas la langue française et était unilingue. J'ai eu l'occasion d'entendre le vérificateur général, M. Michael Ferguson, en fin de semaine pour constater que, comme il l'avait indiqué, il a appris les rudiments de la langue française. Je tiens à souligner la contribution de M. Ferguson, le vérificateur général, qui, à mon avis, adresse à l'ensemble de la fonction publique canadienne un message qui devrait être entendu, et je veux simplement lui dire que la francophonie canadienne apprécie grandement le respect qu'il porte à la cause de la langue française. Merci.


[Traduction]

AFFAIRES COURANTES

L'étude de la proposition relative aux frais d'utilisation

Pêches et océans—Dépôt du sixième rapport du Comité des pêches et des océans

L'honorable Fabian Manning : Votre Honneur, j'ajoute ma voix à celles des sénateurs qui vous transmettent leurs félicitations et leurs meilleurs vœux dans toutes vos entreprises futures. Je vous remercie, ainsi que votre famille, de ce que vous avez fait pour le Canada.

Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le sixième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, qui porte sur la proposition du ministère au Parlement relativement aux frais d'utilisation et aux normes de service pour les permis d'aquaculture en vertu du Règlement du Pacifique sur l'aquaculture.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Manning, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

L'ajournement

Préavis de motion

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Votre Honneur, j'aimerais joindre ma voix à celles de tous les sénateurs qui ont pris la parole pour vous remercier de tout ce que vous avez fait pour le Sénat et pour les Canadiens.

[Français]

Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au mardi 2 décembre 2014, à 14 heures.

[Traduction]

Le Sénat

Motion tendant à autoriser l'accès aux photographes pour la présentation du nouveau Président du Sénat

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, et nonobstant l'article 5-5(j) du Règlement, je propose :

Que des photographes soient autorisés à accéder à la salle du Sénat demain pour photographier la présentation du nouveau Président du Sénat, d'une manière qui perturbe le moins possible les travaux.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

La Loi sur l'emploi dans la fonction publique

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-27, Loi modifiant la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (accès élargi à l'embauche pour certains militaires et anciens militaires des Forces canadiennes), accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

(1420)

Droits de la personne

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à siéger à 13 h le mercredi 10 décembre 2014, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les anciens combattants

L'aide aux anciens combattants

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et elle porte sur les anciens combattants et sur les membres actuels des Forces armées canadiennes. Je tenais à le préciser pour que l'honorable sénateur puisse ouvrir son cahier de réponses toutes faites à la bonne page.

Deux choses se sont produites tout récemment, honorables sénateurs. D'une part, à la suite d'une demande de la Chambre des communes, le ministère des Anciens Combattants a révélé que, au cours des dernières années, le ministère n'avait pas dépensé 1,1 milliard de dollars que vous et moi lui avions alloué pour qu'il s'occupe des anciens combattants. Voilà l'un des problèmes qui a été rendu public.

D'autre part, le vérificateur général a publié son rapport. Ma question est liée à ces deux événements, honorables sénateurs.

Le ministre des Anciens Combattants, Julian Fantino, a dit à l'autre endroit de ne pas s'en faire, parce que cette somme inutilisée, de 1,1 milliard de dollars, n'était pas perdue. Il voulait dire qu'on pourrait s'en servir pour réduire le déficit. Cependant, elle ne sera pas dépensée pour aider les anciens combattants, soit pour les fins prévues de ces crédits votés.

Le rapport du vérificateur général révèle des problèmes inquiétants en ce qui concerne les services de santé mentale pour les anciens combattants. Le Sous-comité des anciens combattants se penche sur les blessures de stress opérationnel et sur l'état de stress post-traumatique, et la santé mentale est, bien entendu, un aspect très important de ce dossier. Or, le gouvernement transfère ce montant de 1,1 milliard de dollars dans les recettes générales, et ce, alors même que le vérificateur général affirme que les services de santé mentale offerts aux anciens combattants comportent de graves lacunes.

Le leader du gouvernement peut-il expliquer ce qui se passe?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je vois que vous n'avez pas eu besoin de chercher votre carton, car vous l'aviez déjà près de vous.

Depuis 2006, notre gouvernement a dépensé près de 30 milliards de dollars pour offrir des prestations, des programmes et des appuis aux anciens combattants. Il s'agit de 5 milliards de dollars de plus que ce que le gouvernement libéral précédent a dépensé. Comme vous êtes président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, sénateur Day, vous êtes bien au courant de ces faits et de ces chiffres.

Pour que tous les anciens combattants reçoivent les prestations auxquelles ils ont droit, les gouvernements doivent affecter des fonds de façon à ce qu'il n'y ait pas de manque à gagner. Au cours des dernières années pendant lesquelles les libéraux étaient au pouvoir, soit en 2004-2005, Anciens Combattants Canada n'a pas dépensé plus de 100 millions de dollars.

Les dépenses annuelles du ministère des Anciens Combattants sont passées de 2,7 milliards de dollars sous l'administration des libéraux à 3,5 milliards de dollars l'an dernier.

Comme vous pouvez le constater, étant donné votre rôle à titre de président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, notre gouvernement a régulièrement augmenté l'aide versée aux anciens combattants canadiens. Nous avons continué dans cette voie en renforçant le soutien en matière de santé mentale pour les membres des Forces armées canadiennes, les anciens combattants et leur famille. Les nouveaux appuis comprennent une grande clinique où seront traitées les blessures de stress opérationnel et où travailleront des experts et des professionnels en santé mentale de première ligne. Cette clinique sera établie à Halifax, et des cliniques satellites supplémentaires ouvriront à St. John's, Chicoutimi, Pembroke, Brockville, Kelowna, Victoria et Montréal pour améliorer l'accès aux services de santé mentale pour les personnes atteintes de troubles de santé mentale.

Je vous rappelle aussi la campagne de sensibilisation pour le programme En route vers la préparation mentale, dont la portée sera étendue pour rejoindre davantage de membres des Forces armées et leur famille.

De plus, les dossiers médicaux des membres des Forces canadiennes seront numérisés pour en accélérer le transfert vers le ministère des Anciens Combattants.

Un nouveau projet pilote s'étalant sur quatre ans élargira l'accès aux centres de ressources pour les familles des militaires à sept endroits au Canada. Ces services seront offerts aux membres des Forces armées canadiennes libérés pour des raisons médicales, et à leur famille, pendant deux ans après leur libération. Jusqu'à 1 200 anciens combattants libérés pour raisons médicales et leur famille participeront au projet pilote.

De plus, des travaux supplémentaires de recherche seront effectués pour trouver de meilleurs traitements permettant de favoriser un rétablissement plus rapide et d'obtenir de meilleurs résultats pour les anciens combattants et les membres toujours en service qui sont atteints de troubles de santé mentale, de même que pour leur famille.

Sénateur Day, je pense donc que notre gouvernement soutient les anciens combattants comme aucun autre gouvernement ne l'a fait auparavant. Vous devriez vous lever, à titre de président du Comité sénatorial permanent des finances nationales et à titre de membre du Sous-comité des anciens combattants, pour nous remercier et nous féliciter!

[Traduction]

Le sénateur Day : J'ai une question complémentaire. Selon le rapport du vérificateur général, le ministère des Anciens Combattants a élaboré une stratégie en matière de santé mentale sans pour autant évaluer son efficacité ni en rendre compte.

Pourquoi le gouvernement ne rend-il pas compte de l'efficacité de la stratégie? Que fait le gouvernement pour élaborer des mesures d'évaluation du rendement de cette stratégie et des services d'intervention auprès des anciens combattants?

[Français]

Le sénateur Carignan : En fait, peut-être que votre question a été écrite avant que vous ayez l'occasion d'entendre l'ensemble de ma réponse; je ne veux pas répéter l'ensemble de la réponse que je vous ai donnée, mais j'aimerais reprendre une citation tirée du rapport du vérificateur général, qui se lit comme suit, et je cite :

Le Ministère a instauré d'importants mécanismes d'aide en santé pour les vétérans et répond en temps opportun aux demandes des vétérans dans le cadre du programme de réadaptation.

Cette citation se trouve à la page 5 du chapitre 3.

De plus, le rapport indique que 94 p. 100 des anciens combattants sont admissibles au programme des prestations d'invalidité. Cependant, le vérificateur général a souligné que le processus de demande est long et complexe; comme je l'ai dit, Anciens Combattants Canada a accepté ces recommandations et travaille à son amélioration.

L'honorable sénateur sait que notre gouvernement a lancé le plan d'action sur la santé mentale, qui vise les objectifs suivants : améliorer les délais de réponse, supprimer les obstacles à l'accès qu'affrontent les anciens combattants depuis longtemps et bonifier les programmes et services qui aident les anciens combattants à se rétablir d'un trouble de santé mentale.

Notre gouvernement agit, continuera d'agir et continuera d'appuyer nos anciens combattants. Je vous invite, alors que le Comité des finances étudie présentement les budgets supplémentaires et qu'un autre plan d'action économique sera déposé au cours des prochains mois, à appuyer les anciens combattants en votant, comme nous, pour l'adoption de ces mesures.

(1430)

[Traduction]

Le sénateur Day : Je vous remercie de votre réponse, monsieur le leader du gouvernement au Sénat. Nous sommes préoccupés par les conclusions du vérificateur général, et il n'est guère encourageant de vous entendre dire que nous ne pouvons pas nous pencher là-dessus davantage parce que des mesures seront prises.

Nous aimerions en savoir un peu plus sur ce qui est fait pour donner suite aux conclusions du vérificateur général, qui dit que le ministère des Anciens Combattants ne prend pas les mesures qui s'imposent pour offrir des services de santé mentale en temps opportun. Selon le vérificateur général, le processus de traitement des demandes pour le programme de prestations d'invalidité — celui dont se servent la plupart des anciens combattants pour obtenir des services de santé mentale — est lent et complexe, comme vous l'avez souligné.

De plus, il faut plus de temps pour aiguiller les anciens combattants qui ont subi une évaluation vers les fournisseurs de services appropriés. Pour les anciens combattants qui souffrent d'une maladie mentale, c'est inacceptable. Le gouvernement n'a pas analysé le temps que les anciens combattants doivent attendre pour recevoir des prestations, et il n'a pas tenu compte de la perspective de l'ancien combattant dans l'évaluation de ces services. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas fait cela?

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme je l'ai précisé, le vérificateur général a dit ce qui suit, et je cite :

Le Ministère a instauré d'importants mécanismes d'aide en santé pour les vétérans et répond en temps opportun aux demandes des vétérans dans le cadre du programme de réadaptation.

Je vous réitère les actions prises par notre gouvernement, qui a accru l'aide apportée aux anciens combattants canadiens. Nous avons continué dans cette voie en augmentant le soutien en matière de santé mentale pour les membres des Forces canadiennes, les anciens combattants et leur famille. Je répète les nouvelles mesures que nous avons prises, puisqu'il semble que vous reveniez sur la question.

Je veux insister sur la grande clinique neuve qui traitera les blessures de stress opérationnel. Nous travaillerons avec des experts et des professionnels en santé mentale de première ligne. Cette clinique sera établie à Halifax, et elle aura des unités satellites supplémentaires à St. John's, Chicoutimi, Pembroke, Brockville, Kelowna, Victoria et Montréal, le tout pour accélérer l'accès aux services de santé mentale pour les personnes atteintes de troubles de santé mentale.

Sénateur, je m'attendais, aujourd'hui, à recevoir des questions à ce sujet, mais surtout à recevoir des félicitations de votre part pour ces actions.

[Traduction]

Le sénateur Day : Je vous laisserai nous demander des félicitations si vous pouvez nous expliquer pourquoi les anciens combattants reçoivent généralement de piètres services, notamment dans le domaine de la santé mentale. Vous avez tout à fait raison de dire que le programme de réadaptation permet d'obtenir en temps opportun des services de santé mentale, comme l'a constaté le vérificateur général. Cependant, le vérificateur général s'est rendu compte que les décisions concernant l'admissibilité au programme de prestations d'invalidité, soit le programme dont se sert la grande majorité des membres des forces armées et des anciens combattants, ne sont pas prises en temps opportun.

À la lumière des graves préoccupations exprimées par le vérificateur général, le gouvernement reviendra-t-il sur sa décision de fermer neuf bureaux du ministère des Anciens Combattants au pays?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, j'ai déjà répondu à cette question plusieurs fois. Vous savez très bien que les services qui s'adressent aux anciens combattants sont toujours offerts dans les bureaux de communication et que, parmi les bureaux auxquels vous faites référence, certains se trouvent dans le même édifice que ceux de Service Canada.

[Traduction]

L'honorable Wilfred P. Moore : Mes questions s'adressent aussi au leader du gouvernement au Sénat et portent sur le même sujet.

Monsieur le leader, l'Alliance de la fonction publique du Canada demande au Conseil du Trésor d'imposer un moratoire sur les compressions ciblant les programmes et le budget d'Anciens Combattants Canada. L'Alliance de la fonction publique a présenté cette demande quand des représentants d'Anciens Combattants Canada lui ont fait savoir que les bureaux manquaient à ce point de personnel que les anciens combattants devaient attendre de six à huit mois avant de recevoir des services. C'est ce qu'a déclaré la présidente de l'alliance, Mme Robyn Benson. Elle a aussi dit ceci :

Nos membres au Ministère disent tous la même chose : le gouvernement Harper projette l'image du champion des vétérans toujours prêt à les aider. Cette image est loin de la réalité. Les employés n'ont plus les ressources pour répondre à leurs besoins.

Pourquoi y a-t-il un tel fossé entre les beaux discours du gouvernement et ce qui se passe réellement à Anciens Combattants Canada?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, je crois que vous devez reconnaître les actions concrètes qui sont menées par notre gouvernement. Vous devez reconnaître que les gestes posés et les investissements consentis en cette matière pour soutenir les anciens combattants représentent des sommes importantes. Les dépenses annuelles en faveur des anciens combattants sont passées de 2,7 milliards de dollars sous l'administration libérale à 3,5 milliards l'an dernier. Ce sont donc des sommes importantes.

Le vérificateur général reconnaît que le ministère a instauré d'importants mécanismes d'aide en santé pour les anciens combattants et que ces mécanismes répondent en temps opportun aux demandes des anciens combattants en matière de réadaptation.

Nous avons annoncé d'autres mesures. Je sais que vous n'aimez pas entendre les actions positives de notre gouvernement, mais, comme vous posez la question sous un autre angle, je mentionne de nouveau l'ouverture d'une grande clinique où seront traitées les blessures de stress opérationnel et où travailleront des experts et des professionnels de la santé de première ligne. De plus, la campagne de sensibilisation En route vers la préparation mentale sera élargie pour rejoindre davantage les membres des forces armées et leur famille.

Les dossiers médicaux des membres des forces armées seront numérisés, ce qui permettra d'en accélérer le transfert vers Anciens Combattants Canada. Nous mettrons aussi en œuvre un nouveau projet pilote, sur quatre ans, qui permettra d'élargir l'accès aux centres de ressources pour les familles des militaires à sept endroits au Canada, et ce, afin d'offrir des services aux membres des forces qui ont été libérés pour des raisons médicales, et à leur famille, jusqu'à deux ans après leur libération; 1 200 anciens combattants pourront se prévaloir de ces services. En outre, des travaux supplémentaires de recherche seront effectués pour trouver de meilleurs traitements, favoriser un rétablissement plus rapide et obtenir de meilleurs résultats auprès des anciens combattants et des membres atteints de troubles de santé mentale.

Sénateur Moore, je pourrais vous donner d'autres exemples, mais je pense que vous en avez suffisamment, ici, pour constater que notre gouvernement agit afin de soutenir les anciens combattants, et ce, dans une plus grande mesure que ne l'ont fait d'anciens amis et collègues libéraux avant notre gouvernement.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Le sénateur Moore : Je vous remercie pour ce traité sur la façon de ne pas joindre le geste à la parole. Vous savez, monsieur le leader, des promesses, des annonces disant que nous ferons ceci, nous ferons cela, ont été faites juste avant la publication du rapport du vérificateur général. Le ministre n'est pas ici pour les défendre.

Il faut tenir compte de ce qu'a dit Carl Gannon, président du Syndicat des employé(e)s des Anciens Combattants :

Des membres nous ont confié que des anciens combattants meurent avant de recevoir les services ou l'équipement dont ils ont besoin. Comme c'est triste!

Je crois qu'il est aussi intéressant de noter ce qu'a signalé l'Alliance de la fonction publique du Canada au sujet des employés qu'elle représente — soit les agents de service à la clientèle, qui sont habituellement les premiers intervenants à discuter avec les anciens combattants lorsqu'ils demandent des services. Écoutez bien ceci : selon l'Alliance de la fonction publique, chacun de ces agents de service à la clientèle gère, en moyenne, de 750 à 1 200 dossiers. Le sénateur Day a parlé des neuf bureaux qui ont été fermés : les agents qui y travaillaient ne sont plus là pour servir les anciens combattants. Vous avez promis qu'il y aurait des employés compétents sur place, que ceux-ci auraient une formation de plusieurs mois et qu'ils seraient capables de gérer la charge de travail. Pensez-vous qu'une charge de travail de 750 à 1 200 dossiers par agent permette d'offrir aux anciens combattants des services adéquats?

(1440)

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme je l'ai mentionné, les investissements que nous avons faits et les différents projets que nous avons annoncés récemment illustrent notre engagement à soutenir les anciens combattants, et plus particulièrement ceux qui souffrent de stress post-traumatique.

J'aimerais bien vous voir reconnaître de vive voix, sénateur, que notre gouvernement a dépensé 30 milliards de dollars pour offrir des prestations, des programmes et de l'appui aux vétérans, et qu'il s'agit de 5 milliards de plus que ce qu'a dépensé le gouvernement libéral précédent. Allez-vous l'admettre?

[Traduction]

Le sénateur Moore : Monsieur le leader, vous aurez beau nous lire des rapports financiers et nous parler de chiffres, il reste qu'une bonne partie de l'argent n'a pas été dépensé pour les anciens combattants ni pour les services en santé physique et mentale, les soins et l'équipement dont ils ont besoin. Le jeu des comparaisons n'a pas sa place ici.

Dans les journaux et à la télévision, on nous présente constamment les revendications des anciens combattants. Dans un article de journal paru hier ou aujourd'hui, on traite du nombre immense d'anciens combattants dont la demande a été rejetée ou mise en attente. Ils doivent attendre de six à huit mois après avoir représenté noblement le Canada à l'étranger, sur les champs de bataille ou dans des missions de maintien de la paix. C'est un affront de leur dire aujourd'hui : « Nous avons fait ceci et cela. » Si c'est le cas, pourquoi les anciens combattants se plaignent-ils? Pourquoi les agents ont-ils de 750 à 1 200 dossiers à traiter? C'est inadmissible.

Je veux d'abord vous lire quelque chose et ensuite vous poser une question. La veille de la bataille de la crête de Vimy — qui, selon certains historiens, représente le véritable début de l'indépendance du Canada —, le premier ministre Borden a déclaré ce qui suit aux troupes :

Vous pouvez vous lancer dans l'action en ayant l'assurance suivante, que je vous donne en qualité de chef du gouvernement : vous n'avez pas à craindre que le gouvernement et le pays omettent de reconnaître la valeur du service que vous êtes sur le point de rendre à la nation [...] Le gouvernement et le pays considéreront comme leur premier devoir de [...] prouver aux anciens combattants qu'ils apprécient à leur juste valeur les services inestimables rendus à la nation et à l'Empire et aucun homme, qu'il revienne des Flandres ou qu'il y reste, n'aura de raisons valables de reprocher au gouvernement d'avoir abandonné à leur sort les hommes qui ont remporté la victoire ou ceux qui ont perdu la vie.

Pourquoi le gouvernement manque-t-il à sa parole envers les anciens combattants du Canada?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, vous devriez reconnaître que notre gouvernement a multiplié les efforts pour donner aux vétérans et à leur famille l'appui dont ils ont besoin.

Dans le cadre de ses budgets, notre gouvernement a réservé 5 milliards de dollars en nouveaux fonds pour améliorer les prestations et les services offerts aux vétérans et à leur famille. Nous avons aussi simplifié les formalités administratives et amélioré la prestation de services aux anciens combattants. Malheureusement, à ce que je sache, vous avez toujours voté contre nos plans d'action économiques et nos budgets.

Nous avons présenté la Loi améliorant la Nouvelle Charte des anciens combattants, qui offre de nouvelles options de paiement et d'indemnités d'invalidité, et qui bonifie les prestations aux anciens combattants. Grâce à ces améliorations, les vétérans gravement blessés et malades reçoivent l'aide financière et le soutien dont ils ont besoin et qu'ils méritent largement.

De plus, nous avons élargi le Programme pour l'autonomie des anciens combattants et nommé un ombudsman pour les vétérans.

Le réseau conjoint d'Anciens Combattants Canada et du ministère de la Défense nationale compte maintenant 17 cliniques pour traiter les traumatismes de stress opérationnel.

Anciens Combattants finance aussi un projet pilote de deux ans et demi qui évaluera l'incidence de l'utilisation des chiens dans le cadre du soutien psychiatrique offert aux vétérans atteints d'un état de stress post-traumatique.

Nous avons déposé, à la Chambre des communes, la Loi sur l'embauche des anciens combattants, afin que davantage d'hommes et de femmes qui portent l'uniforme aient accès à des carrières intéressantes lorsque leur service militaire prend fin. Nous allons poursuivre notre partenariat avec des entreprises du secteur privé et des chefs d'entreprise dans le cadre du programme Embauchez un vétéran et du programme Du régiment au bâtiment.

Je l'ai dit, particulièrement en ce qui concerne les mesures liées au traitement du stress post-traumatique, des investissements et des projets importants ont été annoncés ces derniers jours, et nous allons continuer sur notre lancée.

Cela nous aiderait grandement si vous pouviez soutenir nos politiques, nos actions et nos investissements plutôt que de les critiquer. Nous vous invitons à voter en faveur de nos programmes, politiques et budgets pour aider les vétérans.

Des voix : Bravo!

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Je ne peux résister à l'envie de poser une question complémentaire. J'ai appris récemment, non seulement avec étonnement, mais également avec horreur que, à la suite de ces grands investissements consentis par votre gouvernement, le nombre de soldats qui se seraient suicidés après avoir participé à la guerre en Afghanistan est supérieur au nombre de ceux qui ont péri sur le champ de bataille. Pouvez-vous me confirmer cette donnée?

Le sénateur Carignan : Je n'ai pas de données statistiques avec moi à ce sujet présentement.

La sénatrice Hervieux-Payette : Je vous demande tout simplement de nous donner une réponse à cette question.

Je siège au Comité des finances nationales, et je serais prête à étudier ces sérieuses questions en ce qui concerne l'efficacité des mesures et des programmes que vous avez mis en place. C'est bien beau de voter sur des budgets et des programmes, mais, comme l'a dit le vérificateur général, qu'en est-il des résultats auxquels on doit s'attendre?

Je sais que la science est un domaine qui n'a pas nécessairement la priorité dans le programme du gouvernement, mais il me semble que l'évaluation des processus et des protocoles de traitement d'une maladie aussi grave serait fort appropriée. Nous n'avons pas besoin d'aller bien loin, vous savez comme moi que des gens très proches de nous ont souffert et souffrent encore de ce type de maladie.

Je vous demande de nous fournir un rapport précis sur le nombre de soldats qui, à la suite de la guerre en Afghanistan, se sont donné la mort par opposition à ceux qui ont péri sur les champs de bataille.

Le sénateur Carignan : Je pense que j'ai déjà répondu à cette question.

[Traduction]

La santé

La recherche sur la santé des femmes

L'honorable Maria Chaput : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Un centre d'échange de données pour la recherche sur la santé des femmes établi à Winnipeg a fermé ses portes le 14 novembre dernier, à la suite des réductions budgétaires dévastatrices du gouvernement fédéral. Le Réseau canadien pour la santé des femmes fait partie des nombreux groupes du domaine de la santé des femmes qui ont perdu pratiquement tout son financement de Santé Canada au début 2013.

Après avoir passé la dernière année à chercher d'autres ressources financières, le conseil d'administration du réseau a pris la décision de congédier les deux membres du personnel à temps partiel qu'il lui restait et de fermer son centre situé sur l'avenue Graham, à Winnipeg.

Le gouvernement fédéral dit continuer de dépenser des millions de dollars en recherche sur la santé des femmes par l'entremise des Instituts de recherche en santé du Canada.

Combien de projets sont financés par les Instituts de recherche en santé du Canada? Est-ce que certains de ces projets de recherche s'effectuent au niveau communautaire, par exemple, sur les femmes de Winnipeg? Les femmes du Manitoba? Pourriez-vous, je vous prie, obtenir la liste des projets de recherche financés en 2013-2014 par les Instituts de recherche en santé du Canada, en précisant la somme des fonds dépensés pour chacun?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Notre gouvernement est le principal donateur au chapitre de la recherche dans le domaine de la santé au Canada. Nous versons, à ce titre, près d'un milliard de dollars par année. Ces fonds appuient près de 13 000 chercheurs partout au pays qui travaillent dans le cadre de plus de 10 000 projets de recherche, y compris la recherche sur le cancer, le VIH et la démence.

(1450)

Nous continuons d'appuyer la recherche fondée sur des faits scientifiques. Depuis que nous avons formé le gouvernement, en 2006, nous avons investi plus d'un milliard de dollars dans la recherche sur le cancer. Jusqu'à maintenant, nous avons versé plus d'un milliard de dollars à Génome Canada pour soutenir la recherche de pointe dans plusieurs secteurs, y compris l'autisme. Nous avons investi plus de 860 millions de dollars en faveur de la recherche en neuroscience et, en ce qui concerne la santé des femmes de façon plus particulière, nous avons consacré plus de 327 millions de dollars à la recherche sur les sexes et la santé, notamment dans le cadre de projets qui ciblent l'amélioration de la santé des femmes.

La sénatrice Chaput : Cette recherche se fait-elle uniquement à l'échelle nationale ou existe-t-il encore, au Canada, des endroits où la recherche se poursuit auprès de groupes dans les communautés, surtout en ce qui concerne la santé des femmes?

Le sénateur Carignan : Sénatrice, je crois vous avoir dit qu'il y avait 13 000 chercheurs à travers le pays qui travaillaient dans le cadre de plus de 10 000 projets de recherche. Vous comprendrez que ces recherches se font dans l'ensemble du Canada. D'ailleurs, la semaine dernière, un groupe de l'Université de Montréal a assisté à un événement qui se tenait ici, sous la présidence du président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, le sénateur Ogilvie, où on nous a donné de bons exemples de recherches qui sont menées dans le milieu pharmaceutique à l'Université de Montréal.

Donc, ce sont des projets de recherche qui sont menés partout au pays.

Son Honneur le Président intérimaire : La période des questions est malheureusement terminée, sénatrice Chaput.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés
La Loi sur le mariage civil
Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Ataullahjan, appuyée par l'honorable sénatrice Beyak, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-7, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la Loi sur le mariage civil, le Code criminel et d'autres lois en conséquence.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi S-7, qui a pour titre « Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares ».

J'aimerais tout d'abord remercier la sénatrice Ataullahjan, marraine de ce projet de loi, qui nous en a présenté un résumé exhaustif. Je la remercie du travail qu'elle accomplit à titre de marraine de cette mesure. Je m'efforcerai de ne pas répéter ce qu'elle a déjà dit.

Comme vous le savez, le projet de loi S-7 vise à modifier la Loi sur l'immigration et la protection de réfugiés, la Loi sur le mariage civil, le Code criminel et d'autres lois en conséquence. Cette mesure se concentre sur quatre sujets : la polygamie, l'âge requis pour se marier, le mariage forcé et une définition modifiée du terme « provocation » aux fins du Code criminel.

Au chapitre de la polygamie, la partie 1 modifie la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés de sorte qu'un résident permanent ou un étranger soit interdit de territoire s'il pratique la polygamie au Canada.

La partie 2 modifie la Loi sur le mariage civil. On y indique que le mariage requiert le consentement libre et éclairé des deux personnes, et qu'on ne peut pas contracter un nouveau mariage avant que tout mariage antérieur ait été dissous ou frappé de nullité. Le projet de loi contient également une nouvelle exigence à propos de l'âge minimum : il faudra avoir au moins 16 ans pour se marier.

La partie 3 prévoit des modifications au Code criminel concernant les mariages forcés afin de clarifier que le fait, pour un célébrant, de célébrer sciemment un mariage en violation du droit fédéral constitue une infraction. De plus, il érige en infraction le fait de célébrer un rite ou une cérémonie de mariage, d'y aider ou d'y participer, sachant que l'une des personnes qui se marient le fait contre son gré ou n'a pas atteint l'âge de 16 ans.

En outre, le projet de loi définit ce qui constitue une provocation afin de limiter la défense de provocation aux situations où la victime a eu une conduite qui constituerait un acte criminel prévu au Code criminel passible d'un emprisonnement de cinq ans ou plus.

Honorables sénateurs, j'ai consulté la définition que notre dictionnaire fournit à propos de plusieurs mots qui ont été employés dans ce projet de loi. Selon le dictionnaire, l'adjectif « barbare » signifie « cruel et brutal », et le substantif « barbare » désigne « un membre d'un peuple sauvage ou non civilisé ». C'est un mot d'origine grecque qui signifie « étranger ». Le mot « culture » est défini ainsi : « la culture d'une société donnée, ses idées et ses coutumes ».

J'aimerais parler des divers aspects couverts par ce projet de loi.

Comme je l'ai déjà indiqué, le projet de loi propose d'apporter à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés des modifications concernant la polygamie. Je cite le paragraphe 41.1(1) de la loi :

Emportent interdiction de territoire pour pratique de la polygamie la pratique actuelle ou future de celle-ci avec une personne effectivement présente ou qui sera effectivement présente au Canada au même moment que le résident permanent ou l'étranger.

J'ai demandé à plusieurs personnes qui ont participé à la rédaction de ce projet de loi ce qu'on entendait par « pratique de la polygamie » et « pratique de la polygamie avec une personne qui sera présente au Canada ». On m'a répondu que cela s'applique à un homme ayant plus d'une épouse qui arrive au Canada en tant que visiteur ou résident permanent. S'il arrive seul au Canada, il ne sera pas considéré comme une personne qui pratique la polygamie, et il sera donc admis au Canada. Si son épouse le rejoint plus tard ou arrive en même temps que lui, elle sera considérée comme une personne qui pratique la polygamie et ils seront donc jugés inadmissibles.

Honorables sénateurs, il me semble troublant que, si un homme arrive seul, il ne pratique pas la polygamie, et nous l'admettons. Par contre, s'il arrive avec l'une de ses femmes, nous refusons de l'admettre.

L'objet véritable de ce projet de loi est de protéger les femmes, mais beaucoup d'épouses sont concernées. L'épouse que l'homme laisse dans son pays ne sera pas protégée. L'épouse qui vient avec lui ne sera pas protégée non plus. La définition retenue ne me plaît pas du tout, et je suis certaine que le comité aura beaucoup de questions à poser aux auteurs de ce projet de loi lorsque nous l'étudierons.

Mais l'élément qui me trouble le plus — et je ne vous cache pas ma colère — est l'exemple qui nous est donné à la page 3 des notes d'information qui nous ont été remises. Plus de 1 000 personnes vivent dans la communauté polygame de Bountiful, en Colombie-Britannique. Certaines femmes peuvent avoir été amenées là-bas, en provenance de l'étranger, pour être données en mariage à un résident du Canada.

Honorables sénateurs, tous les sénateurs de la Colombie-Britannique vous diront que nous ne sommes pas fiers de cette histoire dans notre province. Ces gens sont des Canadiens, et l'exemple qui nous est donné concerne des Canadiens. Pourtant, le projet de loi porte sur les résidents permanents ou les étrangers en visite au Canada. Il me semble que l'on sème la confusion quand on parle d'une « pratique barbare » et qu'on cite un cas où ce sont des Canadiens qui sont concernés alors qu'on traite d'étrangers ou de résidents permanents. Il faudrait savoir si la pratique est barbare simplement parce qu'on l'identifie à des gens qui arrivent d'ailleurs ou si elle est barbare aussi lorsqu'elle est adoptée par les gens de Bountiful.

Deuxièmement, le projet de loi traite de l'âge minimal pour pouvoir se marier, qui sera désormais de 16 ans. Personnellement, je me rends un peu partout dans le monde pour œuvrer avec les femmes, et nous avons beaucoup travaillé sur ce dossier partout sur la planète, quoique nous ayons concentré nos efforts récents sur le Pakistan. Ce pays a adopté une loi pour hausser l'âge minimal du mariage et le faire passer à 18 ans. Alors, pourquoi sommes-nous en train d'abaisser cette norme? Pourquoi voulons-nous que ce soit 16 ans seulement? Dans ma province, l'âge minimal est de 19 ans, alors pourquoi voulons-nous que ce soit plutôt 16 ans à l'échelle nationale? C'est un sujet que le comité devra vraiment étudier à fond.

(1500)

La troisième question est celle du mariage forcé. Lorsque le discours du Trône a été prononcé et lorsqu'on a parlé du fait que la question du mariage forcé serait abordée au Parlement, je dois dire que j'en ai été ravie parce que je crois sincèrement qu'il faut nommer un problème pour être en mesure d'y remédier. Je lutte contre ce problème depuis plus de 35 ans. J'ai voyagé partout dans le monde et j'ai discuté avec de jeunes filles de la question des mariages forcés. Je m'en voudrais aujourd'hui de ne pas remercier tous les hauts-commissaires et les ambassadeurs du Canada qui m'ont aidée et qui ont aidé d'autres intervenants à secourir des jeunes filles qui avaient été ramenées dans le pays d'origine de leurs parents. Ils ont fait un travail extraordinaire pour protéger nos filles, et je tiens à les en remercier publiquement aujourd'hui.

On ne peut pas oublier le visage d'une jeune fille qui nous arrête dans la rue et nous demande de l'aide parce qu'elle sait qu'elle sera ramenée dans le pays d'origine de ses parents. Cette fille peut avoir 14, 15 ou 16 ans. On l'emmène pour la marier de force. Jusqu'à présent, nous n'avons pas été en mesure de faire grand-chose, alors je suis contente que le ministre ait soulevé la question.

J'ai travaillé pendant des années avec des parlementaires du Royaume-Uni. Ils ont deux systèmes. Ils ont le système de justice civile et le système de justice pénale. L'enfant peut choisir à quel système de justice elle veut s'adresser. Les Britanniques sont allés encore plus loin. Ils distribuent des dépliants dans toutes les écoles, et ces dépliants disent aux jeunes filles que, si elles soupçonnent que leurs parents les emmènent en voyage et qu'elles n'en reviendront pas, elles peuvent communiquer avec le ministère britannique des Affaires étrangères pour signaler quand elles partiront, où elles iront et quand leur retour est prévu. J'ai discuté à plusieurs reprises avec des fonctionnaires du ministère britannique des Affaires étrangères, et ceux-ci m'ont dit que, si la fille ne revient pas, ils se rendent dans son village et la ramènent au Royaume-Uni.

Il faut parfois en arriver là. Pour cela, je dois féliciter notre gouvernement. Ce n'est hélas pas ce qu'il fait dans ce projet de loi-ci. Il demande plutôt à la jeune fille de s'adresser aux tribunaux pour obtenir une ordonnance si elle craint que ses parents ne l'enlèvent. Est-ce sérieux, honorables sénateurs? Comment une jeune fille de 14, 15 ou 16 ans peut-elle s'adresser aux tribunaux pour obtenir une ordonnance?

Je me suis occupée de dossiers d'enlèvement d'enfants toute ma vie, surtout au sein de la communauté sud-asiatique. À l'époque où j'étais une jeune avocate débordant d'énergie, il suffisait que j'entende les mots « enfant agressé » pour que je me précipite sur place, accompagnée des services sociaux, pour retirer l'enfant en question de sa famille. Mais j'ai fini par comprendre que ce n'est pas la bonne façon de faire, parce que, quand on retire un enfant de son milieu familial, non seulement on lui retire ses repères, mais on le prive à jamais de sa communauté. On détruit son identité.

Pensons-y, honorables sénateurs. Une jeune fille de 14, 15 ou 16 ans ira-t-elle vraiment dire aux tribunaux que ses parents vont l'enlever? Depuis des années, j'admire le travail qu'accomplit la South Asian Legal Clinic of Ontario. Elle est très active dans les dossiers de mariages forcés. Elle collabore de près avec notre ministère des Affaires étrangères et notre ministère de l'Immigration, et elle fait un boulot du tonnerre pour prévenir les mariages forcés. Permettez-moi, honorables sénateurs, de vous lire la déclaration que la clinique a publiée au sujet du projet de loi :

Le 5 novembre 2014, le gouvernement fédéral a présenté la Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares (projet de loi S-7), qui va modifier en profondeur la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la Loi sur le mariage civil et le Code criminel. Les arguments du gouvernement en faveur de ces changements ne s'appuient sur aucune donnée statistique ou recherche, ni sur le témoignage de spécialistes. Les annonces et le texte du projet de loi perpétuent les mythes entourant la polygamie et les mariages forcés, en plus de faire croire aux Canadiens que la violence faite aux femmes est un problème « culturel » propre à certaines communautés. À notre avis, l'entrée en vigueur de cette loi raciste va marginaliser encore plus les victimes et les survivantes de mariages forcés. Nous estimons que les mots durs employés dans le texte du projet de loi cherchent à alarmer la population et risquent de nuire aux membres des communautés auxquels il est censé venir en aide en les marginalisant davantage. Nous sommes convaincus que la criminalisation des mariages forcés et les modifications radicales qui se trouvent dans le projet de loi S-7 NE constituent PAS des solutions intéressantes pour le Canada. Nous savons de plus, par expérience, que la criminalisation risque de devenir un outil pour cibler davantage les membres de ces communautés et les soumettre à une surveillance policière indue. Même si nous convenons que la prévention a sa place dans la discussion sur les mariages forcés au Canada, nous croyons que l'éducation demeure la voie à privilégier dans ce débat. Nous recommandons donc de bien informer et de sensibiliser les intervenants des forces de l'ordre et des secteurs de l'immigration, de la santé et de l'éducation.

Dans toutes les cultures, des femmes sont victimes de violence. C'est une question d'abus de pouvoir qui engendre une iniquité et qui influe sur toutes les relations, d'une génération à l'autre. Dans toutes les cultures du monde, les femmes ont des moyens d'unir leurs forces pour mettre un terme à la violence. La violence n'est pas l'expression d'une culture, mais plutôt une rupture avec celle-ci. La culture n'est pas un obstacle aux droits des femmes, mais bien un contexte permettant de façonner les relations et les moyens d'action.

Nous redoutons toujours que les changements législatifs proposés érigent des obstacles qui empêcheront les victimes et les survivantes d'une communauté donnée d'obtenir une protection et d'accéder à des ressources. Les dispositions qui interdiront les non-Canadiens de territoire strictement en fonction de leur régime matrimonial réel ou perçu, sans compter les mesures de détention préventive et de surveillance ou encore la criminalisation de la famille et de la communauté des survivantes, auront des conséquences néfastes sur l'accès de ces dernières aux tribunaux et compromettront leur sécurité. Au pire, le projet de loi S-7 révèle les motivations racistes du gouvernement à l'égard de communautés données; au mieux, il incarne l'intérêt de façade que porte le gouvernement au dossier de la violence faite aux femmes et son incompréhension totale de la question de la violence sexiste.

Honorables sénateurs, ces paroles ne sont pas les miennes, mais bien celles de femmes qui travaillent auprès des adolescentes qu'on éloigne de force. Ces travailleuses de première ligne m'affirment que le projet de loi fera plus de mal que de bien à ces jeunes filles.

Le quatrième point dont traite le projet de loi, c'est la provocation. Honorables sénateurs, j'avoue ne pas du tout comprendre pourquoi le gouvernement inclut la provocation dans un « projet de loi sur les pratiques culturelles barbares ». Pourquoi vouloir redéfinir ce terme, qui constitue pourtant une notion importante en droit criminel, par l'intermédiaire d'un projet de loi sur les pratiques culturelles barbares? Je ne vois pas du tout où il veut en venir.

Je ne pratique plus beaucoup le droit, alors j'ai consulté les experts. Michael Spratt, collaborateur d'iPolitics, a écrit ceci :

[...] cette fois, en dissimulant des modifications à la notion de provocation, un principe historique du droit pénal — derrière l'apparence du problème inexistant des immigrants barbares.

Le terme « barbare » nuit à la nature multiculturelle de notre société. La triste réalité, c'est que tout ceci est inutile. Nous pourrions avoir un débat productif sur ce que nous, en tant que société, pourrions faire pour aider les immigrants et les victimes, et renforcer nos relations. Or, il nous est impossible d'avoir un débat positif lorsqu'on nous force à prendre du temps pour débattre de changements inutiles à des principes historiques du droit pénal.

(1510)

Le ministre de l'Immigration, M. Alexander, a déclaré que les changements aux règles régissant la disposition du Code criminel relative à la provocation sont nécessaires pour mettre un terme aux meurtres d'honneur. Comme l'a fait remarquer Michael Spratt, criminaliste d'Ottawa et chroniqueur d'iPolitics, la provocation ne s'applique pas aux meurtres d'honneur. Elle ne s'y est jamais appliquée, et elle ne s'y appliquera jamais :

L'article 232 du Code criminel prévoit la provocation comme motif de défense, réduisant l'accusation de meurtre à celle d'homicide involontaire coupable lorsque l'accusé a agi « dans un accès de colère » causé par une provocation soudaine.

Une provocation signifie une action injuste ou une insulte de telle nature qu'elle suffise à priver une personne ordinaire du pouvoir de se maîtriser et l'amène à agir « impulsivement » avant de prendre le temps de retrouver son sang-froid.

Honorables sénateurs, il précise ensuite que les meurtres d'honneur ne répondent à aucun de ces critères.

La provocation repose sur le critère de la personne ordinaire. Il s'agit du Canadien ordinaire. Je pense que nous pouvons tous nous entendre sur le fait que le Canadien ordinaire trouve que les meurtres à motif religieux sont répugnants.

La Cour suprême du Canada l'a clairement indiqué dans sa décision dans l'affaire Tran. Dans le contexte de la provocation, la notion de personne raisonnable ou de personne ordinaire est circonscrite en fonction des normes de comportement actuelles, y compris les valeurs fondamentales comme la recherche de l'égalité. Lorsque l'accusé a fait l'objet d'une remarque raciste, il convient d'attribuer à la personne raisonnable la caractéristique de l'appartenance à la race visée alors que lorsqu'il a fait l'objet d'avances homosexuelles, il n'est pas opportun d'attribuer à la personne ordinaire celle de l'homophobie. Il en va de même pour la violence fondée sur l'honneur. Dans l'arrêt Tran, la Cour suprême du Canada a maintenu la déclaration de culpabilité de meurtre de l'appelant dans une affaire où l'accusé affirmait avoir été provoqué en voyant son ex-épouse au lit avec un autre homme. L'accusé s'était introduit chez son ex-épouse sans y être attendu et sans avoir été invité, et il l'a vue avec un autre homme. L'accusé, devenu enragé, a pris deux couteaux dans la cuisine et les a attaqués. Pendant un laps de temps assez long, l'accusé a assené des coups de couteau à son épouse et tué l'homme après l'avoir poignardé à 17 reprises. Puis, il s'est infligé une coupure avant de mettre le couteau dans la main du défunt. Le juge de première instance a acquitté l'accusé de meurtre et l'a reconnu coupable d'homicide involontaire coupable, étant donné que la conduite de l'accusé avait été provoquée par la vue de sa femme ayant des rapports sexuels avec un autre homme, ce qu'il considérait comme une insulte.

Pour que la défense soit soumise au jury, il faut que les preuves soient vraisemblables. Toutefois, le fait que l'accusé ait cherché l'affrontement et qu'il ait obtenu ce qu'il voulait pourrait priver la défense de son caractère vraisemblable.

La provocation n'est pas un facteur vraisemblable dans le contexte des meurtres pour des motifs religieux. Il y a d'autres limites au fait d'invoquer la provocation :

D'un point de vue juridique, nul ne peut considérer avoir été provoqué par une personne pour quelque chose que celle-ci a légalement le droit de faire, ou pour quelque chose que l'accusé l'a incitée à faire.

Il y a surtout cette autre limite :

Il ne s'agit pas d'une défense complète. Invoquer la provocation, c'est s'accuser d'homicide involontaire coupable et accepter la punition correspondante (qui peut aller jusqu'à une peine d'emprisonnement à perpétuité).

Dans le Toronto Star, le ministre Alexander a parlé du cas de Mohammad Shafia pour justifier les changements annoncés. Je sais que vous connaissez tous l'affaire Shafia, c'est-à-dire le cas de l'immigrant d'origine afghane qui a tué trois de ses filles et sa première femme pour des motifs religieux. C'était ce qu'on appelle un « crime d'honneur ». Cela me rend complètement furieuse qu'un ministre nous induise en erreur. Dans l'affaire Shafia, les accusés ont déclaré qu'ils n'étaient même pas près de l'endroit où se sont produits les meurtres. Ils n'ont même pas invoqué la provocation. Comment le ministre peut-il parler de provocation dans cette affaire alors que les accusés n'ont même pas invoqué ce motif? Les accusés ont déclaré qu'ils n'étaient même pas près de l'endroit où les choses se sont produites et qu'ils n'avaient pas commis le meurtre. Ils n'ont même jamais admis leur culpabilité. Ils n'ont donc pas pu invoquer la provocation. Comment un ministre peut-il évoquer cette affaire dans ce dossier-ci? Bien franchement, honorables sénateurs, cela m'inquiète énormément.

En 2006, la Cour d'appel de l'Ontario, dans l'arrêt R. c. Humaid, a confirmé une condamnation pour meurtre au premier degré et elle a dénoncé les meurtres d'honneur. Je cite un extrait de la décision :

Même s'il faudrait tenir compte des croyances culturelles et religieuses de l'accusé qui sont tout à fait opposées aux valeurs canadiennes fondamentales, notamment l'égalité entre les hommes et les femmes, dans l'examen du critère de la « personne ordinaire » lorsqu'on se penche sur la défense de provocation [...]

[...] Si un accusé invoque des croyances culturelles et religieuses semblables à celles décrites par M. Ayoub pour étayer la défense de provocation, le juge de première instance doit soigneusement expliquer au jury la différence entre un meurtre commis par une personne qui a été incapable de se maîtriser et un meurtre commis par une personne dont les croyances culturelles et religieuses l'ont menée à croire que le meurtre était justifié compte tenu de l'inconduite imputée à la victime. Seul le premier cas de figure donne ouverture à la défense de provocation. Le second fournit plutôt le mobile du crime.

C'est la Cour d'appel de l'Ontario qui dit ceci. Je continue :

[...] à mon avis [...] les croyances alléguées qui aggraveraient l'insulte sont fondées sur la notion que les femmes sont inférieures aux hommes et qu'il est parfois acceptable, voire encouragé, de commettre des actes de violence contre des femmes. Ces croyances sont tout à fait opposées aux valeurs canadiennes fondamentales, y compris l'égalité entre les sexes. On peut soutenir que, en droit criminel, on ne peut imputer à la « personne ordinaire » des croyances qui sont irréconciliables avec les valeurs canadiennes fondamentales. En droit criminel, il est tout simplement inacceptable que des croyances contraires à ces valeurs fondamentales constituent d'une façon ou d'une autre le fondement d'un moyen de défense partiel contre une accusation de meurtre.

Honorables sénateurs, les tribunaux canadiens ont déjà déclaré que les meurtres d'honneur ne peuvent être invoqués comme moyen de défense. La défense de provocation ne s'applique pas pour les meurtres d'honneur, et ce ne fut jamais le cas. Les facteurs culturels sont d'ordinaire considérés comme un mobile plutôt que comme un moyen de défense. Les tribunaux ont même autorisé la Couronne à faire témoigner des experts au sujet des meurtres d'honneur afin d'établir le mobile. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé dans l'affaire Shafia, dont je vous ai parlé plus tôt.

La cour ajoute ce qui suit :

Dans un procès comme celui-ci, où des membres d'une famille sont accusés d'avoir tué les leurs, y compris trois enfants, l'existence ou l'absence d'un motif joue un rôle très important. La Couronne a fourni des preuves que les personnes décédées avaient violé le code d'honneur de cette famille. Tout bien considéré, le témoignage de Mme Mojab sur les meurtres d'honneur est beaucoup plus probant que préjudiciable. La preuve est jugée admissible.

Honorables sénateurs, nous nous souvenons tous également de l'affaire Sadiqi. La Cour d'appel de l'Ontario a confirmé la décision rendue par un tribunal d'Ottawa dans cette affaire. En 2009, Sadiqi, un résidant d'Ottawa, a invoqué la provocation pour justifier son meurtre d'honneur. Il a été reconnu coupable de meurtre au premier degré, comme toutes les autres personnes accusées d'avoir commis des meurtres d'honneur.

Pourquoi voudrions-nous maintenant limiter la défense de provocation? Il n'y a aucune preuve que cette défense est mal appliquée.

Pourquoi la provocation est-elle un principe important de notre système de justice? C'est parce qu'il s'agit d'un moyen de défense qui tient compte des circonstances atténuantes. Autrement dit :

[...] cette défense permet de faire une concession à la faiblesse humaine et de reconnaître qu'une perte complète de la maîtrise de soi peut être une circonstance atténuante d'un meurtre, même s'il est intentionnel, et qu'un meurtre commis dans de telles circonstances est donc moins odieux qu'un meurtre intentionnel commis par une personne en pleine possession de ses moyens.

Nous pouvons penser à bien des actes répréhensibles qui pourraient pousser une personne qui respecte habituellement les lois à perdre la maîtrise de soi. Prenons l'exemple d'un père dont la fille a été victime d'un crime. Imaginez que l'homme qui a attaqué sa fille décide de l'insulter, de se moquer de lui, de cracher sur lui et peut-être même de l'attaquer, et que le père éploré tue l'agresseur de sa fille. La défense de provocation tiendrait compte des circonstances atténuantes.

(1520)

Le projet de loi S-7 tend à modifier ce principe reconnu depuis toujours et limite gravement l'application de la défense de provocation en remplaçant la nécessité d'une action injuste ou d'une insulte par une conduite de la victime qui constituerait un acte criminel en vertu de la loi et serait passible d'un emprisonnement de cinq ans ou plus. Ainsi, les voies de fait criminelles ne sont plus considérées comme de la provocation, même lorsqu'elles sont combinées à des insultes grossières ou racistes. En vertu du projet de loi S-7, une femme qui s'emporte contre son mari qui la maltraite pourrait ne pas pouvoir invoquer la provocation. Les modifications à la notion de provocation proposées dans le projet de loi S-7 ne tiennent pas compte de ce genre de situation.

Ce que je crains surtout, c'est que, en proposant des modifications importantes et inutiles au Code criminel dans un projet de loi sur l'immigration, puis en se justifiant par un discours sur les pratiques culturelles barbares, le projet de loi S-7 ne rende un bien mauvais service à notre culture, à notre processus démocratique et à notre grand pays. Les modifications importantes à notre droit criminel doivent être transparentes et apportées en toute honnêteté. Il doit y avoir un débat ouvert basé sur des faits. C'est ce qui nous distingue des cultures barbares.

Honorables sénateurs, je suis vraiment troublée qu'une interprétation aussi importante du Code criminel soit introduite dans le projet de loi sur les pratiques barbares. Analysons ce projet de loi, qui porte sur quatre grands problèmes.

Le premier est la polygamie, pratiquée dans plusieurs pays. Je suis très heureuse et fière, comme Canadienne, de pouvoir dire : « Dieu merci, cela ne fait pas partie de nos valeurs. » Je suis d'accord pour que nous disions que nous n'en voulons pas ici. Cependant, depuis des années, nous essayons en vain de mettre un terme à cette pratique dans ma province. Des Canadiens pratiquent la polygamie. Sommes-nous barbares pour autant? Des Canadiens dans ma province pratiquent la polygamie; pourtant, nous qualifions les étrangers de barbares.

Honorables sénateurs, je suis très inquiète de ce à quoi ces paroles pourraient nous mener. Nous ne vivons pas isolés du monde. Nous faisons partie de ce monde. Le fait de qualifier des gens de « barbares » nous amène sur une route bien dangereuse.

Deuxièmement, ce projet de loi aborde l'âge minimal national pour le mariage. Quel est le rapport entre l'âge minimal national pour le mariage et un projet de loi sur les pratiques barbares? C'est l'âge national que nous avons établi. Pourquoi l'inclure dans le projet de loi? Qu'est-ce que cela a à voir avec le projet de loi?

Troisièmement, le projet de loi traite des mariages forcés. On peut dire que cela est barbare, mais cette pratique est imposée à nos jeunes filles et nous sommes barbares parce que nous ne les protégeons pas. Sommes-nous des barbares parce que nous ne trouvons pas de moyens de protéger ces jeunes filles? Nos jeunes filles canadiennes se font enlever. Comment pouvons-nous dire que cela est « barbare »? Pour régler le problème, il faut créer un climat propice à la recherche d'une solution.

Si j'étais la fille d'une personne qui prévoit m'emmener dans un pays où on me forcera à me marier, est-ce que je dénoncerais mon père, ma mère et mes frères à la police aux termes d'une loi sur les pratiques barbares? Est-ce que je qualifierais mes parents de barbares? Je voudrais qu'ils arrêtent parce que je ne voudrais pas qu'ils me forcent à me marier, mais je n'irais pas dire à la police que mon père est un barbare. Cela n'arrivera pas.

Honorables sénateurs, j'ai parlé de la South Asian Legal Clinic of Ontario. C'est l'organisme qui a la plus grande expérience de ce dossier. Avec l'aide du gouvernement, il a rédigé un rapport sur des cas de mariages forcés en Ontario. Cet organisme, qui connaît le mieux cette réalité, recommande fortement d'éviter de faire du mariage forcé une infraction distincte aux termes du Code criminel. Voici ce qu'il a dit à ce sujet :

La criminalisation du mariage forcé dresse des obstacles entre les victimes et la justice à laquelle elles ont besoin d'avoir accès.

L'organisme dit aussi que ces victimes ont besoin d'aide, que leur famille et elles ont besoin d'être éduquées, et que la criminalisation des familles n'est pas la solution. Ces jeunes filles ont besoin d'aide, pas d'être séparées de leurs parents.

Plus tôt, j'ai parlé du dernier aspect dont il est question dans cette mesure législative, en l'occurrence la provocation. Qu'est-ce que cela a à voir avec le projet de loi sur les pratiques barbares? C'est un enjeu qui a plutôt sa place dans le Code criminel. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi il figure dans ce projet de loi. Michael Spratt, un éminent avocat criminaliste d'Ottawa, qui témoigne souvent devant le Comité sénatorial des affaires juridiques, est un témoin fort crédible. Il a déclaré que cet aspect n'avait pas sa place dans ce projet de loi.

Honorables sénateurs, pour ce qui est des meurtres d'honneur, j'ai passé des heures à faire des recherches pendant la brève période dont je disposais pour préparer ce discours. Je mets le personnel du ministère de la Justice au défi de trouver un cas où les tribunaux ont accepté le meurtre d'honneur comme motif de défense. J'ai trouvé trois cas et, dans les trois cas, les tribunaux n'ont pas reconnu le meurtre d'honneur comme défense de provocation.

Honorables sénateurs, parfois, lorsque je prends la parole dans cette enceinte, je me demande pourquoi je le fais. Je me dis : « À quoi bon? Est-ce que quelqu'un porte attention à mes propos? » Aujourd'hui, je dois dire que le terme « barbare » a été pour moi un coup de massue. Lorsque j'ai discuté avec des gens dans la collectivité au cours de la fin de semaine, j'ai constaté qu'ils étaient vraiment outrés que le gouvernement emploie le terme « barbare ».

Honorables sénateurs, j'ai grandi dans une colonie. Lorsque nous allions à l'école, les maîtres coloniaux nous traitaient de barbares. On nous appelait les barbares. Lorsque nous sommes devenus indépendants, tout à coup, nous avons constaté que nous étions des personnes, et non des barbares. Lorsque je suis arrivée au Canada, j'ai appris que les Premières Nations se faisaient elles aussi traiter souvent de barbares.

Honorables sénateurs, le moment est-il venu de réintroduire le terme « barbare » dans nos documents? Je vous demande humblement...

Une voix : Oh, oh!

La sénatrice Jaffer : Vous aurez l'occasion de prendre la parole plus tard. Laissez-moi terminer.

L'honorable Leo Housakos (Son Honneur le Président suppléant) : À l'ordre. Pourriez-vous avoir la politesse d'écouter vos collègues lorsqu'ils prennent la parole?

La sénatrice Jaffer : J'ai été élevée par un politicien très brillant, mon père, qui m'a dit qu'il y a deux types de politiciens : ceux qui détruisent les collectivités et ceux qui les construisent. Il m'a toujours dit d'aspirer à devenir comme les politiciens qui bâtissent les collectivités en favorisant le multiculturalisme et la diversité et en veillant à ce que règne l'harmonie.

Honorables sénateurs, nous sommes des sénateurs. Nous n'avons pas besoin de nous faire élire. Je crois que nous sommes ici pour protéger nos intérêts nationaux ainsi que les minorités dans nos collectivités.

Je suis vraiment troublée que ce projet de loi barbare ait été présenté au Sénat. Je crois que notre Chambre est celle qui crée l'harmonie dans la société. Il nous incombe de raccommoder les fissures. C'est notre rôle. Nous ne sommes pas ici pour faire des coups bas et diviser les collectivités, mais pour faire régner l'harmonie.

Le Canada est le plus beau pays au monde et nous tous, ici, devons continuer de travailler à faire de notre pays le plus beau au monde. Je demande que, au cours des prochaines semaines, nous envisagions de modifier le titre de ce projet de loi. Nous n'avons pas à considérer nos concitoyens comme des barbares. Ils sont, tout comme vous et moi, de fiers Canadiens.

(1530)

Il se trouve que, aujourd'hui, alors que je préparais mon discours sur le projet de loi S-7, un homme, Abdur Rahim, m'a remis son ouvrage, qui s'intitule Canadian Immigration and South Asian Immigrants. Il a rédigé un long poème sur le Canada dont je vous ferai la lecture complète un autre jour. Toutefois, en terminant mon intervention, j'aimerais citer le dernier paragraphe du poème, qui précise ce que cet immigrant pense du Canada :

Pendant 30 ans, j'ai sillonné notre planète
Et, parmi tous les pays, j'ai choisi le Canada.
Je le chéris et suis imprégné de ses beautés.
Ses atouts me séduisent, de même que le pouvoir du don,
Le pouvoir de la tolérance, le pouvoir de la compréhension,
Le pouvoir des relations harmonieuses qui le caractérisent.
Chaque jour de ma vie ici, je récolteLe fruit doré de ses trésors, petit à petit,
Les perles de ses profondeurs marines, les diamants de ses mines,
De ses habitants je retiens l'amitié, le refuge sûr, le don précieux de la vie.
L'amour le plus profond grandit au fond de mon cœur
Et je le dis haut et fort : Canada, tu es magnifique.
Je fais partie de la mosaïque canadienne — la diversité où
Malgré nos différences, nous vivons, pensons et travaillons ensemble.
D'origine sud-asiatique, né au Bengladesh, je suis fier d'être Canadien.

Honorables sénateurs, j'ai beaucoup voyagé et je puis vous dire qu'un des plus grands plaisirs que j'ai — et que, en fait, vous avez tous —, c'est de vivre dans une société diversifiée. Nous vivons dans une société multiculturelle, où nous nous respectons les uns les autres et où nous sommes sensibles à la douleur des autres. Lorsque le mot « barbare » est prononcé, nous nous sentons insultés. Pourquoi utiliser un tel mot, qui ne fera que diviser notre société?

Voici ce que j'affirme devant vous aujourd'hui : disséminons nos sociétés. Favorisons l'harmonie. Voilà notre rôle en tant que sénateurs canadiens.

L'honorable Lillian Eva Dyck : La sénatrice accepte-t-elle de répondre à quelques questions? Merci.

J'ai beaucoup aimé votre discours, je l'ai écouté très attentivement.

La première fois que j'ai entendu parler de ce projet de loi, j'ai d'abord été très étonnée d'apprendre qu'on pratiquait la polygamie à Bountiful. Je me suis d'abord demandé ce qui allait se passer dans cette collectivité, et si les Canadiens allaient avoir la possibilité de pratiquer la polygamie sur le territoire canadien. Je me suis aussi demandé si nous appliquions, à Bountiful, une norme différente de celle que nous imposons aux personnes qui veulent habiter au Canada. Là est la question.

Les habitants de Bountiful pourront-ils continuer d'être polygames, ou est-ce que le projet de loi comporte des changements qui rendront cette pratique illégale ou illicite?

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie beaucoup de votre question, madame la sénatrice.

Pour être honnête, le gouvernement de la Colombie-Britannique et plusieurs personnes du monde judiciaire ont tenté, depuis des années, de régler la question de Bountiful, en vain. Il y a des personnes polygames à Bountiful. Ce projet de loi n'aura pas de répercussions sur ces personnes, puisqu'il ne concerne que les étrangers.

La sénatrice Dyck : C'est bien ce que je pensais. Alors, en réalité, nous imposons aux personnes qui immigrent au pays des normes différentes de celles que nous imposons aux personnes qui habitent au Canada.

Au sujet des éléments du projet de loi relatifs à la défense de provocation, je crois que vous avez dit que les gestes racistes ou vulgaires qui peuvent pousser une personne à commettre un crime ne constitueront plus une défense valable.

J'ai encore une fois l'impression qu'il y a deux poids, deux mesures. Parfois, des personnes qui viennent d'un autre pays et qui ont une apparence différente ou un accent qui se démarque se font harceler pour ces raisons. J'en conclus qu'elles ne pourront plus invoquer ces arguments pour se défendre.

Comment protégeons-nous les Canadiens ou les minorités qui n'ont peut-être pas la même apparence physique que les personnes au teint plus clair? Selon moi, cela leur retire un argument de défense.

Je songe en particulier aux Autochtones. Dans bien des cas, les voies de fait criminelles perpétrées font suite à la profération d'insultes racistes à l'égard d'un Autochtone jusqu'à ce que la tension monte et que l'on provoque la personne, laquelle commet alors des actes qu'elle souhaiterait ne jamais avoir commis. Cet argument de défense ne sera donc plus à leur disposition.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie de votre question.

D'après ce que je comprends du projet de loi et des recherches considérables que j'ai effectuées sur le sujet durant le peu de temps dont je disposais, cet argument de défense n'existera plus. On ne pourra pas plaider l'insulte raciale. Le projet de loi dit ceci :

Une conduite de la victime, qui constituerait un acte criminel prévu à la présente loi passible d'un emprisonnement de cinq ans ou plus, de telle nature qu'elle suffise à priver une personne ordinaire du pouvoir de se maîtriser est une provocation pour l'application du présent article [...].

J'ai examiné ce à quoi pourrait s'appliquer cette disposition. Il pourrait s'agir d'une fraude à votre endroit, de criminalité en col blanc. Voilà ce que couvrirait cette disposition.

Ce ne sera plus la définition que nous connaissions. Les insultes raciales n'en feraient plus partie. Si une femme, battue depuis longtemps, est provoquée, cela ne serait pas couvert non plus. Toute la jurisprudence que nous avons assemblée sur la question disparaîtra.

La sénatrice Dyck : J'ai également écouté attentivement vos observations à l'égard de l'emploi du mot « barbare », que je trouve également offensant.

Je sais que, il y a plusieurs années, les membres des Premières Nations étaient considérés comme des barbares et des sauvages, et que leurs pratiques culturelles ont été rendues illégales. De telles situations sont préoccupantes. Vous pourrez intervenir plus tard, honorable collègue. Vous vous comportez comme un mauvais professeur, en ce moment.

Cet aspect me trouble. Je crois que, à titre de sénateurs, nous avons le devoir de représenter les minorités; nous avons le devoir de mener le pays vers la vision que nous en avons, celle d'un pays accueillant envers tous. Je crois que, lorsqu'on emploie un terme comme « barbare » — vous l'avez souligné clairement, et j'aimerais que vous le répétiez —, on ne fait pas du Canada un pays où les gens qui viennent d'ailleurs et ont des valeurs culturelles différentes des nôtres sont considérés autrement que comme des barbares.

Pourriez-vous réitérer ce que vous avez déjà dit à ce sujet?

La sénatrice Jaffer : Pour bien illustrer ce point, j'aimerais souligner que je vis au Canada depuis plus de 40 ans et que ma fierté d'être Canadienne vient en grande partie du sentiment d'inclusion que je ressens. Je me sens chez moi au Canada.

Lorsqu'on commence à créer une opposition entre « eux » et « nous », lorsqu'on traite des gens qui vivent à nos côtés de barbares, on sème la division dans notre pays. Cela ne fait pas partie des valeurs canadiennes. Nos valeurs sont plutôt axées sur la diversité, le multiculturalisme et l'inclusion. Cette séparation affaiblira le tissu social du pays. Elle n'a rien de canadien.

L'honorable Nicole Eaton : Sénatrice Jaffer, comme vous êtes avocate, vous êtes bien placée pour me renseigner. Vous avez aussi beaucoup plus d'expérience que moi en matière de droits de la personne. La polygamie n'est-elle pas un crime au Canada? N'en est-il pas question dans le Code criminel?

La sénatrice Jaffer : C'est un crime au Canada, en effet, mais il y a tout de même des cas comme celui de Bountiful. Je ne soutiens pas qu'il faudrait accepter les gens qui pratiquent la polygamie. Ce n'est pas ce que je veux dire.

Ce que je dis, c'est que le projet de loi ne règle pas la question. Laissez-moi terminer. Bien que la polygamie soit un crime au Canada, des milliers de gens la pratiquent depuis des années dans ma province, sans qu'on puisse y faire quoi que ce soit.

Son Honneur le Président suppléant : Sénatrice Jaffer, votre temps de parole est écoulé. Voulez-vous demander cinq minutes de plus? Est-on disposé à accorder cinq minutes de plus?

Le sénateur Tkachuk : Non.

Des voix : Oui.

La sénatrice Fraser : Le sénateur Tkachuk a refusé son consentement.

Son Honneur le Président suppléant : Sénateur Tkachuk, vous n'accordez pas votre consentement? Vous avez dit non?

Le sénateur Tkachuk : C'est exact.

Son Honneur le Président suppléant : Le consentement n'a pas été accordé.

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

La sénatrice Martin : Le vote!

Des voix : Non.

Son Honneur le Président suppléant : Le vote!

(1540)

La sénatrice Cools : Des sénateurs viennent de dire qu'ils ne sont pas prêts à se prononcer.

J'aimerais intervenir dans ce débat. Je propose l'ajournement.

Son Honneur le Président suppléant : L'honorable sénatrice Cools propose, avec l'appui de l'honorable sénatrice McCoy, que la suite du débat sur la motion soit ajournée à la prochaine séance.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président suppléant : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président suppléant : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président suppléant : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président suppléant : Madame et monsieur les whips, y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Munson : Trente minutes.

Son Honneur le Président suppléant : Donc, pour 16 h 10.

L'honorable Wilfred P. Moore : Je ne suis pas d'accord avec cette durée.

Son Honneur le Président suppléant : C'est celle dont ont convenu les deux whips.

Le sénateur Moore : Non, il faut le consentement unanime.

Son Honneur le Président suppléant : La sonnerie retentira donc pendant une heure.

Le sénateur Moore : Une sonnerie d'une heure.

Son Honneur le Président suppléant : Puisqu'il n'y a pas consentement, la sonnerie retentira pendant une heure, c'est-à-dire jusqu'à 16 h 40.

(1640)

La motion, mise aux voix, est rejetée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Baker Joyal
Campbell Lovelace Nicholas
Chaput McCoy
Cools Merchant
Cordy Moore
Cowan Munson
Dawson Ringuette
Day Rivest
Downe Robichaud
Dyck Sibbeston
Eggleton Smith (Cobourg)
Fraser Tardif
Hervieux-Payette Watt—27
Jaffer

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk McInnis
Ataullahjan Meredith
Batters Mockler
Bellemare Nancy Ruth
Beyak Neufeld
Black Ngo
Boisvenu Ogilvie
Carignan Oh
Dagenais Patterson
Doyle Plett
Eaton Poirier
Enverga Raine
Fortin-Duplessis Rivard
Frum Runciman
Gerstein Seidman
Greene Seth
Housakos Smith (Saurel)
Lang Stewart Olsen
LeBreton Tannas
MacDonald Tkachuk
Manning Wallace
Marshall Wells
Martin White—46

ABSTENTIONS

LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui davantage pour parler du processus que du fond du projet de loi S-7. Je veux dire aux sénateurs que j'ai toujours compris que l'interruption abrupte et brutale d'un débat est une mauvaise pratique parlementaire qui va complètement à l'encontre des convenances parlementaires. Un tel comportement est aussi malveillant et inutile. Je crois qu'il est très regrettable que le sénateur Tkachuk ait refusé d'accorder cinq minutes supplémentaires à la sénatrice Jaffer pour qu'elle réponde aux sénateurs qui voulaient lui poser des questions. Je pense que c'est vraiment déplorable.

Des voix : C'est une honte!

La sénatrice Cools : Si le sénateur Tkachuk ou un autre sénateur souhaite prendre la parole, je serais heureuse de céder mon tour, puis de le reprendre lorsque ces personnes auront fini de parler.

Honorables sénateurs, je tiens à souligner que, à première vue, ce projet de loi, que je n'ai pas pu étudier en une heure, semble complexe. Voici son titre intégral : Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la Loi sur le mariage civil, le Code criminel et d'autres lois en conséquence.

L'article 1 nous donne le titre abrégé de la loi, soit :

Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares.

Honorables sénateurs, mettre fin aussi abruptement à une intervention, malgré la demande très polie présentée par la sénatrice qui avait la parole...

Une voix : Oh, oh.

La sénatrice Cools : Je peux parler pendant encore très longtemps si c'est vraiment ce que vous voulez, sénateur Tkachuk. Je crois que vous en avez dit assez; il serait plus sage de vous taire.

(1650)

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, s'il vous plaît. À l'ordre, s'il vous plaît. Calmons-nous un peu. Je comprends votre point de vue. Je crois que nous...

Des voix : Oh, oh!

Son Honneur le Président intérimaire : S'il vous plaît.

Le sénateur Tkachuk : Oh, oh!

Son Honneur le Président intérimaire : D'un côté comme de l'autre, les honorables sénateurs doivent se calmer un peu.

La sénatrice Cools : Je ne...

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, s'il vous plaît.

Sénatrice Cools, vous pouvez terminer vos observations, avec un peu de retenue.

La sénatrice Cools : Ce n'est pas difficile pour moi, Votre Honneur. Je vis et je travaille ici en faisant constamment preuve de retenue. Je suis convaincue que vous en êtes conscient et que vous appréciez cette retenue. Je vous remercie, Votre Honneur. Je sais que vous en êtes conscient.

Quoi qu'il en soit, honorables sénateurs, lorsqu'on combine ces deux titres — le titre long et le titre abrégé —, on se rend compte très rapidement que le projet de loi S-7 est un mélange malsain de questions qui ne devraient pas être traitées ensemble dans un seul projet de loi.

Honorables sénateurs, la sénatrice Jaffer a très bien fait ressortir la complexité des questions dont nous sommes saisis. Je l'en félicite, d'ailleurs. Je crois que c'est une bonne chose. Si, grâce à ses observations, les sénateurs ont pu commencer à comprendre la complexité du projet de loi et les difficultés qu'il pose, et souhaiter obtenir des précisions, je ne comprends absolument pas pourquoi on lui a refusé les cinq minutes de plus qu'elle demandait. Absolument rien ne le justifie.

Honorables sénateurs, ce que je cherche à faire comprendre, c'est que le débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-7 n'a pas duré longtemps. Le projet de loi a été présenté le 5 novembre, soit il y a à peine trois semaines. Le 18 novembre, la sénatrice Ataullahjan, qui parraine le projet de loi, a parlé en tout 14 minutes. Lorsqu'on additionne le temps de parole de la sénatrice Ataullahjan et celui de la sénatrice Jaffer, on constate que nous n'avons pas consacré beaucoup de temps à ce projet de loi difficile. Qu'est-ce qui est si urgent?

Je dois signaler aux sénateurs qu'être sénatrice indépendante est parfois très lourd à porter, car je ne sais jamais ce dont les leaders du gouvernement et de l'opposition ont convenu quant au temps prévu pour le débat au Sénat et pendant combien de temps un projet de loi demeurera à l'étape de la deuxième lecture. L'incident d'aujourd'hui aurait pu être évité si les deux leaders avaient informé les sénateurs indépendants de leurs plans. Malheureusement, les sénateurs indépendants manquent toujours d'information sur ce qui se passe au Sénat. C'est un problème grave et omniprésent. Cette situation injuste ne fait que s'aggraver lorsqu'il arrive quelque chose, comme ce qui est arrivé à la sénatrice Jaffer aujourd'hui.

Mes collègues du côté du gouvernement auraient déjà soumis le projet de loi à un vote à l'étape de la deuxième lecture, n'eût été cette réponse irréfléchie et mesquine.

Le sénateur Tkachuk : Oh, oh!

La sénatrice Cools : Oui, sénateur Tkachuk, irréfléchie.

Votre Honneur, j'espère que vous comprenez que je fais preuve de retenue, de beaucoup de retenue.

Le débat sur le projet de loi S-7 n'a pas été très long. Comme je l'ai dit, j'interviens en ce moment pour signaler que je m'oppose fermement — très fermement — à ce qui s'est produit. Je crois que ce n'était pas nécessaire et que cela a nui aux relations fraternelles au Sénat. La situation a troublé et ébranlé les relations fraternelles entre les sénateurs indépendants et le gouvernement, et même avec l'opposition.

Il faut bien comprendre que je siège au Sénat depuis 30 ans et que j'ai vu bien des choses. Je tiens simplement à souligner ce qui s'est passé en exprimant mon opposition. Ce n'est pas poli de refuser à un sénateur la possibilité de s'exprimer dans le cadre d'un débat, de lui refuser ce droit, comme cela m'est arrivé aujourd'hui.

Honorables sénateurs, comme je l'ai dit, la seule raison pour laquelle je parle si peu aujourd'hui, c'est que je ne veux pas retarder la réception en l'honneur de notre cher Président, réception qui doit commencer dans quelques minutes. Aujourd'hui, ce n'est pas le bon moment pour retarder les travaux.

Le Président Kinsella a conclu sa dernière allocution au Sénat cet après-midi en parlant de liberté de discussion au Canada et de la grande démocratie parlementaire. Eh bien, la démocratie parlementaire avait du plomb dans l'aile il y a une heure. Je crois que mes collègues du côté du gouvernement peuvent faire mieux et devraient faire mieux.

Je tenais seulement à le souligner, honorables collègues.

Son Honneur le Président intérimaire : La sénatrice McCoy souhaite-t-elle participer au débat?

L'honorable Elaine McCoy : Je vais participer au débat.

Puisque la réception d'adieu en l'honneur du Président Kinsella est prévue pour 17 heures ce soir, et comme je sais que tous les sénateurs souhaitent ardemment y participer et lui offrir leurs meilleurs vœux pour la prochaine étape de sa vie, plusieurs d'entre nous veulent que nous ajournions nos travaux pour la soirée. Par conséquent, dans l'intérêt des principes de démocratie et de liberté de débat que le sénateur Kinsella a défendus, plutôt que de prendre davantage de votre temps, et tout en réservant le droit de participer au débat sur ce projet de loi, je demande l'ajournement du débat.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Si je puis me permettre, j'aimerais intervenir dans le débat juste avant...

Une voix : Non.

La sénatrice Cordy : Non, l'ajournement a été proposé.

Son Honneur le Président intérimaire : Une motion d'ajournement ne peut faire l'objet d'un débat.

(Sur la motion de la sénatrice McCoy, le débat est ajourné.)

[Français]

La sanction royale

Son Honneur le Président intérimaire informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 26 novembre 2014

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que le très honorable David Johnston, Gouverneur général du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite au projet de loi mentionné à l'annexe de la présente lettre le 26 novembre 2014, à 15 h 41.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Le secrétaire du Gouverneur général,
Stephen Wallace

L'honorable
   Président du Sénat
       Ottawa

Projet de loi ayant reçu la sanction royale le mercredi 26 novembre 2014 :

Loi portant mise en œuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Corée (projet de loi C-41, chapitre 28, 2014)

[Traduction]

L'ajournement

Son Honneur le Président intérimaire : Comme il est plus de 16 heures et que la période prévue pour les affaires du gouvernement est terminée, je déclare que, conformément à l'ordre adopté le 6 février 2014, le Sénat s'ajourne au jeudi 27 novembre 2014, à 13 h 30, par décision du Sénat.

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au jeudi 27 novembre 2014, à 13 h 30.)

© Sénat du Canada

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