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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 123

Le mardi 10 mars 2015
L'honorable Pierre Claude Nolin, Président

LE SÉNAT

Le mardi 10 mars 2015

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

L'Irak—Le soldat tombé au champ d'honneur

Minute de silence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant que nous commencions nos travaux, j'invite les sénateurs à se lever pour observer une minute de silence à la mémoire du sergent Andrew Joseph Doiron, décédé tragiquement pendant qu'il servait son pays en Irak.

Les honorables sénateurs observent une minute de silence.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d'une délégation parlementaire dirigée par Son Excellence Valeriu Stefan Zgonea, Président de la Chambre des députés de la Roumanie.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Le décès du sergent Andrew Joseph Doiron

L'honorable Carolyn Stewart Olsen : Honorables sénateurs, c'est le cœur lourd que je prends aujourd'hui la parole pour souligner la perte de l'un des fils du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sergent Andrew Doiron, ou Drew, comme ses amis l'appelaient, était né à Moncton. Il était un valeureux soldat du Régiment d'opérations spéciales du Canada. Il est mort en service vendredi dernier, dans le Nord de l'Irak.

En tant que premier militaire canadien décédé dans le cadre de notre actuelle mission en Irak, son sacrifice revêt une importance particulière dans notre lutte incessante contre le terrorisme.

Nos militaires appuient courageusement les peshmergas kurdes, qui protègent la ligne de front contre les troupes de l'EIIS.

Tout comme ses camarades des générations précédentes, le sergent Doiron a pris les armes pour défendre ceux qui ne peuvent se défendre eux-mêmes. Ses amis et camarades le décrivent comme un soldat, un guerrier et un véritable professionnel. Il était très fier de ce qu'il faisait.

Il s'est enrôlé en 2002 et a servi au sein du Princess Pat. Il a effectué trois périodes de service en Afghanistan. Voilà une infime portion de sa carrière militaire au service de notre pays.

Il adorait sa famille et son travail, et il avait d'excellentes relations avec tous ceux qui l'entouraient.

Dans ma carrière précédente, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec plusieurs des hommes des forces spéciales. Je sais à quel point ils travaillent dur et je n'ai que la plus grande reconnaissance pour le dévouement dont ils font preuve dans leur lutte pour protéger le Canada de menaces que nous ne connaissons ou ne comprenons pas toujours.

Comme je l'ai déjà mentionné ici, je ne vois pas la question des anciens combattants comme une question partisane. Nos soldats sont au service de tous les Canadiens et, lors d'une telle perte, il est de notre devoir, notre seul devoir, comme sénateurs de rendre hommage tous ensemble au sacrifice consenti et de soutenir ceux qui restent.

En terminant, j'aimerais remercier la famille du sergent Doiron d'avoir fait le sacrifice d'un être cher, qui restera éternellement un des fils immortels du Canada. Nous le ramenons au pays dans la dignité, avec toutes les marques d'honneur que notre pays puisse lui donner, et nous le conduirons, dans le recueillement, à son dernier repos.

Merci, sénateurs.

Des voix : Bravo!

[Français]

Le décès d'Ernest Côté

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, c'est avec une profonde tristesse que j'ai appris le décès, le 25 février dernier, du vétéran franco-albertain de 101 ans M. Ernest Côté.

Il était l'un des anciens combattants les plus connus au pays, un véritable héros qui laisse derrière lui nombre de médailles et d'insignes et la mémoire d'un homme qui a fait preuve d'un héroïsme exemplaire et d'une grande générosité.

Il a été reconnu pour avoir joué un rôle majeur dans l'événement historique qui a mené à la chute de l'Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a d'ailleurs été nommé membre de l'Ordre de l'Empire britannique par le roi George VI.

Le lieutenant-colonel a été responsable de la logistique de la 3e Division d'infanterie du Canada lors du célèbre débarquement de Normandie, sur la plage de Juno, le 6 juin 1944. Soixante-dix ans plus tard, jour pour jour, j'ai eu l'immense privilège d'assister à la cérémonie internationale officielle des commémorations du 70e anniversaire du débarquement allié à Ouistreham, en Normandie.

Le lendemain, j'ai eu l'honneur de m'entretenir avec M. Côté au cimetière militaire canadien de Bretteville-sur-Laize, à Cintheaux, lors d'une célébration tenue pour rendre hommage aux soldats canadiens qui y sont inhumés. M. Côté y a prononcé un discours mémorable, dans les deux langues officielles, sans notes et avec une cohérence et une lucidité remarquables.

J'ai eu le privilège de connaître M. Côté lorsque j'étais doyenne du Campus Saint-Jean de l'Université de l'Alberta. Il était venu me rencontrer pour honorer la contribution de son père à la francophonie albertaine, en instituant la Bourse Jean-Léon Côté consacrée aux élèves francophones qui poursuivent leurs études au Campus Saint-Jean. M. Jean-Léon Côté, père d'Ernest, a été arpenteur, ingénieur, minier et député provincial en Alberta avant d'être nommé au Sénat du Canada en 1923.

Après avoir fait ses études en droit à l'Université de l'Alberta, Ernest Côté s'est joint au Royal 22e Régiment en 1939 en tant que lieutenant. Il débarquera en Normandie le 6 juin 1944 à titre de responsable de la logistique pour la 3e Division de l'infanterie canadienne.

(1410)

Après la guerre, M. Côté poursuivra une carrière bien remplie dans la fonction publique fédérale en tant que diplomate et fonctionnaire. Il participera, entre autres, aux premières réunions de l'Assemblée générale des Nations Unies. Il sera nommé par Pierre Elliott Trudeau ambassadeur canadien en Finlande, avant de prendre sa retraite en 1975.

Honorables sénateurs, nous perdons un homme digne et humble, au parcours impressionnant, qui a fait preuve d'un courage extraordinaire. Je n'oublierai pas l'attachement sincère de M. Côté à la francophonie albertaine, lui qui était encore désireux, il y a quelques semaines à peine, lorsque je l'ai rencontré ici, à Ottawa, de voir comment il pourrait continuer à soutenir le Campus Saint-Jean.

M. Ernest Côté est un héros dont nous devons perpétuer la mémoire.

Bravo!

[Traduction]

La Journée internationale de la femme

L'honorable Diane Bellemare : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour attirer l'attention sur la Journée internationale de la femme, qui est célébrée le 8 mars de chaque année et dont les origines remontent à 1909 aux États-Unis.

[Français]

Elle a été officialisée en 1977 par les Nations Unies afin d'inviter tous les pays à célébrer et à manifester pour les droits des femmes et l'égalité entre les sexes.

Même si la condition des femmes s'est améliorée au fil du temps, il reste encore beaucoup de chemin à faire, notamment sur les plans économique et social. Surtout, il nous faut rester vigilantes et vigilants pour conserver nos acquis en matière de droits des femmes. L'un de ces acquis est le droit de la femme d'être maîtresse de son corps et de choisir ce qui est le mieux pour elle.

[Traduction]

J'ai choisi de souligner la Journée internationale de la femme en rendant hommage à une de nos collègues pour son travail et sa contribution exceptionnelle à la défense des droits des femmes. Je parle de l'honorable Janis Johnson, qui célébrera son 25e anniversaire au Sénat en septembre prochain.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Bellemare : À mon avis, c'est grâce à son leadership et à ses interventions aux deux Chambres qu'elle a défendu les droits des femmes. Ainsi, en 1991, elle a empêché l'adoption du projet de loi C-43, qui visait à criminaliser à nouveau l'avortement — je tenais à le rappeler pour ceux qui l'ignoreraient ou qui, comme moi, seraient arrivés ici plus tard.

[Français]

Le projet de loi C-43 proposait de criminaliser à nouveau l'avortement après que la Cour suprême du Canada a jugé, en 1988, dans l'affaire du Dr Morgentaler, que le fait d'interdire la chose était contraire à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit à la femme le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité.

Dans le discours qu'elle a prononcé au Sénat le 31 janvier 1991, Mme Janis Johnson s'est objectée au projet de loi C-43, dont le principal problème était de traiter, et je cite :

[...] comme des criminelles les femmes qui se font avorter parce qu'elles obéissent à leurs propres priorités et aspirations, lesquelles ne coïncident pas avec celles d'un médecin et de l'État.

Toujours selon elle, le projet de loi C-43 nous ramenait, et je cite :

[...] à l'époque d'avant 1969 où les femmes n'avaient absolument aucun contrôle sur leur fonction de reproduction — nous étions si impuissantes que nous avions besoin de la signature de nos maris pour obtenir une ligature des trompes.

Je partage l'opinion de ma collègue, la sénatrice Johnson, à savoir que seule la femme doit décider de ce qui lui convient le mieux. Pour reprendre encore une fois ses propos, la sénatrice Johnson s'est exprimée ainsi, et je cite :

Il est parfaitement ridicule de sous-entendre que le fait pour la femme de décider de ce qui lui convient le mieux soit perçu comme étant « contre la vie elle-même ».

[Traduction]

Chère Janis, je tiens à vous remercier d'avoir pris la lourde responsabilité de défendre cette cause au nom des milliers de femmes qui ne parviennent pas à parler de cette question et à se faire entendre. Merci d'avoir exprimé vos convictions alors que vous veniez d'être nommée sénatrice. Félicitations pour vos 25 ans de service au Sénat. Le Sénat a ainsi montré son utilité et sa validité, en partie grâce à vous.

Des voix : Bravo!

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, shalom, salaam. Cette année, à l'occasion de la Journée internationale de la femme, nous avons eu droit à une célébration unique organisée conjointement par Na'amat Canada Toronto — un organisme bénévole dédié aux femmes juives —, le Conseil canadien des femmes musulmanes, la Canadian Association of Jews and Muslims et le Women's Intercultural Network. Ce fut une journée extraordinaire qui sera gravée à jamais dans ma mémoire.

Le thème de l'activité était « Shalom/Salaam — Ensemble, nous y arriverons! » Des femmes de différentes origines et de tous âges se sont rassemblées au centre culturel Borochov, à North York, à Toronto.

L'organisme Na'amat s'inquiète de la montée de l'antisémitisme et de l'islamophobie au Canada et dans le monde entier. Il a décidé de tendre la main aux femmes musulmanes à l'occasion de la Journée internationale de la femme pour permettre aux deux communautés de mieux se connaître et pour abattre leurs préjugés mutuels.

Mmes Karen Mock et Talat Muinuddin ont beaucoup contribué à réunir les deux groupes.

La présidente de Na'amat, Gerry Anklewicz, a déclaré ceci :

Nous voulions fêter avec les femmes musulmanes, car nous sommes fermement convaincues que, si les femmes qui s'opposent à la violence et à la haine se parlaient et trouvaient un terrain d'entente, il serait possible de contrer l'antisémitisme et l'islamophobie.

Pour sa part, la présidente du Conseil canadien des femmes musulmanes, Fathima Hussain, a déclaré ceci :

Lors des réunions du comité organisateur, j'étais très contente de voir que les groupes de femmes musulmanes et de femmes juives ont les mêmes objectifs : ils veulent bâtir une société égalitaire et sécuritaire. Nous avons découvert que nos ressemblances sont plus nombreuses que nos différences.

Karen Mock a résumé ainsi cette activité mémorable :

Quel plaisir de voir des femmes juives et musulmanes avoir des discussions animées, apprendre les coutumes des autres et partager leurs inquiétudes dans un endroit sûr, inclusif et très chaleureux. Nous sommes ravies des commentaires très positifs que nous avons reçus et nous sommes bien contentes de voir que de nombreuses femmes veulent poursuivre le dialogue et lutter ensemble contre la discrimination pour instaurer la paix et l'harmonie.

Honorables sénateurs, voici un passage de l'allocution que j'ai prononcée à cette occasion :

Nous pouvons commencer par resserrer nos liens interpersonnels et par créer des partenariats entre les organismes d'une même région afin de pouvoir agir ensuite sur la scène internationale.

J'ai parlé de mon travail en Israël et en Palestine et j'ai invité les femmes à unir leurs efforts pour pouvoir instaurer la paix. Je suis convaincue que c'est en commençant par abattre les barrières au Canada que nous pourrons bâtir ensemble la paix en Israël et en Palestine.

Les Israéliennes et les Palestiniennes sont nos sœurs. Si le Canada ne donne pas l'exemple, qui le fera? Si nous ne donnons pas l'exemple, qui le fera? Agissons sans tarder.

En hébreu, honorables sénateurs, les Juifs disent shalom aleichem, alors qu'en arabe, les musulmans disent alechim salaam.

Que la paix soit avec nous tous, pour l'avenir de nos petits-enfants.

La Journée internationale de la femme et la situation critique de Nadiya Savtchenko

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je souhaite moi aussi parler de la Journée internationale de la femme, qui souligne cette année le 20e anniversaire de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing — deux documents stratégiques clés traitant d'égalité entre les sexes.

Le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, rappelle que la déclaration a été signée alors que « le conflit ravageur en ex-Yougoslavie avait suscité une attention bien méritée quant aux viols et autres crimes de guerre contre des civils ».

Vingt ans plus tard, malgré les réels progrès réalisés dans plusieurs parties du monde, les femmes et les jeunes filles continuent de se battre pour leurs droits, surtout dans les zones touchées par les conflits et dans les camps de réfugiés.

La Déclaration de Beijing le dit :

S'il est vrai que les communautés subissent tout entières les conséquences des conflits armés et du terrorisme, les femmes et les petites filles sont particulièrement touchées en raison de leur place dans la société et de leur sexe.

La déclaration contient en outre l'un des tout premiers engagements internationaux à :

Élargir la participation des femmes au règlement des conflits au niveau de la prise de décisions et protéger les femmes vivant dans les situations de conflit armé et autres ou sous occupation étrangère.

Nadiya Savtchenko est une figure de proue parmi les femmes qui vivent dans des zones touchées par un conflit armé ou sous occupation étrangère; elle est le symbole de leur bravoure.

Âgée de 33 ans, l'Ukrainienne Nadiya Savtchenko est pilote de la force aérienne et députée. Depuis le 18 juin dernier, elle a été faite prisonnière pour des motifs politiques dans la foulée de la guerre que mène le Kremlin à l'Ukraine. Capturée par des séparatistes et détenue en Russie, elle est accusée d'avoir été complice du décès de deux journalistes russes et d'avoir « traversé la frontière illégalement ».

Bien qu'aucune preuve n'ait été apportée pour appuyer ces accusations, la détention de Mme Savtchenko a été prolongée à plusieurs reprises.

(1420)

Le protocole de Minsk, qui a été signé en septembre dernier, exige « la libération immédiate de tous les otages et de toutes les personnes détenues illégalement ».

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, le Parlement européen, les sénateurs américains et d'autres ont réclamé la libération de Mme Savtchenko, en vain.

Elle en est maintenant à la 88e journée de sa grève de la faim, et on craint de plus en plus pour sa santé.

Mme Savtchenko a déclaré à plusieurs reprises qu'elle poursuivrait sa grève de la faim :

[...] aussi longtemps qu'il faudra pour que mes compatriotes aient le droit d'être Ukrainiens sur le territoire ukrainien, de vivre honnêtement et selon leur conscience, et de décider de leur propre destin.

En temps de paix comme en temps de guerre, toutes les femmes devraient pouvoir jouir des droits humains fondamentaux et de la dignité humaine. Malheureusement, ce n'est pas le cas pour trop d'entre elles.

Cette année, le thème de la Journée internationale de la femme est le suivant : « Autonomisation des femmes — Autonomisation de l'humanité : Imaginez! » Appuyons, au Sénat, la libération immédiate de Nadia Savtchenko et servons-nous de son exemple pour réaffirmer son engagement envers l'autonomisation de toutes les femmes qui souffrent quotidiennement.

Le Sénat

L'égalité des sexes

L'honorable Nancy Ruth : Honorables sénateurs, nous parlons souvent ici de rendre le Sénat plus efficace, responsable et transparent. C'est peut-être une façon de parler de ceux qui devraient détenir le pouvoir. Célébrons donc la Journée internationale de la femme en énonçant cinq mesures précises que nous pouvons prendre au Sénat pour modifier positivement l'équilibre du pouvoir et produire un travail de qualité supérieure.

Le Sénat est bien placé pour être un chef de file en matière d'égalité des sexes, puisqu'il a été créé pour représenter les intérêts des minorités. Au fil du temps, cette définition a évolué, et elle s'applique maintenant aux intérêts des minorités linguistiques, des femmes, des minorités visibles, des Autochtones et d'autres personnes ayant un accès limité au pouvoir et aux ressources. Rien ne nous empêche de mener cette lutte pour l'égalité. Voici cinq mesures que nous pouvons prendre immédiatement.

Premièrement, nous pouvons agir sur le plan de la composition du Sénat. On n'a jamais pu dire que le Canada manquait de femmes qualifiées pour occuper des postes au sein de cette assemblée ou de son administration. Nous devrions donc recommander au gouverneur général en conseil, comme la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme l'a fait il y a 45 ans, que des femmes soient nommées au Sénat jusqu'à ce que la totalité des provinces et des territoires soient représentés par autant de femmes que d'hommes. À l'heure actuelle, seules quatre des dix provinces ont un nombre égal de sénateurs et de sénatrices, à savoir l'Alberta, la Colombie-Britannique, le Manitoba et le Nouveau-Brunswick. Aucun des territoires n'est représenté actuellement par une femme.

Deuxièmement, nous devons nous pencher sur le leadership et l'administration du Sénat. Une formation sur l'équité et l'égalité entre les sexes devrait être obligatoire pour tous les sénateurs et les fonctionnaires du Sénat. Les hommes et les femmes devraient être nommés et promus en nombres égaux au sein de l'ensemble de nos organismes et structures internes.

Troisièmement, les comités devraient effectuer une analyse comparative entre les sexes relativement aux projets de loi et à leurs autres objets d'étude. Les membres des comités devraient avoir l'obligation de déterminer les effets sur les hommes et les femmes et sur l'égalité entre les sexes des politiques, des lois et des budgets qu'ils étudient. Nous, sénateurs, devons nous efforcer de déterminer si le projet de loi à l'étude est dans l'intérêt des femmes et des hommes, des filles et des garçons, et si les deux sexes se trouvent sur un pied d'égalité dans les domaines que nous étudions.

La mise en œuvre des analyses comparatives entre les sexes au sein de l'État fédéral est largement une vue de l'esprit, comme le vérificateur général l'a indiqué, et il continuera d'en être ainsi tant que les parlementaires n'entreprendront pas activement et directement des analyses comparatives entre les sexes.

Quatrièmement, en ce qui a trait à la recherche parlementaire, chaque comité devrait être assisté par un personnel de recherche possédant de l'expertise en matière d'égalité des sexes. Des mesures devraient être prises pour continuer d'augmenter la capacité du personnel parlementaire à réaliser des analyses des projets de loi, des budgets et des politiques pour déterminer leurs effets sur les hommes et les femmes.

Cinquièmement, en ce qui concerne la Charte et la conformité à la Constitution, chaque comité devrait communiquer avec le ministère de la Justice et avec d'autres experts pour veiller à ce que tous les projets de loi soient conformes à la Charte canadienne des droits et libertés ainsi qu'à la Constitution.

Voilà donc cinq façons d'améliorer le Sénat : veiller à ce que le Sénat soit composé à 50 p. 100 de femmes; obliger les sénateurs, les sénatrices et les fonctionnaires du Sénat à suivre un cours de sensibilisation à l'égalité entre les sexes; effectuer une analyse comparative entre les sexes chaque fois qu'un comité étudie un projet de loi; exiger que le personnel parlementaire de recherche possède de l'expertise sur l'égalité entre les sexes; et, enfin, veiller à ce que les projets de loi respectent la Charte et la Constitution.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

L'étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance

Dépôt du dix-huitième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le dix-huitième rapport (final) du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, intitulé Les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada : Rapport final.

Droits de la personne

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final relativement à son étude sur les obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant les ordres du Sénat adoptés le mardi 19 novembre 2013, et le jeudi 12 juin 2014, le dépôt du rapport final du Comité sénatorial permanent des droits de la personne relativement à son étude et à sa surveillance de l'évolution de diverses questions ayant trait aux droits de la personne et à l'examen, entre autres choses, des mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne soit reporté du 31 mars 2015 au 29 février 2016.

[Traduction]

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final relativement à son examen des mécanismes internationaux visant à accroître la coopération pour régler les disputes familiales transfrontalières

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant les ordres du Sénat adoptés le jeudi 27 février 2014, et le jeudi 11 décembre 2014, le dépôt du rapport final du Comité sénatorial permanent des droits de la personne relativement à son examen des mécanismes internationaux visant à accroître la coopération pour régler les disputes familiales transfrontalières, notamment les efforts du Canada pour favoriser l'adhésion et la conformité universelles à la convention de La Haye sur l'enlèvement et renforcer la coopération avec les États non signataires, afin de défendre les intérêts des enfants soit reporté du 31 mars 2015 au 29 février 2016.

(1430)

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final relativement à son examen des questions de discrimination dans les pratiques d'embauche et de promotion de la fonction publique fédérale et de l'évolution du marché du travail pour les groupes des minorités visibles dans le secteur privé

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant les ordres du Sénat adoptés le mardi 19 novembre 2013, et le jeudi 12 juin 2014, le dépôt du rapport final du Comité sénatorial permanent des droits de la personne relativement à son examen des questions de discrimination dans les pratiques d'embauche et de promotion de la Fonction publique fédérale, en vue de déterminer la mesure dans laquelle les objectifs pour atteindre l'équité en matière d'emploi pour les groupes minoritaires sont réalisés et d'examiner l'évolution du marché du travail pour les groupes des minorités visibles dans le secteur privé soit reporté du 31 mars 2015 au 29 février 2016.


PÉRIODE DES QUESTIONS

La sécurité publique

Le Service canadien du renseignement de sécurité—La surveillance

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et se rapporte au projet de loi C-51.

Le mois dernier, quatre anciens premiers ministres — John Turner, Joe Clark, Jean Chrétien et Paul Martin — ont tous signé une lettre ouverte dans laquelle ils demandaient que le projet de loi C-51 contienne des mesures de surveillance étroite de nos organismes de sécurité nationale. Cinq anciens juges de la Cour suprême, quatre anciens procureurs généraux, trois anciens ministres de la Justice, trois anciens membres du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, deux anciennes commissaires à la protection de la vie privée et une ancienne présidente de la Commission des plaintes du public contre la GRC étaient au nombre des autres signataires.

Le gouvernement estime-t-il que ces personnes manquent de crédibilité à ce sujet?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Comme je l'ai répété à plusieurs reprises, à notre avis, une surveillance non partisane, indépendante et experte de nos organismes de sécurité nationale exercée par une tierce partie est un meilleur modèle. Les principaux pouvoirs accordés dans le cadre du nouveau projet de loi sont assujettis aux contrôles et aux autorisations judiciaires.

Je vous rappelle que, dans son rapport annuel de 2013-2014, le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité précise ce qui suit, à la page 7 :

Notre modèle d'études continu et méthodique présente également l'avantage de permettre une évaluation complète et impartiale de la performance du Service, et nous sommes sans doute mieux placés pour repérer les problèmes potentiels en amont.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : C'est la position que le gouvernement a adoptée, mais je vous ai donné les noms et j'ai parlé de plusieurs éminents Canadiens, en plus des premiers ministres, des ministres de la Justice, des solliciteurs généraux et des membres du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité.

Pouvez-vous fournir une liste d'éminents Canadiens comme eux qui appuient le projet de loi?

Le sénateur Carignan : Stephen Harper.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Voilà qui en dit long.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Monsieur le leader, l'angoisse est palpable dans notre communauté, et surtout dans la communauté musulmane, compte tenu de ce qui se passe avec le projet de loi C-51 et d'autres mesures gouvernementales. Aux États-Unis, lorsque ce genre de situation se produit, la première chose qu'ils font, c'est de tendre la main aux collectivités touchées. Au Royaume-Uni, ils viennent tout de suite en aide aux collectivités touchées. Pourquoi n'agissons-nous pas ainsi?

Le sénateur Mitchell : C'est une question difficile.

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénatrice, comme vous le savez, le projet de loi C-51 est complet; il prévoit la protection de la vie privée et des mesures de prévention. Il est actuellement à l'étude à la Chambre des communes, et nous aurons la chance de l'étudier en profondeur au Sénat. Vous pourrez poser des questions aux experts sur l'ensemble des mesures qu'il contient lors des réunions des comités sénatoriaux.

Je crois que, à la conclusion de cette étude, vous estimerez, tout comme nous, que le projet de loi C-51 est un projet de loi essentiel à la protection et à la sécurité des Canadiens.

[Traduction]

La sénatrice Jaffer : Monsieur le leader, je vous remercie de votre réponse, mais je ne parle pas précisément du projet de loi. Je parle en général.

De toute évidence, il y a une communauté qui a l'impression de faire de moins en moins partie du Canada. Je suis membre de cette communauté, et je suis fière d'être Canadienne, mais lorsque je me promène et que les gens ne me perçoivent pas comme étant Canadienne à cause de ma foi, je me demande ce que le gouvernement fait pour protéger mes droits.

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénatrice, à la suite des attaques de l'automne dernier, le premier ministre a remercié spécifiquement les membres de la collectivité musulmane d'avoir condamné les attaques de façon catégorique et sans équivoque.

Il a reconnu les efforts de la collectivité musulmane dans la lutte contre la radicalisation. Il a précisé qu'il considère la collectivité musulmane comme faisant partie intégrante de la communauté et de la collectivité canadienne.

[Traduction]

La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup, monsieur le leader, de votre réponse. Ma question est la suivante : que fait le gouvernement dans le cadre de programmes de sensibilisation pour cette communauté?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénatrice, comme vous le savez, il est primordial de protéger les liens avec toutes les collectivités. Nous devons reconnaître les collectivités, comme nous le faisons avec la collectivité musulmane, qui condamnent les gestes disgracieux et qui travaillent avec les forces vives de la collectivité pour prévenir la radicalisation. C'est ce qui doit être fait, et c'est ce qui est fait.

Le commerce international

La décision du Tribunal canadien du commerce extérieur—ExxonMobil

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Nous avons appris, en fin de semaine, que la population canadienne devra verser 17,3 millions de dollars aux compagnies pétrolières ExxonMobil et Murphy Oil, car le Canada a été condamné en vertu du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États qui figure dans l'ALENA. Ce mécanisme, je le rappelle régulièrement, figure aussi dans l'accord de libre-échange conclu entre le Canada et l'Union européenne, mécanisme que vous défendez bec et ongles, car il serait, selon vous, dans l'intérêt des Canadiens. D'ailleurs, je cherche où se situe l'intérêt des Canadiens alors qu'ils devront payer la somme de 17,3 millions de dollars à une compagnie pétrolière comme ExxonMobil, qui affichait un chiffre d'affaires annuel de 393,97 milliards de dollars au 1er mai 2014, pour un bénéfice de 32,6 milliards de dollars.

ExxonMobil figure au 7e rang des 10 entreprises qui ont les recettes les plus importantes au monde. Son chiffre d'affaires s'approche du PIB de certains pays européens comme l'Autriche et est supérieur à celui de 166 des 193 États reconnus par l'ONU.

Monsieur le leader, pouvez-vous nous dire pourquoi le Canada a été condamné à verser plusieurs millions de dollars à ExxonMobil?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Sénatrice, vos questions sont toujours surprenantes, surtout de la part d'une avocate. C'est comme si vous perdiez une cause devant les tribunaux et que vous mettiez en doute l'intérêt d'un système judiciaire indépendant et impartial. La composition de votre question est un peu particulière pour traiter du règlement des différends entre investisseurs et États.

(1440)

Les normes de protection des investisseurs prévues par le Canada seront les mêmes que celles qui sont inscrites dans les autres accords de libre-échange; l'accord entre le Canada et l'Union européenne ne permettra pas aux investisseurs de poursuivre plus facilement le Canada, comme tous les accords commerciaux conclus depuis l'ALENA.

L'accord comprend un chapitre sur le règlement des différends; grâce à ces dispositions, les entreprises canadiennes sont également protégées contre toute mesure arbitraire et discriminatoire prise par les gouvernements.

En cas de différend, les entreprises canadiennes auront accès à des processus de règlement des différends par un tiers indépendant et impartial. Le règlement des différends entre investisseurs et États est un élément central de la politique du Canada depuis plus d'une génération, soit depuis les accords historiques de libre-échange conclus entre le Canada et les États-Unis et l'ALENA. Ce n'est pas parce que nous n'avons pas eu gain de cause dans le cadre d'une situation en particulier que nous devons remettre en question tout le système et l'importance d'avoir un système de traitement des différends.

La sénatrice Hervieux-Payette : Je ne sais pas à quelles raisons vous pouvez vous référer en ce qui concerne la question d'une cause qui est habituellement traitée par notre système judiciaire. C'est d'ailleurs ce dont il est question; justement, notre système judiciaire est ignoré par ce mécanisme qui, à l'heure actuelle, se tient à huis clos et entre des parties indépendantes des gouvernements.

Je vais tout de même vous donner la réponse, puisque vous ne savez peut-être pas que 17,3 millions de dollars ont été retirés du budget des Canadiens, du budget du gouvernement fédéral, parce que les compagnies pétrolières devaient faire de l'investissement en recherche et développement aux termes de l'ALENA. Or, ces compagnies n'auraient pas été satisfaites des décisions d'un gouvernement provincial élu démocratiquement. Elles ont alors attaqué le gouvernement fédéral, car il est signataire de l'ALENA. Selon les médias, Terre-Neuve-et-Labrador devra modifier sa législation sur la recherche et le développement. Sinon, vous serez encore obligés de payer les sommes que les multinationales multimilliardaires vous réclameront. Qui décide désormais de l'intérêt des Canadiens? Est-ce le Parlement, les tribunaux ou les compagnies?

Le sénateur Carignan : C'est le Parlement qui décide de l'intérêt des Canadiens dans le cadre de la négociation. Les gouvernements, dans le cadre de la négociation des accords de libre-échange et dans leur intérêt, prévoient, dans certaines situations, des méthodes de traitement de différends entre investisseurs et États, comme c'est le cas depuis de nombreuses années. D'ailleurs, c'est le cas depuis plus d'une génération en ce qui concerne les accords de libre-échange.

L'Accord économique et commercial global Canada-Union européenne—Les mécanismes de règlement des différends

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Poursuivons notre réflexion à ce sujet; lors de son récent voyage en France, le premier ministre du Québec, M. Couillard, a eu un échange avec le secrétaire d'État français chargé du Commerce extérieur. Cet échange portait sur l'accord de libre-échange Canada-Europe et, plus particulièrement, sur le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, qui donne la possibilité aux compagnies d'attaquer les États auprès de juridictions d'opérette, sans leur donner la possibilité de faire appel.

Dans l'édition du journal Le Devoir du 5 mars dernier, on rapporte les propos du secrétaire d'État en précisant que ce dernier représente non seulement la position officielle de la France, mais aussi celle de l'Allemagne et de l'ensemble des sociaux-démocrates d'Europe. Ses propos sont les suivants : le secrétaire d'État estime qu'il faudra, avant de ratifier le traité — parce que je vous rappelle que le traité n'a pas été ratifié par l'Europe —, retirer les articles actuels sur l'ISDS, c'est-à-dire le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, ou les réécrire entièrement.

Face à ces propos extrêmement clairs tenus la semaine dernière, votre gouvernement est-il prêt à renégocier cette partie de l'accord? Sinon, concédez-vous que nous sommes dans une impasse?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Les retombées de l'Accord économique et commercial global Canada-Union européenne sont énormes pour les Canadiens. On estime que l'accord représente plus de 80 000 nouveaux emplois et plus d'un demi-milliard de nouveaux consommateurs pour les entreprises canadiennes. C'est un accord commercial avec l'Union européenne qui entraînera d'importantes retombées à long terme dans tous les secteurs de notre économie et qui touchera toutes les régions de notre pays.

Le Canada sera désormais l'un des seuls pays développés à avoir un accès préférentiel à plus de 800 millions de consommateurs dans les deux plus grandes économies du monde, soit l'Union européenne et les États-Unis.

La sénatrice Hervieux-Payette : On a entendu votre message publicitaire plusieurs fois; on le connaît, et je vous exempte de nous le répéter. Je cite encore une fois les paroles et, surtout, le fond de la question qui sont parus dans le journal Le Devoir. Selon le secrétaire d'État français, il faut prévoir, et je cite :

[...] le retrait pur et simple de l'ISDS ou l'invention de quelque chose de nouveau.

Pour lui, il n'est pas question de poursuivre dans cette direction et de signer le traité Canada-Union européenne sans procéder à ce qui suit, et je cite :

[...] inventer quelque chose de neuf, qui ne soit plus de l'arbitrage [privé, secret, et par des parties qui n'ont même pas la possibilité d'aller en appel], mais une nouvelle manière de régler des différends, en intégrant les juridictions publiques dans la procédure.

On précise également ce qui suit dans Le Devoir, et je cite :

Le secrétaire d'État exige aussi l'ajout d'une procédure d'appel.

Évidemment, cette procédure n'existe tout simplement pas dans le traité tel qu'il est négocié à l'heure actuelle quant à la question de la décision de cet arbitrage privé.

Monsieur le leader, comment se fait-il que les dirigeants européens aient compris que ce mécanisme de règlement des différends, hors juridiction publique et sans possibilité de faire appel, était contraire aux intérêts de leurs citoyens, contraire à leurs intérêts démocratiques, contraire à la notion même de justice, et que notre premier ministre canadien, lui, pense qu'il s'agit d'une bonne affaire, comme vous venez de nous le dire?

Le sénateur Carignan : Comme vous l'avez probablement constaté lors de sa récente visite, la chancelière Angela Merkel a déclaré que l'Allemagne appuie cet accord et qu'elle espère qu'il entrera en vigueur le plus tôt possible. Le ministre Fast s'est rendu en Europe récemment. Il a entendu beaucoup de bonnes choses au sujet de cet accord. Des missions commerciales en provenance de l'Union européenne sont enthousiastes à l'idée de faire des affaires au Canada. C'est un accord qui est bon pour le Canada, qui est bon pour l'Union européenne, et j'espère, honorable sénatrice, que vous allez l'appuyer et cesser de le dénigrer.

La sénatrice Hervieux-Payette : Selon vous, tous les accords sont blancs ou noirs; on ne peut pas y faire de modifications. Cependant, nos partenaires principaux en Europe se rendent compte que cette disposition n'a pas de sens. Le gouvernement allemand est attaqué, à l'heure actuelle, par un groupe énergétique suédois propriétaire de deux centrales nucléaires dans le pays; le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, qui est situé à Washington, est saisi du dossier. Ce groupe suédois s'indigne de la décision de l'Allemagne de sortir de la filière nucléaire, ce qui menace ses profits à moyen terme, alors même que cette décision politique reflétait l'expression d'une volonté populaire à l'issue d'élections démocratiques. Le groupe suédois réclame au gouvernement allemand, en vertu de ce processus, des dédommagements de l'ordre de 3,7 milliards d'euros, issus du Trésor public des Allemands, pour compenser ses pertes à venir.

Est-ce que votre gouvernement et le premier ministre recommandent ce genre d'arbitrage pour le Canada? Est-ce que votre gouvernement et le premier ministre souhaitent qu'une compagnie étrangère établie au Canada puisse dicter aux Canadiens la façon dont ils devraient gérer leurs ressources naturelles? Est-ce que vous voudriez que nous nous trouvions dans la même impasse et que nous devions dédommager, pour des milliards de dollars, des entreprises qui estimeraient un jour qu'une législation qui devrait aller de l'avant ne leur convient pas et que, ultimement, ce projet de loi soit abandonné ou que le gouvernement fédéral en paie la note?

Le sénateur Carignan : Sénatrice, vous avez dit que, pour moi, c'était noir ou blanc. Je vais vous corriger : pour moi, c'est plutôt noir et blanc, c'est-à-dire noir écrit sur une page blanche, et l'accord est dans l'intérêt des Canadiens. Les différentes lois maintiendront notre pouvoir de légiférer de façon légitime dans les secteurs d'activités. Nous avons bon espoir, tant de ce côté-ci que du côté de l'Union européenne, que tous les pays ratifieront cet accord, parce qu'il est bon pour les deux communautés.

(1450)

La sénatrice Hervieux-Payette : Monsieur le leader, pourriez-vous au moins faire preuve d'un peu de souplesse et accepter d'examiner l'impact négatif de cette procédure et, surtout, faire confiance à nos tribunaux, qui rendent continuellement des décisions sur les dommages que peuvent subir des entreprises? Plusieurs pays, à l'heure actuelle, sont en négociation avec les pays de l'Asie. Au moment où on se parle, plusieurs pays jugent que ce mécanisme est antidémocratique, et ils n'accepteront pas de signer un accord de libre-échange doté de ce type de mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, afin que les gouvernements conservent leurs pouvoirs.

En vertu de quelle règle votre gouvernement et votre premier ministre renoncent-ils au droit des parlements et des pouvoirs législatifs pour le confier à des entreprises multinationales qui viendront investir chez nous? En vertu de quelle règle de droit le Parlement accepte-t-il que des investisseurs viennent faire la loi ici et que les Canadiens en paient le prix?

Le sénateur Carignan : Sénatrice, le règlement des différends par voie d'arbitrage international dans les accords de libre-échange n'empêche aucun ordre de gouvernement de légiférer équitablement dans l'intérêt général. Les investisseurs canadiens et étrangers sont assujettis aux mêmes lois et règlements qui sont en vigueur au Canada en ce qui concerne les normes, qu'il s'agisse des normes en matière de protection de l'environnement, de travail, de soins de santé, de bâtiment et de sécurité. Aucune des dispositions contenues dans les accords de libre-échange auxquels le Canada est partie n'exempte les fournisseurs de services étrangers de l'application des lois et des règlements qui sont en vigueur au Canada.

Le Canada et l'Union européenne ont négocié un chapitre exhaustif sur l'investissement qui prévoit un degré élevé de protection des investisseurs tout en maintenant le droit des gouvernements de réglementer dans l'intérêt public.

[Traduction]

Réponse différée à une question orale

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer la réponse à la question orale posée par l'honorable sénateur Moore, le 28 octobre 2014, concernant la souveraineté dans l'Arctique.

La défense nationale

La souveraineté dans l'Arctique

(Réponse à la question posée le 28 octobre 2014 par l'honorable Wilfred P. Moore)

Depuis l'introduction de la Stratégie du Canada pour le Nord en 2007, le gouvernement a fait des progrès importants dans chacun des quatre secteurs prioritaires : exercer la souveraineté du Canada dans l'Arctique, protéger le patrimoine naturel canadien, promouvoir le développement social et économique et améliorer la gouvernance dans le Nord et y transférer des responsabilités.

La Défense nationale a apporté un certain nombre de contributions dans le Nord et dans le cadre de la Stratégie du Canada dans le Nord. Ces contributions comprennent d'importants investissements en infrastructure, en équipement et en personnel, ainsi que la création d'exercices et d'opérations annuelles et la participation à ces dernières. La Défense nationale continue également à collaborer avec des partenaires internationaux afin de promouvoir le dialogue et la compréhension commune des enjeux en matière de sécurité dans le Nord.

Quelques exemples concrets des investissements de la Défense nationale dans l'Arctique :

  • La construction de l'installation navale de Nanisivik (INN), une installation d'amarrage et de ravitaillement en carburant en eau profonde établie à Nanisivik (Nunavut) ainsi qu'une zone de rassemblement des navires de la Marine royale du Canada et d'autres bâtiments gouvernementaux naviguant dans l'Arctique extrême.
  • La fabrication, le lancement et la mise en service de trois petits satellites radar capables de couvrir l'ensemble du territoire et de la zone océanique du Canada au moins une fois par jour, et jusqu'à quatre fois par jour, dans l'Extrême-Arctique. Ces satellites, qui devraient être lancés en 2018 et entièrement opérationnels en 2019, permettront d'obtenir des images détaillées du territoire, des eaux et des frontières du Canada, ainsi que d'autres points d'intérêt, pour assurer la surveillance, l'intervention en cas de catastrophe et la gestion de l'environnement et des ressources.
  • L'ouverture du Centre de formation des Forces armées canadiennes dans l'Arctique (CFFACA) en août 2013, en collaboration avec Ressources naturelles Canada. On y offre de la formation spécialisée sur la survie par temps froid et les techniques de recherche et sauvetage militaires dans l'Arctique, en plus de donner la formation des Rangers canadiens à plus de 140 membres.
  • L'achat d'une classe de navires de patrouille extracôtiers et de l'Arctique (NPEA) conçus sur mesure dans le cadre de la Stratégie nationale d'approvisionnement en matière de construction navale qui permettra de patrouiller dans tout le passage du Nord-Ouest durant la saison de navigation, de même que les approches pendant toute l'année. En octobre 2011, l'entreprise Irving Shipbuilding Inc. a été choisie pour la construction des navires. La construction devrait commencer en 2015. La livraison du premier navire est prévue en 2018.

Le gouvernement a également investi dans le personnel au sol (p. ex., groupes-compagnies d'intervention dans l'Arctique [GCIA]) qui se compose essentiellement de réservistes de l'Armée canadienne et qui est appuyé par la Force régulière des Forces armées canadiennes. La présence des Rangers canadiens a également été élargie, passant d'environ 3 500 membres en 2007 à plus de 5 000 aujourd'hui, y compris 18 nouveaux groupes de patrouille dans des communautés éloignées, isolées et côtières du Canada.

Les Forces armées canadiennes effectuent également de nombreux exercices et opérations annuels clés qui appuient le pilier de la souveraineté de la Stratégie pour le Nord du gouvernement du Canada. Par exemple :

  • Opération NANOOK : Le plus grand exercice de souveraineté du Canada dans le Nord inclut divers paliers de gouvernement, ministères et agences. La United States Navy, la Garde côtière des États-Unis et la Marine royale danoise ont également participé à des exercices précédents.
  • Opération NUNALIVUT : Cette opération donne aux Forces armées canadiennes l'occasion d'affirmer la souveraineté du Canada dans les régions les plus au nord du pays, de démontrer leur capacité de fonctionner dans un climat hivernal rigoureux dans les secteurs isolés du Haut-Arctique, et d'améliorer leur capacité d'intervenir dans le cadre de toute situation dans le Nord canadien. Menée depuis 2007, elle permet également aux Forces armées canadiennes d'appuyer la recherche scientifique dans l'Arctique et de démontrer l'interopérabilité dans le Grand Nord avec les alliés militaires et d'autres institutions du gouvernement du Canada.
  • Opération NUNAKPUT : Cette opération vise à affirmer la souveraineté du Canada dans la région de l'Arctique de l'Ouest, en plus de renforcer la capacité des Forces armées canadiennes à mener des opérations dans des conditions arctiques, d'améliorer la coordination et la coopération lors d'opérations pangouvernementales et de maintenir l'interopérabilité avec des partenaires de mission dans le Nord.
  • Opération QIMMIQ : L'opération de surveillance et de présence de la Force opérationnelle interarmées (Nord) se déroule de façon continue, tout au long de l'année, dans le Nord canadien. Elle prend la forme de patrouilles du 1er Groupe de patrouilles des Rangers canadiens, de patrouilles de CP140 Aurora et d'un déploiement annuel, en août, de la Marine royale canadienne.

La Défense nationale participe également à un certain nombre de forums afin d'améliorer la coopération dans l'Arctique avec d'importants alliés :

  • Les réunions des chefs d'état-major de la défense des pays nordiques ont été amorcées par le chef d'état-major de la défense du Canada en 2012 afin de discuter des enjeux communs en matière de sécurité dans le Nord. Les chefs de la défense des huit nations de l'Arctique (Canada, Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Russie, Suède et États-Unis) se réunissent chaque année afin d'améliorer la collaboration militaire en matière d'intervention en cas d'urgence, d'intendance responsable et de soutien aux autorités civiles.
  • La Défense nationale a joué un rôle important dans l'élaboration et les négociations de l'accord sur la recherche et le sauvetage dans l'Arctique du Conseil de l'Arctique qui a été signé en 2011. Cet accord fait fond sur d'autres ententes, notamment avec l'ONU, sur la recherche et sauvetage afin de renforcer la coopération entre les États de l'Arctique et d'améliorer la façon dont les pays du Conseil de l'Arctique répondent aux urgences dans cette région.
  • L'instance de concertation annuelle des forces de sécurité de l'Arctique rassemble des officiers généraux de divers pays, incluant le Canada, le Danemark, l'Allemagne, la Finlande, la France, l'Islande, les Pays-Bas, la Suède et le Royaume-Uni, afin de promouvoir la compréhension, le dialogue et la collaboration dans la région de l'Arctique et d'améliorer les opérations de sécurité multilatérale dans le Nord.

ORDRE DU JOUR

La Loi canadienne sur les droits de la personne
Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Vingt-quatrième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du vingt-quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi C-279, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel (identité de genre), avec des propositions d'amendement), présenté au Sénat le 26 février 2015.

L'honorable Bob Runciman propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole au sujet du 24e rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, portant sur l'étude du projet de loi C-279, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel en lien avec l'identité de genre. Plus particulièrement, j'aimerais parler des sept amendements approuvés par le comité. Je dis sept amendements, mais ils portaient sur trois questions importantes.

Le premier visait à amender l'article 1. Le projet de loi, tel que renvoyé au Sénat, proposait d'ajouter la définition suivante de l'identité de genre à la Loi canadienne sur les droits de la personne :

(2) Au présent article, « identité de genre » désigne, pour une personne, l'expérience intime, personnelle et profondément vécue de son genre, que celui-ci corresponde ou non au sexe qui lui a été assigné à sa naissance.

Cet amendement supprime cette définition du projet de loi. Le comité a entendu le témoignage d'expert de l'avocat Michael Crystal, selon lequel cette définition est trop générale et subjective et compliquerait le travail des cours et des tribunaux des droits de la personne, en ce sens qu'il leur serait difficile de déterminer des paramètres raisonnables pour l'application de ces protections.

De plus, aucun autre ordre de gouvernement au Canada qui protège l'identité de genre ne possède une telle définition dans son code des droits de la personne. Voilà pourquoi les membres du comité ont appuyé cet amendement.

Les amendements aux articles 2, 3 et 4 du projet de loi ont également été adoptés en lien avec la suppression de la définition.

Un autre amendement apporté à l'article 2 ajoute un nouvel article, le 2.1. Cet article modifie la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d'éviter que les exploitants d'installations fédérales fassent de la discrimination contre les transgenres.

[...] le fait que des services, installations, moyens d'hébergement ou locaux soient réservés à un sexe seulement — notamment dans un établissement correctionnel, un centre d'aide aux victimes, un refuge pour victimes de violence, des installations sanitaires, des installations de douches ou un vestiaire — la restriction d'accès a pour but de protéger des personnes en situation de vulnérabilité [...]

Je présume que le deuxième amendement à l'article 2 fera l'objet d'un débat à l'étape de la troisième lecture. Je vais laisser d'autres sénateurs présenter leurs arguments en faveur de cet amendement ou contre celui-ci.

Les deux derniers changements proposés par le comité sont des dispositions de coordination visant à faire en sorte que le projet de loi C-279 n'élimine pas les modifications apportées au paragraphe 318(4) du Code criminel en vertu du projet de loi C-13, Loi sur la protection des Canadiens contre la cybercriminalité.

L'article 318 du Code criminel, qui fait partie des dispositions sur les crimes haineux, érige en infraction le fait de préconiser ou de fomenter un génocide contre un groupe identifiable. Le paragraphe 4 définit les groupes identifiables qui sont visés par l'article 318 comme étant « toute section du public qui se différencie des autres par la couleur, la race, la religion, l'origine ethnique ou l'orientation sexuelle ».

Le projet de loi C-13 a ajouté les facteurs de différenciation « sexe », « âge » et « déficience mentale ou physique » à la liste des groupes identifiables. Cependant, en modifiant le paragraphe 318(4), le projet de loi C-279 inclut dans les motifs interdits d'incitation au génocide les facteurs « âge » et « déficience mentale ou physique », mais pas « sexe ».

Le projet de loi C-13 a reçu la sanction royale le 9 décembre 2014 et est entré en vigueur hier.

Le fait d'adopter le projet de loi C-279 sans amendement éliminerait le mot « sexe », ce qui signifie qu'un groupe défini par son sexe n'aurait pas droit à la protection importante contre la propagande haineuse qui est garantie en vertu du projet de loi C-13.

Par conséquent, le comité a approuvé un amendement visant à ajouter un nouvel article — 4.1 —, qui se lit comme suit :

4.1 Dès le premier jour où l'article 12 de la Loi sur la protection des Canadiens contre la cybercriminalité, chapitre 31 des Lois du Canada (2014) et l'article 3 de la présente loi sont tous deux en vigueur, le paragraphe 318(4) du Code criminel est remplacé par ce qui suit :

(4) Au présent article, « groupe identifiable » désigne toute section du public qui se différencie des autres par la couleur, la race, la religion, l'origine nationale ou ethnique, l'âge, le sexe, l'identité de genre, l'orientation sexuelle ou la déficience mentale ou physique. ».

La nécessité d'assurer la protection de tous les groupes visés contre les crimes haineux a aussi donné lieu au dernier amendement approuvé par le comité. Il s'agit d'une modification de l'article 5 du projet de loi.

Auparavant, l'article 5 se lisait comme suit : « La présente loi entre en vigueur trente jours après la date de sa sanction. »

L'amendement, quant à lui, se lit comme suit :

« 5. La présente loi, à l'exception de l'article 4.1, entre en vigueur trente ».

Cela signifie trente jours après la date de sa sanction. Cette disposition permet de coordonner les modifications du paragraphe 318(4) du Code criminel prévues par le projet de loi C-13 et le projet de loi C-279.

Honorables sénateurs, je sais que tous ne s'entendront pas sur la nécessité ou l'opportunité d'apporter certains de ces amendements au projet de loi. Cependant, les deux derniers amendements, ces dispositions de coordination, sont non seulement opportuns mais essentiels pour éviter de supprimer du Code criminel d'importantes mesures de protection destinées aux femmes.

(1500)

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je tiens à remercier le sénateur Runciman d'un certain nombre de choses, et d'abord d'avoir présenté très clairement le projet de loi et ses amendements. Je n'avais jamais siégé à un comité présidé par lui. Je dois reconnaître sa compétence à titre de président et la dignité et l'adresse avec lesquelles il a dirigé l'étude difficile d'un sujet lui-même difficile et litigieux qui a, certes, fait surgir des réactions passionnées.

Je tiens également à remercier mes collègues du comité, quelle que soit leur allégeance, d'avoir su aborder la question en étant très conscients de son importance. À l'évidence, cela illustre l'ensemble des valeurs canadiennes. Les droits, la participation et l'acception de tous sont importants, et, à mon sens, on a clairement eu un débat intense. Tous ont abordé la question avec une grande sincérité et ont consenti de grands efforts pour que le projet de loi soit une étape marquante vers une meilleure reconnaissance de droits importants pour un groupe non négligeable de Canadiens.

J'ai dit bien souvent, comme d'autres, que l'identité de genre concerne des questions très graves qui se posent à la communauté transgenre. Dans leur vie, presque toutes les personnes transgenre sont en butte à beaucoup de violences physiques et verbales. Plus particulièrement dans leur jeunesse, mais aussi au cours du reste de leur vie, ces personnes sont exposées à des risques de suicide nettement plus considérables que les groupes correspondants de la population, que les autres membres de la société. Elles se font souvent refuser des logements, des emplois. Même si elles sont très instruites, plus instruites que la moyenne, elles sont nettement moins bien payées que les Canadiens qui ont fait des études et ont une expérience comparables.

Ce fut pour moi une expérience remarquable que de participer à ces travaux et de rencontrer de nombreux représentants de la communauté transgenre, leurs parents et d'autres membres de leur famille. Il ne faudrait pas s'étonner, mais plusieurs d'entre nous le font probablement, que la plupart des familles, la plupart des gens connaissent d'une façon ou d'une autre une personne transgenre ou ont un rapport de parenté avec une personne transgenre. J'ai été beaucoup remué, et je ne suis pas le seul, par de nombreuses anecdotes que j'ai entendues.

Nous avons accueilli Jesse Thompson, un jeune homme transgenre qui a mené un combat, en s'appuyant sur une loi ontarienne, pour accéder aux vestiaires avec les autres joueurs de hockey. Il a été un témoin très éloquent. À bien des égards, il m'a rappelé mes trois fils qui pratiquaient le sport et fréquentaient leurs coéquipiers. C'est ce que Jesse Thompson souhaitait pouvoir faire. C'est ce que la loi ontarienne lui a permis de faire, au bout du compte.

J'ai été particulièrement ému par l'histoire d'une mère d'Edmonton, en Alberta, Wendy Kauffman, et de son fils transgenre, Wren Kauffman, 12 ans, un jeune garçon qui s'exprime remarquablement bien. Il a une mère et un père merveilleux qui l'aiment profondément. Ils ont parlé de l'expérience que cet enfant doit vivre. Ils ont soutenu Wren d'une façon telle qu'il s'est très bien adapté. Il s'exprime très clairement. Ils ont bien insisté sur le soutien dont leur relation avec leur fils est empreinte. Dans toutes les études, on insiste sur le soutien, et elles disent que les personnes transgenre qui reçoivent un appui s'adaptent bien mieux et sont moins exposées aux traumatismes, à la dépression et au suicide, et qu'elles peuvent ainsi apporter une contribution beaucoup plus productive, comme membres à part entière et égaux, à notre société et à notre économie. Voilà pourquoi la participation aux travaux du comité a été une expérience remarquable.

Jusqu'à ce point, le projet de loi a beaucoup accompli, peut-être pas assez, mais beaucoup quand même. Même s'il a fallu longtemps pour en arriver là, il a donné lieu à un certain nombre de moments aussi importants que pleins d'enseignements. Il ne suffit pas d'avoir une mesure législative. La société canadienne doit s'ouvrir et comprendre ce que signifient ces droits et ce que sont vraiment les transgenres. Je crois que nous avons fait beaucoup de progrès ces dernières années. Ce n'est peut-être qu'une coïncidence, mais le débat qui a entouré ce projet de loi peut avoir joué un rôle.

Je pense qu'il est très important de noter — je veux d'ailleurs féliciter la sénatrice Nancy Ruth — que, au cours du processus d'amélioration du projet de loi, nous avons accepté, comme pays, d'inscrire le sexe dans notre Code criminel. C'est une vraie percée, qui nous incite à appuyer très fortement la série de modifications présentée dans le rapport et dont le sénateur Runciman nous a fait part.

La deuxième modification que nous acceptons, c'est le changement de la définition. Michael Crystal a été un excellent témoin. Avocat expérimenté, il a soutenu, entre autres, que le fait de définir « identité de genre », qui deviendrait alors la seule caractéristique identifiable définie, serait en soi discriminatoire et déplacé. Cela non plus n'est pas contestable.

C'est une autre modification qui l'est, comme le sénateur Runciman l'a laissé entendre.

Toutefois, le projet de loi a une autre grande réalisation à son crédit : quand on compte toutes les étapes entre la Chambre des communes et le Sénat, nous avons maintenant parcouru sept huitièmes du chemin, en reconnaissant dans deux des plus importantes lois du pays, la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel, l'identité de genre comme caractéristique identifiable. Ce n'est pas insignifiant. Il serait bon de franchir le dernier huitième en adoptant le projet de loi, mais il n'en reste pas moins que les deux Chambres ont parcouru les sept huitièmes du chemin. Ce n'est pas rien.

Malheureusement — et je le dis avec une grande réticence —, l'amendement qui autorise la discrimination dans les vestiaires et dans certaines installations fédérales, les refuges et ainsi de suite, de même que dans les toilettes, semble contredire tout ce que le projet de loi est conçu pour réaliser. Même si la reconnaissance de l'identité de genre est en soi une énorme réalisation, l'impact pratique et émotionnel pour les membres de la communauté transgenre et pour les gens que cette question intéresse profondément est tellement puissant qu'il l'emporte sur l'avantage ultime que représente la reconnaissance des droits des transgenres. Cet amendement diminue simplement la valeur et l'incidence que le projet de loi aurait eues autrement. C'est vraiment malheureux. Pour cette raison, j'aimerais amender le rapport.

J'en viendrai à l'amendement dans quelques instants. Je voudrais d'abord expliquer pourquoi le nouvel article 2.1 — c'est celui qui autorise la discrimination contre les transgenres dans l'utilisation des vestiaires et des sanitaires de certaines installations — ne convient pas et n'a pas sa place dans le projet de loi.

Premièrement, il est, par nature, discriminatoire. Les transgenres sont ce qu'ils sont. Un homme transgenre croit au plus profond de son cœur qu'il est un homme, tout comme n'importe qui d'entre nous croit à son propre genre. Une femme transgenre croit au plus profond de son cœur qu'elle est une femme, tout comme n'importe qui d'entre nous croit à son propre genre. Il serait déplacé pour eux d'utiliser une toilette qui ne corresponde pas à leur identité de genre. Par conséquent, il est intrinsèquement discriminatoire de leur dire d'une part : « Nous reconnaissons votre identité de genre » et de leur interdire, de l'autre, d'exprimer cette identité de l'une des façons les plus personnelles qui soit, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit d'utiliser des toilettes ou des vestiaires.

(1510)

Deuxièmement, il est vraiment difficile de comprendre comment les choses vont fonctionner. Il y a eu un article de journal, qui était accompagné d'une photo très éloquente d'une personne qui, de toute évidence, était une femme, une femme transgenre. Cette femme était transgenre. Je ne veux pas avoir l'air paternaliste, mais elle était très jolie. Si vous la croisiez dans la rue, il ne vous viendrait jamais à l'idée qu'elle puisse être autre chose qu'une femme. C'est ce qu'elle est. Elle est photographiée dans des toilettes pour hommes où se trouvent des urinoirs. En vertu de l'amendement, cette femme transgenre serait contrainte d'utiliser ces toilettes pour hommes. Comment les choses se passeraient-elles?

Évidemment, à l'inverse, des hommes transgenre — il pourrait y en avoir dans l'édifice, en fait il y en a probablement, nous ne le savons pas — portant une barbe et un complet trois pièces, très musclés et ayant une allure tout aussi masculine que n'importe quel homme ici, seraient forcés d'utiliser des toilettes pour femmes. Comment réagiraient les femmes dans de telles circonstances? Elles ne sauraient absolument pas quoi penser. Cette personne est un homme. C'est ce qu'elle est et c'est ce que ces femmes verraient. Comment contrôlerions-nous l'utilisation des toilettes? Comment pourrions-nous appliquer cet amendement de quelque façon que ce soit?

Troisièmement, parlons du risque qu'une personne aux toilettes, par exemple un jeune enfant, soit approchée ou soit témoin de gestes inappropriés, si je peux m'exprimer ainsi. Il est difficile de trouver les bons mots. Quoi qu'il en soit, c'est vraiment de l'acharnement législatif. Il existe déjà des dispositions législatives qui visent les comportements inappropriés dans les toilettes ou dans n'importe quelle installation publique ou privée. Nous n'avons pas besoin de cette mesure législative pour assurer une plus grande protection. Le Code criminel fournit déjà la protection nécessaire.

Du reste, on constate que, où que ce genre de loi ait été appliquée, au niveau provincial, c'est-à-dire dans au moins cinq provinces, il n'y a eu aucun problème. Les écoles de ma province, l'Alberta, ont élaboré des politiques qui ont donné d'excellents résultats et qui ont permis aux personnes transgenre et aux autres d'avoir un accès sans restriction à ces installations sans aucun problème.

Il nous faut comprendre qu'il n'y a aucun élément contre lequel il y a lieu de se protéger. Souvent et d'habitude, voire constamment, ce sont les personnes transgenre qui ne veulent pas être exposées à des risques par inadvertance. Ce sont elles qui, très souvent, sont les victimes de violence.

La sénatrice Jaffer a fait ressortir un point très convaincant : l'amendement laisse entendre implicitement que c'est la personne transgenre qui serait l'agresseur, alors que cela n'arrive presque jamais. Là où ces droits ont été garantis par la loi, je le répète, rien ne montre que ce problème se présente.

J'emploie un exemple, un argument semblable à celui qu'on a si fréquemment utilisé contre le contrôle des armes à feu. On a dit que les propriétaires d'armes respectueux des lois ne devaient pas avoir à répondre des activités ou du comportement de ceux qui ne respectent pas les lois. C'est pourtant dans ce sens que va l'amendement. Le projet de loi tiendra des personnes transgenre respectueuses des lois responsables des actes déplacés qui pourraient être commis — même si cela ne s'est pas souvent produit, que nous sachions — dans des toilettes ou des vestiaires par des personnes transgenre, qui pourraient fort bien ne pas être transgenre, après tout. Il pourrait simplement s'agir de quelqu'un qui décide d'entrer dans des vestiaires à mauvais escient.

Il me semble que si, dans le cas du contrôle des armes à feu, on peut soutenir qu'on ne doit pas tenir une personne responsable des actes illégaux d'une autre, il faut appliquer le même raisonnement à cet amendement, puisque c'est ce qu'il ferait, au fond.

Un des témoins au comité, une femme d'un refuge pour femmes autochtones, nous a dit qu'elle craignait que les hommes n'y soient admis. Selon elle, des femmes transgenre qui, en un sens, étaient des hommes, seraient admises dans ce refuge et, pas nécessairement physiquement, mais par leur simple présence...

Son Honneur le Président : Sénateur Mitchell, avez-vous besoin de plus de temps? Êtes-vous disposés à accorder cinq minutes de plus au sénateur Mitchell?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Vous disposez de cinq minutes de plus.

Le sénateur Mitchell : Merci.

Elles pourraient constituer une menace. Je le répète, dans les provinces où ces droits ont été accordés, les politiques ont été en mesure de régler toutes les situations de ce genre. En fait, si nous reconnaissons les droits des personnes transgenre, les politiques suivront encore plus rapidement, et davantage sera accompli. Je crois que nous constaterons, comme ce fut le cas pour le mariage gai, que, une fois la décision prise, cela rend beaucoup de gens plus heureux, et la société ne s'en porte que mieux.

Je crois que ce projet de loi y parvient presque. Il est presque parfait. Il fait beaucoup pour reconnaître les droits des personnes transgenre dans deux textes législatifs. D'une part, il accorde des droits et, d'autre part, il les retire avec cet amendement qui ne fonctionnera pas, qui est vraiment discriminatoire et qui, pour employer une expression bien connue, est en fait une solution à la recherche d'un problème, problème qui n'existe pas en réalité. Nous sommes sur le point d'écrire une page de l'histoire des droits dans ce pays et, une fois de plus, de signaler au reste du monde que les Canadiens savent accepter, comprendre et inclure, ce qui reflète des valeurs profondément canadiennes.

Si nous pouvions tenir un vote, même aujourd'hui, contre cet amendement, ce serait — je vais vous en offrir l'occasion et le moyen de le faire — en présentant une motion d'amendement à ce rapport.

Motion d'amendement

L'honorable Grant Mitchell : C'est pourquoi, honorables sénateurs, je présente la motion suivante à l'égard du 24e rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles :

Que le vingt-quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ne soit pas maintenant adopté, mais qu'il soit modifié par suppression de l'amendement no 3.

(Sur la motion du sénateur Plett, le débat est ajourné.)

La Loi constitutionnelle de 1867
La Loi sur le Parlement du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Mercer, appuyée par l'honorable sénateur Mitchell, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-223, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi sur le Parlement du Canada (présidence du Sénat).

L'honorable Stephen Greene : Mesdames et messieurs, avant tout, j'aimerais remercier le sénateur Mercer d'avoir présenté le projet de loi S-223; je lui souhaite la meilleure des chances. Le Sénat est bien tranquille en l'absence du sénateur Mercer. Il y régnait en décembre dernier un silence si complet que notre Président a ressenti le besoin d'interdire officiellement la somnolence.

Comme vous le savez sans doute, tous les mois de juin, dans les derniers jours de la session parlementaire, nous nous efforçons de clore tous les dossiers, de mettre les points sur les « i ». Il arrive parfois que la pression monte.

Cependant, à la toute fin de la session parlementaire, en juin dernier, le sénateur Mercer a su égayer les festivités. Il nous a offert un projet de loi concernant la présidence du Sénat qui propose rien de moins qu'une modification constitutionnelle. Imaginez!

(1520)

On a déjà essayé de le faire auparavant. En 2003, le sénateur Oliver avait déposé un projet de loi très semblable à celui du sénateur Mercer.

Je voudrais dire d'entrée de jeu que je suis très, très en faveur d'un Sénat qui choisirait son propre Président, mais il est peut-être contre-productif de présenter en ce moment un projet de loi à ce sujet. De plus, il y a au moins deux moyens auxquels le Sénat peut recourir pour choisir son propre Président. Je vais les examiner brièvement.

La méthode du sénateur Mercer consiste à demander à la Chambre des communes d'approuver une modification constitutionnelle en invoquant l'article 44. Cette disposition permet de modifier la Constitution au moyen d'un simple vote du Parlement quand il s'agit de questions de gouvernance. Je crois que le sénateur Mercer a raison de dire que c'est une question de gouvernance. Par conséquent, il est possible de recourir à l'article 44. Toutefois, j'aurais vraiment du mal en ce moment à supporter un débat à la Chambre des communes au sujet du Sénat. Ceux d'en face ont peut-être ou non des collègues à l'autre endroit. Personnellement, j'en ai, et je ne souhaite pas leur imposer un débat sur le Sénat en ce moment.

Poursuivons. Pourquoi notre Président est-il actuellement nommé par le gouverneur général sur avis du premier ministre? L'historique est un peu brumeux, mais je crois que cette façon de procéder découle de la pratique britannique et, comme le montrent les débats de la Confédération de l'époque, c'était un moyen de lier le Sénat à la Chambre des communes, c'est-à-dire à la Chambre élue, et de renforcer ainsi les perspectives de stabilité du gouvernement.

Bien entendu, avec le temps, beaucoup de pratiques, procédures et conventions révèlent que le vrai lien avec la Chambre des communes et le gouvernement se fait maintenant par l'entremise non du Président, mais plutôt du leader du gouvernement au Sénat, qui fait parfois partie du Cabinet, et aussi du leader adjoint, qui joue un peu le rôle de leader du gouvernement avec, pour tâche, de faire adopter par le Sénat les projets de loi du gouvernement avec le moins de changements possible. Ces deux postes ne sont pas mentionnés dans la Constitution, mais ils sont sensiblement plus importants aujourd'hui que celui du Président quand il s'agit de faire adopter les projets de loi du gouvernement. Aujourd'hui, ce sont ces rôles et non celui du Président qui constituent le cordon ombilical qui relie le Sénat au gouvernement. Par conséquent, les raisons pratiques pour lesquelles le gouverneur général choisit notre Président sur avis du premier ministre n'ont pas le même poids de nos jours.

J'aimerais bien que nous puissions choisir notre propre Président, et ce, pour un certain nombre de raisons.

Comme nous le savons tous, l'idée qu'un organe — n'importe quel organe, groupe, organisation ou institution — choisisse son propre président est très courante dans notre société. C'est la norme de la plupart des entreprises, des associations commerciales et des organismes publics et privés de tout genre. Cette pratique est assimilée à la façon démocratique de faire les choses d'une manière responsable et transparente. De nombreux vérificateurs financiers et vérificateurs d'entreprises encouragent leurs clients qui ne l'ont pas déjà fait à adopter cette pratique dans leur conseil d'administration. Il est plus responsable et transparent d'élire que de nommer. Bref, on estime qu'un organisme qui élit son président a une bonne gouvernance. Je voudrais que le Sénat constitue aussi un exemple de bonne gouvernance.

Quand je dis à mes amis que nous n'élisons par notre Président, ils trouvent cela étrange, sinon antidémocratique. En laissant de côté les questions d'indépendance et d'autonomie, j'irai même jusqu'à dire qu'il serait plus démocratique que ce que nous faisons actuellement de laisser les députés élire notre Président, aussi risible que cette idée puisse paraître.

En effet, toutes les assemblées législatives provinciales et territoriales élisent leur propre Président. C'est ce que fait notre Chambre des communes. Depuis 1901, le Président du Sénat de l'Australie est élu par scrutin secret pour un mandat de trois ans.

On considère généralement que, en élisant son Président par scrutin secret, l'assemblée législative favorise l'impartialité de cette fonction. C'est ce que les sénateurs Oliver et Mercer ont fait valoir dans leurs discours, notamment en ce qui a trait au scrutin secret.

Les sénateurs Oliver et Mercer sont d'avis qu'un Président élu ne devrait voter que lorsqu'il y a égalité des voix, mais qu'il peut s'abstenir dans ce cas. Ils soutiennent également que les décisions de la présidence ne devraient pas pouvoir être révisées par l'ensemble du Sénat. Le fait de permettre leur révision affaiblit le pouvoir et l'impartialité du Président.

Le sénateur Oliver parle également d'un aspect qui n'est pas abordé par le sénateur Mercer. Il soutient que le Président devrait être élu pour un mandat non renouvelable qui pourrait peut-être durer trois ans, comme en Australie. Cela aurait comme avantage de permettre à un plus grand nombre de sénateurs de tirer parti de leur expérience et de leurs compétences en occupant ce poste important. Je suis d'accord avec le sénateur Oliver. Ce genre de règle mettrait à profit le capital humain du Sénat.

En 2004, le sénateur Oliver a dit ceci lorsqu'il a pris la parole au sujet de son projet de loi, le projet de loi S-16 :

Le Président n'est ni au service du premier ministre, ni du gouvernement, ni de l'opposition. Il est au service du Sénat.

Comme nous le savons tous, ce sont des observations qui ont ensuite été répétées et citées par le sénateur Kinsella, et je les approuve également, car notre Président est non seulement le président de notre Chambre, il devient aussi le principal administrateur de cette institution.

Quant à savoir si nous devrions élire notre Président, cette question n'est pas seulement liée à la bonne gouvernance de cette institution. Elle est essentielle pour déterminer à quel point le Sénat devrait être autonome.

Il importe de saisir la différence entre l'indépendance du Sénat et son caractère autonome.

Nous sommes tous d'accord pour dire que nous devons être autonomes dans notre propre domaine. Les sénateurs Nolin, Joyal et Carignan ont parlé récemment de la question. Cela ne sert en rien la démocratie au Canada que la Chambre des communes, le Cabinet, le gouverneur général ou quelque autre entité influence notre rôle indûment. C'est précisément pour cette raison que nous devons nous occuper nous-mêmes du rôle et du choix de notre Président.

Quant à l'indépendance, je crois, après de nombreuses discussions avec beaucoup de sénateurs de part et d'autre de notre assemblée, que la majorité des sénateurs estiment que le Sénat devrait être plus indépendant qu'il ne l'est actuellement. Cela dit, les opinions divergent largement au sujet du degré d'indépendance et des éléments précis à l'égard desquels elle doit s'affirmer. Les opinions sur le degré d'indépendance que nous devrions avoir varient selon le niveau de l'esprit de parti de chacun et selon que le sénateur siège du côté du gouvernement ou de l'autre.

À mon sens, nous ne devons pas nous précipiter. Ce n'est pas nécessaire. Comme nous le savons tous, les élections fédérales auront lieu dans huit mois. Plusieurs dossiers sont au menu de l'autre endroit : le budget, le projet de loi sur la lutte contre le terrorisme et sur la sécurité publique, le renouvellement du mandat militaire dans la lutte contre le groupe État islamique, et la liste continue.

Nous en sommes aussi à un stade où le moindre enjeu peut rapidement devenir un ballon politique. De plus, pour certains, à l'autre endroit, le Sénat est le ballon politique de prédilection. Le sénateur Mercer n'a censément aucun collègue de l'autre côté, mais j'en ai et je ne leur souhaite pas un débat inutile à ce moment-ci.

Je ne veux pas dire par là que le choix de notre Président soit une question sans importance. Au contraire. Mais rien ne presse. Nous avons un excellent Président, qui a été choisi récemment et pour qui nous aurions voté si nous en avions eu la possibilité. Et il est bien en selle. Nous avons tout le temps devant nous, c'est un fait. Prenons notre temps, et faisons les choses correctement.

À part le genre de modification constitutionnelle recommandé par les sénateurs Oliver et Mercer, il serait possible de recourir à un autre moyen relevant de nous : une modification de notre Règlement. Dans cette modification, nous pourrions établir des procédures, y compris un scrutin secret et même un mandat renouvelable, si nous le souhaitons, qui aboutiraient à la sélection et à l'élection du prochain Président par le Comité de sélection. Avec le temps, la convention prévoyant la nomination du Président par le gouverneur en conseil sur avis du premier ministre serait remplacée par une convention chargeant le Sénat de choisir son Président.

Il y a cependant un autre aspect du débat qui renforce peut-être l'éventuel besoin d'un changement fondé sur l'article 44 plutôt que sur la modification de notre propre Règlement. Je parle du récent débat concernant l'élargissement des pouvoirs administratifs du Président à titre de président du Comité de la régie interne.

Si la Chambre élit son Président pour asseoir son autorité administrative, les pouvoirs administratifs du Sénat, en vertu de notre Règlement, sont conférés au Sénat dans son ensemble et attribués au Comité de la régie interne. S'il est question de modifier les pouvoirs administratifs de notre Président, je pense qu'il serait bon pour nous de faire preuve de bonne gouvernance en élisant la personne à qui ces pouvoirs sont conférés.

Voici ce que je recommande fortement aujourd'hui : nous devrions rejeter le projet de loi du sénateur Mercer — non pas qu'il soit mauvais, mais il arrive au mauvais moment et a peut-être une portée trop étroite. Après les prochaines élections fédérales, nous pourrions envisager un projet de loi différent prévoyant l'élection de notre Président et la définition claire de ses pouvoirs.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

(1530)

Le Sénat

Motion tendant à constituer un comité spécial sur la transformation du Sénat—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l'honorable sénatrice Cordy,

Qu'un comité spécial sur la transformation du Sénat soit nommé pour examiner :

1. les façons de réduire le rôle des partis politiques au Sénat en établissant des caucus régionaux et des systèmes pour assurer la reddition de comptes aux citoyens;

2. les façons d'accroître la participation des sénateurs à la gestion des travaux du Sénat en créant un comité à cette fin et en assurant l'égalité régionale au sein dudit comité;

3. les façons de permettre aux sénateurs de participer au choix du Président du Sénat en proposant une recommandation au premier ministre;

4. les façons d'adapter la Période des questions pour accroître son utilité en tant qu'exercice de reddition de comptes;

5. toute autre question que le Sénat pourrait lui renvoyer;

Que le comité soit composé de neuf membres, désignés par le Comité de sélection, et que le quorum soit constitué de quatre membres;

Que le comité soit habilité à convoquer des personnes, à obtenir des documents et des dossiers, à interroger des témoins et à faire imprimer au jour le jour les documents et témoignages dont il peut ordonner l'impression;

Que, nonobstant l'article 12-18(2)b)(i) du Règlement, le comité soit habilité à se réunir du lundi au vendredi, même si le Sénat est alors ajourné pour une période de plus d'une semaine;

Que le comité soit habilité à faire rapport de temps à autre et à présenter son rapport final au plus tard le 30 juin 2015.

L'honorable Stephen Greene : Honorables sénateurs, je demande que cette motion passionnante soit inscrite à mon nom.

(Sur la motion du sénateur Greene, le débat est ajourné.)

L'Université Trinity Western

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Plett, attirant l'attention du Sénat sur la décision prise par certains barreaux provinciaux de refuser de reconnaître la nouvelle école de droit de l'Université Trinity Western.

L'honorable Bob Runciman : Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui et de débattre de l'interpellation de l'honorable sénateur Plett attirant l'attention sur la décision prise par certains barreaux provinciaux de refuser de reconnaître la nouvelle école de droit de l'Université Trinity Western. J'aimerais d'abord saluer le sénateur Plett. Il s'aventure là où d'autres n'oseraient pas s'aventurer, et je le félicite d'avoir lancé cette interpellation au Sénat.

À mon avis, ce qui est le plus troublant dans cette situation, c'est que les personnes sur qui nous comptons pour défendre des valeurs comme la diversité et la tolérance puissent se montrer aussi intolérantes. Ces grands défenseurs de la suprématie de la Charte canadienne des droits et libertés sont tout à fait prêts à brimer une liberté fondamentale — la liberté de religion — tout simplement parce que les valeurs de cette université ne correspondent pas à leur vision très libérale.

Le nœud du problème, c'est ce pacte d'engagement communautaire que les étudiants de l'Université Trinity Western doivent signer. Selon ce pacte, les étudiants doivent s'abstenir de tout rapprochement sexuel qui viole le caractère sacré du mariage entre un homme et une femme.

Ce pacte ne correspond peut-être pas aux valeurs les plus répandues dans la société canadienne, mais il reflète la philosophie de Trinity Western, une université chrétienne privée. L'Université Trinity Western ne refuse pas les étudiants gais — et elle ne devrait pas en avoir la possibilité —, mais elle a le droit de s'attendre à ce que ses étudiants se comportent de façon à respecter les valeurs qu'elle prône.

Dans une décision rendue en 2001, qui portait sur la reconnaissance des diplômés du programme de formation des enseignants de l'Université Trinity Western, la Cour suprême a déclaré que le pacte de cette université n'était pas discriminatoire puisqu'il cherchait à interdire certains comportements, et non certaines croyances.

Le printemps dernier, les conseillers du Barreau du Haut-Canada, organisme qui représente les avocats dans ma province, l'Ontario, ont voté à 28 contre 21 l'interdiction aux diplômés de l'Université Trinity Western d'exercer le droit dans cette province. Je ne sais pas si cette opinion est partagée par la majorité au sein de la profession juridique en Ontario — j'espère bien que non — ou si ce n'est qu'un exemple de plus d'organisation dont les dirigeants sont déconnectés de leurs membres. Il est certain que l'avocat typique de l'Ontario ne traiterait pas avec une telle légèreté une liberté canadienne fondamentale.

Comme l'avocate Anna Wong l'a écrit dans le Law Times, l'année dernière :

En refusant la reconnaissance à l'Université Trinity Western, le Barreau refuse catégoriquement à ses diplômés la possibilité d'exercer leur profession en Ontario parce qu'ils ont choisi d'exercer leur droit à la liberté de religion en vivant selon leur philosophie chrétienne et de fréquenter une université chrétienne privée qui reflète ces valeurs, énoncées dans la convention de la communauté, et ce, sans leur donner la possibilité de démontrer qu'ils ont la compétence nécessaire en droit et en éthique pour fournir des services juridiques.

Je pense qu'elle a soulevé un point très important. Cela n'a rien à voir avec le fait d'essayer d'empêcher de mauvais avocats d'exercer dans la province. La qualité du programme de la faculté proposée ne semble pas poser problème pour ses adversaires. Ils cherchent plutôt à interdire à des gens de gagner leur vie en raison de croyances religieuses qu'ils pourraient ou non avoir.

Il n'est pas encore certain que le Barreau du Haut-Canada l'emportera dans cette chasse aux sorcières peu judicieuse, partiale et hypocrite. L'affaire est toujours devant les tribunaux. Mais l'Université Trinity Western, et tous ceux qui croient en la liberté de religion, peuvent être encouragés par la récente décision de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, qui a jugé, en janvier dernier, que la Nova Scotia Barristers Society n'avait pas le droit d'exiger de l'Université Trinity Western qu'elle abandonne sa convention pour permettre à ses diplômés d'exercer le droit dans cette province. Dans cette décision, le juge Jamie Campbell signale que ce n'est pas l'Université Trinity Western qui fait de la discrimination, mais les avocats de la Nouvelle-Écosse.

Honorables sénateurs, je cite cette décision :

Les gens ont le droit de fréquenter une université religieuse privée qui impose un code de conduite basée sur une religion [...] Étudier dans un milieu où les gens s'engagent à adhérer au code équivaut à une pratique religieuse et constitue une expression de la foi religieuse. Obliger une personne à renoncer à ce droit pour que ses études professionnelles soient reconnues correspond à une violation de la liberté religieuse.

Le juge Campbell signale également le manque de logique manifesté par la Nova Scotia Barristers Society en tentant d'exclure un diplômé de Trinity Western :

[...] même si la personne ne souscrit pas aux politiques de l'université et même si elle fait partie de la communauté GLBT. Pourtant, la Nova Scotia Barristers Society n'écarte pas de la profession, à juste titre, les avocats qui adhèrent aux préceptes religieux qui sous-tendent les politiques de Trinity Western ou qui font partie d'organismes religieux ou privés qui prônent les mêmes positions morales que celle-ci et qui imposent des restrictions semblables à leurs membres.

C'est tout simplement insensé, honorables sénateurs. Les réactions hystériques engendrées par les plans de l'Université Trinity Western pour la création d'une école de droit seraient risibles si elles ne venaient pas de certains des plus éminents avocats du Canada. Pourquoi un petit établissement d'études postsecondaires et un programme de droit qui n'existe même pas encore leur inspirent-ils une telle crainte? Cela demeure un mystère à mes yeux.

Nous parlons d'un groupe de gens qui proteste contre toute modulation du système judiciaire, aussi mineure soit-elle, arguant immanquablement qu'on se rapproche de l'imposition d'un État policier. Néanmoins, ces gens sont tout à fait disposés à violer une liberté canadienne fondamentale pour cibler un groupe qu'ils désapprouvent. Ce sont des hypocrites de premier ordre.

(Sur la motion du sénateur Meredith, le débat est ajourné.)

La prestation de soins aux personnes atteintes de démence

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Andreychuk, attirant l'attention du Sénat sur les défis auxquels doivent faire face un nombre important et grandissant de Canadiens qui fournissent des soins à des parents ou à des amis atteints de démence.

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, imaginez-vous un monde où le connu devient l'inconnu et où les choses qui vous étaient familières ne le sont plus. Imaginez-vous marcher aux côtés de quelqu'un que vous ne reconnaissez pas ou oublier des souvenirs qu'il a fallu une vie entière pour créer. Ce monde doit, en effet, être effrayant. Or, c'est quelque chose que vivent un nombre grandissant de Canadiens.

En 2011, on estimait que 740 000 Canadiens souffraient d'une certaine forme de démence. Si rien ne change au Canada, on prévoit que ce nombre atteindra 1,4 million d'ici 2031. Malheureusement, ces chiffres sont loin de refléter fidèlement le nombre de personnes qui sont touchées par cette maladie, lorsque nous tenons compte des conjoints, des enfants et des aidants naturels qui côtoient quotidiennement cette maladie.

J'aimerais prendre un moment pour vous parler d'un Néo-Écossais du nom de Darce Fardy. Darce est un ancien journaliste et un ancien agent de l'accès à l'information qui habite à Halifax. Il a reçu un diagnostic de démence et écrit régulièrement des articles dans le Chronicle Herald au sujet de sa progression. Il a parlé de son retour à la salle de conditionnement physique pour favoriser sa concentration, ainsi que de ses rendez-vous chez le physiothérapeute pour l'aider à tenir la forme le plus longtemps possible. Ce qui frappe le plus dans les récits de Darce, c'est l'humour qu'il a réussi à garder malgré son diagnostic et la progression de sa maladie. Il parle ouvertement des répercussions que sa maladie a sur lui et ses proches au quotidien. Darce précise ceci :

Il n'y a aucune raison pour les gens atteints de démence d'éviter les contacts sociaux, et c'est le message que j'essaie de transmettre.

(1540)

Darce affirme que de nombreuses personnes l'ont chaleureusement remercié de raconter son histoire et l'ont encouragé à continuer d'écrire. Il dit aussi rencontrer beaucoup de gens qui ne savent pas comment se comporter avec lui, mais ajoute qu'il parvient, lentement mais sûrement, à les convaincre qu'une bonne partie de ce qu'il était est encore là. Honorables sénateurs, les articles qu'il publie dans le Chronicle Herald de Halifax sont extraordinaires et valent vraiment la peine d'être lus. Son médecin, le Dr Ken Rockwood, professeur et directeur de la recherche en médecine gériatrique de l'Université Dalhousie, a comparu comme témoin devant le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement, alors que nous préparions le rapport intitulé Une population vieillissante : enjeux et options, déposé au Sénat en mars 2008.

La démence peut prendre bien des formes. Elle diffère beaucoup de l'affaiblissement de la mémoire associé à l'âge, un mal qui touche près de 40 p. 100 des personnes de plus de 65 ans et avec lequel la démence est souvent confondue. Les signes précurseurs de la démence et, surtout, de la maladie d'Alzheimer peuvent inclure les pertes de mémoire qui nuisent aux fonctions routinières, la difficulté d'exécuter des tâches qui nous sont familières, des problèmes de langage, des problèmes d'orientation spatiale et temporelle, un jugement déficient ou diminué, la difficulté de penser en termes abstraits, le fait de ranger les choses au mauvais endroit, des changements d'humeur ou de personnalité, et le déclin de l'esprit d'initiative.

Il y a de nombreux avantages à diagnostiquer la maladie de façon précoce et exacte, notamment amener le patient à participer activement à ses soins et à apprendre à utiliser les médicaments efficacement. Cela donne également à la famille la possibilité de se renseigner sur ce problème de santé et de se préparer à aider ceux qui leur sont chers. Honorables sénateurs, il est important que les membres des familles demandent de l'aide pour eux-mêmes comme soignants. Un diagnostic précoce est également utile pour combattre la stigmatisation qui est souvent associée aux problèmes de santé mentale. Il peut aider les personnes atteintes de démence à continuer à vivre pleinement leur vie et à faire part de leur expérience pour encourager d'autres personnes à demander un diagnostic et de l'aide. Comme pour toute maladie, il est important de se renseigner sur les faits, au lieu de faire des suppositions, et de traiter les personnes atteintes avec respect et dignité.

Il y a des moyens qui peuvent être efficaces pour prévenir la démence. Il est utile de conserver un poids santé en faisant régulièrement de l'exercice et en s'alimentant sainement. Il est aussi recommandé de limiter la consommation d'alcool, de s'abstenir de fumer et de garder une tension artérielle saine. D'ailleurs, il est important de sensibiliser les gens. Il est clair qu'il faut encourager les Canadiens de plus de 65 ans à être plus actifs, mais nous devons aussi élaborer des programmes et des stratégies nationales de publicité qui s'adressent aux personnes âgées et sont axées sur les activités qu'elles peuvent avoir pour continuer de bouger et retarder la démence. Ces activités comprennent la marche, la natation, les exercices aérobiques et les exercices en piscine.

Honorables sénateurs, les effets de la maladie sont très importants. Comme nous n'avons pas encore de tests simples pour diagnostiquer la démence et qu'il n'existe ni remède connu, ni moyen de réparer les dégâts, il est indispensable de faire de la prévention la grande priorité. Il est essentiel de nous occuper non seulement de ceux qui sont atteints par la maladie, mais aussi de ceux qui les soignent. Il peut souvent être extrêmement lourd à bien des égards de prendre en charge un être cher atteint de démence. Il faut, bien entendu, dispenser des soins corporels, mais c'est souvent le poids psychologique qui peut laisser les traces les plus profondes et les plus durables. Lorsqu'on lui a demandé, au départ, de parler de son état à l'émission The Current à la CBC, Darce Fardy a fait remarquer que, avec beaucoup de bon sens, on avait demandé à son épouse de participer à l'interview. Dans l'un de ses articles, il écrit ce qui suit :

[...] Je l'ai dit à maintes reprises, lorsque la démence survient, la famille en souffre autant que la personne diagnostiquée.

Dorothea ne souhaite pas autant que son mari, un ancien journaliste, attirer l'attention du public. Mais elle reconnaît que les gens doivent entendre son histoire tout autant que la mienne.

Honorables sénateurs, il est impératif que nous élaborions un programme d'appui des compétences pour les aidants naturels. On a constaté que, si les femmes constituent 72 p. 100 des Canadiens touchés par la maladie d'Alzheimer, surtout en raison de leur espérance de vie plus longue, elles représentent aussi la majorité des gens qui s'occupent de ces malades. Il y a actuellement peu de formation et peu d'aide pour les aidants naturels. La mise en œuvre de stratégies de développement de compétences et de la capacité d'adaptation ou l'intervention d'un gestionnaire de cas assurant la coordination avec le patient et le soignant seraient non seulement profitables, mais permettraient aussi, selon les estimations, de faire économiser environ 114 milliards de dollars au système de soins de santé.

J'appuie la proposition de la sénatrice Andreychuk d'élaborer une solution canadienne et de réévaluer notre système de soins de longue durée afin de mieux reconnaître le travail et les besoins des aidants naturels et de les aider dans leur tâche. Plusieurs pays, dont l'Australie, la Norvège, les Pays-Bas, la France, l'Écosse et le Royaume-Uni, ont élaboré des cadres précis pour faire face à la démence. Malheureusement, nous n'avons pas encore au Canada de stratégie nationale sur cette question. Six des dix provinces élaborent actuellement des stratégies, mais il est clair, comme on a pu le constater à propos d'autres maladies comme le diabète, le cancer et le VIH-sida, que de meilleurs programmes sont offerts dès lors que le gouvernement fédéral manifeste un engagement sérieux. Cet engagement permettra aux aidants naturels de pouvoir mieux soigner les personnes qui leur sont chères.

Nous ne pouvons pas écarter les difficultés qu'éprouvent les personnes atteintes de démence et ceux qui prennent soin d'elles, mais nous pouvons les aider à affronter cette maladie.

L'honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, je me souviens très bien des difficultés liées à la démence qui étaient portées à mon attention à l'époque où j'étais ministre provincial. Je serais honoré que le débat soit ajourné à mon nom.

(Sur la motion du sénateur Mockler, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mercredi 11 mars 2015, à 13 h 30.)

© Sénat du Canada

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